Opinion dissidente de M. Hsu Mo (traduction)

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015-19520701-JUD-01-07-EN
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015-19520701-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. HSU MO
[Traduction]
La question principale à trancher, dans la présente affaire, n'est
pas simplement celle de savoir si la déclaration de 1926 est ou non
partie du traité de 1926. Ce qu'il faut établir, c'est si la déclara-

tion constitue une ou des dispositions au sens de l'article 29 du
traité, de telle sorte que cet article doive s'appliquerces disposi-
tions, tout comme il doit s'appliquer à toutes les dispositions conte-
nues dans le texte du traité lui-même.
Les faits dont la Cour est appelée à s'occuper au stade actuel
sont les suivants : le Gouvemement hellénique a pris àson compte la
réclamation de M. Ambatielos contre le Gouvernement du Royaume-
Uni ;le Gouvernement hellénique, invoquant la déclaration de 1926,
soutient que la réclamation devrait être déférée à l'arbitrage,
conformément aux dispositions du protocole du IO novembre 1886 ;
le Gouvernement du Royaume-Uni a refuséde soumettre la récla-
mation à l'arbitrage. Il existe donc un différend entre les deux
gouvernements au sujet de l'interprétation et de l'application de la
déclaration. La Cour est appelée à décider si,en vertu de l'article 37
du Statut, elle est ou non compétente pour examiner et réglerce

différend.
Pour résoudre cette question, il est nécessaire de rechercher si
la déclaration doit êtreconsidéréecomme comprise dans l'expres-
sion ((l'une quelconque des dispositions du présent traité »,qui
figure à l'article 29, paragraphe 1, du traité de 1926. Le fait que
la déclaration apparaît à la fin du traité, a étésignéele mêmejour
que le traité, et peut êtreconsidéréecomme ayant été ratifiéeavec
letesie du traité, par le Gouvernement du Royaume-Uni aussi bien
que par le Gouvernement hellénique,tend simplement à démontrer
que les Parties attachaient en droit !a mêmeimportance aux deux
documents et ont attribué autant de solennité à l'un qu'à l'autre ;
mais ce fait ne prouve pas nécessairement que la déclaration soit
partie intégrante du traité et bien moins encore que l'article 29
du traité s'applique à la déclaration de la mêmemanière qu'il

s'applique aux dispositions du traité. Cette question litigieuse ne
peut êtrerésoluequ'en examinant la substance de la déclaration et
le rapport qui l'unit au traité lui-même.
Avant la conclusion du traité de 1926, le Gouvemement hellé-
nique et le Gouvernement du Royaume-Uni avaient conclu un modus
vivendi, selon lequel le régime résultant du traité de 1886 et du
protocole joint en annexe à ce traité, viendrait à expiration lors
de l'entrée en vigueur du traité que l'on négociait à ce moment.
La déclaration de 1926 n'a d'autre effet que de garder en vie les
dispositions du traité de 1886 aux fins de traiter les réclamations
fondéessur elles, ainsi que la procédure arbitrale destinée à régler

64 OPINION DISSIDENTE DE M. HSU MO 86

tous différends éventuels portant sur la validité de ces réclamations.
La déclaration n'a empêchéen aucune maniSre le traité de 1926
d'entrer pleinement en vigueur dès l'échange des ratifications.
Elle ne modifie pas la situation qui résulte de la mise en vigueur
de ce traité. Elle n'ajoute rien aux dispositions de ce traité et n'en
retranche rien. Elle ne peut êtreconsidérée commeconstituant une
réserve à l'article32 ou à un autre article quelconque du traité,
lequel, en tant qu'il s'agit de ses propres termes, peut êtrecorrecte-
ment interprété et appliqué sans aucune référence à la déclara-

tion. Pour que soient traitées les réclamations envisagées dans la
déclaration, ce n'est pas sur l'une des dispositions du traité de 1926
que se fonderont l'une ou l'autre Partie ; c'est la déclaration, ce sont
les dispositions pertinentes du traité de 1886 qui entreront en jeu.
Toute relation qui unit la déclaration au traité est de caractère
purement négatif. Ce que dit, en fait, la déclaration c'est (nonob-
stant la conclusion du nouveau traité, on peut encore, à certaines
fins, se fonder sur les dispositions de l'ancien traité )).Sans la

déclaration, aucune réclamation fondée sur les dispositions du
traité de 1886 ne pourrait êtreretenue ;non parce que ces réclama-
tions auraient été effacéespar le traité de 1926, mais parce que le
traité de 1886 et le protocole auraient, conformément au modus
vivendi c,mplètement perdu leur force opérante. La déclaration
n'est donc pas une clause interprétative du traité de 1926 ; elle
constitue plutôt un accord distinct, en vertu duquel le traité de
1886, à certaines fins, a vu prolonger son existence pour un certain
temps. En bref, la déclaration a son propre domaine d'application ;
elle se trouve au mêmeplan que le traité de 1926 ; elle ne peut

êtreabsorbée par l'article 29 de ce traité, lorsqu'il s'agit de 1'~inter-
prétation ou l'application de l'une quelconque des dispositions du
1ré senttraité N.
L'examen desméthodesdistinctes d'arbitrage, prévues respective-
ment dans la déclaration et dans l'article 29 du traité, confirme le
caractère d'indépendance de la déclaration. Il s'agit dans un cas
d'arbitrage par des commissions constituées ad hoc ; dans l'autre cas,
en principe, d'arbitrage par une Cour internationale établie de
façon permanente. Des termes mêmesde la déclaration et de l'arti-

cle 29, on peut à bon droit déduirequel'intention des Parties étaitde
faire coexister deux méthodesdistinctes d'arbitrage, de telle nianière
que l'une puisse être mise en mouvement sans recourir à l'autre.
Les Parties désiraient voir tous les différends relatifs aux réclama-
tions fondées sur l'ancien traité régléspar la procédure d'arbitrage
primitive. Ellesdésiraient voir tous les différendsrelatifs aux disposi-
tionsdu nouveau traité régléspar la nouvelle procédure d'arbitrage.
Elles envisageaient deux catégories distinctes de différends et deux
méthodes distinctes d'arbitrage. Entre la nouvelle et l'ancienne

méthode d'arbitrage, il n'y a pas de lien.
Il serait difficile de croire que les Parties aient divisé en deux
phases successives le règlement de différends portant sur des récla-
65 OPINION DISSIDENTE DE M. HSU MO 87

mations fondées sur le traité de 1886. Dans la première phase,
tout diffSrend relatiA l'obligation de soumettre à une commission
d'arbitrage une réclamation fondéesur les dispositions du traité de
1886 devrait, à moins qu'il n'en soit autrement convenu, être
soumis Ala Cour permanente de Justice internationale aux fins de
règlement. Ainsi, la question relative à l'existence ou à la non-
existence d'une réclamation, au fait que celle-ci aurait été ou non
présentée au nom de personnes privées, ou au fait qu'elle serait
ou non fondée sur une disposition du traité de 1886 - question
qui, dans chaque cas, a trait à l'interprétation ou à l'application de
la déclaration- appartiendrait logiquement à la première phase et
ressortirait donc à la compétencede la Cour permanente de Justice
internationale. Une fois que le différend relatif au caract«rarbi-
trable »de la réclamation réglé enfaveur du gouvernement qui a
présentécelle-ci, la seconde phase du règlement s'ouvrirait : elle
consisteraitA renvoyer le différend portant sur la validité de la
réclamation elle-mêmedevant un organe différent, une commis-
sion d'arbitrage à constituer conformément au protocole de 1886.
Aucune preuve ne démontreque les Parties contractantes désiraient
faire régler par deux méthodes différentes et en passant par ces
deux stades différents ce qui constitue en réalitéun seul et même
litige. Ce dualisme dans la procédure est si rare dans la pratique
internationale qu'on ne saurait le déduire d'une interprétation
raisonnable de l'article29 du traité de 1926, considéréconjointe-
ment avec la déclaration.
La procédure d'arbitrage, qui est prescrite dans le protocole
joint en annexe au traité de 1886, est, après tout, une méthode

communément suivie pour régler les différends internationaux.
C'est apparemment en se fondant sur leur bonne foi réciproque que
le Gouvernement hellénique et le Gouvernement du Royaume-Uni
ont gardé ce système en vie dans la déclaration de 1926, de même
que bien d'autres États, ayant la même confiance lesuns dans les
autres, ont auparavant et depuis lors accepté la mêmeméthode
d'arbitrage ou une méthode analogue, dans tant de traités et de
conventions. Si, en 1926, les deux Parties contractantes avaient
conservé quelque doute quant à l'efficacitéde l'arbitrage exercé
par des commissions constituées ad hoc et avaient désiréassurer
que les différendsportant sur des réclamations fondéessur le traité
de 1886 seraient soumis à un arbitrage obligatoire, exercé par une
Cour internationale établie de façon permanente, elles auraient
pu stipuler, dans le traité ou dans la déclaration, de la façon la
plus simple et la plus aisée,que la méthode d'arbitrage prévue à
l'article29 s'appliquerait également à ces différends. Ne l'avoir
pas fait démontre clairement qu'il ne leur était jamais venu à
l'esprit que la clause arbitrale contenue dans la déclaration pî~t
elle-même être soumise à une méthode d'arbitrage différente.
Même à supposer que la déclaration fasse partie du traité de
1926, la clause arbitrale, dans ladéclaration, doit êtreconsidérée
66 OPINION DISSIDENTE DE 11.HSU MO 88

comme une disposition particulière,étant donné qu'elle traite
d'une catégorie particulière de différends, tandis que la claiise
arbitrale,à l'article 29, doit êtreconsidérée commeune disposition
générale, puisqu'elle vise les différends relatifsoutes les disposi-
tions du traité. C'est un principe reconnu d'interprétation qu'une
disposition particulière prévaut sur une disposition générale.
Partant, mêmesi la déclaration avait effectivement étéinséréedans
le traité comme un article additionnel, elle devrait, néanmoins, en
l'absence de toute indication d'intention contraire, constituerune
exception à l'applicabilité de l'article 29.
Il est donc clair que cette Cour, substituéà la Cour permanente
de Justice internationale, ne peut, dans un différend relatif à
l'interprétation ou à l'application de la déclaration de 1926,exercer
la compétence que lui confère l'article 29 du traité de 1926.

(SignéH )su hlo.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE HSU MO

The principal issue in the present case is not simply whether or
not the Declaration of 1926 is a part of the Treaty of1926. It is
the question whether the Declaration constitutes a provision or
provisions within the meaning of Article 29 of the Treaty sothat
that Article must apply to these provisions just as it must apply to
al1the provisions contained in the text of the Treaty itself.
The facts with which the Court is concerned at this stage are
that the Hellenic Government has taken up the claim of Ambatielos
against the United Kingdom Government ; that the Hellenic
Government, invoking the Declaration of 1926, contends that the
claim should be refcrred to arbitration in accordance with the

provisions of the Protocol of November ~gth, 1886 ;and that the
United Kingdom Government has declined to go to arbitration on
the claim. Tliere is thus a dispute between the two Govemments
relative to the interpretation and application of the Declaration.
The Court is called upon to determine whether or not, acting by
virtue of Article37 of the Statute, it has jurisdiction to examine
and settle this dispute.

In order to determine this questiori, it is necessary to examine
whether the Declaration should be regarded as being included in the
expression "any of the provisions of the present Treaty" contained
in Article 29,paragraph 1, of the Treaty of 1926. The fact that
the Declaration appears at the end of the Treaty, was signed on the
same day as the Treaty, and may be considered to have been
ratified, together with the text of the Treaty, by the United King-
dom Government as well as the Hellenic Government, merely
tends to show that the Parties attached equal importance in law
and gave the same degree of solemnity to the two documents, but
does not necessarily prove that the Declaration is an integral part
of the Treaty, much less that Articl29 of the Treaty applies to the
Declaration in the same way that it applies tothe provisions of the

Treaty. The question at issue must be resolved by corisidenng the
substance of the Declaration and its relation to the Treaty itself.

Prior to the conclusion of the Treaty of 1926, the Hellenic and
the United Kingdom Governments had reached a modus vivendi,
according to which the régime under the Treaty of 1886 andthe
Protocol annexed thereto would terminate upon the coming into
force of the Treaty then under negotiation. The Declaration of
1926 produces no more effect than keeping alive the provisions
of the Treaty of 1886 for the purpose of dealing with claimsbased
thereon, as well as the arbitral procedure of settling any possible

64 OPINION DISSIDENTE DE M. HSU MO
[Traduction]
La question principale à trancher, dans la présente affaire, n'est
pas simplement celle de savoir si la déclaration de 1926 est ou non
partie du traité de 1926. Ce qu'il faut établir, c'est si la déclara-

tion constitue une ou des dispositions au sens de l'article 29 du
traité, de telle sorte que cet article doive s'appliquerces disposi-
tions, tout comme il doit s'appliquer à toutes les dispositions conte-
nues dans le texte du traité lui-même.
Les faits dont la Cour est appelée à s'occuper au stade actuel
sont les suivants : le Gouvemement hellénique a pris àson compte la
réclamation de M. Ambatielos contre le Gouvernement du Royaume-
Uni ;le Gouvernement hellénique, invoquant la déclaration de 1926,
soutient que la réclamation devrait être déférée à l'arbitrage,
conformément aux dispositions du protocole du IO novembre 1886 ;
le Gouvernement du Royaume-Uni a refuséde soumettre la récla-
mation à l'arbitrage. Il existe donc un différend entre les deux
gouvernements au sujet de l'interprétation et de l'application de la
déclaration. La Cour est appelée à décider si,en vertu de l'article 37
du Statut, elle est ou non compétente pour examiner et réglerce

différend.
Pour résoudre cette question, il est nécessaire de rechercher si
la déclaration doit êtreconsidéréecomme comprise dans l'expres-
sion ((l'une quelconque des dispositions du présent traité »,qui
figure à l'article 29, paragraphe 1, du traité de 1926. Le fait que
la déclaration apparaît à la fin du traité, a étésignéele mêmejour
que le traité, et peut êtreconsidéréecomme ayant été ratifiéeavec
letesie du traité, par le Gouvernement du Royaume-Uni aussi bien
que par le Gouvernement hellénique,tend simplement à démontrer
que les Parties attachaient en droit !a mêmeimportance aux deux
documents et ont attribué autant de solennité à l'un qu'à l'autre ;
mais ce fait ne prouve pas nécessairement que la déclaration soit
partie intégrante du traité et bien moins encore que l'article 29
du traité s'applique à la déclaration de la mêmemanière qu'il

s'applique aux dispositions du traité. Cette question litigieuse ne
peut êtrerésoluequ'en examinant la substance de la déclaration et
le rapport qui l'unit au traité lui-même.
Avant la conclusion du traité de 1926, le Gouvemement hellé-
nique et le Gouvernement du Royaume-Uni avaient conclu un modus
vivendi, selon lequel le régime résultant du traité de 1886 et du
protocole joint en annexe à ce traité, viendrait à expiration lors
de l'entrée en vigueur du traité que l'on négociait à ce moment.
La déclaration de 1926 n'a d'autre effet que de garder en vie les
dispositions du traité de 1886 aux fins de traiter les réclamations
fondéessur elles, ainsi que la procédure arbitrale destinée à régler

6486 DISSENTING OPINION OF JIJDGE HSU MO

disputes concerning the validity of such claims. The Declaration
did not in any way prevent the Treaty of 1926 from coming into
full force upon the exchange of ratifications. It does not alter the
situation which results from the operation of that Treaty. It does
not add anything to nor detract from any of the provisions of the
Treaty. It cannot be considercd as forming any reservation to

Article 32 or any other article of the Treaty which, as far as its
own terms are concerned, can be properly interpreted and applied
without reference to the Declaration at all. When any claims envi-
saged in the Declaration have to be dealt with, it is not any of the
provisions of the Treaty of 1926 which will be relied upon bv one or
the other Party, but it is the Declaration and the relevant provi-
sions of thc 1886Treaty which will come into play. Any relationship
which the 1)eclaration bears to the Treaty is purely negative in
character. The Declaration says, in effect : "Notwithstanding the
conclusion of the new Treaty, the provisions of the 013Treaty may
still be relied upon for certaiii purposes." But for the Ileclaration,
no claims based on the provisions of the 1886 Treaty coiild 11e
entertained. This is not bccause thcy would have been wiped out
by the 1926Treaty,but because the 1886 Treaty with the Protocol,

according to the modus vivendi, would have completely lost its
force. The Ilcclaration is thus not an interpretative clause of the
Treaty of 1026 ;it rather coiistitutes a separate agreement whercby
the Treaty of 1886, for certain purposes. has bcrn given a new
lease of life. In short,the Declaration has its own field of opcrntion;
it stands on an cqual footing with the Treaty of 1926 ;it cannot be
absorbed by Article 29 of that Treaty for the "interpretatiori or
application of any of thc provisions of the prcsent Treaty".

The indepentient nature of the 1)eclaration iç confirmed by an
f~xamination of the distinctive methnds of arbitration provided for
respectively in the 1)cclaratioii and in Article 29 of the Treaty. In

one case, it is arbitration by ad hoc commissions ; in the other,
it is, inprinciplc, arbitration by a pernianentlv establishcd inter-
national Court. From the very terms ofthe Ikclaration and Arti-
cle 29, it rnay be justifiably inferred that the intention of the Pa.rties
uras to make the two distinctive methods of arbitration exist side
by side so that one might be brought into operation without resort
to the other. The Parties wanted to have al1 disputes relative to
the claims based on the old Treaty settled by the original proce-
dure of arbitration. They wanted to have al1 disputes relative to
any provisions of the new Treaty settled by the new procedure
of arbitration. They envisaged two distinctive sets of disputes
and two distinctive methods of arbitration. There is no connecting
link between the new and the old method of arbitration.
It isdifficiilt to believe that the Parties should have divided the

process of settling disputes concerning claims basetl on the Treaty
65 OPINION DISSIDENTE DE M. HSU MO 86

tous différends éventuels portant sur la validité de ces réclamations.
La déclaration n'a empêchéen aucune maniSre le traité de 1926
d'entrer pleinement en vigueur dès l'échange des ratifications.
Elle ne modifie pas la situation qui résulte de la mise en vigueur
de ce traité. Elle n'ajoute rien aux dispositions de ce traité et n'en
retranche rien. Elle ne peut êtreconsidérée commeconstituant une
réserve à l'article32 ou à un autre article quelconque du traité,
lequel, en tant qu'il s'agit de ses propres termes, peut êtrecorrecte-
ment interprété et appliqué sans aucune référence à la déclara-

tion. Pour que soient traitées les réclamations envisagées dans la
déclaration, ce n'est pas sur l'une des dispositions du traité de 1926
que se fonderont l'une ou l'autre Partie ; c'est la déclaration, ce sont
les dispositions pertinentes du traité de 1886 qui entreront en jeu.
Toute relation qui unit la déclaration au traité est de caractère
purement négatif. Ce que dit, en fait, la déclaration c'est (nonob-
stant la conclusion du nouveau traité, on peut encore, à certaines
fins, se fonder sur les dispositions de l'ancien traité )).Sans la

déclaration, aucune réclamation fondée sur les dispositions du
traité de 1886 ne pourrait êtreretenue ;non parce que ces réclama-
tions auraient été effacéespar le traité de 1926, mais parce que le
traité de 1886 et le protocole auraient, conformément au modus
vivendi c,mplètement perdu leur force opérante. La déclaration
n'est donc pas une clause interprétative du traité de 1926 ; elle
constitue plutôt un accord distinct, en vertu duquel le traité de
1886, à certaines fins, a vu prolonger son existence pour un certain
temps. En bref, la déclaration a son propre domaine d'application ;
elle se trouve au mêmeplan que le traité de 1926 ; elle ne peut

êtreabsorbée par l'article 29 de ce traité, lorsqu'il s'agit de 1'~inter-
prétation ou l'application de l'une quelconque des dispositions du
1ré senttraité N.
L'examen desméthodesdistinctes d'arbitrage, prévues respective-
ment dans la déclaration et dans l'article 29 du traité, confirme le
caractère d'indépendance de la déclaration. Il s'agit dans un cas
d'arbitrage par des commissions constituées ad hoc ; dans l'autre cas,
en principe, d'arbitrage par une Cour internationale établie de
façon permanente. Des termes mêmesde la déclaration et de l'arti-

cle 29, on peut à bon droit déduirequel'intention des Parties étaitde
faire coexister deux méthodesdistinctes d'arbitrage, de telle nianière
que l'une puisse être mise en mouvement sans recourir à l'autre.
Les Parties désiraient voir tous les différends relatifs aux réclama-
tions fondées sur l'ancien traité régléspar la procédure d'arbitrage
primitive. Ellesdésiraient voir tous les différendsrelatifs aux disposi-
tionsdu nouveau traité régléspar la nouvelle procédure d'arbitrage.
Elles envisageaient deux catégories distinctes de différends et deux
méthodes distinctes d'arbitrage. Entre la nouvelle et l'ancienne

méthode d'arbitrage, il n'y a pas de lien.
Il serait difficile de croire que les Parties aient divisé en deux
phases successives le règlement de différends portant sur des récla-
65 OPINION DISSIDENTE DE M. HSU MO 87

mations fondées sur le traité de 1886. Dans la première phase,
tout diffSrend relatiA l'obligation de soumettre à une commission
d'arbitrage une réclamation fondéesur les dispositions du traité de
1886 devrait, à moins qu'il n'en soit autrement convenu, être
soumis Ala Cour permanente de Justice internationale aux fins de
règlement. Ainsi, la question relative à l'existence ou à la non-
existence d'une réclamation, au fait que celle-ci aurait été ou non
présentée au nom de personnes privées, ou au fait qu'elle serait
ou non fondée sur une disposition du traité de 1886 - question
qui, dans chaque cas, a trait à l'interprétation ou à l'application de
la déclaration- appartiendrait logiquement à la première phase et
ressortirait donc à la compétencede la Cour permanente de Justice
internationale. Une fois que le différend relatif au caract«rarbi-
trable »de la réclamation réglé enfaveur du gouvernement qui a
présentécelle-ci, la seconde phase du règlement s'ouvrirait : elle
consisteraitA renvoyer le différend portant sur la validité de la
réclamation elle-mêmedevant un organe différent, une commis-
sion d'arbitrage à constituer conformément au protocole de 1886.
Aucune preuve ne démontreque les Parties contractantes désiraient
faire régler par deux méthodes différentes et en passant par ces
deux stades différents ce qui constitue en réalitéun seul et même
litige. Ce dualisme dans la procédure est si rare dans la pratique
internationale qu'on ne saurait le déduire d'une interprétation
raisonnable de l'article29 du traité de 1926, considéréconjointe-
ment avec la déclaration.
La procédure d'arbitrage, qui est prescrite dans le protocole
joint en annexe au traité de 1886, est, après tout, une méthode

communément suivie pour régler les différends internationaux.
C'est apparemment en se fondant sur leur bonne foi réciproque que
le Gouvernement hellénique et le Gouvernement du Royaume-Uni
ont gardé ce système en vie dans la déclaration de 1926, de même
que bien d'autres États, ayant la même confiance lesuns dans les
autres, ont auparavant et depuis lors accepté la mêmeméthode
d'arbitrage ou une méthode analogue, dans tant de traités et de
conventions. Si, en 1926, les deux Parties contractantes avaient
conservé quelque doute quant à l'efficacitéde l'arbitrage exercé
par des commissions constituées ad hoc et avaient désiréassurer
que les différendsportant sur des réclamations fondéessur le traité
de 1886 seraient soumis à un arbitrage obligatoire, exercé par une
Cour internationale établie de façon permanente, elles auraient
pu stipuler, dans le traité ou dans la déclaration, de la façon la
plus simple et la plus aisée,que la méthode d'arbitrage prévue à
l'article29 s'appliquerait également à ces différends. Ne l'avoir
pas fait démontre clairement qu'il ne leur était jamais venu à
l'esprit que la clause arbitrale contenue dans la déclaration pî~t
elle-même être soumise à une méthode d'arbitrage différente.
Même à supposer que la déclaration fasse partie du traité de
1926, la clause arbitrale, dans ladéclaration, doit êtreconsidérée
6658 DISSENTING OPINION OF JUDGE HSU MO

regarded as a specific provision, sincc it deais with a specific kind
of dispute, whereas the arbitration clause in Article 29 must be
regarded as a general provision, since it covers disputes relating
to al1 the provisions of the Treaty. It is a ~vell-recognized principle

of interpretation that a specific provision prevails over a general
provision. Therefore, even if the Ileclaration had actually been
written into the Treaty as an additional article, it must, never-
theless, in the absence of any indication of intention tothe contrary,
form an exception to the applicability of Article 29.

It isthus clear that this Court, as the substitiite for the Perma-
nent Court of International Justice, cannot exercise jurisdictiori
conferred upon it by Article 29 of the Treaty of 1926, in a dispute
relative to the interpretation or application of the Declaration of
1926.

(Signed) HSU MO. OPINION DISSIDENTE DE 11.HSU MO 88

comme une disposition particulière,étant donné qu'elle traite
d'une catégorie particulière de différends, tandis que la claiise
arbitrale,à l'article 29, doit êtreconsidérée commeune disposition
générale, puisqu'elle vise les différends relatifsoutes les disposi-
tions du traité. C'est un principe reconnu d'interprétation qu'une
disposition particulière prévaut sur une disposition générale.
Partant, mêmesi la déclaration avait effectivement étéinséréedans
le traité comme un article additionnel, elle devrait, néanmoins, en
l'absence de toute indication d'intention contraire, constituerune
exception à l'applicabilité de l'article 29.
Il est donc clair que cette Cour, substituéà la Cour permanente
de Justice internationale, ne peut, dans un différend relatif à
l'interprétation ou à l'application de la déclaration de 1926,exercer
la compétence que lui confère l'article 29 du traité de 1926.

(SignéH )su hlo.

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