Déclaration de M. Ignacio-Pinto (telle que reproduite immédiatement après l'arrêt)

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056-19740725-JUD-01-03-EN
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056-19740725-JUD-01-00-EN
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du procès, étaient contraires au droit. Ils ont été commis pendant
l'instance au méprisdes obligations acceptéespar l'Islande dans l'échange

de notes de 1961, que la Cour a déclaréconstituer un traité en vigueur.
Il est également évident que, par leur caractère illicite, ils engagent la
responsabilité internationale de l'lslande. Dans l'affaire des Phosphates du
Maroc (C.P.J.I. série A/B no 74, p. 28), la Cour a rattaché l'apparition
d'une responsabilité internationale à l'existence d'un ((acte attribuable à

1'Etat et décrit conime contraire aux droits conventionnels d'un autre
Etat 1).IIn'est guère besoin de citer des autorités à l'appui d'une propo-
sition aussi élémentaire.Ainsi, en réalité, laCour étaitseulement invitée
à relever le caractère illicite des actes commis et à donner acte de
l'obligation de réparer qui en résultait pour l'Islande. II ne lui était pas
demandé de fixer le:montant de dommanes-intérêts.
.d
La Cour a reconnu cela au paragraphe 74 de I'arrêt,mais au lieu de
souligner que la conclusion envisagée est limitéepar sa nature, elle a
préféré lui attribuer un caractère élargi.Comme on l'a dit plus haut, son
interprétation l'a naturellement amenée à conclure qu'elle ne pouvait pas
donner suite à cette conclusion, faute d'élémentsde preuve relatifs à

chaque réclclmation prise en particulier. Tout en reconnaissant la force
du raisonnement de la Cour, j'aurais préférél'interprétation plus
restrictive.
Je tiens à ajouter- que, sur ce sujet, je fais miennes les idées exprimées
par sir Humphrey Waldock dans son opinion individuelle.

M. IGNACIO-PINTO ju,ge, fait la déclaration suivante:

J'ai dû voter à regret contre I'arrêtde la Cour. Toutefois dans mon

esprit mon vote négatif ne traduit pas à proprement parler une opposition
car, dans un autre contexte, j'a~rais sans doute votépour le processus que
la Cour a cru devoir suivre pour aboutir à sa décision. A mon sens celle-ci
fixe plutôt les conditions d'exercice des droits préférentiels,de la con-
servation des espèces halieutiques et des d~oits historiques qu'elle ne
répond à la demande principale du demandeur qui est de dire le droit sur

un point précis.
J'aurais d'autant plus volontiers souscrit à la conception des droits
préférentielsque IüCour ne fait que se conformer à sa propre décision
dans l'affaire des Pêcheries.
Il y a lieu de noter que le demandeur n'a nulle part sollicité laCour de

trancher entre l'lslande et lui un différend quiaurait pour objet les droits
préférentielsdu riverain, la conservation des espèces halieutiques ou les
droits historiques - cela ressort tout au long du très élaboréexposé des
motifs de I'arrêt.Il est manifeste que les considérations de ces différends
chefs abondamment développésdans I'arrêtne font l'objet d'aucune con-
testation de la part des Parties. II n'y a aucun doute qu'après avoir exposé

37les faits et les motifs qu'il invoque à l'appui de sa cause le demandeur n'a
sollicité la Cour que de statuer sur le différend survenu entre lui et
l'Islande et de dire et juger notamment:

((Que l'élargissement unilatéral par l'Islande de sa zone de com-
pétence exclusive sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins à partir
des lignes de base actuelles, ...n'a aucun fondement en droit inter-

national à l'encontre de la République fédérale d'Allemagne ...))
(arrêt,par. 12, point 1).

C'est clair et net et tous les autres points des conclusions ne sont que
des accessoires ou des conséquences de cette demande principale. Or à
cette demande capitale que le demandeur a longuement développéeaussi
bien dans son mémoireque dans sa plaidoirie et qui a été reprisedans ses
conclusions finales, la Cour, par un raisonnement qu'elle a longuement
tenté de justifier, n'est finalement pas arrivée à donner une réponse
positive.

Elle a éludé déliberémenlta question à elle clairement posée en I'es-
pèce, à savoir si les prétentions de l'Islande sont conformes aux règlesde
droit international. Cette question écartée,elle élaboretout un systèmede
raisonnement pour affirmer finalement que le règlement du Gouverne-
ment islandais, promulgué le 14juillet 1972et ((portant extension unila-

térale des droits de pêche exclusifsde l'Islande jusqu'a 50 milles marins
des lignes de base spécifiéesdans ledit réglement n'est pas opposable au
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne ».

Selon moi, tout le problème est là car cette demande est fondée sur des
faits qui constituent, du moins dans le droit présent et la pratique de la
majoritédes Etats, des violationsflagrantes de conventions internationales

actuelles. Il est à noter que l'Islande ne les nie pas. Or les faits reprochés
sont patents, ils concernent indubitablement le traité liant les Etats parties
car l'échangede notes du 19juillet 1961a bien la valeur d'un tel acte. Que
la Cour estime, après avoir régléla demande fondamentaledu demandeur
au regard du droit international, qu'il y ait lieu de prendre en considéra-

tion la situation exceptionnelle de l'Islande et les intérêtsvitaux de ses
populations pour s'inspirer des principes d'équitéet pour envisager une
solution au différend,eût été lavoie normale à suivre d'autant plus que le
demandeur iui-mêmey souscrit dans ses conclusions finales. Mais l'on ne
saurait admettre qu'en raison de sa situation particulière l'Islande puisse
êtred'office dispensée de l'obligation de respecter les engagements inter-
nationaux qu'elle a souscrits. En ne répondant pas sans équivoque à cette

demande principale, la Cour a manqué à l'Œuvrede justice qui lui est de-
mandée.
Comment peut-on en effet qualifier les actes et les comportements de
l'Islande qui lui ont valu d'êtrecitéeà comparaître devant la Cour? Son
refus de respecter l'engagement souscrit par elle dans l'échangede notes
du 19 juillet 1961 de soumettre à la Cour internationale de Justice

tout différendqui s'élèveraità l'occasion de l'extension de sa zone exclu-sive de pêche,d'ailleurs prêvuepar les Parties, au-delà des 12 milles
marins, ce refus in-justifiéne constitue-t-il pas une violation du droit
international?
De mêmelorsque, contrairement à ce qui est généralementadmis par
la majorité des Etats dans la Convention de Genève de 1958, en son
article 2, où il est clairement spécifié qu'il existe unezone de haute mer

qui est res communi.~, l'Islande décideunilatéralement par son règlement
du 14 juillet 1972 de porter sa compétence exclusive de 12 milles marins
à 50 milles marins depuis les lignes de base, ne commet-elle pas là aussi
une violation du droit international? On ne saurait donc rien reprocher à
la Cour si elle reconnaissait le bien-fondé de la demande.
Je crois pour ma part que la Cour aurait à coup sûr renforcé son auto-

rité juridictionnelle si elle avait répondu positivement à la demande qui
lui est faite par la Képublique fédéraled'Allemagne au lieu de se lancer
dans l'élaboration d'une thèse sur les droits préférentiels, lazone de
conservation des espèces halieutiques ou les droits historiques, au sujet
desquels il n'y a jamais eu de différend, voire mêmepas l'ombre d'une
controverse ni de la part du demandeur ni de celle du défendeur.

Par ailleurs,je ne suis pas indifférent au fait que la majorité de la Cour
semble avoir adopté la thèse qui se dégagedu présent arrêt dans le but
d'indiquer la voie à suivre aux membres de la Conférence sur le droit de
la mer siéueant en c:emoment à Caracas.
La Cour apparaît à cette occasion comme soucieuse d'indiquer les
principes selon lesquels il serait souhaitable qu'une réglementation inter-

nationale générale soitadoptée en matière de droit de pêche.
Je ne méconnais pas la valeur des motifs ayant guidé la penséede la
majorité de la Cour et c'est àjuste titre qu'elle a voulu tenir compte de la
situation spéciale de l'Islande et de ses habitants, situation qui mérite
d'être considérée comme digne d'être traitée avecune sollicitude toute

particulière. Il conviendrait à cet égard d'envisager l'application du
mêmetraitement à tous les pays en voie de développement se trouvant
dans son cas et qui, étant actuellement victimes de l'inorganisation
anarchique de la pêcheinternationale, nourrissent l'espoir de voir régler
tous ces problèmes de pêcheries.Mais telle n'est pas la question poséeà
la Cour et la réponse donnée ne peut être quequalifiée d'évasive.

En adoptant ce point de vue je n'ignore pas que je cours le risque que
l'on me reproche de ne pas êtreau diapason de la tendance actuelle de
voir la Cour s'attribuer un pouvoir créateur que ne lui reconnaît, à mon
avis, ni la Charte des Nations Unies, ni son Statut. D'aucuns diraient
mêmepeut-être que la conception classique du droit international que je

professe est dépassée;pour ma part, je ne crains pas de continuer à res-
pecter les normes classiques de ce droit. Peut-être que de la troisième
Conférence sur le droit de la mer se dégageront quelques principes positifs
acceptés par tous les Etats. Je le souhaite ey applaudirai tout le premier
et, de plus, je serai satisfait de voir la bonne application qu'on en pourrait
faire, notamment au bénéficedes pays en voie de développement. Mais

fidèleavant tout à la pratique juridictionnelle, je demeure fervent partisande la nécessitépour la Cour de se limiter à son obligation de dire ledroit

tel qu'il existeprésentement par rapport aux faits de la cause soumise à
son appréciation.
Pour le surplus, je trouve absolument normal que, en droit interna-
tional comme en tout autre droit d'ailleurs, le droit existant puisse être
remis en cause de temps à autre- c'est le plussûr moyen de promouvoir
son développement progressif - mais il n'y a pas lieu d'en conclure pour
autant que la Cour doit, pour cette raison et à l'occasion du présent dif-
férend entre l'Islande et la République fédéraled'Allemagne, paraître
l'inspiratrice de certaines idéesde plusn plus d'actualité,voire partagées
par un nombre respectable d'Etats, en matière de droit de la mer et qui
hantent, semble-t-il, la plupart des conférenciers siégeant actuellement

à Caracas. Il convient,à mon avis, d'éviterd'entrer dans une voie d'anti-
cipation quant au règlement des problèmes comme ceux que les droits
préférentielset autres impliquent.
Pour terminer cette déclaration,je crois pouvoir m'inspirer de la con-
clusion que formule le secrétaireadjoint du Comité des fonds marins des
Nations Unies, M. Jean-Pierre Lévy,en souhaitant que l'idéequi s'en
dégage puisse inspirer les Etats et plus particulièrement l'Islande qui,
négligeant de suivre la voie du droit, préfèreattendre des assemblées à
caractère politique lajustification de sesdtoits.
Je suis d'accord avec M. Jean-Pierre Lévypour penser que:

((il esà espérer que les Etats mettront à profit ces quelques pro-
chaines quatre ou cinq annéespour tenter de se prouver à eux-mêmes
et surtout à leurs ressortissants, que l'intérêt générdael la commu-
nauté internationaleet lebien-êtredes peuples de la terre peuvent être
préservéspar la modération, la compréhension mutuelle et l'esprit

de compromis, qui seuls permettront à la troisième Conférence surle
droit de la mer de se tenir et de réussir codifier un ordre juridique
nouveau pour la mer et ses ressources ))((cLa troisième Conférence
sur le droit de la mer, Annuairefrançais de droit international1971,
p. 828).

En attendant l'avènement del'ère nouvelletant souhaitée,je m'honore
de me trouver en accord avec quelques juges de la Cour tels que
MM. Gros, Petrénet Onyeama pour qui la règled'or pour la Cour doit
êtrede se limiter strictement, en de semblables causes, à ses attributions
juridictionnelles.

M. NAGENDRSA INGHj,uge, fait la déclarationsuivante:

II est certains motifs dont la validité s'impoàemoi avec tant de force
qu'ils me permettent de donner ma voix à l'arrêtque rend la Cour en la

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They were committed pendente lite despite the obligations assumed by
Iceland in the Exchange of Notes of 1961which the Court had declared

to be a treaty in force. That their unlawful character engaged the
international responsibility of Iceland is also clear. In theosphatesin
Morocco case (P.C.Z.J., SeriesAIB, No. 74, p. 28) the Court linked the
creation of international responsibility with the existence of an "act being
attributable to the State and described as contrary to the treaty right of
another State". It is hardly necessary to marshal authority for so
elementary a proposition. It follows that, in effect, the Court was merely
asked to indicate the unlawful character of the acts and to take note of
t.he consequential liability of Iceland to make reparation. It was not
asked to assess damages.

The Court recognized this point in paragraph 74 of the Judgment but
instead of stressing the limited nature of the submission it preferred to
attribute to it a more extensive character. As indicated above, its inter-
pretation led naturally to the conclusion that it could not accede to the
submission in the absence of detailed evidence bearing on each concrete

claim. While conceding the force of the Court's reasoning, 1would have
preferred the more restrictive interpretation.

1 wish to add that on this matter 1 associate myself with the views
expressed by Judge Sir Humphrey Waldock in his separate opinion.

Judge IGNACIO-PIN mTaO es the following declaration:

To my regret, 1have been obliged to vote against the Court's Judgment.
However, to my mind my negative vote does not, strictly speaking, signify
opposition, since in a different context I would certainly have voted in
favour of the process which the Court considered it should follow to

arrive at its decision. In my view that decision is devoted to fixing the
conditions for exercise of preferential rights, for conservation of fish
species,and historic rights, ratherhan to responding to the primary claim
of the Appiicant, which is for a statement of the law on a specificpoint.
1would have al1the more willinglyendorsed the concept of preferential
rightsinasmuch as the Court'has merely followed its own decision in the
Fisheriescase.
It should be observed that the Applicant has nowhere sought a decision
from the Court on a dispute between itself and Iceland on the subject of
the preferential rights of the coastal State, the conservation of fish
species, or historic rights-this is apparent throughout the elaborate
reasoning of the Judgment. It is obvious that considerations relating to
these various needs, dealt with at iength in the Judgment, are not subject
to any dispute between the Parties. There is no doubt that, after setting

37du procès, étaient contraires au droit. Ils ont été commis pendant
l'instance au méprisdes obligations acceptéespar l'Islande dans l'échange

de notes de 1961, que la Cour a déclaréconstituer un traité en vigueur.
Il est également évident que, par leur caractère illicite, ils engagent la
responsabilité internationale de l'lslande. Dans l'affaire des Phosphates du
Maroc (C.P.J.I. série A/B no 74, p. 28), la Cour a rattaché l'apparition
d'une responsabilité internationale à l'existence d'un ((acte attribuable à

1'Etat et décrit conime contraire aux droits conventionnels d'un autre
Etat 1).IIn'est guère besoin de citer des autorités à l'appui d'une propo-
sition aussi élémentaire.Ainsi, en réalité, laCour étaitseulement invitée
à relever le caractère illicite des actes commis et à donner acte de
l'obligation de réparer qui en résultait pour l'Islande. II ne lui était pas
demandé de fixer le:montant de dommanes-intérêts.
.d
La Cour a reconnu cela au paragraphe 74 de I'arrêt,mais au lieu de
souligner que la conclusion envisagée est limitéepar sa nature, elle a
préféré lui attribuer un caractère élargi.Comme on l'a dit plus haut, son
interprétation l'a naturellement amenée à conclure qu'elle ne pouvait pas
donner suite à cette conclusion, faute d'élémentsde preuve relatifs à

chaque réclclmation prise en particulier. Tout en reconnaissant la force
du raisonnement de la Cour, j'aurais préférél'interprétation plus
restrictive.
Je tiens à ajouter- que, sur ce sujet, je fais miennes les idées exprimées
par sir Humphrey Waldock dans son opinion individuelle.

M. IGNACIO-PINTO ju,ge, fait la déclaration suivante:

J'ai dû voter à regret contre I'arrêtde la Cour. Toutefois dans mon

esprit mon vote négatif ne traduit pas à proprement parler une opposition
car, dans un autre contexte, j'a~rais sans doute votépour le processus que
la Cour a cru devoir suivre pour aboutir à sa décision. A mon sens celle-ci
fixe plutôt les conditions d'exercice des droits préférentiels,de la con-
servation des espèces halieutiques et des d~oits historiques qu'elle ne
répond à la demande principale du demandeur qui est de dire le droit sur

un point précis.
J'aurais d'autant plus volontiers souscrit à la conception des droits
préférentielsque IüCour ne fait que se conformer à sa propre décision
dans l'affaire des Pêcheries.
Il y a lieu de noter que le demandeur n'a nulle part sollicité laCour de

trancher entre l'lslande et lui un différend quiaurait pour objet les droits
préférentielsdu riverain, la conservation des espèces halieutiques ou les
droits historiques - cela ressort tout au long du très élaboréexposé des
motifs de I'arrêt.Il est manifeste que les considérations de ces différends
chefs abondamment développésdans I'arrêtne font l'objet d'aucune con-
testation de la part des Parties. II n'y a aucun doute qu'après avoir exposé

37out the facts and the grounds relied on in support of its case, the Applicant
has asked the Court only for a decision on the dispute between itself and
Iceland, and to adjudge and declare:
"That the unilateral extension by Iceland of its zone of exclusive
fisheriesjurisdiction to50 nautical miles from the present baselines,

.. .has, as against the Federal Republic of Germany, no basis in
international law .. ."(Judgment, para. 12(1)).

This is clear and precise, and al1the other points in the submissions
are only ancillary or consequential to this primary claim. But in response
to this basic claim, which was extensively argued by the Applicant both
in its Memorial and orally, and which was retained in its final sub-
missions, the Court, by means of a line of reasoning which it has
endeavoured at some length to justify, has finally failed to give any
positive answer.

The Court has deliberately evaded the question which was placed
squarely before it in this case, namely whether Iceland's claims are in
accordance with the rules of international law. Having put this question
on one side, it constructs a whole system of reasoning in order ultimately
to declare that the Regulations issued by the Government of Iceland
on 14 July 1972and "constituting a unilateral extension of the exclusive
fishing rights of Iceland to50 nautical miles from the baselines specified
therein are not opposable to the Government of the Federal Republic of
Germany".
In my view, the whole problem turns on this, since this claim is based
upon facts which, at least under present-day law and in the practice of
the majority of States, are flagrant violations of existing international
conventions. It should be noted that lceland does not deny them. Now
the facts complained of are evident, they undoubtedly relate to the
treaty which binds the States which are Parties, for theExchange of Notes
of 19July 1961amounts to such an instrument. For the Court to consider
after having dealt with the Applicant's fundamental claim in relation to
international law, that account should be taken of Iceland's exceptional
situation and the vital interests of its population, with view to drawing
inspiration from equity and to devising a solution for the dispute, would
have been the normal course to be followed, the more so since the Appli-

cant supports it in its final submissions. But it cannot be admitted that
because of its special situation Iceland can ipsofàcfo be exempted from
the obligation to respect the international commitments into which it has
entered. By not giving an unequivocal answer onthat principal claim,the
Court has failed to perform the act ofjustice requested of it.
For what is one to say of the actions and behaviour of lceland which
have resulted in its being called upon to appear before the Court? Its
refusal to respect the commitment it accepted in the Exchange of Notes of
19 July 1961, to refer to the International Court of Justice any dispute
which might arise on an extension of its exclusive fisheries zone, whichles faits et les motifs qu'il invoque à l'appui de sa cause le demandeur n'a
sollicité la Cour que de statuer sur le différend survenu entre lui et
l'Islande et de dire et juger notamment:

((Que l'élargissement unilatéral par l'Islande de sa zone de com-
pétence exclusive sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins à partir
des lignes de base actuelles, ...n'a aucun fondement en droit inter-

national à l'encontre de la République fédérale d'Allemagne ...))
(arrêt,par. 12, point 1).

C'est clair et net et tous les autres points des conclusions ne sont que
des accessoires ou des conséquences de cette demande principale. Or à
cette demande capitale que le demandeur a longuement développéeaussi
bien dans son mémoireque dans sa plaidoirie et qui a été reprisedans ses
conclusions finales, la Cour, par un raisonnement qu'elle a longuement
tenté de justifier, n'est finalement pas arrivée à donner une réponse
positive.

Elle a éludé déliberémenlta question à elle clairement posée en I'es-
pèce, à savoir si les prétentions de l'Islande sont conformes aux règlesde
droit international. Cette question écartée,elle élaboretout un systèmede
raisonnement pour affirmer finalement que le règlement du Gouverne-
ment islandais, promulgué le 14juillet 1972et ((portant extension unila-

térale des droits de pêche exclusifsde l'Islande jusqu'a 50 milles marins
des lignes de base spécifiéesdans ledit réglement n'est pas opposable au
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne ».

Selon moi, tout le problème est là car cette demande est fondée sur des
faits qui constituent, du moins dans le droit présent et la pratique de la
majoritédes Etats, des violationsflagrantes de conventions internationales

actuelles. Il est à noter que l'Islande ne les nie pas. Or les faits reprochés
sont patents, ils concernent indubitablement le traité liant les Etats parties
car l'échangede notes du 19juillet 1961a bien la valeur d'un tel acte. Que
la Cour estime, après avoir régléla demande fondamentaledu demandeur
au regard du droit international, qu'il y ait lieu de prendre en considéra-

tion la situation exceptionnelle de l'Islande et les intérêtsvitaux de ses
populations pour s'inspirer des principes d'équitéet pour envisager une
solution au différend,eût été lavoie normale à suivre d'autant plus que le
demandeur iui-mêmey souscrit dans ses conclusions finales. Mais l'on ne
saurait admettre qu'en raison de sa situation particulière l'Islande puisse
êtred'office dispensée de l'obligation de respecter les engagements inter-
nationaux qu'elle a souscrits. En ne répondant pas sans équivoque à cette

demande principale, la Cour a manqué à l'Œuvrede justice qui lui est de-
mandée.
Comment peut-on en effet qualifier les actes et les comportements de
l'Islande qui lui ont valu d'êtrecitéeà comparaître devant la Cour? Son
refus de respecter l'engagement souscrit par elle dans l'échangede notes
du 19 juillet 1961 de soumettre à la Cour internationale de Justice

tout différendqui s'élèveraità l'occasion de l'extension de sa zone exclu-was in fact foreseen by the Parties, beyond 12 nautical miles, is not this
unjustified refusal a breach of international law?

In the same way, when-contrary to what is generally recognized by
the majority of States in the 1958Geneva Convention, in Article 2, where

it is clearly specified that theres a zone of high seas which is res com-
munis-Iceland unilaterally decides, by means of its Regulations of 14
July 1972, to extend its exclusivejurisdiction from 12to 50 nautical miles
from the baselines, does it not in this way also commit a breach of inter-
national law? Thus the Court would in no way be open to criticism if it
upheld the claim as well founded.

For my part, 1 believe that the Court would certainly have strengthened
its judicial authority if it had given a positive reply to the claim laid
before it by the Federal Republic of Germany, instead of embarking on
the construction of a thesis on preferential rights, zones of conservation of
fish species, orhistoric rights, on which there has never been any dispute,
nor even the slightest shadow of a controversy on the part either of the

Applicant or of the Respondent.
Furthermore, it causes me some concern also that the majority of the
Court seems to have adopted the position which is apparent in the present
Judgment with the intention of pointing the way for the participants in
the Conference on the Law of the Sea now sitting in Caracas.
The Court here gives the impression of being anxious to indicate the
principles on the basis of which it would be desirable that a general inter-

national regulation of rights of fishing should be adopted.
1 do not discount the value of the reasons which guided the thinking
of the majority of the Court, and the Court was right to take account of
the special situation of lceland and its inhabitants, which is deserving of
being treated with special concern. In this connection, the same treatment
should be contemplated for al1developingcountries in the same position,

which cherish the hope of seeing al1these fisheries problems settled, since
it is at present such countries which suffer from the anarchy and lack of
organization of international fishing. But that is not the question which
has been laid before the Court, and the reply given can only be described
as evasive.
In taking this viewpoint 1am not unaware of the risk that 1 may be

accused of not being in tune with the modern trend for the Court to
arrogate a creative power which does not pertain to it under either the
United Nations Charter or its Statute. Perhaps some might even say that
the classic conception of international law to which 1 declare allegiance
is out-dated; but for myself, 1 do not fear to continue to respect the
classic norms of that law. Perhaps from the Third Conference on the

Law of the Sea some positive principles accepted by al1States will emerge.
1ho~e that this will be so. and shall be the first to a~~laud-and further-
moré 1 shall be pleased to see the good use to whili they can be put, in
particular for the benefit of the developing countries. But since 1 am
above al1 faithful to judicial practice, 1 continue fervently to urge thesive de pêche,d'ailleurs prêvuepar les Parties, au-delà des 12 milles
marins, ce refus in-justifiéne constitue-t-il pas une violation du droit
international?
De mêmelorsque, contrairement à ce qui est généralementadmis par
la majorité des Etats dans la Convention de Genève de 1958, en son
article 2, où il est clairement spécifié qu'il existe unezone de haute mer

qui est res communi.~, l'Islande décideunilatéralement par son règlement
du 14 juillet 1972 de porter sa compétence exclusive de 12 milles marins
à 50 milles marins depuis les lignes de base, ne commet-elle pas là aussi
une violation du droit international? On ne saurait donc rien reprocher à
la Cour si elle reconnaissait le bien-fondé de la demande.
Je crois pour ma part que la Cour aurait à coup sûr renforcé son auto-

rité juridictionnelle si elle avait répondu positivement à la demande qui
lui est faite par la Képublique fédéraled'Allemagne au lieu de se lancer
dans l'élaboration d'une thèse sur les droits préférentiels, lazone de
conservation des espèces halieutiques ou les droits historiques, au sujet
desquels il n'y a jamais eu de différend, voire mêmepas l'ombre d'une
controverse ni de la part du demandeur ni de celle du défendeur.

Par ailleurs,je ne suis pas indifférent au fait que la majorité de la Cour
semble avoir adopté la thèse qui se dégagedu présent arrêt dans le but
d'indiquer la voie à suivre aux membres de la Conférence sur le droit de
la mer siéueant en c:emoment à Caracas.
La Cour apparaît à cette occasion comme soucieuse d'indiquer les
principes selon lesquels il serait souhaitable qu'une réglementation inter-

nationale générale soitadoptée en matière de droit de pêche.
Je ne méconnais pas la valeur des motifs ayant guidé la penséede la
majorité de la Cour et c'est àjuste titre qu'elle a voulu tenir compte de la
situation spéciale de l'Islande et de ses habitants, situation qui mérite
d'être considérée comme digne d'être traitée avecune sollicitude toute

particulière. Il conviendrait à cet égard d'envisager l'application du
mêmetraitement à tous les pays en voie de développement se trouvant
dans son cas et qui, étant actuellement victimes de l'inorganisation
anarchique de la pêcheinternationale, nourrissent l'espoir de voir régler
tous ces problèmes de pêcheries.Mais telle n'est pas la question poséeà
la Cour et la réponse donnée ne peut être quequalifiée d'évasive.

En adoptant ce point de vue je n'ignore pas que je cours le risque que
l'on me reproche de ne pas êtreau diapason de la tendance actuelle de
voir la Cour s'attribuer un pouvoir créateur que ne lui reconnaît, à mon
avis, ni la Charte des Nations Unies, ni son Statut. D'aucuns diraient
mêmepeut-être que la conception classique du droit international que je

professe est dépassée;pour ma part, je ne crains pas de continuer à res-
pecter les normes classiques de ce droit. Peut-être que de la troisième
Conférence sur le droit de la mer se dégageront quelques principes positifs
acceptés par tous les Etats. Je le souhaite ey applaudirai tout le premier
et, de plus, je serai satisfait de voir la bonne application qu'on en pourrait
faire, notamment au bénéficedes pays en voie de développement. Mais

fidèleavant tout à la pratique juridictionnelle, je demeure fervent partisanneed for the Court to confinèitself to its obligation to state the law as
it is at present in relation to the facts of the case brought before it.

1consider it entirely proper that, in international law as in every other
system of law, the existing law should be questioned from time to time
-this is the surest way of furthering its progressive development-but
it cannot be concluded from this that the Court should, for this reason
and on the occasion of the present dispute between Iceland and the
Federal Republic of Germany emerge as the begetter of certain ideas
which are more and more current today, and are even shared by a
respectable number of States, with regard to the law of the sea, and which
are in the minds,it would seem, of most of those attendingthe Conference
now Sitting in Caracas. It is advisable, in my opinion, to avoid entering
upon anything which would anticipate a settlement of problems of the
kind implicit in preferential and other rights.

To conclude this declaration, 1think 1 may draw inspiration from the
conclusion expressed by the Deputy Secretary of the United Nations
Sea-Bed Committee, Mr. Jean-Pierre Lévy,in the hope that the idea it
expresses may be an inspiration to States, and Iceland in particular
which, while refraining from following the course of law, prefers to
await from political gatherings a justification of its rights.
1 agree with Mr. Jean-Pierre Lévyin thinking that:
". ..it is to be hoped that States will make use of the next four or
five years to endeavour to prove to themselves and particularly to
theirnationals that the generalnterest ofthe international community

and the well-being of the peoples of the world can be preserved by
moderation, mutual understanding, and the spirit of compromise;
only these will enable the Third Conference on the Law of the Sea
to be held and to succeed in codifying a new legal order for the sea
and its resources" ("La troisième Conférencesur le droit de la mer",
Annuairefrançais de droit international, 1971,p. 828).

In the expectation of the opening of the new era which is so much
hoped for, 1 am honoured at finding myself in agreement with certain
Members of the Court like Judges Gros, Petrénand Onyeama for whom

the golden rule for the Court is that, in such a case, it should confine
itself strictly within the limits of the jurisdiction conferred on it.

Judge NAGENDRA SINGHmakes the following declaration:

There are certain valid reasons which weigh with me to the extent that
they enable me to support the Judgment of the Court in this case andde la nécessitépour la Cour de se limiter à son obligation de dire ledroit

tel qu'il existeprésentement par rapport aux faits de la cause soumise à
son appréciation.
Pour le surplus, je trouve absolument normal que, en droit interna-
tional comme en tout autre droit d'ailleurs, le droit existant puisse être
remis en cause de temps à autre- c'est le plussûr moyen de promouvoir
son développement progressif - mais il n'y a pas lieu d'en conclure pour
autant que la Cour doit, pour cette raison et à l'occasion du présent dif-
férend entre l'Islande et la République fédéraled'Allemagne, paraître
l'inspiratrice de certaines idéesde plusn plus d'actualité,voire partagées
par un nombre respectable d'Etats, en matière de droit de la mer et qui
hantent, semble-t-il, la plupart des conférenciers siégeant actuellement

à Caracas. Il convient,à mon avis, d'éviterd'entrer dans une voie d'anti-
cipation quant au règlement des problèmes comme ceux que les droits
préférentielset autres impliquent.
Pour terminer cette déclaration,je crois pouvoir m'inspirer de la con-
clusion que formule le secrétaireadjoint du Comité des fonds marins des
Nations Unies, M. Jean-Pierre Lévy,en souhaitant que l'idéequi s'en
dégage puisse inspirer les Etats et plus particulièrement l'Islande qui,
négligeant de suivre la voie du droit, préfèreattendre des assemblées à
caractère politique lajustification de sesdtoits.
Je suis d'accord avec M. Jean-Pierre Lévypour penser que:

((il esà espérer que les Etats mettront à profit ces quelques pro-
chaines quatre ou cinq annéespour tenter de se prouver à eux-mêmes
et surtout à leurs ressortissants, que l'intérêt générdael la commu-
nauté internationaleet lebien-êtredes peuples de la terre peuvent être
préservéspar la modération, la compréhension mutuelle et l'esprit

de compromis, qui seuls permettront à la troisième Conférence surle
droit de la mer de se tenir et de réussir codifier un ordre juridique
nouveau pour la mer et ses ressources ))((cLa troisième Conférence
sur le droit de la mer, Annuairefrançais de droit international1971,
p. 828).

En attendant l'avènement del'ère nouvelletant souhaitée,je m'honore
de me trouver en accord avec quelques juges de la Cour tels que
MM. Gros, Petrénet Onyeama pour qui la règled'or pour la Cour doit
êtrede se limiter strictement, en de semblables causes, à ses attributions
juridictionnelles.

M. NAGENDRSA INGHj,uge, fait la déclarationsuivante:

II est certains motifs dont la validité s'impoàemoi avec tant de force
qu'ils me permettent de donner ma voix à l'arrêtque rend la Cour en la

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Déclaration de M. Ignacio-Pinto (telle que reproduite immédiatement après l'arrêt)

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