Opinion individuelle de M. Petrén

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059-19741220-JUD-01-03-EN
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059-19741220-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. PETRÉN

Pour les raisons que j'ai déjàexpriméesdans mon opinion dissidente
jointe à l'ordonnance du 22 juin 1973,j'ai toujours été d'avisque la pré-
sente affaire devait être jointe à celle des Essais nuc1c;aires(Australie
c. France). La Cour ayant rejetécette proposition, il ne me reste qu'à
joindre au présent arrêt une opinion individuelle analogue à celle que

j'ai jointe à I'arrêtrendu ce jour en l'autre affaire.

Si j'ai pu voter pour I'arrêt,c'est parce que son dispositif énonce que
la demande est sans objet et qu'il n'y a pas lieu à statuer. Mon examen de
l'affaire m'a amené au mêmerésultat mais pour des raisons qui ne
coïncident pas avec les motifs de I'arrêt.

L'affaire à laquelle I'arrêt met unterme n'a pas quitté le stade pré-
liminaire où se posent les questions de la compétence de la Cour et de la
recevabilité de la requête. Lademande en indication de mesures conser-
vatoires présentéepar la Nouvelle-Zélande ne saurait avoir eu pour
conséquence de suspendre l'obligation pour la Cour d'examiner dans le
plus bref délai les questions préliminaires de compétence et de receva-

bilité. Au contraire, cette demande ayant étéaccordée, il était particu-
lièrement urgent que la Cour décidesi elle avait étévalablement saisie de
l'affaire. Tout retard à cet égardétait denature à prolonger d'une manière
embarrassante pour la Cour et pour les Parties l'incertitude concernant
l'existence d'une condition absolue pour justifier l'indication de mesures
conservatoires.
Cette situation exigeait au plus haut degré l'application rigoureuse des

dispositions du Règlement de la Cour qui viennent d'êtrereviséesen vue
d'accélérer laprocédure. Tout récemment encore, le 22 novembre 1974,
l'Assemblée générale desNations Unies a adopté la résolution 3232
(XXIX) sur l'examen du rôle de la Cour dont l'un des considérants
rappelle que la Cour a reviséson Règlement de manière qu'il soit plus
facile d'avoir recours à elle pour le règlement judiciaire des différends,

entre autres en réduisant la possibilité de délais. Parmi les raisons invo-
quéespar la Cour elle-mêmepour justifier la revision du Règlement, il y
avait la nécessitéd'adapter la procédure au rythme des événementsinter-
nationaux (C.I.J., Annuaire 1967-1968, p. 86). Or si jamais, dans l'âge
atomique, une affaire a étéde nature a exiger d'êtrerégléeau rythme des
événementsinternationaux, c'est bien la présente affaire. Néanmoins,
par son ordonnance du 22 juin 1973 portant indication de mesures

conservatoires, la Cour a reporté à plus tard la continuation de l'examen
des questions de compétence et de recevabilité dont elle constatait dansl'un des considérants de I'ordonnance qu'il était nécessairede les régler
aussi rapidementquepossible.
En dépit dela fermetéde cette constatation faite en juin 1973, les ques-
tions préliminaires dont il s'agit ne sont pas encore tranchées au seuil de
l'année 1975. Ayant votécontre I'ordonnance du 22 juin 1973parce que
je trouvais que les questions de compétence et de recevabilité pouvaient

et devaient être résolues sans renvoi à une session ultérieure, j'ai à plus
forte raison étéopposé aux retards qui ont marqué la suite de la procé-
dure et ont abouti à ce que la Cour conclue que la requête dela Nouvelle-
Zélande manque maintenant d'objet. 11me faut rappeler les circonstances
dans lesquelles des délais ont étéfixés,puisque c'est à la lumière de ces
circonstances que j'ai eu à prendre position sur les suggestions tendant à

reporter à une date ultérieure l'examen de la recevabilité de la requête.

En invitant, par I'ordonnance du 22 juin 1973, les Parties à produire
des pièces écrites sur les questions de la compétence de la Cour et de la
recevabilité de la requête,la Cour a fixéla date d'expiration des délais
au 21 septembre 1973 pour le dépôt du mémoire du Gouvernement néo-
zélandais et au 21 décembre 1973 pour le dépôt du contre-mémoire du

Gouvernement français. Une ordonnance rendue par le Président le
6 septembre 1973 a, sur demande du Gouvernement néo-zélandais,
reporté au 2 novembre 1973 la date d'expiration du &lai pour le dépôt
du mémoire de ce gouvernement et au 22 mars 1974 la date d'expiration
du délaipour le dépôt du contre-mémoire du Gouvernement français.
Les circonstances dans lesquelles la procédure écritesur les questions

préliminaires a été ainsiprolongée jusqu'au 22 mars 1974 donnent lieu
à plusieurs observations. Ainsi aucun contact en ce qui concerne la
longueur des délais n'a étépris avec le Gouvernement français avant la
première fixation des délais, tandis qu'un tel contact a étépris avant leur
prorogation. Le Gouvernement français a alors répondu que, ayant
déniéla compétence de la Cour en l'affaire, il ne pouvait exprimer

d'opinion. 11faut penser que si ce gouvernement avait étéconsulté dès la
première fixation des délais, il aurait donné la mêmeréponse que deux
mois et demi plus tard. 11aurait donc été clairdès ce moment que ledit
gouvernement n'avait pas l'intention de participer à la procédure écrite
et iln'y aurait pas eu lieu de réserver une période de trois mois pour la
production d'un contre-mémoire. Ainsi l'affaire aurait-elle pu être en

état dès la fin de l'été1973, ce qui aurait permis à la Cour de rendre son
arrêtavant la fin de la mêmeannée.

Après s'êtreprivée de la possibilité d'organiser la procédure orale au
cours de l'automne 1973, la Cour s'est trouvée en face de la demande de
prorogation de délaipour le dépôt du mémoire. Le seul motif pour lequel
le coagent de la Nouvelle-Zélande a formulé cette demande consistait

en une référenceà la prorogation, dans l'autre affaire, du délai pour le
dépôt du mémoire du Gouvernement australien et au ((désirprobable ))
de la Cour de fixer les mêmesdélaisdans les deux affaires. Ainsi la pro-

3 1rogation de délaisen la présente affaire ne fut que la conséquence de la
prorogation de délaisdans l'autre affaire, ce qui contribue à projeter de
la lumière sur le bien-fondé de la décision de la Cour de ne pas joindre
les deux affaires. Dans aucune des deux affaires les prorogations ne me
paraissent justifiées, surtout pas lorsqu'il s'agissait de délais de plu-

sieurs mois accordés pour le dépôt de contre-mémoires que le Gouver-
nement français n'avait pas l'intention de présenter. Mais ce n'est pas
tout.
L'ordonnance du 6 septembre 1973 a aussi eu pour conséquence de
renverser l'ordre suivant lequel la présente affaire et les affaires de la
Compétence en matière de pêclleries auraient dû se trouver en état. Dans

ces dernières affaires, la Cour, après avoir indiqué des mesures conser-
vatoires par ordonnances du 17 août 1972, s'était déclaréecompétente
par arrêtsdu 2 février1973et avait, par ordonnances en date du 15février
1973, fixéla date d'expiration des délais pour le dépôtdes mémoires et
contre-mémoires aux leraoût 1973 et 15 janvier 1974 respectivement.
Si I'ordonnance du 6 septembre 1973 prorogeant les délais fixés en la

présente affaire n'était pas intervenue, celle-ci aurait étéen état le 22 dé-
cembre 1973, donc avant les affaires de la Compétence en matière de
pêcheries sur lesquelles elle aurait eu priorité en vertu de l'article 50,
paragraphe 1, du Règlement de 1972aussi bien que de l'article 46, para-
graphe 1, du Règlement de 1946, encore applicable aux affaires de la
Compétence en matière de pêcheries. Après que l'ordonnance du 6 sep-

tembre 1973 eut prolongé la procédure écrite en la présente affaire
jusqu'au 22 mars 1974, c'est aux affaires de la Compétenceen matière de
pêclieriesqu'est revenue la priorité fondée sur les dispositions précitées
du Règlement dans ses deux versions. Or la Cour aurait pu décider de
rétablir le précédentordre de priorité, décisionque l'autorisaient à pren-

dre, en raison de circonstances particulières, l'articl50, paragraphe 2,
du Règlement de 1972 aussi bien que l'article 46, paragraphe 2, du
Règlement de 1946. L'inutilité du délai fixépour le dépôt du contre-
mémoire du Gouvernement français constituait une circonstance parti-
culière, mais ily en avait d'autres, d'un poids encore plus grand. Dans
les affaires de la Compétence en matière de pêcheries, la Cour s'étant

déclarée compétente, l'incertitude concernant la justification de I'indi-
cation de mesures conservatoires avait cessé d'exister, tandis qu'en la
présente affaire cette incertitude a persisté de longs mois. Or la France,
qui avait demandé que l'affaire fût rayée du rôle, avait, en supposant que
cette attitude fût justifiée, un intérêtà voir un terme mis à l'affaire et par
là aux nombreuses critiques qu'on lui faisait de ne pas appliquer des

mesures conservatoires présumées indiquéespar une Cour compétente.
Par ailleurs, comme il se pouvait que la France procédât pendant l'été
1974à une nouvelle série d'essais nucléairesatmosphériques, la Nouvelle-
Zélande avait un intérêt particulierà voir confirmée auparavant la com-
pétence de la Cour, ce qui aurait conféréplus d'autorité à l'indication de
mesures conservatoires.

Pour toutes ces raisons, on aurait pu s'attendre à ce que la Cour décided'examiner la présente affaire avant celles de la Compétence en matièrede
pêcheries. Cependant, le 12 mars 1974, une proposition à cet effet fut
rejetée par six voix contre deux avec six abstentions. Ainsi la Cour se
privait-elle de la possibilité de rendre un arrêten la présente affaire avant
la fin de la période critique de l'année1974.
Cette sériede retards ayant fait durer la procédure jusqu'à la fin de

l'année 1974, la Cour décideaujourd'hui que la requête dela Nouvelle-
Zélande est sans objet et qu'il n'y a dèslors pas lieu à statuer.

On ne saurait prendre position sur cet arrêtsans se rendre compte de
ce qu'il signifie quant aux questions préliminaires retenues par I'ordon-
nance du 22 juin 1973 comme devant êtreexaminées par la Cour en la

présente phase de la procédure. Il s'agit de la compétence de la Cour pour
connaître du différend et de la recevabilitéde la requête, questions entre
lesquelles il n'est pas facile de distinguer, ainsi que la Cour a eu maintes
fois l'occasion de le dire. On pourraît mêmeregarder la recevabilitéde la
requête comme une condition à la compétence de la Cour. A l'article 8

de la Résolution visant la pratique interne de la Cour en matière judi-
ciaire, compétence et recevabilité sont rangées côte à côte comme des
conditions à satisfaire pour que la Cour puisse entreprendre l'examen au
fond. C'est sur cette base que I'ordonnance du 22juin 1973a été rédigée.
II ressort de ses considérants que les aspects de la question de compétence
à examiner comprennent notamment, d'une part, les effets de la réserve

relative aux activités serapportant à la défense natidnale que la France
a faite en renouvelant en 1966 son acceptation de la juridiction de la
Cour et, d'autre part, les relations existant entre la France et la Nouvelle-
Zélandeen vertu de l'Acte généralde 1928pour le règlement pacifique des
différendsinternationaux, à supposer que cet instrument soit toujours en
vigueur. En revanche I'ordonnance n'est pas aussi précise en ce qui

concerne les aspects à explorer de la question de la recevabilité de la
requête. Au contraire, puisqu'elle n'en indique aucun, la Cour doit
rechercher de manière tout à fait généralesi elle a étévalablement saisie
de l'affaire. L'une des toutes premières conditions à remplir est de savoir
si le différendconcerne une matière régiepar le droit international. Si tel
n'était pas le cas, le différendn'aurait pas d'objet relevant de la compé-

tence de la Cour, celle-ci n'ayant compétence que pour des différends de
droit international.
L'arrêtfait allusion en son paragraphe 24 à la compétence de la.Cour
telle qu'il la conçoit, c'est-à-dire limitéeaux problèmes ayant trait aux
clausesjuridictionnelles du Statut de la Cour et de l'Acte généralde 1928.
Selon la première phrase de ce paragraphe, ((la Cour doit examiner

d'abord une question qu'elle estime essentiellement préliminaire, à
savoir l'existence d'un différend, car que la Cour ait ou non compé-
tence en l'espèce la solution de cette question pourrait exercer une in-
fluence décisive sur la suite de l'instance )).En d'autres termes, l'arrêt,
qui par la suite ne mentionne plus la question de compétence, indique
que la Cour n'a pas jugé qu'il y ait lieu de l'examiner ni de la tran-487 ESSAIS NUCLEAIRES (OP. IND. PETRÉN)

cher. Sans le dire aussi nettement, il ne traite pas non plus de la rece-
vabilité.
Pour ma part, je ne crois pas possible d'écarterainsi l'examen de toutes
les questions préliminaires retenues par I'ordonnance du 22 juin 1973.
Je suis notamment d'avis que la Cour aurait dû se former d'emblée une
opinion sur le vrai caractère du différend formant l'objet de la requête;
si elle avait trouvé que le différend ne portait pas sur un point de droit

international, c'est pour cette raison tout à fait primordiale qu'elle aurait
dû rayer l'affaire du rôle et non pasà cause de l'inexistence de l'objet du
différendconstatée après de longs mois de procédure.

C'est dans cette optique que je crois devoir examiner maintenant la
recevabilité de la requête dela Nouvelle-Zélande. Je continue à penser,

comme dans mon opinion dissidente jointe à I'ordonnance du 22 juin
1973, qu'il y a lieu avant tout de se demander si, d'une manière générale,
les essais atmosphériques d'armes nucléairessont régispar des normes de
droit international ou s'ilsappartiennent au domaine hautement politique
où les normes internationales de légalitéet d'illégalitésont encore en
gestation. Ilest bien vrai que des différendsau sujet de l'interprétation et
de l'application de règlesde droit international peuvent avoir une grande

importance politique sans perdre pour autant leur cacactère inhérent de
différends juridiques. IIn'en reste pas moins nécessaire de distinguer
entre les différends axéssur des normes de droit international et les ten-
sions entre Etats causées par des mesures prises dans un domaine non
encore régipar le droit international.
A ce sujet,il me semble utile de rappeler ce qui s'est passédans le

domaine des droits de I'homme. Dans un passé relativement récent, le
traitement qu'un Etat réservait à ses propres ressortissants était d'une
manière générale considéré comme ne relevant pas du droit international.
Mêmeles violations les plus outrageantes des droits de I'homme com-
mises par un Etat envers ses propres nationaux n'auraient pu faire l'objet
de la saisine d'un organe judiciaire international par un autre Etat. Une

requêteen cesens aurait étédéclaréenon recevable et n'aurait pu donner
lieu a aucun examen de la matérialitédes faits alléguéspar 1'Etat requé-
rant. Telle aurait été lasituation mêmedans les relations entre Etats
ayant accepté sans réserves la clause facultative de l'article 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale. La simple constatation
que l'affaire concernait une matière non régiepar le droit international
aurait suffi à empêcherla Cour permanente de statuer. Pour reprendre la

terminologie de la présente affaire, cela aurait étéune question de rece-
vabilité de la requêteet non de compétence de la Cour. Ce n'est qu'une
évolution postérieure a la deuxième guerre mondiale qui a abouti à ce
que le devoir des Etats de respecter les droits de I'homme à l'égardde
tous les individus, y compris leurs propres nationaux, constitue une obli-
gation de droit international envers tous les Etats membres de la commu-
nauté internationale. La Cour y a fait allusion dans son arrêten l'affaire

de la Barceloi~aTractioti, Liglit and Power Cornpatry, Limited (C.I.J.Recueil 1970, p. 32). Il faut certes regretter que cette reconnaissance uni-
verselle des droits de l'homme n'ait pas encore étéaccompagnée d'une
évolution correspondante de la compétencedes organes judiciaires inter-

nationaux. Faute d'un systèmeétanchede clauses juridictionnelles appro-
priées, trop de différends internationaux portant sur la protection des
droits de l'homme échappent aux juges internationaux. La Cour l'a
rappelé également dans l'arrêt précité (ibid., p.47), enlevant ainsi du
poids à sa référenceaux droits de l'homme et créant par là l'impression

d'une contradiction qui n'a pas échappé aux auteurs.

Une évolution analogue se dessine aujourd'hui dans un domaine
voisin, celui de la protection de l'environnement. Les essais nucléaires
atmosphériques, envisagés comme un danger particulièrement grave de

pollution de l'environnement, constituent une préoccupation angoissante
de l'humanité du temps présent et il n'est que naturel que des efforts
soient faits sur le plan international pour dresser des barrières juridiques
contre ce genre d'essais. En la présente affaire, il s'agit de savoir si de
telles barrières existaient au moment du dépôt de la requêtede la Nou-
velle-Zélande. La requêtene saurait être considéréecomme recevable si,

au moment de son dépôt, le droit international n'avait pas atteint un
stade tel qu'il régisseles essais atmosphériques d'armes nucléaires. On a
voulu faire valoir qu'il suffit que deux parties se contestent réciproque-
ment un droit pour qu'une requêteà ce sujet émanant de l'une d'elles
soit recevable. Telle serait la situation en l'espèce, mais, à mes yeux, la

question de la recevabilité d'une requêtene saurait se réduire à I'appli-
cation d'une formule aussi simple. Il fautencore que le droit revendiqué
par la partie demanderesse relève d'un domaine régipar le droit inter-
national. En la présente affaire, la requêteest fondéesur l'allégation selon
laquelle les essais nucléaires de la France dans le Pacifique auraient causé
des retombées radioactives sur le territoire de la Nouvelle-Zélande. Le

Gouvernement néo-zélandaisy voit une atteinte à sa souveraineté qui
serait contraire au droit international. Comme il n'existe aucun lien
conventionnel entre la Nouvelle-Zélande et la France en matière d'essais
nucléaires, la requêtesuppose l'existence d'une règle de droit internatio-
nal coutumier interdisant aux Etats de causer. Dar des essais nucléaires
21
atmosphériques, des retombées radioactives sur le territoire d'autres
Etats. C'est donc l'existence ou la non-existence d'une telle règle coutu-
mière qu'il faut constater.
Il a étésuggéréau cours de la procédure que la question de la recevabi-
litéde la requêten'avait pas un caractère exclusivement préliminaire et

que son examen pourrait être différé jusqu'à l'examen du fond. Celapose
une question d'application de l'article 67 du Règlement de la Cour de
1972. Le motif principal de la revision des dispositions du Règlement
qui se trouvent maintenant dans cet article a étéd'éviterque la Cour, en
réservant sa position sur une question préliminaire, ouvre une longue
procédure sur les aspects de fond d'une affaire pour constater en fin

de compte que la réponse à la question préliminaire rendait cette procé-dure superflue. Certes l'articl67 ne parle que des exceptions préliminaires
formulées par le défendeur mais il va de soi que I'esprit de cet article
doit s'appliquer aussi à l'examen des questions concernant la recevabilité
d'une requête sur lesquelles la Cour doit prendre position ex officio.
II va également sans dire que, dans une affaire où le défendeur fait défaut,

l'article 53 du Statut oblige la Cour à veiller avec une attention toute
spéciale à l'observation des dispositions de l'article 67 du Règlement.

Bref, la Cour se trouve appelée pour la première fois à appliquer la
disposition de son Règlement reviséqui a remplacél'ancienne disposition
autorisant la jonction des exceptions préliminaires au fond. On peut se
demander en quoi la nouvelle règlese distingue réellement de l'ancienne.

Pour ma part, je pense que, comme la précédente, la nouvelledisposition
confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d'apprécier au stade initial
d'une affaire si telle ou telle question préliminaire doit êtrerégléeavant
tout. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Cour doit, à mon avis,
apprécier le degré de complexité de la question préliminaire par rapport
à l'ensemble des questions faisant partie du fond. Sila question prélimi-
naire revêtun caractère relativement simple, tandis qu'un examen au fond

donnerait lieu à une procédure longue et compliquée, la Cour se doit de
trancher tout de suite la question préliminaire. Voilà ce qu'exige l'esprit
dans lequel le nouvel article67 du Règlement a étérédigé. Cesconsidéra-
tions me paraissent applicables à la présente affaire.
La Cour se serait fait le plus grand tort si, sans trancher la questionde
recevabilité, elle avait ouvert sur tous les aspects du fond de l'affaire une

procédure nécessairement longue et compliquée, ne serait-ce qu'à cause
des questions scientifiques et médicales en jeu. 11y a lieu de rappeler
que, au stade préliminaire où elle se trouve toujours, la procédure a déjà
subi des retards considérables laissant au Gouvernement néo-zélandais
amplement le temps de préparer ses écritures et plaidoiries sur tous les
aspects de la recevabilité. Comment aurait-on pu dans ces conditions
renvoyer I'examen de la question à une date ultérieure?

11ressort de ce qui précèdeque la recevabilité de la requête dépend,à
mes yeux, de l'existence d'un droit international coutumier interdisant
aux Etats de procéder à des essais atmosphériques d'armes nucléaires
causant des retombées radioactives sur le territoire d'autres Etats.Or il est
notoire, et admis par le Gouvernement néo-zélandais lui-même,que

toute explosion nucléaire dans l'atmosphère cause des retombées radio-
actives dans l'ensemble de l'hémisphèreterrestre où elle s'est produite.
La Nouvelle-Zélande n'est donc que l'un des nombreux Etats sur lesquels
les essais nucléaires atmosphériques de la France, de mêmeque ceux
d'autres Etats, ont causédes retombées radioactives. Depuis la deuxième
guerre mondiale, certains Etats ont procédéà des essais nucléaires atmo-

sphériques destinés à permettre à leurs armements de passer du stade
atomique au stade thermonucléaire. Le comportement de ces Etatsprouve que leurs gouvernements n'ont pas été d'avisque le droit inter-
national coutumier interdît les essais nucléaires atmosphériques. Au

surplus le traité de 1963 par lequel les trois premiers Etats qui se soient
dotés d'armes nucléairesse sont mutellement interdit de nouveaux essais
dans l'atmosphère peut être dénoncé.Par cette disposition, les signataires
du traité ont montré qu'ils restaient d'avis que le droit international
coutumier n'interdisait pas les essais nucléaires dans l'atmosphère.
En vue de constzter la formation éventuelle d'une règle coutumière à

cet effet, il semble plus important deconnaître I'attitude des Etats n'ayant
pasencore accompli les essais nécessairespour atteindre le stade nucléaire.
Pour ces Etats l'interdiction des essais nucléaires atmosphériques pour-
rait signifier la division de la communauté internationaleen deux groupes:
lesEtats qui possèdent desarmes nucléaireset ceux qui n'en possèdent pas.
Si un Etat ne possédant pas d'armement nucléaire s'abstient de faire

procéder aux essais atmosphériques qui lui permettraient de s'en doter
et si cette abstention est motivée non par des considérations d'ordre
politique ou économique mais par la conviction que ces essais sont
interdits par le droit international coutumier, I'attitude de cet Etat
constituera un élémentdans la formation d'une telle coutume. Mais ou
trouve-t-on la preuve de ce qu'un nombre suffisant d'Etats économique-

ment et techniquement capables de procéder à la fabrication d'armes
nucléaires s'abstiennent de faire procédérà des essais nucléaires atmo-
sphériques parce qu'ils sont d'avis que cela leur est interdit par le droit
international coutumier? L'exem~le donné récemment var la Chine en
faisant exploser dans l'atmosphère une bombe de grande puissance suffit
à démolirla thèse de l'existence actuelle d'une règlede droit international

coutumier interdisant les essais nucléairesatmosphériques. Vouloir fermer
les yeux devant l'attitude, à cet égard,de 1'Etat le plus peuplédu monde
témoignerait d'un manque de réalisme.
Pour compléter ce bref aperçu, il convient de se demander quelle a été
I'attitude des nombreux Etats sur les territoires desquels des retombées
radioactives provenant des essais atmosphériques des Puissances nu-

cléairesse sont déposéeset continuent à se déposer. Ont-ils, d'une manière
générale,protesté auprès de ces Puissances en faisant valoir que leurs
essais contrevenaient au droit international coutumier? Je ne constate
pas que tel ait étéle cas. Les résolutions votéesà l'Assembléegénérale
des Nations Unies ne sauraient valoir des protestations juridiques d'Etat
à Etat visant des cas concrets. Elles indiauent l'existence d'un fort

courant d'opinion en faveur de la proscription des essais nucléairesdans
l'atmosphère. Cela représente une tâche politique de la plus haute
urgence mais qui reste à accomplir. Ainsi la demande que la Nouvelle-
Zélande a adressée à la Cour relève-t-elle du domaine politique et se
situe-t-elle en dehors du cadre du droit international tel qu'il existe
aujourd'hui.

J'estime en conséquence que, dès l'introduction de l'instance, la
requêtede la Nouvelle-Zélande a manqué d'un objet sur lequel la Cour
pût statuer, tandis que l'arrêt neconclut qu'à l'absence d'un tel objet49 1 ESSAISNUCLÉAIRES(OP. IND. PETRÉN)

à ce jour. Je rejoins l'arrêten ce qui concerne l'isàudonner à l'affaire,
à savoir qu'il n'y a pas lieu à statuer, mais je ne saurais pour autant
m'associer aux motifs sur lesquels cet arrêtest fondé. Que j'aie néan-

moins voté pour lui s'explique par les considérations suivantes.

La méthoded'après laquelleles arrêtsde la Cour sont tradionnellement
rédigésimplique qu'un juge puisse voter pour un arrêts'il est d'accord
sur l'essentiel du dispositif et cela mêmes'il n'accepte pas les motifs
donnés,ce qu'il fait alors normalement connaître par une opinion indi-
viduelle. Certes, cet ordre de choses se prêtedes critiques, notamment
parce qu'il n'exclut pas l'adoption d'arrêtsdont la majorité desjuges
les ayant votésn'accepte pas les motifs, mais telle est la pratique de la
Cour. Selon celle-ci les motifs, qui représentent le fruit des première et
deuxième lecturesde I'arrêt auxquelleparticipent tous lesjuges, précèdent

le dispositif et ne peuvent plus être changau moment du vote pris àla
fin de la deuxième lecture. Ce vote porte uniquement sur le dispositif
et n'est pas suivi de l'indication des motifs retenus par chaque juge.
Dans ces conditions, un juge qui désapprouve les motifs d'un arrêtmais
est en faveur de l'issuà laquelle aboutit le dispositif se sent obligé,dans
l'intérêt delajus'ice, de voter pour l'arrêtcar, en votant autrement, il
risquerait d'empêcher labonne solution. La phase actuelle de la présente
procédure a été enréalitédominée par la question de savoir si la Cour
pouvait continuer à s'occuper de l'affaire. Sur ce point tàufait capital,
je suis arrivé au mêmerésultat que I'arrêt,quoique me fondant sur
d'autres motifs.

J'ai par conséquent dû voter pour l'arrêt,bien que je ne souscrive à
aucun de ses motifs. Une autre manière de voter aurait risquéde contri-
buer à créerune situation bien étrangepour une Cour dont lajuridiction
est volontaire, une situation dans laquelle une affaire aurait été examinée
au fond bien que la majorité desjuges estimât qu'il ne fallait pas le faire.
Ce sont justement de telles situations que l'articlede la Résolution vi-
sant la pratique interne de la Cour en matière judiciaire est destiné à
éviter.
11me reste à expliquer ma position sur la question de la compétence
de la Cour au sens que l'ordonnance du 23juin 1973donne à ce terme.
Cette question àmultiples facettes n'est pas examinéedans I'arrêt,d'après
ce que celui-ci dit expressément. Cela étant et comme, pour ma part,

je n'ai pas non plus éprouvéle besoin de l'examiner pour pouvoir con-
clure à la solution de l'affaire en faveur de laquelle j'ai voté, je ne pense
pas qu'un exposé des idéesque je me suis faites sur ce sujet ait sa
place dans la présente opinion individuelle. Une opinion individuelle
telle que je la conçois ne doit pas aborder d'autres questions que l'arrêt,
à moins que cela ne soit absolument nécessairepour expliquer le vote de
l'auteur. J'ai dondû résisteràla tentation de m'engager dans un échange492 ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. IND. PETRÉN)

de vues sur la compétenceavec ceux de mes collèguesqui ont examiné
cette question dans leurs opinions dissidentes. Un débatentre juges sur
des matières dont l'arrêt netraite pas risque de se réduireà une sériede
monologues - ou de chŒurs - disparates. A toutes fins utiles, je dois
cependant souligner que mon silence sur le sujet ne signifie pas que je
consente à la thèsede la compétence dela Cour.

(SignéS )ture PETRÉN.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. PETRÉN

Pour les raisons que j'ai déjàexpriméesdans mon opinion dissidente
jointe à l'ordonnance du 22 juin 1973,j'ai toujours été d'avisque la pré-
sente affaire devait être jointe à celle des Essais nuc1c;aires(Australie
c. France). La Cour ayant rejetécette proposition, il ne me reste qu'à
joindre au présent arrêt une opinion individuelle analogue à celle que

j'ai jointe à I'arrêtrendu ce jour en l'autre affaire.

Si j'ai pu voter pour I'arrêt,c'est parce que son dispositif énonce que
la demande est sans objet et qu'il n'y a pas lieu à statuer. Mon examen de
l'affaire m'a amené au mêmerésultat mais pour des raisons qui ne
coïncident pas avec les motifs de I'arrêt.

L'affaire à laquelle I'arrêt met unterme n'a pas quitté le stade pré-
liminaire où se posent les questions de la compétence de la Cour et de la
recevabilité de la requête. Lademande en indication de mesures conser-
vatoires présentéepar la Nouvelle-Zélande ne saurait avoir eu pour
conséquence de suspendre l'obligation pour la Cour d'examiner dans le
plus bref délai les questions préliminaires de compétence et de receva-

bilité. Au contraire, cette demande ayant étéaccordée, il était particu-
lièrement urgent que la Cour décidesi elle avait étévalablement saisie de
l'affaire. Tout retard à cet égardétait denature à prolonger d'une manière
embarrassante pour la Cour et pour les Parties l'incertitude concernant
l'existence d'une condition absolue pour justifier l'indication de mesures
conservatoires.
Cette situation exigeait au plus haut degré l'application rigoureuse des

dispositions du Règlement de la Cour qui viennent d'êtrereviséesen vue
d'accélérer laprocédure. Tout récemment encore, le 22 novembre 1974,
l'Assemblée générale desNations Unies a adopté la résolution 3232
(XXIX) sur l'examen du rôle de la Cour dont l'un des considérants
rappelle que la Cour a reviséson Règlement de manière qu'il soit plus
facile d'avoir recours à elle pour le règlement judiciaire des différends,

entre autres en réduisant la possibilité de délais. Parmi les raisons invo-
quéespar la Cour elle-mêmepour justifier la revision du Règlement, il y
avait la nécessitéd'adapter la procédure au rythme des événementsinter-
nationaux (C.I.J., Annuaire 1967-1968, p. 86). Or si jamais, dans l'âge
atomique, une affaire a étéde nature a exiger d'êtrerégléeau rythme des
événementsinternationaux, c'est bien la présente affaire. Néanmoins,
par son ordonnance du 22 juin 1973 portant indication de mesures

conservatoires, la Cour a reporté à plus tard la continuation de l'examen
des questions de compétence et de recevabilité dont elle constatait dans SEPARATE OPINION OF JUDGE PETRÉN

[Translation j

For the reasons which 1have already expressed in the dissenting opinion
which Iappended to the Order of 22 June 1973,l have always been of the
view that the present proceedings should have been joined to those in the
case concerning Nzrclear Tests (Australia v. France). The Court having
rejected this proposal, it only remains for me to append to the present

Judgment a separate opinion similar to the one 1have appended to the
Judgment delivered in the other case.
If I have been able to vote for the Judgment, it is because its operative
paragraph finds that the claim is without object and that the Court is
not called upon to give a decision thereon. My examination of the case
has led me to the same conclusion, but on grounds which do not coincide

with the reasoning of the Judgment.
The case which the Judgment brings to an end has not advanced beyond
the preliminary stage in which the questions of the jurisdiction of the
Court and the adrnissibility of the Application fall to be resolved. New
Zealand's request for the indication of interim measures of protection
could not have had the consequence of suspending the Court's obligation

to consider the preliminary questions of jurisdiction and admissibility
as soon as possible:. On the contrary, that request having been granted, it
was particularly urgent that the Court should decide whether it had been
validly seised of thecase. Any delay in that respect meant the prolongation,
embarrassing to the Court and to the Parties, of uncertainty concerning
the fulfilment of an absolute condition for the justification of any indica-

tion of interim measures of protection.
In this situation, it was highly imperative that the provisions of the
Rules of Court which were revised not so long ago for the purpose of
accelerating proceedings should be strictly applied. Only recently,
moreover, on 22 November 1974, the General Assembly of the United
Nations adopted, on the item concerning a review of the Court's role,
resolution 3232 (XXIX), of which one preambular paragraph recalls

how the Court has amended its Rules in order to facilitate recourse to it
for the judicial settlenient of disputes, inter alia, by reducing the likelihood
of delays. Among the reasons put forward by the Court itself to justify
revision of the Rules, there was the necessity of adapting its procedure to
the Pace of world events (I.C.J. Yearbook 1967-1968,p. 87). Now if ever,
in this atomic age, there was a case which demanded to be settled in

accordance with the Pace of world events, it is this one. The Court
nevertheless, in itsOrder of 22 June 1973 indicating interim measures of
protection, deferred the continuance of its examination of the questions
of jurisdiction and admissibility, concerning which it held, in one of thel'un des considérants de I'ordonnance qu'il était nécessairede les régler
aussi rapidementquepossible.
En dépit dela fermetéde cette constatation faite en juin 1973, les ques-
tions préliminaires dont il s'agit ne sont pas encore tranchées au seuil de
l'année 1975. Ayant votécontre I'ordonnance du 22 juin 1973parce que
je trouvais que les questions de compétence et de recevabilité pouvaient

et devaient être résolues sans renvoi à une session ultérieure, j'ai à plus
forte raison étéopposé aux retards qui ont marqué la suite de la procé-
dure et ont abouti à ce que la Cour conclue que la requête dela Nouvelle-
Zélande manque maintenant d'objet. 11me faut rappeler les circonstances
dans lesquelles des délais ont étéfixés,puisque c'est à la lumière de ces
circonstances que j'ai eu à prendre position sur les suggestions tendant à

reporter à une date ultérieure l'examen de la recevabilité de la requête.

En invitant, par I'ordonnance du 22 juin 1973, les Parties à produire
des pièces écrites sur les questions de la compétence de la Cour et de la
recevabilité de la requête,la Cour a fixéla date d'expiration des délais
au 21 septembre 1973 pour le dépôt du mémoire du Gouvernement néo-
zélandais et au 21 décembre 1973 pour le dépôt du contre-mémoire du

Gouvernement français. Une ordonnance rendue par le Président le
6 septembre 1973 a, sur demande du Gouvernement néo-zélandais,
reporté au 2 novembre 1973 la date d'expiration du &lai pour le dépôt
du mémoire de ce gouvernement et au 22 mars 1974 la date d'expiration
du délaipour le dépôt du contre-mémoire du Gouvernement français.
Les circonstances dans lesquelles la procédure écritesur les questions

préliminaires a été ainsiprolongée jusqu'au 22 mars 1974 donnent lieu
à plusieurs observations. Ainsi aucun contact en ce qui concerne la
longueur des délais n'a étépris avec le Gouvernement français avant la
première fixation des délais, tandis qu'un tel contact a étépris avant leur
prorogation. Le Gouvernement français a alors répondu que, ayant
déniéla compétence de la Cour en l'affaire, il ne pouvait exprimer

d'opinion. 11faut penser que si ce gouvernement avait étéconsulté dès la
première fixation des délais, il aurait donné la mêmeréponse que deux
mois et demi plus tard. 11aurait donc été clairdès ce moment que ledit
gouvernement n'avait pas l'intention de participer à la procédure écrite
et iln'y aurait pas eu lieu de réserver une période de trois mois pour la
production d'un contre-mémoire. Ainsi l'affaire aurait-elle pu être en

état dès la fin de l'été1973, ce qui aurait permis à la Cour de rendre son
arrêtavant la fin de la mêmeannée.

Après s'êtreprivée de la possibilité d'organiser la procédure orale au
cours de l'automne 1973, la Cour s'est trouvée en face de la demande de
prorogation de délaipour le dépôt du mémoire. Le seul motif pour lequel
le coagent de la Nouvelle-Zélande a formulé cette demande consistait

en une référenceà la prorogation, dans l'autre affaire, du délai pour le
dépôt du mémoire du Gouvernement australien et au ((désirprobable ))
de la Cour de fixer les mêmesdélaisdans les deux affaires. Ainsi la pro-

3 1 NUCLEAR TESTS (SEP. OP. PETRÉN) 484

consideranda of the Order, that it was necessary to resolve themas soon
aspossible.
Despite the firmness of this finding, made in June 1973, it is very
nearly 1975 and the preliminary questions referred to have remained
unresolved. Having voted against the Order of 22 June 1973 because 1
considered that the questions of jurisdiction and admissibility could and
should have been resolved without postponement to a later session, 1have

a fortiorbi een opposed to the delays which have characterized the
continuance of the proceedings and the upshot of which is that the Court
has concluded that New Zealand's Application is without object now. 1
must here recall the circumstances in which certain time-limits were fixed,
because it is in the light of those circumstances that 1have had to take up
my position on the suggestions that consideration of the admissibility of
the Application should be deferred to some later date.

When, in the Order of 22 June 1973, the Court invited the Parties to
produce written pleadings on the questions of its jurisdiction and the
admissibility of the Application, it fixed 21 September 1973 as the time-
limit for the filing of the New Zealand Government's Memorial and
21 December 1973 as the time-limit for the filing of a Counter-Memorial
by the French Government. An Order which the President made on
6 September 1973extended the time-limit for the filing of the Memorial,

at the request of the New Zealand Government, to 2November 1973and
the time-limit for the filing of a Counter-Memorial by the French
Government to 22 March 1974.
The circumstances in which the written proceedings on the preliminary
questions were thus prolonged until 22 March 1974 warrant several
observations. Thus, no contact on the subject of time-limits was sought
with the French Government before the first fixing of the time-limits,

whereas such contact was sought before their extension. The French
Government then replied that, having denied the Court's jurisdiction in
the case, it was not able to express any opinion. There is every reason to
think that the French Government, if it had been consulted at the time
of the first fixing of time-limits, would have given the same reply as it did
two-and-a-half months later. It would then have been clear at once that
the French Government had no intention of participating in the written

proceedings and that there would be no necessity to allocate it a three-
month period for the production of a Counter-Memorial. In that way
the case could have been ready for hearing by the end of the summer of
1973, which would have enabled the Court to give its judgment before
that year was out.
After having deprived itself of the possibility of holding the oral
proceedings during the autumn of 1973, the Court found itself faced

with a request for the extension of the time-limit for the filing of the
Memorial. The only reason given by the Co-Agent of New Zealand for
this request consisted in references to the extension, in the other case, of
the time-limit for the filing of the Memorial of the Australian Govern-
ment and the Court's "presumed wish" to set common limits in bothrogation de délaisen la présente affaire ne fut que la conséquence de la
prorogation de délaisdans l'autre affaire, ce qui contribue à projeter de
la lumière sur le bien-fondé de la décision de la Cour de ne pas joindre
les deux affaires. Dans aucune des deux affaires les prorogations ne me
paraissent justifiées, surtout pas lorsqu'il s'agissait de délais de plu-

sieurs mois accordés pour le dépôt de contre-mémoires que le Gouver-
nement français n'avait pas l'intention de présenter. Mais ce n'est pas
tout.
L'ordonnance du 6 septembre 1973 a aussi eu pour conséquence de
renverser l'ordre suivant lequel la présente affaire et les affaires de la
Compétence en matière de pêclleries auraient dû se trouver en état. Dans

ces dernières affaires, la Cour, après avoir indiqué des mesures conser-
vatoires par ordonnances du 17 août 1972, s'était déclaréecompétente
par arrêtsdu 2 février1973et avait, par ordonnances en date du 15février
1973, fixéla date d'expiration des délais pour le dépôtdes mémoires et
contre-mémoires aux leraoût 1973 et 15 janvier 1974 respectivement.
Si I'ordonnance du 6 septembre 1973 prorogeant les délais fixés en la

présente affaire n'était pas intervenue, celle-ci aurait étéen état le 22 dé-
cembre 1973, donc avant les affaires de la Compétence en matière de
pêcheries sur lesquelles elle aurait eu priorité en vertu de l'article 50,
paragraphe 1, du Règlement de 1972aussi bien que de l'article 46, para-
graphe 1, du Règlement de 1946, encore applicable aux affaires de la
Compétence en matière de pêcheries. Après que l'ordonnance du 6 sep-

tembre 1973 eut prolongé la procédure écrite en la présente affaire
jusqu'au 22 mars 1974, c'est aux affaires de la Compétenceen matière de
pêclieriesqu'est revenue la priorité fondée sur les dispositions précitées
du Règlement dans ses deux versions. Or la Cour aurait pu décider de
rétablir le précédentordre de priorité, décisionque l'autorisaient à pren-

dre, en raison de circonstances particulières, l'articl50, paragraphe 2,
du Règlement de 1972 aussi bien que l'article 46, paragraphe 2, du
Règlement de 1946. L'inutilité du délai fixépour le dépôt du contre-
mémoire du Gouvernement français constituait une circonstance parti-
culière, mais ily en avait d'autres, d'un poids encore plus grand. Dans
les affaires de la Compétence en matière de pêcheries, la Cour s'étant

déclarée compétente, l'incertitude concernant la justification de I'indi-
cation de mesures conservatoires avait cessé d'exister, tandis qu'en la
présente affaire cette incertitude a persisté de longs mois. Or la France,
qui avait demandé que l'affaire fût rayée du rôle, avait, en supposant que
cette attitude fût justifiée, un intérêtà voir un terme mis à l'affaire et par
là aux nombreuses critiques qu'on lui faisait de ne pas appliquer des

mesures conservatoires présumées indiquéespar une Cour compétente.
Par ailleurs, comme il se pouvait que la France procédât pendant l'été
1974à une nouvelle série d'essais nucléairesatmosphériques, la Nouvelle-
Zélande avait un intérêt particulierà voir confirmée auparavant la com-
pétence de la Cour, ce qui aurait conféréplus d'autorité à l'indication de
mesures conservatoires.

Pour toutes ces raisons, on aurait pu s'attendre à ce que la Cour décidecases. Thus the extension of time-limits in the present case was but the

consequence of the extension of time-limits in the other case, a fact which
casts a certain reflection upon the soundness of the Court's decision
to join the two cases. In neither of them did the extensions appear to me
justified, especially when it was a matter of granting several months for
the filing of Counter-Memorials which the French Government had no
intention of presenting. But that is not all.

The Order of 6 September 1973 also had the result of reversing the
order in which the present case and the FislleriesJurisdiction cases should
have become ready for hearing. In the latter cases, the Court, after having
indicated interim measures of protection by Orders of 17 August 1972,
had found, by its Judgments of 2 February 1973, that it possessed juris-

diction and, by Orders of 15 February 1973, had fixed the time-limits for
the filing of Memorials and Counter-Memorials at 1 August 1973 and
15January 1974respectively. If the Order of 6 September 1973extending
the time-limits in the present case had not intervened, this case would
have been ready for hearing on 22 December 1973, Le., before the
Fisheries Jurisdiction cases, and would have had priority over them by

virtue of Article 50, paragraph 1,of the 1972 Rules of Court and Article
46, paragraph 1, of the 1946 Rules of Court which were still applicable
to the Fislleries Jurisdiction cases. After the Order of 6 September 1973
had prolonged the written proceedings in the present case until22 March
1974, it was the Fisheries Jurisdiction cases which became entitled to
priority on the basis of the above-mentioned provisions of the Rules of
Court in either of their versions. However, the Court could have decided

to restore the previous order of priority, a decision which Article 50,
paragraph 2, of the 1972 Rules, and Article 46, paragraph 2, of the 1946
Rules, enabled it to take in special circumstances. The unnecessary
character of the time-limit fixed for the filing of a Counter-Memorial by
the French Goverriment was in itself a special circumstance, but there
were others even more weighty. In the Fislleries Jurisdiction cases, there

was no longer any uncertainty concerning the justification for the indica-
tion of interim measures of protection, inasmuch as the Court had found
that it possessed jurisdiction, whereas in the present case this uncertainty
had persisted for many months. Yet France had requested the removal of
the case from the list and, supposing that attitude were justified, had an
interest in seeing the proceedings brought to an end and, with them, the

numerous criticisnis levelled at it for not applying interim measures
presumed to have been indicated by a Court possessing jurisdiction.
Moreover, as France might during the surnmer of 1974 be carrying out a
new series of atmospheric nuclear tests, New Zealand possessed its own
interest in having the Court's jurisdiction confirmed before then, inasmuch
as that would have conferred greater authority on the indication of

interim measures.

For al1those reasons, the Court could have been expected to decide tod'examiner la présente affaire avant celles de la Compétence en matièrede
pêcheries. Cependant, le 12 mars 1974, une proposition à cet effet fut
rejetée par six voix contre deux avec six abstentions. Ainsi la Cour se
privait-elle de la possibilité de rendre un arrêten la présente affaire avant
la fin de la période critique de l'année1974.
Cette sériede retards ayant fait durer la procédure jusqu'à la fin de

l'année 1974, la Cour décideaujourd'hui que la requête dela Nouvelle-
Zélande est sans objet et qu'il n'y a dèslors pas lieu à statuer.

On ne saurait prendre position sur cet arrêtsans se rendre compte de
ce qu'il signifie quant aux questions préliminaires retenues par I'ordon-
nance du 22 juin 1973 comme devant êtreexaminées par la Cour en la

présente phase de la procédure. Il s'agit de la compétence de la Cour pour
connaître du différend et de la recevabilitéde la requête, questions entre
lesquelles il n'est pas facile de distinguer, ainsi que la Cour a eu maintes
fois l'occasion de le dire. On pourraît mêmeregarder la recevabilitéde la
requête comme une condition à la compétence de la Cour. A l'article 8

de la Résolution visant la pratique interne de la Cour en matière judi-
ciaire, compétence et recevabilité sont rangées côte à côte comme des
conditions à satisfaire pour que la Cour puisse entreprendre l'examen au
fond. C'est sur cette base que I'ordonnance du 22juin 1973a été rédigée.
II ressort de ses considérants que les aspects de la question de compétence
à examiner comprennent notamment, d'une part, les effets de la réserve

relative aux activités serapportant à la défense natidnale que la France
a faite en renouvelant en 1966 son acceptation de la juridiction de la
Cour et, d'autre part, les relations existant entre la France et la Nouvelle-
Zélandeen vertu de l'Acte généralde 1928pour le règlement pacifique des
différendsinternationaux, à supposer que cet instrument soit toujours en
vigueur. En revanche I'ordonnance n'est pas aussi précise en ce qui

concerne les aspects à explorer de la question de la recevabilité de la
requête. Au contraire, puisqu'elle n'en indique aucun, la Cour doit
rechercher de manière tout à fait généralesi elle a étévalablement saisie
de l'affaire. L'une des toutes premières conditions à remplir est de savoir
si le différendconcerne une matière régiepar le droit international. Si tel
n'était pas le cas, le différendn'aurait pas d'objet relevant de la compé-

tence de la Cour, celle-ci n'ayant compétence que pour des différends de
droit international.
L'arrêtfait allusion en son paragraphe 24 à la compétence de la.Cour
telle qu'il la conçoit, c'est-à-dire limitéeaux problèmes ayant trait aux
clausesjuridictionnelles du Statut de la Cour et de l'Acte généralde 1928.
Selon la première phrase de ce paragraphe, ((la Cour doit examiner

d'abord une question qu'elle estime essentiellement préliminaire, à
savoir l'existence d'un différend, car que la Cour ait ou non compé-
tence en l'espèce la solution de cette question pourrait exercer une in-
fluence décisive sur la suite de l'instance )).En d'autres termes, l'arrêt,
qui par la suite ne mentionne plus la question de compétence, indique
que la Cour n'a pas jugé qu'il y ait lieu de l'examiner ni de la tran-take the present case before the Fisheries Jurisdictioncases. Nevertheless,
on 12 March 1974, a proposal in that sense was rejected by six votes to
two, with six abstentions. In that way the Court deprived itself of the
possibility of delivering a judgment in the present case before the end of
the critical period of 1974.
The proceedings having been drawn out until the end of 1974 by this

series of delays, the Court has now found that New Zealand's Application
is without object and that it is therefore not called upon to give a decision
thereon.
It is not possible to take up any position vis-à-vis this Judgment without
being clear as to what it signifies in relation to the preliminary questions
which, under the terms of the Order of 22June 1973,were to be considered

by the Court in the present phase of the proceedings, namely the juris-
diction of the Court to entertain the dispute and the admissibility of the
Application. As the Court has had frequent occasion to state, these are
questions between which it is not easy to distinguish. The admissibility of
the Application may even be regarded as a precondition of the Court's
jurisdiction. In Article 8 of the Resolution concerning the Interna1

Judicial Practice of the Court, competence and admissibility are placed
side by side as conditions to be satisfied before the Court may undertake
the consideration of the merits. It is on that basis that the Order of 22 June
1973 was drawn up. It emerges from its consideranda that the aspects of
comDetence which are to be examined include. on the one hand. the
effects of the reservation concerning activities connected with national

defence which France inserted when it renewed in 1966its acceDtance of
the Court's jurisdiction and, on the other hand, the relations subsisting
between France and New Zealand by virtue of the General Act of 1928
for the Pacific Settlement of International Disputes, supposing that
instrument to be still in force. However. the Order is not so ~recise
regarding the aspects of the question of the admissibility of the Applica-
tion which are to be explored. On the contrary, it specifies none, and it is

therefore by a wholly general enquiry that the Court has to determine
whether it was validly seised of the case. One of the very first prerequisites
is that the dispute should concerna matter governed by international law.
If this were not the case, the dispute would have no object falling within
the domain of the Court's jurisdiction, inasmuch as the court is only
competent to deal with disputes in international law.

The Judgment alludes in paragraph 24 to the jurisdiction of the Court
as viewed therein, i.e., as limited to problems related to the jurisdictional
provisions of the Statute of the Court and of the General Act of 1928. In
the words of the first sentence of that paragraph, "the Court has first to
examine a questiori which it finds to be essentially preliminary, namely
the existence of a dispute, for, whether or not the Court has jurisdiction

in the present case, the resolution of that question could exert a decisive
influence on the continuation of the proceedings". In other words, the
Judgment, which inakes no further reference to the question of juris-
diction, indicates that the Court did not find that there was any necessity487 ESSAIS NUCLEAIRES (OP. IND. PETRÉN)

cher. Sans le dire aussi nettement, il ne traite pas non plus de la rece-
vabilité.
Pour ma part, je ne crois pas possible d'écarterainsi l'examen de toutes
les questions préliminaires retenues par I'ordonnance du 22 juin 1973.
Je suis notamment d'avis que la Cour aurait dû se former d'emblée une
opinion sur le vrai caractère du différend formant l'objet de la requête;
si elle avait trouvé que le différend ne portait pas sur un point de droit

international, c'est pour cette raison tout à fait primordiale qu'elle aurait
dû rayer l'affaire du rôle et non pasà cause de l'inexistence de l'objet du
différendconstatée après de longs mois de procédure.

C'est dans cette optique que je crois devoir examiner maintenant la
recevabilité de la requête dela Nouvelle-Zélande. Je continue à penser,

comme dans mon opinion dissidente jointe à I'ordonnance du 22 juin
1973, qu'il y a lieu avant tout de se demander si, d'une manière générale,
les essais atmosphériques d'armes nucléairessont régispar des normes de
droit international ou s'ilsappartiennent au domaine hautement politique
où les normes internationales de légalitéet d'illégalitésont encore en
gestation. Ilest bien vrai que des différendsau sujet de l'interprétation et
de l'application de règlesde droit international peuvent avoir une grande

importance politique sans perdre pour autant leur cacactère inhérent de
différends juridiques. IIn'en reste pas moins nécessaire de distinguer
entre les différends axéssur des normes de droit international et les ten-
sions entre Etats causées par des mesures prises dans un domaine non
encore régipar le droit international.
A ce sujet,il me semble utile de rappeler ce qui s'est passédans le

domaine des droits de I'homme. Dans un passé relativement récent, le
traitement qu'un Etat réservait à ses propres ressortissants était d'une
manière générale considéré comme ne relevant pas du droit international.
Mêmeles violations les plus outrageantes des droits de I'homme com-
mises par un Etat envers ses propres nationaux n'auraient pu faire l'objet
de la saisine d'un organe judiciaire international par un autre Etat. Une

requêteen cesens aurait étédéclaréenon recevable et n'aurait pu donner
lieu a aucun examen de la matérialitédes faits alléguéspar 1'Etat requé-
rant. Telle aurait été lasituation mêmedans les relations entre Etats
ayant accepté sans réserves la clause facultative de l'article 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale. La simple constatation
que l'affaire concernait une matière non régiepar le droit international
aurait suffi à empêcherla Cour permanente de statuer. Pour reprendre la

terminologie de la présente affaire, cela aurait étéune question de rece-
vabilité de la requêteet non de compétence de la Cour. Ce n'est qu'une
évolution postérieure a la deuxième guerre mondiale qui a abouti à ce
que le devoir des Etats de respecter les droits de I'homme à l'égardde
tous les individus, y compris leurs propres nationaux, constitue une obli-
gation de droit international envers tous les Etats membres de la commu-
nauté internationale. La Cour y a fait allusion dans son arrêten l'affaire

de la Barceloi~aTractioti, Liglit and Power Cornpatry, Limited (C.I.J.Recueil 1970, p. 32). Il faut certes regretter que cette reconnaissance uni-
verselle des droits de l'homme n'ait pas encore étéaccompagnée d'une
évolution correspondante de la compétencedes organes judiciaires inter-

nationaux. Faute d'un systèmeétanchede clauses juridictionnelles appro-
priées, trop de différends internationaux portant sur la protection des
droits de l'homme échappent aux juges internationaux. La Cour l'a
rappelé également dans l'arrêt précité (ibid., p.47), enlevant ainsi du
poids à sa référenceaux droits de l'homme et créant par là l'impression

d'une contradiction qui n'a pas échappé aux auteurs.

Une évolution analogue se dessine aujourd'hui dans un domaine
voisin, celui de la protection de l'environnement. Les essais nucléaires
atmosphériques, envisagés comme un danger particulièrement grave de

pollution de l'environnement, constituent une préoccupation angoissante
de l'humanité du temps présent et il n'est que naturel que des efforts
soient faits sur le plan international pour dresser des barrières juridiques
contre ce genre d'essais. En la présente affaire, il s'agit de savoir si de
telles barrières existaient au moment du dépôt de la requêtede la Nou-
velle-Zélande. La requêtene saurait être considéréecomme recevable si,

au moment de son dépôt, le droit international n'avait pas atteint un
stade tel qu'il régisseles essais atmosphériques d'armes nucléaires. On a
voulu faire valoir qu'il suffit que deux parties se contestent réciproque-
ment un droit pour qu'une requêteà ce sujet émanant de l'une d'elles
soit recevable. Telle serait la situation en l'espèce, mais, à mes yeux, la

question de la recevabilité d'une requêtene saurait se réduire à I'appli-
cation d'une formule aussi simple. Il fautencore que le droit revendiqué
par la partie demanderesse relève d'un domaine régipar le droit inter-
national. En la présente affaire, la requêteest fondéesur l'allégation selon
laquelle les essais nucléaires de la France dans le Pacifique auraient causé
des retombées radioactives sur le territoire de la Nouvelle-Zélande. Le

Gouvernement néo-zélandaisy voit une atteinte à sa souveraineté qui
serait contraire au droit international. Comme il n'existe aucun lien
conventionnel entre la Nouvelle-Zélande et la France en matière d'essais
nucléaires, la requêtesuppose l'existence d'une règle de droit internatio-
nal coutumier interdisant aux Etats de causer. Dar des essais nucléaires
21
atmosphériques, des retombées radioactives sur le territoire d'autres
Etats. C'est donc l'existence ou la non-existence d'une telle règle coutu-
mière qu'il faut constater.
Il a étésuggéréau cours de la procédure que la question de la recevabi-
litéde la requêten'avait pas un caractère exclusivement préliminaire et

que son examen pourrait être différé jusqu'à l'examen du fond. Celapose
une question d'application de l'article 67 du Règlement de la Cour de
1972. Le motif principal de la revision des dispositions du Règlement
qui se trouvent maintenant dans cet article a étéd'éviterque la Cour, en
réservant sa position sur une question préliminaire, ouvre une longue
procédure sur les aspects de fond d'une affaire pour constater en fin

de compte que la réponse à la question préliminaire rendait cette procé-Limited (Z.C.J. Reports 1970, p. 32).It is certainly to be regretted that this
universal recognition of human rights should not, up to now, have been
accompanied by a corresponding evolution in the jurisdiction of inter-
national judicial organs. For want of a watertight system of appropriate
jurisdictional clauses, too many international disputes involving the
protection of human rights cannot be brought to international adjudica-

tion. This the Court also recalled in the above-mentioned Judgment
(ibid.,p. 47), thus somewhat reducing the impact of its reference to human
rights and thereby leaving the impression of a self-contradiction which
has not escaped the attention of writers.
We can see a similar evolution taking place today in an allied field, that
of the protection of theenvironment.Atmospheric nuclear tests, envisaged

as the bearers of a particularly serious risk of environmental pollution, are
a source of acute anxiety for present-day mankind, and it is only natural
that efforts should be made on the international plane to erect legal
barriers against that kind of test. In the present case, the question is
whether such barriers existed at the time of the filing of the New Zealand
Application. That Application cannot be considered admissible if, at the

moment when it was filed, international law had not reached the stage of
applicability to the atmospheric testing of nuclear weapons. It has been
argued that it is sufficient for two parties to be in dispute overa right for
an application from one of them on that subject to be admissible. Such
would be the situation in the present case, but to my mind the question
of the admissibility of an application cannot be reduced to the observance
of so simple a formula. It is still necessary that the right claimed by the

applicant party should belong to a domain governed by international
law. In the present case, the Application is based upon an allegation that
France's nuclear tests in the Pacific have given rise to radio-active fall-out
on the territory of New Zealand.The New Zealand Government considers
that its sovereignty has thereby been infringed in a manner contrary to
international law. As there is no treaty link between New Zealand and

France in the matter of nuclear tests, the Application presupposes the
existence of a rule of customary international law whereby States are
prohibited from causing, through atmospheric nuclear tests, the deposit
of radio-active fall-out on the territory of othe~ States. It is therefore the
existence or non-existence of such a customary rule which has to be
determined.

It was suggested in the course of the proceedings that the question of
the admissibility of the Application was not of an exclusively preliminary
character and that consideration of it could be deferred until the examina-
tion of the merits. This raises a question regarding the application of
Article 67 of the 1972 Rules of Court. The main motive for the revision
of the provisions of the Rules which are now to be found in that Article

was to avoid the situation in which the Court, having reserved its position
with regard to a preliminary question, orders lengthy proceedings on the
substantive aspects of a case only to find at the end that the answer tadure superflue. Certes l'articl67 ne parle que des exceptions préliminaires
formulées par le défendeur mais il va de soi que I'esprit de cet article
doit s'appliquer aussi à l'examen des questions concernant la recevabilité
d'une requête sur lesquelles la Cour doit prendre position ex officio.
II va également sans dire que, dans une affaire où le défendeur fait défaut,

l'article 53 du Statut oblige la Cour à veiller avec une attention toute
spéciale à l'observation des dispositions de l'article 67 du Règlement.

Bref, la Cour se trouve appelée pour la première fois à appliquer la
disposition de son Règlement reviséqui a remplacél'ancienne disposition
autorisant la jonction des exceptions préliminaires au fond. On peut se
demander en quoi la nouvelle règlese distingue réellement de l'ancienne.

Pour ma part, je pense que, comme la précédente, la nouvelledisposition
confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d'apprécier au stade initial
d'une affaire si telle ou telle question préliminaire doit êtrerégléeavant
tout. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Cour doit, à mon avis,
apprécier le degré de complexité de la question préliminaire par rapport
à l'ensemble des questions faisant partie du fond. Sila question prélimi-
naire revêtun caractère relativement simple, tandis qu'un examen au fond

donnerait lieu à une procédure longue et compliquée, la Cour se doit de
trancher tout de suite la question préliminaire. Voilà ce qu'exige l'esprit
dans lequel le nouvel article67 du Règlement a étérédigé. Cesconsidéra-
tions me paraissent applicables à la présente affaire.
La Cour se serait fait le plus grand tort si, sans trancher la questionde
recevabilité, elle avait ouvert sur tous les aspects du fond de l'affaire une

procédure nécessairement longue et compliquée, ne serait-ce qu'à cause
des questions scientifiques et médicales en jeu. 11y a lieu de rappeler
que, au stade préliminaire où elle se trouve toujours, la procédure a déjà
subi des retards considérables laissant au Gouvernement néo-zélandais
amplement le temps de préparer ses écritures et plaidoiries sur tous les
aspects de la recevabilité. Comment aurait-on pu dans ces conditions
renvoyer I'examen de la question à une date ultérieure?

11ressort de ce qui précèdeque la recevabilité de la requête dépend,à
mes yeux, de l'existence d'un droit international coutumier interdisant
aux Etats de procéder à des essais atmosphériques d'armes nucléaires
causant des retombées radioactives sur le territoire d'autres Etats.Or il est
notoire, et admis par le Gouvernement néo-zélandais lui-même,que

toute explosion nucléaire dans l'atmosphère cause des retombées radio-
actives dans l'ensemble de l'hémisphèreterrestre où elle s'est produite.
La Nouvelle-Zélande n'est donc que l'un des nombreux Etats sur lesquels
les essais nucléaires atmosphériques de la France, de mêmeque ceux
d'autres Etats, ont causédes retombées radioactives. Depuis la deuxième
guerre mondiale, certains Etats ont procédéà des essais nucléaires atmo-

sphériques destinés à permettre à leurs armements de passer du stade
atomique au stade thermonucléaire. Le comportement de ces Etatsthat preliminary question has rendered such proceedings superfluous. It
is true that Article 67 refers only to preliminary objections put forward
by the respondent, but it is obvious that the spirit of that Article ought
also to apply to the consideration of any questions touching the admissi-
bility of an application which the Court is to resolve ex officio. It is also
plainly incumbent upon the Court, under Article 53 of the Statute, to

take special care to see that the provisions of Article 67 of the Rules are
observed when the respondent is absent from the proceedings.
In sum, the Court, for the first time, has had occasion to apply the
provision of its revised Rules which replaced the former provision
enabling preliminary objections to be joined to the merits. One may ask
where the real difference between the new rule and the old lies. For my

part, I consider that the new rule, like the old, bestows upon the Court a
discretionary power to decide whether, in the initial stage of a case, such
and such a preliminary question ought to be settled before anything else.
In exercising this discretionary power the Court ought, in my view, to
assess the degree of complexity of the preliminary question in relation
to the whole of the questions going to the merits. If the preliminary

question is relatively simple, whereas consideration of the merits would
give rise to lengthy and complicated proceedings, the Court should settle
the preliminary question at once. Thnt is what the spirit in which the new
Article 67 of the Rules was drafted requires. These considerations appear
to me to be applicable to the present case.
The Court would have done itself the greatest harm if, without resolving

the question of admissibility, it had ordered the commencement of
proceedings on the merits in al1their aspects, proceedings which would
necessarily have been lengthy and complicated if only because of the
scientific and medical problems involved. It should be recalled that, in
the preliminary stage from which they have not emerged, the proceedings
had already been subjected to considerable delays, which left the New
Zealand Government ample time to prepare its written pleadings and oral

arguments on al1 aspects of admissibility. How, in those circumstances,
could the consideration of the question have been postponed to some
later date?
As is clear from the foregoing, the admissibility of the Application
depends, in my view, on the existence of a rule of customaryinternational
law which prohibits States from carrying out atmospheric tests of nuclear

weapons giving rise to radio-active fall-out on the territory of other
States. Now it is common knowledge, and is admitted by the New Zealand
Government itself, that any nuclear explosion in the atmosphere gives
rise to radio-active fall-outover the whole of the hemisphere where it
takes place. New Zealand, therefore, is only one of many States on whose
territory France's atmospheric nuclear tests, and likewise those of other

States, have given rise to the deposit of radio-active fall-out. Since the
Second World War, certain States have conducted atmospheric nuclear
tests for the purpose of enabling them to pass from the atomic to the
thermo-nuclear stage in the field of armaments. The conduct of theseprouve que leurs gouvernements n'ont pas été d'avisque le droit inter-
national coutumier interdît les essais nucléaires atmosphériques. Au

surplus le traité de 1963 par lequel les trois premiers Etats qui se soient
dotés d'armes nucléairesse sont mutellement interdit de nouveaux essais
dans l'atmosphère peut être dénoncé.Par cette disposition, les signataires
du traité ont montré qu'ils restaient d'avis que le droit international
coutumier n'interdisait pas les essais nucléaires dans l'atmosphère.
En vue de constzter la formation éventuelle d'une règle coutumière à

cet effet, il semble plus important deconnaître I'attitude des Etats n'ayant
pasencore accompli les essais nécessairespour atteindre le stade nucléaire.
Pour ces Etats l'interdiction des essais nucléaires atmosphériques pour-
rait signifier la division de la communauté internationaleen deux groupes:
lesEtats qui possèdent desarmes nucléaireset ceux qui n'en possèdent pas.
Si un Etat ne possédant pas d'armement nucléaire s'abstient de faire

procéder aux essais atmosphériques qui lui permettraient de s'en doter
et si cette abstention est motivée non par des considérations d'ordre
politique ou économique mais par la conviction que ces essais sont
interdits par le droit international coutumier, I'attitude de cet Etat
constituera un élémentdans la formation d'une telle coutume. Mais ou
trouve-t-on la preuve de ce qu'un nombre suffisant d'Etats économique-

ment et techniquement capables de procéder à la fabrication d'armes
nucléaires s'abstiennent de faire procédérà des essais nucléaires atmo-
sphériques parce qu'ils sont d'avis que cela leur est interdit par le droit
international coutumier? L'exem~le donné récemment var la Chine en
faisant exploser dans l'atmosphère une bombe de grande puissance suffit
à démolirla thèse de l'existence actuelle d'une règlede droit international

coutumier interdisant les essais nucléairesatmosphériques. Vouloir fermer
les yeux devant l'attitude, à cet égard,de 1'Etat le plus peuplédu monde
témoignerait d'un manque de réalisme.
Pour compléter ce bref aperçu, il convient de se demander quelle a été
I'attitude des nombreux Etats sur les territoires desquels des retombées
radioactives provenant des essais atmosphériques des Puissances nu-

cléairesse sont déposéeset continuent à se déposer. Ont-ils, d'une manière
générale,protesté auprès de ces Puissances en faisant valoir que leurs
essais contrevenaient au droit international coutumier? Je ne constate
pas que tel ait étéle cas. Les résolutions votéesà l'Assembléegénérale
des Nations Unies ne sauraient valoir des protestations juridiques d'Etat
à Etat visant des cas concrets. Elles indiauent l'existence d'un fort

courant d'opinion en faveur de la proscription des essais nucléairesdans
l'atmosphère. Cela représente une tâche politique de la plus haute
urgence mais qui reste à accomplir. Ainsi la demande que la Nouvelle-
Zélande a adressée à la Cour relève-t-elle du domaine politique et se
situe-t-elle en dehors du cadre du droit international tel qu'il existe
aujourd'hui.

J'estime en conséquence que, dès l'introduction de l'instance, la
requêtede la Nouvelle-Zélande a manqué d'un objet sur lequel la Cour
pût statuer, tandis que l'arrêt neconclut qu'à l'absence d'un tel objetStates proves that their Governments have not been of the opinion that
customary international law forbade atmospheric nuclear tests. What is
more, the Treaty of 1963 whereby the first three States to have acquired
nuclear weapons mutually banned themselves from carrying out further
atmospheric tests can be denounced. By the provision in that sense, the

signatories of the Treaty showed that they were still of the opinion that
customary international law did not prohibit atmospheric nuclear tests.
To ascertain whether a customary rule to that effect might have come
into being, it would appear more important to learn what attitude is taken
up by States which have not yet carried out the tests necessary for reach-
ing the nuclear stage. For such States the prohibition of atmospheric
nuclear tests could signify the division of the international community

into two groups: States possessing nuclear weapons and States not
possessing them. If a State which does not possess nuclear arms refrains
from carrying out the atmospheric tests which would enable it to acquire
them, and if that abstention is motivated not by political or economic
considerations but by a conviction that such tests are prohibited by
customary international law, the attitude of that State would constitute

an element in the formation of such a custom. But where can one find
proof that a sufficient number of States, economically and technically
capable of manufacturing nuclear weapons, refrain from carrying out
atmospheric nuclear tests because they consider that customary inter-
national law forbids them to do so? The example recently givcn by China
when it exploded a very powerful bomb in the atmosphere is sufficient to

demolish the contention that there exists at present a rule of customary
international law prohibiting atmospheric nuclear tests. It would be
unrealistic to close one's eyes to the attitude, in that respect, of the State
with the largest population in the world.

To complete this brief outline, one may ask what has been the attitude

of the numerous States on whose territory radio-active fall-out from the
atmospheric tests of the nuclear Powers has been deposited and continues
to be deposited. Have they, generally speaking,protested to these Powers,
pointing out that their tests were in breach of customary international
law? 1do not observe that such has been the case. The resolutions passed
in the General Assembly of the United Nations cannot be regarded as
equivalent to legal protests made by one State to another and concerning

concrete instances. They indicate the existence of a strong current of
opinion in favour of proscribing atmospheric nuclear tests. That is a
political task of the highest urgency, but it is one which remains to be
accomplished. Thus the claim submitted to the Court by New Zealand
belongs to the political domain and is situated outside the framework of
international law as it exists today.

1 consider, consequently, that the Application of New Zealand was,
from the very institution of proceedings, devoid of any object on which
the Court could give a decision, whereas the Judgment finds only that

3749 1 ESSAISNUCLÉAIRES(OP. IND. PETRÉN)

à ce jour. Je rejoins l'arrêten ce qui concerne l'isàudonner à l'affaire,
à savoir qu'il n'y a pas lieu à statuer, mais je ne saurais pour autant
m'associer aux motifs sur lesquels cet arrêtest fondé. Que j'aie néan-

moins voté pour lui s'explique par les considérations suivantes.

La méthoded'après laquelleles arrêtsde la Cour sont tradionnellement
rédigésimplique qu'un juge puisse voter pour un arrêts'il est d'accord
sur l'essentiel du dispositif et cela mêmes'il n'accepte pas les motifs
donnés,ce qu'il fait alors normalement connaître par une opinion indi-
viduelle. Certes, cet ordre de choses se prêtedes critiques, notamment
parce qu'il n'exclut pas l'adoption d'arrêtsdont la majorité desjuges
les ayant votésn'accepte pas les motifs, mais telle est la pratique de la
Cour. Selon celle-ci les motifs, qui représentent le fruit des première et
deuxième lecturesde I'arrêt auxquelleparticipent tous lesjuges, précèdent

le dispositif et ne peuvent plus être changau moment du vote pris àla
fin de la deuxième lecture. Ce vote porte uniquement sur le dispositif
et n'est pas suivi de l'indication des motifs retenus par chaque juge.
Dans ces conditions, un juge qui désapprouve les motifs d'un arrêtmais
est en faveur de l'issuà laquelle aboutit le dispositif se sent obligé,dans
l'intérêt delajus'ice, de voter pour l'arrêtcar, en votant autrement, il
risquerait d'empêcher labonne solution. La phase actuelle de la présente
procédure a été enréalitédominée par la question de savoir si la Cour
pouvait continuer à s'occuper de l'affaire. Sur ce point tàufait capital,
je suis arrivé au mêmerésultat que I'arrêt,quoique me fondant sur
d'autres motifs.

J'ai par conséquent dû voter pour l'arrêt,bien que je ne souscrive à
aucun de ses motifs. Une autre manière de voter aurait risquéde contri-
buer à créerune situation bien étrangepour une Cour dont lajuridiction
est volontaire, une situation dans laquelle une affaire aurait été examinée
au fond bien que la majorité desjuges estimât qu'il ne fallait pas le faire.
Ce sont justement de telles situations que l'articlede la Résolution vi-
sant la pratique interne de la Cour en matière judiciaire est destiné à
éviter.
11me reste à expliquer ma position sur la question de la compétence
de la Cour au sens que l'ordonnance du 23juin 1973donne à ce terme.
Cette question àmultiples facettes n'est pas examinéedans I'arrêt,d'après
ce que celui-ci dit expressément. Cela étant et comme, pour ma part,

je n'ai pas non plus éprouvéle besoin de l'examiner pour pouvoir con-
clure à la solution de l'affaire en faveur de laquelle j'ai voté, je ne pense
pas qu'un exposé des idéesque je me suis faites sur ce sujet ait sa
place dans la présente opinion individuelle. Une opinion individuelle
telle que je la conçois ne doit pas aborder d'autres questions que l'arrêt,
à moins que cela ne soit absolument nécessairepour expliquer le vote de
l'auteur. J'ai dondû résisteràla tentation de m'engager dans un échange NUCLEAR TESTS(SEP. OP. PETREN) 491

such an object is lacking now. 1 concur with the Judgment so far as the

outcome to be given the proceedings is concerned, i.e., that the Court is
not called upon to give a decision, but that does not enable me to asso-
ciate myself with the grounds on which the Judgment is based. The fact
that 1 have nevertheless voted for it is explained by the following con-
siderations.
The method whereby the judgments of the Court are traditionally

drafted implies that a judge can vote for a judgment if he is in agreement
with the essential content of the operative part, and that he can do so even
if hedoes not accept thegrounds advanced, a fact which he normally makes
known by a separate opinion. It is true that this method of ordering the
matter is open to criticism, more particularly because it does not rule out
the adoption of judgments whose reasoning is not accepted by the
majority of the judges voting in favour of them, but such is the practice

of the Court. According to this practice, the reasoning, which represents
the fruit of the first and second readings in which al1the judges partici-
pate, precedes the operative part and can no longer be changed at the
moment when the vote is taken at the end of the second readin~. Thus
vote concerns solely the operative part and is not followed by the indica-
tion of the reasons upheld by each judge. In such circumstances, a judge

who disapproves of the reasoning of the judgment but is in favour of the
outcome achieved by the operative clause feels himself obliged, in the
interests of justice, to vote for thejudgment,ecause if he voted the other
way he might frustrate the correct disposition of the case. The present
phase of the proceedings in this case was in reality dominated by the
question whether the Court could continue to deal with the case. On that

absolutely essential pointIreached the same conclusion as the Judgment,
even if my grounds for doing so were different.
1have therefore been obliged to vote for the Judgment, even though 1
do not subscribe to any of its grounds. HadI voted otherwise Iwould have
run the risk of contributingto the creation of a situation which would
have been strange indeed for a Court whose jurisdiction is voluntary, a

situation in which the merits of a case would have been considered even
though the majority of the judges considered that they ought not to be. It
is precisely that kind of situation which Article8 of the Resolution con-
cerningthe lnternal Judicial Practice of the Court is designed to avoid.
Lhave still to explain my position with regard to the question of the
Court's jurisdiction, in thesense givento that term by the Order o22 June

1973.As the Judgment expressly States, this many-faceted question is not
examined therein. That being so, and as 1personally do not feel any need
to examine it in order to conclude in favour of the disposition of the case
for which 1 have voted, 1 think that there is no place in this separate
opinion for any account of the ideas 1 have formed on the subject. A
separate opinion, as L conceive it, ought not to broach any questions not
dealt with by the judgment, unless it is absolutely necessary to do so in

order to explain the author's vote. 1have therefore resisted thetemptation
to engage in an exchange of views on jurisdiction with those of my col-492 ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. IND. PETRÉN)

de vues sur la compétenceavec ceux de mes collèguesqui ont examiné
cette question dans leurs opinions dissidentes. Un débatentre juges sur
des matières dont l'arrêt netraite pas risque de se réduireà une sériede
monologues - ou de chŒurs - disparates. A toutes fins utiles, je dois
cependant souligner que mon silence sur le sujet ne signifie pas que je
consente à la thèsede la compétence dela Cour.

(SignéS )ture PETRÉN.leagues who have gone into this question in their dissenting opinions. A
debate between judges on matters not dealt with in the judgment is not
likely to add up to anything more than a series of unrelated monologues
-or choruses. For whatever purpose it may serve, however, 1 must
stress that my silence on the subjectes not signifyconsent to the propo-

sition that the Court had jurisdiction.

(SignedS) ture PETRÉN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Petrén

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