Opinion individuelle de Sir Percy Spender (translation)

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033-19581128-JUD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE SIR PERCY SPENDER

,[Trad.uctio]
Tout en me ralliant àla décisionde la Cour, j'estime qu'il convient
de procéder pour ma part à l'examen de certains aspects de cette
affaire et de présenterà ce propos quelques remarques complémen-
taires.
Je me propose de limiter mon exposé,tout d'abord à l'interpré-
tation de la Convention au sujet des faitse l'espèceet ensuite aux
conclusions du Gouvernement du Royaume de Suède sur I'ordre
public.
L'éducationprotectrice est-elle conforme aux obligations qui in-
combentàlaSuèdeàl'égard desPays-Bas en applicationdela Conven-
tion de 1902?
La tâche de la Cour peut, à mon avis, êtreainsi définie:

a) La loi suédoisede1924 sur la protection de l'enfance, dans son
texte modifié, ou l'une quelconque des dispositions de cette loi,
est-elle en contradiction ou incompatible avec la Convention?
b) Les mesures d'éducation protectrice prises et maintenues à
l'égard de l'enfant en vertu des dispositions de cette loi sont-elles
en contradiction ou incompatibles avec la Convention?
La réponse à ces questions dépendra surtout de la juste inter-
prétation qui doit êtredonnée à la Convention. Il faut également
examiner les termes de la loi suédoiseen vertu de laquelle ont été
prises les mesures contestées par les Pays-Bas et il convient de le
faire d'après l'interprétation que l'on donneraàla Convention.
L'interprétation de la Convention doit avoir pour objet de déter-

miner si le cas particulier que nous sommes amenésà trancher entre
ou n'entre pas dans son champ d'application. Notre mission n'exige
rien de plus.
Étant rédigée entermes généraux,la Convention doit, à mon
avis, êtreinterprétéeet comprise conformément à la matière à la-
quelle elle se rapporte. Les circonstances qui lui ont donnénaissance,
son objectif et le but poursuivi constituent des considérations im-
portantes. Définià la lumière de ces considérations, la matière à
laquelle se rapporte la Convention en indiquera la portée et le
domaine.
Quelle était la situation avant la conclusion de la Convention?
A quels inconvénients de cette situation cherchait-on à remédier?
Comment et pour quellesraisons cherchait-on à y remédier? Toutes
ces questions sont pertinentes, lorsqu'il s'agd'interprétation. Les
réponses ne prêtentguère à controverse.
La Convention est l'une de celles qui ont étéconclues à peu près

au mêmemoment en matière de conflits de lois. Elle a trait aux
65problèmes qui se posaient lorsqu'à propos de l'administr~tion de la
tutelle desmineurs, un conflit de lois s'élevaitentredeux Etats. Elle
cherchait à formuler des règlesqui résoudraient les difficultésinhé-
rentes à cet état de choses; elle cherchait aussi à réaliser entre les
Etats contractantsun accord surla loi applicablecette fin. La tâche
des rédacteurs était axée sur le problèmedes confEitsde lois relatifs
à la tutelle et à son administration. Tel était la nature, et la seule
nature, de leur mission.

Ainsi, c'està cette fin que la Conventioncherchait à élaborer des
règles et à imposer des obligations aux Etats contractants. Son
but était de svpprimer les cas de concurrence et de conflit entre
les lois de ces Etats au sujet de la loi applicableà l'administration
des biens et à la garde d'un mineur. Ses dispositions devaient
aboutir à l'intégration, dans les systèmes juridiques respectifs des
Etats contractants, de certaines stipulations homogènes, en cas
de conflit de lois relatifà l'administration de la tutelle.

Alors qu'auparavant la solufion de ce conflit de lois était laissét
au droit distinct de'chaque Etat, le but de la Convention étaie
d'introduire certaines règles et certaines dispositions juridiques

uniformes et de substituer par la suite, en cas de conflit de lois,
ces règles et dispositionsà la législation régissant dans chaque Etat
l'administration tutélaire.
A la lumière de ces observations, il appert immédiatement que
l'objet de la Convention était de résoudreun conflit de lois existant,
ou susceptible de se produire, pendant la durée de sa validité entre
deux Etats contractants, au sujet du droit applicable à la tutelje et
à son. administration, lorsqu'un enfant, ressortiçsant d'un Etat,
résidehabituellement dans le territoire d'un autre Etat contractant ;
à cet effet, sous réserve des dispositions figurant dans d'autres
parties, le texte disposait que la loi valablement applicable à la
tutelle serait la loi nationale du mineur.

La Conventjon envisageait l'éventualité d'un conflit entre les

lpis de deux Etats - à propos de,la tutelle dans chacun de ces
Etats. Elle ne visait pas les lois des Etats en général. Ellese bornait
strictement à un conflit de lois sur la tutelle et son administration.
Tel était son objet à l'exclusion de tout autre.

Y a-t-il une incompatibilité ou une contradiction quelconqueavec
la Convention, dans le cas de toute limite ou restriction imposéeau
droit de garde du tuteur, en application d'une loi d'un État contrac-
tant dans lequel l'enfant réside habituellement, lorsqu'il ne s'agit
pas d'une loi sur la tutelle ou traitant de la tutelle?
La réponse à cette question doit êtreconditionnée par la portée
et la mise en Œuvre de la Convention et cela, à son tour, dépend de
la matière à laquelle elle se rapporte.

66 C'est en envisageant la Convention dans son ensemble qu'il faut
déterminer la qualification ou l'objet de ce texte. Les questions
fondamentales qui se posent sont les suivantes: quelle en est la
nature essentielle; à quelle matière se rapporte-t-elle ? Les réponses
ne sauraient être trouvées dans l'énoncéabstrait d'un critère
général,mais dans les considérations que je viens d'exposer.
La nature fondamentale apparaît, à mon avis, assez clairement.
Il s'agit de la tutelle: de l'administration tutélaire et des conflits de
lois relatifsà la tutelle eà son administration. Telle est la matière
viséepar la Convention et ce qui,à mon avis, en définitla portéeet
le domaine. C'est dans cette perspective qu'il faut interpréter la
Convention. Ainsi interprétée, elle ne confère au tuteur aucune

immunité de cette nature. Il se peut que l'exercice de son droit de
garde soit restreint, même à un degré considérable, par l'effet
d'autres lois portant sur des sujets totalement différents, sans qu'il
se produise de conflit de lois au sens de la Convention.
Mais les dispositions, modifiées,de la loi suédoise de 1924 sur la
protection de l'enfance, en application desquelles l'éducation pro-
tectrice a étéinstituée, visent-elles la tutelle?
Une loi peut produire des effets dans une certaine matière sans
êtrepour autant une loi portant sur cette matière. Le fond de cette
loi doit êtredéterminépar son action et non par les effets de cette
action en d'autres matières.
La loi suédoise sur la protection de l'enfance forme un tout.
Ses dispositions sont liées les unes aux autres. Elle a pour objet
la protection de l'enfance et la délinquance, dans le cadre du
problème social ainsi créé, ainsi que la protection et le bien-être
de la sociétéà cet égard.
On s'accorde de plus en plus à reconnaître que la protection de

l'enfance et la délinquance juvénile représentent un problème
social d'une importance vitale qui concerne l'Etat, non seulement
dans l'intérêtdes enfants, mais avant tout dans celui de la commu-
nauté, afin que les adolescents puissent devenir d'utiles membres de
la sociétéau lieu de lui être à charge. A mon avis, les objectifs
essentiels de la loi suédoise, qui oriente notre recherche, sont les
suivants :
a) empêcherque des foyers ayant une influence corruptrice se
créent ou continuent d'exister, empêcheret corriger la délinquance
juvénile,

b) protéger la sociétécontre les conséquences de la mauvaise
éducation de la jeunesse.
Quel que soit l'objet de la loi suédoise,e n'estpas une loi sur la
tutelle ou se rapportantàla «tutelle».Je ne saurais imaginer qu'une
nation possédant une législation analogue puisse avoir cette concep-

tion.
On ne saurait contester que, dans certaines circonstances, la
loisuédoiseproduise des eïJetà l'égard delatutelle. Dansla présente
67espèce, la Suède ne conteste pas que ces effets sont de nature à
constituer un empêchement majeur à l'exercice par le tuteur de
son droit de garde. Cela n'en fait pas toutefois, à mon avis, une loi
de tutelle, sur la tutelle, relativeà la tutelle ou ayant trait à la
tutelle. Sa nature essentielle n'estpas déterminéepar les eflets qui
en découlent lorsqu'elle s'applique à des circonstancesparticulières
et à des faits donnés, ni par des mesures susceptibles d'être régu-

lièrement prises pour son application, ni par leur portée ou leur
effet sur le droit de garde d'un tuteur. Aucun conflit de lois relevant
de la Convention ne se produit donc en principe entre la loi
néerlandaise sur la tutelle et la loi suédoise sur la protection de
l'enfance. Elles portent sur des matières différentes. Leur portée
et ledomaine dans lequel elless'appliquent s,ontdistincts. La Conven-
tion n'avait trait qu'aux conflits de lois qui se produisent dans ce
seul domainede la tutelle, et c'està cela que se limitent sa portéeet
sa mise en Œuvre. En principe, la loi suédoiseest en dehors du cadre
de la Convention.
Mais là ne se borne pas notre examen.Un État partie à la Conven-
tion ne saurait,quelle que soitla matière de la loi en vertu de laquelle
il agit, contrevenir en quoi que ce soit aux dispositions de cette
Convention.
L'éducation protectrice instituée en l'espèceconstitue-t-elle donc
une tutelle rivale?
Son maintien est-il incompatible avec la Convention ou l'une de
ses dispositions particulières?
La réponseà la première question doit, à mon avis, êtrenégative,

et cela pour les raisons exposéesdans l'arrêtde la Cour.
Et s'il enest ainsi, la réponsàla deuxièmequestion doit dépendre
d'une disposition donnéede la Convention; sinon, pour les raisons
déjàexposées,on ne peut pas dire qu'il y ait incompatibilité entre
la mesure d'éducation protectrice et la Convention.

Existe-t-il donc une disposition donnée dela Convention dont on
puisse dire qu'elle est contredite par l'éducation protectrice? La
seuleclause précisequ'il conviendrad'invoquer est cellede l'article7.
Cet article signifie-t-il que toutes les autres mesures que l'on
peut considérercomme destinéesà protéger la personne du mineur
sont exclues, quelle que soit la matière ou le contexte de la loi en
vertu de laquelle ces mesures sont prises, ou les circonstances dans
lesquelles elles interviennent? En particulier, une juste interpré-
tation de ce texte interdit-elle la mesure d'éducation protectrice?
Je ne le pense pas. Il est certain que l'article ne le prévoit pas
expressément. A mon avis,il ne vise que la protection de la personne
de l'enfant dans les éventualitésqu'il expose. Il faut l'interpréter

d'après la portéeet le domaine de la Convention dont il fait partie.
Interprété correctement, ce texte n'a jamais eu pour but d'inter-
dire d'autres mesures, telle que l'éducation protectrice, qui n'ont
pas le moindre rapport avec la tutelle. L'article 22 a) de la loi suédoiseet les articles aui s'v rattachent
doivent êtreégalementinterprétésd'après la portée et l'application

de la loi dont ils font partie intégrante. On ne peut les isoler de leur
contexte. Ces dispositions de la loi suédoise et l'article 7 de la
Convention s'appliquent à des domaines entièrement différents.
Les dispositions pertinentes de la loi suédoiseet l'éducation protec-
trice instituée en application de cette loi n'ont rien à voir avec la
tutelle proprement dite ou l'administration tutélaire; elles sont
entièrement en dehors des termes de l'article 7 de la Convention.
Il n'y a pas de contradiction ou d'incompatibilité.
Il convient de faire une remarque supplémentaire.

Si l'on pouvait prouver que, dans un cas donné, une loi dont les
dispositions soient comparables aux dispositions pertinentes de la
loi suédoise a étéappliquée par un État contractant, non pas de
bonne foi, pour en assurer la mise en Œuvre mais pour atteindre un
objectif étranger à ce texte, en intervenant par exemple et en
effectuant des restrictions dans l'exercice du droit de garde d'un
tuteur, d'autres considérations tout à fait différentes entreraient en
jeu. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce. Les Pays-Bas ont très
justement reconnu que la Suède a agi avec une bonne foi absolue,

en application de sa législation. Et il n'est pas question non plus
de déni de justice. Les Pays-Bas contestent uniquement que la
mesure d'éducation protectrice soit conforme aux dispositions de
la Convention.
A mon avis, les Pays-Bas ne sont pas parvenus à démontrer que
la Suède n'avait pas respecté les dispositions de la Convention.

Ordrepublic

Dans la présente affaire, la question essentielle sur laquelle les
Parties ont concentré leur attention est la suivante: convient-il
d'interpréter la Convention comme contenant une réserve implicite
qui permettrait, en raison de l'ordre public, d'écarter l'application
de la loi étrangère reconnue comme régulièrement applicable au
droit de garde du tuteur à l'égard del'enfant? L'arrêtde la Cour ne
se prononce nullement sur ce point, et il n'est pas nécessaire qu'il
le fasse; néanmoins, étant donné lafaçon dont les Parties ont exposé

leur thèse et l'importance attachée à cette question, je crois qu'il
convient que j'exprime mon opinion sur ce point. Je ne voudrais
pas, en effet, qu'en gardant le silence je puisse donner à croire que
l'argumentation de la Suède aurait pu se fonder avec quelque
chance de succèssur les conclusions qu'elle a formulées à cet égard.
Le Gouvernement suédois a fait valoir que 1'«ordre public ))est
réservépar la Convention, que la loi suédoisede 1924 sur la protec-
tion de l'enfance, modifiéepar la suite, est une loi d'ordre public
et qu'en conséquence, l'ccéducation protectrice ))instituée par les

autorités suédoisesne constituerait pas une violation de la Conven-
tion de 1902. L'examen de cette partie de l'argumentation soulèvedesquestions
dont l'importance pourrait être assez considérable. Nous avons
affaireà une convention sur un conflit de lois suscitédans ce qu'on
peut appeler le domaine du droit privé; il n'en s'agit pas moins, à
tous égards,d'une convention internationaleentre Etats souverains.
Si l'on accueille la thèse suédoise que cette réserve doit êtresous-
entendue dans la Convention, cela pourrait permettre de prétendre
que des réserves analogues doivent êtresous-entendues dans le cas
d'autres traités et conventions de nature très différente.
La règlepacta sunt servandaprésente une importance particulière

lorsau'on examine cette thèse du Gouvernement de la Suède. Il
nous faut êtreconstamment sur nos gardes, afin que rien de ce que
l'on pourrait dire - ou de ce que Son pourrait omettre de dire -
ne vienne donner crédit à l'idéeque les nations ont le droit, en invo-
quant ((l'ordre public », de déterminer leurs propres critères pour
définirles obligations qui leur incombent en vertu de conventions
ou de traités internationaux (cf. la Question des (communautés 1)
gréco-bulgares , .P. J. I., SérieB, no 17, p. 32).
Les conclusions officiellement présentéesà la Cour par la Suède
à l'issue des plaidoiries sont les suivantes:

((Queles règlesde conflitsde lois qui font l'objet de la Convention
de 1902 sur la tutelle des enfants mineurs n'affectent pasle droit
des Hautes Parties contractantes d'imposer aux pouvoirs des tu-
teurs étrangers,comme du reste des parents étrangers,les limita-
tions réclamées par leur ordre public;
que ces règleslaissent notamment intactes les compétences des
autoritésadministratives assurant le service public de la protection
de l'enfance;
que la mesure d'éducation protectriceprise à l'égardd'Elisabeth
Bol1n'a pu dèslors violer en rien la Convention de 1902 dont les
Pays-Bas se réclament. »
L'argumentation suivante a étéprésentéeàl'appui de ces conclu-
sions. On s'est efforcéde poser deux prémisses.
La première est que l'application du statut personnel d'un étran-

ger doit céder devant celles des dispositions de la loi du for qui
relèvent de l'ordre public, ou tout au moins de l'ordre public inter-
national.
La seconde est que les dispositions de la législation suédoise
relative à l'éducation protectrice ont bien ce caratcère, en fait.
11 convient de noter que la première prémisse énoncéepar la
Suède ne prétend pas que le statut personnel de l'étranger doive
céder devant toutes les dispositions de la loi du for. Il ne s'agit que
des dispositions qui relèvent de l'ordre public ou, tout au moins,
de l'ordre public international.
Il n'est pas non plus alléguéque toutes les règles ou lois d'ordre

public doivent avoif- priorité sur le statut personnel des enfants
ressortissants des Etats signataires de la Convention. Il s'agit
seulementde la fraction del'ordre public àlaquelle,de toute évidence, CONV. DE 1902 (OP. INDIV. SIR PERCY SPENDER) 122

les législateurs attachent une importance telle que non seulement
ils l'appliquent aux étrangers dans leur propre territoire, mais
encore qu'ils refusent d'admettre dans ce domaine I'applicatioii de
la loi étrangère. Cette partie de l'ordre public est qualifiéed'ordre
public international ou d'ordre public international privé.
Je m'abstiendrai d'examiner ces termes descriptifs et de recher-
cher s'ils impliquent ou non un concept de droit définissable, ou
s'ils ne sont que des termes descriptifs, s'appliquant de façon géné-
rale à certaines catégories de lois que d'autres pourraient définir
différemment. Il est important cependant de comprendre le sens

donné à ces termes par la Suède.
C'est ce qu'indique ensuite l'argumentation suédoise, en repro-
duisant la citation suivante de l'arrêt de la Cour de cassation de
Belgique',en date du 4 mai 1950 (Pas. 1950, I. 624):
((Une loi d'ordre public interne n'est d'ordre public international
privéque pour autant que le législateurait entendu consacrer par
les dispositionsde celle-ciunprincipequ'ilconsidèrecommeessentiel
à l'ordre moral, politiqueou économiqueet qui, pour ce motif, doit
nécessairement, à ses yeux, exclure l'application en Belgique de
toute règlecontraire ou différente inscrite dansle statut personnel
de l'étranger.»

On soutient donc que l'ordre public est applicable dans les cas où :

a) il est fait obstacle à l'application de la loi étrangère - c'est
l'effet négatif;
b) l'application de la loi locale est rendue obligatoire - c'est
l'effet positif.
En outre, on soutient que les mesures locales rendues obligatoires

dansl'intérêtgénéral,afin de prévaloir sur la loi étrangère,peuvent,
dans certains cas, avoir pour conséquence l'élimination complète
de cette loi, la loi du lieu étant appliquée ou lui étant substituée;
dans d'autres cas, l'application de la loi étrangère peut n'être
affectéeque partiellement.
Il n'est guère nécessairede faire allusion aux nombreux cas où,
conformément au droit interne d'un pays, les tribunaux de ce pays
ont refusé, en dehors des obligations imposéespar traité, de recon-

naître les lois étrangères, les décisions de justice ou les droits
résultant de ces lois, en invoquant l'ordre public. Toute nation peut
agir ainsi dans la mesure où elle estime que les principes fondamen-
taux de son ordre public l'exigent.
Dans tous les pays, l'ordre public est dans un état de transfor-
mation constante. Il ne cesse d'évoluer.11est impossibledeformuler
un critère absolu. Il ne peut être définipar une formule. Il s'agit
d'un concept. Les différences entre les points de vue juridiques
adoptés par les tribunaux internes des divers pays dans les cas

particuliers qu'ils ont été appelés à trancher paraissent assez
évidentes, de mêmeque les larges divergences de vues à propos de
71divers aspects importants de l'ordre public, telles qu'elles sont
exprimées par la jurisprudence et par d'éminents publicistes. Le
vrai problème est celui de savoir si la notion d'ordre public se fonde
sur des considérations analogues à celles del'article VI du Codecivil
français, ou sur des principes très larges d'ordre moral, politique
ou économique, ou sur le caractère obligatoire des lois internes, sur
leur application, dans le territoire de l'Etat, à tous les individus,
ressortissants ou étrangers, ou sur des différencesréellesou suppo-
séesentre les lois deçaractère positif et négatif, ou les lois de droit
privé et de droit public, ou les lois de caractère administratif et
non administratif, ou sur l'ordre public en tant que tel, ou l'ordre
public international (ou l'ordre public international privé), etc. ;
les décisions mettant en Œuvre l'ordre public sur le plan interne se

fondent soit sur les termes précisd'un texte législatif, soit sur une
conception plus ou moins souple de ce qu'exige ou permet l'ordre
public à l'égard del'espèce envisagée.
Il est difficilede discerner, si tant estque cesoit possible, un lien ou
un raisonnement commun rattachant ou harmonisant les différentes
espèces, si ce n'est. le concept général d'ordre public tel qu'il est
élaborédans chaque système juridique interne, loi par loi, cas par
cas et au fur et à mesure. On peut dire évidemment que les espèces
se rattachent à desprincipesgénéraux ou à des catégoriestrès larges
et quelque peu imprécises. Il est, par exemple, notoire que les
tribunaux internes d'un mêmepays peuvent différerdans l'appli-
cation des principes de l'ordre public à des circonstances nouvelles
et changeantes. Certains répugnent à soutenir un nouveau dévelop-

pement d'un principe d'ordre public ou àétendreà descirconstances
nouvelles l'application des principes existants. D'autres n'éprouvent
pas la mêmerépugnance.
Certains se sont efforcésde discerner un ou plusieurs principes
définissables permettant d'expliquer ou d'harmoniser les diverses
espècesainsi tranchées dans des pays différents et d'érigerces prin-
cipes en règlesde droit international. Pour ma part, je dois admettre
que ces tentatives ne me semblent pas convaincantes. C'est pour
le moins compréhensible. Quelles que soient les lois internes ou les
principes généraux invoqués au nom de l'ordre public, chaque pays
détermine pour lui-même,au moyen de sa législation,de ses organes
administratifs ou par l'intermédiaire de ses tribunaux, dans quelle
mesure il admettra - si tant est qu'il les admette - ou exclura les

lois étrangères ou les droits étrangers normalement applicables.
Dans chacun de ces cas, pour des raisons certainement valables et
suffisantes aux yeux de l'État intéressé, il s'agit d'une affirmation
de la souveraineté nationale.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que, lorsque l'on s'efforce de
formuler quelques règlesdirectrices, les lois auxquelles est attribué
un caractère absolu et impératif soient réparties en deux catégories
(Savigny, traduction anglaise par Guthrie, p. 78): celles qui sont
« édictées uniquement en vue de personnes titulaires de droits )et

72celles qui ne sont pas édictéesde cette manière mais reposent sur
des motifs d'ordre moral ou sur l'intérêtgénéral,((en ce qu'elles

ont trait à la politique, la police ou l'économiepolitique ».
Ainsi, Brocher qualifie respectivement ces deux catégories de
((lois d'ordre public interne 1)et de lois d'ordre public interna-
tional ». Cette distinction a pour but d'indiquer que les lois appar-
tenant à la première catégorie ne sont applicables que lorsque la
loi interne du for s'applique, tandis que l'application des secondes
s'impose de façonimpérative, mêmedans le domaine du droit inter-
national privé du pays.
Niboyet est d'un autre avis; il en va de mêmede Bartin et de
Mancini. Les nombreux auteurs citéspar les deux Parties au cours
des plaidoiriesdevraient pour le moins nous apporter la preuve, s'il

en était besoin, que l'ordre public ne sert qu'à décrire de façon
générale leprocessus par lequel les nations repoussent ou refusent
d'accepter les lois étrangères, afin, ou sous prétexte d'appliquer
les principes fondamentaux de l'«ordre public », tels qu'on les
conçoit d'une époque à l'autre (voir Dennis Lloyd, Public Policy :
A ComparativeStudy on English and French Law, 1953, et lJA#aire
du paiement de divers emprunts serbes émisen France, C. P. J. I.,
SérieA, noszo/21, p. 46).
Mais, quelle que soit la position prise à un moment donné par un
système de droit interne, dès lors que notre Cour est saisie d'un

accord, d'une convention ou d'un traité international, les considé-
rations qui me paraissent devoir s'appliquer au problème sont
entièrement différentes.
Le Gouvernement suédois n'a pas sous-estimé la difficulté que
comporte l'application de l'ordre public aux traités et conventions.
C'est particulièrement manifeste dans la duplique suédoisedéposée
en réponse à la réplique néerlandaise. Ce dernier document avait
présentédes arguments qui me paraissent très fortscontre lerecours
à l'ordre public, pour l'opposer aux conventions internationales en
général.Il ne servirait à rien. à mon avis. de faire allusion aux
"
éminents auteurs cités par les deux Parties à l'appui de leurs
conclusions respectives. La Suède prétend, d'une part, que presque
tous les auteurs qui ont traité des conflits de lois reconnaissent avec
elle que l'ordre public peut faire obstacle aux conventions - ou
qu'il est réservépar elles; les Pays-Bas d'autre part affirment que
la situation est exactement inverse. Il me sembleque la Suèdes'est
sentie tenue, dans sa duplique, de contrebalancer l'autorité des
remarques de Wolff (Dus internationale Privatrecht Deutschlands,
p. 70) et de Melchior (Grzbndlagenp ,. 359) citéesdans la réplique des
Pavs-Bas. La force de ~ersuasion de ces remaraues est. à mon avis.

si grande qu'il convien't de les citer in extenso:
(Lewald souligneavec raison les dangers qui surviennent quand
on invoque l'ordre pubiic à propos de conventions entre États.
Celapermettrait à tout Etat de restreindre pratiquement à sa guise l'application de la Convention et de la priver ainsi pratiquement de
toute sa valeur.» (Wolff,loc.cd.)

A mon avis, en cas de doute, il faut considérerque l'application
de l'arbre public ne peut êtreadmise sur le plan des convenfions
entre Etats portant sur les conflits de lois. Normalement, les Etats
partiesà une convention'intemationale ont l'intention de créer des
obligations d'un caractère prévisible depart et d'autre. Pourtant,
si l'on admet des exceptions au nom de l'ordre public, il doit en
résulter d'importantes perturbations dans les conventions entre
la conclusion de la convention, car l'ordre public est moins nette-
ment définique ne le sont les autres principes en matière de conflits.
Et si l'on permet aux tribunaux d'appliquer la notion d'ordre
public dans le domaine des conventions entre Etats, il faut néces-
sairement aussi approuver les lois d'un Etat contractant qui, ulté-
rieurement, saperaient la convention au nom de l'ordre public. 1)
(Melchior,loc. cit.)

Tout en demeurant sur les positions adoptées par elle dans son
contre-mémoire, la Suède, dans sa duplique, a présentéson argu-
mentation d'une façon un peu différente et en la circonscrivant dans
des limites qui étaient, sans aucun doute, à son avis, plus aisément
défendables. Elle pose tout d'abord le problème de la façon suivante :

« La question est de savoir si le Gouvernement suédoisa violéla
Convention de 1902en faisant àune enfant néerlandaiseapplication
de sa loi sur la protection de l'enfance, nonobstant la loi detutelle
néerlandaise reconnue applicable à ladite enfant.))

La suite de l'argumentation suédoise consiste à dire que la loi
sur la protection de l'enfance faisant partie du droit p~blic est
appliiable sur tout le territoire à tout enfant étranger qui s'y
trouve; qu'aucune loi, nationale ni étrangère, ne peut en empêcher
l'application et que la Convention de 1902 n'était nullement destinée

à modifier cette situation.
Les règles de droit public (ou administratif) sont, à l'en croire,
absolument impératives.
Il parait inutile de faire valoir que le caractère obligatoire
d'une loi interne, valablement édictée,qui s'applique clairement,
expressément ou qui s'impose implicitement, en termes qui sont
obligatoires pour les organes administratifs et judiciaires du pays,
aux personnes et aux biens qui se trouvent sur le territoire
d'un État souverain et indépendant, doit être respecté par ces
organes judiciaires et administratifs à l'égard de tous, étrangers ou
nationaux, dans les limitesde ce territoire. En vérité,si l'on suppose
que la loi est constitutionnelle et valable dans l'ordre juridique

interne de l'État intéressé, tout État partie à un traité ou à une
convention a compétence pour édicter une loi obligatoire à l'égard
de ses +ropres autorités, aux termes de laquelle, nonobstant toute
stipulation à cet effet dans le traité ou la convention, certaines de ses dispositions,obligatoirespour cet État, ne sont pas applicables;
de même,tout État sera compétent pour édicter des lois dont les
termes seront en contradiction flagrante avec ceux d'un traité
préexistant et dictéspar une intention dérogatoire (voir Sanchez v.

United States, U.S. Supreme Court Reports, vol. 216, p. 167). Que
cette loi soit qualifiéeou non de loi impérative ou de loi de droit
public, elle aura son plein effet dans les limites du territoire de
l'État en question. Mais cela n'aurait aucun rapport avec la question
de savoir si cette législatio- ou si un acte accompli en application
de cette législation - constitue ou non une violation des obligations
qui lient 1'Etat en vertu du traité ou de la convention.
L'on peut résumer ainsi l'argumentation du Gouvernement
suédois sur cet aspect, telle qu'elle est exposéedans sa duplique:

1) 11faut distinguer «ordre public ))et (droit public »,en tant
que justification de l'application de la loi du for.
2) Cela représente plus d'une divergence de points de vue
juridiques.
3) L'ordre publicpeut êtreinvoqué pour écarterune loi étrangère
qui serait applicable et pour appliquer, par voie d'exception,la loi

locale.
4) D'autre part, les règles impératives du droit public sont
applicables de façon normale et obligatoire à tous ceux qui résident
dans le territoire, abstractionfaite de toute loi étrangère.
Il convient de faire observer que l'argumentation de la Suède
est la suivante: tandis que l'a ordre public » peut êtreinvoqué par
voie d'exception, les règles impératives du «droit public » s'impo-

sent à tous ceux qui résident dans le territoire, abstraction faite de
toute loi étrangère; qu'il résulte d'une convention ou d'un traité
ou de toute autre source, le « droit public » n'admet pas même le
principe de I'applicabilité de la loi étrangère. Mais si l'«ordre
public »ou le « droit public »peut êtreinvoqué à l'égard dela pré-
sente convention, il apparaît clairement, à mon avis - quelle que
soit la manière de présenter l'argumentation -, que cela n'est
réalisable qu'au moyen d'une réserve implicite ou d'une exception
à la Convention. A mon avis, pareille réserve ne saurait êtresous-
entendue en l'absence d'une nécessitéévidente qu'il faut ainsi la
sous-entendre pour donner effet aux intentions des parties.

Quelle est la nature ou la définitiond'une ccloi de droit public»?
Les opinions varient. Il y a désaccordsur ce point.
11est commode de répartir les lois au sens large en deux caté-
gories, droit public et droit privé, les premières portant sur un
domaine généralayant trait à l'orgaqisation de la sociétéet s'appli-
quant à tous dans les limites de 1'Etat intéressé,les secondes se
rapportant plutôt aux intérêtsparticuliers desindividus,etc., et non
pas de la sociétédans son ensemble.
Mais il convient de définir defaçon plus précise le « droit public ))
dans le contexte du présent différend. La duplique de la Suède alaissésubsister dans mon esprit un certain doute: prétend-elle que
la notion de « droit public » est considéréecomme faisant partie ou

comme se distinguant de la notion dJ«ordre public »? Ce point
demeure quelque peu obscur dans les conclusions finales de la
Suède. Mais quoi qu'il en soit, il est raisonnablement clair que, telle
qu'elle est employée par la Suède, l'expression « droit public ))
désigne une loi dont les termes s'appliquent sans distinction aux
nationaux ainsi qu'aux étrangers, dans les limites du territoire d'un
Etat et qui est rendue obligatoire à toutes les personnes et à tous
les organismes chargés de l'appliquer. Elle comprend les règles de

droit constitutionnel, de procédure et de droit administratif.
D'autres décrivent parfois le « droit public », faute de le définir,
dans des sens parfois similaires et parfois différents. Pour certains,
c'est un synonyme de «droit social », d'autres lui attribuent le
rôle précisde fournir à un Etat sastructure politique et y englobent
la constitution d'un pays, les lois électorales, les lois pénales et
certaineslois administratives et fiscales. Dans ce contexte, le « droit
public »couvre un domaine différent de celui de 1'«ordre public ».
Les deux notions apparaissent aux uns comme des notions diffé-

rentes, dont les domaines peuvent se rejoindre mais sans jamais
empiéter l'un sur l'autre.
D'autres considèrent que le « droit public » est une ramification
particulière du droit dont les limites sont assez préciseset qui peut
êtreainsi définie: cl'ensemble des règles - législatives, adminis-
tratives et jurisprudentielles - qui définissent ou devraient définir
les rapports entre les pouvoirs publics et les différents organismes
administratifs et les autorités, aussi bien entre eux qu'à l'égard
des particuliers. Elle englobe, par conséquent, le droit constitu-

tionnel et le droit administratif. » (Droit public and ordre public,
Transactions of GrotiusSociety, 1929, vol. 15, pp. 83 et S.)
Ainsi décrit, le((droit public » me paraît non seulement empiéter
sur le domaine qui est en généralconsidérécomme appartenant à
1'«ordre public », mais encore en recouvrir une partie considérable.
Je présume qu'il comprendrait une loi de droit public dela catégorie
indiquée par la Suède, mais il est assez évident qu'il en comprend
encore bien d'autres. Il me semble que le <droit public » au sens

employé par la Suède est soit une partie de la notion dJ«ordre
public »,soit, s'il s'agit d'une notion distincte, que ces deux notions
coïncident pour occuper une importante partie du mêmedomaine.
Il n'est cependant pas nécessaire, à mon avis, d'en décider en
l'occurrence. Car dans les deux cas, quel que soit l'énoncé del'argu-
mentation, ce que l'on demande à la Cour, c'est de sous-entendre
à la Convention une réserve - en d'autres termes, de laisser enten-
dre qu'il existe une clause ou une restriction - faisant échapper

aux termes et à l'application de la Convention toutes leslois d'~ordre
public )et/ou le droit public. Sur cette base, les thèses présentées
dans les deux cas par la Suède subsistent ou s'effondrent ensemble
car, àmon avis, onne peut, en principe, les distinguerl'une del'autre.
76 En vérité, s'ilfaut considérer que le ((droit public ))est une
notion distincte de 1'«ordre public ))et n'en fait nullement partie,
il me paraît évident que la thèse de la Suède est sans fondement
(voirl'affaire du Traitement des nationaux polonais dans le territoire

de Dantzig, C. P. J. I., SérieA/B, no 44, p. 24). En effet, en dehors
de tout ce qui pourrait figurer dans cette Convention (ou dans une
autre convention) relative aux conflits de lois, il serait permis et
conforme à la Convention qu'un État contractant édicte une (loi
de droit public ))ayant la nature indiquée par la Suède et que cette
loi stipule que certaines de ses dispositions devront entrer en

vigueur, nonobstant toute disposition contraire figurant dans une
telle convention. Lorsqu'une mesure prise en vertu d'une réserve,
d'une exception ou d'une exclusion du ((droit public ))peut l'être
(nonobstant toute loi étrangère », il n'y a guère de place même
pour les garanties qui ont été envisagées afin de maintenir dans
des limites raisonnables et contrôlables les recours à la réserve

d'«ordre public ».
Je ne puis considérer comme fondée une thèse aboutissant à de
tels résultats. (Voir l'avis consultatif sur le Service postal polonais
à Dantzig, C. P. J. I., SérieB, no II, pp. 37-39.)
Il semble en outre que la Suède n'a pas tenu compte, ou n'a pas
assez tenu compte du fait que les mesures qui pourraient, dans

certains pays, devenir l'objet de lois de ((droit public », sont
régiesdans d'autres pays par le Code civil.
J'estime que le problème aurait été posé plus clairement dans
cette affaire si l'on s'était moins attaché à 1'~ordre public )) et
au ((droit public ))et davantage à l'examen de la matière, du but,
de la portée et du fonctionnement de la Convention, en tenant

compte des termes dans lesquels elle a étérédigéeet acceptée.
Il est cependant compréhensible que ce dernier point de vue ait
moins attiré l'attention que l'autre, puisque les conclusions relatives
à une réserve ou à l'exclusion de 1'((ordre public ))ou du (droit
public ))reposent sur des considérations en grande partie étrangères
aux termes de la Convention. En supposant qu'il existe pareille

réserveou exclusion - ceque la thèsesuédoisesepropose d'établir -,
les termes de la Convention n'avaient, dans ce débat,qu'une impor-
tance secondaire. Selon les conclusions de la Suède, il suffit de
démontrer que la loi en vertu de laquelle a étéprise la mesure
litigieuse est une loi d'ccordre public )ou de (droit public »; c'est
cela, en l'absence de tout grief de déni de justice, qui résout la

question, quels que soient les termes de la Convention.

L'ordre public est principalement et au premier chef un concept
de droit interne. Cependant, lorsqu'il s'agit d'une obligation inter-
nationale dont la Cour est appelée à connaître, comme c'est le cas
dans la présente espèce,l'on se trouve dans un domaineentièrement

différent.Les obligations résultant de traités et de conventions,quel-
les qu'elles soient,doivent êtrefidèlementrespectées.Lesdispositionsdu droit interne ne peuvent l'emporter sur celles d'un traité ou
d'une convention (Question des cccommunautés » gréco-bulgares,
C. P. J. I.,Série B, no 17, p. 32).
Il convient de redire que ce que l'on demande ici à la Cour
c'est de sous-entendre ou, en termes juridiques, d'impliquer une
réserve - dont les termes précisn'ont jamais étéénoncés claire-
ment,- qui écarte du domaine de la Convention toutes les lois

des Etats contractants se rapportant à l'ccordre public 1ou aux
lois de droit public1)Il serait nécessairedefournir l'argumentation
la plus convaincante pour justifier de la part de la Cour une telle
attitude, car elle permettrait aux Etats de décider eux-mêmesde
la portée desobligations qui leur incombent en vertu de la Conven-
tion. Cela leur serait permis même en dérogation des obligations
qu'elle impose par ailleurs. La Convention ne serait plus qu'un
cadre vide. On imagine difficilement quelle valeur la Convention
pourrait avoir dans ces conditions ou, étant donné le problème
qu'elle cherchait à résoudre, pourquoi elle aurait jamais étéconclue.
Avant que la Cour soit fondée à sous-entendre une réserve, il
faudrait que la preuve lui soit apportée qu'une telle attitude était
essentielle pour respecter l'intention des parties, car dans le cas

contraire, un accord nouveau et différent serait imposé aux Etats
contractants.
Il n'y a aucune preuve que telle ait été l'intention. On s'est
appuyé, cependant, sur un prétendu principe selon lequel une telle
réserve ou exclusion doit êtresous-entendue dans les conventions
relatives au droit privé. En d'autres termes, l'«ordre public »
s'applique rétroactivement, et l'on ne peut mêmepas invoquer à
l'encontre d'une telle convention des droits définitivement acquis.
Les Parties avaient la faculté de stipuler expressément une telle
réserve. En vérité, ona fait valoir pour la Suède qu'une réserve
d'ordre public est stipulée expressément dans presque tous les
traités et que ceux où elle ne figure pas sont des exceptions. Or, les
Parties à la présente Convention n'en ont pas disposé ainsi. Il

n'appartient pas, à mon avis, à la Cour de faire des conjectures sur
la raison de leur silence. Au cours des travaux préparatoires, les
rédacteurs de la convention se sont manifestement préoccupésde
la question de savoir s'il convenait ou non d'inclure une clause de
ce genre. C'est de propos délibéré qu'ilsse sont abstenus de le faire.
Ce serait, à mon avis, aller à l'encontre de toutes les règles de
l'interprétation, telles que je les comprends, que de sous-entendre à
présent une telle réserve.
J'estime qu'il convient de faire ici quelques observations d'ordre
généralsur le recours aux travaux préparatoires lorsque l'on re-
cherche l'interprétation valable de traités et de conventions. Dans
certains cas, il se peut que le recours aux travaux préparatoires de
traités ou de conventions soit nécessaire. Mais, toutes les fois que

cela est permis, il convient, à mon avis, de le faire avec prudence
et modération, car il est toujours à craindre qu'au lieu d'interpréter.le traité ou la convention en question, l'on s'aperçoive que l'on a
tendance à interpréter les travaux préparatoires et à reporter cette
interprétation sur le traité ou la convention qui doit êtrel'unique
objet de cette interprétation.
Ily a, à mon sens, dans l'affaire qui nous est soumise, un exemple
de cette possibilité. Certains ne trouvent aucun élément réellement
utile, dans un sens ou dans l'autre, dans les travaux préparatoires.

D'autres prétendent que ces travaux viennent très nettement ren-
forcer l'opinion que l'«ordre public » échappe à la Convention.
D'autres sont tout aussi convaincus que les travaux préparatoires
confirment tout aussi nettement le point de vue opposé. Pour ma
part, il me semble qu'il y a là un terrain quelque peu instable pour
servir de base à un raisonnement.
Ceux quisoutiennent qu'il faut sous-entendreunetelleréserve sont,
il me semble, contraints d'admettre que - sous réserved'un examen
par cette Cour -les Etats ont pouvoirdiscrétionnaire, en appliquant
dans les limites de leur territoire leur propre conception de l'ordre
public, de déterminer dans quelle mesure la réserve permettra
d'appliquer la Convention. On a laisséentendre que,lorsqu'un Etat
invoque la réserve, son devoir est, dans une certaine mesure, de

démontrer qu'il a fait une application raisonnable et debonne foi de
son ordre public - quel qu'en puisse êtrele sens dans le présent
contexte. L'Etat doit êtreprêà tsoumettre son action àl'examen. En
cas de différend,on fait valoir, en outre, que lesactions des Etats sont
soumises à la censurede la Cour, àconditionqu'ellesoitcompétente.
Mais que se produit-il lorsque, dans une espècedonnée,la Courn'est
pas compétente ?Au surplus, s'il nous appartient dedéfinir - et c'est
la tâche qui nous incombe - le sens de la Convention au moment
où elle a étéconclue en 1902, il n'y a pas lieu de tenir compte d'un
argument qui prétendrait qu'en cas de différend on pourrait s'adres-
ser à la Cour en qualité de juridiction de revision, pour qu'elle
exerce un contrôle sur l'usage déraisonnable fait par un État contrac-

tant de la réserve, ou pour qu'elle en atténue les conséquences. Et
quel critère convient-il d'appliquer pour en déterminer le caractère
raisonnable ?(VoirEmfirunts serbes,C. P.J.I., SérieA,n0~20/21,p. 46.)
Si une telle réserve était sous-entendue, elle aurait un caractère
indéfini et il ne resterait plus grand-chose d'obligations juridiques
prévues par la Convention. En effet, leur teneur serait variable,
indéfinie, imprévisible, et dépendrait du bon vouloir des diverses
parties. Il me parait difficile de comprendre des obligations juri-
diques aussi mal définieset imprécises.
A mon avis, les conclusions dela Suèdesur ces points sont dénuées
de fondement.
L'opinion que j'ai exprimée à propos de l'interprétation exacte

de la Convention exclut toute réserve,exception ou exclusion fondée
sur 1'~ordre public » ou le ((droit public ».
Dans la présente espèce - et la décision doit évidemment se
limiter à l'espèce,aux circonstances et aux faits qui en sont le cadre
79-, j'arrive au mêmerésultatque ceux qui sont partisans d'une telle
réserve, exception ou exclusion.
Mais, à mon avis, les motifs qui nous amènent à cette conclusion
ne sont pas dénuésd'importance. Ils ne représentent pas simplement
une manière d'aborder le problème, ils diffèrent sur le fond.
A mon avis, une réserve ou une exception dJ«ordre public »

sèmerait la confusion dans le texte de la Convention. Ce qui est
donné d'une main serait repris de l'autre. Des obligations destinées
clairement à s'imposer, en vertu de la Convention, àtous les Etats
contractants n'auraient aucun sens durable - si en véritéelles
conservaient un sensprévisible. Cesobligationsne pourraient jamais
êtredéfiniesni même définissables en destermes compris par les
deux Parties et s'imposant à elles.
Néanmoins, à mon avis, l'arrêt de la Cour auquel j'ai donné
mon accord ne porte pas atteinte à la Convention et lui conserve
sa valeur intégrale.
La Convention garde, sur la plan de l'administration de la tutelle
auquel se limitent sa portée et son domaine, toute la force et toute

la valeur de ses dispositions et des obligations assumées à ce titre
par les Parties contractantes.

(Signé) Percy SPENDER.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF SIR PERCY SPENDER

Whilst concurring in the decision of the Court 1 deem it appro-
priate to deal individually with and to make certain additional
observations upon certain aspects of this case.

1 propose to confine my remarks firstly to the interpretation of
the Convention in relation to the facts of this particular case, and
secondly to the submissions by the Government of the Kingdom of
Sweden on Ordrepublic (Public Policy).
Is "Protective Ufibringing"in conformity with the obligationsbind-
ing %$onSweden vis-à-vis theNetherlandsbyvirtue of theConvention
of I~OZ?
The task with which the Court is confronted may 1 think be
expressed thus :

(a) 1s the Swedish Child Welfare Law 1924 as amended or any
provision thereof inconsistent or incompatible with the Conven-
tion ?
(b) Are the measures of protective upbringing taken and main-
tained in respect of the child under the provisions of such law
inconsistent or incompatible with the Convention?
These questions will be determined primarily by the proper
construction to be given to the Convention. It is also necessary to
consider the terms of the Swedish law under which the measures
sought to be impugned by the Netherlands were taken and to do

this in the light of the interpretation to be accorded the Convention.
The aim in the interpretation of the Convention must be to
determine whether the particular case with which we are called
upon to deal, is or is not within its ambit. Our task does not require
us to go further.
The Convention, expressed as it is in general terms, must in my
opinion be interpreted and understood according to its subject-
matter. The occasion for the Convention, its purpose, the object
sought to be obtained are important considerations. Its subject-
matter determined in the light of these considerations will mark out
its scope and operation.

What was the situation before the Convention? What were the
defects in that situation with which it sought to deal? In what
manner was it sought to remedy these defects and for what reasons?

These are al1pertinent enquiries in the task of interpretation. The
answers do not admit of much dispute.
The Convention was one of a number entered into about the same
time dealing with conjîict of laws. It dealt with problems there-
65 OPINION INDIVIDUELLE DE SIR PERCY SPENDER

,[Trad.uctio]
Tout en me ralliant àla décisionde la Cour, j'estime qu'il convient
de procéder pour ma part à l'examen de certains aspects de cette
affaire et de présenterà ce propos quelques remarques complémen-
taires.
Je me propose de limiter mon exposé,tout d'abord à l'interpré-
tation de la Convention au sujet des faitse l'espèceet ensuite aux
conclusions du Gouvernement du Royaume de Suède sur I'ordre
public.
L'éducationprotectrice est-elle conforme aux obligations qui in-
combentàlaSuèdeàl'égard desPays-Bas en applicationdela Conven-
tion de 1902?
La tâche de la Cour peut, à mon avis, êtreainsi définie:

a) La loi suédoisede1924 sur la protection de l'enfance, dans son
texte modifié, ou l'une quelconque des dispositions de cette loi,
est-elle en contradiction ou incompatible avec la Convention?
b) Les mesures d'éducation protectrice prises et maintenues à
l'égard de l'enfant en vertu des dispositions de cette loi sont-elles
en contradiction ou incompatibles avec la Convention?
La réponse à ces questions dépendra surtout de la juste inter-
prétation qui doit êtredonnée à la Convention. Il faut également
examiner les termes de la loi suédoiseen vertu de laquelle ont été
prises les mesures contestées par les Pays-Bas et il convient de le
faire d'après l'interprétation que l'on donneraàla Convention.
L'interprétation de la Convention doit avoir pour objet de déter-

miner si le cas particulier que nous sommes amenésà trancher entre
ou n'entre pas dans son champ d'application. Notre mission n'exige
rien de plus.
Étant rédigée entermes généraux,la Convention doit, à mon
avis, êtreinterprétéeet comprise conformément à la matière à la-
quelle elle se rapporte. Les circonstances qui lui ont donnénaissance,
son objectif et le but poursuivi constituent des considérations im-
portantes. Définià la lumière de ces considérations, la matière à
laquelle se rapporte la Convention en indiquera la portée et le
domaine.
Quelle était la situation avant la conclusion de la Convention?
A quels inconvénients de cette situation cherchait-on à remédier?
Comment et pour quellesraisons cherchait-on à y remédier? Toutes
ces questions sont pertinentes, lorsqu'il s'agd'interprétation. Les
réponses ne prêtentguère à controverse.
La Convention est l'une de celles qui ont étéconclues à peu près

au mêmemoment en matière de conflits de lois. Elle a trait aux
65tofore existing when such conflictoccurred inrelation to the admin-
istration of the guardianship of minors, as between the different
States. It sought to formulate rules which would resolve difficulties
inherent in this state of affairs and to achieve agreement as between
the contracting Statesasto the proper law which should be applied
in order to do this. The task of the drafters was directed to a prob-
lem of confict of laws in relation to guardianship and its admin-
istration. This and this alone was the nature of their task.
The Convention accordingly sought to lay down rules and to
impose obligationsupon the contracting Statesto achieve this end.
Its aim was to bring to an end thestate of affairs where the law to
be applied to the administration of the property and to the custody
and control of an infant was the subject of competing and conflicting

laws between such States. Its provisions were designed to assimilate
within the respective national legal systems of the contracting
States certain provisions, in conformity with one another, where a
conflict of laws in relation to the administration of guardianship
occurred.
Where previously this conflict of laws was left to operate accord-
ing to the separate laws of each State, the aim of the Convention
was to introduce certain uniform legal rules and provisions and to
substitute in cases of conflict of laws thereafter arising these rules
and provisions on the administration of guardianship for the
national laws of each State thereon.
In the light of these observations, it is at once obvious that the
purpose of the Convention was to resolve a conflict of laws existing
at the time of, or which might arise during, its currency between
one contracting State and another, in respect of the law to govern
guardianship and its administration where a child, the national of
one country, was habitually resident in the country of another

contracting State, and that in order to accomplish this purpose, it
provided, subject to the provisions elsewhere appearing therein;
that the proper law to govern the guardianship should be the
national law of the infant.
It contemplated the contiiigency of a conflict between the laws
of two States-on the subject-matter of guardianship in each State.
It was not directed to the laws of States generally. It was confined
and limited to a conflict of the laws on guardianship and its admin-
istration. It was concerned with that subject-matter and with
none other.
1sany limitation or restriction on the guardian's right to custody
and control resulting from the operation of a law of a contracting
State where the child is habitually resident, which is not a law of or
on or dealing with guardianship incompatible or inconsistent with
the Convention ?
The answer must turn upon the scope and operation of tl-ie

Convention and this in turn depends upon its subject-matter.problèmes qui se posaient lorsqu'à propos de l'administr~tion de la
tutelle desmineurs, un conflit de lois s'élevaitentredeux Etats. Elle
cherchait à formuler des règlesqui résoudraient les difficultésinhé-
rentes à cet état de choses; elle cherchait aussi à réaliser entre les
Etats contractantsun accord surla loi applicablecette fin. La tâche
des rédacteurs était axée sur le problèmedes confEitsde lois relatifs
à la tutelle et à son administration. Tel était la nature, et la seule
nature, de leur mission.

Ainsi, c'està cette fin que la Conventioncherchait à élaborer des
règles et à imposer des obligations aux Etats contractants. Son
but était de svpprimer les cas de concurrence et de conflit entre
les lois de ces Etats au sujet de la loi applicableà l'administration
des biens et à la garde d'un mineur. Ses dispositions devaient
aboutir à l'intégration, dans les systèmes juridiques respectifs des
Etats contractants, de certaines stipulations homogènes, en cas
de conflit de lois relatifà l'administration de la tutelle.

Alors qu'auparavant la solufion de ce conflit de lois était laissét
au droit distinct de'chaque Etat, le but de la Convention étaie
d'introduire certaines règles et certaines dispositions juridiques

uniformes et de substituer par la suite, en cas de conflit de lois,
ces règles et dispositionsà la législation régissant dans chaque Etat
l'administration tutélaire.
A la lumière de ces observations, il appert immédiatement que
l'objet de la Convention était de résoudreun conflit de lois existant,
ou susceptible de se produire, pendant la durée de sa validité entre
deux Etats contractants, au sujet du droit applicable à la tutelje et
à son. administration, lorsqu'un enfant, ressortiçsant d'un Etat,
résidehabituellement dans le territoire d'un autre Etat contractant ;
à cet effet, sous réserve des dispositions figurant dans d'autres
parties, le texte disposait que la loi valablement applicable à la
tutelle serait la loi nationale du mineur.

La Conventjon envisageait l'éventualité d'un conflit entre les

lpis de deux Etats - à propos de,la tutelle dans chacun de ces
Etats. Elle ne visait pas les lois des Etats en général. Ellese bornait
strictement à un conflit de lois sur la tutelle et son administration.
Tel était son objet à l'exclusion de tout autre.

Y a-t-il une incompatibilité ou une contradiction quelconqueavec
la Convention, dans le cas de toute limite ou restriction imposéeau
droit de garde du tuteur, en application d'une loi d'un État contrac-
tant dans lequel l'enfant réside habituellement, lorsqu'il ne s'agit
pas d'une loi sur la tutelle ou traitant de la tutelle?
La réponse à cette question doit êtreconditionnée par la portée
et la mise en Œuvre de la Convention et cela, à son tour, dépend de
la matière à laquelle elle se rapporte.

66 The characterization or subject-matter of the Convention must
be determined by looking at it as a whole. The fundamental ques-
tions are: what is its essential character; to what subject-matter in
substance does it relate? The answers are not to be found in any
abstract formulation of a general test or criterion but by the
considerations to which 1 have already referred.
Its essential character is in my opinion clear enough.It is that
of guardianship: its administration, and confiict of laws in respect
of guardianship and its administration. That is its subject-matter,
And that in my view marks out its scope and operation. The
Convention must be construed accordingly. Soconstrued it does not
confer upon the guardian any such immunity. His exercise of the
right to custody and control may be restricted even in a major
degree by the effects of other laws dealing with entirely different
subject-matters, without any confiict of laws within the contempla-
tion of the Convention arising.

But are the provisions of the Swedish Child Welfare Law of 1924
as amended, by virtne of which the protective upbringing was
brought into being, laws on the subject-matter of guardianship?
A law may produce an effect in relation to a subject-matter with-
out being a law on that subject-matter. The substance of the rele-
vant law is to be determined by what it does-not by the effects in
relation to other matters of what the law does.
The Swedish Child Welfare Law forms a composite whole. Its
provisions are interrelated. Its subject-matter is child welfare and
delinquency in the content of the social problem they create, and
the protection and welfare of society in relation thereto.

Child welfare and delinquency recognized increasingly as a vital
social problem is of concern to the State not only in the interest of
children but primarily in the interest of the community, so that
young people may become useful members of society and not a
burden upon it. In my opinion, the main purposes of the Swedish

law, which gives direction to our enquiry, are:

(a) the prevention of the creation and the continuance of cor-
rupting homes, and the prevention and reformation of child delin-
quency, and

(b) the protection of society against the consequences of the bad
upbringing of the young.
Whatever is the subject-matter of the Swedish law, it is not a
law of or in relation to "guardianship". 1 would hardly think any
nation that has comparable legislation would itself ever think so.

It cannot be disputed that the Swedish law does in certain
circumstances produce egectswhich bear on guardianship. In the

67 C'est en envisageant la Convention dans son ensemble qu'il faut
déterminer la qualification ou l'objet de ce texte. Les questions
fondamentales qui se posent sont les suivantes: quelle en est la
nature essentielle; à quelle matière se rapporte-t-elle ? Les réponses
ne sauraient être trouvées dans l'énoncéabstrait d'un critère
général,mais dans les considérations que je viens d'exposer.
La nature fondamentale apparaît, à mon avis, assez clairement.
Il s'agit de la tutelle: de l'administration tutélaire et des conflits de
lois relatifsà la tutelle eà son administration. Telle est la matière
viséepar la Convention et ce qui,à mon avis, en définitla portéeet
le domaine. C'est dans cette perspective qu'il faut interpréter la
Convention. Ainsi interprétée, elle ne confère au tuteur aucune

immunité de cette nature. Il se peut que l'exercice de son droit de
garde soit restreint, même à un degré considérable, par l'effet
d'autres lois portant sur des sujets totalement différents, sans qu'il
se produise de conflit de lois au sens de la Convention.
Mais les dispositions, modifiées,de la loi suédoise de 1924 sur la
protection de l'enfance, en application desquelles l'éducation pro-
tectrice a étéinstituée, visent-elles la tutelle?
Une loi peut produire des effets dans une certaine matière sans
êtrepour autant une loi portant sur cette matière. Le fond de cette
loi doit êtredéterminépar son action et non par les effets de cette
action en d'autres matières.
La loi suédoise sur la protection de l'enfance forme un tout.
Ses dispositions sont liées les unes aux autres. Elle a pour objet
la protection de l'enfance et la délinquance, dans le cadre du
problème social ainsi créé, ainsi que la protection et le bien-être
de la sociétéà cet égard.
On s'accorde de plus en plus à reconnaître que la protection de

l'enfance et la délinquance juvénile représentent un problème
social d'une importance vitale qui concerne l'Etat, non seulement
dans l'intérêtdes enfants, mais avant tout dans celui de la commu-
nauté, afin que les adolescents puissent devenir d'utiles membres de
la sociétéau lieu de lui être à charge. A mon avis, les objectifs
essentiels de la loi suédoise, qui oriente notre recherche, sont les
suivants :
a) empêcherque des foyers ayant une influence corruptrice se
créent ou continuent d'exister, empêcheret corriger la délinquance
juvénile,

b) protéger la sociétécontre les conséquences de la mauvaise
éducation de la jeunesse.
Quel que soit l'objet de la loi suédoise,e n'estpas une loi sur la
tutelle ou se rapportantàla «tutelle».Je ne saurais imaginer qu'une
nation possédant une législation analogue puisse avoir cette concep-

tion.
On ne saurait contester que, dans certaines circonstances, la
loisuédoiseproduise des eïJetà l'égard delatutelle. Dansla présente
67 II9 CONV. OF 1902 (SEPAR. OPIN. OF SIR PERCY SPENDER)

present case Sweden does not deny that these effects are such as to
interfere in a major degree with the guardian's exercise of the right
of custody and control. That, however, does not, in my opinion,
make it a law on or in relation to or in respect to or of guardianship.
Its essential characteris not determined by the egectsof the law
operating on particular facts and circumstances; or by the acts
which may properly be done pursuant to it and their bearing or
effect on a guardian's right to custody and control. No conflict of
laws with which the Convention is concerned accordingly anses in
principle between the Netherlands law on guardianship and those
of the Swedish law on child welfare. They relate to different
subject-matters. Their scope and operation are separate and
distinct. The Convention was concerned with and its scope and

operation was limited to conflicts of laws arising in relation to the
one subject-matter, namely guardianship. In principle the Swedish
law is outside the domain of the Convention.

But this does not complete Our enquiry. A State, party to the
Convention, may not, whateverthe subject-matter of the law under
which it acts, do anything which contravenes the provisions of the
Convention.
1s then the protective upbringing established in this case a rival
guardianship ?
1s its maintenance inconsistent with the Convention or any
specific provision thereof ?
As to the first question, the answer must in my view be "no"

and for the reasons given in the opinion of the Court.
And if this be so, the answer to the second question must depend
upon some specific provision of the Convention,for apart therefrom,
for reasons already advanced, no incompatibility between the
measure of protective upbringing and the Convention could be said
to exist.
1sthere then any specificprovision of the Convention with which
the protective upbringing may be said to be inconsistent ?The only
specific provision which1 think needs to be adverted to is Article7.
Does this Article mean that al1 other measures which may be
said to protect the person of the infant are precluded irrespective
of the subject-matter or context of the law under which or the

circumstances in which those measures are taken? In particular
does it on its proper construction preclude the measure of pro-
tective upbringing?
1 think not. The Article certainly in terms does not so provide.
It is in my opinion solely directed to the protection of the person
of the child in the contingencies stated therein. It must be read
within the scope and operation of the Convention of which it is
part. On its proper construction it was never intended to preclude
other measures such as protective upbringing which have no rela-
tion whatever to guardianship.espèce, la Suède ne conteste pas que ces effets sont de nature à
constituer un empêchement majeur à l'exercice par le tuteur de
son droit de garde. Cela n'en fait pas toutefois, à mon avis, une loi
de tutelle, sur la tutelle, relativeà la tutelle ou ayant trait à la
tutelle. Sa nature essentielle n'estpas déterminéepar les eflets qui
en découlent lorsqu'elle s'applique à des circonstancesparticulières
et à des faits donnés, ni par des mesures susceptibles d'être régu-

lièrement prises pour son application, ni par leur portée ou leur
effet sur le droit de garde d'un tuteur. Aucun conflit de lois relevant
de la Convention ne se produit donc en principe entre la loi
néerlandaise sur la tutelle et la loi suédoise sur la protection de
l'enfance. Elles portent sur des matières différentes. Leur portée
et ledomaine dans lequel elless'appliquent s,ontdistincts. La Conven-
tion n'avait trait qu'aux conflits de lois qui se produisent dans ce
seul domainede la tutelle, et c'està cela que se limitent sa portéeet
sa mise en Œuvre. En principe, la loi suédoiseest en dehors du cadre
de la Convention.
Mais là ne se borne pas notre examen.Un État partie à la Conven-
tion ne saurait,quelle que soitla matière de la loi en vertu de laquelle
il agit, contrevenir en quoi que ce soit aux dispositions de cette
Convention.
L'éducation protectrice instituée en l'espèceconstitue-t-elle donc
une tutelle rivale?
Son maintien est-il incompatible avec la Convention ou l'une de
ses dispositions particulières?
La réponseà la première question doit, à mon avis, êtrenégative,

et cela pour les raisons exposéesdans l'arrêtde la Cour.
Et s'il enest ainsi, la réponsàla deuxièmequestion doit dépendre
d'une disposition donnéede la Convention; sinon, pour les raisons
déjàexposées,on ne peut pas dire qu'il y ait incompatibilité entre
la mesure d'éducation protectrice et la Convention.

Existe-t-il donc une disposition donnée dela Convention dont on
puisse dire qu'elle est contredite par l'éducation protectrice? La
seuleclause précisequ'il conviendrad'invoquer est cellede l'article7.
Cet article signifie-t-il que toutes les autres mesures que l'on
peut considérercomme destinéesà protéger la personne du mineur
sont exclues, quelle que soit la matière ou le contexte de la loi en
vertu de laquelle ces mesures sont prises, ou les circonstances dans
lesquelles elles interviennent? En particulier, une juste interpré-
tation de ce texte interdit-elle la mesure d'éducation protectrice?
Je ne le pense pas. Il est certain que l'article ne le prévoit pas
expressément. A mon avis,il ne vise que la protection de la personne
de l'enfant dans les éventualitésqu'il expose. Il faut l'interpréter

d'après la portéeet le domaine de la Convention dont il fait partie.
Interprété correctement, ce texte n'a jamais eu pour but d'inter-
dire d'autres mesures, telle que l'éducation protectrice, qui n'ont
pas le moindre rapport avec la tutelle. Article 22 (a) of the Swedish law taken together with the asso-
ciated articles thereof must be read also within the scope and
operation of that law of which it is an integral part. They cannot
be lifted out of their context.These provisions of the Swedish law

and Article 7 of the Convention operate in different fields altogether.
Neither the relevant provisions of the Swedish law nor the protec-
tive upbringing established thereunder have anything to do with
guardianship as such or with its administration; they lie wholly
outside the provisions of Article 7 of the Convention. There is no
inconsistencyor incompatibility.
One further observation needs to be made.
If in aparticular case it could be shown that a law comparable
to the relevant provisions of the Swedish law had been used by a
contracting State not bona fide to carry out that law but for a
purpose alizdnde,for example to interfere with and restrict a guard-
ian in the exercise of his right of custody and control as such,
other and quite different considerations would anse. But that is
not the instant case. The Netherlands has very properly conceded
that Sweden acted in complete good faith under the provisions of
its law. Nor does any question of denial of justice anse. The chal-
lenge of the Netherlands has been exclusively directed to whether

the measure of protective custody is itself in conforrnity with the
Convention.

In my opinion the Netherlands has failed to make out any case
that Sweden has not observed the provisions of the Convention.

Ordre Public(Public Policy)

The principal issue to which the Parties to this case directed
their attention was whether the Convention should be interpreted
as containing an implied reservation authorizing on the ground of
ordre Public or public policy the overruling of the application of
the foreign law recognized as normally the proper law to govem
the guardian's right to custody and control of the infant. Whilst
the opinion of the Court does not pronounce in any way upon this,
nor is it necessary to do so,1 think it proper, having regard to the

manner in which each Party has conducted its case and the impor-
tance attached to the issue, that 1 should express my views on it.
For 1would not wish any silence on my part to admit of any reason
for thinking that the case for Sweden might have successfully
rested upon the submissions made by it under this heading.
The Swedish Government contended that ordrepublic or "public
policy" is reserved from the Convention, that the Swedish Child
Welfare Law, 1924, as amended, is a law of ordre p.z~blic,that
accordingly the "protective upbringing" established by the Swedish
authorities is not a breach of the Convention of 1902. L'article 22 a) de la loi suédoiseet les articles aui s'v rattachent
doivent êtreégalementinterprétésd'après la portée et l'application

de la loi dont ils font partie intégrante. On ne peut les isoler de leur
contexte. Ces dispositions de la loi suédoise et l'article 7 de la
Convention s'appliquent à des domaines entièrement différents.
Les dispositions pertinentes de la loi suédoiseet l'éducation protec-
trice instituée en application de cette loi n'ont rien à voir avec la
tutelle proprement dite ou l'administration tutélaire; elles sont
entièrement en dehors des termes de l'article 7 de la Convention.
Il n'y a pas de contradiction ou d'incompatibilité.
Il convient de faire une remarque supplémentaire.

Si l'on pouvait prouver que, dans un cas donné, une loi dont les
dispositions soient comparables aux dispositions pertinentes de la
loi suédoise a étéappliquée par un État contractant, non pas de
bonne foi, pour en assurer la mise en Œuvre mais pour atteindre un
objectif étranger à ce texte, en intervenant par exemple et en
effectuant des restrictions dans l'exercice du droit de garde d'un
tuteur, d'autres considérations tout à fait différentes entreraient en
jeu. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce. Les Pays-Bas ont très
justement reconnu que la Suède a agi avec une bonne foi absolue,

en application de sa législation. Et il n'est pas question non plus
de déni de justice. Les Pays-Bas contestent uniquement que la
mesure d'éducation protectrice soit conforme aux dispositions de
la Convention.
A mon avis, les Pays-Bas ne sont pas parvenus à démontrer que
la Suède n'avait pas respecté les dispositions de la Convention.

Ordrepublic

Dans la présente affaire, la question essentielle sur laquelle les
Parties ont concentré leur attention est la suivante: convient-il
d'interpréter la Convention comme contenant une réserve implicite
qui permettrait, en raison de l'ordre public, d'écarter l'application
de la loi étrangère reconnue comme régulièrement applicable au
droit de garde du tuteur à l'égard del'enfant? L'arrêtde la Cour ne
se prononce nullement sur ce point, et il n'est pas nécessaire qu'il
le fasse; néanmoins, étant donné lafaçon dont les Parties ont exposé

leur thèse et l'importance attachée à cette question, je crois qu'il
convient que j'exprime mon opinion sur ce point. Je ne voudrais
pas, en effet, qu'en gardant le silence je puisse donner à croire que
l'argumentation de la Suède aurait pu se fonder avec quelque
chance de succèssur les conclusions qu'elle a formulées à cet égard.
Le Gouvernement suédois a fait valoir que 1'«ordre public ))est
réservépar la Convention, que la loi suédoisede 1924 sur la protec-
tion de l'enfance, modifiéepar la suite, est une loi d'ordre public
et qu'en conséquence, l'ccéducation protectrice ))instituée par les

autorités suédoisesne constituerait pas une violation de la Conven-
tion de 1902. Consideration of this branch of the argument raises questions
which may be of not inconsiderable importance. Whilst we are
concerned with a Convention which relates to a conflict of laws
within what may be referred to as the field of private law, none
the less it is in every sense an international convention between
sovereign States. Were support given to the Swedish contention
that such a reservation should be read intothe Convention it could

provide a basis for arguments that similar reservations should be
read into other and quite dissimilar conventions and treaties.
The maxim pacta sunt servandais of special significance in con-
sidering this contention of the Government of Sweden. One should
be constantly alert lest anything that might be said-or, indeed,
fail to be said-should give any currency to a view that nations,
under "public policy", may fashion their own yardstick to deter-
mine their obligations under international treaties or conventions
(cf. Greco-Bulgarian Communities, P.C.I. J., SeriesB, No. 17, p. 32).

Sweden's submissions as formally presented to the Court at the
conclusion of argument were as follows:

"That the rules pertaining to conflict of laws which form the
subject-matter ofthe 1902Convention on the guardianship ofinfants
do not affect the right of the High Contracting Parties to impose
upon the powers of foreign guardians, as indeed of foreign parents,
the restrictions called for by their ordre+ublic (public policy).
the administrativeauthorities reponsible for the public service of the
protection of children.
That the measure of protective upbringing taken in respect of
Elisabeth Bol1cannot accordingly in any way have contravened the
1902Convention relied upon by the Netherlands."

The argument to substantiate these submissions was developed
as follows. Two premises were sought to be established.
The first was that the application of the personal law of a for-
eigner must yield before those provisions of the lex jori which are
within the domain of ordre public (public policy), or at least of
international ordrepublic.
The second was that the provisions of Swedish law relating to
protective upbringing in fact-have that character.

It is to be noticed that the first premise advanced by Sweden does
not state that it is every law of the lex jori before which the per-
sonal law of the foreigner must yield. It is only such laws as are
within the domain of public policy, or at least within the domain
of international public policy.
Nor is it contended that every rule or law of public policy must
have priority over the persona1 law of children nationals of States
signatories to the Convention. It is only that part of ordre public
(public policy) to which the legislatures clearly attach such impor- L'examen de cette partie de l'argumentation soulèvedesquestions
dont l'importance pourrait être assez considérable. Nous avons
affaireà une convention sur un conflit de lois suscitédans ce qu'on
peut appeler le domaine du droit privé; il n'en s'agit pas moins, à
tous égards,d'une convention internationaleentre Etats souverains.
Si l'on accueille la thèse suédoise que cette réserve doit êtresous-
entendue dans la Convention, cela pourrait permettre de prétendre
que des réserves analogues doivent êtresous-entendues dans le cas
d'autres traités et conventions de nature très différente.
La règlepacta sunt servandaprésente une importance particulière

lorsau'on examine cette thèse du Gouvernement de la Suède. Il
nous faut êtreconstamment sur nos gardes, afin que rien de ce que
l'on pourrait dire - ou de ce que Son pourrait omettre de dire -
ne vienne donner crédit à l'idéeque les nations ont le droit, en invo-
quant ((l'ordre public », de déterminer leurs propres critères pour
définirles obligations qui leur incombent en vertu de conventions
ou de traités internationaux (cf. la Question des (communautés 1)
gréco-bulgares , .P. J. I., SérieB, no 17, p. 32).
Les conclusions officiellement présentéesà la Cour par la Suède
à l'issue des plaidoiries sont les suivantes:

((Queles règlesde conflitsde lois qui font l'objet de la Convention
de 1902 sur la tutelle des enfants mineurs n'affectent pasle droit
des Hautes Parties contractantes d'imposer aux pouvoirs des tu-
teurs étrangers,comme du reste des parents étrangers,les limita-
tions réclamées par leur ordre public;
que ces règleslaissent notamment intactes les compétences des
autoritésadministratives assurant le service public de la protection
de l'enfance;
que la mesure d'éducation protectriceprise à l'égardd'Elisabeth
Bol1n'a pu dèslors violer en rien la Convention de 1902 dont les
Pays-Bas se réclament. »
L'argumentation suivante a étéprésentéeàl'appui de ces conclu-
sions. On s'est efforcéde poser deux prémisses.
La première est que l'application du statut personnel d'un étran-

ger doit céder devant celles des dispositions de la loi du for qui
relèvent de l'ordre public, ou tout au moins de l'ordre public inter-
national.
La seconde est que les dispositions de la législation suédoise
relative à l'éducation protectrice ont bien ce caratcère, en fait.
11 convient de noter que la première prémisse énoncéepar la
Suède ne prétend pas que le statut personnel de l'étranger doive
céder devant toutes les dispositions de la loi du for. Il ne s'agit que
des dispositions qui relèvent de l'ordre public ou, tout au moins,
de l'ordre public international.
Il n'est pas non plus alléguéque toutes les règles ou lois d'ordre

public doivent avoif- priorité sur le statut personnel des enfants
ressortissants des Etats signataires de la Convention. Il s'agit
seulementde la fraction del'ordre public àlaquelle,de toute évidence,tance that, not only do they make it applicable to foreigners upon

their territory, but they will not suffer the application of the
foreignlaw. This part of public policy (ordrePublic) is referred to as
international ordrePublic or private international ordrePublic.

1refrain from making any examination of these descriptive words,
or any determination whether they do or do not involve any
definable concept of law, or are merely indicative in a general
sense of certain kinds of laws to which others may attach different
descriptive labels. It is important however to understand the sense
in which these terms are used by Sweden.
This the Swedish argument proceeded to indicate. A judgment
of the Belgian Cour de Cassation of 4th May, 1950 (Pas. 1950, I.
624) was quoted as follows:

"A law of domestic ordrepublic is only of private international
ordrepublicin so far as it was the intentionofthe legislature to lay
down by means of its provisions a principle which the legislature
regards as essential to moral, political or economicder and which,
onthat ground,must necessarily,in its eyes,excludethe application,
in Belgium,of any rule to the contrary or any different rule in the
persona1law of the foreigner."
So it was argued that public policy (ordre Public) is applied to
cases where :

(a) the application of foreign law is prevented-the negative
effect;
(b) the application of territorial law is made compulsory-the
positive effect.

Further, it was subrnitted that territorial measures which are
made binding in the public interest, so as to prevail over the foreign
law, may in some cases result in complete elimination of the foreign
law, and the substitution or enforcement of the lex fori; in others
the application of the foreign law may be only partially affected.

It is hardly necessary to refer to the many instances where, in
accordance with domestic law of a country, the Courts of that
country have, apart from obligations imposed by treaty, refused to
recognize foreign laws or judgments or rights arising out of foreign
laws, on the grounds of ordre Public or public policy. Each nation
does so to the extent to which it deems its fundamental principles
of public policy demand.

Public policy in every country is in a constant state of flux. It is
always evolving. It is impossible to ascertain any absolute criterion.
It cannot be determined within a formula. It is a conception. The
varying legal approaches made by the different domestic or muni-
cipal courts of different countries in the cases on which they have
been called to adjudicate, and the wide differences of vièws on
various and important aspects of public policy (ordre public) CONV. DE 1902 (OP. INDIV. SIR PERCY SPENDER) 122

les législateurs attachent une importance telle que non seulement
ils l'appliquent aux étrangers dans leur propre territoire, mais
encore qu'ils refusent d'admettre dans ce domaine I'applicatioii de
la loi étrangère. Cette partie de l'ordre public est qualifiéed'ordre
public international ou d'ordre public international privé.
Je m'abstiendrai d'examiner ces termes descriptifs et de recher-
cher s'ils impliquent ou non un concept de droit définissable, ou
s'ils ne sont que des termes descriptifs, s'appliquant de façon géné-
rale à certaines catégories de lois que d'autres pourraient définir
différemment. Il est important cependant de comprendre le sens

donné à ces termes par la Suède.
C'est ce qu'indique ensuite l'argumentation suédoise, en repro-
duisant la citation suivante de l'arrêt de la Cour de cassation de
Belgique',en date du 4 mai 1950 (Pas. 1950, I. 624):
((Une loi d'ordre public interne n'est d'ordre public international
privéque pour autant que le législateurait entendu consacrer par
les dispositionsde celle-ciunprincipequ'ilconsidèrecommeessentiel
à l'ordre moral, politiqueou économiqueet qui, pour ce motif, doit
nécessairement, à ses yeux, exclure l'application en Belgique de
toute règlecontraire ou différente inscrite dansle statut personnel
de l'étranger.»

On soutient donc que l'ordre public est applicable dans les cas où :

a) il est fait obstacle à l'application de la loi étrangère - c'est
l'effet négatif;
b) l'application de la loi locale est rendue obligatoire - c'est
l'effet positif.
En outre, on soutient que les mesures locales rendues obligatoires

dansl'intérêtgénéral,afin de prévaloir sur la loi étrangère,peuvent,
dans certains cas, avoir pour conséquence l'élimination complète
de cette loi, la loi du lieu étant appliquée ou lui étant substituée;
dans d'autres cas, l'application de la loi étrangère peut n'être
affectéeque partiellement.
Il n'est guère nécessairede faire allusion aux nombreux cas où,
conformément au droit interne d'un pays, les tribunaux de ce pays
ont refusé, en dehors des obligations imposéespar traité, de recon-

naître les lois étrangères, les décisions de justice ou les droits
résultant de ces lois, en invoquant l'ordre public. Toute nation peut
agir ainsi dans la mesure où elle estime que les principes fondamen-
taux de son ordre public l'exigent.
Dans tous les pays, l'ordre public est dans un état de transfor-
mation constante. Il ne cesse d'évoluer.11est impossibledeformuler
un critère absolu. Il ne peut être définipar une formule. Il s'agit
d'un concept. Les différences entre les points de vue juridiques
adoptés par les tribunaux internes des divers pays dans les cas

particuliers qu'ils ont été appelés à trancher paraissent assez
évidentes, de mêmeque les larges divergences de vues à propos de
71expressed by learned authoritiesare fairly evident. The tmth of the
matter is whether ordrepublic (publicpolicy) is basedupon consider-
ations analogous to Article VI of the French Civil Code, or on
broad principles of moral or political or economic order, or on the
imperative nature of domestic laws, or on their territorial applica-
tion to al1people within the State whether foreigners or nationals,

or on differences or supposed differences between positive and
negative laws, or whether they are public or private laws, adminis-
trative or non-administrative laws, or ordrepublic as such or inter-
national ordre public (or private international ordre public), etc.;
decisions giving effect to public policy within the municipal domain
are based either upon the specific terms of legislative law or upon a
more or less elastic conception of what public policy demands or
permits in relation to the particular case under consideration.

Itis difficult to ascertain, if indeed that is possible, any common
thread or line of reasoning to bind al1 the different cases together,
or to harmonize them one with another, other than the general
conception of public policy as developed in each municipal system
from law to law, from case to case, and from time to time. Cases,

no doubt, may be said to fa11within general principles or into wide
and somewhat unspecific categories. It is, for example, within one's
knowledge that the domestic courts of the same country may Vary
in their application of principles of public policy to new and evolv-
ing sets of circumstances. Some are reluctant to assert any new
head of public policy or to extend existing principles to new sets of
circumstances. Others are not so reluctant.

Attempts have been made to discern some definable principle or
principles to explain or harmonize the different cases so decided in
different countries, and to elevate these principles to the level of
rules of international law. For myself, 1 am bound to Say that 1 do
not find them convincing. This is at least understandable. In each
country, however or in reliance upon what domestic laws or general
principles it may cal1in aid ordre public or public policy, is deter-

mining for itself, by its legislation, by its administrative agencies,
or through its courts, the extent to which, if at au, it will admit or
exclude foreign laws, or foreign rights othenvise applicable. It is,
in each case, no doubt for good and sufficient reasons in the view
of the State concerned, an assertion of national sovereignty.

It is not, therefore, to be wondered that, in attempts to enunciate
some rules of guidance, laws described as of an absolute and impera-
tive character are divided into two categories (Savigny, English
translation by Guthrie, p. 78) : those "enacted merely for the sake
of perçons who are the possessors of rights", and those that are

72divers aspects importants de l'ordre public, telles qu'elles sont
exprimées par la jurisprudence et par d'éminents publicistes. Le
vrai problème est celui de savoir si la notion d'ordre public se fonde
sur des considérations analogues à celles del'article VI du Codecivil
français, ou sur des principes très larges d'ordre moral, politique
ou économique, ou sur le caractère obligatoire des lois internes, sur
leur application, dans le territoire de l'Etat, à tous les individus,
ressortissants ou étrangers, ou sur des différencesréellesou suppo-
séesentre les lois deçaractère positif et négatif, ou les lois de droit
privé et de droit public, ou les lois de caractère administratif et
non administratif, ou sur l'ordre public en tant que tel, ou l'ordre
public international (ou l'ordre public international privé), etc. ;
les décisions mettant en Œuvre l'ordre public sur le plan interne se

fondent soit sur les termes précisd'un texte législatif, soit sur une
conception plus ou moins souple de ce qu'exige ou permet l'ordre
public à l'égard del'espèce envisagée.
Il est difficilede discerner, si tant estque cesoit possible, un lien ou
un raisonnement commun rattachant ou harmonisant les différentes
espèces, si ce n'est. le concept général d'ordre public tel qu'il est
élaborédans chaque système juridique interne, loi par loi, cas par
cas et au fur et à mesure. On peut dire évidemment que les espèces
se rattachent à desprincipesgénéraux ou à des catégoriestrès larges
et quelque peu imprécises. Il est, par exemple, notoire que les
tribunaux internes d'un mêmepays peuvent différerdans l'appli-
cation des principes de l'ordre public à des circonstances nouvelles
et changeantes. Certains répugnent à soutenir un nouveau dévelop-

pement d'un principe d'ordre public ou àétendreà descirconstances
nouvelles l'application des principes existants. D'autres n'éprouvent
pas la mêmerépugnance.
Certains se sont efforcésde discerner un ou plusieurs principes
définissables permettant d'expliquer ou d'harmoniser les diverses
espècesainsi tranchées dans des pays différents et d'érigerces prin-
cipes en règlesde droit international. Pour ma part, je dois admettre
que ces tentatives ne me semblent pas convaincantes. C'est pour
le moins compréhensible. Quelles que soient les lois internes ou les
principes généraux invoqués au nom de l'ordre public, chaque pays
détermine pour lui-même,au moyen de sa législation,de ses organes
administratifs ou par l'intermédiaire de ses tribunaux, dans quelle
mesure il admettra - si tant est qu'il les admette - ou exclura les

lois étrangères ou les droits étrangers normalement applicables.
Dans chacun de ces cas, pour des raisons certainement valables et
suffisantes aux yeux de l'État intéressé, il s'agit d'une affirmation
de la souveraineté nationale.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que, lorsque l'on s'efforce de
formuler quelques règlesdirectrices, les lois auxquelles est attribué
un caractère absolu et impératif soient réparties en deux catégories
(Savigny, traduction anglaise par Guthrie, p. 78): celles qui sont
« édictées uniquement en vue de personnes titulaires de droits )et

72not so enacted but rest on moral grounds or on the public interest
"where they relate to politics, police or political economy".

We find Brocher describing these two categories as "Lois d'ordre
public interne" and "Lois d'ordre publicinternational", respectively.
This distinction is presented for the purpose of indicating that laws
within the first category are applicable only where the interna1 law

of the forum applies, whilst the second imperatively demands
application even in the sphere of private international law of the
country.
Niboyet has other ideas, and so has Bartin and so has Mancini.
The many authorities quoted during the course of the argument on
both sides at least should satisfy one, if that were necessary, that
ordrepublic (public policy) is but a general description of the opera-
tion by which nations reject or refuse to accept foreign laws in the
pursuance of, or presumed pursuance of, its fundamental principles
of "public policy" as understood from time to time (see Dennis
Lloyd, Public Policy :A Comparative Study on English and French
Law, 1953, and cf. Serbian Loans Case, P.C.I.J., Series A, Nos.
20121,p. 46).

But whatever may be the position in any municipal system at any
given time, once an international agreement or convention or

treaty comes before this Court, then the considerations which, in
my opinion, are applicable to the problem, are completelydifferent.

The difficulties in applying public policy (ordre public) to treaties
and conventions were not underestimated by the Swedish Govern-
ment. This appears particularly in Sweden's Rejoinder to the
Netherlands Reply. The latter had advanced what are,in my opin-
ion, powerful arguments against ordrepublic being invoked against
State conventions on conflict of laws. No useful purpose can, 1
think, be served by referring tothe learned authors quoted by each
side to support their respective submissions. On the one hand
Sweden claims that practically al1authors on conflict of laws sup-
port their contention that ordrepublic (public policy) can override-
or is excepted from-private law conventions, whilst the Nether-
lands contend the position is the reverse. It seems to me that
Sweden felt obliged in its Rejoinder to meet the force of the obser-

vations of Wolff (Dus internationale PrivatrechtDeutschlands, p. 70)
and Melchior (Grundlagen,p. 359),quotedin the Netherlands Reply.
These observations are, in my opinion, of such persuasive force that
they should be quoted in full:

"Lewald rightly emphasizes the dangers that arise, once ovdre
public is upheld in respect of State conventions. This would enable
any State practically to restrict the application of the conventioncelles qui ne sont pas édictéesde cette manière mais reposent sur
des motifs d'ordre moral ou sur l'intérêtgénéral,((en ce qu'elles

ont trait à la politique, la police ou l'économiepolitique ».
Ainsi, Brocher qualifie respectivement ces deux catégories de
((lois d'ordre public interne 1)et de lois d'ordre public interna-
tional ». Cette distinction a pour but d'indiquer que les lois appar-
tenant à la première catégorie ne sont applicables que lorsque la
loi interne du for s'applique, tandis que l'application des secondes
s'impose de façonimpérative, mêmedans le domaine du droit inter-
national privé du pays.
Niboyet est d'un autre avis; il en va de mêmede Bartin et de
Mancini. Les nombreux auteurs citéspar les deux Parties au cours
des plaidoiriesdevraient pour le moins nous apporter la preuve, s'il

en était besoin, que l'ordre public ne sert qu'à décrire de façon
générale leprocessus par lequel les nations repoussent ou refusent
d'accepter les lois étrangères, afin, ou sous prétexte d'appliquer
les principes fondamentaux de l'«ordre public », tels qu'on les
conçoit d'une époque à l'autre (voir Dennis Lloyd, Public Policy :
A ComparativeStudy on English and French Law, 1953, et lJA#aire
du paiement de divers emprunts serbes émisen France, C. P. J. I.,
SérieA, noszo/21, p. 46).
Mais, quelle que soit la position prise à un moment donné par un
système de droit interne, dès lors que notre Cour est saisie d'un

accord, d'une convention ou d'un traité international, les considé-
rations qui me paraissent devoir s'appliquer au problème sont
entièrement différentes.
Le Gouvernement suédois n'a pas sous-estimé la difficulté que
comporte l'application de l'ordre public aux traités et conventions.
C'est particulièrement manifeste dans la duplique suédoisedéposée
en réponse à la réplique néerlandaise. Ce dernier document avait
présentédes arguments qui me paraissent très fortscontre lerecours
à l'ordre public, pour l'opposer aux conventions internationales en
général.Il ne servirait à rien. à mon avis. de faire allusion aux
"
éminents auteurs cités par les deux Parties à l'appui de leurs
conclusions respectives. La Suède prétend, d'une part, que presque
tous les auteurs qui ont traité des conflits de lois reconnaissent avec
elle que l'ordre public peut faire obstacle aux conventions - ou
qu'il est réservépar elles; les Pays-Bas d'autre part affirment que
la situation est exactement inverse. Il me sembleque la Suèdes'est
sentie tenue, dans sa duplique, de contrebalancer l'autorité des
remarques de Wolff (Dus internationale Privatrecht Deutschlands,
p. 70) et de Melchior (Grzbndlagenp ,. 359) citéesdans la réplique des
Pavs-Bas. La force de ~ersuasion de ces remaraues est. à mon avis.

si grande qu'il convien't de les citer in extenso:
(Lewald souligneavec raison les dangers qui surviennent quand
on invoque l'ordre pubiic à propos de conventions entre États.
Celapermettrait à tout Etat de restreindre pratiquement à sa guise ad libitumand, in such manner, to divest the convention of practical-
ly its entire value." (WolffZ.c.)
"In my opinion it should be held, in case of doubt, that within the
realm of State conventions on conflict of law, application of ordre
flubliccannot be allowed. Normally the States that are parties to
the international conventions will intend to create obligations of an
equable and predictable character. If, however, one admits excep-
tions by virtue of ordrepublic, one must interfere considerablywith
the State convention, and this in a manner that can hardly be
foreseenon contracting, since ordreflublicis less clearly definedthan
other conflict principles. And if one is to permit the courts to apply
ordre eublic within the realm of State conventions, one must
necessarily also approve such ulterior laws of a contracting State as
undermine the convention in the name ofordre public."(Melchior,1.c.)

Whilst not retreating from the position it had taken up in its
Counter-Memorial, Sweden in its Rejoinder presented its argument
somewhat differently and within limits which, no doubt, it thought
were less susceptible to attack. Having stated the issue as follows:

"The issue is whether the Swedish Government has been guilty of
a breach of the 1902Convention in applying to a Dutch child its law
relating to the protection of children, in spite of the Dutch law
relating to guardianship which is recognized as being applicable to
that child",

the Swedish case went on to Say that the law for the protection of
children, being part of the publilcaw, is applicable throughout the
territory to any foreign child there; that no national or foreign law
can stand in the way of its application, and that the 1902 Conven-
tion was in no way intended to alter this situation.

Rules of public (or of administrative) law are, it was submitted
by it, absolutely mandatory.
It seems unnecessary to argue that if a domestic law has been

validly passed which, either expressly or by necessary implication,
is made clearly to apply, in terms obligatory upon the judicial and
administrative organs of that country, to al1 persons or things
within the territorial limits of a sovereign and independent State,
the mandatory nature of the law upon ali persons, foreigners or
nationals, within the territorial limits of the State must, within its
municipal system, be observed by those judicial and administrative
organs. Indeed, assuming the constitutionality and validity of the
Act within the domestic legal system of the State concerned, it is
competent for a Stateparty to any treaty or convention to pass a
law binding on its ozunauthonties to the effect that, notwithstand-
inganything in thetreaty or convention, certain provisions thereof

74 l'application de la Convention et de la priver ainsi pratiquement de
toute sa valeur.» (Wolff,loc.cd.)

A mon avis, en cas de doute, il faut considérerque l'application
de l'arbre public ne peut êtreadmise sur le plan des convenfions
entre Etats portant sur les conflits de lois. Normalement, les Etats
partiesà une convention'intemationale ont l'intention de créer des
obligations d'un caractère prévisible depart et d'autre. Pourtant,
si l'on admet des exceptions au nom de l'ordre public, il doit en
résulter d'importantes perturbations dans les conventions entre
la conclusion de la convention, car l'ordre public est moins nette-
ment définique ne le sont les autres principes en matière de conflits.
Et si l'on permet aux tribunaux d'appliquer la notion d'ordre
public dans le domaine des conventions entre Etats, il faut néces-
sairement aussi approuver les lois d'un Etat contractant qui, ulté-
rieurement, saperaient la convention au nom de l'ordre public. 1)
(Melchior,loc. cit.)

Tout en demeurant sur les positions adoptées par elle dans son
contre-mémoire, la Suède, dans sa duplique, a présentéson argu-
mentation d'une façon un peu différente et en la circonscrivant dans
des limites qui étaient, sans aucun doute, à son avis, plus aisément
défendables. Elle pose tout d'abord le problème de la façon suivante :

« La question est de savoir si le Gouvernement suédoisa violéla
Convention de 1902en faisant àune enfant néerlandaiseapplication
de sa loi sur la protection de l'enfance, nonobstant la loi detutelle
néerlandaise reconnue applicable à ladite enfant.))

La suite de l'argumentation suédoise consiste à dire que la loi
sur la protection de l'enfance faisant partie du droit p~blic est
appliiable sur tout le territoire à tout enfant étranger qui s'y
trouve; qu'aucune loi, nationale ni étrangère, ne peut en empêcher
l'application et que la Convention de 1902 n'était nullement destinée

à modifier cette situation.
Les règles de droit public (ou administratif) sont, à l'en croire,
absolument impératives.
Il parait inutile de faire valoir que le caractère obligatoire
d'une loi interne, valablement édictée,qui s'applique clairement,
expressément ou qui s'impose implicitement, en termes qui sont
obligatoires pour les organes administratifs et judiciaires du pays,
aux personnes et aux biens qui se trouvent sur le territoire
d'un État souverain et indépendant, doit être respecté par ces
organes judiciaires et administratifs à l'égard de tous, étrangers ou
nationaux, dans les limitesde ce territoire. En vérité,si l'on suppose
que la loi est constitutionnelle et valable dans l'ordre juridique

interne de l'État intéressé, tout État partie à un traité ou à une
convention a compétence pour édicter une loi obligatoire à l'égard
de ses +ropres autorités, aux termes de laquelle, nonobstant toute
stipulation à cet effet dans le traité ou la convention, certaines debinding on that State shall not apply, or to legislate in terms
clearly inconsistent with, and intending to ovemde, the terms of
an existing treaty (cf. Sanchez v. United States, U.S. SupremeCourt,
Reports, Vol. 216, at p. 167). Whether described as mandatory or
othenvise, public or otherwise, that law would have full force and
effect within the territorial limits of the State in question. But that
in no way would be relevant to the question whether that legisla-
tion-or an act done pursuant to it-is or is not in breach of or
incompatible with obligations binding upon the State by virtue of
a treaty or convention.

The argument of the Swedish Government on this aspect,as stated

in its Rejoinder and as applied to this case, may be stated thus:
(1)There is a distinction between public policy and public Law
as a justification for the application of the lex fori.
(2)This is more than a difference in legal approach.

(3) Pz6blicpolicy may be relied upon as a ground for excluding
foreignlaw otherwise applicable and for applying the territorial law,
by way of exception.
(4) On the other hand, the obligatory ruIes of public Law are
normally and mandatorily applicable to al1 those resident in the
territory,regardlessof any foreign law whatsoever.
It is to be observed that Sweden's case is that, whereas "public
policy" may be invoked by way of exception, the obligatory rules
of "public law" apply to al1resident in the territory regardless of

any foreign law whatever, whether arising under convention or
treaty or othenvise; "public law" does not even admit the princifile
of the applicability of the foreign law. But if either "public policy"
or "public law" may be invoked in respect of the present Conven-
tion, it is1 think, clear-however the argument is presented-that
this may only be done on the basis of an implied reservation from
or exception to the Convention. In my opinion such a reservation
should not be implied in the absence of clear necessity that it must
be so implied in order to give effect to the intentions of the parties.

What is the character or definition of a "public law"? Opinions
are varied. There is no agreement.
In a wide sense, legislative laws are oftenconvenientlycategorized
as public or private, the former being of general application, direct-
ed to the organization of society and applicable to all within the

domain of the State concerned, the latter rather directed to special
interests of indivjduals, etc., as distinct from society as a whole.

But "public law", in the context of the present dispute, needs to
be more definitivelyindicated. The Rejoinder of Sweden left me in ses dispositions,obligatoirespour cet État, ne sont pas applicables;
de même,tout État sera compétent pour édicter des lois dont les
termes seront en contradiction flagrante avec ceux d'un traité
préexistant et dictéspar une intention dérogatoire (voir Sanchez v.

United States, U.S. Supreme Court Reports, vol. 216, p. 167). Que
cette loi soit qualifiéeou non de loi impérative ou de loi de droit
public, elle aura son plein effet dans les limites du territoire de
l'État en question. Mais cela n'aurait aucun rapport avec la question
de savoir si cette législatio- ou si un acte accompli en application
de cette législation - constitue ou non une violation des obligations
qui lient 1'Etat en vertu du traité ou de la convention.
L'on peut résumer ainsi l'argumentation du Gouvernement
suédois sur cet aspect, telle qu'elle est exposéedans sa duplique:

1) 11faut distinguer «ordre public ))et (droit public »,en tant
que justification de l'application de la loi du for.
2) Cela représente plus d'une divergence de points de vue
juridiques.
3) L'ordre publicpeut êtreinvoqué pour écarterune loi étrangère
qui serait applicable et pour appliquer, par voie d'exception,la loi

locale.
4) D'autre part, les règles impératives du droit public sont
applicables de façon normale et obligatoire à tous ceux qui résident
dans le territoire, abstractionfaite de toute loi étrangère.
Il convient de faire observer que l'argumentation de la Suède
est la suivante: tandis que l'a ordre public » peut êtreinvoqué par
voie d'exception, les règles impératives du «droit public » s'impo-

sent à tous ceux qui résident dans le territoire, abstraction faite de
toute loi étrangère; qu'il résulte d'une convention ou d'un traité
ou de toute autre source, le « droit public » n'admet pas même le
principe de I'applicabilité de la loi étrangère. Mais si l'«ordre
public »ou le « droit public »peut êtreinvoqué à l'égard dela pré-
sente convention, il apparaît clairement, à mon avis - quelle que
soit la manière de présenter l'argumentation -, que cela n'est
réalisable qu'au moyen d'une réserve implicite ou d'une exception
à la Convention. A mon avis, pareille réserve ne saurait êtresous-
entendue en l'absence d'une nécessitéévidente qu'il faut ainsi la
sous-entendre pour donner effet aux intentions des parties.

Quelle est la nature ou la définitiond'une ccloi de droit public»?
Les opinions varient. Il y a désaccordsur ce point.
11est commode de répartir les lois au sens large en deux caté-
gories, droit public et droit privé, les premières portant sur un
domaine généralayant trait à l'orgaqisation de la sociétéet s'appli-
quant à tous dans les limites de 1'Etat intéressé,les secondes se
rapportant plutôt aux intérêtsparticuliers desindividus,etc., et non
pas de la sociétédans son ensemble.
Mais il convient de définir defaçon plus précise le « droit public ))
dans le contexte du présent différend. La duplique de la Suède asome doubt as to whether the concept of "public law" was claimed
to be part of, or separate from, that of "public policy". In Sweden's.
final submissions this is still somewhat unclear. But whether it is
one or the other, it is reasonably clear that "public law", as the
term is used by Sweden, is a law which by its terms applies to
nationals and foreigners alike within the territorial limits of a
State, and which is made obligatory upon allperçons and upon al1
instrumentalities called upon to enforce it. It includes rules O£
constitutional law, of procedure and of administrative law.

"Public law" is described, if not defined, by others sometimes in:

similar, sometimes in different, senses. To some it is synonymous.
with a "social law". Others give it the specific role of providing for
the political structure of a State and include within it the Constitu-
tion of a country, electoral laws, criminal laws and certainadminis--
trative and fiscal laws. In this context the field occupied by "public.
law" is different from that occupied by "public policy". The two.
are seen by some as separate concepts whose domains may touch.
but never overlap.

Others consider "public law" as a special branch of the law
whose boundaries are fairly precise and which may be defined "as
the collection of rules-legislative,departmental and Judge-made-
which fix, or ought to fix, the relation between the authorities and
the different administrative organizations or public authorities as
well aswith one another aswith individuals. It comprises, therefore,
constitutional and administrative law." (Droit fiublic and ordre

fiublic,Transactions of Grotius Society, 1929, Vol. 15, pp. 83 etseq.)

"Public law", so described, seems to me not only to overlap but
to occupy a substantial part of the area generally considered as
within that of "public policy". It presumably would include a
public law of the kind indicated by Sweden, but it clearly enough
includes very many others. 1 would think that "public law" in the
sense used by Sweden is either part of the concept of "public policy"
or, if a separate concept, occupies with it a substantial area of the
same field. It is not, however,for the purpose of this case necessary
in my opinion to determine this one way or the other. For, in either
case, in whatever words the argument is put, what the Court is
being asked to do is to read into the Convention a reservation-in
other words, to imply a clause or proviso-excepting from the
terms and operation of the Convention al1laws of "public policy"
and/or "public law". On this basis, the arguments presented by

Sweden on each stand or fa11together, for that on the one is, in my
view, indistinguishable in principle from that on the other.laissésubsister dans mon esprit un certain doute: prétend-elle que
la notion de « droit public » est considéréecomme faisant partie ou

comme se distinguant de la notion dJ«ordre public »? Ce point
demeure quelque peu obscur dans les conclusions finales de la
Suède. Mais quoi qu'il en soit, il est raisonnablement clair que, telle
qu'elle est employée par la Suède, l'expression « droit public ))
désigne une loi dont les termes s'appliquent sans distinction aux
nationaux ainsi qu'aux étrangers, dans les limites du territoire d'un
Etat et qui est rendue obligatoire à toutes les personnes et à tous
les organismes chargés de l'appliquer. Elle comprend les règles de

droit constitutionnel, de procédure et de droit administratif.
D'autres décrivent parfois le « droit public », faute de le définir,
dans des sens parfois similaires et parfois différents. Pour certains,
c'est un synonyme de «droit social », d'autres lui attribuent le
rôle précisde fournir à un Etat sastructure politique et y englobent
la constitution d'un pays, les lois électorales, les lois pénales et
certaineslois administratives et fiscales. Dans ce contexte, le « droit
public »couvre un domaine différent de celui de 1'«ordre public ».
Les deux notions apparaissent aux uns comme des notions diffé-

rentes, dont les domaines peuvent se rejoindre mais sans jamais
empiéter l'un sur l'autre.
D'autres considèrent que le « droit public » est une ramification
particulière du droit dont les limites sont assez préciseset qui peut
êtreainsi définie: cl'ensemble des règles - législatives, adminis-
tratives et jurisprudentielles - qui définissent ou devraient définir
les rapports entre les pouvoirs publics et les différents organismes
administratifs et les autorités, aussi bien entre eux qu'à l'égard
des particuliers. Elle englobe, par conséquent, le droit constitu-

tionnel et le droit administratif. » (Droit public and ordre public,
Transactions of GrotiusSociety, 1929, vol. 15, pp. 83 et S.)
Ainsi décrit, le((droit public » me paraît non seulement empiéter
sur le domaine qui est en généralconsidérécomme appartenant à
1'«ordre public », mais encore en recouvrir une partie considérable.
Je présume qu'il comprendrait une loi de droit public dela catégorie
indiquée par la Suède, mais il est assez évident qu'il en comprend
encore bien d'autres. Il me semble que le <droit public » au sens

employé par la Suède est soit une partie de la notion dJ«ordre
public »,soit, s'il s'agit d'une notion distincte, que ces deux notions
coïncident pour occuper une importante partie du mêmedomaine.
Il n'est cependant pas nécessaire, à mon avis, d'en décider en
l'occurrence. Car dans les deux cas, quel que soit l'énoncé del'argu-
mentation, ce que l'on demande à la Cour, c'est de sous-entendre
à la Convention une réserve - en d'autres termes, de laisser enten-
dre qu'il existe une clause ou une restriction - faisant échapper

aux termes et à l'application de la Convention toutes leslois d'~ordre
public )et/ou le droit public. Sur cette base, les thèses présentées
dans les deux cas par la Suède subsistent ou s'effondrent ensemble
car, àmon avis, onne peut, en principe, les distinguerl'une del'autre.
76 If, indeed, "public law" is to be considered as a concept separate
and distinct from "public policy" and in no way part of it, the argu-
ment for Sweden is, in my judgment, clearly unsound (cf. Polish
Nationals in Danzig, P.C.I.J., Series A/B, No. 44, p. 24). For,
irrespective of anything which might appear in this (or any) Conven-
tion dealing with conflicts of laws, it would be permissible and
consistent with the Convention for some contracting State to pass a
"public law" of the character indicated by Sweden which provided,
notwithstanding anything to the contrary contained in any such
convention, that certain provisions of the "public law" should take
effect. Even suggested safeguards to keep the invocation of the
reservation of "public policy" within reasonable or governable
limits could hardly find a place where what is done under a reserva-
tion, exception or exclusion of "public law" may be done "regard-

less of any foreign law whatsoever".

1cannot regard a proposition that could lead to such results as
sound (cf. Advisory Opinion concerning the Polish postal service in
Danzig, P.C.I.J., Series B, No. II, pp. 37 and 39).
Moreover, Sweden appears to have disregarded or paid insuffi-
cient attention to the fact that measures which might be made the
subject of "public" laws in some countries are in others governed
by the Civil Code.
I think the issue in this case would have been clearer had less
attention been directed to "ordrepablic" (public policy) and "public
law", and more to consideration of the subject-matter, purpose and
scope and operation of the Convention having regard to the terms
in which it was drafted and agreed to.
It is understandable however that the latter received less specific
attention than the former since the submissions in favour of a
reservation or exclusion of "public poIicyJ'or "public law" depend

on considerations which lie largely outside the terms of the Conven-
tion. Assuming such a reservation or exclusion exists-which it
was the aim of the Swedish case to establish-the terms of the
Convention in this particular case were, for the purposes of the
argument, of secondary importance. On the submissions of Swe-
den, al1 that is necessary to be established is that the law under
which the disputed action is taken is one of "public policy" or
of "public law" ; that, in the absence of any allegation of denial of
justice, concludes the matter, whatever may be the terms of the
Convention.
Public policy isprincipally and primarily a concept of municipal
law. When, however, an international obligation is involved upon
which this Court is called upon to pronounce, as in the present case,
we are in a different field altogether. Treaty and convention obliga-
tions, whatever they are, must be faithfully observed. The provi-
sions of municipal law cannot prevail over those of a treaty or

77 En vérité, s'ilfaut considérer que le ((droit public ))est une
notion distincte de 1'«ordre public ))et n'en fait nullement partie,
il me paraît évident que la thèse de la Suède est sans fondement
(voirl'affaire du Traitement des nationaux polonais dans le territoire

de Dantzig, C. P. J. I., SérieA/B, no 44, p. 24). En effet, en dehors
de tout ce qui pourrait figurer dans cette Convention (ou dans une
autre convention) relative aux conflits de lois, il serait permis et
conforme à la Convention qu'un État contractant édicte une (loi
de droit public ))ayant la nature indiquée par la Suède et que cette
loi stipule que certaines de ses dispositions devront entrer en

vigueur, nonobstant toute disposition contraire figurant dans une
telle convention. Lorsqu'une mesure prise en vertu d'une réserve,
d'une exception ou d'une exclusion du ((droit public ))peut l'être
(nonobstant toute loi étrangère », il n'y a guère de place même
pour les garanties qui ont été envisagées afin de maintenir dans
des limites raisonnables et contrôlables les recours à la réserve

d'«ordre public ».
Je ne puis considérer comme fondée une thèse aboutissant à de
tels résultats. (Voir l'avis consultatif sur le Service postal polonais
à Dantzig, C. P. J. I., SérieB, no II, pp. 37-39.)
Il semble en outre que la Suède n'a pas tenu compte, ou n'a pas
assez tenu compte du fait que les mesures qui pourraient, dans

certains pays, devenir l'objet de lois de ((droit public », sont
régiesdans d'autres pays par le Code civil.
J'estime que le problème aurait été posé plus clairement dans
cette affaire si l'on s'était moins attaché à 1'~ordre public )) et
au ((droit public ))et davantage à l'examen de la matière, du but,
de la portée et du fonctionnement de la Convention, en tenant

compte des termes dans lesquels elle a étérédigéeet acceptée.
Il est cependant compréhensible que ce dernier point de vue ait
moins attiré l'attention que l'autre, puisque les conclusions relatives
à une réserve ou à l'exclusion de 1'((ordre public ))ou du (droit
public ))reposent sur des considérations en grande partie étrangères
aux termes de la Convention. En supposant qu'il existe pareille

réserveou exclusion - ceque la thèsesuédoisesepropose d'établir -,
les termes de la Convention n'avaient, dans ce débat,qu'une impor-
tance secondaire. Selon les conclusions de la Suède, il suffit de
démontrer que la loi en vertu de laquelle a étéprise la mesure
litigieuse est une loi d'ccordre public )ou de (droit public »; c'est
cela, en l'absence de tout grief de déni de justice, qui résout la

question, quels que soient les termes de la Convention.

L'ordre public est principalement et au premier chef un concept
de droit interne. Cependant, lorsqu'il s'agit d'une obligation inter-
nationale dont la Cour est appelée à connaître, comme c'est le cas
dans la présente espèce,l'on se trouve dans un domaineentièrement

différent.Les obligations résultant de traités et de conventions,quel-
les qu'elles soient,doivent êtrefidèlementrespectées.Lesdispositionsconvention (Greco-Bulgarian Communities, P.C.I. J., Series B,
No. 17,p. 32).

It should be repeated that what the Court is here being asked to
do is to read into, or in legal terms to imply, a reservation-in
what precise terms has never been made clear-excepting from the
operation of the Convention all laws of contracting States which
fall within "public policy" or within "public laws". The strongest
of cases would have to be made out to justify the Court in doing so,
for to do so permits States to determine for themselves the extent
of their obligations under the Convention. It would permit this to
be done even in derogation of what othenvise are obligations the
Convention imposes. This could reduce the Convention to a shell.
It is difficult to imagine what value the Convention in those cir-
cumstances would have, or why, having regard to the problem with
which it sought to deal, it was ever entered into.

Before the Court would be justified in implying a clause of reser-
vation, it would need to be quite satisfied that this was essential to
be done in order to preserve the intention of the Parties. For other-
wise there would be imposed a new and different agreement upon
the contracting States.

No evidence was forthcoming that this was the intention. Re-
liance, however, was placed upon a so-called principle that such a
reservation or exclusion must be read into conventions dealing with
private law. Put in another way, "public policy" operates retro-
actively, and even definitively acquired rights cannot be invoked
against such a Convention.
Itwas open to the Parties expressly to stipulate such a reserva-
tion. Indeed in Sweden's case it was urged that a reservation of
public policy is expressly stipulated in almost all treaties and those
that do not do so are the exceptions. The Parties to the present
Convention did not so stipulate. It is not 1 think for the Court to
speculate as to why they did not. The minds of the drafters were
clearly directed during the preparatory work to the question
whether some clause to that effect should or should not be included.
They deliberately refrained from including one. It would in my
opinion be going against all rules of construction as 1 understand
them to imply such a reservation now.

It is, 1 think, proper at this point to offer some generalobserva-
tions onthe exercise ofhaving recourse to preparatory work in seeking
the proper interpretation to be accorded to treaties and conventions.

Recourse to preparatory work of treaties or conventions may, in
certain cases, be necessary. But whenever it is permissible it should,
1 think, be done with caution and restraint. For there is always
the danger that, instead of interpreting the relevant treaty or
78du droit interne ne peuvent l'emporter sur celles d'un traité ou
d'une convention (Question des cccommunautés » gréco-bulgares,
C. P. J. I.,Série B, no 17, p. 32).
Il convient de redire que ce que l'on demande ici à la Cour
c'est de sous-entendre ou, en termes juridiques, d'impliquer une
réserve - dont les termes précisn'ont jamais étéénoncés claire-
ment,- qui écarte du domaine de la Convention toutes les lois

des Etats contractants se rapportant à l'ccordre public 1ou aux
lois de droit public1)Il serait nécessairedefournir l'argumentation
la plus convaincante pour justifier de la part de la Cour une telle
attitude, car elle permettrait aux Etats de décider eux-mêmesde
la portée desobligations qui leur incombent en vertu de la Conven-
tion. Cela leur serait permis même en dérogation des obligations
qu'elle impose par ailleurs. La Convention ne serait plus qu'un
cadre vide. On imagine difficilement quelle valeur la Convention
pourrait avoir dans ces conditions ou, étant donné le problème
qu'elle cherchait à résoudre, pourquoi elle aurait jamais étéconclue.
Avant que la Cour soit fondée à sous-entendre une réserve, il
faudrait que la preuve lui soit apportée qu'une telle attitude était
essentielle pour respecter l'intention des parties, car dans le cas

contraire, un accord nouveau et différent serait imposé aux Etats
contractants.
Il n'y a aucune preuve que telle ait été l'intention. On s'est
appuyé, cependant, sur un prétendu principe selon lequel une telle
réserve ou exclusion doit êtresous-entendue dans les conventions
relatives au droit privé. En d'autres termes, l'«ordre public »
s'applique rétroactivement, et l'on ne peut mêmepas invoquer à
l'encontre d'une telle convention des droits définitivement acquis.
Les Parties avaient la faculté de stipuler expressément une telle
réserve. En vérité, ona fait valoir pour la Suède qu'une réserve
d'ordre public est stipulée expressément dans presque tous les
traités et que ceux où elle ne figure pas sont des exceptions. Or, les
Parties à la présente Convention n'en ont pas disposé ainsi. Il

n'appartient pas, à mon avis, à la Cour de faire des conjectures sur
la raison de leur silence. Au cours des travaux préparatoires, les
rédacteurs de la convention se sont manifestement préoccupésde
la question de savoir s'il convenait ou non d'inclure une clause de
ce genre. C'est de propos délibéré qu'ilsse sont abstenus de le faire.
Ce serait, à mon avis, aller à l'encontre de toutes les règles de
l'interprétation, telles que je les comprends, que de sous-entendre à
présent une telle réserve.
J'estime qu'il convient de faire ici quelques observations d'ordre
généralsur le recours aux travaux préparatoires lorsque l'on re-
cherche l'interprétation valable de traités et de conventions. Dans
certains cas, il se peut que le recours aux travaux préparatoires de
traités ou de conventions soit nécessaire. Mais, toutes les fois que

cela est permis, il convient, à mon avis, de le faire avec prudence
et modération, car il est toujours à craindre qu'au lieu d'interpréter.convention, one will find oneself tending to interpret the prepara-
tory work and then transferring that interpretation across to the
treaty or convention which is the sole subject of interpretation.

The case before us presents, in my view, an example of this

possibility. Some find nothing in the preparatory work of any real
value, one way or the other. Others claim that it clearly supports
the view that "public policy" is excepted from the Convention.
Others are equally satisfied that the preparatory work just as
clearly supports the opposite view. For my part, 1would think this
somewhat unsafe ground upon which to base any reasoning.

Those who contend that such a reservation should be implied are
obliged, 1 think, to concede that-subject to any review by this
Court-it is at the discretion of States, applying within their
territorial limits their own ideas of public policy, to determine to
what extent it will permit the Convention to operate. Itis suggested
that a State invoking the reservation is under some kind of duty
to show that its public policy has been applied reasonably-what-
ever this in the present context means-and in good faith. The
State should be ready to submit its actions to examination. In
cases of dispute it is further urged that the acts of the States are
subject to review by this Court provided it has jurisdiction. But
what if the Court in any given case has not jurisdiction? Moreover,
if we are to determine, as we must, the meaning of the Convention
at the time it was entered into-~goz-any consideration that in

event of dispute this Court would be available as a reviewing
tribunal, to mitigate the consequences of, or control the unreason-
able use by a contracting State of, the reservation, is irrelevant.
And what is to be the test or standard of reasonableness that is to
be applied? (Cf.Serbian Loans, P.C.I. J.,Series A, Nos. zol21, p.46.)

Were such a reservation implied it would be a reservation of an
indefinable character and there would be little left in any legal sense
of any obligations under the Convention. For their content would
be variable, quite indefinite, quite unpredictable, depending on the
will of different parties1find it difficult to understand legal obliga-
tions so undefined and indefinite.
In my opinion, the submissions of Sweden on these issues are

without substance.
The views which 1 have earlier expressed on the proper inter-
pretation of the Convention reject any reservation, exception or
exclusion of "public policy" or "public law".
In this case-and the decision must, of course, be limited-to this
case inits surrounding facts and circumstances-the result at which
79le traité ou la convention en question, l'on s'aperçoive que l'on a
tendance à interpréter les travaux préparatoires et à reporter cette
interprétation sur le traité ou la convention qui doit êtrel'unique
objet de cette interprétation.
Ily a, à mon sens, dans l'affaire qui nous est soumise, un exemple
de cette possibilité. Certains ne trouvent aucun élément réellement
utile, dans un sens ou dans l'autre, dans les travaux préparatoires.

D'autres prétendent que ces travaux viennent très nettement ren-
forcer l'opinion que l'«ordre public » échappe à la Convention.
D'autres sont tout aussi convaincus que les travaux préparatoires
confirment tout aussi nettement le point de vue opposé. Pour ma
part, il me semble qu'il y a là un terrain quelque peu instable pour
servir de base à un raisonnement.
Ceux quisoutiennent qu'il faut sous-entendreunetelleréserve sont,
il me semble, contraints d'admettre que - sous réserved'un examen
par cette Cour -les Etats ont pouvoirdiscrétionnaire, en appliquant
dans les limites de leur territoire leur propre conception de l'ordre
public, de déterminer dans quelle mesure la réserve permettra
d'appliquer la Convention. On a laisséentendre que,lorsqu'un Etat
invoque la réserve, son devoir est, dans une certaine mesure, de

démontrer qu'il a fait une application raisonnable et debonne foi de
son ordre public - quel qu'en puisse êtrele sens dans le présent
contexte. L'Etat doit êtreprêà tsoumettre son action àl'examen. En
cas de différend,on fait valoir, en outre, que lesactions des Etats sont
soumises à la censurede la Cour, àconditionqu'ellesoitcompétente.
Mais que se produit-il lorsque, dans une espècedonnée,la Courn'est
pas compétente ?Au surplus, s'il nous appartient dedéfinir - et c'est
la tâche qui nous incombe - le sens de la Convention au moment
où elle a étéconclue en 1902, il n'y a pas lieu de tenir compte d'un
argument qui prétendrait qu'en cas de différend on pourrait s'adres-
ser à la Cour en qualité de juridiction de revision, pour qu'elle
exerce un contrôle sur l'usage déraisonnable fait par un État contrac-

tant de la réserve, ou pour qu'elle en atténue les conséquences. Et
quel critère convient-il d'appliquer pour en déterminer le caractère
raisonnable ?(VoirEmfirunts serbes,C. P.J.I., SérieA,n0~20/21,p. 46.)
Si une telle réserve était sous-entendue, elle aurait un caractère
indéfini et il ne resterait plus grand-chose d'obligations juridiques
prévues par la Convention. En effet, leur teneur serait variable,
indéfinie, imprévisible, et dépendrait du bon vouloir des diverses
parties. Il me parait difficile de comprendre des obligations juri-
diques aussi mal définieset imprécises.
A mon avis, les conclusions dela Suèdesur ces points sont dénuées
de fondement.
L'opinion que j'ai exprimée à propos de l'interprétation exacte

de la Convention exclut toute réserve,exception ou exclusion fondée
sur 1'~ordre public » ou le ((droit public ».
Dans la présente espèce - et la décision doit évidemment se
limiter à l'espèce,aux circonstances et aux faits qui en sont le cadre
791 arrive is the same as that reached by those who support such a
reservation, exception or exclusion.
But the grounds on which we reach Our conclusion are, in my
judgment, not immaterial. They represent not mere methods of
approach ;they are fundamentally different .
A reservation or exception of "public policy" would, in my
judgment, set the Convention at large. What is given by one hand
may be taken away by the other. Obligations clearly enough
intended thereunder to be imposed upon al1 contracting States
would have no constant-if, indeed, any predictable-meaning.
Such obligations could never be defined or ascertainable in terms
reciprocally understood and binding on the parties.

The judgment of the Court, however, in which 1 have concurred,
in my view leaves the Convention unimpaired and intact. Itpre-
serveswithin the domain of the administration of guardianship, to
which its scope and operation is limited, the full force and integrity
of its provisions and of the obligations thereunder undertaken by

the Contracting Parties.

(Signed P)rcy SPENDER.-, j'arrive au mêmerésultatque ceux qui sont partisans d'une telle
réserve, exception ou exclusion.
Mais, à mon avis, les motifs qui nous amènent à cette conclusion
ne sont pas dénuésd'importance. Ils ne représentent pas simplement
une manière d'aborder le problème, ils diffèrent sur le fond.
A mon avis, une réserve ou une exception dJ«ordre public »

sèmerait la confusion dans le texte de la Convention. Ce qui est
donné d'une main serait repris de l'autre. Des obligations destinées
clairement à s'imposer, en vertu de la Convention, àtous les Etats
contractants n'auraient aucun sens durable - si en véritéelles
conservaient un sensprévisible. Cesobligationsne pourraient jamais
êtredéfiniesni même définissables en destermes compris par les
deux Parties et s'imposant à elles.
Néanmoins, à mon avis, l'arrêt de la Cour auquel j'ai donné
mon accord ne porte pas atteinte à la Convention et lui conserve
sa valeur intégrale.
La Convention garde, sur la plan de l'administration de la tutelle
auquel se limitent sa portée et son domaine, toute la force et toute

la valeur de ses dispositions et des obligations assumées à ce titre
par les Parties contractantes.

(Signé) Percy SPENDER.

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Opinion individuelle de Sir Percy Spender (translation)

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