Opinion individuelle de M. Padilla Nervo (traduction)

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052-19690220-JUD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. PADILLA NERVO

[Traduction j

Je souscris a l'arrct de la Cour, et en particulier à ses conclusions:
l'application de la méthode de délimitation fondée sur I'équidistance

n'est pas obligatoire entre les Parties; la délimitation doit s'opérer par
voie d'accord conforn~émentà des principes équitables et de manière àat-
tribuer à chaque Partie la totalité des zones du plateau continental qui
constituent le prolongement naturel de son territoire sous la mer et

n'empiètent pas sur le prolongement naturel du territoire de l'autre. Je
m'associe également à la déclaration de la Cour quant aux facteurs que
les Parties devront prendre en considération au cours des négociations.

Je voudrais cependant formuler les observations suivantes afin de
préciser maposition sur les principales questions soumises à la Cour, mon
analyse des différent'esaffirmations des Parties et le raisonnement par
lequel je parviens aux mêmesconclusions que la Cour.

Lorsqu'on relève, dans les compromis, la référenceaux (principes et
règles de droit international J il convient de se rappeler que le mot
(1principes désigne parfois des règlesde caractère pratique qui ne sont en
fait que des méthodes ou des systèmes employés pour mettre en ceuvre

des principes. Cette remarque s'applique à la règle de I'équidistance, qui
est qualifiéede 1;principe 1dans la Convention sur le plateau continental.
En l'espèce, le Danemark et les Pays-Bas demandent l'application de
la Convention de Genève de 1958 sur le plateau continental, qu'ils ont
signéeet ratifiée.

Ln République fédérale d'Allemagnesoutient que la Convention n'est
pas applicable puisqu'elle ne l'a pas ratifiée.
IIest hors de doute que la République fédéralen'est pas contractuelle-
nlerltliéepar la Convcention. Ce point ne donne lieu ü aucune controverse.

Par conséquent la C'onr~entionde 1958 n'est pas, en tant que telle, op-
posable (jIn République,fédc;rrrle.
Le Danemark et les Pays-Bas soutiennent que la République fédéralea
manifesté son approbation d'un certain nombre des clauses de la Conven-
tion et qu'en particulier elle a conclu avec le Danemark et les Pays-Bas

deux traités portalit délimitation partielle du plateau continental à
proximité de la côte suivant des lignes qui sont en réalité des lignes
d'équidistance. Cela ne signifie pas, mon avis, que la République fédéralesoit tenue
d'accepter la règle de l'équidistance clau regard du prolongement des
lignes de délimitation JILes négociations qui ont abouti aux deux traités

susmentionnés montrent que la République fédéralene s'est pas fondée
sur l'articl6 de la Convention pour la délimitation du plateau continen-
tal à proximité de la côte. Cette délimitation a été faitepar accord entre
les Parties, suivant des lignes dont elles ont considéréla direction, la
longueur et les résultats comme justes et équitables. Que ces lignes soient
en réalitédes lignes d'équidistance au moins dans une certaine mesure,

car il y a quelques d.éviations, ne change rien au fait qu'elles ont été
déterminéespar acco.rdentre les parties intéressées. L'idéeque ces pro-
blèmes ne peuvent en, dernier ressort être résolusque par voie d'accord
s'en trouve donc renforcée.
Le différend entre les Parties en l'espèce porte essentiellement sur la
question de savoir si la règlede I'équidistancedoit s'appliquer à la délimi-
tation de leurs zones respectives du plateau continental au-delà des

délimitations partielles dont elles sont déjà convenues.
Sur cette question i.y a eu désaccord entre les Parties depuis le début
des négociations. Le Danemark et les Pays-Bas ont soutenu que la réglede
I'équidistance était la seule base d'accord possible. La République fédé-
rale a fait valoir que la configuration géographique de cette partie de la
mer du Nord rendait nécessaire un mode de délimitation plus juste pour

elle comme pour les deux autres Etats.

Si l'article 6 de la Convention ne lie pcontractuellement la République
fédérale,la Cour doit rechercher si la règle qu'il contient ou qu'il traduit
est opposable à cet Etat à un autre titre, et notamment si la partie de
l'article6 qui se rapporte au principe de I'équidistance constitue une

règle reconnue de droit international généralliant en tant que telle la
République fédérale.
Quant à la pratique: des Etats antérieurement à la Convention de 1958,
dans la mesure où I'on peut savoir ce qu'elle fut, il ne semble pas que les
cas d'application de la règle de l'équidistance enmatière de délimitation
latérale du plateau continental entre Etats limitrophes aient été nom-

breux, ni que cette application ait étésuffisamment uniforme, stricte et
totale pour que I'on y voie une coutume. A mon avis l'article 6 n'a pas
consacré une régle qui fût déjà acceptéecomme règle de droit interna-
tional coutumier ou qui serait devenue telle.

L'équidistance apparaît plutôt dans la Convention comme une règle
conventionnelle ou une méthode technique qui peut êtremodifiéepar les

parties et comme un principe que les parties peuvent écarter par voie
d'accord. Si la régle de I'équidistance avait déjà existécomme réglede
droit international général,l'article 6 n'aurait pas accordé la primauté à
l'accord et les parties n'auraient pu, par voie d'accord, écarter, omettre ou
éluder une règle impérative. PLATFAL (.ONilSENrAL (OP. [NI>. PADILLA BER\'()) 87

/Zu cours des travaux préparatoires de la Coirimission du droit inter-
ii;itionül. le texte de l'arti6lde la Convention sur le lat te aucontiiiental
:i suscité maintes difficultés, car la Commission éprouvait des doutes

quant au crith-e de 1'éqi:idistanceet aux résultats imprévisibles de son
application.
Bien que la Conimission ait consacréun rapport unique l'ensemble du
droit de la mer. la conférence de 1958 a adopté quatre conventions

distinctes, sur In iner territoriale, In haute mer. le plateau continental et la
pêche.
C'est pai.ce que l'on pensait généralementque le plateau continental
coiistituait LII;~notion nouvelle et que le droit international était à cet
égard en voie de formation, qu'il a étédécidéde faire des articles ayant

trait au plateau continental ilne coiiveniion séparéeet de permettre
(art. 17)ciesréservesà toiis ces articles sauf aiix articles I à 3 (antérieure-
ment art. 67, 68 et 69).
L'article 6 de la Convention tic 1958 ne consacrait 11pus de lfrt;gles

de droit international déjà reçues ,1 et n'sétait 11pas déclaratoire des
regles existantes ,,et, au.jourd'hui encore, ni la pratiqce des Etats ni les
pricédents ne lui ont, à mon avis, conféréle caractkre d'un droit coutu-
mier impératif.
Le fait au'eii 1958 le droit était ci..coreen évolution dans ce domaine

est iouligné par la clisporition de l'article 13, aux termes de laquelle une
demande de tGi,isionde la Convention peut être formuléeeii tout temps
par tolite partie contractante. après expiration d'une périodede cinq ans
à compter de la date d'entréeen vigueur de la Con\.ention. En application

de cet-article, la Coriventioii pourra êtremodifiéeà partir deJuin 1969.
Dans la pratique., l'application de la méthode de l'équidistance à la
délimitation latérale n'était pas rigide et uniforme avant 1958. II était
tenu compte de certai~s facteurs ou de certainescirconstances spécialesqui
justifiaient des dérogations, les lignes d'équidistance étant remplacéespar

d'autres lignes fixéespar voie d'n(,c,orcl.La règle ne pouvait donc pas
êtrequalifiéede règle coutumière.
A Genève, le principe de l'équidistance ci étéconsidérécoinme la
méthode de délimitation la plus @yuiruble,bien qii'elle ne fût pas la
seiile. nuis il s'agissait bel et bien de trouver ou d'établir une règle

Pyuitnhlc. La justice et l'équitéont étédes considérations prépondérantes
dans l'esprit des rédacteurs de la Convention sur le plateau continental,
loi-sqii'ilsont recherché une regle ii'eiitrainaiit pas d'inéquitésflagrantes,
pour a~itaiitqu'ils nient étéen mesure de prévoirles résultats réelsde .on

application.
Aux ternies de l'article 6, les Etats limitrophes parties i la Convention
ne sont pas tenus de déterminer la limite du plateau coiitineiital adajcent
à leurs territoires par i:ne application riride du principe de l'équidistance;
ils sont libres de détermiiiei-la ligne aiitrenierit s'ils le désirent, c'est-à-dire

pal Loie ci'u(.(.ord.
Le critère de l'équidistance est une tlort~ictt,c.ir~~ir/zqui doit ter~dreà réaliserce qui est juste selon le droit naturel des nations (art. 38 1 c) du
Statut de la Cour).
La Convention énonce du reste plusieurs règles techniques que l'on
ne saurait encore considérer comme des principes de droit international.

L'obligation de négocier constitue en revanche un principe du droit
international. Il convient de donner la préférenceà une solution négociée.
La première phrase de l'article 6 est catégorique; c'est un exposé de
principe: ((la délimitation .. . est déterminéepar accord 1).
Le ((défautd'accord ))ne saurait êtreconsidérécomme une arme, per-

mettant à un Etat d'imposer à un autre Etat limitrophe l'application de
la règle de I'équidistance, mais il faut tenir compte des circonstances
spéciales qui peuvent constituer la raison d'un désaccord sur I'applica-
tion de la règle de I'équidistance. S'ilssont en désaccord quant à l'exis-
tence de circoiistances spéciales, les Etats ne peuvent déterminer la

limite du plateau continental par un acte unilatéral.
Les accords existants entre Etats riverains de la mer du Nord ne cons-
tituent pas une prl:uve suffisante de la reconnaissance par les Etats
intéressés duprincipe de I'équidistance de l'article 6 comme d'un prin-
cipe de lldroit généralement accepté 11et liant ces Etats. Puisque c'est

par accord entre eLi:iq; ue les Etats en question ont procédéà des délimi-
tations fondées sur la méthode de I'équidistance, on doit plutôt conclure
qu'ils reconnaissaient en quelque sorte que le résultat de l'application
de cette méthode était pour eux satisjàisa~it,,juste et équitable. Si l'un
ou l'autre d'entre eux avait jugéce résultat inéquitable, ils n'auraient pu

aboutir à aucun accord.
Les réalités géographiquespeuvent justifier une dérogation à I'appli-
cation rigoureuse du principe de I'équidistafice.
Jusqu'à ce qu'elle soit régléepar accord ou par arbitrage, la question

demeure ouverte. En l'espèce, s'iln'y a pas d'accord, les lignes de délin~i-
tation unilatéralement fixéesn'existent pas en tant que lignes opposables
à la République fédérale.
Selon l'une des t.hèsesqui ont étéplaidées, la Convention aurait, soit
cristallisé la n~ltho~dcde l'équidistance en règle généralede droit, soit

créé une tellerègle; pour savoir quel effet le droit conférépar l'article 12
de la Convention siur le plateau continental - de formuler des réserves,
à l'article 6 notamment - peut avoir sur cette thèse, le mieux est de se
reporter au débat auquel la question a donné lieu en séanceplénièrede
la conférence sur le droit de la mer de 1958.

On a considéré que, le plateau continental représentant un probkkrne
tioui.eau PIIdroit itltcrrlational, il était souhaitable qu'un grand nombre
J'Etats adhèrent à. la Convention, même s'ils devaient formuler des
réserves sur les articles autres que les articles 67 a 69 (1 à 3). De nom-
breux représentant!; étaient d'avis qu'il fallait faire figurer dans la Con-

vention une clause de réserve précise,car l'absence d'une disposition
de cet ordre dans des instrumeiits antérieurs avait parfois crééde grandes
dificultés. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. PADILLA NERVO) 89

On a dit aussi qu'en examinant la question des réserves,il convenait
de se rappeler que la conférence avait étéréuniepour élaborer des nor-
me5 internationales destinées à êtreprogressivemctrt acceptées jusqlr'à
ce qu'c.llesdeviennerit communes a tous les Etats.

La Convention devait donc êtrerédigéede manière que tous les Etats
puissent y devenir .parties. La question des réserves présentait une im-
portance capitale. La Convention serait sans valeur si elle n'étaitratifiée
que par un petit ncimbre J'Etats. IIarrivait souvent que des gouverne-
ments veuillent forn~uler à l'égardd'une convention des réservesn'affec-

tant pas les normes c;ornmuneset se refusent à devenir parties à la conven-
tion s'ils n'avaient pas cette faculté.
Les représentant:; qui désiraient autoriser des réserves se sont vu
reprocher dc défenu'redes intérktscationaux, mais c'était précisémenà t
cette fin qu'ils assisi.aient à la conférence.

Le débat avait montré que si l'on insistait pour interdire absolument
les réserves,l'accord ne pourrait pas se faire.
Le droit international, a-t-on dit encore. doit se développer progressi-
vement, mais cc principe n'interdit pas d'essayer de fonder les instruments
internationaux sur laji~sticcet sur une réelleégalitéentre les Etats.

En conclusioii, le: fait que l'article6 puisse faire l'objet de réserves
montre bel et bien que les Etats représentésà Genève n'avaientpas I'in-
tention d'crcceptcr 16mérhodc.de l'équidistancecomme trrzerèglegc;tzérule
de droit a layuellc i/s ne pourr~ient dérogeret qbi les lier-airdans tous les
eus. Par suite, la thèse selon laquelle la Convention a, soit cristallisC

la mithoclc~de I'~:quidistan<,ecn rcglc gc:nPraIcd~e droit, soit crééune telle
règle, tl'cstpu.r,fot~d~e,t il ressort des comptes rendus que lesdébatsde la
conférence de Genk-le ne permettent nullement de soutenir pareille thèse.

Bien que le Danemark et les Pays-Bas aient fait cause commune pour
la présentation de leurs thèsesdevant la Cour, ces thèsesétant les mêmes

pour l'essentiel, les deux instances n'en constituent pas moins des affaires
distinctes en ce sens que l'uneatrait àla délimitation entre le Danemark et
la République fédéraleet l'autre à la délimitation entre les Pays-Bas et
la Républiq~iefédérale:pourtant, si lesdeux lignes de délimitation étaient
considérées séparément etisolément, il n'y aurait aucun problème car

c'est précisément leur existencesimultanir, si elles doivent reposer en-
tièrement sur le principe de l'équidistance, qui produit un résultat iné-
quitable et provoque les objections de la République fédérale.C'est
l'existence des trois côtes (avec celle de l'Allemagne au centre), ainsi que
la configuration de la côte allemande, qui créele problème.

En l'espèce,il y a deux ligneî dont la combinaison détermine automa-
tiquement la zone du plateu~i continental revenant à la République
fédérale.La Cour ne peut pas niéconnaitre ce fait; elle doit au contraire
en tenir pleinement compte.
Du point de vue géographiclue, la mer du Nord constitue ce qu'on
pourrait appeler à des fins purement pratiques une mer (intérieure11,ence sens que, si elle comporte plusieurs issues sur l'océan,elleest bordéesur
presque toute sa périphériepar le telritoire de plusieurs Etats riverains.
Les Etats riverains de la mer du Nord reconnaissent d'une manière
générale quele lit de:cette mer constitue dans sa totalité un seul plateau

continental, dont les diverses parties relèvent chacune d'un de ces Etats.
Plusieurs de ces Etats riverains sefont .face, alors que d'autres, situés
du mêmecôté de la mer, sont litnitrophrs et ont des fronti2res latr'rales
cotnmunes.
En conséquence, 11:splateaux continentaux relevant des Etats riverains

dont les côtes enferment presque complètement la mer du Nord conver-
gent, à partir de la côte de chaque Etat, jusqu'à atteindre, de l'outre
côté de III111erla limite des plateaux contineiitaux des Etatsfaisant.firte.

En ce qui concerne les Parties au présent différend,les côtes des Pays-
Bas, de la République fédéraleet du Danemark font face à celles du
Royaume-Uni. Théoriquement, si on appliquait la règle énoncéeà
l'article 6, paragraphe 1, de la Convention sur le plateau continental, la
limite entre le plateau continental de la Républiquefédéraled'Allemagne

et celui du Royaume-Uni serait constituée par la ligne médiane tracéedans
la mer du Nord entre les côtes des deux Etats. Or la possibilité de tracer
une telle ligne médiane est exclue, du fait que, par l'accord du 31 mars
1966entre les Pays-Elaset le Danemark, deux zones de plateau continen-
tal que lestlits Etats. se sont bilatéralement attribuées s'interposent au
centre de la mer du Nord entre la République fédéraleet le Royaume-

Uni. En réalité,ce sont ces chevauchements qui semblent empêcher la
mise en aruvre des dispositions pertinentes du traité: il semble bien que,
lors de la rédaction du texte de l'article 6, on n'ait pas envisagé le cas
particulier d'une mer intérieure. Ni le paragraphe 1 ni le paragraphe 2 de
l'article 6 ne prévoient les chri~auclzemerits qui pourraient résulter de

l'existence simultanr'e de lignes médianeet de lignes d'équidistance latirales
lorsqu'une mer intérieure est bordée à la fois par des Etats qui se font
face et des Etats limitrophes. 11semble donc qu'en ce qui concerne les
Parties au présent différend,la mer du Nord doive pouvoir êtreconsi-
dérée commeun cas de circonstances spéciales.

La délimitation doit être raisonnable. C'est la répercussion ou la com-
binaison des deux lignes qui a provoqué les objections de la République
fédéraleet qui produit en fait un xésultat déraisonnable. Leur effet con-
jugué n'est paséquitable pour la République fédérale. C'est la causedu

désaccord et la raison mêmepour laquelle les Parties ont porté leur
litige devant la Cour.
J'estime qu'en soumettant la question à la Cour selon les modalités de
leur choix, les Parties ont en fait reconnu que leurs lignes de délimitation
respectives ne sauraient être déterminées indépendamment l'une de
l'autre et que le problème constitue un tout. Dans sa plaidoirie du 30 octobre, le conseil du Danemark et des
Pays-Bas a déclaréque cesdeux Etats sefont facedans unecertainemesure,
bien que légèrementde biais, mais qu'on ne pouvait certainement pas
les qualifier de limit:rophes, mêmeavec beaucoup d'imagination.

Puisque l'article6,paragraphe 2. n'impose la méthodede l'équidistance
que dans le cas de deux Etats lifl~irrophrs,le fait que le Danemark
et les Pays-Bas, qui ne sont pas limitrophes, aient procédéii une délimita-
tion entre eux sur lia base de I'équidistance, semble relever, si ces pays
se sont fondés sur llaConvention de Genève, de la première phrase du
paragraphe I de l'articl6, c'est-à-dire simplement d'un accord bilatéral

ad hoc et non pas d'un principe quelconqiie.
II n'existe aucune règle de droit international qui permette à un Etat
de délimiter unilaltéralement son plateau continental par rapport à
tout autre Etat suivant la méthode de I'équidistance, sauf si l'autre Etat
y consent. Une ligrie d'équidistance ne peut êtreimposéeà un Etat qui
n'a pas adhéréà la Convention.

En I'esptce, le point en litige est de savoir si la partie de l'article 6 de
la convention de 1058sur lc plateau continental qui a trait à la méthode
de l'équidistance cc~ri.espondou non & une règle de droit international
général liantla République fédérale.
11est généralementadmis que, dans la pratique des Etats antérieure h

la conférence de Genève de 1958, on avait tendance à parler, en termes
très généraux,de délimiter les plateaux continentaux selon des pritlripes
kyuitablcs, sans vistir particulièrement le principe de I'équidistance. De
l'avis de la Commissiondudroit international, la pratiquedes Etats n'avait
pas étéjusqu'à c-tte date suffisamment uniforme pour pelmettre d'établir
alors I'existericed'une règlecoutumièreconcernant le plateau continental.

J'ai dit plus haut que la pratique des Etats depuis 1958 n'indique pas
non plus, à mon avis. que la règle de I'équidistance soit devenue par la
suite une réglede clroit coutumier.
Au cours des travaux préparatoires de la Commission du droit inter-
national ainsi qu'a. la conférence de Genève, l'idéeque le principe de
l'équidistance ne clevrait pas constituer une règle absolue a toujours

prédomine. Lorsqu'il a été suggéréde supprimer la règle des acircons-
tances spéciales )diu texte de l'article6,cette proposition a étérejetéeà
une écrasante majorité.
La méthode de l'équidistance nedevait s'appliquer, pour ainsi dire,
qu'en dernier ressort, si aucun accord n'était en vue et si la ligne de
démarcation ne prlisentait pas en pratique de caractéristiqiies justifiant

une autre méthode.
Les rédacteurs de l'article 6 ont toujours étéaniméspar le souci de le
rendre acceptable à un grand nombre de gou\.ernements, c'est-à-dire
qu'ils ont voulu établir une disposition souple et adaptable à un grand
nombre de situations, qu'ils ont tenu compte d'éventuellesrevendications
contradictoires, et aussi des différences géographiques et géologiques

entre les Etat5 maritimes du monde entier. Le droit de faire des réservesà l'article 6 constituait une autre soupape
de sûreté contre une interprétation ou application stricte de la notion
d'équidistance, contraire à sa nature véritable, qui est celle d'une norme
technique à utiliser dans les cas où il n'y a ni accord ni circonstances
spéciales.
Si I'une des parties à une négociation invoque l'existence de circons-

tances spéciales, il n'y a qu'un moyen de sortir de l'impasse: s'entendre
sur une position de compromis et procéder à de nourelles négociations.
II n'est pas possible d'arriver à une solution acceptable, juste, pacifique
et par conséquent durable si on ne la recherche pas selon les moyens
énoncésà l'article 33 de la Chalte des Nations Unies.
L'obligation de négocier est une obligation continue, qui ne prend
jamais fin et qui existe en puissance dans toutes les relations entre les

Etats.
La doctrine du plateau continental et la Convention visent à contribuer
à faire régnerl'ordre dans le monde en prévisionde la course aux riches-
ses pétrolières et .minérales, d'éviterun affrontement dangereux entre
les Etats et de protégerles petites nations contre les pressions économiques
ou politiques exerc:éespar des Etats plus grands ou plus puissants.

Dans ce domaine, le règlement pacifique des différends devrait assurer
des relations amicales et une coopération durable, notamment entre
Etats voisins. Les solutions risquant d'être considérées par I'une des
parties comme inéquirables sont difficiles à appliquer; elles ne résistent
pas à l'épreuvedu temps et elles peuvent engendrer denozrveau-x différends.
La question qui se pose est la suivante: la situation géographique

permet-elle de déroger à l'application stricte de la règlede l'équidistance?
Je crois que oui.
Lorsque la méthode de l'équidistance, appliquée à la délimitation
latérale,entraîne des distorsions qu'on ne peut e'cpliquerparla longueurde
la ligne côtiGre, cela justifie l'application du principe des circonstances
spéciales.
Si l'application de la règle de l'équidistance conduit, dans un cas

donné, à de graves injustices,on peut considérer que ce résultat constitue
une circonstance spéciale justifiant une autre délimitation, à défaut
d'accord entre les parties intéressées.
Je pense qu'on peut dire que le débat sur la réserve des circonstances
spéciales )imontre que cette clause ne constituait pas tant une exception
de portéelimitéeà une règled'application généralequ'une autre solution

possible, de même valeur que la méthode de I'équidistance.
La configuration des côtes du Danemark, de la République fédérale
et des Pays-Bas suir la mer du Nord et les ezets que cette cot$guration
géographique produit sur les limites des plateaux continentaux de ces
trois Etats, si l'on fait application de la méthode de I'équidistance,
constituent une circonstance qui permet à la République fédérale dede-
mander au Danemark et aux Pays-Bas de reconsidérer en sa faveur les

limites de son plateau continental. Je partage l'opinion selon laquelle ((l'histoire et les documents officiels
de la conférence de Genève sur .. .le plateau continental indiquent que

la clause des ((circonstances spéciales jia son origine dans le fait que cer-
taines caractéristiqiues ou irrégularitésdes côtes ont assez souvent un
effet défavorable sur la ligne d'équidistance, entraînant des inflexions
ou des déviations considérables qui ont pour effet de réduire de manière

inéquitable la portion ... du plateau qui reviendrait normalement à une
partie. C'est par conséquent pour fournir une garantie aux droits de la
partie perdante, et dans un esprit d'équité, que la clause des ~circon-
stances spéciales '1,aétéintroduite, qui permet de tracer au lieu de la

ligne d'équidistance:ou en con~binaison avec cette ligne, (iune autre ligne
de délimitation 11.
Ce point de vue: est également confirmé par le commentaire de la
Commission du droit international sur l'article 72 de son projet (devenu
par la suite l'article 6 de la Convention sur le plateau continental):

((il doit êtrepiyévuqu'on peut s'écarter de la règle [c'est-A-dire de
la ligne d'équidistance] lorsqu'une configuration exceptionnelle de

la côte ou encore la présence d'îlesou de chenaux navigables l'exige.
Ce cas pourra se présenter assez souvent. La règle adoptée est donc
par là dotée d'une certaine souplesse. 1(Annuaire de la Commission
du droit international, 1956, vol. II,p. 300.)

Toutes les propositions faites à la conférence de Genève sur le droit
de la mer en vue d'éliminer la référenceaux 1circonstances spéciales jj

et de faire de la méthode de l'équidistance la règleunique ont étérejetées
à une grande majo.rité.
On a considéré comme circonstances spéciales non seulement des
situations spéciale:, tenant à des raisons techniques - existence de

chenaux navigables ou de câbles, exigences de la sécuritéou de la défense,
protection des pêcheries (bancs de poissons), présence de gisements
indivisibles de pétrole minéral ou de gaz naturel, etc. - mais aussi
certaines situations.géographiques particulières, telles que la configura-

tion exceptionnelle de la côte.
M. W. Mouton, (The Continental Shelf ,),Recueil des Cours, volume
85, 1954, 1, page 420:

icII est stipulé que cette règle est applicable à défaut d'accord
entre les Etats intéresséset à moins que des circonstances spéciales
ne justifient une autre délimitation. Des modifications peuvent être

apportées à la règle générale soitparce que la configuration excep-
tionnelle des côtes, la présence d'îles ou de chenaux navigables
exigent que l'on s'écartede cette règle soit en raison de l'existence
de gisements communs situésde part et d'autre de la limite mathé-

rnatique. JI
Colombos, The ~'nternationalLaw of the Sea, 1959, page 70:

(La règle admet cependant une certaine souplesse d'application PLATEAlJ CONTINENTAL (OP. IND. P.4DILLA NERVO)
94

lorsqu'il y a des îles ou des chenaux navigables et dans le cas d'une
configuration exceptionnelle de la côte. ))

Olivier de Ferron, Le droit de /a mer, vol. II, page 202:

1L'article 6 de la Convention de Genève stipule en effet qu'elles
[c'est-à-dire la ligne médiane et la ligne d'équidistance latérale]
peuvent êtremodifiéesd'un commun accordentre les Etats intéressés,
dans le cas où 11des circonstances spéciales justifient une autre déli-
mitation 11par exemple lorsque la configuration exceptionnelle de la

côte ou la présence d'îles ou de chenaux navigables l'exigent. Les
règlesadoptées par la conférence de Genève sont donc assez souples
pour permettre une solution équitable dans tous les cas. 11

Dans ces conditions, les Parties devraient rechercher une autre méthode
de délimitation qui aboutisse à un résultat juste et équitable et, suivant
les directives dela Cour, entamer de nouvelles négociationsconformément
à l'obligation que leur impose un principe du droit international général.

Ainsi qu'il est indiqué à l'article 1, paragraph 2, des compromis, les
Parties fixeront ensuite les limites par voie d'accord entre elles.

Je dirai pour conclure qu'en l'espèce, la règle de l'équidistancen'est
pas applicable à mon avis,
qu'iln'y a pas de règle de droit international
coutumier obligeani: la République fédéraleà accepter la délimitation
de son plateau continental résultant des lignes tracées en exécution d'un
accord ad hoc entre ses voisins, le Danemark et les Pays-Bas; que les
Parties devraient rechercher et employer une autre méthode conforme à

l'équitéet à la justice, et que les Parties devraient entamer de nouvelles
négociationsen vue de délimiter entre elles le plateau continental de la
mer du Nord, par voie d'accord, conformément à la décision de la Cour.

On prétend justifier l'applicabilité de la méthode de l'équidistance

viséeà l'article 6 de la Convention par les arguments suivants:
a) la République fëdérale d'Allemagne a pris part aux travaux de la

conférence de Genève et elle a signé la Convention sans faire de
réservesà l'article 6;
b) le Gouvernemenit de la République fédéralea informéles deux autres
Parties qu'il prenait des mesures pour ratifier la Convention;
c) la République fiidéraled'Allemagne, dans sa proclamation du 20 jan-

vier 1964, a invoquéla Convention pour affirmer des droits souverains
sur son plateau csontinental, aux fins de son exploration et de l'exploi-
tation de ses ressources naturelles;
d) le principe de I'estoppel est applicable, et la République fédérale ne
saurait être admiseà contester la validitéjuridique de la Convention.

La méthode de l'équidistance ne peut pas êtreconsidéréecomme une
règle découlant de principes fondamentaux généralementacceptés. La notion nouvelle de plateau continental, expriméedans la procloina-

tion Truman et dans des proclaii~ations gouvernenientales ultérieures,
l'opinion assez rép,lndue que la juridiction de 1'Etat riverain sur le
platciiu continental adjacent fait déjà partie intégrante du droit inter-
national coutumier, et enfin la définition du plateau continental, aux
articles 1à 3 de la Convention. sont autant de raisons de ne pas accepter
l'affirmation selon laquelle la méthode de l'équidistance énoncée à

I'article 6 est une rè,glede droit international cuiituniier.
Si un Etat non partie ii la Convention accepte. reconnaît ou invoque
les droits (ibfinis aux trois premiers articles dc la Convention (qui ne
peuvent faire l'objet dcréserves) cela ne signifie ni ne sous-entend aucune-
ment qu'il s,.>itobligéd'appliquer la méthode de l'équidistance. Il n'est
ni logiqii- ni exactd'affirmer que si un Etat partie à la Convention peut

apporter des réserves il'article 6. un Etat qui ne serait pas liécoritrac-
tuellement par lu iCon\rention pourrait êtredans une situation nioins
favorable en ce qui concerne l'application rigoureuse de I'article 6.
(1)Le fait que la République fédéraled'Alleinagne a pris part aux
délib0rations de In conférence de Genèke n'est pas un argument valable:
il ne sufiit p:is de prime abord Liétablir quc la Répiiblique fkdérale ait

conscnti ii Ftre liéepar les conventions conclues lors de cette conférence
ou y ait acquiescé. Si 13 simple participation à une conférence inter-
nationale pou~ait avoir pour effet de lier les participants, aucun Etat
ne serait disposé ii prendre part à une conférence dont les incidences et
les résultats concrets seraient encore inconnus.
Nul ne conteste 'que la République fkdérale a effecti\.ement signé la

Convention sur le plateau continental et qu'elle n'a pas apporté de
részrvesà I'article 6; la signature n'est cependant qu'une mesure prélimi-
naire sujette à confirmation et à l'approbation expresse de l'organe com-
pétent d'un Etat. confortnénient à ses procédures constitutionnelles.
Ln Répiibliquefédéi-ale n'a pas ratifiéla Convention. elle n'yest pas partie

et elle ne peut donc pas êtreliéecontractuellement par ses dispositions.
h) Le fait que la Républiqiie fédérale ainformé les deux royaumes
qu'elle prenait des mesures en vue de ratificr la Convention ne saurait
êtreconsidérécomriie une promesse juridique et obligatoire de le faire.
Une telle déclaration peut êtrerévélatricede l'intention d'accomplir
un acte donné dans l'avenir: I'intention existant ii un moinent donné

peut êtrenioditiée par la suite, et son auteur est libre de changer d'avis.
Tant qiic l'acte en question (en l'espèce,la ratification) n'est pas effec-
tivement accompli, il n'existe aucune obligation; le consentement ne
petit être sous-entendu ou déduit sur la foi de renseignements concernafit
des intentions futures.

c) 1-c.f:iit que la Répiibliqiie fédérnlea invoqué la Convention. dans
sa proclamation du 20 janvier 1964. pour revendiquer des droits sou-
verains sur son plateau continental ne peut êtreconsidérécomme I'ex-
pression d'un consentement à êtreliéepar la Convention dans son en-
seiiible, et ne signifie pas da\:\ntage que la Républiqiie fédéraleait acceptéla méihode de l'éqiiidistance. Dans la proclamation en question, la
République fédérale revendique un droit sur son plateau continental en

tant que prolongement naturel de son territoire sous la mer, mais elle
aurait pu formuler cei.terevendication indépendamment de la Convention,
sous une forme analogue à celle de la proclamation Truman. La Répu-
blique fédéralen'a fait qu'invoquer la définitiondonnéeaux trois premiers
articles de la Convention pour revendiquer un droit qui existait déjà,
qui était reconnu 2 l'écheloninternational avant l'élaboration de la Con-

vention sur le plateau continental et qui est inhérent à la doctrine ac-
ce~téedu ~lateau cointinental.
Revendiquer un tel droit et citer la définition qui en a étédonnée dans
la Convention ne suppose pas une acceptation de la Convention dans
son ensemble, ni une acceptation de l'application rigoureuse du principe
de l'équidistance.

d) Le principe de l'estoppel ne peut pas, en l'espèce, être invoquéà
l'encontre de la République fédérale.On ne peut pas prouver que les
deux royaumes aient modifié leur attitude à leur détriment, sur la base
d'actes accomplis par la République fédérale,comme sa proclamation
de 1964, ou encore du fait que l'Allemagne avait manifesté l'intention
de ratifier la Convention.
Les trois premiers articles de la Convention étaient conçus, en général,

comme déclaratoires du droit international coutumier existant, mais il
importe de ne pas attribuer le mêmerôle aux autres articles de la Con-
vention; ces derniers, en effet, ne sont absolument pas déclaratoires, ils
sont généralementd'un caractère purement technique et peuvent faire
l'objet de réserves.Cela est vrai en particulier de la disposition relative
à la méthode de l'équidistance. Tout ce que les publicistes ont pu dire

au sujet de la doctrine du plateau continental et de la définition qui en
est donnée aux trois premiers articles de la Convention ne s'applique pas
a la Convention dans son ensemble, et aucun raisonnement juridique ne
permet d'affirmer que la méthode de l'équidistance énoncéeà l'article 6
constitue une règle de droit international coutumier.
Le nombre de ratifications dont la Convention a fait l'objet et les cas
où les Etats sont convenus d'appliquer la méthode de l'équidistance ne

donnent pas à celle-ci le caractère de droit coutumier. Ily a accord entre
les Parties sur le fait que la Convention n'est pas applicable a la Ré-
publique fédéraleen tant que partie contractante; et son article 6 ne lui
est pas applicable non plus en tant que principe de droit international
général. Mame les Etats parties à la Convention ne sont pas obligés
d'appliquer la méthode de l'équidistance, habilités qu'ils sont par les

termes mêmesde l'article 6 à convenir d'une autre méthode ou d'un
autre mode de délimitation de leurs plateaux continentaux.
Un traité ne crée pas de droits ou d'obligations à l'égard d'un Etat
tiers sans le consentement de celui-ci, mais les règles énoncéesdans un
traité peuvent deveriir obligatoires pour un Etat qui n'y est pas partie
en tant que règles coutumières de droit international.ment des réservesà (certainsarticles, c'est que ces articles ne codifient pas
ou n'expriment pas des principes ou des règlesétablis et obligatoires du
droit international généraiqui, en tant que tels, ne sont pas seulement
opposables aux parties contractantes mais aussi aux Etats tiers.

L'article 6 de la Convention sur le plateau continental, de mêmeque
d'autres disposition:; de cette convention, a un caractère technique: ce
n'est pas l'expression d'une norme coutumière et il n'est pas opposable
à la République fédérale,qui a constamment refusé l'application, sans
son consentement, de la méthode de l'équidistance.
Les travaux préparatoires de la Convention, qui ont eu lieu à la Com-

mission du droit international, à l'Assembléegénérale desNations Unies
et à la conférence de Genève, prouvent que la notion de I'équidistance
n'est pas et n'a jamais été conçuecomme l'expression d'une règlejuri-
dique internationale pouvant être appliquée dans tous les cas. Si la Con-
vention n'a pas rendu obligatoire l'application rigide de la méthode de

I'équidistance, cela neveut pas dire qu'elle soit incomplète ou qu'elle
ait laissésans solutio~nle problème de la délimitation. Certes, ce problème
existe, mais la délimitation doit s'opérer par des moyens pacifiques,
c'est-à-dire par voied'accord, d'arbitrage ou de décisionjudiciaire.
Le seul principe de droit international généralqui soit implicitement

énoncéà l'article 6 est l'obligation de négocier.,cet article stipulant que la
délimitation du plateau continental adjacent aux territoires de deux ou
plusieurs Etats 1est 'déterminée par accord entre ces Etats 1).
Ce n'est pas parce que la méthode de I'équidistancea étéutiliséedans
plusieurs accords bilatéraux conclus entre Etats limitrophes que l'on
peut affirmer que la Convention obligeait ces Etats à y recourir. Cela

signifie simplement qu'il y a eu accord entre eux parce qu'ils ont estimé
que cette méthode était satisfaisante. juste, équitable et commode.
D'ailleurs, ils l'ont aussi parfois écartéepar consentement mutuel.

L'accord bilatéral du 31 mars 1966 (conclu avant la dernière partie

des conversations tripartites qui ont eu lieu à Bonn au mois de mai)
était fondésur l'hypothèse que les conversations avaient définitivement
échouéà cette date et qu'à défaut d'accord, les Parties pouvaient ap-
pliquer la méthode de l'équidistance. LaRépublique fédérale,qui n'est
pas partie à cet accord, a refuséde le reconnaître et l'a considérécomme

res inter crliosacta.
Les Parties n'ont cependant pas estimé que l'absence d'accord soit
un élément déterminiant, et c'est pourquoi elles ont saisi la Cour de la
question.

A mon avis, les paragraphes 71 à 75 de l'arrêtde la Cour énoncent,
sous l'angle de leur application au cas d'espèce,les conditions qui doiventêtrzriunies polir qu'une rkgle, contr:ictuelle à l'origine. se transforme en
règle de droit international coutumier.

Ces c~otiditioiis,quz l'on peut considérer comine génér:ilenientappli-
cables, peuvent être résuméescoinnie suit:

iII faut d'abord que la disposition en cause ait, en tout cas virtuel-
lement, un caractère foridamentalement normatif et puisse ainsi
constituer la base d'une rkgle généralede droit. (Par. 72 de l'arrêt,
première phrase.)

1En ce qui concerne les autres éléments généralementtenus pour
nécessairesafin qu'~inerègleconventionnelle soit considérée comme
étantdevenue une règleginéralede droit international, il se peut que,
sans mêmequ'une longue période se soit écoulée,ilne participation

très large et représentative à la convention suffise, ù condition toute-
fois qu'elle comprenne les Etats particulièrement intéressés.11
(Par. 73, première phrase.)
iBien que le fait qu'il ne se soit écouléqu'en bref laps de teinps
ne constitue pas nécessairement en soi un einpêchementà la forma-

tion d'une règle nouvelle de droit international coutumier r'partir
d'une regle purzrnent conventionnelle à l'origine, il demeure in-
dispensable que dans ce laps de temps, aussi bref qu'il ait été, la
pratique des-Etats, y compris ceux qui sont particulièrement in-

téressés,ait été fréquente etpratiquement uniforme dans le sens de
la disposition irivoquée et se soit manifestée de manikre à établir
une rcconnaissatice généraledu fait qu'une règle de droit ou une
obligation juridique est en jeu. ,l(Par. 74.)

Je suis convaincu que l'arrêtde la Cour guidera et aidera les Parties

dans les nouvelles négociations qu'elles entameront en exécution du
paragraphe 2 de l'article premier des compromis, afin de délimiter entre
elles le plateau continental de la nier du Nord.

L'accord qu'elles concluront conformément aux conclusions de la

Cour. ct dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies,
leur permettra de faire reconnaître leurs intérêts légitimessur le plateau
continental relevant de chaciiiie d'elles.

Je suis en outre pei-suadéque l'arrêt rendupar la Courdans les affaires
du plateau continental de la mer du Nord servira de guide dans des con-
troverses an:ilogucs et qu'il aidera Ics Etatsi résoudre par la négociation,
ou par tout autre moyen pacifique de leur choix. Ics différendsqui pour-

raient surgir entre cliix.
(Sipzé) Luis PADILLA NERVO.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE PADILLA NERVO

1 am in agreement with the Judgment of the Court, and particularly
with its findings: that the use of the equidistance method of delimitation
is not obligatory as between the Parties; that delimitation is to be
effected by agreement in accordance with equitable principles in such
a way as to leave to each Party al1 those parts of the continental shelf
that constitute a natural prolongation of its land territory under the sea,
without encroachment on the natural prolongation of the land territory

of the other. 1 also concur in the statement of the Court regarding the
factors that the Parties are to take into account in the course of the
negotiations.
* * *

1wish to make the following observations which emphasize my indivi-
dual point of view regarding the main issues before the Court, my
analysis of the conflicting contentions of the Parties in the present case

and the reasoning which leads me to agree with the Court.
When reference is made in the Special Agreements to "principles and
rules of international law", it should be borne in mind that there are
certain rules of a practical nature, so called "principles", which are in
reality only methods or systems used to apply the principles. This is
so in respect of the "equidistance rule" which is referred to as a "prin-
ciple" in the Continental Shelf Convention.

In the present case,Denmark and the Netherlands rely on the applica-
tion of the 1958 Geneva Convention on the Continental Shelf, which
they have signed and ratified.
The Federal Republic of Germany contends that the Convention is
not applicable, since it has not ratified it.
There is no doubt that the Federal Republic is not contractually bound
by the Convention. There is no controversy about this point. Therefore

on these bases the 1958 Conventioriisnot opposable as suclz to tlie Federal
Republic.
Denmark and the Netherlands contend that the Federal Republic
has manifested its agreement to the Convention in respect of a number
of its provisions, in particular that it has concluded with them two
treaties for the purpose of drawing, according to what are in reality
equidistance lines, those parts of the boundary lines between the German

and Danish, and the German and Netherlands continental shelves which
are near the Coast. OPINION INDIVIDUELLE DE M. PADILLA NERVO

[Traduction j

Je souscris a l'arrct de la Cour, et en particulier à ses conclusions:
l'application de la méthode de délimitation fondée sur I'équidistance

n'est pas obligatoire entre les Parties; la délimitation doit s'opérer par
voie d'accord conforn~émentà des principes équitables et de manière àat-
tribuer à chaque Partie la totalité des zones du plateau continental qui
constituent le prolongement naturel de son territoire sous la mer et

n'empiètent pas sur le prolongement naturel du territoire de l'autre. Je
m'associe également à la déclaration de la Cour quant aux facteurs que
les Parties devront prendre en considération au cours des négociations.

Je voudrais cependant formuler les observations suivantes afin de
préciser maposition sur les principales questions soumises à la Cour, mon
analyse des différent'esaffirmations des Parties et le raisonnement par
lequel je parviens aux mêmesconclusions que la Cour.

Lorsqu'on relève, dans les compromis, la référenceaux (principes et
règles de droit international J il convient de se rappeler que le mot
(1principes désigne parfois des règlesde caractère pratique qui ne sont en
fait que des méthodes ou des systèmes employés pour mettre en ceuvre

des principes. Cette remarque s'applique à la règle de I'équidistance, qui
est qualifiéede 1;principe 1dans la Convention sur le plateau continental.
En l'espèce, le Danemark et les Pays-Bas demandent l'application de
la Convention de Genève de 1958 sur le plateau continental, qu'ils ont
signéeet ratifiée.

Ln République fédérale d'Allemagnesoutient que la Convention n'est
pas applicable puisqu'elle ne l'a pas ratifiée.
IIest hors de doute que la République fédéralen'est pas contractuelle-
nlerltliéepar la Convcention. Ce point ne donne lieu ü aucune controverse.

Par conséquent la C'onr~entionde 1958 n'est pas, en tant que telle, op-
posable (jIn République,fédc;rrrle.
Le Danemark et les Pays-Bas soutiennent que la République fédéralea
manifesté son approbation d'un certain nombre des clauses de la Conven-
tion et qu'en particulier elle a conclu avec le Danemark et les Pays-Bas

deux traités portalit délimitation partielle du plateau continental à
proximité de la côte suivant des lignes qui sont en réalité des lignes
d'équidistance. In my opinion it does not follow from this fact that the Federal Re-
public is bound to accept equidistance lines "as regards the further
course of the dividing line". Tt appears from the negotiations which
took place for the purpose of concluding the above-mentioned two
treaties that the Federal Republic did not rely on Article 6 of the Con-
vention for drawing the boundary near the coast. Those lines were

drawn by agreement among the Parties and their direction, extent and
result were considered by them as being fair, just and equitable. If those
lines were in reality equidistance lines to a certain extent (they suffered
in fact some deviations) that circumstance does not change the fact
that the boundary lines were determined by agreement between the
Parties concerned. That emphasizes the assertion that only by agreement

can, in the last resort, these problems be settled.
The fundamental issue between the Parties in the cases before the Court
is the question whether or not the equidistance line should constitute the
boundary line between their respective continental shelves beyond the
partial boundaries they have already agreed upon.
On this question there has been disagreement between the Parties
from the beginning of their negotiations. Denmark and the Netherlands

insisted that the equidistance line alone could be the basis on which
the boundary line might be fixed by agreement. The Federal Republic
took the position that the geographical situation in that part of the
North Sea required another boundary line which would be more fair
to both sides.
If Article6 of the Convention is not contractually binding on the

Federal Republic, the Court must consider whether or not the rule it
embodies or reflects is opposable to it on some other basis, and whether
that part of Articl6 which relates to the equidistanceprinciple constitutes
a recognized rule of general international law which would as such be
binding on the Federal Republic.
So far as State practice prior to the 1958 Convention is concerned,

and as far as it has been possible for this to be ascertained, it does not
appear that the cases of use of the equidistance line for the lateral
delimitation of the continental shelves of adjacent States are numerous,
nor does that practice show a uniform, strict and total application of
the equidistance line in such cases so as to be qualified as customary.
In my opinion, Article 6 does not embody a pre-existing accepted rule

of customary international law, or one which has come to be regarded
as such.
The equidistance rule is rather a conventional rule or technical method
which could be altered by the parties to the Convention. According to
the Convention the parties, by agreement, are able to disregard the
principle of equidistance. If the equidistance rule was a pre-existing rule
of general international law, Article6 would not give primacy to settle-

ment by agreement, nor could an agreement between the parties overlook,
disregard or evade the application of a binding rule. Cela ne signifie pas, mon avis, que la République fédéralesoit tenue
d'accepter la règle de l'équidistance clau regard du prolongement des
lignes de délimitation JILes négociations qui ont abouti aux deux traités

susmentionnés montrent que la République fédéralene s'est pas fondée
sur l'articl6 de la Convention pour la délimitation du plateau continen-
tal à proximité de la côte. Cette délimitation a été faitepar accord entre
les Parties, suivant des lignes dont elles ont considéréla direction, la
longueur et les résultats comme justes et équitables. Que ces lignes soient
en réalitédes lignes d'équidistance au moins dans une certaine mesure,

car il y a quelques d.éviations, ne change rien au fait qu'elles ont été
déterminéespar acco.rdentre les parties intéressées. L'idéeque ces pro-
blèmes ne peuvent en, dernier ressort être résolusque par voie d'accord
s'en trouve donc renforcée.
Le différend entre les Parties en l'espèce porte essentiellement sur la
question de savoir si la règlede I'équidistancedoit s'appliquer à la délimi-
tation de leurs zones respectives du plateau continental au-delà des

délimitations partielles dont elles sont déjà convenues.
Sur cette question i.y a eu désaccord entre les Parties depuis le début
des négociations. Le Danemark et les Pays-Bas ont soutenu que la réglede
I'équidistance était la seule base d'accord possible. La République fédé-
rale a fait valoir que la configuration géographique de cette partie de la
mer du Nord rendait nécessaire un mode de délimitation plus juste pour

elle comme pour les deux autres Etats.

Si l'article 6 de la Convention ne lie pcontractuellement la République
fédérale,la Cour doit rechercher si la règle qu'il contient ou qu'il traduit
est opposable à cet Etat à un autre titre, et notamment si la partie de
l'article6 qui se rapporte au principe de I'équidistance constitue une

règle reconnue de droit international généralliant en tant que telle la
République fédérale.
Quant à la pratique: des Etats antérieurement à la Convention de 1958,
dans la mesure où I'on peut savoir ce qu'elle fut, il ne semble pas que les
cas d'application de la règle de l'équidistance enmatière de délimitation
latérale du plateau continental entre Etats limitrophes aient été nom-

breux, ni que cette application ait étésuffisamment uniforme, stricte et
totale pour que I'on y voie une coutume. A mon avis l'article 6 n'a pas
consacré une régle qui fût déjà acceptéecomme règle de droit interna-
tional coutumier ou qui serait devenue telle.

L'équidistance apparaît plutôt dans la Convention comme une règle
conventionnelle ou une méthode technique qui peut êtremodifiéepar les

parties et comme un principe que les parties peuvent écarter par voie
d'accord. Si la régle de I'équidistance avait déjà existécomme réglede
droit international général,l'article 6 n'aurait pas accordé la primauté à
l'accord et les parties n'auraient pu, par voie d'accord, écarter, omettre ou
éluder une règle impérative. 87 CONTINENTALSHELF(SEP. OP. PADlLLA NERVO)

During the preparatory work of the International Law Commission
there were many difficulties in respect of the text of Article 6 of the Con-
tinental Shelf Convention, as the Commission was doubtful regarding
the criterion of equidistance and the unpredictable results of its applica-

tion.
Although the International Law Commission reported on the whole
law of the sea together, the 1958 Conference adopted separate conven-
tions on the territorial sea, the high seas, and the continental shelf, and
also a fourth convention on fishing.
Consideration of the fact that it was widely held that the continental

shelf was a new concept and that international law on the subject was
in process of development led to the decision to incorporate the articles
relative to the continental shelf into a separate convention, allowing
reservations to al1 of them except Articles 1 to 3 (formerly Articles 67,
68 and 69), as stated in Article 12.

Article 6 of the 1958Convention did not at that time "embodv alreadv
received rules of customary law and was not then declaratory of existing
rules", and it has not since then, in my view, by the practice of States
and accumulation of precedents, acquired the character of binding
customary law.
The consideration that the law on the subject in 1958 was in process

of development was emphasized by the provision in Article 13, allowing
the revision of the Convention at the request of any contracting Party,
at any time after five years from the date the Convention entered into
force. As a result of that Article, it will be feasible to modify the Con-
vention after June 1969.
In practice, the application of the equidistance method for lateral

delimitations, prior to 1958, has not been rigid in al1 cases. Certain
factors or special circumstances have been taken in10 account as justify-
ing a deviation from its rigid application, and the equidistance line has
been replaced by other lines fixed by agreement. Its use can not be qualified
as customarv.

At Geneva, the equidistance principle was regarded as the most equitable
method for fixing boundaries, though not the only one, but the purpose
and the aim was to find or develop a rule which ought to be equitahle.
Justice and equity was an overwhelming consideration in the minds of
the framers of the Continental Shelf Convention in their search for a
rule which would not result in harsh inequities, so far as they could
predict the actual results of its application.

Adjacent States parties to the Convention are not obliged, by Article 6,
to determine the boundary of the continental shelf adjacent to their
territories by the rigid application of the principle of equidistance: they
are free to determine the boundary otherwise if they so desire, by agree-

ment between them.
The criterion of equidistance is a tech~~icar lrorrnwhich should aim at PLATFAL (.ONilSENrAL (OP. [NI>. PADILLA BER\'()) 87

/Zu cours des travaux préparatoires de la Coirimission du droit inter-
ii;itionül. le texte de l'arti6lde la Convention sur le lat te aucontiiiental
:i suscité maintes difficultés, car la Commission éprouvait des doutes

quant au crith-e de 1'éqi:idistanceet aux résultats imprévisibles de son
application.
Bien que la Conimission ait consacréun rapport unique l'ensemble du
droit de la mer. la conférence de 1958 a adopté quatre conventions

distinctes, sur In iner territoriale, In haute mer. le plateau continental et la
pêche.
C'est pai.ce que l'on pensait généralementque le plateau continental
coiistituait LII;~notion nouvelle et que le droit international était à cet
égard en voie de formation, qu'il a étédécidéde faire des articles ayant

trait au plateau continental ilne coiiveniion séparéeet de permettre
(art. 17)ciesréservesà toiis ces articles sauf aiix articles I à 3 (antérieure-
ment art. 67, 68 et 69).
L'article 6 de la Convention tic 1958 ne consacrait 11pus de lfrt;gles

de droit international déjà reçues ,1 et n'sétait 11pas déclaratoire des
regles existantes ,,et, au.jourd'hui encore, ni la pratiqce des Etats ni les
pricédents ne lui ont, à mon avis, conféréle caractkre d'un droit coutu-
mier impératif.
Le fait au'eii 1958 le droit était ci..coreen évolution dans ce domaine

est iouligné par la clisporition de l'article 13, aux termes de laquelle une
demande de tGi,isionde la Convention peut être formuléeeii tout temps
par tolite partie contractante. après expiration d'une périodede cinq ans
à compter de la date d'entréeen vigueur de la Con\.ention. En application

de cet-article, la Coriventioii pourra êtremodifiéeà partir deJuin 1969.
Dans la pratique., l'application de la méthode de l'équidistance à la
délimitation latérale n'était pas rigide et uniforme avant 1958. II était
tenu compte de certai~s facteurs ou de certainescirconstances spécialesqui
justifiaient des dérogations, les lignes d'équidistance étant remplacéespar

d'autres lignes fixéespar voie d'n(,c,orcl.La règle ne pouvait donc pas
êtrequalifiéede règle coutumière.
A Genève, le principe de l'équidistance ci étéconsidérécoinme la
méthode de délimitation la plus @yuiruble,bien qii'elle ne fût pas la
seiile. nuis il s'agissait bel et bien de trouver ou d'établir une règle

Pyuitnhlc. La justice et l'équitéont étédes considérations prépondérantes
dans l'esprit des rédacteurs de la Convention sur le plateau continental,
loi-sqii'ilsont recherché une regle ii'eiitrainaiit pas d'inéquitésflagrantes,
pour a~itaiitqu'ils nient étéen mesure de prévoirles résultats réelsde .on

application.
Aux ternies de l'article 6, les Etats limitrophes parties i la Convention
ne sont pas tenus de déterminer la limite du plateau coiitineiital adajcent
à leurs territoires par i:ne application riride du principe de l'équidistance;
ils sont libres de détermiiiei-la ligne aiitrenierit s'ils le désirent, c'est-à-dire

pal Loie ci'u(.(.ord.
Le critère de l'équidistance est une tlort~ictt,c.ir~~ir/zqui doit ter~dreàrealizing what is just according to the natural law of nations. (Article38
(1) (c) of the Court's Statute.)
The Convention includes some technical rules which cannot yet be
regarded as principles of international law.
The obligation to negotiate isa principle of internatioiial law. Preference

should be given to agreement. The first sentence in Article6 is categorical,
it is a statement of principle-"the boundaries . . . slialhc determined
by agreement".
"The absence of agreement" cannot be considered as a weapon in the
hands of any State to impose upon another adjacent State the application
of the equidistance rule, but regard should be given to the special circum-

stances of the case, which may be the reason for the disagreement to
the application of the equidistance rule. If the adjacent State disagrees
as to the existence of special circumstances, the other State may iiot
determine the boundary of its continental shelf by a unilateral act.
The existing agreements between States in the North Sea are tlot
sufficient proof of the recognition by the States concerned of the equidis-

tance principle in Article6asagenerally accepted law" binding upon them.
It could rather appear that since the delimitations by the equidistance
method were made by agrrrmrnt between the States concerned, there
was some recognition of the fact that the result of the application of
such method was satisfactory to those States and was considered by
them to be just and equitahlc. If it had been considered to be unfair by

one of the parties, no agreement could have been reached.

Geographical realities may justify a deviation from a rigid application
of the equidistance principle.
Until settled by agreement or by arbitration, the question is open.
In the cases before the Court, if there is no agreement, the boundary
lines unilaterally fixed do not exist so as to be opposable to the Federal

Republic.
The effect of the right conferred by Article 12of the Continental Shelf
Convention to make reservations to (inter alia) Article 6, as regards
the contention that the Convention either crystallized the rquidistance
metlzod as a general rule of law or is to be regarded as having founded

such a rule, can be more clearly ascertained in the light of the discussion
on the subject at the plenary meetings of the 1958 Conference on the
Law of the Sea.
It was considered that since the continental shelf was a netv suhject
ofinternational luw it was desirable that a large number of States should
become parties to the Convention, even if they made reservations to

articles other than Articles 67 to 69 (1 to 3),and many representatives
were of the opinion that there should be a clear provision in the Conven-
tion regarding reservations, since great difficulties had arisen from the
lack of such a provision in previous conventions. réaliserce qui est juste selon le droit naturel des nations (art. 38 1 c) du
Statut de la Cour).
La Convention énonce du reste plusieurs règles techniques que l'on
ne saurait encore considérer comme des principes de droit international.

L'obligation de négocier constitue en revanche un principe du droit
international. Il convient de donner la préférenceà une solution négociée.
La première phrase de l'article 6 est catégorique; c'est un exposé de
principe: ((la délimitation .. . est déterminéepar accord 1).
Le ((défautd'accord ))ne saurait êtreconsidérécomme une arme, per-

mettant à un Etat d'imposer à un autre Etat limitrophe l'application de
la règle de I'équidistance, mais il faut tenir compte des circonstances
spéciales qui peuvent constituer la raison d'un désaccord sur I'applica-
tion de la règle de I'équidistance. S'ilssont en désaccord quant à l'exis-
tence de circoiistances spéciales, les Etats ne peuvent déterminer la

limite du plateau continental par un acte unilatéral.
Les accords existants entre Etats riverains de la mer du Nord ne cons-
tituent pas une prl:uve suffisante de la reconnaissance par les Etats
intéressés duprincipe de I'équidistance de l'article 6 comme d'un prin-
cipe de lldroit généralement accepté 11et liant ces Etats. Puisque c'est

par accord entre eLi:iq; ue les Etats en question ont procédéà des délimi-
tations fondées sur la méthode de I'équidistance, on doit plutôt conclure
qu'ils reconnaissaient en quelque sorte que le résultat de l'application
de cette méthode était pour eux satisjàisa~it,,juste et équitable. Si l'un
ou l'autre d'entre eux avait jugéce résultat inéquitable, ils n'auraient pu

aboutir à aucun accord.
Les réalités géographiquespeuvent justifier une dérogation à I'appli-
cation rigoureuse du principe de I'équidistafice.
Jusqu'à ce qu'elle soit régléepar accord ou par arbitrage, la question

demeure ouverte. En l'espèce, s'iln'y a pas d'accord, les lignes de délin~i-
tation unilatéralement fixéesn'existent pas en tant que lignes opposables
à la République fédérale.
Selon l'une des t.hèsesqui ont étéplaidées, la Convention aurait, soit
cristallisé la n~ltho~dcde l'équidistance en règle généralede droit, soit

créé une tellerègle; pour savoir quel effet le droit conférépar l'article 12
de la Convention siur le plateau continental - de formuler des réserves,
à l'article 6 notamment - peut avoir sur cette thèse, le mieux est de se
reporter au débat auquel la question a donné lieu en séanceplénièrede
la conférence sur le droit de la mer de 1958.

On a considéré que, le plateau continental représentant un probkkrne
tioui.eau PIIdroit itltcrrlational, il était souhaitable qu'un grand nombre
J'Etats adhèrent à. la Convention, même s'ils devaient formuler des
réserves sur les articles autres que les articles 67 a 69 (1 à 3). De nom-
breux représentant!; étaient d'avis qu'il fallait faire figurer dans la Con-

vention une clause de réserve précise,car l'absence d'une disposition
de cet ordre dans des instrumeiits antérieurs avait parfois crééde grandes
dificultés. It was stated that in discussing the question of reservations to the

proposed articles, it should be remembered that the Conference had
been convened to draw up international standards which would be
progressively accepted until the]!bccame comnion to al1States.
The Convention should be worded so that al1 States could become
parties to it.The question of reservations was of fundamentalimportance.
The Convention would be valueless if ratified by only a few States.
Frequently, governments wanted to make to a convention reservations

which did not affect common standards, and were unwilling to become
parties to it unless they could do so.

Representatives wishing to permit reservations had been reproached
for deferiding nationul interesrs; but, in fact, they were attending the
Conference for that very purpose.

The debate showed that if an absolute prohibition of the making of
reservations were pressed there could be no agreement.
International law, it was said, must be built up gradually, but that
rule did not preclude attempts to base international instruments on
justice and equality among States.
In conclusion it seems correct to affirm that the right to make reserva-

tions to Article6 shows that the States at Geneva did not intend to accept
the equic/istuncemethod as ageneral rule oflai.t,from ulhichthey could not
depart anclu~lzich~vouldhe binding on thein in al1cases. Therefore the con-
tention that the Convention crystallized the rquidistance method as a
general rulc of la~t.,or is to be regarded as having founded such rule,
is not just~jîed, and it appears from the records that the debates at the
Geneva Conference do not afford a basis for or give support to such a

contention.
Although the cases of Denmark and the Netherlands have been joined
for purposes of presentation to the Court, because both Parties are
putting forward the same basic contentions, they remain separate cases
in the sense that one relates to the Danish-German line of demarcation,
and the other to the German-Netherlands line; but if these lines were

taken separately and in isolation there would be no problem: it is the
simultaneous existence of both lines, if constructed throughout on equidis-
tance principles, that leads to an inequitable result, and causes the
Federal Republic's objection. It is the existence of the three coasts with
Germany in the middle (and its coastal configuration) which creates the
problem.

Two lines are here involved which, by their interaction have in fact
automatically determined the Federal Republic's area of the continental
shelf. The Court cannot ignore this fact but has to take full account of it.

Geographically, the North Sea constitutes what for purely practical
purposes may be called an "internal" sea, inthe sense that while it has PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. PADILLA NERVO) 89

On a dit aussi qu'en examinant la question des réserves,il convenait
de se rappeler que la conférence avait étéréuniepour élaborer des nor-
me5 internationales destinées à êtreprogressivemctrt acceptées jusqlr'à
ce qu'c.llesdeviennerit communes a tous les Etats.

La Convention devait donc êtrerédigéede manière que tous les Etats
puissent y devenir .parties. La question des réserves présentait une im-
portance capitale. La Convention serait sans valeur si elle n'étaitratifiée
que par un petit ncimbre J'Etats. IIarrivait souvent que des gouverne-
ments veuillent forn~uler à l'égardd'une convention des réservesn'affec-

tant pas les normes c;ornmuneset se refusent à devenir parties à la conven-
tion s'ils n'avaient pas cette faculté.
Les représentant:; qui désiraient autoriser des réserves se sont vu
reprocher dc défenu'redes intérktscationaux, mais c'était précisémenà t
cette fin qu'ils assisi.aient à la conférence.

Le débat avait montré que si l'on insistait pour interdire absolument
les réserves,l'accord ne pourrait pas se faire.
Le droit international, a-t-on dit encore. doit se développer progressi-
vement, mais cc principe n'interdit pas d'essayer de fonder les instruments
internationaux sur laji~sticcet sur une réelleégalitéentre les Etats.

En conclusioii, le: fait que l'article6 puisse faire l'objet de réserves
montre bel et bien que les Etats représentésà Genève n'avaientpas I'in-
tention d'crcceptcr 16mérhodc.de l'équidistancecomme trrzerèglegc;tzérule
de droit a layuellc i/s ne pourr~ient dérogeret qbi les lier-airdans tous les
eus. Par suite, la thèse selon laquelle la Convention a, soit cristallisC

la mithoclc~de I'~:quidistan<,ecn rcglc gc:nPraIcd~e droit, soit crééune telle
règle, tl'cstpu.r,fot~d~e,t il ressort des comptes rendus que lesdébatsde la
conférence de Genk-le ne permettent nullement de soutenir pareille thèse.

Bien que le Danemark et les Pays-Bas aient fait cause commune pour
la présentation de leurs thèsesdevant la Cour, ces thèsesétant les mêmes

pour l'essentiel, les deux instances n'en constituent pas moins des affaires
distinctes en ce sens que l'uneatrait àla délimitation entre le Danemark et
la République fédéraleet l'autre à la délimitation entre les Pays-Bas et
la Républiq~iefédérale:pourtant, si lesdeux lignes de délimitation étaient
considérées séparément etisolément, il n'y aurait aucun problème car

c'est précisément leur existencesimultanir, si elles doivent reposer en-
tièrement sur le principe de l'équidistance, qui produit un résultat iné-
quitable et provoque les objections de la République fédérale.C'est
l'existence des trois côtes (avec celle de l'Allemagne au centre), ainsi que
la configuration de la côte allemande, qui créele problème.

En l'espèce,il y a deux ligneî dont la combinaison détermine automa-
tiquement la zone du plateu~i continental revenant à la République
fédérale.La Cour ne peut pas niéconnaitre ce fait; elle doit au contraire
en tenir pleinement compte.
Du point de vue géographiclue, la mer du Nord constitue ce qu'on
pourrait appeler à des fins purement pratiques une mer (intérieure11,en90 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP. PADlLLA NERVO)

sorne outlets to the ocean it is bordered along almost the whole of its
periphery by the territories of a number of coastal States.
There is a general consensus on the part of al1the coastal States to the
effect that the bed of the North Sea constitutes in its totality a single
continental shelf, thevarious parts of which each appertain to one State.
Several of the coastal States on the North Sea are opposite each other

and others, lying on the same side of the sea, are aq'jucent and have
lateral boundurics.
Consequently,the continental shelves appertaining to the coastal States
whose coasts almost totally enclose the North Sea are converging con-
tinental shelves, with an initial base or boundary constituted by the
coast of the territory of each State, and an end-point or boundary which

touches the continental shelf of the opposit~ States on th? other sic/. of
tlzcsea.
In the case of the Statesparties to the present dispute, the Netherlands,
the Federal Republic and Denrnark are States the coasts of which are
opposite to the coast of the United Kingdom. If in principle the rule

contained in Article 6, paragraph 1, of the Continental Shelf Convention
is applied, the boundary between the continental shelves of the Federal
Republic of Germany and the United Kingdom would be constituted by
the median line in the North Sea drawn between the coasts of the two
States. But the possibility of drawing such a rnedian boundary line is
excluded on account of the fact that, under the treaty of 31 March 1966

between the Governments of the Netherlands and Denrnark, two areas
of the continental shelves which those States have bilaterally accorded
each other are interposed in the central area of the North Sea, between
the Federal Kepublic and the United Kingdorn. In fact, such overlaps
appear to prevent the implementation of the relevant treâty rules and
it appears that this particular case, that of an internal sea, was not

conternplated when the text of Article 6 was drafted. Neither paragraph 1
nor paragraph 2of Article 6 have made provision for the oi,rrlaps ivhich
may arise from the simultaneous existence of'median and lateral cquitlis-
tance lines where there are both opposite and adjacent States in a partic-
ular internal sea. Ttappears therefore that the case of the North Sea, so

far as the situation of the Parties to the present dispute is concerned,
could be deemed a case in which special circurnstances exist.
The delimitation should be rcasonablc. It is the repercussion or coni-
bination of both lines which caused the Gerrnan objection and which
does in fact lead to an unreasotzable result. Their combined effect is not
equitable in respect to the Federal Republic. That was the cause of the

disagreement and the very reason why the Parties have brought their
dispute to this Court.
1 believe that the Parties, by submitting the rnatter to the Court in
the way selected by thern, recognized in effect that the respective lines
cannot be deterrnined in isolation from one another, and that the inatter
constitutes an integral whole.ce sens que, si elle comporte plusieurs issues sur l'océan,elleest bordéesur
presque toute sa périphériepar le telritoire de plusieurs Etats riverains.
Les Etats riverains de la mer du Nord reconnaissent d'une manière
générale quele lit de:cette mer constitue dans sa totalité un seul plateau

continental, dont les diverses parties relèvent chacune d'un de ces Etats.
Plusieurs de ces Etats riverains sefont .face, alors que d'autres, situés
du mêmecôté de la mer, sont litnitrophrs et ont des fronti2res latr'rales
cotnmunes.
En conséquence, 11:splateaux continentaux relevant des Etats riverains

dont les côtes enferment presque complètement la mer du Nord conver-
gent, à partir de la côte de chaque Etat, jusqu'à atteindre, de l'outre
côté de III111erla limite des plateaux contineiitaux des Etatsfaisant.firte.

En ce qui concerne les Parties au présent différend,les côtes des Pays-
Bas, de la République fédéraleet du Danemark font face à celles du
Royaume-Uni. Théoriquement, si on appliquait la règle énoncéeà
l'article 6, paragraphe 1, de la Convention sur le plateau continental, la
limite entre le plateau continental de la Républiquefédéraled'Allemagne

et celui du Royaume-Uni serait constituée par la ligne médiane tracéedans
la mer du Nord entre les côtes des deux Etats. Or la possibilité de tracer
une telle ligne médiane est exclue, du fait que, par l'accord du 31 mars
1966entre les Pays-Elaset le Danemark, deux zones de plateau continen-
tal que lestlits Etats. se sont bilatéralement attribuées s'interposent au
centre de la mer du Nord entre la République fédéraleet le Royaume-

Uni. En réalité,ce sont ces chevauchements qui semblent empêcher la
mise en aruvre des dispositions pertinentes du traité: il semble bien que,
lors de la rédaction du texte de l'article 6, on n'ait pas envisagé le cas
particulier d'une mer intérieure. Ni le paragraphe 1 ni le paragraphe 2 de
l'article 6 ne prévoient les chri~auclzemerits qui pourraient résulter de

l'existence simultanr'e de lignes médianeet de lignes d'équidistance latirales
lorsqu'une mer intérieure est bordée à la fois par des Etats qui se font
face et des Etats limitrophes. 11semble donc qu'en ce qui concerne les
Parties au présent différend,la mer du Nord doive pouvoir êtreconsi-
dérée commeun cas de circonstances spéciales.

La délimitation doit être raisonnable. C'est la répercussion ou la com-
binaison des deux lignes qui a provoqué les objections de la République
fédéraleet qui produit en fait un xésultat déraisonnable. Leur effet con-
jugué n'est paséquitable pour la République fédérale. C'est la causedu

désaccord et la raison mêmepour laquelle les Parties ont porté leur
litige devant la Cour.
J'estime qu'en soumettant la question à la Cour selon les modalités de
leur choix, les Parties ont en fait reconnu que leurs lignes de délimitation
respectives ne sauraient être déterminées indépendamment l'une de
l'autre et que le problème constitue un tout. On 30 October, during the oral proceedings. Counsel for the two
Kingdoms said that in a sense the Netherlands and Denmark are slant-
ingly opposite to each other but that by no stretch of imagination could
they be called adjacent States.
If Article 6, paragraph 2, prescribes the equidistance niethod oiily in
tlie case of two attj:jriccntStates, the fact that the two Kingdoms, not
being adjacent States, have deterinined tlieir boundaries between them

oii the basis of equidistance sho~s, it appears, that if their agreement is
based on the Geneva Convention it had to be concluded under the first
sentence of the first paragraph of Article 6. that is, merely as a bilateral
atl hoc agreement and not on the basis of sotne principle.
There is no rule of international law which allows a State to delimit
its continental shelfwith every other State iinilaterally by the application

of the eauidiatance method. unless the other State acauiesces in such a
boundar;. The equidistance' boundary may not be impked upon a State
which has not acceded to the Convention.
In the present case, the point in issue is whether that part of Articl6
of the 1958 Convention on the Continental Shelf which relates to the
equidistance method does or does not embody a rule of general inter-

national law binding on the Federal Republic.
It is generally admitted that in State practice prior to the Geneva
Conference of 1958 the tendency was to refer in general ternis to the
delimitation of continental shelf boundaries on "rquituhlr principles",
without mention of the "equidistance" principle in particular. State
practice up to that date was not regarded by the International Law

Commission as sufficiently consistent to establish any customary rule
as already in existence with respect to the continental shelf.
1 have said above what in my opinion is the character of the State
practice after 1958, which does riot show that the "equidistance" rule
has yet evolved as customary law.
In the preparatory work of the International Law Commission. as at
the Geneva Conference, the sentiment that the equidistance pi-inciple

should not be an absolute riile was always predomiiiant. When it was
suggested that the "special circumstances" riile should be eliminated
from the text of Article6,the proposal to that effect was overwhelmingly
rejected.
The equidistance method was to be applied, so to speak, in the last
resort, only when agreement was not forthcoming and when the demarca-

tion in any concrete case did not have characteristics which would j~istify
the drawing of lines of delimitation by any other method.
The fiexibility and adaptability of the text of Article 6 to a variety of
situations, potential conflicting claims, geographical and geological dif-
ferences regarding coastal States al1over the world. were considerations
and preoccupations always present during the framing of Article 6, in
order to make possible a large measure of acceptance by governments. Dans sa plaidoirie du 30 octobre, le conseil du Danemark et des
Pays-Bas a déclaréque cesdeux Etats sefont facedans unecertainemesure,
bien que légèrementde biais, mais qu'on ne pouvait certainement pas
les qualifier de limit:rophes, mêmeavec beaucoup d'imagination.

Puisque l'article6,paragraphe 2. n'impose la méthodede l'équidistance
que dans le cas de deux Etats lifl~irrophrs,le fait que le Danemark
et les Pays-Bas, qui ne sont pas limitrophes, aient procédéii une délimita-
tion entre eux sur lia base de I'équidistance, semble relever, si ces pays
se sont fondés sur llaConvention de Genève, de la première phrase du
paragraphe I de l'articl6, c'est-à-dire simplement d'un accord bilatéral

ad hoc et non pas d'un principe quelconqiie.
II n'existe aucune règle de droit international qui permette à un Etat
de délimiter unilaltéralement son plateau continental par rapport à
tout autre Etat suivant la méthode de I'équidistance, sauf si l'autre Etat
y consent. Une ligrie d'équidistance ne peut êtreimposéeà un Etat qui
n'a pas adhéréà la Convention.

En I'esptce, le point en litige est de savoir si la partie de l'article 6 de
la convention de 1058sur lc plateau continental qui a trait à la méthode
de l'équidistance cc~ri.espondou non & une règle de droit international
général liantla République fédérale.
11est généralementadmis que, dans la pratique des Etats antérieure h

la conférence de Genève de 1958, on avait tendance à parler, en termes
très généraux,de délimiter les plateaux continentaux selon des pritlripes
kyuitablcs, sans vistir particulièrement le principe de I'équidistance. De
l'avis de la Commissiondudroit international, la pratiquedes Etats n'avait
pas étéjusqu'à c-tte date suffisamment uniforme pour pelmettre d'établir
alors I'existericed'une règlecoutumièreconcernant le plateau continental.

J'ai dit plus haut que la pratique des Etats depuis 1958 n'indique pas
non plus, à mon avis. que la règle de I'équidistance soit devenue par la
suite une réglede clroit coutumier.
Au cours des travaux préparatoires de la Commission du droit inter-
national ainsi qu'a. la conférence de Genève, l'idéeque le principe de
l'équidistance ne clevrait pas constituer une règle absolue a toujours

prédomine. Lorsqu'il a été suggéréde supprimer la règle des acircons-
tances spéciales )diu texte de l'article6,cette proposition a étérejetéeà
une écrasante majorité.
La méthode de l'équidistance nedevait s'appliquer, pour ainsi dire,
qu'en dernier ressort, si aucun accord n'était en vue et si la ligne de
démarcation ne prlisentait pas en pratique de caractéristiqiies justifiant

une autre méthode.
Les rédacteurs de l'article 6 ont toujours étéaniméspar le souci de le
rendre acceptable à un grand nombre de gou\.ernements, c'est-à-dire
qu'ils ont voulu établir une disposition souple et adaptable à un grand
nombre de situations, qu'ils ont tenu compte d'éventuellesrevendications
contradictoires, et aussi des différences géographiques et géologiques

entre les Etat5 maritimes du monde entier. The right to make reservations to Article 6 was another safety valve
against a rigid applicatioii or interpretation of the equidistance concept
in a manner which would alter its real nature as a technical norm to be
used constructively in instances where there was no agreement or special

circumstances did not exist.
When, during the negotiations, one of the parties alleges the existence
of special circumstances, there is only one way out of the impasse:
compromise and Jurtl~ernegotiations. There is no possibility of arriving
at an acceptable, fair and peaceful solution, and one which will therefore
endure, if it is not searched for by the ways and means stated in Article33

of the Charter of the United Nations Organization.
The obligation to negotiate is an obligation of tracto contiriuo; it never
ends and is potentially present in al1 relations and dealings betweeii
States.
The purpose of the continental shelf doctrine and of the Conveiition

is to contribute to a world order, in the foreseeable rush for oil and
mineral resources, to avoid dangerous confrontation among States and
to protect smaller nations from the pressure of force, economic or
political, from greater or stronger States.
The pacific settlement of disputes in this field should promote friendly
relations and enduring CO-operation especially among neighbouring

States. Solutions likely to be considered by one of the parties as inequit-
able would be difficult to enforce, they would in time be evaded and
tcould hreed new disputes.
The question arises: do geographical realities justify a deviation from
the rigid application of the equidistance rule? 1 believe they do justify
such deviation.

The distorting effect caused by the application of the lateral equidis-
tance line, u~lienit cantlot br accountrd for by the lengtll of the coastline,
justifies the application of the special circumstances principle.

If the application of the equidistance rule would result in harsh in-
equities in a given specific case, this result may be considered as a special

circumstance justifying another boundary line, in the absence of agree-
ment between the parties concerned.
1 think it is correct to say that the discussion 011the reservation of
"special circumstances" showed that this clause was understood not so
much as a limited exception to a generally applicable rule, but more in
the sense of an alternative of equal rank to the equidistance method.

The configuration of the North Sea coasts of Denmark, of the Federal
Republic and of the Netherlands and the cffects produced by such geo-
graphical configuration on the boundaries of the continental shelves of
these three States, as they result from the application of equidistance,
constitute a circumstance entitling the Federal Republic to claim from
Denmark and the Netherlands a revision in its favour of the boundaries

of its continental shelf. Le droit de faire des réservesà l'article 6 constituait une autre soupape
de sûreté contre une interprétation ou application stricte de la notion
d'équidistance, contraire à sa nature véritable, qui est celle d'une norme
technique à utiliser dans les cas où il n'y a ni accord ni circonstances
spéciales.
Si I'une des parties à une négociation invoque l'existence de circons-

tances spéciales, il n'y a qu'un moyen de sortir de l'impasse: s'entendre
sur une position de compromis et procéder à de nourelles négociations.
II n'est pas possible d'arriver à une solution acceptable, juste, pacifique
et par conséquent durable si on ne la recherche pas selon les moyens
énoncésà l'article 33 de la Chalte des Nations Unies.
L'obligation de négocier est une obligation continue, qui ne prend
jamais fin et qui existe en puissance dans toutes les relations entre les

Etats.
La doctrine du plateau continental et la Convention visent à contribuer
à faire régnerl'ordre dans le monde en prévisionde la course aux riches-
ses pétrolières et .minérales, d'éviterun affrontement dangereux entre
les Etats et de protégerles petites nations contre les pressions économiques
ou politiques exerc:éespar des Etats plus grands ou plus puissants.

Dans ce domaine, le règlement pacifique des différends devrait assurer
des relations amicales et une coopération durable, notamment entre
Etats voisins. Les solutions risquant d'être considérées par I'une des
parties comme inéquirables sont difficiles à appliquer; elles ne résistent
pas à l'épreuvedu temps et elles peuvent engendrer denozrveau-x différends.
La question qui se pose est la suivante: la situation géographique

permet-elle de déroger à l'application stricte de la règlede l'équidistance?
Je crois que oui.
Lorsque la méthode de l'équidistance, appliquée à la délimitation
latérale,entraîne des distorsions qu'on ne peut e'cpliquerparla longueurde
la ligne côtiGre, cela justifie l'application du principe des circonstances
spéciales.
Si l'application de la règle de l'équidistance conduit, dans un cas

donné, à de graves injustices,on peut considérer que ce résultat constitue
une circonstance spéciale justifiant une autre délimitation, à défaut
d'accord entre les parties intéressées.
Je pense qu'on peut dire que le débat sur la réserve des circonstances
spéciales )imontre que cette clause ne constituait pas tant une exception
de portéelimitéeà une règled'application généralequ'une autre solution

possible, de même valeur que la méthode de I'équidistance.
La configuration des côtes du Danemark, de la République fédérale
et des Pays-Bas suir la mer du Nord et les ezets que cette cot$guration
géographique produit sur les limites des plateaux continentaux de ces
trois Etats, si l'on fait application de la méthode de I'équidistance,
constituent une circonstance qui permet à la République fédérale dede-
mander au Danemark et aux Pays-Bas de reconsidérer en sa faveur les

limites de son plateau continental. 1 agree with the contention that "the history and documents of the

Geneva Conference on ... the Continental Shelf show that the origin
of the 'special circumstances' clause was the fact that coastal features
or irregularities fairly frequently exercise a harmful influence on the
equidistance line, resulting in considerable inflexions or deviations, the
effect of which is inequitably to reduce the ... shelf area that would
normally go to a party. Tt was consequently in order to provide a
safeguard for the rights of the losing Party, in a spirit of equity that

the 'special circumstances' provision was introduced, allowing 'another
boundary line' to be drawn instead of the equidistance line or in combi-
nation with if."

This is also confirmed by the commentary which the International
Law Commission added to Article 72 of its draft (subsequently Article 6
of the Continental Shelf Convention):

". .. provision must be made for departures [i.e., from the equidis-
tance line]necessitated by anyexceptionalconfiguration of the Coast,
as well as by the presence of islands or of navigable channels. This

case may arise fairly often, so that the rule adopted is fairly elastic."
(Yearbook of the international Law Commission, 1956, II,p. 300.)

Attempts made at the Geneva Conference on the Law of the Sea to

strike out the alternative of "special circumstances" and to make the
equidistance method the only rule were rejected by a large majority.

In addition to special situations of a technical nature-navigable
channels, cables, safety or defence requirements, protection of fisheries
(fish banks), indivisible deposits of mineral oil or natural gas, etc.-
special geographical situations such as special coastal configurations

have been regarded as special circumstances.

M. W. Mouton, "The Continental Shelf", Recueil dcs Cours, Volume
85 (1954, l), page 420 :

"lt is stipulated that this rule is applicable in the absence of
agreement between the States concerned and unless another bound-
ary line is justified by special circumstances. The modifications to
the general rule are allowed either because the exceptional con-
figuration of the coasts, the presence of islands or navigable channels
necessitate departure from these rules, or because of the existence

of common deposits situated across the mathematical boundary."

Colombes, The International Laii of tliS eea, 1959, page 70:

"The rule, however, admits of some elasticity in the case of Je partage l'opinion selon laquelle ((l'histoire et les documents officiels
de la conférence de Genève sur .. .le plateau continental indiquent que

la clause des ((circonstances spéciales jia son origine dans le fait que cer-
taines caractéristiqiues ou irrégularitésdes côtes ont assez souvent un
effet défavorable sur la ligne d'équidistance, entraînant des inflexions
ou des déviations considérables qui ont pour effet de réduire de manière

inéquitable la portion ... du plateau qui reviendrait normalement à une
partie. C'est par conséquent pour fournir une garantie aux droits de la
partie perdante, et dans un esprit d'équité, que la clause des ~circon-
stances spéciales '1,aétéintroduite, qui permet de tracer au lieu de la

ligne d'équidistance:ou en con~binaison avec cette ligne, (iune autre ligne
de délimitation 11.
Ce point de vue: est également confirmé par le commentaire de la
Commission du droit international sur l'article 72 de son projet (devenu
par la suite l'article 6 de la Convention sur le plateau continental):

((il doit êtrepiyévuqu'on peut s'écarter de la règle [c'est-A-dire de
la ligne d'équidistance] lorsqu'une configuration exceptionnelle de

la côte ou encore la présence d'îlesou de chenaux navigables l'exige.
Ce cas pourra se présenter assez souvent. La règle adoptée est donc
par là dotée d'une certaine souplesse. 1(Annuaire de la Commission
du droit international, 1956, vol. II,p. 300.)

Toutes les propositions faites à la conférence de Genève sur le droit
de la mer en vue d'éliminer la référenceaux 1circonstances spéciales jj

et de faire de la méthode de l'équidistance la règleunique ont étérejetées
à une grande majo.rité.
On a considéré comme circonstances spéciales non seulement des
situations spéciale:, tenant à des raisons techniques - existence de

chenaux navigables ou de câbles, exigences de la sécuritéou de la défense,
protection des pêcheries (bancs de poissons), présence de gisements
indivisibles de pétrole minéral ou de gaz naturel, etc. - mais aussi
certaines situations.géographiques particulières, telles que la configura-

tion exceptionnelle de la côte.
M. W. Mouton, (The Continental Shelf ,),Recueil des Cours, volume
85, 1954, 1, page 420:

icII est stipulé que cette règle est applicable à défaut d'accord
entre les Etats intéresséset à moins que des circonstances spéciales
ne justifient une autre délimitation. Des modifications peuvent être

apportées à la règle générale soitparce que la configuration excep-
tionnelle des côtes, la présence d'îles ou de chenaux navigables
exigent que l'on s'écartede cette règle soit en raison de l'existence
de gisements communs situésde part et d'autre de la limite mathé-

rnatique. JI
Colombos, The ~'nternationalLaw of the Sea, 1959, page 70:

(La règle admet cependant une certaine souplesse d'application islands or navigable channels as well as in the case of an exceptional
configuration of the coast."
Olivier de Ferron, Le droit de la mer, Vol. II, page 202:

"Article 6 of the Geneva Convention in fact provides that these
(SC.,the median line and the lateral equidistance line) may be
modifed by agreement between the States concerned, when 'another
boundary line is justified by special circumstances', for example
when the exceptional configuration of the coast or the presence of
islands or of navigable channels necessitates this. The rules adopted
by the Geneva Conference are thus sufficientlyflexibleto permit of

an equitable solution in al1cases." [Translation by the Registry.]
Consequently, the Parties should search for another method of delimi-
tation which would produce a just and equitable result and, following
the guidance given by the Court, should start new negoriafions in com-
pliance with their obligation laid on them by a principle of general
international law. The Parties will then, as stated in Article 1,paragraph

2, of the Special Agreement, fix the boundasies by agreement among
them.
1rnight Say in conclusion that my opinion is that in this specific case
the equidistance rule is not applicable,that thcre is no general customary
law binding the Federal Republic to abide by the delimitation of its
continental shelf as results fsom the lines drawn as a consequence of
the ad hoc agreement made between its neighbours Denmark and the
Netheslands ;that the Parties shouldsearchfor and employ another method,
in conjormity witlzequity andjustice, and that the Parties slzouldundertake
neiv negotiations to delimit the continental shelf in the North Sea as
between their countries by agreement, in pursuance of the decision given
by the Court.

The arguments in favour of the applicability of the equidistance method
in Article 6 of the Convention are as follows:
(a) that the Federal Republic of Germany took part in the deliberation
of the Geneva Conference and signed the Convention without reser-
vations to Article 6;
(6) that the Federal Republic informed the two Governments that its
Government was preparing to ratify the Convention;
(c) that the Federal Republic in its Proclamation of 20 January 1964
invoked the Convention to assert sovereign rights to its continental

shelf regarding the exploration and exploitation of its natural re-
sources ;
(d) that the principle of estoppel applies and the Federal Republic
should not be allowed to deny the valid legal force of the Conven-
tion.
The equidistance method cannot be considered as a rule derived from
fundamental principles of general acceptance. PLATEAlJ CONTINENTAL (OP. IND. P.4DILLA NERVO)
94

lorsqu'il y a des îles ou des chenaux navigables et dans le cas d'une
configuration exceptionnelle de la côte. ))

Olivier de Ferron, Le droit de /a mer, vol. II, page 202:

1L'article 6 de la Convention de Genève stipule en effet qu'elles
[c'est-à-dire la ligne médiane et la ligne d'équidistance latérale]
peuvent êtremodifiéesd'un commun accordentre les Etats intéressés,
dans le cas où 11des circonstances spéciales justifient une autre déli-
mitation 11par exemple lorsque la configuration exceptionnelle de la

côte ou la présence d'îles ou de chenaux navigables l'exigent. Les
règlesadoptées par la conférence de Genève sont donc assez souples
pour permettre une solution équitable dans tous les cas. 11

Dans ces conditions, les Parties devraient rechercher une autre méthode
de délimitation qui aboutisse à un résultat juste et équitable et, suivant
les directives dela Cour, entamer de nouvelles négociationsconformément
à l'obligation que leur impose un principe du droit international général.

Ainsi qu'il est indiqué à l'article 1, paragraph 2, des compromis, les
Parties fixeront ensuite les limites par voie d'accord entre elles.

Je dirai pour conclure qu'en l'espèce, la règle de l'équidistancen'est
pas applicable à mon avis,
qu'iln'y a pas de règle de droit international
coutumier obligeani: la République fédéraleà accepter la délimitation
de son plateau continental résultant des lignes tracées en exécution d'un
accord ad hoc entre ses voisins, le Danemark et les Pays-Bas; que les
Parties devraient rechercher et employer une autre méthode conforme à

l'équitéet à la justice, et que les Parties devraient entamer de nouvelles
négociationsen vue de délimiter entre elles le plateau continental de la
mer du Nord, par voie d'accord, conformément à la décision de la Cour.

On prétend justifier l'applicabilité de la méthode de l'équidistance

viséeà l'article 6 de la Convention par les arguments suivants:
a) la République fëdérale d'Allemagne a pris part aux travaux de la

conférence de Genève et elle a signé la Convention sans faire de
réservesà l'article 6;
b) le Gouvernemenit de la République fédéralea informéles deux autres
Parties qu'il prenait des mesures pour ratifier la Convention;
c) la République fiidéraled'Allemagne, dans sa proclamation du 20 jan-

vier 1964, a invoquéla Convention pour affirmer des droits souverains
sur son plateau csontinental, aux fins de son exploration et de l'exploi-
tation de ses ressources naturelles;
d) le principe de I'estoppel est applicable, et la République fédérale ne
saurait être admiseà contester la validitéjuridique de la Convention.

La méthode de l'équidistance ne peut pas êtreconsidéréecomme une
règle découlant de principes fondamentaux généralementacceptés. La notion nouvelle de plateau continental, expriméedans la procloina-

tion Truman et dans des proclaii~ations gouvernenientales ultérieures,
l'opinion assez rép,lndue que la juridiction de 1'Etat riverain sur le
platciiu continental adjacent fait déjà partie intégrante du droit inter-
national coutumier, et enfin la définition du plateau continental, aux
articles 1à 3 de la Convention. sont autant de raisons de ne pas accepter
l'affirmation selon laquelle la méthode de l'équidistance énoncée à

I'article 6 est une rè,glede droit international cuiituniier.
Si un Etat non partie ii la Convention accepte. reconnaît ou invoque
les droits (ibfinis aux trois premiers articles dc la Convention (qui ne
peuvent faire l'objet dcréserves) cela ne signifie ni ne sous-entend aucune-
ment qu'il s,.>itobligéd'appliquer la méthode de l'équidistance. Il n'est
ni logiqii- ni exactd'affirmer que si un Etat partie à la Convention peut

apporter des réserves il'article 6. un Etat qui ne serait pas liécoritrac-
tuellement par lu iCon\rention pourrait êtredans une situation nioins
favorable en ce qui concerne l'application rigoureuse de I'article 6.
(1)Le fait que la République fédéraled'Alleinagne a pris part aux
délib0rations de In conférence de Genèke n'est pas un argument valable:
il ne sufiit p:is de prime abord Liétablir quc la Répiiblique fkdérale ait

conscnti ii Ftre liéepar les conventions conclues lors de cette conférence
ou y ait acquiescé. Si 13 simple participation à une conférence inter-
nationale pou~ait avoir pour effet de lier les participants, aucun Etat
ne serait disposé ii prendre part à une conférence dont les incidences et
les résultats concrets seraient encore inconnus.
Nul ne conteste 'que la République fkdérale a effecti\.ement signé la

Convention sur le plateau continental et qu'elle n'a pas apporté de
részrvesà I'article 6; la signature n'est cependant qu'une mesure prélimi-
naire sujette à confirmation et à l'approbation expresse de l'organe com-
pétent d'un Etat. confortnénient à ses procédures constitutionnelles.
Ln Répiibliquefédéi-ale n'a pas ratifiéla Convention. elle n'yest pas partie

et elle ne peut donc pas êtreliéecontractuellement par ses dispositions.
h) Le fait que la Républiqiie fédérale ainformé les deux royaumes
qu'elle prenait des mesures en vue de ratificr la Convention ne saurait
êtreconsidérécomriie une promesse juridique et obligatoire de le faire.
Une telle déclaration peut êtrerévélatricede l'intention d'accomplir
un acte donné dans l'avenir: I'intention existant ii un moinent donné

peut êtrenioditiée par la suite, et son auteur est libre de changer d'avis.
Tant qiic l'acte en question (en l'espèce,la ratification) n'est pas effec-
tivement accompli, il n'existe aucune obligation; le consentement ne
petit être sous-entendu ou déduit sur la foi de renseignements concernafit
des intentions futures.

c) 1-c.f:iit que la Répiibliqiie fédérnlea invoqué la Convention. dans
sa proclamation du 20 janvier 1964. pour revendiquer des droits sou-
verains sur son plateau continental ne peut êtreconsidérécomme I'ex-
pression d'un consentement à êtreliéepar la Convention dans son en-
seiiible, et ne signifie pas da\:\ntage que la Républiqiie fédéraleait acceptéProclamation claimed a right to its continental shelf as being a prolonga-
tion into the sea of its land territory, but it could have made that claim

regardless of the Convention in the manner of the Truman Proclamation.
Invoking the definition of the first three articles of the Convention, the
Federal Republic of Germany asserted a right already in existence,
recognized internationally before the framing of the Continental Shelf
Convention and inherent in the accepted doctrine of the continental
shelf.

Claiming such a right and quoting its definition in the Convention
does not imply an acceptance of the whole Convention as such, nor an
acceptance of the rigid application of the principle of equidistance.

(d) The principle of estoppel cannot in this case be applied against

the Federal Republic. It cannot be proved that the two Kingdoms
changed their position for the worse relying on such acts of the Federal
Republic as its 1964 Proclamation or its manifestation of its intention
to ratify the Convention.

The first three articles of the Convention were intended to be broadly
declaratory of existingcustomary international law, but it is essential not

to extend the character of these articles to the rest of the articles in the
same Convention, which are not at al1 declaratory of contemporary
customary law, and which in general are of a pure technical character,
which could be the subject of express reservations as is, especially, the
method of equidistance. Whatever publicists have said regarding the
doctrine of the continental shelf and its definition in the first three

articles of the Convention, does not apply to the whole Convention,
and by no legal reasoning could it be said that the method of equidis-
tance in Article 6 embodies a rule of customary international law.

The number of ratifications and the instances where States by agree-
ment have made use of the equidistance method do not give to that

method the character of customary law. There is agreement between
the Parties to the effect that the Convention is not applicable to the
Federal Republic as a contracting party; nor is Article 6 applicable to
it as a principle of general international law. Even the States parties to
the Convention are not bound to apply the equidistance method since-
by the very terms of Article 6-they are free to agree to another method
or manner of delimitation of their continental shelves.

A treaty does not create rights or obligations for a third State without
its consent, but the rules set forth in a treaty may become binding upon
a non-contracting State as customary rules of international law.la méihode de l'éqiiidistance. Dans la proclamation en question, la
République fédérale revendique un droit sur son plateau continental en

tant que prolongement naturel de son territoire sous la mer, mais elle
aurait pu formuler cei.terevendication indépendamment de la Convention,
sous une forme analogue à celle de la proclamation Truman. La Répu-
blique fédéralen'a fait qu'invoquer la définitiondonnéeaux trois premiers
articles de la Convention pour revendiquer un droit qui existait déjà,
qui était reconnu 2 l'écheloninternational avant l'élaboration de la Con-

vention sur le plateau continental et qui est inhérent à la doctrine ac-
ce~téedu ~lateau cointinental.
Revendiquer un tel droit et citer la définition qui en a étédonnée dans
la Convention ne suppose pas une acceptation de la Convention dans
son ensemble, ni une acceptation de l'application rigoureuse du principe
de l'équidistance.

d) Le principe de l'estoppel ne peut pas, en l'espèce, être invoquéà
l'encontre de la République fédérale.On ne peut pas prouver que les
deux royaumes aient modifié leur attitude à leur détriment, sur la base
d'actes accomplis par la République fédérale,comme sa proclamation
de 1964, ou encore du fait que l'Allemagne avait manifesté l'intention
de ratifier la Convention.
Les trois premiers articles de la Convention étaient conçus, en général,

comme déclaratoires du droit international coutumier existant, mais il
importe de ne pas attribuer le mêmerôle aux autres articles de la Con-
vention; ces derniers, en effet, ne sont absolument pas déclaratoires, ils
sont généralementd'un caractère purement technique et peuvent faire
l'objet de réserves.Cela est vrai en particulier de la disposition relative
à la méthode de l'équidistance. Tout ce que les publicistes ont pu dire

au sujet de la doctrine du plateau continental et de la définition qui en
est donnée aux trois premiers articles de la Convention ne s'applique pas
a la Convention dans son ensemble, et aucun raisonnement juridique ne
permet d'affirmer que la méthode de l'équidistance énoncéeà l'article 6
constitue une règle de droit international coutumier.
Le nombre de ratifications dont la Convention a fait l'objet et les cas
où les Etats sont convenus d'appliquer la méthode de l'équidistance ne

donnent pas à celle-ci le caractère de droit coutumier. Ily a accord entre
les Parties sur le fait que la Convention n'est pas applicable a la Ré-
publique fédéraleen tant que partie contractante; et son article 6 ne lui
est pas applicable non plus en tant que principe de droit international
général. Mame les Etats parties à la Convention ne sont pas obligés
d'appliquer la méthode de l'équidistance, habilités qu'ils sont par les

termes mêmesde l'article 6 à convenir d'une autre méthode ou d'un
autre mode de délimitation de leurs plateaux continentaux.
Un traité ne crée pas de droits ou d'obligations à l'égard d'un Etat
tiers sans le consentement de celui-ci, mais les règles énoncéesdans un
traité peuvent deveriir obligatoires pour un Etat qui n'y est pas partie
en tant que règles coutumières de droit international. Article 6 of the Convention and particularly the method of equidis-
tance does not constitute a rule which has been generally accepted as a

legally binding international norni.
The acts of the Federal Republic which are invoked as evidence that
it has gone quite a long way towards recognizing the Convention,cannot
override the fact that it has consistently refused to recognize Article 6

and the equidistance method as an expression of a generally accepted
rule of international law and has objected to its applicability as against
itself.
The Federal Republic, like any other State, could assert its rights over

the continental shelf without relying on theConvention. States have made
such assertions long before the Geneva Conference took place (Truman
Proclamation; Mexican Declaration of 29 October 1945') and may do

so now and in the future regardless of the Convention. The right of a
coastal State to its continental shelf exists independently of the express
recognition thereof in the first three articles of the Convention, and is
based on the consideration that the continental shelf is the natural

prolongation under the sea of the land territory pertaining to the coastal
State.

A treaty may contain a clause allowing or prohibiting reservations

to some of its provisions. A party making permitted reservations to a
particular article is not bound by its text. The very purpose of a reserva-
tion is to allow parties to escape from the rigid application of a particular

provision. No right is conferred to make unilateral reservations to
articles which are declaratory of established principles of international
law. Customary rules belonging to the category of jus cogtns cannot be
subjected to unilateral reservations. It follows that if the Convention by

express provision permits reservations to certain articles this is due to
- --- -. -
' Presidential Declaration with respect to continental shelf, 29 October 1945:
"[The continental shelf] clearly forms an integral part of the continental countries
and it is not wise, prudent or possible for Mexico to renounce juridiction and
control over and utilization of that part of the shelf which adjoins its territory in
both oceans.
...........,..... ...........
For these reasons the Government of the ~e~ublic lays claim to the whole of the
continental platform or shelf adjoininç its coast line and to each and al1 of the
natural resources existing there, whether known or unknown, and is taking steps to
supervise, utilize and control the closed fishing zones necessary for the conservation
of this source of well-being.
The foregoing does not mean that the Mexican Government seeks to disregard
the lawful rights of third parties, based on reciprocity, or that the rights of free
navigation on the high seas are affected, as the sole purpose is to conserve these
resources for the well-being of the nation, thecontinentand the world." [Translation
by the U.N. Secretariat.,?
See also Articles 27, 42 and 48 of the Mexican Constitution, as amended by
Decree of 20 January 1960 (Diario Oficial, Vol. CCXXXVII, No. 16) "The national
territory comprises . ..[inter alid.,'the continental shelf and the submarine shelf of
the islands, keys and reefs" (Art, 42). [Translation by the U.N. Secretariat.]98 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. PADILLA ~€11~0)

recognition of the fact that such articles are not tlie codification or
expression of existing mandatory principles or established binding rules
of general international law, which as such are opposable not only to
the contracting parties but also to third States.
Article 6, among others, of the Continental Shelt' Convention is of

a technical nature; it is not the expression of a custoniary norm and is
not opposable to the Federal Republic which has consistently refused
to accept the application, without its consent, of the equidistance method.
The history of the Convention through the International Law Com-
mission, the General Assembly and the Geneva Conference shows that
the equidistance concept is not and was never intended to be the expres-

sion of an international legal rule of universal applicability. The fact
that the Convention has not made compulsory the rigid application of
the equidistance method does not mean that the Convention is in-
complete or that it left the question of delimitation open. This question
certainly arises but delimitation cannot be enforced by peaceful means
except by agrermpnt, arbitration or judicial decision.

The only principle of general international law iinplicit in Article 6
is the obligution tot~(~gotiusin,ce thedelimitation bet-een the continental
shelves of adjacent States "shall be determined by agreement between
them".

The fact that the equidistance method lias been folloued in several
bilateral agreements between neighbouring States does not mean at al1
that those States were comprlled by the Convention to use the
equidistance method. It only means that there \vas u~r~rtno~t between
them because they considered such inethod satisfactory. fair, equitable

and convenient. They also departed from the equidistance method when
they agreed to do that.
The bilateral agreement of 31 March 1966, made before the last part
of the tripartitetalks in Bonn in May, was founded on the assumption
that the failure of the talks up to that tiine was conclusive and that in
tlie absence of agreement they could prvceed on the application of the

equidistance method. The Federal Republic not being a party to such
agreement refused to abide by it and consider it as r.zsititcr ulios ucta.

The lack of agreement in the negotiation was, nevertheless, not con-
clusive in the opinion of the Parties, as was shown by the fact that they
decided to present the matter to the Court.

In my opinion, paragraphs 71 to 75 of the Court's considerations
contain-in their application to the present case-tlic statement of'thement des réservesà (certainsarticles, c'est que ces articles ne codifient pas
ou n'expriment pas des principes ou des règlesétablis et obligatoires du
droit international généraiqui, en tant que tels, ne sont pas seulement
opposables aux parties contractantes mais aussi aux Etats tiers.

L'article 6 de la Convention sur le plateau continental, de mêmeque
d'autres disposition:; de cette convention, a un caractère technique: ce
n'est pas l'expression d'une norme coutumière et il n'est pas opposable
à la République fédérale,qui a constamment refusé l'application, sans
son consentement, de la méthode de l'équidistance.
Les travaux préparatoires de la Convention, qui ont eu lieu à la Com-

mission du droit international, à l'Assembléegénérale desNations Unies
et à la conférence de Genève, prouvent que la notion de I'équidistance
n'est pas et n'a jamais été conçuecomme l'expression d'une règlejuri-
dique internationale pouvant être appliquée dans tous les cas. Si la Con-
vention n'a pas rendu obligatoire l'application rigide de la méthode de

I'équidistance, cela neveut pas dire qu'elle soit incomplète ou qu'elle
ait laissésans solutio~nle problème de la délimitation. Certes, ce problème
existe, mais la délimitation doit s'opérer par des moyens pacifiques,
c'est-à-dire par voied'accord, d'arbitrage ou de décisionjudiciaire.
Le seul principe de droit international généralqui soit implicitement

énoncéà l'article 6 est l'obligation de négocier.,cet article stipulant que la
délimitation du plateau continental adjacent aux territoires de deux ou
plusieurs Etats 1est 'déterminée par accord entre ces Etats 1).
Ce n'est pas parce que la méthode de I'équidistancea étéutiliséedans
plusieurs accords bilatéraux conclus entre Etats limitrophes que l'on
peut affirmer que la Convention obligeait ces Etats à y recourir. Cela

signifie simplement qu'il y a eu accord entre eux parce qu'ils ont estimé
que cette méthode était satisfaisante. juste, équitable et commode.
D'ailleurs, ils l'ont aussi parfois écartéepar consentement mutuel.

L'accord bilatéral du 31 mars 1966 (conclu avant la dernière partie

des conversations tripartites qui ont eu lieu à Bonn au mois de mai)
était fondésur l'hypothèse que les conversations avaient définitivement
échouéà cette date et qu'à défaut d'accord, les Parties pouvaient ap-
pliquer la méthode de l'équidistance. LaRépublique fédérale,qui n'est
pas partie à cet accord, a refuséde le reconnaître et l'a considérécomme

res inter crliosacta.
Les Parties n'ont cependant pas estimé que l'absence d'accord soit
un élément déterminiant, et c'est pourquoi elles ont saisi la Cour de la
question.

A mon avis, les paragraphes 71 à 75 de l'arrêtde la Cour énoncent,
sous l'angle de leur application au cas d'espèce,les conditions qui doiventrcquirrinc~ntswhich must be satisfied in order tliat n rule which iiiits

origin is only a contractual one may become a rule of ciistoniary inter-
national law.
Tliese requiremei-its. \\.hich may bc regarded as of geiiei-alapplication.
could be summed iip as follous:

"lt would in the first place be necessary that tiie provision con-
cerned should, at al1eve~ts potentially, be of a fiindamentally norm-
creating character such as could be regarded as forming the busis
of a general rule of law." (Paragi-aph 72. firit sentence.)
"With respect to the other elements usually regarded as necessary

before a conventional rule can be concidered to have becoine a
general rule of international law, it might be that, even without the
passage of any considerable period of time, a very widespread and
representative participation iithe conventioii migiit sutfice of itself,
provided it includeti ihat of any States ~~Iioseinterests were specially

affected." (Paragraph 73,first sentence.)
"Although the passage of oiily a short period of tiine is not
iiecessarily, or of itself, a bar to the formation of a iiew rule of
customary international law oii the basis of wliat was originally a
piirely conventional rule, an indispensable requirernent would be
that within the period in question, short tliough it might be. State

practice, including that of any Stateî whose interests are specially
affected, should have been both extensi\,e and virtually uniform iii
the sense of the provision invoked:--ancf should moreo\.er have
occurred in such a way as to show :1gcneral recognition to the effect
that a rule of law or legal obligatioii is invol\.ed." (Paragraph 74.)

1 believe that the Judgment of the Court bill guide and help the
Parties in the further negotiations that they will undertake, in cornpliance
with paragraph (2) of Article 1 of the Special Agreement. for the purpose
of delimiting the continental shelf in the North Sea as betu.een their-

countries.
The agreement among theniselves made in accordatice with the firitiings
of the Court and conducted in fulfilmeiit of the priiiciples prcscribed by
the Charter of the Iinited Nations, will result in the recognition of their
respectibe legitirnate interests in the continental shelves appertaiiiing to
each of theni.

1believe fui-therrnoretliiithe Judginent of the Court in the North Se:i
Continental Shelf cases \\. allo1hc a giiide in othcr similar coritro\ersies,
to help States settle by negotiation or othcr penceful means of thcir
own choice, their eventua! ciifferences in this respect.

(Sigiiotli Luis PADILLA NERVO.êtrzriunies polir qu'une rkgle, contr:ictuelle à l'origine. se transforme en
règle de droit international coutumier.

Ces c~otiditioiis,quz l'on peut considérer comine génér:ilenientappli-
cables, peuvent être résuméescoinnie suit:

iII faut d'abord que la disposition en cause ait, en tout cas virtuel-
lement, un caractère foridamentalement normatif et puisse ainsi
constituer la base d'une rkgle généralede droit. (Par. 72 de l'arrêt,
première phrase.)

1En ce qui concerne les autres éléments généralementtenus pour
nécessairesafin qu'~inerègleconventionnelle soit considérée comme
étantdevenue une règleginéralede droit international, il se peut que,
sans mêmequ'une longue période se soit écoulée,ilne participation

très large et représentative à la convention suffise, ù condition toute-
fois qu'elle comprenne les Etats particulièrement intéressés.11
(Par. 73, première phrase.)
iBien que le fait qu'il ne se soit écouléqu'en bref laps de teinps
ne constitue pas nécessairement en soi un einpêchementà la forma-

tion d'une règle nouvelle de droit international coutumier r'partir
d'une regle purzrnent conventionnelle à l'origine, il demeure in-
dispensable que dans ce laps de temps, aussi bref qu'il ait été, la
pratique des-Etats, y compris ceux qui sont particulièrement in-

téressés,ait été fréquente etpratiquement uniforme dans le sens de
la disposition irivoquée et se soit manifestée de manikre à établir
une rcconnaissatice généraledu fait qu'une règle de droit ou une
obligation juridique est en jeu. ,l(Par. 74.)

Je suis convaincu que l'arrêtde la Cour guidera et aidera les Parties

dans les nouvelles négociations qu'elles entameront en exécution du
paragraphe 2 de l'article premier des compromis, afin de délimiter entre
elles le plateau continental de la nier du Nord.

L'accord qu'elles concluront conformément aux conclusions de la

Cour. ct dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies,
leur permettra de faire reconnaître leurs intérêts légitimessur le plateau
continental relevant de chaciiiie d'elles.

Je suis en outre pei-suadéque l'arrêt rendupar la Courdans les affaires
du plateau continental de la mer du Nord servira de guide dans des con-
troverses an:ilogucs et qu'il aidera Ics Etatsi résoudre par la négociation,
ou par tout autre moyen pacifique de leur choix. Ics différendsqui pour-

raient surgir entre cliix.
(Sipzé) Luis PADILLA NERVO.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Padilla Nervo (traduction)

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