Opinion individuelle de M. Fouad Ammoun

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052-19690220-JUD-01-06-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. FOUAD AMMOUN

1. Le fondement juridique et la définition du plateau continental.

La Cour étant appelée, en vertu des compromis par la notification
desquels elle a étésaisie, à énoncer les principes et les règlesapplicables
aux différends qui opposent la République fédérale d'Allemagne aux

Royaumes du Danemark et des Pays-Bas sur la délimitation des zones
revenant à chacun de ces pays du plateau continental que constitue l'en-
semble de la mer du Nord, avait à déterminer au préalable le concept
mêmedu plateau continental dont la délimitation était l'objet du litige.

En effet, jusqu'en pleine conférence sur le droit de la mer, en 1958 à
Genève, ce concept était encore sujet à controverse '.Et en cette année

1968 même, dans les délibérations du comité spécial institué par les
Nations Unies pour étudier l'utilisation pacifique du lit des mers et des
océans,les limites, sinon la définitiondu plateau continental, alimentaient
les discussions des délégués des Etats. Ceux-ci semblent n'avoir trouvé
cette définition ni assez précise nisuffisamment compréhensive '. Bien
plus, au cours des débats dans les présentes affaires, le représentant de

la République fédéraled'Allemagne disait qu'((il n'est pas possible de
parler de la notion du plateau continental comme d'une notion déjà
fixéedans sa forme parfaite et définitive .-.Cette remarque, émanant de
l'une des Parties en cause, est lourde de conséquences; en particulier
lorsque ces dernières, se prévalant de l'arrêtde la Cour, exerceront leurs
droits sur la zone du plateau continental qui aura été reconnueà chacune

d'elles.Il suffit de constater à ce propos les divergences d'opinion sur
lesquelles je reviendrai quant à l'extension de la souveraineté de 1'Etat
riverain sur le plateau continental et quant à ses limites extérieure5.

' Voir déclarationàla conférence des représentants de la France, de la Grèce et
dc la République fidérale d'Allemagne. (Doc. off., vol. VI, p. 1 et 7-8.)

Rapport du comité spécial à l'Assemblée généraledes Nations Unies, 1968.
Plaidoirie du 5 novembre 1968.
Infra, par. 17
Itifia, par. 7. 101 PLATEAU CONTISEKTAL (OP. IND. A\I~IOL'&)

La Cour n'a pu d'ailleurs s'enipêclier,sans aborder la question de
front comme je le suegémis,de discuter nombre de ses aspects, y revenant
tout au long de sari raisonneincnt. Elle avait en effet A se deniander, en
vue de la délimitation qui fait I'objct des présentes affaires, si le platenii

continental constitue le prolongenient naturcl du territoire national sous
la mer, justifiant la délimitation des zones relevant natiirelleinent de
chacun des Etats riverains, et excluant la tl~èsed'un partage entre ces
derniers; ou, s'il relèvede la notion de contiguïté, notion qui aurait poiir
corollaire la règle de l'équidistance à appliquer inipérativement à la

délimitation en cause ': ou si encore la délimitation sur la base de l'équi-
distance est inliérente au concept du plateau continental, ou résulte im-
plicitement du caractère exclusif des droits qui y sont reconnus aux Etats
riverains '.

Enfin il n'était pris sans int2rCt de rechercher si le plateau continental

a revêtule caractère de règle de droit en vertu de ladite Convention, ou
par l'effet de la coutume, son statut juridique pouvant différer suivant
le cas.
Autant de questions qui aiiraient dû êtretraitées, A mon skis, dès
l'abord, pour éclairer le raisonnement et ne laisser planer aucune in-

certitude sur la portée de l'arrêtet sa signification.

2. Iln'y avait pas lieu, de toute façon, de s'arrêterà l'opinion émise
par le Royaunie des Pays-Bas, selon laquelle la Cour n'est pas invitéeà
se prononcer sur la question de savoir quelle partie du lit de la mer et du
sous-sol de la haute mer doit êtreconsidérée,du point du vue juridique,

comme constituant 1:platenu continental. II faut en effet avoir présent
à l'esprit que I'intégritede la haute mer, dont la liberté estconsacrée par
une coutume générale,est en cause, et tous les Etats, non seulement les
Parties aux différendsy sont directement intéressés.
II va sans dire que la Cour est liéepar les compromis tout autant que
les Parties. Les citations extraites des arrêts concernant les affaires du

Lotus et de la Juridictiorr territoriale cie la Comwiissiotzinterncitiorialede
l'Oder sont pertinentes à cet égard. II n'en reste pas moins que la Cour
est qualifiée,le cas échéant,pour interpréter le compromis qui la saisit,
ainsi qu'il en est de toute convention, selon unejurisprudence constante.
Et quelque restrictive que doive être cette interprétation - eu égard à

la souveraineté des Etats et au caractère facultatif de la juridiction de la
Cour - il en ressort néanmoins de toute évidence que les Parties ne
pouvaient avoir demandé à la Cour d'énoncer des principes et des règles
qui ne trouveraient pas leur application en droit. Une convention ne
peut être isoléede son contexte juridique, lequel est en l'occurrence le
problème du plateau continental. Si,par hypothèse, celui-ci n'était pas

l Infrap,ar. 15.reconnu en droit, il ne pourrait y avoir de différendsur sa délimitation,
et en l'absence d'un différend il n'y aurait pas matière à dégager des
principes et des règles pour le trancher. C'est le cas de rappeler la règle
d'interprétation énoncéepar cette Cour dans son avis consultatif du

3 mars 1950 au sujet de la Compétencede I'Assemblte gkt~érale pour
l'admissiond'un Etut aux NrrtionsUnies, selon laquelle autorité doit être
reconnue au texte, à moins que ses termes ne soient équivoques ou con-
duisent à des résultats déraisonnables. Ce ne serait pas, en effet, raison-
nable que de s'attacher à la lettre des compromis et de ne pas en dégager
toute la teneur ou tout élément implicite.

3. Cela dit, la question qui se posait tout d'abord à la Cour étaitcelle
de savoir s'il existe une convention générale internationale, dans le sens

de l'article 38, paragraphe 1 a), de son Statut, ayant modifiéle principe
de la libertéde la haute mer et consacréle concept du plateau continental.

11suffirait de constater que la Convention de Genève du 29 avril 1958
sur le plateau continental n'a étératifiée à ce jour que par 39 Etats, sur
un total de près de 140 dont se compose la communauté internationale.

Elle demeure, par analogie avec le droit interne des nations, res inter
alios acta, et ne saurait entraîner une modification erga orniles du prin-
cipe de la haute mer, ou en limiter la portée ou les conséquences juri-
diques. Cette interprétation, faut-il ajouter, s'applique incontestablement
aux traités normatifs comme aux traités-contrats, notamment depuis la
désuétudedu privilège dont se prévalait un nombre restreint de puis-

sances pour légiférerau nom de l'ensemble des nations du monde,
qu'elles fussent coloniséesou indépendantes.

Il est vrai que, pour prétendre à des droits exclusifs ou souverains sur
le plateau continental bordant leurs mers territoriales respectives, les
Parties se réclament des dispositions des articles 1et 2 de la Convention

précitéesur le plateau continental. Les Royaumes des Pays-Bas et du
Danemark sont évidemmentliéspar les stipulations de laditeConvention.
La République fédéraled'Allemagne,qui ne l'a pas ratifiée,est néanmoins
tenue, en vertu du principe de la bonne foi dans les rapports internatio-
naux, comme l'est tout Etat du fait d'une déclaration unilatérale ', par
les énonciations du mémoire,affirméesau cours de la plaidoirie du 4 no-

vembre 1968, dans lesquelles ellc a déclaréque sont généralementadmis
la définitiondu plateau continental ainsi que les droits des Etats riverains
tels que déterminésaux articles 1 et2 précités;précisant qu'elle (recon-
naît IIque les régions sous-marines de la mer du Nord constituent un

l Voir pour les effets de la déclaration unilatirfrn,par. 21.plateau contiiiental sur lequel les Etats riverains ont qualité pour exercer
les droits définisà l'article2 de la Convention ' l.

Quoique les Parties en l'affaire soient tenues, l'une vis-à-\is de l'autre,
par les obligations qu'elles ont contractées ainsi qu'il a étédit, il n'en
demeure pas moins que la définition et les droits susvisés ne peuvent
êtreopposés. du seul fait de la Convention susn~entionnée.aux Etats
qui ne l'ont pas ratifiée,ou n'ont pas déclaréen accepter les termes.

011 est en conséquence fondé iaffirmer que la liberté de la haute mer,

établie en vertu d'une coutume dc droit international uni\ersellenient
reçue, doit être respectée cians son principe et ses conséquences, et ne
saurait ètre modifiée ou IimitCe, à défaut d'une convention de portie
universelle, si ce n'est par une coutume bénéficiantd'un consensus général
ou, en dernière analyse, par un principe généralde droit.
11convient maintenant de se demander si une modification du principe

de la libertéde la haute mer n'a pas eu lieu en vertu d'une règlecoutu-
mière nouvelle de portée universelle. Ce sera le sujet de la question sui-
vante.

4. A défaut d'une convention générale,tel que spicifié ci-dessus, y
a-t-il une coutume internationale, tel que prévu au paragraphe 1 6) de
l'article38 du Statut de laCour,ayant modifiéle principe de la libertk de
la haute mer et consacréle concept du plateau continental?

Alors que la convention de Genève du 29 avril 1958 sur la haute mer
codifie certaines règlesde droit internationalcoutumier et, en particulier,
la liberté de la haute mer au-delà des eaux territoriales, la question se
pose de savoir s'il enest ainsi également de la Convention de Genève de
mêmedate sur le plateau continental: et s'il en est autrement, une
coutume s'est-elle formée ultérieurement qui, modifiant la coutume

établissant la liberté de la haute mer, confère des droits exclusifs sur des
étenduesde celle-ci ou sur certains de ses éléments?
Il est sans doute à remarquer que la convention sur la haute mer
mentionne, en son préambule, l'intention des parties de ((codifier les
règlesdu droit international relatives à la haute mer 1);alors que la Con-
vention sur le plateau continental ne dit rien de semblable. De plus, I'ar-

ticle 1de cette dernière convention, donnant une définition du plateau
continental, la restreint aux îins des articles constituant cette convention.
On ne pourrait cependant tirer argument de ces considérations pour

Mémoire,par. 8.

104104 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

déclarer que le concept du plateau continental, coiitrairement à celui de
la liberté de la haute mer, n'est pas encore reçu dans le droit international
coutumier. La preuve de la formation de la coutume ne se déduit pas des
énonciations d'un texte coi~ventionnel. C'est dans la pratique des Etats
qu'ilfaut larechercher.Eiieffet,lacoutume,quel'article3S 1h),aragraphe

du Statut de la Cour considère comme la preuve d'une pratique générale
acceptée comme étant le droit, ou que la doctrine ramène plutôt, après
Gentilis ',a une pratique susceptible d'en détnontrer l'existence, exige le
consentement exprès ou tacite de la gé!iéralitédes Etats, ainsi que ie
professait Grotius pour le droit des gens coutumier de I'époq~ie.II s'agit
donc de se demander si une telle pratique est observée non certes unani-
mement, mais par la généralité des Etats ainsi qu'il ressort de la clarté de

l'article précité,abec la conscience qu'ils ont de se soumettre à une
obligatioiî juridique.

5. Les faits constitutifs de la coutume en question se retrouvent dans

une série d'actes soit internes, soit internationaux, dénotant l'intention
d'adapter le droit des gens à l'évolution sociale et économique et au
progrésdes connaissances ;progrès et évolution qui ont donné I'impulsion
à l'exploitation des richesses du sol et du sous-sol de la mer a des pro-
fondeurs de plus en plus grandes, à l'utilisation de moyens nouveaux de
communication et de transport qui ne cessent de se développer, et à

l'extension, parfois inconsidérée, de la pêcheen haute mer, dangereuse
pour la conservation des espkces marines et, en général,des ressources
biologiques devenues de plus en plus nécessaires a l'alimentation d'une
humanité en rapide croissance.
Tels sont la déclaration du Gouvernement impérial russe du 29 sep-
tembre 1916; le traité bilatéral entre le Royaume-Uni et le Venezuela du

26 février 1942;la proclamation et l'ordre exécutifdu président Truman
du 28 septembre 1945; puis les proclamations en chaîne du Mexique en
1945et 1949; de Cuba en 1945; de l'Argentine et de Panama en 1946; du
Pérou,du Chili, de I'Equateur et du Nicaragua eii 1947;du Costa Rica, du
Royaume-Uni pour la Jamaïque et les îles Bahamas, de l'lslande en 1948;
du Honduras britannique, du Guatemala, de l'Arabie Saoudite, d'Abou

Dhabi, de Bahrein, du Koweït, de Qatar, d'Ajman, de Dhoubaï, de
Sharjah, de Ras el Khaima, d'Orne1 Kaïwan, et des Philippines en 1949;
du Brésil,du Salvador, du Honduras, du Nicaragua, du Pakistan et du
Royaume-Uni pour les îles Falkland en 1950; de la Corée du Sud et
d'Israël en 1952; de l'Australie en 1953; de I'lran en 1955; du Portugal en
1956; de l'Irak, de la Birmanie et de Ceylan en 1957; enfin des Etats

limitrophes de la mer du Nord, depuis que le gaz naturel et le pétrole y

A. Gentilis: Le droit des gens este produit d'un accord prolongé entre les
peuples, constate par'usage. révélélui-niênie par l'histoire '. 105 PLATEAL CONTISENTAL (OP. iSD. ~ill%fOUN)

sont apparus, à savoir: la proclamation royale de la Norvège du 31 mai
1963; le décret royal du Danemark du 7juin 1963; la proclamation de la
République fédéraled'Âlleiiiagne du 20janvier 1961; les ordonnances di1

Royaume-Uni du 15 avril 1964et du 3 août 1965; la loi néerlandaise du
23 septembre 1965.
II faut ajouter à ces Etats quelque trente autres qui, lie figurant pas
parmi les auteurs de déclarations unilatérales, ont signé et ratifié, ou
simplement signé la Con\,ention de Genèvedu 29 a\ ri1 1953sur le plate;lii

continental.
Sien effetladite Con~ention, ratifiéeàcejour par trente-neuf Etats, n'est
pas encore de nature a modifier conventionnellement la coutume inter-
nationale relative à la haute mer, elle n'en constitue pas moins, par l'acte

juridique qii'est sa ratification, et par le fait juridique de sa simplesigna-
ture, Ün ensemble de pricédents q~iicontribuent, avec la pratique des
Etais, les décisionsjudiciaires et arbitrales, les résolutiol~sdec conférences
juridiques et des organismes internationaux, ainsi que les positions y
adoptées, à l'élaboration de l'élémentmatérielde la.coutiime.

6. 11n'y a pas longtemps, un juriste éminent 'écrivait encore que les

proclamations des Etats ne constituent qu'une répétitionde faits dans
iesquels il est difficile de ((décelerune éthique largement acceptéecomme
constituant le droit, c'est-à-dire traduisant une conception d'intérêtgéné-
ral ou d'équité IIII y voyait plutot l'inverse, distinguant, sans doute, à
((l'arrière-plan. des prétextes ou des inquiétudes en ce qui concerne les

besoins de l'humanité 11,mais considérant comme domiliant de loin 1le
souci des intérêts particuliers et. au maximum, de l'intérêtnational,
lequel n'est, en droit des gens. qu'un intérêt particulier 11.
Les représentants de certains pays se sont fait l'échode ce point de vue

doctrinal à la conférencede Genèvesur le droit de la mer en 1958 '.
Et de fait,jusqu'à la veille de cette conférence,on pouvait soutenir que
que la doctrine du plateau continental n'était encorequ'une coutume en
voie de formation.

On doit aujourd'hui reconnaître que ces einpictements sur la haute mer,
ces atteintes à la liberti de celle-ci, à commencer par la proclamation
Truman du 28 septembre 1945, traduisaient des besoins nouveaux de
l'humanité. D'où l'on peut déduire que des raisons d'ordre économique
touchant la navigation et la pêcheayant justifiéla libertéde la haute mer,

des raisons du mêmeordre et non moins impérieuses, relatives à la pro-
duction de ressources nouvelles riches d'avenir, à leur conservation et a
leur équitablerépartition entre Ics nations, peuvent dkscirmaisjustifier la
limitation de cette liberté.Aussi la proclamation américaine. qui trancha

lG. Scelle.Plutcuu cot~titietrttrlet droit itit<~t.l,955. p35et 36.
SIIPI.Lnote 1. p. 100106 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

délibérémentle noeud gordien qu'était la question de savoir si les res-

sources immenses découvertes sous la haute mer resteraient, à l'instar de
celle-ci, à la disposition de la communauté internationale, ou devieii-
draient la propriétédes Etats riverains, faisant école, a-t-elle étésuivie
d'une séried'actes semblables et d'un appui doctrinal qui ont abouti à la
Convention de Genève du 29 avril 1958 sur le plateau contiiiental. La

proposition de l'Allemagne fédéraleeii vue de l'exploitation des richesses
sous-marines pour le compte de la communauté internationale, qui
reprenait une idéede P. Fauchille, ne resut à la conférence aucun appui,
nombre de pays étant soucieux de réserver leurs droits sur le plateau
continental ou la plate-forme épicontinentale prolongeant leurs côtes,

certains d'entre eux craignant au surplus les entreprises des nations in-
dustrialisées, mieux équipéespour monopoliser en fait cette exploitation.

Cet ensemble d'éléments,y coinpris les positions juridiques adoptées
par les représentants de la plupart des pays à la conférence de Genève,

dont ceux-là mêmequi avaient exprimé des réserves ',constitue d'ores et
déjà un consensus général constitutif d'une coutuine inteiwitionale
consacrant le concept du plateau continental qui permet aux Parties de
prétendre à la délimitation entre elles des zones leur revenant de celui de
la mer du Nord, pour l'exercice de droits exclusifs de prospection et
d'exploitation des ressources naturelles que recèlent le fond et le tréfond

de la mer.

7. Si le concept du plateau continental a étéainsi définitivement admis,

une question connexe subsiste: l'étendue du plateau continental ou sa
limite extérieure. Question sujette à controverse, qui a fait dire au
représentant de la République fédéralealleinande: 1une question cruciale
n'a pas étéréglée, cellede savoir quelles sont les limites extérieures du
plateau continental du côté dela haute mer 11.

L'intérêtde la question réside dails le fait qu'un arrêt énoii~aiit les
principes et les règlesapplicables à la délimitation du plateau continental
ne doit pas donner à entendre que la Cour a admis, sans examen, le
concept du plateau continental.
On peut se demander si la déliinitatioii du plateau continental figurant

à l'article1 de la Convention a passé seuledans la coutume, ou si celle-ci
ne sous-entend pas - telles les eaux historiques - d'autres limites
extérieures de l'étendue dela haute mer soumise h la juridiction de 1'Etat
riverain sous le vocable de plateau continental, ou sous celui de plate-
forme épicontinentale, ou sous une autre dénomination.

' Sirpra,note 1. pagç100.
Plaidoirie du 5novenibre 1968.

107 8. On constate en effet que certains des actes précités,rele~ant de la
pratique des Etats, étaient restéssujets à contestation par suite de I'ex-
tension que ces actes ont donnée à l'emprise sur la haute mer. Ce sont
notamment,dans I'hémisphCi-e extrême-occidental,les lois, proclamations

ou décretséinaiiant en 1946de ['Argentine; en 1947du Pérou.du Chili et
de I'Eqiiateur: en 1948 du Costa. Rica: en 1950 du Hondiiras et du
Salvador; actes qui ont étendu lesconfins du plateau continental contigii
à leurscôtes au-delà de la rupture de pente survenant à une profondeur se

situant entre 130 niètres et près de 550 mètres '; ou qui ont siipplééà
l'absence d'un prolongement sous-marin du territoire sous forine de
plateau, par une étendue de haute mer, le talus continental, ou la plate-
forme épicontinentale, limitéepar certains de ces actes à un minimum de
200 milles de la côte ',laisséepar d'autres sans limites aucunes.

IIest significatif de souligner, à ce propos, l'attitude-pilote adoptée par
le Pérou - pays presque démunide plateau continental - à la suite des
décisionsprécitéesdes Etats-Unis, du Mexique et de l'Argentine. ces deux

derniers retenant déjà,en plus du plateau continental, des zones exclusives
de la plate-forme épicontinentale. Comment, soulignait-on au Pérou, les
seuls Etats qui peuvent se prévaloir d'un phénomènenaturel leur permet-
tant d'annexer d'iinrnenses étendues de sous-sol et de haute mer, en
bénéficient exclusivement et condamnent ceux que la configuration

géographique dksavantage à végéterdevant les immenses richesses que
recèlent leurs eaux contiguës, et cela au profit d'entreprises capitalistes
mieux dotées que les leurs et puissamment protégées '. Les immenses
richesses que lui disputaient les puissances maritimes étaient les richesses

poissonnières incalculables que recèle sa plate-forme épicontinentale et
qu'il s'attachait à sauvegarder pour que ne soit pas tarie la production du
guanodans l'intérêd te l'économienationale, cet intérêt coïncidantd'ail-
leurs avec celui de la production agricole dans le inonde 4.

Aussi bien iine déclaration commune du Pérou, rlu Chili et de 1'Equa-
teur venait-elle renforcer cette revendication dans les tei-messuivants:

''Ln lirnite de 200 niilles est bien en deqi de ln largekir e\tr?nie du platenii con-
tinental qui atteintn certaines régions 1300 Arn.
Cité par Ci. Scelle. op. cit..36..
Cf. M. W. Mo~iiori, The C'ontiirc~titcrSllr11.80. qui s'eupriiiie coiiiiiie suit:
,Peru has an cvtra rcason, because tlie tisli foriii the food for guano birds, \\hicIl
are an econciiiiic asset to tlic count2y.
La jtirisprudcnce interne du PL:ri,i~(~ntirnii'cettethèse: j~igcnient d~itribunal de
Piata du 16 no~cnibre 1053 daris I'affaii-cde\ nd\ ircs O!,.iripic, Victoi.et aLili.es. 1,Les trois gouvernements signataires ont l'obligation d'assurer à
leurs peuples les conditions nécessaires à leur subsistance et à leur

développement économique et, par suite, le devoir de veiller à la
conservation, protection et utilisation de leurs ressources naturelles,
en empêchant qu'iine exploitation de ces richesses, hors de leur
contrôle, les mette en péril,au grand dommage des populations qui,
en raison de leur situation géographique, possèdent dans leurs eaux

ces sources irremplaçables de subsistance et de moyens économiques
vitaux . .. C'est pourquoi les trois gouvernements, décidésà assurer
à leurs peuples respectifs les richesses naturelles des eaux qui bai-
gnent leurs côtes . .. déclarent ... que les facteurs géologiques qui
conditionnent l'existence, la conservation et le développement de la
faune et de la flore maritimes ... ont rendu l'ancienne extension de la

mer territoriale et de la zone contiguë insuffisante pour garantir ces
richesses auxquelles ont droit les pays côtiers .. . En conséquence, ils
proclament comme norme de leur politique internationale maritime
la souveraineté et juridiction exclusives de chacun d'eux sur la mer
qui baigne ses côtes . . .jusqu'à une distance minimum de deux cents

milles marins desdites côtes ... cette juridiction et souveraineté
exclusives sur la zone susdite comprenant également la souveraineté
et juridiction exclusives sur le sol et le sous-sol qui lui correspon-
dent. »

Le Costa Rica, le Salvador et le Honduras adoptèrent successivemeiit
cette conception contre laquelle des puissances maritimes ne manquèrent
pas de s'élever '. Mais leur opposition n'a pas mis une sourdine aux
interventions des représentants des Etats à la conférence de Genève, pas

plus qu'aux voix d'éminents juristes qui relevèrent, notamment à la Com-
mission du droit international, les injustices dont souffriraient les pays ne
possédant pas un plateau continental ou n'en possédant qu'un très peu

Notes de protestation des Etats-Unis du 2 j~iillet 1948 au Péro~i,au Chili ea
l'Argentine, du 12décembre 1950 au Salvador et du 7juin 1951 à I'Eqiiateur; notes
du Royaume-Uni du 6 fébricr 1948 au Pérou et au Chili, du 9 février 1950 au Costa
Rica, du 12février 1950 au Salvador. du 23 avril 1951 au Honduraset du 14septein-
bre à I'Equateur. La France. sollicitée par le Royaume-Uni de faire connaître son
point de vue, appuya dans sa réponse du 7 avril 1951 les positions adoptées par les
deux autres grandes puissances maritimes.
Toutefois, le professeur anléricain L. Henkin, rejoignant les vues des paysd'Amé-
rique latine, écrit: «The United State. ..might consider also a declaration, alone
or with others, tliat under the Convention (of Geneva) it claims a slielf out to the
600. 1,000, 2,000 or even 3,000metres isobath, or out to 50, 100or more milesfroni
shore. (The MNirrul Resources of the Seus,p. 38-39.)
M. Henkin rapporte d'autre part que les Etats-Unis ont délivré des permisétendu '. IIfaut, en effet, se demander si ces prises de position, notamment

celles du Pérou, du Chili et de I'Equateur, n'étaientpas purenient décla-
ratoires d'une coutume déjà acquise, et que les oppositions des puissances
maritimes n'étaient pas par conséquent tardives.

De toute façon, la position de ces Etats s'est vue renforcée par deux
faits nouveaux.
En premier lieu, l'accord italo-yougoslave du 8 janvier 1968 délimitant
entre les deux parties la mer Adriatique dans toute sa largeur -. Sans

doute y est-il dit que la délimitation porte sur le plateau continental. Mais
il n'y a pas lieu de s'attacher aux termes quand le fait est clair. En effet, les
profondeurs de l'étendue délimitéeq ,ui sont en moyenne de 800 mètres,

atteignent 1589 métres. 11ne s'agit donc pas du plateau continental au
sens de l'article 1de la Convention de Genève à laquelle la Yougoslavie a
adhéré,car la ligne dedélimitation est au-delà non seuleii~eiitde l'isobathe
de 200 mètres, mais aussi des profondeurs perniettaiit, dans l'étatactuel

de la technique, l'exploitation des ressources naturelles du lit de la mer,
laquelle n'a pas encore atteint 200 mètres. Seule l'exploration est alléeau-
delà. C'est sur la plate-forme épicontinentale, à l'instar des pays de
l'Amériquelatine, que l'accord de la Yougoslavie et de l'Italie aurait donc

porté.

Lc second fait est celui de la revendication de l'Arabie Saoudite sur les
profondeurs de la mer Rouge qui vient d'être annoncée -'La mer Rouge

d'exploitation en haute mer qu'il énumère coninie suit: ('The U.S. has issued phos-
phate lea5es soine 40 niiles froiii the California coastin the Forty-Mile Bank area in
240 to 4,000 fret of watcr ... Oil and gas leases soiiie 30 niiles olf tlic Oregon coast
in about 1.500 fect of watcr; and ... (has) threatcned litiçation against creation of a
new islaiid by pri\.atc parties on Cortez Bank, about 50 iniles from San Cleiiiente
Island olf'the coast of California, or about 100 iiiiirs froiii thc niainland. Each
of the California areas ii, separated froin the coast by trenchcs as much as 4.000 to
5.000 fcct tfeep. Additionally. the Department of tlie Interior lias, by publisliing
OCS leasing rnaps, indicated an interest to assunie jurisdiction over the oçcan
bottom as far as 100 niiles ofï the Southcrn California coast in nater deptlis as grcat
as 6,000 fect. 1(Op. cir.. p. 38, note 117.)
' A la 67=seshion de la Coniniission de droit internationnl en 1950, J. L. Brierly
disait: sif tlic Coniniission was of the opinion tliat the rislit of control and j~irih-
diction dependcd on the presence of tlie continental shelf. itwas conimitting an
injustice towards certain co~intrics, sucli as Chile. that yossc~scd no continental
shclf ,JCi. Anikido et J. Spiropoulos appuyèrent la iiiCiiie thèse. le prenlicr en pro-
posant une liniitation linéaire des eauv de 20 niilles au-delà des c0tes. A la 117esession
de la C.D.I. cn 1951, J. M. Yépèssounlit lin projet dans ce sens, ~cavant le Pérou et
le Chili i l'espri8 .
Dupliqiie. ann. 7.
' Journal Lc Mon(/(, du 30 octobre 1968.
La nier Roiigc recèle des boues il-iètallifèresriclles en cuivre. zinc. etc. Dan? $es
profondeurs se trouvent des eaii~ cli:iiides sursalécs. Les dépots en solution ainsi que
l'énergie çcotlierniiqiie associccà ces eaux s~ir\ali.es olfrent des resbources réciipc-
rablcs dans iin avenir ~1~sep7cii éloigné.(Rapport du comitc spécialcité à la page 100.
note 2.)avait étémaintenue mure clausum, sous l'autorité des Arabes puis de
l'Empire ottoman, jusqu'au début du XIXe siècle. La déclaration saou-
dienne n'affecterait pas la liberté de la navigation. Et l'on ne peut s'em-
pêcherde faire le rapprochement du point de vue géophysique entre cette

mer, qui a une profondeur moyenne de 490 mètres et atteint 2359 mètres,
et la mer ~driati~ue. Une délimitation ne manquera pas d'êtrefixéepar
accord entre l'Arabie Saoudite et la République arabe unie qui lui fait
face.

9. Quelques extraits parmi les plus saillantes des déclarations émises

au cours de la conférencede Genèvesontdenature àillustrer le problème
qui nous occupe.
Le Salvador, se plaçant sur un terrain juridique, admit (les droits de
1'Etat riverain non seulement sur le plateau continental, mais aussi sur

une zone de pêche exclusive,ainsi que le droit de réglementer la conser-
vation des ressources naturelles dans les zones de la haute mer adjacentes
à la zone de pêche exclusive,étant convaincu que cette manière de voir
vaut reconnaissaiice de l'unitéjuridique des différentsaspects du droit de

la mer ln.
Le Ghana, à son tour, intervint pour évoquer les intérêtséconomiques
et sociaux de certains petits Etats, au nombre desquels le sien,pays jeune,
dont le plateau continental est trèsétroitpar suited'une descente abrupte

du Lit de la mer au voisinage des côtes, et qui dépend presque entière-
ment de la pêchepour son approvisionnement en produits protéinés.La
définition adoptée à la conférence, concluait-il, (pourrait tourner finale-
ment au détriment de ces Davs ". 11a étésimalé dans cette mêmeconfé-
1 , "
rente que la Côte-d'Ivoire est dans une situation presque analogue. Le
cri d'alarme du Ghana, au nom des petits pays, demeure, témoin d'une
préoccupante réalité 11.
Aussi bien la République arabe unie préconisa une limite fixe, quelle

que soit la profondeur de la mer, pour tenir compte du désir des pays
dépourvus de plateau continental ». La Norvège suggéraque la limite
soit baséenon sur la configuration du lit marin ou sur la profondeur des
eaux, mais sur la distance à partir des côtes. Cette solution, [(tenant

compte du principe de l'égalitédes Etats, serait plus équitable 4». Le
Guatemala estima opportun (de définir un nouveau concept, celui de la
terrasse continentale qui comprendrait une zone limitée par une ligne
tracée à une distance donnée de la ligne de base de la mer territoriale j 1).

La Yougoslavie proposa délibérémentune limite situéeà 100 milles des

Conftirence de Genève, vol. VI, par. 20 et 22, p. 29-30.
? Ibid., par. 22, p13.
Ibid., par. 7, p. 33.
Ibid., par. 21p. 6.
Ibid., par. 2, p. 38. 111 PLATEAU CONTINEXTAL (OP. IND. AhlMOCiE; )

côtes, soit la moitiéde celle adoptée par le Pérou, le Chili et I'Equateur.

pour éviter le recours au double critère, le critère bathymétrique de 200
mètres de profondeur, et celui de la possibilité d'exploitation '.
L'opinion du Panama fut que ((le terme de base continentale serait plus
exact que celui de plateau continental puisque le premier désigne le

plateaucontinental et letalus continental '11.Enfin les Pays-Bas proposè-
rent, conformément 1~aux voeux exprimés par plusieurs représentants,
notamment celui du Panama,que l'ensemble de la marge continentale,qui
englobe à la fois le plateau continentalproprement ditet letalus coiitinen-

tal, doit êtrevisépar les articles 11de la Convention.

Enfin le Chili, 1'Equateur et le Pérou formulèrent une déclaration com-

mune confirmant celle précédemment citée.Ils y constatent que « I'ab-
sence d'un accord international suffisaiiinient large et juste, qui recon-
naisse et équilibreraisonnablement tous les droits et intérêts, ainsique les
résultats obtenus [à la conférence de Genève]laissent en pleine vigueur le

système régional du Pacifique sud )).Et ils y affirment leur résolution
d'aider ((au développenient d'un régimede la mer plus équitable 1).

10. Il semble cependant que la conférence de Genève ait fait un pas

dans la voie de l'extension du plateau contiiiental en stipulant, en son
article premier, que celui-ci s'étend jusqu'à l'isobathe de 200 mètres de
profondeur ou, au-delà de cette limite, jusqu'au point où la profondeur

des eaux surjacentes permet I'exploitatiori des ressources naturelles du lit
de la mer et de son sous-sol.
Cette extension fictive du plateau continental, opéréepar la Conven-
tion de Genèveaux dépensde la haute mer, enlèvede sa valeur à l'attitude

de ceux qui, l'ayant entérinée,s'opposent aux revendications d'Etats
que la nature n'a pas dotésd'un plateaucontinental et qui peuventtrouver
par une semblable extension fictive de celui-ci, des compensations Iégi-
times dans les ressources des eaux adjacentes à leurs côtes

' Ibid., par. 7. p. 39. par. 15. 51 et proposition (AjCONF.13/C.4/L.12).
Ihid., par. 24, p. 6.
Ibirl., par. 6. p. 43.
Ibid.,p. 149, doc. A/CONF.13'L.50.
On notera, eii outre, les réserves formulées en 1968 par ces trois Etats, ainsi que
par l'Argentine, Ic Brisil et le Salvador.àl'occasion du rapport du groupe de travail
au coniit6 spécial chargé par l'Assemblée gcn6r;ile des Nations Unies d'étudier les
citilisations pacifiques du lit des mers et des océans, coiisidirant en particulieque
les conclusicins di1 groupe de travail ne prijugent en rien les aspectsjuridiquede la
question .
j Cf. L. Henkin, Tllr Alinernl Resnitrce.of //le Scus,p. 23:,since geology was not
crucial to thelcgal doctririe, it was dificult to resist claims of ccastai States that had
no geological shelf, wliether in the Persian Gulf or in Latin America. JI Les motifs à la base des revendications des uns et des autres étant
d'ordre économique, il est juste que les intérêts detous les Etats reçoivent
satisfaction sur un pied d'égalité.L'égalitédans la liberté avait été
adoptée depuis des siècles comme une notion propre au droit de la mer,

avant d'êtredéfinitivement étendue par la Charte des Nations Unies à
tous les domaines de la vie des nations et des individus, renouant la
tradition avec le droit romain, qui décelait la notion d'égalité dans le
concept de l'équité '. Cette notion ne devrait-elle pas demeurer le fonde-
ment du droit de la mer et de toute modification apportée ou à apporter

à ce droit: égalitéquant à la haute mer, égalité relativement aux dépen-
dances naturelles des terres, autant pour le plateau continental que pour
la plate-forme épicontinentale; en conséquence égalitédans la délimita-
tion des zones du plateau continental, laquelle étant la question à ré-
soudre dans la présenteinstance.

11. Au reste, les revendications de la plupart de ces pays remontent

aussi loin, sinon plus loin que le principe de la liberté de la haute mer.
Celle-ci, consacrée par la coutume en Occident depuis le XVIIe siècle,
n'était pas sans souffrir certaines limitations de droit. On peut citer:

a) Les eaux historiques (golfes, baies, etc.) telles que le golfe de Fonseca
en Amérique centrale, assimiléaux eaux intérieures; celui du Rio de
la Plata en Argentine; les baies de Delaware et de Chesapeake aux
Etats-Unis; celles de Miramachi, de Hudson et de Chaleurs, au

Canada; le golfe de Gascogne et la baie de Granville ou de Cancale en
France; le canal de Bristol en Angleterre; la baie de Conception en
Terre-Neuve; le golfe de Manaar et la baie de Polk aux Indes: le golfe
de Finlande; la baie du Lévrieren Afrique; les baies de Tunis et de
Gabès en Tunisie; la baie d'El Arab sur la côte méditerranéenne de

la République arabe unie: les golfes Arabo-Persique et d'Akaba dans
les mers arabiques 2.
b) Les pêcheriessédentaires et les pêcheriespar engins fixes dont les
règles coutumières ont été entérinées par la convention de Genève

: Cf. C. del Vecchio, Plzilosopliie ddroit,traduction française, p. 282, note1.
- Le caractére historique du golfed'Akaba a étécontesté à I'Asseniblée générale
des Nations Unies en février 1957. Les Etats-Unis ont déclarécependant se sournet-
du II fSvrier 1957à,Israël et déclaration du secrétaire d'Etat Dean Rusk du 5 marsum
1957). On lit dans le premier:c,In the absence of sonle overriding decision to the
contrary, as by the I.C.J., the U.S., on behalf of vessels of U.S. registry, is prepared
to evercise the right of free and innocent passage and to join with others to secure
general recognition of this righ1,Et dans la seconde: the U.S. view is that the
passage should be open unless there is a contrary decision by the I.C.J. du 29 avril 1953sur la haute mer. On peut signaler, à titre d'exemple,
les pêcl-ieriesde Ceylan et de Bahrein (golfe Arabo-Persique), les

bancs de corail en Méditerranée au large des côtes d'Algtrie, de
Sicile et de Sardaigne, enfin d'innombrables pêcheries en mer Rouge,
et dans les mers d'Extrême-Orient l.

c) Les zones préférentiellesde pêcheque possèdent oii revendiquent un
certain nombre d'Etats pour des raisons spéciales d'ordre écono-
mique vital. au nombre desquels figurent le Pérou,le Chili, I'Equateur,

la République arabe unie, l'Islande, etc.2

12. En définitive, les droits que réclament ces Etats, depuis les Etats

de l'Amérique latine, jusqu'à ceux de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique,
reposent, selon le cas, sur des titres historiques ou sur une coutume ré-
gionale auxquels l'établissement de la coutume de la liberté de la haute

mer n'a pu, ou ne peut porter atteinte en raison de leur antériorité
ou de leur effictivité; alors que les droits instaurhs sur le plateau con-
tinental sont censés s'exercer ipso jlrrcJ,sans le secours de I'effectivité.

Ces Etats peuvent en conséquence se prévaloir de l'adage quietu plon
rnovcr-e et se retrancher derrière des situations consolidéespar le temps "
qui se sont muées enrèglesde droit objectif ne souffrant plus désormais
d'éventuelles protestations 5. La réaction sociale, faut-il conclure, est en

Les pêcheries d'huitres perlières de Ceylan et de Bahrein avaient déjà retenu
l'attention de Vattel (Droit des Kens. 1758). M. Ph. Jessup rappelait aussi que les
pécheries de perles de Ceylan remontent dans l'histoire jusqu'au VIC siècle av.
J.-C. (TlicLuw ofTerritoriui Wrctors,1927. p. 15). Tandis que celles du golfe Arabo-
Persique agrémentaient, coinme on sait, ver5 l'an mille, les Contes des n~iiiret irtrc
nrrits.
Aussi, M. W. Mouton a-t-il pu écrire: We believe. that prescriptivc rights could
develop q~iietly, and had existed long enoujh to be respected when peoplc became
conïcious of the freedom of thc seas. ,.(Op. cit., p. 145.)
Cf. L.. Henkin, op. rit.. p. 26: CSome writers saw in the cases on sedentary
fisherieî and subniarine mining a basis in c~istomary la\\: for the Truman Procla-
mation and for the later Convention on the Continental shell'. JI
Ihid.. p. 27:(Some of thcni [the cases cited against res corn~riunis]occiirred before
the freedoni of the sea \\.as cstablished as a principle of the internationallaw. In the

few cases involving pearl or oyster fisheries the clainis werc bascd not on occupation,
but on prescription or liistoric rights.'8
Voir sentence arbitrale du 13 octobre 1909 en l'affaire des Grishudarrru entre la
Suède et la Norvége, où il est dit que c'est un principe bien ctabli qu'il faut s'abs-
tenir autant que possible de modifier l'état de choses existant de fait et depuis
longtemps>'. Principe de droit généralappuyé notamment par G. Gidcl, Le droit
ititerr~ationalprrhlicde la nwr, III, p. 674. Ainsi de mêmeen droit musulman, Majallar
El Al~kanl, art. 5.
Le tribunal arbitral. dans l'affaire des Pêclleriesdes côtes septentrionales de
I'Atl~o~tiyue,a reconnu dans sa sentence du 27 janvier 1909 que «les conventions et
l'usage établi peuvent ètre considéréscomme un titre pour réclamer comme terri-
toriales les baies qui, pour ce motif, peuvent ètre appelées baies historiques l'.
Cf. Ch. de Visscher, Probl<;rnesd'interprétation judiciaire en droit internationai
public, p. 176.somme favorable à la reconnaissance des droits historiques, qu'elle se

manifeste dans le comportement des Etats, dans les décisions judiciaires
ou arbitrales, ou dans la doctrine. 11n'est pas en outre exclu que des
situations de droit semblables voient le jour par le jeu normal de la
création juridique.

13. Sans doute faudrait-il ajouter que le fait pour les articles 1 à 3
de la Convention sur le plateau continental d'être a l'abri de toute réserve

à l'occasion de la signature de celle-ci ou de sa ratification, n'entraîne
aucune contradiction ou incompatibilité entre le concept du plateau
continental et celui de la plate-forme épicontinentale; l'étendue de la
plate-forme s'ajouterait purement et simplement, le cas échéant,à celle
du plateau. La déclaration de l'Argentine du 9 octobre 1946 proclame

ainsi sa souveraineté sur l'une et I'autre étendue simultanément '. La
déclaration du Mexique du 29 octobre 1945 réclamant des zones de
pêche exclusivesau-delà du plateau continental a été interprétée comme
exprimant la mêmeconception ?.Tout comme au cours de la conférence

de Genève, des propositions ont étéformulées qui joignaient au plateau
le talus continental. Pour tout dire, le concept de la plate-forme épicon-
tinentale ne constituerait pas une dérogation à la définition du plateau
continental de l'article 1; le plateau et la plate-forme ne seraient pas
exclusifs I'un de I'autre; ils seraient appelés, au point d'évolution actuel

du droit, à se compléter I'un l'autre pour répondre à des situations de fait
différentes par certains côtés, semblables par bien d'autres.
On ne peut donc envisager désormais le concept du plateau continental
en perdant de vue le concept parallèle ou complémentaire de la plate-
forme épicontinentale.

14. Deux questions complémentaires subsistent, qu'il convient de
résoudre pour donner du concept ou du statut juridique du plateau
continental une vue complète, répondant aux impératifs de la discussion
dans la présente affaire :

a) Le plateau continental relève-t-il de la notion de contiguïté, ou doit-il
êtreconsidéré plutôt comme un prolongement naturel sous-marindu
territoire de I'Etat riverain?

h) Le plateau continental consiste-t-il en une extensionde la souveraineté
territoriale, ou confère-t-il simplement soit des droits souverains,
soit des droits exclusifs?

l On lit en effet dans ladite déclarati1It is hereby declared that the Argentine
epicontinental sea and continentalshelf are subject to the sovereign power of the
nation.1,
Cf. M. W. Moiiton, Tlre Contitiet7tul Slrp.f74. 15. Le plateau contiiiental relève-t-il de la notion de contiguïtc, ou
doit-il êtreconsidérépiut6t comme un prolongement naturel sous-niarin
du territoire de I'Etat riverain?

La thèse de la contiguïtf soutenue dans les contre-inémoires et au
cours des plaidoiries des repr6sentants du Danemark et des Pays-Bas.
selon laquelle les régions sous-inarines se trouvant plus proches d'~iii
Etat sont censéesrelever de celui-ci plutôt que d'un autre, résulterait de

la définition mêniedu plateau continental à I'article I de la Con\.entioii y
relati\.e, et serait inliirente à l'idke que cet Etat possède ipso jurr, uii
titre ou desdroits exclusifs sur ces régions.Qu'ainsi un lien direct et esseii-
tiel, eii d'autres termes inhérent et non point simplement implicite, fondé
sur la rutiu lc~is du concept fondamental du plateau continental, aurait
éti établientre celui-ci et la règlede dkliinitation de l'article 6.

Cette conception iie semble pas reçue en droit international, ainsi
qu'il ressort notamment de la sentence di1 23 jaiivier 1925 daiis l'affaire
de 1'11<(~/il Palt?~us.Celle-ci, rendue par l'un des trois grands arbitres
suisses, M. Huber, a mis en relief le fait qu'il est inipossible d'établir
l'existence d'une règle de droit international positif en vertu de laquelle

des îles situées en dehors des eaux territoriales appartieiidraient à uii
Etat par le simple fait que le territoire de cet Etat constitue la tcJrrtr
firrna, ou la terre la plus proche ayant une superficie importante 11.

Cette décision, cominunémeiit acceptie, tranche aussi, par analogie, le

cas des régions sous-niarines.
Là où I'arguineiitation des contre-mémoires se trouve aussi catago-
riquement condatiinke par la jurisprudence parce que violant ouverte-
ment, dans l'interprétation des textes, le sens natiirel des mots, c'est
lorsqu'elle soutient que le terme ri(ljiic~;q~iifigure à l'article 1 de la
Convention sur le platenu contineiital est l'équivalentd~itermef;quitlisra~zr,

pour eii déduire que ledit article qui dkfiiiit le plateau continental déter-
mine eii mêmetempsla règledestirife h ledblimiter, ilsavoir I'&quidistaiice.
Pciurtant, si telle avait été l'intention (les auteurs de la Conveiitioii, ils
l'auraient exprimée au lieu de la laisser déduire aussi laborieiiseinent.
Rien d'ailleurs ne transparaît dails les travaux préparatoires appuyant

cette opinion, ainsi que la Cour I'imontré eii se rt5férailtaux documeiits
de la Commission du droit international ct du coinité des experts. Eii
re\,anche, l'emploi du terme ctrljtrc~c~isi'texplique n:iturellement par
l'intention de circoiiscrire le plateau coiitincntal à une partie restreinte de
la Iiaute iner, celle qui prolonge les cotes, à I'cxcl~isioiidu large. II serait
d'ailleurs dificile d'admettre que les auteurs de la Convention aient

employé dans le mêmesens, contrairement à une bonne technique légis-
lative dont ils connzissent les subtilités et les conséquences, deux mots
absolunient différents. Le ternie rrrljrrcc~iltie vise que la constatatioii cle 116 PLATEAU CONT'INESTAL (OP. IND. AMMOUN)

la situation réciproque de deux territoires, ou de deux espaces maritimes
voisins. Par contre, le terme &quidistatzt se rapporte à une mesure à fixer
entre les deux territoires ou les deux espaces maritimes adjacents.

Enfin ilne serait pas superflu de souligner la gravité des conséquences
qu'entraînerait l'acceptation de cette thèse. Elle justifierait des acquisi-
tions territoriales ou maritimes auxquelles répugnent les principes fon-

damentaux du droit international contemporain: telle l'appropriation
de grands espaces dans l'océan Arctique et le continent Antarctique;
appropriation qui se réclameen mêmetemps de la doctrine des secteurs,
laquelle rappelle par certains de ses éléments laconception abandonnée

des sphères d'influence; telle aussi la politique déduite du traité de
Berlin de 1885, lequel, après avoir découpé l'Afrique considérée comme
rrs nullius, tolérait l'extension de la souveraineté à partir de la côte qui
avait été effectivement occupée. Etne faudrait-il pas ajouter à ces exem-

ples la doctrine de l'espace vital s'étalant au-delà des confins du pays?

16. Le plateau continental se conçoit par contre comme un prolonge-
ment sous-marin du territoire. Prolongement naturel, sans solution de
continuité. Il ne s'agit donc pas d'une fictionjuridique contestable, mais
de la réalité géologique.

C'est sur cette idéeque se sont fondésles Etats qui ont ouvert la voie
des revendications sur le plateau continental (Etats-Unis) ' ou sur la
plate-forme épicontinentale (Mexique, Argentine, Pérou) 2. La doctrine
lui est généralement favorable 3,et la Commission du droit international

l'a faite sienne.
Cette conception peut d'ailleurs se déduire de celle de la mer terri-
toriale universellement admise, elle-même une prolongation ou une
extension du territoire national.
Une réserve est cependant à faire: c'est qu'il ne faudrait pas déduire

de l'unité du territoire et du plateau ou de la plate-forme, l'unité du
régime légal. La différenceapparaîtra lors de l'examen de la question
suivante relative aux droits des Etats riverains.

La jurisprudence vient à l'appui de ce raisonnement avec l'arrêt de

' La proclaniation Truriian dispose dans son quatrième paragraphe: 1since the
continental shelf rnay be regarded as an extension of the land-mass of the coastal
nation and thus naturally appurtenant to itY.
Ces Etats ont cniployé des tern-ies semblables à ceux figurant dans la procla-
mation Truman. On y lit: fiThe continental shelf forrns a single morphological and
geological unity with the continent.
Cf. les auteurs mentionnés par M. W. Mouton, op. cit.p,. 33.cette Cour même,celui du 18 décembre 195 1 dans l'affaire anglo-norvé-

gieiine des Pêchcrics, aux termes duquel ((c'est la terre qui confère à
I'Etat riverain un droit sur les eaux )jet qui peut comprendre tout aussi
bien le fond de ces eaux. Du reste il est apparu que la conférence de
Genève s'est inspirée de cet arrêt daiis sa conception du plateau con-
tinental.

17. Le plateau contineiital consiste-t-il en une extension de la souve-
raineté territoriale, ou confère-t-il simplement des droits exclusifs ou des
droits souverains'?

Le comportement des Etats est divers et changeant. On peut néan-
moins distinguer trois attitudes qui correspondent à la triple alternative
que comporte la dernière question posée pour en terminer avec le statut
juridique du plateau continental: une attitude nord-américaine qui

s'nttaclie à la notion d'exclusivité,une attitude sud-américaine revendi-
quant la souveraineté territoriale, enfin l'attitude de Genève, qui a
abouti à la Convention consacrant des droits qualifiéstout à la fois de
souverains et d'exclusifs.

La proclamation Truman revendiquait un droit exclusif sur le plateau
continental et, sans prétendre à y exercer une souveraineté formelle,
n'affirmait pas moins que le Gouvernement américain considère les
ressources naturelles du sous-sol et du lit de la mer et du plateau con-

tinental, au-dessous de la haute mer et contigus aux côtes des Etats-Unis,
comme leur appartenant et sujets à leur juridiction et à leur contrôle.
Les déclarations en chaîne qui suivirent ne se sont pas toutes abstenues
de proclanier la souveraineté de 1'Etat côtier sur le fond et le tréfond de
la haute mer. Ce fut le cas de la plupart des Etats de l'Amérique latine
ayant étendu leur souveraineté jusqu'à 200 milles marins sur la plate-

forme épicontinentale ou au-delà.
Quant à la conférence de Genève, après avoir balancé entre la notion
des droits exclusifs et celle des droits souverains, elle a opté pour cette
dernière dans l'article 2, paragraphe 1, de la Convention et, dans le
paragraphe 2 du mêmearticle, elle a qualifiéles droits souverains d'ex-
clusifs.

Les Etats-Uiiis, dont il a étéquestion ci-haut, se rangèrent à cette
dernière conception en ratifiant lakonvention. 118 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. A~IMOUN)

18. Cependant, quelque variéeque soit la pratique des Etats, on doit
pouvoir la ramener sous la dépendance d'un double critère. Les droits
que les Etats riverains peuvent exercer sur le plateau continental ou la
plate-forme épicontinentale sont en effet susceptibles d'êtredéterminés

tout ensemble par les objectifs économiques qui leur sont assignés, et
par la considération que la liberté de la haute mer ne doit être affectée
que dans la mesure où l'exige la réalisation de ces objectifs. Autrement
dit, s'agissant d'un principe du droit des gens auquel l'évolution écono-
mique, sociale et politique, ainsi que les progrès scientifiques et techno-
logiques sont de nature à apporter des dérogations nécessaires, les

droits que 1'Etat riverain peut exercer sur le plateau continental ou la
plate-forme épicontinentale sont A limiter à ceux que justifie la réalisation
des fins pour lesquelles ils ont étéinstitués. Soit, généralementparlant,
exploitation exclusive, vis-à-vis des autres Etats, des 1-essources sous-
marines dans un cas, de la pêchedans l'autre.
Quant au caractère souverain attribué à ces droits, il s'agirait, dans les
trois situations observées, d'une souveraineté territoriale plus ou moins

démembrée,dont certains attributs s'exercent sur le plateau continental
ou la plate-forme épicontinentale. Le contenu juridique des droits
souverains reste limité aux actes strictement nécessaires à l'exploration,
à l'exploitation ou à la protection des ressources du plateau continental,
à l'exclusion des eaux et de l'espace surjacents. De même,le contenu
juridique de ce qui a étéappelé souverainetépar les Etats de l'Amérique

latine est limité aux objectifs précités,auxquels s'ajoute la pêche, exclu-
sion faite de la liberté de la navigation et du droit de poser et d'entretenir
câbles et pipe-lines. Dans aucun cas il ne s'agirait, par conséquent, de la
souveraineté telle qu'elle s'exerce sur la mer territoriale.

19. Le double critère des objectifs économiques assignéaux droits des

Etats riverains et du respect dans la mesure nécessaire de la liberté de
la haute mer, exclut naturellement l'utilisation du plateau continental,
tout comme la haute mer, a des fins militaires. La liberté de la haute
mer, principe de droit des gens positif, demeure intangible tant qu'une
règle de mêmenature n'y a pas apporté des restrictions en énonqant des
droits individuels que des Etats seraient à même d'y exercer.'

20. On constatera par la suite que les trois Parties en la présente
affaire sont liéespar les dispositions de l'article2 précitéde la Conven-

' Ce raisonnement ne semble pah avoir étécelui du comité spécial chargé par les
Nations Unies d'étudier les utilisations pacifiques dudes mers et des océans. tion de Genève sur le plateau continental, les Pays-Bas et le Danemark
pour avoir ratifié la Convention, la République fédéraled'Allemagne
pour avoir acquiescé à l'application à son égardde ce mêmearticle.

21. Le concept du plateau continental étant reconnu, avec les droits
qui s'y exercent, comme faisant partie du droit international coutumier,
la demande des Parties comporterait d'abord la question suivante:

Existe-t-il une convention généraleou spéciale, dans le sens de l'ar-
ticle 38, paragraphe 1 ri),du Statut de la Cour, comportant des règles
applicables à la délimitation entre Etats riverains des zones qu'ils

revendiquent du plateau continental de la mer du Nord?

Les Gouvernements des Royaumes des Pays-Bas et du Danemark se
réclament des dispositions de l'article 6 de la Convention de Genève du

29 avril 1958 sur le plateau continental pour la délimitation des zones
du plateau continental de la mer du Nord.
Le Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne, qui n'a pas
ratifié laConvention précitée, n'a pasnon plus reconnu les dispositions
pertinentes de l'article6 dont se prévalent les Gouvernements des Pays-
Bas et du Danemark, ainsi qu'il en avait étédes deux premiers articles de

ladite Convention '.

Le comportement de la République fédéraleet certaines de ses décla-

rations ont cependant été interprétép sar les Parties adverses commecons-
tituant un engagement de sa part à se soumettre aux prescriptions de
l'article6 de la Convention.
La Cour, étudiant les effets des déclarations ou du comportement d'un
Etat en arrive à dire que seule l'existence d'une situation d'cstoppel pour-
rait étayerpareille thèse [à savoir que laRépubliquefédéraled'Alleniagne

serait li5e par ses déclarations]: il faudrait que la République fédérale
ne puisse plus contester I'applicabilité du régime conventionnel, en
raison d'un comportement, de déclarations, etc., qui n'auraient pas
seulement attesté d'une manière claire et constante son acceptation de ce
réginiemais auraient également amen6 le Danemark et les Pays-Bas. en
se fondant sur cette attitude, à modifier leur positionà leur détriment ou

à subir un préjudice quelconque 1).

l Sllprapar. 3.

120 L'arrêtne tient pas compte d'une doctrine bien établie selon laquelle

un Etat peut êtreliépar un acte unilatéral '.
En conséquencede ce qu'il avance, l'arrêt mentionneau paragraphe 30,
qu'((il ne semble guère utile à la Cour d'examiner en détail les divers
actes de la République fédéralequi, selon le Danemark et les Pays-Bas.
traduiraient une acceptation du régimede I'article 6 1).

Tout en partageant le point de vue de l'arrêtque I'article 6, en tant
que tel, n'est pas applicable aux délimitations \,iséesdans les présentes
instances, j'estime que les actes unilatéraux émanant de la République
fédéraleet son comportement doivent être analysés pour adopter en

définitivela conclusion précitée.

22. La délégation duGouvernement fédérala fait savoir, ainsi qu'il est

mentionné au procès-verbal des négociations avec le Gouvernement des
Pays-Bas en date du 4 août 1964 < que son gouvernement ((s'efforcede
réunir une conférencedes Etats riverains de la mer du Nord conformé-
ment à la première phrase du paragraphe 1 et à la première phrase du

paragraphe 2 de l'article 6 de la Convention de Genève sur le plateau
continental 1)et que (la délégation néerlandaise a prisnote de cette inten-
tion 1).Mais cet engagement, limité expressément à deux dispositions de
l'article6 relatives a l'opportunité de recourir de préférenceà des accords

pour la délimitation du plateau continental, ne saurait êtreinterprété
comme une déclaration visant l'ensemble des dispositions de cet article.
La lettre du texte s'y oppose catégoriquement. En particulier, la disposi-
tion relative à la délimitation du plateau continental par application de la
règlede l'équidistance reste en dehors de cet engagement.

On a néanmoins voulu voir, dans les traités du 1" décembre 1964et du
9 juin 1965 entre la République fédérale d'Allemagned'une part, les

Royaumes des Pays-Bas et du Danemark de l'autre, un acquiescement à
l'application de la rkgle de I'équidistance.

L'acquiescement découlant d'un actejuridique unilatéral, ou déduit de

la conduite ou de l'attitude de la personne à laquelle il est opposé - soit
par application de la notion d'estoppel hy conduct relevant de I'?quity
anglo-américaine, soit en vertu du principe ulle~uns contrurin tlon uu-
dietzclusest du droit occidental, qui a son pendant dans le droit musul-
man - figure au nombre des principes générauxdu droit accueillis par
- .-

'E. Suy, Les uctes juridiqrrinternutiona~ix1962. p. 148 à152.
Mémoire, ann. 4.
Majallat El Ahkatn, art. 100.le droit international comme faisant partie du droit des nations et
obéissant aux règlesd'interprétation y afférentes.Aussi, lorsque I'acquies-
cement alléguéest tacite, ainsi qu'il le serait dans la présente cause en tant

que déduit du comportement de la partie contre laquelle il est invoqué,
il exige la recherche de l'intention manifestant une volonté certaine
dépourvue d'ambiguïté.
Or le Gouvernement fédérala formellement déclaré dans le procès-

verbal commun du 4 août 1964 précitéqu' (il ne faut pas conclure de !a
direction de la limite proposéeque cette dernière doive se prolonger dans
la mêmedirection 11.De mêmeil a étémentionné dans le protocole com-

plétant le traité germano-danois du 9juin 1965 lque 1,pour ce qui est du
prolongement de la ligne de déliniitation, chacune des parties contrac-
tarites réservesa position juridique 11.
Considérant que la négociation qui s'est terminée par le traité du

1" décembre 1964,tout comme celle qui a abouti au traité du 9 juin 1965
et au protocolejoint de même date, constitue un tout indivisible, la Cou:
ne pourrait en dissocier les déclarations susmentionnées du 4 août 1964 et
du 9juin 1965qui clôturent l'une et l'autre négociations, et dont le sens ne

prêtepas à équivoque, ne laissant subsister aucun doute sur l'intention de
la République fédérale d'Allemagne d'écarter l'applicationde la règlede
l'équidistance pure et simple à la délimitation au-delà du 54" degré de
latitude nord. II n'y a pas de raison, en effet, pour ne pas suivre dans

l'interprétation des déclarations unilatérales, la jurisprudence constante
de la Cour selon laquelle les termes d'un traité doivent être interprétés
suiva va rilteur sigi-iification naturelle et ordinaire 2a. Encore faut-il faire

obserber que le traité germano-danois ne comporterait qu'un seul point
équidistant à l'extrémitéde son parcours 3.
II serait non moins inexact de dire, au résultat d'un raisonnement
similaire dénotant la véritable intention du Gouvernement fédéral,que

celui-ci, par sa proclamation du 20 janvier 1964et I'exposédes motifs de la
loi sur le plateau continental qu'il a promulguée le 24 juillet de la même
année, ,,a reconiiii que la Convention de Genèveest l'expression du droit
international coutumier l),comme le prétendent les autres Parties en la

cause 4. Ce qui n'est pas, en fait, le cas des dispositions de la Convention
de 1958 relati~es à la ligne d'éqiiidistance, laquelle n'acquerrait naturelle-
ment pas, par ilne reconiiaissnnce à supposer efficacepour les besoins de la

l Memoire, anii. 7.
Avis sur les Conditionr de I'adt~~issiond'un Etut coi>rt?rnrreinhred~.rNutions Unies
du 28 mai 1948; avis sur la Cotnpétencede l'A.s.ser~~b~étféi.ul<o,rtrI'ud~~fissiond'lrrl
Etut uri.~Nution.~ Unies du 3 mars 1950; arrét dans l'affaire du Droit d'usile du
5 novembre 1950; avis sur la Cotnpo.~ition ilrr Coinide; lu .s<;ciritr;uririrrledu
8 juin 1960.
Réplique, par. 29.
Coiitre-mériioiredu Gouvernenient danois, par. 24 et contre-niéinoire d~i
Go~i~ernement nécrlandais. par. 25. 122 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

discussion, le caractère de règle coutumière généralequ'elle n'a pas '.

Quel effet juridique faut-il attribuer, d'autre part, à la signat~ire par la
République fédéraleallemande, du protocole d'application provisoire de
la convention européenne sur la pêchedu 9 mars 1964, dolit l'article 7
prévoit le recours à la ligne médiane constituée par la série des points
équidistants des côtes de chacune des parties limitrophes ou se faisant

face? L'engagement de la République fédérale de faire application de la
ligne d'équidistance aux zones de pêche, qu'ellea confirmk par l'aide-
mémoire du 16 mars 1967, ne prête pas à discussion. Mais sa portée,
dépassant l'objet pour lequel il a été convenu, s'étend-elle nu plateau
continental? La réponse est plus que douteuse en raison de l'opposition
formelle du Gouvernement fédéralà l'application de la ligne d'équidis-

tance dans les documents successivement discutés du 4 août 1964, du
9 juin 1965, du 20 janvier 1964 et du 24 juillet 1964. Telle parait être
l'interprétation à donner à l'intention de la République fédérale.
Cela étant, la Cour n'aurait pasà s'engager, en outre, dans la recherche
de la penséeintime du Gouvernement fédéralà laquelle le Gouvernement
néerlandais la convie en demandant, en son contre-mémoire, pourquoi la

République fédéralea-t-ellesoulignédans le procès-verbal du 4 août 1968,
que la limite devait êtredéterminéecompte tenu des circonstances spécia-
les existant dans l'estuaire de l'Ems, si elle n'avait pas à l'esprit les termes
du paragraphe 2de l'article 6 de la Convention de Genève, c'est-à-dire la
règle de l'équidistance.
On ne saurait donc interpréter les traités du Ierdécembre 1964 et du

9 juin 1965, entre la République fédéraled'une part, les Pays-Bas et le
Danemark de l'autre, à la lumière du procès-verbal du 4 août 1964et du
protocole du 9juin 1965, ni la déclaration du Gouvernement fédéraldu
20 janvier 1964 et l'exposé des motifs de la loi du 24 juillet de la même
année, comme un acquiescement à l'application de la ligne d'équidistance
telle que viséedans la Convention du 29 avril 1958 sur le plateau con-
tinental.

23. En définitive,la délimitation entre les Parties des zones du plateau
continental de la mer du Nord sur lesquelles celles-ci revendiquent des
droits souverains n'est pas régiepar les dispositions de l'article 6 de la

Convention de Genève sur le plateau continental du 29 avril 1958 ap-
pliquant la méthode de I'équidistance.
Dans ces conditions, il n'y aurait pas lieu d'aborder l'interprétation des
dispositions dudit article 6 en tant que texte juridique s'imposant aux
Parties. Toutefois, on peut y revenir par la suite si l'adoption des notions
qu'il inclut peuvent inspirer une solution découlant d'une autre source

l Infra, par. 24-30.

123de droit, telle qu'un principe généralde droit reconnu par les nations.

24. A défaut d'une convention internationale établissant des règles

expressément reconnues par lesparties en litige, n'y a-t-il pas des principes
ou des règlesde droit international co~ituniierapplicables à la délimitation
du plateau continental?
Et en cas d'inexistence d'une coutuine géiikrale,y aurait-il une coutume
régionale propre à la mer du Nord?

Les Royaunles du Danemark et des Pays-Bas ont soutenu qu'ayant
fixé leslimites de leurs parties du plateau continental en prenant spéci-
fiquement comme base les principes et règles de droit généralement

reconnus, ces limites ne sont pas pritnu,fucie contraires au droit iiiter-
national et sont valables à l'égard des autres Etats. Ils fondent leur
thèse sur les dispositioiis de l'articl6,paragraphe 2, de la Convention de
Genève sur le plateau continental, selon laquelle, à défautd'accord entre
les parties et à moins que des circonstances spéciales ne justifient une
autre délimitation, celle-ci s'opère par application de la méthode de

l'équidistance des lignes de base à partir desquelles est mesurie la largeur
de la mer territoriale des Etats limitrophes.
L'action unilatérale dont se prévalent les Gouvernements danois et
néerlandais aurait étéopposable aux autres Etats et. en conséquence, au
Gouvernement fédéralallemand, si la règlede dilimitation à laquelle ils
attachent un effet rrgu orntlcs était devenue une norme de droit inter-

national positif liant les Etats qui, comme la Républiq~iefédérale,ne sont
pas parties à la Convention de 1958.
On a vu que les dispositioris des articles I et 2 de ladite Con\ention
fondant l'institution du nlateau continental n'étaient nas le résultat ciela
codification du droit international en vigueur faisant partic de la1c.yIutu,

mais l'effet du développeinent progressif di1 droit, (Ir lcxc,fi~rc~~lt.ont
il est question dans I'article 13de la Charte des Nations Unies et l'article
15 di1 Statut de la Commission du droit international. IIne saurait en
Ctre autrement des dispositions de l'article 6, paragranhe 2, du rnoinent
qii'elles font application du principe énoncé aux:trticles I et 2.
Ce développement progressif du droit a-t-il atteint. quant aux Pnon-

ciations de I'article 6, paragraphe 2, le stade de la coutume établie,depuis
qiie la inéthociede 1'6q~iidistancea CtCretenue par la Conln~ission du
di-oit international en 1953,puis à la conférencedc Genèveen 1958.dans
l'une et l'autre circonstances à une très grande majorité?
Certes, la notion 1nCinedu plateau continental. 6iioiicéela j3remiti.e
fois dans la pratique des Etats eii 1945,n'a mis qii'iine douzaine d';iiinCespour constituer une coutume universellement reconnue. Des voix autori-
séesdans le cadre de la doctrine ',et desjuristes de tous bords, dans les

conférences internationales, n'ont pu endiguer le courant de la pensée
juridique qu'ont e!itraîiiéIc progrès inouï des scieiices et le rapide déve-
loppement de la vie économique et sociale des nations. C'est direquecette
règle récente du droit de la mer, sous l'impulsion de puissants mobiles,
et grâce à la pratique des Etats et à l'effetdes conventions internationales,

s'est muCe, dans un court délai, en un droit coutumier répondant aux
besoins pressants de la vie moderne.
En est-il de mêmede la notion de l'équidistance de l'article 6 de la
Convention de Genève'!
II y a lieu, dans un premier volet de la discussion, de rechercher quellea

étéla pratique des Etats, tant antérieurement à la Convention du 29 avril
1958sur le plateau continental, qu'à partir de cette date.

25. Une question préalable est à résoudre: quels sont les actes de
délimitation qui doivent être dénombrés pour enretenir ceux concourant
à la formation de l'élémentmatériel de la coutume, compte tenu de la
nature des eaux délimitées, aussi bien que de la situation des Etats
riverains de ces eaux, Etats limitrophes et Etats se faisant face.

La Cour a estiméque ne pouvaient êtreretenues comme précédentsque
les délimitations concernant le plateau continental et entre Etats limi-
trophes uniquement. 11parait cependant que les actes dont il faut tenir
compte dans cette recherche sont, quant a la nature des eaux, tous ceux

qui se rattachent à la délimitation des eaux maritimes quelles qu'elles
soient: mers territoriales, détroits, zones contiguës, zones de pêche,pla-
teau continental, plate-forme épicontinentale - auxquels il faut ajouter
les lacs. Le concept sous-jacent commun à toutes ces étenduesd'eau, qui
commande l'analogie, est qu'elles procèdent toutes de la notion du pro-

longement naturel du domaine terrestre des Etats riverains ?.C9est ainsi
que le comité des experts de 1953,ne distinguant pas à ce propos entre la
mer territoriale et le plateau continental, écrivaitdans son rapport qu'il
((s'est efforcé de trouver des formules pour tracer les frontières inter-
nationales dans les mers territoriales qui pourraient en mêmetemps servir

pour délimiter les frontières respectives du plateau continental 11.

Par contre, il est évident que ne doivent pas être retenues à titre de
précédentsles lignes de partage des fleuves. Ces lignes suivent d'ailleurs

' Notamment celles de G. Scelle et d'A. de Lapradelle; le représentant de ]'Alle-
magne fédérale. M. Münch, disait encore, à la conférence de Genève. de la règle
du plateau continental que ,beauco~ip d'autorités la rejettent I<,gclutnetde l<xr
ferenda ',.
S~lprd,par. 15.bien plus souvent les thalwegs et les chenaux navigables que le milieu
du cours d'eau.

Les actes de délimitation ayant trait aux Etats limitrophes ou se
faisant face demandent de plus amples détails.
Tous ces actes doivent être mis à contribution, motif pris égalementde
leur commun concept sous-.jacent. L'exemple en a étédonné par les trois
conventions adoptées à Genève concernant la mer territoriale, la zone

contiguë et les zones de pêche.Toutes trois ont donné textuellement pour
base à la délimitation 1la ligne médiane dont tous les points sont équi-
distants des poiiits les plus proches des lignes de base ))Et ces conventions
ont préciséque cette disposition est applicable aux délimitations latérales
comme aux délimitations entre Etats se faisant face '.

Cette assimilation entre les deux sortes de délimitation ne doit-elle pas
se refléter dans l'interprétation de l'article 6 de la Convention sur le
plateau continental, quoique les deux termes différentsde ligne médiane
et de ligne d'équidistance y soient utilisés?
L'interprétation de la Convention sur le plateau continental à la

lumière de la formule adoptée par les trois autres conventions, selon la
méthode d'intégration par coordination entre les quatre conventions,
s'impose iinpérieusement dans le présent cas. En effet, les quatre conven-
tions votées le mêiiiejour dans une même assembléeconstituent un
ensemble conventionnel rentrant dans le mcme cadre juridique, celui du

droit de la mer. Aussi avaient-elles été élaboréep sar la Commission du
droit international des Nations Unies et présentéesà la conférence de
Genèvedans un document unique. Ne faut-il pas convenir en conséquence
que, nonobstant les diffirences de rédaction ou la disparité des termes
relevéesentre les trois conventions précitéesd'une part, et la Convention

sur le plateau continental de l'autre, la mêmerègled'équidistance est ap-
plicable, au sens des quatre conventions, quant aux délimitations latérales
comme aux délimitations médianes?
On remarquera que la règle ayant étéainsi comprise daris les milieux
internationaux, les treize Etats signataires de la convention conclue à

Londres le 9 mars 1964ont emprunté textuellement aux trois conventions
susmentionnées de Genève leur commune formiile pour les Etats se fai-
sant face ou limitrophes.
Si néanmoins le texte de la Convention sur le plateau continental est
sorti des délibérations dela confkrcnce différemment rédigé que celui des

trois autres conventions, ce fait est à attribuer aux aléas de la discussion
en assemblée. Les délimitations entre Etats adjacents comme entre Etats
se faisant face avaient fait l'objet à la Commission du droit international
d'une rédaction iiniq~ie englobant les deux situations. Le fait qu'elles
aient étémentionnées, dans la convention elaborée au cours de la con-

'Conventions sur la iner territoriaart. 17: sur la ZOixecontiguë. art24; sur
la pêche et la conservation des ressources biologiqiies.7.qui se rifèrà l'art. 12
de la convention surla iner territorialc.férence,dans des paragraphes distincts de l'article 6 et que les textes aient

étérédigésen des termes tant soit peu différents, s'explique par les
avatars de la discussion dans deux commissions, et ne permet pas d'en
déduire une différence entre ligne médiane applicable aux Etats se
faisant face et ligne d'équidistance pour la démarcation entre Etats
limitrophes. Les travaux préparatoires ne sont pas moins explicites, à

cet égard, que la clarté des termes utilisés dans les quatre conventions
relatives au droit de la mer, lesquelles font état tout ensemble de la ligne
médianeet de points équidistants applicables aux Etats limitrophes et aux
Etats se faisant face. C'est dire, en somme, que la notion d'équidistance
est de règlepour les deux sortes de délimitation.

26. Les actes antérieurs à la Convention sur le plateau continental se

rapportant à la délimitation des eaux maritimes - mer territoriale,
détroits, lacs, zone contiguë, zones de pêche,plateau continental, plate-
forme épicontinentale - étaient on ne peut plus variés.
On verra, par la suite, que les proclamations et autres actes édictés en
1945 par les Etats-Unis, en 1947par le Nicaragua, en 1949 par l'Arabie

Saoudite et les Etats de Koweït, Bahrein, Qatar, Abou Dhabi, Sharjah,
Ras el Khaimah, Oum el Kaiwain, Ajman, en 1955 par l'Iran, se récla-
maient tous de la justice ou de l'équité.C'étaitle groupe d'Etats le plus
nombreux.
Le traité du 27 septembre 1882 entre le Mexique et le Guatemala,

ainsique le décretdu Gouvernement du Cambodge du 30 décembre 1957,
adoptaient la méthode de la ligne perpendiculaire aux côtes.
La méthode consistant à prolonger la frontière terrestre vers le large a
étésuivie par le décret du Gouvernement français du 25 mai 1960 qui a
confirmé l'accord entre la France et le Portugal concernant le Sénégalet

la Guinée dite portugaise. Il en a étéde même des limitesfixéesen 1953en
vertu de la législationaustraliennesur les pêcheriesde perles de 1952-1953.

La délimitation de la plate-forme épicontinentale entre le Chili,
I'Equateur et le Pérou suivait les parallèles de latitude géographique.

L'accord entre les Etats-Unies et le Canada du 15 juin 1846 et la loi
de 1928 portant approbation de l'accord entre Singapour et Jahore du
19 octobre 1927suivaient l'un et l'autre le chenal entre les deux côtes.
On notait nombre d'accords se décidant pour le partage égal,utilisant
les formules suivantes: 1à égale distance » ou «à moitié distance 1des

côtes ou selon la ligne médiane 1)Tels étaient l'accord du 11 avril 1908
entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, les accords du 28 septembre
1915entre l'Indonésieet la Malaisie, du 24 avril 1924entre laNorvègeet la
Finlande, le traité de paix du 4 janvier 1932entre I'ltalie et la Turquie, les
accords du 30juin 1932entre le Danemark et la Suède,le traitéde paix du127 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

10 février 1947 avec l'Italie délimitant les eaux territoriales de Trieste,

enfin l'accord du 22 février1958entre l'Arabie Saouditeet Bahrein.

Les délimitations des lacs se référaienttantôt à la ligne médiane ou le
milieu des eaux, tantôt au thalweg, et parfois suivaient les rives du lac, ou

ne se réclamaient d'aucune méthode.
Un cas assez particulier était celui de I'accord entre la France et la
Suisse du 25 février 1953 pour la délimitation du lac Léman selon 1~une
ligne médiane et deux ailes transversales 11cette ligne se trouvant (1rem-
placée, pour des raisons pratiques, par une ligne polygonale de six

côtéspour réaliser lacompensation des surfaces ».
Enfin, un certain nombre d'accords et autres actes étaient dépourvus
de toute référenceà une méthode quelconque. Ainsi en était-il des ac-
cords de 1918 entre la Chine et Hong-Kong et de 1925 entre les Etats-
Unis et le Canada; du traité de 1942 entre le Royaume-Uni et le Vene-

zuela, de l'accord de 1957entre l'union soviétiqueet la Norvège.

27. Aucune conclusion ne semble pouvoir être tirée de cette extrême
diversité des formules employées, sinon que celles-ci constituent un
faisceau de méthodes auxquelles les Etats pouvaient librement recourir
afin de concilier leurs intérêtsrespectifs. Aussi bien ne peut-on déceler
dans l'usage de l'une ou l'autre méthode, sans en excepter celle utilisant

la ligne médiane, I'opiniojuris fondée sur la conscience qu'ont les Etats
du caractère obligatoire de la pratique appliquée.

28. Les actes susvisésadoptant la ligne médianeou la ligne d'équidis-
tance n'étant pas susceptibles de constit~ier une coutume, il reste à savoir
si ceux ayant eu licu depuis la signature de la Convention sur le plateau
continental, en s'y ajoutant, ont eu cet effet.

Pour résoudre cette question, la Cour développe une thèse selon la-

quelle une convention normative exercerait, en tant que telle, une influence
sur la formation de la coutume. La pratique des Etats est envisagée,dans
ce raisonnement, comme destinée L étayer, le cas échéant,Ic caractère
normatif virtuel de la Convention.
II me semble que ce raisonnement est contraire à la lettre et à l'esprit
de l'article 38, paragraphe 1 II), du Statut de la Cour, lequel fonde la 128 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

coutume sur la pratique des Etats. La Convention de 1958,comme toute
autre convention, n'a donc d'autre influence sur la formation de la
coutume que celle que lui confèrent les Etats l'ayant iatifiée ou I'ayant

simplement signée: l'acte jur idique de la ratification et le faitjuridique de
la signature constituent l'un et l'autre des attitudes comptant dans le
dénombrement des éléments de lapratique étatique.

29. En conséquence, pou1 établir un état actuel aussi complet que
possible des précédentsde nature à contribuer à la transformation de la
méthode d'équidistance en règle de droit coutumier, il faudrait recenser:

a) les actes juridiques de ratificationdes conventions précitées;
h) les faits juridiques de signature des mêmesconventions;
c) les actes de délimitation de la mer territoriale, de la zone contiguë,
des zones de pêche, desdétroits, des lacs, du plateau continental, de
la plate-forme épicontinentale.

Au nombre des Etats dont les actes de délimitation ont étéévoquéset
qui figurent sous les alinéas a) et b), on compte: l'union soviétique, la
Finlande, l'Australie, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les

Etats-Unis, la République fédérale d'Allemagne.Il n'y a donc pas lieu
de les inclure à nouveau dans le total des Etats auteurs d'actes de délimi-
tation.
Outre les Etats susmentionnés, les Pays-Bas et le Danemark mention-
nent dans leur duplique commune ceux qui ont opté pour la ligne d'équi-
distance.

En ce qui concerne le Koweït, lesreprésentants de la Républiquefédérale
ont contesté que son accord avec la ;ociétéd'exploitation pût être retenu
comme un précédent, ne s'agissant pas d'une convention entre Etats.
Nombleuses sont les concessions de droit public qui ont donné lieu à
des précédents judiciaires dans divers problèmes du droit des gens.
Néanmoins, l'accord concernant une concession d'un Etat à une société

ne constitue pasper sc ou en tant que tel, un élémentde la pratique cons-
titutive de la coutume internationale. Ce n'est que par une légitime
assimilation de la position prise par 1'Etat conférant la concessiûn avec
les actes unilatéraux que le cas du Koweït pourrait êtreexaminé. Cepen-
dant l'attitude qui lui est attribuée, comme celle attribuée à l'Iran,
demande mûre réflexion. Elles auraient pu êtreretenues comme précé-
dents concourant à établir la coutume, si ces Etats ne s'étaient pasabs-

tenus de se référerà la méthode de l'équidistance, alors surtout que leurs
jurisconsultes sont au courant des débats qui s'étaient déroulésà la
conférence de Genève. On ne peut sonder le for intérieur de ces Etats
pour prétendre que I'opiniojuris s'attache aux démalcations auxquelles
ils ont procédésans se référerà une règle à l'application de laquelle ilsse seraient cru tenus. D'autant plus qu'en raison de la démarche de
chacun d'eux dans le tracé des lignes de démarcation de leurs plateaux

continentaux, on ne peut s'empêcherde se reporter à leurs déclarations
respectives de 1947 et de 1955 spécifiant qu'ils s'en rapporteraient à ce
sujet à la notion d'équité.

En ce qui concerne l'Irak, il est dit dans la duplique que cet Etat 1a

spontanément considéréqu'à défaut d'accordou de circonstances spéciales
justifiant une autre délimitation, c'était le principe de l'équidistance
énoncé à l'article 6 de la Conkeiition sur le plateau continental qui
régirait ladilimitation de son plateau continental '.Or la déclaration de

l'Irak est du 10 avril 1958, soit avant la signature de la Convention de
Genève; la référenceà l'article 6 de celle-ci est donc hors de propos. On
peut retenir cependant la déclaration irakienne, telle la proclamation
Truman, comme initiant Lincourant vers une coutume nouvelle.
L'accord signéle 10 mars 1965 entre le Royaume-Uni et la Norvège

et adoptant la règle dc l'équidistance constitue un autre précédent. On
peut en dire autant de l'accord du 8 décembre 1965 entre le Danemark
et la Norvège, de la proclamation du président de la République-Unie
de Tanzanie du 30 mals 1967concernant la délimitation de la mer terri-
toriale entre la Tanzanie et le Keyna, de l'accord du 20 mars 1967entre le

Maroc et l'Espagne ayant trait au détroit de Gibraltar, et de l'accord du
24 juillet 1968 entre la Suède et la Norvkge.

Mais que faut-il penser de l'attitude de la Belgique? Quoique n'ayant
pas signé la Convention sur le plateaii continental, le Gouvernement

belge, par une note du 15 septembrc 1965 adressée par l'ambassade de
Belgique au ministère néerlandais des Affaires étrangkres, précise que
((lesdeux pays sont d'accord sur le principe de I'équidistanccet sur son
application pratique 1)En outre, un projet de loi, assorti d'un exposéde
motifs, soumis à la Chambre des riprésentants en date du 23 octobre

1967. adopte les dispositions de la Convention sur le plateau continental.
Le projet de loi, tout dipourvu qu'il est d'effetjuridique, exprime néan-
moins le point de vue oficiel du gouvernement. II constit~ie un de ces
actes de l'ordre juridique intérieur pouvant êtrecomptés au nombre
des précédentsà retenir, le cas échéant,pour la reconnaissance de la

coutume. De toute façon. l'attitude du Gouvernement belge est exprimée
sans équivoque possible par la déclaration contenue dans la communica-
tion d'Etat à Etat du 15 septembre 1965 à laquelle ne saurait êtrerefusé
le caractère de précédent 2.

D'autre part, la convention européenne de Londres du 24 msrs 1964
sur la pêcheayant adopté la formule de l'équidistance à l'instar des

Duplique, par. 72.
Slrpra.par. 21,;sur l'effet des déclarations unilatérales.conventions de Genève sur la mer territoriale, la zone contiguë et les
zones de pêche ', ily a lieu de noter que sept Etat qui ne sont pas parties

à ces conventions ont signéla convention de Londres. Leui nombre vient
s'ajouter à celui des Etats, dont il a étéfait mention, ayant appliqué la
méthode de I'équidistance.
Ainsi peut-on dénombrer, en définitive,pendant le cours de la décade
qui s'est écouléedepuis l'institution de la règle nouvelle par voie con-
ventionn-lle, unedouzaine d'Etats n'étant pas parties à la Convention de
1958sur le plateau continental, qui ont opté,en plus des Etats signataires

de celle-ci, pour la méthode de I'équidistance.
Quelque importance que présentent ces précédents,dont le dériom-
bienient a étéaussi compréhensif qu'il pouvait l'être, leur nombre
n'atteint que peu ou prou la moitiéde celui de la communauté internatio-
nale. II est difficile d'y trouver les élémentssusceptibles de constituer la
pratique généralement acceptéede l'article 38, paragraphe 1 h), du
Statut de la Cour.

30. Un argument de texte est d'autant moins à négliger qu'il con-
firme péremptoirement cette manière de voir. C'est celui tirédel'article 12

de la Convention sur le plateau continental, qui distingue entre les
articles 1 à 3 et tous les autres articles en décidant que ceux-là seuls
ne sont pas susceptibles de réserve. LaCour s'est étendue sur ce point et
je n'ai pas a y revenir, sinon pour ajouter que la faculté de suboldonner
à des réserves la mise en Œuvre des dispositions de I'article 6 implique
l'absence chez les signataires de la Convention de I'opiniojuris sive

nec~ssitatis. Celle-ci suppose, en effet, la conscience du caractére obliga-
toire de la règle. Et c'est l'évidencemêmequ'on ne peut pas se sentir
obligé par une règle quand on se réserve le droit de ne pas l'appliquer.

On ne peut en coi-iséquences'empêcherde conclure que la méthode de
l'équidistance de l'article 6 de ladite Convention du 29 avril 1958 n'a
pas revêt~liecaractère de règlecoutumière qu'elle n'avait pas auparavant.

31. On ne peut, non plus, y déceler les éléments constitutifs d'une
coutume régionale. En effet, si une règle généralede droit coutumier

n'exige pas le consentement de l'unanimité des Etats, ainsi q~i'ilrésulte
des termes explicites de l'article précité- du moins le consentement de
ceux qui ont eu connaissance de cette pratique généraleet, étant en
mesure de s'y opposer, n'y ont pas fait opposition ' - il n'en est pasde

' Supra, par. 22.
Ainsi est réservéle droit des pays accZdanà l'indépendance et n'ayant pas
participé à l'élaboration de règles qu'ils considèrent incompatiavec l'état de
choses nouveau. mêmequant à la règlecoutuniière i-égioiiale,vu le nombre i-estreint des
Etats qu'elle est destinée à régir et qui sont à mêmed'y donner leur

consentement. A défalitde ce consentement exprèsou tacite, une coutume
régionalene pourrait être imposéeà un Etat qui s'yrefuse. La Cour inter-
nationale de Justice l'a nettement exprimédansson arrêtdu 30 novenlbre
1950sur le Dioir ci'asil~dans les terines suivants: 1La partie qui invoque
une coutume ciccctte nature (coutiiine régionale oii locale) doit prouver

qii'elle s'est constituée de tcllc manière qu'elle est devenue obligatoire
pour l'autre partie '.
Ainsi la Répul-.liqiiefkdéraled'Alleniagiie ne peut êtretenue par une
soi-disant règle coutumière régioiialr qu'elle rejette. Elle a marqué
formellement son opposition à la règle en question; d'abord dans la
réponse du 26 août 1963à la note verbale de l'ambassade des Pays-Bas

à Bonn; puis dans le comproinis du 7 février1967,dont le Gouvernement
des Pays-Bas a pris acte dans ledit compromi~, tout comme le Gouverne-
ment du Danemark. De plus, dans sa proclamation du 10 janvier 1964,
le Gouveriicment fidéral distingue entre le principe relatif au plateau
contineiital lui-niêmeet les règlescoiiceriiant sa délimitation '.

32. On lie saurait donc admettre. ainsi que le soutiennent les Gou-
vernements des Royaumes du Daiiemaik et des Pays-Bas, que la règle
de l'article 6 de la Con~ention de Genève sur la délimitatioii du plateau

continci-ital a acquis le caractèie d'une règlegénéralede droit coutumier
intcriiational, pas plus que celui d'une rcgle coutuniière légionale.
La ligne tl'équidistance écartéeen tarit que regle de dioit positif, on
peut y revcnir, à I'iiistai-des Etats qui l'ont appliquée voloiitairemeiit,
comme à une méthode pouvant assuier, moyeiiiiaiit des rectificatioiis
nécessairesselon les ciiconstances, une délit?-iitatioiiéq~iitablc.

Aiiisi faut-il se reporter, en derniii-e analyse. aux principes généraux
du droit reconnu par les nations.

La Cour ii'a pas cru cependant devoir Ic faire. Ellc a estinié qu'à
défaut d'une méthode de délimitation s'imposant aux Parties, celles-ci
devaient êtreconviéesà négocier lin accord par applicatioii de principes
équitables.

bre 1950; et affaire des Droits tl(,si.<~ssoii1/.cv.rEiat~-L't~ir(i'Ajiiiriqire ut<Mui.oc.
arrCt du 27 aoür 1952.
' Contre-mémoire des Pays-Bas et du Danemark. ann. 10: Euposé des motifs du
projet de loi al!eiiiand sur la détermination provisoire de\ droits le plateau
continental. L'équitéque recommande la Cour i l'attention des Parties ne serait
autre chose que la justice: ICQuel que soit le raisonriement juridique du
juge, dit-elle, ses décisions doivent par définition êtrejustes, donc en ce
sens équitables. IJL'arrêtaboutirait à cette vérité d'évidence qu'iflaut

êtrejuste, et n'indiquerait pas grand-chose à l'intention des Parties qui,
toutes, considèrent que leurs positions respectives sont équitables.

Le juste n'est cependant pas toujours équitable. A pleuve l'adage bien

connu: Sunznnttnjus szlrrrrllinjuria. Et c'est pour pallier cet inconvénient
d'unc stricte justice que l'on peut avoir recours à l'équité destinée à
tempérer la rigueur du droit.
A la vérité,le principe d'équité qui s'impose n'est pas l'équitéabs-

traite que vise l'arrêt,mais celui qui comble une lacune, tel le principe
d'équitépraetc.r Iogem, qui est une source auxiliaire du droit. Contraire-
ment à l'avis de la Cour, il y a une lacune dans le droit international
lorsqiie la délimitation n'est prévue ni par une convention générale

applicable (art. 38, par. 1 a) ) ni par une coutume généraleou régionale
(art. 38, par. 1h) ). IIreste le paragraphe 1c), qui paraît aider à combler
la lacune. La question qui se pose est donc la suivante:

33. Existe-t-il un principe généralde droit reconnu par les nations
tel que prévupar l'article 38, paragraphe 1 c), du Statut de la Cour, dont
découlerait une règle selon laquelle pourrait être délimitééquitablement,
en cas de désaccord, le plateau continental entre les Parties?

Il importe, en premier lieu, d'observer que la formule de l'article 38,
paragraphe 1 CI, du Statut, énonçant (1les principes générauxde droit
reconnus par les nations civilisées 11,est inapplicable telle qu'elle est
transcrite, les termes ((nations civilisées 1)étant incompatibles avec les

dispositions pertinentes de la Charte des Nations C'nies, et ayant pour
conséquence de limiter inconsidérémentla notion clesprincipes généraux
du ciioit l.
La discrimination entrc nations civilisées et nations non civilisées,

que n'avaient pas connue les pères du droit international, protagonistes
d'un droit des gcns universel: Vittoria, Suarez, Gentilis, Pufendorf, Vattel,
est lelegsde l'époquerévolue du colonialisme etdu temps périinéouun nom-
bre restreint de puissances établissaient lesrèglescoiivcntionnelles ou cou-

S. Krylov, dans son opinion dissidente dans I'atfaire des Dor~7117cisibis air
scvi.i<c/<~scitiotr.5Utlic~.j\ugée le II abri1 1939. omet le ternie civen citant
les principes gknéraiix du droit. II ne motive pas cependant cetteomission.Toutefois,
dans son cours à I'Acadkmie de droit internationade La Haye en 1947, il s'était
éle\P contre le traitement arbitraiàel'encontre des Etats dits indigènes. (Rcciteil,
1947. 1, p. 449.) 133 PLATEAU CONTIN~NTAL (OP. IND. AHMOUN)

tiiniières d'un droit européen appliqué vis-CL-vid se l'ensenible de 1:icom-
inunauté des nations. Maintenu et parfois renforcé lors desgrandes liqui-

dations de I'histoiie - Vienne 1815, Berlin 1885, Vers:iilles 1920. Lau-
sannc 1923, Yalta 1945 -, le dioit intcriiational européenavait étédéfen-
du par desjuristes d'iineautorité incontestable dans lap1up:ii-tdescllapitres
du droit iiiteinational, tels que Kent, Wlieaton, Philliiiiore, Anrilotti,

Fauchille, F. de Markas, Westlakc. Hall, Oppenheim, Politis: ainsi
La inorule ir7tc~riirrtiorine ce dernier frappe par le fait qu'elle est centrée
sur l'Europe seule et son intérStexclusif. Quelque grande et forte que soit
la pensée de ces juristes de reiioin, le~irconception d'une famille des

nations européennes et nord-atlantiques ne commence pas moiiis ii
s'estomper derrière la réalitéde la comniunauté univcrsells, dans lapen-
séedes internationalistes d'un âge nouveau tels que S. Krylov, hl. Katz,
W. Jeiiks et M. Lachs. Du reste, les juristes uiiiversalistes d'Europe

avaient étéprécédés par ceux d'Asie et di1 Moyen-Orient: Sui Tchoan-
Pao, Bandyopadhyoy, Rechid.

Que les adeptes de la notion du droit reconnu par les nations civilisées
apprécient le degréde civilisation relativement à la capacité de l'autorité

de sauvegarder les droits des étrangers ' ou par son pouvoir d'assurer la
nrotection des droits fo~idanieiitaux de la Dersonne humaine 2. on lie
peut s'empêclicrde songcr aussi que le régime colonial n'était pas à
exclure des élémentsd'anniéciation rentrant dans l'un ou l'autre de ces
r1
crittlres, le colonisé étantun étrarigervis-à-vis du colonisateur et ayant été
firi\ éde certains de ses droits fondamentaux 3.
Aussi bien la discrimination que condamilent Ics auteurs est-elle en
contradiction absolue avec les dispositions de la Charte des Nations Unies

pré\oyaiit désorinais 1l'égalité souveraine 11de toutes les nations membres
et leur ~artici~ation soit à l'élaboration du droit interiiational dails
les orgaiies des Nations Unies, et notamment la Commission du droit
internatioii:il dans laquelle toutes les nations sont appelées à siéger;

soit à l'application du droit international, à son interprétation et, dans
une certaine mesure, à son développen~entet à son évolution, et ce en
vertu de 1':irticle9 du Statut de la Cour aux ternies duquel (lesélecteurs
auront en vue qiie les personnes appelées a faire partie de la Cour. ..

assurent dans l'ensemble la représentation des grandes formes de civili-
sation et des principaux systèmesjuridiques du monde 11.
Et c'est ainsi que des nations, aux systèmesjuridiques desquelles il est
fait ci-haut allusion, qui ne faisaient pas paitie du concert restreint des

Etats légiférantj,usqu'aux piemièresdécadesdu XXe siècle,pou1 I'ensem-
ble de la communaiité internationale, participent aujourd'hui à la cons-
--
Westlake et R. Y. Jenninçs.
A. Favre.
W. Jenks rappelle qu'à une époque antérieure, les auteurs latino-américains
avaient eu une semblable réaction vis-i-vis du droit de l'Europe (ThCorni~lonLaw
of Mankind, p. 74).tatation ou à l'élaboration desprincipes générauxdu droit, contrairement
i ce que dit improprement l'article 38, paragraphe 1 c), du Statut de la
Cour. Le déléguéaméricain Root avait bien suggéréau Comité dejuristes

en 1970 que la Cour appliquât, outre le droit conventionnel et le droit
coutumier les principes de droit universellement reconnus ».Toutefois,
sous l'infiuence des idéesempruntées a la conférencede La Haye de 1907
où dominaient les juristes d'obédience européenne, il substitua à cette
formule celle qui devait figurer dans l'article 38, paragraphe 1 c), du

Statut, qui se trouve héritée,pour ainsi dire sans bénéfice d'inventaiie, de
conceptions aussi anachroniques qu'injustifiées. Et par surcroît, la
jurisprudence internationale, particulièiement docile, entendait par
((nations civilisées 1)celles formant le concert européen 1)au droit des-

quelles, uniquement, elle déclaiait emprunter les principes générauxde
droit par voie d'analogie '.

Si l'on considère surtout que les principes générauxde droit que men-
tionne l'article 38, paragraphe 1 c), du Statut ne sont autres que les

normes communesaux différentes législationsdu monde qu'unit l'identité
de raison juridique, ou la rutio legis, transposées de l'ordre juridique
interne i l'ordre juridique international, on ne peut manquer de relever
l'inadvertance commise en limitant arbitrairement l'apport du droit
interne à l'élaboration du droit international : un droit international

devenu, en soinme, grâce surtout aux principes proclamés par la Charte
des Nations Unies, un droit universel pouvant puiser aux sources internes
du droit de tous les Etats dont il est destiné à régir les rapports, et en
raison de quoi la formation de la Cour doit représenter les principaux

systèmesjuridiques du monde.
Face à cette contradiction entre les principes fondamentaux de la
Charte et leur universalitéd'une part, et letexte de l'article 38, paragraphe
1 c), du Statut de la Cour, de l'autre, ce dernier ne pourrait être inter-
prétéautrement qu'en lui reconnaissant une portée universelle ne com-

portant point de discrimination entre les membres d'une même commu-
nauté fondée sur l'égalitésouveraine. Le critérium de la distinction entie
nations civilisées etcelles qui ne le seraient pas a été dela sorte un cri-
térium politique - politique de puissance - et n'ayant rien d'éthique

ou de juridique. Le système qu'il représente n'a pas étésans influence
sur l'éloignement persistant de certains nouveaux Etats de la Cour
internationale de Justice 2.
C'est le principe sous-jacent commun aux règlesnationales sous toutes
les latitudes qui explique et justifie leur annexion au droit international

public. Aussi les principes générauxdu droit, quand ils synthétisent et
condensent le droit i~ifiwo dor~rcsticodes nations - de l'ensemble des

Voir notamment les dkcisions de la COLIp^ermanente d'arbitrage du1I novem-
bre 1912dans l'affaire desdeinnitis russes contre I'Einpire ottotnan, et du 13octobre
1922 dans l'affaire des Riclan~ations norvc;giennes contre les Etuts-Unis.
' Cf. W. Jenks, The Coiniilon Laiv of Munkind, p. 79. 135 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. A~IMOL'K)

nations - paraissent-ils plus proches que les autres sources du droit, dt:
la morale internationale. En s'incorporant au droit des gens, ils se dé-
pouillent de toute teinte nationaliste pour représenter, tel le principe de
l'équité,les plus pures valeurs morales. Ainsi véhiculépar ces valeurs

sur la voie du développement, le droit des gens se rapproche de plus en
plus de I'unité.
En conclusion de cet exposé, il semble que la Cour, en citant, le cas
échéant,le paragraphe 1c) de l'article 38, pourrait omettre le qualificatif

viséet se contenter des termes ales principes générauxdu droit reconnus
par les nations 11;ou bien emprunter la formule dont a fait usage
sir Humphrey Waldock dans sa plaidoirie du 30 octobre 1968, à savoir:
illes principes générauxdu droit reconnus par les systèmes juridiques

nationaux 11.On pourrait aussi dire tout simplement: ales principes
générauxdu droit 11:les juristes et mêmeles étudiants en droit ne s'y
tromperaient pas. Le tout en attendant que la revision du Statut de la
Cour ou de certaines dc ses dispositions soit mise sur le chantier.

34. Le sens de l'article 38, paragraphe 1 (.),du Statut de la Cour étant

ainsi restitué, il est possible de donner une réponseadéquate à la question
posée: Y a-t-il un principe généralde droit reconnu par les nations dont
découlerait une règle selon laquelle pourrait êtredélimitééquitablement
le plateau continental entre les Parties?

Dans leur plaidoii ie du 30 octobre 1968, les Pays-Bas et le Danemark
soulignent n'avoir connaissance d'aucune décisioncorroborant l'idéede
l'application d'un principe généralreconnu par les sytèmesnationaux qui
serait en contradiction avec le droit positif.

La réponse à cette objection a étéamplement faite en déniontrant que
la méthode de l'équidistance ne constitue pas une règle de droit positif.
II y a en l'occurrence une lacune qu'il s'agit de combler practo Ieprn et
non (,olltraIoget~,en dégageant un principe généralde droit reconnu pai

les systèniesjui idiques nationaux.
On ne peut nier, en effet, que lejuge international, s'écartant progres-
sivement de la thèse de la plénitude formelle ou logique du droit inter-
national, contribue à en pallier les insuffisances et à en combler les

lacunes. 11est vrai que la Cour est, en vertu de l'article 38 du Statut,dans
l'obligation 1dc réglerconformément au droit international les différends
qui lui sont soumis 11Mais le droit auquel se réfèrele texte n'a pas le sens
restreint aux traités et coutumes parfois prêtéau terme law '.La disposi-

tion de l'article susvisé, selon laquelle la Cour applique 11les principes
générauxde droit reconnus par les nations 11répugne au point de vue
volontariste - qui avait étécelui de l'arrêtde la Cour permanente de

l Ainsi que l'a fait observer le tribunal anicricano-norvégien en 1922 dans I'aFaire
des Norwegian Shipping C1oit11.r.

136Justiceinternationale du 7 septembre 1927 dans l'affaire du Lotus - et
autorise expressément lejuge, qu'il convie à l'emploi de la méthode ana-
logique, à dégager les normes juridiques de sources autres que celles

fondéessur le consentement formel ou tacite des Etats.

Dans un effort renouvelédela penséejuridique romano-méditerranéenne
brisant la chrysalide du formalisme étriqué qui l'enserrait, le droit

international déchire de même,quoique lentement et pièce à pièce, ses
cadrestraditionnels pour s'ouvrir à la réalité politiqueet sociale dans une
sociétéhumaine qui ne connaît plus d'exclusives.

35. Pour se prononcer sur la légitimitéde l'application de telle ou de

telle méthode en vue d'une délimitation équitable et juste du plateau
continental, il y aurait lieu, à défaut d'une obligation juridique pres-
crivant l'emploi de l'une ou de l'autre, de recourir el1définitive à l'équité,
la pratiquedes Etats s'yétantplus d'une fois référée.

S'il est en effet un principe reconnu par le droit interne de la com-
munauté des nations dont l'adoption par analogie, en droit international,
comme principe généralde droit, s'impose pour le moins autant quetant
d'autres que ce dernier a déjà empruntés, c'est manifestement celui qui

assigne l'équitépour fondement au droit et pour objectif à sa réalisation.

Les principes générauxde droit sont, sans conteste, des facteurs de

moralisation du droit des gens, en tant qu'ils empruntent au droit des
nations des principes de l'ordre moral tels que ceux de l'égalité,de la
responsabilité et de la faute, de la force majeure et du cas fortuit, de
I'estoppcl, du non-abus des droits, de la due diligence, de l'interprétation

des actes juridiques fondée non moins sur l'esprit que sur la lettre du
texte, enfin de l'équitédans la mise en Œuvredes règlesjuridiques, et dont
dérivent l'enrichissement injuste ou sans cause l,ainsi que la bonne foi
(1qui n'est qu'un reflet de l'équité etqui en est née 11.

La jurisprudence française, initiatricdu principe de non-abus des droits, s'est
nettement inspirée de l'éq~iitéV. oir arrët de la Cour de cassation du 18janvier 1892
qui relève s'l'action.. .dérivant du principe d'équitéqui défend de s'enrichir aux
dépens d'autrui 1).
Lajurisprudence libanaise, avant que l'enrichissement sans cause eût figure dans
son nouveau code des obligations, en déduisait la notion des règles d'équité de
Majallut El Alzkarn, le code de droit civil musulman qui y était en vigueur.
K. Strupp, cours à l'Académie de droit international de La Haye, Rccueil,
1930, III, p.462.
Cf. M. P. Fabreguettes, La logique judiciaire. p. 399, qui écrit: ((Dans un sens
élevéet juridique, l'équité(de aequitus, de acquis, égal), c'est lajustice distributive, 36. On ne saurait recourir tout liniment au concept d~iraisonnable, par

préférence à I'iquitable.
Le raisonnable perçait d6jà sous la plume du juriscoiisulte romano-
phénicien Paul '. Mais le raisonnable, à l'exclusion de l'équitable, lie

satisfait pas complètement l'esprit. Tel qu'il est conçu dans le temps com-
me dans l'espace, il revêtun caractère de subjectivité, voirede relativité,

qui tranche avec le caractère objectif de l'équitable ?.On est. de surcroît,
en droit de se demander s'il s'agit, pour les protagonistes du raisonnable,
de la raison piire, ou si I'on se réfèreà la raison pratique. IIy a une dif-

férencenotable entre l'une et l'autre doctrine, celle qui sépare I'eiitende-
ment de la loi morale. La morale, a-t-on dit, rôde autour du droit. Et
I'on peut ajouter avec N. Politis et après Ulpien et Cicéron,qii'elle doit y

rCgner ?. En s'en détournant, le droit international se condamne A !a
stérilitéface à une socititébouillonnante de vie. L'écolenormative et sa

théorie pure de droit, dans la mesure où elles rejettent les Cléments
moraux. sociaux et politiques, qualifiésde inétajuridiques, s'isolent des
réalitésinternationales et de ses institutions progressives: uhi .socii7ta.r,

ihi ju.~.

qui empche de faire acception de personne: oii de se diriger par d'autres motifs que

ceiix du droit. ,'
Cf. aussi Ch. de Vischer. Tlicorie~ct r?ulitr;s rtl droit inter~iufionulpriblic, p. 482,
qui souligne à son tour qu',, il est significatique dans le cas où certains iiiembreï
unt eupressémeiit invoqué les principes généraux. ils l'ont fait sous le couvert de
quelques-unes des donnéesles plus élevéeset les pllis gknéralesde l'ordre juridique.
telles que la justice OLIl'équité. ,
Voir dicision du II noveii-ibre 1912 du tribunal arbitral dans l'affaire des III-
dett~tlitis rir.ssescontre I'Et~ipire ottutt~urr.qui fait état de l'équité pour apprécier la
responsabilité de I'Etat et sa mibe en oeuvre.
' P. Roiibier, ancien directeur de I'Ecole de droit de Beyrouth, T/rc;oricg~t~@rrod leir

Droit. p. 129.
Q~i'on sesouvienne que Platon et Aristote. qui étaient, pour ainsi dire, la raison
iiiêine.justifiaient contretoute équitéI'ebclavage. qui ne fut définitivenlent condamné
au noni de I'i.galitk entre les Iioninicï qu'à I'a\ènenicnt du christiani.iine. Encore fut-
iltolérécomme raisonnable jusqu'à la Révolution Srcinqaise.
Qu'on n'oublie pas non plus que le colonialisine. si inéquitable entre les nation\.
était considérécomme raisonnable par de grands juristes occidentaux juïqu'en des
temps très proches. On peut en dire autant des inégalitéssociales et économiques
sub>ist~,~tcn tous tenipi et en t«ii\ lie~ix.
Enfin l'esprit public dans maints pays trks évolués estime encore raisonnable

l'inégalité entre la feninic et I'hon-iine danï la iouissance ou l'exercice de certains
droits civiques. civils ou de famille.
' N. Politis rappelle dans Lu ltlor(lle it~tert~ution~r/1.26, le mot de Ciceron: yrri(/
lege.~sin<, tt~oril>riset rapporte le fond iiioral du droit internatioiial moderne à
Ulpien de Tyr. inspiré lui-niCrne. ainsi que le note P. Roubier (ibirl.. p. 128. note 1).
par cet autre Phénicien. Zénon. le fondateur de I'Ecole stoïcienne, et ses disciples
Sénéqueet Marc-Aiirèle. p. 51: lroni,.sfr I'~L'EI.Cu,1ter1rot1 luedere. SIILI~(.lliq~ie
tribrirre. 138 PLATEAU CONTINENTAL(OP. IND. AMMOUN)

37. Quoique lajustice internationale n'ait généralementpas spécifiéles
sources interries des principes généraux du droit qu'elle a dégagés,il
importe, en ce qui concerne une conception d'aussi grande portée que
l'équitéet qui comporte plus d'une acception comme on vient de le voir,

d'en préciserles élémentssous-jacents:dans le temps, en remontant aux
traditions juridiques qui se sont perpétuées jusqu'à nos jours, comme
dans l'espace, en parcourant à tire d'aile les divers apports nationaux.

Aussi paraît-il légitimede rappeler que la philosophie grecque, que ne
répudient pas les générationssuccessives jusqu'à la nôtre, concevait déjà
l'équité commeun correctif à la généralité dela loi, comme une justice

meilleure que lajustice légale.parce que celle-ci, étantdonné sagénéralité,
ne peut pas toujours répondre parfaitement àtous lescas possibles '.Dans
la suite des temps, le concept de justice et d'équitéest associéà celui du

droit, soit que la justice ait été définiepar Ulpien de Tyr, la volonté
d'attribuer à chacun son droit 2, ou l'art de ce qui est bon et équitable 3,
soit que le droit doive s'inspirer de l'idéedejustice et tendre à la réaliser ".

La solution juste et équitable dans le sens que donne la définition
ulpienne du droit: jus cst ors borli ct aequi, ne se confond donc pas avec

la faculté que la Cour possède, en vertu de l'article 38 iri 5111~, avec
l'accord des parties, de statuer ex aequo cfhor~o, selon le sens que le droit
moderne donne à cette expression. C'est ainsi que l'avait déjà compris la
justice arbitrale Mais il ya lieu, surtout, de se référer à l'arrêtde la Cour

permanente de Justice internationale du 28 juin 1937 dans l'affaire des
Prises d'eau à la Meusclentre les Pays-Bas et la Belgique, coinme à un
précédentde l'application effective de l'équitédans le cadre du droit,

affirmé, si besoin en était, par l'opinion individuelle du juge Manley
Hudson ". La Cour permanente restait ainsi dans l'esprit qui avait présidé
à l'élaboration de son Statut, et qu'exprimait le président du comité con-
sultatif de juristes, le baron Descamps, dans l'exposé qu'ilprononça à

' Aristote, I'Pthiqir~ ci Nicon~uy~icité par G. del Vecchio, Pliilosophie drr rlroit,
p. 282. Voir aussi K. Strupp, cours à l'Académie de droit international de La Haye,
Recrreil,1930, III, p. 462.
Ulpien: Jiistiticl est consfans cJtperpettjas srrritlicitique trihrrcndi.
Ulpien, après Celse: Jus est ors boni cr acyiii.
L'équité.n'&tait d'ailleurs pas étrangère, aujirs civileCf. P. Arminjon, B. Nolde
et M. Wolff, TririrPcicdroit cot~iprrr<, 528.
Depuis Accarias.
j La sentence di1 25 juin 1914 de l'arbitre C. E. Lardy, sollicité par le coi-i-iproniis
de statuer sur la base des traités et des principes généraux du drvit internationadans
le différend relatif à la délimitation de I'llde Tit7ror.se prononçait en ces termes:
1,Si l'on se place au point de vue de l'équité,qu'il importe de ne pas perdre de vue
dans les relations internationales. 11
M. Hudson s'exprimait ainsi: ,<Under Article 38 of the Statute, if not indepen-

dently of that article, the Court has some freedom to consider principles of equity as
part of the international law which it ni~ist apply. >l une deuxième séance,le 17juin 1920,ou l'on peut lire: 1Si, en face d'une
règlede droit positive et claire, le devoir de celui qui est appel6 à exercer
une juridiction est de l'appliquer, l'équitéest, en droit international

comme d'ailleurs en tout droit national. le conipl6n1ent indispensable
du droit positif. 1)

Ainsi faut-il faire le départ entre le principe d'équitédans le sens large
du mot. se manifestant selon les termes de Papinien, /7rnercTlr cg<>tcnomme
source subsidiaire de droit international pour pallier ses insufisances et

en combler les laciines logiques: et le règlement d'équité indépendante.
P.\-ueyuo et hollo. constituant une activité extra-judiciaire selon ces autres
termes du même jurisconsulte. contru Ic~gczr~ d, stinée avec l'accord des

parties. à pallier les insuffisances sociales du droit.

38. Intégrédans les grands systèmes juridiques du monde moderne
auxquels fait allusion l'article 9 du Statut de la Cour, le principe d'équité

se manifeste dans le droit de l'Europe occidentale et àe I'Amérique
latine, héritièresdirectes du jus getltium romano-méditerranéen; dans la
cornmot?la,i tempérée et complétée par I'<,yuitydite accessoire '. dans le

droit musulman que fondent sur I'équité,et plus particulièrement sur son
équivalent qu'est l'égalité',le Coran et l'enseignement des quatre grands
jurisconsultes de I'lslam condensédans la Slzuri's ' et comportant. parmi
les sources du droit, l'lstil~sun,autorisant lesjugements d'équité:le droit

chinois, avec la primauté de la loi morale et du sens commun de l'équité,
en accord avec la philosophie marxiste-léniniste j. le droit soviétique,qui
fait place nettenient aux préoccupations d'équité "; le droit hindou qui

convie ((l'individu à agir et lejuge ii statuer selon sa conscience. selon la
justice, selon l'équité,si aucune autre règlede droit ne s'impose à eux 11;
enfin le droit des autres pays d'Asie et des pays d'Afrique dont les coutu-

' Voir K. Str~ipp, coiirs à I'Acadériiiede droit interiiational de L.a Hayc. Rccrtril.
1930. III, p.468.
' L'éqtiité,en tant qtie principe d'égalitédiji perçue par lesj~iriscons~ilter pliénico-
roriiains, se retrouve dans la terniinologie iiitnic dii droit de I'lslani. Le droit anglais
devait dire à son tour: Eqricrlitj~is L-qrilrrig..
Entre autres sourate IV. \crsct 61, et sourate V. vcrscts 42 cl 46: ',Si t~ij~iges.sois
.iiizte et cqiiitable,
' Voir A.l(rjlrllcrlPI Alrknart. 97 et 98, qui iiiettent en ceLi\re le principe d'égalité
iiientionne à la note ci-haut.
' Cf. Chan Nay Chc)w. L(I t10~11.itr111droit intc~.it(t~ioil lri.: Conft(.irriicttant
en reliel'la ccrtii d'éq~iidans les domaines cocial. 5conoiiiique et judiciaire, ainsi q~it:
sur le plan international. p. 50. 51, 55. 56. 60.

540.f. également René Da\ id. I.<,s~i~urir.\~.stPiit(rlcrli.oi/ coittc~riiporcrit534 et
- -.
René David. ihicl., p122.
Ihicl., p.157.mes incitent particulièrement le juge à ne pas s'écarter de I'équité l et
dont les Européens ont souvent méconnu «le rôle conciliateur et la

nature équitable '1);coutume dont est néun jus gcntiutn constitué con-
jointement avec les règlesde la common ta,~ dans les anciennes possessions
anglaises, les lacunes étant à combler ((suivant la justice, l'équitéet la
conscience 1)et, dans les anciennes possessions françaises, avec le droit

de l'Europe occidentale imbu de droit romain.

Un principe généralde droit s'est en conséquenceétablique le droit des

gens ne pouvait s'empêcherd'accueillir, fondant les relations juridiques
entre les nations sur l'équitéet lajustice 4.

39. Une série d'actes traduisent cette notion dans les faits pour en
dégager la règlerégissant ladélimitation du plateau continental. Ce sont

la proclamation Truman, les proclamations des nombreux Etats du
golfe Arabo-Persique. celles de l'Arabie Saoudite, de l'Iran et du Nicara-
gua. Ces Etats, les Etats-Unis exceptés, nefaisaient pas partie du concert
des nations qui monopolisaient le privilège d'élaborer le droit pour

l'ensemble de la communauté internationale. Leur rôle dans un des pro-
blèmes les plus importants du droit de la mer mérited'être retenu.

Aux termes de la proclamation américaine, dans le cas où leplateau
continental s'étendjusqu'aux rivages d'un autre Etat, ou est commun
aux Etats-Unis et à un Etat adjacent, la ligne de délimitation sera déter-
minéepar les Etats-Unis et 1'Etat intéressé conformémentà des principes

équitables "1. L'Arabie Saoudite, de son côté,prévoit que les limites des
zones du sous-sol et du lit de la mer sur lesquelles elle a proclamé sa
souveraineté seront déterminéesconformémentaux principes de I'équité fi.

Les Etats arabes de Bahrein, de Qatar, d'Abou Dhabi, de Koweït, de
Dhoubay, de Sharjah, de Ras el Khaimah, d'Oum el Kaiwain et d'Ajman
se reportent, pour la délimitation de leurs zones dans le golfe Arabo-
Persique, au principe de l'équitéet de la justice '. Pour l'Empire iranien,

Cf. T. O. Elias, The Nariire of African Clrstoniary Law, p. 272: et M. Gluckman,
The Juclicial Process Atnong rlre Burotse of Northern Rlrodesia. p. 202-206.
René David, Les ~rurids systèmes de droit conten~porain, p. 572.
Ibid., p. 568. Cette formule a étéinterprétée par les juges anglais cornnie se
référanta la cornrnon law.
Cf. sir Hersch Lauterpacht. The Developnrent of International Law h.vttre Inter-
narional Court, p. 213: %Adjudication ex aequo et bon0 is a species of legislative
activity. It differs clearly from the application of rules of equity in their wider sense.
For in as much as these are identical with principles of good faith, they form part of
international law as, indeed, of any system of law. )j
Proclamation du 28 septembre 1945.
Proclamation royale du 28 mai 1949.
Proclamations successives des 5, 8, 10, 12, 14, 16, 17 et 20 juin 1949. 141 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOLIS)

enfin, <si des différends s'élèvena tu sujet des limites du plateau continen-
tal de I'lran, ces différends seront résolus conformément aux règles de
l'équité' )I.
On ne signale, par contre, aucun Etat, quelle que soit la méthode de

délimitation dont il a lui-mêmeusé.qui se soit opposéà cette conception
fondée sur l'équitépour résoudre le problème de la détermination des
limites du plateau continental entre Etats adjacents ou se faisant face, et
cela durant toute l'époque préconventioniielle, jusqu'en 1958. date à
laquelle cette même conception paraît avoir étéaccueillie par la Coiiveii-

tion de Genève.
II est vrai que l'Arabie Saoudite et Bahrein, aprts s'ctre référés au
principe d'éqiiitédans leurs proclan~ations respectives du 78 niai et du
5 juin 1949, ont eu recours, dans un accord du 22 février 1958,à la
délimitation sur la base de la ligne médiane,compte tenu évidemment des

circonstances géographiques spéciales de la région. Cependant, les
déclarations précédentesn'ont pas cesséd'êtreen vigiieur, et l'accord
du 22 février 1958 est à considérer comme une application du principe
d'équitédont dépend la solution du problème de la délimitation du pla-
teau continental.

N'est-on pas en droit de conclure, au terme de l'énumérationdes actes
internationaux se référantà l'équité,que ces actes constituent des ap-

plications du principe généralde droit qui autorise le recours a l'équité
pracltrr l~ycm pour une meilleure mise en Œuvre des principes et des
règles de droit'?Et ilne serait pas prématuréde dire que l'application du
principe d'équitépour la délimitation des zones du plateau continental en
la présente affaire resterait ainsi dans la ligne de cette pratique.

40. Au siirplus, l'adoption par la Convention de GeiièLe de la ligne
médiane et de la ligne d'équidistance. subordonnées à d'éventuelles
circonstances spéciales, paraît êtreune semblable solution équitable, ii

laquelle il a étéfait appel afin de sau~egarder, par ilne sorte de compro-
mis, l'autorité du principe d'équité. Compromis inspiré d'ailleurs des
conclusions de I'étiideentreprise par le comité des experts désigné en
1953 par la Commission du droit international et relative au régimede la
mer territoriale. Les cinq solutions mises en premier lieu i l'étude

avaient été rejetées pour des raisons qui n'étaient pas étrangères au
souci de la précisionjuridique ou de I'équitéA . bordant la règlede I'équi-
distance, la Commission du droit international avait constaté que dans
certains cas elle ne permettra pas d'aboutir à iine solution équitable.

' DCcret dii10 niai1949 ctloidu 19juin 1955. 142 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

Ainsi fut-elle assortie de la condition ayant trait aux circonstances

spécialeset, en définitive,étendue à la délimitationdu plateau continental.
Le commentaire de ladite Commission précise, en outre, qu'on peut
s'écarter de la règle de l'équidistance lorsqu'une configuration excep-

tionnelle de la côte l'exige l.

41. Pas plus que la pratique des Etats, la doctrine n'a trahi cette
conception morale du droit. La notion de justice et d'équitése retrouve

dans les écrits des auteurs 2, tout comme sous les noms de nombreux
juristes dans les travaux préparatoires des conventions de Genève;
auxquels il faut ajouter les travaux du comitéspécialinstituéen 1967par

les Nations Unies pour étudierles utilisations pacifiques du lit des mers
et des océans j.

La jurisprudence internationale a eu à son tour l'occasion de faire état
du principe de I'équité praerer Iegem 4.
Aussi est-il permis de conclure que toutes ces manifestations de la

penséejuridique s'intègrent en définitive dans le cadre d'un concept
juridique normatif, le principe d'équité.

Rapport de la Con7inission dit droit international sur les travaux de sa huitièrne
session, p. 47, commentaire 1 sous l'art. 72, devenu l'art. 6.
On peut citer entre autres: B. S. Murty, in Manrral ofInte~.national Law, edited
by M. Snrensen, p. 691 : cEquity, in the sense of general rules dictated by fairness,
impartiality and justice may be said to forin part of international law, serving to
temper the application of strict rules, and a tribunal may include equity, in this sense,

in the law it applies. e\en in the absence of express authori7ation. 11
Ch. de Visscher, T11c;orieet ri;c~litc;sen droit internatioi~alprthp. 450: (L'équité
peut n'êtrepas une base de décision indépendante: tel est le cas lorsque, dans une
sentence qui, par ailleiirs, reste fondée sur le droit positif (infra legein), le juge
choisit entre plusieurs interprétations juridiquement acceptables de la règle, celle qui
lui parait la plus conforme aux exigences de lajustice, eu égard aux circonstances de
l'espèce ... L'exigence d'un accord spécial des parties ne concerne évidemment pas
cette fonction nécessaire à I'équité11

Egalement C. W. Jenks. The Prospects of Interndtional Adjlrdication, 1964; Bin
Cheng. 1Justice and Equity in International Law 13in Curi.ent Legal Probleri~s1955,
p. 185 et suiv.; O'Connel, Inten~ntional Law, 1965. 1, p. 14, cité dans la réplique.
Rapport du comité spécial à l'Assemblée générale,p. 19, 51 et 69.

Le tribunal arbitral anglo-turc, dans l'affaire W. J. Arinsti.o~~~& Co. Ltd.,
v. Vickers Lttl. (1928) fondait sur les règles de l'équitéle principe général de droit
interdisant I'enrichissen-ient sans cause accueilli par le droit international.
La Commission mixte franco-véné7uélienne,dans l'affaire Frcderick & Co. (1902)
assimilant équité et égalitésous l'inspiration du droit romain, s'exprimait ainsi:
1<If the conditions on both sides are regarded asproducing an equilibrium, justice is
done. JJC'est aussi un des concepts du droit nlusulman su pi.^note 1, p. 136). 42. Le principe d'équitéétant admis, deux questions sont à examiner:

u) La méthode d'6q~iidistance ayant été écartée comme ne liant pas la
République fédérale d'Allemagne ni conventionnellement ni par
l'effet'une coutumeinternationale, la ligne d'équidistance strictement
appliquke, c'est-à-dire sans modification aucune, comme le sollicitent
les Koyaumes des Pays-Bas et du Danemark, peut-elle coiistituer une
solution du cas soumis a la Cour répondant à l'inipératifd'équité?

6) En cas de réponse négative, quelle serait la règle découlant du prin-
cipe de l'équitéqui réaliserait une délimitation juste et équitable des
zones revenant aux Parties du plateau continental de la mer du
Nord?

43. La ligne d'équidi~tancestricte peut-elle êtreenvisagéecomme une
méthode de délimitation équitable dans son application au présent cas?
La République fédéraleest en droit de rejeter la délimitatioii de son

plateau continental selon la méthode d'équidistance stricte comme
n'étant pas conforme à l'équité.
La démonstration en a étéfaite par la République fédérale en se
référant.d'une part, à la carte représentant la délimitation des trois zones
du plateau continental en conformité avec la méthode d'équidistance
fondée sur les iignes de base des mers territoriales des Parties et, d'autre

part, sur la carte représentant la délimitation dans l'hypothèse où les
lignes d'équidistance se détacheraient de côtes qui n'eussent pas comporté
d'inflexions. Lajonctioii de ces lignes survenant en direction du milieu de
la mer du Nord illustre la difftirence considérable entre l'une et l'autre
hypothèse. Cette démonstration mise enchiffres serait, comme ilrésultedu
mémoireet desfigures 2et 21 qui y sont incluses, de l'ordre de 23 600 km2

dans le premier cas, et de 36 700 km2 dans le second '. La République
fédérale explique a satisfaction que la part qui lui reviendrait ainsi serait
réduite à une petite fraction du plateau continental ne correspondant pas
à l'importance des poiiits de contact de son territoire avec la mer du
Nord, et serait hors de proportion avec l'étendue des façades maritimes
respectives des Parties.
~u'on imagine un instant de raison pour les besoins de la discussion

uniquement, que la République fédéraled'Allemagne ait eu la possibilité,
comme les Pays-Bas, de gagner sur la haute mer, jusqu'au point de com-
bler le rentrant de la côte. Les lignes d'équidistance n'auraient-elles pas
abouti à un tout autre résultat dont la République fédéralen'aurait pas
eu à se plaindre?

Mcmoire. par. 91, sous réscrvcde la doctrine des secteurs et de son incidence sur
la superficie. Fig. 2, p. 27. Fip.85.. Par ailleurs, il ne peut répugner à la Cour de recourir aux travaux
préparatoires d'un document international s'ils sont de nature à jeter

plus de lumière sur les questions du droit des gens à résoudre. En portant
son examen sur lesconditions dans lesquelles la méthode d'équidistance de
l'article6 de la Convention sur le plateau continental a étéadoptée, on
constate en effetque la ligne d'équidistancestricte dont se sont réclamésle
Danemark et lesPays-Bas a étéjugéeinéquitable dans nombre de cas. Si

I'on se reporte aux comptes rendus de la conférencede 1958et que I'onre-
monte au rapport et aux procès-verbaux de la Commission du droit
international ainsi qu'au rapport des experts désignésen 1953àcet effet,
on décèlele rôle de l'équitédans la décision desEtats réunisàGenèvede
coupler la ligne d'équidistance et la mention des circonstances spéciales.

C'est, en fait, la considération de certains facteurs qui a inspiré au
comitédes experts, puis à la Commission du droit international, la notion
des circonstances spéciales,dans le dessein de pallier, le cas échéant,les
conséquences inéquitables de la méthode de l'équidistance fondée sur les
lignes de base servant à la délimitation de la mer territoriale qu'elles

avaient décidéd'adopter. Le comité des experts, dans la limite de son
mandat, a tenu à préciser, en instituant la notion des circonstances
spéciales, que la méthode d'équidistance peut ne pas aboutir à une
solution équitable. Et au cours des débats de la conférence de Genève,
nombreux sont les représentants des pays participants qui ont souligné

cette manière de voir l.La Cour ne saurait faire autrement.

44. Au terme de ce raisonnement, il faut rappeler que la République
fédérale d'Allemagne,après avoir demandé à la Cour, dans ses écritures
et ses plaidoiries, de dire que la méthode de l'équidistance n'est pas ap-
plicable à la cause et, subsidiairement, qu'il existe des circonstances
spéciales qui en excluent l'application, a soutenu que la Cour devrait

alors renvoyer les Parties à négocier un accord en vue d'une autre déli-
mitation, compte tenu des directives qu'elle émettrait. Et elle conclut que
la délimitation dont les Parties doivent convenir est déterminéepar le
principe de la part juste et équitable en fonction de critères applicablesà
la situation géographique particulière de la mer du Nord.

Les Royaumes des Pays-Bas et du Danemark rétorquent que, vu les
termes des compromis, une décision de la sorte ne serait autre chose
qu'un rrorliqucr.
Précisant davantage sa pensée,lereprésentant de la Républiquefédérale
a déclaré, aucours du deuxième tour de plaidoiries, qu'il ne demande pas

Mémoire,par. 70.

145 145 PLATEAU CO~TINFNTAL (OP. IND. AMMOUS)

quelles limites devront être tracées, niais que des directives soient don-
nées relativement aux principes à appliquer. Et le représentant du

Danemark de souligner que la République fédéralelaisse à la Cour le
soin de trouver ce que pourrait être la conséquence de la clause des
circonstances spéciales éventuellementapplicable '.
En effet, renvoyer les Parties, après avoir exclu l'application de la ligne
d'équidistance pure et simple et constaté l'existence de circonstances
spéciales. à négocier un accord qui attribuerait à chacune d'elles une

part équitable di1 plateau continental, ne signifie pas déterminer les
principes et les règles applicables à la délimitation des zones du plateau
dont il est fait mention dans les compron~is. Une décision ainsi limitée
équivaudrajt à fixer l'objectif en vue, sans évoquer les moyens d'y par-
venir. Elle n'aurait pas satisfait à la lettre des compromis pas plus qu'à

leur esprit.

45. Au surplus, se contenter de dire qu'il ya lieu de s'entendre sur une

délimitation équitable n'est pas résoudre la question; car les Parties
peuvent se diviser sur ce qui constitue la délimitation équitable et sur
les moyens de la déterminer. La Cour devait donc, après avoir exclu
l'application de la ligne d'équidistance en tant que règlede droit, énoncer
la règle susceptible d'etre retenue par application du principe d'équité.

La Convention de Genève a eré\;~iune rèeL Iconsacrant la méthode
d'équidistance-circonstances spéciales. 11 appartenait à la Cour, en reje-
t;mt cette règle conventionnelle dans les rapports entre les Parties, d'y
substituer une autre, déduite du principe généralde droit qu'est l'équité,
qui répondrait au mêmeobjectif. Ce que la Convention a fait, la Cour
peut le faire.

La Cour pouvait se reporter, en outre, conime à un précédentjudiciaire,
à l'arrêtqu'elle a rendu le 18 décembre 1951 dans l'affaire anglo-nor-
végienne desP6cliericsqui a poséla règle des lignesde base droites pour la
détermination de la limite extérieure de la mer territoriale. On verra
ultérieurement que c'est en une solution fondéeégalement sur une ligne

de base droite que peut consister la règleà dégager du principe d'équité.
En le faisant elle n'aurait pas dépasséles limites de sa compétence telles
qu'elle les avait déjà assignées.

46. On peut observer, d'autre part, que la demande de la République
fédérale d'Allemagnetendant à la répartition - au lieu de la délimitation

' Audience du 8 novembre 1968.- des zones du plateau continental entre Etats riverains, n'est conforme
ni à la lettredes compromis ni à la définitiondu plateau continental.

L'idée s'en trouve, il est vrai, dans un précédent conventionnel,
l'accord entre la France et la Suisse du 25 février 1953sur la délimitation

du lac Léman. Aux termes de cet accord, la ligne médiane est remplacée
par une ligne polygonale ((pour réaliserune compensation des surfaces 11.
Mais il s'agit d'un cas unique où l'accord des volontés s'est donné libre
carrière. 11ne cadre pas avec la définition du plateau continental, laquelle

repose, comme il a été dit ',sur le principe affirmépar la Cour interna-
tionale de Justice dans son arrêt du 18 décembre 1951 déjà cité, selon
lequel t(c'est la terre qui confère à I'Etat riverain un droit sur les eaux 11.
Ce qui est inhérent à cette définition, c'est le droit au prolongement du

territoire national sous les eaux. L'idéed'équité etde justice est ainsi
réaliséeen prenant enconsidération, pour chaque partie, l'étenduedu lien
entre la terre et les eaux, le droit du riverain et l'équitable limite de sa
revendication étant fonction de l'élémentterre.

47. Aux termes de l'arrêt,paragraphe 85, a) : 11les parties sont tenues
d'engager une négociation en vue de réaliser un accord et non pas sim-
plement de procéder a une négociation formelle comme une sorte de

condition préalable à l'application automatique d'une certaine méthode
de délimitation faute d'accord; les parties ont l'obligation de se comporter
de telle manière que la négociation ait un sens, ce qui n'est pas le cas
lorsque l'une d'elles insiste sur sa propre position sans envisager aucune

modification 11.
L'arrêtjustifie cette obligation au paragraphe 86, disant (que I'obli-
gation de négocierassuméepar les Parties dans l'article 1, paragraphe 2,
des compromis, non seulement découle de la proclamation Truman qui,

pour les motifs énoncésau paragraphe 47, doit êtreconsidéréecomme
ayant posélesrèglesde droit en la matière, mais encore neconstitue qu'une
application particulière d'un principe qui est &la base de toutes relations

internationales et qui est d'ailleurs reconnu dans l'article 33 de la Charte
des Nations Unies ..))
Et le projet ajoute, au paragraphe 87: (les négociations menéesjus-
qu'a présent n'ont donc pas satisfait aux conditions énoncéesau para-

graphe 85 a) II.
Je conteste cette obligation dans le cas présent.On ne saurait la déduire
de la proclamation Truman, pas plus d'ailleurs que l'article 33 de la
Charte, lequel concerne les différendsdont la prolongation est susceptible

de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et est

' Supra, par. 16.d'autant moins impératif qu'il laisse au Conseil de sécuritéla faculté
d'inviter, 1s'il le juge nécessaire, les Parties à réglerleur différendpar de
tels moyens 11.
Detoute façon, soutenir la thèsede l'obligation de négocieret constater

que les négociations engagées((n'avaient pas de sens ))constituerait une
exception préjudicielle à l'instance. L'arrêtaurait donc dû allerjusqu'au
terme de son raisonnement, à savoir que la Cour, après avoir appelé
l'attention des Parties sur la question quant à son double aspectjuridique

et pratique, statuerait sur l'exception avant d'aborder le fond.

Je comprends toutefois l'arrêtcomme ayant considéréque les négocia-
tions avaient été simplement suspenduesdevant les difficultésrencontrées
pour êtrereprises et complétées à la lumière des indications donnéespar

la Cour.

48. La méthode d'équidistance stricte étant écartée parcequ'elle ne
constituepasunesolutionéquitable répondant àtous lescas et notamment
à celui qui est soumis à la Cour, il y a lieu de se demander quelle règle
devrait être déduite du principe d'équitéen vue de la délimitation en
cause.

49. Une précision préalable n'est peut-être pas superflue: principe et

règle ne sont pas synonymes, dans le langage juridique tout autant que
dans le parler philosophique. La Cour n'a pas toujours fait cette distinc-
tion. Aussi la formulation des compromis qui les cite cumulativement ne
peut-elle êtretaxée de tautologique. C'est du principe, défini comme
étant la cause, que découlent les règles. Il y a donc lieu de dire, après

êtreremonté au principe, l'équité,quelles règles applicables à l'affaire
peuvent en être déduites.

50. Plusieurs méthodes ont été débattuesau cours de la procédure.
La première, se réclamant de la notion des secteurs convergeant vers
le centre approximatif de la mer du Nord, suppose que les trois zones du

plateau continental de la côte sud-ouest doivent nécessairement toucher
la ligne médiane passant entre le continent et les îles britanniques, ce qui
n'est rien moins que démontré.En effet, la question étant celle de déter-
miner les limites latéralesentre leszones du plateau continental de chacune
des Parties, la Cour doit se limiter à la solution de cette question, sans

se préoccuper de savoir si les lignes de démarcation ainsi déterminées
atteignent la ligne médiane ou se rencontrent avant de l'atteindre. 51. La deuxième méthode, qui a été retenuepar la majorité de la Cour
pour êtreproposée aux Parties comme simple facteur laisséà leur appré-
ciation, est celle fondéesur le rapport entre la longueur descôtes et I'éten-
due des zones du plateau continental.
Quoique ne se référant pasà une pratique quelconque ',elle procède
de la notion de prolongement naturel du territoire et implique le redresse-

ment, sous forme de ligne de base droite unique, de la côte concave de la
République fédérale d'Allemagne.
On pourrait toutefois lui reprocher, dans l'application, qu'elle n'évite
pas, à distance de la côte, des chevauchements, d'un secteur du plateau
sur l'autre. Il semble qu'on soit ainsi entraîné à admettre que des parties
du plateau continental sont les prolongements de plus d'un territoire.

Cette hypothèse pèche par une contradiction interne, une étendue de
terre ne pouvant être le prolongement que d'un territoire unique. De
plus, ce secteur commun, la Cour recommande sa division en parts
égales. Ne serait-ce pas revenir à la solution, qui a déjà été dénoncée,
de la répartition en parts justes et équitables selon les termes de la Répu-
blique fédérale d'Allemagne?

Enfin, cette méthode détermine des superficies mais ne facilite pas le
tracé des limites latérales, qui sont précisémentle problème à résoudre:
leur point de jonction sera-t-il plus ou moins rejeté versle Danemark ou
vers les Pays-Bas?

52. Une troisième méthode, celle de l'équidistance-circonstances spé-
ciales,est cellequi me paraîtconstituer la règleà appliquer. Cette méthode,
rejetéecomme règle de droit conventionnel ou coutumier, serait reprise
en vertu du principe généralde droit qu'est l'équité.
Les explications qui suivent montreront qu'on peut recourir à la mé-

thode de l'équidistancesi I'application en est subordonnée, le caséchéant,
en vue de sauvegarder l'équité, a l'effet de circonstances spéciales. La
question qui se pose sera en conséquencecelle de savoir s'ilexiste de telles
circonstances en l'affaire. Auquel cas la règleéquidistance-circonstances
spécialesdéduitedu principe d'équitépraeterlegem, pourrait êtreproposée
aux Parties.

53. Les circonstances spécialesn'ont pas étédéfiniespar un texte de
droit positif. Elles ne pouvaient non plus faire l'objet d'une énumération
exhaustive, étant donné l'extrême variété des facteursjuridiques ou phy-
siques qui peuvent entrer en ligne de compte.

Toutefois, si l'on se reporte à nouveau aux travaux préparatoires dont

Notamment les précédents relevés au par. 26.

149 149 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

il a étéfait mention, rien n'y indique que la notion des circonstances

spécialesait étélimitéedans la mesure où le voudraient les représentants
du Danemark et des Pays-Bas. Au contraire, la Commission du droit
international, au rapport des experts qu'elleavait désignésd ,isait, dans son
commentaire de l'article 72 du projet qu'elle a présentéà la conférence

et qui yest devenu l'article 6: (on peut s'écarterde la règle (cellede I'équi-
distance) lorsqu'une configuration exceptionnelle de lacôte, ou encore la
présence d'îles ou de chenaux navigables l'exigent 11Et la Con~mission
du droit international d'ajouter: (1Ce cas pourra se présenter assez sou-

vent. 1)
En définitive, une circonstance spéciale affectant la méthode d'équi-
distance peut êtrel'effetd'une situation juridique particulière: traité, eaux
historiques. Comme ellepeut êtrela conséquet-icede considérations d'ordre

géographique. Au regard de la carte et des mesures dont il a été fait
mention ', la configuration des côtes de la Répiihlique fédéraled'Alle-
magne constitue une de ces circonstances dont il devrait êtretenucompte
pour éviter l'application inéquitable de la ligne d'équidistance pure et
simple.

Par contre, il n'a pas étéfait état d'objectifs d'ordre économique, tels
que l'unité d'un gisement, pour qu'ils soient examinés par la Cour. De
toute façon, la considération des ressources sous-marines, qui a été
évoquéeau cours de la procédure, est hors de cause. Sc fonder, entre

autres éléments,pour le tracé des limites, sur les richesses que recèle le
fond des mers, ne consisterait rien moins qu'en une répartition du plateau
continental :alors qu'il ne s'agit que d'une délimitation deszones apparte-
nant originellement aux Etats riverains, ainsi qu'il a étédéjàdit 2.En

outre, des richesses potentielles ne cessant pas, d'ici longtemps, d'être
découvertes, la délimitation, face à un gisement i cheval sur deux zones,
serait continuellement exposée à une rectification. Par conséquent, si la
sauvegardc de l'unité d'un gisement intéresse les Parties, c'est par un

accord volontaire qu'elles y pourvoiraient (cession ou exploitation en
commun) qui ne rentrerait pas dans le cadre d'un facteur ou d'une règle
de délimitation.

II y a lieu de souligner, au surplus, le passage suivant du paragraphe 62
de l'arrêt; ily est dit: ((Une telle règle (celle de I'éqiiidistance-circons-
tances spéciales)a bien étéconsacrée à I'article 6 de la Convention, mais

uniquement en tant que règleconventionnelle. 1Or la méthode de l'équi-
distance-circonstances spéciales pouvant constituer une règle de droit
conventionnel de l'aveu de la Cour, peut l'êtreégalement,entoute logique,
en vertu du principe de l'équité.La Cour, appelée énoncer principes et

S~pi'd, par43.
Supru, par.46. 150 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

règles, aurait donc dû, à mon avis, après avoir retenu le principe de
l'équité,en déduire la règle de l'équidistance-circonstances spéciales.

54. Ayant admis la règle d'équidistance-circonstances spéciales dé-
coulant du principe général de droit qu'est l'équité,et constaté qu'il
existe en l'affaire une circonstance spéciale, quel serait l'effet de cette

dernière sur la ligne d'équidistance?
L'idéedont il semble qu'il faille partir serait celle-là mêmequi découle
de la nature de ce plateau: celui-ci étantgéologiquement le prolongement
du territoire à partir de sa façade maritime ainsi qu'il a étédéjàexpliqué
dans les considérations relatives au concept du plateau continental ',
c'est cette façade qui forme la base du plateau se prolongeant sous la

haute mer.
On a voulu justifier le critère de la contiguïté et, partant, la ligne
d'équidistance s'imposant en tant que règle de droit international, en
faisant remarquer que les réalitésgéographiques du littoral constituent
la base déterminant l'étenduedu champ d'application dans l'espace des
droits souverains de 1'Etat riverain =. Que sont pourtant ces réalités

géographiques, sinon le littoral, ou la façade maritime, se prolongeant
sous les eaux de la haute mer, sans que cette façade ou ce littoral soit
affectépar les dépressions du sol qui n'en modifient que la ligne d'émer-
gence.
Par façade il ne faudrait donc pas entendre la côte avec ses inflexions
plus ou moins accentuées à fleur d'eau. Celles-ci sont le résultat d'un
affaissement ou d'une inclinaison de la terre au-dessous du niveau de la

mer. Elles ne sont pas de nature à modifier la ligne qui aurait étécelle de
la façade si cette dernière n'avait pas étéaffectée par cet accident de
terrain. En conséquence, les articulations de la base du plateau ne doivent
pas, en modifiant les coordonnées qui y seraient élevées,influer sur la
configuration naturelle de celui-ci.

55. Comment se présenterait la façade dans ces conditions?
C'est en recourant, par voie d'analogie, à la méthode de délimitation
de la mer territoriale fondée sur les lignes de base droites consacrée par
l'arrêtde cette Cour en date du 18 décembre 1951 en l'affaire anglo-

norvégiennedes Pêcheriesque pourrait êtretrouvéela solution. Ce recours
à l'analogie se justifie par l'identitéde raison juridique, ou encore par la
similitude des élémentsessentiels dans les deux hypothèses, savoir la

Supra,par. 15.
Plaidoirie au nom des Pays-Bas du 31 octobre 1968.

15 1 nature découpéeet échancréede l'une et l'autre côte, et l'élémené t cono-

mique qui se retrouve dans un cas comme dans l'autre '.
Pas plus que le décret norvégien du 12 juillet 1935 délimitant la mer
territoriale sur la base des lignes droites suivant la direction généralede
la côte et reliant des points fixes situés sur la terre ferme ou sur des iles
adjacentes, la solution envisagéene serait contraire aux principes ou aux
règles de droit international. Cependant, une seule ligne de base droite

serait i tracer le long de la côte, ainsi qu'il en est des baies ouvertes, la
configuration de la côte allemande se présentant elle-mêmecomme une
baie; sa ligne d'ouverture ne serait pas nécessairement limitée à une
longueur préfixe comme l'a précisél'arrêtsusviséde la Cour pour les
baies en général.On se rappellera, àce propos, que la proposition a été
faite d'appliquer cette règle aux indentations et aux canyons inter-

rompant le fond du plateau continental.
Cette solution est d'autant plus acceptable qu'elle ne met pas en cause
les eauxintérieures ni la mer territoriale: elle n'affecte pas la configuration
de cette dernière, les eaux qui se trouvent au large de celle-ci et en deçà
de la ligne de base droite ne cessant pas de faire partie du plateau con-
tinental et restant soumises au statut qui le régit.

Appliquée à la côte allemande, la ligne de base droite s'étendrait de
l'une de ses extrémités à l'autre, réduisant entièrement la concavitéqu'elle
dessine.
Les côtes néerlandaise et danoise seraient maintenues telles quelles,
étant donné qu'elles suivent, à partir de leur intersection respective avec

la côte allemande, une direction droite ne présentant pas de saillies dé-
mesurées.
*

56. Les bases pour la délimitation du plateau continental entre les
Parties étant déterminées,coinment les limites latérales en seraient-elles

fixées?
Il a étéprécédemmentdit que la Convention de Genève sur le plateau
continental ne s'est pas écartéesde la notion d'équitéen adoptant la
ligne d'équidistance assortie de la condition ayant trait aux circonstances
spéciales.
C'est donc à titre de solution d'équitéque l'on peut recourir à la règle

d'équidistance-circonstances spéciales pour déterminer les limites laté-
rales du plateau continental entre les Parties au différend.

On est d'autant plus justifié a recommander l'application de la règle

l L'article 4 de la convention de Genève sur la mer territoriale aux lignes
de base droites se fondesur les intérêtséconomiquesqui sontencore plus évidentsen
ce qui concerne le plateau continental. CfL. Cavaré, Droit international public,
tome 1, p. 231.
Conférence de Genève, doc. prép., p. 43, par. 37.
R. Young, cité par L. Cavaré, Droit international public, tome 11,p. 235.d'équidistance partant de la ligne de base droite, que le Danemark et les
Pays-Bas sont parties à la Convention de Genève de 1958 sur le plateau
continental et que l'Allemagne fédérale,sans réclamer l'application de

cette méthode, ne l'a pas refusée dans la mesure où elle assure une
solution équitable l.
Dans un cas normal, c'est-à-dire dépourvu de circonstances spéciales,
les lignes d'équidistanceauraient étéconstituéesdes points lesplusproches
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer

territoriale. Dans le cas présent, c'est en partant de l'intersection de la
ligne de base droite déterminant la façade maritime de la République
fédéraleet de celle du Danemark, compte tenu de la délimitation partielle
convenue, que pourrait êtrefixéela ligne d'équidistance entre les zones
respectives du plateau continental de ces deux Etats; et c'est à partir de
l'intersection de ladite ligne de base de la République fédérale etde celle

des Pays-Bas que pourrait être fixée la ligne d'équidistance entre ces
deux derniers Etats, compte tenu également de la délimitation partielle
convenue. Et cela en deux opérations indépendantes. La zone revenant
a la République fédéraleserait comprise entres les deux lignes d'équi-
distance et s'étendrait au largejusqu'à leur point d'intersection.

Tout en ayant les délimitations partielles présentes a l'esprit, on peut
se reporter àla carte ci-après sur laquelle est tracéelafaçade maritime sous
forme de ligne de base droite, les côtes danoise et néerlandaise restant
telles quelles, et qui a étécomplétéepar le cartographe en y ajoutant, en
traits pleins minces, les lignes d'équidistance partant des points d'inter-
section B et C et convergeant jusqu'à leur jonction au point A en deçà

de la ligne médiane Grande-Bretagne!Continent.

Pour me résumer,je suis d'accord avec la majorité de la Cour pour dire

que la méthode d'équidistance prévue B l'article 6, paragraphe2. de la
Convention de 1958, n'est pas opposable en tant que règle de droit
conventionnel a la République fédéraled'Allemagne, et que cette règle
n'est pas non plus devenue Bce jour une règle de droit coutun~ier.
Par contre, je considère qu'il peut êtrefait appel à la méthode d'équi-
distance assortie des circonstances spéciales, en tant que règlejuridique,

applicable à la cause, découlant du principe général de droit qu'est
l'équitépraeter legem.
La Cour n'ayant pas estimé,pour les motifs qu'elle a développés, aller
aussi loin que je l'ai fait, j'ai tenu, avec la considération qui lui est due,
à joindre à l'arrêt,auquel je souscris, la présente opinion individuelle,
englobant les questions à propos desquelles j'ai raisonné différemment

ou me suis autrement prononcé.

(Signé) Fouad AMMOUN.
Réplique, par. 49, 65-67, 71, 74-76.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. FOUAD AMMOUN

1. Le fondement juridique et la définition du plateau continental.

La Cour étant appelée, en vertu des compromis par la notification
desquels elle a étésaisie, à énoncer les principes et les règlesapplicables
aux différends qui opposent la République fédérale d'Allemagne aux

Royaumes du Danemark et des Pays-Bas sur la délimitation des zones
revenant à chacun de ces pays du plateau continental que constitue l'en-
semble de la mer du Nord, avait à déterminer au préalable le concept
mêmedu plateau continental dont la délimitation était l'objet du litige.

En effet, jusqu'en pleine conférence sur le droit de la mer, en 1958 à
Genève, ce concept était encore sujet à controverse '.Et en cette année

1968 même, dans les délibérations du comité spécial institué par les
Nations Unies pour étudier l'utilisation pacifique du lit des mers et des
océans,les limites, sinon la définitiondu plateau continental, alimentaient
les discussions des délégués des Etats. Ceux-ci semblent n'avoir trouvé
cette définition ni assez précise nisuffisamment compréhensive '. Bien
plus, au cours des débats dans les présentes affaires, le représentant de

la République fédéraled'Allemagne disait qu'((il n'est pas possible de
parler de la notion du plateau continental comme d'une notion déjà
fixéedans sa forme parfaite et définitive .-.Cette remarque, émanant de
l'une des Parties en cause, est lourde de conséquences; en particulier
lorsque ces dernières, se prévalant de l'arrêtde la Cour, exerceront leurs
droits sur la zone du plateau continental qui aura été reconnueà chacune

d'elles.Il suffit de constater à ce propos les divergences d'opinion sur
lesquelles je reviendrai quant à l'extension de la souveraineté de 1'Etat
riverain sur le plateau continental et quant à ses limites extérieure5.

' Voir déclarationàla conférence des représentants de la France, de la Grèce et
dc la République fidérale d'Allemagne. (Doc. off., vol. VI, p. 1 et 7-8.)

Rapport du comité spécial à l'Assemblée généraledes Nations Unies, 1968.
Plaidoirie du 5 novembre 1968.
Infra, par. 17
Itifia, par. 7. SEPARATE OPINION OF JUDGE FOUAD AMMOUN

jTranslat ion,.

1. The Legal Basis iind the Definition of the Continental Shelf.

Since the Court wa.scalled upon, under the Special Agreements by
the notification of which it was seised, to state the principles and rules
applicable to the disputes between the Fedeial Republic of Germany
and the Kingdoms of Denmark and the Netherlands as to the delimita-

tion of the areas of the continental shelf which makes up the whole of
the North Sea which a.ppertain to each of these countries, the Court had
to establish in the first place the actual concept of the continental shelf
the delimitation of which was in issue.
Even up to the time of the Conference on the Law of the Sea held at
Geneva in 1958,this concept was still subject to controversy ';and even
last year, in 1968, in the course of the deliberations of the Ad Hoc

Committee set up by the United Nations to study the peaceful uses of
the seabed and the oc:ean floor, the limits, if not the definition, of the
continental shelf provided material for discussion by the iepresentatives
of States, who apparently did not find the definition either sufficiently
precise or sufficiently comprehensive 2. What is more, in the course of
the hearings in the present cases, the represeiitative of the Federal
Republic of Germany stated that "it iç not possible to speak of the
continental shelf concept as an already fixed or completed concept 3".

This observation, comiingfrom one of the Parties, is fraught with con-
sequences, in particulnr for the time when the Parties, on the basis of
the Court's Judgmcnt, come to exercise their rights over the area of
continental shelf which has been iecognized as appertaining to each of
them. It will be suficient in this connection to mention the differences
of opinion, to which 1 shall refer later, as to the extension of the sover-
eignty of the coastal State over the continental shelf and as to its outer

limits 5.
' See staternents to the Conference niade by the rcpresentatives of France,
Greece. and the Federal liepublic of Germany (Oficia ~ecords, Vol. VI, p. 1 and
pp 5-7).
Report of the Ad Hoc Cornmittee to the General Assembly of the United
Nations. 1968.
Address of 5 November 1968.
Infvu.para. 17.
Infia,para. 7. 101 PLATEAU CONTISEKTAL (OP. IND. A\I~IOL'&)

La Cour n'a pu d'ailleurs s'enipêclier,sans aborder la question de
front comme je le suegémis,de discuter nombre de ses aspects, y revenant
tout au long de sari raisonneincnt. Elle avait en effet A se deniander, en
vue de la délimitation qui fait I'objct des présentes affaires, si le platenii

continental constitue le prolongenient naturcl du territoire national sous
la mer, justifiant la délimitation des zones relevant natiirelleinent de
chacun des Etats riverains, et excluant la tl~èsed'un partage entre ces
derniers; ou, s'il relèvede la notion de contiguïté, notion qui aurait poiir
corollaire la règle de l'équidistance à appliquer inipérativement à la

délimitation en cause ': ou si encore la délimitation sur la base de l'équi-
distance est inliérente au concept du plateau continental, ou résulte im-
plicitement du caractère exclusif des droits qui y sont reconnus aux Etats
riverains '.

Enfin il n'était pris sans int2rCt de rechercher si le plateau continental

a revêtule caractère de règle de droit en vertu de ladite Convention, ou
par l'effet de la coutume, son statut juridique pouvant différer suivant
le cas.
Autant de questions qui aiiraient dû êtretraitées, A mon skis, dès
l'abord, pour éclairer le raisonnement et ne laisser planer aucune in-

certitude sur la portée de l'arrêtet sa signification.

2. Iln'y avait pas lieu, de toute façon, de s'arrêterà l'opinion émise
par le Royaunie des Pays-Bas, selon laquelle la Cour n'est pas invitéeà
se prononcer sur la question de savoir quelle partie du lit de la mer et du
sous-sol de la haute mer doit êtreconsidérée,du point du vue juridique,

comme constituant 1:platenu continental. II faut en effet avoir présent
à l'esprit que I'intégritede la haute mer, dont la liberté estconsacrée par
une coutume générale,est en cause, et tous les Etats, non seulement les
Parties aux différendsy sont directement intéressés.
II va sans dire que la Cour est liéepar les compromis tout autant que
les Parties. Les citations extraites des arrêts concernant les affaires du

Lotus et de la Juridictiorr territoriale cie la Comwiissiotzinterncitiorialede
l'Oder sont pertinentes à cet égard. II n'en reste pas moins que la Cour
est qualifiée,le cas échéant,pour interpréter le compromis qui la saisit,
ainsi qu'il en est de toute convention, selon unejurisprudence constante.
Et quelque restrictive que doive être cette interprétation - eu égard à

la souveraineté des Etats et au caractère facultatif de la juridiction de la
Cour - il en ressort néanmoins de toute évidence que les Parties ne
pouvaient avoir demandé à la Cour d'énoncer des principes et des règles
qui ne trouveraient pas leur application en droit. Une convention ne
peut être isoléede son contexte juridique, lequel est en l'occurrence le
problème du plateau continental. Si,par hypothèse, celui-ci n'était pas

l Infrap,ar. 15. ln fact the Court, not having faced tlie question directly as I ha\e
suggested, has been i~nableto avoid discussing a number of its aspects,
and coming back to the point tliroughoiit its reasoniiig. Tlie Court has
in fact had to consider, with a view to the delimitation which is the
subject of the preseni; cases, whetlier the continei-ital shelf is the iiatural

prolongation of iiatio~ial tenitory under the sea, thus justifying tlie
delimitation of the areas naturally appertaining to each of the coastal
States and excluding the contention for a sharing out among such States;
or whether it is dependent on the idea of contigiiity, of \vhich the corollary
wo~ildbc the eq~iidistance riile, to be compiilsorily applied to the delinii-
tatiori in question '; or wlicther agaiii dcliniitation on the equidistaiice

basis is inlierent in the concept of the coiitinental slielf, or follo\vs
implicitly fiom the exclusi\e nature of the rights recognized as bcloiiging
to the coastal States '.
Finally it was not \vithout interest to ascertain whether the continental
shelf lias acquireci the status of a rule of law by virtue of the said Con-
vcntioii, or as a resiilt of custom, since its Iegal régime could differ

according to which was the case.
All tliesc are qiiestions which should have becn dealt with, in my
opinion, from the veiy beginning, iii ordcr to clarify the reasoniiig aiid
so as to leave no lurlcing iincértainty as to the scope and significance of
the Judg"ent.
7. At ail events there was no groiind for acceptiilg the opinion expressed
by tlie Kinsdom of the Netherlands, that the Court is i~ot invited to

pronounce on the question of what part of the bed of the sea and of
the subsoil of the high seas should be considered, from the legal point
of \iew. as constitiitiing the continental shelf. It must be borne in mind
that the intcgrity of the high seas, the freedoin of which is hallowed by
a gener:il ciistom, is in issue, and al1 States, not merely the Parties to
the tiisp~i1t.s.are directly interested therein.

It goes without 5a:yingthnt the Court is bound by the Spcçial Agree-
ments iust ~tsinuch as the Parties. The quotations taken f~om the Judg-
meiits conceriiing thc cases of the 'otiis anci of the Tcrritorinl Jlrris~lictiori
of' tllcI~~t~~rrîtrtiorrolnrrilissio~(!ftlle Riiw 0tk.r are relevant iii this
connection. It is nonetheless the casc th:it the Court has the rieht",when
appropriate, tu interprct the special agreement by which it has become

seised of a case, as it has to interprct Linyconvcntion, following a settled
line of dccisions. And howe\.er restrictive such iiiterpretatioii should
be-iii vie\\ of the so\~ercigiityof Stntcs and the optional natiire of the
Court's jurisdiction--it is noriethcless nbcndantly clear that the Parties
could iiot have askccl tlie Court to st~tteprinciplcs and riiles which coiilci
have no application in Inw. A coii\.ention caiinot be isolated froni its
legkilcontext. which in tlic prcsent cnsc is the problem of the continentalreconnu en droit, il ne pourrait y avoir de différendsur sa délimitation,
et en l'absence d'un différend il n'y aurait pas matière à dégager des
principes et des règles pour le trancher. C'est le cas de rappeler la règle
d'interprétation énoncéepar cette Cour dans son avis consultatif du

3 mars 1950 au sujet de la Compétencede I'Assemblte gkt~érale pour
l'admissiond'un Etut aux NrrtionsUnies, selon laquelle autorité doit être
reconnue au texte, à moins que ses termes ne soient équivoques ou con-
duisent à des résultats déraisonnables. Ce ne serait pas, en effet, raison-
nable que de s'attacher à la lettre des compromis et de ne pas en dégager
toute la teneur ou tout élément implicite.

3. Cela dit, la question qui se posait tout d'abord à la Cour étaitcelle
de savoir s'il existe une convention générale internationale, dans le sens

de l'article 38, paragraphe 1 a), de son Statut, ayant modifiéle principe
de la libertéde la haute mer et consacréle concept du plateau continental.

11suffirait de constater que la Convention de Genève du 29 avril 1958
sur le plateau continental n'a étératifiée à ce jour que par 39 Etats, sur
un total de près de 140 dont se compose la communauté internationale.

Elle demeure, par analogie avec le droit interne des nations, res inter
alios acta, et ne saurait entraîner une modification erga orniles du prin-
cipe de la haute mer, ou en limiter la portée ou les conséquences juri-
diques. Cette interprétation, faut-il ajouter, s'applique incontestablement
aux traités normatifs comme aux traités-contrats, notamment depuis la
désuétudedu privilège dont se prévalait un nombre restreint de puis-

sances pour légiférerau nom de l'ensemble des nations du monde,
qu'elles fussent coloniséesou indépendantes.

Il est vrai que, pour prétendre à des droits exclusifs ou souverains sur
le plateau continental bordant leurs mers territoriales respectives, les
Parties se réclament des dispositions des articles 1et 2 de la Convention

précitéesur le plateau continental. Les Royaumes des Pays-Bas et du
Danemark sont évidemmentliéspar les stipulations de laditeConvention.
La République fédéraled'Allemagne,qui ne l'a pas ratifiée,est néanmoins
tenue, en vertu du principe de la bonne foi dans les rapports internatio-
naux, comme l'est tout Etat du fait d'une déclaration unilatérale ', par
les énonciations du mémoire,affirméesau cours de la plaidoirie du 4 no-

vembre 1968, dans lesquelles ellc a déclaréque sont généralementadmis
la définitiondu plateau continental ainsi que les droits des Etats riverains
tels que déterminésaux articles 1 et2 précités;précisant qu'elle (recon-
naît IIque les régions sous-marines de la mer du Nord constituent un

l Voir pour les effets de la déclaration unilatirfrn,par. 21. CONTINENTALSHELF(SEP. OP. AM~!OUN) 107

shelf. If, for the sab:e of argument, this were not rccogiiized in law,
there could be no dispute as to its delimitation, and in the absence of a
dispute there would be iio reasori to define principles and rules to resolve
it. It is appropriate to recall the rule of interpretation stated by this
Court in its Advisory Opinion of 3 March 1950 on the subject of the
Conipc~tenceof tlze General Asser~iblyfor tlle Admission oj'u Stute to the

United Nations, to the effect that the text should be recognized as authori-
tative, unless its terms are ambiguous or lead to an unreasonable result;
for it would not be reasonable to abide closely by the lette1 of the Special
Agreements and not to elucidate the whole tenor thereof or aiiy implicit
elements.

3. Wheii this has been said, the questioii with which the Court was
faced first of al1 wasi whether there exists a gencral international con-

vention, within the meaning of Article 38, paragraph 1 (a), of its Statute,
which has modified the p~inciple of the freedom of the high seas and
sanctioned the concept of the continental shelf.
It should be suffi'cient to observe that the Geneva Conventioii of
29 April 1958 on tlhc Continental Shelf has up to the present been

ratified by only 39 States, out of a total of about 140 making up the
international commiinity. The Convention remains, by analogy with
interna1 law of the nations, res intcr alios acta, and could not bring
about a modification ergu omt1c.sof the principle of the high seas, or
limit the scope or legal consequences thereof. This interpretation, it

should be added, indisputably applies to norm-creating treaties as well
as to contract-treaties, partieularly since the falling into disuse of the
privilege which a liniited iiumber of Powers used to claim to legislate
in the name of al1 the nations of the world, whether colonized oi in-
dependent.
It is true that, in order to claim sovereign or exclusive rights over the

continental shelf bordering on their respective territorial seas, the Parties
rely on the provisions of Articles 1 and 2 of the Convention on the
Continental Shelf meiitioned above. The Kingdom of the Netherlands
and the Kingdom of Denmark are obviously bound by the stipulations
of that Convention. The Federal Republic of Gerinany, which has not

ratified it,is nonetheless bound, by virtue of the principle of good faith
in international rela-tions, as is every State as a result of a ~inilateial
declaratioii l,by the statenleiits made in the Meinorial, affirmed in the
course of the speeches of 4 November 1968,in which the Federal Republic
declared that the definition of the continental shelf and the rights of the

coastal States as determirled by Articles I and 2 before referred to are
generally recognized : it explained that it "recognizes that the submarine
-- --
' As to the effects of the uriilateral declaration, see Ntfrtr,para. 21.plateau contiiiental sur lequel les Etats riverains ont qualité pour exercer
les droits définisà l'article2 de la Convention ' l.

Quoique les Parties en l'affaire soient tenues, l'une vis-à-\is de l'autre,
par les obligations qu'elles ont contractées ainsi qu'il a étédit, il n'en
demeure pas moins que la définition et les droits susvisés ne peuvent
êtreopposés. du seul fait de la Convention susn~entionnée.aux Etats
qui ne l'ont pas ratifiée,ou n'ont pas déclaréen accepter les termes.

011 est en conséquence fondé iaffirmer que la liberté de la haute mer,

établie en vertu d'une coutume dc droit international uni\ersellenient
reçue, doit être respectée cians son principe et ses conséquences, et ne
saurait ètre modifiée ou IimitCe, à défaut d'une convention de portie
universelle, si ce n'est par une coutume bénéficiantd'un consensus général
ou, en dernière analyse, par un principe généralde droit.
11convient maintenant de se demander si une modification du principe

de la libertéde la haute mer n'a pas eu lieu en vertu d'une règlecoutu-
mière nouvelle de portée universelle. Ce sera le sujet de la question sui-
vante.

4. A défaut d'une convention générale,tel que spicifié ci-dessus, y
a-t-il une coutume internationale, tel que prévu au paragraphe 1 6) de
l'article38 du Statut de laCour,ayant modifiéle principe de la libertk de
la haute mer et consacréle concept du plateau continental?

Alors que la convention de Genève du 29 avril 1958 sur la haute mer
codifie certaines règlesde droit internationalcoutumier et, en particulier,
la liberté de la haute mer au-delà des eaux territoriales, la question se
pose de savoir s'il enest ainsi également de la Convention de Genève de
mêmedate sur le plateau continental: et s'il en est autrement, une
coutume s'est-elle formée ultérieurement qui, modifiant la coutume

établissant la liberté de la haute mer, confère des droits exclusifs sur des
étenduesde celle-ci ou sur certains de ses éléments?
Il est sans doute à remarquer que la convention sur la haute mer
mentionne, en son préambule, l'intention des parties de ((codifier les
règlesdu droit international relatives à la haute mer 1);alors que la Con-
vention sur le plateau continental ne dit rien de semblable. De plus, I'ar-

ticle 1de cette dernière convention, donnant une définition du plateau
continental, la restreint aux îins des articles constituant cette convention.
On ne pourrait cependant tirer argument de ces considérations pour

Mémoire,par. 8.

104104 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

déclarer que le concept du plateau continental, coiitrairement à celui de
la liberté de la haute mer, n'est pas encore reçu dans le droit international
coutumier. La preuve de la formation de la coutume ne se déduit pas des
énonciations d'un texte coi~ventionnel. C'est dans la pratique des Etats
qu'ilfaut larechercher.Eiieffet,lacoutume,quel'article3S 1h),aragraphe

du Statut de la Cour considère comme la preuve d'une pratique générale
acceptée comme étant le droit, ou que la doctrine ramène plutôt, après
Gentilis ',a une pratique susceptible d'en détnontrer l'existence, exige le
consentement exprès ou tacite de la gé!iéralitédes Etats, ainsi que ie
professait Grotius pour le droit des gens coutumier de I'époq~ie.II s'agit
donc de se demander si une telle pratique est observée non certes unani-
mement, mais par la généralité des Etats ainsi qu'il ressort de la clarté de

l'article précité,abec la conscience qu'ils ont de se soumettre à une
obligatioiî juridique.

5. Les faits constitutifs de la coutume en question se retrouvent dans

une série d'actes soit internes, soit internationaux, dénotant l'intention
d'adapter le droit des gens à l'évolution sociale et économique et au
progrésdes connaissances ;progrès et évolution qui ont donné I'impulsion
à l'exploitation des richesses du sol et du sous-sol de la mer a des pro-
fondeurs de plus en plus grandes, à l'utilisation de moyens nouveaux de
communication et de transport qui ne cessent de se développer, et à

l'extension, parfois inconsidérée, de la pêcheen haute mer, dangereuse
pour la conservation des espkces marines et, en général,des ressources
biologiques devenues de plus en plus nécessaires a l'alimentation d'une
humanité en rapide croissance.
Tels sont la déclaration du Gouvernement impérial russe du 29 sep-
tembre 1916; le traité bilatéral entre le Royaume-Uni et le Venezuela du

26 février 1942;la proclamation et l'ordre exécutifdu président Truman
du 28 septembre 1945; puis les proclamations en chaîne du Mexique en
1945et 1949; de Cuba en 1945; de l'Argentine et de Panama en 1946; du
Pérou,du Chili, de I'Equateur et du Nicaragua eii 1947;du Costa Rica, du
Royaume-Uni pour la Jamaïque et les îles Bahamas, de l'lslande en 1948;
du Honduras britannique, du Guatemala, de l'Arabie Saoudite, d'Abou

Dhabi, de Bahrein, du Koweït, de Qatar, d'Ajman, de Dhoubaï, de
Sharjah, de Ras el Khaima, d'Orne1 Kaïwan, et des Philippines en 1949;
du Brésil,du Salvador, du Honduras, du Nicaragua, du Pakistan et du
Royaume-Uni pour les îles Falkland en 1950; de la Corée du Sud et
d'Israël en 1952; de l'Australie en 1953; de I'lran en 1955; du Portugal en
1956; de l'Irak, de la Birmanie et de Ceylan en 1957; enfin des Etats

limitrophes de la mer du Nord, depuis que le gaz naturel et le pétrole y

A. Gentilis: Le droit des gens este produit d'un accord prolongé entre les
peuples, constate par'usage. révélélui-niênie par l'histoire '. CONTINENTAL SI1ELF (SEP. OP. AMMOL'N) 104

argument for statirig that the concept of the continental shelf as opposed
to that of the freedom of the high seas, is not yet accepted in customary
international law. Proof of the formation of custom is not to be deduced
from statements in the text of a convention; it is in the practice of
States that it must be sought. Indeed, custom, which Article 38, para-
gi-aph 1 (hl, of the Statute of the Court takes as midence of a general

practice accepted as law, or which the teaching of publicists, following
Gentilis ', interprets rather as a practice capable of demonstrating its
existence, requires the consent. express or tacit, of the generality of
States, as was taught by Grotius with reference to the ciistomary law
of nations of the period. It is therefore a question of enquiring whether
sucli a practice is observed, not indeed unanimously, but, as is quite

clear from the above-mentioned Article, by the generality of States \vith
actual consciousness of submitting themselves to a legal obligation.

5. The facts wliich constitiite the custom in question are to be found
in a series of acts, interna1 or internatioiial, sliowing an inteiitioii to
adapt the law of nations to social and economic evolution and to the
progress of knowledge; this evolution and this progress have given
impetus to the exploitation of the riches of the soi1 and subsoil of the
sea at ever-increasing depths, and to the use of new means of communi-

cation and transp,ort which develop unceasingly, and to the extension,
sometimes ill-considered, of deep-sea fishing, which has its dangers for
the conservation of marine species and, in general, of the biological
resources which have beconic more and more necessary for the feeding
of rapidlg growing populations.
Such are the declaration of the Russiaii Imperia1 Go~ernment of

29 September 1916; the bilateral treaty betweeii the United Kingdom and
Venezuela of 26 February 1942; the Proclamation and Executive Order
of President Truman of 38 S~ptember 1945; the siibsequent chain of
proclamations, th'ose of Mexico in 1945 and 1949; of Cuba in 1945;
of Argentina and F'anamain 1946;of Peru, Chile, Ecuador and Nicaragua
in 1947; of Costa Rica, of the United Kingdom on behalf of Jnmaica

and the Bahamas. and of Icelaiid in 1948; of British Honduras. Guate-
mala. SaudiArabia, Abu Dhabi, Bahrain, Kuwait. Qatar, Aja~ii.Dubai,
Sharjah, Ras al Khainiah, Umm al Qaiwain, and the Philippines in 1949;
Brazil, El Salvador, Honduras, Nicaragua, Pakistan, and the United
Kingdom on behalf of the Falkland Isles in 1950: of South Korea and
lsrael in 1952; of Aiistralia in 1953; of Iran in 1955: of Pottugal in 1956;

of Iraq, Burma aiiid Ceylon in 1957: and firially those of the States
bordering on the North Sea, since natural pas and peti-oleum were

' A. Gciitilis: The law of nationis ". . the prod~ict of prolonged agrecinent
betaecn peoples. cstabli~lied by usage, which itself is re\ealcd by history". 105 PLATEAL CONTISENTAL (OP. iSD. ~ill%fOUN)

sont apparus, à savoir: la proclamation royale de la Norvège du 31 mai
1963; le décret royal du Danemark du 7juin 1963; la proclamation de la
République fédéraled'Âlleiiiagne du 20janvier 1961; les ordonnances di1

Royaume-Uni du 15 avril 1964et du 3 août 1965; la loi néerlandaise du
23 septembre 1965.
II faut ajouter à ces Etats quelque trente autres qui, lie figurant pas
parmi les auteurs de déclarations unilatérales, ont signé et ratifié, ou
simplement signé la Con\,ention de Genèvedu 29 a\ ri1 1953sur le plate;lii

continental.
Sien effetladite Con~ention, ratifiéeàcejour par trente-neuf Etats, n'est
pas encore de nature a modifier conventionnellement la coutume inter-
nationale relative à la haute mer, elle n'en constitue pas moins, par l'acte

juridique qii'est sa ratification, et par le fait juridique de sa simplesigna-
ture, Ün ensemble de pricédents q~iicontribuent, avec la pratique des
Etais, les décisionsjudiciaires et arbitrales, les résolutiol~sdec conférences
juridiques et des organismes internationaux, ainsi que les positions y
adoptées, à l'élaboration de l'élémentmatérielde la.coutiime.

6. 11n'y a pas longtemps, un juriste éminent 'écrivait encore que les

proclamations des Etats ne constituent qu'une répétitionde faits dans
iesquels il est difficile de ((décelerune éthique largement acceptéecomme
constituant le droit, c'est-à-dire traduisant une conception d'intérêtgéné-
ral ou d'équité IIII y voyait plutot l'inverse, distinguant, sans doute, à
((l'arrière-plan. des prétextes ou des inquiétudes en ce qui concerne les

besoins de l'humanité 11,mais considérant comme domiliant de loin 1le
souci des intérêts particuliers et. au maximum, de l'intérêtnational,
lequel n'est, en droit des gens. qu'un intérêt particulier 11.
Les représentants de certains pays se sont fait l'échode ce point de vue

doctrinal à la conférencede Genèvesur le droit de la mer en 1958 '.
Et de fait,jusqu'à la veille de cette conférence,on pouvait soutenir que
que la doctrine du plateau continental n'était encorequ'une coutume en
voie de formation.

On doit aujourd'hui reconnaître que ces einpictements sur la haute mer,
ces atteintes à la liberti de celle-ci, à commencer par la proclamation
Truman du 28 septembre 1945, traduisaient des besoins nouveaux de
l'humanité. D'où l'on peut déduire que des raisons d'ordre économique
touchant la navigation et la pêcheayant justifiéla libertéde la haute mer,

des raisons du mêmeordre et non moins impérieuses, relatives à la pro-
duction de ressources nouvelles riches d'avenir, à leur conservation et a
leur équitablerépartition entre Ics nations, peuvent dkscirmaisjustifier la
limitation de cette liberté.Aussi la proclamation américaine. qui trancha

lG. Scelle.Plutcuu cot~titietrttrlet droit itit<~t.l,955. p35et 36.
SIIPI.Lnote 1. p. 100 CONTINENTAL SHELF (SEI'. OP. AMMOCN) 105

discobered there, na.mely: Royal Proclamation of Norway of 31 May
1963; Royal Decree of Denmark of 7 June 1963: Proclamation of the
Federal Republic of Germaiiy of 20 January 1964; Orders in Council
of the United Kingdom of 15April 1964and 3 August 1965;Netherlands
Law of 23 Septeniber 1965.

There should be added to these States some 30 others which, while
iiot beirig tiurnbcrcd among the authors of uiiilateral declarations, have
signed ancl ratified, a'rmercly signed. the Geneva Convention of 29 Api-il
1958 on the Continental Shelf.

For if the said Convention, ratified ~ipto the present day by 39 States,
is not yet such as lto modify by agreement the international custom
concerning the high seas, it nonetheless constitutes, bq the Iegal act of
its ratification, and 'bythe deliberate legal fact of its mere signature, a
grolip of precedents which contribute, togetlier with State practice, judi-

cial and arbitral deciisions. rcisolutions of legal conferences and of inter-
national bodies, as well as the positions thei-etaken up. to the elaboi-ation
of the material elem<:iitof ciistoni.

6. Not so long ago, an eminent jurist ' could still write that the pro-
clamations of States do not constitute more than a rccital of facts iii
which it is difficult to "trace an ethic widely accepted as constituting
law, tliat is to Say,crnbodying a concept of general interest or of eqiiity".

He saw thercin rather the contrai-y, discerning, of course, "in the back-
ground. pretexts or anxietics as to the needs of humanity", but consider-
ing as by far the most dominant "a concern for individual interests and,
at the most, for national interest, which in the law of nations is no niore
than an individual iriterest".

The iepresentatives of certain coiintries echoed this doctrinal pcint of
view at the Geneva Conference on the Law of the Sea in 1958 L.
And in fact, up to the eve of tliat Cotiference, it could be claimed that
the rlocti-iiie of the contiriental shelf was still no more than a custom in
the process of formation.

Today it must be iidmitted that these encroachments on the Iiigh seas,
these dèrogations from the freedom thereof, beginning with the Truman
Proclatiiation of 28 September 1945, are the expression of new needs of
humanit). From this it may be deduced that just as reasons of an economic
nature conccrning riavigation and fisliing justitied the freedom of the

hiph seas, reasoiis of the same nature which are no less imperative,
concerning the prodluction of new resources with a rich future, and their
conservation aiid theii- eqiiitable divisicin betw.een nations, may Ilence-
forw~irdjustify the limitation of that frcedom. Thiis the American Pro-

' Ci. Scelle. Plurc,orrco~~~i~io~(/,.oirrtr~~torionul.19pp. 35 and 36.
'Srip~.tnote 1. p. 100.106 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

délibérémentle noeud gordien qu'était la question de savoir si les res-

sources immenses découvertes sous la haute mer resteraient, à l'instar de
celle-ci, à la disposition de la communauté internationale, ou devieii-
draient la propriétédes Etats riverains, faisant école, a-t-elle étésuivie
d'une séried'actes semblables et d'un appui doctrinal qui ont abouti à la
Convention de Genève du 29 avril 1958 sur le plateau contiiiental. La

proposition de l'Allemagne fédéraleeii vue de l'exploitation des richesses
sous-marines pour le compte de la communauté internationale, qui
reprenait une idéede P. Fauchille, ne resut à la conférence aucun appui,
nombre de pays étant soucieux de réserver leurs droits sur le plateau
continental ou la plate-forme épicontinentale prolongeant leurs côtes,

certains d'entre eux craignant au surplus les entreprises des nations in-
dustrialisées, mieux équipéespour monopoliser en fait cette exploitation.

Cet ensemble d'éléments,y coinpris les positions juridiques adoptées
par les représentants de la plupart des pays à la conférence de Genève,

dont ceux-là mêmequi avaient exprimé des réserves ',constitue d'ores et
déjà un consensus général constitutif d'une coutuine inteiwitionale
consacrant le concept du plateau continental qui permet aux Parties de
prétendre à la délimitation entre elles des zones leur revenant de celui de
la mer du Nord, pour l'exercice de droits exclusifs de prospection et
d'exploitation des ressources naturelles que recèlent le fond et le tréfond

de la mer.

7. Si le concept du plateau continental a étéainsi définitivement admis,

une question connexe subsiste: l'étendue du plateau continental ou sa
limite extérieure. Question sujette à controverse, qui a fait dire au
représentant de la République fédéralealleinande: 1une question cruciale
n'a pas étéréglée, cellede savoir quelles sont les limites extérieures du
plateau continental du côté dela haute mer 11.

L'intérêtde la question réside dails le fait qu'un arrêt énoii~aiit les
principes et les règlesapplicables à la délimitation du plateau continental
ne doit pas donner à entendre que la Cour a admis, sans examen, le
concept du plateau continental.
On peut se demander si la déliinitatioii du plateau continental figurant

à l'article1 de la Convention a passé seuledans la coutume, ou si celle-ci
ne sous-entend pas - telles les eaux historiques - d'autres limites
extérieures de l'étendue dela haute mer soumise h la juridiction de 1'Etat
riverain sous le vocable de plateau continental, ou sous celui de plate-
forme épicontinentale, ou sous une autre dénomination.

' Sirpra,note 1. pagç100.
Plaidoirie du 5novenibre 1968.

107 clan~ation, which deliberately cut the Gordian kiiot of the question
whether the immense resources discovered under the high seas would
remain, on the model of the high seas themselves, at the disposa1 of the

international community, or would become the property of the coastal
States. set the fashiori. and was followed bv a series of similar documents
and by the support of legal writers, culminating in the Geneva Conveii-
tion of 29 April 1958 on the Continental Shelf. The proposai of the
Federal Republic of Germany for the exploitation of submarine riches
for the benefit of the international community, which adopted an idea

of P. Fa~ichille, received no support at the Conference, a number of
couiltries being anxious to reserve their rights over the continental shelf
or the epicontinental platform prolonging their coasts, and certain of
them fearing in addition the enterprises of the industrialized nations,
which were better equipped for a defric10 moiiopoly of this exploitation.
This aggregate body of elements, including the lcgal positions taken

up by the representatives of the majority of the countries at the Geneva
Confèrence, even by those who expressed reservations ',amounts here
and now to a general consensus constituting an international custom
sanctioningthe concept of the continental shelf, which permits the Parties
to lay claim to delimi.tatioii between them of the areas of the North Sea
continental shelf appertaining to them, for the exercise of exclusive rights

of exploration and e:cploitation of the natural resources secreted in the
bed and subsoil of the sea.

7. If the concept of the contiiiental shelf has thus been definitively
recognized, there remains a related question, namely the extent of the
continental shelf or its outer limit. This is a question which is subject
to controversy, and which caused the representative of the Federal
Rep~iblicof Germang to say: "a crucial question has not yet been settled
-uhat are the outer limits of the continental shelf towards the open
'?"

The interest of the question lies in the fact thata judgment stating the
principles and rules applicable to the delimitation of the continental
shelf should not allow it to be understood that the Court has accepted,
without examination, the concept of the continental shelf.
It is possible to eriquire whether the delimitation of the continental

shelf appearing in Article 1 of the Convention has alone passed into
customary law, or wl~ether the latter does not imply-as in the case of
historic waters--other outer limits of the area of the high seas subjected
to the jurisdiction of the coastal State under the title of continental
shelf or of epicontinental platform, or under some othei denomination.

l Supvu, note 1,p. 100.
Address of 5 Noveniber 1968. 8. On constate en effet que certains des actes précités,rele~ant de la
pratique des Etats, étaient restéssujets à contestation par suite de I'ex-
tension que ces actes ont donnée à l'emprise sur la haute mer. Ce sont
notamment,dans I'hémisphCi-e extrême-occidental,les lois, proclamations

ou décretséinaiiant en 1946de ['Argentine; en 1947du Pérou.du Chili et
de I'Eqiiateur: en 1948 du Costa. Rica: en 1950 du Hondiiras et du
Salvador; actes qui ont étendu lesconfins du plateau continental contigii
à leurscôtes au-delà de la rupture de pente survenant à une profondeur se

situant entre 130 niètres et près de 550 mètres '; ou qui ont siipplééà
l'absence d'un prolongement sous-marin du territoire sous forine de
plateau, par une étendue de haute mer, le talus continental, ou la plate-
forme épicontinentale, limitéepar certains de ces actes à un minimum de
200 milles de la côte ',laisséepar d'autres sans limites aucunes.

IIest significatif de souligner, à ce propos, l'attitude-pilote adoptée par
le Pérou - pays presque démunide plateau continental - à la suite des
décisionsprécitéesdes Etats-Unis, du Mexique et de l'Argentine. ces deux

derniers retenant déjà,en plus du plateau continental, des zones exclusives
de la plate-forme épicontinentale. Comment, soulignait-on au Pérou, les
seuls Etats qui peuvent se prévaloir d'un phénomènenaturel leur permet-
tant d'annexer d'iinrnenses étendues de sous-sol et de haute mer, en
bénéficient exclusivement et condamnent ceux que la configuration

géographique dksavantage à végéterdevant les immenses richesses que
recèlent leurs eaux contiguës, et cela au profit d'entreprises capitalistes
mieux dotées que les leurs et puissamment protégées '. Les immenses
richesses que lui disputaient les puissances maritimes étaient les richesses

poissonnières incalculables que recèle sa plate-forme épicontinentale et
qu'il s'attachait à sauvegarder pour que ne soit pas tarie la production du
guanodans l'intérêd te l'économienationale, cet intérêt coïncidantd'ail-
leurs avec celui de la production agricole dans le inonde 4.

Aussi bien iine déclaration commune du Pérou, rlu Chili et de 1'Equa-
teur venait-elle renforcer cette revendication dans les tei-messuivants:

''Ln lirnite de 200 niilles est bien en deqi de ln largekir e\tr?nie du platenii con-
tinental qui atteintn certaines régions 1300 Arn.
Cité par Ci. Scelle. op. cit..36..
Cf. M. W. Mo~iiori, The C'ontiirc~titcrSllr11.80. qui s'eupriiiie coiiiiiie suit:
,Peru has an cvtra rcason, because tlie tisli foriii the food for guano birds, \\hicIl
are an econciiiiic asset to tlic count2y.
La jtirisprudcnce interne du PL:ri,i~(~ntirnii'cettethèse: j~igcnient d~itribunal de
Piata du 16 no~cnibre 1053 daris I'affaii-cde\ nd\ ircs O!,.iripic, Victoi.et aLili.es. 8. It will in fact loeobscrved that some of the acts mentioncd above,
forming part of State practice, had remained open to challenge as a

result of the extensicm which those acts gave to tlie appropriation of the
high seas. In partici.ilar, in the most western hemispheïe, such were the
laiçs, proclamations or decrees issued in 1946 by Argeiitina, in 1947 by
Peru, Chile aiid Ecu;idor, in 1948 byCosta Rica, and in 1950byHonduras
and El Salvador; these acts extended the bounds of the continental

shelf adjacent to tlie coasts of tliese States beyond tlie bi-eak in the
slope occurring at a depth between 130 3rd about 550 metres ', or, in
the absence of a submarine prolongation of territory in the forin of a
shelf, replaczd this with an area of the liigh seas, the continental slope

or the epicontinental platforin, limited by some of thesc acts to a minimum
of 200 miles from the coast 2, and left by otliers without any linlits
whatever.
It is relevant tn stress, in tliis connection, the guiding role played by
Peru-a country wi-iichis alniost without a continental shelf-as a result

of the above-mentioned decisions of the United States, Mexico and
Argentina, the last two of which already claimed, iii addition to the
continental shelf, otclusive areas of the epicontinental platform. How is
it, it \brasemphasi~cd in Peiu, that the only States &hich can take advan-
tage of a natural phenomenon which permits theni to ani?cx imineiise

areas of subsoil and of the high scas, can profit from them exclusively,
and can condemn tliose who aïe handicappcd by geographical configura-
tions to stand idlp by in face of the iinmense riches secieted by their
adjacent waters, and that to the profit of capitalist enterprises better

endowed than their own and powerfully protected '. The immciise riches
disputed between the maritime Powers and Peru wcre the incalculable
piscatory riches secretcd by its epicontinental platform, which it \vas
determilied to preserve in order that the production of guano should not
be prejudiced, in the interest of the national economy, whicli incidentally

coincided with the interest of agricultiiral production throughout the
world '.
Tlius a coinmon declaration by Peru, Chile and Ecuador proceeded
to reinforce this claiin in the followiiig teims:

Geneva Conference, Preparatory docunieiits. Vol. 1pp. 39-40.
The 200-iiiilc liinit is uell witliin the extreme uidtli of the continentalslielf
which in certain regio.ns is as much as 1,300 kiloinetres.
Quotcd by (3.Scelle,op. rit.p. 46.
CF. h.2W. . Mouton, Tlic Continolr~rl SI~clf. 80, uho \tates as follows: "Peru
has an extra reason. t.>ecausethe fish forni the food for guano birds. wliicli are an
economic asset to the coiintry."
the Tribunalonof I'iata of 26 Noveniber Pe1954,ain tliecaje of tlie ships,O/i.iiipii.,
Victor and otliers. 1,Les trois gouvernements signataires ont l'obligation d'assurer à
leurs peuples les conditions nécessaires à leur subsistance et à leur

développement économique et, par suite, le devoir de veiller à la
conservation, protection et utilisation de leurs ressources naturelles,
en empêchant qu'iine exploitation de ces richesses, hors de leur
contrôle, les mette en péril,au grand dommage des populations qui,
en raison de leur situation géographique, possèdent dans leurs eaux

ces sources irremplaçables de subsistance et de moyens économiques
vitaux . .. C'est pourquoi les trois gouvernements, décidésà assurer
à leurs peuples respectifs les richesses naturelles des eaux qui bai-
gnent leurs côtes . .. déclarent ... que les facteurs géologiques qui
conditionnent l'existence, la conservation et le développement de la
faune et de la flore maritimes ... ont rendu l'ancienne extension de la

mer territoriale et de la zone contiguë insuffisante pour garantir ces
richesses auxquelles ont droit les pays côtiers .. . En conséquence, ils
proclament comme norme de leur politique internationale maritime
la souveraineté et juridiction exclusives de chacun d'eux sur la mer
qui baigne ses côtes . . .jusqu'à une distance minimum de deux cents

milles marins desdites côtes ... cette juridiction et souveraineté
exclusives sur la zone susdite comprenant également la souveraineté
et juridiction exclusives sur le sol et le sous-sol qui lui correspon-
dent. »

Le Costa Rica, le Salvador et le Honduras adoptèrent successivemeiit
cette conception contre laquelle des puissances maritimes ne manquèrent
pas de s'élever '. Mais leur opposition n'a pas mis une sourdine aux
interventions des représentants des Etats à la conférence de Genève, pas

plus qu'aux voix d'éminents juristes qui relevèrent, notamment à la Com-
mission du droit international, les injustices dont souffriraient les pays ne
possédant pas un plateau continental ou n'en possédant qu'un très peu

Notes de protestation des Etats-Unis du 2 j~iillet 1948 au Péro~i,au Chili ea
l'Argentine, du 12décembre 1950 au Salvador et du 7juin 1951 à I'Eqiiateur; notes
du Royaume-Uni du 6 fébricr 1948 au Pérou et au Chili, du 9 février 1950 au Costa
Rica, du 12février 1950 au Salvador. du 23 avril 1951 au Honduraset du 14septein-
bre à I'Equateur. La France. sollicitée par le Royaume-Uni de faire connaître son
point de vue, appuya dans sa réponse du 7 avril 1951 les positions adoptées par les
deux autres grandes puissances maritimes.
Toutefois, le professeur anléricain L. Henkin, rejoignant les vues des paysd'Amé-
rique latine, écrit: «The United State. ..might consider also a declaration, alone
or with others, tliat under the Convention (of Geneva) it claims a slielf out to the
600. 1,000, 2,000 or even 3,000metres isobath, or out to 50, 100or more milesfroni
shore. (The MNirrul Resources of the Seus,p. 38-39.)
M. Henkin rapporte d'autre part que les Etats-Unis ont délivré des permis CONTINENTALSHELF(SEP. OP. A~I~IOUN) 108

"Governments are bound to ensure for their peoples access to
necessary food supplies and to furnihh them with the means of
developing tlie.ir econorny. It is tl~erefore the duty of each Govein-

ment to ensure the conservation and protection of its natural re-
sources and to regulate the use thereof to the greatest possible
advantage of its country. Hence it is likewise the duty of each
Government t'oprevent the said resources from being used outside
the area of its jui.isdiction so as to endanger their existence, integrity
and conservation to the prcjudice of peoples so situated geographi-

cally that their seas are irreplaceable sources of essential food and
economic matcerials. For thz foregoing reasons the Governments of
Chile, Ecuador and Peru, being resolved to preserve for and make
available to their respective peoples the natural resources of the
areas adjacent to their coasts, . .. declarr as follows:

Owing to the geological and biological factors affecting the exis-
tence, conservation and development of the marine fauna and flora,
... the former extent of the territorial sea and contiguous zone is
insufficient .. . [for] those resourccs, to which the coastal countries
are entitled . .. [They] therefore proclaim as a principle of their

international maritime policy that each of them possesses sole
sovereignty aiid jurisdiction over the area of sea adjacent to the
coast of its own country aiid extending not less than 200 nautical
miles from the said coast.
Their sole jurisdiction and sovereignty over the zone thus des-
cribed includcs sole sovereignty and jurisdiction over the sea floor

and subsoil thereof . .." ,'Englislz tcJ.rhy ikc Unitrd Nations Sccrc-
tariat.,;

In succession, Costa Rica, El Salvador and Honduras adopted this
concept, against v~hich the maritime Powers did not fail to protest '.
But their opposition did not succeed in muting the interventions of the
representatives of the States at the Geneva Confere~ice, any more than
it muted the voices of emineiit jurists who pointed out, particularly on

the International L.awCommission, the ir~justicewhich would be suffered
by countries which did not possess a continental shelf, or only possessed

' United States Protest Notes of 2 Jiily 1948 to Per~i. Cliilc and Argentins,of
12 Decembei. 1950 to El Salvador and 7 June 1951 to Ecuador: United Kingdom
Notes of 6 February 1948 to Perii and Cliile, of 9 Febriiary 1950 to Costa Rica, of
12 February 1950 to E31Salvador,of 23 April 1951 to Honduras and of 14 Septciiiber
to Ecuador. France, .which was asked by tlic United Kingdom to make its position
known. in rts reply of7 April 1951 gave its support to the positions taken up by the
two other great marifime Powers.
However. the Amcrican Professor L. Henkin, conciirring with the vie~s of the
Latin American countries. writcs: "The United States . . iiiiglit consider also a
declaration,alonc or with others. thatunder tlie Convention (of Geneva) itclairns a
more miles from shore.",0(TlicMirieru1eRe.so~rr.cesof the S<,u.c.pp. 38-39), 50, 100 or
Professor Henkin reports furtherniore tliat the United States lias granted permitsétendu '. IIfaut, en effet, se demander si ces prises de position, notamment

celles du Pérou, du Chili et de I'Equateur, n'étaientpas purenient décla-
ratoires d'une coutume déjà acquise, et que les oppositions des puissances
maritimes n'étaient pas par conséquent tardives.

De toute façon, la position de ces Etats s'est vue renforcée par deux
faits nouveaux.
En premier lieu, l'accord italo-yougoslave du 8 janvier 1968 délimitant
entre les deux parties la mer Adriatique dans toute sa largeur -. Sans

doute y est-il dit que la délimitation porte sur le plateau continental. Mais
il n'y a pas lieu de s'attacher aux termes quand le fait est clair. En effet, les
profondeurs de l'étendue délimitéeq ,ui sont en moyenne de 800 mètres,

atteignent 1589 métres. 11ne s'agit donc pas du plateau continental au
sens de l'article 1de la Convention de Genève à laquelle la Yougoslavie a
adhéré,car la ligne dedélimitation est au-delà non seuleii~eiitde l'isobathe
de 200 mètres, mais aussi des profondeurs perniettaiit, dans l'étatactuel

de la technique, l'exploitation des ressources naturelles du lit de la mer,
laquelle n'a pas encore atteint 200 mètres. Seule l'exploration est alléeau-
delà. C'est sur la plate-forme épicontinentale, à l'instar des pays de
l'Amériquelatine, que l'accord de la Yougoslavie et de l'Italie aurait donc

porté.

Lc second fait est celui de la revendication de l'Arabie Saoudite sur les
profondeurs de la mer Rouge qui vient d'être annoncée -'La mer Rouge

d'exploitation en haute mer qu'il énumère coninie suit: ('The U.S. has issued phos-
phate lea5es soine 40 niiles froiii the California coastin the Forty-Mile Bank area in
240 to 4,000 fret of watcr ... Oil and gas leases soiiie 30 niiles olf tlic Oregon coast
in about 1.500 fect of watcr; and ... (has) threatcned litiçation against creation of a
new islaiid by pri\.atc parties on Cortez Bank, about 50 iniles from San Cleiiiente
Island olf'the coast of California, or about 100 iiiiirs froiii thc niainland. Each
of the California areas ii, separated froin the coast by trenchcs as much as 4.000 to
5.000 fcct tfeep. Additionally. the Department of tlie Interior lias, by publisliing
OCS leasing rnaps, indicated an interest to assunie jurisdiction over the oçcan
bottom as far as 100 niiles ofï the Southcrn California coast in nater deptlis as grcat
as 6,000 fect. 1(Op. cir.. p. 38, note 117.)
' A la 67=seshion de la Coniniission de droit internationnl en 1950, J. L. Brierly
disait: sif tlic Coniniission was of the opinion tliat the rislit of control and j~irih-
diction dependcd on the presence of tlie continental shelf. itwas conimitting an
injustice towards certain co~intrics, sucli as Chile. that yossc~scd no continental
shclf ,JCi. Anikido et J. Spiropoulos appuyèrent la iiiCiiie thèse. le prenlicr en pro-
posant une liniitation linéaire des eauv de 20 niilles au-delà des c0tes. A la 117esession
de la C.D.I. cn 1951, J. M. Yépèssounlit lin projet dans ce sens, ~cavant le Pérou et
le Chili i l'espri8 .
Dupliqiie. ann. 7.
' Journal Lc Mon(/(, du 30 octobre 1968.
La nier Roiigc recèle des boues il-iètallifèresriclles en cuivre. zinc. etc. Dan? $es
profondeurs se trouvent des eaii~ cli:iiides sursalécs. Les dépots en solution ainsi que
l'énergie çcotlierniiqiie associccà ces eaux s~ir\ali.es olfrent des resbources réciipc-
rablcs dans iin avenir ~1~sep7cii éloigné.(Rapport du comitc spécialcité à la page 100.
note 2.)avait étémaintenue mure clausum, sous l'autorité des Arabes puis de
l'Empire ottoman, jusqu'au début du XIXe siècle. La déclaration saou-
dienne n'affecterait pas la liberté de la navigation. Et l'on ne peut s'em-
pêcherde faire le rapprochement du point de vue géophysique entre cette

mer, qui a une profondeur moyenne de 490 mètres et atteint 2359 mètres,
et la mer ~driati~ue. Une délimitation ne manquera pas d'êtrefixéepar
accord entre l'Arabie Saoudite et la République arabe unie qui lui fait
face.

9. Quelques extraits parmi les plus saillantes des déclarations émises

au cours de la conférencede Genèvesontdenature àillustrer le problème
qui nous occupe.
Le Salvador, se plaçant sur un terrain juridique, admit (les droits de
1'Etat riverain non seulement sur le plateau continental, mais aussi sur

une zone de pêche exclusive,ainsi que le droit de réglementer la conser-
vation des ressources naturelles dans les zones de la haute mer adjacentes
à la zone de pêche exclusive,étant convaincu que cette manière de voir
vaut reconnaissaiice de l'unitéjuridique des différentsaspects du droit de

la mer ln.
Le Ghana, à son tour, intervint pour évoquer les intérêtséconomiques
et sociaux de certains petits Etats, au nombre desquels le sien,pays jeune,
dont le plateau continental est trèsétroitpar suited'une descente abrupte

du Lit de la mer au voisinage des côtes, et qui dépend presque entière-
ment de la pêchepour son approvisionnement en produits protéinés.La
définition adoptée à la conférence, concluait-il, (pourrait tourner finale-
ment au détriment de ces Davs ". 11a étésimalé dans cette mêmeconfé-
1 , "
rente que la Côte-d'Ivoire est dans une situation presque analogue. Le
cri d'alarme du Ghana, au nom des petits pays, demeure, témoin d'une
préoccupante réalité 11.
Aussi bien la République arabe unie préconisa une limite fixe, quelle

que soit la profondeur de la mer, pour tenir compte du désir des pays
dépourvus de plateau continental ». La Norvège suggéraque la limite
soit baséenon sur la configuration du lit marin ou sur la profondeur des
eaux, mais sur la distance à partir des côtes. Cette solution, [(tenant

compte du principe de l'égalitédes Etats, serait plus équitable 4». Le
Guatemala estima opportun (de définir un nouveau concept, celui de la
terrasse continentale qui comprendrait une zone limitée par une ligne
tracée à une distance donnée de la ligne de base de la mer territoriale j 1).

La Yougoslavie proposa délibérémentune limite situéeà 100 milles des

Conftirence de Genève, vol. VI, par. 20 et 22, p. 29-30.
? Ibid., par. 22, p13.
Ibid., par. 7, p. 33.
Ibid., par. 21p. 6.
Ibid., par. 2, p. 38.as a mare clausum under the authority of the Arabs and then of the

Ottoman Empire ujp to the beginning of the 19th century. The Saudi
Arabian declaratiori is said not to affect freedom of navigation. A cor-
relation, from the geophysical point of view, between this sea, which has
an average depth of 490 metres and reaches 2,359 metres, with the Adri-
atic Sea, is inescapable. A deliinitation will undoubtedly be fixed by
agreement between Saudi Arabia and the United Arab Republic which is

opposite to it.

9. A few extracts from the most outstanding statements made in the

course of the Geneva Conference are appropriate to illustrate the problem
with which we are dealing.
El Salvador, adopting a legal standpoint, accepted "the rights of the
coastal State, not cmly over the continental shelf, but also over an ex-
clusive fishing zone.,and its rights to regulate the conservation of natural

resources in zones omtfhe high seas adjacent to that exclusive fishing zone,
in the conviction that that view constituted recognition of the legal unity
of different aspects of the law of the sea '".

Ghana intervened in turn to raise the question of the economic and
social interests of certain smaller States, including its own, a youngcoun-

try, which possessed a very narrow continental shelf as a result of a sharp
drop of the seabed near the coast, and which depended almost exclusively
on fisheries for its protein supply. The definition adopted by the Con-
ference, it concluded, "might operate to the disadvantage of those coun-
tries'". It was observed at the same Conference that the Ivory Coast

is in an almost identical situation. The cry of alarm by Ghana, on behalf
of the smaller countries, remains as witness to a disturbing reality.

The United Araki Republic proposed a fixed limit, whatever the depth
of the sea, in order that "consideration should be given to the desire of
countries without a continental shelf 3".Norway suggested that the limit

should be based, not on the configuration of the seabed or the depth of
the water, but on distance from the coast. Siich a solution, "in the light
of the principle of !<tateequality, would be fairer '". Guatemala thought
it advisable to "provide for a new concept, which might perhaps be termed
the 'continental terrace', comprising an area bounded by a line drawn

at a given distance from the baseline of the territorial sea of the coastal
State5 ". Yugoslavia made a forma1 proposal for a limit situated 100miles

l Geneva Conference, Vol. VI, p. 24, paras. 20 and 22.
Idein.,p. 1I. para. 22.
"detri., P.27, para.7.
Idetn., p. 5, para. 21.
Idem., p.31, para. 2. 111 PLATEAU CONTINEXTAL (OP. IND. AhlMOCiE; )

côtes, soit la moitiéde celle adoptée par le Pérou, le Chili et I'Equateur.

pour éviter le recours au double critère, le critère bathymétrique de 200
mètres de profondeur, et celui de la possibilité d'exploitation '.
L'opinion du Panama fut que ((le terme de base continentale serait plus
exact que celui de plateau continental puisque le premier désigne le

plateaucontinental et letalus continental '11.Enfin les Pays-Bas proposè-
rent, conformément 1~aux voeux exprimés par plusieurs représentants,
notamment celui du Panama,que l'ensemble de la marge continentale,qui
englobe à la fois le plateau continentalproprement ditet letalus coiitinen-

tal, doit êtrevisépar les articles 11de la Convention.

Enfin le Chili, 1'Equateur et le Pérou formulèrent une déclaration com-

mune confirmant celle précédemment citée.Ils y constatent que « I'ab-
sence d'un accord international suffisaiiinient large et juste, qui recon-
naisse et équilibreraisonnablement tous les droits et intérêts, ainsique les
résultats obtenus [à la conférence de Genève]laissent en pleine vigueur le

système régional du Pacifique sud )).Et ils y affirment leur résolution
d'aider ((au développenient d'un régimede la mer plus équitable 1).

10. Il semble cependant que la conférence de Genève ait fait un pas

dans la voie de l'extension du plateau contiiiental en stipulant, en son
article premier, que celui-ci s'étend jusqu'à l'isobathe de 200 mètres de
profondeur ou, au-delà de cette limite, jusqu'au point où la profondeur

des eaux surjacentes permet I'exploitatiori des ressources naturelles du lit
de la mer et de son sous-sol.
Cette extension fictive du plateau continental, opéréepar la Conven-
tion de Genèveaux dépensde la haute mer, enlèvede sa valeur à l'attitude

de ceux qui, l'ayant entérinée,s'opposent aux revendications d'Etats
que la nature n'a pas dotésd'un plateaucontinental et qui peuventtrouver
par une semblable extension fictive de celui-ci, des compensations Iégi-
times dans les ressources des eaux adjacentes à leurs côtes

' Ibid., par. 7. p. 39. par. 15. 51 et proposition (AjCONF.13/C.4/L.12).
Ihid., par. 24, p. 6.
Ibirl., par. 6. p. 43.
Ibid.,p. 149, doc. A/CONF.13'L.50.
On notera, eii outre, les réserves formulées en 1968 par ces trois Etats, ainsi que
par l'Argentine, Ic Brisil et le Salvador.àl'occasion du rapport du groupe de travail
au coniit6 spécial chargé par l'Assemblée gcn6r;ile des Nations Unies d'étudier les
citilisations pacifiques du lit des mers et des océans, coiisidirant en particulieque
les conclusicins di1 groupe de travail ne prijugent en rien les aspectsjuridiquede la
question .
j Cf. L. Henkin, Tllr Alinernl Resnitrce.of //le Scus,p. 23:,since geology was not
crucial to thelcgal doctririe, it was dificult to resist claims of ccastai States that had
no geological shelf, wliether in the Persian Gulf or in Latin America. JIfrom tlic coast. i.e.. half that adopted by Peru. Cliile and Ecuador, in
order tu avoid recoùirse to a double criterion, the 200-mctres depth cri-

terion and that of the possibility of exploitation '.
The opinion of Panama was that "tlie term 'continental base' uould
be inore acciirate than 'continental shelf', for the former referred to the
conti!~ental shslf and the continental slope "'. Fiiially the Nctherlands

prnposcd, '.in line with statements riiade by several representatives, in-
cluding the representatix of Panania, .. . that the uhole of the 'con-
tinental terrace', \\hich included botli the continental shelf proper and
the continental slopli. should be covered by the :~rticles 3" of the Con-

vention.
Finally. Chile, Ecuador and Peru made a common declaration con-
firining the one quoted above. In it they stated that "In the absence of
iiitcrnational agreeriieiit on sufficiently coniprehensive and just provisions

recognizing and crenting :ireasonable balance among al1 the rights and
interests. arid also iri \iew of the results of this Conference, thc regional
systeni applied in the soiithern Pacific . .. remains in full force" and they

therein affirmed their resolve to assist "in the establishment and extension
of a more just régirrieof the sea "".

10. It seems how~iverthat the Geneva Conference took a step in the
direction of an extension of the continental shelf when it stipiilated, in
Article 1. that this extends to tlic 200-metres depth line or, beyond that

liniit. to where the depth of the superjacent waters admits of the exploita-
tion of tlie natural resources of the seabed and subsoil.

This fictitious exti:nsion of the continental shelf. effected by the Genevu

Conventioii atthe expense of the high seas, weakens the case of tliose who.
having adopted it, oppose the claims of States which nature has not en-
dowed witli a contiriental slielf and which are able, by a similar fictitious
extension ~hereof. to find legitiiiiate compensation in the resources of

the \vaters adjacent to their coasts ".

Itli,i~ip. 32. parci. 7, p. 42. para. 15, and proposal (A CONF.13/C.4,'L.I2).
l(1~~11pr..5.para. 24.
' Itl<,/rp..35. plira. 6.
Itic'/~p.. 132. Doc. A!CONF. 13 L.50.
.4:tention jlio~ild he directcd also ;o the reservations made in 1968 by tliese three
Stateh :trialso bv .4rl:eiitina. Bra7il and El Salvador on tlic occasion of the report
of tliellorking Ciroiir to tlic At/Hoc Coininittee set ~iphv the Gencrril Asïeiiibly of
the L'nite<l Nations tci stiidy the pcacef~il uses of the sesbed and tlie occan floor,
"iinderstantling. in particulai.. that the c~~ncliisionsreaclied by the Worhing Group
in no \va> cotistitiite;ipreiiidginent concerninç the legal aspects of the q~iestion".
Cf. 1..flcnkin. Tlrr .?Titr<~io lso,irce.s of flic Sc,p. 23:". . .since :eologq was
not criicialto the lcgal d~ictrine. it \\aï ditiicult to resist claiins uf coa\tal States that
Iiad no gcological sl?clf, ~vheihcr in thc Pcrsian Gulf or ii~Latin Aiiierica." Les motifs à la base des revendications des uns et des autres étant
d'ordre économique, il est juste que les intérêts detous les Etats reçoivent
satisfaction sur un pied d'égalité.L'égalitédans la liberté avait été
adoptée depuis des siècles comme une notion propre au droit de la mer,

avant d'êtredéfinitivement étendue par la Charte des Nations Unies à
tous les domaines de la vie des nations et des individus, renouant la
tradition avec le droit romain, qui décelait la notion d'égalité dans le
concept de l'équité '. Cette notion ne devrait-elle pas demeurer le fonde-
ment du droit de la mer et de toute modification apportée ou à apporter

à ce droit: égalitéquant à la haute mer, égalité relativement aux dépen-
dances naturelles des terres, autant pour le plateau continental que pour
la plate-forme épicontinentale; en conséquence égalitédans la délimita-
tion des zones du plateau continental, laquelle étant la question à ré-
soudre dans la présenteinstance.

11. Au reste, les revendications de la plupart de ces pays remontent

aussi loin, sinon plus loin que le principe de la liberté de la haute mer.
Celle-ci, consacrée par la coutume en Occident depuis le XVIIe siècle,
n'était pas sans souffrir certaines limitations de droit. On peut citer:

a) Les eaux historiques (golfes, baies, etc.) telles que le golfe de Fonseca
en Amérique centrale, assimiléaux eaux intérieures; celui du Rio de
la Plata en Argentine; les baies de Delaware et de Chesapeake aux
Etats-Unis; celles de Miramachi, de Hudson et de Chaleurs, au

Canada; le golfe de Gascogne et la baie de Granville ou de Cancale en
France; le canal de Bristol en Angleterre; la baie de Conception en
Terre-Neuve; le golfe de Manaar et la baie de Polk aux Indes: le golfe
de Finlande; la baie du Lévrieren Afrique; les baies de Tunis et de
Gabès en Tunisie; la baie d'El Arab sur la côte méditerranéenne de

la République arabe unie: les golfes Arabo-Persique et d'Akaba dans
les mers arabiques 2.
b) Les pêcheriessédentaires et les pêcheriespar engins fixes dont les
règles coutumières ont été entérinées par la convention de Genève

: Cf. C. del Vecchio, Plzilosopliie ddroit,traduction française, p. 282, note1.
- Le caractére historique du golfed'Akaba a étécontesté à I'Asseniblée générale
des Nations Unies en février 1957. Les Etats-Unis ont déclarécependant se sournet-
du II fSvrier 1957à,Israël et déclaration du secrétaire d'Etat Dean Rusk du 5 marsum
1957). On lit dans le premier:c,In the absence of sonle overriding decision to the
contrary, as by the I.C.J., the U.S., on behalf of vessels of U.S. registry, is prepared
to evercise the right of free and innocent passage and to join with others to secure
general recognition of this righ1,Et dans la seconde: the U.S. view is that the
passage should be open unless there is a contrary decision by the I.C.J. Inasinuch as the basic motivation of the claims of al1 concerned is
economic in nature, il:is fair that the interests of al1States should receive

satisfaction on a basi:; of equslity. Equality in freedom had for centuries
been adopted as a notion peculiar to the law of tlie sea, before being
definitively extended by the Charter of the United Naiions to every
domain of the life of nations and of individuals, thus linking tlie tradition

with Roman law, whiichdiscerned the idea of equality in the concept of
equity l. Should not this idea remain the foundation of the law of the
sea, and of any modification made or to be made to that law: equality
as to the high seas, equality concerning the natural dependencies of the
land, both for the coiitinental shelf and for the epicontinental platform;

consequently, equality in the delimitation of areas of the continental
shelf, which is the question to be resolved in the present proceedings.

II. Moreover, the claims of the majority of these countries go back
as far as. if not furtlher than, the principle of the freedom of the high

seas. This freedom, hallowed by custom in the West since the 17th cen-
tury, was not entirel:y free from legal limitations. There might be men-
tioned :

((1) Historic waters (gulfs, bays, etc.) such as the Gulf of Fonseca in
Central America, assimilated to interna1 waters; the Gulf of the
River Plate in Argentina; the Delaware and Chesapeake Bays in
the United States; the Bays of Miramachi, Hudson and Chaleurs

in Canada; the Gulf of Gascony and the Bay of Granville or of
Cancale in France: the Bristol Channel in England; the Bay of Con-
ceptioii in Newfoundland; the Gulf of Manaar and the Bay of Polk
in India: the Gulf of Finland; the Baie du Lévrier in Africa; the
Bays of Tunis and Gabès in Tunisia; the Bay of El Arab on the

Mediterranean coast of the United Arab Republic; the Arabian-
Persian Gulf and the Gulf of Aqaba in the Arab seas 2.
(h) Sedeiitary fisheries and fisheries witli fixed equipment, thecustomary
rules relating to wliich were adoptsd by the Geneva Convention of

' Cf. C. del Vecchio, Philosopiric~ddroit,p. 282, note 1.
'The liibtoric character of the Gulf of Aqaba was disputed in the Gcneral
Asse!nbly of the United Nations in February 1957. The United States declared
homever that. shnuld the case arise. it would acçept the decision of the International
Court of Justice (Menioranduni of II Febr~iary 1957 to lsrael and Declaration by
Secretary of State Dean Rusk of 5 March 1957). Tlie former states tliat: "In the
absence of sonie overritling decision to tlie contrary. as by tlie InternatiCourt
of J~istice. tlie United States. on behalf of vessels of UnitedStates registry, is prepared
to exercise the right of free and innocent passage and to join with others to seciire
gener:il recognition of this riglit", and the latter states ". .The United States
vie\\ is lhat the passage shoiild bc open ~inless there is a contrary decision by the
InternationalCourt of .Justice." du 29 avril 1953sur la haute mer. On peut signaler, à titre d'exemple,
les pêcl-ieriesde Ceylan et de Bahrein (golfe Arabo-Persique), les

bancs de corail en Méditerranée au large des côtes d'Algtrie, de
Sicile et de Sardaigne, enfin d'innombrables pêcheries en mer Rouge,
et dans les mers d'Extrême-Orient l.

c) Les zones préférentiellesde pêcheque possèdent oii revendiquent un
certain nombre d'Etats pour des raisons spéciales d'ordre écono-
mique vital. au nombre desquels figurent le Pérou,le Chili, I'Equateur,

la République arabe unie, l'Islande, etc.2

12. En définitive, les droits que réclament ces Etats, depuis les Etats

de l'Amérique latine, jusqu'à ceux de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique,
reposent, selon le cas, sur des titres historiques ou sur une coutume ré-
gionale auxquels l'établissement de la coutume de la liberté de la haute

mer n'a pu, ou ne peut porter atteinte en raison de leur antériorité
ou de leur effictivité; alors que les droits instaurhs sur le plateau con-
tinental sont censés s'exercer ipso jlrrcJ,sans le secours de I'effectivité.

Ces Etats peuvent en conséquence se prévaloir de l'adage quietu plon
rnovcr-e et se retrancher derrière des situations consolidéespar le temps "
qui se sont muées enrèglesde droit objectif ne souffrant plus désormais
d'éventuelles protestations 5. La réaction sociale, faut-il conclure, est en

Les pêcheries d'huitres perlières de Ceylan et de Bahrein avaient déjà retenu
l'attention de Vattel (Droit des Kens. 1758). M. Ph. Jessup rappelait aussi que les
pécheries de perles de Ceylan remontent dans l'histoire jusqu'au VIC siècle av.
J.-C. (TlicLuw ofTerritoriui Wrctors,1927. p. 15). Tandis que celles du golfe Arabo-
Persique agrémentaient, coinme on sait, ver5 l'an mille, les Contes des n~iiiret irtrc
nrrits.
Aussi, M. W. Mouton a-t-il pu écrire: We believe. that prescriptivc rights could
develop q~iietly, and had existed long enoujh to be respected when peoplc became
conïcious of the freedom of thc seas. ,.(Op. cit., p. 145.)
Cf. L.. Henkin, op. rit.. p. 26: CSome writers saw in the cases on sedentary
fisherieî and subniarine mining a basis in c~istomary la\\: for the Truman Procla-
mation and for the later Convention on the Continental shell'. JI
Ihid.. p. 27:(Some of thcni [the cases cited against res corn~riunis]occiirred before
the freedoni of the sea \\.as cstablished as a principle of the internationallaw. In the

few cases involving pearl or oyster fisheries the clainis werc bascd not on occupation,
but on prescription or liistoric rights.'8
Voir sentence arbitrale du 13 octobre 1909 en l'affaire des Grishudarrru entre la
Suède et la Norvége, où il est dit que c'est un principe bien ctabli qu'il faut s'abs-
tenir autant que possible de modifier l'état de choses existant de fait et depuis
longtemps>'. Principe de droit généralappuyé notamment par G. Gidcl, Le droit
ititerr~ationalprrhlicde la nwr, III, p. 674. Ainsi de mêmeen droit musulman, Majallar
El Al~kanl, art. 5.
Le tribunal arbitral. dans l'affaire des Pêclleriesdes côtes septentrionales de
I'Atl~o~tiyue,a reconnu dans sa sentence du 27 janvier 1909 que «les conventions et
l'usage établi peuvent ètre considéréscomme un titre pour réclamer comme terri-
toriales les baies qui, pour ce motif, peuvent ètre appelées baies historiques l'.
Cf. Ch. de Visscher, Probl<;rnesd'interprétation judiciaire en droit internationai
public, p. 176. 29 April 1958 on the High Seas. There might be mentioned, as
examples, the fisheries of Ceylon and Bahrain (Arabian-Persian
Gulf), the coral banks in the Mediterranean off the coasts of Algeria,

Sicily and Sardii~ia, and lastly innumerable fisheries in the Red Sea
and in the seas of the Far East l.
(c) Preferential fishing zones possessed by or claimed by a certain

number of States for special reasons of a vital economic nature,
including Peru, Chile, Ecuador, United Arab Republic, Iceland,
etc.

12. In fact, the States which claim rights of this kind, from the States
of Latin Arnerica to those of Europe, Asia and Africa, rely, according
to the case, on historic title or on regional custom, which could not and
cannot be prejudiced by the establishment of the custom of the freedom

of the high seas, by reason of the priority or effectiveness of the former;
whereas rights over the continental shelf are considered to be exercised
ipso jure, without the aid of effectiveness.

These States can consequently avail themselves of the adage quieta
non movere 3, and take shelter behind situations consolidated by time
which have changed into rules of law, no longer admitting for the future
of any possible prot<:sts The feeling of society, it must be concluded,

'The pearl oyster fisheries of Ceylon and Bahrain had already received the
attention of Vattel (The Law of Nations, 1758). P. C. Jessup (The Law of Territorial
Watc,r~, 1927, p. 15). also recalled that the pearl fisheries of Ceylon go back in
history as far as to the sixth century B.C. Whilst those of the Arabian-Persian Gulf
were, as is well known, rnentiuned about the year 1000 in the Arahian Nights.

M. W. Mouton was tlius able to write: "We believe, that prescriptiverightscould
develop quietly, and had esisted long enough to be respected when people became
conscious of the freedorn of the seas" (op. rit., p. 145).
?Cf. L. Hcnkin, op. cit., p. 26: "Some writers saw in the cases on sedentary
fisheries and submarine inining a basis in customary law for the Truman procla-
mation and for the later Convention on the continental shelf."
I/~id.p.27: "Some of them(the cases cited açainst res cotnrt~trtiis)occurred before
the freedom of the sca was established as a principle of the international law. In the
few cases involving pearl or oyster fisheries the claims were based not on occupation,
but on prescription or historic rights."
See Arbitral Award of 13 October 1909 in the Grisbatlurna case between Sweden
and Norway, where it is stated that "it is a settled principl... that a state of things
which actually cxists and has esisted for a long timc should be changed as little as
possible". This is a principle of general la\v supported particularly by G. Gidel,
Le tlroir irztcrriationulprt/~li/ritrier, Vol. III, p. 634. It is also the case in Muslim
law, ,Mrrjallut El AIiXui~z,Art5.
The Arbiiral Triburial, in the North Atlontic Coast Fisheries case, recognized in
its nward of 27 January 1909 that "conventions and established usage might be
considered as the basis for claiming as territorial those bays which on this ground
might be called historic bays".
Cf. Ch. de Visscher, Problèmes d'interprétation jrtdiciaire en droit international
public, p. 176.somme favorable à la reconnaissance des droits historiques, qu'elle se

manifeste dans le comportement des Etats, dans les décisions judiciaires
ou arbitrales, ou dans la doctrine. 11n'est pas en outre exclu que des
situations de droit semblables voient le jour par le jeu normal de la
création juridique.

13. Sans doute faudrait-il ajouter que le fait pour les articles 1 à 3
de la Convention sur le plateau continental d'être a l'abri de toute réserve

à l'occasion de la signature de celle-ci ou de sa ratification, n'entraîne
aucune contradiction ou incompatibilité entre le concept du plateau
continental et celui de la plate-forme épicontinentale; l'étendue de la
plate-forme s'ajouterait purement et simplement, le cas échéant,à celle
du plateau. La déclaration de l'Argentine du 9 octobre 1946 proclame

ainsi sa souveraineté sur l'une et I'autre étendue simultanément '. La
déclaration du Mexique du 29 octobre 1945 réclamant des zones de
pêche exclusivesau-delà du plateau continental a été interprétée comme
exprimant la mêmeconception ?.Tout comme au cours de la conférence

de Genève, des propositions ont étéformulées qui joignaient au plateau
le talus continental. Pour tout dire, le concept de la plate-forme épicon-
tinentale ne constituerait pas une dérogation à la définition du plateau
continental de l'article 1; le plateau et la plate-forme ne seraient pas
exclusifs I'un de I'autre; ils seraient appelés, au point d'évolution actuel

du droit, à se compléter I'un l'autre pour répondre à des situations de fait
différentes par certains côtés, semblables par bien d'autres.
On ne peut donc envisager désormais le concept du plateau continental
en perdant de vue le concept parallèle ou complémentaire de la plate-
forme épicontinentale.

14. Deux questions complémentaires subsistent, qu'il convient de
résoudre pour donner du concept ou du statut juridique du plateau
continental une vue complète, répondant aux impératifs de la discussion
dans la présente affaire :

a) Le plateau continental relève-t-il de la notion de contiguïté, ou doit-il
êtreconsidéré plutôt comme un prolongement naturel sous-marindu
territoire de I'Etat riverain?

h) Le plateau continental consiste-t-il en une extensionde la souveraineté
territoriale, ou confère-t-il simplement soit des droits souverains,
soit des droits exclusifs?

l On lit en effet dans ladite déclarati1It is hereby declared that the Argentine
epicontinental sea and continentalshelf are subject to the sovereign power of the
nation.1,
Cf. M. W. Moiiton, Tlre Contitiet7tul Slrp.f74.is in general favour;lble to the recognition of historic rights, whether
such recognition be shown by the conduct of States, by judicial or ar-
bitral decisions, or in thc teaching of publicists. Furthermore the possi-
bility is not excluded of similar legal situations coming to birth by the
normal operation of legal creation.

13. It must. of course. be added that the fact that Articles 1 to 3 of

the Convention on tlie continental Shelf are not subject to any reserva-
tions at the time of the signature or ratification of the Convention, does
not involve any contradiction or incompatibility between the concept of
the continental shelf and that of the epicontinental platform; the area
of the platform would simply have to be added, when appropriate, to

the area of the shelf. Thus the Declaration by Argentina of 9 October
1946 proclaims its sovereignty over both these areas simultaneously l.
The Declaration by bdexico of 29 October 1945claiming exclusive fishing
zones beyond the continental shelf has been interpreted as expressing
the same conception 2.Similarly in the course of the Geneva Conference,

proposais were formulated to join the continental slope to the shelf.
To sum up, the situation is that the concept of the epicontinental plat-
forin does not constitute a derogation from the definition of the continen-
tal shelf in Article 1; the shelf and the platform are not mutually exclu-
sive; in the present sitageof development of law, they are called upon to
supplement each other in order to meet factual situations differing in

some ways and resenibling each other in many others.
It will therefore be impossible henceforth to consider the concept of
tlie continental shelf without having regard to the parallel or supplemen-
tary concept of the epicontinental platform.

14. Two suppleme.ntary questions remain, which should be resolved
in order to give a complete picture of the concept or the legal status of
the continental shelf, satisfying the requiremcnts of the arguments in the
present case :

(a) 1s the continental shelf referable to the concept of contiguity, or
should it be considered rather as a natural submarine prolongation
of the land terrilory of the coastal State?
(b) Does the continental shelf consist of an extension of territorial

sovereignty, or tloes it simply confer rights, either sovereign rights
or exclusive rights?

The said Declaration reads:"lt is hereby declared that the Argentine epiconti-
nental sea and continental shelf are subject to the sovereign power of the nation."

Cf. M. W. Mouton, The Cotitinentui Shelf: p. 74.

115 15. Le plateau contiiiental relève-t-il de la notion de contiguïtc, ou
doit-il êtreconsidérépiut6t comme un prolongement naturel sous-niarin
du territoire de I'Etat riverain?

La thèse de la contiguïtf soutenue dans les contre-inémoires et au
cours des plaidoiries des repr6sentants du Danemark et des Pays-Bas.
selon laquelle les régions sous-inarines se trouvant plus proches d'~iii
Etat sont censéesrelever de celui-ci plutôt que d'un autre, résulterait de

la définition mêniedu plateau continental à I'article I de la Con\.entioii y
relati\.e, et serait inliirente à l'idke que cet Etat possède ipso jurr, uii
titre ou desdroits exclusifs sur ces régions.Qu'ainsi un lien direct et esseii-
tiel, eii d'autres termes inhérent et non point simplement implicite, fondé
sur la rutiu lc~is du concept fondamental du plateau continental, aurait
éti établientre celui-ci et la règlede dkliinitation de l'article 6.

Cette conception iie semble pas reçue en droit international, ainsi
qu'il ressort notamment de la sentence di1 23 jaiivier 1925 daiis l'affaire
de 1'11<(~/il Palt?~us.Celle-ci, rendue par l'un des trois grands arbitres
suisses, M. Huber, a mis en relief le fait qu'il est inipossible d'établir
l'existence d'une règle de droit international positif en vertu de laquelle

des îles situées en dehors des eaux territoriales appartieiidraient à uii
Etat par le simple fait que le territoire de cet Etat constitue la tcJrrtr
firrna, ou la terre la plus proche ayant une superficie importante 11.

Cette décision, cominunémeiit acceptie, tranche aussi, par analogie, le

cas des régions sous-niarines.
Là où I'arguineiitation des contre-mémoires se trouve aussi catago-
riquement condatiinke par la jurisprudence parce que violant ouverte-
ment, dans l'interprétation des textes, le sens natiirel des mots, c'est
lorsqu'elle soutient que le terme ri(ljiic~;q~iifigure à l'article 1 de la
Convention sur le platenu contineiital est l'équivalentd~itermef;quitlisra~zr,

pour eii déduire que ledit article qui dkfiiiit le plateau continental déter-
mine eii mêmetempsla règledestirife h ledblimiter, ilsavoir I'&quidistaiice.
Pciurtant, si telle avait été l'intention (les auteurs de la Conveiitioii, ils
l'auraient exprimée au lieu de la laisser déduire aussi laborieiiseinent.
Rien d'ailleurs ne transparaît dails les travaux préparatoires appuyant

cette opinion, ainsi que la Cour I'imontré eii se rt5férailtaux documeiits
de la Commission du droit international ct du coinité des experts. Eii
re\,anche, l'emploi du terme ctrljtrc~c~isi'texplique n:iturellement par
l'intention de circoiiscrire le plateau coiitincntal à une partie restreinte de
la Iiaute iner, celle qui prolonge les cotes, à I'cxcl~isioiidu large. II serait
d'ailleurs dificile d'admettre que les auteurs de la Convention aient

employé dans le mêmesens, contrairement à une bonne technique légis-
lative dont ils connzissent les subtilités et les conséquences, deux mots
absolunient différents. Le ternie rrrljrrcc~iltie vise que la constatatioii cle 15. 1s the continental shelf referable to the concept of contiguity, or
should it be considered rather as a natural submarine prolongation of the

land territory of the coastal State?

The argument of contiguity put forward in the Counter-Memorials
and in the course of the speeches made by the representatives of Denmark

and the Netherlands, to the effect that the submarine areas nearest to a
State are presumed to appertain to it rather than to another State, is
claimed to follow fr'omthe actual definition of the continental shelf given
in Article 1 of the relevant Convention and to be inherent in the idea that
that State possesses ipsojure a title to these areas or exclusive rights over
them, and thus a direct and essential link-in other words, a link that is
inherent and not mirrely implicit-founded on the ratio legis of the fun-

damental concept oifthe continental shelf is said to have been established
between that concept and the delimitation rule of Article 6.
This view would ~iotseem to be accepted as a rule of international law,
as is clear, in particular, from the Award dated 23 January 1925 in the
Island of Palmas case. That Award, delivered by one of the three great
Swiss arbitrators, M. Huber, stressed that "it is impossible to show the

existence of a rule of positive international law to the effect that islands
situated outside territorial waters should belong to a State from the mere
fact that its territory forms the terrafirma (nearest continent or island of
considerable size)".
This decision, which is generally accepted, also, by analogy, resolves
the case of submarine areas.

The line of argument advanced in the Counter-Mernorials is also cate-
gorically refuted by previous judicial decisions inasmuch as, in the inter-
pretation of the texts, it openly violates the natural meaning of the words,
when it maintains that the terin "adjacent" which appears in Article 1
of the Convention on the Continental Shelf is the equivalent of the term
"equidistant", and proceeds to deduce therefrom that the said Article
which defines the continental shelf at the same time determines the rule

by which it is to be delimited, namely the equidistance rule. But if such
had been the intention of the authors of the Convention, they would
have cxpressed it. instead of allowing it to be deduced in such a laborious
fashion. Further, nothing is to be found in the travaux prépararoiresin
support of this opinion, asthe Court has shown by referring to the docu-
ments of the International Law Commission and the Committee of Ex-

perts. On the other liand, the use of the terni "adjacent" is natural!)
explained by an intention to confine thc continental shelf to a limited
part of the high seais,that part which prolongs the Coast, to the exclusion
of the open sea. It wouldmoreover be difficult to accept that, contrary
to good legislative technique, the subtleties and consequences of which
were well known to them, the authors of the Convention used in the same 116 PLATEAU CONT'INESTAL (OP. IND. AMMOUN)

la situation réciproque de deux territoires, ou de deux espaces maritimes
voisins. Par contre, le terme &quidistatzt se rapporte à une mesure à fixer
entre les deux territoires ou les deux espaces maritimes adjacents.

Enfin ilne serait pas superflu de souligner la gravité des conséquences
qu'entraînerait l'acceptation de cette thèse. Elle justifierait des acquisi-
tions territoriales ou maritimes auxquelles répugnent les principes fon-

damentaux du droit international contemporain: telle l'appropriation
de grands espaces dans l'océan Arctique et le continent Antarctique;
appropriation qui se réclameen mêmetemps de la doctrine des secteurs,
laquelle rappelle par certains de ses éléments laconception abandonnée

des sphères d'influence; telle aussi la politique déduite du traité de
Berlin de 1885, lequel, après avoir découpé l'Afrique considérée comme
rrs nullius, tolérait l'extension de la souveraineté à partir de la côte qui
avait été effectivement occupée. Etne faudrait-il pas ajouter à ces exem-

ples la doctrine de l'espace vital s'étalant au-delà des confins du pays?

16. Le plateau continental se conçoit par contre comme un prolonge-
ment sous-marin du territoire. Prolongement naturel, sans solution de
continuité. Il ne s'agit donc pas d'une fictionjuridique contestable, mais
de la réalité géologique.

C'est sur cette idéeque se sont fondésles Etats qui ont ouvert la voie
des revendications sur le plateau continental (Etats-Unis) ' ou sur la
plate-forme épicontinentale (Mexique, Argentine, Pérou) 2. La doctrine
lui est généralement favorable 3,et la Commission du droit international

l'a faite sienne.
Cette conception peut d'ailleurs se déduire de celle de la mer terri-
toriale universellement admise, elle-même une prolongation ou une
extension du territoire national.
Une réserve est cependant à faire: c'est qu'il ne faudrait pas déduire

de l'unité du territoire et du plateau ou de la plate-forme, l'unité du
régime légal. La différenceapparaîtra lors de l'examen de la question
suivante relative aux droits des Etats riverains.

La jurisprudence vient à l'appui de ce raisonnement avec l'arrêt de

' La proclaniation Truriian dispose dans son quatrième paragraphe: 1since the
continental shelf rnay be regarded as an extension of the land-mass of the coastal
nation and thus naturally appurtenant to itY.
Ces Etats ont cniployé des tern-ies semblables à ceux figurant dans la procla-
mation Truman. On y lit: fiThe continental shelf forrns a single morphological and
geological unity with the continent.
Cf. les auteurs mentionnés par M. W. Mouton, op. cit.p,. 33.sense two absolutely different words. The term "adjacent" refers only

to the fact of the reciprocal situation of two territories or of two neigh-
bouring maritime areas. The term "equidistant", on the contrary, relates
to a ineasurement to be determined between the two territories or the
two adjacent maritime areas.
Finally, it would not be superfluous to stress the seriousness of the
consequences which the acceptance of this argument would involve.

It would justify territorial or maritime acquisitions repupnant to the
fundamental principles of contemporary international law : for example
the appropriation oiflarge areas of the~~rctic Ocean and the Antarctic
Continent, an appropriation which also relies on the doctrine of sectors,
which doctrine, in certain of its elements, is reminiscent of theabandoned
concept of spheres of influence; for example also, the policy derived

from the Berlin Treaty of 1885, which, having divided up Africa, con-
sidered as res nullius, permitted extension of sovereignty starting from
the coast which had been effectively occupied. And should there not be
added to these examples tlie doctrine of Lebensraum extending beyond
the bounds of a country?

16. The contineni.al shelf is to be conceived, on the contrary, as a
submarine prolongation of the territory: a natural prolongation, with-
out breach of contiinuity. It is not therefore a question of a debatable

legal fiction, but of geological reality.
It was this idea aihich was adopted as basis by the States which led
the way in respect of claims over the continental shelf (United States) ',
or over the epicontinental platform (Mexico, Argentine, Peru) ?.The
authority of legal writers is generally favourable to it 3, and the Inter-
national Law Comniission made it its own.

This concept can iilso be deduced from the concept, universally recog-
nized, of the territorial sea, which is itself a prolongation or extension of
the national ter rit or:^.
Ttis, however, neccssary to make a reservation; nanicly that there must
not be deduced from the unity of the territory and of the continental shelf

or the platform, a unity of legal régime.The difference will appear in the
course of examination of the following question concerning the rights of
coastal States.
Judicial decisions support this reasoning, with a Judgment of this

' The Truman Proclamation provides in its fourtli paragraph:"... since the
continental shelf may he regarded as an extension of tlie land-niass of the coastal
natiThese States used tcrms siniilar to those which appear in the TrumanDeclaration.
The following wording is used: "The continental shelf forms a single morphological
and geological unity withthe continent."
Cf. the writers iiientioned by M. W. Mo~iton,op.cit.. p. 33.cette Cour même,celui du 18 décembre 195 1 dans l'affaire anglo-norvé-

gieiine des Pêchcrics, aux termes duquel ((c'est la terre qui confère à
I'Etat riverain un droit sur les eaux )jet qui peut comprendre tout aussi
bien le fond de ces eaux. Du reste il est apparu que la conférence de
Genève s'est inspirée de cet arrêt daiis sa conception du plateau con-
tinental.

17. Le plateau contineiital consiste-t-il en une extension de la souve-
raineté territoriale, ou confère-t-il simplement des droits exclusifs ou des
droits souverains'?

Le comportement des Etats est divers et changeant. On peut néan-
moins distinguer trois attitudes qui correspondent à la triple alternative
que comporte la dernière question posée pour en terminer avec le statut
juridique du plateau continental: une attitude nord-américaine qui

s'nttaclie à la notion d'exclusivité,une attitude sud-américaine revendi-
quant la souveraineté territoriale, enfin l'attitude de Genève, qui a
abouti à la Convention consacrant des droits qualifiéstout à la fois de
souverains et d'exclusifs.

La proclamation Truman revendiquait un droit exclusif sur le plateau
continental et, sans prétendre à y exercer une souveraineté formelle,
n'affirmait pas moins que le Gouvernement américain considère les
ressources naturelles du sous-sol et du lit de la mer et du plateau con-

tinental, au-dessous de la haute mer et contigus aux côtes des Etats-Unis,
comme leur appartenant et sujets à leur juridiction et à leur contrôle.
Les déclarations en chaîne qui suivirent ne se sont pas toutes abstenues
de proclanier la souveraineté de 1'Etat côtier sur le fond et le tréfond de
la haute mer. Ce fut le cas de la plupart des Etats de l'Amérique latine
ayant étendu leur souveraineté jusqu'à 200 milles marins sur la plate-

forme épicontinentale ou au-delà.
Quant à la conférence de Genève, après avoir balancé entre la notion
des droits exclusifs et celle des droits souverains, elle a opté pour cette
dernière dans l'article 2, paragraphe 1, de la Convention et, dans le
paragraphe 2 du mêmearticle, elle a qualifiéles droits souverains d'ex-
clusifs.

Les Etats-Uiiis, dont il a étéquestion ci-haut, se rangèrent à cette
dernière conception en ratifiant lakonvention. CONTINENTALSHELF(SEP. OP. AMMOUN) 117

Court itself, that of18 December 1951in the Anglo-Norwegian Fisheries
case, according to the terms of which "it is the land which confers upon
the coastal State a right to the waters", which can just as well include the

bed of the waters. IIis moreover apparent that the Geneva Conference
was guided by this Judgment in its conception of the continental shelf.

17. Does the continental shelf consist of an extension of territorial

sovereignty, or does it simply confer rights, either sovereign right or
exclusive rights?

The conduct of States is various and subject to change. Nonetheless

three attitudes may be discerned which correspond to the three possibili-
ties comprised in the:last question raised, in order to round off the ques-
tion of the legaltatu of the continental shelf: a North American attitude
which holdsfast to thenotion of exclusiveness; a South American attitude
claiming territorial sovereignty; and lastly the Geneva attitude, which
culminated in the Convention sanctioning rights qualified simultaneously

as sovereign and exclusive.

The Truman Proclamation claimed an exclusive right over the con-
tinental shelf, and without claiming to exercise forma1 sovereignty there-

over, nonetheless afbrmed that the American Government regarded the
natural resources of the subsoil and of the seabed and of the continental
shelf, beneath the high seas and contiguous to the coasts of the United
States, as appertaining to it and subject to itsjurisdiction and control.
The series of declarations which followed did not al1refrain from pro-
claiming the sovereignty of the coastal state over the bed and subsoil of
the high seas. This was the case with the majority of the States of Latin

America which exteinded their sovereignty for 200 nautical miles over the
epicontinental platform, or beyond.
As for the Genevn Conference, after navering between the concepts of
exclusive rights and sovereign rights, it opted for the latter in Article2,
paragraph 1,of the Convention, and in paragraph 2of the same Article,
it described the sovereign rights as exclusive.

The United States. mentioned above, ranged itself on the side of this
latter concept by ratifying the Convention. 118 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. A~IMOUN)

18. Cependant, quelque variéeque soit la pratique des Etats, on doit
pouvoir la ramener sous la dépendance d'un double critère. Les droits
que les Etats riverains peuvent exercer sur le plateau continental ou la
plate-forme épicontinentale sont en effet susceptibles d'êtredéterminés

tout ensemble par les objectifs économiques qui leur sont assignés, et
par la considération que la liberté de la haute mer ne doit être affectée
que dans la mesure où l'exige la réalisation de ces objectifs. Autrement
dit, s'agissant d'un principe du droit des gens auquel l'évolution écono-
mique, sociale et politique, ainsi que les progrès scientifiques et techno-
logiques sont de nature à apporter des dérogations nécessaires, les

droits que 1'Etat riverain peut exercer sur le plateau continental ou la
plate-forme épicontinentale sont A limiter à ceux que justifie la réalisation
des fins pour lesquelles ils ont étéinstitués. Soit, généralementparlant,
exploitation exclusive, vis-à-vis des autres Etats, des 1-essources sous-
marines dans un cas, de la pêchedans l'autre.
Quant au caractère souverain attribué à ces droits, il s'agirait, dans les
trois situations observées, d'une souveraineté territoriale plus ou moins

démembrée,dont certains attributs s'exercent sur le plateau continental
ou la plate-forme épicontinentale. Le contenu juridique des droits
souverains reste limité aux actes strictement nécessaires à l'exploration,
à l'exploitation ou à la protection des ressources du plateau continental,
à l'exclusion des eaux et de l'espace surjacents. De même,le contenu
juridique de ce qui a étéappelé souverainetépar les Etats de l'Amérique

latine est limité aux objectifs précités,auxquels s'ajoute la pêche, exclu-
sion faite de la liberté de la navigation et du droit de poser et d'entretenir
câbles et pipe-lines. Dans aucun cas il ne s'agirait, par conséquent, de la
souveraineté telle qu'elle s'exerce sur la mer territoriale.

19. Le double critère des objectifs économiques assignéaux droits des

Etats riverains et du respect dans la mesure nécessaire de la liberté de
la haute mer, exclut naturellement l'utilisation du plateau continental,
tout comme la haute mer, a des fins militaires. La liberté de la haute
mer, principe de droit des gens positif, demeure intangible tant qu'une
règle de mêmenature n'y a pas apporté des restrictions en énonqant des
droits individuels que des Etats seraient à même d'y exercer.'

20. On constatera par la suite que les trois Parties en la présente
affaire sont liéespar les dispositions de l'article2 précitéde la Conven-

' Ce raisonnement ne semble pah avoir étécelui du comité spécial chargé par les
Nations Unies d'étudier les utilisations pacifiques dudes mers et des océans. 18. Nonetheless, Iiowever varied State practice may be. it should be
possible to make it subject to a dual criterion. The rights which coastal
States can exercise over the continental shelf or the epicontinental plat-

form are capable of being determined as a group by the economic objec-
tives given for them, and by the consideration that the freedom of the
high seas should not be affected except to the extent required for the
realization of tliese objectives. In other words, since it is a question of a
principle of the law of nations from which economic, social and political
development, as well as scientific and technological progress, may bring

about necessary derogations, the rights which the coastal State can exer-
cise over the contint-ntal shelf or the epicontinental platforni should be
limited to those which can be justified from the standpoint of the realiza-
tion of the ends for which they were instituted, that is to say. generolly
speaking, the exclusive exploitation, as against other States, of submarine
resources in the one case, or of fishing in the otlier.

.ASto the sovereign character attributed to tliese rights, it wo~ildLippear,
in the three situatioris to whicli attention has been drawn, to be a case of
a somewhat dismembered territorial sovereignty, of which certain at-
tributes are exerciscd over the continental shelf or the epicontinental
platform. The legal content of the sovereign rights remains limited to
those acts which ari: strictly necessary for the exploration. exploitation

or protection of the resources of the continental shelf, to the exclusion of
the waters and of the area lying above them. In the same way, the legal
content of what has been called sovereignty by the Statesof Latin America
is limited to the objects mentioned above, to which is to be added fishing,
excluding freedom of navigation and the right to lay and maintain cables

and pipelines. Thert: \vould thus be no question, in any case, of sover-
eignty in the form in which it is cxercised over the territoriiil sea.

19. The dual criterion of the economic objectives given for the rights
of coastal States and of respect, to the necessary extent, of the freedoni
of the high seas, naturally excludes the use of the continental shelf, just

as of the high seas, for military purposes. The freedon~ of the high seas,
a principle of positive international law, remains sacrosanct so long as a
rule of the same nature has not subjected it to restrictions by specifying
individual rights which States would be empowered to exercise therein '.

20. It will hereinnfter be established that the three Parties to the pre-

sent case are bountl by the provisions of the aforementioned Article 2
- -
' This reasoning does not seern to be that followed by the Ad Hoc Cornillittee
set up by the United Nations to study the peacef~il ~isesof the seabed and the ocean
floor. tion de Genève sur le plateau continental, les Pays-Bas et le Danemark
pour avoir ratifié la Convention, la République fédéraled'Allemagne
pour avoir acquiescé à l'application à son égardde ce mêmearticle.

21. Le concept du plateau continental étant reconnu, avec les droits
qui s'y exercent, comme faisant partie du droit international coutumier,
la demande des Parties comporterait d'abord la question suivante:

Existe-t-il une convention généraleou spéciale, dans le sens de l'ar-
ticle 38, paragraphe 1 ri),du Statut de la Cour, comportant des règles
applicables à la délimitation entre Etats riverains des zones qu'ils

revendiquent du plateau continental de la mer du Nord?

Les Gouvernements des Royaumes des Pays-Bas et du Danemark se
réclament des dispositions de l'article 6 de la Convention de Genève du

29 avril 1958 sur le plateau continental pour la délimitation des zones
du plateau continental de la mer du Nord.
Le Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne, qui n'a pas
ratifié laConvention précitée, n'a pasnon plus reconnu les dispositions
pertinentes de l'article6 dont se prévalent les Gouvernements des Pays-
Bas et du Danemark, ainsi qu'il en avait étédes deux premiers articles de

ladite Convention '.

Le comportement de la République fédéraleet certaines de ses décla-

rations ont cependant été interprétép sar les Parties adverses commecons-
tituant un engagement de sa part à se soumettre aux prescriptions de
l'article6 de la Convention.
La Cour, étudiant les effets des déclarations ou du comportement d'un
Etat en arrive à dire que seule l'existence d'une situation d'cstoppel pour-
rait étayerpareille thèse [à savoir que laRépubliquefédéraled'Alleniagne

serait li5e par ses déclarations]: il faudrait que la République fédérale
ne puisse plus contester I'applicabilité du régime conventionnel, en
raison d'un comportement, de déclarations, etc., qui n'auraient pas
seulement attesté d'une manière claire et constante son acceptation de ce
réginiemais auraient également amen6 le Danemark et les Pays-Bas. en
se fondant sur cette attitude, à modifier leur positionà leur détriment ou

à subir un préjudice quelconque 1).

l Sllprapar. 3.

120of the Geneva Convention on the Continental Shelf, the Netherlands and
Denmark by having ratified the Convention, and the Federal Republic
of Germany by having acquiesced in the application to it of that sarne
Article.

21. The concept of the continental shelf being recognized, together
with the rights exercised thereover, as forming part of customary inter-
national law, the request made of the Court by the Parties involves first
of a11the following question:
Does there exist a general or particular convention, within the meaning

of Article 38, paragraph 1 (a), of the Statute of the Court, containing
rules applicable to the delimitation between coastal States of the areas
of the continental shelf of the North Sea which they claim?

The Governments of the Kingdom of theNetherlands and the Kingdom
of Denrnark rely on ,theprovisions of Article 6 of the Geneva Convention
on the Continental Shelf of 29 April 1958 for the delimitation of the
areas of the North Ses continental shelf.
The Government 'ofthe Federal Republic of Germany, which has not
ratified the Conventiion, has also not recognized the relevant dispositions
of Article 6, relied on by the Governments of the Netherlands and Den-

mark, as it has done in the case of the first two articles of the said Con-
vention '.

The conduct of tlhe Federal Republic and certain declarations made

by it have however been interpreted bythe opposing Parties as amounting
to a commitment on its part to submit to the provisions of Article 6 of
the Convention.
The Court, in its study of the effects of the declarations made by or
the conduct of a State, concludes---"that only the existence of a situation
of cstoppel could suffice to lend substance to this contention [SC.,that

the Federal Republic of Germany is bound by its declarationsl-that is
to say if the Federal Republic were now precluded from denying the ap-
plicability of the conventional régime, by reason of past conduct, de-
clarations, etc., which not only clearly and consistently evinced accep-
tance of that régime but also had caused Denmark or the Netherlands,
in reliance on such conduct, detrimentally to change position or suffer
some prejudice".

'Slrpru,para. 3. L'arrêtne tient pas compte d'une doctrine bien établie selon laquelle

un Etat peut êtreliépar un acte unilatéral '.
En conséquencede ce qu'il avance, l'arrêt mentionneau paragraphe 30,
qu'((il ne semble guère utile à la Cour d'examiner en détail les divers
actes de la République fédéralequi, selon le Danemark et les Pays-Bas.
traduiraient une acceptation du régimede I'article 6 1).

Tout en partageant le point de vue de l'arrêtque I'article 6, en tant
que tel, n'est pas applicable aux délimitations \,iséesdans les présentes
instances, j'estime que les actes unilatéraux émanant de la République
fédéraleet son comportement doivent être analysés pour adopter en

définitivela conclusion précitée.

22. La délégation duGouvernement fédérala fait savoir, ainsi qu'il est

mentionné au procès-verbal des négociations avec le Gouvernement des
Pays-Bas en date du 4 août 1964 < que son gouvernement ((s'efforcede
réunir une conférencedes Etats riverains de la mer du Nord conformé-
ment à la première phrase du paragraphe 1 et à la première phrase du

paragraphe 2 de l'article 6 de la Convention de Genève sur le plateau
continental 1)et que (la délégation néerlandaise a prisnote de cette inten-
tion 1).Mais cet engagement, limité expressément à deux dispositions de
l'article6 relatives a l'opportunité de recourir de préférenceà des accords

pour la délimitation du plateau continental, ne saurait êtreinterprété
comme une déclaration visant l'ensemble des dispositions de cet article.
La lettre du texte s'y oppose catégoriquement. En particulier, la disposi-
tion relative à la délimitation du plateau continental par application de la
règlede l'équidistance reste en dehors de cet engagement.

On a néanmoins voulu voir, dans les traités du 1" décembre 1964et du
9 juin 1965 entre la République fédérale d'Allemagned'une part, les

Royaumes des Pays-Bas et du Danemark de l'autre, un acquiescement à
l'application de la rkgle de I'équidistance.

L'acquiescement découlant d'un actejuridique unilatéral, ou déduit de

la conduite ou de l'attitude de la personne à laquelle il est opposé - soit
par application de la notion d'estoppel hy conduct relevant de I'?quity
anglo-américaine, soit en vertu du principe ulle~uns contrurin tlon uu-
dietzclusest du droit occidental, qui a son pendant dans le droit musul-
man - figure au nombre des principes générauxdu droit accueillis par
- .-

'E. Suy, Les uctes juridiqrrinternutiona~ix1962. p. 148 à152.
Mémoire, ann. 4.
Majallat El Ahkatn, art. 100. CONTINENTAL SHELF(SEP. OP. AMMOUN) 120

The Judgment doi:s not take into account a well-settled doctrine that
a State may be bound by a unilateral act '.
As a consequence: of its argument, the Judgment mentions in para-
graph 31 that-"it seems to the Court that little useful purpose will be
served by passing in review and subjecting to detailed scrutiny the various

acts relied on by Denmark and the Netherlands as being indicative of
the Federal Republici's acceptance of the régimeof Article 6".
While agreeing wiith the Judgment that Article 6, as such, is not ap-
plicable to the delirnitations envisaged in the present cases, 1 consider
that the unilateral acts and the conduct of the Federal Republic should
be analysed in order to clinch this conclusion.

22. The Federal (ioverninent's delegation announced, as is mentioned
in the minutes of the negotiations with the Netherlands Government
dated 4 August 1964 ',that its Government "is seeking to bring about a
conference of States adjacent to the North Sea .. . in accordance with

the tirst sentence of paragraph 1 and the first sentence of paragraph 2
of Article 6 of the Geneva Convention on the Continental Shelf" and
that "the Netherlands delegation lias taken note of this intention". But
this commitment, expressly limited to two provisions of Article 6 con-
cerning the advisabiility of preferably having recourse to agreements for
the delimitation of the continental shelf, cannot be interpreted as a
declaration referring to the whole of the provisions of that Article.

The letter of the ter.t is categorically opposed to such an interpretation.
In particular, the provision concerning delimitation of the continental
shelf by application of the equidistance rule remains outside this com-
mitment.

An attenipt has nonetheless been made to see in the treaties of 1Deceni-

ber 1964 and 9 Jurie 1965, between the Federal Republic of Germany
on the one side andi the Kingdoin of the Netherlands and the Kingdom
of Denniark on the other, an acquiescence in the application of the
equidistance rule.
Acquiescence flowing from a unilateral legal act, or inferred from the
conduct or attitude of the person to whom it is to be opposed-either
by application of the concept of estoppel by conduct of Anglo-American

equity, or by virtue of the principle of western law that allegans contraria
non nudietldus est, which has its parallel in Muslim law 3-is numbered
anlong the general principles of law accepted by international law as
-- -
' E. Suy, Les actc,sjirridiqi<esinteunationalrx, 1962, pp. 148 and 152.
Mernorial, Annex 4.
Mujallat El Aliknr~~,Art. 100.le droit international comme faisant partie du droit des nations et
obéissant aux règlesd'interprétation y afférentes.Aussi, lorsque I'acquies-
cement alléguéest tacite, ainsi qu'il le serait dans la présente cause en tant

que déduit du comportement de la partie contre laquelle il est invoqué,
il exige la recherche de l'intention manifestant une volonté certaine
dépourvue d'ambiguïté.
Or le Gouvernement fédérala formellement déclaré dans le procès-

verbal commun du 4 août 1964 précitéqu' (il ne faut pas conclure de !a
direction de la limite proposéeque cette dernière doive se prolonger dans
la mêmedirection 11.De mêmeil a étémentionné dans le protocole com-

plétant le traité germano-danois du 9juin 1965 lque 1,pour ce qui est du
prolongement de la ligne de déliniitation, chacune des parties contrac-
tarites réservesa position juridique 11.
Considérant que la négociation qui s'est terminée par le traité du

1" décembre 1964,tout comme celle qui a abouti au traité du 9 juin 1965
et au protocolejoint de même date, constitue un tout indivisible, la Cou:
ne pourrait en dissocier les déclarations susmentionnées du 4 août 1964 et
du 9juin 1965qui clôturent l'une et l'autre négociations, et dont le sens ne

prêtepas à équivoque, ne laissant subsister aucun doute sur l'intention de
la République fédérale d'Allemagne d'écarter l'applicationde la règlede
l'équidistance pure et simple à la délimitation au-delà du 54" degré de
latitude nord. II n'y a pas de raison, en effet, pour ne pas suivre dans

l'interprétation des déclarations unilatérales, la jurisprudence constante
de la Cour selon laquelle les termes d'un traité doivent être interprétés
suiva va rilteur sigi-iification naturelle et ordinaire 2a. Encore faut-il faire

obserber que le traité germano-danois ne comporterait qu'un seul point
équidistant à l'extrémitéde son parcours 3.
II serait non moins inexact de dire, au résultat d'un raisonnement
similaire dénotant la véritable intention du Gouvernement fédéral,que

celui-ci, par sa proclamation du 20 janvier 1964et I'exposédes motifs de la
loi sur le plateau continental qu'il a promulguée le 24 juillet de la même
année, ,,a reconiiii que la Convention de Genèveest l'expression du droit
international coutumier l),comme le prétendent les autres Parties en la

cause 4. Ce qui n'est pas, en fait, le cas des dispositions de la Convention
de 1958 relati~es à la ligne d'éqiiidistance, laquelle n'acquerrait naturelle-
ment pas, par ilne reconiiaissnnce à supposer efficacepour les besoins de la

l Memoire, anii. 7.
Avis sur les Conditionr de I'adt~~issiond'un Etut coi>rt?rnrreinhred~.rNutions Unies
du 28 mai 1948; avis sur la Cotnpétencede l'A.s.ser~~b~étféi.ul<o,rtrI'ud~~fissiond'lrrl
Etut uri.~Nution.~ Unies du 3 mars 1950; arrét dans l'affaire du Droit d'usile du
5 novembre 1950; avis sur la Cotnpo.~ition ilrr Coinide; lu .s<;ciritr;uririrrledu
8 juin 1960.
Réplique, par. 29.
Coiitre-mériioiredu Gouvernenient danois, par. 24 et contre-niéinoire d~i
Go~i~ernement nécrlandais. par. 25.forming part of the law of nations, and obeying the rules of interpretation,
relating thereto. Thus when the acquiescence alleged is tacit, as it would

be in the present case inasmuch as it is inferred from the conduct of the
party against whorn it is relied on, it demands that the intention be
ascertained by the manifestation of a definite expression of will, free of

ambiguity.
But the Federal Government formally declared in the joint minutes
of 4 August 1964,referred to above, that "it must not be concluded from

the direction of th4t proposed partial boundary that the latter would
have to be continued in the same direction". It was also mentioned in
the Protocol to the German-Danish Treaty of 9 June 1965 l, that "as

regards the further course of the dividing line, each Contracting Party
reserves its legal standpoint".
Considering that the negotiations which culminated in the treaty of
1 December 1964, as well as tliose which culminated in the treaty of

9 June 1965 and the annexed Protocol of the same date, constitute an
indivisible whole, the Court cannot disassociate therefrom the declara-
tions mentioned above of 4 August 1964 and 9 June 1965 which brought

eacli set of negotiations to a close, and of which the meaning does not
lend itself to any equivocation, and is such as not to allow any doubt
to subsist as to the intention of the Federal Republic of Germany to

exclude the application of equidistance pure and simple to the deliniita-
tion beyond latitude 54 degrees north. There is in fact no reason why,
in the interpretation of unilateral declarations, the settled jurisprudence

o--the Court should not be followed. to the effect that the terms of the
treaty should be interpreted "in their natural and ordinary meaning '".
It should also be remarked that the German-Danish treaty allegedly

includes only one equidistance point, the terminal of the partial bound-
-.- 3.
It would be no les~ incorrect to Say, as a result of siniilar reasoning
concerning the true intention of the Federal Government. that the latter,

by its Proclamation of 20 January 1964 and thc r.\-/~oscd;es motjfs of the
law on the continental shelf which it promulgated on 24 July of the
samc year. "acknowledges the Geneva Convention as an expression of

customary international law", as the other Parties to the case claim 4.
Nor is this in fact the case as regards the provisions of the 1958 Con-
vention concerning: the equidistance line, which could naturally not

p.quire,~-----means of a recognition which for the purposes of argument

Mernorial, Annex 7.
Advisory Opinion of 28 May 1948 on Adniission of'u Stutt. to Membership in the
United Notions; Advisory Opinion of 3 March 1950 on the Competence of the
General ASSPII~~~ foJr' tire Admission of u State to the United Nations; Judgrnent in
the As.vlirtn case of 20 November 1950; Advisory Opinion of 8 June 1960 on the
Ci,nstit~rtion of tlle MaritimeA.ufetv Conitriittee.
Rcply. para. 29.
Counter-Mernorial of the Danish Governnient. para. 24 and Counter-Memorial
of the Netherlands Governnient, para. 25. 122 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

discussion, le caractère de règle coutumière généralequ'elle n'a pas '.

Quel effet juridique faut-il attribuer, d'autre part, à la signat~ire par la
République fédéraleallemande, du protocole d'application provisoire de
la convention européenne sur la pêchedu 9 mars 1964, dolit l'article 7
prévoit le recours à la ligne médiane constituée par la série des points
équidistants des côtes de chacune des parties limitrophes ou se faisant

face? L'engagement de la République fédérale de faire application de la
ligne d'équidistance aux zones de pêche, qu'ellea confirmk par l'aide-
mémoire du 16 mars 1967, ne prête pas à discussion. Mais sa portée,
dépassant l'objet pour lequel il a été convenu, s'étend-elle nu plateau
continental? La réponse est plus que douteuse en raison de l'opposition
formelle du Gouvernement fédéralà l'application de la ligne d'équidis-

tance dans les documents successivement discutés du 4 août 1964, du
9 juin 1965, du 20 janvier 1964 et du 24 juillet 1964. Telle parait être
l'interprétation à donner à l'intention de la République fédérale.
Cela étant, la Cour n'aurait pasà s'engager, en outre, dans la recherche
de la penséeintime du Gouvernement fédéralà laquelle le Gouvernement
néerlandais la convie en demandant, en son contre-mémoire, pourquoi la

République fédéralea-t-ellesoulignédans le procès-verbal du 4 août 1968,
que la limite devait êtredéterminéecompte tenu des circonstances spécia-
les existant dans l'estuaire de l'Ems, si elle n'avait pas à l'esprit les termes
du paragraphe 2de l'article 6 de la Convention de Genève, c'est-à-dire la
règle de l'équidistance.
On ne saurait donc interpréter les traités du Ierdécembre 1964 et du

9 juin 1965, entre la République fédéraled'une part, les Pays-Bas et le
Danemark de l'autre, à la lumière du procès-verbal du 4 août 1964et du
protocole du 9juin 1965, ni la déclaration du Gouvernement fédéraldu
20 janvier 1964 et l'exposé des motifs de la loi du 24 juillet de la même
année, comme un acquiescement à l'application de la ligne d'équidistance
telle que viséedans la Convention du 29 avril 1958 sur le plateau con-
tinental.

23. En définitive,la délimitation entre les Parties des zones du plateau
continental de la mer du Nord sur lesquelles celles-ci revendiquent des
droits souverains n'est pas régiepar les dispositions de l'article 6 de la

Convention de Genève sur le plateau continental du 29 avril 1958 ap-
pliquant la méthode de I'équidistance.
Dans ces conditions, il n'y aurait pas lieu d'aborder l'interprétation des
dispositions dudit article 6 en tant que texte juridique s'imposant aux
Parties. Toutefois, on peut y revenir par la suite si l'adoption des notions
qu'il inclut peuvent inspirer une solution découlant d'une autre source

l Infra, par. 24-30.

123 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. AMMOUN) 122

we will suppose to be efficacious. the status of a customary law rule
which it does not possess '.
Furthern-iore, what legal effect should be attributed to the signature
by the Federal Republic of Germany of the Protocol for Provisional
Application of the European Fisheries Convention of 9 March 1964,

Article 7 of which provides for recourse to the median line. every point
of which is equidistantfrom the coasts of each of the adjacent or opposite
parties? The commitment of the Federal Republic to the application of
the eqiiidistance line to fishing zones, which it confrmed by the nitir.-
mc;moirr of 16 March 1967, is not open to argument. But does its scope,

exceeding the object for which it was agreed, extend to the continental
shelf? The reply is niore than doubtful. because of the express opposition
by the Federal Government to the application of the equidistance line.
in the doctiments which have successively been discussed, dated 4 August
1964, 9 June 1965, 20 January 1964 and 24 July 1964. Such seems to
be the interpretatiori to be given to the intention of the Federal Republic.

This being the case, the Court does not have to embark, in addition,
on an enqiiiry into the private thoughts of the Federal Republic, as the
Netherlands Government calls upon it to do, by asking in its Counter-
Memorial why the ITederalRepublic stressed, in the minutes of 4 August
1968, that the bouridary should be determined with due regard to the
special circunistanciis prevailing in the mouth of the Ems, if it did not

have in mind the terms of paragraph 2 of Article 6 of the Geneva Con-
vention, i.e., the equidistance rule.
It is not therefore possible to interpret the treaties of 1 December 1964
and 9 Julie 1965, between the Federal Republic on the one side, and the
Netherlands and Denmark on the other, in the light of the niinutes of

4 August 1964 and the Protocol of 9 June 1965, nor the declaration of
the Federal Governiment of 20 January 1964 and the exposédes motifs
of the law of 24 Juby of the same year, as an acquiescence in the applica-
tion of the equidi:;tatice line as contemplated in the Convention of
29 April 1958 on the Continental Shelf.

23. To sum up the delimitation between the Parties of the areas of
the North Sea continental shelf over which they claim sovereign rights
is not governed by the provisions of Article 6 of the Geneva Convention
of 29 April 1958 on the Continental Shelf, which applies the principle

of equidistance.
There is therefore no need to embark on the interpretation of the
provisions of the s,aid Article 6 as a legal text binding on the Parties.
Nonetheless, we miiy subsequently return to this point, if the adoption
of the concepts included in it could afford inspiration for a solution

'Infrap,aras. 24-30.de droit, telle qu'un principe généralde droit reconnu par les nations.

24. A défaut d'une convention internationale établissant des règles

expressément reconnues par lesparties en litige, n'y a-t-il pas des principes
ou des règlesde droit international co~ituniierapplicables à la délimitation
du plateau continental?
Et en cas d'inexistence d'une coutuine géiikrale,y aurait-il une coutume
régionale propre à la mer du Nord?

Les Royaunles du Danemark et des Pays-Bas ont soutenu qu'ayant
fixé leslimites de leurs parties du plateau continental en prenant spéci-
fiquement comme base les principes et règles de droit généralement

reconnus, ces limites ne sont pas pritnu,fucie contraires au droit iiiter-
national et sont valables à l'égard des autres Etats. Ils fondent leur
thèse sur les dispositioiis de l'articl6,paragraphe 2, de la Convention de
Genève sur le plateau continental, selon laquelle, à défautd'accord entre
les parties et à moins que des circonstances spéciales ne justifient une
autre délimitation, celle-ci s'opère par application de la méthode de

l'équidistance des lignes de base à partir desquelles est mesurie la largeur
de la mer territoriale des Etats limitrophes.
L'action unilatérale dont se prévalent les Gouvernements danois et
néerlandais aurait étéopposable aux autres Etats et. en conséquence, au
Gouvernement fédéralallemand, si la règlede dilimitation à laquelle ils
attachent un effet rrgu orntlcs était devenue une norme de droit inter-

national positif liant les Etats qui, comme la Républiq~iefédérale,ne sont
pas parties à la Convention de 1958.
On a vu que les dispositioris des articles I et 2 de ladite Con\ention
fondant l'institution du nlateau continental n'étaient nas le résultat ciela
codification du droit international en vigueur faisant partic de la1c.yIutu,

mais l'effet du développeinent progressif di1 droit, (Ir lcxc,fi~rc~~lt.ont
il est question dans I'article 13de la Charte des Nations Unies et l'article
15 di1 Statut de la Commission du droit international. IIne saurait en
Ctre autrement des dispositions de l'article 6, paragranhe 2, du rnoinent
qii'elles font application du principe énoncé aux:trticles I et 2.
Ce développement progressif du droit a-t-il atteint. quant aux Pnon-

ciations de I'article 6, paragraphe 2, le stade de la coutume établie,depuis
qiie la inéthociede 1'6q~iidistancea CtCretenue par la Conln~ission du
di-oit international en 1953,puis à la conférencedc Genèveen 1958.dans
l'une et l'autre circonstances à une très grande majorité?
Certes, la notion 1nCinedu plateau continental. 6iioiicéela j3remiti.e
fois dans la pratique des Etats eii 1945,n'a mis qii'iine douzaine d';iiinCes drawn from another source of law, such as a general principle of law
recognized by the nations.

24. In the absence of an international convention establishing rules
expressly recognized by the Parties to the dispute, do not principles or
rules of customary international law exist which are applicable to the
delimitation of the continental shelf?
And in the event of there being no general custom, might there be a

regional custom peculiar to the North Sea?

The Kingdoms of Denmark and of the Netherlands have contended
that having fixed th(?boundaries of their parts of the continental shelf

on the specific basis of the principles and rules of law generally recognized,
those boundaries arc: not prima ,faciecontrary to international law and
are valid as against other States. They base their contention on the
provisions of Article 6, paragraph 2, of the Geneva Convention on the
Continental Shelf, according to which, in the absence of agreement, and
unless another bouridary line is justified by special circumstances, the

boundary is to be determined by application of the principle of equidis-
tance from the baselines from which the breadth of the territorial sea
of the adjacent States in measured.
The unilateral action on which the Danish and Netherlands Govern-
ments rely would have been opposable to other States and consequently
to the Federal Gerrian Government, if the rule of delimitation to which

they attribute an effect erga omnes had become a norm of positive
international law binding States which, like the Federal Republic, are
not parties to the 1958 Convention.
As has been seeri, Articles 1 and 2 of the said Convention, which
establish the institui-ion of the continental shelf, were not the result of
a codification of the international law in force, f~rming part of the

lex lata,but the effe'ctof the progressive development of the law, (le lege
,ferenda, referred to in Article 13 of the Charter of the United Nations
and Article 15 of the Statute of the International Law Commission.
The case of the provisions of Article6, paragraph 2,could not be different,
inasmuch as they apply the principle laid down in Articles 1 and 2.
Has this progressive development of the law reached the stage, in

respect of what is si.ated in paragraph 2 of Article 6, of settled custom,
since the adoption of the equidistance method by the International Law
Commission in 1953, and subsequcntly by the Geneva Conference in
1958, in both cases by a very large miority?
Admittcdly, the riotion of the continental shelf itself, which made its
first appearance in State practice in 1945, took only a dozen years topour constituer une coutume universellement reconnue. Des voix autori-
séesdans le cadre de la doctrine ',et desjuristes de tous bords, dans les

conférences internationales, n'ont pu endiguer le courant de la pensée
juridique qu'ont e!itraîiiéIc progrès inouï des scieiices et le rapide déve-
loppement de la vie économique et sociale des nations. C'est direquecette
règle récente du droit de la mer, sous l'impulsion de puissants mobiles,
et grâce à la pratique des Etats et à l'effetdes conventions internationales,

s'est muCe, dans un court délai, en un droit coutumier répondant aux
besoins pressants de la vie moderne.
En est-il de mêmede la notion de l'équidistance de l'article 6 de la
Convention de Genève'!
II y a lieu, dans un premier volet de la discussion, de rechercher quellea

étéla pratique des Etats, tant antérieurement à la Convention du 29 avril
1958sur le plateau continental, qu'à partir de cette date.

25. Une question préalable est à résoudre: quels sont les actes de
délimitation qui doivent être dénombrés pour enretenir ceux concourant
à la formation de l'élémentmatériel de la coutume, compte tenu de la
nature des eaux délimitées, aussi bien que de la situation des Etats
riverains de ces eaux, Etats limitrophes et Etats se faisant face.

La Cour a estiméque ne pouvaient êtreretenues comme précédentsque
les délimitations concernant le plateau continental et entre Etats limi-
trophes uniquement. 11parait cependant que les actes dont il faut tenir
compte dans cette recherche sont, quant a la nature des eaux, tous ceux

qui se rattachent à la délimitation des eaux maritimes quelles qu'elles
soient: mers territoriales, détroits, zones contiguës, zones de pêche,pla-
teau continental, plate-forme épicontinentale - auxquels il faut ajouter
les lacs. Le concept sous-jacent commun à toutes ces étenduesd'eau, qui
commande l'analogie, est qu'elles procèdent toutes de la notion du pro-

longement naturel du domaine terrestre des Etats riverains ?.C9est ainsi
que le comité des experts de 1953,ne distinguant pas à ce propos entre la
mer territoriale et le plateau continental, écrivaitdans son rapport qu'il
((s'est efforcé de trouver des formules pour tracer les frontières inter-
nationales dans les mers territoriales qui pourraient en mêmetemps servir

pour délimiter les frontières respectives du plateau continental 11.

Par contre, il est évident que ne doivent pas être retenues à titre de
précédentsles lignes de partage des fleuves. Ces lignes suivent d'ailleurs

' Notamment celles de G. Scelle et d'A. de Lapradelle; le représentant de ]'Alle-
magne fédérale. M. Münch, disait encore, à la conférence de Genève. de la règle
du plateau continental que ,beauco~ip d'autorités la rejettent I<,gclutnetde l<xr
ferenda ',.
S~lprd,par. 15.become a universally recognized custom. The voices of authoritative
writers ' and jurists of al1kinds, at international conferences, were unable

to stem the current of legal thinking resulting from unprecedented
scientific progress and the rapid development of the economic and social
life of the nations. Irhat is to Say that this recent rule of the law of the
sea, under the pressure of powerful motives and thanks to State practice
and the effect of international conventions, was within a short time

converted into a customary law meeting the pressing needs of modern
life.
Can the same be said of the concept of equidistance in Article 6 of
the Geneva Convention?
It is necessary to ascertain, in a first limb of the discussion,what State
practice has been, both before thedate of the Convention of 29 April 1958

on the Continental Shelf and after that date.

25. One prior question calls for resolution: what are the acts of

delimitation which must be tabulated in order to select those which
have contributed to the formation of the material element of custom,
both with referenct: to the nature of the waters delimited, and with
reference to the situation of the coastal States of those waters, adjacent
States and opposite States.
The Court has considered that only delimitationsconcerning the con-

tinental shelf and made between adiacent States can be taken into account
as precedents. It seems however that the acts which must be taken into
account in this investigation are, with reference to the nature of the
waters, al1 those pertaining to the delimitation of maritime waters of
whatever kind: territorial seas, straits, contiguous zones, fishing zones,

continental shelf, epicontinental platform--to which must be added
lakes. The underlying concept common to al1 these stretches of water,
which is decisive b!i way of analogy, is that they al1 proceed from the
notion of the natural prolongation of the land territory of the coastal
States 2. Thus, the 1953 Committee of Experts, drawing no distinction

in this connection between the territorial sea and the continental shelf,
wrote in its report that it had "considered it important to find a formula
for drawing the international boundaries in the territorial waters of
States, which could also be used for the delimitation of the respective
continental shelves ...".
On the other harid, it is obvious that boundary lines dividing rivers

should not be selected as precedents. Moreover, such boundary lines

'In particular. those of G. Scelle and A. de Lapradelle; the representative of the
Federal Republic of Germany. Dr. Münch, still said of the continenshelf rule at
the Geneva Conference that "many authorities rejectit de legelardand de lege
ferenda."
Supra, para. 15.bien plus souvent les thalwegs et les chenaux navigables que le milieu
du cours d'eau.

Les actes de délimitation ayant trait aux Etats limitrophes ou se
faisant face demandent de plus amples détails.
Tous ces actes doivent être mis à contribution, motif pris égalementde
leur commun concept sous-.jacent. L'exemple en a étédonné par les trois
conventions adoptées à Genève concernant la mer territoriale, la zone

contiguë et les zones de pêche.Toutes trois ont donné textuellement pour
base à la délimitation 1la ligne médiane dont tous les points sont équi-
distants des poiiits les plus proches des lignes de base ))Et ces conventions
ont préciséque cette disposition est applicable aux délimitations latérales
comme aux délimitations entre Etats se faisant face '.

Cette assimilation entre les deux sortes de délimitation ne doit-elle pas
se refléter dans l'interprétation de l'article 6 de la Convention sur le
plateau continental, quoique les deux termes différentsde ligne médiane
et de ligne d'équidistance y soient utilisés?
L'interprétation de la Convention sur le plateau continental à la

lumière de la formule adoptée par les trois autres conventions, selon la
méthode d'intégration par coordination entre les quatre conventions,
s'impose iinpérieusement dans le présent cas. En effet, les quatre conven-
tions votées le mêiiiejour dans une même assembléeconstituent un
ensemble conventionnel rentrant dans le mcme cadre juridique, celui du

droit de la mer. Aussi avaient-elles été élaboréep sar la Commission du
droit international des Nations Unies et présentéesà la conférence de
Genèvedans un document unique. Ne faut-il pas convenir en conséquence
que, nonobstant les diffirences de rédaction ou la disparité des termes
relevéesentre les trois conventions précitéesd'une part, et la Convention

sur le plateau continental de l'autre, la mêmerègled'équidistance est ap-
plicable, au sens des quatre conventions, quant aux délimitations latérales
comme aux délimitations médianes?
On remarquera que la règle ayant étéainsi comprise daris les milieux
internationaux, les treize Etats signataires de la convention conclue à

Londres le 9 mars 1964ont emprunté textuellement aux trois conventions
susmentionnées de Genève leur commune formiile pour les Etats se fai-
sant face ou limitrophes.
Si néanmoins le texte de la Convention sur le plateau continental est
sorti des délibérations dela confkrcnce différemment rédigé que celui des

trois autres conventions, ce fait est à attribuer aux aléas de la discussion
en assemblée. Les délimitations entre Etats adjacents comme entre Etats
se faisant face avaient fait l'objet à la Commission du droit international
d'une rédaction iiniq~ie englobant les deux situations. Le fait qu'elles
aient étémentionnées, dans la convention elaborée au cours de la con-

'Conventions sur la iner territoriaart. 17: sur la ZOixecontiguë. art24; sur
la pêche et la conservation des ressources biologiqiies.7.qui se rifèrà l'art. 12
de la convention surla iner territorialc.follow the thalwegs or the navigable channels much more frequently

than the middle of tlhe Stream.
The acts of delimitation with reference to adjacent or opposite States
require more detailed examination.
All such actsshould be drawn on, again on theground of their common
underlying concept. The example has been set by the three conventions

adopted at Geneva concerning respectively the territorial sea, the con-
tiguous zone and fishing zones. All three take, in so many words, as
their basis for delirnitation "the median line every point of which is
equidistant from the nearest points on the baselines ...". And tliose
conventions laid it down that this provision was applicable to lateral

delimitations just asto delimitations between opposite States l.
Should not this assimilation between these two types of delimitation
be reflected in the interpretation of Article 6 of the Convention on the
Continental Shelf, even though the two different terms, median line and
equidistance line, are there employed?
It is imperative in the present case to interpret the Convention on the

Continental Shelf in the light of the formula adopted in the other three
conventions, in accordance with the rnethod of integrating the four
conventions by co-ordination. For the four conventions, voted on the
same day at one and the same meeting, constitute a body of treaties al1
falling within the same legal framework, that of the law of the sea.

Thus they were drawn up by the International Law Commission of the
United Nations and submitted to the Geneva Conference in a single "
document. Must it not consequently be açreed that, notwithstanding
the differences of v~ording, or the disparity between the terminology
noticed in the three conventions mentioned on the one hand, and the

Convention on the Continental Shelf on the other. the same eauidistance
rule is applicable, according to the meaning of the four conventions, to
Iateral delimitations just as to median delimitations?
It will be noticed that the rule having been understood in this way
in international circles, the 13 States which signed the Convention con-
cluded in London on 9 March 1964 took over word for word from the

three above-mentioiied Geneva conventions tlieir common formula for
States lying opposite or adjacent to each other.
If nevertheless the text of the Convention on the Continental Shelf
emerged from the deliberations of the conference with a wording different
from that of the other three conventions, that fact is to be attributed to

the contingencies of discussion at a meeting. Delimitations both between
adjacent States and between States lying opposite each other formed the
subject, before the International Law Commission, of a single form of
words covering both situations. The fact that they were mentioned, in

l Convention on the Territorial Sea, Article 12; on the ContiZone, Article
24: on Fishing and Coriservation of Living Resources of the High Seas, Article 7,
which refers to Article 12 of the Convention on the Territorial Sea.férence,dans des paragraphes distincts de l'article 6 et que les textes aient

étérédigésen des termes tant soit peu différents, s'explique par les
avatars de la discussion dans deux commissions, et ne permet pas d'en
déduire une différence entre ligne médiane applicable aux Etats se
faisant face et ligne d'équidistance pour la démarcation entre Etats
limitrophes. Les travaux préparatoires ne sont pas moins explicites, à

cet égard, que la clarté des termes utilisés dans les quatre conventions
relatives au droit de la mer, lesquelles font état tout ensemble de la ligne
médianeet de points équidistants applicables aux Etats limitrophes et aux
Etats se faisant face. C'est dire, en somme, que la notion d'équidistance
est de règlepour les deux sortes de délimitation.

26. Les actes antérieurs à la Convention sur le plateau continental se

rapportant à la délimitation des eaux maritimes - mer territoriale,
détroits, lacs, zone contiguë, zones de pêche,plateau continental, plate-
forme épicontinentale - étaient on ne peut plus variés.
On verra, par la suite, que les proclamations et autres actes édictés en
1945 par les Etats-Unis, en 1947par le Nicaragua, en 1949 par l'Arabie

Saoudite et les Etats de Koweït, Bahrein, Qatar, Abou Dhabi, Sharjah,
Ras el Khaimah, Oum el Kaiwain, Ajman, en 1955 par l'Iran, se récla-
maient tous de la justice ou de l'équité.C'étaitle groupe d'Etats le plus
nombreux.
Le traité du 27 septembre 1882 entre le Mexique et le Guatemala,

ainsique le décretdu Gouvernement du Cambodge du 30 décembre 1957,
adoptaient la méthode de la ligne perpendiculaire aux côtes.
La méthode consistant à prolonger la frontière terrestre vers le large a
étésuivie par le décret du Gouvernement français du 25 mai 1960 qui a
confirmé l'accord entre la France et le Portugal concernant le Sénégalet

la Guinée dite portugaise. Il en a étéde même des limitesfixéesen 1953en
vertu de la législationaustraliennesur les pêcheriesde perles de 1952-1953.

La délimitation de la plate-forme épicontinentale entre le Chili,
I'Equateur et le Pérou suivait les parallèles de latitude géographique.

L'accord entre les Etats-Unies et le Canada du 15 juin 1846 et la loi
de 1928 portant approbation de l'accord entre Singapour et Jahore du
19 octobre 1927suivaient l'un et l'autre le chenal entre les deux côtes.
On notait nombre d'accords se décidant pour le partage égal,utilisant
les formules suivantes: 1à égale distance » ou «à moitié distance 1des

côtes ou selon la ligne médiane 1)Tels étaient l'accord du 11 avril 1908
entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, les accords du 28 septembre
1915entre l'Indonésieet la Malaisie, du 24 avril 1924entre laNorvègeet la
Finlande, le traité de paix du 4 janvier 1932entre I'ltalie et la Turquie, les
accords du 30juin 1932entre le Danemark et la Suède,le traitéde paix duthe convention drawn up during the conference in separate paragraphs

of Article 6, and that the two texts were drafted in somewhat different
terms, is to be explaiined by the vicissitudes of discussion in two Com-
mittees, and does ncit permit of the deduction therefrom of a difference
between a median lirie applicable to States lying opposite each other and
an equidistance line for demarcating the boundary between adjacent
States. The trai7au.u pc;paratoireare no less explicit, in this respect, than

the clarity of the terms employed in the four conventions concerning the
law of the sea, which refer. as to a single whole, to the median line and
eqliidistant points as applicable to adjacent States and States lying
opposite each other..This amounts to saying, in short, that the notion
of equidistance is the rule for both sorts of delimitation.

26. The instruments prior to the Convention on the ContinentaI
Shelf, concerning the delimitation of maritime waters-territorial sea,
straits, lakes, contiguous zone, fishing zones, continental shelf, epicon-
tinental platform-could not be more varied in nature.

It will s~ibsequenitlybe seen that the proclamations and other pro-
nouncements made in 1945 by the United States, in 1947 by Nicaragua,
in 1949 by Saudi Arabia and the States of Kuwait, Bahrain, Qatar, Abu
Dhabi, Sharjah, Ra:; al Khaimah, Umm al Qaiwain and Ajman, and in
1955 by Iran, al1 relied on justice or equity. This was the largest group

of States.
The treaty of 27 September 1882 between Mexico and Guatemala, as
well as the decree of the Goveriîment of Cambodia of 30 December 1957,
adopted tht: method of a line perpendicular to the coast.
The metliod of eritending the land frontier seawards was followed in
the decree of the Fi-ench Government of 25 May 1960, confirming the

agreement between France and Portugal concerning Senegal and what
is referred to as Portuguese Guinea. The same was done in respect of
the boundaries laid down in 1953 under the Australian pearl fisheries
legislation of 1952-1953.
The delimitation of the epicontinental platform between Chile, Ecuador
and Peru followed geographical parallels of latitude.

The Agreement of' 15June 1846between the United States and Canada,
and the 1928 Act eridorsing the Agreement of 19 October 1927 between
Singapore and Johore both follow the channel between the two coasts.
A number of agri-enlents were noted which opted for equal division,
employing the following expressions: "equidistant from" or "half-way
between" the coasts., or along "the middle line". Such were, for example,

the Agreement of 11 April 1908 between the United States and Great
Britain, thc Agreements of 28 September 1915 between Malaysia and
Indonesia, of 28 April 1924 between Norway and Finland, the Peace
Treaty of 4 January 1932 between ltaly and Turkey, the Agreements of127 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

10 février 1947 avec l'Italie délimitant les eaux territoriales de Trieste,

enfin l'accord du 22 février1958entre l'Arabie Saouditeet Bahrein.

Les délimitations des lacs se référaienttantôt à la ligne médiane ou le
milieu des eaux, tantôt au thalweg, et parfois suivaient les rives du lac, ou

ne se réclamaient d'aucune méthode.
Un cas assez particulier était celui de I'accord entre la France et la
Suisse du 25 février 1953 pour la délimitation du lac Léman selon 1~une
ligne médiane et deux ailes transversales 11cette ligne se trouvant (1rem-
placée, pour des raisons pratiques, par une ligne polygonale de six

côtéspour réaliser lacompensation des surfaces ».
Enfin, un certain nombre d'accords et autres actes étaient dépourvus
de toute référenceà une méthode quelconque. Ainsi en était-il des ac-
cords de 1918 entre la Chine et Hong-Kong et de 1925 entre les Etats-
Unis et le Canada; du traité de 1942 entre le Royaume-Uni et le Vene-

zuela, de l'accord de 1957entre l'union soviétiqueet la Norvège.

27. Aucune conclusion ne semble pouvoir être tirée de cette extrême
diversité des formules employées, sinon que celles-ci constituent un
faisceau de méthodes auxquelles les Etats pouvaient librement recourir
afin de concilier leurs intérêtsrespectifs. Aussi bien ne peut-on déceler
dans l'usage de l'une ou l'autre méthode, sans en excepter celle utilisant

la ligne médiane, I'opiniojuris fondée sur la conscience qu'ont les Etats
du caractère obligatoire de la pratique appliquée.

28. Les actes susvisésadoptant la ligne médianeou la ligne d'équidis-
tance n'étant pas susceptibles de constit~ier une coutume, il reste à savoir
si ceux ayant eu licu depuis la signature de la Convention sur le plateau
continental, en s'y ajoutant, ont eu cet effet.

Pour résoudre cette question, la Cour développe une thèse selon la-

quelle une convention normative exercerait, en tant que telle, une influence
sur la formation de la coutume. La pratique des Etats est envisagée,dans
ce raisonnement, comme destinée L étayer, le cas échéant,Ic caractère
normatif virtuel de la Convention.
II me semble que ce raisonnement est contraire à la lettre et à l'esprit
de l'article 38, paragraphe 1 II), du Statut de la Cour, lequel fonde la 128 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

coutume sur la pratique des Etats. La Convention de 1958,comme toute
autre convention, n'a donc d'autre influence sur la formation de la
coutume que celle que lui confèrent les Etats l'ayant iatifiée ou I'ayant

simplement signée: l'acte jur idique de la ratification et le faitjuridique de
la signature constituent l'un et l'autre des attitudes comptant dans le
dénombrement des éléments de lapratique étatique.

29. En conséquence, pou1 établir un état actuel aussi complet que
possible des précédentsde nature à contribuer à la transformation de la
méthode d'équidistance en règle de droit coutumier, il faudrait recenser:

a) les actes juridiques de ratificationdes conventions précitées;
h) les faits juridiques de signature des mêmesconventions;
c) les actes de délimitation de la mer territoriale, de la zone contiguë,
des zones de pêche, desdétroits, des lacs, du plateau continental, de
la plate-forme épicontinentale.

Au nombre des Etats dont les actes de délimitation ont étéévoquéset
qui figurent sous les alinéas a) et b), on compte: l'union soviétique, la
Finlande, l'Australie, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les

Etats-Unis, la République fédérale d'Allemagne.Il n'y a donc pas lieu
de les inclure à nouveau dans le total des Etats auteurs d'actes de délimi-
tation.
Outre les Etats susmentionnés, les Pays-Bas et le Danemark mention-
nent dans leur duplique commune ceux qui ont opté pour la ligne d'équi-
distance.

En ce qui concerne le Koweït, lesreprésentants de la Républiquefédérale
ont contesté que son accord avec la ;ociétéd'exploitation pût être retenu
comme un précédent, ne s'agissant pas d'une convention entre Etats.
Nombleuses sont les concessions de droit public qui ont donné lieu à
des précédents judiciaires dans divers problèmes du droit des gens.
Néanmoins, l'accord concernant une concession d'un Etat à une société

ne constitue pasper sc ou en tant que tel, un élémentde la pratique cons-
titutive de la coutume internationale. Ce n'est que par une légitime
assimilation de la position prise par 1'Etat conférant la concessiûn avec
les actes unilatéraux que le cas du Koweït pourrait êtreexaminé. Cepen-
dant l'attitude qui lui est attribuée, comme celle attribuée à l'Iran,
demande mûre réflexion. Elles auraient pu êtreretenues comme précé-
dents concourant à établir la coutume, si ces Etats ne s'étaient pasabs-

tenus de se référerà la méthode de l'équidistance, alors surtout que leurs
jurisconsultes sont au courant des débats qui s'étaient déroulésà la
conférence de Genève. On ne peut sonder le for intérieur de ces Etats
pour prétendre que I'opiniojuris s'attache aux démalcations auxquelles
ils ont procédésans se référerà une règle à l'application de laquelle ilsbases custom on S1.atepractice. The 1958 Convention, like any other
convention, has therefore no other influence on the formation of custom
than that which is conferred upon it by the States who have ratified it,

or have merely signed it: the deliberate legal act of ratification, and the
legal fact of signature, both constitute attitudes which count in the
enumeration of the elements of State practice.

29. Consequently, in order to draw up as complete as possible a
current list of precedents of such a kind as to contribute towards the
transformation of the equidistance method into a rule of customary
law, it would be necessary to tabulate:

(a) the deliberate legal acts of ratification of the aforesaid Conventions;
(b) the legal facts of signature of the Conventions:
(c)the various acts of delimitation of the territorial sea, the contiguous
zone, fishing z.ones, straits, lakes, the continental shelf and the
epicontinental ]platform.

States whose acts of delimitation have been referred to and which are
included under sub-paragraphs (a) and (b) include: the Soviet Union,
Finland, Australia, the United Kingdom, Sweden, Denmark, the United

States and the Federal Republic of Germany. There is thus no need to
include them once again among the total number of States which have
carried out acts of cielimitation.
In addition to the above-mentioned States, the Netherlands and Den-
mark mention in thieir Common Rejoinder those which have opted for
the equidistance line.

So far as Kuwaiit is concerned, the representatives of the Federal
Republic argued that its agreement with the concessionary company
could not be regarded as a precedent, since it was not a convention be-
tcçeen States.
Numerous concessions under public law have given rise to judicial
precedents in various questions of international law. Nevertheless, an

agreement concerning a concession by a State to a company does not,
pi'rsr.or as such, constitute an element of the practice which contributes
to the creation of international custom. It is only by a legitimate assimila-
tion of the position taken up by the State granting the concession, to a
unilateral act, that the case of Kuwait might be considered. Never-
theless, the attitude which is attributed toit,like that attributed to Iran,
demands careful thcjught. They might have been considered as precedents

contributing towarcls the establishment of custom if those States had not
refrained fi-om referring to the equidistance method, although their legal
advisers must assuredly have been aware of the discussions that had taken
place at the Geneva Conference. The inmost thoughts of those States
cannot be plumbed, so as to claiin that an opit~iojuris attached to these seraient cru tenus. D'autant plus qu'en raison de la démarche de
chacun d'eux dans le tracé des lignes de démarcation de leurs plateaux

continentaux, on ne peut s'empêcherde se reporter à leurs déclarations
respectives de 1947 et de 1955 spécifiant qu'ils s'en rapporteraient à ce
sujet à la notion d'équité.

En ce qui concerne l'Irak, il est dit dans la duplique que cet Etat 1a

spontanément considéréqu'à défaut d'accordou de circonstances spéciales
justifiant une autre délimitation, c'était le principe de l'équidistance
énoncé à l'article 6 de la Conkeiition sur le plateau continental qui
régirait ladilimitation de son plateau continental '.Or la déclaration de

l'Irak est du 10 avril 1958, soit avant la signature de la Convention de
Genève; la référenceà l'article 6 de celle-ci est donc hors de propos. On
peut retenir cependant la déclaration irakienne, telle la proclamation
Truman, comme initiant Lincourant vers une coutume nouvelle.
L'accord signéle 10 mars 1965 entre le Royaume-Uni et la Norvège

et adoptant la règle dc l'équidistance constitue un autre précédent. On
peut en dire autant de l'accord du 8 décembre 1965 entre le Danemark
et la Norvège, de la proclamation du président de la République-Unie
de Tanzanie du 30 mals 1967concernant la délimitation de la mer terri-
toriale entre la Tanzanie et le Keyna, de l'accord du 20 mars 1967entre le

Maroc et l'Espagne ayant trait au détroit de Gibraltar, et de l'accord du
24 juillet 1968 entre la Suède et la Norvkge.

Mais que faut-il penser de l'attitude de la Belgique? Quoique n'ayant
pas signé la Convention sur le plateaii continental, le Gouvernement

belge, par une note du 15 septembrc 1965 adressée par l'ambassade de
Belgique au ministère néerlandais des Affaires étrangkres, précise que
((lesdeux pays sont d'accord sur le principe de I'équidistanccet sur son
application pratique 1)En outre, un projet de loi, assorti d'un exposéde
motifs, soumis à la Chambre des riprésentants en date du 23 octobre

1967. adopte les dispositions de la Convention sur le plateau continental.
Le projet de loi, tout dipourvu qu'il est d'effetjuridique, exprime néan-
moins le point de vue oficiel du gouvernement. II constit~ie un de ces
actes de l'ordre juridique intérieur pouvant êtrecomptés au nombre
des précédentsà retenir, le cas échéant,pour la reconnaissance de la

coutume. De toute façon. l'attitude du Gouvernement belge est exprimée
sans équivoque possible par la déclaration contenue dans la communica-
tion d'Etat à Etat du 15 septembre 1965 à laquelle ne saurait êtrerefusé
le caractère de précédent 2.

D'autre part, la convention européenne de Londres du 24 msrs 1964
sur la pêcheayant adopté la formule de l'équidistance à l'instar des

Duplique, par. 72.
Slrpra.par. 21,;sur l'effet des déclarations unilatérales. CONTINENTALSHELF(SEP. OP. AMMOUN) 129

deinarcations which they made without referring to a rule they believed

themselves obliged to apply. The more so in that on account of the steps
taken by each of then? in drawing lines of demarcation of their continental
shelves one cannot hLelplooking back to their respective declarations of
1947 and 1955, in which they specified that they would rely in this con-
nection on the notion of equity.

So far as Iraq is concerned, it was stated in the Rejoinder that that
State "automatically considered that the equidistance principle expressed
in Article 6 of the Continental Shelf Convention would govern the delimi-
tation of her continental shelf in the absence of an agreement or of special
circumstances justifying another boundary line '". But the declaration
of Iraq was made on 10 April 1958,i.e., before the signature of the Geneva

Convention; the reference to Article 6 thereof is consequently out of
place. The Iraqi declaration can nevertheless be taken into consideration,
like the Truman Proclamation, as starting atrend towards a new custom.
The Agreement between the United Kingdom and Norway, signed on
10 March 1965, which adopted the equidistance rule, constitutes another
precedent. The same can be said of the Agreement of 8 December 1965

between Denmark and Norway, the Proclamation of 30 March 1967 by
the President of the Republic of Tanzania concerning the delimitation
of the territorial sea between Tanzania and Kenya, the Agreement of
20 March 1967 between Morocco and Spain dealing with the Straits of
Gibraltar, and the Agreement of 24 July 1968between Sweden and Nor-

way.
But what view should be taken of the attitude of Belgium? Although
it did not sign the Convention on the Continental Shelf, the Belgian
Government, in a Note of 15 September 1965fromthe Belgian Embassy
to the Netherlands Ministry of Foreign Affairs, stated that "the two
countries are in agreement on the principle of equidistance and on its

practical application". Furthermore, the provisions of the Convention
on the Continental Shelf were adopted in a bill, accompanied by an
r~spos6des motifs which was submitted to the Chamber of Representatives
on 23 October 1967. The bill, while totally devoid of legal effect, never-
theless expresses the: oficial point of view of the Government. It con-
stitutes one of those acts within the municipal legal order which can be

counted among the precedents to be taken into consideration, where
appropriate, for recognizing the existence of a custom. In any event, the
attitude of the Belgian Government is expressed without any possible
equivocation in the statement contained in the State to State communica-
tion of 15 September 1965,to which the character of precedent cannot be

deriied 2.
Furthermore, since the European Fisheries Convention of London of
24 March 1964 ado-pted the equidistance formula on the mode1 of the
-

'Supra, para. 21, on the effeçt of unilateral declarations.conventions de Genève sur la mer territoriale, la zone contiguë et les
zones de pêche ', ily a lieu de noter que sept Etat qui ne sont pas parties

à ces conventions ont signéla convention de Londres. Leui nombre vient
s'ajouter à celui des Etats, dont il a étéfait mention, ayant appliqué la
méthode de I'équidistance.
Ainsi peut-on dénombrer, en définitive,pendant le cours de la décade
qui s'est écouléedepuis l'institution de la règle nouvelle par voie con-
ventionn-lle, unedouzaine d'Etats n'étant pas parties à la Convention de
1958sur le plateau continental, qui ont opté,en plus des Etats signataires

de celle-ci, pour la méthode de I'équidistance.
Quelque importance que présentent ces précédents,dont le dériom-
bienient a étéaussi compréhensif qu'il pouvait l'être, leur nombre
n'atteint que peu ou prou la moitiéde celui de la communauté internatio-
nale. II est difficile d'y trouver les élémentssusceptibles de constituer la
pratique généralement acceptéede l'article 38, paragraphe 1 h), du
Statut de la Cour.

30. Un argument de texte est d'autant moins à négliger qu'il con-
firme péremptoirement cette manière de voir. C'est celui tirédel'article 12

de la Convention sur le plateau continental, qui distingue entre les
articles 1 à 3 et tous les autres articles en décidant que ceux-là seuls
ne sont pas susceptibles de réserve. LaCour s'est étendue sur ce point et
je n'ai pas a y revenir, sinon pour ajouter que la faculté de suboldonner
à des réserves la mise en Œuvre des dispositions de I'article 6 implique
l'absence chez les signataires de la Convention de I'opiniojuris sive

nec~ssitatis. Celle-ci suppose, en effet, la conscience du caractére obliga-
toire de la règle. Et c'est l'évidencemêmequ'on ne peut pas se sentir
obligé par une règle quand on se réserve le droit de ne pas l'appliquer.

On ne peut en coi-iséquences'empêcherde conclure que la méthode de
l'équidistance de l'article 6 de ladite Convention du 29 avril 1958 n'a
pas revêt~liecaractère de règlecoutumière qu'elle n'avait pas auparavant.

31. On ne peut, non plus, y déceler les éléments constitutifs d'une
coutume régionale. En effet, si une règle généralede droit coutumier

n'exige pas le consentement de l'unanimité des Etats, ainsi q~i'ilrésulte
des termes explicites de l'article précité- du moins le consentement de
ceux qui ont eu connaissance de cette pratique généraleet, étant en
mesure de s'y opposer, n'y ont pas fait opposition ' - il n'en est pasde

' Supra, par. 22.
Ainsi est réservéle droit des pays accZdanà l'indépendance et n'ayant pas
participé à l'élaboration de règles qu'ils considèrent incompatiavec l'état de
choses nouveau. CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. AMMOUN) 130

Geneva Conventions on the Territorial Sea, the Contiguous Zone and
Fishing Zones l,itshould be noted that seven States which are not parties

to those conventions signed the London Convention. They are to be
added to those States, al-eady mentioned, which have applied the equi-
distance method.
Thus, finally, in the course of the decade which has elapsed since the
institution of the new rule by treaty, a dozen States not parties to the
1958 Convention ori the Continental Shelf can be counted which have

opted, in addition 1.0 the signatory States of that Convention, for the
equidistance method.
However important these precedents may be, and despite the fact that
those relating to al1.kinds of waters have been drawn upon, their number
amounts to only about half of that of the international community. It is

difficult to find in .this elements capable of constituting the generally
accepted practice of Article 38, paragraph 1 (h), of the Statute of the
Court.

30. There is a textual argument which is of al1 the more account in
that it firmly confirrns this view of the matter. It is that drawn from Ar-
ticle 12 of the Conlvention on the Continental Shelf, which makes a
distinction between .Articles 1to 3and al1the other articles, by providing

that to the former alone no reservations may be made. The Court has
dealt extensively wit'hthis point, and 1need only refer to it in order to add
that the power to subject the implementation of the provisions of Ar-
ticle6 to reservations implies the absence, in the minds of the signatories
of the Convention, of the opinij ourissive necessitatis.The latter requires
consciousness of the binding nature of the rule, and it is self-evident

that a rule cannot be felt to be binding when the right not to apply it is
reserved.
The conclusion cannot therefore be avoided that the equidistance
method of Article fi of the said Convention of 29 April 1958 has not
acquired the nature of a customary rule which it did not have formerly.

31. Nor are there to be found therein the elements which go to make

up a regional custoni. For while a general rule of customary law does not
require the consent of al1States,as can be seen from the express terms of
the Article referred to above-but at least the consent of those who were
aware of this general practice and, being in a position to oppose it, have
not done so '-it is ]lot the same with a regional customary rule, having

Supra, para. 22.
Thiis the rialit of countries becominr indeuendent. which have not participated
in the formation of rules which they conside; incompatible with the new state of
affairs, is preberved. mêmequant à la règlecoutuniière i-égioiiale,vu le nombre i-estreint des
Etats qu'elle est destinée à régir et qui sont à mêmed'y donner leur

consentement. A défalitde ce consentement exprèsou tacite, une coutume
régionalene pourrait être imposéeà un Etat qui s'yrefuse. La Cour inter-
nationale de Justice l'a nettement exprimédansson arrêtdu 30 novenlbre
1950sur le Dioir ci'asil~dans les terines suivants: 1La partie qui invoque
une coutume ciccctte nature (coutiiine régionale oii locale) doit prouver

qii'elle s'est constituée de tcllc manière qu'elle est devenue obligatoire
pour l'autre partie '.
Ainsi la Répul-.liqiiefkdéraled'Alleniagiie ne peut êtretenue par une
soi-disant règle coutumière régioiialr qu'elle rejette. Elle a marqué
formellement son opposition à la règle en question; d'abord dans la
réponse du 26 août 1963à la note verbale de l'ambassade des Pays-Bas

à Bonn; puis dans le comproinis du 7 février1967,dont le Gouvernement
des Pays-Bas a pris acte dans ledit compromi~, tout comme le Gouverne-
ment du Danemark. De plus, dans sa proclamation du 10 janvier 1964,
le Gouveriicment fidéral distingue entre le principe relatif au plateau
contineiital lui-niêmeet les règlescoiiceriiant sa délimitation '.

32. On lie saurait donc admettre. ainsi que le soutiennent les Gou-
vernements des Royaumes du Daiiemaik et des Pays-Bas, que la règle
de l'article 6 de la Con~ention de Genève sur la délimitatioii du plateau

continci-ital a acquis le caractèie d'une règlegénéralede droit coutumier
intcriiational, pas plus que celui d'une rcgle coutuniière légionale.
La ligne tl'équidistance écartéeen tarit que regle de dioit positif, on
peut y revcnir, à I'iiistai-des Etats qui l'ont appliquée voloiitairemeiit,
comme à une méthode pouvant assuier, moyeiiiiaiit des rectificatioiis
nécessairesselon les ciiconstances, une délit?-iitatioiiéq~iitablc.

Aiiisi faut-il se reporter, en derniii-e analyse. aux principes généraux
du droit reconnu par les nations.

La Cour ii'a pas cru cependant devoir Ic faire. Ellc a estinié qu'à
défaut d'une méthode de délimitation s'imposant aux Parties, celles-ci
devaient êtreconviéesà négocier lin accord par applicatioii de principes
équitables.

bre 1950; et affaire des Droits tl(,si.<~ssoii1/.cv.rEiat~-L't~ir(i'Ajiiiriqire ut<Mui.oc.
arrCt du 27 aoür 1952.
' Contre-mémoire des Pays-Bas et du Danemark. ann. 10: Euposé des motifs du
projet de loi al!eiiiand sur la détermination provisoire de\ droits le plateau
continental. COATINENTALSHELF (SEP. OP. AMMOUN) 131

regard to the small number of States to which it is intended to apply and
which are in a position to consent to it. In the absence of express or tacit
consent, a regional ciustomcannot be imposed upon a State which refuses
to riccept it. The Int~rrnational Court of Justice expressed this clearly in
its Judgment of 20 November 1950in the Asylum case in the following
terms: "The Party which relies on a custom of this kind [SC.,regional or
local custom] must prove that this custom is established in such a manner
that it has become binding on the other Party '."

Accordingly, the Federal Republic of Germany cannot be bound by a

so-calledregional customary rule whichit rejects. It has expressly recorded
itsopposition to the rule in question; firstlyin its Reply of 26August 1963
to the note i<,rbaleliom the Netherlands Embassy in Bonn: and sub-
sequently in the Special Agreement of 2 February 1967, in which the
Government of the Netherlands took forma1note of this, as did the Gov-
ernment of Denmark. Moreover, in its Proclamation of 20 January 1964,
the Federal Governnzent distinguished between the principle of the con-
tinental shelf itselfaindthe rules concerning its delimitation 2.

32. Consequently it cannot be accepted, as the Governments of the
Kingdoms of Denmark and of the Netherlands maintain, that the rule in
Article 6 of the Geneva Convention concerning the delimitation of the
continental shelf has acquired the character of a general rule of inter-
national customary law or that of a regional customary rule.
The equidistance line having been rejected as a rule of positive law,
recourse may be hacl to it, after the fashion of those States which have
applied it voluntarily, as a method which can, subject to necessary recti-
fications in accordance with the circumstances, ensure an equitable delimi-

tation.
Thus itis necessary in the last analysis to have regard to the general
principles of law recognized by nations.

However the Cou,rt has not considered that it should do this; it has
taken the view that, failing a method of delimitation which the Parties
are bound to use, th'eyshould be called upon to negotiate an agreement
by the application of equitable principles.

In support of this opinion, cf. I.C.J., As.vlutncase, Judgment of 20 Novernber
States of America in Morocco case.t 1953 in the Rights of Nationals of the United
Counter-Memorial of the Netherlands and Denmark, Annex 10. Exposé des
rnorifsof the German Bill on the Provisional Determinationof Rights over the
Continental Shelf. L'équitéque recommande la Cour i l'attention des Parties ne serait
autre chose que la justice: ICQuel que soit le raisonriement juridique du
juge, dit-elle, ses décisions doivent par définition êtrejustes, donc en ce
sens équitables. IJL'arrêtaboutirait à cette vérité d'évidence qu'iflaut

êtrejuste, et n'indiquerait pas grand-chose à l'intention des Parties qui,
toutes, considèrent que leurs positions respectives sont équitables.

Le juste n'est cependant pas toujours équitable. A pleuve l'adage bien

connu: Sunznnttnjus szlrrrrllinjuria. Et c'est pour pallier cet inconvénient
d'unc stricte justice que l'on peut avoir recours à l'équité destinée à
tempérer la rigueur du droit.
A la vérité,le principe d'équité qui s'impose n'est pas l'équitéabs-

traite que vise l'arrêt,mais celui qui comble une lacune, tel le principe
d'équitépraetc.r Iogem, qui est une source auxiliaire du droit. Contraire-
ment à l'avis de la Cour, il y a une lacune dans le droit international
lorsqiie la délimitation n'est prévue ni par une convention générale

applicable (art. 38, par. 1 a) ) ni par une coutume généraleou régionale
(art. 38, par. 1h) ). IIreste le paragraphe 1c), qui paraît aider à combler
la lacune. La question qui se pose est donc la suivante:

33. Existe-t-il un principe généralde droit reconnu par les nations
tel que prévupar l'article 38, paragraphe 1 c), du Statut de la Cour, dont
découlerait une règle selon laquelle pourrait être délimitééquitablement,
en cas de désaccord, le plateau continental entre les Parties?

Il importe, en premier lieu, d'observer que la formule de l'article 38,
paragraphe 1 CI, du Statut, énonçant (1les principes générauxde droit
reconnus par les nations civilisées 11,est inapplicable telle qu'elle est
transcrite, les termes ((nations civilisées 1)étant incompatibles avec les

dispositions pertinentes de la Charte des Nations C'nies, et ayant pour
conséquence de limiter inconsidérémentla notion clesprincipes généraux
du ciioit l.
La discrimination entrc nations civilisées et nations non civilisées,

que n'avaient pas connue les pères du droit international, protagonistes
d'un droit des gcns universel: Vittoria, Suarez, Gentilis, Pufendorf, Vattel,
est lelegsde l'époquerévolue du colonialisme etdu temps périinéouun nom-
bre restreint de puissances établissaient lesrèglescoiivcntionnelles ou cou-

S. Krylov, dans son opinion dissidente dans I'atfaire des Dor~7117cisibis air
scvi.i<c/<~scitiotr.5Utlic~.j\ugée le II abri1 1939. omet le ternie civen citant
les principes gknéraiix du droit. II ne motive pas cependant cetteomission.Toutefois,
dans son cours à I'Acadkmie de droit internationade La Haye en 1947, il s'était
éle\P contre le traitement arbitraiàel'encontre des Etats dits indigènes. (Rcciteil,
1947. 1, p. 449.) The equity which the Court recommends to the Parties' consideration
would appear to be ncithingother than justice: "whatever the legal reason-
ing of a court of justice", says the Judgment, "its decisions must by
definition be just, and therefore in that sense equitable". The Judgment
arrives at the obviouij truth that it is necessary to be just, and does not

give much indication to the Parties, each of whom considers that its own
position is equitable.
What is just is however not always equitable, witness the well-known
adage: sumnzumjus silmma injuria. And it is in order to mitigate this in-
convenience of strict justice that recourse may be had to equity whose
role is to moderate the rigour of law.

The truth of the matter is that the principle of equity which must be
applied is not the abstract equity contemplated by the Judgment, but
that which fills a lacuna, like the principle of equity praeter legrm, which
is a subsidiary source of law. Contrary to the opinion of the Court, there
is a lacuna in interniitional law when delimitation is not provided for

either by an applicable general convention (Article 38, paragraph 1
(a)), or by a general or regional custom (Article 38, paragraph 1 (6)).
There ren~ains sub-paragraph (c), which appears to be of assistance in
filling the gap. The question which arises is therefore as follows:
33. Does there exisi.a general principle of lawrecognized bythe nations,
as provided for by Article 38, paragraph (c), of the Statute of the Court,

from which would follow a rule to the effect that the continental shelf
could, in case of disagreement, be delimited equitably between the
Parties?

It is important in the first place to observe that the form of words of
Article 38, paragraph 1 (c), of the Statute, referring to "the general
principles of law recagnized by civilized nations", is inapplicable in the
forni in which it is set down, since the term ''civilized nations" is in-
compatible with the relevant provisions of the United Nations Charter,

and the consequence thereof is an ill-advised limitation of the notion of
the general principles of law l.
The discrimination between civilized nations and uncivilized nations,
which \vas unknown to the founding fathers of international law, the
protagonists of a universal law of nations, Vittoria, Suarez, Gentilis,

Pufendorf, Vattel, is the legacy of the period, now passed away, of colo-
nialism, and of the time long-past when a limited number of Powers

S. Krylov, in his dissenting opinion in the case of Repurution for Injuries Sufjèred
in tlie Service of tl~e United Notions, decided on 11 April 1949, omits the word
"civilized" whenrefcrring to the general principles of law. He does not however give
reasons for this omissiori. But in his course of lectures at The Hague Academy of
InternationalLaw in 1947, he raised his voicegainst the arbitrary treatmegiven
to the so-called native States (Recueil des Cours, 1947, 1. p. 449). 133 PLATEAU CONTIN~NTAL (OP. IND. AHMOUN)

tiiniières d'un droit européen appliqué vis-CL-vid se l'ensenible de 1:icom-
inunauté des nations. Maintenu et parfois renforcé lors desgrandes liqui-

dations de I'histoiie - Vienne 1815, Berlin 1885, Vers:iilles 1920. Lau-
sannc 1923, Yalta 1945 -, le dioit intcriiational européenavait étédéfen-
du par desjuristes d'iineautorité incontestable dans lap1up:ii-tdescllapitres
du droit iiiteinational, tels que Kent, Wlieaton, Philliiiiore, Anrilotti,

Fauchille, F. de Markas, Westlakc. Hall, Oppenheim, Politis: ainsi
La inorule ir7tc~riirrtiorine ce dernier frappe par le fait qu'elle est centrée
sur l'Europe seule et son intérStexclusif. Quelque grande et forte que soit
la pensée de ces juristes de reiioin, le~irconception d'une famille des

nations européennes et nord-atlantiques ne commence pas moiiis ii
s'estomper derrière la réalitéde la comniunauté univcrsells, dans lapen-
séedes internationalistes d'un âge nouveau tels que S. Krylov, hl. Katz,
W. Jeiiks et M. Lachs. Du reste, les juristes uiiiversalistes d'Europe

avaient étéprécédés par ceux d'Asie et di1 Moyen-Orient: Sui Tchoan-
Pao, Bandyopadhyoy, Rechid.

Que les adeptes de la notion du droit reconnu par les nations civilisées
apprécient le degréde civilisation relativement à la capacité de l'autorité

de sauvegarder les droits des étrangers ' ou par son pouvoir d'assurer la
nrotection des droits fo~idanieiitaux de la Dersonne humaine 2. on lie
peut s'empêclicrde songcr aussi que le régime colonial n'était pas à
exclure des élémentsd'anniéciation rentrant dans l'un ou l'autre de ces
r1
crittlres, le colonisé étantun étrarigervis-à-vis du colonisateur et ayant été
firi\ éde certains de ses droits fondamentaux 3.
Aussi bien la discrimination que condamilent Ics auteurs est-elle en
contradiction absolue avec les dispositions de la Charte des Nations Unies

pré\oyaiit désorinais 1l'égalité souveraine 11de toutes les nations membres
et leur ~artici~ation soit à l'élaboration du droit interiiational dails
les orgaiies des Nations Unies, et notamment la Commission du droit
internatioii:il dans laquelle toutes les nations sont appelées à siéger;

soit à l'application du droit international, à son interprétation et, dans
une certaine mesure, à son développen~entet à son évolution, et ce en
vertu de 1':irticle9 du Statut de la Cour aux ternies duquel (lesélecteurs
auront en vue qiie les personnes appelées a faire partie de la Cour. ..

assurent dans l'ensemble la représentation des grandes formes de civili-
sation et des principaux systèmesjuridiques du monde 11.
Et c'est ainsi que des nations, aux systèmesjuridiques desquelles il est
fait ci-haut allusion, qui ne faisaient pas paitie du concert restreint des

Etats légiférantj,usqu'aux piemièresdécadesdu XXe siècle,pou1 I'ensem-
ble de la communaiité internationale, participent aujourd'hui à la cons-
--
Westlake et R. Y. Jenninçs.
A. Favre.
W. Jenks rappelle qu'à une époque antérieure, les auteurs latino-américains
avaient eu une semblable réaction vis-i-vis du droit de l'Europe (ThCorni~lonLaw
of Mankind, p. 74). CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. A~IMOUN) 133

established the rules, of custom or of treaty-law, of a Eiiropean law
applied in relation to the whole community of nations. Maiiitained and

sometimes reinforced at the time of the great historical settlements-
Vienna 1815, Berlin 1885, Versailles 1920, Lausanne 1923, Yalta 1945-
European international law had been defended by jurists of indisputable
authority in the majority of branches of international law, such as Kent,
Wheaton, Phillimor~e, Anzilotti, Fauchille, F. de Markas, Westlake,

Hall, Oppenheim, P'olitis: thus the last-mentioned writer's La rnorale
intcrtzutionnleis striking by reason of the fact that it is centered on Europe
alone and Europe's exclusive interests. However great and powerful the
thinking of these reiîowned jurists may be, their concept of a farnily of

Eiiropean and North Atlantic nations is nonetheless begiiining to be
blurred by the reality of the universal community, in the thinking of the
internationalists of a new age such as S. Krylov, M. Katz, W. Jenks and
M. Lachs. What is more, the universalist jurists of Europe had been
preceded by those of Asia and the Middle East: Sui Tchoan-Pao, Bandyo-

padhyoy, Rechid.
Whether the adepts in the notion of the law recognized by civilized
nations assess degreirs of civilization by reference to the coinpetence of
authority to preserve the rights of foreigners l,or to its power to ensure
the protection of the fundamental rights of the human person 2,it is

impossible to avoid ithethought that the colonial régimeshould not have
been excluded from the factors of assessment belonging to one or other
of these criteria, since the colonized wereforeigners vis-à-visthe colonizers,
and had been deprived of certain of their fundamental rights 3.

Moreo~.er, the discrimination condemned by writers is in absolute
contradiction ~vithtlîe provisions of the United Nations Charter, stipu-
lating hencefor\vard '.the sovereign equality" of al1the Member nations,
and for their participation both in the elaboration of international law
in the organs of the United Nations, particularly the International Law

Commission on which al1 nations are called upon to sit. and in the ap-
plication, ii-iterpretation and to a certain extent the development and
evolution of international law, by virtue of Article 9 of the Statute of
the Court, accordinj; to which "the electors shall bear in mind .. .that
in the body as a whole the representation of the main forms of civilization

and of the principal legal systems of the world should be assured".

Thus it is that certain nations, to Mhose legal systems allusion
was made above, which did not form part of the limited coiicert of

States which did the: law-making, upto the first decades of the 20th cen-
tury, for the whole of the international community, today participate
-- .- --
'Westlake and R. Y. Jennings.
A. Favre.
'W. Jenks recalls that at an earlier period. the Latin Amerwriters had had a
similar reaction in face of the law of Europe (TCorr~,~ioiaw of Mankiizd, p. 74).tatation ou à l'élaboration desprincipes générauxdu droit, contrairement
i ce que dit improprement l'article 38, paragraphe 1 c), du Statut de la
Cour. Le déléguéaméricain Root avait bien suggéréau Comité dejuristes

en 1970 que la Cour appliquât, outre le droit conventionnel et le droit
coutumier les principes de droit universellement reconnus ».Toutefois,
sous l'infiuence des idéesempruntées a la conférencede La Haye de 1907
où dominaient les juristes d'obédience européenne, il substitua à cette
formule celle qui devait figurer dans l'article 38, paragraphe 1 c), du

Statut, qui se trouve héritée,pour ainsi dire sans bénéfice d'inventaiie, de
conceptions aussi anachroniques qu'injustifiées. Et par surcroît, la
jurisprudence internationale, particulièiement docile, entendait par
((nations civilisées 1)celles formant le concert européen 1)au droit des-

quelles, uniquement, elle déclaiait emprunter les principes générauxde
droit par voie d'analogie '.

Si l'on considère surtout que les principes générauxde droit que men-
tionne l'article 38, paragraphe 1 c), du Statut ne sont autres que les

normes communesaux différentes législationsdu monde qu'unit l'identité
de raison juridique, ou la rutio legis, transposées de l'ordre juridique
interne i l'ordre juridique international, on ne peut manquer de relever
l'inadvertance commise en limitant arbitrairement l'apport du droit
interne à l'élaboration du droit international : un droit international

devenu, en soinme, grâce surtout aux principes proclamés par la Charte
des Nations Unies, un droit universel pouvant puiser aux sources internes
du droit de tous les Etats dont il est destiné à régir les rapports, et en
raison de quoi la formation de la Cour doit représenter les principaux

systèmesjuridiques du monde.
Face à cette contradiction entre les principes fondamentaux de la
Charte et leur universalitéd'une part, et letexte de l'article 38, paragraphe
1 c), du Statut de la Cour, de l'autre, ce dernier ne pourrait être inter-
prétéautrement qu'en lui reconnaissant une portée universelle ne com-

portant point de discrimination entre les membres d'une même commu-
nauté fondée sur l'égalitésouveraine. Le critérium de la distinction entie
nations civilisées etcelles qui ne le seraient pas a été dela sorte un cri-
térium politique - politique de puissance - et n'ayant rien d'éthique

ou de juridique. Le système qu'il représente n'a pas étésans influence
sur l'éloignement persistant de certains nouveaux Etats de la Cour
internationale de Justice 2.
C'est le principe sous-jacent commun aux règlesnationales sous toutes
les latitudes qui explique et justifie leur annexion au droit international

public. Aussi les principes générauxdu droit, quand ils synthétisent et
condensent le droit i~ifiwo dor~rcsticodes nations - de l'ensemble des

Voir notamment les dkcisions de la COLIp^ermanente d'arbitrage du1I novem-
bre 1912dans l'affaire desdeinnitis russes contre I'Einpire ottotnan, et du 13octobre
1922 dans l'affaire des Riclan~ations norvc;giennes contre les Etuts-Unis.
' Cf. W. Jenks, The Coiniilon Laiv of Munkind, p. 79. in the determinatiori or elaboration of the general principles of law,
contrary to what is improperly stated by Article 38, paragraph 1 (c),
of the Court's Statute. The American delegate Root did well to suggest
to the Cominittee of Jurists in 1920that the Court should apply, besides

treaty law and customary law, "the universally recognized principles of
law". Nonetheless, ander the influence of ideas borrowed from The
Hague Conference of 1907, where the jurists of European allegiance
were dominant, he siibstituted for this formula that which was to appear
in Article 38, paragraph I (c), of the Statute, which has thus beeii iiihe-

rited, as it were without berl<ficiu/izirls~~tztariif,rom colicepts as anachron-
istic as they are unjustified. And over and above this, the particularly
docile line taken by international decisions, understood by "civilized
nations" those composing the "Concert of Europe", from whose systenis
of law alone they avowedly borrowed general principles of law by way

of analogy l.
If it is borne in mind particularly that the general principles of law
mentioned by Article 38, paragraph 1 (cj, of the Statute, are nothing
other than the norins common to the different leeislations of the world.
"
united by the identity of the legal reason therefor, or the ratio lrgis,
traiisposed fromthe interna1 legal system to theinternational legal system,
one cannot fail to reimark an oversight conunitted by arbitrarily limiting
the contribution of niunicipal law to the elaboration of international law:
international law which has become, in short, particularly thanks to the

principles proclaimeci by the United Nations Charter, a universal Iaw
able to draw on the iriternal sources of law of al1the States whose relations
it is destined to govern, by reason of wliich the composition of the Court
should represent the principal legal systems of the world.
In view of this contradiction between the fundamental principles of

the Charter, and the universality of these principles, on the one hand,
and the text of Article 38, paragraph I (c), of the Statute of the Court
on the othcr, the latter text cannot be interpreted otherwise than by
attributing to it a universal scope involving no discrimination between

the niembers of a single community based upon sovereign equality. The
criterion of the distinction between civilized nations and those which are
allegedly not so has thus been a political criterion,-power politics,-
and anything but an ethical or legal one. The systeni which it represents
has not been without influence on the persistent aloofness of certain

new States from the International Court of Justice '.
It is the common iunderlying principle of national rules in al1latitudes
which explains and justifies their annexation into public international
law. Thus the general principles of law, when they effect a synthesis and
digest of the law in,foro clo~nesticoof the nations-of al1 the nations-
- .--
' Sec in particular the decisions of the Permanent Court of Arbitration of 11
November 1912 in the Rlis.\irrrrInd(~t,ln. abe and of 13 October 1922 in the Nor-
wrgicrti Slripownr~.' luittr case.
?Cf. W. Jenks, T/tc Con/t>rotzLaw ofMctnkind, p.79. 135 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. A~IMOL'K)

nations - paraissent-ils plus proches que les autres sources du droit, dt:
la morale internationale. En s'incorporant au droit des gens, ils se dé-
pouillent de toute teinte nationaliste pour représenter, tel le principe de
l'équité,les plus pures valeurs morales. Ainsi véhiculépar ces valeurs

sur la voie du développement, le droit des gens se rapproche de plus en
plus de I'unité.
En conclusion de cet exposé, il semble que la Cour, en citant, le cas
échéant,le paragraphe 1c) de l'article 38, pourrait omettre le qualificatif

viséet se contenter des termes ales principes générauxdu droit reconnus
par les nations 11;ou bien emprunter la formule dont a fait usage
sir Humphrey Waldock dans sa plaidoirie du 30 octobre 1968, à savoir:
illes principes générauxdu droit reconnus par les systèmes juridiques

nationaux 11.On pourrait aussi dire tout simplement: ales principes
générauxdu droit 11:les juristes et mêmeles étudiants en droit ne s'y
tromperaient pas. Le tout en attendant que la revision du Statut de la
Cour ou de certaines dc ses dispositions soit mise sur le chantier.

34. Le sens de l'article 38, paragraphe 1 (.),du Statut de la Cour étant

ainsi restitué, il est possible de donner une réponseadéquate à la question
posée: Y a-t-il un principe généralde droit reconnu par les nations dont
découlerait une règle selon laquelle pourrait êtredélimitééquitablement
le plateau continental entre les Parties?

Dans leur plaidoii ie du 30 octobre 1968, les Pays-Bas et le Danemark
soulignent n'avoir connaissance d'aucune décisioncorroborant l'idéede
l'application d'un principe généralreconnu par les sytèmesnationaux qui
serait en contradiction avec le droit positif.

La réponse à cette objection a étéamplement faite en déniontrant que
la méthode de l'équidistance ne constitue pas une règle de droit positif.
II y a en l'occurrence une lacune qu'il s'agit de combler practo Ieprn et
non (,olltraIoget~,en dégageant un principe généralde droit reconnu pai

les systèniesjui idiques nationaux.
On ne peut nier, en effet, que lejuge international, s'écartant progres-
sivement de la thèse de la plénitude formelle ou logique du droit inter-
national, contribue à en pallier les insuffisances et à en combler les

lacunes. 11est vrai que la Cour est, en vertu de l'article 38 du Statut,dans
l'obligation 1dc réglerconformément au droit international les différends
qui lui sont soumis 11Mais le droit auquel se réfèrele texte n'a pas le sens
restreint aux traités et coutumes parfois prêtéau terme law '.La disposi-

tion de l'article susvisé, selon laquelle la Cour applique 11les principes
générauxde droit reconnus par les nations 11répugne au point de vue
volontariste - qui avait étécelui de l'arrêtde la Cour permanente de

l Ainsi que l'a fait observer le tribunal anicricano-norvégien en 1922 dans I'aFaire
des Norwegian Shipping C1oit11.r.

136seem closer than other sources of law to international morality. By being
incorporated in the :lawof nations, they strip off any tincture of national-
ism. so as to represent, like the principle of equity, the purest moral

\dues. Thus borne .along by these values upon the path of development,
iiiternational law approaches more and more closely to unity.

To conclude this account, it appears that the Court, when quoting,
as necessary, paragraph 1 (c) of Article 38, could omit the adjective
referred to, and content itself with the words "the general principles of

Iaw recognized by . . . [the] nations"; or could make use of the form of
lvords used by Sir H.umphrey Waldock in his address of 30 October 1968,
namely: "the general principles of law recognized in national legal
systems". One might also Say, quite siniply: "the general principles of
law"; jurists, and even law students, would not be misled. All this

pei-idingthe revision of the Court's Statute, or certain of its provisions,
being put in hand.

34. The ineaning of Article 38, paragraph 1 (c), of the Statute of the

Court having tlius been restored, it is possible to give an adequate reply
to the question raised: 1s there a general principle of law recognized by
the nations from which would follow a rule to the effect that the con-
tinental shelf could be delimited equitably betneen the Parties?
In their addresses of 30 October 1968, the Netherlands and Denmark

stressed that they were not aware of any decision supporting the idea
of the application of a general principle recognized by national systems
which was in contradictioii with positive law.
This objection h,as been arnply anstvered by showiilg that the equi-
distance method dcles not constitute a rule of positive law. There is, in
the circunistaiices, a lacuna which is to be filled prucJtrrlrgcni aiid not

contra Irgrm, by inferring a general principle of law recognized in national
legal systenis.
It cannot in fact be denied that an international court, by progressively
divergiiig froin tlie thesis of the formal or logical pleiiitude of inter-
national law, coiitributes to the remedying of its iiisufficiencies and tlie

filling-in of its lacunae. It is true that tlie Court is bound, by \.irtue of
Article 38 of the Statute, "to decide in accordance with international law
such disputes as are subrnitteci to it". But the law to which the text refers
does not have the limited rneaiiing, confined to treaties aiid custom, often
given to the term "law" '.The provisioii of the Article mentioned above,
according to which the Court shall apply "the general principles of law

recogiiized by . . . [the] nations" conflicts witli the voluntaristic point of

'As \\as pointed out by the Amcrican-Noruegian Tribunal in 1922 in tlie
Noiwegian .Sliipow!~(~i''l<rirase.Justiceinternationale du 7 septembre 1927 dans l'affaire du Lotus - et
autorise expressément lejuge, qu'il convie à l'emploi de la méthode ana-
logique, à dégager les normes juridiques de sources autres que celles

fondéessur le consentement formel ou tacite des Etats.

Dans un effort renouvelédela penséejuridique romano-méditerranéenne
brisant la chrysalide du formalisme étriqué qui l'enserrait, le droit

international déchire de même,quoique lentement et pièce à pièce, ses
cadrestraditionnels pour s'ouvrir à la réalité politiqueet sociale dans une
sociétéhumaine qui ne connaît plus d'exclusives.

35. Pour se prononcer sur la légitimitéde l'application de telle ou de

telle méthode en vue d'une délimitation équitable et juste du plateau
continental, il y aurait lieu, à défaut d'une obligation juridique pres-
crivant l'emploi de l'une ou de l'autre, de recourir el1définitive à l'équité,
la pratiquedes Etats s'yétantplus d'une fois référée.

S'il est en effet un principe reconnu par le droit interne de la com-
munauté des nations dont l'adoption par analogie, en droit international,
comme principe généralde droit, s'impose pour le moins autant quetant
d'autres que ce dernier a déjà empruntés, c'est manifestement celui qui

assigne l'équitépour fondement au droit et pour objectif à sa réalisation.

Les principes générauxde droit sont, sans conteste, des facteurs de

moralisation du droit des gens, en tant qu'ils empruntent au droit des
nations des principes de l'ordre moral tels que ceux de l'égalité,de la
responsabilité et de la faute, de la force majeure et du cas fortuit, de
I'estoppcl, du non-abus des droits, de la due diligence, de l'interprétation

des actes juridiques fondée non moins sur l'esprit que sur la lettre du
texte, enfin de l'équitédans la mise en Œuvredes règlesjuridiques, et dont
dérivent l'enrichissement injuste ou sans cause l,ainsi que la bonne foi
(1qui n'est qu'un reflet de l'équité etqui en est née 11.

La jurisprudence française, initiatricdu principe de non-abus des droits, s'est
nettement inspirée de l'éq~iitéV. oir arrët de la Cour de cassation du 18janvier 1892
qui relève s'l'action.. .dérivant du principe d'équitéqui défend de s'enrichir aux
dépens d'autrui 1).
Lajurisprudence libanaise, avant que l'enrichissement sans cause eût figure dans
son nouveau code des obligations, en déduisait la notion des règles d'équité de
Majallut El Alzkarn, le code de droit civil musulman qui y était en vigueur.
K. Strupp, cours à l'Académie de droit international de La Haye, Rccueil,
1930, III, p.462.
Cf. M. P. Fabreguettes, La logique judiciaire. p. 399, qui écrit: ((Dans un sens
élevéet juridique, l'équité(de aequitus, de acquis, égal), c'est lajustice distributive, CONTINENTAL SFIELF(SEP. OP. A~IMOUN) 136

view-which was that of the Judginent of tlie Permanent Court of Inter-
iiiitional Justice of 7 Septenzber 1927 in the Lotus case-and expressly

authorizes the Court, mliich it directs to use the method of analogy, to
draw the legal norms from sources other thaii those founded on the
express or tacit consent of States.
111a renewed effort by Romano-Mediterranean legal thinking, breakiiig

the chrysalis of outgrown formalism which encompasses it, internatioiial
law at the same tirne tears apart its traditional categories, though it be
slowly and bit by bit, in order to open the door to political and social
reality in a humaii society which no longer recognizes any exclusive

domains.

35. In order to pronounce on the propriety of the application of this
or that method wi1.ha view to ail equitable and just delimitation of the
continental shelf, i:here would, failing a legal obligation requiring the

use of one or other inethod, be need to have recourse ultimately to equity,
State practice having referred tlzereto more than once.
For if therc is a principle recogiiized by the inunicipal law of the
community of nations wliich demands adoption by analogy into inter-

national law as a geiieral principle of law, at least as much as so maiiy
others mhich it has already borrowed, it is clearly the principle wliich
nominates eqi~ityas the basis of law and as the objective of its impleinen-
tation.
The gcneral priinciples of law arc indisputably factors wliich briizg

nzorality into the 1;iwof nations, inasmuch as thcy borrow fronz the Iaw
of the nations pririciples of the inoral order, such as those of equality,
rcsponsibility and ,faute. ,force ~ntrjeureand act of Cod, estoppel, non-
inisuse of right, due diligence, the interpretation of legal documents on

the basis of the spirit as well as of the letter of the text, and finally equity
in the implementation of legal rules, from which derive the principles of
~injustenrichment and enric/~ksrme/?tsans (.ousr ',as lvell as good faith
"which is no more than a reflection of equity and uhich was born froin

equity '".

' French 'ase-law, which initiated the principle of non-misuse of right. clearly
dre\v inspiration froni eqiiity. See Judgiilcnt of thCoirrdc Cossatiorlof 18 January
1892 uhich refcrs to "the action . . hased on the principle of eqiiity which forbids
enricliment at the expense of another".
Tlie case-lau oftlit: Lebanon. beforer,n,-i(~liir~c,~tl nsr.nrrappea red in i\ new
code of ohligaiions, dediiccd the conccpt froii-i tlie rules of equity ofhlajallurcl
Alihur?r.tlie Muslini c:«de of ci\.il law uhich uas therc in force.
Expression of K. Strupp. Coiirse at The Hague Academy of International Law,
Hccrrerl ries ('orr~1930, Vol. III, p. 352.
Cf. M. P. Fahreguettes, I-rrlogiqir<~j~~tlicip~.399. \\zliourites: "In a higher legal
sensc. cqiiity (from(rcc/rrirfroiiirr<~rlrequal), is distrib~itive j~~stice,which forbids 36. On ne saurait recourir tout liniment au concept d~iraisonnable, par

préférence à I'iquitable.
Le raisonnable perçait d6jà sous la plume du juriscoiisulte romano-
phénicien Paul '. Mais le raisonnable, à l'exclusion de l'équitable, lie

satisfait pas complètement l'esprit. Tel qu'il est conçu dans le temps com-
me dans l'espace, il revêtun caractère de subjectivité, voirede relativité,

qui tranche avec le caractère objectif de l'équitable ?.On est. de surcroît,
en droit de se demander s'il s'agit, pour les protagonistes du raisonnable,
de la raison piire, ou si I'on se réfèreà la raison pratique. IIy a une dif-

férencenotable entre l'une et l'autre doctrine, celle qui sépare I'eiitende-
ment de la loi morale. La morale, a-t-on dit, rôde autour du droit. Et
I'on peut ajouter avec N. Politis et après Ulpien et Cicéron,qii'elle doit y

rCgner ?. En s'en détournant, le droit international se condamne A !a
stérilitéface à une socititébouillonnante de vie. L'écolenormative et sa

théorie pure de droit, dans la mesure où elles rejettent les Cléments
moraux. sociaux et politiques, qualifiésde inétajuridiques, s'isolent des
réalitésinternationales et de ses institutions progressives: uhi .socii7ta.r,

ihi ju.~.

qui empche de faire acception de personne: oii de se diriger par d'autres motifs que

ceiix du droit. ,'
Cf. aussi Ch. de Vischer. Tlicorie~ct r?ulitr;s rtl droit inter~iufionulpriblic, p. 482,
qui souligne à son tour qu',, il est significatique dans le cas où certains iiiembreï
unt eupressémeiit invoqué les principes généraux. ils l'ont fait sous le couvert de
quelques-unes des donnéesles plus élevéeset les pllis gknéralesde l'ordre juridique.
telles que la justice OLIl'équité. ,
Voir dicision du II noveii-ibre 1912 du tribunal arbitral dans l'affaire des III-
dett~tlitis rir.ssescontre I'Et~ipire ottutt~urr.qui fait état de l'équité pour apprécier la
responsabilité de I'Etat et sa mibe en oeuvre.
' P. Roiibier, ancien directeur de I'Ecole de droit de Beyrouth, T/rc;oricg~t~@rrod leir

Droit. p. 129.
Q~i'on sesouvienne que Platon et Aristote. qui étaient, pour ainsi dire, la raison
iiiêine.justifiaient contretoute équitéI'ebclavage. qui ne fut définitivenlent condamné
au noni de I'i.galitk entre les Iioninicï qu'à I'a\ènenicnt du christiani.iine. Encore fut-
iltolérécomme raisonnable jusqu'à la Révolution Srcinqaise.
Qu'on n'oublie pas non plus que le colonialisine. si inéquitable entre les nation\.
était considérécomme raisonnable par de grands juristes occidentaux juïqu'en des
temps très proches. On peut en dire autant des inégalitéssociales et économiques
sub>ist~,~tcn tous tenipi et en t«ii\ lie~ix.
Enfin l'esprit public dans maints pays trks évolués estime encore raisonnable

l'inégalité entre la feninic et I'hon-iine danï la iouissance ou l'exercice de certains
droits civiques. civils ou de famille.
' N. Politis rappelle dans Lu ltlor(lle it~tert~ution~r/1.26, le mot de Ciceron: yrri(/
lege.~sin<, tt~oril>riset rapporte le fond iiioral du droit internatioiial moderne à
Ulpien de Tyr. inspiré lui-niCrne. ainsi que le note P. Roubier (ibirl.. p. 128. note 1).
par cet autre Phénicien. Zénon. le fondateur de I'Ecole stoïcienne, et ses disciples
Sénéqueet Marc-Aiirèle. p. 51: lroni,.sfr I'~L'EI.Cu,1ter1rot1 luedere. SIILI~(.lliq~ie
tribrirre. 36. It is not possible to have recourse simply to the concept of what

is reasonable, in pre,ference to what is equitable.
The idea of the re.asonable saw the light as long ago as in the writings
of the Romano-Phoenician jurisconsult Paul l. But the reasonable, if
it excludes the equitable, does not completely satisfy the mind. In the

rtay in uhich it is formulated, in time as in space, it has an elenient of
subjectivity, or even of relativity. which contrasts with the objective
nature of the equitable '. Furthermore it may be wondered whether the
champions of the reasonable have in mind pure reason. or are referring

to practical reason. There is a difference, worthy of notice, between the
one doctrine and the other, namely that which separates the under-
standing froin the rioral law. Morality, it has been said, hovers around
the law: and one may add, with N. Politis and following Ulpian and

Cicero, thnt it should have dominion over it 3. In turning away from it,
international law condemns itself to sterility in face of a society bubbling
over with life. The normative school and its pure theory of law, in
rejecting the moral, social and political elements, described as meta-

juridical, become isolated from international realities and their progressive
institutions: irhisoci~otus.ih jus.

*
* *
-- --

an) respecting of persons, or being guided by reasons other than those of law."

Cf. also Ch. de Viss<:her, Theor?.and Realit~ in P~rblicInternurionul Law (trans.
P. Corbett. Princeton. 1957), p. 357, who in turn stresses that "it is significant that
in the . . .cases in whi<:h members of the Court have cxpressly invoked 'the general
principle3', they have clone so under cover of some of the most elevated and most
general categories of the legal order, such as 'justice' or 'equity'."
See decisicln of 1 I November 1912 of the Arbitral Tribunal in the Russiun In-
dei~rnit\. case, which refers to equity in order to assess the responsibility of a State,
and'iP. Roubier, former. Director of the School of Law of Beirut. Tliiorir ginhale du

Droit. p. 129.
It should be recalled that Plato and Aristotle, who uere so to speak reason
personified, offered justification for slaver). against al1 equity, and il was not defini-
tively condemned in th<:name of equality between man and man until the coining of
Chri5tianity. Even thcn it was tolerated as reasonable iip to the French Revoliition.
Let itnot he overlooked also that colonialism. so inequitable as between nations,
was considered reasonable by great Westernjurists right up to very recent times. The
same coiild be said of the social and economic ineaualities existinr-at al1times and in
al1 places.
Finally piiblic feeling in niany very developed countries still finds it reasonablc
that there slioiild be inequality hetwcen uife and husband in the enjoyment or
exercise of certain civic, civil orfainily rights.
N. Politis. in Lu niorule itrtertiationulr. p. 26, recalls tlie saying of Cicero, quid
Ir,grs sinc*ttiorihrrs. and relates the iiioral basis of modern internationalaur back to
Ulpian of Tyre, who \vas hiniself inspired. as P. Roubier observes (ibiri., p. 128,
note 1) by that other Plioenician. Zeno. tlie founder of the stoic school. and his dis-
ciples Seneca and Marcus Aureliiis. p. SI :Iloneste 1,iverr. altrrirrt~trori1uedei.e.srrrrt~i
cuique tribuere. 138 PLATEAU CONTINENTAL(OP. IND. AMMOUN)

37. Quoique lajustice internationale n'ait généralementpas spécifiéles
sources interries des principes généraux du droit qu'elle a dégagés,il
importe, en ce qui concerne une conception d'aussi grande portée que
l'équitéet qui comporte plus d'une acception comme on vient de le voir,

d'en préciserles élémentssous-jacents:dans le temps, en remontant aux
traditions juridiques qui se sont perpétuées jusqu'à nos jours, comme
dans l'espace, en parcourant à tire d'aile les divers apports nationaux.

Aussi paraît-il légitimede rappeler que la philosophie grecque, que ne
répudient pas les générationssuccessives jusqu'à la nôtre, concevait déjà
l'équité commeun correctif à la généralité dela loi, comme une justice

meilleure que lajustice légale.parce que celle-ci, étantdonné sagénéralité,
ne peut pas toujours répondre parfaitement àtous lescas possibles '.Dans
la suite des temps, le concept de justice et d'équitéest associéà celui du

droit, soit que la justice ait été définiepar Ulpien de Tyr, la volonté
d'attribuer à chacun son droit 2, ou l'art de ce qui est bon et équitable 3,
soit que le droit doive s'inspirer de l'idéedejustice et tendre à la réaliser ".

La solution juste et équitable dans le sens que donne la définition
ulpienne du droit: jus cst ors borli ct aequi, ne se confond donc pas avec

la faculté que la Cour possède, en vertu de l'article 38 iri 5111~, avec
l'accord des parties, de statuer ex aequo cfhor~o, selon le sens que le droit
moderne donne à cette expression. C'est ainsi que l'avait déjà compris la
justice arbitrale Mais il ya lieu, surtout, de se référer à l'arrêtde la Cour

permanente de Justice internationale du 28 juin 1937 dans l'affaire des
Prises d'eau à la Meusclentre les Pays-Bas et la Belgique, coinme à un
précédentde l'application effective de l'équitédans le cadre du droit,

affirmé, si besoin en était, par l'opinion individuelle du juge Manley
Hudson ". La Cour permanente restait ainsi dans l'esprit qui avait présidé
à l'élaboration de son Statut, et qu'exprimait le président du comité con-
sultatif de juristes, le baron Descamps, dans l'exposé qu'ilprononça à

' Aristote, I'Pthiqir~ ci Nicon~uy~icité par G. del Vecchio, Pliilosophie drr rlroit,
p. 282. Voir aussi K. Strupp, cours à l'Académie de droit international de La Haye,
Recrreil,1930, III, p. 462.
Ulpien: Jiistiticl est consfans cJtperpettjas srrritlicitique trihrrcndi.
Ulpien, après Celse: Jus est ors boni cr acyiii.
L'équité.n'&tait d'ailleurs pas étrangère, aujirs civileCf. P. Arminjon, B. Nolde
et M. Wolff, TririrPcicdroit cot~iprrr<, 528.
Depuis Accarias.
j La sentence di1 25 juin 1914 de l'arbitre C. E. Lardy, sollicité par le coi-i-iproniis
de statuer sur la base des traités et des principes généraux du drvit internationadans
le différend relatif à la délimitation de I'llde Tit7ror.se prononçait en ces termes:
1,Si l'on se place au point de vue de l'équité,qu'il importe de ne pas perdre de vue
dans les relations internationales. 11
M. Hudson s'exprimait ainsi: ,<Under Article 38 of the Statute, if not indepen-

dently of that article, the Court has some freedom to consider principles of equity as
part of the international law which it ni~ist apply. >l 37. Altliough international justice has generally not specified the
municipal sources of the general principles of law which it lîas derived,

when referriiig to a concept of such wide scope as equity, and one which
permits of more than one interpretation, as we have just seen, it is
important that the underlying elements thereof be specified: both in
time, by going back to legal traditions which have continued up to our
own day. and in space, by glancing rapidly over the various national

contributions.
Thus it appears legitimate to recall that Greek philosophy, which
has never been rejected by succeeding generations right down to our
own, already conceived of equity as a corrective to law in general. as
a form of justice better than legal justice, because the latter, in view of

its general nature, cannot always correspond perfectly to al1 possible
cases '. In the courije of tinie, the concept of justice and equity has
becoine associated v~ith that of law, wliether justice be defined, as by
Ulpian of Tyre, as the intention to attribute to each what is rightfully
his ', or as the art of that which is good and equitable 3, or whether the

law should draw iniipiration from the idea of justice and tend to its
realization ".
The just and equitable solution, in the sense given by Ulpian's defini-
tion of law: jus est urs boni et aequi, is not to be confused with the faculty

posscsscd by the Court by virtue of Article 38 inJine to decide a case,
with the agreement of the parties, ex uequo er hono, in the sense which
modern laiv gives to that expression. It is in this sense that it had already
been taken in arbitration cases 5.But above al1 it is appropriate to refer
to the Judgment of 28 June 1937 by the Permanent Court of Interna-

tional Justice in the Diversion qf Water,fi.om the Meuse case between the
Netherlands and Belgium, as a precedent for the effective application
of equity within the framework of law, affirmed, if there were need for
this, by the individual opinion of Judge Manley Hudson ".The Permanent
Court thus preserved. the spirit which had presided over the preparation

of its Statute. and which was expressed by the president of the Advisory

Arisiotle, Nicot~iucl~c~aEiliics, quotcd by G. del Vecchio. Philosopl~ie du droit,
p. 282. See also K. Strupp, Coiirse at The Hague Academy of International Law,
Recueil (10sCours, 1930.,Vol. III, p. 462.
Ulpian: Jitstitiu ert constuns et perpctuu voluniujlissuuln ciiiqiir trihucndi.
Ulpian following Ct:lsus: Jus est ors bonet arqiri. Equity was in fact no stranger
to the jirscivile: cf. P.Arrninjon, B.Noldeand M. Wolff, Ti.uiir'dedroit coniparc;,p. 528.

Since Accarias.
TheAward of 25 June 1914 by thearbitrator C. E. Lardy, in the dispute concern-
in%the boundaries in the Islurid of'Ti~~ior.in which the arbitratwas requested by
the arbitration agreement tu decide on the basis of the treaties and the general
principles of international law, stated as follows: "If one takes the point of view
of equity, which it is important not to lose from view in internationarelations. .."
J~idge Hudson said ". .. under Article 38 of the Statute, if not independently of
the international law wliich it niiist apply".consider principles of equity as part of une deuxième séance,le 17juin 1920,ou l'on peut lire: 1Si, en face d'une
règlede droit positive et claire, le devoir de celui qui est appel6 à exercer
une juridiction est de l'appliquer, l'équitéest, en droit international

comme d'ailleurs en tout droit national. le conipl6n1ent indispensable
du droit positif. 1)

Ainsi faut-il faire le départ entre le principe d'équitédans le sens large
du mot. se manifestant selon les termes de Papinien, /7rnercTlr cg<>tcnomme
source subsidiaire de droit international pour pallier ses insufisances et

en combler les laciines logiques: et le règlement d'équité indépendante.
P.\-ueyuo et hollo. constituant une activité extra-judiciaire selon ces autres
termes du même jurisconsulte. contru Ic~gczr~ d, stinée avec l'accord des

parties. à pallier les insuffisances sociales du droit.

38. Intégrédans les grands systèmes juridiques du monde moderne
auxquels fait allusion l'article 9 du Statut de la Cour, le principe d'équité

se manifeste dans le droit de l'Europe occidentale et àe I'Amérique
latine, héritièresdirectes du jus getltium romano-méditerranéen; dans la
cornmot?la,i tempérée et complétée par I'<,yuitydite accessoire '. dans le

droit musulman que fondent sur I'équité,et plus particulièrement sur son
équivalent qu'est l'égalité',le Coran et l'enseignement des quatre grands
jurisconsultes de I'lslam condensédans la Slzuri's ' et comportant. parmi
les sources du droit, l'lstil~sun,autorisant lesjugements d'équité:le droit

chinois, avec la primauté de la loi morale et du sens commun de l'équité,
en accord avec la philosophie marxiste-léniniste j. le droit soviétique,qui
fait place nettenient aux préoccupations d'équité "; le droit hindou qui

convie ((l'individu à agir et lejuge ii statuer selon sa conscience. selon la
justice, selon l'équité,si aucune autre règlede droit ne s'impose à eux 11;
enfin le droit des autres pays d'Asie et des pays d'Afrique dont les coutu-

' Voir K. Str~ipp, coiirs à I'Acadériiiede droit interiiational de L.a Hayc. Rccrtril.
1930. III, p.468.
' L'éqtiité,en tant qtie principe d'égalitédiji perçue par lesj~iriscons~ilter pliénico-
roriiains, se retrouve dans la terniinologie iiitnic dii droit de I'lslani. Le droit anglais
devait dire à son tour: Eqricrlitj~is L-qrilrrig..
Entre autres sourate IV. \crsct 61, et sourate V. vcrscts 42 cl 46: ',Si t~ij~iges.sois
.iiizte et cqiiitable,
' Voir A.l(rjlrllcrlPI Alrknart. 97 et 98, qui iiiettent en ceLi\re le principe d'égalité
iiientionne à la note ci-haut.
' Cf. Chan Nay Chc)w. L(I t10~11.itr111droit intc~.it(t~ioil lri.: Conft(.irriicttant
en reliel'la ccrtii d'éq~iidans les domaines cocial. 5conoiiiique et judiciaire, ainsi q~it:
sur le plan international. p. 50. 51, 55. 56. 60.

540.f. également René Da\ id. I.<,s~i~urir.\~.stPiit(rlcrli.oi/ coittc~riiporcrit534 et
- -.
René David. ihicl., p122.
Ihicl., p.157. Committee of Jurists, Baron Descamps, in the statement which he made
at the second meeting, on 17June 1920,where may be foundthe following
words: "If it is the duty of the judge to apply the law, where it exists,

we must not forget that equity is, in international as well as in national
law, a necessary complement of positive law ..." [Tratislation by the
Secretariat of the Ativisory Cornmittee.]
Thus it is necessilry to make a distinction between the principle of

equity in the wide sense of thc word, which inanifests itself, in the phrase
of Papinian, praetei. legem, as a subsidiary source of international law
in order to remedy its insufficiencies and fil1in its logical lacunae; and
the settlement according to independentequity, es aequo et bono, amount-

ing toan extra-judicial activity, in the expression of the same jurisconsult,
contra legern,whose:role is, with the agreement of the parties, to remedy
the social inadequacies of the law.

38. Incorporated into the great legal systems of the modern world
referred to in Article 9 of the Statute of the Court, the principle of equity

manifests itself in the law of Western Europe and of Latin America, the
direct heirs of the Romano-Mediterranean jus gentium; in the common
law, tempered and supplemented by equity described as accessory l; in
Muslim law which is placed on the basis of equity (and more particularly

on its equivalent, equality l)by the Koran and the teaching of the four
great jurisconsults of Islam condensed in the Shari'a 4,which comprises,
among the sources of law, the istihsan, which authorizes equity-judg-

ments; Chinese law, with its primacy for the moral law and the comnion
sense of equity, in harmony with the Marxist-Leninist philosophy 5;
Soviet law, which quite clearly provides a place for considerations of
equity 6; Hindu law which recommends "the individual to act, and the

judge to decide, according to his conscience, according to justice, accord-
ing to equity, if no other rule of law binds them :"; finally the law of

See K. Strupp, Course at TheHague Acade~iiyof International Law. Recueil des
Cours, 1930..Vol. III, p. 468.
Equity, as a principle ofequality already perceived by tlie Phoenician-Roman
jurisconsults, is to be found even in the terrninology of the law of Islam. English law
in turn was to Say that "Equality is equity".
Among others, Sura IV, verse 61 and Sura V, verses 42 and 46: "If thou judgc,
then judge with fairnejs and equity."
See hlajullatcl Ahkam. Arts. 87 and 88, which impiement the principle of
equality mentioried in the note above.
Cf. Chan Nay Chow. Lu doctrine du d~oit internutional chrr Confircieniphasiz-
ing the virtue of equity in the social, economic and judicial field. as well as on the
international level,pp. 50, 51, 55, 56 and 60. Cf. also René David, Les grunds
systèmes dedroit conti~~>iporrri,p. 534 and 540.

RenéDavid, ihid., p122.
Ibid.p. 152.mes incitent particulièrement le juge à ne pas s'écarter de I'équité l et
dont les Européens ont souvent méconnu «le rôle conciliateur et la

nature équitable '1);coutume dont est néun jus gcntiutn constitué con-
jointement avec les règlesde la common ta,~ dans les anciennes possessions
anglaises, les lacunes étant à combler ((suivant la justice, l'équitéet la
conscience 1)et, dans les anciennes possessions françaises, avec le droit

de l'Europe occidentale imbu de droit romain.

Un principe généralde droit s'est en conséquenceétablique le droit des

gens ne pouvait s'empêcherd'accueillir, fondant les relations juridiques
entre les nations sur l'équitéet lajustice 4.

39. Une série d'actes traduisent cette notion dans les faits pour en
dégager la règlerégissant ladélimitation du plateau continental. Ce sont

la proclamation Truman, les proclamations des nombreux Etats du
golfe Arabo-Persique. celles de l'Arabie Saoudite, de l'Iran et du Nicara-
gua. Ces Etats, les Etats-Unis exceptés, nefaisaient pas partie du concert
des nations qui monopolisaient le privilège d'élaborer le droit pour

l'ensemble de la communauté internationale. Leur rôle dans un des pro-
blèmes les plus importants du droit de la mer mérited'être retenu.

Aux termes de la proclamation américaine, dans le cas où leplateau
continental s'étendjusqu'aux rivages d'un autre Etat, ou est commun
aux Etats-Unis et à un Etat adjacent, la ligne de délimitation sera déter-
minéepar les Etats-Unis et 1'Etat intéressé conformémentà des principes

équitables "1. L'Arabie Saoudite, de son côté,prévoit que les limites des
zones du sous-sol et du lit de la mer sur lesquelles elle a proclamé sa
souveraineté seront déterminéesconformémentaux principes de I'équité fi.

Les Etats arabes de Bahrein, de Qatar, d'Abou Dhabi, de Koweït, de
Dhoubay, de Sharjah, de Ras el Khaimah, d'Oum el Kaiwain et d'Ajman
se reportent, pour la délimitation de leurs zones dans le golfe Arabo-
Persique, au principe de l'équitéet de la justice '. Pour l'Empire iranien,

Cf. T. O. Elias, The Nariire of African Clrstoniary Law, p. 272: et M. Gluckman,
The Juclicial Process Atnong rlre Burotse of Northern Rlrodesia. p. 202-206.
René David, Les ~rurids systèmes de droit conten~porain, p. 572.
Ibid., p. 568. Cette formule a étéinterprétée par les juges anglais cornnie se
référanta la cornrnon law.
Cf. sir Hersch Lauterpacht. The Developnrent of International Law h.vttre Inter-
narional Court, p. 213: %Adjudication ex aequo et bon0 is a species of legislative
activity. It differs clearly from the application of rules of equity in their wider sense.
For in as much as these are identical with principles of good faith, they form part of
international law as, indeed, of any system of law. )j
Proclamation du 28 septembre 1945.
Proclamation royale du 28 mai 1949.
Proclamations successives des 5, 8, 10, 12, 14, 16, 17 et 20 juin 1949. CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. AXIMOUN) 140

the other Asian coilntries, and of the African countries, the customs of
whichparticularly urge thejudge not to diverge from equity l and of which

"the conciliating role and the equitable nature '" have often been under-
valued by Europeans; customs from which sprang a jus gentium con-
stituted jointly with the rules of the common law in the former British
possessions, the lacunae being filled in "according to justice, equity and
good conscience 3; and in the former French possessions, jointly with

the law of Western Europe, steeped in Roman law.
A general principle of law has consequently become established, which
the law of nations could not refrain froin accepting, and which founds
legal relations between nations on equity and justice 4.

39. A series of acts translates this concept onto the factual plane,
so as to derive therefrom the rule governing the delimitation of the

continental shelf. These arethe Truman Proclamation, the proclamations
of the numerous States of the Arabian-Persian Gulf, those of Saudi
Arabia, Iran and Nicaragua. These States, with the exception of the
United States, did inot form part of the Concert of Nations which used

to monopolize the privilege of elaborating law for the whole of the
international coinrnunity. Their role in one of the inost important
problems of the labvof the sea deserves to be taken note of.
According to the terms of the Ainerican Proclamation, "in cases where
the continental shellfextends to the shores of another State, or is shared

with an adjacent State, the boundary shall be determined by the United
States and the State concerned in accordance with equitable principles j".
Saudi Arabia, for its part, provided that the boundaries of the areas of
the subsoil and seabed over which it proclaimed its sovereignty would

be determined in accordance with equitable principles b. The Arab States
of Bahrain, Qatar, Abu Dhabi, Kuwait, Dubai, Sharjali, Ras al Khaimah,
Umm al Qaiwain, and Ajman refer for the delimitation of their areas
in the Arabian-Persian Gulf, to the principle of equity and of justice ?.
Finally, for the Iranian Empire, "if differences of opinion arise over the

' Cf. T. O. Elias,TITENutiire of Africntl Ciistomar~ Luw.p. 272; and M. Gluck-
man, Tiie Jirdicial Process Atilong t11eBurot.s(,of Northern Kliodrpp. 202-206.
- René David, LES,?ranr/s.s.vsfèttirsde ciraitcontcniporp. 572.
Ihid., p. 568This foriiiula has been interpretby Englisli judges as referring to
the common law.
Cf. Sir Hersch Lauterpacht, Tlrc Dci~clopt~rrqfIntern~rtion<rlLow hj! thr 111trt.-
nufioncrl Coiirtp. 213: "Adj~idicationrx urqiro rt hono iF a species of legislative
activity. It differs clearly from the application of rules of eq~iityin their wider sense.
For inasmuch as thesr: are ideriticuitliprinciples of good iaith, tliey form part of
international law as, indeed, of any system of law."
Proclamation of :!8 Septenibcr 1945.
Royal pronouncement of 28 May 1949.
Siiccessive proclainatioii~ of 5, 8, 10, 12, 14, 16, 17 and 20 June 1949. 141 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOLIS)

enfin, <si des différends s'élèvena tu sujet des limites du plateau continen-
tal de I'lran, ces différends seront résolus conformément aux règles de
l'équité' )I.
On ne signale, par contre, aucun Etat, quelle que soit la méthode de

délimitation dont il a lui-mêmeusé.qui se soit opposéà cette conception
fondée sur l'équitépour résoudre le problème de la détermination des
limites du plateau continental entre Etats adjacents ou se faisant face, et
cela durant toute l'époque préconventioniielle, jusqu'en 1958. date à
laquelle cette même conception paraît avoir étéaccueillie par la Coiiveii-

tion de Genève.
II est vrai que l'Arabie Saoudite et Bahrein, aprts s'ctre référés au
principe d'éqiiitédans leurs proclan~ations respectives du 78 niai et du
5 juin 1949, ont eu recours, dans un accord du 22 février 1958,à la
délimitation sur la base de la ligne médiane,compte tenu évidemment des

circonstances géographiques spéciales de la région. Cependant, les
déclarations précédentesn'ont pas cesséd'êtreen vigiieur, et l'accord
du 22 février 1958 est à considérer comme une application du principe
d'équitédont dépend la solution du problème de la délimitation du pla-
teau continental.

N'est-on pas en droit de conclure, au terme de l'énumérationdes actes
internationaux se référantà l'équité,que ces actes constituent des ap-

plications du principe généralde droit qui autorise le recours a l'équité
pracltrr l~ycm pour une meilleure mise en Œuvre des principes et des
règles de droit'?Et ilne serait pas prématuréde dire que l'application du
principe d'équitépour la délimitation des zones du plateau continental en
la présente affaire resterait ainsi dans la ligne de cette pratique.

40. Au siirplus, l'adoption par la Convention de GeiièLe de la ligne
médiane et de la ligne d'équidistance. subordonnées à d'éventuelles
circonstances spéciales, paraît êtreune semblable solution équitable, ii

laquelle il a étéfait appel afin de sau~egarder, par ilne sorte de compro-
mis, l'autorité du principe d'équité. Compromis inspiré d'ailleurs des
conclusions de I'étiideentreprise par le comité des experts désigné en
1953 par la Commission du droit international et relative au régimede la
mer territoriale. Les cinq solutions mises en premier lieu i l'étude

avaient été rejetées pour des raisons qui n'étaient pas étrangères au
souci de la précisionjuridique ou de I'équitéA . bordant la règlede I'équi-
distance, la Commission du droit international avait constaté que dans
certains cas elle ne permettra pas d'aboutir à iine solution équitable.

' DCcret dii10 niai1949 ctloidu 19juin 1955. CONTINENTALSHELF (SEP. OP. AMMOC'N) 141

limits of the Iranian continental shelf, these differences shall be solved
in conformity with the rules of equity '".[English frans/ation.fiornReply,
Annes, Section A. 16, p. 449.1
No State is to be found, on the other hand, whatever method of

delimitation it may itself have used, which opposes this concept based
on equity to resolve the problem of the determination of the boundaries
of the continental shelf between adjacent or opposite States, and this
throughout the whole pre-convention period, up to 1958, the date on

which this same concept seems to have been accepted by the Geneva
Convention.
It is true that Saudi Arabia and Bahrain, after having referred to the
principle of equity in their respective proclamations of 28 May and

5 June 1949, had recourse, in an Agreement of 22 February 1958, to
delimitation on the basis of the median line, taking into account, of
course, the special ,geographic circumstances of the region. Nonetheless,
the earlier declara1:ions have not ceased to remain in force, and the

Agreement of 22 F~~bruary 1958 is to be considered as an application of
the principle of eqiiity upon which depends the solution of the problem
of the delimitation of the continental shelf.

1snot the conclusion therefore justified, to round off the enumeration
of those internatiorial acts which refer to equity, that these acts constitute
applications of the general principle of law which authorizes recourse

to equity praeter legem for a better implementation of the principles and
rules of law? And it would not be premature to say that the application
of the principle of equity for the delimitation of the areas of the conti-
nental shelf in the present case would thus be in line with this practice

40. In addition, .theadoption by the Geneva Convention of the median

line and the equidistance line, subject to possible special circumstances,
appears to be a siniilar equitable solution, to which recourse was had in
order to preserve the authority of the principle of equity by a sort of
compromise, inspired in fact by the conclusions of the study undertaken

by the Committee of Experts appointed in 1953 by the International
Law Commission, concerning the régime ofthe territorial sea. The five
solutions put in first place by this study were rejected for reasons which
were not unconnected with concern for legal precision or for equity.

When it began to discuss the equidistance rule, the International Law
Commission had remarked that in certain cases it would not permit an
equitable solution to be attained. It was thus that it was qualified by the
-- - ..--

lDecree of 10 May 1949 and Act of 19June 1955. 142 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

Ainsi fut-elle assortie de la condition ayant trait aux circonstances

spécialeset, en définitive,étendue à la délimitationdu plateau continental.
Le commentaire de ladite Commission précise, en outre, qu'on peut
s'écarter de la règle de l'équidistance lorsqu'une configuration excep-

tionnelle de la côte l'exige l.

41. Pas plus que la pratique des Etats, la doctrine n'a trahi cette
conception morale du droit. La notion de justice et d'équitése retrouve

dans les écrits des auteurs 2, tout comme sous les noms de nombreux
juristes dans les travaux préparatoires des conventions de Genève;
auxquels il faut ajouter les travaux du comitéspécialinstituéen 1967par

les Nations Unies pour étudierles utilisations pacifiques du lit des mers
et des océans j.

La jurisprudence internationale a eu à son tour l'occasion de faire état
du principe de I'équité praerer Iegem 4.
Aussi est-il permis de conclure que toutes ces manifestations de la

penséejuridique s'intègrent en définitive dans le cadre d'un concept
juridique normatif, le principe d'équité.

Rapport de la Con7inission dit droit international sur les travaux de sa huitièrne
session, p. 47, commentaire 1 sous l'art. 72, devenu l'art. 6.
On peut citer entre autres: B. S. Murty, in Manrral ofInte~.national Law, edited
by M. Snrensen, p. 691 : cEquity, in the sense of general rules dictated by fairness,
impartiality and justice may be said to forin part of international law, serving to
temper the application of strict rules, and a tribunal may include equity, in this sense,

in the law it applies. e\en in the absence of express authori7ation. 11
Ch. de Visscher, T11c;orieet ri;c~litc;sen droit internatioi~alprthp. 450: (L'équité
peut n'êtrepas une base de décision indépendante: tel est le cas lorsque, dans une
sentence qui, par ailleiirs, reste fondée sur le droit positif (infra legein), le juge
choisit entre plusieurs interprétations juridiquement acceptables de la règle, celle qui
lui parait la plus conforme aux exigences de lajustice, eu égard aux circonstances de
l'espèce ... L'exigence d'un accord spécial des parties ne concerne évidemment pas
cette fonction nécessaire à I'équité11

Egalement C. W. Jenks. The Prospects of Interndtional Adjlrdication, 1964; Bin
Cheng. 1Justice and Equity in International Law 13in Curi.ent Legal Probleri~s1955,
p. 185 et suiv.; O'Connel, Inten~ntional Law, 1965. 1, p. 14, cité dans la réplique.
Rapport du comité spécial à l'Assemblée générale,p. 19, 51 et 69.

Le tribunal arbitral anglo-turc, dans l'affaire W. J. Arinsti.o~~~& Co. Ltd.,
v. Vickers Lttl. (1928) fondait sur les règles de l'équitéle principe général de droit
interdisant I'enrichissen-ient sans cause accueilli par le droit international.
La Commission mixte franco-véné7uélienne,dans l'affaire Frcderick & Co. (1902)
assimilant équité et égalitésous l'inspiration du droit romain, s'exprimait ainsi:
1<If the conditions on both sides are regarded asproducing an equilibrium, justice is
done. JJC'est aussi un des concepts du droit nlusulman su pi.^note 1, p. 136). CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. AMMOUN) 142

condition concerning special circumstances, and finally extended to
delimitation of the continental shelf. The commentary of the Commission
also explains that the equidistance rule may be departed from when this
is necessitated by an exceptional configuration of the Coast '.

41. The teaching of legal writers has not been any less loyal than
State practice to this moral concept of law. The notion of justice and
equity is to be fourid in the writings of the publicists 2,as also over the
names of the numerous jurists in the travauxpréparatoiresof the Geneva

Convention; to which should be added the proceedings of the Ad Hoc
Committee set up in 1967 by the United Nations to study the peaceful
uses of the seabed and ocean floor 3.
International decisions have in turn had occasion to refer to the
principle of equity praeter legem 4.

Thus it is permissible to conclude that al1 these manifestations of
legal thinking final11m 1 erge intheframework of a normative legalconcept,
the principle of equity.

' Report of the International Law Commission on the proceedings of its eighth
session, p. 24, commeritary 1 on Article 72, which became Article 6.
One might quote among others: B. S. Murty, in Maniral of international Law,
edited by M. Snrenseri, p. 691 : "Equity, in the sense of general rules dictated by
fairness, impartialityand justice, may be said to form part of international law,
serving to temper the ;application of strict rules, and a tribunal may include equity,
in tliis sense, in the 1a.wit applies, even in the absence of express authorization."
Ch. de Visscher. Tl~i~oryand Rcnlitp in Public It~rrrnational Law (trans. P. E. Cor-
bett. Princeton, 1957),p. 336: "Equity can be something other than an indcpendent
basis of decision, as when, in a decision which in other respects is founded on
positive law (infiri legrr>~),the j~idge chooses aniong several possible interprctations
of the rulc the one wliich appears to him, having regard to the particular circum-
stances of the case, niost in harmony uith the demands of justice. . . Clearly the
requirement of speciai agreement between the Parties does not refer to this neces-
sary function of equity."
Also C. W. Jenks, T11eProspects of International Adjltdication, 1964: BinCheng,
pp. 185 ff.; O'Connel, Itr/r~.nutionrrlLaw, 1965, Vol.1,p. 14. cited in the Reply.,
Report of the Ad~Yoc Conin-iittee to the General Assembly. pp. 18, 46-47, 63-64.
The Anglo-Turkish Arbitral Tribunal, in the case of M'.J. Artnstron~ & Co.
Ltd. v. Vickeis Ltd. (1928) placed on the basis of rules of equity the gencral prinçiple
of law. accepted by ini.ernational law. forbidding ~injustenrichment.
The Franco-Venezuelan Mixed Coinn-iission, in the Frc(lei.ic& Co. case (1902),
assimilating equity wiith equality under the inspiration of Roman law, expressed
itself as follows: "If the conditions on both sides are regarded as producing an
equilibrium, justice is done." This is also a concept of Muslim law (sirpra, note 1.
p. 136). 42. Le principe d'équitéétant admis, deux questions sont à examiner:

u) La méthode d'6q~iidistance ayant été écartée comme ne liant pas la
République fédérale d'Allemagne ni conventionnellement ni par
l'effet'une coutumeinternationale, la ligne d'équidistance strictement
appliquke, c'est-à-dire sans modification aucune, comme le sollicitent
les Koyaumes des Pays-Bas et du Danemark, peut-elle coiistituer une
solution du cas soumis a la Cour répondant à l'inipératifd'équité?

6) En cas de réponse négative, quelle serait la règle découlant du prin-
cipe de l'équitéqui réaliserait une délimitation juste et équitable des
zones revenant aux Parties du plateau continental de la mer du
Nord?

43. La ligne d'équidi~tancestricte peut-elle êtreenvisagéecomme une
méthode de délimitation équitable dans son application au présent cas?
La République fédéraleest en droit de rejeter la délimitatioii de son

plateau continental selon la méthode d'équidistance stricte comme
n'étant pas conforme à l'équité.
La démonstration en a étéfaite par la République fédérale en se
référant.d'une part, à la carte représentant la délimitation des trois zones
du plateau continental en conformité avec la méthode d'équidistance
fondée sur les iignes de base des mers territoriales des Parties et, d'autre

part, sur la carte représentant la délimitation dans l'hypothèse où les
lignes d'équidistance se détacheraient de côtes qui n'eussent pas comporté
d'inflexions. Lajonctioii de ces lignes survenant en direction du milieu de
la mer du Nord illustre la difftirence considérable entre l'une et l'autre
hypothèse. Cette démonstration mise enchiffres serait, comme ilrésultedu
mémoireet desfigures 2et 21 qui y sont incluses, de l'ordre de 23 600 km2

dans le premier cas, et de 36 700 km2 dans le second '. La République
fédérale explique a satisfaction que la part qui lui reviendrait ainsi serait
réduite à une petite fraction du plateau continental ne correspondant pas
à l'importance des poiiits de contact de son territoire avec la mer du
Nord, et serait hors de proportion avec l'étendue des façades maritimes
respectives des Parties.
~u'on imagine un instant de raison pour les besoins de la discussion

uniquement, que la République fédéraled'Allemagne ait eu la possibilité,
comme les Pays-Bas, de gagner sur la haute mer, jusqu'au point de com-
bler le rentrant de la côte. Les lignes d'équidistance n'auraient-elles pas
abouti à un tout autre résultat dont la République fédéralen'aurait pas
eu à se plaindre?

Mcmoire. par. 91, sous réscrvcde la doctrine des secteurs et de son incidence sur
la superficie. Fig. 2, p. 27. Fip.85.. 42. The principle of equity having been accepted, there are two ques-
tions to be examinetl:
(u) Although the ecluidistance method has been discarded as not binding
the Federal Republic of Germany either by agreement, or by the

effect of :in international custom, can the equidistance line, strictly
applied, that i!; to Say, without any modification whatsoever, as
desired by the Kingdoms of theNetherlands and Denmark, constitute
a solution of the case submitted to the Court as meeting the require-
ments of eauitv?
. d
(h) In the case of a negative answer, what is the rule flowing from the
principle of eqiiity which would effect a just and equitable delimita-
tion of the areas of the North Sea continental shelf appertaining to
the Parties?

43. Can the strict equidistance line be envisaged as an equitablemethod
of delimitation as applied to the present issue?
The Federal Republic is justified in rejecting, as not in conformity

with equity, the delimitation of its continental shelf according to the
strict equidistance rnethod.
That much has been denionstrated by the Federal Republic by pointing,
on the one hand, to the map showing the delimitation of the three areas
of the continental shelf in conformity with the equidistance method,

based upon the baselines of the territorial seas of the Parties and, on
the other hand, to the map showing the delimitation as it would result
on the assuniption ithat the equidistance lines took their departure from
coasts free of irregularities. The junction of those lineî. as occurring
towards the middlc of the North Sea, illustrates the considerable differ-
ence as bet~veenthetwo hypotheses. Expressed in figures, this demonstra-

tion, as appcars from the text and figures 2 and 21 of the Memorial,
would give something like 23,600 square kilometres in the first instance
and 36,700 square kiloinetres in the second l.The Federal Republic
adequately demonstrates that the sharc which would fall to it would
thus be reduced to a small fraction of the continental shelf such as would

not correspond to the extent of its territory's contact with the North
Sea and would be out of al1 proportion to the respective lengths of
coastal frontage of the Parties.
Let it be for an iinstant imagined, for the sake of argument, that the
Federal Republic of Germany had had the possibility, like the Nether-

lands, of reclaiming areas from the high seas to such a point that the
entire concavity of the Coast had been filled in. Would not the equidis-
tance lines have produccd quite a diffèrent result, and one of which
the Federal Republic would have had no reason to complain?

l Memorial, para. 91, subject to the sector theory and its effect on the area.
Figure 2, p. 27. Figure 21p.85. Par ailleurs, il ne peut répugner à la Cour de recourir aux travaux
préparatoires d'un document international s'ils sont de nature à jeter

plus de lumière sur les questions du droit des gens à résoudre. En portant
son examen sur lesconditions dans lesquelles la méthode d'équidistance de
l'article6 de la Convention sur le plateau continental a étéadoptée, on
constate en effetque la ligne d'équidistancestricte dont se sont réclamésle
Danemark et lesPays-Bas a étéjugéeinéquitable dans nombre de cas. Si

I'on se reporte aux comptes rendus de la conférencede 1958et que I'onre-
monte au rapport et aux procès-verbaux de la Commission du droit
international ainsi qu'au rapport des experts désignésen 1953àcet effet,
on décèlele rôle de l'équitédans la décision desEtats réunisàGenèvede
coupler la ligne d'équidistance et la mention des circonstances spéciales.

C'est, en fait, la considération de certains facteurs qui a inspiré au
comitédes experts, puis à la Commission du droit international, la notion
des circonstances spéciales,dans le dessein de pallier, le cas échéant,les
conséquences inéquitables de la méthode de l'équidistance fondée sur les
lignes de base servant à la délimitation de la mer territoriale qu'elles

avaient décidéd'adopter. Le comité des experts, dans la limite de son
mandat, a tenu à préciser, en instituant la notion des circonstances
spéciales, que la méthode d'équidistance peut ne pas aboutir à une
solution équitable. Et au cours des débats de la conférence de Genève,
nombreux sont les représentants des pays participants qui ont souligné

cette manière de voir l.La Cour ne saurait faire autrement.

44. Au terme de ce raisonnement, il faut rappeler que la République
fédérale d'Allemagne,après avoir demandé à la Cour, dans ses écritures
et ses plaidoiries, de dire que la méthode de l'équidistance n'est pas ap-
plicable à la cause et, subsidiairement, qu'il existe des circonstances
spéciales qui en excluent l'application, a soutenu que la Cour devrait

alors renvoyer les Parties à négocier un accord en vue d'une autre déli-
mitation, compte tenu des directives qu'elle émettrait. Et elle conclut que
la délimitation dont les Parties doivent convenir est déterminéepar le
principe de la part juste et équitable en fonction de critères applicablesà
la situation géographique particulière de la mer du Nord.

Les Royaumes des Pays-Bas et du Danemark rétorquent que, vu les
termes des compromis, une décision de la sorte ne serait autre chose
qu'un rrorliqucr.
Précisant davantage sa pensée,lereprésentant de la Républiquefédérale
a déclaré, aucours du deuxième tour de plaidoiries, qu'il ne demande pas

Mémoire,par. 70.

145 CONTINENTALSHELF(SEP. OP. AMMOUN) 144

Morsover, the Court cannot be averse to having recourse to the
trailnu.vpréparatoii~esof an international document if they are such as
to cast further light on the questions of international law which are to
be resolved. An exarnination of the circumstances in which the equidis-
tance inethod of Article 6 of the Convention on the Continental Shelf
was adopted shows in fact that the strict equidistance line claimed by

Denmark and the Netherlands has been judged to be inequitable in a
nuinber of cases. If reference is made to the records of the 1958 Con-
ference, and if one goes as far back as the report and minutes of the
International Law C'ommission and the report of the experts appointed
in this connection in 1953, the role of equity in the decision to couple
the equidistance line with the mention of special circumstances which

was taken by the States assembled in Geneva will become apparent.
It was in fact the consideration of certain factors which led the Com-
mittee of Experts, and subsequently the International Law Commission,
to arrive at the notion of special circumstances, with a view to mitigating,
if need be, the inequitable consequences of the equidistance method,

based upon the baselines serving for the delimitation of the territorial
sea, which they had decided to adopt. The Committee of Experts, re-
maining within its terms of reference, made a point, when introducing
the notion of special circumstances, of drawing attention to the fact that
the eq~iidistance method could fail to produce an equitable solution.
And, during the discussions at the Geneva Conference, there were many

representatives of the countries taking part who stressed this view'.The
Court cannot do otherwise.

44. At the end of i:hisreasoning, it should be recalled that the Federal
Republic of Germany, after having asked the Court, in its written
pleadings and oral arguments, to declare that the equidistance method
is not applicable to i:he case and, as a subsidiary point, that there exist
special circumstanceij which exclude its application, contended that the
Court should therefc~rerefer the Parties back to negotiate an agreement

with a view to anothier delimitation, taking into account the guide-lines
which it would supply. And the Federal Republic submitted that the
delimitation on which the Parties are to agree is to be determined by the
principle of the just and equitable share, by reference to the criteria
applicable to the particular geographic situation of the North Sea.
The Kingdoms of the Netherlands and Denniark retorted that, in view

of the terms of the Specisl Agreements. such a decision would be nothing
more than a ilon liyuet.
Explaining his line of thought more precisely, the representative of the
Federal Republic said. during the second round of speeches, that he

l Mernorial, para70. 145 PLATEAU CO~TINFNTAL (OP. IND. AMMOUS)

quelles limites devront être tracées, niais que des directives soient don-
nées relativement aux principes à appliquer. Et le représentant du

Danemark de souligner que la République fédéralelaisse à la Cour le
soin de trouver ce que pourrait être la conséquence de la clause des
circonstances spéciales éventuellementapplicable '.
En effet, renvoyer les Parties, après avoir exclu l'application de la ligne
d'équidistance pure et simple et constaté l'existence de circonstances
spéciales. à négocier un accord qui attribuerait à chacune d'elles une

part équitable di1 plateau continental, ne signifie pas déterminer les
principes et les règles applicables à la délimitation des zones du plateau
dont il est fait mention dans les compron~is. Une décision ainsi limitée
équivaudrajt à fixer l'objectif en vue, sans évoquer les moyens d'y par-
venir. Elle n'aurait pas satisfait à la lettre des compromis pas plus qu'à

leur esprit.

45. Au surplus, se contenter de dire qu'il ya lieu de s'entendre sur une

délimitation équitable n'est pas résoudre la question; car les Parties
peuvent se diviser sur ce qui constitue la délimitation équitable et sur
les moyens de la déterminer. La Cour devait donc, après avoir exclu
l'application de la ligne d'équidistance en tant que règlede droit, énoncer
la règle susceptible d'etre retenue par application du principe d'équité.

La Convention de Genève a eré\;~iune rèeL Iconsacrant la méthode
d'équidistance-circonstances spéciales. 11 appartenait à la Cour, en reje-
t;mt cette règle conventionnelle dans les rapports entre les Parties, d'y
substituer une autre, déduite du principe généralde droit qu'est l'équité,
qui répondrait au mêmeobjectif. Ce que la Convention a fait, la Cour
peut le faire.

La Cour pouvait se reporter, en outre, conime à un précédentjudiciaire,
à l'arrêtqu'elle a rendu le 18 décembre 1951 dans l'affaire anglo-nor-
végienne desP6cliericsqui a poséla règle des lignesde base droites pour la
détermination de la limite extérieure de la mer territoriale. On verra
ultérieurement que c'est en une solution fondéeégalement sur une ligne

de base droite que peut consister la règleà dégager du principe d'équité.
En le faisant elle n'aurait pas dépasséles limites de sa compétence telles
qu'elle les avait déjà assignées.

46. On peut observer, d'autre part, que la demande de la République
fédérale d'Allemagnetendant à la répartition - au lieu de la délimitation

' Audience du 8 novembre 1968. was not asking whtit boundaries should be drawn, but that guide-lines
be given concerning the principles to be applied. And the representative
of Denmark stresseti that the Federal Republic was leaving it entirely
to the Court to find out what might be the consequence of the clause
of specialcircumstarices possibly being applicable '.
In fact, after having excluded the application of the equidistance line
pure and simple ancl having established the existence of special circum-
stances, to refer the Parties to the negotiation of an agreement which
would attribute to each of them an equitable share of the continental
shelf is not toeterniine the principles and rules applicable to the delimi-
tation of the areas of the continental shelf, which are referred to in the
Special Agreements. A decision limited in this way would amount to the
determining of the objective aimed at, without any mention of the means
of attaining it. It would not have satisfied the letter of the Special Agree-

ments any more thaiî the spirit thereof.

45. Besides, to do no more than declare that agreement should be
reached on an equitable delimitation is not to resolve the question, for
the Parties may well be divided as to what is an equitable delimitation
and as to the means of determining it. The Court should therefore, after
having first excluded the application of the equidistance line as a rule
of law, state the rul'ewhich is capable of being adopted by application
of the principle of equity.
The Geneva Convention provided a rule embodying the equidistance-
special circumstances method. It was for the Court, in rejecting this
treaty rule in the relationships between the Parties, to replace it by
another serving the same purpose, deduced from equity as a general
principle of law. What the Convention did, the Court can do.

The Court could in addition refer, as a judicial precedent, to the
Judgment which it gave on 18 December 1951in the Anglo-Norwegian
Fisheries case, which laid down the rule of straight baselines for the
determination of the outer limit of the territorial sea. It will be seen
subsequently that a ijolution also based on a straight baseline is the one
which may constitutir the rule to be derived from the principle of equity.
By so doing the Court would not have overstepped the limits of its
jurisdiction as alreacly fixed by it.

46. Furthermore it may be observed that the Federal Republic's claim
for an apportionme:nt-rather than a delimitation-of the areas of the

l Hearing of 8 November 1968.- des zones du plateau continental entre Etats riverains, n'est conforme
ni à la lettredes compromis ni à la définitiondu plateau continental.

L'idée s'en trouve, il est vrai, dans un précédent conventionnel,
l'accord entre la France et la Suisse du 25 février 1953sur la délimitation

du lac Léman. Aux termes de cet accord, la ligne médiane est remplacée
par une ligne polygonale ((pour réaliserune compensation des surfaces 11.
Mais il s'agit d'un cas unique où l'accord des volontés s'est donné libre
carrière. 11ne cadre pas avec la définition du plateau continental, laquelle

repose, comme il a été dit ',sur le principe affirmépar la Cour interna-
tionale de Justice dans son arrêt du 18 décembre 1951 déjà cité, selon
lequel t(c'est la terre qui confère à I'Etat riverain un droit sur les eaux 11.
Ce qui est inhérent à cette définition, c'est le droit au prolongement du

territoire national sous les eaux. L'idéed'équité etde justice est ainsi
réaliséeen prenant enconsidération, pour chaque partie, l'étenduedu lien
entre la terre et les eaux, le droit du riverain et l'équitable limite de sa
revendication étant fonction de l'élémentterre.

47. Aux termes de l'arrêt,paragraphe 85, a) : 11les parties sont tenues
d'engager une négociation en vue de réaliser un accord et non pas sim-
plement de procéder a une négociation formelle comme une sorte de

condition préalable à l'application automatique d'une certaine méthode
de délimitation faute d'accord; les parties ont l'obligation de se comporter
de telle manière que la négociation ait un sens, ce qui n'est pas le cas
lorsque l'une d'elles insiste sur sa propre position sans envisager aucune

modification 11.
L'arrêtjustifie cette obligation au paragraphe 86, disant (que I'obli-
gation de négocierassuméepar les Parties dans l'article 1, paragraphe 2,
des compromis, non seulement découle de la proclamation Truman qui,

pour les motifs énoncésau paragraphe 47, doit êtreconsidéréecomme
ayant posélesrèglesde droit en la matière, mais encore neconstitue qu'une
application particulière d'un principe qui est &la base de toutes relations

internationales et qui est d'ailleurs reconnu dans l'article 33 de la Charte
des Nations Unies ..))
Et le projet ajoute, au paragraphe 87: (les négociations menéesjus-
qu'a présent n'ont donc pas satisfait aux conditions énoncéesau para-

graphe 85 a) II.
Je conteste cette obligation dans le cas présent.On ne saurait la déduire
de la proclamation Truman, pas plus d'ailleurs que l'article 33 de la
Charte, lequel concerne les différendsdont la prolongation est susceptible

de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et est

' Supra, par. 16.continental shelf between coastal States is not in accordance either with
the letter of the Special Agreements, or with the definition of the con-
tinental shelf.
This idea is to be found, it is true in a treaty precedent, the agreement
between France and Switzerland of 25 February 1953on the delimitation
of the Lake of Gerieva. According to the terms of this agreement, the
median line is replaced by a polygonal line "with a view to effecting a
compensation as between the areas". But this is a unique case where
free play was given to voluntary agreement. It does not fit in with the
definition of the continental shelf, which rests, as has been stated on
the principle affirmed by the International Court of Justice in its Judg-

ment of 18 December 1951 already referred to, to the effect that "it is
the land which confers upon the coastal State a right to the waters".
What is inlierent in this definitionis the right to the prolongation of the
national territory under the waters. The idea of equity and justice is
thus realized by taking into consideration, for each Party, the extent
of the link between the land and the waters, the coastal State's right and
the equitable limit of its claim being a function of the land factor.

47. In the words of the Judgment, paragraph 85 (a): "the Parties
are under an obligation to enter into negotiations with a view to arriving
at an agreement, alnd not merely to go through a forma1 process of
negotiation as a sort of prior condition for the automatic application of a
certain method of delimitation in the absence of agreement; they are un-
der an obligation so to conduct themselves that the negotiations are

meaningful, which will not be the case when one of them insists upon
its own position without contemplating any modification of it ...".
The Judgment justifies such a obligation in paragraph 86, by saying
that "not only ... the obligation to negotiate which the Parties assumed
by Article 1, paragraph 2, of the Special Agreements arises out of the
Truman Proclamation, which, for the reasons given in paragraph 47,
must be considered as having propounded the rules of law in this field,
but also ... this obligation merely constitutes a special application of a
principle which undlerliesal1international relations, and which is more-
over recognized in .4rticle 33 of the Charter of the United Nations".
And the Judgment goes on, in paragraph 87: "so far therefore the
negotiations have ~iot satisfied the conditions indicated in paragraph
85 (a)".
1dispute that there is such an obligation in the present case. It cannot
be inferred from the Truman Proclamation, nor yet from Article 33 of
the Charter, which concerns disputes the continuance of which is likely

to endanger the maintenance of international peace and security, and is

l Supra, para. 16.d'autant moins impératif qu'il laisse au Conseil de sécuritéla faculté
d'inviter, 1s'il le juge nécessaire, les Parties à réglerleur différendpar de
tels moyens 11.
Detoute façon, soutenir la thèsede l'obligation de négocieret constater

que les négociations engagées((n'avaient pas de sens ))constituerait une
exception préjudicielle à l'instance. L'arrêtaurait donc dû allerjusqu'au
terme de son raisonnement, à savoir que la Cour, après avoir appelé
l'attention des Parties sur la question quant à son double aspectjuridique

et pratique, statuerait sur l'exception avant d'aborder le fond.

Je comprends toutefois l'arrêtcomme ayant considéréque les négocia-
tions avaient été simplement suspenduesdevant les difficultésrencontrées
pour êtrereprises et complétées à la lumière des indications donnéespar

la Cour.

48. La méthode d'équidistance stricte étant écartée parcequ'elle ne
constituepasunesolutionéquitable répondant àtous lescas et notamment
à celui qui est soumis à la Cour, il y a lieu de se demander quelle règle
devrait être déduite du principe d'équitéen vue de la délimitation en
cause.

49. Une précision préalable n'est peut-être pas superflue: principe et

règle ne sont pas synonymes, dans le langage juridique tout autant que
dans le parler philosophique. La Cour n'a pas toujours fait cette distinc-
tion. Aussi la formulation des compromis qui les cite cumulativement ne
peut-elle êtretaxée de tautologique. C'est du principe, défini comme
étant la cause, que découlent les règles. Il y a donc lieu de dire, après

êtreremonté au principe, l'équité,quelles règles applicables à l'affaire
peuvent en être déduites.

50. Plusieurs méthodes ont été débattuesau cours de la procédure.
La première, se réclamant de la notion des secteurs convergeant vers
le centre approximatif de la mer du Nord, suppose que les trois zones du

plateau continental de la côte sud-ouest doivent nécessairement toucher
la ligne médiane passant entre le continent et les îles britanniques, ce qui
n'est rien moins que démontré.En effet, la question étant celle de déter-
miner les limites latéralesentre leszones du plateau continental de chacune
des Parties, la Cour doit se limiter à la solution de cette question, sans

se préoccuper de savoir si les lignes de démarcation ainsi déterminées
atteignent la ligne médiane ou se rencontrent avant de l'atteindre. CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. AMMOUN) 147

the less imperative iriasmuch as it empowers the Security Council "when
it deems necessary, [to] cal1 upon the parties to settle their dispute by
such means".
In any event, a submission that there was an obligation to negotiate,
and that the negotiations carried out "were not meaningful", would
amount to a prejudicial objection to the hearing of the case. The Judg-
ment should therefore have followed its reasoning right through, i.e.,
the Court, after having drawn the attention of the Parties to the question
in its legal and practical aspects, should give judgment on theobjection

before turning to the:merits.
However, 1 undeistand the Judgment as considering that the negotia-
tions had siinply beeii suspended in face of the difficultieswhich had been
encountered, in order to be re-opened and completed in the light of the
indications to be givt:n by the Court.

48. The strict equidistance method having been discarded because it
does not constitute (anequitable solution appropriate to al1 cases, and
particularly to that submitted to the Court, one must enquiie what rule
should be deduced from the principle of equity with a view to the delimi-

tation in question.

49. One preliminary clarification is perhaps not unnecessary: the
words principle and rule are no more synonymous in legal than in philo-
sophical language. The Court has however not always made this distinc-
tion. Thus the wording of the Special Agreements, where these terms are
used cumulatively, cannot be criticized as being tautological. It is from
the principle, defined as being the effective cause, that therules flow. It
is therefore necessary, after having gone back to the principle, namely
equity, to state whatirulesapplicable to the matter can be deduced fromit.

50. Several methods were debated in the course of the proceedings.
The first, adopting as basis the notion of sectors converging to the
approximate centre .ofthe North Sea, presupposes that the three areas
of the continental shelf of the south-west Coast ought necessarily to
reach the median line between the continent and the British Isles, which
however is anything but proved. In fact, the question being that of
determining the lattera1 boundaries between the areas of continental

shelf of each of the Parties, the Court should confine itself to the solution
of this question, witlaout concerning itself with the question whether the
demarcation lines thus ascertained will reach the median line, or will meet
before reaching it. * 51. La deuxième méthode, qui a été retenuepar la majorité de la Cour
pour êtreproposée aux Parties comme simple facteur laisséà leur appré-
ciation, est celle fondéesur le rapport entre la longueur descôtes et I'éten-
due des zones du plateau continental.
Quoique ne se référant pasà une pratique quelconque ',elle procède
de la notion de prolongement naturel du territoire et implique le redresse-

ment, sous forme de ligne de base droite unique, de la côte concave de la
République fédérale d'Allemagne.
On pourrait toutefois lui reprocher, dans l'application, qu'elle n'évite
pas, à distance de la côte, des chevauchements, d'un secteur du plateau
sur l'autre. Il semble qu'on soit ainsi entraîné à admettre que des parties
du plateau continental sont les prolongements de plus d'un territoire.

Cette hypothèse pèche par une contradiction interne, une étendue de
terre ne pouvant être le prolongement que d'un territoire unique. De
plus, ce secteur commun, la Cour recommande sa division en parts
égales. Ne serait-ce pas revenir à la solution, qui a déjà été dénoncée,
de la répartition en parts justes et équitables selon les termes de la Répu-
blique fédérale d'Allemagne?

Enfin, cette méthode détermine des superficies mais ne facilite pas le
tracé des limites latérales, qui sont précisémentle problème à résoudre:
leur point de jonction sera-t-il plus ou moins rejeté versle Danemark ou
vers les Pays-Bas?

52. Une troisième méthode, celle de l'équidistance-circonstances spé-
ciales,est cellequi me paraîtconstituer la règleà appliquer. Cette méthode,
rejetéecomme règle de droit conventionnel ou coutumier, serait reprise
en vertu du principe généralde droit qu'est l'équité.
Les explications qui suivent montreront qu'on peut recourir à la mé-

thode de l'équidistancesi I'application en est subordonnée, le caséchéant,
en vue de sauvegarder l'équité, a l'effet de circonstances spéciales. La
question qui se pose sera en conséquencecelle de savoir s'ilexiste de telles
circonstances en l'affaire. Auquel cas la règleéquidistance-circonstances
spécialesdéduitedu principe d'équitépraeterlegem, pourrait êtreproposée
aux Parties.

53. Les circonstances spécialesn'ont pas étédéfiniespar un texte de
droit positif. Elles ne pouvaient non plus faire l'objet d'une énumération
exhaustive, étant donné l'extrême variété des facteursjuridiques ou phy-
siques qui peuvent entrer en ligne de compte.

Toutefois, si l'on se reporte à nouveau aux travaux préparatoires dont

Notamment les précédents relevés au par. 26.

149 CONTINENTAL SHELF(SEP. OP. AMMOUN) 148

51. The second method, which has been adopted by the majority of
the Court in order to be proposed to the Parties simply as a factor for
them to assess, is that based on the relationship between the length of the
coast and the extent of the areas of continental shelf.
Although this does not refer to any sort af practice',it starts from the

idea of natural prolorigation of the land territory, and implies theealign-
ment, in the form of a single straight baseline, of the concave coast of the
Fedeial Republic of ~Germany.
It could nonetheless be criticized, in its practical application, for
failing to avoid overlappings of one sector of the continental shelf over
another at some distance from the coast. It would thus appear to entai1
acceptance of parts of the continental shelf constitutingthe prolongation
of more than one territory. This hypothesis is vitiated by an interna1
contradiction, for an area of land can only be the piolongation of a
single teriitory. Furthermore, for this common sector, the Court recom-
mends division into equal shares. But is this not a return to the solution,
which has already been rejected, of apportionment into just and equitable
shares, according to the terms used by the Federal Republic of Germany?

Lastly, this method determines surface areas, but does not assist in
drawing lateral bountlaries, which are exactly the problem which is to be
resolved: is their meeting-point to be shifted somewhat towards Denmark
or towards the Netherlands?

52. A third method, that of equidistance-special circumstances, is
the one which seems to me to be the rule to be applied. This method,
which was rejected aisnot being a rule of treaty law or customary law,
may be re-adopted by virtue of a general principle of law, namely equity.
The explanations urhich follow will show that recourse can be had to
the equidistance method if the application thereof is subordinated, in

appropriate cases, wilh a view to the preservation of equity, to the effect
of special circumstarices. The question which will arise will therefore
be whether there exist such circumstances in this case. In that event the
equidistance-special c;ircumstances rule deduced from the principle of
equity praetclrlegem could be proposed to the Parties.

53. Special circumstances have not been defined by a text of positive
law; nor could they be listed exhaustively, in view of the extreme variety
of legal and materiai factois which may be of account.

Nonetheless, if reference ismade once again to the travauxpréparatoires

l In particular the precedents mentioned in p26..

149 149 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

il a étéfait mention, rien n'y indique que la notion des circonstances

spécialesait étélimitéedans la mesure où le voudraient les représentants
du Danemark et des Pays-Bas. Au contraire, la Commission du droit
international, au rapport des experts qu'elleavait désignésd ,isait, dans son
commentaire de l'article 72 du projet qu'elle a présentéà la conférence

et qui yest devenu l'article 6: (on peut s'écarterde la règle (cellede I'équi-
distance) lorsqu'une configuration exceptionnelle de lacôte, ou encore la
présence d'îles ou de chenaux navigables l'exigent 11Et la Con~mission
du droit international d'ajouter: (1Ce cas pourra se présenter assez sou-

vent. 1)
En définitive, une circonstance spéciale affectant la méthode d'équi-
distance peut êtrel'effetd'une situation juridique particulière: traité, eaux
historiques. Comme ellepeut êtrela conséquet-icede considérations d'ordre

géographique. Au regard de la carte et des mesures dont il a été fait
mention ', la configuration des côtes de la Répiihlique fédéraled'Alle-
magne constitue une de ces circonstances dont il devrait êtretenucompte
pour éviter l'application inéquitable de la ligne d'équidistance pure et
simple.

Par contre, il n'a pas étéfait état d'objectifs d'ordre économique, tels
que l'unité d'un gisement, pour qu'ils soient examinés par la Cour. De
toute façon, la considération des ressources sous-marines, qui a été
évoquéeau cours de la procédure, est hors de cause. Sc fonder, entre

autres éléments,pour le tracé des limites, sur les richesses que recèle le
fond des mers, ne consisterait rien moins qu'en une répartition du plateau
continental :alors qu'il ne s'agit que d'une délimitation deszones apparte-
nant originellement aux Etats riverains, ainsi qu'il a étédéjàdit 2.En

outre, des richesses potentielles ne cessant pas, d'ici longtemps, d'être
découvertes, la délimitation, face à un gisement i cheval sur deux zones,
serait continuellement exposée à une rectification. Par conséquent, si la
sauvegardc de l'unité d'un gisement intéresse les Parties, c'est par un

accord volontaire qu'elles y pourvoiraient (cession ou exploitation en
commun) qui ne rentrerait pas dans le cadre d'un facteur ou d'une règle
de délimitation.

II y a lieu de souligner, au surplus, le passage suivant du paragraphe 62
de l'arrêt; ily est dit: ((Une telle règle (celle de I'éqiiidistance-circons-
tances spéciales)a bien étéconsacrée à I'article 6 de la Convention, mais

uniquement en tant que règleconventionnelle. 1Or la méthode de l'équi-
distance-circonstances spéciales pouvant constituer une règle de droit
conventionnel de l'aveu de la Cour, peut l'êtreégalement,entoute logique,
en vertu du principe de l'équité.La Cour, appelée énoncer principes et

S~pi'd, par43.
Supru, par.46.which have been meintioned, there is nothing to show that the notion of
special circumstances was limited in the wayin which the representatives of
Denmark and the IVetherlands would have it. On the contrary, the
International Law Commission, upon the report of the experts which
it had appointed, stated in its commentary on Article 72 of the draft
which it presented tlothe conference and which there became Article 6

that there might be "... departures (SC.,from the equidistance rule)
necessitated by any exceptional configuration of the Coast, as well as the
presence of islands or of navigable channels . .." and the International
Law Commission went on: "... This case may arise fairly often ..."
In short, a special circumstance affecting the equidistance method
may be the effect of a particular legal situation: a treaty, or historic
waters. It may also be the consequence of geographical considerations.
On the basis of the: map and measurements already mentioned ', the
configuration of the c:oastof the Federal Republic of Germanyconstitutes
such a circumstance:, which should be taken into account to avoid the
inequitable application of the equidistance line pure and simple.

No mention was made, on the other hand, of economic objectives,
such as the unity of deposits, with a view to the examination thereof by
the Court. In any case, any consideration of subma~ine resources,
referred to in the course of the proceedings, is irrelevant. To adopt as
basis in order to dr;aw up boundaries, among other factors, the riches
secreted by the bed of the sea, would amount to nothing less than an
apportionment of the continental shelf, whereas al1that is in question is
a delimitation of the:areas originally appertaining to the coastal States,

as has already been stated 2.In addition, since potential riches will for
a long time hence go on being discovered unceasingly, such delimitation,
faced with a deposit overlapping two areas, would continually be subject
to rectification.Conijequently, if the preservation of the unity of deposit
is a matter of concr:rn to the Parties, they must provide for this by a
voluntary agreement (by transfer or joint exploitation), and this does
not fa11witliin the category of a factor or rule of delirnitation.

In addition, the following passage from paragraph 69 of the Judgment
should be stressed: "Such a rule (SC.,the equidistance-special circum-
stances rule) was of course embodied in Article 6 of the Convention, but
as a purely conventional rule." But if the equidistance-special circum-
stances method can, on the Court's own admission, amount to a rule
of conventional law,,it can also constitute such a rule, as a matter of
logic, by virtue of the principle of equity. The Court, which is called

l Supra, para. 46. 150 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. AMMOUN)

règles, aurait donc dû, à mon avis, après avoir retenu le principe de
l'équité,en déduire la règle de l'équidistance-circonstances spéciales.

54. Ayant admis la règle d'équidistance-circonstances spéciales dé-
coulant du principe général de droit qu'est l'équité,et constaté qu'il
existe en l'affaire une circonstance spéciale, quel serait l'effet de cette

dernière sur la ligne d'équidistance?
L'idéedont il semble qu'il faille partir serait celle-là mêmequi découle
de la nature de ce plateau: celui-ci étantgéologiquement le prolongement
du territoire à partir de sa façade maritime ainsi qu'il a étédéjàexpliqué
dans les considérations relatives au concept du plateau continental ',
c'est cette façade qui forme la base du plateau se prolongeant sous la

haute mer.
On a voulu justifier le critère de la contiguïté et, partant, la ligne
d'équidistance s'imposant en tant que règle de droit international, en
faisant remarquer que les réalitésgéographiques du littoral constituent
la base déterminant l'étenduedu champ d'application dans l'espace des
droits souverains de 1'Etat riverain =. Que sont pourtant ces réalités

géographiques, sinon le littoral, ou la façade maritime, se prolongeant
sous les eaux de la haute mer, sans que cette façade ou ce littoral soit
affectépar les dépressions du sol qui n'en modifient que la ligne d'émer-
gence.
Par façade il ne faudrait donc pas entendre la côte avec ses inflexions
plus ou moins accentuées à fleur d'eau. Celles-ci sont le résultat d'un
affaissement ou d'une inclinaison de la terre au-dessous du niveau de la

mer. Elles ne sont pas de nature à modifier la ligne qui aurait étécelle de
la façade si cette dernière n'avait pas étéaffectée par cet accident de
terrain. En conséquence, les articulations de la base du plateau ne doivent
pas, en modifiant les coordonnées qui y seraient élevées,influer sur la
configuration naturelle de celui-ci.

55. Comment se présenterait la façade dans ces conditions?
C'est en recourant, par voie d'analogie, à la méthode de délimitation
de la mer territoriale fondée sur les lignes de base droites consacrée par
l'arrêtde cette Cour en date du 18 décembre 1951 en l'affaire anglo-

norvégiennedes Pêcheriesque pourrait êtretrouvéela solution. Ce recours
à l'analogie se justifie par l'identitéde raison juridique, ou encore par la
similitude des élémentsessentiels dans les deux hypothèses, savoir la

Supra,par. 15.
Plaidoirie au nom des Pays-Bas du 31 octobre 1968.

15 1 CONTINENTALSHELF(SEP. OP. AMMOUN) 150

upon to state principles and rules, after having adopted the principle
of equity, should, in my opinion, therefore have deduced therefrom the
rule of equidistance-special circumstances.

54. The equidistance-specialcircumstances rule flowing from a general
principle of law, namely equity, having been accepted, and it having been
established that in the present case there exists a special circumstance,
what would the effec:tof this circumstance be on the equidistance line?
The idea which would seem to constitute the point of departure is that
which follows from the nature of the shelf: since this is geologically the
prolongation of the territory, starting from the coastal front, as has
already been explainfedin the considerations concerning the concept of
the continental shelf ',it is this front which forms the basis of the shelf

extending under the high seas.
An attempt has been made to justify the contiguity criterion and thus
the equidistance line as an imperative rule ofinteinational law by pointing
out that the geog~aphical realities of the actual coastline are the basis
for the determination of the extent in space of the sovereign rights of
the coastal State 2. But what are these geographical realities, if they are
not the actual coastline, or the coastal front, extending under the waters
of the high seas, without the front or coastline being affected by the
depressions in the surface which merely modify the line along which
they break surface.
The front must thus not be understood as meaning the coast with its
more or less pronounced bends on the waterline, these irregularities being
the result of a subsitlence or sloping of the land below the level of the

sea.They arenot suchasshouldmodify the linewhich thefront would have
followed if it had not been affected by such geological accidents. Con-
sequently, the corrugations of the bases of the shelf must not influence
the latter's natural configuration by modifying any CO-ordinatesthereon
established.

55. What would the front look like as thus understood?
It is by havingreco,urse,by way of analogy, to the method of delimiting
theterritorial sea based on the straight baselines sanctioned by the Court's
Judgment of 18 December 1951in the Anglo-Norwegian Fisheries case,
that the solution might be found. Such resort to analogy is justified on

account of the identity ofratio legis,or again on account of the similarity
of the essential elerrients in the two sets of circumstances, namely the

Supra, para. 15.
? Address of 31 October 1968 on behalf of the Netherlands. nature découpéeet échancréede l'une et l'autre côte, et l'élémené t cono-

mique qui se retrouve dans un cas comme dans l'autre '.
Pas plus que le décret norvégien du 12 juillet 1935 délimitant la mer
territoriale sur la base des lignes droites suivant la direction généralede
la côte et reliant des points fixes situés sur la terre ferme ou sur des iles
adjacentes, la solution envisagéene serait contraire aux principes ou aux
règles de droit international. Cependant, une seule ligne de base droite

serait i tracer le long de la côte, ainsi qu'il en est des baies ouvertes, la
configuration de la côte allemande se présentant elle-mêmecomme une
baie; sa ligne d'ouverture ne serait pas nécessairement limitée à une
longueur préfixe comme l'a précisél'arrêtsusviséde la Cour pour les
baies en général.On se rappellera, àce propos, que la proposition a été
faite d'appliquer cette règle aux indentations et aux canyons inter-

rompant le fond du plateau continental.
Cette solution est d'autant plus acceptable qu'elle ne met pas en cause
les eauxintérieures ni la mer territoriale: elle n'affecte pas la configuration
de cette dernière, les eaux qui se trouvent au large de celle-ci et en deçà
de la ligne de base droite ne cessant pas de faire partie du plateau con-
tinental et restant soumises au statut qui le régit.

Appliquée à la côte allemande, la ligne de base droite s'étendrait de
l'une de ses extrémités à l'autre, réduisant entièrement la concavitéqu'elle
dessine.
Les côtes néerlandaise et danoise seraient maintenues telles quelles,
étant donné qu'elles suivent, à partir de leur intersection respective avec

la côte allemande, une direction droite ne présentant pas de saillies dé-
mesurées.
*

56. Les bases pour la délimitation du plateau continental entre les
Parties étant déterminées,coinment les limites latérales en seraient-elles

fixées?
Il a étéprécédemmentdit que la Convention de Genève sur le plateau
continental ne s'est pas écartéesde la notion d'équitéen adoptant la
ligne d'équidistance assortie de la condition ayant trait aux circonstances
spéciales.
C'est donc à titre de solution d'équitéque l'on peut recourir à la règle

d'équidistance-circonstances spéciales pour déterminer les limites laté-
rales du plateau continental entre les Parties au différend.

On est d'autant plus justifié a recommander l'application de la règle

l L'article 4 de la convention de Genève sur la mer territoriale aux lignes
de base droites se fondesur les intérêtséconomiquesqui sontencore plus évidentsen
ce qui concerne le plateau continental. CfL. Cavaré, Droit international public,
tome 1, p. 231.
Conférence de Genève, doc. prép., p. 43, par. 37.
R. Young, cité par L. Cavaré, Droit international public, tome 11,p. 235.jagged and indented nature of the two coasts, and the economic factor
which is present in both cases l.
The solution envisaged would be no more contrary to the principles
or rules of international law than the Norwegian Decree of 12July 1935
delimiting the territorial sea on the basis of straight lines following the
general direction of the coast and linking fixed points located on terrajir-
ma or on adjacent islands. However, the configuration of the German

coast possessing, as itdoes, the form of a bay, it is the drawing, as in the
case of open bays, of a single st~aightbaseline along the coast that would
be called for; its line of opening would not necessarily be restricted to a
pre-ordained length, as the above-mentioned Judgment of the Court
stipulated for bays in general. It will in tbis connection be recalled that
there has been a proposal to apply this rule to indentations and troughs
forming interruptions in the bed of the continental shelf.
This solution is al1 the more acceptable because it does not inbolve
either interna1 waters or the teiritorial sea; it does not affect the con-
figuration of the latter, as the waters seaward thereof but landward of

the straight baseline will not cease to form part of the continental shelf
and will remain subject to the régimegoverning the shelf.
As applied to the German coast, the straight baseline would extend
from one of its extremities to the other and would thus completely
obliterate itsconcavity.
The Netherlands and Danish coasts would be maintained as they are,
in view of the fact that, from the points of their respective intersections
with the German coast, they follow a straight course free of dispropor-
tionate projections.
*

56. The bases for the delimitation of the continental shelf as between
the Parties having been determined, how should the lateral boundaries be
fixed?
It was said above that the Geneva Convention on the Continental
SheIf did not depairt from the notion of equity in adopting the equi-
distance line accompanied by the condition referring to special circum-
stances.

Ttis therefore as iisolution based on equity that recourse may be had
to the equidistance-special circumstances rule for the purpose of deter-
mining the lateral lboundaries of the continental shelf as between the
Parties to the dispuite.
It is al1 the more justifiable to recommend the application of the

Article 4 of the Cieneva Convention on the Territorial Sea, which concerns
straight baselines. is based upon economic interests, which are even more prominent
in the case of the continental shelf. Cf. L. Cavaré, Droit infernafionalpubli1, Vol.
p. 231.
Geneva Conference, Prep. docs., p. 44, para. 37.
R. Young, cited b:y L. Cavaré, Droit internationalpubliVol. II, p. 235.d'équidistance partant de la ligne de base droite, que le Danemark et les
Pays-Bas sont parties à la Convention de Genève de 1958 sur le plateau
continental et que l'Allemagne fédérale,sans réclamer l'application de

cette méthode, ne l'a pas refusée dans la mesure où elle assure une
solution équitable l.
Dans un cas normal, c'est-à-dire dépourvu de circonstances spéciales,
les lignes d'équidistanceauraient étéconstituéesdes points lesplusproches
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer

territoriale. Dans le cas présent, c'est en partant de l'intersection de la
ligne de base droite déterminant la façade maritime de la République
fédéraleet de celle du Danemark, compte tenu de la délimitation partielle
convenue, que pourrait êtrefixéela ligne d'équidistance entre les zones
respectives du plateau continental de ces deux Etats; et c'est à partir de
l'intersection de ladite ligne de base de la République fédérale etde celle

des Pays-Bas que pourrait être fixée la ligne d'équidistance entre ces
deux derniers Etats, compte tenu également de la délimitation partielle
convenue. Et cela en deux opérations indépendantes. La zone revenant
a la République fédéraleserait comprise entres les deux lignes d'équi-
distance et s'étendrait au largejusqu'à leur point d'intersection.

Tout en ayant les délimitations partielles présentes a l'esprit, on peut
se reporter àla carte ci-après sur laquelle est tracéelafaçade maritime sous
forme de ligne de base droite, les côtes danoise et néerlandaise restant
telles quelles, et qui a étécomplétéepar le cartographe en y ajoutant, en
traits pleins minces, les lignes d'équidistance partant des points d'inter-
section B et C et convergeant jusqu'à leur jonction au point A en deçà

de la ligne médiane Grande-Bretagne!Continent.

Pour me résumer,je suis d'accord avec la majorité de la Cour pour dire

que la méthode d'équidistance prévue B l'article 6, paragraphe2. de la
Convention de 1958, n'est pas opposable en tant que règle de droit
conventionnel a la République fédéraled'Allemagne, et que cette règle
n'est pas non plus devenue Bce jour une règle de droit coutun~ier.
Par contre, je considère qu'il peut êtrefait appel à la méthode d'équi-
distance assortie des circonstances spéciales, en tant que règlejuridique,

applicable à la cause, découlant du principe général de droit qu'est
l'équitépraeter legem.
La Cour n'ayant pas estimé,pour les motifs qu'elle a développés, aller
aussi loin que je l'ai fait, j'ai tenu, avec la considération qui lui est due,
à joindre à l'arrêt,auquel je souscris, la présente opinion individuelle,
englobant les questions à propos desquelles j'ai raisonné différemment

ou me suis autrement prononcé.

(Signé) Fouad AMMOUN.
Réplique, par. 49, 65-67, 71, 74-76.equidistance rule, starting from straight baselines, in that Denmark and
the Netherlands art: parties to the 1958Geneva Convention on the Con-
tinental Shelf and because the Federal Republic of Germany, with-
out asking for the application of this method, has not rejected it to the

extent that it ensures an equitable solution '.
ln a normal case, that is to say one not involving special circumstances,
the equidistance lirieswould have been made up of the points nearest to
the baselines from which the breadth of the territorial sea is measuied.
In the present case, it is by taking as the starting-point the intersection
of the straight baselinesmarking the coastal frontsof the Federal Republic
and Denmark, with due regard for the partial delimitation agreed upon,
that the equidistance line between the respective continental shelf areas
of those two States could be fixed; and it is by taking as the starting
point the inte~section of the said baseline of the Federal Republic and
that of the Netherlands, that the equidistance line between the two latter
States, again with cilieregard to the agreed partial delimitation, could be
fixed.This would b12done intwo separate operations. Thearea appertain-
ing to the Federal Republic would be contained between the two equi-
distance lines and would extend out to sea as far as theii point of inter-
section.

Whilst bearing in mind the partial delimitations, reference may be
made to the attached map upon which the coastal front is shown in the
form of a straight baseline, the Danish and Netherlands coasts iemaining
as they are, and wlhichthe cartographer has completed by adding (thin
fi111lines) the equidistance lines starting from the points of intersection
B and C and converging to their junction at the point A before reaching
the median line Gr,eat Britain-Continent.

To sum up, 1 am in agreement with the majority of the Court in
declaiing that the equidistance method provided for in Article 6, para-

graph 2, of the 1958Convention, is not opposable as a rule of treaty-law
to the Federal Republic of Germany, and that this rule has also not up
to the present time become a rule of customary law.
On the other hand, 1consider that recourse may be had to the equi-
distance method, qualified by special circumstances, as a legal rule
applicable to the case and derived from a general principle of law, namely
equity praeter lege~v.
Since the Court has, for the reasons which it has set foith, not con-
sidered that it should go as far as 1have done, 1 have felt that 1should,
with al1 the consideration to which it is entitled, and while supporting
the Judgment, append thereto the present separate opinion, covering the
points on which rriy reasoning has been different, or on which 1have
come to a diffèrentconclusion.
(Signed) Fouad AMMOUN.

' Reply,paras.49, 65-67, 71, 74-76.

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Opinion individuelle de M. Fouad Ammoun

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