Opinion dissidente de M. Read (traduction)

Document Number
018-19550406-JUD-01-02-EN
Parent Document Number
018-19550406-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDENTE DE Mr. READ
[Traduction]
Je ne puis me rallier au jugement de la Cour concluant à l'irre-

cevabilité de la demande soumise par la Principauté de Liechten-
stein. Je dois donc exposer mes conclusions personnelles quant à
la manière appropriée detraiter cette fin de non recevoir et indiquer
les motifs sur lesquels je me suis fondé. Je serai ainsi amené à
examiner certains des arguments invoqués par le conseil dans les
écritures et dans les plaidoiries, mais qui n'ont pas étéretenus
comme base de l'arrêt.
Tout d'abord, j'estime que l'examen de l'affaire se trouve déli-
mitépar la nature même dela fin de non recevoir. Le faitd'admettre
une fin de non recevoir empêchela Cour d'examiner les points de
droit et de fait qui constituent le fond de la question. Il serait
injuste de refuser d'examiner une réclamation quant au fond sur
la base de conclusions de droit ou de fait qui pourraient êtrerenver-
séessi l'on examinait et si on traitait le fond de la question.
Il est donc nécessaire, au stade actuel, de partir de l'hypothèse
que tous les arguments du Liechtenstein sur le fond, les faits et
le droit sont fondés et que les arguments du Guatemala quant au
fond ne le sont peut-être pas.
Cette affaire présente un autre aspect que je ne puis négliger.
M. Nottebohm a étéarrêté le 19 octobre 1943 par les autorités
guatémaItèques, non pour des raisons qui leur étaient propres,
mais sur les instances du Gouvernement des Etat-Unis. Le même
jour, ï1 fut remis entre les mains de l'armée américaine. Trois
jours plus tard, il fut déportéaux Etats-Unis et y resta interné
pendant deux ans et trois mois. Il n'y eut ni jugement ni enquête

dans aucun de ces deux pays et il ne lui fut pas donné d'être
confronté avec ses accusateurs, ni de se défendre, ni d'apporter
des preuves en sa faveur.
En 1944, une série de cinquante-sept procédures judiciaires
furent entamées contre M. Nottebohm dans le but d'exproprier
la totalité de ses biens, meubles et immeubles, sans lui accorder
d'indemnité. Ces diverses procédures impliquaient plus de cent
soixante et onzepossibilités d'appel divers. Le conseil du Guatemala
a montré avec compétence et impartialité l'existence de tout un
système de procédures que l'on ne pouvait entamer effectivement
en l'absence de la principale partie intéressée.En outre, le point
central et vital de toutes ces affaires était l'accusation de trahison
portée contre M.Nottebohm.
On ne conteste pas que M. Nottebohm n'a pas étéautorisé à
rentrer au Guatemala. Il se trouvait dès lors empêchéd'assumer
lui-même la direction du réseau compliqué des procédures. Iln'eut jamais l'occasion de fournir des témoignages en ce qui
concerne les accusations portées contre lui, ni d'êtreconfrontéavec
ses accusateurs en audience publique. Dans ces conditions, je me
vois obligéde partir de la présomption que le Liechtenstein béné-
ficierait peut-être d'un verdict de dénide justice sur le plan national
si !'on examinait l'affaire quant au fond.
Etant donné la situation, je ne puis m'empêcherde constater
que le fait d'admettre la fin de non recevoir aurait pour conséquence
que justice ne serait rendue ni sur le plan national ni sur le plan
international. Je ne crois pas qu'il faut admettre une fin de non
recevoir qui aurait un tel effet,à moins que les motifs sur lesquels
elle se fonde ne soient irréfutables.
Compte tenu de ces considérations, il nous faut examiner la
seule question que la Cour doit trancher pour rejeter ou admettre
la fin de non recevoir fondée sur la nationalité. Cette question est
la suivante :dans les conditions de I'a8aire, le Liechtenstein peut-il,
en vertu des règles du droit international, accorder sa protection

diplomatique à M. Nottebohm vis-à-vis du Guatemala?
Il faut examiner successivement les différents motifs invoqués
dans la procédure tant écrite qu'orale.

Le premier motif de non-recevabilité de la demande, qui est
énoncéau paragraphe 2 a) des conclusions finales du Guatemala,
peut être brièvement résumé : M. Nottebohm n'a pas acquis la
nationalité liechtensteinoise conformément à la législation de la
Principauté. Bien que dans l'arrêt la Cour ne se fonde pas sur
ce motif, je doisexposer mon point de vue afin de justifier ma conclu-
sion selon laquelle la fin de non recevoir, dans son ensemble, devrait
être jointe au fond.
Sur ce point, la production du certificat de naturalisation et
l'adoption par le Liechtenstein de la réclamation constituent une

preuve prima jacie. La Cour peut revenir sur le certificat et ne pas
en tenir compte si la fraude est prouvéedans la demande ou l'octroi
de la naturalisation ou dans l'obtention ou la délivrance du certi-
ficat. Mais on n'a produit aucune preuve de ce genre.
On a également prétendu que la Cour pouvait et devait examiner
la législation liechtensteinoise et la procédure suivie par les auto-
rités du Liechtenstein au moment où la naturalisation fut accordée.
On a prétendu qu'elles ne s'étaient pas conformées à la loi et qu'en
raison de cette carence la naturalisation est sans effet.
Je suis arrivé à la conclusion qu'on ne peut pas rejeter la récla-
mation, motif tiré de l'inobservation de la législation nationale,
et j'en donnerai brièvement les raisons.
Tout d'abord il est nécessaire de prendre en considération la
jurisprudence de la Cour permanente. Deux principes de droit ont
été établis. L'arrêt dans l'ajfni~e des co~zcessio?zlslia~lrom+natzsà Jerusalem - série A, no 5, page 30 - a établi la règle selon
laquelle la charge de la preuve incombe à la partie qui allègue la
nullité d'un acte légalen se fondant sur la loi nationale pertinente.
Le deuxième principe qui se retrouve dans une longue série de
décisions est le suivant :ccles lois nationales sont de simples faits,
manifestations de la volonté et de l'activité des Etats »,et la Cour
n'interprète pas la loi nationale en tant que telle.

Haute-Silésiepolonaise, série A, no 7, page 19.
Emprunts serbes, série A, nos 20/21, page 46.
Ernprunts brésiliens,série A, nos 2o/z1, page 124.
Aeaire des Phares (FranceIGrèce), série A/B, no 62, page 22.
Agaire du chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, série A/B, no 76,
Page 19.

Dans la présente affaire, le Guatemala a alléguéla non-validité
ou la nullité de l'acte légal de naturalisation en vertu de la légis-
lation nationale. La charge de la preuve incombe au Guatemala.
Mais le Guatemala n'a fourni aucune preuve acceptable ; tel, par
exemple, le témoignage d'un juriste éminent, versé dans la légis-
lation du Liechtenstein, ou encore un avis de la Cour suprêmede
ce pays. L'affaire a étéprésentéecomme si la Cour était compé-
tente pour interpréter la législation du Liechtenstein comme telle
et pour juger de son application dans les circonstances particulières

de la présente affaire. Elle a étédiscutée sans tenir compte des
dispositions de la législation liechtensteinoise relatives à.l'interpré-
tation des lois ou des décisions de ses tribunaux.
En conséquence, l'allégation du Gouvernement défendeur,
relative à une invalidité fondéesur la législation nationale, tombe
du fait qu'elle n'est pas étayée de preuve.
Mais ce n'est pas uniquement un cas de défaut de preuve. Même
en interprétant la loi liechtensteinoise de 1934 sans tenir compte
des règles d'interprétation, de la procédure et du droit administratif
en vigueur dans ce pays, il est impossible de conclure à la nullité de
la naturalisation. Il y a erreur fondamentale dans la méthode
d'interprétation adoptée par le conseil dans la procédure tant
écrite qu'orale.

On a prétendii que les autorités liechtensteinoises avaient négligé,
sur deux points, les dispositions de la loi de 1934. On a dit qu'elles
ont interverti l'ordre dans lequel devaient se dérouler les différents
stades de la procédure. On a dit encore qu'elles ne s'étaient pas
conformées à certaines conditions essentielles fixéespar la loi. On
en a conclu que la naturalisation n'était pas valable par défaut de
se conformer à la législation de la Principauté.
Cette interprétation était fondée sur l'examen de dispositions
particulières sans tenir compte de la loi dans son ensemble. Elle
ignore notamment une disposition d'une importance primordiale,
l'article21, qui contient le paragraphe suivant : Article21
«Pendant les cinq ans suivant la naturalisation d'un étranger,
le Gouvernement princier peut lui retirer la nationalité liechten-
steinoise s'il s'avèreque les conditions requises aux termes de la
présenteloi pour son acquisition n'ont pas étéremplies. Il peut
d'ailleurs en tout temps retirer la nationalité si elle a étéacquise
frauduleusement. »

11est évident qu'à tout moment au cours des cinq annéessuivant
son octroi, la naturalisation de M. Nottebohm aurait pu êtrerévo-
quée s'il était apparu que «les conditions requises aux termes de
la présente loi n'ont pas étéremplies ». Il est tout aussi évident
qu'après l'expiration du délai de cinq ans - i.e. en octobre
1944- la naturalisation devenait irrévocable, sauf en cas de
fraude. Dans ces conditions, près de seize ans après l'événementet
en l'absence de fraude, il ne m'appartient pas de déclarer la natu-

ralisation non valable en vertu de la loi du Liechtenstein.

Le deuxième motif de non-recevabilité de la demande qui est
énoncéau paragraphe 2 b) des conclusions finales du Guatemala
peut êtrebrièvement résumé :la naturalisation n'a pas étéaccordée
à M. Nottebohm en conformité avec les principes généralement
reconnus en matière de nationalité.
La conclusion finale 2 b) du Guatemala est visiblement défec-
tueuse. La Cour ne peut pas déterminer «lesprincipes généralement
reconnus »ni juger d'une affaire en se fondant sur de tels principes.

En vertu des dispositions formelles et obligatoires de l'article 38
du Statut, sa mission selimite àrendre des décisions «conformément
au droit international )).
Toutefois, il résulte clairement de l'attitude adoptée par le
conseil que la conclusion finale 2 b) doit êtreconsidérée comme
visant l'abus de droit.
La notion d'abus de droit se fonde sur l'hypothèse de l'existence
du droit qui a donné lieu à l'abus. En l'occurrence, elle est fondée
sur l'hypothèse qu'en droit international le Liechtenstein avait la
faculté de naturaliser M. Nottebohm, mais que, étant donné les
circonstances particulières et la façon dont ce droit a étéexercé,

il y a eu exercice abusif de ce droi- exercice tellement scandaleux
et exorbitant que son résultat, à savoir le statut national conféré
à M. Nottebohm, ne pouvait êtreinvoqué à l'égarddu Guatemala.
La théorie de "abus de droit ne peut êtreinvoquée par un État
contre un autre Etat, à moins que ce dernier, en exerçant les droits
qu'il détient du droit international, ne cause un préjudice au
premier.
Étant donné que ce motif n'a pas étéinvoqué dans l'arrêtde la
Cour, il est inutile que j'examine les raisons particulières invoquées

37 par le conseil. Il suffit de faire remarquer que le Liechtenstein n'a
causé aucun tort au Guatemala et qu'en conséquenceil faut rejeter
la conclusion finale 2 b).

Le troisième motif de non-recevabilité de la demande qui figure
au paragraphe z c) des conclusions finales du Guatemala est fondé
sur la fraude.
Il est impossible de dissocier ceux des aspects de la fraude qui
relèvent de la fin de non recevoir de ceux qui concernentlefond. La
plupart despreuves àl'appui de l'accusation de fraude consistent en
plus de cent documents. Quelques-uns d'entre eux ont étéchoisis et
soumis à l'attention de la Cour, tandis que les autres n'ont pas été
mis à sa disposition.

Dans ces conditions il m'est impossible, au stade actuel, d'établir
une conclusion fondée sur la fraude. En conséquence,je suis d'avis
qu'il faudrait joindre au fond la conclusion finale2c) du Guatemala.

Cette question comporteun autre aspect dont ilfaut tenir compte.
L'arrêtde la Cour se fonde sur l'argument que la naturalisation de
M. Nottebohm ne constituait pas une opération sincère. Il est dit
qu'elle n'a en rien changéson genre de vie ;et qu'elle a étéacquise
non pour obtenir la consécration en droit de son appartenance, en
fait, à la population du Liechtenstein, mais pour lui permettre

dobtenir un statut de neutre et la protection diplomatique d'un
Etat neutre.
Cet argument, que j'appellerai la théorie du lien, puisqu'il est
fondésur la nature des rapports entre M. Nottebohm et le Liechten-
stein, ne peut êtreapparenté aux conclusions finales du Guatemala,
ni à l'argumentation développéeau cours de la procéduretant écrite
qu'orale.
En conséquence, ce point est régipar leprincipe qui a étéappli-
qué par la Cour dans l'affaire Ambatielos (compétence), arrêt du
I~~ jullet1952,C.I. J. Recueil 1952 , age 45 :

«Le point soulevéici n'a pas encore étécornplèternentdébattu
par les Parties et, par conséquent,il ne peut être tranché astade
actuel.))
Certains de ses aspects ont étédiscutésen tant qu'élémentsd'abus
de droit mais no? en tant que règle de droit international limitant
la faculté d'un Etat souverain d'exercer son droit de protection

diplomatique en faveur de ses citoyens par naturalisation.
38 En ma qualité de membre de la présente Cour, je suis contraint
d'appliquer le principe de droit international ainsi proclamé par la
Cour. Je ne puis approuver l'admission de ce motif - qui ne figure

pas dans les conclusions et qui n'a étédébattu par aucune des
Parties - pour justifier l'admission de la fin de non recevoir et pour
empêcherqu'il ne soit discuté, examiné et tranché quant au fond.
Etant donné, cependant, l'attitude adoptée par la majorité, je
dois examiner ce motif pour dire que l'octroi de la naturalisation n'a
pas donné lieu au droit de protection et exposer certaines des objec-
tions qui motivent mon désaccord.

Tout d'abord, je ne conteste pasl'opportunité d'imposer certaines
limites au pouvoir discrétionnaire très étendu dont disposent les
États souverains : le droit, reconnu par le droit international, de
déterminer par leur législation interne quels sont leurs nationaux
, et de leur accorder leur protection.
Pourtant, aux termes de l'article 38 du statut, je suis tenu

d'appliquer le droit international tel qu'il existe - en droit positif
- et non tel qu'il pourrait êtresi une conférence de codification
réussissait à établir de nouvelles règles limitant l'octroi de la
nationalité par les États souverains. Il y a donc lieu d'examiner
s'il existe des règles de droit international positif exigeant un
lien réel entre l'individu et lJEtat pour qu'une naturalisation
valable donne lieu au droit de protection diplomatique.

Les deux Parties considèrent que l'article premier du projet

de convention de La Haye de 1930 correspond exactement aux
règles reconnues du droit international. Dans le commentaire à
ce sujet, qui figure au contre-mémoire (p. 7), le Gouvernement
du Guatemala déclare «que son article premier représente bien .
l'état actuel du droit des gens )).Cet article dispose que :

« Il appartient à chaque État de déterminer par sa législation
quels sont ses nationaux. Cette législationdoit êtreadmise par les
autres Etats, pourvu qu'elle soit en accord avec les conventions
internationales, la coutume internationale et les principes de droit
généralement reconnusen matière de nationalité. 1)
Si nous appliquons cette disposition en l'occurrence, il en résulte,
d'une part, que le Liechtenstein avait le droit de décider, en

vertu de sa propre législation, que M. Nottebohm était un de
ses nationaux et, d'autre part, que le Guatemala doit reconnaître
la législation liechtensteinoise en la matière, $ourvu qu'elle soit
en accord avec les conventions internationales, la coutume inter-
nationale et les princifles généralementreconnus en matière de
nationalité.Je désignerai par le terme ((opposabilité ))ce caractère
obligatoire de la naturalisation. AFFAIRE NOTTEBOHbI (OPIN. DISS. DE MT. READ) 4O
Il n'est pas question ici de (conventions internationales » et
aucune «coutume internationale ))n'a étéprouvée. Restent «les

principes de droit généralement reconnus en matière de nationa-
lité», et c'est sur cette spécification de la portée généralede la
règle énoncée à l'article premier que le Guatemala s'est fondé
dans la procédure écrite et orale.
A cet égard, le Gouvernement du Guatemala déclare au para-
graphe 16 du contre-mémoire :

« Quant au premier point, il convient avant tout de déterminer
quel est, en l'absence de conventionsinternationales générales liant
la Principauté de Liechtenstein, le contenu de ce droit des gens à
la lumière duquel la validité internationale de sa législationdoit
êtreappréciée.
Reconnaissons qu'il n'existe à cet égard ni système de règles
coutumières, ni principes rigides s'imposant à l'observation des
Etats.
Commel'indique M.Scelle,c'est bien plutôt dans la voie del'abus
de pouvoir (ou de compétence,ou de droit) que la jurisprudence
déterminera dans chaque cas d'espèce s'ily a violation du droit
international (Scelle- Cours de Droit internationalpublic, Paris,
1948, p. 84)-"

Ce point de vue a étémaintenu au cours de la procédure orale.
Aussi, il est évident que de l'avis du Gouvernement du Guate-
mala, il n'existe pas en droit international de principes bien établis
en matière de nationalité mais que le droit du Liechtenstein de
déterminer par sa législation que M. Nottebohm était un de ses
nationaux, de même que l'obligation qui en découle pour le

Guatemala de reconnaître la législation liechtensteinoise à cet
égard - l'opposabilité - sont limités non par des règles rigides
de droit international, mais uniquement par les règles relatives
à l'abus de droit et à la fraude.

J'ai dit que l'on ne pouvait invoquer icï aucune cconvention

internationale » et qu'aucune ccoutume internationale n'avait été
prouvée n. Le Guatemala a admis qu'il c(n'existe aucun système
de règles coutumières »,mais on invoque à l'appui de la théorie
du lien que certaines conventions internationales témoignent d'un
effort dans ce sens. Je dois vider cette question avant d'examiner
s'il y a lieu de rejeter l'interprétation stricte de la loi sur laquelle
les deux Parties sont complètement d'accord.
La première convention internationale réside dans l'article 3 (2)

du Statut,-qui traite du problème de la double nationalité. Il
n'y est pas question de la protection diplomatique et il ne présente
aucun rapport avec la question qui nous occupe. Il est vrai ,que
cet article pose comme critère en cas de double nationalité 1'Etat
où l'individu (exerce habituellement ses droits civils et politiques )).En admettant mêmeque l'on retire ce critère de son cadre propre,
pour l'appliquer au cas présent qui est totalement différent, il
ne contribuera guère à la solution. Au cours des cinquante dernières
années, M. Nottebohm a été rattaché à quatre États différents.
Ressortissant allemand pendant trente-quatre ans, il n'a exercé
ni droits civils ni droits politiques dans son pays. Pendant près
de quarante ans, il a eu sa résidence ordinaire au Guatemala,
mais il n'y a jamais exercé de droits politiques et pendant douze
ans il a étéempêchéd'y exercer des droits ci+ importants.
Il a été interné pendant plus de deux ans aux Etats-Unis, où
il n'a exercé ni droits civils ni droits politiques. Depuis sa libé-

ration, on lui a accordé la pleine jouissance de ses droits civils
aux États-Unis, il les y a exercéslibrement mais ne possède aucun
droit politique dans ce pays. Il y a près de seize ans qu'il jouit
des pleins droits civils au Liechtenstein et depuis neuf ans il y
exerce pleinement ses droits politiques. L'article 3 (2) n'affaiblit
certes pas la position du Liechtenstein.
Entre 1868 et1928, les Etats-Unis d'Amérique ont conclu avec
environ dix-huit pays, le Liechtenstein non inclus, des conventions
bilatérales aux fins de limiter le droit de protéger les personnes
naturalisées retournant dans leur pays d'origine. Des restrictions
analogues quant à l'opposabilité de la naturalisation figurent dans
une convention panaméricaine conclue à Rio de Janeiro en 1906.
Le Liechtenstein n'a pu y prendre part. Le Venezuela a refusé
de signer la convention. La Bolivie, Cuba, le Mexique, le Paraguay,
le Pérou et l'Uruguay ont signé la convention mais ne l'ont pas
~atifiée.Elle a étédénoncéepar le Brésil et le Guatemala.
Le fait qu'on ait jugé nécessaire de conclure une série de

conventions bilatérales ainsi que la convention multilatérale
précitées, indique que les pays intéressés ne voulaient pas s'en
remettre à l'existence possible d'une règle de droit international
positif pour limiter le droit de protection. En outre, mêmedans
la partie de l'hémisphère occidentalsituéeau sud du 4gmeparallèle,
les ratifications de la convention multilatérale n'ont pas été
suffisamment généraliséespour permettre d'en déduire que les
pays intéressésétaient d'accord sur ce point. Prises dans leur
ensemble, les conventions sont trop peu nombreuses et trop
espacées pour indiquer une tendance ou l'accord général des
États, élément essentiel à l'établissement d'une règle de droit
international positif.

On a dit que la théorie du lien peut se justifier en appliquant
au cas présent les principes adoptés par les tribunaux arbitraux
pour trancher des cas de double nationalité. Les tribunaux internationaux ont fréquemment dû juger des
cas de double nationalité donnant lieu à des demandes contra-
dictoires. En pareils cas, il a éténécessaire de choisir ;et le choix
a été-déterminé par la force relative de l'association entre l'individu
et 1'Etat dont il était ressortissant.Il y a de nombreux exemples
d'États qui ont refusé de .reconnaître que la naturalisation d'un
de leurs citoyens conférait un droit à la protection diplomatique,
ou qui ont refuséd'admettre que cette naturalisation le dispensait
des obligationsinhérentes à sa nationalité d'origine, tel par exemple
le service militaire.

Mais les problèmes découlant de requêtes contradictoires en

matière de nationalité et de double nationalité ne se posent pas
en l'occurrence. Il ne fait pas de doute que M. Nottebohm a
perdu sa nationalité allemande d'origine du fait de sa naturali-
sation au Liechtenstein en octobre 1939. Je ne crois pas qu'il
soit permis d'appliquer à un cas où les rapports sont tout diffé-
rents des critères réservés aux cas de double nationalité.
Il y a lieu de noter qu'à part les cas de nationalité double, on n'a
cité devant la Cour aucun exemple d'un État qui aurait refusé
avec succès de reconnaître que la nationalité légalement conférée
et conservée donnait lieu au droit de protection diplomatique.

La théorie du lien soulève d'autres difficultés. Dans le cas de
M. Nottebohm, elle se fonde sur la conclusion de fait que rien
n'indique que sa demande de naturalisation àl'étranger fut motivée

par le désir derompre les liens qui le rattachaient à l'Allemagne.
Il m'est impossible de me rallier à une telle conclusion au stade
actuel de l'affaire.II n'existait aucun lien entre M. Nottebohm et
le Gouvernement de l'Allemagne, malgré l'abondance de preuves
établissant ses rapports avec le pays, en tant que distinct du
Gouvernement. Il existe des difficultés importantes qu'il faut
examiner.
En premier lieu, je ne crois pas qu'en dehors des cas d'abus de
droit et de fraude, le droit international permette d'assujettir les
effets de la naturalisation aux motifs qui l'ont inspirée.
En deuxième lieu, cette conclusion dépend de l'examen de ques-
tions de fond qui ne peuvent êtretranchées à l'occasion de l'examen
de la fin de non recevoir.
En troisième lieu, la rupture des liens avec le pays d'origine n'est
pas une condition indispensable pour que la naturalisation soit
valable et opposable. Le droit international reconnaît la nationalité
double et dans la pratique des Etats il y a actuellement tendance à

la généraliser,ce qui implique nécessairement le maintien des liens avec le pays d'origine. Il est à noter que la règle adoptée par le
Royaume-Uni en 1870, selon laquelle la naturalisation à l'étranger
entraînait automatiquement la perte de la nationalité britannique,
a étéabandonnée en 1948. En vertu de la nouvelle législation
britannique, le citoyen britannique qui obtient une naturalisation
ktrangère conserve normalement ses liens avec son pays d'origine.
En quatrième lieu, je ne suis pas d'accord pour dire que rien
n'indique que la naturalisation de M. Nottebohm fût motivée par
le désir de rompre les liens qui le rattachaient l'Allemagne. Il y a
faits qui établissent qu'il était décidé à rompre ses liens
trois
avec l'Allemagne. Le premier est sa demande de naturalisation, le
deuxième son serment d'allégeance vis-à-vis du Liechtenstein et
le troisième l'obtention d'un certificat de naturalisation et d'un
passeport du Liechtenstein.

La théorie du lien se fonde en partie sur le fait que le Liechten-
stein a renoncé à la condition exigeant une résidence de trois ans.
Au moment de sa naturalisation, M. Nottebohm séjournait tempo-
rairement au Liechtenstein mais il n'y avait pas établi de domicile
et n'avait pas l'intention immédiate de le faire. Mais en I'occur-
rence, il m'est difficile de considérer le défaut de résidencecomme
un facteur décisif.
Le conseil du Guatemala a admis que «la plupart des États,

sous une forme ou une autre, soit dans leurs lois, soit dans la pra-
tique, connaissent des cas exceptionnels dans lesquelsils dispensent
le candidat à la naturalisation de faire la preuve d'une résidence
antérieure prolongée ». C'est là un autre point sur lequel les deux
Parties sont d'accord, et cette situation a étéclairement démontrée
en la présente affaire.
Le conseil du Guatemala prétend ensuite que le défaut de rési-
dence en l'occurrence pourrait êtrepris en considérationpour déter-
miner s'il y a eu abus de droit de la part du Liechtenstein, mais
j'ai déjà examiné cet aspect de la question.
J'estime que les Parties avaient raison et qu'en vertu des règles
du droit international positif, le Liechtenstein avait le droit discré-
tionnaire d'écarter la condition de résidence. Cela étant je ne
puis - en l'absence de fraude ou de préjudice - critiquer les
facteurs qui ont pu influencer le Liechtenstein dans l'exercice de
son pouvoir discrétionnaire. Il n'est pas étonnant que l'on n'ait

cité devant la Cour aucun précédent établissant que l'on ait pu
contester avec succèsl'exercice d'un pouvoir discrétionnaireconféré
à un Etat en vertu des principes du droit international positif,
alors qu'il n'y avait eu ni fraude ni préjudice causés à la partie
adverse. S'il existait un tel précédent,il aurait certainement été
soumis à l'attention de la Cour. Il est dit également que la naturalisation de M. Nottebohm
manquait de sincéritéet que, du fait de sa conduite ultérieure, elle
ne donnait pas lieu au droit de protection. Il est dit qu'il n'a
pas renoncé à sa'résidence et à ses activités au Guatemala, fondé
une entreprise au Liechtenstein et établilà son domicile permanent.
Dans le mêmeordre d'idées, il est dit qu'il ne s'est nuJlement
intégré dans la communauté politique que constitue I'Etat de
Liechtenstein.
Dans l'examen de ce point, il nefaut pas'perdre de vue qu'aucune
règle de droit internationalne m'autorise à considérer la conduite

ultérieure d'un individu comme élémentpertinent à la validité et
à l'opposabilité de la naturalisation. Néanmoins, je ne puis éviter
d'examiner sa conduite depuis octobre 1939. Il m'est difficile
d'accepter le point de vue qui a étéadopté en ce qui concerne la
nature de l'État, et l'incorporation d'un individy dans 1'Etat par
voie de naturalisation. A mon avis, la notion d'Etat est suffisam-
ment large pour englober non seulement le territoire et ses habi-
tants, mais encore ceux de ses citoyens qui résident à l'étranger,
mais qui lui restent rattachés par le lien d'allégeance. Pour la
plupart des États, les citoyens qui ne résident pas dans le pays
sont néanmoinsconsidéréscomme faisant partie du corps politique.
Dans beaucoup de pays, tels la Chine, la France, le Royaume-Uni
et les Pays-Bas, les citoyens non-résidents forment une partie
importante du corps politique et se comptent par centaines de
milliers ou par millions. Beaucoup de ces citoyens non-résidents
ne se sont jamais trouvés sur le territoire de leur patrie. Je ne
vois aucune raison pour laquelle l'organisation du corps politique
du Liechtenstein serait ou devrait être différente de celle des
autres Etats.

A mon avis, M. Nottebohm s'est intégré dans la partie non rési-
dente du corps politique du Liechtenstein. Depuis le moment de
sa naturalisation jusqu'à la date de l'arrêtrendu par la présente
Cour, il ne s'est jamais départi dans sa conduite de sa qualité de
membre de l'État liechtensteinois. En octobre 1939, il commença
par se procurer un passeport qui fut revêtu du visa de consulat
de Guatemala. En arrivant au Guatemala, en janvier 1940, il en
informa immédiatement le Gouvernement guatémaltèque et se
fit immatriculer comme ressortissant liechtensteinois. Après son
arrestation en octobre 1943, il obtint la protection diplomatique
du Liechtenstein par l'intermédiaire du consul suisse. Au moment
où on commença à confisquer ses biens, il obtint la protection
diplomatique de la mêmesource-et par les mêmes voies.Après sa
libération, le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique lui accorda
les pleins droits civils et il entama à Washington des procédures
et négociations en vue d'obtenir la libération de ses avoirs bloqués et les poursuivit avec succèsen se fondant sur sa qualitéde ressor-
tissant du Liechtenstein. Depuis les neuf dernières années, il est
membre résidant et actif du corps politique de ce dernier Etat.

En ce qui concerne sa résidenceet ses affaires, aucune règle de
droit internationaln'exige qu'une personne naturalisée établisse
sa résidence et son centre d'activité dans son pays d'allégeance.
Toutefois, examinant la question de conduite ultérieure, je ne puis
négliger ce qui s'est réellement produit.
Tout d'abord, M. Nottebohm avait à l'époque 58 ans - c'est-à-
qu'il était à deux années de la retraite habituelle dans le
dire
genre d'activité qui était la sienne. Les témoignages qui ont été
fournis prouvent qu'il envisageait réellement de prendre sa retraite.
En octobre 1939 l était certainement très absorbépar des projets
conçus dans le but de sauver ses entreprises, mais il m'est difficile
de croire qu'il ne songeait nullement à sa retraite et qu'il ne pensait
pas à Vaduz. Des quinze ans et demi qui se sont écoulés depuis sa
naturalisation, M. Nottebohm-en a passé moins de quatre au
Guatemala, plus de deux aux Etats-Unis et neuf à Vaduz.
Il est vrai que les demandes faites en son nom, en 1945, dans
le but de le faire rentrer au Guatemala, déclaraient qu'il avait
l'intention de reprendre sa résidencedans ce pays. Mais je ne puis
négligerle fait que son retour était absolument indispensable pour
lui permettre de diriger le57 procès dont j'ai parléprécédemment
et pour laver son bon renom des accusations de déloyauté qui
avaient étéportées contre lui. Je ne crois pas qu'il faille accorder
trop d'importance aux déclarations faites par ses parents au
Guatemala en vue d'obtenir sa réadmission dans ce pays.

L'essentiel est qu'en1946 ,près avoir étélibéré, enplein hiver,
dans 1'Etat de Dakota dur Nord, dépouilléde tous ses biens au
Guatemala, ses avoirs aux Etats-Unis bloqués,il retourna dans son
pays d'allégeànce. A mon avis, son retour et son admission au
Liechtenstein constituent des preuves convaincantes de la réalité
et de I'effectivitédu lien qui le rattachait au Liechtenstein. Sa
conduite était une affirmation sans équivoque de sa nationalité

liechtensteinoise,nationalité reconnue sans équivoque par le
Liechtenstein.

En outre, il m'est difficile d'admettre deux des conclusions de
fait qui se trouvent intimement liées.La première est que la natu-
ralisation n'a rien changé au genre de vie de M. Nottebohm. A
mon avis, cette naturalisation, qui l'finalement amené à établir
sa résidence définitive dans son pays d'allégeance, a modifié le
genre de vie de ce négociant qui jusque-là résidait et dirigeait ses
affaires au Guatemala. La deuxième conclusion est que la naturalisation a étéconférée
dans des conditions exceptionnelles de rapidité et de bienveillance.
Il y a bien des pays, autres que le Liechtenstein, où la rapidité
et la bienveillance sont considéréescomme deux vertus adminis-
tratives. Je ne considère pas que ces qualités altèrent l'efficacité
ou la sincéritéde leurs actes administratifs.

La théorie du lien a étéfondée sur la croyance que la nature
mêmede la naturalisation et du lien entre l'État et son ressortis-
sant permet de conclure que la naturalisation de M. dottebohm,
bien que valable, n'était pas réelle,et qu'elle ne pouvait justifier
le droit de protection diplomatique. Il m'est difficile d'adopter ce
point de vue et il est, dès lors, nécessaired'examiner la nature de
la naturalisation, de la protection diplomatique et le caractère
juridique des liens qui se sont créésentre le Guatemala et le Liech-
tenstein en 1940, lors du retour de M. Nottebohm.
La nationalité et le lien qui rattache un citoyen à l'État auquel

il doit allégeance sont de nature telle qu'ils exigent la certitude.
Lorsqu'on examine les circonstances dans lesquelles on invoque
ce lien - émigration et immigration, voyage, trahison, exercice
des droits et devoirs politiques, service militaire, etc. -, il
devient évident que la certitude est indispensable. Il doit exister
des critères objectifs, faciles à établir, quant à l'existence et à la
reconnaissance de ce statut. C'est pourquoi, dans la pratique des
États, on a toujours rejeté les critères vagues et subjectifs en ce
qui concerne le droit de conférerla nationalité - sincérité,fidélité,
constance, manque de lien réel - pour adhérer à la règle du
pouvoir discrétionnaire presque illimité de l'Etat, telle qu'elle est
contenue à l'article premier du projet de convention de La Haye
de 1931.
Il existe une relation étroite entre la nationalité et la protection
diplomatique. En droit international, il est généralement de règle
que la nationalité donne lieu au droit de protection diplomatique.
Fondamentalement, l'obligation pour un État d'accorder un
traitement raisonnable aux résidents étrangers et le droit corrélatif
de protection sont fondéssur le consentement des Etats en cause.
Lorsqu'un étranger arrive à la frontière et demande à êtreadmis
soit pour s'y établir, soit temporairement, lJEtat a toute latitude
de lui refuser l'entrée. Cela ne signifie pas qu'il peut nier le statut

national de l'étran er, ni refuser de le reconnaître. Mais en refusant
de l'admettre, 1f tat empêche la création de liens juridiques
entraînant, en ce qui concerne cet étranger, des droits et obligatjons
entre les deux pays. En revanche, en admettant l'étranger, 1'Etat
crée, desa propre volonté, une série de liens juridiques avec 1'Etat
dont cet étranger est ressortissant.
46 AFFAIRE NOTTESOHM (OPIN. DISS. DE Mr. READ)
47
L'admission d'un étranger, que ce soit à titre d'immigrant ou
comme, visiteur, donne naissance à une série de liens juridiques.
Deux Etats son! en cause, que je qualifierairespectivement d'État
d'accueil et d'Etat protecteur. L'Etat-d'accueil est soumis à une
'séried'obligations légalesvis-à-vis de'Etat protecteur, notamment
le devoir d'accorder un traitement raisonnable et équitable. Il
acquiert des droits vis-à-vis de 1'Etat protecteur et de l'individu,
notamment les droits inhérents à l'allégeancedu lieu et le droif de

renvoyer l'étranger dans l'État protecteur. Parallèlement, 1'Etat
protecteur acquiert les droits et obligations correspondants vis-à-
vis de l'État d'accueil, notamment une limitation de ses droits
vis-à-vis de l'individu par suite de l'allégeance du lieu, le droit
d'accorder sa protection diplomatique et l'obligation de reprendre
son ressortissant en cas d'expulsion. Ce réseau de droits et obli-
gations est d'origine essentiellement conventionnelle - il débute
par l'acte volontaire cle 1'Etat protecteur consistant à permettre
à son ressortissant de s'établir dans un autre pays et l'acte volon-
taire de l'État d'accueil consistant admettre l'étranger. La portée
et la nature des droits sont cependant déterminées, dans une large
mesure, par le droit international positif. Néanmoins, 1'Etat
d'accueil reste maître en tous temps, étant donné qu'ilpeut mettre
fin à la situation par l'expulsion.

Cet étatde choses est illustrépar ce qui s'est effectivement produit
dans le cas présent. M. Nottebohm, ressortissant allemand, s'est
rendu au Guatemala il y a cinquante ans pour s'y établir définitive-
ment. A la suite de son admission comme immigrant, toute la série
des liens juridiques prit naissance entre le Guatemala et l'Allemagne.
En droit, le Guatemala assumait vis-à-vis de l'Allemagne l'obliga-
tion d'accorder un traitement raisonnable et équitable. Le Guate-
mala avait le droit de renvoyer M. Nottebohm en Allemagne, mais
non de l'expédier ailleurs. L'Allemagne avait le droit de lui accorder
la protection diplomatique et était tenue en droit de l'accueillir en
cas d'expulsion.
La naturalisation d'octobre 1939 mit fin à la sériede liens juri-
diques entre le Guatemala et l'Allemagne en ce qui .concernait
M. Nottebohm.

M. Nottebohm retourna au Guatemala en janvier 1940, après
avoir modifiéprofondément ses liens juridiques dans ce pays. Son
statut n'était plus celui d'un étranger de nationalité allemande,
résidant d'une manière permanente. Ilentrait avec un passeport du
Liechtenstein et sous la protection de ce pays.
Avant son départ, la première chose qu'il fit, c'est de se procurer
le visa du consul guatémaltèque. En arrivant au Guatemala, il fit
immédiatement connaître son nouveau statut national aux plus
hautes autorités du Gouvernement guatémaltèque. Son immatricu-
lation comme ressortissant allemand, conformémept à la loi sur
les étrangers, fut annulée et il futinscrit.comme ressortissant du
Liechtenstein. Dès la fin janvier 1940, il fut traité comme tel au
Guatemala.

47 A mon avis, l'admission de M. Nottebohm au Guatemala et son
établissement, conforméi-rient à la législation guatémaltèque, en
qualité de résident de nationalité liechtensteinoise, donnèrent nais-
sance entre le Guatemala et le Liechtenstein à une série de liens
juridiques qui ont été amplement décrits précédemment. Dès ce
moment, le Guatemala avait le droit de renvoyer M. Nottebohm au
Liechtenstein et, corrélativement, le Liechtenstein avait l'obligation
de le recevoir en cas d'expulsion. Le Liechtenstein avait, en droit,
la faculté d'accorder la protection diplomatique à M. Nottebohm
au Guatemala, et lorsque ce droit fut exercé en octobre 1943,
aucune objection ne fut soulevée par le Guatemala.
Je ne puis me rallier l'opinion selon laquelle le fait que les auto-
rités guatémaltèquesont admis M. Nottebohm comme immigrant de
nationalité liechtensteinoise, n'aurait crééaucun lien entre les deux

Gouvernements. Je ne crois pasqye la position du Guatemala se
différencieen rien de celle d'autres Etats et, selon moi, le Guatemala
ne pouvait empêcher la formation de liens juridiques de même
nature que ceux qui se seraient crééssiM. Nottebohm avait débar-
quécomme immigrant dans n'importe quel autre pays.

Lorsqu'il existe entre deux États une série de Jiens, droits et
devoirs juridiques, il n'est pas loisible'un de ces Etats de mettre
fin àcet état de choses par un acte unilatéral. A mon avis, pareils
liens ont étécréésentre le Guatemala et le Liechtenstein par l'ad-
mission de M. Nottebohm, dans le premier de ces pays, en 1940. Le
Guatemala aurait pu y mettre fin par l'expulsion, mais il n'aurait
pu, sans le consentement du Liechtenstein, abolir le droit de ce pays,
conforme au droit international, de protéger son ressortissant.

Il est encore un autre aspect de la question auquel je dois me
référer.11est dit que M. Nottebohm avait sollicitéla naturalisation
dans le seul but d'éviter les conséquences légalesde sa nationalité
d'origine. Il était Allemand et l'Allemagne était en guerre, mais non
avec le Guatemala. Il n'y a guère de doute que cela ait étéun de ses
motifs, mais la question de savoir si c'était son seul motif relève de
la spéculation pure.
Il existe apparemment des preuves abondantes sur cet aspect de
l'affaire, mais elles ne m'ont pas étécommuniquées ; des preuves
pour établir ou pour réfuter l'allégation que la naturalisation faisait
partie d'une opération frauduleuse. Mais, dans l'examen d'une fin
de non recevoir, il ne m'est pas permis de consulter ces preuves.
A ce stade-ci, je dois partir de l'hypothèse que la naturalisation a
étéobtenue de bonne foi et sans fraude.
On s'est plaint de ce que la naturalisation avait pour but d'éviter
l'application de mesures de guerre dans le cas où le Guatemala
serait entré en guerre avec l'Allemagne. En octobre1939, si M. Not-

48 AFFAIRE NOTTEBOHM (OPIN. DISS. DE Mr. READ) 49

tebohm lisait les journaux - ce qui est très probable -, il savait
.que le Guatemala, de concert avec les autres Etats panaméricains,
s'efforçait par tous les moyens de conserver sa neutralité. II est
bien plus vraisemblable que, se souvenant de l'expérience de
Nottebohm Hermanos au cours de la première guerre mondiale, il
s'est efforcéde protéger ses avoirs aux Etats-Unis. L'hypothèse
selon laquelle il aurait prévu l'entréeen guerre du Guatemala n'est
étayéed'aucune preuve, et je ne puis l'accepter.
En outre, mêmesi son désir principal avait étéde protéger ses
biens et ses entreprises en prévision de l'entréeen guerre du Guate-

mala, je ne crois pas que ce fait aurait pu affecter la validité ou
l'opposabilité de la naturalisation. Il n'existait, à l'époque, aucune
règle ni en droit international ni dans la législation guatémaltèque
lui interdisant une telle action. M. Nottebohm n'a pas caché sa
naturalisation, et dès son retour au Guatemala il en a informé les
plus hautes autorités gouvernementales.
Je ne me crois pas fondé à examiner les motifs qui ont inspiré
M. Nottebohm - en l'absence de fraude ou de préjudice à l'égard
du Guatemala -, mais mêmesi l'on envisage ce motif particulier,
on ne saurait prétendre qu'il empêche l'exercicedu droit de protec-
tion diplomatique.

En raison des circonstances précitées, je suis forcé de conclure

que les deux Parties devant la Cour ont considéréavec raison que
le droit du Liechtenstein de déterminer qu'en vertu de sa propre
législation M. Nottebohm était un de ses nationaux, ainsi que
l'obligation qui en découle pour le Guatemala de reconnaître la
législation liechtensteinoiseà cet égard, sont limités non par des
règles rigides de droit international, mais uniquement par les
règles relativesà l'abus du droit et à la fraude.
En conséquence, je suis d'avis que la Cour devrait rejeter les
conclusions finales 2 a) et z b) du Guatemala, joindre au fond
la conclusion 2 c) et procéderà l'examen des autres fins de non rece-
voir figurant dans les conclusions finalesI et 3 du Guatemala.

(Signé ). E. READ.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE READ

1 am unable to concur in the Judgment of the Court, which

holds that the claim submitted by the Principality of Liechtenstein
is inadmissible. It is, therefore, necessary for me to indicate my
conclusions as to the proper disposition of the plea in bar, and to
give my reasons. In doing so,1 must examine certain of the grounds
which were relied on by Counsel, in the Pleadings and during the
Oral Proceedings, but which were not adopted as a basis for the
Judgment .
At the outset, 1 consider that the very nature of a plea in bar
controls the examination of the issues. The allowance of a plea
in bar prevents an examination by the Court of the issues of law
and fact which consitute the merits of the case. It would be unjust
to refuse to examine a claim on the merits on the basis of findings
of law or fact which might be reversed if the merits were considered
and dealt with.
Accordingly, it is necessary, at this stage, to proceed upon the
assumption that al1 of Liechtenstein's contentions on the merits,
fact and law, are well-founded; and that Guatemala's contentions
on the merits may be ill-founded.
There is another aspect of this case which 1 cannot overlook.
Mr. Nottebohm was arrested on October ~gth, 1943, by the Guate-
malan authorities, who were acting not for reasons of their own
but at the instance of the United States Government. He was
turned over to the armed forces of the United States on the same

day. Three days later he was deported to the United States and
interned there for two years and three months. There was no trial
or inquiry in either country and he was not given the opportunity
of confronting his accusers or defending himself, or giving evidence
on his own behalf.
In 1944 a series of fifty-seven legal proceedings was commenced
against Mr. Nottebohm, designed to expropriate, without compen-
sation to him, al1of his properties, whether movable or immovable.
The proceedings involved more than one hundred and seventy one
appeals of various kinds. Counsel for Guatemala has demonstrated,
in a fair and competent manner, the existence of a network of
litigation, which could not be dealt with effectively in the absence
of the principally interested party. Further, al1of the cases involved,
as a central and vital issue, the charge against Mr. Nottebohm of
treasonable conduct.
It is common groud that Mr. Nottebohm was not permitted
to return to Guatemala. He was thus prevented from assuming
the persona1 direction of the complex networlr of litigation. He was

34 OPINION DISSIDENTE DE Mr. READ
[Traduction]
Je ne puis me rallier au jugement de la Cour concluant à l'irre-

cevabilité de la demande soumise par la Principauté de Liechten-
stein. Je dois donc exposer mes conclusions personnelles quant à
la manière appropriée detraiter cette fin de non recevoir et indiquer
les motifs sur lesquels je me suis fondé. Je serai ainsi amené à
examiner certains des arguments invoqués par le conseil dans les
écritures et dans les plaidoiries, mais qui n'ont pas étéretenus
comme base de l'arrêt.
Tout d'abord, j'estime que l'examen de l'affaire se trouve déli-
mitépar la nature même dela fin de non recevoir. Le faitd'admettre
une fin de non recevoir empêchela Cour d'examiner les points de
droit et de fait qui constituent le fond de la question. Il serait
injuste de refuser d'examiner une réclamation quant au fond sur
la base de conclusions de droit ou de fait qui pourraient êtrerenver-
séessi l'on examinait et si on traitait le fond de la question.
Il est donc nécessaire, au stade actuel, de partir de l'hypothèse
que tous les arguments du Liechtenstein sur le fond, les faits et
le droit sont fondés et que les arguments du Guatemala quant au
fond ne le sont peut-être pas.
Cette affaire présente un autre aspect que je ne puis négliger.
M. Nottebohm a étéarrêté le 19 octobre 1943 par les autorités
guatémaItèques, non pour des raisons qui leur étaient propres,
mais sur les instances du Gouvernement des Etat-Unis. Le même
jour, ï1 fut remis entre les mains de l'armée américaine. Trois
jours plus tard, il fut déportéaux Etats-Unis et y resta interné
pendant deux ans et trois mois. Il n'y eut ni jugement ni enquête

dans aucun de ces deux pays et il ne lui fut pas donné d'être
confronté avec ses accusateurs, ni de se défendre, ni d'apporter
des preuves en sa faveur.
En 1944, une série de cinquante-sept procédures judiciaires
furent entamées contre M. Nottebohm dans le but d'exproprier
la totalité de ses biens, meubles et immeubles, sans lui accorder
d'indemnité. Ces diverses procédures impliquaient plus de cent
soixante et onzepossibilités d'appel divers. Le conseil du Guatemala
a montré avec compétence et impartialité l'existence de tout un
système de procédures que l'on ne pouvait entamer effectivement
en l'absence de la principale partie intéressée.En outre, le point
central et vital de toutes ces affaires était l'accusation de trahison
portée contre M.Nottebohm.
On ne conteste pas que M. Nottebohm n'a pas étéautorisé à
rentrer au Guatemala. Il se trouvait dès lors empêchéd'assumer
lui-même la direction du réseau compliqué des procédures. Il35 NOTTEBOHN CASE (DISS. OPIN. OF JUDGE READ)

allowed no opportunity to give evidence of the charges made
against bim, or to confront his accusers in open court. In such
circumstances 1 am bound to proceed on the assumption that
Liechtenstein might be entitled to a finding of denial of justice,
if the case should be considered on the merits.

In view of this situation, 1 cannot overlook the fact that the

allowance of the plea in bar would ensure that justice would not
be done on ,any plane, national or international. 1 do not think
that a plea in bar, which would have such an gffect, should be
granted, unless the grounds on which it is based a& beyond doubt.

With these considerations in mind, it is necessary to examine
the single issue that the Court must decide in order to reject or
allow the plea in bar based on the ground of nationality. The issue
for decision is : whethein the circumstancesof tlziscaseand vis-d-vis
Guatemala, Liechtenstein is entitled, under the rules of international
law, to agord diplornatic protection to MY. Nottebohm.
It is necessary to deal with the different grounds which have
been relied on in the Pleadings and in the Oral Proceedings.

The first ground for holding that the claim is inadmissible, which
is contained in paragraph 2 (a) of the Final Conclusions of Guate-
mala, may be stated shortly : that Mr. Nottebohm did not acquire
Liechtenstein nationality in accordance with the law of the Prin-
cipality. While tke Judgment of the Court does not rely on ws
ground, 1must state my position, in order to justify rny chnclusibn
that the plea in bar as a whole should be joined to the merits.

Here, the production of the certificate of naturalization, and
the adoption of the claim by Liechtenstein, establish 'aprima facie

case. The Court can go back of the certificate and disregard it on
proof of fraud in the application for or grant of the naturalization,
or in the obtaining or issuing of the certificate. But there has been
no such proof.
It has been argued that the Court can and should examine the
Liechtenstein law and the procedure followed by the Liechtenstein
authorities when the naturalization was granted. It has been
contended that they did not comply with the law and that, as a
result of their defaults, the naturalization granted was a nullity.
1 have reached the conclusion that the claim cannot be rejected
on the ground of non-compliance with the national law, and shall
give my reasons in summary form.

To begin with, it is necessary to take into account the juris-
prudence of the Permanent Court. Two principles of law have been
established. The judgment in The Mavrommatis Jerusalent Con-n'eut jamais l'occasion de fournir des témoignages en ce qui
concerne les accusations portées contre lui, ni d'êtreconfrontéavec
ses accusateurs en audience publique. Dans ces conditions, je me
vois obligéde partir de la présomption que le Liechtenstein béné-
ficierait peut-être d'un verdict de dénide justice sur le plan national
si !'on examinait l'affaire quant au fond.
Etant donné la situation, je ne puis m'empêcherde constater
que le fait d'admettre la fin de non recevoir aurait pour conséquence
que justice ne serait rendue ni sur le plan national ni sur le plan
international. Je ne crois pas qu'il faut admettre une fin de non
recevoir qui aurait un tel effet,à moins que les motifs sur lesquels
elle se fonde ne soient irréfutables.
Compte tenu de ces considérations, il nous faut examiner la
seule question que la Cour doit trancher pour rejeter ou admettre
la fin de non recevoir fondée sur la nationalité. Cette question est
la suivante :dans les conditions de I'a8aire, le Liechtenstein peut-il,
en vertu des règles du droit international, accorder sa protection

diplomatique à M. Nottebohm vis-à-vis du Guatemala?
Il faut examiner successivement les différents motifs invoqués
dans la procédure tant écrite qu'orale.

Le premier motif de non-recevabilité de la demande, qui est
énoncéau paragraphe 2 a) des conclusions finales du Guatemala,
peut être brièvement résumé : M. Nottebohm n'a pas acquis la
nationalité liechtensteinoise conformément à la législation de la
Principauté. Bien que dans l'arrêt la Cour ne se fonde pas sur
ce motif, je doisexposer mon point de vue afin de justifier ma conclu-
sion selon laquelle la fin de non recevoir, dans son ensemble, devrait
être jointe au fond.
Sur ce point, la production du certificat de naturalisation et
l'adoption par le Liechtenstein de la réclamation constituent une

preuve prima jacie. La Cour peut revenir sur le certificat et ne pas
en tenir compte si la fraude est prouvéedans la demande ou l'octroi
de la naturalisation ou dans l'obtention ou la délivrance du certi-
ficat. Mais on n'a produit aucune preuve de ce genre.
On a également prétendu que la Cour pouvait et devait examiner
la législation liechtensteinoise et la procédure suivie par les auto-
rités du Liechtenstein au moment où la naturalisation fut accordée.
On a prétendu qu'elles ne s'étaient pas conformées à la loi et qu'en
raison de cette carence la naturalisation est sans effet.
Je suis arrivé à la conclusion qu'on ne peut pas rejeter la récla-
mation, motif tiré de l'inobservation de la législation nationale,
et j'en donnerai brièvement les raisons.
Tout d'abord il est nécessaire de prendre en considération la
jurisprudence de la Cour permanente. Deux principes de droit ont
été établis. L'arrêt dans l'ajfni~e des co~zcessio?zlslia~lrom+natzs cessions-Series A, No. 5, at page 30-settled the rule that the
burden of proof is on the party, that alleges the nullity of a legal
act under the national law, to prove it.
The other principle is to be found in a long series of decisions,
which applied the principle :that "municipal laws are merely facts
which express the will and constitute the activities of States" and
that the Court does not interpret the national law as such.
Polish UfifierSilesia-Series A, No. 7, page 19.

Serbian Loans-Series A, Nos. zo/21, page 46.
Brazilian Loans-Series A, Nos. 20/21, page 124.
Lighthouses Case (France/Greece)-Series A/B, No. 62, page 22.
Panevezys-Saldutiskis Railway Case-Series A/B, No. 76, page 19.

In the present case, Guatemala has alleged the invalidity or
nullity of the legal act of naturalization under the national law.

The burden of proof is on Guatemala to prove it. But Guatemala
has not furnished any admissible evidence ; such as the testimony
of a jurist learned and experienced in Liechtenstein law, or an
opinion from the Highest Court in that country. The case has been
presented as if this Court was competent to interpret the Liechten-
stein law as such, and to pass upon its application to the special
circumstances of this case. It has been argued without consideration
of the provisions of the Liechtenstein law regarding the inter-
pretation of statutes or of the decisions of its courts.

Accordingly, the contention of the respondent Government, as
regajds invalidity under the national law, fails through lack of
evidence to support it.
But this is not merely a case of failure of proof. Even if the

Liechtenstein Law of 1934 is interpreted without regard to the
rules of interpretation, procedure and administrative law in force
in that country, it is impossible to reach the conclusion that the
naturalization was a nullity. There is a fundamental error in the
method of interpretation adopted by Counsel, both in the Pleadings
and in the Oral Proceedings.
It has been argued that the Liechtenstein authorities disregarded
the provisions of the Law of 1934 in two respects :it is said that
they inverted the order in which the different steps inthe procedure
were to be carried out. It is also said that they did not comply
with certain essential requirements laid down in the Law. The
conclusion was reached that the naturalization was invalid, because
of non-conformity with the laws of the Principality.
This interpretation was based on consideration of particular
provisions, without taking into account the Law as a whole. In

particular, it ignored a provision which is of crucial importance,
Article 21, which contains the following paragraph :à Jerusalem - série A, no 5, page 30 - a établi la règle selon
laquelle la charge de la preuve incombe à la partie qui allègue la
nullité d'un acte légalen se fondant sur la loi nationale pertinente.
Le deuxième principe qui se retrouve dans une longue série de
décisions est le suivant :ccles lois nationales sont de simples faits,
manifestations de la volonté et de l'activité des Etats »,et la Cour
n'interprète pas la loi nationale en tant que telle.

Haute-Silésiepolonaise, série A, no 7, page 19.
Emprunts serbes, série A, nos 20/21, page 46.
Ernprunts brésiliens,série A, nos 2o/z1, page 124.
Aeaire des Phares (FranceIGrèce), série A/B, no 62, page 22.
Agaire du chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, série A/B, no 76,
Page 19.

Dans la présente affaire, le Guatemala a alléguéla non-validité
ou la nullité de l'acte légal de naturalisation en vertu de la légis-
lation nationale. La charge de la preuve incombe au Guatemala.
Mais le Guatemala n'a fourni aucune preuve acceptable ; tel, par
exemple, le témoignage d'un juriste éminent, versé dans la légis-
lation du Liechtenstein, ou encore un avis de la Cour suprêmede
ce pays. L'affaire a étéprésentéecomme si la Cour était compé-
tente pour interpréter la législation du Liechtenstein comme telle
et pour juger de son application dans les circonstances particulières

de la présente affaire. Elle a étédiscutée sans tenir compte des
dispositions de la législation liechtensteinoise relatives à.l'interpré-
tation des lois ou des décisions de ses tribunaux.
En conséquence, l'allégation du Gouvernement défendeur,
relative à une invalidité fondéesur la législation nationale, tombe
du fait qu'elle n'est pas étayée de preuve.
Mais ce n'est pas uniquement un cas de défaut de preuve. Même
en interprétant la loi liechtensteinoise de 1934 sans tenir compte
des règles d'interprétation, de la procédure et du droit administratif
en vigueur dans ce pays, il est impossible de conclure à la nullité de
la naturalisation. Il y a erreur fondamentale dans la méthode
d'interprétation adoptée par le conseil dans la procédure tant
écrite qu'orale.

On a prétendii que les autorités liechtensteinoises avaient négligé,
sur deux points, les dispositions de la loi de 1934. On a dit qu'elles
ont interverti l'ordre dans lequel devaient se dérouler les différents
stades de la procédure. On a dit encore qu'elles ne s'étaient pas
conformées à certaines conditions essentielles fixéespar la loi. On
en a conclu que la naturalisation n'était pas valable par défaut de
se conformer à la législation de la Principauté.
Cette interprétation était fondée sur l'examen de dispositions
particulières sans tenir compte de la loi dans son ensemble. Elle
ignore notamment une disposition d'une importance primordiale,
l'article21, qui contient le paragraphe suivant : Section 21

"The Princely Governmentmay, within five years frorn the date
of acquisition thereof,eprive a foreign nationalof the citizenship
of the Principality which has been granted to him, if it appears
thereof were not satisfied. It is entitled, however, at any time, to
deprivea person of the citizenship of the Principality if the acquisi-
tion thereof has corne about in a fraudulent manner."

Itis clear that the naturalization of Mr. Nottebohm could have
been revoked at any time within five years of the grant, if it had
appeared that any of "the requirements laid down in this law were
not satisfied". It is equally clear that, after the expiration of the
five-year period-i.e. in October 1944-the naturalization became
indefeasible, apart from fraud. In such circumstances, it is not
open to me, nearly sixteen years after the event and in the absence
of fraud, to find that the naturalization was invalid under the
Liechtenstein law.

The second ground for holding that the claim is inadmissible,
which is contained in paragraph 2 (b) of the Final Conclusions of
Guatemala, may be stated shortly : that naturalization was not
granted to Mr. Nottebohm in accordance with the generally recog-
nized principles in regard to nationality.
Conclusion 2 (b) is obviously defective. The Court cannot deter-
mine "generally recognized principles" or decide cases on the basis
of such principles. Its competence is limited by the peremptory and
mandatory provisions of Article 38 of the Statute, to decision
"in accordance with international law".

However, the position taken by Counsel makes it clear that the
Final Conclusion 2 (b) was intended to raise the issue of abuse of
right.
Abuse of right is based on the assumption that there is a right
to be abused. In the present case it is based upon the assumption
that Liechtenstein had the right under international law to natura-
lize Mr. Nottebohm, but that, in view of the special circumstances
and the manner in which the right was exercised, there was an
improper exercise of the right-an exercise so outrageous and
unconscionable that its result, i.e. the national status conferred on
Mr. Nottebohm, could not be invoked against Guatemala.
The doctrine of abuse of right cannot be invoked by one State
against another unless the State which is admittedly exercising
its rights under international law causes damage to the State

invoking the doctrine.
As this ground is not relied upon in the Judgment of the Court,
it is unnecessary for me to examine the particular grounds relied
37 Article21
«Pendant les cinq ans suivant la naturalisation d'un étranger,
le Gouvernement princier peut lui retirer la nationalité liechten-
steinoise s'il s'avèreque les conditions requises aux termes de la
présenteloi pour son acquisition n'ont pas étéremplies. Il peut
d'ailleurs en tout temps retirer la nationalité si elle a étéacquise
frauduleusement. »

11est évident qu'à tout moment au cours des cinq annéessuivant
son octroi, la naturalisation de M. Nottebohm aurait pu êtrerévo-
quée s'il était apparu que «les conditions requises aux termes de
la présente loi n'ont pas étéremplies ». Il est tout aussi évident
qu'après l'expiration du délai de cinq ans - i.e. en octobre
1944- la naturalisation devenait irrévocable, sauf en cas de
fraude. Dans ces conditions, près de seize ans après l'événementet
en l'absence de fraude, il ne m'appartient pas de déclarer la natu-

ralisation non valable en vertu de la loi du Liechtenstein.

Le deuxième motif de non-recevabilité de la demande qui est
énoncéau paragraphe 2 b) des conclusions finales du Guatemala
peut êtrebrièvement résumé :la naturalisation n'a pas étéaccordée
à M. Nottebohm en conformité avec les principes généralement
reconnus en matière de nationalité.
La conclusion finale 2 b) du Guatemala est visiblement défec-
tueuse. La Cour ne peut pas déterminer «lesprincipes généralement
reconnus »ni juger d'une affaire en se fondant sur de tels principes.

En vertu des dispositions formelles et obligatoires de l'article 38
du Statut, sa mission selimite àrendre des décisions «conformément
au droit international )).
Toutefois, il résulte clairement de l'attitude adoptée par le
conseil que la conclusion finale 2 b) doit êtreconsidérée comme
visant l'abus de droit.
La notion d'abus de droit se fonde sur l'hypothèse de l'existence
du droit qui a donné lieu à l'abus. En l'occurrence, elle est fondée
sur l'hypothèse qu'en droit international le Liechtenstein avait la
faculté de naturaliser M. Nottebohm, mais que, étant donné les
circonstances particulières et la façon dont ce droit a étéexercé,

il y a eu exercice abusif de ce droi- exercice tellement scandaleux
et exorbitant que son résultat, à savoir le statut national conféré
à M. Nottebohm, ne pouvait êtreinvoqué à l'égarddu Guatemala.
La théorie de "abus de droit ne peut êtreinvoquée par un État
contre un autre Etat, à moins que ce dernier, en exerçant les droits
qu'il détient du droit international, ne cause un préjudice au
premier.
Étant donné que ce motif n'a pas étéinvoqué dans l'arrêtde la
Cour, il est inutile que j'examine les raisons particulières invoquées

37on by Counsel. It is sufficient to point out that Liechtenstein
caused no damage to Guatemala, and that it is therefore necessary
to reject the Final Conclusion 2 (b).

The third ground for holding that the claim is inadmissible,
which is contained in paragraph 2 (c) of the Final Conclusions of
Guatemala, is based on fraud.
It is impossible toseparate the aspects of fraud which are relevant
to the plea in bar from those which concern the merits. The greater
part of the evidence adduced in support of the charge of fraud was
contained in considerably more than one hundred documents.
From these documents a few were selected and brought to the
attention of the Court. The remaining documents were not placed

at the disposition of the Court.
In these circumstances, it is not possible for me to found any
conclusion based on fraud at this stage in the case. 1 am therefore
of the opinion that the Guatemalan Final Conclusion 2 (c) should
be joined to the merits.

There is another aspect of the question, which must be considered.
The Judgment of the Court is based upon the ground that the
naturalization of Mr. Nottebohm was not a genuine transaction.
It is pointed out that it did not lead to any alteration in his manner
of life;and that it was acquired, not for the purpose of obtaining
legal recognition of his membership in fact of the population of
Liechtenstein, but for the purpose of obtaining neutral status and
the diplomatic protection of a neutral State.
This ground, to which 1 shall refer as the link theory, as it is
based on the quality of the relation between Mr. Nottebohm and
Liechtenstein, cannot be related to the Final Conclusions of Guate-
mala, or to the argument in the Pleadings and Oral Proceedings.

Accordingly, the matter is governed by the principle which was

applied by this Court in the Ambatielos case (Jurisdiction), Judg-
ment of July ~st, 1952,I.C.J. Reports 1952, at page 45 :
"The point raised here has not yet been fully argued by the
Parties, and cannot, therefore, be decided at this stage."

Indirectly, some aspects were discussed as elements of abuse of
right, but not as a rule of international law limiting the power of a
sovereign State to exercise the right of diplomatic protection in
respect of one of its naturalized citizens.

38 par le conseil. Il suffit de faire remarquer que le Liechtenstein n'a
causé aucun tort au Guatemala et qu'en conséquenceil faut rejeter
la conclusion finale 2 b).

Le troisième motif de non-recevabilité de la demande qui figure
au paragraphe z c) des conclusions finales du Guatemala est fondé
sur la fraude.
Il est impossible de dissocier ceux des aspects de la fraude qui
relèvent de la fin de non recevoir de ceux qui concernentlefond. La
plupart despreuves àl'appui de l'accusation de fraude consistent en
plus de cent documents. Quelques-uns d'entre eux ont étéchoisis et
soumis à l'attention de la Cour, tandis que les autres n'ont pas été
mis à sa disposition.

Dans ces conditions il m'est impossible, au stade actuel, d'établir
une conclusion fondée sur la fraude. En conséquence,je suis d'avis
qu'il faudrait joindre au fond la conclusion finale2c) du Guatemala.

Cette question comporteun autre aspect dont ilfaut tenir compte.
L'arrêtde la Cour se fonde sur l'argument que la naturalisation de
M. Nottebohm ne constituait pas une opération sincère. Il est dit
qu'elle n'a en rien changéson genre de vie ;et qu'elle a étéacquise
non pour obtenir la consécration en droit de son appartenance, en
fait, à la population du Liechtenstein, mais pour lui permettre

dobtenir un statut de neutre et la protection diplomatique d'un
Etat neutre.
Cet argument, que j'appellerai la théorie du lien, puisqu'il est
fondésur la nature des rapports entre M. Nottebohm et le Liechten-
stein, ne peut êtreapparenté aux conclusions finales du Guatemala,
ni à l'argumentation développéeau cours de la procéduretant écrite
qu'orale.
En conséquence, ce point est régipar leprincipe qui a étéappli-
qué par la Cour dans l'affaire Ambatielos (compétence), arrêt du
I~~ jullet1952,C.I. J. Recueil 1952 , age 45 :

«Le point soulevéici n'a pas encore étécornplèternentdébattu
par les Parties et, par conséquent,il ne peut être tranché astade
actuel.))
Certains de ses aspects ont étédiscutésen tant qu'élémentsd'abus
de droit mais no? en tant que règle de droit international limitant
la faculté d'un Etat souverain d'exercer son droit de protection

diplomatique en faveur de ses citoyens par naturalisation.
38 As a Judge of this Court, 1 am bound to apply the principle of
international law, thus declared by this Court. 1cannot concur in
the adoption of this ground-not included in the Conclusions and
not argued by either Party-as the basis for the allowance of the
plea in bar, and for the prevention of its discussion, consideration
and disposition on the merits.
Nevertheless, in view of the course followed by the majority,
1 must examine this ground for holding that the grant of naturaliza-
tion did not give rise to a right of protection, and indicate some
of the difficulties which prevent my concurrence.

To begin with, 1 do not question the desirability of establishing
some limitation on the wide discretionary power possessed by
sovereign States : the right, under international law, to determine,
under their own laws, who are their own nationals and to protect
such nationals.
Nevertheless, 1 am bound, by Article 38 of the Statute, to apply
international law as it is-positive law-and not international law
as it might be if a Codification Conference succeeded in establishing
new rules limiting the conferring of nationality by sovereign
States. It is, therefore, necessary to consider whetherthere are any
rules of positive international law requiring a substantial relation-
ship between the individual and the State, in order that a valid
grant of nationality may give rise to a right of diplomatic pro-
tection.
Both Parties rely on Article I of The Hague Draft Convention of
1930 as an accurate statement of the recognized rules of interna-

tional law. Commenting on it, the Government of Guatemala
stated in the Counter-Mernorial (p. 7) that "there can be no doubt
that its Article I represented the existing state of international
law". It reads as follows :
"It is for eacli State to determine under its own law who are its
nationals. This law shall be recognized by other States in so far
as it is consistent with international conventions, international
custom, and the principles of law generally recognizedwith regard
to nationality."

Applying this rule to the case, it would result that Liechtenstein
had the right to determine under its own law that Mr. Nottebohm
was its own national, and that Guatemala must recognize the
Liechtenstein law in this regard in so far as it is consistent with
international conventions,international custom, and the firiacifiles of
law generally recognized with regard to nationality. 1 shall refer to
this quality, the binding character of naturalization, as opposa-
bility. En ma qualité de membre de la présente Cour, je suis contraint
d'appliquer le principe de droit international ainsi proclamé par la
Cour. Je ne puis approuver l'admission de ce motif - qui ne figure

pas dans les conclusions et qui n'a étédébattu par aucune des
Parties - pour justifier l'admission de la fin de non recevoir et pour
empêcherqu'il ne soit discuté, examiné et tranché quant au fond.
Etant donné, cependant, l'attitude adoptée par la majorité, je
dois examiner ce motif pour dire que l'octroi de la naturalisation n'a
pas donné lieu au droit de protection et exposer certaines des objec-
tions qui motivent mon désaccord.

Tout d'abord, je ne conteste pasl'opportunité d'imposer certaines
limites au pouvoir discrétionnaire très étendu dont disposent les
États souverains : le droit, reconnu par le droit international, de
déterminer par leur législation interne quels sont leurs nationaux
, et de leur accorder leur protection.
Pourtant, aux termes de l'article 38 du statut, je suis tenu

d'appliquer le droit international tel qu'il existe - en droit positif
- et non tel qu'il pourrait êtresi une conférence de codification
réussissait à établir de nouvelles règles limitant l'octroi de la
nationalité par les États souverains. Il y a donc lieu d'examiner
s'il existe des règles de droit international positif exigeant un
lien réel entre l'individu et lJEtat pour qu'une naturalisation
valable donne lieu au droit de protection diplomatique.

Les deux Parties considèrent que l'article premier du projet

de convention de La Haye de 1930 correspond exactement aux
règles reconnues du droit international. Dans le commentaire à
ce sujet, qui figure au contre-mémoire (p. 7), le Gouvernement
du Guatemala déclare «que son article premier représente bien .
l'état actuel du droit des gens )).Cet article dispose que :

« Il appartient à chaque État de déterminer par sa législation
quels sont ses nationaux. Cette législationdoit êtreadmise par les
autres Etats, pourvu qu'elle soit en accord avec les conventions
internationales, la coutume internationale et les principes de droit
généralement reconnusen matière de nationalité. 1)
Si nous appliquons cette disposition en l'occurrence, il en résulte,
d'une part, que le Liechtenstein avait le droit de décider, en

vertu de sa propre législation, que M. Nottebohm était un de
ses nationaux et, d'autre part, que le Guatemala doit reconnaître
la législation liechtensteinoise en la matière, $ourvu qu'elle soit
en accord avec les conventions internationales, la coutume inter-
nationale et les princifles généralementreconnus en matière de
nationalité.Je désignerai par le terme ((opposabilité ))ce caractère
obligatoire de la naturalisation. No "international conventions" are involved and no "interna-
tional custom" has been proved. There remain "the principles of
law generally recognized with regard to nationality", and it is on
this qualification of the generality of the rule in Article I that
Guatemala has relied both in the Pleadings and in the Oral Pro-
ceedings.
In this regard the Government of Guatemala stated in para-
graph 16 of the Counter-Memorial:

"As to the first point, it is necessary in the first place to determine
upon the Principality ofLiechtenstein, isthe content ofinternational
law in the light of which the international validity of that State's
law must be examined.
It must be acknowledged that in this connection there is no
system of customary rules nor any rigid principles by which States
are bound.
As M. Scellehas indicated, it is rather in the realm of 'abuse of
power' (or of competence or of right).that the courts must consider
in each case whether there has been a breach of international law
(Scelle-Cours de Droit international public, Paris, 1948, p. 84.''

This position was maintained in the Oral Proceedings.
Itis therefore clear that the Government of Guatemala considers
that there are no firm principles of law generally recognized with
regard to nationality, but that the right of Liechtenstein to deter-
mine under its own law that Mr. Nottebohm was its own national,
and the correlative obligation of Guatemala to recognize the Liech-
tenstein law in this regard-opposability-are limited not by rigid
rules of international law, but only by the rules regarding abuse of
right and fraud.

1 have mentioned that no "international conventions" are

involved and that no "international custom has been proved.
It has been conceded by Guatemala that "there is no system of
customary rules", but the link theory is supported by the view
that certain international conventions suggest the existence of a
trend. 1 must deal with this point before considering whether the
firm view of the law on which the two Parties are in complete
agreement should be rejected.
The first international convention is Article 3 (2) of the Statute,
which deals with the problem of double nationality. It has nothing
to do with diplornatic protection and is not in any sense relevant
to the problem under consideration. It is true that it accepts as a
test in the case of double nationality the place in which the person
"ordinarily exercises civil and political rights". Even if this test AFFAIRE NOTTEBOHbI (OPIN. DISS. DE MT. READ) 4O
Il n'est pas question ici de (conventions internationales » et
aucune «coutume internationale ))n'a étéprouvée. Restent «les

principes de droit généralement reconnus en matière de nationa-
lité», et c'est sur cette spécification de la portée généralede la
règle énoncée à l'article premier que le Guatemala s'est fondé
dans la procédure écrite et orale.
A cet égard, le Gouvernement du Guatemala déclare au para-
graphe 16 du contre-mémoire :

« Quant au premier point, il convient avant tout de déterminer
quel est, en l'absence de conventionsinternationales générales liant
la Principauté de Liechtenstein, le contenu de ce droit des gens à
la lumière duquel la validité internationale de sa législationdoit
êtreappréciée.
Reconnaissons qu'il n'existe à cet égard ni système de règles
coutumières, ni principes rigides s'imposant à l'observation des
Etats.
Commel'indique M.Scelle,c'est bien plutôt dans la voie del'abus
de pouvoir (ou de compétence,ou de droit) que la jurisprudence
déterminera dans chaque cas d'espèce s'ily a violation du droit
international (Scelle- Cours de Droit internationalpublic, Paris,
1948, p. 84)-"

Ce point de vue a étémaintenu au cours de la procédure orale.
Aussi, il est évident que de l'avis du Gouvernement du Guate-
mala, il n'existe pas en droit international de principes bien établis
en matière de nationalité mais que le droit du Liechtenstein de
déterminer par sa législation que M. Nottebohm était un de ses
nationaux, de même que l'obligation qui en découle pour le

Guatemala de reconnaître la législation liechtensteinoise à cet
égard - l'opposabilité - sont limités non par des règles rigides
de droit international, mais uniquement par les règles relatives
à l'abus de droit et à la fraude.

J'ai dit que l'on ne pouvait invoquer icï aucune cconvention

internationale » et qu'aucune ccoutume internationale n'avait été
prouvée n. Le Guatemala a admis qu'il c(n'existe aucun système
de règles coutumières »,mais on invoque à l'appui de la théorie
du lien que certaines conventions internationales témoignent d'un
effort dans ce sens. Je dois vider cette question avant d'examiner
s'il y a lieu de rejeter l'interprétation stricte de la loi sur laquelle
les deux Parties sont complètement d'accord.
La première convention internationale réside dans l'article 3 (2)

du Statut,-qui traite du problème de la double nationalité. Il
n'y est pas question de la protection diplomatique et il ne présente
aucun rapport avec la question qui nous occupe. Il est vrai ,que
cet article pose comme critère en cas de double nationalité 1'Etat
où l'individu (exerce habituellement ses droits civils et politiques )).can be dragged from an entirely different setting and applied to
the present case, it does not contribute much to the solution.
Mr. Nottebohm has, in the course of the last fifty years, been
linked with four States. He was a German national during thirty-
four years, but exercised neither civil nor political rights in that
country. He was ordinarily resident in Guatemala for nearly forty
years, but exercised no political rights at any time in that country
and has been prevented from exercising important civil rights for
twelve years. He was a prisoner in the United States of America
for more than two years, where he exercised neither civil nor

political rights. Since his release, he has been'accorded full civil
rights in the United States and has exercised them freely, but he
has had no political rights in that country. He has had full civil
rights in Liechtenstein for nearly sixteen years, and has exercised
full political rights for nine. Article(2)certainly does not weaken
the Liechtenstein position.

The United States of America, between the years 1868 and 1923,
concluded bilateral conventions with about eighteen countries, not
including Liechtenstein, which limited the power of protecting
naturalized perçons who returned to their countries of origin. The
same sort of restriction on the opposability of naturalization was
incorporated in a Pan-American Convention concluded at Rio de
Janeiro in 1906. Liechtenstein was precluded from participation.
Venezuela refused to sign the Convention. Bolivia, Cuba, Mexico,
Paraguay, Peru and Uruguay signed the Convention but did not

ratify it. Brazil and Guatemala have both denounced its provisions.
The fact that it was considered necessary to conclude the series
of bilateral conventions andto establish the multilateral Convention
referred to above indicates that the countries concerned were not
content to rely on the possible existence of a rule of positive
international law qualifying the right of protection. Further, even
within that part of the Western hemisphere which is South of
the 49th Parallel, the ratifications of the multilateral Convention
were not sufficiently general to indicate consensus of the countries
concerned. Taking them together, the Conventions are too few
and far between to indicate a trend or to show the generalconsensus
on the part of States which is essential to the establishment of
a rule of positive international law.

It is suggested that the link theory can be justified by the
application to this case of the principles adopted by arbitral
tribunals in dealing with cases of double nationality.
41En admettant mêmeque l'on retire ce critère de son cadre propre,
pour l'appliquer au cas présent qui est totalement différent, il
ne contribuera guère à la solution. Au cours des cinquante dernières
années, M. Nottebohm a été rattaché à quatre États différents.
Ressortissant allemand pendant trente-quatre ans, il n'a exercé
ni droits civils ni droits politiques dans son pays. Pendant près
de quarante ans, il a eu sa résidence ordinaire au Guatemala,
mais il n'y a jamais exercé de droits politiques et pendant douze
ans il a étéempêchéd'y exercer des droits ci+ importants.
Il a été interné pendant plus de deux ans aux Etats-Unis, où
il n'a exercé ni droits civils ni droits politiques. Depuis sa libé-

ration, on lui a accordé la pleine jouissance de ses droits civils
aux États-Unis, il les y a exercéslibrement mais ne possède aucun
droit politique dans ce pays. Il y a près de seize ans qu'il jouit
des pleins droits civils au Liechtenstein et depuis neuf ans il y
exerce pleinement ses droits politiques. L'article 3 (2) n'affaiblit
certes pas la position du Liechtenstein.
Entre 1868 et1928, les Etats-Unis d'Amérique ont conclu avec
environ dix-huit pays, le Liechtenstein non inclus, des conventions
bilatérales aux fins de limiter le droit de protéger les personnes
naturalisées retournant dans leur pays d'origine. Des restrictions
analogues quant à l'opposabilité de la naturalisation figurent dans
une convention panaméricaine conclue à Rio de Janeiro en 1906.
Le Liechtenstein n'a pu y prendre part. Le Venezuela a refusé
de signer la convention. La Bolivie, Cuba, le Mexique, le Paraguay,
le Pérou et l'Uruguay ont signé la convention mais ne l'ont pas
~atifiée.Elle a étédénoncéepar le Brésil et le Guatemala.
Le fait qu'on ait jugé nécessaire de conclure une série de

conventions bilatérales ainsi que la convention multilatérale
précitées, indique que les pays intéressés ne voulaient pas s'en
remettre à l'existence possible d'une règle de droit international
positif pour limiter le droit de protection. En outre, mêmedans
la partie de l'hémisphère occidentalsituéeau sud du 4gmeparallèle,
les ratifications de la convention multilatérale n'ont pas été
suffisamment généraliséespour permettre d'en déduire que les
pays intéressésétaient d'accord sur ce point. Prises dans leur
ensemble, les conventions sont trop peu nombreuses et trop
espacées pour indiquer une tendance ou l'accord général des
États, élément essentiel à l'établissement d'une règle de droit
international positif.

On a dit que la théorie du lien peut se justifier en appliquant
au cas présent les principes adoptés par les tribunaux arbitraux
pour trancher des cas de double nationalité. There have been many instances of double nationality in which
international tribunals have been compelled to decide between
conflicting claims. In such cases, it has been necessary to choose ;
and the choice has been determined by the relative strength of
the association between the individual concerned and his national
State. There have been many instances in which a State has
refused to recognize that the naturalization of one of its own
citizens has given rise to a right of diplomatic protection, or in
which it has refused to treat naturalization as exempting him
from the obligations incident to his original citizenship, such as
military service.
But the problems presented by conflicting claims to nationality
and by double nationality do not arise in this case. There can
be no doubt that Mr. Nottebohm lost his German nationality of
origin upon his naturalization in Liechtenstein in October 1939.
1 do not think that it is permissible to transfer critena designed
for cases of double nationality to an essentially different type of
relationship.

It is noteworthy that, apart from the cases of double nationality,
no instance has been cited to the Court in which a State has
successfullyrefused to recognize that nationality, lawfully conferred
and maintained, did not give rise to a right of diplomatic
protection.

There are other difficulties presented by the link theory. In
the case of Mr. Nottebohm, it relies upon a finding of fact that
there is nothing to indicate that his application for naturalization
abroad was motivated by any desire to break his ties with the
Government of Germany. 1 am unable to concur in making this
finding at the present stage in the case. He had no ties with the
Government of Germany, although there is abundant evidence
to the effect that he had links with the country, as distinct from
the Government. There are substantial difficulties which need to

be considered.
In the first place, 1 do not think that international law, apart
from abuse of right and fraud, permits the consideration of the
motives which led to naturalization as determining its effects.
In the second place, the finding depends upon the examination
of issues which arepart of the merits and which cannot be decided
when dealing with the plea in bar.
In the third place, the breaking of ties with the country of
origin is not essential to valid and opposable naturalization.
International law recognizes double nationality and the present
trend in State practice is towards double nationality, which
necessarily involves maintenance of the ties with the country of Les tribunaux internationaux ont fréquemment dû juger des
cas de double nationalité donnant lieu à des demandes contra-
dictoires. En pareils cas, il a éténécessaire de choisir ;et le choix
a été-déterminé par la force relative de l'association entre l'individu
et 1'Etat dont il était ressortissant.Il y a de nombreux exemples
d'États qui ont refusé de .reconnaître que la naturalisation d'un
de leurs citoyens conférait un droit à la protection diplomatique,
ou qui ont refuséd'admettre que cette naturalisation le dispensait
des obligationsinhérentes à sa nationalité d'origine, tel par exemple
le service militaire.

Mais les problèmes découlant de requêtes contradictoires en

matière de nationalité et de double nationalité ne se posent pas
en l'occurrence. Il ne fait pas de doute que M. Nottebohm a
perdu sa nationalité allemande d'origine du fait de sa naturali-
sation au Liechtenstein en octobre 1939. Je ne crois pas qu'il
soit permis d'appliquer à un cas où les rapports sont tout diffé-
rents des critères réservés aux cas de double nationalité.
Il y a lieu de noter qu'à part les cas de nationalité double, on n'a
cité devant la Cour aucun exemple d'un État qui aurait refusé
avec succès de reconnaître que la nationalité légalement conférée
et conservée donnait lieu au droit de protection diplomatique.

La théorie du lien soulève d'autres difficultés. Dans le cas de
M. Nottebohm, elle se fonde sur la conclusion de fait que rien
n'indique que sa demande de naturalisation àl'étranger fut motivée

par le désir derompre les liens qui le rattachaient à l'Allemagne.
Il m'est impossible de me rallier à une telle conclusion au stade
actuel de l'affaire.II n'existait aucun lien entre M. Nottebohm et
le Gouvernement de l'Allemagne, malgré l'abondance de preuves
établissant ses rapports avec le pays, en tant que distinct du
Gouvernement. Il existe des difficultés importantes qu'il faut
examiner.
En premier lieu, je ne crois pas qu'en dehors des cas d'abus de
droit et de fraude, le droit international permette d'assujettir les
effets de la naturalisation aux motifs qui l'ont inspirée.
En deuxième lieu, cette conclusion dépend de l'examen de ques-
tions de fond qui ne peuvent êtretranchées à l'occasion de l'examen
de la fin de non recevoir.
En troisième lieu, la rupture des liens avec le pays d'origine n'est
pas une condition indispensable pour que la naturalisation soit
valable et opposable. Le droit international reconnaît la nationalité
double et dans la pratique des Etats il y a actuellement tendance à

la généraliser,ce qui implique nécessairement le maintien des liensorigin. It is noteworthy that in the United Kingdom the policy
of recognizing the automatic loss of British nationality on natura-
lization abroad, which had been adopted in 1870, was abandoned
in 1948. Under the new British legislation, on naturalization
abroad, a British citizen normally maintains his ties with his
country of origin.
In the fourth place, 1 am unable to agree that there is nothing
to indicate that Mr. Nottebohm's naturalization was motivated
by a desire to break his ties with Germany. There are three facts
which prove that he was determined to break his ties with Ger-
many. The first is the fact of his application for naturalization,
the second is the taking of his oath of allegiance to Liechten-
stein, and the third is his obtaining a certificate of naturalization
and a Liechtenstein passport.

The link theory is based, in part, on the fact that Liechtenstein
waived the requirement of three years' residence. At the time of
the naturalization, Mr. Nottebohm was temporarily resident in
Liechtenstein ; but he had not established domicile, and had no
immediate intention to do so. But 1 have difficulty in regarding
lack of residence as a decisive factor in the case.

It has been conceded by Counsel for Guatemala that "the
majority of States, in one form or another, either by their law or
in their practice, allow for exceptional cases in which they exempt
the applicant for naturalization from the requirement of proof of
long-continued prior residence". This is another point on which
both Parties are in agreement, and the position has been fully
established in the case.
Counsel for Guatemala proceeded to contend that the lack of
residence, in the circumstances, might be taken into account in
determining whether there had been an abuse of right by Liech-
tenstein, but 1 have already dealt with that aspect of the case.
1 am of the opinion that the parties were right, and that, under
the rules of positive international law, Liechtenstein had the

discretionary right to dispense with the residential requirement.
That being so, 1cannot-in the absence of fraud or injury-review
the factors which may have influenced Liechtenstein inthe exercise
of a discretionary power. It is not surprising that no precedent
has been cited to the Court in which-in the absence of fraud or
injury to an adverse party-the exercise of a discretionary power,
possessed by a State under the principles of positive international
law, has been successfully questioned. If there had been such
precedent, it would certainly have been brought to the attention
of the Court. avec le pays d'origine. Il est à noter que la règle adoptée par le
Royaume-Uni en 1870, selon laquelle la naturalisation à l'étranger
entraînait automatiquement la perte de la nationalité britannique,
a étéabandonnée en 1948. En vertu de la nouvelle législation
britannique, le citoyen britannique qui obtient une naturalisation
ktrangère conserve normalement ses liens avec son pays d'origine.
En quatrième lieu, je ne suis pas d'accord pour dire que rien
n'indique que la naturalisation de M. Nottebohm fût motivée par
le désir de rompre les liens qui le rattachaient l'Allemagne. Il y a
faits qui établissent qu'il était décidé à rompre ses liens
trois
avec l'Allemagne. Le premier est sa demande de naturalisation, le
deuxième son serment d'allégeance vis-à-vis du Liechtenstein et
le troisième l'obtention d'un certificat de naturalisation et d'un
passeport du Liechtenstein.

La théorie du lien se fonde en partie sur le fait que le Liechten-
stein a renoncé à la condition exigeant une résidence de trois ans.
Au moment de sa naturalisation, M. Nottebohm séjournait tempo-
rairement au Liechtenstein mais il n'y avait pas établi de domicile
et n'avait pas l'intention immédiate de le faire. Mais en I'occur-
rence, il m'est difficile de considérer le défaut de résidencecomme
un facteur décisif.
Le conseil du Guatemala a admis que «la plupart des États,

sous une forme ou une autre, soit dans leurs lois, soit dans la pra-
tique, connaissent des cas exceptionnels dans lesquelsils dispensent
le candidat à la naturalisation de faire la preuve d'une résidence
antérieure prolongée ». C'est là un autre point sur lequel les deux
Parties sont d'accord, et cette situation a étéclairement démontrée
en la présente affaire.
Le conseil du Guatemala prétend ensuite que le défaut de rési-
dence en l'occurrence pourrait êtrepris en considérationpour déter-
miner s'il y a eu abus de droit de la part du Liechtenstein, mais
j'ai déjà examiné cet aspect de la question.
J'estime que les Parties avaient raison et qu'en vertu des règles
du droit international positif, le Liechtenstein avait le droit discré-
tionnaire d'écarter la condition de résidence. Cela étant je ne
puis - en l'absence de fraude ou de préjudice - critiquer les
facteurs qui ont pu influencer le Liechtenstein dans l'exercice de
son pouvoir discrétionnaire. Il n'est pas étonnant que l'on n'ait

cité devant la Cour aucun précédent établissant que l'on ait pu
contester avec succèsl'exercice d'un pouvoir discrétionnaireconféré
à un Etat en vertu des principes du droit international positif,
alors qu'il n'y avait eu ni fraude ni préjudice causés à la partie
adverse. S'il existait un tel précédent,il aurait certainement été
soumis à l'attention de la Cour. It is also suggested that the naturalization of Mr. Nottebohm was
lacking in genuineness, and did not give rise to a right of protection,
because of his subsequent conduct : that he did not abandon
his residence and his business activities in Guatemala, establish
a business in Liechtenstein, and take up permanent residence.
Along the same lines, it is suggested that he did not incorporate
himself in the body politic which constitutes the Liechtenstein
State.
In considering this point, it is necessary to bear in mind that
there is no rule of international law which would justify me in
taking into account subsequent conduct as relevant to the validity

and opposability of naturalization. Nevertheless 1 am unable to
avoid consideration of his conduct since October 1939.
1 have difficulty in accepting the position taken with regard to
the nature of the State and the incorporation of an individual in
the State by naturalization. To my mind the State is a concept
broad enough to include not merely the territory and itsinhabitants
but also those of its citizens who are resident abroad but linked
to it by allegiance. Most States regard non-resident citizens as
a part of the body politic. In the case of many countries such as
China, France, the United Kingdom and the Netherlands, the
non-resident citizens form an important part of the body politic
and are numbered in their hundreds of thousands or millions.
Many of these non-resident citizens have never been within the
confines of the home State. 1 can see no reason why the pattern
of the body politic of Liechtenstein should or must be different
from that of other States.

In my opinion Mr. Nottebohm incorporated himself in the non-
resident part of the body politic of Liechtenstein. From the instant
of his naturalization to the date of the Judgment of this Court,
he has not departed in his conduct from the position of a member
of the Liechtenstein State. He began by obtaining a passport
in October 1939 and a visa from the Consulate of Guatemala. On
his arriva1 in Guatemalain January 1940, he immediately informed
the Guatemalan Govemment and had himself registered as a
citizen of Liechtenstein. Upon his arrest in October 1943,he obtain-
ed the diplomatic protection of Liechtenstein through the medium
of the Swiss Consul. On the commencement of the confiscation of
his properties, he obtained diplomatic protection from the same
source and channel. After his release from internment he was
accorded full civil rights by the Government of thé United States
of America and instituted and successfully maintained proceedings

and negotiations in Washington with a view to obtaining the
44 Il est dit également que la naturalisation de M. Nottebohm
manquait de sincéritéet que, du fait de sa conduite ultérieure, elle
ne donnait pas lieu au droit de protection. Il est dit qu'il n'a
pas renoncé à sa'résidence et à ses activités au Guatemala, fondé
une entreprise au Liechtenstein et établilà son domicile permanent.
Dans le mêmeordre d'idées, il est dit qu'il ne s'est nuJlement
intégré dans la communauté politique que constitue I'Etat de
Liechtenstein.
Dans l'examen de ce point, il nefaut pas'perdre de vue qu'aucune
règle de droit internationalne m'autorise à considérer la conduite

ultérieure d'un individu comme élémentpertinent à la validité et
à l'opposabilité de la naturalisation. Néanmoins, je ne puis éviter
d'examiner sa conduite depuis octobre 1939. Il m'est difficile
d'accepter le point de vue qui a étéadopté en ce qui concerne la
nature de l'État, et l'incorporation d'un individy dans 1'Etat par
voie de naturalisation. A mon avis, la notion d'Etat est suffisam-
ment large pour englober non seulement le territoire et ses habi-
tants, mais encore ceux de ses citoyens qui résident à l'étranger,
mais qui lui restent rattachés par le lien d'allégeance. Pour la
plupart des États, les citoyens qui ne résident pas dans le pays
sont néanmoinsconsidéréscomme faisant partie du corps politique.
Dans beaucoup de pays, tels la Chine, la France, le Royaume-Uni
et les Pays-Bas, les citoyens non-résidents forment une partie
importante du corps politique et se comptent par centaines de
milliers ou par millions. Beaucoup de ces citoyens non-résidents
ne se sont jamais trouvés sur le territoire de leur patrie. Je ne
vois aucune raison pour laquelle l'organisation du corps politique
du Liechtenstein serait ou devrait être différente de celle des
autres Etats.

A mon avis, M. Nottebohm s'est intégré dans la partie non rési-
dente du corps politique du Liechtenstein. Depuis le moment de
sa naturalisation jusqu'à la date de l'arrêtrendu par la présente
Cour, il ne s'est jamais départi dans sa conduite de sa qualité de
membre de l'État liechtensteinois. En octobre 1939, il commença
par se procurer un passeport qui fut revêtu du visa de consulat
de Guatemala. En arrivant au Guatemala, en janvier 1940, il en
informa immédiatement le Gouvernement guatémaltèque et se
fit immatriculer comme ressortissant liechtensteinois. Après son
arrestation en octobre 1943, il obtint la protection diplomatique
du Liechtenstein par l'intermédiaire du consul suisse. Au moment
où on commença à confisquer ses biens, il obtint la protection
diplomatique de la mêmesource-et par les mêmes voies.Après sa
libération, le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique lui accorda
les pleins droits civils et il entama à Washington des procédures
et négociations en vue d'obtenir la libération de ses avoirs bloqués release of assets which had been blocked, upon the ground that he
was a national of Liechtenstein. During the last nine years he has
been an active and resident member of the body politic of that
State.
As regards residence and business, there is no rule of inter-
national law requiring a naturalized person to undertake business
activities and to reside in the country of his allegiance. However,
considering the question of subsequent conduct, 1 am unable to
disregard what really did happen.
To begin with, Mr. Nottebohm was 58 years of age at the time
-or within two years of the normal retirement age in the type of
business activity in which he was engaged. The evidence shows
that he was actually contemplating retirement. In October 1939
he was largely occupied with plans to Save the business, but 1

find it hard to believe that he was not also thinking in terms of
retirement and that Vaduz was in his mind. Out of the 154 years
which have elapsed since naturalization, Mr. Nottebohm has
spent less than four in Guatemala, more than two in the United
States, andnine years in Vaduz.
It is true that, in the applications which were made in 1945on
his behalf with a view to his retum to Guatemala, it was stated
that he intended to resume his domicile in that country. But 1
am unable to overlook the fact that his retum was absolutely
essential in order to conduct the 57 law suits to which 1 have
referred above and to clear his own good name from the charges
.of disloyalty which had been made against him. 1 do not think
that too much weight can be given to the statements made by
his kinsfolk in Guatemala with a view to obtaining the right of
re-admission to that country.
The essential fact is that when, i1946, he was released in mid-
winter in North Dakota, deprived of al1 that he possessed in
Guatemala and with al1of his assets in the United States blocked,
he went back to the country of his allegiance. In my opinion, the
fact of his retum to Liechtenstein and of his admission to Liech-
tenstein is convincing evidence of the real and effective character
of his link with Liechtenstein. It was an unequivocal assertion
by him through his conduct of the fact of his Liechtensteinnation-
ality, and an unequivocal recognition of that fact by Liechtenstein.

Further, 1 have difficulty in acceptingtwo closely related findings
of fact.The first is that the naturalization did not alter the manner
of life of Mr. Nottebohm. In my opinion, a naturalization which
led ultimately to his permanent residence in the country of his
allegiance altered the manner of life of archant who had hitherto
been residing in and conductinghis business activities in Guatemala. et les poursuivit avec succèsen se fondant sur sa qualitéde ressor-
tissant du Liechtenstein. Depuis les neuf dernières années, il est
membre résidant et actif du corps politique de ce dernier Etat.

En ce qui concerne sa résidenceet ses affaires, aucune règle de
droit internationaln'exige qu'une personne naturalisée établisse
sa résidence et son centre d'activité dans son pays d'allégeance.
Toutefois, examinant la question de conduite ultérieure, je ne puis
négliger ce qui s'est réellement produit.
Tout d'abord, M. Nottebohm avait à l'époque 58 ans - c'est-à-
qu'il était à deux années de la retraite habituelle dans le
dire
genre d'activité qui était la sienne. Les témoignages qui ont été
fournis prouvent qu'il envisageait réellement de prendre sa retraite.
En octobre 1939 l était certainement très absorbépar des projets
conçus dans le but de sauver ses entreprises, mais il m'est difficile
de croire qu'il ne songeait nullement à sa retraite et qu'il ne pensait
pas à Vaduz. Des quinze ans et demi qui se sont écoulés depuis sa
naturalisation, M. Nottebohm-en a passé moins de quatre au
Guatemala, plus de deux aux Etats-Unis et neuf à Vaduz.
Il est vrai que les demandes faites en son nom, en 1945, dans
le but de le faire rentrer au Guatemala, déclaraient qu'il avait
l'intention de reprendre sa résidencedans ce pays. Mais je ne puis
négligerle fait que son retour était absolument indispensable pour
lui permettre de diriger le57 procès dont j'ai parléprécédemment
et pour laver son bon renom des accusations de déloyauté qui
avaient étéportées contre lui. Je ne crois pas qu'il faille accorder
trop d'importance aux déclarations faites par ses parents au
Guatemala en vue d'obtenir sa réadmission dans ce pays.

L'essentiel est qu'en1946 ,près avoir étélibéré, enplein hiver,
dans 1'Etat de Dakota dur Nord, dépouilléde tous ses biens au
Guatemala, ses avoirs aux Etats-Unis bloqués,il retourna dans son
pays d'allégeànce. A mon avis, son retour et son admission au
Liechtenstein constituent des preuves convaincantes de la réalité
et de I'effectivitédu lien qui le rattachait au Liechtenstein. Sa
conduite était une affirmation sans équivoque de sa nationalité

liechtensteinoise,nationalité reconnue sans équivoque par le
Liechtenstein.

En outre, il m'est difficile d'admettre deux des conclusions de
fait qui se trouvent intimement liées.La première est que la natu-
ralisation n'a rien changé au genre de vie de M. Nottebohm. A
mon avis, cette naturalisation, qui l'finalement amené à établir
sa résidence définitive dans son pays d'allégeance, a modifié le
genre de vie de ce négociant qui jusque-là résidait et dirigeait ses
affaires au Guatemala. The second finding is that the naturalization was conferred in
exceptional circumstances of speed and accommodation. There are
many countries, beside Liechtenstein, in which expedition and
good will are regarded as administrative virtues. 1 do not think
that these qualities impair the effectiveness or genuineness of their
administrative acts.

The link theory has been based on the view that the essential
character of naturalization and the relation between a State

and its national justify the conclusion that the naturalization of
Mr. Nottebohm, though valid, was unreal and incapable of giving
rise to the right of diplomatic protection. 1 have difficulty in adopt-
ing this view and it becomes necessary to consider the nature of
naturalization and diplomatic protection and the juridical character
of the relationships which arose between Guatemala and Liech-
tenstein on Mr. Nottebohm's return in 1940.
Nationality, and the relation between a citizen and the State
to which he owes allegiance, are of such a character that they
demand certainty. When one considers the occasions for invoking
the relationship-emigration and immigration ; travel ; treason ;
exercise of political rights and functions ; military service and the
like-it becomes evident that certainty is essential. There must
be objective tests, readily established, for the existence and recog-
nition of the status. That is why the practice of States has stead-
fastly rejected vague and subjective tests for the right to confer

nationality-sincerity, fidelity, durability, lack of substantial
connection-and has clung to the rule of the almost unfettered
discretionary power of the State, as embodied in Article I of The
Hague Draft Convention of 1931.

Nationality and diplomatic protection are closely inter-related.
The general rule of international law is that nationality gives
rise to a right of diplomatic protection.
FundamentaUy the obligation of a State to accord reasonable
treatment to resident aliens and the correlative right of protection
are based on the consent of the States concerned. When an alien
comes to the frontier, seeking admission, either as a settler or
on a visit, the State has an unfettered right to refuse admission.
That does not mean that it can deny the alien's national status
or refuse to recognize it. But by refusing admission, the State

prevents the establishment of legal relationships involving rights
and obligations, as regards the alien, between the two countries.
On the other hand, by admitting the alien, the State, by its
voluntary act, brings into being a series of legal relationships
with the State of which he is a national.
46 La deuxième conclusion est que la naturalisation a étéconférée
dans des conditions exceptionnelles de rapidité et de bienveillance.
Il y a bien des pays, autres que le Liechtenstein, où la rapidité
et la bienveillance sont considéréescomme deux vertus adminis-
tratives. Je ne considère pas que ces qualités altèrent l'efficacité
ou la sincéritéde leurs actes administratifs.

La théorie du lien a étéfondée sur la croyance que la nature
mêmede la naturalisation et du lien entre l'État et son ressortis-
sant permet de conclure que la naturalisation de M. dottebohm,
bien que valable, n'était pas réelle,et qu'elle ne pouvait justifier
le droit de protection diplomatique. Il m'est difficile d'adopter ce
point de vue et il est, dès lors, nécessaired'examiner la nature de
la naturalisation, de la protection diplomatique et le caractère
juridique des liens qui se sont créésentre le Guatemala et le Liech-
tenstein en 1940, lors du retour de M. Nottebohm.
La nationalité et le lien qui rattache un citoyen à l'État auquel

il doit allégeance sont de nature telle qu'ils exigent la certitude.
Lorsqu'on examine les circonstances dans lesquelles on invoque
ce lien - émigration et immigration, voyage, trahison, exercice
des droits et devoirs politiques, service militaire, etc. -, il
devient évident que la certitude est indispensable. Il doit exister
des critères objectifs, faciles à établir, quant à l'existence et à la
reconnaissance de ce statut. C'est pourquoi, dans la pratique des
États, on a toujours rejeté les critères vagues et subjectifs en ce
qui concerne le droit de conférerla nationalité - sincérité,fidélité,
constance, manque de lien réel - pour adhérer à la règle du
pouvoir discrétionnaire presque illimité de l'Etat, telle qu'elle est
contenue à l'article premier du projet de convention de La Haye
de 1931.
Il existe une relation étroite entre la nationalité et la protection
diplomatique. En droit international, il est généralement de règle
que la nationalité donne lieu au droit de protection diplomatique.
Fondamentalement, l'obligation pour un État d'accorder un
traitement raisonnable aux résidents étrangers et le droit corrélatif
de protection sont fondéssur le consentement des Etats en cause.
Lorsqu'un étranger arrive à la frontière et demande à êtreadmis
soit pour s'y établir, soit temporairement, lJEtat a toute latitude
de lui refuser l'entrée. Cela ne signifie pas qu'il peut nier le statut

national de l'étran er, ni refuser de le reconnaître. Mais en refusant
de l'admettre, 1f tat empêche la création de liens juridiques
entraînant, en ce qui concerne cet étranger, des droits et obligatjons
entre les deux pays. En revanche, en admettant l'étranger, 1'Etat
crée, desa propre volonté, une série de liens juridiques avec 1'Etat
dont cet étranger est ressortissant.
46 As a result of the admission of an alien, whether as a permanent
settler or as a visitor, a whole series of legal relationships come
into being. There are two States concerned, to which 1 shall refer
as the receiving State and the protecting State. The receiving
State becomes subject to a series of legal duties vis-à-vis the
protecting State, particularly the duty of reasonable and fair
treatment. It acquires rights vis-à-vis the protecting State and
the individual, particularly the rights incident to local allegiance
and the right of deportation to the protecting State. At the same
time the protecting State acquires correlative rights and obliga-
tions vis-à-vis the receiving State, particularly a diminution of
its rights as against the individual resulting from the local alle-
giance, the right to assert diplomatic protection and the ~bligation
to receive the individual on deportation. This network of rights

and obligations is fundamentally conventional in its origin-it
begins with a voluntary act of the protecting State in permitting
the individual to take up residence in the other country, and
the voluntary act of admission by the receiving State. The scope
and content of the rights are, however, largely defined by positive
international law. Nevertheless, the receiving State has control
at al1 stages because it can bring the situation to an end by
deportation.
The position is illustrated by what actually happened in the
present case. Mr. Nottebohm went to Guatemala 50 years ago as a
German national and as a permanent settler. Upon his admission
as an immigrant, the whole series of legal relationships came into
being between Guatemala and Germany. Guatemala was under a
legal obligation vis-à-vis Germany to accord reasonable and fair
treatment. Guatemala had the right to deport Mr. Nottebohm to
Germany and to no other place. Germany had the right of diplo-

matic protection and was under the legal obligation to receive him
on deportation.

As a result of the naturalization in October 1939, the whole
network of legal relationships between Guatemala and Germany
as regards Mr. Nottebohm came to an end.
Mr. Nottebohm retumed to Guatemala in January 1940, hawig
brought about a fundamental change in his legal relationships in
that country. He no longer had thestatus of a permanently settled
alien of German nationality. He was entering with a Liechtenstein
passport and with Liechtenstein protection.
The first step taken by him was the obtaining of a visa from the
Guatemalan Consul before departure. On arriva1 in Guatemala he
immediately brought his new national status to the attention of
the Guatemalan Government on the highest level. His registration

under the Aliens' Act as a German national was cancelled and he
was registe, ,d as a Liechtenstein national. From the end of January
1940 he was treated as such in Guatemala. AFFAIRE NOTTESOHM (OPIN. DISS. DE Mr. READ)
47
L'admission d'un étranger, que ce soit à titre d'immigrant ou
comme, visiteur, donne naissance à une série de liens juridiques.
Deux Etats son! en cause, que je qualifierairespectivement d'État
d'accueil et d'Etat protecteur. L'Etat-d'accueil est soumis à une
'séried'obligations légalesvis-à-vis de'Etat protecteur, notamment
le devoir d'accorder un traitement raisonnable et équitable. Il
acquiert des droits vis-à-vis de 1'Etat protecteur et de l'individu,
notamment les droits inhérents à l'allégeancedu lieu et le droif de

renvoyer l'étranger dans l'État protecteur. Parallèlement, 1'Etat
protecteur acquiert les droits et obligations correspondants vis-à-
vis de l'État d'accueil, notamment une limitation de ses droits
vis-à-vis de l'individu par suite de l'allégeance du lieu, le droit
d'accorder sa protection diplomatique et l'obligation de reprendre
son ressortissant en cas d'expulsion. Ce réseau de droits et obli-
gations est d'origine essentiellement conventionnelle - il débute
par l'acte volontaire cle 1'Etat protecteur consistant à permettre
à son ressortissant de s'établir dans un autre pays et l'acte volon-
taire de l'État d'accueil consistant admettre l'étranger. La portée
et la nature des droits sont cependant déterminées, dans une large
mesure, par le droit international positif. Néanmoins, 1'Etat
d'accueil reste maître en tous temps, étant donné qu'ilpeut mettre
fin à la situation par l'expulsion.

Cet étatde choses est illustrépar ce qui s'est effectivement produit
dans le cas présent. M. Nottebohm, ressortissant allemand, s'est
rendu au Guatemala il y a cinquante ans pour s'y établir définitive-
ment. A la suite de son admission comme immigrant, toute la série
des liens juridiques prit naissance entre le Guatemala et l'Allemagne.
En droit, le Guatemala assumait vis-à-vis de l'Allemagne l'obliga-
tion d'accorder un traitement raisonnable et équitable. Le Guate-
mala avait le droit de renvoyer M. Nottebohm en Allemagne, mais
non de l'expédier ailleurs. L'Allemagne avait le droit de lui accorder
la protection diplomatique et était tenue en droit de l'accueillir en
cas d'expulsion.
La naturalisation d'octobre 1939 mit fin à la sériede liens juri-
diques entre le Guatemala et l'Allemagne en ce qui .concernait
M. Nottebohm.

M. Nottebohm retourna au Guatemala en janvier 1940, après
avoir modifiéprofondément ses liens juridiques dans ce pays. Son
statut n'était plus celui d'un étranger de nationalité allemande,
résidant d'une manière permanente. Ilentrait avec un passeport du
Liechtenstein et sous la protection de ce pays.
Avant son départ, la première chose qu'il fit, c'est de se procurer
le visa du consul guatémaltèque. En arrivant au Guatemala, il fit
immédiatement connaître son nouveau statut national aux plus
hautes autorités du Gouvernement guatémaltèque. Son immatricu-
lation comme ressortissant allemand, conformémept à la loi sur
les étrangers, fut annulée et il futinscrit.comme ressortissant du
Liechtenstein. Dès la fin janvier 1940, il fut traité comme tel au
Guatemala.

47 In my opinion, as a result of Mr. Nottebohm's admission to
Guatemala and establishment under the Guatemalan law as a
resident of Liechtenstein nationality, a series of legal relationships
arose between Guatemala and Liechtenstein, the nature of which
has been sufficiently indicatedbove. From that time on Guatemala
had the right to deport Mr. Nottebohm to Liechtenstein, and
Liechtenstein was under the correlative obligation to receive him
on deportation. Liechtenstein was entitled as of right to furnish
diplomatic protection to Mr. Nottebohm in Guatemala, and when
that right was exerciced in October 1943, it was not questioned
by Guatemala.
1 am unable to concur in the view that the acceptance of
Mr. Nottebohm by the Guatemalan authorities as a settler of
Liechtenstein nationality did not bring into being a relationship
between the two Governments. 1 do not think that the position

of Guatemala is in any way different from that of other States and
1 do not think that it was possible for Guatemala to prevent the
coming into being of the same kind of legal relationships which
would have taken place if Mr. Nottebohm had landed as a settler
in any other country.
When a series of legal relationships, rightsand duties exists
between two States, it is not open to one of the States to bring
the situation to an end by its unilateral action. In my opinionuch
relationships came into being between Guatemala and Liechten-
stein when the former State accepted Mr. Nottebohm in 1940. It
was open to Guatemala to terminate the position by deportation
but not to extinguish the right of Liechtensteinnder international
law to protect its own national withom the consent of that country.

There is one more aspect of this question to which 1 must refer.

It is suggested that Mr. Nottebohm obtained his naturalization
with the sole motive of avoiding the legal consequences of his
nationality of origin. He was a German and Germany was at war,
but not with Guatemala. There can be little doubt that this was
one of his motives, but whether it was his sole motive is a matter
of speculation.
There is apparently abundant evidence on this aspect of the
case to which 1 have not had access ; evidence which would prove
or disprove the contention that the naturalization was part of a
fraudulent scheme. But it is not permissible for me to look at
that evidence in dealing with a plea in bar. 1 must proceed at
this stage on the assumption that the naturalization was obtained
in good faith and without fraud.
It has been complained that the purpose of the naturalization
was to avoid the operation of war-time measures in the event that
Guatemala ultimately became involved in war with Germany. In

48 A mon avis, l'admission de M. Nottebohm au Guatemala et son
établissement, conforméi-rient à la législation guatémaltèque, en
qualité de résident de nationalité liechtensteinoise, donnèrent nais-
sance entre le Guatemala et le Liechtenstein à une série de liens
juridiques qui ont été amplement décrits précédemment. Dès ce
moment, le Guatemala avait le droit de renvoyer M. Nottebohm au
Liechtenstein et, corrélativement, le Liechtenstein avait l'obligation
de le recevoir en cas d'expulsion. Le Liechtenstein avait, en droit,
la faculté d'accorder la protection diplomatique à M. Nottebohm
au Guatemala, et lorsque ce droit fut exercé en octobre 1943,
aucune objection ne fut soulevée par le Guatemala.
Je ne puis me rallier l'opinion selon laquelle le fait que les auto-
rités guatémaltèquesont admis M. Nottebohm comme immigrant de
nationalité liechtensteinoise, n'aurait crééaucun lien entre les deux

Gouvernements. Je ne crois pasqye la position du Guatemala se
différencieen rien de celle d'autres Etats et, selon moi, le Guatemala
ne pouvait empêcher la formation de liens juridiques de même
nature que ceux qui se seraient crééssiM. Nottebohm avait débar-
quécomme immigrant dans n'importe quel autre pays.

Lorsqu'il existe entre deux États une série de Jiens, droits et
devoirs juridiques, il n'est pas loisible'un de ces Etats de mettre
fin àcet état de choses par un acte unilatéral. A mon avis, pareils
liens ont étécréésentre le Guatemala et le Liechtenstein par l'ad-
mission de M. Nottebohm, dans le premier de ces pays, en 1940. Le
Guatemala aurait pu y mettre fin par l'expulsion, mais il n'aurait
pu, sans le consentement du Liechtenstein, abolir le droit de ce pays,
conforme au droit international, de protéger son ressortissant.

Il est encore un autre aspect de la question auquel je dois me
référer.11est dit que M. Nottebohm avait sollicitéla naturalisation
dans le seul but d'éviter les conséquences légalesde sa nationalité
d'origine. Il était Allemand et l'Allemagne était en guerre, mais non
avec le Guatemala. Il n'y a guère de doute que cela ait étéun de ses
motifs, mais la question de savoir si c'était son seul motif relève de
la spéculation pure.
Il existe apparemment des preuves abondantes sur cet aspect de
l'affaire, mais elles ne m'ont pas étécommuniquées ; des preuves
pour établir ou pour réfuter l'allégation que la naturalisation faisait
partie d'une opération frauduleuse. Mais, dans l'examen d'une fin
de non recevoir, il ne m'est pas permis de consulter ces preuves.
A ce stade-ci, je dois partir de l'hypothèse que la naturalisation a
étéobtenue de bonne foi et sans fraude.
On s'est plaint de ce que la naturalisation avait pour but d'éviter
l'application de mesures de guerre dans le cas où le Guatemala
serait entré en guerre avec l'Allemagne. En octobre1939, si M. Not-

48October 1939, if Mr. Nottebohm read the newspapers-which is
highly probable-he knew that Guatemala, in concert with the
other Pan-American States, was making every effort to maintain
neutrality. It is far more likely that, remembering the experience
of Nottebohm Hermanos during the first World War, he was
seeking to protect his assets in the United States. The suggestion
that he foresaw Guatemalan belligerency is not supported by any
evidence and 1 cannot accept it.

Further, even if his main purpose had been to protect his
property and business in the event of Guatemalan belligerency,
1 do not think that it affected the validity or opposability of the
naturalization. There was no rule of international law and no
rule in the laws of Guatemala at the time forbidding such a course
of action. Mr. Nottebohm did not conceal the naturalization and
informed the Government of Guatemala on the highest level on
his return to the country.
1 do not think that 1 am justified in taking Mr. Nottebohm's
motives into consideration-in the absence of fraud or injury to
Guatemala-but even if this particular motive is considered, it
cannot be regarded as preventing the existence of the right of
diplomatic protection.

In view of the foregoing circumstances it is necessary for me
to reach the conclusion that the two Parties before the Court
were right in adopting the position that the right of Liechtenstein
to determine under its own law that Mr, Nottebohm was its own
national, and the correlative obligation of Guatemala to recognize
the Liechtenstein law in this regard are limited not by rigid rules
of international law, but only by the rules regarding abuse of
right and fraud.
Accordingly 1 am of the opinion that the Court should reject
the Guatemalan Final Conclusions 2 (a) and 2 (b), join the Con-
clusion 2 (c) to the merits, and proceed to an examination of
the other pleas in bar contained in the Guatemalan Final Conclu--
sions I and 3.

(Signed) J. E. READ. AFFAIRE NOTTEBOHM (OPIN. DISS. DE Mr. READ) 49

tebohm lisait les journaux - ce qui est très probable -, il savait
.que le Guatemala, de concert avec les autres Etats panaméricains,
s'efforçait par tous les moyens de conserver sa neutralité. II est
bien plus vraisemblable que, se souvenant de l'expérience de
Nottebohm Hermanos au cours de la première guerre mondiale, il
s'est efforcéde protéger ses avoirs aux Etats-Unis. L'hypothèse
selon laquelle il aurait prévu l'entréeen guerre du Guatemala n'est
étayéed'aucune preuve, et je ne puis l'accepter.
En outre, mêmesi son désir principal avait étéde protéger ses
biens et ses entreprises en prévision de l'entréeen guerre du Guate-

mala, je ne crois pas que ce fait aurait pu affecter la validité ou
l'opposabilité de la naturalisation. Il n'existait, à l'époque, aucune
règle ni en droit international ni dans la législation guatémaltèque
lui interdisant une telle action. M. Nottebohm n'a pas caché sa
naturalisation, et dès son retour au Guatemala il en a informé les
plus hautes autorités gouvernementales.
Je ne me crois pas fondé à examiner les motifs qui ont inspiré
M. Nottebohm - en l'absence de fraude ou de préjudice à l'égard
du Guatemala -, mais mêmesi l'on envisage ce motif particulier,
on ne saurait prétendre qu'il empêche l'exercicedu droit de protec-
tion diplomatique.

En raison des circonstances précitées, je suis forcé de conclure

que les deux Parties devant la Cour ont considéréavec raison que
le droit du Liechtenstein de déterminer qu'en vertu de sa propre
législation M. Nottebohm était un de ses nationaux, ainsi que
l'obligation qui en découle pour le Guatemala de reconnaître la
législation liechtensteinoiseà cet égard, sont limités non par des
règles rigides de droit international, mais uniquement par les
règles relativesà l'abus du droit et à la fraude.
En conséquence, je suis d'avis que la Cour devrait rejeter les
conclusions finales 2 a) et z b) du Guatemala, joindre au fond
la conclusion 2 c) et procéderà l'examen des autres fins de non rece-
voir figurant dans les conclusions finalesI et 3 du Guatemala.

(Signé ). E. READ.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Read (traduction)

Links