Opinion dissidente de M. Levi Carneiro

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016-19520722-JUD-01-05-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

I. La première question à considérer par la Cour devrait être,
logiquement, la demande de jonction de l'exception au fond, pré-
sentée avec insistance par le conseil britannique.
La Cour ne l'a pas accordée - et j'étais de son avis. Mais,
comme je l'ai déjà signalé dans le cas de M. Ambatielos (Grèce c.
Royaume-Uni), j'estime nécessaire, pour décider de la juridiction
de la Cour dans le cas actuel, d'examiner certaines questions ou
certains faits qui peuvent concerner le fond et qui ne sont pas

controversés.
L'appréciation sommaire de ces questions - sans les approfondir
et sans les préjuger - devient quelquefois nécessaire pour décider
la question préliminaire.
Dans le présent cas, cette nécessitéest plus vivement imposéepar
la nature des questions déjà soulevées, notamment la pluralité des
« moyens d'incompétence ».Je parlerai, plus avant, de l'invocation
des cprincipes généiaux de droit international commun ))et de
l'ampleur de cette question qui doit êtreappréciéemaintenant et

qui se lie au fond de l'affaire.

A l'occasion du jugement de l'exception d'incompétence dans le
cas de la Haute-Silésie polonaise, la Cour permanente a déclaré
qu'elle abordait l'examen de certaines questions

«quand mêmecet examen devrait l'amener à effleurer des sujets
appartenant au fond de l'affaire, étant bien entendu, toutefois,
que rien de ce qu'elle dit dans le présent arrêtne saurait limiter
sa complèteliberté d'appréciation,lors des débats sur le fond, des
arguments éventuellement apportés de part et d'autre sur ces
mêmessujets ».
Personne ne pourrait fixer, mieux que ne l'a fait,dans la présente
affaire, le conseil du Gouvernement de l'Iran, les règles pour l'exer-
cice de cette faculté. Il a très bien dit:« La Cour peut retenir, pour
l'examen de l'exception préliminaire, les éléments de fond indispen-

sables » ; cet examen ccportera sans doute de préférence sur des
éléments incontestés du fond »; « leur discrimination est une ques-
tion de mesure et de prudence et de bonne administration de la
jiistice, sans qu'il soit possible d'établir entre les exceptions prélimi-
naires et le fond ))une (<cloison étanche )).(Plaidoiries, Distr. 521
131 bisp ,. 13.)

Dans la présente affaire, les Parties ont étéobligées,par l'enche-
vêtrement des questions, de développer des considérations que

l'on pourrait théoriquement juger étrangères à la matière de
62152 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

I'exception d'incompétence. Le jugement de l'exception ne pourra
pas êtrefait autrement.
2. Une autre observation préliminaire s'impose. On a insisté,

pour exclure l'intervention de la Cour, sur le caractère strictement
privé du litige actuel : il s'agit d'un contrat-concession entre le
Gouvernement de l'Iran et une sociétébritannique.

La véritéest plutôt que ce contrat - que le Gouvernement
britannique a voulu mêmedans son mémoire considérer comme
s'il était une espèce de traité international - est du plus grand
intérêtau point de vue international ; on peut dire qu'il a une portée
internationale.

J'accepte l'observation du Gouvernement iranien que ce contrat-
concession n'a pas étéfait ni approuvé en 1933 par la Société des
Nations ou par son Conseil. Cependant, il est vrai que le différend
entre le Gouvernement iranien et le Gouvernement britannique,
résultant de la révocation du contrat-concession ci-dessus, a été
porté à la connaissance de la Sociétédes Nations, et celle-ci a mani-
festél'intérêtqu'elle portait à la préparation du contrat actuel.

On peut aussi admettre que, suivant les déclarations de membres.
du Gouvernement britannique au Parlement, portées à la connais-

sance de la Cour par les ((Observations préliminaires » iraniennes
(pp. 33-34), à ce même gouvernement appartient la majorité des
actions de 1'Anglo-Iranian Oil Company, et ce fait était connu
du Gouvernement iranien.
D'un autre côté, on sait bien que, maintenant plus que jamais,
toutes les affaires d'exploitation du pétrole ont une certaine réper-
cussion internationale - encore plus profonde quand il s'agit d'une
nation dont la situation géographique est celle de l'Iran.

Dans le contrat-concession de 1933, à l'article22, on a établi

que si les arbitres indiqués par les parties ne se mettaient pas,
d'accord, le troisième arbitre serait nommé par le Président ou
le Vice-Président de la Cour permanente. Les deux gouvernements.
- britannique et iranien - ont communiqué au Greffier de la
Cour cette disposition. (Plaidoiries, p. 103.)
Finalement, le Gouvernement iranien a insisté, dans ses déclara-
tions, sur la signification du contrat de 1933 comme expression
de la domination politique du Royaume-Uni sur l'Iran et il a
qualifié de « mouvement de libération nationale ))le mouvement

de nationalisation de l'exploitation du pétrole - c'est-à-dire la
révocation de ce mêmecontrat. Je montrerai plus loin que les
actes de nationalisation comportent 1réquemment un grand
intérêtinternational.
Devant toutes ces circonstances, je ne crois pas que l'on.puisse
considérer le contrat-concession de 1933 comme une simple

63I.53 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

convention privée, et sa révocation comme une affaire d'intérêt
particulier exclusif.
Il est vrai que l'article 36, paragraphe 2, alinéa a), du Statut
ne se réfèrequ'à « l'interprétation d'un traité », alors qu'il devrait

mentionner l'interprétation de tout engagement international »-
ce qui serait plus conforme à la portée de l'alinéab) : « tout point
de droit international 1)Cette expression est d'autant plus justifiée
si l'on considère que l'alinéa c) du mêmearticle 36, paragraphe 2,
mentionne (la réalité detout fait qui, s'il était établi, constituerait
la violation d'un engagement international »,et l'alinéa d) : cla
nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un enga-

gement international ». Si la Cour peut connaître de ces conséquen-
ces d'un engagement international, comment justifier que sa juridic-
tion ne puisse pas êtreétendue à l'interprétation de tous engage-
ments internationaux et soit toujours restreinte à l'interprétation
des traités ?

Et si la Cour a pour objet la solution juridique des différends

internationaux, comment exclure son intervention dans un cas qui
menace la paix internationale, seulement parce qu'il ne s'agit pas
de l'interprétation d'un traité interétatique ?
La déclaration iranienne, reconnaissant commeobligatoire la juri-
diction de la Cour pour les différends (au sujet de situations ou de
faits ayant directement ou indirectement trait à l'application des
traités ou conventions acceptés par la Perse », on pourrait consi-

dérercomme acceptée cette juridiction dans des cas déterminés,vis-
à-vis de toutes les ((conventions »,dès qu'ellesont une portéeinter-
nationale -- mêmesi elles ne sont pas signéespar les représentants
de deux gouvernements. Le contrat de llAnglo-Iranian pourrait être
considéré comme une ((convention » de portée internationale -
sinon internationale en elle-même - et le différendsurgi tomberait
sous la compétence de la Cour.

Toutefois, cette interprétation de la déclaration de l'Iran pourrait
lui faire dépasser la portée de la juridiction de la Cour, limitée par
l'article 36, paragraphe 2 ; elle serait étendue à l'interprétation de
tout ((engagement international »,ce qui me parait désirable mais
n'est pas encore établi. L'acte-concession de 1933n'étant pas un
traité, il résulte que le différendsur son application ne justifie pas la
compétence de la Cour. Quand même,je crois intéressant de signaler
ce point, parce que j'espère que la compétence de la Cour évoluera

dans le sens indiqué, par la jurisprudence ou par la loi. Dèsmainte-
nant, ces considérations devraient influencer la détermination de la
jurisprudence de la Cour.

3. Après, avoir reconnu que la juridiction de la Cour résulte du
consentement desÉtats, on devrait nécessairement vérifiercomment

64 l'Iran avait accepté cette juridiction. On a apprécié longuementla
portée de la déclaration du Gouvernement persan, du 2 octobre
1930, ratifiée le 19 septembre 1932.
Du côté iranien, on prétend que les mots ((et postérieurs à la
ratification de cette déclaration» se rapportent à (traités ou conven-
tions ».Alors, sous la juridiction de la Cour tomberaient seulement
les différends soulevésau sujet de situations ou de faits ayant trait
àl'application detraités postérieurs à la date du 19septembre 1932.

Du côtébritannique, on soutient que les mêmesmots « et posté-
rieurs à la ratification » se rapportent à (situations ou faits ».

Suivant cette interprétation, la Cour aurait juridiction dans tous
les différends postérieurs à la ratification de la déclaration au sujet
de situations ou de faits, qui seraient aussi postérieurs à cette
ratification, sur l'application des traités acceptés par la Perse,
quelle que soit leur date.
Mêmedu point de vue grammatical, on a justifié l'une et l'autre
de ces deux interprétations antagonistes. Sans doute, plus que les
éléments del'interprétation grammaticale, doivent prévaloir, dans
le cas actuel, les considérations d'ordre historique et politique.
D'autant plus qu'il s'agit d'un document qui, peut-être, a été
rédigépar une personne qui ne connaissait pas parfaitement les

nuances de la langue française. Mais il est certain que, mêmeau
point de vue historique et politique, on a présentéplusieurs argu-
ments à l'appui de l'une et de l'autre interprétation.
Au point de vue du droit international, le Gouvernement ira-
nien a observé que les limitations mentionnées dans la déclara-
tion ne doivent pas êtreappréciéesrestrictivement parce qu'elles
empiètent sur le domaine de la souveraineté nationale.
On aurait pu y opposer une autre considération, que je
considère plus pertinente : c'est que les restrictions aux termes
de l'article 36 du Statut ne sont pas autorisées - et sont même

exclues - par cette disposition du Statut. En vérité, l'article36,
paragraphe 2, permet que les États déclarent accepter la juridiction
de la Cour « sur toas les différends d'ordre juridique ayant pour
objet » les sujets indiqués dans les alinéas a), b), c), d).
L'acceptation ne pourrait pas êtrefaite avec exclusion d'une ou
de plusieurs de ces catégories. Le no 3 du mêmearticle 36 indique
les seules restrictions que les États peuvent établir - en exigeant
la réciprocitéde la part de plusieurs ou decertains États, ou limitant
un délai.
A mon avis, on ne pourrait pas admettre d'autres restrictions
ou conditions. Mais ilest vrai que l'on a admislargement la pratique

d'autres restrictions à cet article 36, inséréesdans les déclarations
nationales. Ainsi, on a trop facilité l'acceptation de la juridiction
de la Cour - avec des restrictions qui la rendent douteuse et
controversée. La Cour ne peut établir l'observance du Statut OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
I55
rejetant les acceptations de sa juridiction faites sous réserve de
conditions non autorisées par le Statut. La déclaration mêmede
la Perse est bien démonstrative des excès permis, parce qu'elle se

réfèrestrictement aux traités ((acceptés par la Perse »- condition
subjective d'appréciation très difficile. Ainsi, la Cour voit son action
freinée et restreinte par les termes de ces clauses et par les contro-
verses qu'ils provoquent sur l'étendue de sa juridiction.

4. J'ai essayéde vérifier si la juridiction de la Cour n'aurait pas
un autre fondement qui exclurait la controverse sur l'interprétation
de la déclaration iranienne, c'est-à-dire si, mêmeen acceptant
l'interprétation iranienne - suivant laquelle la juridiction de la
Cour serait restreinte aux différends fondés sur des traités posté-

rieurs au 19 septembre 1932 -, il n'y a pas fondement pour cette
juridiction dans le cas actuel.

Je me suis abstenu d'interpréter la déclaration iranienne et de
fixer la portée de l'échange de notes de 1928. Mêmeparmi les traités
signés par la Perse, de 1929 à 1937, invoqués par le Gouvernement
britannique, mon appréciation se limite à ceux qui sont <postérieurs
à la ratification de la déclaration )),postérieurs au 19 septembre
1932. Dans cette condition se trouvent les traités de la Perse avec

le Ilrinemark, du 20 février 1934, avec la Suisse, du 25 avril 1934,
avec la Turquie, du 14 mars 1937.

Le contrat-concession du 29 avril 1933 est lui aussi postérieur à
la ratification de la déclaration iranienne. Comme je l'ai dit (no 2),
je ne le considère pas comme un traité, malgré les circonstances
mentionnées plus haut.

5. Partant, je réduis Ia controverse à des proportions minimes :
j'accepte argumentandi gratia que la déclaration iranienne admette
la juridiction de la Cour seulement en rapport aux traités postérieurs

au 19septembre 1932. Je dois vérifier siles traités avec le Danemark,
la Suisse et la Turquie répondent à cette condition et s'appliquent
aux ressortissants britanniques, et si le gouvernement est fondé à
se plaindre de l'infraction du Gouvernement persan à ses obli-
gations concernant le traitement des ressortissants britanniques.

6. Ainsi restreinte, la question est simplifiée et gagne en impor-
tance, devenant une question doctrinale de la plus haute valeur.
Il ne s'agit pas seulement de savoir si la Cour est ou n'est pas compé-
tente dans le cas actuel. Elle vise à fixer le rôle de la Cour quant
à la surveillance des principes du droit international et de l'organi- OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
195
sation internationale - et même peut-être à justifier sa raison
d'être.

7. Dans le traité du 4 mars 1857 il a étéconvenu entre la Perse
.et le Royaume-Uni, à l'article IX, que

(le traitement accordé à leurs sujets respectifs eà leurs intérêts
commerciaux sera également, à tous les égards,le mêmeque celui
dont bénéficienltes sujets et les intérêtcommerciaux dela nation
la plus favorisée».
Dans le traité du 9 février 1903 les deux gouvernements ont
convenu (article II) que les sujets des deux pays ainsi que lesimpor-
tations de l'un dans l'autre

«continueront àjouir, soustous lesrapports, du régimede la nation
la plus favorisée».
Il est intéressant de noter que dans la publication de ce dernier

traité dans la collection de Felix Stoerk (Nouveau Recueilgénérad le
draités,zme série, tome XXXI, p. 506) il y a omission des mots
référantaux ccsujets))qui se trouvent dans les publications officielles
(British and Foreign StatePapers, vol. XCVI, p. 51 ;Treaty Series,
no IO).
Ensuite, par plusieurs traités - du 28 XI 1928, du 17 II 1929,
du 9 V 1929, du 29 X 1930, du 20 11 1934, du 25 IV 1934, du 14 III
1937 - l'Iran s'est obligéà accorder aux ressortissants de l'Égypte,

de l'Allemagne, de la Belgique, de la Tchécoslovaquie,du Danemark
et de la Suisse, et par échangede notes, à plusieurs dates, à ceux de
la Turquie, des Etats-Unis, des Pays-Bas et de l'Italie,« en ce qui
concerne leurs personnes et leurs biens », le traitement conformé-
ment ((aux principes et àla pratiquedudroit commun international )).
Le Gouvernement du Royaume-Uni prétend que cette même
garantie s'étend aux ressortissants britanniques, en vertu de ces
traités et de la clause de la nation la plus favorisée,et que l'attitude
du Gouvernement iranien envers la société anglaise cAnglo-

Iranian Oil Company I),qui souleva le différend auquel se reporte
la requête,constitue une violation du droit international commun.
Il me semble que, dans ces conditions, le différend tombe
sous le coup de la déclaration iranienne d'acceptation de la
juridiction de la Cour - mêmesi l'on accepte l'interprétation
que lui donne maintenant le Gouvernement de l'Iran. Les trois
traités - avec le Danemark, la Turquie et la Suisse - garan-
tissant le respect du droit international - sont des années 1934

et 1937, c'est-à-dire postérieurs à la ratification de la déclaration
iranienne.
8. Malgréla clarté de cette conclusion, on y a opposé plusieurs
objections d'importance. On a abandonné quelques-unes de ces

objections, et ce fait mêmeet la multiplicité des objections sont
bien significatifs d'un effort prolongéen vue d'ébranler la conclusion
présentée.
671.57 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

Dans les plaidoiries, on a soulevé deux objections. On a dit
que l'observation du droit international commun, envers les
ressortissants britanniques, ne découlerait pas des traités de
1934 et de 1937, mais de traités bien plus anciens - les traités
de 1857 et de 1903 qui ont établi la clause de la nation la plus
favorisée :ceux-ci seraient le principal, les autres seraient l'acces-

soire. On a ajouté que l'acte de nationalisation de l'exploitation
du pétrole n'enfreint aucune règle de droit international
commun, c'est-à-dire que le Gouvernement de l'Iran, étant obligé
de donner aux ressortissants britanniques les garanties du droit
international commun, n'était pas empêchéde nationaliser l'ex-
ploitation du pétrole pour laquelle il avait passé contrat en 1933
avec une sociétébritannique.
Je n'accepte ni l'une ni l'autre de ces deux objections.

9. En ce qui est de la première objection, il me semble évident

que les ressortissants britanniques ont eu, de l'Iran, la garantie
« des principes et de la pratique du droit commun international »,
non en vertu des vieux traités de 1857 et de 1903 - antérieurs
à la déclaration iranienne - mais par la force des traités de 1934
et de 1937, postérieurs à cette mêmedéclaration. A ce point de
vue, les actes principaux sont les deux derniers traités, non les
deux antérieurs. Les deux premiers traités établissaient la clause
de la nation la plus favorisée ;mais cette clause, par elle-même,
ne donnerait pas aux ressortissants britanniques la garantie (des
principes et de la pratique du droit international 1)Ils ont reçu
cette garantie, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée,

consignée dans les traités précédents, quand la même garantie
a été donnée aux ressortissants du Danemark, de la Turquie
et de la Suisse. La clause mentionnée a agi seulement pour
amplifier et étendre aux ressortissants britanniques les conces-
sions faites à d'autres étrangers par les traités de 1934 et
de 1937. Cette amplification de la portée des trois derniers
traités n'a pas eu lieu, ne pouvait pas avoir lieu avant la rati-
fication de ces mêmes traités. Or, il s'agit de traité((postérieurs )>
à la déclaration iranienne. Le différend, qui a surgi sur l'allégation
de la violation de cette garantie, tombe ainsi sous le coup de

cette déclaration, même si l'on accepte l'interprétation que lui
donne, dans le procès actuel, le Gouvernement iranien.
Le mécanisme de la clause de la nation la plus favorisée est
bien connu. Elle n'agit pas seule, par elle-même ; éventuellement,
elle agit sur le traité ultérieur qui concède quelque avantage à
une autre nation et rend, tout de suite, extensif à la nation
favorisée ce même avantage.
Ainsi, l'effet de cette clause est, comme l'a dit Visser, com-
plémentaire. (Ito, La clause de la nation la plzcs favorisée,p. 36.)
Elle ne donne, par elle-même,aucun droit ; elle peut ne pas avoir

d'application et rester inutile. Or, les droits ou avantages concédés
6819 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

à -un tiers État n'existent pas, ni pour cet État mêmeni pour
1'Etat favorisé, avant la concession ,expresse. Aussi, les droits
ou avantages ne subsistent pas pour 1'Etat favorisé si la concession
faite à un autre État vient à être abrogée. (Raphaël A. Farra,
Les eflets de la clause, etc., p. 67 ;Josef Ebner, La clause de la
nation, etc., pp. 149-150 ; Marcel Sibert, Traité de droit inier-
national public, II, p. 255.) C'est-à-dire que la clause ne produit
aucun effet permanent - mais seulement contingent, tant qu'il

y a un autre traité dont elle amplifie la portée.
Oppenheim la considère comme une règle de droit, (mais une
règle de droit dont le contenu est incertain, parce qu'il dépend d'un
événement futur, c'est~à-dire des concessions qui seront accordées
aux Etats tiers ».(La clause de la nation, etc., p. 26.) La clause est
seulement une garantie conditionnelle de cpncession future, une
promesse ou un engagement à concéder à un Etat, ou à ses ressortis-
sants, les mêmes avantages accordés, ou qui viendraient à être
accordés à d'autres États et aux ressortissants d'autres Etats.
On voit que ce sont les traités de l'Iran avec le Danemark, avec
la Turquie et avec la Suisse, en 1934 et 1937, qui ont octroyé
aux ressortissants britanniques la garantie, pour leurs personnes et

leurs biens, des principes communs de droit international et non
pas les traités avec le Royaume-Uni de 1857 et de 1903. Le différend
actuel porte sur la violation de ces garanties, c'est-à-dire qu'il a
trait directement à l'application des traités postérieurà la ratifica-
tion de la déclaration du 2 octobre 1930 Par là, même ensuivant
l'interprétation iranienne de cette déclaration, le cas actuel est de
la comphtence de la Cour.

IO. Avant de considérer la deuxième objection, je me permettrai
de signaler l'importance de la question qu'elle soulève.
La Cour se trouve, suivant ce que j'ai dit, en face d'une allégation
d'infraction positive aux dispositions de deux traités postérieurs
à la déclaration iranienne de 1932 ; cette allégation semble prima

facie fondée. Mêmeen adoptant l'interprétation que le Gouver-
nement iranien donne de sa déclaration d'acceptation de la juridic-
tion de la Cour, cela me suffit pour considérer la Cour comme
compétente dans le cas actuel. Il y eut infraction aux dispositions
d'un traité, à l'ombre duquel des ressortissants britanniques ont
investi dans le territoire iranien des sommes considérables, qui leur
ont certainement rapporté des profits immenses, mais desquelles
ils sont maintenant dépossédéssans compensation immédiate.
C'est là une infraction aux principes fondamentaux du droit inter-
national contemporain, à des principes consacrés par la légis-
lation, la jurisprudence et la doctrine des pays civilisés.

Par cette raison, je considère que la deuxième objection porte
la controverse à son point culminant, en niant, dans le cas actuel,

l'ixifraction au droit international.
601.59 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
II. Cette objection soulève une question du plus grand intérêt
doctrinal et qu'il faut également considérer, car les Parties

l'ont débattue longuement et brillamment ; dans le cas actuel, il
s'agirait de (nationalisation ))et non de simple (expropriation » :
ce sont là deux choses profondément distinctes ; dans le cas de
nationalisation, l'indemnisation peut ne pas être intégrale et la
nationalisation ne contrarie aucun principe de droit international.
On a dit qu'il n'y a pas de (règlede droit des gens positive relative
à la matière de nationalisation »: c'est un acte politique. Encore
une fois, par ce motif, la Cour serait incompétente.

Cependant, il est indéniable que la nationalisation et l'expro-
priation sont parfois liées. La nationalisation peut entraîner
l'expropriation. Quand «l'installation d'un service publicabsorbe une
entreprise privée, il y aura expropriation de celle-ci. L'installation
du service public n'est pas l'expropriation ;mais dans plusieurs cas,
le présuppose. ))(Henry Laufenberger, L'intervention de Z'Etaten
matière économique, pp. 268-269.)
La loi iranienne du I~~ mai a décrétéexpressément «l'expropria-

tion » de la Compagnie Anglo-Iranian. D'autre part, la nationalisa-
tion n'est pas toujours un acte exclusivement politique ; elle peut
même soulevercertaines questions purement juridiques - comme
celle qui se présente dans le cas actuel :1'Etat peut-il exercer la
nationalisation, exproprier la concession, -quand il s'est obligé à la
respecter toujours ?En d'autres termes, l'Et$ peut-il renoncer à/ou
restreindre, l'exercice de son policepower ? Evidemment, on ne peut
considérer maintenant cette question : elle porte entièrement sur
le fond de l'affaire.

Même dans l'expropriation, il y a l'acte préliminaire de déclaration
de nécessité oud'utilité publique, que l'on considère générale-
ment comme une question politique échappant à l'appréciation
judiciaire.

12. Je reconnais que la nationalisation, dans certains cas ou sous
certains aspects, n'intéresse pas le droit international, notamment
quand il n'y a pas discrimination entre nationaux et étrangers.
Le Gouvernement de l'Iran a bien cherché à montrer que ses lois
n'ont pas fait cette discrimination. Je reconnais que les deux lois de
nationalisation ne contiennent pas un mot qui traduise une telle
discrimination. Mais, vraiment, il s'agit de « nationalisation )et non
d'étatisation, que souvent on dCsignepar ce mêmemot. Cela signifie

alors précisémentl'exclusion des étrangers. Je crois mêmeque les
deux lois iraniennes n'ont étéappliquées qu'à la compagnie britan-
nique : la loi du rermai détermine l'expropriation de cette seule
compagnie.

13. On a signalé que la plupart des décisionsarbitrales qui ont
étéinvoquées, exigeant en matière d'indemnisation une indemni-
sation totale sinon préalable. remontent au siècledernier et on a160 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
douté que (cette Cour puisse, au milieu du xxme siècle, dire qu'il

existe actuellement une règle du droit des gens conforme à la pra-
tique des nations civilisées, quiinterdit aux Etats de faire prévaloir
leur loi de nationalisation sur les droits que des particuliersétrangers
tireraient d'actes de concession ».

On a invoqué les études sur la nationalisation à l'Institut de
droit international, au cours desquelles on est arrivé à désirer, de

lege ferenda, «une certaine réglementation juridique de nature à
assurer au droit individuel un minimum de protection qu'il ne
trouvait pas dans le droit des gens positif actuel ».Je veux rappeler
que le projet initial de M. de La Pradelle - le même professeur qui,
comme on l'a dit, voudrait faire table rase, devant le phénomène
moderne de la nationalisation, de toute l'ancienne jurisprudence
relative aux expropriations - et le projet définitif,publiés tous deux
dans l'Annuaire de 1950 (pp. 67-132) (tout en considérant que dans

les cas de nationalisation sont admissibles cdes conditions plus
accessibles pour ne pas être prohibitives: il suffira de l'utilité publi-
que, d'une indemnité basée sur les possibilités du débiteur, raison-
nablement considérées,dans un paiement échelonnésur un délai
normal n),reconnaissaient, en même temps, lecaractère international
de l'acte de nationalisation, déterminant :((c'est à 1'Etat lui-même
qu'il appartient de se saisir de l'atteinte portée à son économie
extérieure par les mesures internes de l'État nationalisateur, afin

d'en obtenir le redressement » (article 12). Par cette considération,
le projet écartait la règle selon laquelle l'instance internationale ne
peut êtresaisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes
(article 13).

Le dispositif fondamental du projet était l'article 5 :

« La nationalisation, acte unilatéral de souveraineté,doit res-
pecter les engagements valablement conclus, soit par traité, soit
par contrat. Faute de ce respect, il y aura dénide justice donnant
lieu non pas à une simple indemnité, valeur par valeur, mais à
des dommages-intérêts , caractère pénalisateur. ))

L'article g ajoutait :

((Les étrangersont droit au traitement international, alors même
qu'il serait supérieurau traitement national. ))

Le projet exigeait l'appréciation de tribunaux spéciaux à compé-
tence technique marquée (article 13). Tous ces. dispositifs furent
incorporés au projet définitif de résolution.161 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

Il est vrai que la discussion a repris à la session de cette année, à
Sienne. On y a vu des propositions bien plus «avancées ))Cesprogrès
de la doctrine sont bien moins importants que ceux que l'on ferait
dans la législation ou dans la jurisprudence de la Cour.

1,efait que ces discussions prolongées ont eu lieu au sein de 1'Insti-
tut montre la répercussion de la nationalisation dans le droit inter-
national. La multiplicité des traités réglant l'indemnisation des
étrangers à la suite des actes de nationalisation en plusieurs pays
d'Europe, les paiements étant faits de gouvernement à gouverne-
ment, confirme aussi le caractèrededroit international que la natio-
nalisation prend souvent.

14. Chacun de nous garde, inévitablement, au sein de la

Cour, sa formation juridique, certains traits de ses activités juridi-
ques antérieures dans son pays d'origine. C'est inévitable et c'est
même justifiéparce que, dans son ensemble, la Cour doit représenter
les cgrandes formes de civilisation et les principaux systèmes
juridiques du monde ))(Statut, article 9),et appliquer «les principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées ». (Statut,
article 38, 1, c).)
Dans ces conditions, je me permets de signaler qu'au Brésil,
malgré l'avancement de la législation sociale et malgré certaines
restrictions des droits des propriétaires - notamment en matière

de location -, la jurisprudence de la Cour suprêmegarantit rigou-
reusement l'indemnisation juste, intégrale et préalable du proprié-
taire exproprié. En matière de nationalisation, la Constitution
actuelle, promulguée par l'Assemblée nationale en 1946, contient
ce dispositif :

« L'Union fédérale pourra, par une loi spéciale,intervenir dans
le domaine économiqueet prendre le monopole de certaine indus-
trie ou activité. L'intervention sera baséedans l'intérêtpublic et
limitéepar les droits fondamentaux assurésdans cette Constitu-
tion.1)(Article 146.)

Parmi les garanties constitutionnelles, il y a celle du droit de
propriété, sous réserve de l'expropriation « pour nécessité ou
utilité publiques, ou par intérêt social, moyennant préalable et
juste indemnisation en argent n. (Article 141, par. 16.)
Mais je sais bien quedans chaque pays, les mesures de nationali-
sation ont étéinfluencéespar la conception de la propriété delJÉtat,
l'indemnisation pouvant mêmeêtreexclue à titre de pénalité pour

l'attitude des anciens propriétaires (Joyce Gutteridge, ((Expropria-
tion and nationalization )in The International and ComparativeLaw
Quarterly,janvier 1952, pp. 14-28).162 OPINION DISSIDENTE DE R.I. LEVI CARNEIRO

15. Peut-être ne s'agit-il pas, dans le cas actuel, du cdroit des
gens positif » - ce qui pourra êtreseulement le droit strictement
consolidédans les traités ou conventions. Aucun traité ne mentionne
de manière détailléechacun des (principes de droit international ))
que les États doivent respecter. Les ((principes du droit inter-
national commun )) précèdent, inspirent et dominent les traités;

ils découlent des traités, de la doctrine et de la législation générale.
D'autre part, il n'y a dans le droit contemporain aucun principe
plus beau ni plus fécond que celui de la répartition des charges
et des dommages. Quand il s'agit de dommage souffert par quelque
membre de la collectivité dans l'intérêtmêmede celle-ci, il n'est
pas juste que seulement le membre directement atteint doive
supporter tout le poids du sacrifice.
A mon avis, il doit en être ainsi dans des cas de nationa-
lisation d'entreprises déjà installées. Mais, si l'on invoque encore

l'intérêt de la collectivité pour justifier, dans ces cas-là, une
indemnisation incomplète, au contraire de ce qui se passe dans
les cas d'expropriation, il faudra reconnaître que cette considé-
ration ne peut pas valoir par rapport aux étrangers qui, par le
fait même de la nationalisation, sont écartés de la collectivité
nationale favorisée par tel acte. Il n'y a pas de raison pour les
soumettre - comme on pourra prétendre eu égard aux nationaux
- à un (sacrifice plus étendu » que celui imposé dans les cas

d'expropriation. Cela découle des principes de traitement des
étrangers consacrés par le droit international contemporain.
On ne pourra prétendre que les conditions actuelles de la vie
internationale aient écarté cette considération. Au contraire, je
crois qu'elles ont valorisé cette considération - devenue une
condition de la coopération internationale dans le domaine
économique et financier. Quand tant de pays ont besoin de
capitaux étrangers pour le développement de leur économie, ce
serait non seulement une injustice mais une erreur grave de

soumettre ces capitaux, sans aucune restriction ni garantie, aux
éventualités de la législation des pays où ils ont été appliqués.

16. Je suppose que le devoir primordial de la Cour est de veiller
à l'observation du droit international et de favoriser son dévelop-
pement. Au premier examen du cas actuel, je ne peux pas exclure
la possibilité - au moins, la possibilité - de ce que le Gouver-
nement de l'Iran ait enfreint cles principes et la pratique du droit

international commun », qu'il s'était obligé à respecter envers les
ressortissants britanniques. Au contraire, des indices très graves
témoignent de cette infraction.
Je reconnais que la simple invocation da ((principes du droit
international » assurés par les traités mentionnés ne suffit pas pour
justifier la compétence de la Cour. Il faut vérifier si cette invoca-
tion est acceptable. OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
163
Le distingué conseil du Gouvernement iranien a rappelé la
Ijurisprudence constante » de la Cour permanente, ccsuivant
laquelle il ne suffit pas qu'une demanderesse invoque des traités ....

pour qu'à la faveur de ce prétexte elle soumette à la Cour des
demandes qui sont sans rapport avec la base juridique qu'elle
invoque. La Cour doit vérifier si prima facie il existe un rapport. ))
(Plaidoiries, Distr. 521131, p. 60.)
Sans approfondir maintenant l'examen des actes et des affir-
mations du Gouvernement iranien plus qu'il n'est nécessaire pour
décider sur l'exception présentée,je crois indispensable de signaler

la violation, au moins apparente, des principes générauxdu droit
international commun, par déni de justice, par suppression de
garanties irrécusables aux ressortissants britanniques en Iran. Cet
examen préparatoire est encore nécessaire pour montrer que
certaines propositions du Gouvernement iranien, visant à exclure
la compétence de la Cour, sont mal fondées.

Il faut considérer la situationque la Cour a étéappelée àtrancher.

On verra que si ce cas, malgré sa pertinence, sa gravité et l'évidence
des violations du droit international qu'il présente, échappe à la
juridictior, de la Cour, le Statut doit êtrecorrigé pour éviter que
puisse se répéter une autre fois l'onlission d'aujourd'hui.

17. La loi du I~~ mai détermine ((l'expropriation » de la Com-
pagnie. Comment cela s'est-il fait ? Par un procès judiciaire ?Manu

tuilitav? Je n'en sais rien.
Je note que le Gouvernement iranien, dans ses ((Observations )),
mentionne la compagnie britannique comme cex-compagnie 1).
C'est la mêmeexpression que celle de la loi du I~~ mai : ((former »,
ou en français (ancienne 1).C'est-à-dire qu'on considère que, en
conséquence des décrets de nationalisation, la compagnie a cessé
d'exister.
Idemémoireiranien affirme qu'aucune assembléelégislative ne peut

êtreliéepar des précédents. Par là, on arriverait à ne pas admettre
de droits acquis. On se base sur une citation de Jèze. Cette citation,
faite dans le mémoire iranien et que l'on dit appuyée par Duguit,
Hauriou et Barthélemy, montre bien l'ampleur de la compréhension
iranienne de l'action du Parlement. D'après elle, il n'y aurait pas
de droits acquis. Le Parlement pourrait, à tout moment, annuler
librement le contrat-concession de 1'Anglo-Iranian.

Mais le défendeur n'a pas fait attention aux mots de Jèze, qu'il
a transcrit à la page II de son mémoire. Il se rapporte « à la
situation juridique généralei,mpersonnelle ».
Il ne s'agit pas de situations individuelles, de contrats, de
concessions, comme dans le cas actuel, de I'Anglo-Iranian Oil
Company. Sur le cas particulier de ces situations, la leçon de

74 OPINION DISSIDENTE DE SI.LEVI CARWEIRO
164
Jèze, si je ne me trompe pas, est tout à fait opposée. Voici ce
qu'il a écrit dans le mêmelivre :

((La situation juridique individuelle ne peut êtremodifiéepar
la loi. L'acte juridique qui a créécette situation ne peut pas être
retiré, rapporté, modifiépar une loi. Lorsque l'acte juridique a
régulièrementdonnénaissance à une créance individuelleou à une
obligation individuelle, cette créance,cette obligation ne peuvent
pas êtretouchées par le Parlement, que ce dernier agisse comme
législateur ou comme autorité administrative. Elles sont intangi-
bles.1)(Pp. 180-181.)

11 v a également erreur dans l'affirmation que la proposition de
JCze est appuyée par trois autres éminents publicistes français,
quoiqu'elle n'ait pas la portée qu'on lui a donnée. Les opinions de
Duguit, de Hauriou et de Barthélemy sont mentionnées par Jèze,
dans une autre partie de son exposé, sur une autre question.
On est allé encore plus loin :on a déclaréet répété(no" et 27

des Observations)que le Gouvernement iranien a toujours considéré
la concession de 1933 (comme nulle et non avenue 1).On affirme la
« disparition automatique de la concession invalide de 1933 et de
tous ses articles ». Par cette considération, on proclame que les
articles 21 et 22 de la ((soi-disant concession )1sont devenus inexis-
tants. Or, l'article 21 précitéparaîtrait capable d'empêchermême
le décret de nationalisation, et l'article 22 détermine impérative-

tnent, dans les termes les plus larges, que ((seront tranchés par la
loi d'arbitrage tous différends de nature quelconque entre les
parties et spécialement tous différends résultant de l'interprétation
de cette convention et des droits et obligations ...», etc. Le même
article règle en détail la formation de la commission arbitrale.

Le Gouvernement iranien déclare expressément qu'il refuse

évidemment de nommer un arbitre et d'accepter la forme de règle-
ment instauré à l'article22. Il justifie cette décisionpar la considéra-
tion que la concession à 1'Anglo-Iranian Oil Company est nulle.
Cette considération parait mal fondée parce que ni la loi iranienne
des 15 et 20 mars 1951, ni celle du I~~ mai de la mêmeannée n'ont
décrétéla dissolution de I'Anglo-Iranian Oil Company, ni l'annula-
tion de son contrat, et ne pourraient le faire. Mêmesi l'annulation

du contrat aurait pu êtredécrétéeen vue de la nationalisation de
l'industrie du pétrole par l'acte unilatéral d'une des parties dans
le contrat - le Gouvernement iranien -, on ne pourrait affirmer,
dès lors, que cet acte exclurait la compétence de la commission
arbitrale instituée par l'article 26 de ce mêmecontrat. On pourrait
considérer que cette commission serait toujours compétente pour
décider les effets et les questions découlant de l'acte et pour fixer

l'indemnisation et dire si elle la juge légitime. OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
16j
Mais cette question est le fond même de l'affaire. La Cour serait
compétente - rejetée l'exception actuelle - pour décider seule-
ment s'il y a ou non obligation de soumettre le différend à l'arbi-

trage.
En tout cas, la prétention d'exclure dès maintenant toute
possiblité d'application de l'article 26 parait mal fondée ; peut-être
il survivrait même dans le cas de révocation du contrat, parce
que, dans ce cas, son application serait nécessaire. Je ne conçois
même pas que l'on puisse invoquer la révocation arbitraire du
contrat-concession et, par conséquence de son art'icle 26, pour
exclure la compétence de la Cour pour décider de la validité de ce
mêmeacte de révocation

La loi iranienne du I~~ mai, sans faire mention expresse de
l'article 26 du contrat-concession, a institué une commission de
cinq députés et de cinq sénateurs, élus par les deux Chambres,
avec le ministre des Finances, qui aurait la supervision de l'examen
ccpar le gouvernement )) des réclamations du gouvernement
lui-même et aussi les crightjul claims ))de la Compagnie. Les
conclusions et les suggestions de cette commission seraient souinises
à l'approbation du Parlement. La commission devrait finir ses
travaux et présenter son rapport au Parlement avant le 31 juillet
1951 : il y a déjà dix mois et demi. C'est-à-dire que les récla-

mations - mêmedu gouvernement - et celles qui seraient (right-
/uln de la Compagnie, de l'ccex-compagnie )),seront jugées par
une commission parlementaire. Dans une affaire comme celle-ci,
que l'on considère de (libération nationale )),où les passions
populaires sont extrêmement exaltées, je ne peux croire que les
représentants du peuple puissent avoir la nécessaire sérénité
d'esprit pour faire le jugement demandé.
Le conseil iranien a dit à la Cour que la Compagnie devrait
présenter ses réclamations à cette commission, attendre sa décision

et, si elle ne l'acceptait pas, recourir aux tribunaux locaux. Or,
cette solutio~i avait été écartée par l'article 26 du contrat de 1933,
qui a établi la décision, par une commission arbitrale, de toutes
les questions soulevées sur ce contrat. Il y a dans le refus de
constitution de cette commission un déni de justice de la part
du Gouvernement iranien. Je crois bien juste l'observation du
rapport d'une commission, citée par Freeman, qui établit que
le refus du juge compétent constitue aussi un déni de justice.
(Denial of justice, p. 688.)

Je vois là une grave infraction au droit international, d'autant
plus que la décision de la commission parlementaire, eçsentielle-
ment politique, approuvée par le Parlement, deviendrait une loi
qui ne serait même pas astreinte à respecter quelque droit de
la compagnie britannique.
En effet, la loi constitutionnelle iranienne du 8 octobre 1907
- suivant le texte publié dans le livre bien connu de Peaslee
Constitzstions of Nations, page 207 - dispose à l'article 6:

76 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

(The life and property of foreigners resident in Iran are secured
and guaranteed, except in those cases iyzmhich the lazeisof therealm
~nakeexceptions. )(Soulignépar moi.)

Je ne connais pas, dans le droit constitutionnel contemporain,

d'infraction plus marquante d'un des principes fondamentaux du
droit international.

18.Il est vrai que le Gouvernement de l'Iran n'a pas repoussé
l'idée - au moins l'idée - ou le principe de l'indemnisation.
On nous a parlé de deux propositions et l'on peut les trouver,

à première vue, assez raisonnables et dignes de considération.
Mais quelques affirmations iraniennes peuvent aussi justifier la
réduction de l'indemnisation à la seule valeur des biens matériels,
ou annuler le montant de l'indemnisation par la déduction de
sommes considérables que la Compagnie aurait perçues indûment,
ou par l'exagération de ses profits.

La Cour n'intervient pas dans ces questions. Mais je suppose
qu'elle ne peut pas fermer les yeux devant la situation qui se
présente : en somme, malgré quelques propositions et tentatives
de solution, la Compagnie est dépossédéede sa concession et de

tous ses biens ; le Gouvernement iranien considère, par sa propre
autorit6 exclusive, dissoute la Compagnie et éteinte la concession
sans avoir payé quelque somme en argent comme indemnisation ;
on a seulement disposé dans la loi, on paper, sur la formation
d'un fonds pour cette indemnisation; on ne sait pas si l'on
aura déjà versé à ce dépôt quelque monnaie de la moindre valeur ;
on ne peut prévoir combien de temps il faudra pour que ce dépôt
atteigne le montant, encore indéterminé, de l'indemnisation ;
on n'a pas fixéce montant, que l'on reconnaît dû, ni mêmeétabli
quelque procédure adéquate pour le fixer avec justice ; on a

écartél'action de la commission arbitrale, prévue par le contrat,
et on l'a remplacée par une commission parlementaire. Tout cela
a l'air d'une confiscation déguisée.Est-ce que le droit international
le permet ?

19. Je maintiens la conviction, peut-être erronée, selon laquelle
les plus modernes tendances du droit public ne sont pas encore
arrivées à admettre ce traitement d'une concession étrangère, ni
telles dispositions contre les droits et la propriété des étrangers.

Étudiant la jurisprudence de la Cour permanente, Nicholas
K. Doman concluait :167 OPINION DISSIDENTE DE RI. LEVI CARNEIRO
«....it has been recognized frequently that a State has an inter-
national liability to foreign owners of expropriated property even
though it acted through non-discriminatory legislation ». (Colum-
bia Law Review, 1948, p. 1132.)

Peut-être sommes-nous sur le chemin des grandes transforma-
tions des règles applicables. Peut-être arrivera-t-on à l'adoption de
formules conciliatoires entre les courants extrêmes (Oppenheim,
International Lam, éd. Lauterpacht, vol. 1, par. 155 d ; J. P. Mil-

ler Jr., Du traitement par les gouvernements des intérêté s trangers,
1950, PP. 131-138).
Cette solutionsera certainement influencée par des considérations
de la politique interne de chaque pays. Par là, le problème n'est
pas exclu du droit international. Au contraire, le droit international
doit contribuer à cette solution, en dominant les préoccupations
étroites du nationalisme jacobin.

Je me contente de rappeler les termes par lesquels Freeman
a résumé, sans exagération aucune, la doctrine généralement

acceptée :
« Whatever may be said of the nature of the State's obligation
to permit aliens to acquire property on its territory, it is certain
that once they have been permitted to do so, international law
attaches a certain quality of sanctity to the rights thus obtained
as well as to those private rights which have been acquired
elsewhere. »(Denial of Justice, p. 516.)

On voit bien que si l'État assure la ((sainteté » des droits qu'il a
permis à l'étranger d'acquérir, bien plus soigneusement doit-il
respecter les droits que lui-même a concédésen vertu d'un contrat.

Freeman reconnaît que l'État garde son cpower of eminent
domain » et peut modifier les droits des étrangers par des lois
générales.Mais il observe :

(....wliereas, on the other hand, any measures expropriating private
property without compensation and directed against the property
of aliens as such ~vouldviolate international law ». (Opcd., p. 5r7.)

Et il ajoute :

« Although there is some differenceof opinion amoilg text writers,
the preponderance of legal authority accepts the xriew that no
foreigner may be deprived of his property withoiit adequate com-
pensation-except, ofcourse,in the specialcaseofjudicial liquidation
and analogous proceedings. This theory is generously supported
by diplomatic practice and by the jurisprudeiice of international
tribunals to such an extent that a general rule requiring compen-
sation must be lield to form a part of the positive law governing
relations between States. » (06. cit., pp. 517-518.)
Je n'oserais faire de propositions de Legeferenda, ni même de

prévisions sur l'orientation que prendra l'agitation du monde
78168 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

contemporain. Je me garde aussi de vouloir exercer sur elle une
influence quelconque. Je rappelle seulement qu'au sein des Nations
Unies - organisation à laquelle appartient cette Cour, en tant que
son principal organe judiciaire - on est en train de transformer
en une convention internationale, pleinement obligatoire, la ((Charte
internationale des droits de l'homme n. Dans cette Charte, approu-
véepar 1'Assembléegénérale desNations Unies en décembre 1948,

je lis à l'article 17 :
((Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité,a droit à
la propriété. Nul ne peut êtrearbitrairement privé de sa pro-
priété.»

20. En somme, je considère que - mêmesi la nationalisation en
elle-mêmepeut ne pas êtreconsidéréepar le droit international -
dans le cas actuel les circonstances qui revêtent l'acte du Gouverne-
ment de l'Iran semblent dénoncer une très grave infraction aux
principes du droit international.

21. Comme j'ai dit, on a présenté d'autres objections après les
deux premières que j'ai mentionnées supra (no 8). Ainsi on a
dit que les traités avec le Danemark, la Suisse et la Turquie
étaient, par rapport à la Grande-Bretagne, res inter alios acta.
Or, la clause de la nation la plus favorisée a précisément pour
effet de rendre applicable au tiers, qui n'a pas participé au traité

ultérieur, les dispositions de ce même traité. 11 n'est plus res
inter alios.
On a admis que, dans le cas actuel, les trois traités de 1934
et de 1937 agissaient conjointement avec les traités de 1857 et
de 1903. Cet argument est le seul valable. On peut reconnaître
qu'il est bien fondé. Mais, dans ces conditions, on reste dans le
cadre de la déclaration iranienne, parce que celle-ci exige (suivant
l'interprétation iranienne) qu'il s'agisse de <situations ou de faits

ayant directement ou indirectement trait à l'application des
traités ...postérieurs à la ratification i).On ne peut pas prétendre
- et la déclaration ne le dit pas - qu'il s'agisse de situations
ou de faits ))ayairt trait exclusivement à l'application des traités
postérieurs à 1932. Il suffit, partant, que les faits aient trait à
l'application des traités de 1934 et de 1937, quoique simultanément
ils aient trait aussi à des traités de 1857 et de 1903. Dans le cas
actuel, l'application des traités de 1934 à 1937 se fait ((indirecte-

ment »,par force des traités de 1857 et de 1903.
La considération de ne pas avoir étél'intention du Gouverne-
ment de l'Iran d'admettre cette interprétation des termes de sa
déclaration, ne suffitpas pour l'exclure. Peut-être le Gouvernement
de l'Iran n'a-t-il mêmepas prévu cette conséquence des expressions
utilisées dans sa déclaration. Peu importe :le principal est qu'elle
devient irrécusable.
De même, on ne peut exclure l'application de la déclaration
d'acceptation de la juridiction de la Cour par l'Iran du fait qu'il

79169 OPINION DISSIDENTE DE ar.LEVI CARNEIRO

y ait d'autres traités conclus avec d'autres nations et antérieurs
à la ratification de cette déclaration, qui, en vertu de la clause
de la nation la plus favorisée, donnèrent aux ressortissants britan-
niques les garanties du droit international ;et qu'il y ait même,
dans ce sens, l'accord par échangede notes avec le Gouvernement
britannique, de 1928. Ces conventions anciennes ne sont pas
prises en considération dès qu'on accepte - comme je l'ai fait,
pour argumenter - l'interprétation iranienne exigeant que les
traités et conventions soient postérieurs à la ratification de sa
déclaration. Ce qui importe, c'est qu'il y a trois conventions
ultérieures à cette date.
Ainsi, je rejette la considération selon laquelle le Gouvernement

britannique ne pourrait pas invoquer les traités de 1934 et de
1937 parce qu'il avait déjà la mêmegarantie, pour ses ressor-
tissants, en vertu de l'échange de notes de 1928. 11 est évident
que, si l'on exclut l'application de cet échange de notes, parce
qu'antérieur à la ratification de la déclaration, le Gouvernement
britannique peut faire valoir les traités postérieurs. La garantie
du droit international a étédonnée par l'Iran aux ressortissants
ljritanniques, directement, par l'échange denotes de 1928, indirec-
tement, en vertu de l'application de la clause de la nation la plus
favorisée, par une dizaine de traités avec différents Etats. Main-
tenant, pour exclure la juridiction de la Cour devant la violation de
cette garantie claire et réitéréeo,n prétend exclure l'application des
conventions antérieures à 1932, en disant que la déclaration de

l'acceptation de la juridiction de la Cour ne fait référencequ'aux
conventions de date postérieure ; en même temps, on exclut
l'application des conventions postérieures à 1932, en disant qu'il
y a\-ait déjà la mêmegarantie donnéepar une convention de date
antérieure à 1932. Les ressortissants britanniques seraient dans
une situation singulière : ils auraient la garantie des principes
et de la pratique du droit international - que l'Iran a consignés
dans les traités avec plusieurs Etats et dans l'échange de notes
avec le représentant du Royaume-Uni - mais ils ne pourraient
pas la faire valoir devant cette Cour. On sent bien l'artifice de
l'argument.
Alors, on a prétendu que les traités de 1857 et de 1903, étant des
traités de capitulation, ont été révoquéspar la suppression du

régime des capitulations : la clause de la nation la plus favorisée
aurait disparu. Mais à cet argument on a opposé, avecavantage, que
les conseils iraniens ne sont pas allés si loin et qu'ils n'ont pas
contesté la vigueur de cette clause et des articles 9 du traité de
1857 et2 du traité de 1903, qui la contiennent.

On aurait pu dire que ces deux traités n'ont pas été « acceptés
par la Perse » - condition, comme je l'ai déjà qualifiée, sub-
jective et d'application difficile. Je crois que le conseil iranien
n'a pas affirmé à la Cour que ces deux traités se trouvaient dansI7O OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

cette condition. En tout cas, cette considération n'autorise pas
l'exclusion de la clause de la nation favorisée, parce qu'elle est
justifiée précisémentpar la suppression du régime,capitulaire, et
cette suppression n'a pas entraîné l'annulation de telle clause.
La clause est tout à fait compatible avec le régime de suppression
des capitulations. Elle a étéincluse dans une dizaine de traités
de l'Iran.
Un autre argument est de dire que la clause de la nation la plus
favorisée concède des avantages et des faveurs - et la garantie des
principes du droit international n'est ni une chose ni l'autre. C'est
évident qu'il faudra donner à la clause de la nation la plus favorisée

une portée réduite aux intérêts et aux profits plus étroitement
matériels, pour ne pas considérer comme un avantage la garantie
des principes et de la pratique du droit international.

D'autre part, cependant, on a encore dédaignéla portée de cette
garantie en disant qu'elle est une règle sous-entendue, imposée
nécessairement et qui n'a aucune signification dans un traité. Or,
je reconnais qu'il devrait en êtreainsi. Le respect des principes et
de la pratique du droit international est le devoir primordial des
nations civilisées ;on ne peut concevoir sans cela une organisation
internationale. Il n'était pas nécessaire de consigner cette règle

dans aucun traité. En tout cas, on peut le considérer exprès dans
le Pacte des Nations Unies.
Mais, si nous nous mettons d'accord sur ce point-là, il faudra
vérifier les conséquences qui découlent de son acceptation. La
première de ces conséquences serait d'admettre la juridiction de la
Cour dans tous les cas de violation de ces principes ou de différends
sur leur application. Il est vrai que, à l'exception de quelques
opinions de grande valeur, mais isolées, on ne l'admet pas encore.
La jurisprudence dominante de la Cour est dans le sens de ne pas
reconnaître les obligations internationales qui ne sont pas expresses
dans un traité spécial.

Alors, comment peut-on dire, lorsqu'on présente un traité où
il y a l'obligation expresse de respecter les principes et la pratique
du droit international, que cela n'avance à rien et quecette obliga-
tion est toujours sous-entendue ?
La dernière objection présentée contre l'application de la clause
de la nation la plus favorisée, demandée par le Gouvernement du
Royaume-Uni, est que les traités de 1857 et de 1903 ne peuvent
pas êtreinvoqués parce qu'ils sont antérieurs à la ratification de la
déclaration iranienne. Mais, comme je l'ai déjà dit, cette déclara-
tion, mêmesi l'on accepte l'interprétation iranienne, n'exige pas

que le différend ait trait«exclusivement )à l'application des traités
postérieurs à 1932. Le différend peut résulter de l'application d'un
traité postérieur à 1932 et, simultanément, d'un autre traité anté-
rieur à cette date. Encore mieux si, comme dans le cas présent, le
traité ancien entraîne seulement l'application du traité récent. OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
171
Comme je l'ai signalé, les droits des ressortissants britanniques
proviennent des traités de 1934 et 1937, qui leur sont applicables
en vertu des dispositions des traités de 1857 et de 1903.

22. En conclusion, je remarque tout d'abord, dans cette phase
liminaire du procès, de très gravesinfractions aux principes et à la
pratique du droit international, dont l'observation en Iran était
garantie aux ressortissants britanniques par trois traités postérieurs
à la ratification de la déclaration iranienne d'acceptation de la juri-

diction de la Cour. Par conséquence, je conclus au rejet de l'excep-
tion d'incompétence et à la compétence de la Cour pour déterminer
la soumission du différend à la commission arbitrale, ainsi que l'a
demandé le Royaume-Uni à l'alinéaa), nc1, de sa requête.

Je considère écartéepar cette conclusion l'allégation du forum
Prorogatz~vzprésentéepar le conseil britannique. Les autres excep-
tions de non-recevabilité, opposées par le Gouvernement iranien,
devraient êtreappréciéesultérieurement, si la Cour concluait à sa
compétence. Ayant accepté l'exception d'incompétence, la Cour

ne pouvait pas connaître de ces autres exceptions.

En tout cas, il devrait êtresursis à la continuation du procks
jusqu'à une nouvelle décision du Conseil de Sécuritédes Nations
Unies.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

I. La première question à considérer par la Cour devrait être,
logiquement, la demande de jonction de l'exception au fond, pré-
sentée avec insistance par le conseil britannique.
La Cour ne l'a pas accordée - et j'étais de son avis. Mais,
comme je l'ai déjà signalé dans le cas de M. Ambatielos (Grèce c.
Royaume-Uni), j'estime nécessaire, pour décider de la juridiction
de la Cour dans le cas actuel, d'examiner certaines questions ou
certains faits qui peuvent concerner le fond et qui ne sont pas

controversés.
L'appréciation sommaire de ces questions - sans les approfondir
et sans les préjuger - devient quelquefois nécessaire pour décider
la question préliminaire.
Dans le présent cas, cette nécessitéest plus vivement imposéepar
la nature des questions déjà soulevées, notamment la pluralité des
« moyens d'incompétence ».Je parlerai, plus avant, de l'invocation
des cprincipes généiaux de droit international commun ))et de
l'ampleur de cette question qui doit êtreappréciéemaintenant et

qui se lie au fond de l'affaire.

A l'occasion du jugement de l'exception d'incompétence dans le
cas de la Haute-Silésie polonaise, la Cour permanente a déclaré
qu'elle abordait l'examen de certaines questions

«quand mêmecet examen devrait l'amener à effleurer des sujets
appartenant au fond de l'affaire, étant bien entendu, toutefois,
que rien de ce qu'elle dit dans le présent arrêtne saurait limiter
sa complèteliberté d'appréciation,lors des débats sur le fond, des
arguments éventuellement apportés de part et d'autre sur ces
mêmessujets ».
Personne ne pourrait fixer, mieux que ne l'a fait,dans la présente
affaire, le conseil du Gouvernement de l'Iran, les règles pour l'exer-
cice de cette faculté. Il a très bien dit:« La Cour peut retenir, pour
l'examen de l'exception préliminaire, les éléments de fond indispen-

sables » ; cet examen ccportera sans doute de préférence sur des
éléments incontestés du fond »; « leur discrimination est une ques-
tion de mesure et de prudence et de bonne administration de la
jiistice, sans qu'il soit possible d'établir entre les exceptions prélimi-
naires et le fond ))une (<cloison étanche )).(Plaidoiries, Distr. 521
131 bisp ,. 13.)

Dans la présente affaire, les Parties ont étéobligées,par l'enche-
vêtrement des questions, de développer des considérations que

l'on pourrait théoriquement juger étrangères à la matière de
62 DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO

[Tra.nslatim]
I. The first question which the Court ought, logically, to consider
is the request for the joinder of the Objection to the merits, which

was strongly urged by counsel for the United Kingdom.
The Court has not granted the request, and 1 agree with that
decision. However, as 1 have already pointed out in the Ambatielos
case (Greece v.United Kingdom), 1 think it is necessary, in deter-
mining the Court's jurisdiction in the present case, to examine
certain questions, or certain facts, which may be related to the
merits and which are not disputed.
Such a summary appraisal of these questions-without consider-
ing them in detail or prejudging them-is sometimes necessary in
order to decide the preliminary question.
In the present case, this necessity is more than ever imposed on
us by the very nature of the questions that have already been raised,
in particular by the multiplicity of "groundr for lack of jurisdic-
tion". 1 shall have something to say, later on, about the invocation
.of "general principles of ordinary international law" and about the

scope of that question, which must now be considered and which is
linked with the merits of the case.
In its Judgment on the Objection to its jurisdiction in the case
concerning Polish Upper Silesia, the Permanent Court declared that
it would consider certain questions
"even if this enquiry involves touching upon subjects belonging
to the merits of the case; it is, however, to be clearly understood
that nothing which the Court says in the present Judgment can
be regarded as restricting its entire freedom to estimate the value
of any arguments advanced by either side on the same subjects
during the proceedings on the merits".
Nobody could have described with greater accuracy than was

zdone by counsel for the Government of Iran, in the present case,
the rules governing the exercise of this right. He said very truly
that : "The Court may consider, in its examination of the Prelimi-
nary Objection, such elements of the merits as are necessary there-
for" ; and that this examination "will no doubt be preferably
,directed to elements of the merits which are not in disputt:" ; their
selection, he added, is a "question of restraint, prudence and the
proper administration of justice, f~r it is not possible to have
watertight compartments for preliminary objections and the merits".
(Oral arguments, Distr. 521131 bis, p. 13.)
In the present case, the Parties were obliged, owing to the inter-
locking character of the questions, to make use of arguments which
might, in theory, be regarded as outside the scope of the Objection

62152 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

I'exception d'incompétence. Le jugement de l'exception ne pourra
pas êtrefait autrement.
2. Une autre observation préliminaire s'impose. On a insisté,

pour exclure l'intervention de la Cour, sur le caractère strictement
privé du litige actuel : il s'agit d'un contrat-concession entre le
Gouvernement de l'Iran et une sociétébritannique.

La véritéest plutôt que ce contrat - que le Gouvernement
britannique a voulu mêmedans son mémoire considérer comme
s'il était une espèce de traité international - est du plus grand
intérêtau point de vue international ; on peut dire qu'il a une portée
internationale.

J'accepte l'observation du Gouvernement iranien que ce contrat-
concession n'a pas étéfait ni approuvé en 1933 par la Société des
Nations ou par son Conseil. Cependant, il est vrai que le différend
entre le Gouvernement iranien et le Gouvernement britannique,
résultant de la révocation du contrat-concession ci-dessus, a été
porté à la connaissance de la Sociétédes Nations, et celle-ci a mani-
festél'intérêtqu'elle portait à la préparation du contrat actuel.

On peut aussi admettre que, suivant les déclarations de membres.
du Gouvernement britannique au Parlement, portées à la connais-

sance de la Cour par les ((Observations préliminaires » iraniennes
(pp. 33-34), à ce même gouvernement appartient la majorité des
actions de 1'Anglo-Iranian Oil Company, et ce fait était connu
du Gouvernement iranien.
D'un autre côté, on sait bien que, maintenant plus que jamais,
toutes les affaires d'exploitation du pétrole ont une certaine réper-
cussion internationale - encore plus profonde quand il s'agit d'une
nation dont la situation géographique est celle de l'Iran.

Dans le contrat-concession de 1933, à l'article22, on a établi

que si les arbitres indiqués par les parties ne se mettaient pas,
d'accord, le troisième arbitre serait nommé par le Président ou
le Vice-Président de la Cour permanente. Les deux gouvernements.
- britannique et iranien - ont communiqué au Greffier de la
Cour cette disposition. (Plaidoiries, p. 103.)
Finalement, le Gouvernement iranien a insisté, dans ses déclara-
tions, sur la signification du contrat de 1933 comme expression
de la domination politique du Royaume-Uni sur l'Iran et il a
qualifié de « mouvement de libération nationale ))le mouvement

de nationalisation de l'exploitation du pétrole - c'est-à-dire la
révocation de ce mêmecontrat. Je montrerai plus loin que les
actes de nationalisation comportent 1réquemment un grand
intérêtinternational.
Devant toutes ces circonstances, je ne crois pas que l'on.puisse
considérer le contrat-concession de 1933 comme une simple

63 DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO I.52
to the jurisdiction. A decision on the Objection could not be arrived
at in any other way.

2. Here another preliminary observation is called for. Emphasis
has been laid, with a view to excluding any action by the Court, on
the strictlyprivate character of the present dispute :it is concerned
with a Concession Agreement between the Government of Iran and
a British Company.
But it is rather the case that this contract-which the British
Government in its Memorial even sought to regard as a sort of inter-
national treaty-possesses very considerable interest from an inter-
national standpoint ; it may be said that it is of international
significance.
1 accept the argument of the Iranian Governmeht that this
Concession Agreement was neither framed nor approved by the

League of Nations or by its Council in 1933. It is, however, the fact
that the dispute between the Iranian Government and the British
Government in regard to the revocation of the earlier Concession
Agreement was brought to the knowledge of the League of Nations,
and that the latter manifested an interest in the preparation of the
present contract.
1 also admit that, according to statements made by ~nembers
of the British Government in Parliament, which were brought to
the knowledge of the Court by the Iranian "Observations prélimi-
naires" (pp. 33-34), that Government owns a majority of the
shares of the Anglo-Iranian Oil Company, and this fact was known
to the Iranian Government.
From another point of view, it is common knowledge that, now
more than ever, al1 questions connected with the extraction of oil
provoke certain international reactions, which are al1 the more

pronounced in the case of a country having a geographical situation
such as that of Iran.
In Article 22 of the Concession Agreement of 1933, it was laid
down that if the arbitrators appointed by the parties were unable
to agree, an umpire was to be nominated by the President or the
Vice-President of the Permanent Court. The two Governments-
British and Iranian-communicated this provision to the Registrar
of the Court (Oral arguments, p. 103).
Lastly, the Iranian Government laid stress in its statements
on the significance of the contract of 1933 as an expression of the
political domination exercised by the United Kingdom over Iran,
and it described the movement for the nationalization of the oil
industry, i.e.therevocationofthatcontract, as a "national liberation".
1 shall show later on, that measures for nationalization are often

of considerable international interest.

In view of al1 these circumstances, 1 do not believe that the
Concession Agreement of 1933 can be regarded simply as a privateI.53 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

convention privée, et sa révocation comme une affaire d'intérêt
particulier exclusif.
Il est vrai que l'article 36, paragraphe 2, alinéa a), du Statut
ne se réfèrequ'à « l'interprétation d'un traité », alors qu'il devrait

mentionner l'interprétation de tout engagement international »-
ce qui serait plus conforme à la portée de l'alinéab) : « tout point
de droit international 1)Cette expression est d'autant plus justifiée
si l'on considère que l'alinéa c) du mêmearticle 36, paragraphe 2,
mentionne (la réalité detout fait qui, s'il était établi, constituerait
la violation d'un engagement international »,et l'alinéa d) : cla
nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un enga-

gement international ». Si la Cour peut connaître de ces conséquen-
ces d'un engagement international, comment justifier que sa juridic-
tion ne puisse pas êtreétendue à l'interprétation de tous engage-
ments internationaux et soit toujours restreinte à l'interprétation
des traités ?

Et si la Cour a pour objet la solution juridique des différends

internationaux, comment exclure son intervention dans un cas qui
menace la paix internationale, seulement parce qu'il ne s'agit pas
de l'interprétation d'un traité interétatique ?
La déclaration iranienne, reconnaissant commeobligatoire la juri-
diction de la Cour pour les différends (au sujet de situations ou de
faits ayant directement ou indirectement trait à l'application des
traités ou conventions acceptés par la Perse », on pourrait consi-

dérercomme acceptée cette juridiction dans des cas déterminés,vis-
à-vis de toutes les ((conventions »,dès qu'ellesont une portéeinter-
nationale -- mêmesi elles ne sont pas signéespar les représentants
de deux gouvernements. Le contrat de llAnglo-Iranian pourrait être
considéré comme une ((convention » de portée internationale -
sinon internationale en elle-même - et le différendsurgi tomberait
sous la compétence de la Cour.

Toutefois, cette interprétation de la déclaration de l'Iran pourrait
lui faire dépasser la portée de la juridiction de la Cour, limitée par
l'article 36, paragraphe 2 ; elle serait étendue à l'interprétation de
tout ((engagement international »,ce qui me parait désirable mais
n'est pas encore établi. L'acte-concession de 1933n'étant pas un
traité, il résulte que le différendsur son application ne justifie pas la
compétence de la Cour. Quand même,je crois intéressant de signaler
ce point, parce que j'espère que la compétence de la Cour évoluera

dans le sens indiqué, par la jurisprudence ou par la loi. Dèsmainte-
nant, ces considérations devraient influencer la détermination de la
jurisprudence de la Cour.

3. Après, avoir reconnu que la juridiction de la Cour résulte du
consentement desÉtats, on devrait nécessairement vérifiercomment

64 DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO
1.53
convention, or that the act by which it was cancelled can be
regarded as a purely private matter.
It is true that Article 36, paragraph 2, sub-paragraph (a), of
the Statute, only refers to "the interpretation of a treaty", though
it ought to have said "the interpretation of any international
engagementw-which would be more in consonance with the wide

terms of sub-paragraph (b) which reads : "any question of
international law". The wording which 1 would prefer seems al1
the more justified ~whenit is borne in mind that sub-paragraph (c)
of the same article 36, paragraph 2, speaks of "the existence
of any fact which, if established, would constitute a breach of an
international obligiition", and that sub-paragraph (d) speaks of :
"the nature or extent of the reparation to be made for the breach
of an international obligation". If the Court can have jurisdiction
in regard to the consequences of an international engagement,
how can it be argued that its jurisdiction cannot extend to the
interpretation of al1 international engagements, or that it must
in al1 cases be limited to the interpretation of treaties ?
And if the purpose of the Court's intervention is the legal solution

of international disputes, how can such intervention be excluded in
a case which threatens international peace, simply because there is
no question of the interpretation of an inter-state treaty ?
Since the Iranian declaration recognizes the compulsory juris-
diction of the Court.for disputes "with regard to situations or facts
relating directly or indirectly to the application of treaties or con-
ventions accepted lby Persia", we might regard the jurisdiction as
having been accepted, in the cases referred to, with regard to al1
<conventions", provided that they have an international signifi-
cance-even if they have not been signed by the representatives of
the two Governmenits. The contract of the Anglo-Iranian Company
might be regarde'd as a "convention" of an international scope-
even though it is not itself international-and the dispute that has

arisen would then fa11within the Court's jurisdiction.
Such an interpretation of Iran's declaration might, however,
result in giving it a scope wider than that of the jurisdiction of the
Court, which is limited by Article 36, paragraph 2 ;that is to Say,
the jurisdiction would be extended to the interpretation of any
"international engagement" ; this1 would regard as desirable, but
it is not yet a fact. As the Concession Agreement of 1933 is not a
treaty, itfollows that the dispute in regard to its execution does not
constitute a ground for the Court's jurisdiction. However, 1 have
thought it useful to drawattention to this point because 1hope that
the Court's jurisdiction will evolve in the direction indicated, by
decisions or by legislation. These considerations ought even now to
influence the evolution of the Court's jurisprudence.

3. As it is admitted that the Court's jurisdiction results from the
agreement of States, it becomes necessary to determine in what
64 l'Iran avait accepté cette juridiction. On a apprécié longuementla
portée de la déclaration du Gouvernement persan, du 2 octobre
1930, ratifiée le 19 septembre 1932.
Du côté iranien, on prétend que les mots ((et postérieurs à la
ratification de cette déclaration» se rapportent à (traités ou conven-
tions ».Alors, sous la juridiction de la Cour tomberaient seulement
les différends soulevésau sujet de situations ou de faits ayant trait
àl'application detraités postérieurs à la date du 19septembre 1932.

Du côtébritannique, on soutient que les mêmesmots « et posté-
rieurs à la ratification » se rapportent à (situations ou faits ».

Suivant cette interprétation, la Cour aurait juridiction dans tous
les différends postérieurs à la ratification de la déclaration au sujet
de situations ou de faits, qui seraient aussi postérieurs à cette
ratification, sur l'application des traités acceptés par la Perse,
quelle que soit leur date.
Mêmedu point de vue grammatical, on a justifié l'une et l'autre
de ces deux interprétations antagonistes. Sans doute, plus que les
éléments del'interprétation grammaticale, doivent prévaloir, dans
le cas actuel, les considérations d'ordre historique et politique.
D'autant plus qu'il s'agit d'un document qui, peut-être, a été
rédigépar une personne qui ne connaissait pas parfaitement les

nuances de la langue française. Mais il est certain que, mêmeau
point de vue historique et politique, on a présentéplusieurs argu-
ments à l'appui de l'une et de l'autre interprétation.
Au point de vue du droit international, le Gouvernement ira-
nien a observé que les limitations mentionnées dans la déclara-
tion ne doivent pas êtreappréciéesrestrictivement parce qu'elles
empiètent sur le domaine de la souveraineté nationale.
On aurait pu y opposer une autre considération, que je
considère plus pertinente : c'est que les restrictions aux termes
de l'article 36 du Statut ne sont pas autorisées - et sont même

exclues - par cette disposition du Statut. En vérité, l'article36,
paragraphe 2, permet que les États déclarent accepter la juridiction
de la Cour « sur toas les différends d'ordre juridique ayant pour
objet » les sujets indiqués dans les alinéas a), b), c), d).
L'acceptation ne pourrait pas êtrefaite avec exclusion d'une ou
de plusieurs de ces catégories. Le no 3 du mêmearticle 36 indique
les seules restrictions que les États peuvent établir - en exigeant
la réciprocitéde la part de plusieurs ou decertains États, ou limitant
un délai.
A mon avis, on ne pourrait pas admettre d'autres restrictions
ou conditions. Mais ilest vrai que l'on a admislargement la pratique

d'autres restrictions à cet article 36, inséréesdans les déclarations
nationales. Ainsi, on a trop facilité l'acceptation de la juridiction
de la Cour - avec des restrictions qui la rendent douteuse et
controversée. La Cour ne peut établir l'observance du Statut DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO I54

manner Iran accepted that jurisdiction. The scope of the Persian
Government's Declaration of October znd, 1930, ratified on Septem-
ber ~gth, 1932, has been the subject of lengthy arguments.
On behalf of the Iranian Govemment, it has been contended that
the words "et postérieursà la ratificationde cette déclaration"relate
to "traitésou conwntions". In that case, only disputes arising in
~egard to situations or facts relating to the application of treaties
subsequent to September ~gth, 1932, would corne within the juris-
diction of the Court.
On behalf of the British Government, it was argued that the
words "et postérieurs àla ratification" relate to "situation014faits".
According to that interpretation, the Court would have jurisdiction
for al1 disputes, subsequent to the ratification of the Declaration,
relating to situations or facts, which were also subsequent to that

ratification, in rega.rd to the application of treaties, of whatever
date, accepted by P'ersia.
Even from a grammatical point of view, reasons were advanced
in favour of each OIthese two conflicting interpretations. True, in
the present case, historical and political considerations should be
allowed greater weight than points of grammatical interpretation.
Al1 the more so be:cause the document in question was perhaps
drafted by a person who was not entirely familiar with the niceties
of the French language. But it is also true that a number of histo-
rical and political arguments were presented in support of each of
the respective interpretations.
From the point of view of international law, the Iranian C~overn-
ment contended that the limitations set forth in the Declaration
should not be construed restrictively, because they are matters
within the sphere of'national sovereignty.
1 regard as more relevant than that argument another which
might have been employed against it : namely, that limitations on
the terms of Article 36 of the Statute are not authorized-and are

even excluded-by that provision of the Statute. In point of fact,
Article 36, paragraph 2, allows States to declare that they accept
the Court's jurisdiction "in all legal disputes, concerning" the
subjects indicated in sub-paragraphs (a), (b), (c), (d) .
The jurisdiction c:annot be accepted subject to the exclusion of
one or more of these categories. Paragraph 3 of Article 36 of the
Statute specifies the only conditions which States may impose, viz.,
that of reciprocity on thepart of one or more States, and of a limita-
tion in time.
In my opinion, it is impossible to allow any other restrictions
or conditions. However, it is a fact that, in practice, other res-
trictions to Article 36 have been admitted, in the declarations
made by different riations. Thus undue facility has been afforded
for accepting the Court's jurisdiction-subject to restrictions which
make it doubtful or open to challenge. The Court cannot ensure the OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
I55
rejetant les acceptations de sa juridiction faites sous réserve de
conditions non autorisées par le Statut. La déclaration mêmede
la Perse est bien démonstrative des excès permis, parce qu'elle se

réfèrestrictement aux traités ((acceptés par la Perse »- condition
subjective d'appréciation très difficile. Ainsi, la Cour voit son action
freinée et restreinte par les termes de ces clauses et par les contro-
verses qu'ils provoquent sur l'étendue de sa juridiction.

4. J'ai essayéde vérifier si la juridiction de la Cour n'aurait pas
un autre fondement qui exclurait la controverse sur l'interprétation
de la déclaration iranienne, c'est-à-dire si, mêmeen acceptant
l'interprétation iranienne - suivant laquelle la juridiction de la
Cour serait restreinte aux différends fondés sur des traités posté-

rieurs au 19 septembre 1932 -, il n'y a pas fondement pour cette
juridiction dans le cas actuel.

Je me suis abstenu d'interpréter la déclaration iranienne et de
fixer la portée de l'échange de notes de 1928. Mêmeparmi les traités
signés par la Perse, de 1929 à 1937, invoqués par le Gouvernement
britannique, mon appréciation se limite à ceux qui sont <postérieurs
à la ratification de la déclaration )),postérieurs au 19 septembre
1932. Dans cette condition se trouvent les traités de la Perse avec

le Ilrinemark, du 20 février 1934, avec la Suisse, du 25 avril 1934,
avec la Turquie, du 14 mars 1937.

Le contrat-concession du 29 avril 1933 est lui aussi postérieur à
la ratification de la déclaration iranienne. Comme je l'ai dit (no 2),
je ne le considère pas comme un traité, malgré les circonstances
mentionnées plus haut.

5. Partant, je réduis Ia controverse à des proportions minimes :
j'accepte argumentandi gratia que la déclaration iranienne admette
la juridiction de la Cour seulement en rapport aux traités postérieurs

au 19septembre 1932. Je dois vérifier siles traités avec le Danemark,
la Suisse et la Turquie répondent à cette condition et s'appliquent
aux ressortissants britanniques, et si le gouvernement est fondé à
se plaindre de l'infraction du Gouvernement persan à ses obli-
gations concernant le traitement des ressortissants britanniques.

6. Ainsi restreinte, la question est simplifiée et gagne en impor-
tance, devenant une question doctrinale de la plus haute valeur.
Il ne s'agit pas seulement de savoir si la Cour est ou n'est pas compé-
tente dans le cas actuel. Elle vise à fixer le rôle de la Cour quant
à la surveillance des principes du droit international et de l'organi- DISSENTINGr OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO I55

observance of the Statute if it rejects acceptances of its juris-
diction subject to conditions which are not authorized by the
Statute. The Persian declaration is itself a good example of the
latitude which has been allowed, because it is strictly confined
to treaties "accepted by PersiaW-a subjective condition which
it is very difficult to appraise. Thus, the Court finds its action
delayed and restricted by the terms of these clauses, and by the
controversies which they engender as to the extent of its juris-
diction.

4. 1 have sought to ascertain whether the Court's jurisdiction
may not rest on sorrie other basis which would avoid the contro-
versy regarding the interpretation of the Iranian declaration ; in
other words, whether-even if one accepts the Iranian interpre-

tation according to which the Court's jurisdiction is limited to
disputes arising frcjm treaties subsequent to September ~gth,
1932-there is not some other foundation for its jurisdiction in
the present case.
1 have refrained from construing the Iranian declaration or
determining the scope of the exchange of notes of 1928. Even
among the treaties signed by Persia betu-een 1929 and 1937, ~vhich
.are invoked by the British Government, 1 confined my attention
to those which are "subsequent to the ratification of the declar-
ation", in other words, subsequent to September ~gth, 1932. That
description covers tlhe treaties concluded by Persia with Denmark
on February zoth, 1934, with Switzerland on April 25th, 1934,
and with Turkey on March 14th, 1937.
Another instrument which is subsequent to the ratification of
the Iranian declaration is the Concession Agreement of April zgth,

1933. As 1 have already observed (paragraph 2),1 do not regard
it as a treaty, in' :spite of the circumstances referred to above.
5. As a result, 1 have been able to reduce the controversy to
narrow limits : 1will admit, a-zrmenta~ldig~atia,that the Iranian

declaration only accepts the jurisdiction of the Court in respect
of treaties subsequent to September ~gth, 1932 It is therefore
necessary to consicler whether the treaties with Denmark, Swit-
zerland and Turkey comply with that condition and are applicable
to British nationals, and also whether the British Government
has reasonable groiind for complaining of a breach of the Persian
Government's obligation in regard to the treatment of British
nationals.

6. When reduced to these terms, the question becomes simplified
and acquires an added importance, asit involves a doctrinal issue
of the highest significance. It does not merely raise the issue
whether the Court has, or has not, jurisdiction in the present case.
It seeks to determine the rôle of the Court as the guardian of the OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
195
sation internationale - et même peut-être à justifier sa raison
d'être.

7. Dans le traité du 4 mars 1857 il a étéconvenu entre la Perse
.et le Royaume-Uni, à l'article IX, que

(le traitement accordé à leurs sujets respectifs eà leurs intérêts
commerciaux sera également, à tous les égards,le mêmeque celui
dont bénéficienltes sujets et les intérêtcommerciaux dela nation
la plus favorisée».
Dans le traité du 9 février 1903 les deux gouvernements ont
convenu (article II) que les sujets des deux pays ainsi que lesimpor-
tations de l'un dans l'autre

«continueront àjouir, soustous lesrapports, du régimede la nation
la plus favorisée».
Il est intéressant de noter que dans la publication de ce dernier

traité dans la collection de Felix Stoerk (Nouveau Recueilgénérad le
draités,zme série, tome XXXI, p. 506) il y a omission des mots
référantaux ccsujets))qui se trouvent dans les publications officielles
(British and Foreign StatePapers, vol. XCVI, p. 51 ;Treaty Series,
no IO).
Ensuite, par plusieurs traités - du 28 XI 1928, du 17 II 1929,
du 9 V 1929, du 29 X 1930, du 20 11 1934, du 25 IV 1934, du 14 III
1937 - l'Iran s'est obligéà accorder aux ressortissants de l'Égypte,

de l'Allemagne, de la Belgique, de la Tchécoslovaquie,du Danemark
et de la Suisse, et par échangede notes, à plusieurs dates, à ceux de
la Turquie, des Etats-Unis, des Pays-Bas et de l'Italie,« en ce qui
concerne leurs personnes et leurs biens », le traitement conformé-
ment ((aux principes et àla pratiquedudroit commun international )).
Le Gouvernement du Royaume-Uni prétend que cette même
garantie s'étend aux ressortissants britanniques, en vertu de ces
traités et de la clause de la nation la plus favorisée,et que l'attitude
du Gouvernement iranien envers la société anglaise cAnglo-

Iranian Oil Company I),qui souleva le différend auquel se reporte
la requête,constitue une violation du droit international commun.
Il me semble que, dans ces conditions, le différend tombe
sous le coup de la déclaration iranienne d'acceptation de la
juridiction de la Cour - mêmesi l'on accepte l'interprétation
que lui donne maintenant le Gouvernement de l'Iran. Les trois
traités - avec le Danemark, la Turquie et la Suisse - garan-
tissant le respect du droit international - sont des années 1934

et 1937, c'est-à-dire postérieurs à la ratification de la déclaration
iranienne.
8. Malgréla clarté de cette conclusion, on y a opposé plusieurs
objections d'importance. On a abandonné quelques-unes de ces

objections, et ce fait mêmeet la multiplicité des objections sont
bien significatifs d'un effort prolongéen vue d'ébranler la conclusion
présentée.
67 DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO 156

principles of international law and of the international organi-
zation-perhaps eiren to justify its existence.

7. In the Treaty of March 4th, 1857, between Persia and the
United Kingdom, -it was provided, in Article IX, that
"the treatment of their respective subjects, and their trade, shall
also,in evzry respect, be placed on the footing of the treatment
of the subjects and commerce of the most-favoured nation".

In the Treaty of February gth, 1903, the two Governments
agreed (Article II) that the subjects of both countries and their
imports into each other's territories
"shall continue to enjoy under al1 conditions most-favoured-
nation treatmerit".

It is interesting to note that in the text of the latter treaty, as
published in the Felix Stoerk collection (Nouveàu Recueil général
de traités,2nd Seri.es, Vol. XXXI, p. 506), the words relating to
"subjects" which appear in the officia1 publications (British and
Foreigfi State Pullers, Vol. XCVI, p. 51 ; Treaty Series No. IO)
are omitted.
Subsequently, in a number of treaties-28 XI 1928, 17 II1929,
9 v 1929, 29 x 1930, 20 II1934, 25 IV 1934, and 14 1111937-Iran
undertook to grant. to the nationals of Egypt, Germany, Belgium,
Czechoslovakia, Denmark and Switzerland, and by exchanges of
notes at different dates, to the nationals of Turkey, the United
States, the h'etherl.ands and Italy, treatment in accordance "with

the principles and practice of ordinary international law", "as
regards their perçons and their property".
The Cnited Kingdom Government contends that this guarantee
is extended to British nationals, in virtue of these treaties and of
the most-favoured.-nation clause, and that the behaviour of the
Iranian Governmerit towards the British "Anglo-Iranian-Oil Com-
pany", which gave rise to the dispute which is the subject of the
Application, constitutes a breach of general international law.
It appears to me that, in these circumstances, the dispute comes
within the terms o,fthe Iranian Declaration accepting the Court's
jurisdictiori-even if one admits the interpretation now placed upon
it by the Iranian Government. The three treaties-with Denmark,

Turkey and Switzerland-which guarantee the observance of inter-
national law-were signed in the years 1934 and 1937, that is,
subsequently to the ratification of the Iranian declaration.

8. In spite of the clarity of this conclusion, several weighty

objections to it have been put forward. Some of these objections
have been abandoried, but this fact, together with the multiplicity
of the objections, is striking evidence of the persistence of the
efforts to weaken the conclusion submitted.
671.57 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

Dans les plaidoiries, on a soulevé deux objections. On a dit
que l'observation du droit international commun, envers les
ressortissants britanniques, ne découlerait pas des traités de
1934 et de 1937, mais de traités bien plus anciens - les traités
de 1857 et de 1903 qui ont établi la clause de la nation la plus
favorisée :ceux-ci seraient le principal, les autres seraient l'acces-

soire. On a ajouté que l'acte de nationalisation de l'exploitation
du pétrole n'enfreint aucune règle de droit international
commun, c'est-à-dire que le Gouvernement de l'Iran, étant obligé
de donner aux ressortissants britanniques les garanties du droit
international commun, n'était pas empêchéde nationaliser l'ex-
ploitation du pétrole pour laquelle il avait passé contrat en 1933
avec une sociétébritannique.
Je n'accepte ni l'une ni l'autre de ces deux objections.

9. En ce qui est de la première objection, il me semble évident

que les ressortissants britanniques ont eu, de l'Iran, la garantie
« des principes et de la pratique du droit commun international »,
non en vertu des vieux traités de 1857 et de 1903 - antérieurs
à la déclaration iranienne - mais par la force des traités de 1934
et de 1937, postérieurs à cette mêmedéclaration. A ce point de
vue, les actes principaux sont les deux derniers traités, non les
deux antérieurs. Les deux premiers traités établissaient la clause
de la nation la plus favorisée ;mais cette clause, par elle-même,
ne donnerait pas aux ressortissants britanniques la garantie (des
principes et de la pratique du droit international 1)Ils ont reçu
cette garantie, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée,

consignée dans les traités précédents, quand la même garantie
a été donnée aux ressortissants du Danemark, de la Turquie
et de la Suisse. La clause mentionnée a agi seulement pour
amplifier et étendre aux ressortissants britanniques les conces-
sions faites à d'autres étrangers par les traités de 1934 et
de 1937. Cette amplification de la portée des trois derniers
traités n'a pas eu lieu, ne pouvait pas avoir lieu avant la rati-
fication de ces mêmes traités. Or, il s'agit de traité((postérieurs )>
à la déclaration iranienne. Le différend, qui a surgi sur l'allégation
de la violation de cette garantie, tombe ainsi sous le coup de

cette déclaration, même si l'on accepte l'interprétation que lui
donne, dans le procès actuel, le Gouvernement iranien.
Le mécanisme de la clause de la nation la plus favorisée est
bien connu. Elle n'agit pas seule, par elle-même ; éventuellement,
elle agit sur le traité ultérieur qui concède quelque avantage à
une autre nation et rend, tout de suite, extensif à la nation
favorisée ce même avantage.
Ainsi, l'effet de cette clause est, comme l'a dit Visser, com-
plémentaire. (Ito, La clause de la nation la plzcs favorisée,p. 36.)
Elle ne donne, par elle-même,aucun droit ; elle peut ne pas avoir

d'application et rester inutile. Or, les droits ou avantages concédés
68 DISSENTliNG OPINION OF JVDGE LEVI CARNEIRO 157

In the course of the oral arguments, two objections were put
forward. It was contended that the duty of conforming to general
international law in the treatment of British nationals did not
arise from the Treaties of 1934 and 1937, but froin much earlier
treaties-the Treaties of 1857 and 1903-which contained the most-
favoured-nation ciause : the latter Treaties were said to be the
principals, the othlers only accessories. It was further contended
that the Act natiorializing the exploitation of oil did not contravene
any rule of general international law ; in other words, that the
Government of Iran, though bound to accord the guarantees of
general international law to the British nationals, was not debarred

fromnationalizing the exploitation of oil, in regard to which it had
concluded a contract in 1933 'with a British Company.
1 am unable to accept either of these two objections.

9. As to the first objection, it seems to me to be clear that British
nationals received from Iran a guarantee of "the principles and
practice of ordinary international law", not by virtue of the old
Treaties of 1857 arid 1903 which preceded the Iranian Declaration,
but asthe result of the Treaties of 1934 and 1937, which were subse-
quent to the Declaration. From this point of view, the principal
instruments are the two last treaties, not the two earlier ones. The
first two treaties established the most-favoured-nation clause ; but
this clause, by itself, would not give British nationals the guarantee

of "the principles and practice of international law". Thisguarantee
they received, by virtue ofthe most-favoured-nation clause contained
in the earlier treaties, when the same guarantee \vas given to the
nationals of Denmark, of Turkey and of Switzerland. This clause
operated to enlarge, to extend to British nationals, the concessions
granted to other foreigners by the Treaties of 1934 and 1937. This
enlargement of the scope of the three later Treaties did not take
effect, and could riot take effect, before the ratification of these
Treaties. But these are treaties which are "postériez~rs",subsequent
to the Iranian Declaration. The dispute which arose from the alle-
gation that this gua.rantee had been violated is thus within the terms
of the Declaration, even if one accepts the interpretation put upon
it in the present proceedings by the Iranian Government.

The manner in ~vhich a most-favoured-nation clause operates is
well known. It does not take effect by itself alone ; it operates in due
course upon the later treaty which grants some advantage to another
nation, and it iminediately extends the same advantage to the
favoured nation.
The effect of the clause is, therefore, as Visser has said, comple-
mentary. (Ito, La claztse de la nation Laplils favorisée,p. 36.) By
itself it confers no rights ;it can have no application and remains
useless. Rights or a.dvantages granted to a third State do not exist,
bF19 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

à -un tiers État n'existent pas, ni pour cet État mêmeni pour
1'Etat favorisé, avant la concession ,expresse. Aussi, les droits
ou avantages ne subsistent pas pour 1'Etat favorisé si la concession
faite à un autre État vient à être abrogée. (Raphaël A. Farra,
Les eflets de la clause, etc., p. 67 ;Josef Ebner, La clause de la
nation, etc., pp. 149-150 ; Marcel Sibert, Traité de droit inier-
national public, II, p. 255.) C'est-à-dire que la clause ne produit
aucun effet permanent - mais seulement contingent, tant qu'il

y a un autre traité dont elle amplifie la portée.
Oppenheim la considère comme une règle de droit, (mais une
règle de droit dont le contenu est incertain, parce qu'il dépend d'un
événement futur, c'est~à-dire des concessions qui seront accordées
aux Etats tiers ».(La clause de la nation, etc., p. 26.) La clause est
seulement une garantie conditionnelle de cpncession future, une
promesse ou un engagement à concéder à un Etat, ou à ses ressortis-
sants, les mêmes avantages accordés, ou qui viendraient à être
accordés à d'autres États et aux ressortissants d'autres Etats.
On voit que ce sont les traités de l'Iran avec le Danemark, avec
la Turquie et avec la Suisse, en 1934 et 1937, qui ont octroyé
aux ressortissants britanniques la garantie, pour leurs personnes et

leurs biens, des principes communs de droit international et non
pas les traités avec le Royaume-Uni de 1857 et de 1903. Le différend
actuel porte sur la violation de ces garanties, c'est-à-dire qu'il a
trait directement à l'application des traités postérieurà la ratifica-
tion de la déclaration du 2 octobre 1930 Par là, même ensuivant
l'interprétation iranienne de cette déclaration, le cas actuel est de
la comphtence de la Cour.

IO. Avant de considérer la deuxième objection, je me permettrai
de signaler l'importance de la question qu'elle soulève.
La Cour se trouve, suivant ce que j'ai dit, en face d'une allégation
d'infraction positive aux dispositions de deux traités postérieurs
à la déclaration iranienne de 1932 ; cette allégation semble prima

facie fondée. Mêmeen adoptant l'interprétation que le Gouver-
nement iranien donne de sa déclaration d'acceptation de la juridic-
tion de la Cour, cela me suffit pour considérer la Cour comme
compétente dans le cas actuel. Il y eut infraction aux dispositions
d'un traité, à l'ombre duquel des ressortissants britanniques ont
investi dans le territoire iranien des sommes considérables, qui leur
ont certainement rapporté des profits immenses, mais desquelles
ils sont maintenant dépossédéssans compensation immédiate.
C'est là une infraction aux principes fondamentaux du droit inter-
national contemporain, à des principes consacrés par la légis-
lation, la jurisprudence et la doctrine des pays civilisés.

Par cette raison, je considère que la deuxième objection porte
la controverse à son point culminant, en niant, dans le cas actuel,

l'ixifraction au droit international.
60 DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO
158
either for the benefit of that State itself or for that of the favoured
State before they are expressly conceded. Again, the rights or advan-
tages do not subsi:jt for the favoured State if the concession made
to another State should be abrogated. (Raphael A. Farra, Les eflets
de la clause, etc., p. 67 ;Josef Ebner, La clause de la nation, etc.,
pp. 149-150 ; Marcel Sibert, Traitésde droit international public, II,
p. 255.) That is, the clause does not have any permanent effect-its
effect is merely contingent and is dependent on the continued

existence of another treaty the scope of which it enlarges.
Oppenheim considers it a legal rule, "but a legal rule the content
of which is uncertain, because dependent upon a future event,
namely concessioni; to be granted to third States". (La clause dela
nation, etc., p. 26.) The clause is merely a conditional guarantee of
a future concession, a promise or an engagement togrant to a State
or to its nationals the same advantages as are granted or may be
granted to other Statesand to the nationals of other States.

Itcan be seen that it was Iran's treaties with Denmark, Turkey
and Switzerland, in 1934 and 1937, and not the Treaties of 1857
and 1903 with the United Kingdom, which gave British nationals,
in respect of their perçons and their property, the guarantee of the
general principles of international law. The present dispute relates
to the violation of these guarantees, that is to Say, it has direct
reference to the application of treaties subsequent to the ratification
of the Declaration of October and, 1930. For this reason, even
accepting the Iranian construction of this Declaration, the present

case is within the Court's jurisdiction.

IO. Before dealing with the second objection, 1 should like to
indicate the importance of the question ivhich it raises.
In accordance with what 1 have said, the Court has before it an
allegation of a positive breach of the provisions of two treaties
subsequent in date to the Iranian Declaration of 1932 ;this allega-
tion would appear prima facie to be well founded. This is sufficient
to satisfy me that, even adopting the interpretation put by the
Iranian Government upon its Declaration of acceptance of the
Court's jurisdiction, the Court has jurisdiction in the present case.
There has been a breach of the provisions of a treaty in reliance
upon which British nationals have invested large sums of money
in the territory of Iran, sums which have indeed brought them
immense profits, of which they are now dispossessed without any
immediate comperisation. This is a breach of the fundamental prin-
ciples of modern international law, of principles recognized by
the legal systems, the decisions and the jurisprudence of civilized

countries.
For this reason 1 consider that the second objection brings the
dispute to its culniinating point, by the denial, in the present case,
of a breach of international law.
691.59 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
II. Cette objection soulève une question du plus grand intérêt
doctrinal et qu'il faut également considérer, car les Parties

l'ont débattue longuement et brillamment ; dans le cas actuel, il
s'agirait de (nationalisation ))et non de simple (expropriation » :
ce sont là deux choses profondément distinctes ; dans le cas de
nationalisation, l'indemnisation peut ne pas être intégrale et la
nationalisation ne contrarie aucun principe de droit international.
On a dit qu'il n'y a pas de (règlede droit des gens positive relative
à la matière de nationalisation »: c'est un acte politique. Encore
une fois, par ce motif, la Cour serait incompétente.

Cependant, il est indéniable que la nationalisation et l'expro-
priation sont parfois liées. La nationalisation peut entraîner
l'expropriation. Quand «l'installation d'un service publicabsorbe une
entreprise privée, il y aura expropriation de celle-ci. L'installation
du service public n'est pas l'expropriation ;mais dans plusieurs cas,
le présuppose. ))(Henry Laufenberger, L'intervention de Z'Etaten
matière économique, pp. 268-269.)
La loi iranienne du I~~ mai a décrétéexpressément «l'expropria-

tion » de la Compagnie Anglo-Iranian. D'autre part, la nationalisa-
tion n'est pas toujours un acte exclusivement politique ; elle peut
même soulevercertaines questions purement juridiques - comme
celle qui se présente dans le cas actuel :1'Etat peut-il exercer la
nationalisation, exproprier la concession, -quand il s'est obligé à la
respecter toujours ?En d'autres termes, l'Et$ peut-il renoncer à/ou
restreindre, l'exercice de son policepower ? Evidemment, on ne peut
considérer maintenant cette question : elle porte entièrement sur
le fond de l'affaire.

Même dans l'expropriation, il y a l'acte préliminaire de déclaration
de nécessité oud'utilité publique, que l'on considère générale-
ment comme une question politique échappant à l'appréciation
judiciaire.

12. Je reconnais que la nationalisation, dans certains cas ou sous
certains aspects, n'intéresse pas le droit international, notamment
quand il n'y a pas discrimination entre nationaux et étrangers.
Le Gouvernement de l'Iran a bien cherché à montrer que ses lois
n'ont pas fait cette discrimination. Je reconnais que les deux lois de
nationalisation ne contiennent pas un mot qui traduise une telle
discrimination. Mais, vraiment, il s'agit de « nationalisation )et non
d'étatisation, que souvent on dCsignepar ce mêmemot. Cela signifie

alors précisémentl'exclusion des étrangers. Je crois mêmeque les
deux lois iraniennes n'ont étéappliquées qu'à la compagnie britan-
nique : la loi du rermai détermine l'expropriation de cette seule
compagnie.

13. On a signalé que la plupart des décisionsarbitrales qui ont
étéinvoquées, exigeant en matière d'indemnisation une indemni-
sation totale sinon préalable. remontent au siècledernier et on a DISSENTING OPIXION OF JUDGE LEVI CARNEIRO
159
II. This objection raises a question of the greatest juridical
interest which also requires to be considered since the Parties
argued it at length and with great ski11 ;it is said that what is
involved in the present case is "nationalization" and not mere
"expropriation" : that these are two very different things ; that
in the case of nationalization complete indemnity is not required
and that the nationalization does not contravene any principle
of international law. It is said that there is no "positive rule of

the law of nations relating to nationalization", that it is a political
act. On this ground, too, it is contended that the Court lacks
competence.
It is, however, undeniable that nationalization and expropriation
are sometimes linked. Nationalization may entai1 expropriation.
When "the setting-up of a public service absorbs a private under-
taking there will be expropriation of the latter. The setting-up of
a public service is not expropriation ;but in many cases jt pre-
supposes it." (Henry Laufenberger, L'intervention de I'Etat en
matière économique,pp. 268-269.)
The Iranian law of May 1st specifically decreed : "expropriation
of the Anglo-Iranian Company". Moreover, nationalization is not
always an exclusively political act ; it may indeed raise certain
questions which are purely legal questions-such as that which

arises in the present case :can a State carry out nationalization,
expropriate a concession, when it has bound itself to respect it
always ? In other words, can a State renounce or restrict the
exercise of its "police power" ? Of course, this is not a question
which can be considered at the present time : it relates entirely
to the merits of the case.
Even in the case of expropriation there is the preliminary act
of the declaration of the public need or the public interest, which
is generally regarded as a political question outside the scope of
judicial appraisal.

12. 1 recognize that nationaIization, in certain cases and in some
of its aspects, is not the concern of international law, particularly
if there is no discrimination between nationals and foreigners. The
Iranian Government indeed sought to show that its laws had not
discriminated in this way. 1 recognize that the two Nationalization
Acts do not contain a single word indicating such discrimination.
But, indeed, what is involved is "nationalization", and not State-
acquisition [étatisation]which is often designated by the same word.
And that must mean the exclusion of foreigners. Indeed, 1believe
that the two Iranian laws were applied only tothe British company :
the law of May 1st provides for the expropriation of that company

alone.
13. It has been said that most of the arbitral awards which
have been invoked and which lay down that compensation shall
be complete, if not paid in advance, were made during the last

70160 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
douté que (cette Cour puisse, au milieu du xxme siècle, dire qu'il

existe actuellement une règle du droit des gens conforme à la pra-
tique des nations civilisées, quiinterdit aux Etats de faire prévaloir
leur loi de nationalisation sur les droits que des particuliersétrangers
tireraient d'actes de concession ».

On a invoqué les études sur la nationalisation à l'Institut de
droit international, au cours desquelles on est arrivé à désirer, de

lege ferenda, «une certaine réglementation juridique de nature à
assurer au droit individuel un minimum de protection qu'il ne
trouvait pas dans le droit des gens positif actuel ».Je veux rappeler
que le projet initial de M. de La Pradelle - le même professeur qui,
comme on l'a dit, voudrait faire table rase, devant le phénomène
moderne de la nationalisation, de toute l'ancienne jurisprudence
relative aux expropriations - et le projet définitif,publiés tous deux
dans l'Annuaire de 1950 (pp. 67-132) (tout en considérant que dans

les cas de nationalisation sont admissibles cdes conditions plus
accessibles pour ne pas être prohibitives: il suffira de l'utilité publi-
que, d'une indemnité basée sur les possibilités du débiteur, raison-
nablement considérées,dans un paiement échelonnésur un délai
normal n),reconnaissaient, en même temps, lecaractère international
de l'acte de nationalisation, déterminant :((c'est à 1'Etat lui-même
qu'il appartient de se saisir de l'atteinte portée à son économie
extérieure par les mesures internes de l'État nationalisateur, afin

d'en obtenir le redressement » (article 12). Par cette considération,
le projet écartait la règle selon laquelle l'instance internationale ne
peut êtresaisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes
(article 13).

Le dispositif fondamental du projet était l'article 5 :

« La nationalisation, acte unilatéral de souveraineté,doit res-
pecter les engagements valablement conclus, soit par traité, soit
par contrat. Faute de ce respect, il y aura dénide justice donnant
lieu non pas à une simple indemnité, valeur par valeur, mais à
des dommages-intérêts , caractère pénalisateur. ))

L'article g ajoutait :

((Les étrangersont droit au traitement international, alors même
qu'il serait supérieurau traitement national. ))

Le projet exigeait l'appréciation de tribunaux spéciaux à compé-
tence technique marquée (article 13). Tous ces. dispositifs furent
incorporés au projet définitif de résolution. DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO 160

century, and doubt was expressed as to whether "in the middle
of the twentieth century this Court is entitled to say that there
exists at the present day a rule of international law, in accordance
with the practice of civilized nations, which prohibits States from
claiming that their nationalization laws should take precedence
over the rights of individual foreigners derived from concessionary
instruments".
Reliance has been placed upon the research work on nationa-
lization carried out by the Institute of International Law, in the
course of which the conclusion was reached that it was desirable,
de lege ferenda, "to lay down some legal rules of such a nature

as to secure for individual rights that minimum of protection
which existing positive international law fails to provide". 1 would
point out that the first draft of RI. de La Pradelle-the same
professor who, as it has been said, would like to sweep away, in
the face of the modern phenomenon of nationalization, al1 the
old decisions relating to expropriation-and the final draft, both
published in the Annuaire of the lnstitute of International Law
for 1950, pages 67-132 (while taking the view that in the case
of nationalization "such conditions are permissible as are not
prohibitive :it shall suffice if the public interest is involved, and
if the amount of compensation is based upon the means of the
debtor, such means to be ascertained in a reasonable manncr,
and payment to bt: spread over a normal period of time"), that
these drafts recognized, at the same time, the international char-
acter of the act of nationalization, by providing as follows : "it
is for the State itself to deal with threats to its external economy
caused by intemal measures of the nationalizing State, and to
seek redress therefor" (Article 12). In so providing, the draft

rejected the rule according to which an international tribunal can
only be seised after al1 local remedies have been exhausted
(Article 13).
The basic provision of the draft was article 5 :
"Nationalization, as a unilateral act in the exerciseofsovereignty,
shall respect obligations validly undertaken, whether by treaty
or by contract. Failing such respect there will be a denial of justice
giving the right. not merely to payment of compensation based
upon value, but. to damages of a punitive character."

Article 9 added the following

"Foreigners are entitled to international treatment even in the
treatment."ch treatment conferring greater rights than national

The draft provided for the exercise of jurisdiction by special
tribunals exercising special technical jurisdiction (Article 13).
Al1 these provisioris were incorporated in the final draft of the
resolution.

71161 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

Il est vrai que la discussion a repris à la session de cette année, à
Sienne. On y a vu des propositions bien plus «avancées ))Cesprogrès
de la doctrine sont bien moins importants que ceux que l'on ferait
dans la législation ou dans la jurisprudence de la Cour.

1,efait que ces discussions prolongées ont eu lieu au sein de 1'Insti-
tut montre la répercussion de la nationalisation dans le droit inter-
national. La multiplicité des traités réglant l'indemnisation des
étrangers à la suite des actes de nationalisation en plusieurs pays
d'Europe, les paiements étant faits de gouvernement à gouverne-
ment, confirme aussi le caractèrededroit international que la natio-
nalisation prend souvent.

14. Chacun de nous garde, inévitablement, au sein de la

Cour, sa formation juridique, certains traits de ses activités juridi-
ques antérieures dans son pays d'origine. C'est inévitable et c'est
même justifiéparce que, dans son ensemble, la Cour doit représenter
les cgrandes formes de civilisation et les principaux systèmes
juridiques du monde ))(Statut, article 9),et appliquer «les principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées ». (Statut,
article 38, 1, c).)
Dans ces conditions, je me permets de signaler qu'au Brésil,
malgré l'avancement de la législation sociale et malgré certaines
restrictions des droits des propriétaires - notamment en matière

de location -, la jurisprudence de la Cour suprêmegarantit rigou-
reusement l'indemnisation juste, intégrale et préalable du proprié-
taire exproprié. En matière de nationalisation, la Constitution
actuelle, promulguée par l'Assemblée nationale en 1946, contient
ce dispositif :

« L'Union fédérale pourra, par une loi spéciale,intervenir dans
le domaine économiqueet prendre le monopole de certaine indus-
trie ou activité. L'intervention sera baséedans l'intérêtpublic et
limitéepar les droits fondamentaux assurésdans cette Constitu-
tion.1)(Article 146.)

Parmi les garanties constitutionnelles, il y a celle du droit de
propriété, sous réserve de l'expropriation « pour nécessité ou
utilité publiques, ou par intérêt social, moyennant préalable et
juste indemnisation en argent n. (Article 141, par. 16.)
Mais je sais bien quedans chaque pays, les mesures de nationali-
sation ont étéinfluencéespar la conception de la propriété delJÉtat,
l'indemnisation pouvant mêmeêtreexclue à titre de pénalité pour

l'attitude des anciens propriétaires (Joyce Gutteridge, ((Expropria-
tion and nationalization )in The International and ComparativeLaw
Quarterly,janvier 1952, pp. 14-28). DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO 161

It is true that the matter was again discussed this year at the
conference which met at Siena. Far more "advanced" suggestions
were put forward. This advance in doctrine is less far-reaching
than that proposed in the matter of legislation or in the juris-
prudence of this Court.
Thefact that these lengthy discussions took place in the Institute
of International Law proves the repercussions of nationalization

upon international law. The multiplicity of treaties providing for
compensation payable to foreigners by reason of acts of nationali-
zation in various European countries, and the fact that payments
have been effected between governments, also confirm the fact
that nationalization frequently assumes the character of a problem
of international law.

14. It is inevitable that everyone of us in this Court should
retain some trace of his legal education and his former legal activities
in his country of origin. This is inevitable, and even justified,
because in its composition the Court is to be representative of "the
main forms of civilization and of the principal legal systems of
the world" (Statute, Article g), and the Court is to apply "the

general principles of law recognized by civilized nations". (Statute,
Article 38 (1) (c).)
In this connection 1 may be permitted to point out that in
Brazil, in spite of the advance made in social legislation and in
spite of certain restrictions placed upon the rights of owners of
propert y, in particular with regard to letting ,the jurisprudence
of the Supreme Court provides strict guarantees for the payment
to the expropriated property owner of just, full and prior compensa-
tion. With regard to nationalization, the present Constitution,
promulgated by the National Assembly in 1946, provides as
follows :

"The Federal Union may intervene in the economicsphere and
monopolize certain industries or activities, by means of special law.
The intervention shall be based upon the public interest, and shall be
limited by the fundamental rights assured in this Constitution."
(Article 146.)

Among the constitutional guarantees is included that of the
right of property, subject to a right of expropriation "for public
neceçsity or utility, or social interest, with prior and just compen-

sation in money". (Article 141, para. 16.)
1 am fully aware that measures of nationalization are in every
country inspired by the conception of ownership by the State,
so that compensation may even be withheld as a measure of
punishment of the fornier owners for the attitude adopted by
them (Joyce Gutteridge, "Expropriation and Nationalizatiori" ))in
The I~zternntionaland Comparntiz~eLaw Qzrarterlv,January 1952,
pp. 14-28).

77162 OPINION DISSIDENTE DE R.I. LEVI CARNEIRO

15. Peut-être ne s'agit-il pas, dans le cas actuel, du cdroit des
gens positif » - ce qui pourra êtreseulement le droit strictement
consolidédans les traités ou conventions. Aucun traité ne mentionne
de manière détailléechacun des (principes de droit international ))
que les États doivent respecter. Les ((principes du droit inter-
national commun )) précèdent, inspirent et dominent les traités;

ils découlent des traités, de la doctrine et de la législation générale.
D'autre part, il n'y a dans le droit contemporain aucun principe
plus beau ni plus fécond que celui de la répartition des charges
et des dommages. Quand il s'agit de dommage souffert par quelque
membre de la collectivité dans l'intérêtmêmede celle-ci, il n'est
pas juste que seulement le membre directement atteint doive
supporter tout le poids du sacrifice.
A mon avis, il doit en être ainsi dans des cas de nationa-
lisation d'entreprises déjà installées. Mais, si l'on invoque encore

l'intérêt de la collectivité pour justifier, dans ces cas-là, une
indemnisation incomplète, au contraire de ce qui se passe dans
les cas d'expropriation, il faudra reconnaître que cette considé-
ration ne peut pas valoir par rapport aux étrangers qui, par le
fait même de la nationalisation, sont écartés de la collectivité
nationale favorisée par tel acte. Il n'y a pas de raison pour les
soumettre - comme on pourra prétendre eu égard aux nationaux
- à un (sacrifice plus étendu » que celui imposé dans les cas

d'expropriation. Cela découle des principes de traitement des
étrangers consacrés par le droit international contemporain.
On ne pourra prétendre que les conditions actuelles de la vie
internationale aient écarté cette considération. Au contraire, je
crois qu'elles ont valorisé cette considération - devenue une
condition de la coopération internationale dans le domaine
économique et financier. Quand tant de pays ont besoin de
capitaux étrangers pour le développement de leur économie, ce
serait non seulement une injustice mais une erreur grave de

soumettre ces capitaux, sans aucune restriction ni garantie, aux
éventualités de la législation des pays où ils ont été appliqués.

16. Je suppose que le devoir primordial de la Cour est de veiller
à l'observation du droit international et de favoriser son dévelop-
pement. Au premier examen du cas actuel, je ne peux pas exclure
la possibilité - au moins, la possibilité - de ce que le Gouver-
nement de l'Iran ait enfreint cles principes et la pratique du droit

international commun », qu'il s'était obligé à respecter envers les
ressortissants britanniques. Au contraire, des indices très graves
témoignent de cette infraction.
Je reconnais que la simple invocation da ((principes du droit
international » assurés par les traités mentionnés ne suffit pas pour
justifier la compétence de la Cour. Il faut vérifier si cette invoca-
tion est acceptable. DISSENTING OPINION OF JCTDGE LEVI CARNEIRO 162

15. It may be that in the present case we are not concerned with
the "positive law of nations", which is the law strictly laid down in
treaties or conventions. There is no treaty which mentions, in a
detailed manner, every one of the "principles of international law"
which Statesare boiind to observe. The "principles of ordinaryinter-
national law" precede, inspire and govern treaties ; they flow from
treaties, from doctrine and from the general legal system. In present-
day law, there is no finer or more fruitful principlehan that provid-
ing for the distribution of burdens and of damage suffered. LVhere
damage has been suffered by a member of the community in the
interests of the latter it would be unjust that that member alone
should bear the full burden of the sacrifice.

In my opinion the same principle must apply in the case of
nationalization of enterprises already established. If the interests of
the community are invoked, in such cases, in order to justify pay-

ment of less than full compensation, contrarj~ to the practice adopted
in cases of expropriation, we must nevertheless recognize that such
a justification cannot be put forward as applying to foreigners who,
by the veryfact of nationalization, have been cast from the national
community in whose favour nationalization has been carried out.
There is no reason why, as may well be contended in the case of
citizens of the nationalizing country, foreigners should be subjected
to a "more extensive sacrifice" than is involved in the case of expro-
priation. This follows from the principles governing the treatment
of foreigners,principles recognized by present-day international lai\-.
It cannot be said that present-day conditions of international
life have done away with the proposition here expounded. On the
contrary, 1 think tl-iat they have given added weight to this propo-
sition which has become a prerequisite of international CO-operation
in the economic and financial fields. When there are so many coun-
tries in need of foreign capital for the development of their economy,
it would not only be unjust, it would be a grave mistake to expose

such capital, withoiit restriction or guarantee, to the hazards of the
legislation of countries in which such capital has been invested.

16. 1 take it that the first duty of the Court is to ensure the
observance of international law and to further its development.
ljpon an initial examination of the present case, 1 cannot exclude
the possibility-th<: possibility, at least-that the Government of
Iran has violated '"the principles and practice of ordinary intcr-
national law" which it had undertaken to observe in relation to
British nationals. On the contrary, there are very strong indications
of such a violation..
1 agree that it is not sufficient, in order to establish the: jurisdic-
tion of the Court, merely to invoke the "principles of international
law" guaranteed by the treaties to which reference has been made.
It is necessary to ascertain whether the invocation of these prin-
ciples is admissible.

73 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
163
Le distingué conseil du Gouvernement iranien a rappelé la
Ijurisprudence constante » de la Cour permanente, ccsuivant
laquelle il ne suffit pas qu'une demanderesse invoque des traités ....

pour qu'à la faveur de ce prétexte elle soumette à la Cour des
demandes qui sont sans rapport avec la base juridique qu'elle
invoque. La Cour doit vérifier si prima facie il existe un rapport. ))
(Plaidoiries, Distr. 521131, p. 60.)
Sans approfondir maintenant l'examen des actes et des affir-
mations du Gouvernement iranien plus qu'il n'est nécessaire pour
décider sur l'exception présentée,je crois indispensable de signaler

la violation, au moins apparente, des principes générauxdu droit
international commun, par déni de justice, par suppression de
garanties irrécusables aux ressortissants britanniques en Iran. Cet
examen préparatoire est encore nécessaire pour montrer que
certaines propositions du Gouvernement iranien, visant à exclure
la compétence de la Cour, sont mal fondées.

Il faut considérer la situationque la Cour a étéappelée àtrancher.

On verra que si ce cas, malgré sa pertinence, sa gravité et l'évidence
des violations du droit international qu'il présente, échappe à la
juridictior, de la Cour, le Statut doit êtrecorrigé pour éviter que
puisse se répéter une autre fois l'onlission d'aujourd'hui.

17. La loi du I~~ mai détermine ((l'expropriation » de la Com-
pagnie. Comment cela s'est-il fait ? Par un procès judiciaire ?Manu

tuilitav? Je n'en sais rien.
Je note que le Gouvernement iranien, dans ses ((Observations )),
mentionne la compagnie britannique comme cex-compagnie 1).
C'est la mêmeexpression que celle de la loi du I~~ mai : ((former »,
ou en français (ancienne 1).C'est-à-dire qu'on considère que, en
conséquence des décrets de nationalisation, la compagnie a cessé
d'exister.
Idemémoireiranien affirme qu'aucune assembléelégislative ne peut

êtreliéepar des précédents. Par là, on arriverait à ne pas admettre
de droits acquis. On se base sur une citation de Jèze. Cette citation,
faite dans le mémoire iranien et que l'on dit appuyée par Duguit,
Hauriou et Barthélemy, montre bien l'ampleur de la compréhension
iranienne de l'action du Parlement. D'après elle, il n'y aurait pas
de droits acquis. Le Parlement pourrait, à tout moment, annuler
librement le contrat-concession de 1'Anglo-Iranian.

Mais le défendeur n'a pas fait attention aux mots de Jèze, qu'il
a transcrit à la page II de son mémoire. Il se rapporte « à la
situation juridique généralei,mpersonnelle ».
Il ne s'agit pas de situations individuelles, de contrats, de
concessions, comme dans le cas actuel, de I'Anglo-Iranian Oil
Company. Sur le cas particulier de ces situations, la leçon de

74 DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO 163

The distinguished Counsel of the Iranian Government reminded
us of the "consistently followed principle" of the Permanent Court,
"according to which it is not sufficient for an applicant to invoke
treaties ...in order to be entitled, on this pretext, to submit to
the Court claims not related to the legal basis upon which reliance
is placed. The Court must ascertain whether prima facie such a
relationship exists." (Oral Arguments, Distribution 521131p ,. 60.)
Without, at this stage, examining the acts and contentions of
the Iranian Government further than is necessary for the purpose
of arriving at a decision on the Preliminary Objection, 1 deem it
essential to note the violation or, at least, the apparent violation,
of the general principles CA ordinary international law, by a denial
of justice, by the failure to honour the indisputable guarantees
granted to British nationals in Iran. This preliminary examination
is also necessary to show that certain propositions of the Iranian
Government, designed to exclude the jurisdiction of the Court,

are ill-founded.
We must consider the situation upon which the Court has to
adjudicate. It will be seen that if this case, in spite of its relevance,
its gravity, and the evidence it provides of violations of inter-
national law, is held to be outside the jurisdiction of the Court, the
Statute should be amended in order to ensure that the defect thus
revealed may be remedied for the future.

17. The law of May 1st provides for "the dispossession" of the
Company. How was this effected ? By legal proceedings ? -Va7zu
militari? 1 do not knour.
1 note that the Iranian Government, in its "Observations",
refers to the British Company as the "former Company". This is
the expression usetl in the law of May 1st :"former", or in French,
"ancienne". This indicates that the Company is regarded as having
ceased to exist as a result of the Nationalization Decrees.

The Iranian Observations state that no legislative assenlbly can
be bound by prev:ious assemblies. If this were so, the existence of
vested rights could be denied. A quotation from Jèze is relied upon.
This quotation, which appears in the Iranian pleading and which
is said to be supported by Duguit, Hauriou and Barthélemy, is
evidence of the extent of the Iranian understanding of the action
of Parliament. According to this understanding, vested rights do
not exist. Parliament could, at any time, in its discretion, aniiul
the concessionary contract of the Anglo-Iranian Oil Company.
But the Respondent has failed to read attentively the words of
Jèze which are set out on page II of the pleading. He [Jèze] refers
to "a general, impt:rsonal legal situation".
The quotation is not concerned with individual situations or
concessional contracts, as in the case of theAnglo-Iranian Oil Com-
pany. With regard to such situations the theory of Jèze, if 1 am

74 OPINION DISSIDENTE DE SI.LEVI CARWEIRO
164
Jèze, si je ne me trompe pas, est tout à fait opposée. Voici ce
qu'il a écrit dans le mêmelivre :

((La situation juridique individuelle ne peut êtremodifiéepar
la loi. L'acte juridique qui a créécette situation ne peut pas être
retiré, rapporté, modifiépar une loi. Lorsque l'acte juridique a
régulièrementdonnénaissance à une créance individuelleou à une
obligation individuelle, cette créance,cette obligation ne peuvent
pas êtretouchées par le Parlement, que ce dernier agisse comme
législateur ou comme autorité administrative. Elles sont intangi-
bles.1)(Pp. 180-181.)

11 v a également erreur dans l'affirmation que la proposition de
JCze est appuyée par trois autres éminents publicistes français,
quoiqu'elle n'ait pas la portée qu'on lui a donnée. Les opinions de
Duguit, de Hauriou et de Barthélemy sont mentionnées par Jèze,
dans une autre partie de son exposé, sur une autre question.
On est allé encore plus loin :on a déclaréet répété(no" et 27

des Observations)que le Gouvernement iranien a toujours considéré
la concession de 1933 (comme nulle et non avenue 1).On affirme la
« disparition automatique de la concession invalide de 1933 et de
tous ses articles ». Par cette considération, on proclame que les
articles 21 et 22 de la ((soi-disant concession )1sont devenus inexis-
tants. Or, l'article 21 précitéparaîtrait capable d'empêchermême
le décret de nationalisation, et l'article 22 détermine impérative-

tnent, dans les termes les plus larges, que ((seront tranchés par la
loi d'arbitrage tous différends de nature quelconque entre les
parties et spécialement tous différends résultant de l'interprétation
de cette convention et des droits et obligations ...», etc. Le même
article règle en détail la formation de la commission arbitrale.

Le Gouvernement iranien déclare expressément qu'il refuse

évidemment de nommer un arbitre et d'accepter la forme de règle-
ment instauré à l'article22. Il justifie cette décisionpar la considéra-
tion que la concession à 1'Anglo-Iranian Oil Company est nulle.
Cette considération parait mal fondée parce que ni la loi iranienne
des 15 et 20 mars 1951, ni celle du I~~ mai de la mêmeannée n'ont
décrétéla dissolution de I'Anglo-Iranian Oil Company, ni l'annula-
tion de son contrat, et ne pourraient le faire. Mêmesi l'annulation

du contrat aurait pu êtredécrétéeen vue de la nationalisation de
l'industrie du pétrole par l'acte unilatéral d'une des parties dans
le contrat - le Gouvernement iranien -, on ne pourrait affirmer,
dès lors, que cet acte exclurait la compétence de la commission
arbitrale instituée par l'article 26 de ce mêmecontrat. On pourrait
considérer que cette commission serait toujours compétente pour
décider les effets et les questions découlant de l'acte et pour fixer

l'indemnisation et dire si elle la juge légitime. DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO
164
not mistaken, is entirely in the opposite sense. This is what he says
in the same work :
"The individual legal situation cannot be modified by the law.
The legal act which has created this situation cannot be retracted,
revoked, or modified by a law. Once a legal act has created, in a
regular manner, an individual right or an individual obligation, that
right and that obligation cannot be interfered with by Parliament,
irrespective of whether the latter acts in the capacity of legislator
or of administrative authority. These rights and obligations must
remain intact." (Pp. 180-181.)

It is also incorrect to Say that the theory of Jèze is supported by
three other eminerit French writers, quite apart from the fact that
it has not the meaning which has been ascribed to it. The opinions
of Duguit, Hauriou and Barthélemy are referred to by Jèze in
another part of his work and on a different question.
The argument has been taken even further :it has been said and
relxated (paragraphs 9 and 27 of the Observations) that the Iranian
Government alwaj~sconsidered the 1933 Concession to be "null and
void". It has been contended that "the invalid Concession of 1933
and al1 its Articles disappeared automatically". As a result, it is
said, Articles 21 and 22 of the "so-called Concession" have become
non-existent. It would seem, however, that the aforesaid Article 21

is capable even of preventing the Nationalization Decree ;and
Article 22 provides mandatorily and in the widest terms, that
"an[. differences between the Parties of anv nature whatever. and
in particular any differences arising out of the interpretation of
this -4greement and of the rights and obligations therein contained
...shall be settlecl by arbitration". The same Article lays down
detailed rules governing the constitution of the arbitration tribunal.
The Iranian Government states expressly that it refuses to
appoint an arbitrator and to accept the procedure laid down in
Article 22. It justifies this decision by the contention that the
Concession granted to the Anglo-Iranian Oil Company is null and
void. This contention would appear to be ill-founded because
neither the Iranian la\vs of March 15th and zoth, 1951, nor that
of May 1st of the same year, provided for the dissolution of the

Anglo-Iranian Oil Company or the annulment of its contract, nor
could they, in fact, do so. Even if the annulment of the contract
could have been decreed, for the purpose of nationalizing the oil
industry, by the unilateral act of one of the parties to the contract-
the Iranian Government-it would not follow that this act would
exclude the jurisdiction of the arbitral tribunal provided for in
Article 26 of this contract. It could be argued that that tribunal
would retain jurisdiction to decide as to the effectsand the questions
resulting from this act and to assess the compensation payable,
and also to decide whether it considers such compensation to be
legitimate. OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
16j
Mais cette question est le fond même de l'affaire. La Cour serait
compétente - rejetée l'exception actuelle - pour décider seule-
ment s'il y a ou non obligation de soumettre le différend à l'arbi-

trage.
En tout cas, la prétention d'exclure dès maintenant toute
possiblité d'application de l'article 26 parait mal fondée ; peut-être
il survivrait même dans le cas de révocation du contrat, parce
que, dans ce cas, son application serait nécessaire. Je ne conçois
même pas que l'on puisse invoquer la révocation arbitraire du
contrat-concession et, par conséquence de son art'icle 26, pour
exclure la compétence de la Cour pour décider de la validité de ce
mêmeacte de révocation

La loi iranienne du I~~ mai, sans faire mention expresse de
l'article 26 du contrat-concession, a institué une commission de
cinq députés et de cinq sénateurs, élus par les deux Chambres,
avec le ministre des Finances, qui aurait la supervision de l'examen
ccpar le gouvernement )) des réclamations du gouvernement
lui-même et aussi les crightjul claims ))de la Compagnie. Les
conclusions et les suggestions de cette commission seraient souinises
à l'approbation du Parlement. La commission devrait finir ses
travaux et présenter son rapport au Parlement avant le 31 juillet
1951 : il y a déjà dix mois et demi. C'est-à-dire que les récla-

mations - mêmedu gouvernement - et celles qui seraient (right-
/uln de la Compagnie, de l'ccex-compagnie )),seront jugées par
une commission parlementaire. Dans une affaire comme celle-ci,
que l'on considère de (libération nationale )),où les passions
populaires sont extrêmement exaltées, je ne peux croire que les
représentants du peuple puissent avoir la nécessaire sérénité
d'esprit pour faire le jugement demandé.
Le conseil iranien a dit à la Cour que la Compagnie devrait
présenter ses réclamations à cette commission, attendre sa décision

et, si elle ne l'acceptait pas, recourir aux tribunaux locaux. Or,
cette solutio~i avait été écartée par l'article 26 du contrat de 1933,
qui a établi la décision, par une commission arbitrale, de toutes
les questions soulevées sur ce contrat. Il y a dans le refus de
constitution de cette commission un déni de justice de la part
du Gouvernement iranien. Je crois bien juste l'observation du
rapport d'une commission, citée par Freeman, qui établit que
le refus du juge compétent constitue aussi un déni de justice.
(Denial of justice, p. 688.)

Je vois là une grave infraction au droit international, d'autant
plus que la décision de la commission parlementaire, eçsentielle-
ment politique, approuvée par le Parlement, deviendrait une loi
qui ne serait même pas astreinte à respecter quelque droit de
la compagnie britannique.
En effet, la loi constitutionnelle iranienne du 8 octobre 1907
- suivant le texte publié dans le livre bien connu de Peaslee
Constitzstions of Nations, page 207 - dispose à l'article 6:

76 DISSEXTING OPIXION OF JUDGE LEVI CARNEIRO 165

This question, however, is concerned with the merits of the case.
The Court would be competent, in the event of the Preliminary
Objection being overruled, to determine only whether or not there
exists a duty to submit the dispute to arbitration.
In any event, the argument that any possibility of applying
Article 26 should be excluded at this stage appears to be ill-
founded ; this possibility might even continue to exist in the event
of the contract being revoked, because in that case the application
of Article 26 would be necessary. 1cannot believe that the arbitrary
revocation of the concessionary contract, and thereby of Article 26,
can be invoked for the purpose of excluding the jurisdiction of the
Court to determine the validity of that act of revocation.
The Iranian law of May ~st, without expressly mentioning

Article 26 of the Concession Agreement, provided for a commission
of five deputies and five senators, to be elected by the two Houses
of Parliament, together with the Minister of Finance, which com-
mission would be charged with the examination "by the Govern-
ment" of the clairris of the Government itself, and of the "rightjzil
claims" of the Cornpany. The conclusions and suggestions of this
commission were to be submitted to Parliament for its approval.
The commission was to complete its work and to present its report
to Parliament before July 31st, 1951 ; that is, ten and a half months
ago. Thus, the claims, even of the Government, and those of the
Company, the "ex-Company", which are "rightjul", are to be deter-
mined by a Parlia~rientary commission. In a case such as the present,
which is said to be concerned with "national liberation", and in
which popular passions are inflamed, 1 cannot conceive that the
representatives of the people can possibly have the detachment
essential to make the necessary decisions.

Counsel for Iran told the Court that the Company should present
its claims to this c:ommission, await its decision, and if it did not
accept that decision, institute proceedings in the local courts.
This solutioil, ho~vever, was ruled out by Article 26 of the 1933
Contract, which provided that an arbitration tribunal should
determine al1 questioiis arising under the contract. The refusa1 to
set up this tribunal constitutes a denial of justice on the part of
the Iraniari Government. 1 agree with the observation in the report
of the Committee, quoted by Freeman, to the effect that a refusal
by a competent judge to act constitutes a denial of justice. (Denial
of Justice, p. 688.)
1 see in this a grave violation of international law, particularly
since the decision of the Parliamentary commission, essentially
political in character, having been approved by Parliament, would
beconle law and would not be required to respect any right what-
ever of thri British Company.
Indeed, the Iranian constitutional law of October Sth, 1907,

as set out in the ~vell-known book by Peaslee Conslitzttions of
,Vi~liotzs,p. 207, provides, in .Article 6, that:
76 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

(The life and property of foreigners resident in Iran are secured
and guaranteed, except in those cases iyzmhich the lazeisof therealm
~nakeexceptions. )(Soulignépar moi.)

Je ne connais pas, dans le droit constitutionnel contemporain,

d'infraction plus marquante d'un des principes fondamentaux du
droit international.

18.Il est vrai que le Gouvernement de l'Iran n'a pas repoussé
l'idée - au moins l'idée - ou le principe de l'indemnisation.
On nous a parlé de deux propositions et l'on peut les trouver,

à première vue, assez raisonnables et dignes de considération.
Mais quelques affirmations iraniennes peuvent aussi justifier la
réduction de l'indemnisation à la seule valeur des biens matériels,
ou annuler le montant de l'indemnisation par la déduction de
sommes considérables que la Compagnie aurait perçues indûment,
ou par l'exagération de ses profits.

La Cour n'intervient pas dans ces questions. Mais je suppose
qu'elle ne peut pas fermer les yeux devant la situation qui se
présente : en somme, malgré quelques propositions et tentatives
de solution, la Compagnie est dépossédéede sa concession et de

tous ses biens ; le Gouvernement iranien considère, par sa propre
autorit6 exclusive, dissoute la Compagnie et éteinte la concession
sans avoir payé quelque somme en argent comme indemnisation ;
on a seulement disposé dans la loi, on paper, sur la formation
d'un fonds pour cette indemnisation; on ne sait pas si l'on
aura déjà versé à ce dépôt quelque monnaie de la moindre valeur ;
on ne peut prévoir combien de temps il faudra pour que ce dépôt
atteigne le montant, encore indéterminé, de l'indemnisation ;
on n'a pas fixéce montant, que l'on reconnaît dû, ni mêmeétabli
quelque procédure adéquate pour le fixer avec justice ; on a

écartél'action de la commission arbitrale, prévue par le contrat,
et on l'a remplacée par une commission parlementaire. Tout cela
a l'air d'une confiscation déguisée.Est-ce que le droit international
le permet ?

19. Je maintiens la conviction, peut-être erronée, selon laquelle
les plus modernes tendances du droit public ne sont pas encore
arrivées à admettre ce traitement d'une concession étrangère, ni
telles dispositions contre les droits et la propriété des étrangers.

Étudiant la jurisprudence de la Cour permanente, Nicholas
K. Doman concluait : DISSENTING OPIXION OF JUDGE LEVI CARNEIRO I66

"The life and property of foreigners resident in Iran are securecl
and guaranteed, except in those casesin which the laws of the realm
make exceptions." (My italics.)

In present-day constitutional law 1 do not know of a more
striking example of violation of one of the fundamental principles

of international law.

18. It is true that the Government of Iran has not rejected the
idea-at least the idea, or the principle of compensation. T\ïv~
propositions have been referred to, and, at first sight, they may
appear quite reasonable and worthy of consideration. But some of

the Iranian arguments seek to justify a reduction of the compensa-
tion payable to an amount not exceeding the value of the physical
property, or a reduction of the amount of compensation to nothing,
by deducting from it large sums which the Company is said to have
improperly received, or on account of the excessive profits it is
said to have made.
The Court is no1 concerned with such questions. But 1 do not
think that it can shut its eyes to the situation so arising :in short,
in spite of certain proposals and attempts to find a solution, the
Company has been dispossessed of its Concession and of al1 its pro-
perty ;the Iranian Govemment considers that by its own arbitrary
authority the Company has been dissolved, and the Concession has

ceased to exist, without any money having been paid by way of
compensation. Provision has merely been made in the law,on paper,
for the establishment of a fund for compensation-nobody knows
whether any money at al1 has yet been paid into this fund ; it is
impossible to foresee how long it would take for this fund to reach
the amount, as yet undetermined, required for compensation ; the
amount, which is recognized to be due, has not yet been fixed, nor
has any adequate procedure been laid down to provide for a just
assessment of this amount ;the arbitration tribunal provided for in
the contract has been ignored and a Parliamentary commission has
been substituted for it. Al1 this gives the impression of disguised
confiscation. Iloes international law permit this ?

19. 1 remain convinced, perhaps erroneously, that the most
advanced tendencies of public law have not yet reached the stage
where such treatment of a foreign concession and such provisions

directed against the rights and property of foreign nationals can be
accepted.

Nicholas R. Doman, in a study of the jurisprudence of the Per-
manent Court, has isaid:167 OPINION DISSIDENTE DE RI. LEVI CARNEIRO
«....it has been recognized frequently that a State has an inter-
national liability to foreign owners of expropriated property even
though it acted through non-discriminatory legislation ». (Colum-
bia Law Review, 1948, p. 1132.)

Peut-être sommes-nous sur le chemin des grandes transforma-
tions des règles applicables. Peut-être arrivera-t-on à l'adoption de
formules conciliatoires entre les courants extrêmes (Oppenheim,
International Lam, éd. Lauterpacht, vol. 1, par. 155 d ; J. P. Mil-

ler Jr., Du traitement par les gouvernements des intérêté s trangers,
1950, PP. 131-138).
Cette solutionsera certainement influencée par des considérations
de la politique interne de chaque pays. Par là, le problème n'est
pas exclu du droit international. Au contraire, le droit international
doit contribuer à cette solution, en dominant les préoccupations
étroites du nationalisme jacobin.

Je me contente de rappeler les termes par lesquels Freeman
a résumé, sans exagération aucune, la doctrine généralement

acceptée :
« Whatever may be said of the nature of the State's obligation
to permit aliens to acquire property on its territory, it is certain
that once they have been permitted to do so, international law
attaches a certain quality of sanctity to the rights thus obtained
as well as to those private rights which have been acquired
elsewhere. »(Denial of Justice, p. 516.)

On voit bien que si l'État assure la ((sainteté » des droits qu'il a
permis à l'étranger d'acquérir, bien plus soigneusement doit-il
respecter les droits que lui-même a concédésen vertu d'un contrat.

Freeman reconnaît que l'État garde son cpower of eminent
domain » et peut modifier les droits des étrangers par des lois
générales.Mais il observe :

(....wliereas, on the other hand, any measures expropriating private
property without compensation and directed against the property
of aliens as such ~vouldviolate international law ». (Opcd., p. 5r7.)

Et il ajoute :

« Although there is some differenceof opinion amoilg text writers,
the preponderance of legal authority accepts the xriew that no
foreigner may be deprived of his property withoiit adequate com-
pensation-except, ofcourse,in the specialcaseofjudicial liquidation
and analogous proceedings. This theory is generously supported
by diplomatic practice and by the jurisprudeiice of international
tribunals to such an extent that a general rule requiring compen-
sation must be lield to form a part of the positive law governing
relations between States. » (06. cit., pp. 517-518.)
Je n'oserais faire de propositions de Legeferenda, ni même de

prévisions sur l'orientation que prendra l'agitation du monde
78 DISSEWTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO 167

"....it has been recognized frequently that a State has an inter-
national liability to foreign owners of expropriated property even
though it acted through non-discriminatory legislation". (Columbia
La& Revim, 1948, p. 1132).
Perhaps we are on the way to great changes in the rules which

are applicable. It may be that we shall succeed in adopting formulæ
reconciling the extreme views which exist (Oppenheim, Interna-
tional Law, Lauterpacht edition, Vol. 1,para. 155d ;J. P. Miller, Jr.,
"Du traitement $ar les gouvernements des intérétsétrangers, 1950,
pp. 131-138).
This solution will, no doubt, be influenced by considerations
arising from the interna1 policy of each country concerned. This
does not mean that the problem is thereby excluded from inter-
national law. On the contrary, international law must contribute
to this solution by asserting itself over the narrow views of Jacobin
nationalism.
1 shall merely rt:call the terms in which Freeman, without any
exaggeration whatever, has summed up the generally accepted
theory :

"M'hatever may be said of the nature of the State's obligation
to permit aliens to acquire property on its territory, it is certain
that once they have been permitted to do so, international law
attaches a certain quality of sanctity to the,rights thus obtained,
as ~vellas to those private rights which have been acquired else-
where." (Degzial ofJzistice,p. 516.)
It is thus obviouç that if a State ensures the "sanctity" of rights
which it has allowed a foreign national to acquire, it must al1 the

more respect the rights which it has itself conferred by virtue of
a contract.
Freeman acknowledges that the State retains its "power of
eminent domain" andthat it can modify the rights of foreign natio-
nal~ by general laws. But he observes :
"....whereas, on the other hand, any measures expropriating
private property without compensation and directed against the
property of aliens as such would lriolate international law". (Op.
cit., p. 517.)

-4nd he adds :
".4lthough there is some difference of opinion among text-writers,
the preponderarice of legal authority accepts the view that no
foreigner may be deprived of his property without adequate com-
pensation-except, of course, in the special case of judicial liquida-
tion and analagous proceedings.This theory is generously supported
by diplomatic practice and by the jurisprudence of international
tribunals to such an extent that a general rule reqiiiring compensa-
tion must be held to form a part of the positive law go\-erning rela-
tions between States." (Op. cit., pp. 517-518.)
1 would not venture to make any suggestions de lege ferenda, or
to try and foresee the way in which contemporary trends may

78168 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

contemporain. Je me garde aussi de vouloir exercer sur elle une
influence quelconque. Je rappelle seulement qu'au sein des Nations
Unies - organisation à laquelle appartient cette Cour, en tant que
son principal organe judiciaire - on est en train de transformer
en une convention internationale, pleinement obligatoire, la ((Charte
internationale des droits de l'homme n. Dans cette Charte, approu-
véepar 1'Assembléegénérale desNations Unies en décembre 1948,

je lis à l'article 17 :
((Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité,a droit à
la propriété. Nul ne peut êtrearbitrairement privé de sa pro-
priété.»

20. En somme, je considère que - mêmesi la nationalisation en
elle-mêmepeut ne pas êtreconsidéréepar le droit international -
dans le cas actuel les circonstances qui revêtent l'acte du Gouverne-
ment de l'Iran semblent dénoncer une très grave infraction aux
principes du droit international.

21. Comme j'ai dit, on a présenté d'autres objections après les
deux premières que j'ai mentionnées supra (no 8). Ainsi on a
dit que les traités avec le Danemark, la Suisse et la Turquie
étaient, par rapport à la Grande-Bretagne, res inter alios acta.
Or, la clause de la nation la plus favorisée a précisément pour
effet de rendre applicable au tiers, qui n'a pas participé au traité

ultérieur, les dispositions de ce même traité. 11 n'est plus res
inter alios.
On a admis que, dans le cas actuel, les trois traités de 1934
et de 1937 agissaient conjointement avec les traités de 1857 et
de 1903. Cet argument est le seul valable. On peut reconnaître
qu'il est bien fondé. Mais, dans ces conditions, on reste dans le
cadre de la déclaration iranienne, parce que celle-ci exige (suivant
l'interprétation iranienne) qu'il s'agisse de <situations ou de faits

ayant directement ou indirectement trait à l'application des
traités ...postérieurs à la ratification i).On ne peut pas prétendre
- et la déclaration ne le dit pas - qu'il s'agisse de situations
ou de faits ))ayairt trait exclusivement à l'application des traités
postérieurs à 1932. Il suffit, partant, que les faits aient trait à
l'application des traités de 1934 et de 1937, quoique simultanément
ils aient trait aussi à des traités de 1857 et de 1903. Dans le cas
actuel, l'application des traités de 1934 à 1937 se fait ((indirecte-

ment »,par force des traités de 1857 et de 1903.
La considération de ne pas avoir étél'intention du Gouverne-
ment de l'Iran d'admettre cette interprétation des termes de sa
déclaration, ne suffitpas pour l'exclure. Peut-être le Gouvernement
de l'Iran n'a-t-il mêmepas prévu cette conséquence des expressions
utilisées dans sa déclaration. Peu importe :le principal est qu'elle
devient irrécusable.
De même, on ne peut exclure l'application de la déclaration
d'acceptation de la juridiction de la Cour par l'Iran du fait qu'il

79169 OPINION DISSIDENTE DE ar.LEVI CARNEIRO

y ait d'autres traités conclus avec d'autres nations et antérieurs
à la ratification de cette déclaration, qui, en vertu de la clause
de la nation la plus favorisée, donnèrent aux ressortissants britan-
niques les garanties du droit international ;et qu'il y ait même,
dans ce sens, l'accord par échangede notes avec le Gouvernement
britannique, de 1928. Ces conventions anciennes ne sont pas
prises en considération dès qu'on accepte - comme je l'ai fait,
pour argumenter - l'interprétation iranienne exigeant que les
traités et conventions soient postérieurs à la ratification de sa
déclaration. Ce qui importe, c'est qu'il y a trois conventions
ultérieures à cette date.
Ainsi, je rejette la considération selon laquelle le Gouvernement

britannique ne pourrait pas invoquer les traités de 1934 et de
1937 parce qu'il avait déjà la mêmegarantie, pour ses ressor-
tissants, en vertu de l'échange de notes de 1928. 11 est évident
que, si l'on exclut l'application de cet échange de notes, parce
qu'antérieur à la ratification de la déclaration, le Gouvernement
britannique peut faire valoir les traités postérieurs. La garantie
du droit international a étédonnée par l'Iran aux ressortissants
ljritanniques, directement, par l'échange denotes de 1928, indirec-
tement, en vertu de l'application de la clause de la nation la plus
favorisée, par une dizaine de traités avec différents Etats. Main-
tenant, pour exclure la juridiction de la Cour devant la violation de
cette garantie claire et réitéréeo,n prétend exclure l'application des
conventions antérieures à 1932, en disant que la déclaration de

l'acceptation de la juridiction de la Cour ne fait référencequ'aux
conventions de date postérieure ; en même temps, on exclut
l'application des conventions postérieures à 1932, en disant qu'il
y a\-ait déjà la mêmegarantie donnéepar une convention de date
antérieure à 1932. Les ressortissants britanniques seraient dans
une situation singulière : ils auraient la garantie des principes
et de la pratique du droit international - que l'Iran a consignés
dans les traités avec plusieurs Etats et dans l'échange de notes
avec le représentant du Royaume-Uni - mais ils ne pourraient
pas la faire valoir devant cette Cour. On sent bien l'artifice de
l'argument.
Alors, on a prétendu que les traités de 1857 et de 1903, étant des
traités de capitulation, ont été révoquéspar la suppression du

régime des capitulations : la clause de la nation la plus favorisée
aurait disparu. Mais à cet argument on a opposé, avecavantage, que
les conseils iraniens ne sont pas allés si loin et qu'ils n'ont pas
contesté la vigueur de cette clause et des articles 9 du traité de
1857 et2 du traité de 1903, qui la contiennent.

On aurait pu dire que ces deux traités n'ont pas été « acceptés
par la Perse » - condition, comme je l'ai déjà qualifiée, sub-
jective et d'application difficile. Je crois que le conseil iranien
n'a pas affirmé à la Cour que ces deux traités se trouvaient dans DISSENTING OPINION OF JVDGE LEVI CARNEIRO
169
of the fact that other treaties preceding the Declaration had been
concluded with other nations, which conferred upon British nation-
al~, by virtue of the most-favoured-nation clause, the guarantees
of international law, or by reason of the fact that an agreement to
the same effect was contained in the Exchange of Notes with the
British Government in 1928. These earlier conventions cannot be
taken into account if one accepts-as l have done for the purpose

of this argument--the Iranian interpretation which requires that
the treaties and coriventions must be subsequent to the ratification
of the Declaration. The important point is that there are three
treaties subsequent to that date.
1 therefore reject the argument that the British Government is
not entitled to rely on the treaties of 1934 and 1937, on the ground
that they already enjoyed this guarantee, for the benefit of their
nationals, by virtue of the Exchange of Notes which took place
in 1928. It is clear that, if one excludes the application of this
Exchange of Notes on the ground that it preceded the ratification
of the Declaration, the British Government is still entitled to rely
on subsequent treaties. The guarantee to observe international lan
was given to British nationals by Iran, directly by the Exchange of
Notes in 1928, and indirectly, by virtue of the application of the
most-favoured-nation clause, by ten treaties with other States.

In order now to exclude the jurisdiction of the Court, in the face
of the violation of this clear and repeated guarantee, the Iranian
Government urould exclude the application of conventions prior to
1932 by contending that the Declaration accepting the jurisdiction
of the Court refers only to conventions of subsequent date; at the
sanie time, the application of conventions subsequent to 1932is said
to be excluded by the fact that the same guarantee had already
been given by a treaty prior to 1932. British nationals would thus
be in a strange position : they would have the guarantee of the
yrinciples and practice of international law which Iran gave in the
treaties with several States and in the Exchange of Notes with a
representative of the United Kingdom, but they would be unable
to invoke it before this Court. The artificiality of this argument
is obvious.

It was also argued that the Treaties of 1857 and 1903, being
capitulatory treaties, were revoked as a result of the abolition of
the régime of capitulations : the most-favoured-nation clause is
said to have disappeared. This argument, however, \vas sufficiently
disposed of by poiriting out that Counsel for Iran did not go as
far as that anddid riot contest the continued operation of the clause
and of Article 9 of the Treaty of 1857 and Article 2 of the Treaty
of 1903 in which it is contained.
It might have been said that these twotreaties were not "accepted
by Persia", a condition which, as 1 have already said, is subjective
and difficult of application. 1 do not think that Counsel for Iran
submitted to the Court that these two treaties were affected byI7O OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO

cette condition. En tout cas, cette considération n'autorise pas
l'exclusion de la clause de la nation favorisée, parce qu'elle est
justifiée précisémentpar la suppression du régime,capitulaire, et
cette suppression n'a pas entraîné l'annulation de telle clause.
La clause est tout à fait compatible avec le régime de suppression
des capitulations. Elle a étéincluse dans une dizaine de traités
de l'Iran.
Un autre argument est de dire que la clause de la nation la plus
favorisée concède des avantages et des faveurs - et la garantie des
principes du droit international n'est ni une chose ni l'autre. C'est
évident qu'il faudra donner à la clause de la nation la plus favorisée

une portée réduite aux intérêts et aux profits plus étroitement
matériels, pour ne pas considérer comme un avantage la garantie
des principes et de la pratique du droit international.

D'autre part, cependant, on a encore dédaignéla portée de cette
garantie en disant qu'elle est une règle sous-entendue, imposée
nécessairement et qui n'a aucune signification dans un traité. Or,
je reconnais qu'il devrait en êtreainsi. Le respect des principes et
de la pratique du droit international est le devoir primordial des
nations civilisées ;on ne peut concevoir sans cela une organisation
internationale. Il n'était pas nécessaire de consigner cette règle

dans aucun traité. En tout cas, on peut le considérer exprès dans
le Pacte des Nations Unies.
Mais, si nous nous mettons d'accord sur ce point-là, il faudra
vérifier les conséquences qui découlent de son acceptation. La
première de ces conséquences serait d'admettre la juridiction de la
Cour dans tous les cas de violation de ces principes ou de différends
sur leur application. Il est vrai que, à l'exception de quelques
opinions de grande valeur, mais isolées, on ne l'admet pas encore.
La jurisprudence dominante de la Cour est dans le sens de ne pas
reconnaître les obligations internationales qui ne sont pas expresses
dans un traité spécial.

Alors, comment peut-on dire, lorsqu'on présente un traité où
il y a l'obligation expresse de respecter les principes et la pratique
du droit international, que cela n'avance à rien et quecette obliga-
tion est toujours sous-entendue ?
La dernière objection présentée contre l'application de la clause
de la nation la plus favorisée, demandée par le Gouvernement du
Royaume-Uni, est que les traités de 1857 et de 1903 ne peuvent
pas êtreinvoqués parce qu'ils sont antérieurs à la ratification de la
déclaration iranienne. Mais, comme je l'ai déjà dit, cette déclara-
tion, mêmesi l'on accepte l'interprétation iranienne, n'exige pas

que le différend ait trait«exclusivement )à l'application des traités
postérieurs à 1932. Le différend peut résulter de l'application d'un
traité postérieur à 1932 et, simultanément, d'un autre traité anté-
rieur à cette date. Encore mieux si, comme dans le cas présent, le
traité ancien entraîne seulement l'application du traité récent. DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO
170
this condition. In any event, such a consideration would not
justify the exclusion of the most-favoured-nation clause because
that clause is justified precisely by the abolition of the capitulatory
régime ;and this abolition did not bring about the annulment of
the clause. The clause is perfectly compatible with the régime of
the abolition of capitulations. It was contained in some ten treaties

concluded bv Iran.
Another argument was to the effect that the most-favoured-
nation clause confers advantages and favours, and that a guarantee
to observe the principles of international law is neither. It is
obvious that to accept the proposition that the guarantee of the
principles and practice of international law is not an advantage,
it would be necessary to give to the most-favoured-nation clause
a meaning limited to the narrowest possible material interests and
benefits.
Furthermore, it was sought to belittle the scope of this guarantee
by describing it as an implicit rule, binding in any event, and
arguing that its inclusion in a treaty had no significance. 1 agree
that this should be the case. Respect for the principles and practice
of international law is the first duty of civilized nations ; without

itany international organization is inconceivable. It is not necessary
to lav down this rule in a treaty. In anyevent, it may be considered
as being expressly contained in the Charter of the Vnited Nations.

However, if we are agreed on this proposition, we must still
examine the consequences which follow from its acceptance. The
firstconsecluence ~ould be to accept the jurisdiction of the Court
in al1 cases in which these principles have been violated, or in
which disputes concerning their application have arisen.\Vith the
exception of a few opinions of great value, this proposition is not
yet generally accepted. The jurisprudence of the Court leans
towards a refusal tc, recognize international obligations which ha1.e
not been expressly provided for in a special treaty.
How, then, can it be said that a treaty which creates an express

obligation to observe the principles and practice of international
lau- is of no significance, and that this obligation is always implic?t

The last objection put forwardagainst the application of the most-
favoured-nation clause for which the United Kingdom Government
contends, is that the Treaties of 1857 and 1903 cannot be invoked
because they preceded the ratification of the Iranian Declaration.
As 1 have already pointed out, however, this Declaration, even if
the Iranian interpretation be accepted, does not require that the
dispute should relate "exclusively" to the application of treaties
subsequent to 1932. The dispute may arise out of the application of
a treaty subsequent to 1932 and, at the same time, out of another
treaty prior to that: date. This applies with greater force where, as
in the present case, the earlier treaty only brings about the appli-

81 OPINION DISSIDENTE DE M. LEVI CARNEIRO
171
Comme je l'ai signalé, les droits des ressortissants britanniques
proviennent des traités de 1934 et 1937, qui leur sont applicables
en vertu des dispositions des traités de 1857 et de 1903.

22. En conclusion, je remarque tout d'abord, dans cette phase
liminaire du procès, de très gravesinfractions aux principes et à la
pratique du droit international, dont l'observation en Iran était
garantie aux ressortissants britanniques par trois traités postérieurs
à la ratification de la déclaration iranienne d'acceptation de la juri-

diction de la Cour. Par conséquence, je conclus au rejet de l'excep-
tion d'incompétence et à la compétence de la Cour pour déterminer
la soumission du différend à la commission arbitrale, ainsi que l'a
demandé le Royaume-Uni à l'alinéaa), nc1, de sa requête.

Je considère écartéepar cette conclusion l'allégation du forum
Prorogatz~vzprésentéepar le conseil britannique. Les autres excep-
tions de non-recevabilité, opposées par le Gouvernement iranien,
devraient êtreappréciéesultérieurement, si la Cour concluait à sa
compétence. Ayant accepté l'exception d'incompétence, la Cour

ne pouvait pas connaître de ces autres exceptions.

En tout cas, il devrait êtresursis à la continuation du procks
jusqu'à une nouvelle décision du Conseil de Sécuritédes Nations
Unies. DISSENTING OPINION OF JUDGE LEVI CARNEIRO
I7I
cation of the later treaty. As 1have pointedout,the rights of British
nationals flow from the treaties of1934 and 1937 which are applic-
able to them by virtue of the provisions contained in the Treaties
of 1857 and 1903.

22. In conclusiori, my first impression in this preliminary stage
of the proceedings is that there have been very serious violations of
the principles and practice of international law, of principles the
observance of which had been guaranteed to British nationals in
Iran by three treaties subsequent to the ratification of the Iranian
Declaration accepting the jurisdiction of the Court. 1 would, there-
fore, overrule the objection to the jurisdiction and hold that the
Court has jurisdiction to decide as to the submission of the dispute
to the arbitration tribunal, in accordance with the submission
contained in paragraph (a) of the -4pplication filed by the
United Kingdom.

1 am of opinion that, having regard to this conclusion, the argu-
ment of Counsel for the United Kingdom relating to foruvn~roroga-
tum does not arise. 'Theother objections of non-admissibility which
were put forward by the Iranian Government would have to be
considered later if the Court decided in favour of its jurisdiction.
Having upheld the objection to the jurisdiction, the Court canno?
deal with the other objections.
In any event, any further proceedings should be suspended uiitil
a further decision by the Security Council of the United Nations.

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Opinion dissidente de M. Levi Carneiro

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