Opinion individuelle collective de MM. Forster, Bengzon, Jiménez de Aréchaga, Nagendra Singh et Ruda (traduction)

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056-19740725-JUD-01-05-EN
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056-19740725-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE COLLECTIVE DE MM. FORSTER,

BENGZON, JIMENEZ DE ARÉCHAGA,
NAGENDRA SJNGH ET RUDA
[Traduction]

1.Si nous avons pu souscrire à la décision de la Cour et à ses motifs
c'est que, tout en affirmant que l'extension par l'Islande de sajuridiction
en matière de pêcheriesn'est pas opposable au demandeur en raison
de ses droits historiques, l'arrêtne déclare pas, comme le souhaitait le

demandeur, que cette extension est sans fondement en droit international
et dépourvue de validitéergaornnes.En s'abstenant de se prononcer sur
cette partie de la première conclusion où le demandeur prie la Cour dire
et juger que le règlement islandais du 14juillet 1972 ((n'a aucun fonde-
ment en droit internationa» et en parvenant à une décisiondéclarant le
règlement islandais inopposable à la République fédérale d'Allemagne,
l'arrêt s'appuie surdes motifs juridiququi sont expressément liésaux

circonstances etaux caractéristiques particulières de l'espèceetnon sur la
thèse juridique principale du demandeur, à savoir qu'il existerait au-
jourd'hui une règlecoutumière de droit international qui interdirait d'une
façon généraleaux Etats d'étendreleur juridiction en matière de pêcheries
au-delà de 12milles marins à partir de leurs lignes de base.
2. Selon nous, une conclusion qui affirmerait l'existence actuelle d'une
règle généralede droit coutumier fixant pour les Etats riverains, en ma-

tière de pêcheries,une limite obligatoire maximum de 12 milles n'aurait
pas étéfondée. 11n'ya pas aujourd'hui d'usage international ayant un tel
effet, qui soit suffisamment généralet uniforme pour constituer, au sens
du paragraphe 1b) de l'article 38 du Statut de la Cour, la ((preuve d'une
pratique générale acceptécomme étant le droit».
3. Il n'est pas niable que, en dépit des efforts déployéslors de confé-
rences successives de codification du droit de la mer, les Etats n'ont pas

réussià s'entendre sur une règle de droit conventionnel fixant la largeur
maximum de la mer territoriale ou la distance maximum vers le large au-
delà de laquelle les Etats ne sont pas autoriséstendre unilatéralement
leur juridiction en matière de pêcheries.Les débats de la Conférence de
Genève de 1958sur le droit de la mer ont révécet échec,qui a étécons-
taté dans la résolutionVI11 que cette conférence a adoptée le 27 avril
1958. En conséquence, l'Assembléegénéraledes Nations Unies décida

que ces deux sujets constitueraient l'orddu jour de la conférence de
1960 sur le droit de la mer, dont les participants ne parvinrentnons
plus à se mettre d'accord sur un texte. L'élaboration d'une règle sur ces
deux questions demeure donc inscrite à l'ordre du jour de la troisième
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, réunie ence moment
même. 4. Le droit relatif à la pêchedes poissons nectoniques s'est développé
sans rapport aucun avec la question du plateau continental; ces deux
matières, dissociéesà la conférence de 1958, sont demeuréesdistinctes. Il
s'ensuit que, si les dispositions de la Convention sur le plateau continental

(ou les principes qu'elle a proclamés en tant qu'élémentsdu droit coutu-
mier) ne peuvent, à elles seules, servir de fondement juridique à la reven-
dication d'un droit en ce qui concerne les poissons nectoniques dans les
eaux recouvrant le plateau continental, elles ne peuvent non plus être
invoquées, par un raisonnement a contrario, pour juger illicite une pré-
tention à un droit exclusif de pêchedans les eaux surjacentes. Pour mon-

trer l'absence de liens entre ces deux questions, il suffit de rappeler que le
demandeur lui-mêmerevendique depuis 1964des droits exclusifs pour ce
qui est de la pêchedes poissons nectoniques dans des eaux adjacentes et
extérieures à sa mer territoriale, c'est-à-dire dans des eaux qui, selon la
définition figurant à l'article premier de la convention, recouvrent une
partie de son plateau continental.

5. On a égalementsoutenu qu'une limite maximum de 12milles pour la
zone de pêcherésulteimplicitement du fait que l'article 24 de la Conven-
tion sur la mer terri,toriale fixe à 12 milles la limite maximum de la zone
contiguë. IIconvient cependant de noter que la question de la zone conti-
guë est, elle aussi, dépourvue de tout lien avec les questions concernant
les pêcheries:la pêche,en effet, n'est pas au nombre des fins mention-

néesdans ledit article en vue desquelles cette zone est établie.II ne semble
donc pas possible de voir dans cette disposition une restriction apportée
aux limites des pêcheries. D'ailleurs, lorsque la notion de zone contiguë
et ses limites ont étéadoptéesà la conférence de Genève, nul n'a compris
qu'en convenant de cette disposition d'importance relativement secon-
daire !a conférencetranchait implicitement les deux questions fondamen-

tales qui avaient étélaisséesen suspens et qui ont dû en fin de compte
êtrerenvoyéesà une deuxième conférence: la largeur maximum de la mer
territoriale et la limite maximum de la compétence de 1'Etat riverain en
matière de pêcherie:;.Dans sa résolution VIII, la conférencea reconnu que
ces deux questions n'avaient pas reçu de solution. Devant une telle con-
clusion, on ne saurait maintenant plausiblement soutenir qu'en adoptant

l'article 24 re!atif à la zone contiguë la conférence a impliqué, mêmepar
inadvertance, qu'il existait une limite maximum à la compétence en ina-
tièrede pêcheriesou àla largeur de la mer territoriale.
6. Aucune règle quant aux limites maximum de pêche,qui vaille en
tant que coutume internationale, ne semble encore s'êtredégagéecomme
définitivement établie. Le demandeur a toutefois soutenu qu'une telle

règle s'estcristallisie à partir de la proposition qui n'a pas étéadoptée,
faute d'une voix, à la Conférence de 1960 sur le droit de !tmer. II est
exact qu'une prati,que générale s'estétablie à partir de cette proposi-
tion et a, en fait, modifiéla convention de 1958prarter legrriz: une zone
exclusive de pêcheau-delà de ia mer territoriale est devenue un élément
établi du droit international contemporain. II est égaiement exact que le
texte conjoint mis aux voix à iadite conférence prévoyait une forinule

47 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. COLL.) 219

6 -+ 6,c'est-à-dire une zone exclusive de pêched'une largeur de 12milles.
II convient toutefois de distinguer entre les deux sens que peut avoir cette
référenceaux 12 milles:

a) l'extension à 12milles est maintenant reconnue au point que mêmeles
Etats pratiquant la pêche lointaine ne s'opposent plus à ce qu'un Etat
riverain étendeà 12milles sajuridiction exclusive en matière de pêche-
ries; ou bien
b) la règledes 12 milles signifie maintenant que les Etats ne peuvent pas
étendrevalablement leur zone exclusivede pêcheau-delà decette limite.

7. A notre avis, la notion de zone de pêcheet la limite de 12 milles se
sont établiesau sens indiquéà l'alinéa 6 a) ci-dessus quand, vers le milieu
des années 60, les Etats se livrant à la pêchelointaine ont cessé de con-

tester la validité des mesures prises par un certain nombre d'Etats rive-
rains pour établir une zone de pêcheexclusive de 12 milles. C'est pour
cette raison que l'on peut dire, comme le fait l'arrêt, que la limite de
12 milles ccsemble désormais.généralementacceptée)).
8. Cependant, le fait de reconnaître que, sans risquer de contestation
ou d'opposition, les Etats peuvent prétendre à une zone exclusive de
pêchede 12milles ne peut logiquement entraîner la conclusion énoncéeà

l'alinéa 6b) et défendue par le demandeur, à savoir qu'en l'étatactuel du
droit maritime international ce chiffre constitue une limite maximum
obligatoire et qu'un Etat qui dépasse cette limite commet un acte illicite,
dépourvu de validitéerga omnes. Cette thèsedu demandeurrépond à une
question différente,qui doit êtreexaminéeséparément.
9. Cette question est la suivante: existe-t-il une règlede droit coutumier
qui interdise aux Etats d'étendre au-delà de 12 milles leurjuridiction en

matière de pêcheries? Pour pouvoir répondre par l'affirmative à cette
question, il faudrait avoir l'assurance qu'une telle règlerépond aux condi-
tions requises pourque prenne naissance une coutume internationale.
10. 11est de fait que des Etats de plus en plus nombreux émettent la
prétention d'étendreou étendent effectivement leurjuridiction en matière
de pêcheries au-delilde 12 milles. Si cette tendance s'est d'abord manifes-
téeen Amérique latine, elle a étésuivie récemment non seulement dans

cette partie du monde mais aussi dans d'autres régions. Des mesures
analogues ont étéprises par un certain nombre de pays d'Afrique et
d'Asie. Le nombre total des Etats riverains qui ont ainsi agi peut être
maintenant évalué iiun chiffre se situant entre trentet trente-cinq, selon
la façon dont on interprète certaines lois ou certains décrets internes.
II. Si ces prétentions ont généralemententraîné des protestations ou
des objections de la part d'un certain nombre d'importants Etats mari-
times qui se livrent à la pêchelointaine- si bien qu'il n'est pas permis de

dire qu'elles sont ((généralementacceptées)) -, les Etats dans leur majo-
ritén'ont pas formulé de protestations de ce genre et un grand nombre
d'entre eux ont, au contraire, fait des déclarations publiques ou présenté
des propositions formelles qui paraissent incompatibles avec d'éventuelles
protestations de leur part.

48 12. A cet égard, il convient d'attirer l'attention sur les déclarations que
de nombreux Etats ont faites ou les propositions qu'ils ont présentéesà
propos ou en vue de la troisième Conférence sur le droit de la mer. Il est
vrai que, comme l'indique l'arrêtde la Cour, les propositions et docu-
ments préparatoires présentésà cette occasion sont de lege,ferenda.Toute-

fois, on ne saurait, selon nous, entièrement écarter ces prises de position
des Etats, ni les considérer comme dénuéesde toute signification juri-
dique. Si, dans le domaine du droit relatif aux pêcheries,il étaitpossible de
se faire une idéeclaire de ce qu'est exactement la règle de droit interna-
tional existante, on aurait pu ne donner aucune portée juridique à cer-
taines propositions ou déclarations tendant à changer ou à améliorer un

système de droit considérécomme injuste ou inadéquat. Mais telle n'est
pas la situation. II règne actuellement une grande incertitude au sujet du
droit coutumier existant en raison des pratiques opposées et discordantes
des Etats. Dèslors qu'on reconnaît le caractère incertain de la pratique en
la matière, ces déclarations et propositions officielles rendent forcément
plus difficile encore la cristallisation du droit coutumier, encore fluctuant

sur ce point. Qui plus est, le droit relatif aux limites de pêchea toujours
étéetdoit, par son essence même,demeurer un compromis entre les reven-
dications et les prétentions contraires des Etats riverains et des Etats
qui se livrent à la pêchelointaine. Dans un domaine où la pratique est
contradictoire et imprécise,est-il possible, est-il raisonnable de considérer
comme dénuéesde toute pertinence les indications relatives à ce que les
Etats sont prêts à revendiquer ou disposés à accepter, telles qu'elles

ressortent des positions qu'ils ont adoptées en vue ou en prévisiond'une
conférence visant la codification et le développement progressif du droit
en la matière?
13. Le moins que l'on puisse dire est donc que ces déclarations de
mêmeque les propositions écrites déposéespar les représentants des
Etats ne sont pas sans importance quand il s'agit de déterminer quel est,

selon ces Etats, la droit en ce qui concerne la compétenceen matière de
pêcherieset quelle est leur opiniojurissur un point qui est régipar le droit
coutumier. Certaines positions ainsi adoptées par les Etats dans les cir-
constances décrites plus haut montrent que, si le principe fondamental de
la libertéde la pêcheen haute mer n'est pas mis en cause en tant que tel,
un grand nombre d'Etats riverains contestent ou nient que ce principe

s'applique automatiquement et sans exception aux eaux adjacentes
partout dans le monde dès que la limte de 12 milles est atteinte. Cette
attitude ne découle pas seulement de la constatation évidente que deux
conférences n'ont pas pu aboutir à un accord sur une limite maximum;
elle se fonde aussi sur d'autres élémentsqui sont apparus dans l'intervalle
entre la deuxième et la troisième Conférence des Nations Unies sur le

droit de la mer. On fait valoir, par exemple, que la limite de pêchede
12milles confère en réalitéun privilègemanifeste et un net avantage aux
quelques Etats outilléspour se livrer à la pêchelointaine, ce qui contribue
à agrandir l'écartentre paysdéveloppéset paysen voie de développement;
un deuxième élément estque les progrès techniques et l'accroissement de

49la demande en denrées alimentaires qui résulte de l'explosion démogra-
phique comportent un risque grave d'épuisement des ressources biolo-
giques à proximité des côtes de nombreux pays. A ce propos, des études
économiques sur les pêcheriesmontrent que le principe d'un accès illi-

mitéaux eaux côtières provoque inéluctablement un gaspillage physique
et économique, car rien n'incite à ralentir l'effort de pêchepour préserver
les rendements futurs: ce qu'on laisse dans les eaux adjacentes pour
demain peut être prisaujourd'hui par d'autres. Alors que les Etats mieux
outillés peuvent sans difficultétransférer leurs navires ailleurs dèsque les
opérations de pêche cessent d'être rentables, !'Etat riverain, dont les

flottilles sont'moins mobiles, reste le plus intéresséà protéger de l'épuise-
ment les ressources voisines de ses côtes.
14. Tout en admettant que les propositions et les documents prépa-
ratoires soient de It~geferenda et procèdent du dessein d'aboutir à des
accords futurs moyennant des concessions et des compromis, ces prises de

position autorisent néanmoins à tirer les conclusions suivantes:
a) Les Etats qui ont présentédes propositions en vue de l'établissement
d'une zone économique de 200 milles, par exemple, comportant le

contrôle et la réglementation des ressources halieutiques dans cette
zone, ne pourraient pas, sans montrer un certain illogisme, s'opposer
aux prétentions d'autres Etats à une extension analogue, ni protester
contre de telles prétentions. Tel serait notamment le cas des Etats qui,
au Conseil des ministres de l'Organisation de l'unité africaine, ont

votépour la déclaration sur les questions relatives au droit de la mer,
où l'on peut lire (par. 6 du dispositif) ce qui suit:

((Les Etats africains reconnaissent le droit de tous les Etats rive-
rains d'établir au-delà de leur mer territoriale une zone économique
exclusive qui ne s'étendra pas au-delà de 200 milles marins, mesurésà
partir des lignes de base servant à délimiterleur mer territorial».

On pourrait également citer le cas de la République populaire de
Chine. Dans le communiqué commun qu'elle a publié avec le Pérou
le 2 novembre 1971 au sujet de l'établissement de relations diploma-
tiques, la République populaire de Chine reconnaît ((la souveraineté

du Pérousur la zone maritime adjacente à-sescôtes, jusqu'à une limite
de 200 milles marins )).Une déclaration de reconnaissance du même
genre figure daris un communiqué semblable publié avec l'Argentine
le 16février1972.
b) II ne paraît guérejustifiéde compter les Etats qui ont fait ou accepté
de telles déclarations ou propositions au nombre de ceux qui admet-

tent l'existence d'une prétendue pratique en faveur de la limite maxi-
mum obligatoiris de 12milles.

15. Si, aux trente à trente-cinq Etats qui ont déjà étendu au-delà de
12milles leur compétence en matière de pêcheries, l'onajoute les vingt à
vingt-cinq Etats qui ont adopté les positions évoquéesau paragraphe
précédent,force est de conclure qu'à l'heure actuelle plus de la moitié des

50Etats maritimes ont manifestépar leur action ou leur comportement qu'ils
refusent leur appui à la prétendue règlede la limite maximum obligatoire
de 12 milles. Dans ces conditions, la pratique limitée de vingt-quatre
Etats maritimes seulement, que le demandeur invoque en faveur de I'exis-

tence de cette règle, ne saurait être considéréecomme constituant la pra-
tique généralequ'exige l'article 38 du Statut de la Cour.
16. Une autre condition fondamentalequi doit être remplie pour que la
pratique des Etats devienne une règle de droit coutumier est que cette

pratique soit commune, uniforme et concordante. En conséquence, I'exis-
tence d'élémentscontradictoires dans la pratique des Etats ou la manifes-
tation d'un comportement incompatible avec cette pratique, surtout si

elles sont imputables aux Etats mêmesqui sont censéssuivre la coutume
ou la créer, feraient obstacle à la formation d'une règle de droit coutu-
mier.
17. Certains Etats, dont on invoque le comportement pour prouver

qu'il existe une règlerelative à la limite maximum de 12 milles, n'ont pas
hésitéà protéger leurs propres intérêtsen matière de pêcheau-delà de
cette limite, lorsqu'ils ont estiméqu'ils devaient le faire dans l'intérêtde
leurs ressortissants parce que d'importantes pêcheriesse trouvaient dans

les eaux adjacentes à leurs côtes. Diverses méthodes ont étéemployées
pour atteindre ce résultat mais la diversitédes moyens ne doit pas dissi-
muler le fait essentiel. On peut noter, par exemple, que les Etats-Unis

d'Amérique et I'UR.SSont récemment réussià assurer une protection de
ce genre au moyen, non pas d'une action unilatérale, mais d'accords bila-
térauxconclus entre eux et avec d'autres Etats i.Toutefois, ces Puissances
commencèrent par adopter des mesures unilatérales, si bien que les Etars

dont les ressortissants pratiquaient la pêchedans les eaux adjacentes
furent obligés, s'ils voulaient que ceux-ci puissent continuer à pêcher
dans ces eaux, de conclure avec elles des accords de pêche.Ayant rendu
la conclusion de tels accords indispensable, ces Puissances n'eurent aucun

mal, du fait qu'elles étaient en mesure d'offrir divers avantages en com-
pensation, à parvenir à des accords leur garantissant une situation préfé-
-

1Convention internationale (avec annexe et protocole) concernant les pêcheries
hauturières de l'océan Pacifique Nord, signéele 9 mai 1952 par les Etats-Unis d'Amé-
rique, le Canada et le Japon (Nations Unies, Rec~~rildes trnifévol. 205, p. 65); con-
vention concernant les pêcherieshauturières de l'océanPacifique du nord-ouest, signée
le 14mai 1956 par le Japon et l'union des républiques socialistes soviétiq(Anrrricuri
Jorrrtiul of'lt~iernufional L1959, p.763); accord relatifàcertaines questions posées
par l'exercice de la pêchedans la partie nord-est du Pacifiqueu large de la côte des
Etats-Unis d3Amérique, signé le 13 février 1967 par le Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique et le Go~ivernement de l'union des républiques socialistes soviétiques
(Nations Unies, Reclieifiesfruitésvol. 688, p. 157); accord relaacertaines questions
poséespar l'exercice de la pêchedans la partie centre-ouest de l'océanAtlantique. signé
le 25 novembre 1967 par le Go~ivernement des Etats-Unis d'Arnériq~ieet le Gouver-
nement de l'Union des républiques socialistes soviétiques (Nations Unies,Rrrireil des
trüite.vol. 701, p. 162); accords conclus par des échanges de notes signésle 23 décem-
bre 1968 par lesEtats-1Jnis et le Japoàpropos de certaines activités de pêcheau large
des côtes des Etats-Unis d'Amérique et de la pêcheau saumon (Etats-Unis, TIAS,
no 6600).

51 COMPÉTENCE PÊCHERIES (OP. IND. COLL.) 223

rentielle, voire exclusive, sur les lieux de pêcheadjacents à leurs côtes,
mais se trouvant bien au-delà de 12 milles, qui présentaient pour elles un
intérêtparticulier. Cela démontre qu'une zone de 12 milles n'est peut-
être passuffisante, mêmepour les Etats qui ne peuvent prétendre qu'ils
sont spécialementtributaires de la pêchepour la subsistance de leur popu-

lation ou pour leur développement économique. En présenced'une pra-
tique si divergente, il ne semblerait ni juste ni équitable d'admettre l'exis-
tence d'une règlede droit qui priverait certains pays du moyen de protéger
des intérêtsbeaucoup plus vitaux en matière de pêche,du fait qu'ils n'au-
raient pas les mêmespossibilités d'offrir des conditions attrayantes en

contrepartie d'un engagement de ne pas pêcherdans les eaux adjacentes à
leur territoire.
18. La pratique de la France offre un autre exemple intéressant en ce
qui concerne la question de l'uniformité de la coutume. La France a
porté à 80 milles, en 1972, les limites de la zone de pêchede la Guyane
française. La loi no 72-620 du 5juillet 1972établitcette zone de 80 milles

((en vue d'assurer la conservation des ressources biologiques)). Kéan-
moins, l'article 2 de cette loi dispose:

((Dans la partie de la zone définie à l'article premier ci-dessus qui
s'étend au-delà des eaux territoriales, des mesures sont prises, en
tantque de besoin, dans desconditions fixéespar décret,pour limiter
la pêchedes diverses espèces d'animaux marins. L'application de ces
mesures aux navires des Etats étrangersest faite en tenant compte de

la situation géographique de ces Etats et des habitudes de pêchede
leurs ressortissants.
Dans la mêrriepartie de la zone, la pêchepeut êtreinterdite par
décret aux navires des Etats qui n'autorisent pas l'exercice de la
pêchepar les navires français dans des conditionscomparables.))

La France se réserveainsi le droit d'interdire aux navires étrangers de
pratiquer la pêchedans une zone de 12à 80 milles au large de la Guyane,
si les navires français ne sont pas autorisés à pêcherdans les zones, ad-

jacentes à un autre pays, qui se trouvent au-delà de 12 milles de la côte.
II ne serait guère possible de ranger la France parmi les Etats dont la
pratique sefondetoujours sur une prétenduelimite maximum de 12milles,
alors qu'elle se réserve le droit, sous certaines conditions, d'interdire
la pêcheaux navires étrangers à une distance de plus de 12 milles de
la côte de la Guyane française.

19. De même,le:, Etats constituant des archipels, qui ont revendiqué
ou établi des limites de pêcheen fonction des caractéristiques géogra-
phiques de leur territoire, ne peuvent guère être comptésau nombre
des Etats qui admei.tent l'existence d'une limite maximum obligatoire de
12milles. On peut en dire autant des Etats qui ont créé une zonede pêche

exclusive bien au-delà de la limite des 12 milles à partir de leurs côtes
en traçant des ~ligries d'interdiction de la pêche ))en travers de certaines
baies.
20. Cela étant,il n'est pas aujourd'hui possible de voir dans la pratique

52 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. COLL.) 224

des Etats ce que la Cour a qualifié, dans l'affaire du Droit d'asile, de
((coutume constante et uniforme acceptéecomme étant le droit)) (C.I.J.

Recueil 1950, p. 277). La prétendue règleobligatoire fixant la limite maxi-
mum à 12milles ne répond pas à une condition jugée((indispensable ))par
la Cour, à savoir que ((dans ce laps de temps, aussi bref qu'il ait été, la
pratique des Etats, y compris ceux qui sont particulièrement intéressés,ait
été fréquenteet pratiquement uniforme ))(affaires du Plateau continental

de la mer du Nord, C.I.J.Recueil 1969,p. 43).
21. On peut donc: conclure que, en ce qui concerne l'existence d'une
règle de droit coutumier imposant une limite maximum à la compétence
d'un Etat en matière de pêcheries,la situation est actuellement incertaine.
Il n'est pas possible de dégager de la pratique des Etats une règle ferme

qui soit suffisamment généraleet uniforme pour êtreacceptée comme
règlede droit coutumier fixant l'étendue maximum de la compétence d'un
Etat riverain en matière de pêcheries. IIne s'ensuit pas qu'il existe en
droit une lacune complète qui justifierait toute réclamation ou rendrait
impossible toute décision sur des différends concrets. En l'espèce, par

exemple, nous avons pu souscrire à un arrêtfondé sur deux notions que
nous approuvons totalement: les droits préférentielsde 1'Etat riverain et
les droitsd'rin Etat dont la population et l'industrie dépendent en partie
depuis longtemps sur le plan économique des mêmes ressources halieu-
tiques.

22. Certes, une telle situation d'incertitude juridique n'est pas satis-
faisante et peut provoquer des frictions entre Etats et des différendsinter-
nationaux. II faut toutefois espérer que le droit en la matière pourra être
préciségrâce aux efforts visant à assurer sa codification et son développe-
ment progressif qui sont actuellementdéployésàlaconférencede Caracas.

(Signé) 1. FORSTER.
(Signé) C. BENGZON.

(Signé) E. JIMÉNEZDE ARÉCHAGA.
(Signé) NAGENDR AINGH.

(Signé) J. M. RUDA.

Bilingual Content

JOINT SEPARATE OPINION OF JUDGES FORSTER,
BENGZON, JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA,
NAGENDRA SINGH AND RUDA

1. What has made it possible for us to concur in the reasoning of the
Courtand to subscribe to its decision is that, while the Judgment declares

the Icelandic extension of its fisheries jurisdiction non-opposabto the
Applicant's historic rights, it does not declare, as requested by the
Applicant, that such an extension is without foundation in international
law and invalid erga omnes. In refraining from pronouncing upon that
part of the Applicant's first submission in which it requests the Court to
adjudge and declare that the Icelandic Regulations of 14July 1972 have

"no basis in international law", and in reachinginstead a decision of non-
opposability to the Federal Republic of Germany of the lcelandic regula-
tions, the Judgment is based on legal grounds which are specifically con-
fined to the circumstances and special characteristics of the present case
and is not based on the Applicant's main legal contention, namely, that a
customary rule of international law exists today imposing a general

prohibition on extensions by States of their exclusive fisheries jurisdiction
beyond 12 nautical miles from their baselincs.
2. In our view, to reach the conclusion that there is at present a general
rule of customary law establishing for coastal States an obligatory
maximum fishery limit of 12 miles would not have been well founded.
There is not today an international usage to that effect sufficiently wide-
spread and uniform as to constitute, within the meaning of Article 38,

paragraph 1 (b), of the Court's Statute, "evidence of a general practice
accepted as law".
3. It is an indisputable fact that it has not been possible for States, de-
spite the efforts made at successive codification conferences on the law of
the sea, to reach an agreement on a rule of conventional law fixing the
maximum breadth of the territorial sea nor the maximum distance sea-

ward beyond which States are not allowed to extend unilaterally their
fisheries jurisdiction. The deliberations of the 1958Geneva Conference on
the Law of the Sea revealed this failure which has been recorded in its
resolution VI11 of 27 April 1958. The General Assembly of the United
Nations consequently laj'ddown that these two subjects would constitute
the agenda for the 1960 Conference on the Law of the Sea, which also
failed to reach agreement on a text. The establishment of a rule on these

two questions thus remains among the topics on theagenda of the current
Third United Nations Conference on the Law of the Sea. OPINION INDIVIDUELLE COLLECTIVE DE MM. FORSTER,

BENGZON, JIMENEZ DE ARÉCHAGA,
NAGENDRA SJNGH ET RUDA
[Traduction]

1.Si nous avons pu souscrire à la décision de la Cour et à ses motifs
c'est que, tout en affirmant que l'extension par l'Islande de sajuridiction
en matière de pêcheriesn'est pas opposable au demandeur en raison
de ses droits historiques, l'arrêtne déclare pas, comme le souhaitait le

demandeur, que cette extension est sans fondement en droit international
et dépourvue de validitéergaornnes.En s'abstenant de se prononcer sur
cette partie de la première conclusion où le demandeur prie la Cour dire
et juger que le règlement islandais du 14juillet 1972 ((n'a aucun fonde-
ment en droit internationa» et en parvenant à une décisiondéclarant le
règlement islandais inopposable à la République fédérale d'Allemagne,
l'arrêt s'appuie surdes motifs juridiququi sont expressément liésaux

circonstances etaux caractéristiques particulières de l'espèceetnon sur la
thèse juridique principale du demandeur, à savoir qu'il existerait au-
jourd'hui une règlecoutumière de droit international qui interdirait d'une
façon généraleaux Etats d'étendreleur juridiction en matière de pêcheries
au-delà de 12milles marins à partir de leurs lignes de base.
2. Selon nous, une conclusion qui affirmerait l'existence actuelle d'une
règle généralede droit coutumier fixant pour les Etats riverains, en ma-

tière de pêcheries,une limite obligatoire maximum de 12 milles n'aurait
pas étéfondée. 11n'ya pas aujourd'hui d'usage international ayant un tel
effet, qui soit suffisamment généralet uniforme pour constituer, au sens
du paragraphe 1b) de l'article 38 du Statut de la Cour, la ((preuve d'une
pratique générale acceptécomme étant le droit».
3. Il n'est pas niable que, en dépit des efforts déployéslors de confé-
rences successives de codification du droit de la mer, les Etats n'ont pas

réussià s'entendre sur une règle de droit conventionnel fixant la largeur
maximum de la mer territoriale ou la distance maximum vers le large au-
delà de laquelle les Etats ne sont pas autoriséstendre unilatéralement
leur juridiction en matière de pêcheries.Les débats de la Conférence de
Genève de 1958sur le droit de la mer ont révécet échec,qui a étécons-
taté dans la résolutionVI11 que cette conférence a adoptée le 27 avril
1958. En conséquence, l'Assembléegénéraledes Nations Unies décida

que ces deux sujets constitueraient l'orddu jour de la conférence de
1960 sur le droit de la mer, dont les participants ne parvinrentnons
plus à se mettre d'accord sur un texte. L'élaboration d'une règle sur ces
deux questions demeure donc inscrite à l'ordre du jour de la troisième
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, réunie ence moment
même.218 FISHERIESJURISDlCTlON (JOINT SEP. OP.)

4. The law with respect to free-swimming fishery resources has evolved
with complete independence from the question of the continental shelf:

the two subjects, divorced at the 1958 Conference, have remained sepa-
rate. It follows that while the provisions of the Continental Shelf Conven-
tion (or the principles it established as customary law) cannot afford per
se a legal basis to a claim with respect to free-swimming fish in the waters
above the shelf, these provisions cannot either be applied a contrario in
order to rule as unlawful a claim to exclusive fisheries in the superjacent

waters. In order to prove the lack of relationship between the two ques-
tions it is suficient to recall that the Applicant itself has claimed since
1964 exclusive rights over free-swimming fishery resources in waters
beyond and adjacent to its own territorial sea, that is to Say in waters
which, under the terms of Article 1 of the Continental Shelf Convention,
are superjacent to part of its continental shelf.

5. It has also been contended that a 12-mile maximum fishery limit
results by implication from the fact that Article 24 of the Territorial Sea
Convention establishesa maximum 12-milelimit forthe contiguous zone.
However, the contiguous zone is also entirely unrelated to fishery ques-

tions: fishing does not find a place among the purposes of the zone
referred to in that Article. It does not seem possible therefore to infer
from this provision a restriction with respect to fishery limits. Moreover,
when the contiguous zone concept and its limits were adopted at the
Geneva Conference no-one understood at the time that by agreeing to
this comparatively secondary provision, the Conference was deciding by

implication the two basic questions which had been left in suspense and
had in the end to be referred to a second Conference: the maximum
breadth of the territorial sea and the maximum fishery jurisdiction of the
coastal State. The Conference recorded in its resolution No. VI11 that
these two questions had remained unsettled. In the face of that decision,
it does not seem plausible to contend now that the Conference in adopting

Article 24 on the Contiguous Zone implied, even inadvertently, a maxi-
mum limit for fisheryjurisdiction or for the territorial sea.

6. No maximum rule on fishery limits, having the force of international
custom, appears to have as yet emerged to be finally established. The
Applicant has however contended that such a rule did crystallize around
the proposal which failed to be adopted by one vote at the 1960 Con-
ference on the Law of the Sea. It is true that a general practice has
developed around that proposal and has in fact amended the 1958 Con-
vention praeter legem: an exclusive fishery zone beyond the territorial sea

has become an established feature of contemporary international law. It
is also true that the joint formula voted at that Conference provided for a
6 -L 6 formula, i.e., for an exclusive 12-mile fishery zone. It is however 4. Le droit relatif à la pêchedes poissons nectoniques s'est développé
sans rapport aucun avec la question du plateau continental; ces deux
matières, dissociéesà la conférence de 1958, sont demeuréesdistinctes. Il
s'ensuit que, si les dispositions de la Convention sur le plateau continental

(ou les principes qu'elle a proclamés en tant qu'élémentsdu droit coutu-
mier) ne peuvent, à elles seules, servir de fondement juridique à la reven-
dication d'un droit en ce qui concerne les poissons nectoniques dans les
eaux recouvrant le plateau continental, elles ne peuvent non plus être
invoquées, par un raisonnement a contrario, pour juger illicite une pré-
tention à un droit exclusif de pêchedans les eaux surjacentes. Pour mon-

trer l'absence de liens entre ces deux questions, il suffit de rappeler que le
demandeur lui-mêmerevendique depuis 1964des droits exclusifs pour ce
qui est de la pêchedes poissons nectoniques dans des eaux adjacentes et
extérieures à sa mer territoriale, c'est-à-dire dans des eaux qui, selon la
définition figurant à l'article premier de la convention, recouvrent une
partie de son plateau continental.

5. On a égalementsoutenu qu'une limite maximum de 12milles pour la
zone de pêcherésulteimplicitement du fait que l'article 24 de la Conven-
tion sur la mer terri,toriale fixe à 12 milles la limite maximum de la zone
contiguë. IIconvient cependant de noter que la question de la zone conti-
guë est, elle aussi, dépourvue de tout lien avec les questions concernant
les pêcheries:la pêche,en effet, n'est pas au nombre des fins mention-

néesdans ledit article en vue desquelles cette zone est établie.II ne semble
donc pas possible de voir dans cette disposition une restriction apportée
aux limites des pêcheries. D'ailleurs, lorsque la notion de zone contiguë
et ses limites ont étéadoptéesà la conférence de Genève, nul n'a compris
qu'en convenant de cette disposition d'importance relativement secon-
daire !a conférencetranchait implicitement les deux questions fondamen-

tales qui avaient étélaisséesen suspens et qui ont dû en fin de compte
êtrerenvoyéesà une deuxième conférence: la largeur maximum de la mer
territoriale et la limite maximum de la compétence de 1'Etat riverain en
matière de pêcherie:;.Dans sa résolution VIII, la conférencea reconnu que
ces deux questions n'avaient pas reçu de solution. Devant une telle con-
clusion, on ne saurait maintenant plausiblement soutenir qu'en adoptant

l'article 24 re!atif à la zone contiguë la conférence a impliqué, mêmepar
inadvertance, qu'il existait une limite maximum à la compétence en ina-
tièrede pêcheriesou àla largeur de la mer territoriale.
6. Aucune règle quant aux limites maximum de pêche,qui vaille en
tant que coutume internationale, ne semble encore s'êtredégagéecomme
définitivement établie. Le demandeur a toutefois soutenu qu'une telle

règle s'estcristallisie à partir de la proposition qui n'a pas étéadoptée,
faute d'une voix, à la Conférence de 1960 sur le droit de !tmer. II est
exact qu'une prati,que générale s'estétablie à partir de cette proposi-
tion et a, en fait, modifiéla convention de 1958prarter legrriz: une zone
exclusive de pêcheau-delà de ia mer territoriale est devenue un élément
établi du droit international contemporain. II est égaiement exact que le
texte conjoint mis aux voix à iadite conférence prévoyait une forinule

47necessary to make a distinction between the two meanings which may be
ascribed to that reference to 12miles:

) the 12-mile extension has now obtained recognition to the point
that even distant-water fishing States no longer object to a coastal
State extending its exclusive fisheries jurisdiction zone to 12 miles;

or, on the other hand,
(6) the 12-mile rule has come to mean that States cannot validly extend
their exclusive fishery zones beyond that limit.

7. In Our view, the concept of the fishery zone and the 12-mile limit
became established with the meaning indicated in 6 (a) above when, in
the middle sixties, distant-water fishing States ceased to challenge the
exclusive fishery zone of 12 miles established by a numbrr of coastal
States. It is for this reason that it may be said, as theJudgment does, that
the 12-milelimit "appears now to be generally accepted".

8. However, to recognize the possibility that States might claim without
risk of challenge or objection an exclusive fisheries zone of 12 miles
cannot by any sense of logic necessarily lead to the conclusion contended
for by the Applicant, namely, that such a figure constitutes in the present
state of maritime international law an obligatory maximum limit and that
a State going beyond such a limit commits an unlawful act, which is

invalid erga omnes. This contention of the Applicant is an answer to a
different question, which must be examined separately.
9. That question is as follows: is there an existing rule of customary law
which forbids States to extend their fisheries jurisdiction beyond 12
miles? In order to reply in the affirmative to this question, it would be
necessary to be satisfied thatsuch a rule meets the conditions required for

the birth of an international custom.
10. It is a fact that a continually increasing number of States have made
claims to extend and have effectively extended their fisheries jurisdiction
beyond 12miles. While such a trend was initiated in Latin America, it has
been lately followed not only in that part of the world, but in other
regions as well. A number of countries in Africa and Asia have also
adopted a similar action. The total number adopting that position may

now be estimated to be between 30 to 35 coastal States, dependiiig on the
interpretation to be given to certain national laws or decrees.

11. While those claims have generally given rise to protests or objec-
tions by a number of important maritime and distant-water fishing
States, and in this respect they cannot be described as being "generally
accepted", a majority of States have not filed similar protests, and quite a

number have, on the contrary, made public pronouncements or forma1
proposais which would appear to be inconsistent with the making of such
protests. COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. COLL.) 219

6 -+ 6,c'est-à-dire une zone exclusive de pêched'une largeur de 12milles.
II convient toutefois de distinguer entre les deux sens que peut avoir cette
référenceaux 12 milles:

a) l'extension à 12milles est maintenant reconnue au point que mêmeles
Etats pratiquant la pêche lointaine ne s'opposent plus à ce qu'un Etat
riverain étendeà 12milles sajuridiction exclusive en matière de pêche-
ries; ou bien
b) la règledes 12 milles signifie maintenant que les Etats ne peuvent pas
étendrevalablement leur zone exclusivede pêcheau-delà decette limite.

7. A notre avis, la notion de zone de pêcheet la limite de 12 milles se
sont établiesau sens indiquéà l'alinéa 6 a) ci-dessus quand, vers le milieu
des années 60, les Etats se livrant à la pêchelointaine ont cessé de con-

tester la validité des mesures prises par un certain nombre d'Etats rive-
rains pour établir une zone de pêcheexclusive de 12 milles. C'est pour
cette raison que l'on peut dire, comme le fait l'arrêt, que la limite de
12 milles ccsemble désormais.généralementacceptée)).
8. Cependant, le fait de reconnaître que, sans risquer de contestation
ou d'opposition, les Etats peuvent prétendre à une zone exclusive de
pêchede 12milles ne peut logiquement entraîner la conclusion énoncéeà

l'alinéa 6b) et défendue par le demandeur, à savoir qu'en l'étatactuel du
droit maritime international ce chiffre constitue une limite maximum
obligatoire et qu'un Etat qui dépasse cette limite commet un acte illicite,
dépourvu de validitéerga omnes. Cette thèsedu demandeurrépond à une
question différente,qui doit êtreexaminéeséparément.
9. Cette question est la suivante: existe-t-il une règlede droit coutumier
qui interdise aux Etats d'étendre au-delà de 12 milles leurjuridiction en

matière de pêcheries? Pour pouvoir répondre par l'affirmative à cette
question, il faudrait avoir l'assurance qu'une telle règlerépond aux condi-
tions requises pourque prenne naissance une coutume internationale.
10. 11est de fait que des Etats de plus en plus nombreux émettent la
prétention d'étendreou étendent effectivement leurjuridiction en matière
de pêcheries au-delilde 12 milles. Si cette tendance s'est d'abord manifes-
téeen Amérique latine, elle a étésuivie récemment non seulement dans

cette partie du monde mais aussi dans d'autres régions. Des mesures
analogues ont étéprises par un certain nombre de pays d'Afrique et
d'Asie. Le nombre total des Etats riverains qui ont ainsi agi peut être
maintenant évalué iiun chiffre se situant entre trentet trente-cinq, selon
la façon dont on interprète certaines lois ou certains décrets internes.
II. Si ces prétentions ont généralemententraîné des protestations ou
des objections de la part d'un certain nombre d'importants Etats mari-
times qui se livrent à la pêchelointaine- si bien qu'il n'est pas permis de

dire qu'elles sont ((généralementacceptées)) -, les Etats dans leur majo-
ritén'ont pas formulé de protestations de ce genre et un grand nombre
d'entre eux ont, au contraire, fait des déclarations publiques ou présenté
des propositions formelles qui paraissent incompatibles avec d'éventuelles
protestations de leur part.

48 12. In this respect, attention must be drawn to declarations made, or
proposals filed by a number of States in relation to or in preparation for
the Third Conference on the Law of the Sea. It is truethat, as the Court's
Judgment indicates, the proposals and preparatory documents made in

the aforesaid context arede legeferenda. However, it is not possible in our
view to brush aside entirely these pronouncements of States and consider
them devoid of al1legal significance. If the law relating to fisheries con-
stituted a subject on which there were clear indications of what precisely
is the rule of international law in existence, it may then have been pos-
sible to disregard altogether the legal significance of certain proposals,

declarations or statements which advocate changes or improvements in a
system of law which is considered to be unjust or inadequate. But this is
not the situation. There is at the moment great uncertainty as to the
existing customary law on account of the conflicting and discordant
practice of States. Oncethe uncertainty of such a practice is admitted, the
impact of the aforesaid official pronouncements, declarations and propo-

sais must undoubtedly have an unsettling effect on the crystallization of
a still evolving customary law on the subject. Furthermore, the law on
fisherylimits has alwaysbeen and must by its very essence be a compromise
between the claims and counter-claims of coastal and distant-water
fishing States. On a subject where practice is contradictory and lacks

precision, is it possible and reasonable to discard entirely as irrelevant
the evidence of what States are prepared to claim and to acquiesce in, as
gathered fromthe positions taken by ehem in view of or in preparation for
a conference for the codification and progressive development of the law
on the subject?

13. The least that can be said, therefore, is that such declarations and
statements and the written proposals submitted by representatives of
States are of significance to determine the views of those States as to the
law on fisheries jurisdiction rand their opinio iuris on a subject regu-
lated by customary law. A number of pronouncements of States in the
aforesaid circumstances reveals that while the fundamental principle of

freedom of fishing in the high seas is not challenged as such, a large
number of coastal States contest or deny that such a principle applies
automatically and without exception to adjacent waters in al1parts of the
world as soon as the 12-milelimit is reached. Such an attitude is not only
based on the clear consideration that two conferences have failed to
agree on a maximum limit but also because of additiona! factors which

have emerged in the intervening period between the Second and Third
United Nations Conferences. For example, it is contended that the 12-
mile fishery limit ensures, in fact, a clear privilege and a distinct ad-
vantage to the few States equipped to undertake distant-water fishing,
thus widening the gulf between developed and developing States; a
second fact is that technological advances and the pressure on food

supplies resulting from the population explosion have caused a serious
danger of depletion of living resources in the vicinity of the coasts of 12. A cet égard, il convient d'attirer l'attention sur les déclarations que
de nombreux Etats ont faites ou les propositions qu'ils ont présentéesà
propos ou en vue de la troisième Conférence sur le droit de la mer. Il est
vrai que, comme l'indique l'arrêtde la Cour, les propositions et docu-
ments préparatoires présentésà cette occasion sont de lege,ferenda.Toute-

fois, on ne saurait, selon nous, entièrement écarter ces prises de position
des Etats, ni les considérer comme dénuéesde toute signification juri-
dique. Si, dans le domaine du droit relatif aux pêcheries,il étaitpossible de
se faire une idéeclaire de ce qu'est exactement la règle de droit interna-
tional existante, on aurait pu ne donner aucune portée juridique à cer-
taines propositions ou déclarations tendant à changer ou à améliorer un

système de droit considérécomme injuste ou inadéquat. Mais telle n'est
pas la situation. II règne actuellement une grande incertitude au sujet du
droit coutumier existant en raison des pratiques opposées et discordantes
des Etats. Dèslors qu'on reconnaît le caractère incertain de la pratique en
la matière, ces déclarations et propositions officielles rendent forcément
plus difficile encore la cristallisation du droit coutumier, encore fluctuant

sur ce point. Qui plus est, le droit relatif aux limites de pêchea toujours
étéetdoit, par son essence même,demeurer un compromis entre les reven-
dications et les prétentions contraires des Etats riverains et des Etats
qui se livrent à la pêchelointaine. Dans un domaine où la pratique est
contradictoire et imprécise,est-il possible, est-il raisonnable de considérer
comme dénuéesde toute pertinence les indications relatives à ce que les
Etats sont prêts à revendiquer ou disposés à accepter, telles qu'elles

ressortent des positions qu'ils ont adoptées en vue ou en prévisiond'une
conférence visant la codification et le développement progressif du droit
en la matière?
13. Le moins que l'on puisse dire est donc que ces déclarations de
mêmeque les propositions écrites déposéespar les représentants des
Etats ne sont pas sans importance quand il s'agit de déterminer quel est,

selon ces Etats, la droit en ce qui concerne la compétenceen matière de
pêcherieset quelle est leur opiniojurissur un point qui est régipar le droit
coutumier. Certaines positions ainsi adoptées par les Etats dans les cir-
constances décrites plus haut montrent que, si le principe fondamental de
la libertéde la pêcheen haute mer n'est pas mis en cause en tant que tel,
un grand nombre d'Etats riverains contestent ou nient que ce principe

s'applique automatiquement et sans exception aux eaux adjacentes
partout dans le monde dès que la limte de 12 milles est atteinte. Cette
attitude ne découle pas seulement de la constatation évidente que deux
conférences n'ont pas pu aboutir à un accord sur une limite maximum;
elle se fonde aussi sur d'autres élémentsqui sont apparus dans l'intervalle
entre la deuxième et la troisième Conférence des Nations Unies sur le

droit de la mer. On fait valoir, par exemple, que la limite de pêchede
12milles confère en réalitéun privilègemanifeste et un net avantage aux
quelques Etats outilléspour se livrer à la pêchelointaine, ce qui contribue
à agrandir l'écartentre paysdéveloppéset paysen voie de développement;
un deuxième élément estque les progrès techniques et l'accroissement de

49many countries. In this respect, economic studies on fisheries have shown
that the principle of open and unrestricted access to coastal waters
inevitably results in physical and economic waste, since there is no in-

centive for restraint in the interest of future returns: anything left in
adjacent waters for tomorrow may be taken by others today. While the
better-equipped States can freely move their fleets to other grounds as
soon as the fishing operations become uneconomical, the coastal States,
with less mobile fleets, maintain the greatest interest in ensuring that the
resources near their own coasts are not depleted.

14. While granting that proposals and preparatory documents are de
lege ferenda and made with the purpose of reaching future agreements on
the basis of concessions and compromise, the following inferences could,
however, be legitimately drawn from their existence:

(a) States submitting proposals for a 200-mile economic zone, for in-
stance, which includes control and regulation of fishery resources in
that area, would be in a somewhat inconsistent position if they op-

posed or protested against claims of other States for a similar ex-
tension. Such would be the case, in particular, of those States that
have, in the Council of Ministers of the Organization of African
Unity, voted in favour of the declaration on the Issues of the Law of
the Sea, Article 6 of which says:

". ..that the African States recognize the right of each coastal State
to establish an exclusive economic zone beyond their territorial seas
whose limits shall not exceed 200 nautical miles, measured from the

baselines establishing their territorial sea".
Another instance is that of the Peo~le's Re~ublic of China. In the
joint communiqué of establishment of diplomatic relations with

Peru of 2 November 1971. the Peo~le's Re~ubiic of China re-
cognized "the sovereignty of Peru over the maritime zone adjacent
to her coasts within the limits of 200 nautical miles". The same re-
cognition was expressed in a similar communiqué with Argentina
on 16 February 1972.

(6) it would not seem justified to count States which have agreed to or

made such declarations and proposals as figuring in the group of
States concurring in the establishment of an alleged practice in
favour of a 12-mile maximum obligatory limit.

15. If, to the30 to35 States which have already extended their fisheries
jurisdiction beyond 12miles, there is added the furthernumber of 20 to 25
States which have taken the attitudes described in the preceding para-
graph, the conclusion would be that, today, more than half the maritimela demande en denrées alimentaires qui résulte de l'explosion démogra-
phique comportent un risque grave d'épuisement des ressources biolo-
giques à proximité des côtes de nombreux pays. A ce propos, des études
économiques sur les pêcheriesmontrent que le principe d'un accès illi-

mitéaux eaux côtières provoque inéluctablement un gaspillage physique
et économique, car rien n'incite à ralentir l'effort de pêchepour préserver
les rendements futurs: ce qu'on laisse dans les eaux adjacentes pour
demain peut être prisaujourd'hui par d'autres. Alors que les Etats mieux
outillés peuvent sans difficultétransférer leurs navires ailleurs dèsque les
opérations de pêche cessent d'être rentables, !'Etat riverain, dont les

flottilles sont'moins mobiles, reste le plus intéresséà protéger de l'épuise-
ment les ressources voisines de ses côtes.
14. Tout en admettant que les propositions et les documents prépa-
ratoires soient de It~geferenda et procèdent du dessein d'aboutir à des
accords futurs moyennant des concessions et des compromis, ces prises de

position autorisent néanmoins à tirer les conclusions suivantes:
a) Les Etats qui ont présentédes propositions en vue de l'établissement
d'une zone économique de 200 milles, par exemple, comportant le

contrôle et la réglementation des ressources halieutiques dans cette
zone, ne pourraient pas, sans montrer un certain illogisme, s'opposer
aux prétentions d'autres Etats à une extension analogue, ni protester
contre de telles prétentions. Tel serait notamment le cas des Etats qui,
au Conseil des ministres de l'Organisation de l'unité africaine, ont

votépour la déclaration sur les questions relatives au droit de la mer,
où l'on peut lire (par. 6 du dispositif) ce qui suit:

((Les Etats africains reconnaissent le droit de tous les Etats rive-
rains d'établir au-delà de leur mer territoriale une zone économique
exclusive qui ne s'étendra pas au-delà de 200 milles marins, mesurésà
partir des lignes de base servant à délimiterleur mer territorial».

On pourrait également citer le cas de la République populaire de
Chine. Dans le communiqué commun qu'elle a publié avec le Pérou
le 2 novembre 1971 au sujet de l'établissement de relations diploma-
tiques, la République populaire de Chine reconnaît ((la souveraineté

du Pérousur la zone maritime adjacente à-sescôtes, jusqu'à une limite
de 200 milles marins )).Une déclaration de reconnaissance du même
genre figure daris un communiqué semblable publié avec l'Argentine
le 16février1972.
b) II ne paraît guérejustifiéde compter les Etats qui ont fait ou accepté
de telles déclarations ou propositions au nombre de ceux qui admet-

tent l'existence d'une prétendue pratique en faveur de la limite maxi-
mum obligatoiris de 12milles.

15. Si, aux trente à trente-cinq Etats qui ont déjà étendu au-delà de
12milles leur compétence en matière de pêcheries, l'onajoute les vingt à
vingt-cinq Etats qui ont adopté les positions évoquéesau paragraphe
précédent,force est de conclure qu'à l'heure actuelle plus de la moitié des

50States are on record as not supporting in fact and by their conduct the
alleged maximum obligatory 12-mile rule. In these circumstances, the
limited State practice confined to some 24 maritime countries cited by

the Applicant in favour of such a rule cannot be considered to meet the
requirement of generality demanded by Article 38 of the Court's Statute.

16. Another essential requirement for the practice of States to acquire
the status of customary law is that such State practice must be common,
consistent and concordant. Thus contradiction in the practice of States or
inconsistent conduct, particularly emanating from these very States

which are said to be following or establishing the custom, would prevent
the emergence of a rule of custornary law.

17. Certain States, whose conduct is invoked as showing the existence
of the 12-mile maximum rule, have not hesitated to protect their own
fishing interests beyond that limit, when they felt that it was required for

the benefit of their nationals by the existence of important fisheries in
waters adjacent to their coasts. Various methods have been utilized to
achieve that result, but the variety of methods should not obscure the
essential fact. It could be observed for instance, that the United States
and the USSR have lately carried out this form of protection not uni-
laterally but through bilateral agreements interse and with other States 1.
However, these Powers began by adopting unilateral measures which

created for the States whose nationals were fishing in adjacent waters the
need to enter into fishery agreements if they wished that their nationals
couldcontinue their fishing activities in those grounds. Once the need for
an agreement was thus created, it was not difficult for these Powers,
because of their possibilities in offering various countervailing advan-
tages, to reach agreements which assured them of a preferential or even
an exclusive position in those fishing grounds in which they had special

interests in areas adjacent to their shores well beyond the 12 miles. This

1 International Convention (with annex and Protocol) for the HigSeas Fisheries
of the North Pacific Ocean signed on 9 May 1952 by the United States of America,
Canada and Japan (United Nations Treaty Series, Vol. 205, p. 65); Convention con-
cerning the High Seas Fisheries of the North-West Pacific Ocean signed on 14 May
1956 by Japan and the Union of Soviet Socialist Republics (AJIL, 1959, p. 763);
Agreement between the Government of the United States of America and theGovern-
North-Eastern Part of the Pacific Ocean off the Coast of the United States of America,
signed on 13February 1967(United Nations Treaty Series, Vol. 688, p. 157);Agreement
between the Government of the United States of America and the Government of the
Union of Soviet Socialist Republics on Certain Fishery Problems on the Highas in
the Western Areas of the Middle Atlantic Ocean, signed on 25 November 1967(United
Nations Treaty Series, Vol. 701, p. 162); Agreements effected by Exchange of Notes
signed on 23 December 1968between the United States andJapan on Certain Fisheries
off the United States Coast and Salmon Fisheries(TIAS of the United States, No.
6600).Etats maritimes ont manifestépar leur action ou leur comportement qu'ils
refusent leur appui à la prétendue règlede la limite maximum obligatoire
de 12 milles. Dans ces conditions, la pratique limitée de vingt-quatre
Etats maritimes seulement, que le demandeur invoque en faveur de I'exis-

tence de cette règle, ne saurait être considéréecomme constituant la pra-
tique généralequ'exige l'article 38 du Statut de la Cour.
16. Une autre condition fondamentalequi doit être remplie pour que la
pratique des Etats devienne une règle de droit coutumier est que cette

pratique soit commune, uniforme et concordante. En conséquence, I'exis-
tence d'élémentscontradictoires dans la pratique des Etats ou la manifes-
tation d'un comportement incompatible avec cette pratique, surtout si

elles sont imputables aux Etats mêmesqui sont censéssuivre la coutume
ou la créer, feraient obstacle à la formation d'une règle de droit coutu-
mier.
17. Certains Etats, dont on invoque le comportement pour prouver

qu'il existe une règlerelative à la limite maximum de 12 milles, n'ont pas
hésitéà protéger leurs propres intérêtsen matière de pêcheau-delà de
cette limite, lorsqu'ils ont estiméqu'ils devaient le faire dans l'intérêtde
leurs ressortissants parce que d'importantes pêcheriesse trouvaient dans

les eaux adjacentes à leurs côtes. Diverses méthodes ont étéemployées
pour atteindre ce résultat mais la diversitédes moyens ne doit pas dissi-
muler le fait essentiel. On peut noter, par exemple, que les Etats-Unis

d'Amérique et I'UR.SSont récemment réussià assurer une protection de
ce genre au moyen, non pas d'une action unilatérale, mais d'accords bila-
térauxconclus entre eux et avec d'autres Etats i.Toutefois, ces Puissances
commencèrent par adopter des mesures unilatérales, si bien que les Etars

dont les ressortissants pratiquaient la pêchedans les eaux adjacentes
furent obligés, s'ils voulaient que ceux-ci puissent continuer à pêcher
dans ces eaux, de conclure avec elles des accords de pêche.Ayant rendu
la conclusion de tels accords indispensable, ces Puissances n'eurent aucun

mal, du fait qu'elles étaient en mesure d'offrir divers avantages en com-
pensation, à parvenir à des accords leur garantissant une situation préfé-
-

1Convention internationale (avec annexe et protocole) concernant les pêcheries
hauturières de l'océan Pacifique Nord, signéele 9 mai 1952 par les Etats-Unis d'Amé-
rique, le Canada et le Japon (Nations Unies, Rec~~rildes trnifévol. 205, p. 65); con-
vention concernant les pêcherieshauturières de l'océanPacifique du nord-ouest, signée
le 14mai 1956 par le Japon et l'union des républiques socialistes soviétiq(Anrrricuri
Jorrrtiul of'lt~iernufional L1959, p.763); accord relatifàcertaines questions posées
par l'exercice de la pêchedans la partie nord-est du Pacifiqueu large de la côte des
Etats-Unis d3Amérique, signé le 13 février 1967 par le Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique et le Go~ivernement de l'union des républiques socialistes soviétiques
(Nations Unies, Reclieifiesfruitésvol. 688, p. 157); accord relaacertaines questions
poséespar l'exercice de la pêchedans la partie centre-ouest de l'océanAtlantique. signé
le 25 novembre 1967 par le Go~ivernement des Etats-Unis d'Arnériq~ieet le Gouver-
nement de l'Union des républiques socialistes soviétiques (Nations Unies,Rrrireil des
trüite.vol. 701, p. 162); accords conclus par des échanges de notes signésle 23 décem-
bre 1968 par lesEtats-1Jnis et le Japoàpropos de certaines activités de pêcheau large
des côtes des Etats-Unis d'Amérique et de la pêcheau saumon (Etats-Unis, TIAS,
no 6600).

51demonstrates the fact that even for States which cannot claim a special
dependence on their fisheries for their livelihood or economic develop-
ment, 12 miles may not be sufficient. It would not seem fair or equitable
to postulate on the basis of such divergent conduct a rule of law which
would deny the power to protect much more vital fishing interests to
countries lacking the same possibilities of offering attractive terms by way

of compensation for abstaining from fishing in their adjacent waters.

18. The practice of France offers another interesting example with

respect to the question of uniformity of custom. France extended its
fishing limits, in 1972,to 80 miles in the French Guiana. Law No. 72-620
of 5 July 1972established this zone of 80 miles "with a view to ensure the
conservation of biological resources". However, Article 2 laid down :

"ln that part of the zone defined in Articl1 which extends beyond
territorial waters, measures shall be taken as needed, in accordance
with conditions laid down by decree, for the purpose of limiting the
fishing of the various species of marine animal. The application of

these measures to the vessels of foreign States shall be carried out
with due regard for the geographical situation of those States and the
fishing habits of their nationals.
In the same part of the zone, fishing by the vessels of States not
authorizing fishing by French vessels in comparable circumstances
may be prohibited by decree."

Thus France is reserving its right to forbid foreign vessels to fish in the
zone between the 12 and 80-mile limit off Guiana, if French vessels are
not authorized to fish in zones beyond 12 miles off the Coast adjacent to

another country. It is hardly possible to count France among the States
whose practice invariably supports an alleged 12-mile maximum limit,
when it is reserving the right to forbid foreign fishing outside 12miles off
theshore of the French Guiana, under certain conditions.

19. Likewise, archipelago States which have claimed or established

fishery limits according to the geographical characteristics of their ter-
ritories could hardly be counted as States accepting the existence of a
maximum 12-mileobligatory limit. The same observation could be made
in regard to States which have fixed an exclusive fishing zone far beyond
the 12-milelimit off their coasts by establishing "fisheries closing lines" in
certain bays.

20. Consequently, it is not possible to find today in the practice of COMPÉTENCE PÊCHERIES (OP. IND. COLL.) 223

rentielle, voire exclusive, sur les lieux de pêcheadjacents à leurs côtes,
mais se trouvant bien au-delà de 12 milles, qui présentaient pour elles un
intérêtparticulier. Cela démontre qu'une zone de 12 milles n'est peut-
être passuffisante, mêmepour les Etats qui ne peuvent prétendre qu'ils
sont spécialementtributaires de la pêchepour la subsistance de leur popu-

lation ou pour leur développement économique. En présenced'une pra-
tique si divergente, il ne semblerait ni juste ni équitable d'admettre l'exis-
tence d'une règlede droit qui priverait certains pays du moyen de protéger
des intérêtsbeaucoup plus vitaux en matière de pêche,du fait qu'ils n'au-
raient pas les mêmespossibilités d'offrir des conditions attrayantes en

contrepartie d'un engagement de ne pas pêcherdans les eaux adjacentes à
leur territoire.
18. La pratique de la France offre un autre exemple intéressant en ce
qui concerne la question de l'uniformité de la coutume. La France a
porté à 80 milles, en 1972, les limites de la zone de pêchede la Guyane
française. La loi no 72-620 du 5juillet 1972établitcette zone de 80 milles

((en vue d'assurer la conservation des ressources biologiques)). Kéan-
moins, l'article 2 de cette loi dispose:

((Dans la partie de la zone définie à l'article premier ci-dessus qui
s'étend au-delà des eaux territoriales, des mesures sont prises, en
tantque de besoin, dans desconditions fixéespar décret,pour limiter
la pêchedes diverses espèces d'animaux marins. L'application de ces
mesures aux navires des Etats étrangersest faite en tenant compte de

la situation géographique de ces Etats et des habitudes de pêchede
leurs ressortissants.
Dans la mêrriepartie de la zone, la pêchepeut êtreinterdite par
décret aux navires des Etats qui n'autorisent pas l'exercice de la
pêchepar les navires français dans des conditionscomparables.))

La France se réserveainsi le droit d'interdire aux navires étrangers de
pratiquer la pêchedans une zone de 12à 80 milles au large de la Guyane,
si les navires français ne sont pas autorisés à pêcherdans les zones, ad-

jacentes à un autre pays, qui se trouvent au-delà de 12 milles de la côte.
II ne serait guère possible de ranger la France parmi les Etats dont la
pratique sefondetoujours sur une prétenduelimite maximum de 12milles,
alors qu'elle se réserve le droit, sous certaines conditions, d'interdire
la pêcheaux navires étrangers à une distance de plus de 12 milles de
la côte de la Guyane française.

19. De même,le:, Etats constituant des archipels, qui ont revendiqué
ou établi des limites de pêcheen fonction des caractéristiques géogra-
phiques de leur territoire, ne peuvent guère être comptésau nombre
des Etats qui admei.tent l'existence d'une limite maximum obligatoire de
12milles. On peut en dire autant des Etats qui ont créé une zonede pêche

exclusive bien au-delà de la limite des 12 milles à partir de leurs côtes
en traçant des ~ligries d'interdiction de la pêche ))en travers de certaines
baies.
20. Cela étant,il n'est pas aujourd'hui possible de voir dans la pratique

52States what the Court described in the Asylum case as "a constant and
uniform usage, accepted as law" (I.C.J.Reports 1950, p. 277). The alleged
12-mile limit maximum obligatory rule does not fulfil "an indispensable
requirement", namely, "that within the period in question, short though
it might be, State practice, including that of States whose interests are

specially affectedshould have been both extensive and virtually uniform"
(North Sea Continental Shevcases, I.C.J. Reports 1969,p.43).

21. It could therefore be concluded that there is at present a situation
of uncertainty as to the existence of a customaryule prescribing a maxi-
mum limit of a State's fisheriesjuiisdiction. No firm rule could be deduced

from State practice as being sufficiently general and uniform to be accept-
ed as a rule of customary law fixing the maximum extent of the coastal
State's jurisdiction with regard to fisheries. This does not mean that there
is a complete "lacuna" in the law which would authorize any claim or
make it impossible to decide concrete disputes. In the present case, for
instance, we have been able to concur in a Judgment based on two

concepts which we fully support: the preferential rights of the coastal
State and the rights of a State where a part of its population and industry
have a long established economic dependence on the same fishery
resources.

22. Admittedly, this situationof legal uncertainty is unsatisfactory and

conducive to international friction and disputes. is to be hoped however
that the law on the subject may be clarified as a result of the efforts
directed to its codification and progressive development which are now
being made at the Caracas conference.

(Signed) 1. FORSTER.
(Signed) C. BENGZON.

(Signed) E. JIMÉNE ZE ARÉCHAGA.
(Signed) NAGENDRA SINGH.

(Signed) J. M. RUDA. COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. COLL.) 224

des Etats ce que la Cour a qualifié, dans l'affaire du Droit d'asile, de
((coutume constante et uniforme acceptéecomme étant le droit)) (C.I.J.

Recueil 1950, p. 277). La prétendue règleobligatoire fixant la limite maxi-
mum à 12milles ne répond pas à une condition jugée((indispensable ))par
la Cour, à savoir que ((dans ce laps de temps, aussi bref qu'il ait été, la
pratique des Etats, y compris ceux qui sont particulièrement intéressés,ait
été fréquenteet pratiquement uniforme ))(affaires du Plateau continental

de la mer du Nord, C.I.J.Recueil 1969,p. 43).
21. On peut donc: conclure que, en ce qui concerne l'existence d'une
règle de droit coutumier imposant une limite maximum à la compétence
d'un Etat en matière de pêcheries,la situation est actuellement incertaine.
Il n'est pas possible de dégager de la pratique des Etats une règle ferme

qui soit suffisamment généraleet uniforme pour êtreacceptée comme
règlede droit coutumier fixant l'étendue maximum de la compétence d'un
Etat riverain en matière de pêcheries. IIne s'ensuit pas qu'il existe en
droit une lacune complète qui justifierait toute réclamation ou rendrait
impossible toute décision sur des différends concrets. En l'espèce, par

exemple, nous avons pu souscrire à un arrêtfondé sur deux notions que
nous approuvons totalement: les droits préférentielsde 1'Etat riverain et
les droitsd'rin Etat dont la population et l'industrie dépendent en partie
depuis longtemps sur le plan économique des mêmes ressources halieu-
tiques.

22. Certes, une telle situation d'incertitude juridique n'est pas satis-
faisante et peut provoquer des frictions entre Etats et des différendsinter-
nationaux. II faut toutefois espérer que le droit en la matière pourra être
préciségrâce aux efforts visant à assurer sa codification et son développe-
ment progressif qui sont actuellementdéployésàlaconférencede Caracas.

(Signé) 1. FORSTER.
(Signé) C. BENGZON.

(Signé) E. JIMÉNEZDE ARÉCHAGA.
(Signé) NAGENDR AINGH.

(Signé) J. M. RUDA.

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Opinion individuelle collective de MM. Forster, Bengzon, Jiménez de Aréchaga, Nagendra Singh et Ruda (traduction)

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