Opinion dissidente de M. Ago

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080-19920626-JUD-01-04-EN
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080-19920626-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. AG0

1.Je regrette vivement de ne pas pouvoirjoindre ma voix àcellesdes
juges qui ont souscrit au présent arrêt. eegret estd'autant plusréelque
je nesuispasmoinssensiblequemescollèguesausentimentdefrustration
quecauseauxNauruans lavision desconditions dans lesquellessetrouve
actuellement le territoire de leur petite île. Je souhaite moi aussi que ce

peuple puisse retrouver dans son pays d'origine des conditions de vie
favorables àson développement.
Mais cesréactions émotionnellesabsolumentjustifiées ne doivent pas
nous faire perdre de vue que les questions qui se posentà nous dans ce
procès préliminairesont des questions de droit très ponctuelles, et que
c'estdans ledroit, etdans le droit seulement, qu'ellesdoiventtrouver leur
réponse.
2. La raison qui m'amèneàprendre la position que j'ai indiquéeet à
rédiger cette opinion se résume à la constatation d'une contradiction
insurmontable entre deuxfaits.D'une part, ilestun fait que leGouverne-
ment deNauru a engagécontrela seuleAustralie leprocès destiné àfaire
valoirsesprétentions à propos de la aremise en état»du territoire de son
pays. D'autre part, il est tout aussi incontestable que la Société des
Nations d'abord et l'organisation des Nations Unies ensuite avaient
confié conjointement la tâche de l'administration de Nauru à trois

entités souverainesdistinctesle Royaume-Uni,l'Australieet la Nouvelle-
Zélande.Cetteattribution étaitfaitesurune basedeparfaiteégalitéjuridi-
que entrelesditestroispuissances. En fait,bien sûr,lapart prise par l'une
d'entre elles,l'Australie notamment, dans l'exercicedes tâcheà remplir
dans l'administration du territoire placé sousla tutelle conjointede trois
Etats,pouvaitêtreplussubstantiellequecelledesdeuxautres.Mais cefait
nepouvaiten aucune manièreaffecterlasituationfondamentale d'égalité
dedroitsetd'obligationsdestroispartenaires, situationqui,enoutre,était
tout particulièrement garantie en ce qui concernait l'industrie extractive
du minerai de phosphate.
3. C'estau vudela contradiction ci-dessusconstatéeque,parmi toutes
les exceptions préliminaires soulevéespar l'Australie dans le présent
procès,j'aiestiméne pas pouvoir éviterde releverla portéedéterminante
de l'une d'elle:celleprécisémenq tui sebasait sur l'absencede la procé-
dure de deux des trois puissances auxquelles avait été conjointement
confiée la tutellede Nauru. Je précise:de cetteexception seulement,car

pour toutes lesautres,je suisparfaitement d'accord avecla majoritéde la
Cour pour lesrejeter.
4. Les motifs pour lesquels le nouvel Etat indépendant de Nauru a
choisi de n'intenter le procèsque contre la seule Australie m'échappent. L'arrêt auquel la présente opinionestjointe rappelle avec exactitude,à
sonparagraphe 33,quelejour même delaproclamation delaRépublique,
lechefprincipal etfutur présidentde Nauru, M.DeRoburt, avaitdéclaré
àla presse :

«Nous maintenons à l'encontrede la Grande-Bretagne,de 1'Aus-
tralie et de la Nouvelle-Zélandequ'ellesdoiventreconnaître la res-
ponsabilitéde la remise en étatd'un tiersde l'île.

Dans ce mêmecontexte,je voudrais aussi rappeler qu'en 1968le même
M. DeRoburt avaitpris l'initiativedeproposeruneréuniondesreprésen-
tants destroisgouvernementsquiavaientauparavant constitué ensemble
l'autorité administrante du territoire soustutelle, avec des représentants
du Gouvernement nauruan
«en vue de mettre au point la meilleure formule d'aménagement

d'unepisted'atterrissage àtitredeprojetderemiseenétatetdedéter-
miner dans quelle mesure lesgouvernementsparticipants seraient à
mêmed'offrir leursconcoursfinancieretleurassistancetechnique à
ceteffet»(mémoirede Nauru, vol.4,annexe76; lesitaliquessontde
moi).
5. Donc tout laissaitpenser que, si saisine de la Cour il devaityavoir,

celle-ciaurait lieul'encontredestroisEtats conjointement.A mon avis,
les conditions pour ce faire étaient réunies.La Nouvelle-Zélandeet le
Royaume-Uniavaient, comme l'Australie,accepté lajuridiction obliga-
toire de la Cour. Les termes de l'acceptation par la Nouvelle-Zélande
étaient,pour l'essentiel,lesmêmes que ceuxutiliséspar l'Australie.Quant
au Royaume-Uni, des divergencesapparaissaient certesdans sa déclara-
tion, comparée àcelle des deux autres pays. Mais, dans le cas où tant la
Nouvelle-Zélande que l'Australie auraient été parties au procès, il
n'aurait pas ététrop audacieux de prévoir que le Royaume-Unin'aurait
pas abandonnéenl'occurrencesesdeuxancienspartenaires dans I'admi-
nistration de Nauru et dans l'exploitationdesesressourcesminières.Très
vraisemblablement, il n'aurait donc pas soulevé,quant à lui seul, des

obstacles insurmontables. Ceci d'autant plus que la clause excluant de
l'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
Justice les différends avec des Etats membres du Commonwealth
- clauseinsérée àl'originedans ladéclarationenprévisiondelacréation
d'une cour spécialepour le Commonwealth - pouvait facilement être
considéréecomme dépassée, ladite prévision ne s'étantjamais réalisée.
Ajoutons que Nauru, tout en ayant été admisdans le Commonwealth,
l'avaitété selon des conditionsqui n'en faisaient pas un membre à part
entière.
6. Nauru aurait doncau moins eu toute raison d'essayer d'introduire
devantla Cour un procès contre lestrois Etats concernéspar la réclama-
tion qu'ilentendait soulever.

Mais quelles qu'aient pu êtreles raisons qui l'ont porté à agir autre-
ment, lefait estlà. Songouvernementa choisi de n'intenter que contrelaseule Australie le procès relatif à l'obligation, qu'il fait valoir, de la
«remise en état» de la partie de son territoire exploitée avant sonindé-
pendance par les trois Etats qui avaient constituél'«autorité adminis-
trante ». Ayant agi de la sorte, le Gouvernement nauruan doit faire face
aux conséquencesde ce choix. Il a ainsi placé laCour devant une diffi-
culté,à mon avis, insurmontable: définirles obligations éventuellesde
l'Australiedans ledomaine enquestionsansdéfinirenmême temps,auto-
matiquement, celles des deux autres pays qui ne sont pas parties au
procès.Car autrement elle dépasserait manifestementles limites de sa
juridiction.
L'arrêatuquel la présente opinionestjointe admet expressémentque :

«Dans laprésenteaffaire,toute décision dela Coursur l'existence
ou le contenu de la responsabilitéque Nauru impute à l'Australie
pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des
deux autres Etats concernés..»(Par. 55.)

Je me réjouisde cette reconnaissance. Mais une fois que l'on y souscrit,
l'on ne peut pas croire échapperàses conséquencespar la simple asser-
tion que
«la Cour n'aura pas à seprononcersur cettesituationjuridique pour
prendre sadécisionsurlesgriefsformuléspar Nauru contre 1'Austra-
lie»(ibid.,lesitaliquessont de moi).

En fait, c'est précisémenten se prononçant sur ces griefs adressésa la
seuleAustraliequelaCour affectera,inévitablementl,asituationjuridique
desdeux autres Etats, àsavoirleursdroits et leursobligations. Sila Cour,
lors de l'examendufond de l'affaire,devaitreconnaître cetteresponsabi-
litéetpar conséquentseconsacrer à déterminerlapart de cellequiincom-
berait à l'Australie, elleétablirait indirectement par là que la partie
restante de cetteresponsabilitéincomberait auxdeux autres Etats.Même
si la Cour décidait,surune base d'ailleurs fort discutable, de mettàela

chargedel'Australielatotalitédelaresponsabilitéenquestion,cettedéci-
sion serépercuterait tout aussiinévitablementetdefaçon tout aussiinad-
missiblesur lasituationjuridique de deux Etatsqui ne sontpas parties au
procès.Dansun cas commedans l'autre,l'exercicepar la Cour de sajuri-
diction setrouverait privéde son indispensablebase consensuelle.
Voilàles raisons qui m'ont amené à conclure que l'exception prélimi-
naire soulevéeàcesujetpar 1'Australieétait fondée ea turait dû êtrerete-
nuepar la Cour.

(Signé)Roberto AGO.

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OPINION DISSIDENTE DE M. AG0

1.Je regrette vivement de ne pas pouvoirjoindre ma voix àcellesdes
juges qui ont souscrit au présent arrêt. eegret estd'autant plusréelque
je nesuispasmoinssensiblequemescollèguesausentimentdefrustration
quecauseauxNauruans lavision desconditions dans lesquellessetrouve
actuellement le territoire de leur petite île. Je souhaite moi aussi que ce

peuple puisse retrouver dans son pays d'origine des conditions de vie
favorables àson développement.
Mais cesréactions émotionnellesabsolumentjustifiées ne doivent pas
nous faire perdre de vue que les questions qui se posentà nous dans ce
procès préliminairesont des questions de droit très ponctuelles, et que
c'estdans ledroit, etdans le droit seulement, qu'ellesdoiventtrouver leur
réponse.
2. La raison qui m'amèneàprendre la position que j'ai indiquéeet à
rédiger cette opinion se résume à la constatation d'une contradiction
insurmontable entre deuxfaits.D'une part, ilestun fait que leGouverne-
ment deNauru a engagécontrela seuleAustralie leprocès destiné àfaire
valoirsesprétentions à propos de la aremise en état»du territoire de son
pays. D'autre part, il est tout aussi incontestable que la Société des
Nations d'abord et l'organisation des Nations Unies ensuite avaient
confié conjointement la tâche de l'administration de Nauru à trois

entités souverainesdistinctesle Royaume-Uni,l'Australieet la Nouvelle-
Zélande.Cetteattribution étaitfaitesurune basedeparfaiteégalitéjuridi-
que entrelesditestroispuissances. En fait,bien sûr,lapart prise par l'une
d'entre elles,l'Australie notamment, dans l'exercicedes tâcheà remplir
dans l'administration du territoire placé sousla tutelle conjointede trois
Etats,pouvaitêtreplussubstantiellequecelledesdeuxautres.Mais cefait
nepouvaiten aucune manièreaffecterlasituationfondamentale d'égalité
dedroitsetd'obligationsdestroispartenaires, situationqui,enoutre,était
tout particulièrement garantie en ce qui concernait l'industrie extractive
du minerai de phosphate.
3. C'estau vudela contradiction ci-dessusconstatéeque,parmi toutes
les exceptions préliminaires soulevéespar l'Australie dans le présent
procès,j'aiestiméne pas pouvoir éviterde releverla portéedéterminante
de l'une d'elle:celleprécisémenq tui sebasait sur l'absencede la procé-
dure de deux des trois puissances auxquelles avait été conjointement
confiée la tutellede Nauru. Je précise:de cetteexception seulement,car

pour toutes lesautres,je suisparfaitement d'accord avecla majoritéde la
Cour pour lesrejeter.
4. Les motifs pour lesquels le nouvel Etat indépendant de Nauru a
choisi de n'intenter le procèsque contre la seule Australie m'échappent. DISSENTING OPINION OF JUDGE AG0

[Translation]

1. 1deeplyregretbeingunable to associatemyself withtheJudges who
havevotedinfavourofthe presentJudgment. 1regretital1the moresince1
am certainlyno lesssensitivethan mycolleaguesto the frustrationfelt by
the Nauruans whenthey gazeupon the presentstate oftheirsmallisland's
territory.1 also hope with al1my heart that it will be possible for this
peopleonce againto find initscountry oforiginconditions oflifefavour-
ableto its development.
Butthese perfectlyjustified emotionalreactionsshouldnot blind us to
the fact that the questions we have to consider in this preliminaryphase
areveryspecificquestions oflawandthat itisbyreferenceto the law,and
onlyto the law,that they have to be answered.

2. Myreason for taking the position 1have indicated and for writing
thisopinion isthat 1amcompelledtotakenote ofaninsurmountablecon-

tradiction between two facts.Thereis, onthe one hand, the fact that the
Government of Nauru has brought proceedings,againstAustraliaalone,
forthe purpose of enforcingits claimswithrespectto the "rehabilitation"
of its territory. But it is, on the other hand, equallyunquestionable that
firstthe LeagueofNations and then the UnitedNationsentrustedthetask
ofadministeringNauru jointly to threedistinct sovereignentities,namely
the United Kingdom, Australia and New Zealand. This authority was
conferred on a basis of complete legalequalitybetweenthe three Powers.
Tobesure,the participation ofone ofthem,Australia,inthe discharge of
the tasks involved in administering the territorynder the joint Trustee-
shipofthreeStatesmight,inpoint offact,be moresubstantial than that of
the two others. Butthis couldin no wayaffectthe fundamental situation
of equality of rights and obligations between the three partners, a situa-
tion which,inaddition, wasparticularlyguaranteed asregardsthe mining
of phosphate deposits.

3. It isby reason ofthe contradictionreferred to abovethat, in consid-
eringal1thepreliminaryobjections raisedbyAustralia inthe present case,
1have feltunable to avoidascribing decisiveimportance to one,namely
the objection based onthe factthat twoofthethree Powersto whichTrus-
teeship over Nauru had been jointly assignedwerenot parties to the pro-
ceedings. 1 wish to make it perfectly clear that 1 am referring to that
objectionalone, since,in the case of al1the others, 1fully concur with the
majority ofthe Court in consideringthat they shouldbe rejected.
4. 1 do not know for what reasons the newly independent State of
Nauru electedto sueAustraliaalone.TheJudgment to whichthe present L'arrêt auquel la présente opinionestjointe rappelle avec exactitude,à
sonparagraphe 33,quelejour même delaproclamation delaRépublique,
lechefprincipal etfutur présidentde Nauru, M.DeRoburt, avaitdéclaré
àla presse :

«Nous maintenons à l'encontrede la Grande-Bretagne,de 1'Aus-
tralie et de la Nouvelle-Zélandequ'ellesdoiventreconnaître la res-
ponsabilitéde la remise en étatd'un tiersde l'île.

Dans ce mêmecontexte,je voudrais aussi rappeler qu'en 1968le même
M. DeRoburt avaitpris l'initiativedeproposeruneréuniondesreprésen-
tants destroisgouvernementsquiavaientauparavant constitué ensemble
l'autorité administrante du territoire soustutelle, avec des représentants
du Gouvernement nauruan
«en vue de mettre au point la meilleure formule d'aménagement

d'unepisted'atterrissage àtitredeprojetderemiseenétatetdedéter-
miner dans quelle mesure lesgouvernementsparticipants seraient à
mêmed'offrir leursconcoursfinancieretleurassistancetechnique à
ceteffet»(mémoirede Nauru, vol.4,annexe76; lesitaliquessontde
moi).
5. Donc tout laissaitpenser que, si saisine de la Cour il devaityavoir,

celle-ciaurait lieul'encontredestroisEtats conjointement.A mon avis,
les conditions pour ce faire étaient réunies.La Nouvelle-Zélandeet le
Royaume-Uniavaient, comme l'Australie,accepté lajuridiction obliga-
toire de la Cour. Les termes de l'acceptation par la Nouvelle-Zélande
étaient,pour l'essentiel,lesmêmes que ceuxutiliséspar l'Australie.Quant
au Royaume-Uni, des divergencesapparaissaient certesdans sa déclara-
tion, comparée àcelle des deux autres pays. Mais, dans le cas où tant la
Nouvelle-Zélande que l'Australie auraient été parties au procès, il
n'aurait pas ététrop audacieux de prévoir que le Royaume-Unin'aurait
pas abandonnéenl'occurrencesesdeuxancienspartenaires dans I'admi-
nistration de Nauru et dans l'exploitationdesesressourcesminières.Très
vraisemblablement, il n'aurait donc pas soulevé,quant à lui seul, des

obstacles insurmontables. Ceci d'autant plus que la clause excluant de
l'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
Justice les différends avec des Etats membres du Commonwealth
- clauseinsérée àl'originedans ladéclarationenprévisiondelacréation
d'une cour spécialepour le Commonwealth - pouvait facilement être
considéréecomme dépassée, ladite prévision ne s'étantjamais réalisée.
Ajoutons que Nauru, tout en ayant été admisdans le Commonwealth,
l'avaitété selon des conditionsqui n'en faisaient pas un membre à part
entière.
6. Nauru aurait doncau moins eu toute raison d'essayer d'introduire
devantla Cour un procès contre lestrois Etats concernéspar la réclama-
tion qu'ilentendait soulever.

Mais quelles qu'aient pu êtreles raisons qui l'ont porté à agir autre-
ment, lefait estlà. Songouvernementa choisi de n'intenter que contrelaopinion isappended correctlypoints out,inparagraph 33,that onthevery
dayofthe proclamation ofthe Republic,theHead Chiefand future Presi-
dent of Nauru, Mr. DeRoburt, told the press that :

"We hold it against Britain,Australia and New Zealand to recog-
nize that it is their responsibility to rehabilitate one third of the
island."

In the same context it should also be noted that in 1968this same
Mr.DeRoburthad taken theinitiativeofproposing ameetingbetweenthe
representatives of the three Governments that formerly had together
made up the AdministeringAuthority ofthe trust territory and represen-
tativesofthe Nauruan Government
"to workout howbest [an]airstrip couldbe constructed asarehabili-

tationprojectandto determine the degree of financial and technical
assistancethe partner Governmentswould be ableto offer" (Memo-
rial of Nauru, Vol.4,Ann. 76;emphasisadded).

5. There wastherefore everyreason tothink that, if an application was
to be submitted to the Court, it wouldbe directedagainst the three States

jointly. In my opinion the prerequisites for this were duly fulfilled. New
Zealand and the United Kingdom had, likeAustralia,accepted the com-
pulsoryjurisdiction ofthe Court. ThetermsofNewZealand's acceptance
were,in essence,the sameasthose ofAustralia's.Asforthe United King-
dom,itsdeclaration did,itistrue, divergeincertainrespectsfrom those of
the two other States.But,had NewZealand aswellasAustraliabeenpar-
ties to the proceedings, it could fairly safely havebeen assumed that the
United Kingdomwouldnot haveleftitstwoformerpartnersin theadmin-
istration of Nauru and the exploitation of its minera1resources on their
own. It is therefore most likely that it would not, by itself, have raised
insurmountable obstacles. Particularly since the clause excluding from
the acceptance ofthe compulsoryjurisdiction ofthe International Court
ofJusticedisputes withStatesMembers ofthe Commonwealth - aclause
originallyinserted in the declaration in anticipation ofthe establishment
of a special court for the Commonwealth - could easily have been

regarded as obsolete, since that expectation has never been fulfilled.
Furthermore, although Nauru had been admitted to the Commonwealth,
the conditions ofits admissiondid not make it a full member.

6. Nauru would therefore, at least, have had every reason to seek to
bring an action before the Court against the three Statesaffected by the
claimit intended to put forward.
But,whatever may have been the reasons that led it to proceed other-
wise,the fact remains that it did so. Its Governmentelected to bring pro-seule Australie le procès relatif à l'obligation, qu'il fait valoir, de la
«remise en état» de la partie de son territoire exploitée avant sonindé-
pendance par les trois Etats qui avaient constituél'«autorité adminis-
trante ». Ayant agi de la sorte, le Gouvernement nauruan doit faire face
aux conséquencesde ce choix. Il a ainsi placé laCour devant une diffi-
culté,à mon avis, insurmontable: définirles obligations éventuellesde
l'Australiedans ledomaine enquestionsansdéfinirenmême temps,auto-
matiquement, celles des deux autres pays qui ne sont pas parties au
procès.Car autrement elle dépasserait manifestementles limites de sa
juridiction.
L'arrêatuquel la présente opinionestjointe admet expressémentque :

«Dans laprésenteaffaire,toute décision dela Coursur l'existence
ou le contenu de la responsabilitéque Nauru impute à l'Australie
pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des
deux autres Etats concernés..»(Par. 55.)

Je me réjouisde cette reconnaissance. Mais une fois que l'on y souscrit,
l'on ne peut pas croire échapperàses conséquencespar la simple asser-
tion que
«la Cour n'aura pas à seprononcersur cettesituationjuridique pour
prendre sadécisionsurlesgriefsformuléspar Nauru contre 1'Austra-
lie»(ibid.,lesitaliquessont de moi).

En fait, c'est précisémenten se prononçant sur ces griefs adressésa la
seuleAustraliequelaCour affectera,inévitablementl,asituationjuridique
desdeux autres Etats, àsavoirleursdroits et leursobligations. Sila Cour,
lors de l'examendufond de l'affaire,devaitreconnaître cetteresponsabi-
litéetpar conséquentseconsacrer à déterminerlapart de cellequiincom-
berait à l'Australie, elleétablirait indirectement par là que la partie
restante de cetteresponsabilitéincomberait auxdeux autres Etats.Même
si la Cour décidait,surune base d'ailleurs fort discutable, de mettàela

chargedel'Australielatotalitédelaresponsabilitéenquestion,cettedéci-
sion serépercuterait tout aussiinévitablementetdefaçon tout aussiinad-
missiblesur lasituationjuridique de deux Etatsqui ne sontpas parties au
procès.Dansun cas commedans l'autre,l'exercicepar la Cour de sajuri-
diction setrouverait privéde son indispensablebase consensuelle.
Voilàles raisons qui m'ont amené à conclure que l'exception prélimi-
naire soulevéeàcesujetpar 1'Australieétait fondée ea turait dû êtrerete-
nuepar la Cour.

(Signé)Roberto AGO.ceedings against Australia alone in respect of the obligationit claims to
existto "rehabilitate"the part of itsterritory worked out, priorto itsinde-
pendence, by the three States that had made up the "Administering
Authority". Having taken this course, the Nauruan Government must
facetheconsequences ofthat choice.It has thus placed theCourt before a
difficultythat is,inmyopinion,insurmountable, namelythat of determin-
ingthepossibleobligations ofAustraliainthe area in questionwithout at
the sametime ipsofacto determiningthose ofthe othertwo States that are
not partiesto the proceedings.For otherwise the Court would manifestly
overstepthe limitsof itsjurisdiction.
TheJudgment to whichthisopinion isappended expresslyadmitsthat :

"In thepresent case,afinding bythe Court regardingthe existence
or the content of the responsibilityattributed to Australia by Nauru
might wellhaveimplicationsfor the legal situation of the two other
Statesconcerned ..." (Para. 55.)

1welcomethis admission. But surely,havingmade it, one cannot con-
sider itsconsequencesavoided by the mere assertion that

"nofinding in respectof that legalsituationwill be needed as a basis
forthe Court's decision on Nauru's claimsagainst Australia" (ibid.;
emphasisadded).
In fact,it is preciselyby ruling on these claims againstAustralia alone
that the Court will, inevitably,affect the legal situation of the two other
States,namely,theirrights and theirobligations.If, when dealingwiththe
merits of the case, the Court were to recognize that responsibility and

accordinglyseekto determinethe share ofthe responsibilityfallingupon
Australia, it would thereby indirectlyestablish that the remainder of the
responsibilitywould fa11upon thetwootherStates.Evenifthe Court were
to decide - on what would, incidentally,be an extremely questionable
basis - that Australia was to shoulder in full the responsibility in ques-
tion, that decision would, equally inevitably and just as unacceptably,
affectnot onlythe "interests" but alsothe legalsituation oftwo Statesthat
arenotparties to theproceedings. In eithercase,the exercisebythe Court
ofitsjurisdiction wouldbedeprived ofitsindispensableconsensual basis.
Thesearethe reasons that have ledmeto concludethat thepreliminary
objectionraised inthisrespect by Australia waswellfounded and should
have been upheld by the Court.

(Signed) Roberto AGO.

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