Opinion individuelle de M. Jessup (traduction)

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046-19621221-JUD-01-03-EN
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046-19621221-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. JESSUP
[Traduction ]

Je m'associe à la décision par laquelle la Cour.se déclare com-
pétente pour connaître des présentes affaires au fond et décideque
les quatre exceptions préliminaires ne sont pas fondéeset doivent
êtrerejetées. Mais, comme l'arrêtde la Cour n'embrasse pas toutes
les questions de fait et de droit que je considère comme essentielles
à cette décision, je crois devoir formuler la présente opinion indi-
viduelle.
La nature des obligations internationales assumées par un
Mandataire en acceptant un Mandat et particulièrement la nature
des obligations assuméespar le défendeur en acceptant le Mandat
pour le Sud-Ouest africain est le point crucial de1d décision qui
tranche la question de compétence en ces affaires. Il est impossible,
à mon avis, de comprendre la nature de ces obligations sans une
analyse approfondie des principaux faits qui ont précédéet accom-

pagné la mise au point du Mandat. Ces faits, connus à présent par
les documents officiels qui ont étépubliés, n'ont jamais étépré-
sentés jusqu'ici d'une manière satisfaisante. C'est pourquoi, sans
revenir sur la plupart des faits connus de l'histoire du Mandat, je
résumerai et commenterai ceux qui me paraissent essentiels à
l'analyse des obligations du Mandataire pour le Sud-Ouest africain.
Le 7mai 1919, à une réunion du Conseil des Quatre (le président
Wilson, M. Lloyd George, M. Clemenceau et M. Orlando), M. Lloyd
George a présenté des propositions relatives à l'attribution des
Mandats, et notamment à l'attribution du Mandat pour le Sud-
Ouest africain à la Grande-Bretagne agissant au nom de l'Union
sud-africaine. Dans l'après-midi, le Conseil a décidéd'approuver
ces propositions et cette décisiona étépubliée.
Le 27 juin, le Conseil des Quatre auquel s'était joint le Japon a
eu connaissance des cprojets-type »de Mandats préparés par lord
Milner et présentéspar M. Lloyd George. Les détails n'en ont pas

étédiscutés et, après quelques observations d'ordre général, le
Conseil a décidé denommer une commission présidée par lord
hlilner et chargéede préparer les projets de Mandats.
Le jour suivant, la Commission Milner s'est réunie à Paris et
lord Milner lui a soumis un projet qui devait servir de modèlepour
les Mandats C. Ce projet ne contenait aucune disposition relative
au renvoi devant la Cour permanente de Justice internationale.
Le 5 juillet un projet-type commun franco-britannique pour les
Mandats B a étéprésentéà la Commission Milner. Ce projet ne
contenait pasnon plus de clause de renvoi à la Cour internationale.
Le 8 juillet le projet commun franco-britannique a étépris comme
base de discussion mais le représentant des États-Unis a soumis un

72 AFF. DtTS.-O. AFRICAIX (OPIN. INDIV. DE JZ. JESSUP)
388
autre projet pour les Mandats B. Ce projet contenait deux alinéas
relatifs au renvoi à la Cour permanente de justice internationale.
Il s'agissait des dispositionsuivantes :

((Article15

Si un différends'élève entreles Membres de la Sociétdes Nations
en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de la présente
Convention et que ce différendne puisse êtreréglépar les négocia-
tions, il sera porté devant la Cour permanente de Justice inter-
nationale qui doit êtreétabliepaFla Sociétédes Nations.
Les sujets ou citoyens des Etats membres de la Sociétédes
Nations peuvent égalementporter des réclamationsen cequi concer-
ne des infractions aux droits qui leur sont conféréspar les articles
5, 6, 7, a et 7 b de ce Mandat, devant ladite Cour pour décision.
Le jugement rendu par cette Cour sera sans appel dans les deux cas
précédentset aura le mêmeeffet qu'une sentence arbitrale rendue
en application de l'article 13 du Pact».

On notera que les mots figurant en italiques dans le premier
alinéa indiquent que le Mandataire ou tout autre Membre de la
Sociétédes Nations peuvent invoquer la juridiction de la Cour:
disposition qui a étéamendée plus tard.
Le représentant de la France et lord Milner ont déclarétous deux
qu'ils ne faisaient aucune objection au principe du renvoi à la Cour,
mais qu'ils s'opposaient à la clause du second alinéa qui aurait

permis à des particuliers de faire appel à la juridiction de la Cour.
Le représentant des Etats-Cnis a accepté ensuite une modification
proposée par lord Robert Cecil et amendant le second alinéa dans
le sens suivant :
(Les Membresde la Société des Nations pourront également,pour
le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des réclamations pour
infractionsà leurs droits.».

Il a étéconvenu aussi de supprimer de ce second alinéa toute
référenceaux articlesparticuliers. Cesamendementsont étéacceptés
à la séance du g juillet.

Le lendemain IO juillet la Commission a approuvé un projet-type
pour les Mandats C, avec un alinéa prévoyant le renvoi à la Cour et
identique au premier alinéa du projet américain qui vient d'être
mentionné. Au cours de la même séance,elle a également approuvé
un projet-type pour les Mandats B qui contenait les deux alinéas
proposés par les Etats-Unis, mais amendés dans le sens indiqué
plus haut.

Le Ij juillet lord Milner a envoyé ces projets de Mandats B et C
au Secrétaire généralde la Conférencede la Paix à Paris et le5 aoîlt

lord Milner et le colonel House ont annoncé à une séancetenue par
la Commission à Londres que le président Wilson et M. Lloyd
George avaient approuvé ces deux projets. Devant la Commission,le représentant de la France a fait une réserveau sujet du recrute-
ment des troupes dans les Mandats B et le représentant du Japon
une réserve au sujet de la clause de la porte ouverte dans les Man-

dats C. La Conlmission a décidéde communiquer officiellement les
projets au Conseil des Principales Puissances alliées et associées
siégeant à Paris.A partir de cette date la Commission des Mandats
a cesséde se réunir, mais les textes des projets-type des Mandats B
et Cqui avaient 4téapprouvés ontétéenvoyésauxexperts juridiques
du comité detrédaction de la Conférence de la Paix qui, sans en
discuter le fond, les a mis en forme de traités.
Le 24 décembre 1919 à Paris, le Conseil des chefs de délégation

a examinéles ((projets de conventions relatives aux Mandats D,y
compris celui qui concernait l'attribution du Sud-Ouest africain
allemand à l'Empire britannique (Union sud-africaine).
Il a étéexpliqué au Conseil qu'il s'agissait de textes adoptés à
Londres par la Commission et mis sous forme de traités par les
experts juridiques du comité de rédaction. Dans le projet de
convention relative au Sud-Ouest africain, S.M. le roi du Royaume-
Uni, etc., figure deus fois dans la liste des Hautes Parties contrac-

tantes, la seconde fois (agissant pour et au nom de son t'nion sud-
africaine ».L'article 8 de ce projet de convention est le suivant:

((Toute modification aux termes de ce Mandat devra êtreap-
prouvéeau préalablepar le Conseilde la Sociétédes Nations. Si
une divergence d'interprétation quelconque s'élevait entre les
Membresde la Société des Nations au sujet de l'application de ces
dispositions et que cette divergencene puisse êtretranchéepar des
négociations,celle-cidevra êtreportéedevant leTribunal Permanent
de Justice Internationale qui doit être constitué parla Ligue des
Nations. ))

La rédaction des dispositions qui devaient figurer ensuite dans
le préambule du Mandat est légèrement différente. Lepremier alinéa
du préambule du projet de convention contient une disposition
identique - sauf sur quelques points de style - à celle qui figure
au premier alinéa du texte définitif du préambule. L'alinéa 2 est
un peu différent, mais il mentionne l'article 22 du Pacte et le désir

des Principales Puissances alliéeset associéesde confier à S. M. bri-
tannique un Mandat c(pour le faire exercer en son nom par le
Gouvernement de l'vnion sud-africaine )),puis énonce que les
Puissances ont décidéde conclure une convention. L'article premier
du projet de convention indique ensuite que les Puissances «confè-
rent » le Mandat et que ce Mandat sera exercé par l'Union sud-
africaine conformément à l'article 22 du Pacte. Par l'article 2,
S. M. britannique accepte le Mandat qu'elle exercera ((au nom de

la Sociétédes Nations, conformément aux dispositions suivantes n.
C'est le fondement de l'alinéa3 du préambule du texte définitif. Le projet de convention se termine par la formule suivante:

«Confirmépar le Conseilde la Société des Nations le ..jour de...»

A cette époque, la commission américaine à la, Conférencede la
Paix était déjàrentrée aux Etats-Unis, mais les Etats-Unis étaient
représentésau Conseil des chefs de délégation.Quant aux projets
de Mandats C, on avait décidéque les discussions reprendraient
lorsque la délégationdu Japon aurait reçu des instructions de son
gouvernement touchant la réserve japonaise sur la clause de la
((porte ouverte ».Le Japon ne s'opposait pas àla disposition concer-

nant le renvoi devant la Cour.
Tous les événements que nous venons de rappeler ont eu lieu
avant le IO janvier 1920, date de l'entrée en vigueur du traité de
Versailles dont le Pacte de la Sociétédes Nations était partie
intégrante. A cette date, le Mandat pour le Sud-Ouest africain
n'avait pas encore étémis au point. L'attribution du Mandat à
l'Union sud-africaine (représentée par la Grande-Bretagne) avait
étéacceptée. L'accord final sur les termes du Mandat devait être
ensuite approuvé par le Japon mais ces termes avaient étérédigés
en fonction de l'article 22 du Pacte. Le Mandataire était partie à
ces accords. Le projet de convention prévoyait que le Conseil de

la Sociétédes Nations le confirmerait en dernier ressort, et c'est en
effet le Conseil qui s'est chargéde mettre finalement au point le
texte du Mandat.
Le Mandataire était dès lors tenu par une obligation internatio-
nale envers la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon
d'accepter le Mandat pour le Sud-Ouest africain, de l'exercer
conformémentaux termes convenus et de soumettre à la juridiction
de la Cour permanente tout différendqui pourrait s'élever entre lui
et les autres Membres de la Sociétédes Nations concernant l'inter-
prétation ou l'application du Mandat. Cet accord était assorti de
deux réserves: 1) il devait être approuvépar le Japon; et 2) il

devait êtreconfirmépar le Conseil de la Sociétédes Nations. Ces
deux conditions ayant étéremplies ultérieurement, l'accord inter-
national a été mis au point, avec certains amendements acceptés
par tous. '
Le 5 août 1920 le Conseil de la Sociétédes Nations a adopté le
rapport préparépar M. Hymans, représentant de la Belgique, sur
les (Obligations incombant à la Sociétédes Nations aux termes de
l'article22 du Pacte (Mandats) ». Le but de ce rapport était de
clarifier les rôles respectifs du Conseilet de l'Assembléede la Société
des Nations à l'égard des Mandats, mais il constitue aussi le docu-
ment de base relatif aux rôles respectifs du Conseil de la Société

d'une part et des Principales Puissances alliéesd'autre part. On se
souviendra que la France, la Grande-Bretagne, le Japon et la
Belgique, c'est-à-dire les quatre Etats qui avaient accepté des
Mandats - la Grande-Bretagne agissant à plusieurs titres -,
75faisaient alors partie du Conseil de la Société.En adoptant le
rapport Hymans, le Conseil de la Sociétéapprouvait i.nteraliales
conclusions suivantes :

I. Pas de divergence de vues sur le fait que la distribution des
Mandats appartient aux Principales Puissances alliées et associées
en faveur desquelles l'Allemagne a renoncé à ses droits sur ses

possessions d'outre-mer.

2. Bien que le Mandataire soit désignépar les Principales Puis-
sances, c'est au nom de la Sociétédes Nations qu'il exercera son
administration. (Il s'ensuit logiquement que le titre juridique de
la Puissance mandataire doit êtredouble, l'un émanant des Prin-
cipales Puissances, l'autre de la Société desNations. ))

3. A la question ((Qui doit déterminer les termes des Mandats? »
le rapport répond :

((On n'a pas assez remarquéque la question n'est résolue que
partiellement par le paragraphe 8 de l'article 22 suivant lequel,
si le degréd'autorité, de contrôle ou d'administration n'est pas
déterminé par une convention antérieure,le Conseildoit statuer sur
ces points. »

Le rapport indique ensuite que la plupart des Mandats contiendront
bien d'autres prescriptions que celles qui sont relatives au degré
d'autorité. Il précise que les Mandats B et C devront êtresoumis

«à l'approbation du Conseil ».Eu égard au paragraphe 6 de l'ar-
ticle 22 du Pacte, il conclut qu'uil n'est donc pas indispensable
que les Mandats ...C contiennent des dispositions quelconques en
ce qui concerne le degréd'autorité ou d'administration ».

4. Le rapport traite du sens de l'expression (Membres de la
Société ))figurant dans le paragraphe 8 de l'article 22. Il conclut
qu'elle ne saurait être prise au pied de la lettre, car il en résulterait
que le soin de déterminer les termes des Mandats reviendrait à
l'Assemblée de la Société,qui seule réunit tous les Membres;

si les rédacteurs avaient voulu désigner l'Assemblée, ilsauraient
employé ce terme et n'auraient pas eu recours à une périphrase
obscure ». Le rapport conclut que, lorsque l'article a étérédigé, on
croyait que les conventions relatives aux Mandats seraient insérées
dans le traité de paix et que seulesles Puissances alliéeset associées
seraient Membres fondateurs de la Sociétédes Nations. Le terme
((Membres de la Société )voulait désigner dans le paragraphe 8 de

l'article 22 tous les signataires du traité de Versailles, sauf lJAlle-
magne. En pratique, le rapport recommandait au Conseil de de-
mander aux Puissances de lui faire connaître leurs propositions
quant aux termes des Mandats.
Le 26 octobre, le Conseil a adoptéun second rapport présentépar
M. Hymans sur la question des Mandats.

76 AFF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 392

Ce rapport déclare
«En ce qui concerne lesmandats B ou C,il apparaît que l'accord
s'est établi entreles Principales Puissancessur de nombreux points,
nais que des divergencessubsistent sur l'interprétationde certaines
dispositions de l'art. et que lesné-ociationsne sont pas arrivées
àlêurterme. -
Assurément,il esthautementdésirablequele PsuissancesPrincipales
puissent réaliserune pleine ententeet soumettre des conventiona su
Conseil. A défautde cette entente si souhaitable,le Pacte prévoit
l'intervention du Conseil l'effetde statuer sur le degréd'autorité,
de contrôle ou d'administrationà exercer par les mandataires.»

.. «Aussi espérons-nousvivement que, avant que l'Assemblée ne
se sépare, les Principales Puissancesamrontarrêté de concertles
fmmules de mandats destinées à êtresoumises au Conseil. » (Les
italiques sont de nous.)

Les divergences dont le rapport fait état dans lecasdesMandatsC
tiennent à la réserve formuléepar le Japon sur la clause de la porte
ouverte.
Il existe encore d'autres documents qui témoignent de la façon

dont était conçu à l'époque le rôle respectif des Principales Puis-
sances et du Conseil de la Sociétédes Nations dans l'établissement
des Mandats. Le premier ministre de Grande-Bretagne déclarait à
la Chambre des Communes le 26 juillet 1920 (en réponse à la
question: «Les grandes Puissances soumettent-elles les Mandats à
la Société des Nations? Est-ce là leur position véritable? 1)):«Les
Grandes Puissances sont Membres de la Sociétédes Nations et ne
soumettent les Mandats qu'à elles-mêmes. » De même, à la question
qui lui était posée le 8 novembre 1920 de savoir si «le droit de

statuer sur les termes du Mandat appartient aux Membres de la
Société D,le premier ministre répondait par la négativeetindiquait
ensuite :(LesGrandesPuissances sont naturellement représentées au
Conseil de la Sociétéet ces Mandats doivent êtresoumis au Conseil
de la Société. Ils ne peuvent êtrerejetés que de l'accord unanime
du Conseil de la Société ...Rien ne peut se faire sans une décision
unanime du Conseil. C'est dire que rien ne peut se faire sans l'ac-
cord des Puissances intéressées. » La question suivante fut alors
posée: «Le traité de Versailles ne prévoit-il pas expressément que

le degré d'autorité et de contrôle à exercer par tout Mandataire
dans un territoire sous Mandat est une question qui relève de la
Sociétédes Nations, c'est-à-dire du Conseil ou de l'Assemblée? »
Le Premier ministre répondit: «Oui, sous réservedes conditions
que j'ai déjà indiquées. » (Les italiques sont de nous.)
Lors de la séancenon publique tenue par le Conseil le 3 août 1920,
M. Bourgeois (France) soulignait:

«Les Puissances alliéeset associées,en usant, lors delarédaction
du Pacte, des mots «Membresde la Société »ont bien entendu voulu
se désigner elles-même s.
77 Le IO décembre 1920, au cours de la discussion des projets de
Mandats au sein du Conseilde la Société desNations, le représentant
de l'Italie déclarait qu'aux termes du paragraphe 8 de l'article22
du Pacte le Conseil ne se trouvait pas encore saisi à proprement
parler de projets de Mandats Aparce qu'aucun de ces projets n'avait
encore étécommuniqüé à l'Italie et que (cpar conséquent il n'y
[avait] pas encore à leur égard accord entre les Principales Puis-
sances alliées».Il se référaitàla «nécessitéde l'accord desPrincipa-

les Puissaqicesalliées, visépear l'articl22 ».(Les italiques sont de
nous.)
Le IO décembre1920,le Conseilde la Société (affirme de nouveau
qu'il lui incombe d'assurer l'observation des règles poséesdans
l'article22 et qu'il est compétent en particulier pour approuver en
dernier ressort et le cas échéant pour rédigerles termes des Man-
dats )).
Ces faits significatifs, dans le contexte bien connu des origines
du système des Mandats, amènent aux cr>nclusions suivantes:

I. La décisionprise par le Conseil des Quatre le 7 mai 1919 et
attribuant le Mandat pour le Sud-Ouest africain à l'Union sud-
africaine constituait le premier maillon de ce que l'on pourrait

appeler la (cchaîne du titre ». Cette cdécision ))était un accord
international entre la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les
Etats-Unis et 1'Vnion sud-africaine (représentée par la Grande-
Bretagne) et avait effet exécutoire. Le Japon s'est ensuite rallié
à cet accord ou y a adhké.

2. L'attribution d'un Mandat ne constituant pas une cession de
territoire et n'opérant pas un transfert de souveraineté au profit du
Mandataire, restait à déterminer quels seraient les droits et les
devoirs d.u Mandataire en cette qualité. L'article 22 du Pacte,
qui devait bientôt après lier tous les États intéressés,indiquait la
nature généralede ces droits et de ces devoirs.

3. Le 24 décembre 1919 l'accord était conclu entre la France,
la Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon d'une part et 1'Cnion
sud-africaine représentée par la Grande-Bretagne d'autre part sur
les termes du Mandat, exception faite de la réserve du Japon qui
subsistait encore. Les termes adoptés, que la réserve japonaise
n'affectait pas, comprenaient une dispositionrelative àla juridiction
obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale.

4. Il était devenu évident en décembre 19" que les États-unis
s'étaient dissociésdu traité de paix et de la Sociétédes Xations;
la forme de l'accord conclu sur les termes du Mandat pour le
Sud-Ouest africain s'en trouvait modifiée,mais non le fait.

Telle était la situation lorsque le 1.4 décembre 1920 M. Balfour
présenta au Conseil de la Société lesprojets-type de Mandats C.

Parmi ceux-ci le projet intitulé:
78 «MANDATE FOR GERMAN SOUTH WEST AFRICA

Submitted for Approval))

n'était plus rédigé sousla forme d'une convention officielle, telle
que celle qui avait été discutée par le Conseil des chefs de déléga-
tions à Paris, mais bien d'une résolution du Conseil de la Société

des Nations. Ce projet débutait 'par un préa~abulede trois alinéas
identiques en substance aux trois premiers alinéas du Mandat
tel qu'il a étéfinalement mis en vigueur. Ces trois alinéas sont
suivis de la phrase que voici:

comme suits:i»l] par la présente, approuveles termes du mandat

Le texte de l'article 7 du projet est 'le suivant:

((Toute modification apportée aux termes du présent mandat
devra êtreapprouvéeau préalablepar le Conseilde la Société des
Nations; toutefois, dans le cas de modifications proposéespar la
Puissance mandataire, cette approbation pourra être donnée par le
Conseilstatuant à la majorité.
Si un différend quelconques'élevaitentre les Membres de la
Société desNations au sujet de l'interprétationou de l'application
de ces dispositions et qu'il ne puisseêtreréglpar des négociations,
ce différendsera soumis àla Courpermanente de J.istice intematio-
nale, prévue par l'article14du Pacte de la SociétédesNations. »l

Le Conseil a renvoyé immédiatement ce projet au Secrétariat
pour êtresoumis aux experts. Il ressort des rapports ultérieurs du
vicomte Ishii que le Secrétariat s'est efforcéde faire en sorte que
les termes prévus fussent conformes à l'article 22 du Pacte et que le
rôle du Conseil de la Sociétéfût dûment reconnu. Le vicomte Ishii
signalait que le texte qui forme à présent le quatrième alinéa du
préambule avait pour but

«de définirclairementlesrelations qui,aux termes du Pacte, doivent
exister entre la Société desNations et le Conseil,d'une part, et la
Puissance mandataire de l'autre D.

C'est dans le mêmeesprit que la phrase qui suivait le préambule
du projet Balfour était remplacée par celle qui figure dans le texte
définitif, à savoir:
« Par la présente, confirmantle mandat, a statué sur ses termes
comme suit : ))

Le quatrième alinéa du préambule, insérépar le Secrétariat de la
Société des Nations, est sujet à malentendu. Le texte anglais, tel
qu'il apparaît dans la version définitive du Mandat, est le suivant:

« Whereas, by the aforementioned Article 22,paragraph 8, if is
provided that the degree of authority, control or administration

Traduction du Greffe.
79 -4FF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 395
to be exercisedby the Mandatory not having been p~eviouslyagreed
upon by the Membersof the League, shall be explicitly defined by
the Councilof the League of Nations: ))

On notera que ce texte paraphrase plus ou moins le texte du
paragraphe 8 de l'article 22 du Pacte. Mais le texte français suit
plus exactement le textedu paragraphe Sdel'article 22 et ce faisant

indique plus clairement la condition sous laquelle le Conseil était
autorisé à agir. Le texte français est le suivant:

(Considérant quea,ux termes de l'article 22 ci-dessusmentionné,
paragraphe 8, il est prévuque sile degréd'autorité,de contrôle ou
d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet

d'une Conventionantérieure entreles Membres dela Société, il sera
expressémentstatuésur ces points par le Conseil; 1)

En out-ïe, dans le texte anglais du rapport Ishii, le membre de phrase
Knothaving beenprez~iouslyagreedztponby theMembers oftheLeagzte »
est placé entre deux virgules, construction qui, en anglais, peut
indiquer aussi une condition. La virgule qui figure après le mot
(Ilfandatory )se retrouve dans les Mandats pour la Syrie et le Liban
et pour la Palestine, le Mandat belge sur l'Est africain, le Mandat

britannique sur l'Est africain et les Mandats pour les îles du Paci-
fique situées au nord de l'Equateur, mais elle ne figure pas dans le
texte des Mandats pour les îles du Pacifique au sud de l'Equateur,
ni dans les Mandats pour Samoa, pour Nauru et pour le Sud-Ouest
africain.
Si l'on estime que le quatrième alinéa du préambule affirme que
les Membres de la Sociétédes Nations n'ont pas statué antérieure-

ment sur les termes du Mandat, étant donnél'interprétation que le
Conseil et ses Membres donnaient couramment à l'expression
((Membres de la Sociétédes Nations », cette affirmation ne serait
pas seulement contraire aux faits historiques mais encore à l'énoncé
de ces faits aux alinéas 2 et 3 du préambule. Au reste, il ressort à
l'évidencedu dossier que ce sont les Principales Puissances et non

le Conseil qui ont ((statué 1)sur les termes du Mandat, y compris
les termes que seul, dans les conditions indiquées, le Conseil était
autorisé à définir en vertu du paragraphe 8 de l'article 22.
Ce quatrième alinéa du préambule est tout entier omis dans les
quatre Mandatssur le Togo et le Cameroun, dont l'élaboration a été
différente. A la séancedu 7 mai 1919 du Conseil des Quatre, lorsque
la décision a étéprise de distribuer les Mandats, il a étéconvenu

que les Gouvernements britannique et français soumettraient une
recommandation conjointe à la Sociétéquant au sort des anciennes
colonies du Togo et du Cameroun; il n'avait pas encore étédécidé
de placer ces territoires sous Mandat. Mais la recommandation
concertée présentée à la Sociétédes Nations par les deux gouverne-
ments le 17 décembre 1920 proposait le partage des deux colonies
entre la France et la Grande-Bretagne et prévoyait, dans l'esprit de

80 l'article22, qu'elles seraient placéessous Mandat. Les deux gouver-
nements ont en conséquence soumis au Conseil quatre projets de
Mandats identiques aux autres Mandats B. Cette recommandation

concertée énonce que les deux gouvernements ((osent espérer que
le Conseil, après avoir pris note des projets, considérera qu'ils ont
étépréparés conformément aux principes énoncésau mêmear-
ticle22 et les approuvera en conséquence )).
Des accords relatifs à la délimitation des frontières étaient an-
nexés aux projets: il est sans effet juridique que ces accords aient
étésignés et qu'il n'existe pas de déclaration spécifiant expressé-

ment : ((Les soussignéssont convenus des termes des Mandats qu'ils
recommandent conjointement. ))En approuvant ces quatre projets
le ler août 1922, le Conseil de la Sociétén'y a pas introduit le
nouvel alinéa 4 du préambule, bien qu'il ait inséréla phrase d'une
ligne qui le suit. S'il était convenu qu'aux termes de l'article 22
du Pacte le Conseil avait à statuer sur tous les termes des Mandats
en l'absence d'un accord antérieur entre tous les Membres de la
Société desru'ations,et si le quatrième alinéadu préambule tel qu'il

figure, entre autres, dans le Mandat pour le Sud-Ouest africain doit
être entendu ainsi, il serait impossible d'expliquer pourquoi ces
quatre Mandats sont régis par des règles différentes. Le second
alinéa du préambule de ces quatre Mandats énonce que les Prin-
cipales Puissances alliées et associées (sont tombées d'accord )que
la France et la Grande-Bretagne feraient une recommandation
concertée concernant ces anciennes colonies et cela a étéévidem-

ment considéré comme un accord conclu à l'avance entre les
Puissances en vue d'accepter toute reconimandation que les deux
gouvernements pourraient faire. Cette conclusion est confirméepar
les traités du 13 février, 1923 entre les Etats-Unis et la France
relatifs aux droits des Etats-Unis dans le Togo et le Cameroun
français; ils se réfèrent à l'accord des quatre Puissances sur les Man-
dats, tout comme le traité du II février 1922 entre les Etats-Unis
et le Japon concernant certains droits dans les îles placées sous

Mandat japonais rappelle l'accord antérieur des quatre mêmes
Puissances sur l'attribution du Mandat et sur ses termes.
Ainsi, le 24 juillet 1922, discutant des Mandats A, le Conseil, en
sa treizième session, a approuvé une déclaration très nette qui
constate que :

Après lesdéclarationsqui viennent d'êtrefaites et vu l'accordde
touslesMembresdu Conseil,lesarticles desMandatspour la Palestine
et la Syrie sont approuvés. »

Les amendements apportés à l'article 7 du projet Balfour pour
les Mandats C sont importants. Comme l'a expliqué le vicomte
Ishii, le premier alinéa de l'article7 a étéamendé de telle sorte qu'il
élimin3t l'idée d'un vote à la majorité puisque le Conseil, en
d'autres eiree&ances, avait décidéque l'unanimité serait toujours
indispensable. .4FF.DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP)
397
Le second alinéa de l'article 7 a alors pris la forme qui devait
devenir définitive, celle dont la phrase initiale est la suivante :

«Le Mandataire accepte que tout différend,quel qu'il soit, qui
viendrait à s'éleverentre lui et un autre Membre de la Société des
Nations...))

Tandis que le texte du projet Balfour, qui était celui que la Corn-
mission Milner avait approuvé en juillet 1919, énonçait: ccSi un
différend quelconque s'élevait entre les Menlbves de la Société des
Nations.. .11l.
Le vicomte Ishii a expliqué que cet amendement s'inspirait
de l'idée que les Membres de la Sociétéautres que le Mandataire
((ne pourraient pas êtreobligésde soumettre leurs différends à la

Cour permanente de Justice internationale sans leur approbation N.
Les différents amendements proposés par le Secrétariat de la
Sociétédes Nations ont donc étéacceptés par le Conseil. Le repré-
sentant du Japon a indiqué ,que son pays ne présentait aucune
objection aux Mandats C et le Conseil, en conséquence, les a ap-
prouvés. Dans le cas du Mandat pour le Sud-Ouest africain cette
approbation est enregistrée dans la résolution bien connue du

17 décembre 1920. C'est là, pourrait-on dire, le second maillon de
la ((chaîne du titre 1).
On peut noter que cette résolution a été adoptéepar le Conseil le
lendemain du jour où le protocole du Statut de la Cour permanente
de Justice internationale a étéprésenté à la signature des Puissances,
puis signé,intev alia, au nom de tous les gouvernements qui allaient
devenir Mandataires, la signature de l'Union sud-africaine n'étant
donnéetoutefois que sous réserve de l'approbation de son gouverne-

ment.
Il est évident ,?ue le Conseil de la Société desNations n'a pas
((statué » sur les termes du Mandat, en ce sens qu'il n'a pas pris
l'initiative de les définir ou de les présenter; il a (statué à leur
égard en ce sens seulement qu'il les a rendus définitifs, en apposant
son approbation sur les projets convenus entre les Principales
Puissances.

L'état de cho>es a été fortjustement résuméle 21 février192.7par
le secrétaire d'Etat aux Colonies, répondant à une question qui lui
était posée à la Chambre des Communes:
« Par l'article119 du traité deVersailles,l'Allemagnea renoncé à
ses anciennes possessions africaines en faveur des Principales Puis-
sances alliéeset associéesqui ont convenu, selon l'article 22 du
traité, que les Mandats relatifsà l'administration de ces territoires
seraient confiésau Gouvernementintéresséet ont proposé lestermes
dans lesquels les Mandats devraient êtreénoncésS . 'étantentendus

sur l'attribution et la délimitation de ces territoires, les Gouverne-
ments intéressés ont acceptéleursMandats respectifset ont également
accepté deles exercerau nom de la Sociétédes Nations et conformé-
Traduction du Greffe.

82 9FF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 398

mentaux termesproposés.Les Mandats ont alors été confirmés par le
Conseilde la Société..» (Lesitaliques sont de nous.)
Le Conseil, comme il ressort du quatrième alinéa du préambule

de sa résolutiondu 17 décembre1920,prétendait agir sous l'autorité
du paragraphe 8 de l'article22 du Pacte. Mais l'article 7 du Mandat,
par sa clause compromissoire, échappait àla portéedu paragraphe 8,
qui ne vise que le (degréd'autorité, de contrôle ou d'administration
à exercer par le Mandataire ». En fait, l'article 22 du Pacte ne
contient aucune référence à la Cour permanente. L'article 7 à tout
le moins - quoi qu'il en soit des autres articles -- découle de
l'accord desPrincipales Puissances et du Mandataire et la résoliition
du Conseil de la Sociétédu 17 décembre 1920 consigne cet accord.

Le Mandat, en tant qu'institution internationale du type prévu
à l'article 22 du Pacte, constituait une nouveauté en matière de
droit international et il n'est pas surprenant que les accords conçus
pour mettre en Œuvre cette institution présentent des aspects
complexes. Il appartient à la Cour non pas d'interpréter quelque
modèlejuridique idéal qui aurait pu êtreimité, mais d'apprécierles
faits. Ex factis jus oritur. Il peut être pertinent de rappeler ici les
difficultés juridiques rencontrées aussi lors de l'établissement du

régime-detutelle qui, aux termes du chapitre XII de la Charte des
Nations Unies, devait remplacer le système des Mandats de la
Société desNations. De mêmeque le texte de l'article 22 du Pacte
semblait à première vue envisager un accord entre tous les Membres
dela Sociétél,'article 79 dela Chartedispose: « Les-termes du régime
de tutelle ...feront l'objet d'un accord entre les Etats directement
intéressés ..» On sait qu'il n'a pas étépossible de s'entendre sur
la définitiondes ((États directement intéressés ». L'Assembléegéné-
rale a donc approuvé par une résolution les conditions des accords

de tutelle sans avoir satisfait à cette disposition de l'article 79 de
la Charte. On ne saurait cependant mettre en question la réalité de
l'existence de ces «accords de tutelle x.
Eu égard à ces faits, on peut décrire les multiples obligations
internationales assuméespar le défendeur en sa qualité de Manda-
taire pour le Sud-Ouest africain.

I. Le Mandataire assumait certaines obligations découlant du
Pacte de la Sociétédes Nations. Comme Membre de la Sociétéle
Mandataire, du moment qu'il avait accepté un Mandat, était liépar
les dispositions de l'article22 du Pacte qui spécifiaitou précisait la
nature des obligationsdu Mandataire. Le paragraphe 7 de l'article 22,
par exemple, lui imposait l'obligation bien définie d'envoyer au
Conseil un rapport annuel; on peut considérer que l'article 6 de la

résolution du Conseil du 17 décembre1920 ne fait que préciser en-
core cette obligation. Les paragraphes I et2 del'article 22,complétés
par les obligations généralesdécoulant de l'article 23, indiquent la
nature généraledes obligationsqui découlentdela ((missionsacrée »et
83l'on peut considéreraussi que les articles 2, 3,4 et 5 de la résolution
du 17 décembre 1920 précisent les détails de ces obligations. Mais,
dans l'un et l'autre cas, ces ccdétails» étaient sujets à un accord
extérieur au Pacte.
Les obligations des Mandataires aux termes de l'article 22 du
Pacte, comme les obligations de tous les Membres de la Sociétéen
vertu d'articles tels que les articlesIO et 16 du Pacte, les liaient à
l'égardde leurs CO-signatairesc,'est-à-dire detous lesautres Membres
de la SociétéJ .e ne crois pas nécessaired'examiner pour le moment

si ces obligations particulières découlantdu Pacte les liaient aussi à
l'égardde la collectivité,c'est-à-dire de la SociétdesNations même.
Je discuterai plus bas de la situation des habitants des territoires
sous Mandat.
2. Le Mandataire avait des obligations en vertu des accords qu'il

avait conclus avec les Principales Puissances, à savoir la France, la
Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon. Ces accords sont consignés
dans la résolution du Conseil de la Société desNations du 17 dé-
cembre 1920.
Le premier accordmentionné dans le second alinéadu préambule
de la résolution doit êtrerappelé, encure que l'on puisse considérer
qu'à l'origine le Mandataire n'y était pas partie. Cet alinéa est le
suivant :

«Considéranq tuelesPrincipales Puissancesalliéeset associéesont
convenu qu'un Mandat soit conféré à Sa Majestébritannique pour
êtreexercéen sonnompar le Gouvernementde l'Unionde l'Afrique
du Sud, conformément à l'articl22 du Pacte de la Société des
Nations, sur le territoire du Sud-Ouest africain allemand))

Cet accord était constitué par la décisiondu Conseil des Quatre du
7 mai 1919. C'est à juste titre que le préambule se réfère iciaux
ccPrincipales Puissances alliéeset associées »,puisque les États-Unis,
en la personne du président Wilson, ont participé à l'élaboration
de cet accordfondamental. Mais, comme les Etats-Unis l'ont ensuite
fait observer,le terme est inexact quand il s'agit des autres accords,
auxquels les Etats-Unis n'ont pas participé officiellement. J'utili-
serai dorénavant l'expression cPrincipales Puissances n pour dé-
signer dans le présent texte la France, la Grande-Bretagne, l'Italie

et le Japon. L'Union sud-africaine est devenue partie à cet accord
par l'acceptation dont je parlerai dans un instant.
Le second accord dont le mêmeparagraphe fait état est évoqué
en ces termes:
«...et ont proposéque le mandat soit formuléainsi que suit; >k

Sous réserve de la correction mentionnee à l'instant au sujet des
Etats-Unis, Puissance cassociée »,ce texte implique que les Enci-

pales Puissances avaient K proposé » que le Mandat fût «formulé
84ainsique suit ».Il est évident que les quatre Puissances ne pouvaient
pas faire une proposition commune sans en êtreconvenues aupara-
vant et, historiquement, nous savons qu'il en a étéainsi. Là encore,
on peut dire que l'Union sud-africaine est devenue partie à cet
accord par I'acceptation dont nous allons parler à présent.
Le troisièmeaccord est mentionné dans le troisième alinéa du
préambule de la résolution du 17 décembre 1920:

((Considérantque Sa Majesté Britannique, agissant pour le
Gouvernementde l'Unionde l'Afriquedu Sud, et en son nom,s'est
engagée à accepter le mandat sur ledit territoire et a entrepris de
l'exercer au nom de la Société desNations, conformémentaux
dispositions suivantes;))

Il s'agit là,àla vérité,d'un doubleaccordpuisque letexte mentionne,
d'une part, l'acceptation par le Mandataire du Mandat tel qu'il lui
avait été attribué dans le premier accord des Principales Puissances
alliéeset associéeset, d'autre part, I'acceptation du second accord

des Principales Puissances fixant les termes du Mandat. Il est
évident que dans cet alinéa les mots «dispositions suivantes » ont
exactement le mêmesens que les mots «formulé ainsi que suit )à
l'alinéa précédent.Ces deux acceptations, je le répète, peuvent être
considérées commecomportant adhésion de l'Union sud-africaine
aux deux accords des Principales Puissances, à savoir l'accord
touchant l'attribution àl'Union (par l'intermédiaire de S. M. britan-
nique) du Mandat pour le Sud-Ouest africain et l'accord touchant
les conditions dans lesquelles le Mandat devait êtreexercé.

On peut noter aussi que l'expression ((acceptation », suivant la
pratique moderne habituelle, est employée ici au sens où cette ex-
pression est définieen mêmetemps que les expressions (adhésion »,
((approbation »et autres dans le rapport de 1962 de la Commission
du droit international des Nations Unies; conformément à l'articlI
d) du projet d'articles sur le droit des traités, ces expressions« s,'en-
tendent, dans chaque cas, de l'acte ainsi désignépar lequel 1'Etat
itablit sur le plan international son consentement à êtreliépar un
traité ».L'emploi de l'expression ((traité 1)sera examiné plus loin.
On a déjàdit comment le Conseilde la Société desNations a voulu,

par sa résolution du 17 décembre 1920, confirmer et préciser les
termes du Mandat qui avaient déjà étéconvenus entre le Mandataire
et les Principales Puissances. Ayant été approuvés à l'unanimité
par le Conseil, les divers amendements rédactionnels inclus dans la
résolution du Conseil ont étéde ce fait approuvés par la Grande-
Bretagne en sa double qualité. On peut donc dire que le quatrième
accord est constitué par l'ensemble de la résolution du Conseil et
c'est dans ce sens que cette résolutiona généralementétéconsidérée
comme représentant «le Mandat D, lequel à son tour est générale-

ment considéré - ainsi qu'il l'a étépar toutes les Parties aux
présentes affaires - comme un traité auquel le Mandataire était
partie. Ce point sera examiné plus loin.
85 AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 401
Mais le texte amendé adopté pour le second alinéa de l'article 7
de la résolution est rédigéde telle sorte qu'on peut en traiter séparé-
ment, peut-être comme d'un cinquièm accord Cet alinéa est le

suivant :
«Le Mandataire accepte que tout différend,quel qu'il soit, qui
viendraità s'éleverentre lui et un autre Membre de la Sociétdes
Nations relatif l'interprétationouà l'application des dispositions
du Mandat, et qui ne soit pas susceptibled'êréglépar desnégocia-
tions, soit soumis la Cour permanente de Justice internationale,
prévuepar l'article4 du Pacte de la Société deNs ations1)

Au contraire des alinéas du préambule où le passé est employé
au sujet des accords déjà conclus, ce second alinéa de l'article7 est
rédigéau présent. Sa forme générale rappelle les déclarations par
lesquelles, en application de l'article, paragraphe 2, du Statut de
la Cour permanente de Justiceinternationale, les Etats s'engageaient
à accepter la juridiction obligatoire de la Cour; pour habituelle
qu'elle soit, la clause de réciprocité n'est ni obligatoire, ni univer-
selle. Mais il rappelle aussi la clause compromissoire qui se retrouve
fréquemment dans des conventions multilatérales.

L'amendement à la clause compromissoire de l'article 7 adopté
par les Puissances et le Mandataire ne modifiait pas l'obligation
imposéeau Mandataire de se soumettre à la juridiction de la Cour,
obligation que le Mandataire avait admise dès les premiers travaux
de rédaction, pendant l'été 1919, et qui était comprise dans les
troisième et cinquièmeaccords consignésdans larésolution du 17dé-
cembre 1920. L'amendement apporté à cette clause modifiait seule-
ment la situation juridique touchant les obligations des autres
Membres dela Société desNations auxquels(pensait-on) les premiers
projets auraient imposél'obligation de se soumettre à la juridiction
de la Cour sans mêmequ'ils eussent l'occasion de l'accepter ou de
la refuser.
*
* *

Le mot «Mandat »a étéemployé dans un grand nombre de sens
différents -. pour désigner une institution, un acte, un traité ou
un accord, l'octroi d'une autorité et un territoire. Quelle que soit
la façon dont on définit le ((Mandat », on ne saurait guère douter
qu'en acceptant le Mandat le Mandataire a assumé des obligations
internationales de caractère juridique et que c'est volontairement
qu'il a accepté de les assumer; ces obligations n'ont assurément pas
étéimposées au Mandataire qui, aux termes de l'article 22, para-
graphe 2,du Pacte, a consenti à les accepter. Cela étant posé,il faut

voir à présent si l'acceptation d'assumer ces obligations internatio-
nales de caractère juridique doit êtrequalifiéede «traité ou conven-
tion ».L'expression «traité ou convention » figure dans les articl36
et 37 du Statut mais, étant donné qu'il n'y a plus eu lieu récemment
86de distinguer en droit entre un traitéet une convention,nouspouvons
nous contenter du mot ((traité )pour les besoins de notre analyse.

Mais de nouvelles difficultés sémantiques surgissent: comme l'a
dit en effet un rapporteur de la Commission du droit international,

on confond aisément, dans toutes les discussions relatives au droit
des traités, l'instrument qui renferme l'accord et l'accord lui-même.
Dès 1925 un sous-comité du Comité d'experts de la Sociétédes
Nations pour la codification progressive'du droit international a
parlé de ((l'anarchiequi existe actuellement en ce qui concerne la
terminologie 1)dans le droit des traités. L'idée que le mot (traité »
a un sensclair et uniformeest une fiction. La question fondamentale
est de savoir si un Etat a donné unepromesse ou pris un engagement

dont découlent des droits et des obligations internationaux. Cette
façon de voir a étégénéralement admise dans les codifications
modernes du droit des traités comme, par exemple, celles de la
Commission du droit international des Nations Unies. de la Harvard
Research in International Law et de l'dmerican La6 Institute.
Eu égardà ce que la Commission du droit'international a appelé
dans son rapport de 1962 «une terminologie extraordinairement
riche et variée »,on admet généralement que l'étiquette attachée à

un traité est sans importance juridique et que leseffets juridiques de
certains accords non formels exprimés sous des formes très di-
verses peuvent êtreidentiques à ceux des instruments les plus for-
mels. (Cf. Lissitzyn, Eijorts to Codify or Restate the Law of Treaties,
62 Columbia Law Review 1166, 1962.) En préparant des projets de
code sur le droit des traités, les rapporteurs font souvent observer
que le projet, pour des raisons de commodité, ne s'appliquera par
exemple qu'aux traités inclus dans des instruments écrits. Mais le
rapport de la Commission du droit international de 1962, comme

celui de 1959, souligne que le fait que les articles sont limités aux
accords internationaux en forme écrite ((ne revient pas à nier la
valeur juridique des accords verbaux en droit international D.
Le rapport de 1959 précisait: ((Ily a un accord international, mais
pas d'instrument le constatant, c'est-à-dire qu'il y a un accord
verbal conclu, par exemple, entre chefs d'État ou de gouvernement. »
(Annuaire delaCommissiondu droitinternational, 1959, vol. II, p. 96.)
Le récent projet (1962) de 1'American Law Institute emploie

l'expression (accord international ))au lieu de ((traité )et la définit
comme (un accord entre des États ou des organisations internatio-
nales oii se manifeste l'intention de créer, de modifier ou de définir
certains rapports dans le domaine du droit international ». Le
commentaire précise qu'«aucune règledu droit international n'em-
pêche un accord oral de constituer un accord international ayant
force obligatoire ».
Il est généralement reconnu aussi qu'il peut exister des accords

unilatéraux, c'est-à-dire des accords découlant d'actes unilatéraux
aux termes desquels une seule partie s'engage et peut fort bienêtrela seule liée. Certains systèmesjuridiques internes reconnaissent
des contrats unilatéraux de mêmecaractère. Aux Etats-Unis, par
exemple, «Dans le cas d'un contrat unilatéral, une seule partie
s'engage; et l'effet juridique en est que cette partie est la seule qui
soit tenue par une obligation juridique exécutoire. L'autre partie
au contrat est celle envers laquelle l'engagement a été pris et cette
partie est la seule en faveur de laquelle le contrat crée un droit
juridique exécutoire. » L'assentiment du bénéficiaire n'est pas
toujours nécessaire (Corbin, Contracts,1950, vol. 1, no 21). La doc-
trine de la «consideration », qui joue un rôle si important aans le

droit contractuel anglo-américain, n'est pas encore passée dails
le droit international des traités.
En sa qualité de rapporteur de la Comniission du droit inter-
national pour le droit des traités, le professeur Brierly a déclaré:

«Les droits juridiques et obligations internationaux peuvent
évidemment prendre naissance autrement que par un accord
entre plusieurs personnes. C'est ainsi qu'ils peuvent résulter d'un
étranger le bénéficiaire desdroits crééspar cet act..C'est dans la
théorie du consentement présumédu bénéficiaire qu'ontrouve
une explication possible de la force obligatoire de ce que l'on appelle
les déclarations unilatérales créatricesde droits à l'encontre du
déclarant.» (A/CN. 4/23, traduction en français, pp. 14-15. Voir
aussi le rapport de Lauterpacht de 1953,A/CN. 4/63.)

Idespoints de vue que nous venons de résumer sont solidement
,étayéspar la pratique internationale et par la jurisprudence des tribu-
naux internationaux. On peut citer quelques exemples de traités
unilatéraux et non formels.
Dans l'affaire des Zones franches, la Cour permanente de Justice
internationale a estimé qu'un manifeste unilatéral émanant d'une
autorité interne sarde avait un caractère conventionnel (Série AIR
no 46, 1932, P. 145)-
Dans l'affaire de l'lntevbrétationdu Statut du territoirede Memel
(SérieA/B no 49), la ~ithbanie a prétendu que le Statut du terri-
toire de Memel avait été créépar une loi lithuanienne, mais qu'il
avait été annexé à la Convention. Sir LI'illiam Malkin, plaidant
pour le Royaunie-Uni (Série C no 59, pp. 176-17s) a fait valoir
que «quelle que soit la forme du Statut, sa véritable nature est celle

d'un traité et que (tout problème d'interprétation auquel peuvent
donner naissance les termes de ces instruments [le Pacte et le
Statut] doit êtrerésolu non à l'aide de comparaisons tirées d'autres
constitutions ou lois constitutionnelles, mais par l'application des
méthodes ordinaires d'interprétation des traités », opinion que la
Cour a admise » (résuméet, semble-t-il, approuvé par McNair dans
The Lan: of Treaties, 1961, p. 12).
Dans l'affaire du Trafic ferroviaire entrela Lithuan etela Pologne,
la Cour permanente de Justice internationale a estiméquela partici-
88pation de deux États à l'adoption d'une résolution du Conseil de
la Société desNations constituait un engagement ))(SérieA/B
no 42, 1931, p. 116).

La déclaration albanaise au Conseil de la Société desNations
du 2 octobre 1921, quiavait étéenregistrée par la Sociétéet publiée
dans le Reczleildestraitésde la SociétédesNations (vol. IX, p. 173)~
a étéconsidéréepar la Cour permanente de Justice internationale
comme un traité dans l'affaire des Ecoles minoritaires en ~llbanie
(SérieA/B no 64, 1935). Il existait d'autres ((déclarations ))simi-
laires, par exemple celle de la Lithuanie qui est entrée en vigueur
sans «ratification» le II décembre 1923 et a étéenregistrée par le

Secrétariat de la Société (S.d. N., Recueil des traités,vol. XXII,
p. 393). A l'image des traités de minorités, ces déclarations con-
tenaient des clauses d'acceptation de la juridiction de la Cour
permanente «en cas de divergence d'opinions sur des questions de
droit ou de fait concernant ces articles )).Quant à la conclusion
d'après laquelle nombre de ces déclarations unilatérales ont
force de traités, voir Comntission dzc &oit international, Rapport
sur le droit des traités,1953 (A/CN. 4/63, traduction en français,

pp. 32 et ss.).
Un exemple peu commun est fourni par le numéro 319 du volume
20 du Recueil des traitésdes Nations Lnies, intitulé « Communiqué
concernant la Conférence tenue à Moscou par les trois Ministres
des affaires étrangères, signé à Moscou le 27 décembre 1945, et
compte rendu des réunions des Ministres des affaires étrangères de
l'union des Républiques socialistes soviétiques, des Etats-Vnis
d'Amérique et du Royaume-Uni, en date du 26 décembre 1945,

dont l'ensemble constitue un accord relatif à la préparation des
traités de paix et à certaines autres questions ».(Les italiques sont
de nous.) Le communiqué déclare: <Au cours de leurs réunions,
les trois Ministres des affaires étrangèresont procédé à des échanges
devues pré1in;inai~eestoflcieuxetsont tombéd s'accordsur lesquestions
suivantes ...))Le communiqué est signé par MM. Byrnes, Revin
et Molotov. L'accord s'étendait à des questions telles que la dé-
cision relative aux Etats signataires de certains traités de paix, la

création de la Commission d'Extrême-Orient du Conseil alliépour
le Japon et la Comn~issionpour la Corée,ainsi qu'à d'autres ques-
tions. Il n'est pas sans intérêt de comparer ce genre d'ccaccord 1)
enregistré dans le Recueildestraitésdes Nations Cnieç aux ((accords ))
contenus dans la résolution du Conseil de la Société desNations
du 17 décembre 1920. La question de l'enregistrement sera discutée
plus loin, mais on peut noter que:

«Le procès-verbald'uneconférenceinternationale peut constituer
un moyen adéquat de consigner un engagement non formel. Le
Royaume-Uni a reçu en substance l'avis suivant:
Il n'y a aucune raison, tirée de son absence de caractère
formel, qu'un tel procès-verbalne puisse constituer une preuve
adéquate d'un engagement international. Le droit international

89 n'assigne aucune forme aux engagements internationaux. Il
n'existeaucunedistinction juridique entre lesengagementsformels
et ceuxqui ne lesont pas.Silespartiesà un accordentendent qu'il
soit obligatoire et qu'il règleleurs relations futures, la question
de la forme attribuée à cet accord est alors sans pertinence au
problème de son existence. Ce qui importe est l'intention des
parties, intention qui peut ressortir d'un traité,d'une convention,
d'un protocole ou même d'unedéclarationinscriteau procès-verbal
d'une conférence.»[Les italiquessont de nous.] (McNair,The Law
of Treaties,1961,pp. 14-15.)
Il est sans effet juridique que les accords définitifs contenus
dans le préambule de la résolution du Conseil de la Sociétédes
Nations du 17 décembre 1920, souvent désignéspar l'expression

«le Mandat »,n'aient été trouvés dans aucun acte signé séparé.
Si la réalité de l'accord est établie, aucune règle de droit interna-
tional n'exige d'identifier le document ou l'instrument contenant
cet accord. Le droit international ne contient aucune règle com-
parable à celles qui se retrouvent en matière de do1dans certaines
législations internes. La fameuse déclaration Ihlen, dont la Cour
permanente a traité dans l'affaire duGroënland orieqztal,est devenue
un engagement dès le moment où elle a étéémise; le document
dans lequel elle a étéultérieurement consignéeétait un instrument
qui constatait la réalitéet la teneur de I'engagament mais celles-
ci auraient pu être prouvées par d'autres moyens. Ainsi que
M. Anzilotti l'a écrit dans son opinion dissidente (SérieA/B no 53,

P. 91):
«Il semble qu'il n'existe pas de règlede droit international qui
exige que des accords de ce genre, pour êtrevalables, soient faits
par écrit.)
Rien dans la forme -- ou dans l'absence de forme - ni dans

le caractère nouveau du Mandat n'interdit de le considérer comme
un «traité ».
J'ai déjà démontré quel'histoire et le contenu de la résolution
du Conseil du 17 décembre 1920 prouvent l'existence de l'accord
intervenu entre le Mandataire pour le Sud-Ouest africain et les
quatre Principales Puissances alliées. Aussi bien la Cour permanente
que la Cour actuelle ont jugé qu'un Mandataire est tenu par I'ac-
cord international, inclus dans un article du Mandat, d'accepter
la juridiction de la Cour internationale. Plus particulièrement, la
Cour permanente a estimé dans l'affaire Mavrommatis (Série A
no 2, 1924) que la clause compromissoire du Mandat pour la Pales-
tine était un traité ou une convention fondant sa conipétence

aux conditions posées par l'article 36 du Statut. Se référant à
l'article 26 du Mandat pour la Palestine, qui est identique à l'ar-
ticle 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain, la Cour a déclaré:

«En l'espèce, lesParties sont d'accord pour reconnaître que
l'article26du Mandat rentre dans la catégorie de«casspécialement AFF. DU S.-O.AFRICSIN (OPIN. INDIV. DE BI.JESSUP)
406
prévus dans les traités et conventions en vigueur »,aux termes de
l'article 36 du Statut, et le Gouvernement britannique ne conteste
pas que la Cour ait étérégulièrementsaisie, en conformitéde I'arti-
cle 40 du mêmeStatut. ))

On ne saurait trop souligner que le Gouvernement britannique,
l'un des principaux auteurs des dispositions des Mandats, tout en
contestant la compétence de la Cour, a reconnu que cette contes-
tation ne pouvait sefonder sur la doctrine d'après laquelle le Mandat
n'aurait pas constitué « un traité ou une convention » au sens de
l'article 36 du Statut.
Dans l'avis consultatif de 1950 sur le Statut i~zternationaldu

Sud-Oztest africain, nulle opinion ne s'est élevéepour contester
que l'article 7 du Mandat soit un traité conférant compétence à la
Cour. Dans son opinion individuelle (p. 158), sir Arnold McNair
cite l'arrêt de la Cour permanente dans l'affaire Jiavromnzatis et
signale qu'~on ne saurait douter en effet que le Mandat, dans lequel
sont incorporées des obligations internationales, appartienne à
la catégorie des traités ou des conventions ...».
Dix ans ont passé sans que lord McNair découvre aucun motif

de changer d'avis. Dans l'édition de 1961 de Tlze Lam of Treaties
(p. 63g), il écrit en effe: «Un Mandat est essentiellenlent un traité
contenant plusieurs règles dispositives et il n'est pas surprenant
que la Cour ait conclu à sa survie. »Il ajoute, à la note 3: (L'auteur
se permet de renvoyer à son opinion individuelle, C. I. J. Recueil
1950 ,age 146, où il expose la nature juridique d'un Mandat et les
raisons pour lesquelles il a estimé que le Mandat a survécu aux
événements de 1945-1946 et continue à exister. ))

La conception plus ou moins récente selon laquelle un Mandzt est
((un traité ou une convention )au sens de l'article 36 du Statut est
confirmée en outre par l'examen du Rapport annuel de la Cour
permanente de Justice internationale paru en 1925 (Série E no 1).
Le Chapitre III est intitulé « De la compétence de la Cour » et on
y lit, à la page 125:

« Comme il est dit plus haut, la compétencede la Cour s'étend à
tous les cas spécialement prévusdans les traités et conventions en
vigueur. Une publication spécialede la Cour, qui est périodiquement
mise à jour et complétéei,ndique quels sont ces traités et conven-
tions, et en donne les extraits pertinents. On peut diviser ces actes
en diverses catégories:
A) Traitésde paix ...
B) Dispositions relatives à la protection des minorités...

C) Mandats. ..
Les pays mandataires sontiau nombre ide sept. La liste suivante
donne le nom du mandataire, l'indication du territoire sous mandat
et la date ainsi que le lieu de conclusion de l'act))

Le mot souligné (en anglais: cornfiact)montre une fois de plus
la souplesse de la terminologie dans cette branche du droit.
91 La Charte des Nations Unies contient-elle un vaste choix de
termes pour décrire les accords internationaux? En interprétant
la Charte, y compris le Statut de la Cour, ainsi que la terminologie
d'autres traités, il importe d'établir si leurs auteurs ont été pointil-

leux sur le choix des mots utilisés ou si au contraire des termes
divers ont été employés sans que l'on ait eu l'intention de leur
attribuer à chacun un sens particulier ou d'en restreindre la signi-
fication. Cela est particulièrement vrai d'un instrument tel que la
Charte des Nations Unies, dont les divers chapitres ont étérédigés
par des commissions et comités séparés,bien que la Conférence
disposât elle-mêmed'un savant mécanisme de coordination.

Si nous examinons la Charte des Nations Unies, nous trouvons à
l'article 102 l'expression ctout traité ou accord international ».
La disposition correspondante du Pacte de la Sociétédes Nations,
à savoir l'article 18, utilisait l'expression ((traité ou engagement
international ». Le rapport du Comité IV12 de la Conférence des
Nations Unies qui a préparéla Charte précise que le terme ((ac-
cord ))doit êtreinterprétéàl'article 102 comme comprenant certains
engagements unilatéraux de caractère international. (Conférence

des Nations Unies sur I'organisation internationale, vol. XIII,
P- 715.)
L'article 103 de la Charte utilise simpleme~itl'expresion accord
international ))mais il n'y a, semble-t-il, aucune raison d'interpré-
ter cette disposition comme excluant tous traités, conventions,
accords ou autres types d'engagements internationaux. En son
article 80, paragraphe 1, la Charte se réfèreaux (actes internatio-

naux ...auxquels des Membres ...peuvent être parties D. Il est clair
que cela s'étend à plusieurs espèces d'accords internationaux.
L'article 36, paragraphe 1, du Statut de la Cour vise les ((traités
et conventions ». Mais, au paragraphe za) du mêmearticle et à
l'article 35, paragraphe 2, seul le mot ((traité ))est utilisé. On ne
saurait prétendre que les articles 35, paragraphe 2, et 36, para-
graphe 2 a), entendent exclure les ((conventions », à supposer
qu'il soit possible de distinguer entre une ((convention ))et un

((traité ».
L'article 37 utilise à nouveau l'expression «un traité ou une
convention )),mais l'article 38, paragraphe I a), se réfère simple-
ment aux « conventions internationales )). Il est manifestement
impossible de soutenir que cette dernière disposition était destinée
à exclure les ((traités », (accords », ((engagements D, etc. Le rap-
port de la Commission du droit international des Nations Unies
du 3 juillet 1962 (A/CN. 41148, p. 15, par. 7) souligne qu'on ne

saurait attribuer un sens étroit aux termes des articles 36, para-
graphe 2, et 38, paragraphe 1,ni établir entre ceux-ci une distinc-
tion nette. Il est vrai aussi que, d'après les termes employés, on
ne saurait assigner un sens restreint particulier à l'expression
traité ou convention )dans l'article 36 ou l'article 37. Dans plusieurs interventions successives, le défendeur a examiné
séparément l'article 7, indépendamment de l'«accord de Mandat
dans son ensemble »,et cette façon de procéder peut se justifier,
nous l'avons dit, si l'on considère cet article comme un « cin-
quième accord P.L'article 7 constitue la cléde la question de com-
pétence soumise à la Cour; si le consentement à la j~ridiction de la
Cour inclus dans l'article 7 n'a pas étéviciéet s'il est applicable à
la Cour actuelle etaux présents demandeurs,la Cour est compétente

pour connaître des présentes affaires au fond puisque, rious allons
le faire voir, les troisième et quatrième exceptions à sa compétence
ne sauraierit êtreretenues.
Le principe de la séparabilitéest admis à présent dans le droit
des traités, notamment en matière de traités multilatéraau, en-
core que les auteurs classiques plus anciens tendent à le rejeter.
C'est une doctrine qui se rencontre dans le droit interne des contrats
(parfois sous le nom de doctrine de la cdivisibilité ») et dans le
droit régissant l'interprétation des lois.
Dans le droit des traités, il faut chercher la démonstration de ce

principe dans les effets de la guerre sur les traités et dans l'accep-
tation des réservesaux traités, car les réserves co~isistent essentiel-
lement à séparer un fragment d'un traité de son ensemble pour
exempter une partie contractante des obligations découlant du
fragment ainsi séparé. On trouve de nombreux exemples de sépara-
bilitédans la pratique des Etats si l'on se réfère à des monographies
telles que: Tobin, Termination of Multipartite Treaties, 1933;
Stephens, Revisions of the Treaty of Versailles, 1939; Hoyt, The
LTnanimityRzde in the Revision of Treaties; a Reexamination, 1959.
La Cour permanente de Justice internationale a reconnu le principe

de la séparabilité dansles affaires des Zones franches et du Wimble-
don. En droit international, certaines parties de l'accord de Mandat
peuvent êtredemeurées en vigueur, alors que d'autres devenaient
caduques.
Etant donné qu'il est généralement reconnu que le Mandat a
survécu en tant qu'institution, et si l'on admet le principe de la
séparabilité,le point de savoir quelles dispositions du Mandat ont
pu ne pas survivre ne saurait être résolu enrecherchant si telle ou
telle disposition était ((essentielle))au fonctionnement du Mandat
ou n'était qu'«importante » ou (utile » ou même((insignifiante »;
il n'existe pas de critère objectif à appliquer à une pareille apprécia-

tion. Le point qu'on peut trancher est celui de savoir si une disposi-
tion ou une partie d'une disposition est devenue inapplicable et si,
dans ce cas, la partie inapplicable était à ce point essentielle à
l'application de ladite disposition que tout l'ensembleen est devenu
caduc. En l'espècela disposition particulièrement en cause est la
référencefaite dans l'article 7 du Mandat à (un autre Membre de la
Sociétédes Nations ».
Pour analyser la situation juridique des autres ((Membres de la
Société desNations » à l'égard des Mandats qui emploient cette formule descriptive dans leur clause compromissoire, tel l'article 7
du Mandat pour le Sud-Ouest africain, et dans certains autres
articles tel l'article du mêmeMandat, je ne crois pas nécessaire
de dire que les Membres de la Société,vraisemblablement repré-
sentés par le Conseil de la Société,étaient ((parties»aux accords
de Mandats. Ils n'étaient assurément pas ccfiartie» aux accords
conclus entre les Mandataires et les quatre Principales Puissances;
si la résolution du Conseil du 17 décembre 1920 est considérée
comme le traité, les donnéeshistoriques montrent qu'ils n'y étaient
pas «fiarties»,encore que la Sociétédes Nations elle-mêmepût être

considérée comme ((partje n.Les Membres de la Sociétédes Nations
étaient néanmoins des Etats tiers bénéficiaires.Les habitants des
territoires étaient également bénéficiaires,mais la question présen-
tement soumise à la Cour n'exige pas de rechercher la nature des
droits « d'aucun peuple »,comme ilest dit àl'article 80,paragraphe 1,
de la Charte.
On peut penser avec la Cour permanente de Justice internationale
qu'« On ne saurait facilement présumer que des stipulations avan-
tageuses à un État tiers aient étéadoptées dans le but de créer
en sa faveur un véritable droit 1)(Zonesfranches, série A/B ri046,
p. 147) et cependant juger, comme l'a fait alors la Cour permanente,

que les Mandats ont crééen la présente espècedes droits véritables
en faveur des Membres de la Sociétédes Nations. Les traités de
paix qui ont' mis fin à la première guerre mondiale offrent divers
exemples du mêmeordre, tels l'article 380 du traité de Versailles
concernant le canal de Kiel et d'autres clauses relatives à l'utilisa-
tion des voies fluviales d'intérêt international (cf. Lauterpacht, The
Developmentof International Law by the Intemational Cozirt,1958,
11'96).
Il est évident que la disposition de l'article 5 du Mandat pour
le Sud-Ouest africain concernant les missionnaires était une stipu-
lation pour autrui dont les autres Membres de la Sociétédes Nations

étaient les bénéficiaires.Cet article est ainsi conçu:
«Sous réserve desdispositions de la législationlocale concernant
le maintien de l'ordre public et des bonnes mŒurs, le Mandataire
assurera dans toute l'étenduedu territoire, la libertéde conscience
et le libre exercice de tous les cultes et donnera à tous les mis-
sionnaires, sujets ou citoyens de tout Membre de la Société des
Nations, la facultéde pénétrer,de circuler et de résiderdans le
territoire dans le but d'exercerleur ministèr))

Comnie l'a dit sir Gerald Fitzmaurice dans son excellente analyse
de la règle pacta tertiis, lorsqu'il était rapporteur sur le droit des
traités à la Commission du droit international des Nations Unies:

«Il n'estpas indispensable que1'État tiers soitnommément désigné
à condition que le contexte ou les circonstances dans lesquellesle
traité a étéconclu montrent clairement de quel État il s'agit, ou AFF.DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 410

bien qu'il s'agitd'un groupe ou catégoried'États dont fait partie
l'État qui réclame lebénéficedes dispositionsen question. (An-
nuairede la Commissiondzcdroitinterruational,960,vol. II, p. 76.)
Les droits de ces bénéficiairespouvaient êtreprotégéspar voie de
procédure contentieuse devant la Cour permanente de Justice
internationale du fait que la clause compromissoire de l'article 7
étaitaussiune stipulation pour autrui dont bénéficiaienltes Membres
de la SociétéL. a«clausedesmissionnaires »de l'articl5 est le type
des clauses'dont lord Finlay indiquait, au sujet du Mandat pour
la Palestine, qu'elles pouvaient être soumises à la Cour. Elle
fournit en l'espèce un critère quant à la survivance de certains
droits, contribuant ainsi à une décision sur le principe de cette
survivance.

Le rapport du Comité IV/z sur l'articl102 de la Charte, dont
j'ai déjà parlé, implique que l'État tiers bénéficiaired'un enga-
gement unilatéral de caractère international doit «accepter »
cet engagement pour qu'il devienne obligatoire. Cette suggestion
peut fort bien êtreissue d'une remarque incidente faite par la Cour
permanente lors de son examen de la règlepacta tertiis en l'affaire
des Zones franches. L'analyse que Lauterpacht fait de cet arrêt
dela Cour permanente et où il conclut que la Cour n'a pas considéré
l'agrément officiel comme un préalable est très exacte. (Ibid.,
pp. 306 et ss.) Mais, si l'accord général desMembres de la Société
des Nations était considérécomme une condition nécessaire pour
qu'ils pussent invoquer spécifiquement le bénéfice en question, on
peut trouver cet accord dans l'agrément que l'Assembléea donné
aux Mandats C et dans l'attitude constante du Conseil comme de
l'Assembléeà l'égard del'administration des Mandats C.
On a vu, dans une précédentecitation, que Brierly, rapporteur
de la Commission du droit international, propose une théorie du

« consentement présumé du bénéficiaire »pour expliquer la force
obligatoire des déclarations unilatérales créant des droits à l'en-
contre du déclarant. De même Corbin,citéplus haut, observe que,
dans le droit américain des contrats, l'assentiment de l'engagé
n'est pas toujours exigé. Une stipulation pour autrui peut aussi
étre considéréecomme une offre demeurant en vigueur jusqu'à
ce qu'elle soit retirée ou abrogéed'une autre façon. Puisque, comme
nous montrerons que c'est le cas dans les présentes affaires, l'offre
incluse dans l'article 7 était encore valable le4 novembre 1960,
le dépôt des requêtesà cette date a constitué acceptation.
La plupart de ces explications des engagements unilatéraux se
fondent sur un système interne de droit des contrats et révèlent
le souci d'habiller le droit internatioà la mode du droit interne.
C'est pourquoi l'on observe parfois une insistance marquée à
identifier les parties. C'est peut-être aussi pourquoi la Cour a
analyséles déclarations faites en vertu de la disposition facultative

comme des actes par lesquelsun « État ..devient Parti eu système
de la disposition facultati»eet parlédu «rapport contractuel entre
95 les Parties.» (Droit de +assagesur territoire indien, exceptions pré-
liminaires, C.I. J.Recueil1957,p. 146.)(Lesitaliquessontdenous.) La
Courpermanente de Justice internationaleavait fait toutefois obser-
ver qu'une déclaration faite aux termes de la disposition facultative
constitue un ((acte unilatéral 1)(affaire des Phos+hates,Série A/B
no 74, p. 23) et, comme l'a rappelé Lauterpacht, «L'exclusivité
des contrats n'est pas un principe généralde droit. )Le droit inter-
national, qui n'est pas un système formaliste, tient les États pour
liés juridiquement par leurs engagements dans plusieurs sortes

de circonstances et il n'a besoin ni de confirmer ni de nier que les
bénéficiairessoient ((parties ))à un engagement.
La situation en ce qui conceTne les droits des Membres de la
Sociétédes Nations à titre d'Etats tiers bénéficiairespeut être
jugée plus clairement dans ses éléments fondamentaux si l'on
examine (sans vouloir en aucune façon considérer le fond et uni-
quement à titre d'illustration) l'un des Mandats B, tel celui de la
Belgique sur le Ruanda-Urundi. Aux termes de l'article 7 de ce
Mandat, la Belgique a accepté le principe dit de la porte ouverte,
qui interdisait entre autres à la Belgique toute discrimination en

faveur de ses propres ressortissants et au détriment de ceux de
tout autre Membre de la Sociétépour l'attribution de concessions.
On voit mal comment on pourrait affirmer que, silefait d'établirune
discrimination à l'encontre d'un citoyen français dans une affaire
de concession le 18 avril 1946, c'est-à-dire le jour qui a précédé la
dissolution de la Sociétédes Nations, constituait une violation des
obligations contractuelles de la Belgique, cet Etat aurait eu toute
licence d'imposer pareille discrimination le 20 avril 1946. Au
contraire, si la Belgique avait procédé à cette discrimination le
20 avril, la France aurait étéen droit (au cas où des négociations
diplomatiques n'auraient pu aboutir à un règlement) de saisir la

Cour de ce différend relatif à l'interprétation ou à l'application
du Mandat en s'appuyant sur l'article 13 du Mandat pour le
Ruanda-Urundi (qui contient une clause compromissoire sem-
blable à celle de l'articl7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain) et
sur l'article 37 du Statut, auquel la France et la Belgique sont
parties.
La clause de la porte ouverte ne figure pas dans le Mandat pour
le Sud-Ouest africain mais son article 5 contient une disposition
touchant le libre accès et la libre circulation des missionnaires
sujets ou citoyens de tout ((Membre de la Société desNations ».

Cet article contient les mêmesdispositions que celles de l'article 8
du Mandat belge. Suivant le mêmeraisonnement, doit-on supposer
qu'en pareil cas le Mandataire autait étélibre (en ce qui concerne
l'obligation contenue dans le Mandat et en admettant pour le
moment qu'aucune règlegénéralede droit international concernant
les droits des étrangers ne fût applicable) d'exclure ou d'expulser
un missionnaire français du Sud-Ouest africain le 20 avril 1946?
Au'point de vue du bon sens et d'une interprétation raisonnable,

96 AFF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 412

rien ne parait justifier une telle conclusion à moins, je le répète,
que l'on ne soutienne la thèse, qui a étérejetée, d'après laquelle,
à la dissolution de la Société des Nations, rien n'est demeurédu
Mandat ni des droits et obligations qui s'y rattachaient et à moins
qu'on ne négligeles engagements pris par le Mandataire à la der-
nière session de l'Assembléede la Sociétédes Nations, engagements
dont je parlerai un peu plus bas.

Mais, dira-t-on, le droit pour le missionnaire français d'entrer
ou de résider dans le Sud-Ouest africain dépendait, en vertu des
termes de l'article 5 du Mandat, du point de savoir s'il avait la
nationalité d'un pays (Membre de la Sociétédes Nations n; après
la dissolution de la Société,il n'y avait plus de Membres de cette
Sociétéet par conséquent plus de ressortissants des États Membres.
Il s'ensuit, dira-t-on, que le missionnaire français avait perdu le
droit d'entrer ou de résider dans le territoire dès le moment où la
Sociétéavait étédissoute.
Un argument de ce genre suppose que la rgférenceà «un autre

Membre de la Sociétédes Nations )n'étaitpas, comme lord McNair
Sa affirmé dans son opinion individuelle de 1950 (pp. 158-159)~
descriptive d'une classe ou d'une catégorie, mais qu'elle posait
une condition impérative. L'interprétation la plus raisonnable est
que le fait de désigner les bénéficiairesdes diverses dispositions de
tous les Mandats par l'expression ((Membre de la Société des
Nations » découlait naturellement de ce que les Mandats étaient
conçus comme des parties de l'ensemble du système de la Société
des Nations, système dont on espérait bien en 1919qu'il deviendrait
universel. En établissant des accords dans le cadre de ce système,

il était naturel de se référeraux autres Membres de la Société.
L'article 22 du Pacte, en vertu duquel les Mandats ont étéétablis,
faisait partie des traités de paix qui mettaient fin à la Grande
Guerrecontre l'Allemagneet sesalliés.Il est raisonnable de supposer
que les auteurs de ces traités envisageaient une spécification qui,
au lendemain de la guerre, retirerait à l'Allemagne ou aux autres
pays ex-ennemis tous privilèges dans les territoires sous Mandat.
Cette interprétation est corroboréepar l'incident touchant le rejet
de la plainte présentéepar l'.Allemagneen 1925, avant qu'elle ne

devienne Membre de la Société desNations. (Commissionpermanente
des Mandats, procès-z;erbazrx .me session, 1925, p. 52.) Mais l'appar-
tenance à la Société, comparéeà la qualité d'ancien co-belligérant
amical qui devait êtreplus tard celle des États-'~nis, n'était pas
considéréeou n'avait pas étéconçue comme une qualité essentielle,
ni comme une condition perpétuellement impérative. Lorsqu'en
1946 le missionnaire français avait perdu la qualité de ressortissant
d'un ((Membre.de la Société ))il n'en était résulté aucun élément
de frustration de nature à empêcherle Mandataire de respecter ses
obligations quant au droit d'entrée et de résidencede ce mission-

naire. Si l'on admet les motifs dont on a dit qu'ils pouvaient expli-
quer que certains droits spéciaux eussent étéaccordésaux Membres
97 AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 413

de la Sociétédes Nations en 1919, ces motifs n'étaientplus valables
en 1346; cessanterationelegis,cess'ztipsa kx.Si le Mandataire avait
réclaméledroit de limiter les privilègesaux missionnairesressortis-
sants des États Membres de la Société des Nations au moment de sa
dissolution, cette prétention aurait étéraisonnable et aurait évité
qu'on ne prétendît que le Mandataire s'était vu imposer une
obligation plus lourde que celle qu'il avait assumée à l'origine.
Le point de savoir si la présence demissionnaires sur le temtoire
en question était ((essentiell» à l'accomplissement de la «mission
sacrée » ne peut guère êtredéterminéà l'aide d'un critère objectif
conçu subjectivement; peut-être pourrait-on y répondre en recher-
chant des documents, mais je n'aborderai pas cette question.
Si l'on prétend que seuls ont survécu les élémentsdu Mandat

ayant trait au bien-être, etc., des habitants, les droits des mission-
naires doivent êtrecompris dans cette catégorie de dispositions.
Dans le Mandat pour le Sud-Ouest africain ces droits figurent à
l'articl5, qui se rapporte en généralà la libertéde conscience et de
culte. Il est certain que le Mandataire ne pouvait avoir le droit de
s'ingérerdans la vie religieuse des habitants en expulsant des mis-
sionnaires le20 avril 1946, pour la raison techni,que qu'ils ne possé-
daient plus la qualité de ressortissants d'un Etat Membre de la
Sociétédes Nations. Si cette stipulation pour autrui a survécuà la
dissolution de la Sociétédes Nations en dépit de la qualification
descriptive qui n'est plus applicable, d'autres stipulations peuvent
aussi avoir survécu.
Qu'en est-il donc de l'artic7 - étant entendu qu'aux fins de la
présente analyse nous ne nous référeronsqu'au second alinéade cet

article? Là encore, on cherche en vain quelque critère objectif re-
connu pour déterminer si en 1919-1920 le recours éventuel à la
Cour était considérécomme ((essentiel » au fonctionnement du
Mandat. On sait que cette disposition a étéinscrite dès le départ
dans tous les projets sans aucune opposition quant au principe
fondamental, quoique certains problèmes de rédaction retinssent
l'attention. Dans l'affaire Mavrommatis, lord Finlay a déclaré
(p. 43) ((qu'il était au plus haut point nécessaire qu'un tribunal
fût prévu pour réglerces conflits » qu'il estimait pouvoir surgir du
Mandat pour la Palestine; peut-être en aurait-il jugédifféremment
des Mandats C, mais la clause touchant la Cour figurait dans les
Mandats A, B etC comme danstous les traités de minorités. Y a-t-il
eu après le 19 avril 1946 frustration ou impossibilitéd'application?
L'article 7 est-il devenu inapplicable? Dans le cas de l'article7,

contrairement à celui de l'article6où l'organe - à savoir le Conseil
de la Sociétédes Nations -- a disparu, un nouvel organe a été subs-
titué à l'ancien par l'effet de l'article 37 du Statut de la Cour
auquel le Mandataire était évidemment partie. Cette transforma-
tion a eu lieu à la naissance de l'organisation des Nations Unies et
il est hors de doute que l'articl7 prévoyait le recours à la présente
Cour pour la période dant de la création des Nations Unies à la
disparition de la Sociétédes Nations.

98 -4FF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 4.14

Il est vrai qu'à la dissolution de la Sociéil n'y a plus eu d'États
« Membres de la Société », mais ce fait empêchait-il l'application de
l'article7? On a montré que la disparition de la qualité de Membre
ne rendait pas l'article5 inapplicable et l'argument est encore plus
valable dans le cas de l'articl7, puisque dans le cadre de cet article
le Mandataire n'agit pas-et, pour ainsi dire, n'opère pas. En ce qui
est de l'administration ou du fonctionnement du Mandat, la dispa-
rition du Conseil de la SociétédesNationspeut êtreconsidéréecom-
me ayant engendré une certaine frustration pour l'obligation faite

au Mandataire de présenter des rapports. Mais en ce qui concerne
l'article 7, la nouvelle Cour existait déjà. On sait que, au contraire
de ce qui se passe dans le système des Nations Cnies, la Cour per-
manente n'était ni une partie ni un organe de la Société desNations
et que sa liquidation a étéun événementdistinct de la dissolutionde
la SociétédesNations. Pour assurer le bon fonctionnement du Man-
dat durant l'existence de la Société desNations, la qualité de
Membre de la Sociétén'était pas indispensable à l'application de
l'article7; on a déjàvu que c'est pour desraisons toutes différentes
que référenceétait faite aux Membres de la Société. Aprèstout, les
((Membres de la Sociétédes Nations » n'étaient pas seulement des

concepts, «des spectres orant emmi le droit et échappant à toute
étreinte 1)C'étaient desEtats réelsou des entités autonomes dont
on pouvait donner les noms. Ceux des Membres originaires de la
Société figuraient en annexe au Pacte, mais il ne s'agissait pas là
d'un groupe figé; sa composition a variéà mesure que de nouveaux
Membres étaient admis au sein de la Sociétéou que d'anciens Mem-
bres s'en retiraient. A tout moment cependant - par exemple au
moment de la dissolution de la Société -- le Mandataire pouvait
établir la liste nominative des Etats répondant à la description de
(Membres de la Société desNations ».
Il faut se'rappeler aussi que le Mandataire était un «Mandataire

de la Société desNations 1)Or tout le monde s'entend à reconnaître
que la disparition de la Sociétén'a pas mis fin au Mandat en tant
qu'institution et que par conséquentle Mandataire, et en particulier
l'Union sud-africaine en sa qualité de Mandataire, a dû lui aussi
survivre à la dissolution de la Société, encoreque l'organe dont il
tenait son Mandat eût cesséd'exister.
Après la dissolution de la Sociétédes Nations, comment le Man-
dataire pouvait-il prétendre invoquer la frustration ou l'impossi-
bilité d'application de l'acceptation de la juridiction de la Cour qu'il
avait donnée en souscrivant originairement à l'article 7, en accep-
tant la transformation opéréepar l'article 37 et en promettant, au

cours de la dernière session de l'Assembléede la SociétédesNations,
de ((continuer à ... administrer [le territoire] en se conformant
scrupuleusement aux obligations du Mandat »?
Nous venons d'indiquer qu'aucune règle technique de droit
international n'exige que l'acceptation de la juridiction de la Cour
permanente de Justiceinternationale par le défendeurait étécoulée
99 AFF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 415
dans un moule particulier appelé ((traité ou convention s. Nous

avons montré en outre que cette expression,telle qu'elle figure aux
articles 36 et 37 du Statut, ne saurait êtregénéralementconsidérée
comme ayant un sens étroit, technique et restreint. Il importe à
présent de voir si, lorsque la Charte a énoncéque dans certains cas
la Cour internationale de Justice serait substituée à la Cour per-
manente de Justice internationale, il était prévu que cette disposi-
tion devrait être interprétée dansun sens strict et technique.

Une telle affirmation est sans fondement. 11est bien connu que
deux des problèmes cruciaux qu'impliquait l'ajustement à l'Or-
ganisation des Nations Unies du système judiciaire international
établipar la Sociétédes Nations étaient de savoir s'il fallait main-
tenir l'ancienne Cour ou en créer une nouvelle et si l'on devait

attribuer à cette Cour une compétence obligatoire générale. En
prenant la décision finale d'instituer une nouvelle Cour, il a été
entendu que l'on s'efforcerait de maintenir toute la continuité
possible avec l'ancienne Cour et, pour mettre en relief l'étroite
parenté des deux organismes, la Charte énonce en son article 92
que le nouveau Statut est «établi sur la base »de l'ancien. «Dans
un certain sens, lit-on dans le rapport du ComitéIV11de la confé-
rence de San Francisco, ...la nouvelle Cour peut êtreconsidérée
comme le successeur de celle qu'elle remplacera. Le nouveau Statut
y fera explicitement allusion, notamment, dans ses Articles 36,
alinéa4 [devenuplus tard l'alinéa51,et 37. »(Conférence desNations
Unies sur Z'organisationinternationale, vol. XIII, p. 419.)
Les auteurs du Statut de la Cour internationale de Justice ont
manifestement entendu sauvegarder pour la nouvelle Cour, dans
toute la mesure du possible, la juridiction conféréeà l'ancienne. A

cette fin, l'article 36, paragraphe 5, prescrit le transfert des obliga-
tions contractées par les États ayant fait des déclarations en appli-
cation de l'article 36 de l'ancien Statut et l'article 37 prescrit un
transfert analogue lorsquJ«un traité ou une convention »prévoit le
renvoi à la juridiction de la Cour permanente. Ainsi que le déclare
l'opinion dissidente collective dans l'affaire de l'Incident aérien
(1959, pp. 166 et 171-172): aC'est afin de sauvegarder pour la
nouvelle Cour la juridiction obligatoire conféréàl'ancienne, et dont
la duréede validité n'était pas expirée, que le paragraphe 5 a été
adoptéet insérédans l'article 36 du présentStatut et quel'article 37
y a été introduit...L'article 37 fournit le lien consensuel pour la
succession de la Cour internationale de Justice à la juridiction de la
Cour permanente ..))Il ne serait pas conforme à l'esprit et au but
des articles 36, paragraphe 5, et 37 de les interpréter de manière à

ouvrir une brèche par laquelle s'effondrerait un accord tel que celui
que contient l'article 7 du Mandat.

En appliquant cette analyse aux présentes espèces, on doit
souligner à nouveau qu'elle ne se fonde sur des élémentsdu Mandat
100, AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE hl.JEÇSUP) 416

qu'à titre d'illustration et sans intention d'aborder le fond. Ce
point étant présent à l'esprit, on peut dire que les demandeurs,
c'est-à-dire I'Ethiopie et le Libéria,avaient 18 avril 1946 à,l'égard
du Sud-Ouest africain, certai~s droits pour le compte et au nom
des missionnaires qui étaient leurs ressortissants; que ces droits
et leur survivance ne dépendaient pas du point de savoir si ces
missionnaires continuaient ou non à avoir la qualité de sujets ou
citoyens de ((Membres de la Société des Nations 1);et que par
conséquent ces droits ont survécu à la dissolution de la Société
des Nations. Si un missionnaire ressortissant de l'un des pays
demandeurs s'était vu refuser l'entrée du Sud-Ouest africain et
si des négociations touchant le différendqui en serait résultéentre
le demandeur et le Mandataire avaient échoué,le demandeur

aurait été en droit d'actionner la Cour en vertu de l'article 7
du Mandat et de l'article 37 du Statut. S'il en est ainsi, c'est que
l'accord de Mandat étaiten 1945 ,t étaitencore le4 novembre 1960,
un ((traité en vigueur))entre le Mandataire et les quatre Principales
Puissances alliées. L'accord contractuel entre le Mandataire et
les quatre Principales Puissances n'ayant pas pris fin du fait de la
dissolution de la Sociétédes Nations, les droits et obligations des
quatre Puissances, à tout le moins, n'ont ,pas étéaffectés par la
dissolution de la Sociétéet les droits des Etats tiers bénéficiaires,
parmi lesquels les demandeurs, persisteront aussi longtemps que
le traité sera en vigueur. La seule théorie en vertu de laquelle on
pourrait prétendre que ce traité n'est plus en vigueur se fonderait
sur le principe de l'élimination totale du Mandat à tous égards.
Une telle conclusion anéantirait non seulement les obligations
mais encore les droits du Mandataire et serait incompatible avec

la thèse généralement admise selon laquelle le Mandat persiste en
tant qu'institution.
Les conclusions auxquelles je suis parvenu jusqu'ici sont-elles
contredites par l'examen du cas d'un Etat comme le Brésil qui a
quitté la Sociétédes Nations pendant l'existence active de celle-ci?
Je ne le pense pas. Durant L'existence de la Société ,l était naturel
pour ses Membres de considérer que leur appartenance, qui en-
traînait certaines obligations très définies- effectives en matière
de contributions financières et virtuelles en matière de responsa-
bilités politiques comme celles qui pouvaient découlerde l'article 16
du Pacte -, entraînait aussi des avantages corrélatifs. Il est évident
que les garanties territoriales découlant de l'article IO du Pacte
étaient réciproques et que le Brésil - pour s'en tenir au même
exemple - avait perdu le droit d'invoquer cette garantie. De même,
en ce qui touche aux droits économiques dans les territoires sous

Mandat, un Mandataire aurait fort bien pu dire: «Ma liberté est
limitée, je suis tenu par les obligations que j'ai assumées en vertu
du Mandat et je continuerai à supporter ces charges à l'égard
d'un grand nombre d'Etats qui sont Membres de la Société des
Nations. Mais, puisque vous avez décidé dequitter la Société,jene suis pas obligéde continuer à me soumettre à une charge supplé-

mentaire de votre chef. ))La thèse exposée ci-avant, conforme à
celle de sir Arnold McNair, selon laquelle l'expression ccMembres
de la Société )est descriptive et non conditionnelle, ne signifiepas
qu'en acceptant le Mandat pour le Sud-Ouest africain l'Union sud-
africaine s'est obligée à accorder certains avantages aux mission-
nairesressortissants allemands.Elle ne signifie pas non plus qu'après
la démission du Brésil l'Union était tenue d'accorder les mêmes
avantages aux ressortissants brésiliens. Mais on s'est trouvé en
présenced'une situation tout à fait différentelorsque le Mandataire
et les autres États qui étaient alors Membres de la Société desNa-
tions ont, d'un commun accord, dissous la Société en 1946 et que
l'organisation des Nations Unies a étéinstituée à sa place. Affirmer
que cette dissolution a libéré immédiatement le Mandataire des

obligations du Mandat, comme celles qui intéressaient les mission-
naires pour lesquelles la disparition de la Sociétédes Nations n'a
pas créé la moindre frustration ni la moindreimpossibilitéd'applica-
tion, mais qu'en mêmetemps le Mandataire a conservé ses droits
d'autorité, de contrôle et d'administration, ne saurait, selon l'avis
de la Cour de 1950,sejustifier. Ce qui est dit au sujet desobligations
touchant la (clause des missionnaires ))s'applique tout aussi bien
aux dispositions de la clause compromissoire del'article 7 prévoyant
que les différends relatifs à ces droits survivants pourraient être
soumis à la Cour. Si le .Mandat a survécu en tant qu'institution, le
Mandataire est encore soumis à certaines obligations à l'égard des
États qui étaient Membres de la SociétédesNations au moment où,
d'un commun accord, elle a étédissoute.

Ce raisonnement va de soi, mais il est corroboré par un autre
aspect de la situation.
A la séance de l'Assembléede la Société des Nations du 9 avril
1946, le représentant de l'Union sud-africaine a fait une déclara-
tion dont voici quelques extraits (Exceptions préliminaires, pp. 38-
39) :

cDepuisla dernièreréuniondela Société desNations,lesnouveaux
événementsqui se sont produits ont obligéles Puissances manda-
tration de leurs mandats respectifsts...il est dans l'intention du
Gouvernement de l'Union sud-africaine d'exposer, à la prochaine
sessiondes Nations Unies àNew York, les raisons pour lesquellesil
conviendrait d'accorderau Sud-Ouest africain un statut aux termes
duquel ce territoire serait reconnu internationalement comme for-
mant partie intégrante de l'Union ...Dans l'intervalle,l'Union sud-
africainecontinueraà l'administrer ense conformantscru~uleusement
aux obligationsdu Mandat, afin d'assurerle progrès,et de sauvegaf-
der les intérêtde seshabitants, commeelle l'a fait pendant les dix
dernières annéesdurant lesquellesla Commissiondes Mandats n'a
pu se réunir.
La disparition des organesdela Société deNs ations qui s'occupent
du contrôle des Mandats, à savoir, en premier lieu, la Commission des Mandats et le Conseil dela Société, empêchera évidemment de
se conformerentiérement à la lettre du Mandat. Le Gouvernementde
l'Union se fera, ceflendant,un devoirde considérerque la disparition
delaSociétédesNations nediminue enrien les obligationsqui découlent
du Mandat; il continueraà s'en acquitter en pleine conscienceet
avec le juste sentiment de ses responsabilités,squ'au moment où
d'autres arrangements auront étéconclus quant au statut futur de
cetemtoire. ))(Lesitaliques sont de nous.)
Il s'agit là d'un engagement de caractère international en vertu
duquel l'Union sud-africainea assuméune obligation internationale.

La Cour permanente a jugé en l'affaire des Zones franches qu'une
déclaration faite à la Cour par l'agent d'un Etat avait force obli-
gatoire (Série A/B no 46, p. 170). Dans l'affaire du Groënland
oriental, la Cour permanente a jugé que la déclaration faite par
un ministre des Affaires étrangères à l'ambassadeur d'un autre
État constituait une obligation internationale exécutoire (Série A/B
no 53, 1933, P. 71).
Il est certain qu'un engagement formel comme celui que je
viens de citer, pris par le représentant d'un Etat à l'Assembléede
la SociétédesNations. constituait aussi une oblikation internationale

exécutoire. Comme il. est dit dans la citation de l'ouvrage de lord
McNair The Law of Treaties mentionnée ci-avant, ((une déclara-
tion inscrite au procès-verbal d'une conférence ))peut constituer
un engagement international obligatoire.
On s'est fondésur cette déclaration, ainsi que sur d'autres décla-
rations similaires, comme le montre le quatrième paragraphe de la
résolution de l'Assemblée de la Société des Nations du 18 avril,
où l'Assemblée :

(4. Note queles Membresde la Société administrant actuellement
des territoires sous mandat ont expriméleur intention de continuer
à les administrer, en vue du bien-êtreet du développementdes
peuples intéressés,conformémentaux obligations contenuesdans les
divers mandats, jusqu'à ce que dénouveaux arrangements soient
pris entre les Nations Unies et lesdiverses Puissancesmandataires»
(Exceptionspréliminaires,p. 43.) [Lesitaliques sont de nous.]
Or l'une des (obligations ))découlant du Mandat que l'Union

sud-africaine s'est ainsi nouvellement engagée à respecter après
la dissolution de la Sociétéestcelle de se soumettre à la juridiction
de la Cour en vertu de l'article 7; en acceptant la Charte, elle avait
déjà donné son accord à la substitution de la Cour internationale
de J-ustice à la Cour permanente. En s'engageant devant l'hssem-
blée, l'Union sud-africaine a fait observer que la disparition de
certains organes de la Société des Nations empêcherait de se con-
former entièrement à la lettre du Mandat. La Cour permanente
ayant été,par commun accord (article 37 du Statut), remplacée
par la Cour internationale, la disparition de la Cour permanente

n'interdit en aucune manière de se conformer entièrement à la
lettre de l'article7 en ce qui concerne l'acceptation fondamentale
de la juridiction de la Cour.
103 L'Union sud-africaine a-t-elle marqué qu'à l'endroit de l'obliga-
tion découlant de l'article 7 elle avait l'intention d'invoquer le
fait que, quelque dix jours plus tard, aucun État ne pourrait plus
se dire «Membre de la Sociétédes Nations »? Elle n'en a rien fait;
on peut difficilement représenter les Membres » de la Société des
Nations comme des ((organes » de la Société vouésà disparaître.
Le Gouvernement de l'Union sud-africaine manquerait donc à
toute bonne foi s'il prétendait que l'engagement qu'il a pris en
termes généraux « de considérer que la dissolution de la Société ne
diminue en rien lesobligations quidécoulentdu Mandat aétaitplein
d'arrière-pensées,comme sil'on ne convenait par exempled'accepter

la juridiction de la Cour que sachant que quelques jours après
aucun Etat ne serait plus habilité à demander compte du respect
de cet engagement. La Cour ne saurait mettre ainsi en doute la
bonne foi du défendeur. Si l'on attribuait à l'Union sud-africaine
une telle réserve mentale, il faudrait également supposer, selon
l'analyse que je viens de faire des obligationsdécoulant du Mandat,
que, lorsque le Gouvernement de l'Union s'est engagé à continuer
à «administrer [le Territoire] en se conformant scrupuleusement
aux obligations du Mandat »,il n'avait pas l'intention de respecter
l'obligation d'accorder aux missionnaires le droit d'entrer et de
résider dans le Territoire puisque aucun d'eux ne pourrait plus se
dire sujet ou citoyen d'un Etat Membre de la Société des Nations.
Ilconvient aussi de rappeler, comme je l'ai dit plus haut, qu'une
stipulation pour autrui peut être considéréecomme une offre

demeurant valable jusqu'à ce qu'elle soit retirée ou abrogéed'une
autre façon. La déclaration du défendeur du g avril1946 dément
certainement toute idée de retrait et peut êtreconsidéréeà juste
titre comme un renouvellement de l'offre, prolongéeexpressément
au-delà de la dissolution de la Sociétédes Nations. Rien n'est
intervenu ensuite, jusqu'au dépôt des requêtes introduisant les
présentes instances le 4 novembre 1960, qui pût avoir pour effet
juridique de mettre un terme à cette offre.
L'engagement obligatoire souscrit par l'union sud-africaine le
9 avril 1946 doit êtreconsidéré commeune confirmation et une
acceptation de l'interprétation ci-dessus, à savoir que les obliga-
tions, inter alia, du second alinea de l'articl7 continuent à être
applicables et à profiter aux Etats qui étaient Membres de la
Sociétédes Nations lors de sa dissolution. Peu importe qu'il n'ait
pas étéfait expressément mention de la Cour. Le consentement

préalable est aussi efficace que le consentrement donné en cours
d'instance. La Cour permanente de Justice internationale (Ecoles
minoritaires en Haute-Silésie, série A no 15, 1928, pp. 24-25)
a énoncéqu'« il ne semble point douteux que la volonté d'un
État de soumettre un différend à la Cour puisse résulter,
non seulement d'une déclaration expresse, mais aussi d'actes con-
cluants ».Et elle indiquait plus loin: (il n'y a aucune règle qui
prescrive que le consentement doit êtredonnépar une déclarationexplicite plutôt que par des actes concluants ».L'examen de ces
énoncésde la Cour permanente, parmi d'autres, a amenésir Hersch
Lauterpacht à conclure que «la Cour ne fera pas dépendre l'ac-
ceptation de sa juridiction de questions de forme qui puissent priver

d'effet le consentement des parties, aussi exprès soit-il; elle ne
permettra pas qu'une partie rétire son consentement - lequel, en
bonne foi, doit êtresupposé avoir étéeffectivement donné - pour
le motif que ce consentement n'a pas étéexprimé conformément
aux prétendues exigences strictes du Statut. Ces exigences n'exis-
tent pas. » (TheDevelopmegzo t jInternational I,aw bytheI~zternadional
Court, 1958, p. 106.)
Le défendeur ayant apporté en dernière minute certains amen-
dements à ses conclusions, il convient de dire quelques mots sur

l'enregistrement des traités.
On a suggéréque le Mandat pour le Sud-Ouest africain n'a
peut-être jamais été « en vigueur ))du fait que ni l'accord avec les
quatre Puissances ni la résolution du Conseil da 17 décembre 1920
n'ont jamais étéofficiellement enregistréset publiésdans le Recueil
des traitésde la Société des Nations. Outre l'absurdité flagrante
qu'il y a à défier ainsi l'histoire et la pratique des États et des
organisations internationales depuis quelque quarante ans, l'ana-

lyse de l'article 18 du Pacte et des applications de cet article inter-
dit d'interpréter d'une manière strictement littérale la dernière
phrase dudit article: «Aucun de ces traités ou engagements inter-
nationaux ne sera obligatoire avant d'avoir étéenregistré. ))
Il existe une littérature abondante au sujet de l'enregistrement
prévupar l'article 18 et diversesthéories relatives à l'effet juridique
de cette dernière phrase ont étédéfendues par différents auteurs.
Dans l'ensemble ils n'appuient pas la théorie de l'interprétation
strictement littérale. La troisième Assemblée de la Sociétédes

Nations a indiqué que ((seuls le temps et l'expérience »fourniraient
les élémentsd'une interprétation précise. Ayant à traiter d'un
Iroblème du mêmeordre. la Commission iuridiaue de l'Assemblée
généraledes Nations Unies a reconnu en 1946 que c(l'expérience
et la pratique » contribueraient à (définirles termes de la Charte ))
reprii à l'article 102.
L'histoire bien connue de la disposition, ainsi que de nombreux
rapports et discussions, montrent que le principal objectif de l'ar-

ticle 18 du Pacte était la publicité - c'était une précaution prise
àl'encontre des traités secrets. Les règlements adoptéspar le Conseil
de la Société des Nations en 1920 sur l'application de l'article 18
prévoyaient au moins deux genres d'enregistrement. Outre l'en-
registrement habituel et la publication dans le Recueil destraités,
l'article II du Mémorandum du Conseil approuvé le 19 mai 1920
signalait qu'il existait ou pourrait exister dans l'avenir divers traités
ou conventions exigeant un traitement spécial.Le principal exemple

en était fourni par l'article 405 de la Constitution de l'organisation
internationale du Travail qui disposait qu'un exemplaire de chaque projet deconvention (entraînant desobligationsjuridiques effectives)
serait((déposé »entre les mains du Secrétaire général de laSociété
des Nations et que celui-ci en communiquerait une copie certifiée
conforme à chacun des Membres. Plus tard, les ratificationsde ces
projets de convention ont été ((enregistrées » par le Secrétaire
généralde la Société des Nations (voir C.P. J. I., sérieA/B no 50).
On connaît de nombreux exemples d'accords considéréscomme
juridiquement opérants et qui n'ont jamais étéenregistrés. On
peut en citer quelques-uns.

Si les Nations Unies ont pour pratique d'enregistrer les déclara-
tions faites par des États au moment où ils sont admis dansl'Orga-
nisation, la Sociétdes Nations, pour sa part, n'a jamais enregistré
les déclarationsde ce genre faites par ses Membres; il n'en est pas
moins indubitable qu'elles entraînaient l'acceptation de droits et
d'obligations aux termes du Pacte. On littpar exemple au procès-
verbal de la QuinzièmeAssembléede la Société des Nations (Séan-
ces plénières,pp. 74-77)que le ministre de 1'Afghanistan à Londres
avait télégraphiéau Secrétaire général pour demander,sur les
instructions de son gouvernement, que YAfghanistan fût admis
commeMembrede la Société desNations. Letexte de cetélégramme
étaitle suivant :
cLe Gouvernement de IJAfghanistanest prêt à accepter les
conditionsformuléesà l'articIedu Pacte età s'acquitterde toutes
les obligations qu'impliqla qualitéde Membrede la Société des
Nations.))

L'Assembléede la Société des Nations a, par voie de résolution,
admis l'Afghanistan comme Membre de la Société:
Lescompromissoumettant certaines affaires à la Cour permanente
n'ont pas toujocrs étéenregistrés et la Cour n'a cependant pas
hésité à fonder sa juridiction sur ces accordsnon enregistrés.Nous
en avons un excellent exemple dans le compromis entre la France
et la Suisse,dont les ratifications ont étééchangéelse1 mars 1928,
concernant la soumission à la Cour permanente de l'affaire des
Zones franches.Dans l'affaire Mavrommutis,la compétencede la
Cours'est fondéeen partie sur le Mandat, qui n'étaitpas enregistré,
et en partie sur le protocole de concession du traité de Lausanne,
qui ne devait êtreenregistré qu'après ladécisionde la Cour.
Il paraît inutile de multiplier les précédents à l'appui d'une
conclusion bien établie.
En tout état de cause, les règlements adoptés par le Conseil
en matière d'enregistrement ccnstituaient des mesures d'ordre
administratif et ne visaient pas même à fournir une interprétation
générale de la portéeet de l'effetde l'article 1Le fait qu'un enga-
gement fîit consignédans une résolution du Conseil de la Société
des Nations lui assurait la publicitéqui étaitl'objectif essentiel de
l'article 18du Pacte. Le dépôt de l'acte de Mandat pour le Sud-
Ouest africain allemand dans les archives de la Sociétédes Nations
106et la remise par le Secrétaire généralaux différentsÉtats de copies
certifiéesconformestémoignent d'une pratique tout àfait semblable

à celle qui était prescrite pour les projets de convention de lJOrga-
nisation internationale du Travail.
Les référencesfaites dans l'acte de Mandat aux accords de base
sur les Mandats et sur leurs termes répondaient aussi à l'objectif
de l'article 18 pour ce qui concernait ces accords. (Voir Schachter,
The develo$ment of international law through thelegal opinions of the
United Nations Secretariat, British Year Book of International
Law, XXV, 1948, p. 91: pp. 127 et ss.; Hudson, The Permanent

Coart of International Justice 1920-1942, 1943, pp. 435, 439, 636;
et précédents cités.)

Aux fins d'illustration et d'analyse, la discussion qui précèdea
portéprincipalement sur les droits que je quaIifierai de tangibles »,
tels ceux que l'on peut mettre sous l'étiquettede la ((porte ouverte »

ou ceux traitant spécifiquement de l'admission et de.la résidence
des missionnaires. II reste à déterminer si les États bénéficiaires
des engagements pris par le Mandataire dans l'accord de Mandat ont
obtenu d'autres droits se rapportant à l'application du Mandat soit
en tant qu'institution ou statut, soit en tant que traité. Cette
question se pose à propos de la thèse du défendeur selon laquelle
un ((différend )) au sens de l'article 7 du Mandat doit impliquer

un conflit concernant un droit ou un intérêtjuridiques et non des
divergences d'opinion sans rapport avec des droits ou intérêts
juridiques. Je ne m'arrêterai pas pour examiner la validité fonda-
mentale de cette thèse, mais j'analyserai la nature des droits et
intérêtsimpliquésdans le ((différend ))alléguéentre les demandeurs
et le défendeur.
On peut observer tout de suite que les demandeurs affirment qu'il
y a un (différend ))à propos des articles 2, 4, 6 et 7 du Mandat

(Mémoires,p. 62). Cette affirmation ne vise pas l'article 5 qui,
comme je l'ai remarqué plushaut, est le seul article dans le Mandat
en question qui spécifieles droits de ressortissants d'États autres
que le Mandataire. On pourrait avancer l'hypothèse que les dis-
positions ayant trait aux «habitants ))du Territoire se réfèrent
aux ressortissants de ces États qui habiteraient le Territoire, mais
pareille situation ne se présente pas ici.

La clause juridictionnelle de l'article 7 ne peut êtreinvoquée
que s'il y a ((différend a. S'il y a un (différend n,il faut prouver
au surplus que celui-ci présente deux caractéristiques: en premier
lieu, ce doit êtreun différendqui ne soit pas susceptible d'êtreréglé
par des négociations; en second lieu, il doit êtrerelatif à l'interpré-
tation ou à l'application du Mandat. C'est tout d'abord la signi-
fication du mot ((différend ))qui retiendra mon attention. J'exami-
nerai ensuite la façon dont l'autre Partie s'identifie au ((différend ».

107 Selon le sens le plus étroit, qui a d'ailleurs d'estimables avocats,
un différend D, dans le contexte d'une clause compromissoire, est
un litige susceptible d'êtreréglépar l'application de principes de
droit. Mais, comme l'a énoncéla Cour permanente en l'affaire des

Emprunts serbes(SérieA nos 20/21, p. 20), on ne saurait se prévaloir
de l'article 38 du Statut pour exclure la possibilité que la Cour
s'occupe de différends qui ne demandent pas l'application du droit
international, du moment où le Statut lui-mêmeprévoit expressé-
ment cette possibilité. Les termes nouveaux introduits dans l'ar-
ticle 38 du Statut de la présente Cour n'affectent pas la validité de
l'observation de la Cour permanente. Les .quatre alinéas de l'ar-
ticle36, paragraphe 2, du Statut de la Cour donnent une descrip-

tion plus complète mais ils ont un objectif particulier et ne consti-
tuent pas une définition générale.Citant l'article 36, paragraphe 1,
la Cour permanente de Justice internationale observe: (La juri-
diction de la Cour dépend de la volonté des parties. La Cour est
toujours compétente du moment où celles-ci acceptent sa juridic-
tion, car il n'y a aucun différendque les États admis à ester devant
la Cour ne puissent lui soumettre. ))(Ecoles minoritaires en Haute-
Silésie,sérieA no 15,p. 22.) La pratique commune de rédaction des
traités de règlement pacifique et des clauses compromissoires, de

mêmeque l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut,
montrent bien qu'un ((différend 1)dans le sens attribué à ce mot
dans ce contexte peut se rapporter à une question de fait. En
l'affaire des Emprunts serbes (p. ~g),la Cour permanente a indiqué
que ((les faits dont la Cour doit constater la réalité peuvent être
de n'importe quelle nature ». Aux fins de cette analyse, on peut
admettre qu'iin litige entre deux gouvernements sur la question de
savoir si leurs armements ont un objectif offensif ou défensifn'est

pas un (différend ». Mais, si l'on met en cause l'existence d'un
((différend )au sens juridique du mot dans une exception prélimi-
naire à la compétenced'un tribunal, la question est de savoir dans
quelle mesure ce tribunal doit sonder les faits et le droit en vue de
déterminer s'il y a un différend )qu non.
Supposons par exemple qu'un Et? A prétend, dans une note
diplomatique à un État B, que cet Etat B a violéun traité com-
mercial conclu en 1880 entre A et B. B répond que le traité n'est

plus en vigueur. Après de vaines négociations, A soumet l'affaire
à une cour internationale conformément aux termes d'un traité
de règlement pacifique conclu entre A et B. Ce traité de règlement
pacifiquecontient la disposition ordinaire selon laquelle les parties
conviennent que les différendsrelatifs à des droits juridiques pour-
ront êtresoumis par l'une ou l'autre d'entre elles à un tribunal
international. B prétend que le tribunal n'est pas compétent
puisqu'il n'y a pas ((différend ))au sens du traité de règlement
pacifique car A fonde sa demande sur un traité qui n'est plus en

vigueur. Le jugement sur la question de savoir si le traité est
en vigueur et si par conséquent la demande présentée par A est
108 fondée en droit relève du fond et non pas d'une exception d'incom-
pétence. En fait, B admet qu'il y a un « différend »mais il soutient
que le point de vue de A quant au fond est erroné. Il est possible
d'imaginer une affaire où la prétention à un droit serait si évidem-
ment vaine et absurde que la Cour rejetterait la requête pour dé-
faut de compétence, mais une telie situation ne peut se présenter
que rarement. De toute façon, ce n'est pas le cas ici.
En l'espèce, il est utile d'examiner tout d'abord la seconde
caractéristique du « différend» notée plus haut, à savoir que le
différend doit êtrerelatif à l'interprétation ou à l'application des
dispositions du Mandat. Je ne vois pas comment on peut prétendre

sérieusement que pareille condition n'est pas remplie, puisqu'il
suffit pour établir la compétence de la Cour qu'une des allégations
des demandeurs réponde à cette caractéristique. Sur la base de
ces allégations et avant de les avoir examinées au fond, la Cour
doit s'assurer, à supposer qu'il y ait un « différend», que celui-ci
est bien relatif à l'interprétation ou à l'application des dispositions
du Mandat.
Dans l'affaire de l'Interprétation des traités de pair, la présente
Cour avait à déciderdu sens du mot «différend » dans une clause
de traité prévoyant une décision par une procédure spéciale. Elle
a déclaré (C.1. J. Recueil 1950, pp. 74-75):

ttL'existence d'un différendinternational demande a êtreéta-
blie objectivement. Le simple fait que l'existence d'undifférend
est contestéene prouve pas que ce différendn'existe pas...Il s'est
doncproduit une situation dans laquelle lespoints de vue des deux
parties, quant à l'exécutionou à la non-exécutionde certaines
obligations découlant des traités, sont nettement opposés. En
présenced'une telle situation, la Cour doit conclure que des dif-
férendsinternationaux se sont produits..Étant donnéque les dif-
férends sont relatifs l'exécutionou à la non-exécution des obliga-
tions prévuesdans les articles qui traitent des droits de l'hommeet
des libertés fondamentales,cesdifférendssont nettement deceuxqui
portent sur l'interprétation ou sur l'exécutiondes traitésde pai))

Toutefois on a en fait prétendu que les allégations des demandeurs
n'ont aucun rapport avec leurs droits et que la vraie signification
de la clause compromissoire est que le ((différend » doit êtrerelatif
à l'interprétation ou à l'application des dispositions du Mandat
qui confèrent certains droits juridiqztes aux demandeurs, comme
peut-être la faculté accordée aux missionnaires par l'article 5
de pénétrer dans le Territoire. L'article 7 ne contient aucune limi-
tation de ce genre et se réfère simplement à «tout différend, quel
qu'il soit...relatif à l'interprétation ou à l'application des disposi-
tions du Mandat )).Mais, puisque les questions de compétence
doivent êtrescrupuleusement examinées, op pourrait se demander

s'il faut supposer que les droits des autres Etats à mettre en cause
l'interprétation ou l'application des Mandats se limitent aux droits
concernant ce qu'on a appelé leurs intérêts «concrets ».
109 sera considéréceommeun différendayant un caractèreinternational
selon les termes de l'article 14 du Pacte de la Sociétdes Nations.
L'État serbe-croate-slovèneagréeque tout différendde ce genre
Justice. a(C.P.eJ.aI., ColIectiondetextesrégissantla compétencdeee
la Cour,sérieD no 6, qmeédition,pp. 542 et 538.)

Une disposition analogue se trouve à l'article 69 du traité de
paix avec l'Autriche et à Ilarticle 60 du trait6 de Trianon avec la
Hongrie.
De même,la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide, qui est entrée en vigueur le 12 janvier 1951,
après le dépôt du vingtième instrument de ratification, prévoit

en son article IX:
«Les différendsentre les Parties contractantes relatifà l'inter-
prétation, l'application ou l'exécutionde la présente Convention,
y compris ceux relatifsà la responsabilitéd'un État en matière de
génocideou de Sun quelconquedes autres actes énumérés à l'article
III, seront soumisà la Cour internationale de Justice,àla requête
d'une Partie au différend. » (Nations Unies, Recueil destraités,
vol.78, p. 283.)
Comme la présente Cour l'a dit au sujet de la convention sur
le génocide: « Dansune telle convention,les États contractants n'ont
pas d'intérêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt
commun, celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison
d'êtrede la convention. Il en résulte que l'on ne saurait, pour une

convention de ce type, parler d'avantages ou de désavantages
individuels des États, non plus que d'un exact équilibre contrac-
tuel à maintenir entre les droits et les charges. La considération
des fins supérieures de la convention est, en vertu de la volonté
commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les
dispositions qu'elle renferme. » (C.I. J. Recueil IgSI, p. 23.)
Ce qui importe n'est donc pas de savoir si l'on peut imaginer qu'un
traité puisse êtreconclu dans cet esprit à ces fins, mais si le Mandat
a bien ce caractère.
Des exemples frappants se trouvent également dans la Constitu-
tion de l'organisation internationale du Travail, dans les diverses
conventions que cette Organisation a mises en Œuvre, ainsi que
dans l'application de ces dispositions conventionnelles. On sait

que la Constitution de l'organisation internationale du Travail, de
mêmeque le Pacte de la SociétédesNations, faisait partie du traité .
de Versailles. Le préambule énonce:
« Attendu que la Société des Nations a pour but d'établirlapaix
universelle,et qu'une tellepaix ne peut êtrefondée quesur la base
de la justice sociale;
Attendu qu'il existe des conditions de travail impliquant pour
ungrandnombredepersonnesl'injustice,la misèreet les privations,
ce qui engendre un tel mécontentementque la paix et l'harmonie
universelles sont mises en danger,...
III AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 427

Attendu que la non-adoption par une nation quelconque d'un
régimede travail réellement humain fait obstacle aux efforts des
autres nations désireuses d'améliorer lesort des travailleurs dans
leus propres pays; ...»
L'article 411 (quiest devenu plus tard l'article 26) de la Consti-

tution reconnaît largement les intérêtsjuridiques qu'ont tous les
États Membres de l'organisation dans le maintien des normes de
travail et du bien-être des travailleurs. Il stipule:
I. (Chacun des Membrespourra déposer uneplainte au Bureau
international du ~ravad contre un autre Membre qui, à son avis,
n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécutiond'une con-
vention que l'un et l'autre auraient ratifiéeen vertu des articles
précédents. »

L'article 423 de la Constitution dispose:
Toutes questions ou difficultésrelatives à l'interprétation dela
présentePartie du présentTraitéet des conventions ultérieurement
conclues par les Membres,en vertu de ladite Partie, seront soumises
à l'appréciation dela Cour permanente de Justice internationale. »
(Voir en général Jenks, International Protection of Trade Union
Freedom,pp. 157-161.)

Se fondantsur l'article 26 (nouvelle numération du texte amendé)
de la Constitution, la République du Ghana a adressé le 24 fé-
vrier 1961 une communication au Directeur général du B. 1 .T.,di-
sant notamment :

(De l'avis de la République duGhana, le Portugal n'assure pas de
manièresatisfaisante, dans ses territoires africains du Mozambique,
d'Angola et de Guinée,l'exécutionde la convention no 105, que le
Portugal et la Républiquedu Ghana ont l'un et l'autre ratifiée.

En conséquence,la Républiquedu Ghana demandeque le Conseil
d'administration du B. 1.T. prenne des mesures appropriées,par
exemple en instituant une commission d'enquêtechargée d'exa-
miner cette plainte et de formuler un rapport à son sujet. »
Le' IO mars 1961, le Conseil d'administration du B. 1.T. a
approuvé le rapport de son bureau sur lesmesures àprendre, parmi

lesquelles la création d'une Commission d'enquête.
Lanature judiciaire de l'enquête ressort également de la composi-
tion de la Commission: le président était un membre de la Cour
permanente d'Artbirage; le deuxième membre était un ancien
juge à la Cour internationale de Justice, qui avait auparavant
présidé la Cour suprême de son pays; et le troisième membre
était premier président de la Cour suprême de son pays. En outre,
dans son rapport, la commission a déclaré:

((Le Conseil d'administration du B. 1. T., en instituant la Com-
mission, a mis spécialementl'accent sur le caractère judiciaire de
la mission confiéeà celle-ci; il a expriméson désir qu'une (appre-
ciation objective))des élémentsdu litige soit faite par un ((orga-
II2 nisme indépendant »,et a prévu queles membresde la Commission
prononcent, avant d'entrer en fonction, une déclarationsolennelle
dans des termes correspondant à ceux de la déclaration faite parles
juges dela Cour internationale de Justice.))
La Commission a également noté dans son rapport que, s'ils
n'acceptaient pas ses conclusions ou recommandations, les deux
gouvernements auraient le droit de soumettre le différend à
la Cocr internationale de Justice en vertu del'article 29dela Consti-

tution de l'O. 1. T. (voir Bureau international du Travail, Bulletin
o@ciel,vol. XLV, no 2, supplément II,avril 1962, Rapport de la
Commission instituéeen vertu de.l'article 26 de la Constitution de
l'Organisation internationaledu Travail pour examiner la plainte
déposép ear le Gouvernementdu Ghanaau sujet del'observation parle
Gouvernementdu Portugal de la convention (no 105) surl'abolitiondu
travail forcé,1957).
Cette affaire montre qu'un État peut avoir un intérêtjuridique
à ce que soient observées dans les territoires d'un autre État les
dispositions conventionnelles relatives au bien-être généralet
qu'il peut faire valoir un tel intérêtindépendamment de toute

incidence sur ses propres ressortissants ou sur ses intérêtsdirects
« tangibles ))ou « concrets ». L'action de l'organisation interna-
tionale du Travail indique en outre que les désaccords survenant
à propos de l'observation des dispositions relatives au bien-être
général peuvent faire l'objet d'une enquêtejudiciaire et en dernier
ressort d'un recours à notre Cour. Bien que dans le cas cité on
ait eu recours à la procédure spécialed'une Commission d'enquête,
la situation fondamentale - divergence d'opinion à propos de l'ap-
plication d'une disposition d'un traité portant sur le bien-ètre
général deshabitants - peut très bien faire l'objet de négocia-
tions entre deux Etats.

Bien que l'on ait prétendu qu'il serait difficile de régler par des
négociations les différends concernant l'accomplissement des
prescriptions énoncéesau second alinéa de l'article 2 du Mandat
pour le Sud-Ouest africain, rien ne prouve logiquement ni prati-
quement que cela soit vrai. Certains tribunaux peuvent déter-
miner, et ils l'ont fait, si des lois ou actions particulières se confor-
ment à des critères larges et généraux comme par exemple la
« sauvegarde de la liberté individuelle », la (protection égale ))
et la ((libertéde religion B. La Cour suprêmedes Etats-Unis peut
déterminer quelles mesures sont compatibles ou non avec la liberté
de religion (Reynolds c. United States, 1879, 98 U.S. 244; Engel

et al. c. Vitale1962, 370 U.S. 421) ou quelle est (dans un système
social la liberté qui requiert la protection des lois contre les dangers
menaçant la santé, la sécurité, la morale et le bien-êtrede la com-
munauté ». (West Coast Hotel Co. c. Parrish, 1937, 300 U.S. 379,
391.) De même,des traités de commerce bilatéraux peuvent im-
pliquer des différends négociables sur les mesures affectant la
liberté de conscience et de religion qui sont cnécessaires à la

113 protection de la santé, de la morale et de la sécurité publiques ».
(Voir Wilson, United StatesCommercialTreatiesand International

Law, 1960, p. 271.) Je ne vois pas pourquoi la Cour ne pourrait
déterminer si certaines lois et certains règlements favorisent cle
bien-être matérielet moral ainsi que le progrèssocial des habitants ))
du Temtoire sous Mandat.
Si les tribunaux peuvent se prononcer sur de telles questions, il
n'y a pas de raison pour que deux gouvernements n'en discutent
pas (une telle discussion constituant une négociation), en vue de
convenir que les mesures critiquées étaient impropres ou que les
prétendues déficiencesn'ont pas étéétablies; et, faute d'accord,

de faire appel à la Cour.
A la lumière de ce qui précèdeet de l'histoire bien connue de
l'établissement du système des Mandats, il n'est pas étonnant
d'aboutir à la conclusion que l'intention des États en 1920étaitbien
de reconnaître et de protégerun intérêt ((juridique 1)des États en
question n'affectant pas directement leurs intérêts cconcrets ))
ni ceux de leurs ressortissants. C'est cequi a étéfait dans la défini-
tion des termes des Mandats.
Le système des Mandats est l'une des quatre principales mani-

festations de l'intérêt quetous les Etats ont reconnu avoir en
1919-1920 pour ce qui se passait aux quatre coins du globe. La
première manifestation se trouve à l'article II du Pacte qui a re-
connu - comme on l'a dit plus tard - que la paix est indivisible.
La seconde manifestation a consisté dans la reconnaissance de
l'intérêtde la communauté internationale dans la protection des
minorités. L'article 69 du traité de Saint-Germain avec l'Autriche
(prototype utilisé pour les autres traités de minorités) stipulait:
((L'Autriche agrée que, dans la mesure où les stipulations des

articles précédentsde la présente Section affectent des personnes
appartenant à des minorités de race, de religion ou de langue, ces
stipulations constituent des obligations d'intérêt international ...))
La troisième manifestation a été lareconnaissance dans la Consti-
tution de l'organisation internationale du Travail (que je viens
de citer) de l'intérêt qu'ont tousles États à l'adoption ccd'un
régimede travail réellement humain 1)dans tous les autres États.
La quatrième manifestation a étél'article 22 du Pacte qui a re-
connu ccla mission sacrée de civilisation ))formée par le bien-

êtreet le développement des peuples non encore capables de se
diriger eu-mêmes.
Les traités de minorités, la Constitution de l'organisation inter-
nationale du Travail et les Mandats contenaient des clauses de
renvoi à la Cour permanente de Justice internationale. Dans cha-
que cas, les États ayant le droit d'invoquer la compétenceétaient
désignéspar une description; il ne s'agissait en aucun cas d'une
catégorie de composition fixe. Dans les traités de minorités, les
droits de procédure ou d'exécution étaient délégués à un groupe

représentatif; tant les Membres permanents que les Membres
114non permanents du Conseil de la Société desNations avaient le
droit de faire appel à la Cour. Dans le cadre de l'Organisation
internationale du Travail, ce droit revenait aux Membres de l'Or-
ganisation et dans le cadre des Mandats il appartenait aux Mem-
bres de la Sociétédes Nations. Le texte même destraités de mino-
rités reconnaissait que les différends s'élevant à leur propos pou-

vaient avoir trait à des questions de droit ou de fait. Dans la
Constitution de l'organisation internationale du Travail, la clause
juridictionnelle visait ((Toutes questions ou difficultés relatives à
l'interprétation... » Comme le montre l'affaire Ghana-Portugal
que je viens de citer, le différend peut porter aussi bien sur des
faits que sur le droit ou mêmesur les deux. Dans les Mandats,
on se réfère à ((tout différend, quel qu'il soit, ...relatif à l'inter-
prétation ou à l'application ...». Il est clair que cette disposition
englobe les questions de droit aussi bien que de fait. L'article 50
du Statut donne à la Cour de larges pouvoirs pour connaître des

questions de droit.
Dans aucun de ces trois exemples - minorités, travail, Mandats
- l'Etat invoquant la compétence de la Cour n'avait besoin d'al-
léguer un intérêt (concret ))direct pour lui-même ou pour ses res-
sortissants. On a dit justement:

((Les États concluent des traités multilatéraux non seulement
pour s'assurer mutuellement des avantages concrets sous la forme
d'échangestangibles, mais aussi pour protégerdes intérêts généraux
de nature économique,politique ou humanitaire au moyen d'obli-
gations dont l'observation uniforme et généraleconstitue l'essence
de l'accord. L'interdépendance des relations internationales a sou-
vent pour conséquenceque des États ont un intérêt vital à ce que
soientmaintenus certainsprincipeset règles,bienqu'unemodification
ou uneviolation de cesprincipes dansun cas particulier n'affecterait
probablement pas certains d'entre eux, ou du moins pas dans la
même mesure... 1)(Note par ((H. L. ))dans British Year Book of
International Law, 1935,p. 165.)

Lors de la première session de l'Assemblée de la Sociétédes
Nations, le représentant de la Suède a déclaré:

« On m'a demandé pourquoi nous autres, les petits peuples du
Nord, nous paraissons prendre un intérêtsi vif à l'article 22. Il se
peut que ce soit parce qu'il garantit la liberté de notre commerce
avec les colonies. Oui, naturellement. Nous trouvons que la liberté
du commerce est une bonne chose et les monopoles une mauvaise,
au point de vue de nos affaires. Mais je sais que j'ai le droit de le
dire- et je suis fier de le déclar-r que ce n'est pas là pour nous
la chose essentielle. Certes non. Établir une culture mondiale,
conserver une paix durable - telles sont les raisons pour lesquelles
nos peuples prennent intérêt à l'articl22. N'avons-nouspas montré
une telle sollicitude morale, par exemple à l'égarddes indigènes
de l'Afrique? » (Trentième séance plénière,18 décembre1920,
PP. 716-7174
IIj AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 431

Les traités de paix qui ont mis fin à la première guerre mondiale
reflètent en ce qui concerne les minorités, le travail et les peuples
non autonomes, la conviction que le bien-être de l'humanité est
' aussi indivisible que la paix. Ceux qui ont fait inclure ce principe
dans les traités de paix ont appliqué au domaine international
l'aphorisme :

((Aucunhomme n'est une île, un tout en soi; chaque homme est
une parcelle de continent, une partie d'océan.
Il n'est mort d'homme qui ne me diminue, car j'appartiens à
l'humanité..))

Mon interprétation de l'article 7 est confirméepar l'historique
de la clause dite du Tanganyika. Il faut se rappeler que cette clause
qui constitue le second alinéa del'article 13 du Mandat britannique
sur l'Est africain n'apparaît dans le texte final d'aucun autre
Mandat. Elle a étéproposée àl'origine, lors des réunions tenues par
la CommissionMilner à Londres en été1919, pour êtreinséréedans
tous les Mandats B. Venant à la suite d'une clause de juridiction
généraleidentique au second alinéa de l'article 7 du Mandat pour
le Sud-Ouest africain, la clause du Tanganyika énonce: (Les Etats
Membres de la Société desNations pourront également soumettre
au jugement de ladite Cour, au nom de leurs nationaux, toutes

plaintes émanant de ces derniers et signalant une atteinte portée à
leurs droits tels qu'ils sont définispar le présent mandat.1)Lorsque
les Gouvernements belge et britannique sont convenus que la
Belgique se verrait confier un Mandat sur une partie de l'Afrique
orientale allemande, la clause du Tanganyika était incluse dans le
projet de Mandat belge. Puis elle en a étérayée. En 1925, lors de
la sixième session de la Commission permanente des Mandats,
M. Rappard a exprimé l'idéequ'elle avait étéinséréepar accident
dans le Mandat britannique sur l'Est africain, mûis sir Frederick
Lugard a répondu que le Gouvernement britannique ne pensait pas
qu'il en fût ainsi.

Indépendamment des divers commentaires ou interprétations
formuléssurcette clause dans l'affaire Mavrommatis, ilfaut conclure
que le second alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest
africain, qui est identique au premier alinéadel'article juridictionnel
du Mandat sur l'Est africain, doit avoir une signification différente
ou plus étendue par rapport à la clause du Tanganyika. Le second
alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain peut
inclure des demandes présentées au nom de ressortissants, mais
il n'appartient pas à la Cour d'en décider actuellement. Cet alinéa
doit inclure quelque chose d'autre et quelque chose de plus que
les réclamations de ressortissants, sans quoi le premier alinéa du

Mandat sur l'Est africain aurait étéomis, le second étant si?ffisant.
Le libellédu second alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-
Ouest africain a en effet un sens très large et rien ne prouve qu'il soit
limité à des questions d'intérêt((public n pour les autres États,
116 comme par exemple l'intérêtd'un État voisin à l'égardde la traite
des esclaves, du trafic des armes ou du commerce des spiritueux.
Mais, même s'ilfallait reconnaître un intérêtrégionalde cette sorte,
on ne pourrait contester l'intérêtrégional des demandeurs. Bien
que, dans le cadre desconventions du travail, il ne soit pas nécessaire
d'établir un intérêtconcret direct, l'intérêt du Ghana dans la
question du travail forcé en Angola, etc., peut êtrecomparé à
l'intérêtdes demandeurs dans les conditions d'existence des habi-
tants indigènes du Sud-Ouest africain.
Etant donné l'absence de clause de la (porte ouverte » dans les
Mandats C et le caractère par conséquent restreint de ce que l'on
peut appeler les intérêtsconcrets directs des autres Etats à l'appli-

cation du Mandat, pourquoi la clause juridictionnelle (c'est-à-dire
l'article 7) aurait-elle compris le terme général:«tout différend,
quel qu'il soit, ...relatif à l'interprétation ou à l'application des
dispositions du Mandat », si elle ne devait s'appliquer qu'à une
catégorie aussi restreinte? Est-il possible d'interpréter les mots
cles dispositions» comme signifiant simplement « certaines dispo-
sitions )?
Il est impossible d'échapper à la conclusion que le second alinéa
de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain avait pour
but de reconnaître et de protégerles intérêtsgénéraux desmembres
de la communauté internationale dans le système des Mandats,
de mêmequedes clauses àpeuprès analogues ont reconnul'existence
de cet intérêtgénéraldans les traités de minorités, dans la Consti-
tution de l'organisation internationale du Travail et, plus récem-

ment, dans la convention sur le génocideet dans certains accords
de tutelle conclus dans le cadre des Nations Unies. Lorsque les
accords de Mandat ont étéconclus, c'est aux différendstouchant
ces vastes intérêtsque l'on pensait (cf. Droits des ressortissantsdes
Etats-Unis d'Amérique au Maroc, C. I. J.Recueil 1952, p. 189).
On a soutenu que les signataires des accords de Mandat n'ont
3u envisager de donner au second alinéade l'article 7 le sens dont
je viens de faire état, car ils souhaitaient éviter les confusions et
les litiges que cela aurait pu engendrer quant aux rôles respectifs
du Conseilde la SociétédesNations et de la Commission permanente
des Mandats, d'une part, et de la Cour permanente de Justice
internationale, d'autre part. La Cour permanente aurait pu faire
valoir une objection du mêmeordre au sujet destraitésdeminorités,

lesquels contenaient à la fois des dispositions permettant d'en
appeler au Conseil et des clauses de règlement judiciaire par la
Cour. (Colons allemands, série B no 6, 1923, pp. 21-23; Ecoles
minoritairesen Haute-Silésie,sérieA no 15, 1928,pp. 19-25.) A noter
de même,bien qu'avec quelques différences dans les termes du
traité, le Statut du territoire deMemel (Série A/B no 47, 1932,
PP. 248-249).
On a fait mention de l'article 62 du Statut de la Cour pour
prouver que celle-ci n'est compétente que pour connaître d'un «intérêtd'ordre juridique ».Il n'a pas étédémontré que l'article 62
établisse une norme à utiliser pour l'interprétation de l'article36,
.lequelénonce: « La compétencedela Cour s'étendàtouteslesaffaires
que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement
prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et
conventionsen vigueur. »Il se peut que les critères de l'intervention
soient différents de ceux qui régissentl'introduction de l'instance.
Dans l'affaire du Wimbledon, la Pologne a tout d'abord faitvaloir
son droit d'intervenir aux termes de l'article 62, mais par la suite
elle a abandonné ce titre et elle a invoqué un droit dérivant de
l'article63, en tant que partie au traité en question. La Cour
~ermanente a dit :

«L'attitude ainsi prise dispensela Courd'examineret de vérifier
si vraiment l'intervention de la Pologne dans le litige soumisà
son jugement est justifiéepar un intérêt'ordrejuridique, au sens
de l'article du Statut. » (SérieA no 1,p. 13.)
La Cour n'a pas dit que les intérêtsviséspar les articles 62 et 63
fussent identiques, comme devant impliquer des intérêtsjuridiques

d'un genre particulier. Pour prendre un exemple clair, lorsque les
traités de minoritésou les conventions dutravail prévoient le renvoi
à la Cour des différendsde fait ou de droit s'élevantà leur propos,
la Cour n'est pas autorisée pour autant à négliger lestermes clairs
de l'article 36 du Statut et à affirmer que l'État demandeur ne
saurait lui soumettre une affaire, motif pris de ce que les intérêts
générauxà l'égarddu bien-êtredes minorités ou des travailleurs
ne relèvent pas de la catégorie des intérêtsjustifiant une inter-
vention aux termes del'article 62.Le mêmeraisonnement s'applique
aux Mandats. Ap surplus, ilfaut se rappeler que la Cour permanente
a jugéque les Etats peuvent demander à la Cour « de donner une
interprétation abstraite d'une convention »(Haute-Silésiepolonaise,

série A no 7,pp. 18-19).Mais, je crois que la réponseà cet argument
est simple: pour les raisons indiquées, l'intérêtgénéralà l'appli-
cation des Mandats est un intérêtjuridique.

L'autre aspe~t du « différend» qu'il convient d'examiner est de
savoir s'il était«susceptible d'êtreréglépar des négociations » aux
termes de l'article 7.Comme pour d'autres points, il faut se placer

à la date du dépôt des requêtes ayant introduit les présentes
instances, c'est-à-dire au4 novembre 1960.
Bien que fréquemment omise dans les clauses prévoyant le
règlement des différendsrelatifs à l'interprétation ou à l'application
d'une convention donnéeet bien qu'omise à l'article 36 du Statut
de la Cour, cette disposition est familière. La terminologie peut
varier; certaines clauses parlent du règlement du différend «par la
voie diplomatique »,ce qui de nos jours doit êtreinterprétécomme
118 comprenant ce que l'on a appelé la «diplomatie parlementaire 11,
-,'est-à-dire la négociation des solutions aux problèmes internatio-
naux dans le cadre et par les voies d'une institution organisée
agissant selon des règlesde procédure établies,comme l'Assemblée
généraledes Nations Unies. L'Assemblée généraleet mêmei'en-
semble du systèmedesNations Unies, avecses missions permanentes
et ses comités spéciaux, font aujourd'hui partie des moyens nor-
maux de la diplomatie, c'est-à-dire de la négociation.
Les négociations dans le cadre d'une'conférence ne sont certes
pas nouvelles dans l'histoire de la diplomatie. Qu'il suffise de

rappeler les négociationsentre (les quatre Grands »à la Conférence
de la paix de Pans après la première guerre mondiale, les négocia-
tions sur les problèmes d'Extrême-Orient à la conférence de
Washington de 1921-1922 sur la limitation des armements et même
les nombreuses négociations qui se sont tenues à Vienne en 1815.
Mais, auparavant, il n'était généralementpas question de négocier
avec la conférence en tant qu'organisme, bien que les exemples
n'aient pas manquéde petites Puissancesnégociant avec les grandes
Puissances groupées dans le coniert européen.
La diplomatie traditionnelle connaissait également des moyens
de mener des négociations sans la participation effective des parties
en litige, tels par exemple les bons offices ou la médiation. On se

rappellera qu'à l'heure des Nations Unies cette Organisation s'est
servie d'un médiateur en Palestine et de bons offices en Indonésie.

Il faut certainement rappeler que des négociations portant sur
nombre de questions se sont tenues aux Nations Unies et par leur
intermédiaire. Ainsi des négociations sur le problème des réfugiés
arabes de Palestine se sont-elles tenues aux Nations Unies pendant
de longues années sans que les principaux États intéressés se
réunissent séparément pour en discuter. On pourrait citer de
nombreux autres exemples, comme par exemple les négociations
à ,l'Assemblée générale concernant la fédération éventuelle de
l'Erythrée et de l'Éthiopie. Les problèmes du désarmement ont

fait l'objet de négociations bilatérales ou multilatérales par les
voies diplomatiques directes par des conférencesde dix délégations
ou plus; et par les débats ordinaires des séances de commission
et séances plénièresde l'Assemblée générale des Nations Unies
(sans compter les négociations de couloir).
La question des pouvoirs de l'Assemblée générale en matière
de surveillance des territoires non autonomes aux termes du
chapitre XI de la Charte a été négociéeau sein de l'Assemblée
généraleet de ses commissions pendant plusieurs années. De même,
les questions ayant trait à l'obligation du Mandataire de négocier
un accord de tutelle pour le Sud-Ouest africain ont fait elles-

mêmesl'objet de négociations à l'Assembléegénérale.Les accords
de tutelle actuellement en vigueur ont mêmeéténégociésà l'As-
sembléegénéralecomme les accords de Mandat ne l'ont jamais été
ni au Conseil ni à l'Assemblée de la Société des Nations.
119 J'ai déjàtraité de l'argument selon lequel les questions soulevées

en l'espèce dans les mémoires sont de telle nature qu'elles ne
sont pas susceptibles d'êtrerégléespar des négociations dans quel-
que cadre que ce soit.
En admettant qu'il y a eu des négociations,ont-elles démontré que
le différendn'est pas susceptible d'êtreréglé par desnégociations ))?
L'expression ((qui ne soit pas susceptible d'êtreréglé ))doit cer-
tainement signifier plus que (qui n'aient pas été réglés ». Dans
l'affaire Mavrommatis, la Cour permanente a dit:

(La Cour se rend bien compte de toute l'importance de la règle
suivant laquelle ne doivent êtreportéesdevant elle que des affaires
qui ne sont pas susceptibles d'êtrerégléespar négociations; elle
reconnaît, en effet, qu'avant qu'un différend fasse l'objet d'un
recours en justice, il importe que son objet ait été nettementdéfini
au moyen de pourparlers diplomatiques. Cependant, pour l'appli-
cation de cette règle, la Cour ne peut pas se dispenser de tenir
compte, entre autres circonstances, de l'appréciation des États
intéresséseux-mêmesq , ui sont le mieux placés pourjuger des motifs
d'ordrepolitique pouvant rendre impossiblela solution diplomatique
d'une contestation déterminée. ))(SérieA no 2, 1924, p. 15.)

Il n'existe certainement pas de test chimique absolu qui permet-
trait à un tribunal de dire, dans toutes les situations, à quel mo-
ment exact la négociation devient impossible. A mon avis, le
dossier prouve clairement que cette condition est remplie en l'es-
pèce. Je n'y vois rien qui puisse amener la Cour à conclure que si

l'un des demandeurs entamait des négociations diplomatiques
directes avec le défendeur sur les questions précisesqzti ont été
discutéespendant plusiez~rsannéesà l'Assemblée généraleet qui
sont soulevéesdans les mémoires, un règlement pourrait intervenir
sur tous les points qui, dans les allégations des demandeurs, ont
trait à l'interprétation ou à l'application du Mandat. S'il existe
un point de désaccord entre les demandeurs ou l'un dleux, d'une

part, et le défendeur, de l'autre, dont on puisse légitimement dire
qu'il n'est pas ((susceptible d'être réglépar des négociations »,
cette condition requise pour qu'il y ait différend est remplie. A
cet égard,les États nesontpas éternellement liéspar l'ancien adage :
((Si tu ne réussis pas la première fois, essaie et essaie encore. »
Il n'est pas convaincant de dire que les négociateurs, d'un côté
ou de l'autre, ont étéobstinés, déraisonnables ou intransigeants.
De telles allégations sont courantes dans les négociations interna-

tionales et on y croit souvent sincèrement. On ne saurait soutenir
qu'un différend est susceptible d'être réglépar des négociations
sous le prétexte qu'il serait réglési l'une des parties cédait entière-
ment aux prétentions de l'autre. Comme l'a dit la Cour permanente,
((la Cpur ne peut pas se dispenser de tenir compte de l'appréciation
des Etats intéressés eux-mêmes,qui sont le mieux placés pour
juger des motifs d'ordre politique pouvant rendre impossible la
solution diplomatique d'une contestation )). En l'espèce, comme dans d'autres affaires, le point important
est de savoir si le défendeur a eu connaissance des plaintes des
demandeurs, s'il a eu l'occasion d'exprimer son point de vue, s'il
l'a exprimé et si les demandeurs n'ont pas étéconvaincus et ont
maintenu leur position. Ainsi que l'a dit M. Hudson dans son opi-

nion dissidente en l'affaire de la Compagnie d'électricité «:Ce
qui est essentiel, c'est qu'avant qu'une partie dépose une requête
introduisant une instance devant la Cour, l'autre partie ait eu
l'occasion de faire connaître et d'exprimer sa manière de voir sur
l'objet du différend. ))(SérieA/B no 77, 1939, p. 132.) Tel est cer-
tainement le cas en l'espèce. Il est vrai que M. Hudson, parlant
des faits propres à l'affaire dont il s'agissait, a poursuivi: ((Cette
occasion ne peut êtrefournie que par des négociations diplomati-

ques. Le point précis auquel il est possible de dire à juste titre
que les négociations entamées ne peuvent aboutir à la solution
du différend peut dépendre, comme l'a reconnu !a Cour [allusion à
l'affaire Mavrom~natis], (de l'appréciation des Etats intéressés 1).»
M. Hudson n'envisageait pas le fonctionnement moderne de la
diplomatie dans le contexte des Nations Unies et les observations
qu'il a faites en 1939 à propos de l'affaire dont il s'agissait alors
ne sauraient être considérées comme allant à l'encontre de mes

conclusions.
La nature de cette diplomatie moderne par conférences ou di-
plomatie parlementaire pourrait tendre à exagérer l'individualité
de l'Organisation internationale ou d'un de ses organes pris isolé-
ment. Le problème existait au temps de la Sociétédes Nations à
propos des questions d'ordre politique; on pouvait parfois penser
que le Conseil de la Société desNations servait de bouc émissaire,
en ce sens qu'un Rlembre influent du Conseil pouvait excuser son

inaction sur celle du (Conseil 1)alors qu'il n'avait lui-mêmepris
aucune mesure pour faire agir le Conseil. Un phénomène analogue
s'observe dans le cadre des Nations Unies. Certes, une organisation
internationale peut êtrequelque chose de plus que la somme de
ses parties mais, pour renverser la métaphore, la forêt ne doit pas
empêcherde voir les arbres.
L'histoire des Nations Cnies offre de nombreuses occasions de
dire que certains Etats votant avec la minorité au sujet d'une

mesure à prendre par l'organisation ont un (différend ))avec celle-
ci, mais on ne peut douter que dans beaucoup de ces cas les Etats
de la minorité ont également un ((différend ))avec certains Etats
de la majorité aisément identifiables. Il serait pénible, et il est
inutile, de citer des cas précispour illustrer ce ppint. Cela ne signifie
pas que, chaque fois qu'il y a un vo!e, tout Etat votant avec la
majorité a un ((différend ))avec tout Etat votant avec la minorité.
Je soutiens qu'en l'espèce, d'après le dossier, il existe un différend

entre les demandeurs et le défendeur.

(Signé) Philip C. JESSUP.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE JESSUP

1 agree with the decision of the Court that it has jurisdiction
to hear the present cases on the merits and that the four preliminary
objections are not well founded and should be dismissed. Since,
however, the Opinion of the Court doesnot embrace al1the questions
of fact and of law which 1 find essential to reaching the decision, 1

find it my duty to deliver this separate Opinion.

The nature of the international obligations assumed by a Man-
datory in accepting a Mandate, and specifically, the nature of those
obligations assumed by the Respondent in accepting the Mandate
for South M'est Africa, is a focal point in the decision of the juris-
dictional issues in these cases. In my view, it is not possible to
understand the nature of those obligations without a thorough
appreciation of the principal facts prefacing and attending the
finalkation of the Mandate. These facts, as now available in pub-
lished officia1records, have hitherto not been adequately presented.
Accordingly, without repeating much that is familiar in the history
of the Mandates, 1 shall summarize and comment on those facts
which seem to me to be essential to an analysis of the obligations
of the Mandatory for South West Africa.
On 7 May 1919,at a meeting of the Council of Four (President
Wilson, Mr. Lloyd George, M. Clemenceau and Sr. Orlando), Mr.
Lloyd George submitted a proposa1 for the allocation of the Man-
dates, including the allocation of the Mandate for South West
Africa to Great Britain acting on behalf of the Union of South
Africa. At the afternoon meeting on the same day, a "decision"
was taken approving these proposals and the decision was published.
On 27 June the Council of Four, with Japan also represented,
had before it "forms" of the Mandates which had been prepared
by Lord Milner and submitted by Mr. Lloyd George. The details

were not discussed and after some general observations the Council
decided to set up a Commission under Lord Milner to prepare
drafts of the Mandates.
On the following day the Milner Commission met in Paris
and Lord Milner submitted a draft to serve as a pattern for the
C Mandates. This draft contained no provision for reference to
the Permanent Court of International Justice.
On 5 July a joint British-French draft to serve as a pattern for
B Mandates was laid before the Milner Comn~ission.This draft also
contained no provision for reference to the International Court.
On 8 July the British-French draft was taken as a basis for
discussion but the United States representative submitted an
72 OPINION INDIVIDUELLE DE M. JESSUP
[Traduction ]

Je m'associe à la décision par laquelle la Cour.se déclare com-
pétente pour connaître des présentes affaires au fond et décideque
les quatre exceptions préliminaires ne sont pas fondéeset doivent
êtrerejetées. Mais, comme l'arrêtde la Cour n'embrasse pas toutes
les questions de fait et de droit que je considère comme essentielles
à cette décision, je crois devoir formuler la présente opinion indi-
viduelle.
La nature des obligations internationales assumées par un
Mandataire en acceptant un Mandat et particulièrement la nature
des obligations assuméespar le défendeur en acceptant le Mandat
pour le Sud-Ouest africain est le point crucial de1d décision qui
tranche la question de compétence en ces affaires. Il est impossible,
à mon avis, de comprendre la nature de ces obligations sans une
analyse approfondie des principaux faits qui ont précédéet accom-

pagné la mise au point du Mandat. Ces faits, connus à présent par
les documents officiels qui ont étépubliés, n'ont jamais étépré-
sentés jusqu'ici d'une manière satisfaisante. C'est pourquoi, sans
revenir sur la plupart des faits connus de l'histoire du Mandat, je
résumerai et commenterai ceux qui me paraissent essentiels à
l'analyse des obligations du Mandataire pour le Sud-Ouest africain.
Le 7mai 1919, à une réunion du Conseil des Quatre (le président
Wilson, M. Lloyd George, M. Clemenceau et M. Orlando), M. Lloyd
George a présenté des propositions relatives à l'attribution des
Mandats, et notamment à l'attribution du Mandat pour le Sud-
Ouest africain à la Grande-Bretagne agissant au nom de l'Union
sud-africaine. Dans l'après-midi, le Conseil a décidéd'approuver
ces propositions et cette décisiona étépubliée.
Le 27 juin, le Conseil des Quatre auquel s'était joint le Japon a
eu connaissance des cprojets-type »de Mandats préparés par lord
Milner et présentéspar M. Lloyd George. Les détails n'en ont pas

étédiscutés et, après quelques observations d'ordre général, le
Conseil a décidé denommer une commission présidée par lord
hlilner et chargéede préparer les projets de Mandats.
Le jour suivant, la Commission Milner s'est réunie à Paris et
lord Milner lui a soumis un projet qui devait servir de modèlepour
les Mandats C. Ce projet ne contenait aucune disposition relative
au renvoi devant la Cour permanente de Justice internationale.
Le 5 juillet un projet-type commun franco-britannique pour les
Mandats B a étéprésentéà la Commission Milner. Ce projet ne
contenait pasnon plus de clause de renvoi à la Cour internationale.
Le 8 juillet le projet commun franco-britannique a étépris comme
base de discussion mais le représentant des États-Unis a soumis un

72388 S. W.AFRIC-4 CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
alternative draft for B Mandates. This draft contained two para-
graphs concerning references to the Permanent Court of Inter-
national Justice. These provisions read as follows (translation:

"Article 15

If a dispute should arise betweenthe Members of the League of
Nations relating to the interpretation or the application of the
present Convention and if this dispute cannot be settled by ne-
gotiation,t willbe referred to the Permanent Court of International
Justice which is to be established by the League of Nations.
The subjects or citizensofStates Membersofthe LeagueofNations
may likewise bring claims conceming infractions of the rights
conferred on them by Articles5, 6, 7, 7a and 7b of this Mandate
before thesaid Court for decision. The judgment rendered by this
Court will be without appeal in both the preceding cases and will
have the same effect as an arbitral decision rendered according to
Article13 of the Covenant."
It will be noted that the italicized words in the first paragraph

indicate that either the Mandatory or another Member of the
League, could invoke the jurisdiction of the Court. This provision
was subsequently altered.
The representative of France and Lord Milner both said that
they had no objection to the principle of recourse to the inter-
national Court but they both objected to the provision in the second
paragraph which would allow individuals to invoke the jurisdiction
of .the Court. The representative of the United States then agreed
to a modification suggested by Lord Robert Cecil by which the
second paragraph would read as follows:
"The Membersof the League of Nations may likewise,on behalf
of their subjects or citizens, bring claims for infractions of their
rights..."

It was also agreed to delete the references to the specific Articles
in thissame second paragraph. These amendments were agreed to
in the meeting of g July.
On the following day, IO July, a draft to serve as a pattern
for C Mandates was approved with a paragraph concerning reference

to the Court which was identical with the first paragraph of the
United States draft which has just been discussed. At the same
meeting the Commission also approved a draft to serve as a pattern
for B Mandates and this draft contained the two paragraphs as
proposed by the United States but with the amendments which
have been indicated.
On 15 July Lord Milner sent these drafts for B and C Mandates
to the Secretary-General of the Peace Conference in Paris and on
5 August he and Colonel House announced at a session of the
Commission in London that President Wilson and Mr. Lloyd George
had approved both drafts. In the Commission, the French re- AFF. DtTS.-O. AFRICAIX (OPIN. INDIV. DE JZ. JESSUP)
388
autre projet pour les Mandats B. Ce projet contenait deux alinéas
relatifs au renvoi à la Cour permanente de justice internationale.
Il s'agissait des dispositionsuivantes :

((Article15

Si un différends'élève entreles Membres de la Sociétdes Nations
en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de la présente
Convention et que ce différendne puisse êtreréglépar les négocia-
tions, il sera porté devant la Cour permanente de Justice inter-
nationale qui doit êtreétabliepaFla Sociétédes Nations.
Les sujets ou citoyens des Etats membres de la Sociétédes
Nations peuvent égalementporter des réclamationsen cequi concer-
ne des infractions aux droits qui leur sont conféréspar les articles
5, 6, 7, a et 7 b de ce Mandat, devant ladite Cour pour décision.
Le jugement rendu par cette Cour sera sans appel dans les deux cas
précédentset aura le mêmeeffet qu'une sentence arbitrale rendue
en application de l'article 13 du Pact».

On notera que les mots figurant en italiques dans le premier
alinéa indiquent que le Mandataire ou tout autre Membre de la
Sociétédes Nations peuvent invoquer la juridiction de la Cour:
disposition qui a étéamendée plus tard.
Le représentant de la France et lord Milner ont déclarétous deux
qu'ils ne faisaient aucune objection au principe du renvoi à la Cour,
mais qu'ils s'opposaient à la clause du second alinéa qui aurait

permis à des particuliers de faire appel à la juridiction de la Cour.
Le représentant des Etats-Cnis a accepté ensuite une modification
proposée par lord Robert Cecil et amendant le second alinéa dans
le sens suivant :
(Les Membresde la Société des Nations pourront également,pour
le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des réclamations pour
infractionsà leurs droits.».

Il a étéconvenu aussi de supprimer de ce second alinéa toute
référenceaux articlesparticuliers. Cesamendementsont étéacceptés
à la séance du g juillet.

Le lendemain IO juillet la Commission a approuvé un projet-type
pour les Mandats C, avec un alinéa prévoyant le renvoi à la Cour et
identique au premier alinéa du projet américain qui vient d'être
mentionné. Au cours de la même séance,elle a également approuvé
un projet-type pour les Mandats B qui contenait les deux alinéas
proposés par les Etats-Unis, mais amendés dans le sens indiqué
plus haut.

Le Ij juillet lord Milner a envoyé ces projets de Mandats B et C
au Secrétaire généralde la Conférencede la Paix à Paris et le5 aoîlt

lord Milner et le colonel House ont annoncé à une séancetenue par
la Commission à Londres que le président Wilson et M. Lloyd
George avaient approuvé ces deux projets. Devant la Commission,le représentant de la France a fait une réserveau sujet du recrute-
ment des troupes dans les Mandats B et le représentant du Japon
une réserve au sujet de la clause de la porte ouverte dans les Man-

dats C. La Conlmission a décidéde communiquer officiellement les
projets au Conseil des Principales Puissances alliées et associées
siégeant à Paris.A partir de cette date la Commission des Mandats
a cesséde se réunir, mais les textes des projets-type des Mandats B
et Cqui avaient 4téapprouvés ontétéenvoyésauxexperts juridiques
du comité detrédaction de la Conférence de la Paix qui, sans en
discuter le fond, les a mis en forme de traités.
Le 24 décembre 1919 à Paris, le Conseil des chefs de délégation

a examinéles ((projets de conventions relatives aux Mandats D,y
compris celui qui concernait l'attribution du Sud-Ouest africain
allemand à l'Empire britannique (Union sud-africaine).
Il a étéexpliqué au Conseil qu'il s'agissait de textes adoptés à
Londres par la Commission et mis sous forme de traités par les
experts juridiques du comité de rédaction. Dans le projet de
convention relative au Sud-Ouest africain, S.M. le roi du Royaume-
Uni, etc., figure deus fois dans la liste des Hautes Parties contrac-

tantes, la seconde fois (agissant pour et au nom de son t'nion sud-
africaine ».L'article 8 de ce projet de convention est le suivant:

((Toute modification aux termes de ce Mandat devra êtreap-
prouvéeau préalablepar le Conseilde la Sociétédes Nations. Si
une divergence d'interprétation quelconque s'élevait entre les
Membresde la Société des Nations au sujet de l'application de ces
dispositions et que cette divergencene puisse êtretranchéepar des
négociations,celle-cidevra êtreportéedevant leTribunal Permanent
de Justice Internationale qui doit être constitué parla Ligue des
Nations. ))

La rédaction des dispositions qui devaient figurer ensuite dans
le préambule du Mandat est légèrement différente. Lepremier alinéa
du préambule du projet de convention contient une disposition
identique - sauf sur quelques points de style - à celle qui figure
au premier alinéa du texte définitif du préambule. L'alinéa 2 est
un peu différent, mais il mentionne l'article 22 du Pacte et le désir

des Principales Puissances alliéeset associéesde confier à S. M. bri-
tannique un Mandat c(pour le faire exercer en son nom par le
Gouvernement de l'vnion sud-africaine )),puis énonce que les
Puissances ont décidéde conclure une convention. L'article premier
du projet de convention indique ensuite que les Puissances «confè-
rent » le Mandat et que ce Mandat sera exercé par l'Union sud-
africaine conformément à l'article 22 du Pacte. Par l'article 2,
S. M. britannique accepte le Mandat qu'elle exercera ((au nom de

la Sociétédes Nations, conformément aux dispositions suivantes n.
C'est le fondement de l'alinéa3 du préambule du texte définitif. 390 S. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)

At the end of the draft Convention is a sentence:

"Confirmedby the CounciloftheLeagueofNationsthe.. .day of.."

At this time the United States Commission to the Peace Confer-
ence had already returned to the United States but the United
States was represented in the Council of Heads of Delegations. With
reference to the drafts of the "C" Mandates, it was decided that
discussion would be resumed after the Japanese delegate had

received instructions from his government concerning the "Open
Door" reservation. Japan did not disagree with the provision for
recourse to the Court.
The foregoing events al1 took place before the Treaty of Ver-
sailles, of which the Covenant of the League of Nations was a part,
entered into force on IO January 1920. On that date, the Mandate
for South West Africa had not been perfected. The allocation of the
Mandate to the Union of South Africa (represented by Great Britain)
had been agreed. Final agreement on the terms of the Mandate
awaited the final approval of Japan, but they had been drawn up

with Article 22 of the Covenant in mind. The Mandatory was party
to these agreements. The draft Convention contemplated confir-
mation by the Councilof the League of .Nations as the final link and
it is with the Councilof the League that the final stages of perfecting
the Mandate are connected.

At this point the Mandatory was bound by an international ob-
ligation to France, Great Britain, Italy and Japan, to accept the
Mandate for South West Africa, to exercise it according to the

agreed terms, and to submit to the jurisdiction of the Permanent
Court disputes with other Members of the League concerning the
interpretation or application of the Mandate. This agreement was
subject to two conditions subsequent: (1) approval by Japan;
(2) confirmation by the Council of the League. Both of these
conditions were subsequently fulfilled and the international agree-
ment, with certain agreed amendments, was then perfected.

The Council of the League of Nations on 5 August 1920 adopteci

the report prepared by M. Hymans of Belgium on "The Obligations
of the League of Nations under Article 22 of the Covenant (Man-
dates)". This report was designed in part to clarify the respective
roles of the Council and the Assembly of the League in regard to
Mandates, but it constitutes the basic document concerning the
respective roles of the Council of the League on the one hand and
the Principal Allied Powers on the other. It will be recalled that
France, Great Britain, Japan and Belgium, namely the four States
which accepted Mandates-Great Britain acting in several capacities

-were at this time Members of the Council of the League. In
75 Le projet de convention se termine par la formule suivante:

«Confirmépar le Conseilde la Société des Nations le ..jour de...»

A cette époque, la commission américaine à la, Conférencede la
Paix était déjàrentrée aux Etats-Unis, mais les Etats-Unis étaient
représentésau Conseil des chefs de délégation.Quant aux projets
de Mandats C, on avait décidéque les discussions reprendraient
lorsque la délégationdu Japon aurait reçu des instructions de son
gouvernement touchant la réserve japonaise sur la clause de la
((porte ouverte ».Le Japon ne s'opposait pas àla disposition concer-

nant le renvoi devant la Cour.
Tous les événements que nous venons de rappeler ont eu lieu
avant le IO janvier 1920, date de l'entrée en vigueur du traité de
Versailles dont le Pacte de la Sociétédes Nations était partie
intégrante. A cette date, le Mandat pour le Sud-Ouest africain
n'avait pas encore étémis au point. L'attribution du Mandat à
l'Union sud-africaine (représentée par la Grande-Bretagne) avait
étéacceptée. L'accord final sur les termes du Mandat devait être
ensuite approuvé par le Japon mais ces termes avaient étérédigés
en fonction de l'article 22 du Pacte. Le Mandataire était partie à
ces accords. Le projet de convention prévoyait que le Conseil de

la Sociétédes Nations le confirmerait en dernier ressort, et c'est en
effet le Conseil qui s'est chargéde mettre finalement au point le
texte du Mandat.
Le Mandataire était dès lors tenu par une obligation internatio-
nale envers la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon
d'accepter le Mandat pour le Sud-Ouest africain, de l'exercer
conformémentaux termes convenus et de soumettre à la juridiction
de la Cour permanente tout différendqui pourrait s'élever entre lui
et les autres Membres de la Sociétédes Nations concernant l'inter-
prétation ou l'application du Mandat. Cet accord était assorti de
deux réserves: 1) il devait être approuvépar le Japon; et 2) il

devait êtreconfirmépar le Conseil de la Sociétédes Nations. Ces
deux conditions ayant étéremplies ultérieurement, l'accord inter-
national a été mis au point, avec certains amendements acceptés
par tous. '
Le 5 août 1920 le Conseil de la Sociétédes Nations a adopté le
rapport préparépar M. Hymans, représentant de la Belgique, sur
les (Obligations incombant à la Sociétédes Nations aux termes de
l'article22 du Pacte (Mandats) ». Le but de ce rapport était de
clarifier les rôles respectifs du Conseilet de l'Assembléede la Société
des Nations à l'égard des Mandats, mais il constitue aussi le docu-
ment de base relatif aux rôles respectifs du Conseil de la Société

d'une part et des Principales Puissances alliéesd'autre part. On se
souviendra que la France, la Grande-Bretagne, le Japon et la
Belgique, c'est-à-dire les quatre Etats qui avaient accepté des
Mandats - la Grande-Bretagne agissant à plusieurs titres -,
75adopting the Hyrnans Report, the Council of the League approved.
interalin, the following conclusions :

I.There was no disagreement that the right to allocate the
Mandates belonged to the Principal Allied and Associated Powers in
whose favour Germany had renounced its rights in its overseas
possessions.

2. Although the Mandatory was thus appointed by the Principal
Powers it was to govern in the name of the League. "It logically
follows that the legal title held by the Mandatory Power must be
a double one: one conferred by the Principal Powers and the other
conferred by the League of Nations."

3. On the question "By whoin sliall the terms of the Mandates
be determined?" the report said:

"It has not been sufficiently noted that the question is only
partially solved by paragraph 8 of Article22, according to which
the degree of authority, control or administration to be exercised
explicitly definedby the Council." a previous convention,shall be

The report continued that most Mandates would contain many
provisions other than those relating to the degree of authority. It

said that the B and CMandates must be submitted "for the approval
of the Council". In the light of paragraph 6 of Article 22 of the
Covenant, it concluded that "it is not indispensable that CMandates
should contain any stipulation whatever regarding the degree of
authority or administration".

4. The report discussed the meaning of "Meinbers of the League"
as used in paragraph 8 of Article 22. It concluded that this term
could not be taken literally because if it were it would mean that
the Assembly of the League would have to determine the terms of
the Mandates since only the Assembly brought al1 the Members
together ;if the drafters had meant to refer to the Assembly, they
"would have mentioned it by name, rather than used an obscure
periphrasis". The report concluded that when the Article was
drafted it was supposed that conventions dealing with Mandates
would be included in the Peace Treaty and that only the Allied
and Associated Powers would be original Members of the League.
The term "Members of the League" in paragraph 8 of Article 22
was thus intended to refer to al1the signatories, except Germany,

of the Treaty of Versailles. Practically, the report recommended
that the Council ask the Powers to inform the Council of the terms
they proposed for the Mandates.
On 26 October the Council adopted a second report by M.
Hymans on the question of Mandates.
76faisaient alors partie du Conseil de la Société.En adoptant le
rapport Hymans, le Conseil de la Sociétéapprouvait i.nteraliales
conclusions suivantes :

I. Pas de divergence de vues sur le fait que la distribution des
Mandats appartient aux Principales Puissances alliées et associées
en faveur desquelles l'Allemagne a renoncé à ses droits sur ses

possessions d'outre-mer.

2. Bien que le Mandataire soit désignépar les Principales Puis-
sances, c'est au nom de la Sociétédes Nations qu'il exercera son
administration. (Il s'ensuit logiquement que le titre juridique de
la Puissance mandataire doit êtredouble, l'un émanant des Prin-
cipales Puissances, l'autre de la Société desNations. ))

3. A la question ((Qui doit déterminer les termes des Mandats? »
le rapport répond :

((On n'a pas assez remarquéque la question n'est résolue que
partiellement par le paragraphe 8 de l'article 22 suivant lequel,
si le degréd'autorité, de contrôle ou d'administration n'est pas
déterminé par une convention antérieure,le Conseildoit statuer sur
ces points. »

Le rapport indique ensuite que la plupart des Mandats contiendront
bien d'autres prescriptions que celles qui sont relatives au degré
d'autorité. Il précise que les Mandats B et C devront êtresoumis

«à l'approbation du Conseil ».Eu égard au paragraphe 6 de l'ar-
ticle 22 du Pacte, il conclut qu'uil n'est donc pas indispensable
que les Mandats ...C contiennent des dispositions quelconques en
ce qui concerne le degréd'autorité ou d'administration ».

4. Le rapport traite du sens de l'expression (Membres de la
Société ))figurant dans le paragraphe 8 de l'article 22. Il conclut
qu'elle ne saurait être prise au pied de la lettre, car il en résulterait
que le soin de déterminer les termes des Mandats reviendrait à
l'Assemblée de la Société,qui seule réunit tous les Membres;

si les rédacteurs avaient voulu désigner l'Assemblée, ilsauraient
employé ce terme et n'auraient pas eu recours à une périphrase
obscure ». Le rapport conclut que, lorsque l'article a étérédigé, on
croyait que les conventions relatives aux Mandats seraient insérées
dans le traité de paix et que seulesles Puissances alliéeset associées
seraient Membres fondateurs de la Sociétédes Nations. Le terme
((Membres de la Société )voulait désigner dans le paragraphe 8 de

l'article 22 tous les signataires du traité de Versailles, sauf lJAlle-
magne. En pratique, le rapport recommandait au Conseil de de-
mander aux Puissances de lui faire connaître leurs propositions
quant aux termes des Mandats.
Le 26 octobre, le Conseil a adoptéun second rapport présentépar
M. Hymans sur la question des Mandats.

76 This Report stated :
"With regard to Mandates B and C, it appears that the Principal
Powers are in agreement on many points, but that there are
differences of opinion as to the interpretation of certain of the
provisions of Article22, and that the negotiations have not yet
been concluded.
Beyond doubt, it is in every way desirable that the Principal
Powers should be able to arrive at a completeunderstanding and to
submit agreementsto the League.Failing this very desirable agreement
however, the Covenant provides for the intervention of the Council
with a view to determiningthe degree of authority, of controlor of
administration to be exercised by the Mandatories."
..."We sincerely hope therefore that before the end of the
Assembly the Principal Pozejerswill have succeededin settling by
common agreementthe terms of the Mandates which they wish to
submit to the Council." (Italics supplied.)

The difference of opinion to which the Report referred, in the
case of the C Mandates, was the Japanese reservation on the Open
Door.
There is further evidence of the contemporary understanding of
the respective roles of the Principal Powers and of the League
Council in establishing the Mandates. The Prime Minister of Great
Britain said in the House of Commons on 26 July 1920 (whenasked
"Do the Great Powers submit Mandates to the League of Nations?
1s submission the real attitude?"): "The Great Powers are on the
League of Nations, and they are only submitting to themselves."
Again, on 8 November 1920 when asked whether "the right to
determine the terms of the Mandate reposes in the Members of the

League", the Prime Minister answered in the negative and later
stated: "The Great Powers are represented, of course, on the Council
of the League, and these Mandates have to be submitted to the
Council of the League. It will require the unanimous consent of
the Council of the League to reject them ...Nothing can be don.:
except by a unanimous decision of the Council. That means that
nothing can be done without the consent of the Powers concerned."
The question was then put: "1s it not definitely laid down by the
Treaty of Versailles that the degree of authority and control to
be exercised by any Mandatory in a mandatory area is a matter
for the League of Nations, Council or Assembly, to decide?"
The Prime Minister replied: "Yes, subject to the conditions which
I have already indicated." (Italics supplied.)

At the private session of the Council on 4 August 1920, M.

Bourgeois (France) pointed out that :
"the Principal Allied and Associated Powers, at the moment when
the Covenant was drafted, had, in using the phrase 'Membersof the
League', in effect intended to refer to themselves."
77 AFF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 392

Ce rapport déclare
«En ce qui concerne lesmandats B ou C,il apparaît que l'accord
s'est établi entreles Principales Puissancessur de nombreux points,
nais que des divergencessubsistent sur l'interprétationde certaines
dispositions de l'art. et que lesné-ociationsne sont pas arrivées
àlêurterme. -
Assurément,il esthautementdésirablequele PsuissancesPrincipales
puissent réaliserune pleine ententeet soumettre des conventiona su
Conseil. A défautde cette entente si souhaitable,le Pacte prévoit
l'intervention du Conseil l'effetde statuer sur le degréd'autorité,
de contrôle ou d'administrationà exercer par les mandataires.»

.. «Aussi espérons-nousvivement que, avant que l'Assemblée ne
se sépare, les Principales Puissancesamrontarrêté de concertles
fmmules de mandats destinées à êtresoumises au Conseil. » (Les
italiques sont de nous.)

Les divergences dont le rapport fait état dans lecasdesMandatsC
tiennent à la réserve formuléepar le Japon sur la clause de la porte
ouverte.
Il existe encore d'autres documents qui témoignent de la façon

dont était conçu à l'époque le rôle respectif des Principales Puis-
sances et du Conseil de la Sociétédes Nations dans l'établissement
des Mandats. Le premier ministre de Grande-Bretagne déclarait à
la Chambre des Communes le 26 juillet 1920 (en réponse à la
question: «Les grandes Puissances soumettent-elles les Mandats à
la Société des Nations? Est-ce là leur position véritable? 1)):«Les
Grandes Puissances sont Membres de la Sociétédes Nations et ne
soumettent les Mandats qu'à elles-mêmes. » De même, à la question
qui lui était posée le 8 novembre 1920 de savoir si «le droit de

statuer sur les termes du Mandat appartient aux Membres de la
Société D,le premier ministre répondait par la négativeetindiquait
ensuite :(LesGrandesPuissances sont naturellement représentées au
Conseil de la Sociétéet ces Mandats doivent êtresoumis au Conseil
de la Société. Ils ne peuvent êtrerejetés que de l'accord unanime
du Conseil de la Société ...Rien ne peut se faire sans une décision
unanime du Conseil. C'est dire que rien ne peut se faire sans l'ac-
cord des Puissances intéressées. » La question suivante fut alors
posée: «Le traité de Versailles ne prévoit-il pas expressément que

le degré d'autorité et de contrôle à exercer par tout Mandataire
dans un territoire sous Mandat est une question qui relève de la
Sociétédes Nations, c'est-à-dire du Conseil ou de l'Assemblée? »
Le Premier ministre répondit: «Oui, sous réservedes conditions
que j'ai déjà indiquées. » (Les italiques sont de nous.)
Lors de la séancenon publique tenue par le Conseil le 3 août 1920,
M. Bourgeois (France) soulignait:

«Les Puissances alliéeset associées,en usant, lors delarédaction
du Pacte, des mots «Membresde la Société »ont bien entendu voulu
se désigner elles-même s.
77 393 S. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
In a discussion on the Mandate drafts in the Council of the

League on IO December 1920, the Representative of Italy said
that, strictly speaking, by the terms of Artic22 (8)of the Covenant,
no drafts of A Mandates had been brought to the notice of the Coun-
cil since they had not yet been communicated to Italy "and,
consequently, there was, as yet, no agreement in regard to the
matter between the Principal Allied Powers". He referred to the
"necessity of an agreement between the Principal Allied Powers,
as provided for by Article22". (Italics supplied.)

On IO December 1920the Council of the League "declared afresh
that it was its duty to see that the rules laid down in Article 22
were carried out and especially that it was competent to approve
the terms of the Mandates and, in the last resort, if need be, to
draw up the terms".
These salient facts, against the familiar background of the origins
of the Mandate System, lead to the following conclusions:

I. The decision of the Council of Four on 7 May, 1919, allocating
the Mandate for South West Africa to the Union of South Africa,
constituted the first link in what may be called the chain of title.
This "decision" was an international agreement between France,
Great Britain, Italy, the United States and the Union of South

Africa (represented by Great Britain) which had dispositive effect.
Japan subsequently concurred in or adhered to this agreement.

2. Since, the allocation of a Mandate was not equivalent to a
cession of territory and did not transfer sovereignty to the Manda-

tory, it remained to determine what would be the rights and duties
of the Mandatory in its capacity as such. Article 22 of the Covenant,
by which all the States concerned were soon to be bound, indicated
the general nature of these rights and duties.
3. By 24 December 1919 agreement had been reached among

France, Great Britain, Italy and Japan, on the one hand, and
the Union of South Africa represented by Great Britain, on the
other hand, on the terms of the Mandate, except for one unsettled
reservation of Japan. The agreed terms which were unaffected
by the Japanese reservation included a provisionfor the compulsory
jurisdiction of the Permanent Court of International Justice.

4. By December 1920 it had become clear that the Pnited
States had disassociated itself from the Peace Treaty settlements
and from the League of Nations, which fact altered the form, but
not the fact of agreement on the terms of the Mandate for South
West Africa.
This was the situation when on 14 December 1920, 1.1.r.Balfour
handed in to the Council of the League, drafts of the C Mandates.
Among them, the draft entitled

78 Le IO décembre 1920, au cours de la discussion des projets de
Mandats au sein du Conseilde la Société desNations, le représentant
de l'Italie déclarait qu'aux termes du paragraphe 8 de l'article22
du Pacte le Conseil ne se trouvait pas encore saisi à proprement
parler de projets de Mandats Aparce qu'aucun de ces projets n'avait
encore étécommuniqüé à l'Italie et que (cpar conséquent il n'y
[avait] pas encore à leur égard accord entre les Principales Puis-
sances alliées».Il se référaitàla «nécessitéde l'accord desPrincipa-

les Puissaqicesalliées, visépear l'articl22 ».(Les italiques sont de
nous.)
Le IO décembre1920,le Conseilde la Société (affirme de nouveau
qu'il lui incombe d'assurer l'observation des règles poséesdans
l'article22 et qu'il est compétent en particulier pour approuver en
dernier ressort et le cas échéant pour rédigerles termes des Man-
dats )).
Ces faits significatifs, dans le contexte bien connu des origines
du système des Mandats, amènent aux cr>nclusions suivantes:

I. La décisionprise par le Conseil des Quatre le 7 mai 1919 et
attribuant le Mandat pour le Sud-Ouest africain à l'Union sud-
africaine constituait le premier maillon de ce que l'on pourrait

appeler la (cchaîne du titre ». Cette cdécision ))était un accord
international entre la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les
Etats-Unis et 1'Vnion sud-africaine (représentée par la Grande-
Bretagne) et avait effet exécutoire. Le Japon s'est ensuite rallié
à cet accord ou y a adhké.

2. L'attribution d'un Mandat ne constituant pas une cession de
territoire et n'opérant pas un transfert de souveraineté au profit du
Mandataire, restait à déterminer quels seraient les droits et les
devoirs d.u Mandataire en cette qualité. L'article 22 du Pacte,
qui devait bientôt après lier tous les États intéressés,indiquait la
nature généralede ces droits et de ces devoirs.

3. Le 24 décembre 1919 l'accord était conclu entre la France,
la Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon d'une part et 1'Cnion
sud-africaine représentée par la Grande-Bretagne d'autre part sur
les termes du Mandat, exception faite de la réserve du Japon qui
subsistait encore. Les termes adoptés, que la réserve japonaise
n'affectait pas, comprenaient une dispositionrelative àla juridiction
obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale.

4. Il était devenu évident en décembre 19" que les États-unis
s'étaient dissociésdu traité de paix et de la Sociétédes Xations;
la forme de l'accord conclu sur les termes du Mandat pour le
Sud-Ouest africain s'en trouvait modifiée,mais non le fait.

Telle était la situation lorsque le 1.4 décembre 1920 M. Balfour
présenta au Conseil de la Société lesprojets-type de Mandats C.

Parmi ceux-ci le projet intitulé:
78394 S.W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
"MANDATE FOR GERMAN SOUTH WEST AFRICA

Submitted for Approval"

was no longer cast in the form of a formal convention such as
had been discussed by the Council of Heads of Delegations at

Pans, but in the forni of a resolution of the Council of the League
of Nations. This draft began with a preamble of three paragraphs
substantially identical with the first three paraggraphs of the
Mandate as ultimately in force. These three paragraphs are then
followed by one line which reads:
"Hereby [the Council] approves the terms of the Mandate as
follows"

The text of Article 7 of this draft is:
"The consent of the Councilof the League of Nations is required
for any modificationof the terms of the present mandate, provided
that in the case of any modification proposed by the Mandatory
such consent may be given by a majority.
If any dispute whatever shouldanse between the Membersof the
League of Nations relating to the interpretation or the application
of these provisions which cannot be settled by negotiation, this
dispute shall be submitted to the Permanent Court of International
Justice provided for by Article 14of the Covenant of the Leagileof
Nations."

The Council immediately referred this draft to the Secretariat
to be studied by the experts. As appears from subsequent reports
by Viscount Ishii, the Secretanat was concemed to make sure that
the proposed terms conformed to Article 22 of the Covenant and
that the role of the Council of the League should be appropriately
recognized. As stated by Viscount Ishii, what is now the fourth
paragraph of the preamble was inserted

"to define clearly the relations which, under the terms of the
Covenant, should exist between the League of Nations and the
Councilon the onehand, and the Mandatory Poweron the other".
Along the same lines, the one line foliowing the preamble in the
Balfour draft was replaced by the phrase which appears in the
final text, namely :

"Confirmingthe said Mandate, definesits terms as follows:"

The fourth paragraph of the preamble, as inserted by the League
Secretanat, is capable of misconstruction. The English text,
as it appears in the final version of the Mandate, reads as follows:
"Whe~eas,by the aforementioned Article 22, paragraph 8, it is
provided that the degree of authority, control or administration to «MANDATE FOR GERMAN SOUTH WEST AFRICA

Submitted for Approval))

n'était plus rédigé sousla forme d'une convention officielle, telle
que celle qui avait été discutée par le Conseil des chefs de déléga-
tions à Paris, mais bien d'une résolution du Conseil de la Société

des Nations. Ce projet débutait 'par un préa~abulede trois alinéas
identiques en substance aux trois premiers alinéas du Mandat
tel qu'il a étéfinalement mis en vigueur. Ces trois alinéas sont
suivis de la phrase que voici:

comme suits:i»l] par la présente, approuveles termes du mandat

Le texte de l'article 7 du projet est 'le suivant:

((Toute modification apportée aux termes du présent mandat
devra êtreapprouvéeau préalablepar le Conseilde la Société des
Nations; toutefois, dans le cas de modifications proposéespar la
Puissance mandataire, cette approbation pourra être donnée par le
Conseilstatuant à la majorité.
Si un différend quelconques'élevaitentre les Membres de la
Société desNations au sujet de l'interprétationou de l'application
de ces dispositions et qu'il ne puisseêtreréglpar des négociations,
ce différendsera soumis àla Courpermanente de J.istice intematio-
nale, prévue par l'article14du Pacte de la SociétédesNations. »l

Le Conseil a renvoyé immédiatement ce projet au Secrétariat
pour êtresoumis aux experts. Il ressort des rapports ultérieurs du
vicomte Ishii que le Secrétariat s'est efforcéde faire en sorte que
les termes prévus fussent conformes à l'article 22 du Pacte et que le
rôle du Conseil de la Sociétéfût dûment reconnu. Le vicomte Ishii
signalait que le texte qui forme à présent le quatrième alinéa du
préambule avait pour but

«de définirclairementlesrelations qui,aux termes du Pacte, doivent
exister entre la Société desNations et le Conseil,d'une part, et la
Puissance mandataire de l'autre D.

C'est dans le mêmeesprit que la phrase qui suivait le préambule
du projet Balfour était remplacée par celle qui figure dans le texte
définitif, à savoir:
« Par la présente, confirmantle mandat, a statué sur ses termes
comme suit : ))

Le quatrième alinéa du préambule, insérépar le Secrétariat de la
Société des Nations, est sujet à malentendu. Le texte anglais, tel
qu'il apparaît dans la version définitive du Mandat, est le suivant:

« Whereas, by the aforementioned Article 22,paragraph 8, if is
provided that the degree of authority, control or administration

Traduction du Greffe.
79 be exercised by the Mandatory not having been previously agreed
upon by the Members of the League, shall be explicitly defined by
the Councilof the League of Nations:"

It will be seen that this text slightly paraphrases the text of
paragraph 8 of Article 22 of the Covenant. On the other hand,
the French text follows the text of paragraph 8 of Article 22
more closely and, in doing so, brings out more clearly the condi-
tion subject to which the Council was authorized to act.
The French text reads as follows:

"Considérantque, aux termes de l'Articl22 ci-dessusmentionné,
paragraphe 8, il est prévuquesile degréd'autorité,de contrôle ou
d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet
expressémentstatuésur cespoints par le Conseil:"a Sociétéi,l sera

Moreover, in the English text of the Ishii report, the phrase
"not having been previously agreed upon by Members ofthe League"
is set off by commas, thus affording a construction which, in

English, may also be conditional. The use of the comma after
the word "Mandatory" is to be found in the Mandates for Syria,
Lebanon, Palestine, Belgian East Africa, British East Africa,
and the Pacific Islands north of the Equator, but it has dropped
out in the texts of the Mandates for the Pacific Islands south of
the Equator, for Samoa and for Nauru and for South West 4frica.

If the fourth paragraph of the Preamble is read as an assertion
that the Members of the League had not previously agreedupon the
terms of the Mandate, given the interpretation which the Council
and its Members were currently giving to the expression "Members
of the League", the assertion would be not only contrary to the
historical facts but to the recital of those facts in paragraphs two
and three of the Preamble. Moreover, it is perfectly clear from the
record that it was the Principal Powers and not the Council which
"explicitly defined the terms of the Mandate, including those

terms which alone the Council, under stated conditions, was author-
ized by paragraph 8 of Article 22 to define.
This whole fourth paragraph of the Preamble isomitted entirely
from the four Mandates for Togo and the Cameroons which had a
different development. At the meeting of the Council of Four
on 7 May 1919, when the decision was taken to allocate the Man-
dates, it was agreed that the British and French Governments
would make a joint recommendation to the League as to the future
of the former col nies of Togo and the Cameroons; at this point
there was no de 2 sion to place these territories under Mandate.
But the Joint Recommendation of the two Governments to the
League on 17 December 1920 proposed a division of the two colo-
nies betweeii France and Great Britain and, in accordance with

80 -4FF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 395
to be exercisedby the Mandatory not having been p~eviouslyagreed
upon by the Membersof the League, shall be explicitly defined by
the Councilof the League of Nations: ))

On notera que ce texte paraphrase plus ou moins le texte du
paragraphe 8 de l'article 22 du Pacte. Mais le texte français suit
plus exactement le textedu paragraphe Sdel'article 22 et ce faisant

indique plus clairement la condition sous laquelle le Conseil était
autorisé à agir. Le texte français est le suivant:

(Considérant quea,ux termes de l'article 22 ci-dessusmentionné,
paragraphe 8, il est prévuque sile degréd'autorité,de contrôle ou
d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet

d'une Conventionantérieure entreles Membres dela Société, il sera
expressémentstatuésur ces points par le Conseil; 1)

En out-ïe, dans le texte anglais du rapport Ishii, le membre de phrase
Knothaving beenprez~iouslyagreedztponby theMembers oftheLeagzte »
est placé entre deux virgules, construction qui, en anglais, peut
indiquer aussi une condition. La virgule qui figure après le mot
(Ilfandatory )se retrouve dans les Mandats pour la Syrie et le Liban
et pour la Palestine, le Mandat belge sur l'Est africain, le Mandat

britannique sur l'Est africain et les Mandats pour les îles du Paci-
fique situées au nord de l'Equateur, mais elle ne figure pas dans le
texte des Mandats pour les îles du Pacifique au sud de l'Equateur,
ni dans les Mandats pour Samoa, pour Nauru et pour le Sud-Ouest
africain.
Si l'on estime que le quatrième alinéa du préambule affirme que
les Membres de la Sociétédes Nations n'ont pas statué antérieure-

ment sur les termes du Mandat, étant donnél'interprétation que le
Conseil et ses Membres donnaient couramment à l'expression
((Membres de la Sociétédes Nations », cette affirmation ne serait
pas seulement contraire aux faits historiques mais encore à l'énoncé
de ces faits aux alinéas 2 et 3 du préambule. Au reste, il ressort à
l'évidencedu dossier que ce sont les Principales Puissances et non

le Conseil qui ont ((statué 1)sur les termes du Mandat, y compris
les termes que seul, dans les conditions indiquées, le Conseil était
autorisé à définir en vertu du paragraphe 8 de l'article 22.
Ce quatrième alinéa du préambule est tout entier omis dans les
quatre Mandatssur le Togo et le Cameroun, dont l'élaboration a été
différente. A la séancedu 7 mai 1919 du Conseil des Quatre, lorsque
la décision a étéprise de distribuer les Mandats, il a étéconvenu

que les Gouvernements britannique et français soumettraient une
recommandation conjointe à la Sociétéquant au sort des anciennes
colonies du Togo et du Cameroun; il n'avait pas encore étédécidé
de placer ces territoires sous Mandat. Mais la recommandation
concertée présentée à la Sociétédes Nations par les deux gouverne-
ments le 17 décembre 1920 proposait le partage des deux colonies
entre la France et la Grande-Bretagne et prévoyait, dans l'esprit de

80the spirit of Article 22, that they be placed under Mandates. The
two Governments accordingly sent to the Council four draft Man-

dates which are similar tothe other B Mandates. The Joint Recom-
mendation says that the two Governments "venture to hope that
when the Council has taken note of them it will consider that the
drafts have been prepared in conformity with the principles laid
down in the said Article 22, and will approve them accordingly".
Appended to the drafts were signed agreements on the delimi-
tation of the frontiers; the fact that these agreements were signed
and that there was no explicit signed statement saying "The
undersigned agreeto the terms of the Mandates which we are jointly
recommending", is of no juridical consequence. When the Council of
the League approved these four drafts on I August 1922, it did not
insert the new fourth paragraph of the Preamble although it did

insert the final one-line phrase. If it had been the understanding
that under Article 22 of the Covenant the Council actually had to
define al1the terms of the Mandates in the absence of prior agree-
ment by al1the Members of the League, and if the fourth paragraph
of the Preamble as it appears, inter alia, in the Mandate for South
West Africa, is to be so understood, it would be impossible to explain
why these four Mandates were subject to a different nile. The second
paragraph of the Preamble of these four Mandates recites.that the
Principal Allied and Associated Powers had "agreed" that France
and Great Britain should make a joint recommendation concerning
these former colonies and this was evidently treated asan agreement
of the Powers in advance to accept whatever recommendation the

two governments might make. This conclusion is borne out by the
Treaties of 13 February 1923 between the United Statesand France
concerning the rights of the former in French Cameroons and Togo ;
they refer to the agreement ofthe four Powers upon these Mandates,
just as the Treaty of II February 1922 between the United States
and Japan concerning rights in the islands under Japanese Mandate
recites theprior agreement of the same four Powers on the allocation
of the Mandate and on its terms.

So in dealing with A Mandates, the Council, at its Thirteenth
Meeting on 24 July 1922 approved a frank declaration which says:

"In viewof the declarationswhichhave just beenmade, and of the
agreement reached by al1the Members of the Council, the articles of
the Mandates for Palestine and Syria are approved."

The amendments made in Article 7 of the Balfour draft of the C
Mandates are significant. As Viscount Ishii explained, the first para-
graph of Article 7 was amended so as to eliminate the idea of a
majority vote since the Council had in other connections decided
that it should always act by unanimity. l'article22, qu'elles seraient placéessous Mandat. Les deux gouver-
nements ont en conséquence soumis au Conseil quatre projets de
Mandats identiques aux autres Mandats B. Cette recommandation

concertée énonce que les deux gouvernements ((osent espérer que
le Conseil, après avoir pris note des projets, considérera qu'ils ont
étépréparés conformément aux principes énoncésau mêmear-
ticle22 et les approuvera en conséquence )).
Des accords relatifs à la délimitation des frontières étaient an-
nexés aux projets: il est sans effet juridique que ces accords aient
étésignés et qu'il n'existe pas de déclaration spécifiant expressé-

ment : ((Les soussignéssont convenus des termes des Mandats qu'ils
recommandent conjointement. ))En approuvant ces quatre projets
le ler août 1922, le Conseil de la Sociétén'y a pas introduit le
nouvel alinéa 4 du préambule, bien qu'il ait inséréla phrase d'une
ligne qui le suit. S'il était convenu qu'aux termes de l'article 22
du Pacte le Conseil avait à statuer sur tous les termes des Mandats
en l'absence d'un accord antérieur entre tous les Membres de la
Société desru'ations,et si le quatrième alinéadu préambule tel qu'il

figure, entre autres, dans le Mandat pour le Sud-Ouest africain doit
être entendu ainsi, il serait impossible d'expliquer pourquoi ces
quatre Mandats sont régis par des règles différentes. Le second
alinéa du préambule de ces quatre Mandats énonce que les Prin-
cipales Puissances alliées et associées (sont tombées d'accord )que
la France et la Grande-Bretagne feraient une recommandation
concertée concernant ces anciennes colonies et cela a étéévidem-

ment considéré comme un accord conclu à l'avance entre les
Puissances en vue d'accepter toute reconimandation que les deux
gouvernements pourraient faire. Cette conclusion est confirméepar
les traités du 13 février, 1923 entre les Etats-Unis et la France
relatifs aux droits des Etats-Unis dans le Togo et le Cameroun
français; ils se réfèrent à l'accord des quatre Puissances sur les Man-
dats, tout comme le traité du II février 1922 entre les Etats-Unis
et le Japon concernant certains droits dans les îles placées sous

Mandat japonais rappelle l'accord antérieur des quatre mêmes
Puissances sur l'attribution du Mandat et sur ses termes.
Ainsi, le 24 juillet 1922, discutant des Mandats A, le Conseil, en
sa treizième session, a approuvé une déclaration très nette qui
constate que :

Après lesdéclarationsqui viennent d'êtrefaites et vu l'accordde
touslesMembresdu Conseil,lesarticles desMandatspour la Palestine
et la Syrie sont approuvés. »

Les amendements apportés à l'article 7 du projet Balfour pour
les Mandats C sont importants. Comme l'a expliqué le vicomte
Ishii, le premier alinéa de l'article7 a étéamendé de telle sorte qu'il
élimin3t l'idée d'un vote à la majorité puisque le Conseil, en
d'autres eiree&ances, avait décidéque l'unanimité serait toujours
indispensable.397 S. W. AFRIC.4 CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)

The second paragraph of Article 7 was recast in what became its
final form so that its opening phrases read:
['TheMandatory agrees that, if any dispute whatever should arise
between the Mandatory and another Member of the League of
Nations..."

On the other hand, the text in the Balfour draft said: "If any
dispute whatever should arise betweentheMembers of the League of
Nations...", which was the language of the text approved in the
Milner Commission in July , 1919.
I'iscount Ishii explained that this change was inspired by the
thought that the Members of the League, other than the Mandatory
"could not be forced against their will to submit their difficulties to
the Permanent Court".
The various amendments thus suggested by the League Secretar-

iat were accepted by the Council. The representative of Japan made
a declaration that Japan had no objection to the CMandates andthe
Council accordingly approved them. In so far as the Manùate for
South West Africa is concerned, this approval is registered in the
familiar resolution of 17 December 1920. This may be called the
second link in the chain of title.

It may be remarked that this resolution was adopted by the
Council on theday following that on which the Protocol of Signature
of the Statute of the Permanent Court of International Justice

was opened for signature and was then signed, inter alia, on behalf
of al1of the governments which subsequently became Mandatories,
although the signature for the Vnion of South Africa was under
reserve of the approval of the Government of that couritry.
It is apparent that the Council of the League did not "define"
the terms of the Mandate in the sense of originating a definition or
specification thereof;it "defined" them only in the sense of making
them "definite" through the Council's stamp of approval on the
drafts which had been agreed upon by the Principal Powers.

The actual course of events was correctly summarized on 21 Feb-

ruary 1927 by the Secretary of State for the Colonies, responding
to a question in the House of Commons:
"Under Article 119 of the Treaty of Versaillesthe former German
territories in Africa were surrendered to the Principal Allied and
Associated Powerswho, in accordance with Article 22of the Treaty
agreed that the Mandates to administer these territories should be
conferred upon the Government concerned;and proposed the ter~ns
in which the Mandates should be formulated. Having arranged the
allocation and delimitation of these territories as between them-
selves, the Governments concerned agveedto accepttheir respective
iTfmdatesandtoexercisethernon behalf of the League of Nations on .4FF.DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP)
397
Le second alinéa de l'article 7 a alors pris la forme qui devait
devenir définitive, celle dont la phrase initiale est la suivante :

«Le Mandataire accepte que tout différend,quel qu'il soit, qui
viendrait à s'éleverentre lui et un autre Membre de la Société des
Nations...))

Tandis que le texte du projet Balfour, qui était celui que la Corn-
mission Milner avait approuvé en juillet 1919, énonçait: ccSi un
différend quelconque s'élevait entre les Menlbves de la Société des
Nations.. .11l.
Le vicomte Ishii a expliqué que cet amendement s'inspirait
de l'idée que les Membres de la Sociétéautres que le Mandataire
((ne pourraient pas êtreobligésde soumettre leurs différends à la

Cour permanente de Justice internationale sans leur approbation N.
Les différents amendements proposés par le Secrétariat de la
Sociétédes Nations ont donc étéacceptés par le Conseil. Le repré-
sentant du Japon a indiqué ,que son pays ne présentait aucune
objection aux Mandats C et le Conseil, en conséquence, les a ap-
prouvés. Dans le cas du Mandat pour le Sud-Ouest africain cette
approbation est enregistrée dans la résolution bien connue du

17 décembre 1920. C'est là, pourrait-on dire, le second maillon de
la ((chaîne du titre 1).
On peut noter que cette résolution a été adoptéepar le Conseil le
lendemain du jour où le protocole du Statut de la Cour permanente
de Justice internationale a étéprésenté à la signature des Puissances,
puis signé,intev alia, au nom de tous les gouvernements qui allaient
devenir Mandataires, la signature de l'Union sud-africaine n'étant
donnéetoutefois que sous réserve de l'approbation de son gouverne-

ment.
Il est évident ,?ue le Conseil de la Société desNations n'a pas
((statué » sur les termes du Mandat, en ce sens qu'il n'a pas pris
l'initiative de les définir ou de les présenter; il a (statué à leur
égard en ce sens seulement qu'il les a rendus définitifs, en apposant
son approbation sur les projets convenus entre les Principales
Puissances.

L'état de cho>es a été fortjustement résuméle 21 février192.7par
le secrétaire d'Etat aux Colonies, répondant à une question qui lui
était posée à la Chambre des Communes:
« Par l'article119 du traité deVersailles,l'Allemagnea renoncé à
ses anciennes possessions africaines en faveur des Principales Puis-
sances alliéeset associéesqui ont convenu, selon l'article 22 du
traité, que les Mandats relatifsà l'administration de ces territoires
seraient confiésau Gouvernementintéresséet ont proposé lestermes
dans lesquels les Mandats devraient êtreénoncésS . 'étantentendus

sur l'attribution et la délimitation de ces territoires, les Gouverne-
ments intéressés ont acceptéleursMandats respectifset ont également
accepté deles exercerau nom de la Sociétédes Nations et conformé-
Traduction du Greffe.

82 the proposedterms, and the Mandates were then confirmed by the
Councilof the League.. ." (Italics supplied.)

The Council, as is apparent from the fourth paragraph of the Pre-
amble of its resolution of 17 December 1920, purported to take its
action under the authority of paragraph 8 of Article 22 of the Cov-
enant. But Article 7 of the Mandate, with its compromissory clause,
was outside the scope of paragraph 8 .which relates only to the
"degree of authority, control, or administration to be exercised by

the Mandatory". Indeed Article 22 of the Covenant contains no
reference to the Permanent Court. Article 7 at least-whatever one
may say of the other Articles-stems from the agreement of the
Principal Powers and the Mandatory and the resolution of the
Council of the League of 17 December 1920 records the agreement.
The Mandate, as an international institution of the type contem-
plated in Article 22 of the Covenant, was a novelty in international
law and it is not surprising that the agreements which were framed
to give life to the institution present complex aspects. It is the task
of the Court, not to construct some ideal legal pattern which might
have been followed, but to appreciate the facts. Ex factisius orituu.
It is not irrelevant to recall that legal difficulties were encountered
also in the establishment of the Trusteeship System, which, under

Chapter XII of the Charter of the United Nations, was designed to
supersede the Mandates System under the League of Nations. Just
as the text of Article 22 of the Covenant seemed on its face to
envisage an agreement by al1Members of the League, so Article 79
of the Charter provides that "The terms of trusteeship for each
territory ..shall be agreed upon bythe States directly concerned ..."
The fact that it was impossible to reach agreement on the identifi-
cation of "States directly concerned" ispart of a familiar story.The
General Assembly accordingly approved by resolution the terms of
trusteeships without there having been strict compliance with this
requirement of Article 79 of the Charter. The reality of the existence
of "trusteeship agreements", however, can scarcely be questioned.
In the light of this record, it is possible to describe the multifarious

international obligations assumed by the Respondent as Mandatory
for South West Africa.
I. The Mandatory had obligations under the Covenant of the
League of Nations. As a Member of the League, the Mandatory, as
soon as it accepted a Mandate, became bound by those provisions of
Article 22 of the Covenant which specify or indicate the nature

of a Mandatory's obligation. Paragraph 7 of Article 22,for example,
imposed the specific obligation to render an annual report; it is
possible to consider Article 6 of the Council's resolution of December
17,1920, as merely giving specificity to this obligation. Paragraphs I
and 2 of Article 22, supplemented by the general obligations under
Article 23, indicate the general nature of the obligations flowing
from the "sacred trust", and again it ispossible to consider Articles2
83 9FF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 398

mentaux termesproposés.Les Mandats ont alors été confirmés par le
Conseilde la Société..» (Lesitaliques sont de nous.)
Le Conseil, comme il ressort du quatrième alinéa du préambule

de sa résolutiondu 17 décembre1920,prétendait agir sous l'autorité
du paragraphe 8 de l'article22 du Pacte. Mais l'article 7 du Mandat,
par sa clause compromissoire, échappait àla portéedu paragraphe 8,
qui ne vise que le (degréd'autorité, de contrôle ou d'administration
à exercer par le Mandataire ». En fait, l'article 22 du Pacte ne
contient aucune référence à la Cour permanente. L'article 7 à tout
le moins - quoi qu'il en soit des autres articles -- découle de
l'accord desPrincipales Puissances et du Mandataire et la résoliition
du Conseil de la Sociétédu 17 décembre 1920 consigne cet accord.

Le Mandat, en tant qu'institution internationale du type prévu
à l'article 22 du Pacte, constituait une nouveauté en matière de
droit international et il n'est pas surprenant que les accords conçus
pour mettre en Œuvre cette institution présentent des aspects
complexes. Il appartient à la Cour non pas d'interpréter quelque
modèlejuridique idéal qui aurait pu êtreimité, mais d'apprécierles
faits. Ex factis jus oritur. Il peut être pertinent de rappeler ici les
difficultés juridiques rencontrées aussi lors de l'établissement du

régime-detutelle qui, aux termes du chapitre XII de la Charte des
Nations Unies, devait remplacer le système des Mandats de la
Société desNations. De mêmeque le texte de l'article 22 du Pacte
semblait à première vue envisager un accord entre tous les Membres
dela Sociétél,'article 79 dela Chartedispose: « Les-termes du régime
de tutelle ...feront l'objet d'un accord entre les Etats directement
intéressés ..» On sait qu'il n'a pas étépossible de s'entendre sur
la définitiondes ((États directement intéressés ». L'Assembléegéné-
rale a donc approuvé par une résolution les conditions des accords

de tutelle sans avoir satisfait à cette disposition de l'article 79 de
la Charte. On ne saurait cependant mettre en question la réalité de
l'existence de ces «accords de tutelle x.
Eu égard à ces faits, on peut décrire les multiples obligations
internationales assuméespar le défendeur en sa qualité de Manda-
taire pour le Sud-Ouest africain.

I. Le Mandataire assumait certaines obligations découlant du
Pacte de la Sociétédes Nations. Comme Membre de la Sociétéle
Mandataire, du moment qu'il avait accepté un Mandat, était liépar
les dispositions de l'article22 du Pacte qui spécifiaitou précisait la
nature des obligationsdu Mandataire. Le paragraphe 7 de l'article 22,
par exemple, lui imposait l'obligation bien définie d'envoyer au
Conseil un rapport annuel; on peut considérer que l'article 6 de la

résolution du Conseil du 17 décembre1920 ne fait que préciser en-
core cette obligation. Les paragraphes I et2 del'article 22,complétés
par les obligations généralesdécoulant de l'article 23, indiquent la
nature généraledes obligationsqui découlentdela ((missionsacrée »et
83 through 5 of the resolution of 17 December 1920 as filling in the
precise details of these obligations. But in both these instances, the.
''details" were subjects of further agreement outside the Covenant.

The obligations owed by a Mandatory under Article 22 of the
Covenant, like those obligations owed by al1Members of the League

under such Articles as IO and 16 of the Covenant, were owed to
the co-contractors, that is to al1 other Members of the League.
1 do not find it necessary to consider at this point whether these
particular obligations, under the Covenant, were owed also to the
coll~ctivity, that is to the League of Nations itself. 1 shall discuss
later the position of the inhabitants of the Mandated territory.

2. The Mandatory had obligations under the agreements which
it made with the Principal Powers, namely, France, Great Britain,
1t.y and Japan. These agreements are recorded in the resolution

of the Council of the League of 17 December 1920.

The first agreementrecorded in the second paragraph of the Pre-
amble of the resolution must be recalled, although the Mandatory
may not be considered an original party to it. It reads:

" Whereasthe Principal AUiedand AssociatedPowers agreedthat,
in accordance with Article 22, Part 1 (Covenant of the League of
Nations) of the said Treaty, a Mandate should be conferred upon
His Britannic Majesty to be exercisedon his behalf by theGovern-
ment of the Union of South Africa to administer the territory
aforementioned..."

This agreement was the decision of the Council of Four of 7 May
1919. The Preamble is here accurate in referring to the "Principal
Allied and Associated Powers" since the United States, through
President ilso son, participatedin making this basic agreement.
But,asthe United States subsequently pointed out, it was incorrect
to use this term in regard to further agreements in which the
United States did not officially participate. 1 shall hereafter refer
to the "Principal Powers" as including France, Great Britain, Italy
and Japan. The Union of South Africa became a party to this
agreement by the acceptance to be noted in a moment.

The secondagreementrecorded in the same paragraph is recorded
in these words :
"...and have proposed that the Mandate should be formulated in
the followingterms ;"

Subject to the correction just noted concerning the United States
which was the "Associated" Power, this means that the Principal
Powers had "proposed" the "following terms" for the Mandate.

84l'on peut considéreraussi que les articles 2, 3,4 et 5 de la résolution
du 17 décembre 1920 précisent les détails de ces obligations. Mais,
dans l'un et l'autre cas, ces ccdétails» étaient sujets à un accord
extérieur au Pacte.
Les obligations des Mandataires aux termes de l'article 22 du
Pacte, comme les obligations de tous les Membres de la Sociétéen
vertu d'articles tels que les articlesIO et 16 du Pacte, les liaient à
l'égardde leurs CO-signatairesc,'est-à-dire detous lesautres Membres
de la SociétéJ .e ne crois pas nécessaired'examiner pour le moment

si ces obligations particulières découlantdu Pacte les liaient aussi à
l'égardde la collectivité,c'est-à-dire de la SociétdesNations même.
Je discuterai plus bas de la situation des habitants des territoires
sous Mandat.
2. Le Mandataire avait des obligations en vertu des accords qu'il

avait conclus avec les Principales Puissances, à savoir la France, la
Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon. Ces accords sont consignés
dans la résolution du Conseil de la Société desNations du 17 dé-
cembre 1920.
Le premier accordmentionné dans le second alinéadu préambule
de la résolution doit êtrerappelé, encure que l'on puisse considérer
qu'à l'origine le Mandataire n'y était pas partie. Cet alinéa est le
suivant :

«Considéranq tuelesPrincipales Puissancesalliéeset associéesont
convenu qu'un Mandat soit conféré à Sa Majestébritannique pour
êtreexercéen sonnompar le Gouvernementde l'Unionde l'Afrique
du Sud, conformément à l'articl22 du Pacte de la Société des
Nations, sur le territoire du Sud-Ouest africain allemand))

Cet accord était constitué par la décisiondu Conseil des Quatre du
7 mai 1919. C'est à juste titre que le préambule se réfère iciaux
ccPrincipales Puissances alliéeset associées »,puisque les États-Unis,
en la personne du président Wilson, ont participé à l'élaboration
de cet accordfondamental. Mais, comme les Etats-Unis l'ont ensuite
fait observer,le terme est inexact quand il s'agit des autres accords,
auxquels les Etats-Unis n'ont pas participé officiellement. J'utili-
serai dorénavant l'expression cPrincipales Puissances n pour dé-
signer dans le présent texte la France, la Grande-Bretagne, l'Italie

et le Japon. L'Union sud-africaine est devenue partie à cet accord
par l'acceptation dont je parlerai dans un instant.
Le second accord dont le mêmeparagraphe fait état est évoqué
en ces termes:
«...et ont proposéque le mandat soit formuléainsi que suit; >k

Sous réserve de la correction mentionnee à l'instant au sujet des
Etats-Unis, Puissance cassociée »,ce texte implique que les Enci-

pales Puissances avaient K proposé » que le Mandat fût «formulé
84Obviously four Powers could not make a proposa1 jointly without
having agreed upon it, and we know from the historical record that
they had agreed. Again, it may be said that the Union of South

Africa became a party to this agreement by the acceptance which
can now be noted.
The third agreement is recorded in the third paragraph of the
Preamble of the resolution of 17 December 1920, as follows:
"WhereasHis Britannic Majesty, for and on behalf of the Gotrern-
ment ofthe UnionofSouth Africa,has agreedto accept the Mandate
in respect of the said territory and has undertaken to exercise it
on behalf of the League of Nations in accordancewith the following
provisions;"

This is really a double agreement since it first records the accept-
ance by the Mandatory of the Mandate as allocated in the first
agreement of the Principal Allied and Associated Powers, and then

records the acceptance of the second agreement of the Principal
Powers by which the terms of the Mandate were formulated. It is
clear that the words "following provisions" in this paragraph of the
Preamble are identical in meaning with the words "following terms"
in the preceding paragraph. As already stated, these two acceptances
may be considered as equivalent to accessions by the Union of South
Africa to two agreements of the Principal Powers, that is to the
agreement to allocate to the 'L'nion(through His Britannic Majesty)
the Mandate for South West Africa, and to the agreement upon the
terms according to which the Mandate was to be exercised.
It may be noted that the term "acceptance", in accordance with
familiar modern practice, is used here in the sense in which the
term is explained along with "accession", "approval" and other

terms in the 1962 Report of the United Nations International Law
Commission; according to Article I (d) of the Draft Articles on the
Law of Treaties, these terms "mean in each case the act so named
whereby a State establishes on the international plane its consent
to be bound by a treaty". The use of theterm "treaty" is considered
hereinafter .
It has already been explained how the Council of the League pro-
ceeded by its resolution of 17 December 1920 to confirm and to
make definite the terms of the Mandate which had already been
agreed upon by the Mandatory and the Principal Powers. The
various textual amendments included in the Council resolution
being approved by the Council, acting by unanimity, were thereby
approved by Great Britain speaking in its double capacity. It

could be said, therefore, that the fourth agreementis the entire body
of the Council's resolution and it is in this sense that the resolution
has generally been treated as being "the Mandate", which has
usually been considered-as it was considered by al1parties to these
cases-to be a treaty to which the Mandatory was a party. This
point wil1be dealt with later.
85ainsique suit ».Il est évident que les quatre Puissances ne pouvaient
pas faire une proposition commune sans en êtreconvenues aupara-
vant et, historiquement, nous savons qu'il en a étéainsi. Là encore,
on peut dire que l'Union sud-africaine est devenue partie à cet
accord par I'acceptation dont nous allons parler à présent.
Le troisièmeaccord est mentionné dans le troisième alinéa du
préambule de la résolution du 17 décembre 1920:

((Considérantque Sa Majesté Britannique, agissant pour le
Gouvernementde l'Unionde l'Afriquedu Sud, et en son nom,s'est
engagée à accepter le mandat sur ledit territoire et a entrepris de
l'exercer au nom de la Société desNations, conformémentaux
dispositions suivantes;))

Il s'agit là,àla vérité,d'un doubleaccordpuisque letexte mentionne,
d'une part, l'acceptation par le Mandataire du Mandat tel qu'il lui
avait été attribué dans le premier accord des Principales Puissances
alliéeset associéeset, d'autre part, I'acceptation du second accord

des Principales Puissances fixant les termes du Mandat. Il est
évident que dans cet alinéa les mots «dispositions suivantes » ont
exactement le mêmesens que les mots «formulé ainsi que suit )à
l'alinéa précédent.Ces deux acceptations, je le répète, peuvent être
considérées commecomportant adhésion de l'Union sud-africaine
aux deux accords des Principales Puissances, à savoir l'accord
touchant l'attribution àl'Union (par l'intermédiaire de S. M. britan-
nique) du Mandat pour le Sud-Ouest africain et l'accord touchant
les conditions dans lesquelles le Mandat devait êtreexercé.

On peut noter aussi que l'expression ((acceptation », suivant la
pratique moderne habituelle, est employée ici au sens où cette ex-
pression est définieen mêmetemps que les expressions (adhésion »,
((approbation »et autres dans le rapport de 1962 de la Commission
du droit international des Nations Unies; conformément à l'articlI
d) du projet d'articles sur le droit des traités, ces expressions« s,'en-
tendent, dans chaque cas, de l'acte ainsi désignépar lequel 1'Etat
itablit sur le plan international son consentement à êtreliépar un
traité ».L'emploi de l'expression ((traité 1)sera examiné plus loin.
On a déjàdit comment le Conseilde la Société desNations a voulu,

par sa résolution du 17 décembre 1920, confirmer et préciser les
termes du Mandat qui avaient déjà étéconvenus entre le Mandataire
et les Principales Puissances. Ayant été approuvés à l'unanimité
par le Conseil, les divers amendements rédactionnels inclus dans la
résolution du Conseil ont étéde ce fait approuvés par la Grande-
Bretagne en sa double qualité. On peut donc dire que le quatrième
accord est constitué par l'ensemble de la résolution du Conseil et
c'est dans ce sens que cette résolutiona généralementétéconsidérée
comme représentant «le Mandat D, lequel à son tour est générale-

ment considéré - ainsi qu'il l'a étépar toutes les Parties aux
présentes affaires - comme un traité auquel le Mandataire était
partie. Ce point sera examiné plus loin.
85 But the amended text which was adopted for the second para-
graph of Article 7 of the resolution is cast in such a form that it is
justifiable to deal with it separately, perhaps as a fifth agreement.
The paragraphs reads :

"The Mandatory agreesthat, if any dispute whatever should anse
between the Mandatory and another Member of the League of
Nations relating to the interpretation or the application of the
provisions of the Mandate, such dispute, if it cannot be settled by
negotiation,shall be submitted to the Permanent Court of Inter-
national Justice provided for by Article 14 of the Covenant of the
League of Nations."
In contrast to the paragraphs of the Preamble which used the

past tense to refer to agreements already concluded, this second
paragraph of Article 7 is cast in the present tense. Its general form
is in the style of declarations to be made under Article 36 (2) of the
Statute of the Permanent Court of International Justice, by which
States agree to accept the compulsory jurisdiction of the Court;
the provision for reciprocity, while usual, is neither obligatory nor
universal. But it is also similar to a compromissory clause of the
type frequently found in multilateral conventions.
The change in the compromissory clause of Article7, which was
agreed to by the Powers and the Mandatory, did not modify the
obligation of the Mandatory to submit to the jurisdiction of the
Court, an obligation to which the Mandatory had agreed throughout
the drafting stages from the mid-summer of 1919, and which was
included in the third and fifth agreements recorded in the Council's
resolution of 17 December 1920. The change in this clause merely

altered the legal situation relative to obligations of other Members
of the League, on whom (as it was thought) the earlier drafts would
have imposed an obligation to submit to the jurisdiction of the
Court without their even having an opportunity to accept or refuse.

The word "mandate" has been used in many different senses-
to indicate an institution, an instrument, a treaty or agreement,
a grant of authority and a temtory. In whatever way one identifies
the "mandate", it can scarcely be doubted that in accepting the
mandate, the Mandatory incurred international obligations of a
legal character and that it voluntarily agreed to incur those obliga-

tions; the obligations were certainly not imposed upon the Manda-
tory, which, under Article 22 (2) of the Covenant, was a State
"willing to accept" theni. This being the case, the next point to
consider is whether the agreement to incur these international
obligations of a legal character is to be characterized as a "treaty
or conventionJ'. The term "treaty or convention" is used in Arti-
cles 36 and 37 of the Statute, but since in recent times there has
86 AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 401
Mais le texte amendé adopté pour le second alinéa de l'article 7
de la résolution est rédigéde telle sorte qu'on peut en traiter séparé-
ment, peut-être comme d'un cinquièm accord Cet alinéa est le

suivant :
«Le Mandataire accepte que tout différend,quel qu'il soit, qui
viendraità s'éleverentre lui et un autre Membre de la Sociétdes
Nations relatif l'interprétationouà l'application des dispositions
du Mandat, et qui ne soit pas susceptibled'êréglépar desnégocia-
tions, soit soumis la Cour permanente de Justice internationale,
prévuepar l'article4 du Pacte de la Société deNs ations1)

Au contraire des alinéas du préambule où le passé est employé
au sujet des accords déjà conclus, ce second alinéa de l'article7 est
rédigéau présent. Sa forme générale rappelle les déclarations par
lesquelles, en application de l'article, paragraphe 2, du Statut de
la Cour permanente de Justiceinternationale, les Etats s'engageaient
à accepter la juridiction obligatoire de la Cour; pour habituelle
qu'elle soit, la clause de réciprocité n'est ni obligatoire, ni univer-
selle. Mais il rappelle aussi la clause compromissoire qui se retrouve
fréquemment dans des conventions multilatérales.

L'amendement à la clause compromissoire de l'article 7 adopté
par les Puissances et le Mandataire ne modifiait pas l'obligation
imposéeau Mandataire de se soumettre à la juridiction de la Cour,
obligation que le Mandataire avait admise dès les premiers travaux
de rédaction, pendant l'été 1919, et qui était comprise dans les
troisième et cinquièmeaccords consignésdans larésolution du 17dé-
cembre 1920. L'amendement apporté à cette clause modifiait seule-
ment la situation juridique touchant les obligations des autres
Membres dela Société desNations auxquels(pensait-on) les premiers
projets auraient imposél'obligation de se soumettre à la juridiction
de la Cour sans mêmequ'ils eussent l'occasion de l'accepter ou de
la refuser.
*
* *

Le mot «Mandat »a étéemployé dans un grand nombre de sens
différents -. pour désigner une institution, un acte, un traité ou
un accord, l'octroi d'une autorité et un territoire. Quelle que soit
la façon dont on définit le ((Mandat », on ne saurait guère douter
qu'en acceptant le Mandat le Mandataire a assumé des obligations
internationales de caractère juridique et que c'est volontairement
qu'il a accepté de les assumer; ces obligations n'ont assurément pas
étéimposées au Mandataire qui, aux termes de l'article 22, para-
graphe 2,du Pacte, a consenti à les accepter. Cela étant posé,il faut

voir à présent si l'acceptation d'assumer ces obligations internatio-
nales de caractère juridique doit êtrequalifiéede «traité ou conven-
tion ».L'expression «traité ou convention » figure dans les articl36
et 37 du Statut mais, étant donné qu'il n'y a plus eu lieu récemment
86been no justification for distinguishing in law between a treaty and
a convention,only the term "treaty" need be used here for purposes
of analysis.
Here again semantic difficulties are encountered, since, as z
Rapporteur of the International Law Commission has pointed out,
in alldiscussions in the law of treaties there is apt to be confusior
between the instrument in which an agreement is embodied and
the agreement itself. As far back as 1925, a sub-committee of
the League of Nations Committee on the Codification of Interna-
tional Law, referred to "the prevailing anarchy as regards termino-
logy" in the law of treaties. The notion that there is a clear and
ordinary meaning ofthe word "treaty" isa mirage. Thefundamental

question is whether a State has given a promise or undertaking
from whjch flow international legal rights and duties. This point
of view has been generally accepted in modern codifications of the
law of treaties, such as those of the United Nations International
Law Commission, the Harvard Research in International T,aw
and the American Law Institute.
In view of what the International Law Commission in its 1962
Report calls the "extraordinarily rich and varied nomenclature", it
is common ground that the label attached to a treaty is of no legal
significance and that the legal consequences of informal agreements
expressed in a variety of forms may be identical with those re-
sulting from the most forma1 instruments. (Cf. Lissitzyn, "Efforts
to Codify or Restate the Law of Treaties", 62 ColumbiaLaw Review
1166 (1962).) In prepanng draft codes on the law of treaties, rap-
porteurs have at times pointed out that the draft has for conven-
ience, been limited to apply, for example, only to treaties em-
bodied in written instruments. But the 1962 Report of the Inter-
national Law Commission, like that of 1959, emphasizes that the
fact that the articles do not apply to international agreementsnot in
written form "is not to deny the legal force of oral agreements
under international law". The 1959 Report explained: "There maj
be an international agreement, but there may be no instrument
embodying it-i.e., it is an oral agreement, made for example,

between heads of States or Governments ..."(1959 Yearbook of the
International Law Commission, Vol. II, p. 94.)
The recent (1962) draft of the American Law Institute uses the
expression "international agreement" in place of "treaty" and
defines it as "an agreement between States or international or-
ganizations by which there is manifested an intention to create,
change or define relationships under international law". The
comment says "there is no rule of international law which prevents
an oral agreement from constituting a binding international
agreement".
It is also generally recognized that there may be unilateral agree-
ments, meaning agreements arising out of unilateral acts in which
only one party is promisor and may well be the only party bound.
87de distinguer en droit entre un traitéet une convention,nouspouvons
nous contenter du mot ((traité )pour les besoins de notre analyse.

Mais de nouvelles difficultés sémantiques surgissent: comme l'a
dit en effet un rapporteur de la Commission du droit international,

on confond aisément, dans toutes les discussions relatives au droit
des traités, l'instrument qui renferme l'accord et l'accord lui-même.
Dès 1925 un sous-comité du Comité d'experts de la Sociétédes
Nations pour la codification progressive'du droit international a
parlé de ((l'anarchiequi existe actuellement en ce qui concerne la
terminologie 1)dans le droit des traités. L'idée que le mot (traité »
a un sensclair et uniformeest une fiction. La question fondamentale
est de savoir si un Etat a donné unepromesse ou pris un engagement

dont découlent des droits et des obligations internationaux. Cette
façon de voir a étégénéralement admise dans les codifications
modernes du droit des traités comme, par exemple, celles de la
Commission du droit international des Nations Unies. de la Harvard
Research in International Law et de l'dmerican La6 Institute.
Eu égardà ce que la Commission du droit'international a appelé
dans son rapport de 1962 «une terminologie extraordinairement
riche et variée »,on admet généralement que l'étiquette attachée à

un traité est sans importance juridique et que leseffets juridiques de
certains accords non formels exprimés sous des formes très di-
verses peuvent êtreidentiques à ceux des instruments les plus for-
mels. (Cf. Lissitzyn, Eijorts to Codify or Restate the Law of Treaties,
62 Columbia Law Review 1166, 1962.) En préparant des projets de
code sur le droit des traités, les rapporteurs font souvent observer
que le projet, pour des raisons de commodité, ne s'appliquera par
exemple qu'aux traités inclus dans des instruments écrits. Mais le
rapport de la Commission du droit international de 1962, comme

celui de 1959, souligne que le fait que les articles sont limités aux
accords internationaux en forme écrite ((ne revient pas à nier la
valeur juridique des accords verbaux en droit international D.
Le rapport de 1959 précisait: ((Ily a un accord international, mais
pas d'instrument le constatant, c'est-à-dire qu'il y a un accord
verbal conclu, par exemple, entre chefs d'État ou de gouvernement. »
(Annuaire delaCommissiondu droitinternational, 1959, vol. II, p. 96.)
Le récent projet (1962) de 1'American Law Institute emploie

l'expression (accord international ))au lieu de ((traité )et la définit
comme (un accord entre des États ou des organisations internatio-
nales oii se manifeste l'intention de créer, de modifier ou de définir
certains rapports dans le domaine du droit international ». Le
commentaire précise qu'«aucune règledu droit international n'em-
pêche un accord oral de constituer un accord international ayant
force obligatoire ».
Il est généralement reconnu aussi qu'il peut exister des accords

unilatéraux, c'est-à-dire des accords découlant d'actes unilatéraux
aux termes desquels une seule partie s'engage et peut fort bien Unilateral contracts of the same character are recognized in some
municipal legal systems. In the United States, for instance: "In
the case of a unilateral contract, there is only one promisor; and
the legal result is that he is the only party who is under an en-
forceablelegal duty. The other party to this contract is the one to
whom the promise is made, and he is the only one in whom the
contract creates an enforceable legal right." The assent of the
promisee is not always required. (Corbinon Contracts(1950), Vol. 1,

sec. 21.) The doctrine of "consideration", .which plays so large
a part in Anglo-American contract law, has not been taken over
into the international law of treaties.

Professor Brierly, as Rapporteur on the Law of Treaties for the
International Law Commission, declared :

"International legal rights and obligations may of course arise
othenvise than by agreement between a plurality of persons. They
may thus arise by unilateral act, or as a resulof an act to which
the beneficiary of rights created by such act is a stranger ...A
possible explanation of the binding force of so-called unilateral
declarationscreative ofnghts against the declarant is to be found in
the theory of presumed consent of the beneficiary." (1950Yearbook
of the InternationalLazuCommission,Vol. II, p. 227. See also the
report by Lauterpacht as Rapporteur in 1953,ibid.,Vol. II, pp. IOI
f.)

The points of view just summarized are soundly based on inter-
national practice and on the jurisprudence of the international
courts. A few examples of unilateral and informa1 agreements may
be cited.
In the Free Zones case the Permanent Court of International
Justice considered that a unilateral manifesto issued by a domestic

Sardinian organ had the character of a treaty stipulation (A/B
No. 46 (19321,P. 145).
In Inter$retation of theStatute of theMemel Territory(A/B No. 49),
Lithuania claimed that the Statute of the Memel Territory was a
Lithuanian enactment-but it was annexed to the Convention.
Sir William Malkin, arguing for the United Kingdom (Series C
No. 59, pp. 176-178), stated that, "whatever the form of the
Statute might be, its true juridical nature was that of a treaty and
'that any question of interpretation which may arise on the terms
of those instruments [the Convention and the Statute] is to be
'determined, not by analogies drawn from other constitutions or
constitutional laws, but by applying the ordinary methods of

treaty interpretation', a view which the court accepted". (As
summarized, apparently in agreement, by McNair, Law of Treaties
(1961)~p. 12.)
In the case of Railway Trafic, Lithzcaniaand Poland, the Perma-
nent Court of International Justice held that the participation of
88êtrela seule liée. Certains systèmesjuridiques internes reconnaissent
des contrats unilatéraux de mêmecaractère. Aux Etats-Unis, par
exemple, «Dans le cas d'un contrat unilatéral, une seule partie
s'engage; et l'effet juridique en est que cette partie est la seule qui
soit tenue par une obligation juridique exécutoire. L'autre partie
au contrat est celle envers laquelle l'engagement a été pris et cette
partie est la seule en faveur de laquelle le contrat crée un droit
juridique exécutoire. » L'assentiment du bénéficiaire n'est pas
toujours nécessaire (Corbin, Contracts,1950, vol. 1, no 21). La doc-
trine de la «consideration », qui joue un rôle si important aans le

droit contractuel anglo-américain, n'est pas encore passée dails
le droit international des traités.
En sa qualité de rapporteur de la Comniission du droit inter-
national pour le droit des traités, le professeur Brierly a déclaré:

«Les droits juridiques et obligations internationaux peuvent
évidemment prendre naissance autrement que par un accord
entre plusieurs personnes. C'est ainsi qu'ils peuvent résulter d'un
étranger le bénéficiaire desdroits crééspar cet act..C'est dans la
théorie du consentement présumédu bénéficiaire qu'ontrouve
une explication possible de la force obligatoire de ce que l'on appelle
les déclarations unilatérales créatricesde droits à l'encontre du
déclarant.» (A/CN. 4/23, traduction en français, pp. 14-15. Voir
aussi le rapport de Lauterpacht de 1953,A/CN. 4/63.)

Idespoints de vue que nous venons de résumer sont solidement
,étayéspar la pratique internationale et par la jurisprudence des tribu-
naux internationaux. On peut citer quelques exemples de traités
unilatéraux et non formels.
Dans l'affaire des Zones franches, la Cour permanente de Justice
internationale a estimé qu'un manifeste unilatéral émanant d'une
autorité interne sarde avait un caractère conventionnel (Série AIR
no 46, 1932, P. 145)-
Dans l'affaire de l'lntevbrétationdu Statut du territoirede Memel
(SérieA/B no 49), la ~ithbanie a prétendu que le Statut du terri-
toire de Memel avait été créépar une loi lithuanienne, mais qu'il
avait été annexé à la Convention. Sir LI'illiam Malkin, plaidant
pour le Royaunie-Uni (Série C no 59, pp. 176-17s) a fait valoir
que «quelle que soit la forme du Statut, sa véritable nature est celle

d'un traité et que (tout problème d'interprétation auquel peuvent
donner naissance les termes de ces instruments [le Pacte et le
Statut] doit êtrerésolu non à l'aide de comparaisons tirées d'autres
constitutions ou lois constitutionnelles, mais par l'application des
méthodes ordinaires d'interprétation des traités », opinion que la
Cour a admise » (résuméet, semble-t-il, approuvé par McNair dans
The Lan: of Treaties, 1961, p. 12).
Dans l'affaire du Trafic ferroviaire entrela Lithuan etela Pologne,
la Cour permanente de Justice internationale a estiméquela partici-
88the two States inthe adoption of a resolution of the Council of the
League of Nations constituted an "engagement" (A/B No. 42

(1931), P. 116).
The Albanian Declaration to the Council of the League of Nations
on October 2, 1921, which was registered with the League and
published in IX League of Nations Treaty Series, page 173, was
dealt with by the Permanent Court of International Justice as
a treaty in the matter of Minority Schools in Albania (A/B No. 64
(1935)).There were other similar "declarations", e.g. that of Lithua-
nia which entered into force \vithout any "ratification" on II De-
cember 1923 and was registered by the Secretariat of the League
(22 League of Nations, Treaty Series, 393). Like the Minorities
Treaties, these declarations contained clauses accepting the'juris-
diction of the Permanent Court in case of "any difference of opin-
ion as to questions of law or fact arising out of these articles".
On the conclusion that many such unilateral declarations have the
force of treaties, see1953 Yearbook of the International Law Com-
mission, Vol. II, pp. 98 ff.

An unusual item is No. 319 in Vol. 20 of the United Nations
Treaty Series entitled "Communiqué on the Moscow Conference of
the three Foreign Ministers signed at Moscowon 27 December 1945,
and Report of the Meeting of the Ministers of Foreign Affairs of the
Union of Soviet Socialist Republics, the United States of America
and the United Kingdom, dated 26 December 1945, togetlzercon-
stituting an Agreement relating to the preparation of peace treaties
and to certain other problems". [Italics supplied.] The communiqué
recites:"At the meeting of the three Foreign Ministers, discussions
took place on an informal and exploratory basisand agreementwas
reached on the following questions ..."The communiqué is signed
by hlessrs. Byrnes, Bevin and Molotov. The agreement covered
such matters as the decision concerning the participants in signing
certain peace treaties, the establishment of the Far Eastern Commis-
sion, of the Allied Council for Japan, and of the Commission for
Korea, as well as other matters. It is interesting to compare this type
of "agreement" which was registered in the United Nations Treaty

Series, with the "agreements" recorded in the League Council's
resolution of December 17,1920. The question of registration will
be considered later, but it may be noted that:

"The +rotés-verba an~oifternationalcon fer en^inay form an
adequate record of an informa1engagement agreement.The United
Kingdom has been advised in substantially the followingterms:
There is no reason based on its informality why such a record
should not constitute adequate evidence of an international
engagement.International lawprescribesno formforinternational

89pation de deux États à l'adoption d'une résolution du Conseil de
la Société desNations constituait un engagement ))(SérieA/B
no 42, 1931, p. 116).

La déclaration albanaise au Conseil de la Société desNations
du 2 octobre 1921, quiavait étéenregistrée par la Sociétéet publiée
dans le Reczleildestraitésde la SociétédesNations (vol. IX, p. 173)~
a étéconsidéréepar la Cour permanente de Justice internationale
comme un traité dans l'affaire des Ecoles minoritaires en ~llbanie
(SérieA/B no 64, 1935). Il existait d'autres ((déclarations ))simi-
laires, par exemple celle de la Lithuanie qui est entrée en vigueur
sans «ratification» le II décembre 1923 et a étéenregistrée par le

Secrétariat de la Société (S.d. N., Recueil des traités,vol. XXII,
p. 393). A l'image des traités de minorités, ces déclarations con-
tenaient des clauses d'acceptation de la juridiction de la Cour
permanente «en cas de divergence d'opinions sur des questions de
droit ou de fait concernant ces articles )).Quant à la conclusion
d'après laquelle nombre de ces déclarations unilatérales ont
force de traités, voir Comntission dzc &oit international, Rapport
sur le droit des traités,1953 (A/CN. 4/63, traduction en français,

pp. 32 et ss.).
Un exemple peu commun est fourni par le numéro 319 du volume
20 du Recueil des traitésdes Nations Lnies, intitulé « Communiqué
concernant la Conférence tenue à Moscou par les trois Ministres
des affaires étrangères, signé à Moscou le 27 décembre 1945, et
compte rendu des réunions des Ministres des affaires étrangères de
l'union des Républiques socialistes soviétiques, des Etats-Vnis
d'Amérique et du Royaume-Uni, en date du 26 décembre 1945,

dont l'ensemble constitue un accord relatif à la préparation des
traités de paix et à certaines autres questions ».(Les italiques sont
de nous.) Le communiqué déclare: <Au cours de leurs réunions,
les trois Ministres des affaires étrangèresont procédé à des échanges
devues pré1in;inai~eestoflcieuxetsont tombéd s'accordsur lesquestions
suivantes ...))Le communiqué est signé par MM. Byrnes, Revin
et Molotov. L'accord s'étendait à des questions telles que la dé-
cision relative aux Etats signataires de certains traités de paix, la

création de la Commission d'Extrême-Orient du Conseil alliépour
le Japon et la Comn~issionpour la Corée,ainsi qu'à d'autres ques-
tions. Il n'est pas sans intérêt de comparer ce genre d'ccaccord 1)
enregistré dans le Recueildestraitésdes Nations Cnieç aux ((accords ))
contenus dans la résolution du Conseil de la Société desNations
du 17 décembre 1920. La question de l'enregistrement sera discutée
plus loin, mais on peut noter que:

«Le procès-verbald'uneconférenceinternationale peut constituer
un moyen adéquat de consigner un engagement non formel. Le
Royaume-Uni a reçu en substance l'avis suivant:
Il n'y a aucune raison, tirée de son absence de caractère
formel, qu'un tel procès-verbalne puisse constituer une preuve
adéquate d'un engagement international. Le droit international

89 engagements. There is no legal distinction between forma1 and
informal engagements. If an agreement isintendedby theparties
of the form it takes is irrelevant to the question of its existence.
What matters is the intention of the parties, and that intention
may be embodied in a treaty or convention or protocol or evena
declarationcontained in the minutes of a conference."[Italics
supplied.] (McNair,Law of Treaties(1g61),pp. 14-15.)

It is of no juridical consequence that the final agreements re-
corded in the preamble to the resolution of the League Council
of 17 December 1920, frequently referred to as "the Mandate",
have not been located in any published separate signed instrument.
If the fact of agreement is established, the identification of a docu-
ment or instrument embodying the agreement is not required by
any rule of international law. International law contains no rule
comparable to a Statute of Fraudsin some municipal legal systems.
The well-known Ihlen Declaration dealt with by the Permanent
Court in the case of Eastern Greenlandbecame an engagement when
it was uttered; the minute in which it was subsequently recorded
was an instrument which proved the fact andthe content of the
engagement but these might have been proved by other evidence.
As Judge Anzilotti said in hisDissenting Opinion (A/B No. 53, p.91) :

"There doesnot seemto be any rule of international law requiring
that agreements of this kind must necessarily be in writing, in order
to be valid."
Nothing in the form-or formlessness-or novelty ofthe Mandate,
militates against its being considered a "treaty".

It has already been shown that the historical record and the

recital in the Council's resolution of 17 December 1920 prove the
existence of the agreement of the Mandatory for South West Africa
with the four Principal Allied Powers. Both the Permanent Court
and this Court have considered that a Mandatory was bound by
an international agreement, embodied in an article of the Man-
dates, to accept the jurisdiction of the International Court. Specifi-
cally, the Permanent Court in Mavrommatis (Series A, No. 2,
1924) considered that the compromissory clause in the Palestine
Mandate was a treaty or convention upon which its jurisdiction
could be founded in accordance with the requirements of Article 36
of the Statute. With reference to Article 26 of the PalestineMandate
which is the counterpart of Article 7 of the South West Africa
Mandate, the Court said:

Mandate falls within the category of 'matters speciallyprovided for n'assigne aucune forme aux engagements internationaux. Il
n'existeaucunedistinction juridique entre lesengagementsformels
et ceuxqui ne lesont pas.Silespartiesà un accordentendent qu'il
soit obligatoire et qu'il règleleurs relations futures, la question
de la forme attribuée à cet accord est alors sans pertinence au
problème de son existence. Ce qui importe est l'intention des
parties, intention qui peut ressortir d'un traité,d'une convention,
d'un protocole ou même d'unedéclarationinscriteau procès-verbal
d'une conférence.»[Les italiquessont de nous.] (McNair,The Law
of Treaties,1961,pp. 14-15.)
Il est sans effet juridique que les accords définitifs contenus
dans le préambule de la résolution du Conseil de la Sociétédes
Nations du 17 décembre 1920, souvent désignéspar l'expression

«le Mandat »,n'aient été trouvés dans aucun acte signé séparé.
Si la réalité de l'accord est établie, aucune règle de droit interna-
tional n'exige d'identifier le document ou l'instrument contenant
cet accord. Le droit international ne contient aucune règle com-
parable à celles qui se retrouvent en matière de do1dans certaines
législations internes. La fameuse déclaration Ihlen, dont la Cour
permanente a traité dans l'affaire duGroënland orieqztal,est devenue
un engagement dès le moment où elle a étéémise; le document
dans lequel elle a étéultérieurement consignéeétait un instrument
qui constatait la réalitéet la teneur de I'engagament mais celles-
ci auraient pu être prouvées par d'autres moyens. Ainsi que
M. Anzilotti l'a écrit dans son opinion dissidente (SérieA/B no 53,

P. 91):
«Il semble qu'il n'existe pas de règlede droit international qui
exige que des accords de ce genre, pour êtrevalables, soient faits
par écrit.)
Rien dans la forme -- ou dans l'absence de forme - ni dans

le caractère nouveau du Mandat n'interdit de le considérer comme
un «traité ».
J'ai déjà démontré quel'histoire et le contenu de la résolution
du Conseil du 17 décembre 1920 prouvent l'existence de l'accord
intervenu entre le Mandataire pour le Sud-Ouest africain et les
quatre Principales Puissances alliées. Aussi bien la Cour permanente
que la Cour actuelle ont jugé qu'un Mandataire est tenu par I'ac-
cord international, inclus dans un article du Mandat, d'accepter
la juridiction de la Cour internationale. Plus particulièrement, la
Cour permanente a estimé dans l'affaire Mavrommatis (Série A
no 2, 1924) que la clause compromissoire du Mandat pour la Pales-
tine était un traité ou une convention fondant sa conipétence

aux conditions posées par l'article 36 du Statut. Se référant à
l'article 26 du Mandat pour la Palestine, qui est identique à l'ar-
ticle 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain, la Cour a déclaré:

«En l'espèce, lesParties sont d'accord pour reconnaître que
l'article26du Mandat rentre dans la catégorie de«casspécialement406 s. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
in Treaties and Conventions in force' under the terms of Article 36
of the Statute and the British Government does not dispute the fact
that psoceedingshave been duly initiated in accordance with Arti-
cle 40 of the Statute."
It must not escape emphasis that the British Government, one

of the principal authors of the terms of the Mandates, while chal-
lenging the jurisdiction of the Court, agreed that such jurisdiction
could not be challenged on the theory that the Mandate was not a
"treaty or convention" within the meaning of Article 36 of the
Statute.
In the 1950 Advisory Opinion on the International Status of
South WestAfrica, there was no dissent from the view that Article 7
of the Mandate was a treaty conferring jurisdiction on this Court.
In his Separate Opinion (at p. 158), Judge Sir Arnold McNair
cited the Mavrommatis Judgment of the Permanent Court in as-
serting "there can be no doubt that the Mandate, which embodies
international obligations, belongs to the category of treaty or
convention...".
After a decade had passed, Lord McNair evidently found no
reason to changehis view. In the 1961 edition of hiLaw O/ Treaties,
page 639, he says: "A Mandate is essentially a treaty containing
many dispositive provisions, and it is not surprising that the Court
should have pronounced in favour of its survival." In footnote 3,
he adds: "The author begs to refer to his Separate Opinion in
I.C.J. Reports 1950, at p. 146, stating the legal character of a
mandate and the reasons for which it seemed to him that the
mandate survived the events of 1945-1946 and continued to exist."

The more or less contemporary understanding that a mandate
was a "treaty or convention" within the meaning of Article 36 of
the Statute is further supported by an examination of Series E,
No. I of the Publications of the Permanent Court of International
Justice, published in 1925. Chapter III is entitled "The Court's
Jurisdiction", and at page 129, one reads:
"As already stated, the Court's jurisdiction embraces al1matters
specially provided for in treaties and conventions in force. A special
publication, issued by the Court and completed and brought up to
date annually, enumerates these treaties and conventions and gives
extracts from relevant portions. The instruments in question may
be divided into several categories:
A. Peace Treaties...
B. Clauses concerning the protection of Minorities..
C. Mandates ...

The Mandatory States are seven in number. The following list
gives the name of the mandatory, the mandated territory and the
date and place of the conclusion of thecompact."
The finalitalicized word again shows the flexibility of terminology
in this branch of law.

91 AFF. DU S.-O.AFRICSIN (OPIN. INDIV. DE BI.JESSUP)
406
prévus dans les traités et conventions en vigueur »,aux termes de
l'article 36 du Statut, et le Gouvernement britannique ne conteste
pas que la Cour ait étérégulièrementsaisie, en conformitéde I'arti-
cle 40 du mêmeStatut. ))

On ne saurait trop souligner que le Gouvernement britannique,
l'un des principaux auteurs des dispositions des Mandats, tout en
contestant la compétence de la Cour, a reconnu que cette contes-
tation ne pouvait sefonder sur la doctrine d'après laquelle le Mandat
n'aurait pas constitué « un traité ou une convention » au sens de
l'article 36 du Statut.
Dans l'avis consultatif de 1950 sur le Statut i~zternationaldu

Sud-Oztest africain, nulle opinion ne s'est élevéepour contester
que l'article 7 du Mandat soit un traité conférant compétence à la
Cour. Dans son opinion individuelle (p. 158), sir Arnold McNair
cite l'arrêt de la Cour permanente dans l'affaire Jiavromnzatis et
signale qu'~on ne saurait douter en effet que le Mandat, dans lequel
sont incorporées des obligations internationales, appartienne à
la catégorie des traités ou des conventions ...».
Dix ans ont passé sans que lord McNair découvre aucun motif

de changer d'avis. Dans l'édition de 1961 de Tlze Lam of Treaties
(p. 63g), il écrit en effe: «Un Mandat est essentiellenlent un traité
contenant plusieurs règles dispositives et il n'est pas surprenant
que la Cour ait conclu à sa survie. »Il ajoute, à la note 3: (L'auteur
se permet de renvoyer à son opinion individuelle, C. I. J. Recueil
1950 ,age 146, où il expose la nature juridique d'un Mandat et les
raisons pour lesquelles il a estimé que le Mandat a survécu aux
événements de 1945-1946 et continue à exister. ))

La conception plus ou moins récente selon laquelle un Mandzt est
((un traité ou une convention )au sens de l'article 36 du Statut est
confirmée en outre par l'examen du Rapport annuel de la Cour
permanente de Justice internationale paru en 1925 (Série E no 1).
Le Chapitre III est intitulé « De la compétence de la Cour » et on
y lit, à la page 125:

« Comme il est dit plus haut, la compétencede la Cour s'étend à
tous les cas spécialement prévusdans les traités et conventions en
vigueur. Une publication spécialede la Cour, qui est périodiquement
mise à jour et complétéei,ndique quels sont ces traités et conven-
tions, et en donne les extraits pertinents. On peut diviser ces actes
en diverses catégories:
A) Traitésde paix ...
B) Dispositions relatives à la protection des minorités...

C) Mandats. ..
Les pays mandataires sontiau nombre ide sept. La liste suivante
donne le nom du mandataire, l'indication du territoire sous mandat
et la date ainsi que le lieu de conclusion de l'act))

Le mot souligné (en anglais: cornfiact)montre une fois de plus
la souplesse de la terminologie dans cette branche du droit.
91 407 S. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)

Does the Charter of the United Nations reveal a nice choice of
terms to describe international agreements? In interpreting the
Charter, including the Statute of this Court, and in interpreting
the terminology of other treaties, it is important to ascertain
whether the draftsmen have been discriminating in the selection of
terms or whether varying terms have been used without conscious
intention to ascribe to the term any particular meaning or any
limitation upon its meaning. This is especially tme of an instm-

ment like the Charter of the United Nations, the various Chap-
ters of which were drafted by separate commissions and commit-
tees, even though the Conferencealso had an elaborate CO-ordinating
machines..
Examining the Charter of the United Nations, we find in Arti-
cle102 the expression "every treaty and every international agree-
ment". The comparable article of the Covenant of the League of
Nations, namely Article 18, used the expression "treaty or inter-
national engagement". The report of Committee IV12of the United
Nations Conference which prepared the Charter, said that the word
"agreement" in Article 102 should be interpreted to include certain
unilateral engagements of an international character. (XII1

UNCIO 705.)

Article 103ofthe Charter uses merely the expression "internation-
al agreement" but there appears to be no reason to interpret this
Article as excluding any treaty, convention, accord, or other type
of international engagement or undertaking. In Article 80 (1) the
Charter refers to "international instruments to which Members ...
may ...be parties". This clearly includes many kinds of interna-
tional agreements.
In the Statute of the Court, Article 36, paragraph 1, refers to
"treaties and conventions". But in paragraph 2 (a) of the same
Article and in Article 35 (2), only the term "treaty" is used. It
could not possibly be argued that Article 35 (2)and Article 36,

paragraph 2 (a),intended to exclude "conventions" assuming that
one was able to distinguish between a "convention" and a "treaty".

In Article 37 the term used again is "treaty or convention", but
in Article 38 I (a) the text refers merely to "international conven-
tions". Surely it cannot be asserted that this last provision was
designed to exclude "treaties", "agreements", "accords", etc. The
Report of the U.N. International Law Commission, 3 July 1962
(A/CN. 41148,p. 15, para. 7) emphasizes the impossibility of giving
a narrow meaning to the terms in Articles 36 (2)and 38 (1)and that
no clear distinction can be made between the two. It is also true
that on the basis of the terms used, there is no ground for assigning

any particular restricted meaning to the expression "treaty or
convention" in Article 36 or Article 37. La Charte des Nations Unies contient-elle un vaste choix de
termes pour décrire les accords internationaux? En interprétant
la Charte, y compris le Statut de la Cour, ainsi que la terminologie
d'autres traités, il importe d'établir si leurs auteurs ont été pointil-

leux sur le choix des mots utilisés ou si au contraire des termes
divers ont été employés sans que l'on ait eu l'intention de leur
attribuer à chacun un sens particulier ou d'en restreindre la signi-
fication. Cela est particulièrement vrai d'un instrument tel que la
Charte des Nations Unies, dont les divers chapitres ont étérédigés
par des commissions et comités séparés,bien que la Conférence
disposât elle-mêmed'un savant mécanisme de coordination.

Si nous examinons la Charte des Nations Unies, nous trouvons à
l'article 102 l'expression ctout traité ou accord international ».
La disposition correspondante du Pacte de la Sociétédes Nations,
à savoir l'article 18, utilisait l'expression ((traité ou engagement
international ». Le rapport du Comité IV12 de la Conférence des
Nations Unies qui a préparéla Charte précise que le terme ((ac-
cord ))doit êtreinterprétéàl'article 102 comme comprenant certains
engagements unilatéraux de caractère international. (Conférence

des Nations Unies sur I'organisation internationale, vol. XIII,
P- 715.)
L'article 103 de la Charte utilise simpleme~itl'expresion accord
international ))mais il n'y a, semble-t-il, aucune raison d'interpré-
ter cette disposition comme excluant tous traités, conventions,
accords ou autres types d'engagements internationaux. En son
article 80, paragraphe 1, la Charte se réfèreaux (actes internatio-

naux ...auxquels des Membres ...peuvent être parties D. Il est clair
que cela s'étend à plusieurs espèces d'accords internationaux.
L'article 36, paragraphe 1, du Statut de la Cour vise les ((traités
et conventions ». Mais, au paragraphe za) du mêmearticle et à
l'article 35, paragraphe 2, seul le mot ((traité ))est utilisé. On ne
saurait prétendre que les articles 35, paragraphe 2, et 36, para-
graphe 2 a), entendent exclure les ((conventions », à supposer
qu'il soit possible de distinguer entre une ((convention ))et un

((traité ».
L'article 37 utilise à nouveau l'expression «un traité ou une
convention )),mais l'article 38, paragraphe I a), se réfère simple-
ment aux « conventions internationales )). Il est manifestement
impossible de soutenir que cette dernière disposition était destinée
à exclure les ((traités », (accords », ((engagements D, etc. Le rap-
port de la Commission du droit international des Nations Unies
du 3 juillet 1962 (A/CN. 41148, p. 15, par. 7) souligne qu'on ne

saurait attribuer un sens étroit aux termes des articles 36, para-
graphe 2, et 38, paragraphe 1,ni établir entre ceux-ci une distinc-
tion nette. Il est vrai aussi que, d'après les termes employés, on
ne saurait assigner un sens restreint particulier à l'expression
traité ou convention )dans l'article 36 ou l'article 37. 408 S. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
In various alternate pleadings, Respondent considers Article 7
separately and apart from the "Mandate Agreement as a whole",
and this approach can be justified as has already been indicated
by treating this article as a "fifth agreement". For purposes of the
jurisdictional issue now before the Court, Article 7 is the key; if

the consent to the jurisdiction of the Court which was embodied in
Article 7 has not been vitiated and if it is applicable to this Court
and to these Applicants, this Court has jurisdiction to hear the
instant cases on the merits, since, as will be shown, the third and
fourth objections to the jurisdiction are untenable.

The principle of separability is now accepted in the law of treaties,
especially with reference to multipartite treaties, although the older
classicalwriters tended to reject it. It is a doctrine which exists in
municipal contract law (sometimes under the label of "divisibility")
and in the law governing the construction of statutes.

In treaty law the principle is evidenced in connection with the
effect of war on treaties, and by the admission of reservations to
treaties,since reservations essentially constitute the separation of

a part of a treaty from the whole in order to exempt the contracting
party from obligation under the separated part. Numerous examples
of separability in the practice of States are to be found in such
monographs as Tobin, Termination of Multifiartite Treaties (1933) ;
Stephens, Revisions of the Treaty of Versailles (1939); Hoyt, The
Unanimity Rule in theRevision of Treaties; a Reexamination (1959).
ThePermanent Court of International Justice recognized the separa-
bility principle in the Free Zones and in The Wimbledon cases.
From the standpoint of international latv, part of the Mandate
Treaty may have remained in force although other parts did not.

Given the generally agreed proposition that the Mandate as an
institution survived, and the principle of separability being ad-
mitted, the question which, if any, of the provisions of the Mandate
did not survive cannot be tested by an inquiry whether this or that
provision was "essential" to the operation of the Mandate, or

whether it was merely "important" or "useful" or, indeed, "in-
consequential"; there is no objective standard which can be used
to make such an appraisal. The question whicl-ican be answered
is whether some provision or part of a provision became inoperable
and if so whether thar: inoperable portion was so essential to the
operation of the provision in question that the whole provision
falls. The provision which is particularly in question is the reference
in Article 7 of the Mandate to "another Member of the League
of Nations".
In order to analyze the legal position of other "Members of the
League of Nations" in connection with the Mandates which use this

93 Dans plusieurs interventions successives, le défendeur a examiné
séparément l'article 7, indépendamment de l'«accord de Mandat
dans son ensemble »,et cette façon de procéder peut se justifier,
nous l'avons dit, si l'on considère cet article comme un « cin-
quième accord P.L'article 7 constitue la cléde la question de com-
pétence soumise à la Cour; si le consentement à la j~ridiction de la
Cour inclus dans l'article 7 n'a pas étéviciéet s'il est applicable à
la Cour actuelle etaux présents demandeurs,la Cour est compétente

pour connaître des présentes affaires au fond puisque, rious allons
le faire voir, les troisième et quatrième exceptions à sa compétence
ne sauraierit êtreretenues.
Le principe de la séparabilitéest admis à présent dans le droit
des traités, notamment en matière de traités multilatéraau, en-
core que les auteurs classiques plus anciens tendent à le rejeter.
C'est une doctrine qui se rencontre dans le droit interne des contrats
(parfois sous le nom de doctrine de la cdivisibilité ») et dans le
droit régissant l'interprétation des lois.
Dans le droit des traités, il faut chercher la démonstration de ce

principe dans les effets de la guerre sur les traités et dans l'accep-
tation des réservesaux traités, car les réserves co~isistent essentiel-
lement à séparer un fragment d'un traité de son ensemble pour
exempter une partie contractante des obligations découlant du
fragment ainsi séparé. On trouve de nombreux exemples de sépara-
bilitédans la pratique des Etats si l'on se réfère à des monographies
telles que: Tobin, Termination of Multipartite Treaties, 1933;
Stephens, Revisions of the Treaty of Versailles, 1939; Hoyt, The
LTnanimityRzde in the Revision of Treaties; a Reexamination, 1959.
La Cour permanente de Justice internationale a reconnu le principe

de la séparabilité dansles affaires des Zones franches et du Wimble-
don. En droit international, certaines parties de l'accord de Mandat
peuvent êtredemeurées en vigueur, alors que d'autres devenaient
caduques.
Etant donné qu'il est généralement reconnu que le Mandat a
survécu en tant qu'institution, et si l'on admet le principe de la
séparabilité,le point de savoir quelles dispositions du Mandat ont
pu ne pas survivre ne saurait être résolu enrecherchant si telle ou
telle disposition était ((essentielle))au fonctionnement du Mandat
ou n'était qu'«importante » ou (utile » ou même((insignifiante »;
il n'existe pas de critère objectif à appliquer à une pareille apprécia-

tion. Le point qu'on peut trancher est celui de savoir si une disposi-
tion ou une partie d'une disposition est devenue inapplicable et si,
dans ce cas, la partie inapplicable était à ce point essentielle à
l'application de ladite disposition que tout l'ensembleen est devenu
caduc. En l'espècela disposition particulièrement en cause est la
référencefaite dans l'article 7 du Mandat à (un autre Membre de la
Sociétédes Nations ».
Pour analyser la situation juridique des autres ((Membres de la
Société desNations » à l'égard des Mandats qui emploient cette descriptive label in the compromissory article, such as Article 7 of
the Mandate for South West Africa, and in various other articles,
such as Article 5 of that same Mandate, it is not necessary, in my
opinion, to assert that the Members of the League, presumably
represented by the Council of the League, were "parties" to the
Mandate agreements. They were certainly not "parties" to the

agreements between the Mandatories andthe four Principal Powers,
and if the Council Resolution of 17 December 1920 is considered as
the treaty, the facts of history indicate they were not "parties"
thereto although the League of Nations itself may be considered a
"party". The Members of the League were, however, third State
beneficiaries. The inhabitants of theenitories were also beneficiaries
but the present issue before the Court does not require a considera-
tion of the nature of the rights of "any peoples" as mentioned in
Article 80 (1)of the Charter.

It is possible to agree with the Permanent Court of International
Justice that "it cannot be lightly presumed that stipulations fa-
vourable to a third State have been adopted with the object of
creating an actual right in its favour" (Free Zones, Series A/B,
No. 46, p. 147), but still to decide, as that Court did, in the case
then before it, that actual rights were created-in this case, in

favour of Members of the League by the. Mandates. The Peace
settlements at the end of World \Var 1contain various comparable
examples such as Article 380 of the Treaty of Versailles relative to
the Kiel Canal, and other provisions concerning the use of water-
ways of international concern. (Cf. Lauterpacht, The Dez~elopment
of Intenzational Law by the International Court (1958), sec. 96.)

Clearly the provision concerning missionaries in Article 5 of
the Mandate for South West Africa was a stipztlation pour azttrzdi
and the other Members of the League of Nations were beneficiaries
thereof. The provision reads as follows:

"Subject to the provisions of any local law for the maintenance
of public order and public morals, the Mandatory shall ensure in the
territory freedom of conscience and the free exercise of al1forms of
worship, and shall allow al1 missionaries, nationals of any State
Member of the League of Nations, to enter into, travel and reside
in the territory for the purpose of prosecuting their calling."

As Sir Gerald Fitzmaurice, when Rapporteur on the Law of Treaties
for the United Nations International Law Commission, said in the
course of his excellent analysis of the pacta tertiis rule:

"It is not a condition..that the third State should be specified
eo nomine, provided it is clear from the context or surrounding
circumstances what State is intended, or that a group or class oi formule descriptive dans leur clause compromissoire, tel l'article 7
du Mandat pour le Sud-Ouest africain, et dans certains autres
articles tel l'article du mêmeMandat, je ne crois pas nécessaire
de dire que les Membres de la Société,vraisemblablement repré-
sentés par le Conseil de la Société,étaient ((parties»aux accords
de Mandats. Ils n'étaient assurément pas ccfiartie» aux accords
conclus entre les Mandataires et les quatre Principales Puissances;
si la résolution du Conseil du 17 décembre 1920 est considérée
comme le traité, les donnéeshistoriques montrent qu'ils n'y étaient
pas «fiarties»,encore que la Sociétédes Nations elle-mêmepût être

considérée comme ((partje n.Les Membres de la Sociétédes Nations
étaient néanmoins des Etats tiers bénéficiaires.Les habitants des
territoires étaient également bénéficiaires,mais la question présen-
tement soumise à la Cour n'exige pas de rechercher la nature des
droits « d'aucun peuple »,comme ilest dit àl'article 80,paragraphe 1,
de la Charte.
On peut penser avec la Cour permanente de Justice internationale
qu'« On ne saurait facilement présumer que des stipulations avan-
tageuses à un État tiers aient étéadoptées dans le but de créer
en sa faveur un véritable droit 1)(Zonesfranches, série A/B ri046,
p. 147) et cependant juger, comme l'a fait alors la Cour permanente,

que les Mandats ont crééen la présente espècedes droits véritables
en faveur des Membres de la Sociétédes Nations. Les traités de
paix qui ont' mis fin à la première guerre mondiale offrent divers
exemples du mêmeordre, tels l'article 380 du traité de Versailles
concernant le canal de Kiel et d'autres clauses relatives à l'utilisa-
tion des voies fluviales d'intérêt international (cf. Lauterpacht, The
Developmentof International Law by the Intemational Cozirt,1958,
11'96).
Il est évident que la disposition de l'article 5 du Mandat pour
le Sud-Ouest africain concernant les missionnaires était une stipu-
lation pour autrui dont les autres Membres de la Sociétédes Nations

étaient les bénéficiaires.Cet article est ainsi conçu:
«Sous réserve desdispositions de la législationlocale concernant
le maintien de l'ordre public et des bonnes mŒurs, le Mandataire
assurera dans toute l'étenduedu territoire, la libertéde conscience
et le libre exercice de tous les cultes et donnera à tous les mis-
sionnaires, sujets ou citoyens de tout Membre de la Société des
Nations, la facultéde pénétrer,de circuler et de résiderdans le
territoire dans le but d'exercerleur ministèr))

Comnie l'a dit sir Gerald Fitzmaurice dans son excellente analyse
de la règle pacta tertiis, lorsqu'il était rapporteur sur le droit des
traités à la Commission du droit international des Nations Unies:

«Il n'estpas indispensable que1'État tiers soitnommément désigné
à condition que le contexte ou les circonstances dans lesquellesle
traité a étéconclu montrent clairement de quel État il s'agit, ou States is intended of which the claimingState is a member." (1960
Yearbookofthe I. L. C., Vol. II, p. 81.)

The rights of these beneficiaries could be protected by contentious
proceedings in the Permanent Court of International Justice be-
cause the compromissory clause in Article 7 was also a stipulatio,

pour autrui of which League Members were beneficiaries. The
"missionary clause" in Article 5 is the type of clause which Lord
Finlay discussed in connection with the Palestine Mandate as
being appropriate for submission to the Court. It supplies in this
case a test for the survival of certain rights, thus contributing to
a d~cj~innon the principle of such survival.

In the report of Cornmittee 11712on Article 102 of the Charter,
to which reference has already been made, it is implied that a
third State which is the beneficiary of a unilateral engagement of
an international charackr, must "accept" the engagement in order
to make itbinding. This intimation may well have been based upon
an incidental comment of the Permanent Court in its discussion of
the pactatertiisrule in the FreeZones case. Lauterpacht's analysis
of this judgrnent of the Permanent Court in which he concludes
the Court did not consider forma1 acceptance to be requisite, is
Sound. (Ibid.pp. 306 ff.) But if.genera1 acceptance by Members of
the League in advance of specific invocation were considered
necessary, one can find it in the Assembly's acceptance of the C
Mandates and in the continuing conduct of both the Council and
the Assembly with reference tothe administration ofthe CMandates.

As already quoted, Brierly, as Rapporteur for the International
Law Commission, suggested an explanation of the binding force
of unilateral declarations creative of rights against the declarant, in
a theory of "presumed consent of the beneficiary". As also quoted
above, Corbin notes that in American contract law, the assent
of the promisee is not always required. A stipulationpour autrui
may also be considered an offer which remains outstanding until
withdrawn or terminated in some other way. Since, as will be shown
to be tme in these cases, the offer contained in Article 7 was still
outstanding on 4 November 1960, the filing of the Applications on
that date was an acceptance.

Most of these explanations of unilateral engagements are based
upon some municipal system of contract law and reveal an anxiety
to fit international law into a national suit of legal clothes. For this
purpose there is at times laboured insistence upon identifying the
parties. It may be for this reason that this Court has analyzed
declarations under the Optional Clause as acts by which a "State
becomes a Party to the system of the Optional ClauseJJand speaks
of the "contractual relationbetweenthe Parties". (Rights of Passage

95 AFF.DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 410

bien qu'il s'agitd'un groupe ou catégoried'États dont fait partie
l'État qui réclame lebénéficedes dispositionsen question. (An-
nuairede la Commissiondzcdroitinterruational,960,vol. II, p. 76.)
Les droits de ces bénéficiairespouvaient êtreprotégéspar voie de
procédure contentieuse devant la Cour permanente de Justice
internationale du fait que la clause compromissoire de l'article 7
étaitaussiune stipulation pour autrui dont bénéficiaienltes Membres
de la SociétéL. a«clausedesmissionnaires »de l'articl5 est le type
des clauses'dont lord Finlay indiquait, au sujet du Mandat pour
la Palestine, qu'elles pouvaient être soumises à la Cour. Elle
fournit en l'espèce un critère quant à la survivance de certains
droits, contribuant ainsi à une décision sur le principe de cette
survivance.

Le rapport du Comité IV/z sur l'articl102 de la Charte, dont
j'ai déjà parlé, implique que l'État tiers bénéficiaired'un enga-
gement unilatéral de caractère international doit «accepter »
cet engagement pour qu'il devienne obligatoire. Cette suggestion
peut fort bien êtreissue d'une remarque incidente faite par la Cour
permanente lors de son examen de la règlepacta tertiis en l'affaire
des Zones franches. L'analyse que Lauterpacht fait de cet arrêt
dela Cour permanente et où il conclut que la Cour n'a pas considéré
l'agrément officiel comme un préalable est très exacte. (Ibid.,
pp. 306 et ss.) Mais, si l'accord général desMembres de la Société
des Nations était considérécomme une condition nécessaire pour
qu'ils pussent invoquer spécifiquement le bénéfice en question, on
peut trouver cet accord dans l'agrément que l'Assembléea donné
aux Mandats C et dans l'attitude constante du Conseil comme de
l'Assembléeà l'égard del'administration des Mandats C.
On a vu, dans une précédentecitation, que Brierly, rapporteur
de la Commission du droit international, propose une théorie du

« consentement présumé du bénéficiaire »pour expliquer la force
obligatoire des déclarations unilatérales créant des droits à l'en-
contre du déclarant. De même Corbin,citéplus haut, observe que,
dans le droit américain des contrats, l'assentiment de l'engagé
n'est pas toujours exigé. Une stipulation pour autrui peut aussi
étre considéréecomme une offre demeurant en vigueur jusqu'à
ce qu'elle soit retirée ou abrogéed'une autre façon. Puisque, comme
nous montrerons que c'est le cas dans les présentes affaires, l'offre
incluse dans l'article 7 était encore valable le4 novembre 1960,
le dépôt des requêtesà cette date a constitué acceptation.
La plupart de ces explications des engagements unilatéraux se
fondent sur un système interne de droit des contrats et révèlent
le souci d'habiller le droit internatioà la mode du droit interne.
C'est pourquoi l'on observe parfois une insistance marquée à
identifier les parties. C'est peut-être aussi pourquoi la Cour a
analyséles déclarations faites en vertu de la disposition facultative

comme des actes par lesquelsun « État ..devient Parti eu système
de la disposition facultati»eet parlédu «rapport contractuel entre
95over Indian Territory, Prelimi~ary Objections, I.C.J. Reports 1957,
p. 145. Italics inserted.) The Permanent Court of International
justice, however, had pointed out that a declaration under the
Optional Clause is "a unilateral act" (Phosphatescase, Series A/B,

No. 74, p. 23), and, as Lauterpacht has reminded, "Privity of
contract is not a general principle of law". International law, not
being a formalistic system, holds States legally bound by their
undertakings in a variety of circumstances and does not need either
to insist or to deny that the beneficiaries are "parties" to the
undertakings.

The situation in regard to the rights of Members of the League
as third States beneficiaries, may be more clearly seen in its basic
elements if one considers (without any wish to consider the merits
and solely by way of illustration) one of the B Mandates, such as
that held by Belgium for Ruanda-Urundi. Under Article 7 of this
Mandate, Belgium agreed to the so-called Open Door principle
which, inter alia, forbade Belgium to discriminate in favour of her
own nationals and against the nationals of other "Members of the
League" in the granting of concessions. It is not apparent why it
would be reasonable to say that while it would have been a viola-
tion of Belgium's contractual obligation so to discriminate against

a French citizen in the matter of a concession on 18 April 1946,
the day before the dissolution of the League, Belgium would have
been free so to discriminate on 20 April 1946. On the contrary, if
Belgium had so discriminated on 20 April, France could properly
(if diplomatic negotiations failed to result in a settlement) have
seized the Court of this dispute concerning the interpretation or
application of the Mandate, relying on Article 13 of the Mandate
for Ruanda-Urundi (which contains a compromissory clause iden-
tical with that in Article7 of the Mandate for South West Africa),
and on Article 37 of the Statute to which both Belgium and France
are parties.

In the Mandate for South West Africa the Open Door Clause
was not included, but there was the provision in Article 5, already
quoted, requiring the free admission of missionaries who were
nationals of a "Member of the League". This Article embodies the

same provisions as those in Article 8 of the Belgian Mandate. 1s it
to be assumed, following the same line of reasoning as before,
that in this case, the Mandatory would have been free (so far as
the obligation in the Mandate was concerned and assuming for the
moment the non-applicability of any general rule of international
law concerning the rights of aliens) to exclude or to oust a French
missionary from South West Afnca on 20 April 1946? There is no
justificatior? for such a conclusion as a matter of common sense
96 les Parties.» (Droit de +assagesur territoire indien, exceptions pré-
liminaires, C.I. J.Recueil1957,p. 146.)(Lesitaliquessontdenous.) La
Courpermanente de Justice internationaleavait fait toutefois obser-
ver qu'une déclaration faite aux termes de la disposition facultative
constitue un ((acte unilatéral 1)(affaire des Phos+hates,Série A/B
no 74, p. 23) et, comme l'a rappelé Lauterpacht, «L'exclusivité
des contrats n'est pas un principe généralde droit. )Le droit inter-
national, qui n'est pas un système formaliste, tient les États pour
liés juridiquement par leurs engagements dans plusieurs sortes

de circonstances et il n'a besoin ni de confirmer ni de nier que les
bénéficiairessoient ((parties ))à un engagement.
La situation en ce qui conceTne les droits des Membres de la
Sociétédes Nations à titre d'Etats tiers bénéficiairespeut être
jugée plus clairement dans ses éléments fondamentaux si l'on
examine (sans vouloir en aucune façon considérer le fond et uni-
quement à titre d'illustration) l'un des Mandats B, tel celui de la
Belgique sur le Ruanda-Urundi. Aux termes de l'article 7 de ce
Mandat, la Belgique a accepté le principe dit de la porte ouverte,
qui interdisait entre autres à la Belgique toute discrimination en

faveur de ses propres ressortissants et au détriment de ceux de
tout autre Membre de la Sociétépour l'attribution de concessions.
On voit mal comment on pourrait affirmer que, silefait d'établirune
discrimination à l'encontre d'un citoyen français dans une affaire
de concession le 18 avril 1946, c'est-à-dire le jour qui a précédé la
dissolution de la Sociétédes Nations, constituait une violation des
obligations contractuelles de la Belgique, cet Etat aurait eu toute
licence d'imposer pareille discrimination le 20 avril 1946. Au
contraire, si la Belgique avait procédé à cette discrimination le
20 avril, la France aurait étéen droit (au cas où des négociations
diplomatiques n'auraient pu aboutir à un règlement) de saisir la

Cour de ce différend relatif à l'interprétation ou à l'application
du Mandat en s'appuyant sur l'article 13 du Mandat pour le
Ruanda-Urundi (qui contient une clause compromissoire sem-
blable à celle de l'articl7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain) et
sur l'article 37 du Statut, auquel la France et la Belgique sont
parties.
La clause de la porte ouverte ne figure pas dans le Mandat pour
le Sud-Ouest africain mais son article 5 contient une disposition
touchant le libre accès et la libre circulation des missionnaires
sujets ou citoyens de tout ((Membre de la Société desNations ».

Cet article contient les mêmesdispositions que celles de l'article 8
du Mandat belge. Suivant le mêmeraisonnement, doit-on supposer
qu'en pareil cas le Mandataire autait étélibre (en ce qui concerne
l'obligation contenue dans le Mandat et en admettant pour le
moment qu'aucune règlegénéralede droit international concernant
les droits des étrangers ne fût applicable) d'exclure ou d'expulser
un missionnaire français du Sud-Ouest africain le 20 avril 1946?
Au'point de vue du bon sens et d'une interprétation raisonnable,

96 and reasonable construction unless again one espouses the rejected
view that on the dissolution of the League nothing whatever
was left of the Mandate or of the rights and obligations appertaining
thereto, and unless one ignores the Mandatory's undertaking given
at the final session of the League Assembly which will be discussed
shortly.

But, it is argued, the right of the French missionary to enter
into or to reside in South West Africa depended, according to the

terms of Article 5 of the Mandate, upon the missionary being a
national of a "Member of the League" ; after the dissolution of the
League there were no Members and hence no nationals of Members.
Accordingly, it would be said, the French missionary did lose his
right to enter or reside at the moment when the League was dis-
solved.

Such an argument assumes that the reference to "another
Member of the League" was not, as Lord McNair concluded in his
Separate Opinion in 1950 (at pp. 158-15g), descriptive of a class
or category, but that it posed an imperative condition. The most
reasonable interpretation is that the specification of beneficiaries of
various provisions in al1 the -Mandates in terms of "Members of
the League" was the natural result of the fact that the Mandates
were drawn up as part of the whole League system,a system which
it was fondly hoped in 1919 would become universal. In drawing
up agreements within the framework of this system, it was natural
torefer to other Members of the League.Article 22 of the Covenant,
in accordance with which the Mandates were established, was part of
the Treaties ofPeace ending agreat war with Germany and her allies.
It is reasonable to suppose that the drafters may have had in mind

a specification which would, immediately after the War, deny
privileges in the mandated areas to Germans or other ex-enemies.
This interpretation is borne out by the incident of the rejection of
the complaint in 1925 by Germany before becoming a Member of
the League. (Permanent Mandates Commission, Minutes 7th Session
(1925), p.54.) But the quality of League Membership as compared
subsequently to the quality of a friendly former CO-belligerentsuch
as the United States, was not, and was not intended to be, an
essentialquality or a perpetually imperative condition. The loss by
the French missionary in 1946 of the quality of being a national
of a "Member of the League" did not introduce any element of
frustration which would impede the performance of the Mandatory's
obligation to permit his entry and residence. Granted the reasons
which have been suggested why there should have been granted
special rights to the Members in 1919, such reasons would not be
applicable in 1946; cessanteratione legis, cessat i$sa lex. If the
Mandatory claimed the right to limit the privileges to missionaries
who were nationals of States which were Members of the League

97 AFF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 412

rien ne parait justifier une telle conclusion à moins, je le répète,
que l'on ne soutienne la thèse, qui a étérejetée, d'après laquelle,
à la dissolution de la Société des Nations, rien n'est demeurédu
Mandat ni des droits et obligations qui s'y rattachaient et à moins
qu'on ne négligeles engagements pris par le Mandataire à la der-
nière session de l'Assembléede la Sociétédes Nations, engagements
dont je parlerai un peu plus bas.

Mais, dira-t-on, le droit pour le missionnaire français d'entrer
ou de résider dans le Sud-Ouest africain dépendait, en vertu des
termes de l'article 5 du Mandat, du point de savoir s'il avait la
nationalité d'un pays (Membre de la Sociétédes Nations n; après
la dissolution de la Société,il n'y avait plus de Membres de cette
Sociétéet par conséquent plus de ressortissants des États Membres.
Il s'ensuit, dira-t-on, que le missionnaire français avait perdu le
droit d'entrer ou de résider dans le territoire dès le moment où la
Sociétéavait étédissoute.
Un argument de ce genre suppose que la rgférenceà «un autre

Membre de la Sociétédes Nations )n'étaitpas, comme lord McNair
Sa affirmé dans son opinion individuelle de 1950 (pp. 158-159)~
descriptive d'une classe ou d'une catégorie, mais qu'elle posait
une condition impérative. L'interprétation la plus raisonnable est
que le fait de désigner les bénéficiairesdes diverses dispositions de
tous les Mandats par l'expression ((Membre de la Société des
Nations » découlait naturellement de ce que les Mandats étaient
conçus comme des parties de l'ensemble du système de la Société
des Nations, système dont on espérait bien en 1919qu'il deviendrait
universel. En établissant des accords dans le cadre de ce système,

il était naturel de se référeraux autres Membres de la Société.
L'article 22 du Pacte, en vertu duquel les Mandats ont étéétablis,
faisait partie des traités de paix qui mettaient fin à la Grande
Guerrecontre l'Allemagneet sesalliés.Il est raisonnable de supposer
que les auteurs de ces traités envisageaient une spécification qui,
au lendemain de la guerre, retirerait à l'Allemagne ou aux autres
pays ex-ennemis tous privilèges dans les territoires sous Mandat.
Cette interprétation est corroboréepar l'incident touchant le rejet
de la plainte présentéepar l'.Allemagneen 1925, avant qu'elle ne

devienne Membre de la Société desNations. (Commissionpermanente
des Mandats, procès-z;erbazrx .me session, 1925, p. 52.) Mais l'appar-
tenance à la Société, comparéeà la qualité d'ancien co-belligérant
amical qui devait êtreplus tard celle des États-'~nis, n'était pas
considéréeou n'avait pas étéconçue comme une qualité essentielle,
ni comme une condition perpétuellement impérative. Lorsqu'en
1946 le missionnaire français avait perdu la qualité de ressortissant
d'un ((Membre.de la Société ))il n'en était résulté aucun élément
de frustration de nature à empêcherle Mandataire de respecter ses
obligations quant au droit d'entrée et de résidencede ce mission-

naire. Si l'on admet les motifs dont on a dit qu'ils pouvaient expli-
quer que certains droits spéciaux eussent étéaccordésaux Membres
97when the League came to an end, the claim would be reasonable
and it would avoid any charge that there was imposed on the
Mandatory an obligation more onerous than that which it had
originally assumed.

Whether the presence of missionaries in the territory in question
was "essential" to the discharge of the "sacred trust" can scarcely
be determined by some objective test, subjectively conceived; per-
haps an answer could be given by taking evidence, but 1 leave
that aside.
If it be said that only such elements of the Mandates survived
as related to the welfare, etc., of the inhabitants, then the rights
of missionaries would be included in that group of provisions. The
rights of missionaries in the South West African Mandate are set
out in Article 5,which deals in general with freedom of conscience
and worship. Surely the Mandatory should not be privileged to
interfere with the religious life of the inhabitants by expellingis-
sionaries on April 20 1946, on the technical ground that they no
longer qualified as nationals of a Member of the League. If this
stipulation pour a.utr~isurvived the dissolution of the League des-

pite the reference to a descriptive qualification which was no longer
applicable, other such stipulations could also have survived.

What then of Article 7-and for the purpose of the present
analysis one refers only to paragraph 2 of that Article? Again one
looks in vain for some established objective test to determine.
whether in 1919 and 1920 possible reference to the Court was con-
sidered "essential" to the operation of the Mandate. One knows
that the provision was inserted in al1 the drafts from the outset
without any opposition to the fundamental principle, though there
were some drafting problems to which attention has been called.
In Mavrommatis, Lord Finlay said (at page 43) "it was highly
necessary that a Tribunal should be provided for the settlement

of such disputes" as he thought might well arise under the Palestine
Mandate; he might have felt differently about C Mandates, but
the Court clause was in A, B and CMandates asin al1the minorities
treaties. LVas there frustration, impossibility of performance
after 19 April 1946? Did Article 7 become inoperable? In contrast
to Article 6, where the organ-namely the Council of the League-
disappeared, in Article 7 a new organ had been substituted for
the old by the operation of Article 37 of the Statute of the Court
to which of course the Mandatory was a party. That transformation
took place on the birth of the United Nations, and there can be
no doubt that Article 7 provided for reference to this Court during
that period from the birth of the United Nations to the death of the
League. AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 413

de la Sociétédes Nations en 1919, ces motifs n'étaientplus valables
en 1346; cessanterationelegis,cess'ztipsa kx.Si le Mandataire avait
réclaméledroit de limiter les privilègesaux missionnairesressortis-
sants des États Membres de la Société des Nations au moment de sa
dissolution, cette prétention aurait étéraisonnable et aurait évité
qu'on ne prétendît que le Mandataire s'était vu imposer une
obligation plus lourde que celle qu'il avait assumée à l'origine.
Le point de savoir si la présence demissionnaires sur le temtoire
en question était ((essentiell» à l'accomplissement de la «mission
sacrée » ne peut guère êtredéterminéà l'aide d'un critère objectif
conçu subjectivement; peut-être pourrait-on y répondre en recher-
chant des documents, mais je n'aborderai pas cette question.
Si l'on prétend que seuls ont survécu les élémentsdu Mandat

ayant trait au bien-être, etc., des habitants, les droits des mission-
naires doivent êtrecompris dans cette catégorie de dispositions.
Dans le Mandat pour le Sud-Ouest africain ces droits figurent à
l'articl5, qui se rapporte en généralà la libertéde conscience et de
culte. Il est certain que le Mandataire ne pouvait avoir le droit de
s'ingérerdans la vie religieuse des habitants en expulsant des mis-
sionnaires le20 avril 1946, pour la raison techni,que qu'ils ne possé-
daient plus la qualité de ressortissants d'un Etat Membre de la
Sociétédes Nations. Si cette stipulation pour autrui a survécuà la
dissolution de la Sociétédes Nations en dépit de la qualification
descriptive qui n'est plus applicable, d'autres stipulations peuvent
aussi avoir survécu.
Qu'en est-il donc de l'artic7 - étant entendu qu'aux fins de la
présente analyse nous ne nous référeronsqu'au second alinéade cet

article? Là encore, on cherche en vain quelque critère objectif re-
connu pour déterminer si en 1919-1920 le recours éventuel à la
Cour était considérécomme ((essentiel » au fonctionnement du
Mandat. On sait que cette disposition a étéinscrite dès le départ
dans tous les projets sans aucune opposition quant au principe
fondamental, quoique certains problèmes de rédaction retinssent
l'attention. Dans l'affaire Mavrommatis, lord Finlay a déclaré
(p. 43) ((qu'il était au plus haut point nécessaire qu'un tribunal
fût prévu pour réglerces conflits » qu'il estimait pouvoir surgir du
Mandat pour la Palestine; peut-être en aurait-il jugédifféremment
des Mandats C, mais la clause touchant la Cour figurait dans les
Mandats A, B etC comme danstous les traités de minorités. Y a-t-il
eu après le 19 avril 1946 frustration ou impossibilitéd'application?
L'article 7 est-il devenu inapplicable? Dans le cas de l'article7,

contrairement à celui de l'article6où l'organe - à savoir le Conseil
de la Sociétédes Nations -- a disparu, un nouvel organe a été subs-
titué à l'ancien par l'effet de l'article 37 du Statut de la Cour
auquel le Mandataire était évidemment partie. Cette transforma-
tion a eu lieu à la naissance de l'organisation des Nations Unies et
il est hors de doute que l'articl7 prévoyait le recours à la présente
Cour pour la période dant de la création des Nations Unies à la
disparition de la Sociétédes Nations.

98 On the dissolution of the League it is true there were no longer
States which were "Members of the League", but did this fact
frustrate performance? It has been shown that the disappearance
of the quality of Member did not make Article 5 inoperable and
the case is even stronger here since under Articl7 the Mandatory
is not the actor, is not the operator, so to speak. In so far as concerns
the administration or operation of the Mandate, the disappearance
of the Council of the League might be said to create a measure of
frustration in regard to the required acts of the Mandatory in
filing reports. In regard to Articl7,however, the new Court was
,available. In contrast to the United Nations system it will be recal-
led that the Permanent Court was not a part or organ of the League

and the winding up of the Court was separate from the dissolution of
the League. For the successful operation of the Mandate during the
life of the League, the quality of being a Member of the League
was not necessary to the operation of Article 7; as already shown
there were quite other reasons for referring to the Members.
After all, these "Members of the League" were not just concepts,
"ghosts seen in the law, elusive to the grasp". They were actual
States or self-governing entities whose names could be recited.
The names of the original Members were listed in the Annex to
the Covenant, but it was not a fixed group; it fluctated as nav
Members were admitted or as old Members terminated their mem-
berships. Yet at any given moment-as for example the moment
of the dissolution of the League-the Mandatory would always
have been able to draw up, by names, a list of the States included
in the descriptive term "Member of the League".

It must also be remembered that the Mandatory was a "Man-
datory of the League of Nations". But according to the accepted
view, the termination of the League did not terminate the Mandate
as an institution which means that the Mandatory also, and spe-

cifically the Union of South Africa, qua Mandatory, must have
survived the dissolution of the League although its mandator
was no longer in existence.
After the dissolution of the League, how could the Mandatory
assert frustration or impossibility of performance in regard to
accepting the jurisdiction of the Court as he had agreed to do,
in accepting Article7 originally; in accepting the transformation
effected by Article37; and by promising in the final session of the
League Assembly that he would "continue to administer the ter-
ritory scrupulously in accordance with the obligations of the
Mandate" ?
Ithg now been pointed out with regard to Respondent's ac-
ceptance of the jurisdiction of the Permanent Court of International
Justice. that there are no technical rules of international law which -4FF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 4.14

Il est vrai qu'à la dissolution de la Sociéil n'y a plus eu d'États
« Membres de la Société », mais ce fait empêchait-il l'application de
l'article7? On a montré que la disparition de la qualité de Membre
ne rendait pas l'article5 inapplicable et l'argument est encore plus
valable dans le cas de l'articl7, puisque dans le cadre de cet article
le Mandataire n'agit pas-et, pour ainsi dire, n'opère pas. En ce qui
est de l'administration ou du fonctionnement du Mandat, la dispa-
rition du Conseil de la SociétédesNationspeut êtreconsidéréecom-
me ayant engendré une certaine frustration pour l'obligation faite

au Mandataire de présenter des rapports. Mais en ce qui concerne
l'article 7, la nouvelle Cour existait déjà. On sait que, au contraire
de ce qui se passe dans le système des Nations Cnies, la Cour per-
manente n'était ni une partie ni un organe de la Société desNations
et que sa liquidation a étéun événementdistinct de la dissolutionde
la SociétédesNations. Pour assurer le bon fonctionnement du Man-
dat durant l'existence de la Société desNations, la qualité de
Membre de la Sociétén'était pas indispensable à l'application de
l'article7; on a déjàvu que c'est pour desraisons toutes différentes
que référenceétait faite aux Membres de la Société. Aprèstout, les
((Membres de la Sociétédes Nations » n'étaient pas seulement des

concepts, «des spectres orant emmi le droit et échappant à toute
étreinte 1)C'étaient desEtats réelsou des entités autonomes dont
on pouvait donner les noms. Ceux des Membres originaires de la
Société figuraient en annexe au Pacte, mais il ne s'agissait pas là
d'un groupe figé; sa composition a variéà mesure que de nouveaux
Membres étaient admis au sein de la Sociétéou que d'anciens Mem-
bres s'en retiraient. A tout moment cependant - par exemple au
moment de la dissolution de la Société -- le Mandataire pouvait
établir la liste nominative des Etats répondant à la description de
(Membres de la Société desNations ».
Il faut se'rappeler aussi que le Mandataire était un «Mandataire

de la Société desNations 1)Or tout le monde s'entend à reconnaître
que la disparition de la Sociétén'a pas mis fin au Mandat en tant
qu'institution et que par conséquentle Mandataire, et en particulier
l'Union sud-africaine en sa qualité de Mandataire, a dû lui aussi
survivre à la dissolution de la Société, encoreque l'organe dont il
tenait son Mandat eût cesséd'exister.
Après la dissolution de la Sociétédes Nations, comment le Man-
dataire pouvait-il prétendre invoquer la frustration ou l'impossi-
bilité d'application de l'acceptation de la juridiction de la Cour qu'il
avait donnée en souscrivant originairement à l'article 7, en accep-
tant la transformation opéréepar l'article 37 et en promettant, au

cours de la dernière session de l'Assembléede la SociétédesNations,
de ((continuer à ... administrer [le territoire] en se conformant
scrupuleusement aux obligations du Mandat »?
Nous venons d'indiquer qu'aucune règle technique de droit
international n'exige que l'acceptation de la juridiction de la Cour
permanente de Justiceinternationale par le défendeurait étécoulée
99 require that this acceptance be poured into some particular mould
known as "treaty or convention". It has further been shown that -
these terms as used in Articles 36 and 37 of the Statute cannot
be considered generally to have any narrow, technical, restricted
meaning. It is now necessary to see whether, when the Charter
provided that in certain cases the International Court of Justice
should be substituted for the Permanent Court of International
Justice, it was intended thatthose provisions should be interpreted

in a strict and technical sense.
There is no basis for such an assumption. It is familiar history
that two of the central problems involved in adjusting the interna-
tional judicial machines. which had existed under the League
of Nations, to the United Nations Organization, were the questions
whether the old Court should be continued or whether there should
be a new Court, and whether the Court should be given general
compulsory jurisdiction. ln the final decision to establish a new
Court, it was agreed that there should be as much continuity with
the old as possible and to emphasize the close relationship, the
Charter recites in Article92 that the new Statute "is based upon"
the old Statute. "In a sense", says the Report of Committee IV11
of the San Francisco Conference, "..the new Court may be looked
upon as the successor to the old Court which is replaced. The
succession will be explicitly contemplated in some of the provisions
of the new Statute, notably in Article 36,paragraph 4 [later num-
bered 51,and Article 37." (13 UNCIO 384.)

It was clearly the intention in the drafting of the Statute of the
International Court of Justice to preserve for the new Court just

as much as possible of the jurisdiction which appertained to the
old Court. For this purpose, Article 36 (5) provided for the transfer
of the obligations assumed by States which made declarations
under Article 36 of the old Statute, and Article 37 provided for a
similar transfer where a "treaty or convention" had contained a pro-
vision for the jurisdiction of the Permanent Court. As is said in
the Joint Dissenting Opinion in Aerial Incident (1959), page 166
and page 171: "It was for the purpose of preserving for the new
Court the compulsory jurisdiction which had been conferred upon
the old Court and whose period of validity had not expired that
~aragraph 5 was adopted and inserted in Article 36 of the present
Statute and that Article 37 was introduced ...Article 37 provides
the consensual link with regard to the succession of the Interna-
tional Court of Justice to the jurisdiction of ...the Permanent
Court..." It would not be in accordance with the spirit and intent
of Articles 36 (5) and 37 to interpret them in such a way as to
leave a gap through which would fa11to the ground such an agree-
ment as is recorded in Article7 of the Mandate.
In applying the foregoing analysis to the instant cases, it must be

reemphasized that this analysis is made with aid of aspects of the
IO0 AFF. DU S.-O.AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 415
dans un moule particulier appelé ((traité ou convention s. Nous

avons montré en outre que cette expression,telle qu'elle figure aux
articles 36 et 37 du Statut, ne saurait êtregénéralementconsidérée
comme ayant un sens étroit, technique et restreint. Il importe à
présent de voir si, lorsque la Charte a énoncéque dans certains cas
la Cour internationale de Justice serait substituée à la Cour per-
manente de Justice internationale, il était prévu que cette disposi-
tion devrait être interprétée dansun sens strict et technique.

Une telle affirmation est sans fondement. 11est bien connu que
deux des problèmes cruciaux qu'impliquait l'ajustement à l'Or-
ganisation des Nations Unies du système judiciaire international
établipar la Sociétédes Nations étaient de savoir s'il fallait main-
tenir l'ancienne Cour ou en créer une nouvelle et si l'on devait

attribuer à cette Cour une compétence obligatoire générale. En
prenant la décision finale d'instituer une nouvelle Cour, il a été
entendu que l'on s'efforcerait de maintenir toute la continuité
possible avec l'ancienne Cour et, pour mettre en relief l'étroite
parenté des deux organismes, la Charte énonce en son article 92
que le nouveau Statut est «établi sur la base »de l'ancien. «Dans
un certain sens, lit-on dans le rapport du ComitéIV11de la confé-
rence de San Francisco, ...la nouvelle Cour peut êtreconsidérée
comme le successeur de celle qu'elle remplacera. Le nouveau Statut
y fera explicitement allusion, notamment, dans ses Articles 36,
alinéa4 [devenuplus tard l'alinéa51,et 37. »(Conférence desNations
Unies sur Z'organisationinternationale, vol. XIII, p. 419.)
Les auteurs du Statut de la Cour internationale de Justice ont
manifestement entendu sauvegarder pour la nouvelle Cour, dans
toute la mesure du possible, la juridiction conféréeà l'ancienne. A

cette fin, l'article 36, paragraphe 5, prescrit le transfert des obliga-
tions contractées par les États ayant fait des déclarations en appli-
cation de l'article 36 de l'ancien Statut et l'article 37 prescrit un
transfert analogue lorsquJ«un traité ou une convention »prévoit le
renvoi à la juridiction de la Cour permanente. Ainsi que le déclare
l'opinion dissidente collective dans l'affaire de l'Incident aérien
(1959, pp. 166 et 171-172): aC'est afin de sauvegarder pour la
nouvelle Cour la juridiction obligatoire conféréàl'ancienne, et dont
la duréede validité n'était pas expirée, que le paragraphe 5 a été
adoptéet insérédans l'article 36 du présentStatut et quel'article 37
y a été introduit...L'article 37 fournit le lien consensuel pour la
succession de la Cour internationale de Justice à la juridiction de la
Cour permanente ..))Il ne serait pas conforme à l'esprit et au but
des articles 36, paragraphe 5, et 37 de les interpréter de manière à

ouvrir une brèche par laquelle s'effondrerait un accord tel que celui
que contient l'article 7 du Mandat.

En appliquant cette analyse aux présentes espèces, on doit
souligner à nouveau qu'elle ne se fonde sur des élémentsdu Mandat
100, Mandate which are used solely for the purpose of illustration and
without wishing to enter upon the merits. Having this approach in
mind, it can be said that the Applicants, Ethiopia and Liberia,
had, on 18 April 1946, certain rights in South West Africa for and
on behalf of missionaries who were their nationals, that these
rights and their continuance did not depend upon the question
whether or not these missionaries continued to have the quality
of being nationals of "Members of the League of Nations"; and
that accordinglythese rights survived the dissolution of the League.
If a missionary who was a national of one of the Applicants had

been denied admission, and if negotiations over the resulting
dispute between the Applicant and the Mandatory failed, Applicant
would have been entitled to seize this Court by virtue of Article7
of the Mandate and Article 37 of the Statute. This is true because
the Mandate agreement was, in 1945, and was on 4 Novem-
ber 1960, a "treaty in force" between the Mandatory and the four
Principal Allied Powers. The contractual arrangement between
the Mandatory and the four Principal Powers was not terminated
by the dissolution of the League and therefore the rights and
obligations of the four Powers at any rate were not affected by
the dissolution of the League, and the rights vested in third
States beneficiaries, which category includes the Applicants, persist
as long as this treaty is in force. The only theory on which itan
be said that this treaty is no longer in force would be one posited
on the total elimination of the Mandate in every respect. Such a
conclusion would eliminate not only the obligations but also the
rights of the Mandatory and it could not tolerate the generally
accepted thesis that the Mandate continued as an institution.

Are the conclusions which have up to this point been arrived
at,vitiated by a consideration of the case of a State such as Brazil
which gave up its League membership during the active life of
the League? 1 think not. While the League was oeerating, it was
natural for the Members to intend that membership, which entailed
some very definite obligations-actual in the matter of financial
contributions and potential in the matter of political responsibilities
such as might arise under Article 16 of the Covenant-should
entai1 also some corresponding advantages. Obviously the territorial
guarantees under Article IO of the Covenant were reciprocal and
Brazil--to continue the example--lost its right to invoke that
guarantee. Similarly in regard to economic rights in the mandated
areas, a Mandatory might well have said: "My freedom is limited,
1 am restricted by the obligations which 1 have assumed in the
Mandate and 1 shall continue to bear these burdens in respect of
the large numbers of States which are Members of the League.
But since you have chosen to leave the League, 1 am not obliged
to continue to subject myself to an additional burden on your AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE hl.JEÇSUP) 416

qu'à titre d'illustration et sans intention d'aborder le fond. Ce
point étant présent à l'esprit, on peut dire que les demandeurs,
c'est-à-dire I'Ethiopie et le Libéria,avaient 18 avril 1946 à,l'égard
du Sud-Ouest africain, certai~s droits pour le compte et au nom
des missionnaires qui étaient leurs ressortissants; que ces droits
et leur survivance ne dépendaient pas du point de savoir si ces
missionnaires continuaient ou non à avoir la qualité de sujets ou
citoyens de ((Membres de la Société des Nations 1);et que par
conséquent ces droits ont survécu à la dissolution de la Société
des Nations. Si un missionnaire ressortissant de l'un des pays
demandeurs s'était vu refuser l'entrée du Sud-Ouest africain et
si des négociations touchant le différendqui en serait résultéentre
le demandeur et le Mandataire avaient échoué,le demandeur

aurait été en droit d'actionner la Cour en vertu de l'article 7
du Mandat et de l'article 37 du Statut. S'il en est ainsi, c'est que
l'accord de Mandat étaiten 1945 ,t étaitencore le4 novembre 1960,
un ((traité en vigueur))entre le Mandataire et les quatre Principales
Puissances alliées. L'accord contractuel entre le Mandataire et
les quatre Principales Puissances n'ayant pas pris fin du fait de la
dissolution de la Sociétédes Nations, les droits et obligations des
quatre Puissances, à tout le moins, n'ont ,pas étéaffectés par la
dissolution de la Sociétéet les droits des Etats tiers bénéficiaires,
parmi lesquels les demandeurs, persisteront aussi longtemps que
le traité sera en vigueur. La seule théorie en vertu de laquelle on
pourrait prétendre que ce traité n'est plus en vigueur se fonderait
sur le principe de l'élimination totale du Mandat à tous égards.
Une telle conclusion anéantirait non seulement les obligations
mais encore les droits du Mandataire et serait incompatible avec

la thèse généralement admise selon laquelle le Mandat persiste en
tant qu'institution.
Les conclusions auxquelles je suis parvenu jusqu'ici sont-elles
contredites par l'examen du cas d'un Etat comme le Brésil qui a
quitté la Sociétédes Nations pendant l'existence active de celle-ci?
Je ne le pense pas. Durant L'existence de la Société ,l était naturel
pour ses Membres de considérer que leur appartenance, qui en-
traînait certaines obligations très définies- effectives en matière
de contributions financières et virtuelles en matière de responsa-
bilités politiques comme celles qui pouvaient découlerde l'article 16
du Pacte -, entraînait aussi des avantages corrélatifs. Il est évident
que les garanties territoriales découlant de l'article IO du Pacte
étaient réciproques et que le Brésil - pour s'en tenir au même
exemple - avait perdu le droit d'invoquer cette garantie. De même,
en ce qui touche aux droits économiques dans les territoires sous

Mandat, un Mandataire aurait fort bien pu dire: «Ma liberté est
limitée, je suis tenu par les obligations que j'ai assumées en vertu
du Mandat et je continuerai à supporter ces charges à l'égard
d'un grand nombre d'Etats qui sont Membres de la Société des
Nations. Mais, puisque vous avez décidé dequitter la Société,je behalf." The view set out above, foliowing Sir Arnold McNair,
that the term "Members of the League" was descriptive and not
conditional, does not mean that upon assuming the Mandate for
South West Africa the Union of South Africa was obligated to
gant certain privileges to missionaries, nationals of Germany.
Nor does it mean that after the resignation of Brazil, the Union
was bound to grant those privileges to nationals of Brazil. But
the situation was very different whe by common consent in 1946
the Mandatory joined with the ot 1 er States which were then
Members of the League in dissolving the League because the United
Nations had been established inits place. To assert that this dissolu-
tion immediately freed the Mandatory of the obligations in the
Mandate such as those relating to missionaries, in regard to which
the disappearance of the League introduced no iota of frustration

or impossibility of performance, but that at the same time the
Mandatory retained rights of authority, control and administration,
cannot, in the language of the Court's 1950 Opinion, "be justified".
What is said concerning the "missionary clause" applies with
equal force to the provisions in the compromissory clause of Ar-
ticle 7 which provided that disputes concerning these surviving
rightsmight be submitted to the Court. If the Mandate survived as an
institution, the Mandatory was still subject to certain obligations
and those obligations were owed to the States which were Members
of the League at the moment when by common consent the League
was dissolved.

The foregoing reasoning stands by itself, but it is supported by
another aspect of the situation.
In the meeting of the League Assembly on g April 1946, the
representative of the Union of South Africa made a statement in
part as follows (Preliminary Objections, pp. 38-39):

<Since the last League meeting, new circumstances have arisen
obliging the mandatory Powers to take into review the existing
arrangements for the administration of their mandates.. . it is
the intention of the Union Govemment, at the forthcoming session
of the United Nations General Assemblyin New York, to formulate
its case for according South West Afnca a status under which it
would be intemationally recognised as an integral part of the
Union...In the meantime the Union will continue to administer the
territorycru~ulouslyin accordancewiththeobligationsofthe mandate,
for the advancement and promotion ofthe interests of the inhabit-
Mandates Commissioncould not be held.six years when meetings ofthe

The disappearance of those organs of the League concemed
with the supervision of mandates, primarily the Mandates Commis-

IO2ne suis pas obligéde continuer à me soumettre à une charge supplé-

mentaire de votre chef. ))La thèse exposée ci-avant, conforme à
celle de sir Arnold McNair, selon laquelle l'expression ccMembres
de la Société )est descriptive et non conditionnelle, ne signifiepas
qu'en acceptant le Mandat pour le Sud-Ouest africain l'Union sud-
africaine s'est obligée à accorder certains avantages aux mission-
nairesressortissants allemands.Elle ne signifie pas non plus qu'après
la démission du Brésil l'Union était tenue d'accorder les mêmes
avantages aux ressortissants brésiliens. Mais on s'est trouvé en
présenced'une situation tout à fait différentelorsque le Mandataire
et les autres États qui étaient alors Membres de la Société desNa-
tions ont, d'un commun accord, dissous la Société en 1946 et que
l'organisation des Nations Unies a étéinstituée à sa place. Affirmer
que cette dissolution a libéré immédiatement le Mandataire des

obligations du Mandat, comme celles qui intéressaient les mission-
naires pour lesquelles la disparition de la Sociétédes Nations n'a
pas créé la moindre frustration ni la moindreimpossibilitéd'applica-
tion, mais qu'en mêmetemps le Mandataire a conservé ses droits
d'autorité, de contrôle et d'administration, ne saurait, selon l'avis
de la Cour de 1950,sejustifier. Ce qui est dit au sujet desobligations
touchant la (clause des missionnaires ))s'applique tout aussi bien
aux dispositions de la clause compromissoire del'article 7 prévoyant
que les différends relatifs à ces droits survivants pourraient être
soumis à la Cour. Si le .Mandat a survécu en tant qu'institution, le
Mandataire est encore soumis à certaines obligations à l'égard des
États qui étaient Membres de la SociétédesNations au moment où,
d'un commun accord, elle a étédissoute.

Ce raisonnement va de soi, mais il est corroboré par un autre
aspect de la situation.
A la séance de l'Assembléede la Société des Nations du 9 avril
1946, le représentant de l'Union sud-africaine a fait une déclara-
tion dont voici quelques extraits (Exceptions préliminaires, pp. 38-
39) :

cDepuisla dernièreréuniondela Société desNations,lesnouveaux
événementsqui se sont produits ont obligéles Puissances manda-
tration de leurs mandats respectifsts...il est dans l'intention du
Gouvernement de l'Union sud-africaine d'exposer, à la prochaine
sessiondes Nations Unies àNew York, les raisons pour lesquellesil
conviendrait d'accorderau Sud-Ouest africain un statut aux termes
duquel ce territoire serait reconnu internationalement comme for-
mant partie intégrante de l'Union ...Dans l'intervalle,l'Union sud-
africainecontinueraà l'administrer ense conformantscru~uleusement
aux obligationsdu Mandat, afin d'assurerle progrès,et de sauvegaf-
der les intérêtde seshabitants, commeelle l'a fait pendant les dix
dernières annéesdurant lesquellesla Commissiondes Mandats n'a
pu se réunir.
La disparition des organesdela Société deNs ations qui s'occupent
du contrôle des Mandats, à savoir, en premier lieu, la Commission sion and the League Council, will necessarily preclude complete
compliance with the letter of the mandate. The Union Government
mill neverthelessregard the dissolution of the Leagzleas in no way
diminishing its obligationsunder the mandatewhich it will continue
to discharge with the full and proper appreciation of its responsibil-
ities until such time as other arrangements are agreed upon con-
cerning the future status of the territory." (Italics supplied.)

This was an undertaking of an international character by which
the Union of South Africa assumed an international obligation.
The Permanent Court held in the Free Zones case that binding
force attached to a declaration made in the Court by the Agent
of a State (A/B No. 46, at p. 170). The Permanent Court held in
Eastern Greenland that a declaration by a Foreign Minister to the
Ambassador of another State created a binding international obliga-
tion (A/B No. 53 (1953), at p. 71).

Surely a forma1 pledge of the kind just quoted made by the
representative of a State to the Assembly of the League also con-
stituted a binding international obligation. As quoted above
from McNair, Law of Treaties, "a declaration contained in the
minutes of a conference" may embody a binding international

engagement.

There was reliance on this and other similar declarations as
revealed by the fourth paragraph of the League Assembly's resolu-
tion of 18 April, in which the Assembly:

"4.Takes note of the expressed intentions of the members of the
League now administering territories under mandate to continue to
administer them for the well-being and development ofthe peoples
concemed in accordancewith the obligations containedin the respective
mandates until other arrangements have been agreed between the
United Nations and the respective mandatory powers." (Preliminary
Objections, p. 43. Italics supplied.)

Now one of the "obligations" under the Mandate which the
Union of South Africa thus newly agreed to respect after the dissolu-
tion of the League, was the obligation under Article 7 to submit
to the jurisdiction of the Court; by accepting the Charter, it had
already agreed to substitute the International Court of Justice
for the Permanent Court. In its pledge to the Assembly, the Union
of South Africa pointed out that the disappearance of certain organs
of the League would prevent full compliance with the letter of the
Mandate. Since the Permanent Court had by agreement (Article 37
of 1:heStatute) been replaced by the International Court, the dis-
appearance of the Permanent Court in no way prevented full
compliance with the letter of Article 7, so far as concern the basic
consent to the jurisdiction of the Court. des Mandats et le Conseil dela Société, empêchera évidemment de
se conformerentiérement à la lettre du Mandat. Le Gouvernementde
l'Union se fera, ceflendant,un devoirde considérerque la disparition
delaSociétédesNations nediminue enrien les obligationsqui découlent
du Mandat; il continueraà s'en acquitter en pleine conscienceet
avec le juste sentiment de ses responsabilités,squ'au moment où
d'autres arrangements auront étéconclus quant au statut futur de
cetemtoire. ))(Lesitaliques sont de nous.)
Il s'agit là d'un engagement de caractère international en vertu
duquel l'Union sud-africainea assuméune obligation internationale.

La Cour permanente a jugé en l'affaire des Zones franches qu'une
déclaration faite à la Cour par l'agent d'un Etat avait force obli-
gatoire (Série A/B no 46, p. 170). Dans l'affaire du Groënland
oriental, la Cour permanente a jugé que la déclaration faite par
un ministre des Affaires étrangères à l'ambassadeur d'un autre
État constituait une obligation internationale exécutoire (Série A/B
no 53, 1933, P. 71).
Il est certain qu'un engagement formel comme celui que je
viens de citer, pris par le représentant d'un Etat à l'Assembléede
la SociétédesNations. constituait aussi une oblikation internationale

exécutoire. Comme il. est dit dans la citation de l'ouvrage de lord
McNair The Law of Treaties mentionnée ci-avant, ((une déclara-
tion inscrite au procès-verbal d'une conférence ))peut constituer
un engagement international obligatoire.
On s'est fondésur cette déclaration, ainsi que sur d'autres décla-
rations similaires, comme le montre le quatrième paragraphe de la
résolution de l'Assemblée de la Société des Nations du 18 avril,
où l'Assemblée :

(4. Note queles Membresde la Société administrant actuellement
des territoires sous mandat ont expriméleur intention de continuer
à les administrer, en vue du bien-êtreet du développementdes
peuples intéressés,conformémentaux obligations contenuesdans les
divers mandats, jusqu'à ce que dénouveaux arrangements soient
pris entre les Nations Unies et lesdiverses Puissancesmandataires»
(Exceptionspréliminaires,p. 43.) [Lesitaliques sont de nous.]
Or l'une des (obligations ))découlant du Mandat que l'Union

sud-africaine s'est ainsi nouvellement engagée à respecter après
la dissolution de la Sociétéestcelle de se soumettre à la juridiction
de la Cour en vertu de l'article 7; en acceptant la Charte, elle avait
déjà donné son accord à la substitution de la Cour internationale
de J-ustice à la Cour permanente. En s'engageant devant l'hssem-
blée, l'Union sud-africaine a fait observer que la disparition de
certains organes de la Société des Nations empêcherait de se con-
former entièrement à la lettre du Mandat. La Cour permanente
ayant été,par commun accord (article 37 du Statut), remplacée
par la Cour internationale, la disparition de la Cour permanente

n'interdit en aucune manière de se conformer entièrement à la
lettre de l'article7 en ce qui concerne l'acceptation fondamentale
de la juridiction de la Cour.
103 Did the Union of South Africa indicate that with regard to
the obligation under Article 7 it intended to rely on the fact that
in some ten days there would be no State which could call itself a
"Member of the League of Nations"? It did not; it coiil.! hardly
be claimed that "Members" of the League were "organs" of thc
League, which disappeared. It would be a complete denial of the
bonafides of the Government of the Union of South Africa to assert
that the pledge, in sweeping terms, "to regard the dissolution of the
League as in no way dirninishing its obligations under the Mandate",
was given tongue-in-cheek; as if saying that we still agree to submit
to the junsdiction of the Court only because we know that in a
few days there will be no State which will be entitled to call us to
account for the fulfilment of that obligation. The Court cannot thus

impugn the good faith of the Respondent. Ifone attributed such
an unspoken mental reservation to the Union of South Afnca, it
would be necessary to assume also, in accordancewith the preceding
analysis of the obligations under the Mandate, that when the Union
Government undertook to continue "to administer the territory
scrupulously in accordance with the obligations of the Ma::dateW
it did not intend to respect its obligation to permit the entry and
residence of missionanes because none of them could any longer
claim to be a national of a Member of the League.

It must also be recalled, as statedabove, that a stiflulation pour
autrui may be considered an offer which remains outstanding until
withdrawn or terminated in some other way. The declaration of the
Respondent of g Apnl 1946 certainly negatives the idea of a with-
drawal and may, indeed, properly be considered a renewal of the
offer, specifically extending it beyond the dissolution of the League.
Nothing further intervened which could have had the legal effect
of terminating the offer before the Applications in these cases
were filed on 4 November 1960.

The binding undertaking given by the Union of South Africa on

g Apnl1946 must be taken as a confirmation and an acceptance of
the interpretation given above, namely that the obligation, inter
alia, under Article 7, paragraph 2, continued to be applicable to
and for the benefit of those States which at the moment of the
dissolution of the League of Nations were Members thereof. It is
of no consequence that there was no express mention of the Court.
Consent in advance is just effective as consent during judicial pro-
ceedings. The Permanent Court of International Justice (in Upper
Silesia(Minority Schools),SeriesA. No. 15 (1928),pages 24-25)?said
"there seems to be no doubt that the consent of a State to the sub-
mission of a dispute to the Court may not only result from an
express declaration, but may also be inferredfrom acts conclusively
establishing it". And, again, "there is no rule laying down that
consent must take the form of an express declaration rather than

104 L'Union sud-africaine a-t-elle marqué qu'à l'endroit de l'obliga-
tion découlant de l'article 7 elle avait l'intention d'invoquer le
fait que, quelque dix jours plus tard, aucun État ne pourrait plus
se dire «Membre de la Sociétédes Nations »? Elle n'en a rien fait;
on peut difficilement représenter les Membres » de la Société des
Nations comme des ((organes » de la Société vouésà disparaître.
Le Gouvernement de l'Union sud-africaine manquerait donc à
toute bonne foi s'il prétendait que l'engagement qu'il a pris en
termes généraux « de considérer que la dissolution de la Société ne
diminue en rien lesobligations quidécoulentdu Mandat aétaitplein
d'arrière-pensées,comme sil'on ne convenait par exempled'accepter

la juridiction de la Cour que sachant que quelques jours après
aucun Etat ne serait plus habilité à demander compte du respect
de cet engagement. La Cour ne saurait mettre ainsi en doute la
bonne foi du défendeur. Si l'on attribuait à l'Union sud-africaine
une telle réserve mentale, il faudrait également supposer, selon
l'analyse que je viens de faire des obligationsdécoulant du Mandat,
que, lorsque le Gouvernement de l'Union s'est engagé à continuer
à «administrer [le Territoire] en se conformant scrupuleusement
aux obligations du Mandat »,il n'avait pas l'intention de respecter
l'obligation d'accorder aux missionnaires le droit d'entrer et de
résider dans le Territoire puisque aucun d'eux ne pourrait plus se
dire sujet ou citoyen d'un Etat Membre de la Société des Nations.
Ilconvient aussi de rappeler, comme je l'ai dit plus haut, qu'une
stipulation pour autrui peut être considéréecomme une offre

demeurant valable jusqu'à ce qu'elle soit retirée ou abrogéed'une
autre façon. La déclaration du défendeur du g avril1946 dément
certainement toute idée de retrait et peut êtreconsidéréeà juste
titre comme un renouvellement de l'offre, prolongéeexpressément
au-delà de la dissolution de la Sociétédes Nations. Rien n'est
intervenu ensuite, jusqu'au dépôt des requêtes introduisant les
présentes instances le 4 novembre 1960, qui pût avoir pour effet
juridique de mettre un terme à cette offre.
L'engagement obligatoire souscrit par l'union sud-africaine le
9 avril 1946 doit êtreconsidéré commeune confirmation et une
acceptation de l'interprétation ci-dessus, à savoir que les obliga-
tions, inter alia, du second alinea de l'articl7 continuent à être
applicables et à profiter aux Etats qui étaient Membres de la
Sociétédes Nations lors de sa dissolution. Peu importe qu'il n'ait
pas étéfait expressément mention de la Cour. Le consentement

préalable est aussi efficace que le consentrement donné en cours
d'instance. La Cour permanente de Justice internationale (Ecoles
minoritaires en Haute-Silésie, série A no 15, 1928, pp. 24-25)
a énoncéqu'« il ne semble point douteux que la volonté d'un
État de soumettre un différend à la Cour puisse résulter,
non seulement d'une déclaration expresse, mais aussi d'actes con-
cluants ».Et elle indiquait plus loin: (il n'y a aucune règle qui
prescrive que le consentement doit êtredonnépar une déclarationthat of acts conclusively establishing it". His review of these and
other holdings by the Permanent Court led Judge Sir Hersch
Lauterpacht to conclude that "the Court will not subject acceptance

of its jurisdiction to requirements of form likely to deny effect to
the consent of the parties, however expressed; it will not permit a
party to withdraw consent-which, in good faith, must be assumed
to have actually been given-on the ground that it has not been
expressed in accordance with alleged stringent requirements of
the Statute. There are no such requirements." (The Development
of International Law by the International Court (1958), p. 106.)

Because of the last-minute amendment of Respondent's sub-
missions, a few words should be said about the registration of
treaties.
The suggestion has been made that perhaps the Mandate for
South West Africa was never "in force" because the agreement
with the Four Powers or the Council resolution of 17 December
1920, was not formally registered and published in the League
of Nations Treaty Series. Aside from the patent absurdity of flying

in the face of history and the practice of Statesand of international
organizations for some 40 years, an analysis of Article 18 of the
Covenant and of applications of that Article forbids a strict literal
interpretation of the Article's last sentence which reads: "No such
treaty or international engagement shall be binding until so reg-
istered."
There is abundant literature on the subject of registration under
Article 18 and various theories as to the legal effect of the last
sentence have been supported by different writers. There is no
general support for a strict literal interpretation. The Third As-
sembly of the League of Nations said that "time and experience
alone" would provide the material needed for a precise interpreta-
tion. Confronted with a comparabIe problem, the Legal Committee
of the United Nations General Assembly in 1946 recognized that
"experience and practice" would aid "in giving definition to the

terms of the Charter" as set forth in Article 102.

The history of the provision which is well-known, and numerous
reports and discussions, show that the main objective of Article 18
of the Covenant was publicity-it was a provision against secret
treaties. At least two types of recording were provided for in the
regulations adopted by the Council of the League in 1920 for the
operation of Article 18. In addition to the usual registration and
publication in the Treaty Series, ArticleII of the Council's Memo-
randum, approved 19 May 1920, points out that there are or may
in the future be various treaties or conventions requiring special
treatment. .The principal example was afforded by Article 405 of
the Constitution of the International Labour Organisation which
provided that copies of Draft Conventions (under which actualexplicite plutôt que par des actes concluants ».L'examen de ces
énoncésde la Cour permanente, parmi d'autres, a amenésir Hersch
Lauterpacht à conclure que «la Cour ne fera pas dépendre l'ac-
ceptation de sa juridiction de questions de forme qui puissent priver

d'effet le consentement des parties, aussi exprès soit-il; elle ne
permettra pas qu'une partie rétire son consentement - lequel, en
bonne foi, doit êtresupposé avoir étéeffectivement donné - pour
le motif que ce consentement n'a pas étéexprimé conformément
aux prétendues exigences strictes du Statut. Ces exigences n'exis-
tent pas. » (TheDevelopmegzo t jInternational I,aw bytheI~zternadional
Court, 1958, p. 106.)
Le défendeur ayant apporté en dernière minute certains amen-
dements à ses conclusions, il convient de dire quelques mots sur

l'enregistrement des traités.
On a suggéréque le Mandat pour le Sud-Ouest africain n'a
peut-être jamais été « en vigueur ))du fait que ni l'accord avec les
quatre Puissances ni la résolution du Conseil da 17 décembre 1920
n'ont jamais étéofficiellement enregistréset publiésdans le Recueil
des traitésde la Société des Nations. Outre l'absurdité flagrante
qu'il y a à défier ainsi l'histoire et la pratique des États et des
organisations internationales depuis quelque quarante ans, l'ana-

lyse de l'article 18 du Pacte et des applications de cet article inter-
dit d'interpréter d'une manière strictement littérale la dernière
phrase dudit article: «Aucun de ces traités ou engagements inter-
nationaux ne sera obligatoire avant d'avoir étéenregistré. ))
Il existe une littérature abondante au sujet de l'enregistrement
prévupar l'article 18 et diversesthéories relatives à l'effet juridique
de cette dernière phrase ont étédéfendues par différents auteurs.
Dans l'ensemble ils n'appuient pas la théorie de l'interprétation
strictement littérale. La troisième Assemblée de la Sociétédes

Nations a indiqué que ((seuls le temps et l'expérience »fourniraient
les élémentsd'une interprétation précise. Ayant à traiter d'un
Iroblème du mêmeordre. la Commission iuridiaue de l'Assemblée
généraledes Nations Unies a reconnu en 1946 que c(l'expérience
et la pratique » contribueraient à (définirles termes de la Charte ))
reprii à l'article 102.
L'histoire bien connue de la disposition, ainsi que de nombreux
rapports et discussions, montrent que le principal objectif de l'ar-

ticle 18 du Pacte était la publicité - c'était une précaution prise
àl'encontre des traités secrets. Les règlements adoptéspar le Conseil
de la Société des Nations en 1920 sur l'application de l'article 18
prévoyaient au moins deux genres d'enregistrement. Outre l'en-
registrement habituel et la publication dans le Recueil destraités,
l'article II du Mémorandum du Conseil approuvé le 19 mai 1920
signalait qu'il existait ou pourrait exister dans l'avenir divers traités
ou conventions exigeant un traitement spécial.Le principal exemple

en était fourni par l'article 405 de la Constitution de l'organisation
internationale du Travail qui disposait qu'un exemplaire de chaque legal obligations arose) were to be "deposited" with the Secretary-
General of the League who would communicate a certified copy

to each Member. Subsequently ratificationof such Draft Conven-
tions were "registered" by the Secretary-General of the League
(see P.C.I..,Senes A/B, No. 50).

There were numerous instances of agreements which were con-
sidered legally effective but which were not règistered. Some exam-
ples may be given.
Although it is the practice of the United Nations to register
the Declarations made by States upon becoming Memberç of the
Organization, such Declarations concerning Membership in the
League of Nations were not registered; unquestionably, however,
they resulted in the assumption of rights and obligations under
the Covenant. For example, according to the records of the Fifteenth
Assembly of the League (pp. 74-77 of the Plenary Meetings) the
Minister of Afghanistan in London telegraphed to the Secretary-

General that on instructions of his Govemment he asked that
Afghanistan be admitted'as a Member of the League. His telegram
said :

"The Govemment of Afghanistan is prepared to accept the con-
ditions laid downinArticleIof the Covenant and to carry out all
obligationsinvolved in membershipof the League."

The League Assembly by resolution admitted Afghanistan to
Membership.
Special agreements submitting cases to the Permanent Court
were not always registered but the Court did not hesitate to base
its jurisdiction uponsuch unregistered agreements. A good example
is afforded by the forma1 agreement between France and Switzer-

land of which ratifications were exchanged on 21 March 1928,
conceming the submission of the Free Zones case to the Permanent
Court. In the Mavrommatis case the jurisdiction of the Court was
based partly on the Mandate, which was not registered, and partly
on the concession protocol of the Treaty of Lausanne which was
not registered until after the Court's decision.
It seems unnecessary to multiply authorities to support a well-
established conclusion.
In any event, the regulations for registration adopted by the
Council were measures of administrative convenience and did
not even purport to be comprehensive interpretations of the scope
and effect of Article18.The recording of an engagement in a public
resolution of the Council of the League fulfilled the essential
publicity purposes of Article 18 of the Covenant. The deposit of
the Mandate instrument for German South West Africa in the

archives of the League and the fonvarding of certified copies by
106 projet deconvention (entraînant desobligationsjuridiques effectives)
serait((déposé »entre les mains du Secrétaire général de laSociété
des Nations et que celui-ci en communiquerait une copie certifiée
conforme à chacun des Membres. Plus tard, les ratificationsde ces
projets de convention ont été ((enregistrées » par le Secrétaire
généralde la Société des Nations (voir C.P. J. I., sérieA/B no 50).
On connaît de nombreux exemples d'accords considéréscomme
juridiquement opérants et qui n'ont jamais étéenregistrés. On
peut en citer quelques-uns.

Si les Nations Unies ont pour pratique d'enregistrer les déclara-
tions faites par des États au moment où ils sont admis dansl'Orga-
nisation, la Sociétdes Nations, pour sa part, n'a jamais enregistré
les déclarationsde ce genre faites par ses Membres; il n'en est pas
moins indubitable qu'elles entraînaient l'acceptation de droits et
d'obligations aux termes du Pacte. On littpar exemple au procès-
verbal de la QuinzièmeAssembléede la Société des Nations (Séan-
ces plénières,pp. 74-77)que le ministre de 1'Afghanistan à Londres
avait télégraphiéau Secrétaire général pour demander,sur les
instructions de son gouvernement, que YAfghanistan fût admis
commeMembrede la Société desNations. Letexte de cetélégramme
étaitle suivant :
cLe Gouvernement de IJAfghanistanest prêt à accepter les
conditionsformuléesà l'articIedu Pacte età s'acquitterde toutes
les obligations qu'impliqla qualitéde Membrede la Société des
Nations.))

L'Assembléede la Société des Nations a, par voie de résolution,
admis l'Afghanistan comme Membre de la Société:
Lescompromissoumettant certaines affaires à la Cour permanente
n'ont pas toujocrs étéenregistrés et la Cour n'a cependant pas
hésité à fonder sa juridiction sur ces accordsnon enregistrés.Nous
en avons un excellent exemple dans le compromis entre la France
et la Suisse,dont les ratifications ont étééchangéelse1 mars 1928,
concernant la soumission à la Cour permanente de l'affaire des
Zones franches.Dans l'affaire Mavrommutis,la compétencede la
Cours'est fondéeen partie sur le Mandat, qui n'étaitpas enregistré,
et en partie sur le protocole de concession du traité de Lausanne,
qui ne devait êtreenregistré qu'après ladécisionde la Cour.
Il paraît inutile de multiplier les précédents à l'appui d'une
conclusion bien établie.
En tout état de cause, les règlements adoptés par le Conseil
en matière d'enregistrement ccnstituaient des mesures d'ordre
administratif et ne visaient pas même à fournir une interprétation
générale de la portéeet de l'effetde l'article 1Le fait qu'un enga-
gement fîit consignédans une résolution du Conseil de la Société
des Nations lui assurait la publicitéqui étaitl'objectif essentiel de
l'article 18du Pacte. Le dépôt de l'acte de Mandat pour le Sud-
Ouest africain allemand dans les archives de la Sociétédes Nations
106the Secretary-General to various States indicate a practice quite
similar tothat prescribed for Draft Conventions of the International
Labour Organisation.

The references in this Mandate instrument to the basic agree-

ments on the Mandates and their terms, also satisfied, in respect to
those agreements, the purposes of Article 18. (Cf.Schachter "The
development of international law through the legal opinions ofthe
United Nations Secretariat", XXV Br. Yr. Bk. Int. L. (1948),
p. 91 at 127 ff; Hudson, The Permanent Court of Internatio~zal
Justice 1920-1942 (1943)~pp. 435, 439, 636 and authorities cited.)

For purposes of illustration and analysis, the foregoing discussion
has dealt principally with what may be called "tangible" rights
such as those subsumed under the "open door" label or those
specifically dealing with the entry and residence of missionaries. It
remains to be determined whether States who were beneficiaries of
the undertakings given bythe Mandatory in the Mandate Agreement

obtained other rights in connection with the operation of the
Mandate as an institution or status, or in connection with the
operation of the Mandate as a treaty. This inquiry bears upon
Respondent's contention that a "dispute" withjn the meaning of
Article 7 of the Mandate must involve a conflict concerning a legal
right or interest and not differences of opinion unconnected with
legal rights or interests. Without pausing to consider the basic
validity of this contention, 1 shall analyze the nature of the rights
or interests involved in the alleged "dispute" between Applicants
and Respondent .
It may be noted at once that Applicants assert that there is a
"dispute" with reference to Articles 2, 4, 6 and 7 of the Mandate
(Memorials,p. 62). This assertion does not refer to Article 5 which, as
noted above, is the only article in this particular Mandate which
contains a specification concerning the rights of nationals of States
other than the Mandatory. Hypothetically, provisions refemng to
the "inhabitants" of the territory could refer to nationals ofsuch

States if they happened to inhabit the territory, but no such situa-
tion has been presented here.
The jurisdictional provision in Article 7 can be invoked only if
there is a "dispute". If there is a "dispute" it must further be shown
that it has two characteristics: first, it must be a dispute which
cannot be settled by negotiation; and second, it must relate to the
interpretation or application of the Mandate. Attention may be paid
first to the meaning of "dispute". The identification of the other
party to the "dispute" will also be considered.et la remise par le Secrétaire généralaux différentsÉtats de copies
certifiéesconformestémoignent d'une pratique tout àfait semblable

à celle qui était prescrite pour les projets de convention de lJOrga-
nisation internationale du Travail.
Les référencesfaites dans l'acte de Mandat aux accords de base
sur les Mandats et sur leurs termes répondaient aussi à l'objectif
de l'article 18 pour ce qui concernait ces accords. (Voir Schachter,
The develo$ment of international law through thelegal opinions of the
United Nations Secretariat, British Year Book of International
Law, XXV, 1948, p. 91: pp. 127 et ss.; Hudson, The Permanent

Coart of International Justice 1920-1942, 1943, pp. 435, 439, 636;
et précédents cités.)

Aux fins d'illustration et d'analyse, la discussion qui précèdea
portéprincipalement sur les droits que je quaIifierai de tangibles »,
tels ceux que l'on peut mettre sous l'étiquettede la ((porte ouverte »

ou ceux traitant spécifiquement de l'admission et de.la résidence
des missionnaires. II reste à déterminer si les États bénéficiaires
des engagements pris par le Mandataire dans l'accord de Mandat ont
obtenu d'autres droits se rapportant à l'application du Mandat soit
en tant qu'institution ou statut, soit en tant que traité. Cette
question se pose à propos de la thèse du défendeur selon laquelle
un ((différend )) au sens de l'article 7 du Mandat doit impliquer

un conflit concernant un droit ou un intérêtjuridiques et non des
divergences d'opinion sans rapport avec des droits ou intérêts
juridiques. Je ne m'arrêterai pas pour examiner la validité fonda-
mentale de cette thèse, mais j'analyserai la nature des droits et
intérêtsimpliquésdans le ((différend ))alléguéentre les demandeurs
et le défendeur.
On peut observer tout de suite que les demandeurs affirment qu'il
y a un (différend ))à propos des articles 2, 4, 6 et 7 du Mandat

(Mémoires,p. 62). Cette affirmation ne vise pas l'article 5 qui,
comme je l'ai remarqué plushaut, est le seul article dans le Mandat
en question qui spécifieles droits de ressortissants d'États autres
que le Mandataire. On pourrait avancer l'hypothèse que les dis-
positions ayant trait aux «habitants ))du Territoire se réfèrent
aux ressortissants de ces États qui habiteraient le Territoire, mais
pareille situation ne se présente pas ici.

La clause juridictionnelle de l'article 7 ne peut êtreinvoquée
que s'il y a ((différend a. S'il y a un (différend n,il faut prouver
au surplus que celui-ci présente deux caractéristiques: en premier
lieu, ce doit êtreun différendqui ne soit pas susceptible d'êtreréglé
par des négociations; en second lieu, il doit êtrerelatif à l'interpré-
tation ou à l'application du Mandat. C'est tout d'abord la signi-
fication du mot ((différend ))qui retiendra mon attention. J'exami-
nerai ensuite la façon dont l'autre Partie s'identifie au ((différend ».

107 To take the narrow definition which has respectable support, a
"dispute" in the context of a compromissory clause is one which
can be settled by the application of principles of law. But as the

Permanent Court said in SerbianLoans (SeriesA,Nos.zol21, at p. 20),
Article 38 of the Statute cannot be regarded as excluding the possi-
bility of the Court's dealing with disputes which do not require
the application of international law, seeing that the Statute itself
expressly provides for this possibility. The new words inserted in
Article 38 of theStatute of this Court do not affect the validity of
the Permanent Court's observation. The four sub-paragraphs of
Article 36 (2) of the Statute of the Court give a more complete
description but they have a particularurpose and do not constitute
a comprehensive definition. The Permanent Court of International
Justice, quoting the first paragraph of Article 36, commented: "The
Court's jurisdictiondepends on the will of the Parties. The Court
is always competent once the latter have accepted its jurisdiction,
since there is no dispute which States entitled to appear before the
Court cannot refer to it."UflflerSilesia(Minority Schools),Series A,

No. 15,at p. 22.) It is of course apparent from common practice in
drafting treaties for pacific settlement and compromissory clauses,
as well as from sub-paragraph (c) of paragraph 2 of Article 36 of
the Statute, that a "dispute" in the sense here intended may relate
to a question of fact. The "facts the existence of which the Court
has to establish may be of any kind" said the Permanent Court in
Serbian Loans (p. 19). For this analysis, one may admit that an
argument between two governments asto whether their armaments
were designed for offence or for defence, would not be a "dispute".
But if the challenge to the existence of a "dispute" in its legal
sense is raised in a preliminary objection to the jurisdiction of a
tribunal, the question is how deeply the Court must probe into the
facts and law in order to determine whether there is a "dispute".

Suppose, for example, State A alleges in a diplomatic note to
State B that State B has violated a commercial treaty of 1880
between A and B. B in reply affirms that the treaty is no longer in
force. After futile negotiations, A submits the case to an inter-
national court in accordance with the terms of a treaty for pacific
settlement concluded by B with A. This treaty for pacific settle-
ment contains the ordinary provision that the parties agree
that disputes concerning legal rights may be submitted to an inter-
national court by either party. B contends that the court has no
jurisdictionsince there is no "dispute" within the meaning of the
treaty for pacific settlement because A bases its contention on a
treaty which is no longer in force. The adjudication of the question
whether the treaty is in force and therefore whether A's case rested
upon a legal right, is a question for the merits and not a question

108 Selon le sens le plus étroit, qui a d'ailleurs d'estimables avocats,
un différend D, dans le contexte d'une clause compromissoire, est
un litige susceptible d'êtreréglépar l'application de principes de
droit. Mais, comme l'a énoncéla Cour permanente en l'affaire des

Emprunts serbes(SérieA nos 20/21, p. 20), on ne saurait se prévaloir
de l'article 38 du Statut pour exclure la possibilité que la Cour
s'occupe de différends qui ne demandent pas l'application du droit
international, du moment où le Statut lui-mêmeprévoit expressé-
ment cette possibilité. Les termes nouveaux introduits dans l'ar-
ticle 38 du Statut de la présente Cour n'affectent pas la validité de
l'observation de la Cour permanente. Les .quatre alinéas de l'ar-
ticle36, paragraphe 2, du Statut de la Cour donnent une descrip-

tion plus complète mais ils ont un objectif particulier et ne consti-
tuent pas une définition générale.Citant l'article 36, paragraphe 1,
la Cour permanente de Justice internationale observe: (La juri-
diction de la Cour dépend de la volonté des parties. La Cour est
toujours compétente du moment où celles-ci acceptent sa juridic-
tion, car il n'y a aucun différendque les États admis à ester devant
la Cour ne puissent lui soumettre. ))(Ecoles minoritaires en Haute-
Silésie,sérieA no 15,p. 22.) La pratique commune de rédaction des
traités de règlement pacifique et des clauses compromissoires, de

mêmeque l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut,
montrent bien qu'un ((différend 1)dans le sens attribué à ce mot
dans ce contexte peut se rapporter à une question de fait. En
l'affaire des Emprunts serbes (p. ~g),la Cour permanente a indiqué
que ((les faits dont la Cour doit constater la réalité peuvent être
de n'importe quelle nature ». Aux fins de cette analyse, on peut
admettre qu'iin litige entre deux gouvernements sur la question de
savoir si leurs armements ont un objectif offensif ou défensifn'est

pas un (différend ». Mais, si l'on met en cause l'existence d'un
((différend )au sens juridique du mot dans une exception prélimi-
naire à la compétenced'un tribunal, la question est de savoir dans
quelle mesure ce tribunal doit sonder les faits et le droit en vue de
déterminer s'il y a un différend )qu non.
Supposons par exemple qu'un Et? A prétend, dans une note
diplomatique à un État B, que cet Etat B a violéun traité com-
mercial conclu en 1880 entre A et B. B répond que le traité n'est

plus en vigueur. Après de vaines négociations, A soumet l'affaire
à une cour internationale conformément aux termes d'un traité
de règlement pacifique conclu entre A et B. Ce traité de règlement
pacifiquecontient la disposition ordinaire selon laquelle les parties
conviennent que les différendsrelatifs à des droits juridiques pour-
ront êtresoumis par l'une ou l'autre d'entre elles à un tribunal
international. B prétend que le tribunal n'est pas compétent
puisqu'il n'y a pas ((différend ))au sens du traité de règlement
pacifique car A fonde sa demande sur un traité qui n'est plus en

vigueur. Le jugement sur la question de savoir si le traité est
en vigueur et si par conséquent la demande présentée par A est
108to be settled on a plea to the jurisdiction. B in effect admits there
is a "dispute" but asserts that A's substantive position is unsound.
It may be possible to imagine a case where the allegation of a legal
right was so obviously absurd and frivolous that the Court would
dismiss the application on a plea to the jurisdiction, but such a

situation would be rare. In any event, it is not the situation in the
instant cases.
In the instant cases, it ishelpful to look firstt the second charac-
teristic of the "dispute" which has been noted above, i.e. that it
must relate to the interpretation or the application of the provisions
of the Mandate. I do not see how it can be seriously contended that
this condition is not fulfilled since it is sufficient basis for the juris-
diction of the Court if any of Applicants' contentions are so'related.
On the face of those contentions, and before the Court has examined
them on their merits, the Court must find that, assuming there is
a "dispute", it is one which relates to the interpretation or applica-
tion of the provisions of the Mandate.

In Interpretationof PèaceTreaties, this Court had to deal with
the meaning of the tetm "dispute" in a'treaty clause providing for
decision by a speci-tl procedure. The Court said (I.C.J. Reports1950,
at PP 74-75) :

"Whether there exists an international dispute is a matter for
dispute does not prove its non-existence ...There has thus arisen a
situation in which the two sides hold clearlyopposite views concem-
ing the question of the performance or non-performance of certain
treaty obligations. Confronted with such a situation, the Court
must conclude that international disputes have arisen ...Inasmuch
as the disputes relate to the question of the performance or non-
performance of the obligationsprovided in the articles dealing with
human rights and fundamental freedoms, they are clearly disputes
concerning the interpretation or execution of the Peace Treaties."

However, it has in effect been contended that the allegations of
the Applicants bear no relation to Applicants' legal rights and that
the true meaning of the compromissory clause is that the "dispute"
must relate to the interpretafion or application of those provisions
of the Mandate which vest certain legal rights in the Applicants,
such as, perhaps, the right under Article 5 for missionaries to enter
the territory. No such limitation is to be found in Article 7 which
refers to "any dispute whatever ..relating to the interpretation or
application of the provisions of the Mandate". Since, however,
jurisdictional issues must be scrupulously explored, one may con-
sider whether it is to be presumed that the rights of other States
to dispute about the interpretation or application of the Mandates
were limited to rights concerning what have been called their
"material" interests.

109 fondée en droit relève du fond et non pas d'une exception d'incom-
pétence. En fait, B admet qu'il y a un « différend »mais il soutient
que le point de vue de A quant au fond est erroné. Il est possible
d'imaginer une affaire où la prétention à un droit serait si évidem-
ment vaine et absurde que la Cour rejetterait la requête pour dé-
faut de compétence, mais une telie situation ne peut se présenter
que rarement. De toute façon, ce n'est pas le cas ici.
En l'espèce, il est utile d'examiner tout d'abord la seconde
caractéristique du « différend» notée plus haut, à savoir que le
différend doit êtrerelatif à l'interprétation ou à l'application des
dispositions du Mandat. Je ne vois pas comment on peut prétendre

sérieusement que pareille condition n'est pas remplie, puisqu'il
suffit pour établir la compétence de la Cour qu'une des allégations
des demandeurs réponde à cette caractéristique. Sur la base de
ces allégations et avant de les avoir examinées au fond, la Cour
doit s'assurer, à supposer qu'il y ait un « différend», que celui-ci
est bien relatif à l'interprétation ou à l'application des dispositions
du Mandat.
Dans l'affaire de l'Interprétation des traités de pair, la présente
Cour avait à déciderdu sens du mot «différend » dans une clause
de traité prévoyant une décision par une procédure spéciale. Elle
a déclaré (C.1. J. Recueil 1950, pp. 74-75):

ttL'existence d'un différendinternational demande a êtreéta-
blie objectivement. Le simple fait que l'existence d'undifférend
est contestéene prouve pas que ce différendn'existe pas...Il s'est
doncproduit une situation dans laquelle lespoints de vue des deux
parties, quant à l'exécutionou à la non-exécutionde certaines
obligations découlant des traités, sont nettement opposés. En
présenced'une telle situation, la Cour doit conclure que des dif-
férendsinternationaux se sont produits..Étant donnéque les dif-
férends sont relatifs l'exécutionou à la non-exécution des obliga-
tions prévuesdans les articles qui traitent des droits de l'hommeet
des libertés fondamentales,cesdifférendssont nettement deceuxqui
portent sur l'interprétation ou sur l'exécutiondes traitésde pai))

Toutefois on a en fait prétendu que les allégations des demandeurs
n'ont aucun rapport avec leurs droits et que la vraie signification
de la clause compromissoire est que le ((différend » doit êtrerelatif
à l'interprétation ou à l'application des dispositions du Mandat
qui confèrent certains droits juridiqztes aux demandeurs, comme
peut-être la faculté accordée aux missionnaires par l'article 5
de pénétrer dans le Territoire. L'article 7 ne contient aucune limi-
tation de ce genre et se réfère simplement à «tout différend, quel
qu'il soit...relatif à l'interprétation ou à l'application des disposi-
tions du Mandat )).Mais, puisque les questions de compétence
doivent êtrescrupuleusement examinées, op pourrait se demander

s'il faut supposer que les droits des autres Etats à mettre en cause
l'interprétation ou l'application des Mandats se limitent aux droits
concernant ce qu'on a appelé leurs intérêts «concrets ».
109 International law has long recognized that States may have leial
interests in matters which do not affect their financial, economic,
or other "material", or, Say, "physical" or "tangible" interests.

One type of illustration of this principle of international law is
to be found in the right of a State to concern itself, on general
humanitarian grounds, with atrocities affecting human beings in
another country. In some instances States have asserted such legal
interests on the basis of some treaty, as, for example, some of the

representations made to the Belgian Government on the strength
of the Berlin Act of 1885, concerning the atrocities in the Belgian
Congoin 1906-1907.In other cases, the assertion of the legal interest
has been based upon general principles of international law, as in
remonstrances against Jewish pogroms in Russia around the turn
of the century and the massacre of Armenians in Turkey. (See
generally, Rougier, Antoine, La théoriede l'interventiond'humanité,
XVII, Revue générale du droit irtternationalfiublic (I~IO), pp. 468-
526; Stowell, Interventionin International Law (1921),passim.

States have also asserted a legal interest in the generalobservance
of the des of international law. For example, in the cases of
Manouba and Carthage,as submitted by France and Italy to the
Permanent Court of Arbitration in 1913, in addition to claims for
material damage, France claimed ~oo,ooofrancs for the "moral and
political injury resulting from the failure t'oobserve international

common law.. .". Although the Permanent Court did not award
damages on this ground, the Arbitral Tribunal in the case of the
I'm Alone between the United States and Canada in 1935, awarded
in addition to amounts for compensation for material damage, a
sum of $25,000, "as a material amend in respect of the wrong".

For over a century treaties have specifically recognized the legal
interests ofStatesin general humanitarian causes and have frequent-
ly provided procedural means by which States could secure respect
for these interests. The history of the international efforts to
suppress the slave trade from at least 1841 affords numerous
examples, but one may turn to more recent cases, for example, the
Minorities Treaties at the end of World War 1. Illustrative is the

provision in Article II of the Treaty of St. Germain-en-Laye of
IO September 1919:

"The Serb-Croat-SloveneState further agreesthat any difference
of opinionas to questionsof law or fact arisingout of these Articles
betweenthe Serb-Croat-SloveneState and any one of the Principal
Alliedand Associated Powersor any other Power, a member ofthe
Councilof the Leagueof Nations, shallbe held to be a dispute of an
II0 international character under Article 14 of the Covenant of the
League of Nations. The Serb-Croat-Slovene State hereby consents
that any such dispute shd, if the other party thereto demands, be
referred to the Permanent Court of International Justice." (Hudson,
1 InternationalLegislation,pp. 312-319.)

The same provision is found in Article 69 of the Peace Treaty
with Austria, and Article 60 of the Treaty of Trianon with Hungary.

Similarly the Genocide Convention, which came into force on
12 January 1951 on the deposit of the twentieth ratification, pro-
vides in Article IX:

"Disputes between the Contracting Parties relating to the inter-
pretation, application or fulfilment of the present Convention,
including those relating to the responsibility of a State for genocide
or for any of the other acts enumeratedin article III, shall be sub-
mitted to the International Court of Justice at the request of any
of the parties to the dispute." (Vol. 78 United Nations Treaty
Series,pp. 278-282.)

As this Court said of the Genocide Convention: "In such a con-
vention the contracting States do not have any interests of their
own; they merely have, one and all, a common interest, namely the
accomplishment of those high purposes which are the raison d'être
of the convention. Consequently, in a convention of this type one
cannot speak of individual advantages or disadvantages to States,
or of the maintenance of a perfect contractual balance between
rights and duties. The high ideals which inspired the Convention
provide, by virtue of the common will of the parties, the foundation
and measure of all its provisions." (I.CJ. Reports 1951 ,t p. 23.)
The question isnot, therefore, whether one can conceive of a treaty
being concluded in such a spirit and with such results but whether
the Mandate was of this character.

Striking examples are also to be found in the Constitution of the

International Labour Organisation, in the various conventions
which the Organisation has brought into effect, and in operations
under those treaty provisions. It will be remembered that the
Constitution of the International Labour Organisation, like the
Covenant of the League, alsoformed part of theTreaty of Versailles.
The Preamble recites :
"Whereas the League of Nations has for its object the establish-
ment of universal peace, and such a peace can be established onlif
if is based on social justice;
And whereas conditions of labour exist involving such injustice,
hardship and privation to large numbers of people as to produce
unrest so great that the peace and harmony of the world are imper-
iUed... sera considéréceommeun différendayant un caractèreinternational
selon les termes de l'article 14 du Pacte de la Sociétdes Nations.
L'État serbe-croate-slovèneagréeque tout différendde ce genre
Justice. a(C.P.eJ.aI., ColIectiondetextesrégissantla compétencdeee
la Cour,sérieD no 6, qmeédition,pp. 542 et 538.)

Une disposition analogue se trouve à l'article 69 du traité de
paix avec l'Autriche et à Ilarticle 60 du trait6 de Trianon avec la
Hongrie.
De même,la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide, qui est entrée en vigueur le 12 janvier 1951,
après le dépôt du vingtième instrument de ratification, prévoit

en son article IX:
«Les différendsentre les Parties contractantes relatifà l'inter-
prétation, l'application ou l'exécutionde la présente Convention,
y compris ceux relatifsà la responsabilitéd'un État en matière de
génocideou de Sun quelconquedes autres actes énumérés à l'article
III, seront soumisà la Cour internationale de Justice,àla requête
d'une Partie au différend. » (Nations Unies, Recueil destraités,
vol.78, p. 283.)
Comme la présente Cour l'a dit au sujet de la convention sur
le génocide: « Dansune telle convention,les États contractants n'ont
pas d'intérêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt
commun, celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison
d'êtrede la convention. Il en résulte que l'on ne saurait, pour une

convention de ce type, parler d'avantages ou de désavantages
individuels des États, non plus que d'un exact équilibre contrac-
tuel à maintenir entre les droits et les charges. La considération
des fins supérieures de la convention est, en vertu de la volonté
commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les
dispositions qu'elle renferme. » (C.I. J. Recueil IgSI, p. 23.)
Ce qui importe n'est donc pas de savoir si l'on peut imaginer qu'un
traité puisse êtreconclu dans cet esprit à ces fins, mais si le Mandat
a bien ce caractère.
Des exemples frappants se trouvent également dans la Constitu-
tion de l'organisation internationale du Travail, dans les diverses
conventions que cette Organisation a mises en Œuvre, ainsi que
dans l'application de ces dispositions conventionnelles. On sait

que la Constitution de l'organisation internationale du Travail, de
mêmeque le Pacte de la SociétédesNations, faisait partie du traité .
de Versailles. Le préambule énonce:
« Attendu que la Société des Nations a pour but d'établirlapaix
universelle,et qu'une tellepaix ne peut êtrefondée quesur la base
de la justice sociale;
Attendu qu'il existe des conditions de travail impliquant pour
ungrandnombredepersonnesl'injustice,la misèreet les privations,
ce qui engendre un tel mécontentementque la paix et l'harmonie
universelles sont mises en danger,...
III427 S. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
Whereas also the failure of anynation to adopt humane conditions
of labour is an obstacle in the way of other nations which desire to
irnprove the conditions in their own countrie...

Article 411 (later renumbered Article 26) of the Constitution is
a broad recognition of the legal interest which all States, Members
of the Organisation, have in the maintenance of labour standards
and in the welfare of workers. The Article povides:
I. "Any of the Members shall have the right to lîle a complaint
with the International Labour Officeif it is not satisfied that any
other Memberis securing the effectiveobservance of any Convention
which both have ratilled in accordance with the foregoingarticles."

Article 423 of the Constitution provides:
I. "Any question or dispute relating to the interpretation of this
Part ofthe present Treaty or ofany subsequent conventionconcluded
by the Members in pursuance of the provisions of this Part of the
present Treaty shall be referred for decisionto the Permanent Court
of International Justice." (See in general Jenks, International
ProtectionofTrade Union Freedom,pp. 157-161.)

Acting on the basis of Article 26 (to use the numbering of the
amended text) of the Constitution, the Republic of Ghana sent a
communication to the Director-General of I.L.O. on 24 Febru-
ary 1961, in which it stated:
"The Republic of Ghana is not satisfied that Portugal is securing
the effective observance in her African temtories of Mozambique,
Angola and Guinea of Convention No. 105, [Abolition of Forced
Labour Convention, 19571which both Portugal and the Republic of
Ghana have ratified.
Accordingly, the Republic of Ghana requests that the Goveming
Body of the I.L.O. take appropriate steps, for example, by setting
up a Commissionof Inquiry to consider this complaint and to report
thereon."

The Governing Body of the I.L.O. on IO March 1961, approved
the report of itsOfficers in regard to the procedure which included
the creation of a Commission of Inquiry. The judicial nature of the
inquiry is indicated by the composition of the Commission: the
Chairman was a Member of the Permanent Court of Arbitration,
another Member was a former judge of the International Court
of Justice and had previously been President of the High Court of
Justice in his own country, and the third Member was the First
President of the Supreme Court of another country. Further, the
Commission in its report said :

emphasis on the judicial nature of the task entmsted toit, indi+ed
its desire for 'an objective evaluation' ofthe contentionssubmitted
by 'an irnpartial body' and required the members ofthe Commission

II2 AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 427

Attendu que la non-adoption par une nation quelconque d'un
régimede travail réellement humain fait obstacle aux efforts des
autres nations désireuses d'améliorer lesort des travailleurs dans
leus propres pays; ...»
L'article 411 (quiest devenu plus tard l'article 26) de la Consti-

tution reconnaît largement les intérêtsjuridiques qu'ont tous les
États Membres de l'organisation dans le maintien des normes de
travail et du bien-être des travailleurs. Il stipule:
I. (Chacun des Membrespourra déposer uneplainte au Bureau
international du ~ravad contre un autre Membre qui, à son avis,
n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécutiond'une con-
vention que l'un et l'autre auraient ratifiéeen vertu des articles
précédents. »

L'article 423 de la Constitution dispose:
Toutes questions ou difficultésrelatives à l'interprétation dela
présentePartie du présentTraitéet des conventions ultérieurement
conclues par les Membres,en vertu de ladite Partie, seront soumises
à l'appréciation dela Cour permanente de Justice internationale. »
(Voir en général Jenks, International Protection of Trade Union
Freedom,pp. 157-161.)

Se fondantsur l'article 26 (nouvelle numération du texte amendé)
de la Constitution, la République du Ghana a adressé le 24 fé-
vrier 1961 une communication au Directeur général du B. 1 .T.,di-
sant notamment :

(De l'avis de la République duGhana, le Portugal n'assure pas de
manièresatisfaisante, dans ses territoires africains du Mozambique,
d'Angola et de Guinée,l'exécutionde la convention no 105, que le
Portugal et la Républiquedu Ghana ont l'un et l'autre ratifiée.

En conséquence,la Républiquedu Ghana demandeque le Conseil
d'administration du B. 1.T. prenne des mesures appropriées,par
exemple en instituant une commission d'enquêtechargée d'exa-
miner cette plainte et de formuler un rapport à son sujet. »
Le' IO mars 1961, le Conseil d'administration du B. 1.T. a
approuvé le rapport de son bureau sur lesmesures àprendre, parmi

lesquelles la création d'une Commission d'enquête.
Lanature judiciaire de l'enquête ressort également de la composi-
tion de la Commission: le président était un membre de la Cour
permanente d'Artbirage; le deuxième membre était un ancien
juge à la Cour internationale de Justice, qui avait auparavant
présidé la Cour suprême de son pays; et le troisième membre
était premier président de la Cour suprême de son pays. En outre,
dans son rapport, la commission a déclaré:

((Le Conseil d'administration du B. 1. T., en instituant la Com-
mission, a mis spécialementl'accent sur le caractère judiciaire de
la mission confiéeà celle-ci; il a expriméson désir qu'une (appre-
ciation objective))des élémentsdu litige soit faite par un ((orga-
II2 before taking up their functions to makea solemndeclaration in
tenns correspondingto those ofthe declarationmade by Judges of
the International CourtofJustice."

The Commission also noted in its report that if its hndings or
recommendations were not accepted by both governments, either
one of them might refer the case to the International Court of
Justice under Article 29 of the Constitution of the I.L.O. (See
International Labour Office Oflcial Bulletin,Volume XLV, No. 2,
Supplement II, April 1962, Report of the Commission Apfiointed
under Article 26 of the .Constitution of the International Labour
Organisation to Examine the Complaint filed by the Governmentof
Ghana concerning the Observance by the Government of Portugal
of the Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. IO$.)

The fact which this case establishes is that a State may have a
legal interest in the observance, in the territones of another State,
of general welfare treaty provisions and that it may assert such
interest without alleging any impact upon its own nationals or
its direct so-called tangible or material interests. The operation
of the International Labour Organisation further indicates that
disagreements over the observance of general weLfareprovisions
may be the subject of judicial investigation and of ultimate resort
to this Court. Although, in the case cited, the special procedure
of a Commission of Inquiry was utilized, the basic situation of a
differenceofopinionconcerning the application ofa treaty provision
on the general welfare of the inhabitants might perfectly well
be the subject of negotiation between two States.

Although it has been asserted that disputes concerning the
fulfilment of the requirements stated in paragraph 2 of Article 2
of the Mandate for South West Africa would be difficult to settle
by negotiation, there is no reason in logic or in experience why this
should be true. Certainly courts can determine and have determined
whether particular laws or actions comply with general broad
criteria such as "due process", "equal protection" and "religious
freedom". The Supreme Court of the United States is able to
determine what measures are or are not compatible with religious
freedom (Reynolds v. United States (1879) 98 U.S. 244; Engel et
al.v. Vitale (1962)370U.S. 421) ;or what is "the liberty in a social
organization which requires the protection of law against the
evils which menace the health, safety, morals and welfare of the
people". (West Coast Hotel Co. v. Parrish (1937) 300 U.S. 379,
391.) So too, bilateral commercial treaties may involve negotiable
disputes concerning what measures affecting liberty of conscience
and worship are "necessary to protect the public health, morals
and safety". (See Wilson, United States Commercial Treaties and
1x3 nisme indépendant »,et a prévu queles membresde la Commission
prononcent, avant d'entrer en fonction, une déclarationsolennelle
dans des termes correspondant à ceux de la déclaration faite parles
juges dela Cour internationale de Justice.))
La Commission a également noté dans son rapport que, s'ils
n'acceptaient pas ses conclusions ou recommandations, les deux
gouvernements auraient le droit de soumettre le différend à
la Cocr internationale de Justice en vertu del'article 29dela Consti-

tution de l'O. 1. T. (voir Bureau international du Travail, Bulletin
o@ciel,vol. XLV, no 2, supplément II,avril 1962, Rapport de la
Commission instituéeen vertu de.l'article 26 de la Constitution de
l'Organisation internationaledu Travail pour examiner la plainte
déposép ear le Gouvernementdu Ghanaau sujet del'observation parle
Gouvernementdu Portugal de la convention (no 105) surl'abolitiondu
travail forcé,1957).
Cette affaire montre qu'un État peut avoir un intérêtjuridique
à ce que soient observées dans les territoires d'un autre État les
dispositions conventionnelles relatives au bien-être généralet
qu'il peut faire valoir un tel intérêtindépendamment de toute

incidence sur ses propres ressortissants ou sur ses intérêtsdirects
« tangibles ))ou « concrets ». L'action de l'organisation interna-
tionale du Travail indique en outre que les désaccords survenant
à propos de l'observation des dispositions relatives au bien-être
général peuvent faire l'objet d'une enquêtejudiciaire et en dernier
ressort d'un recours à notre Cour. Bien que dans le cas cité on
ait eu recours à la procédure spécialed'une Commission d'enquête,
la situation fondamentale - divergence d'opinion à propos de l'ap-
plication d'une disposition d'un traité portant sur le bien-ètre
général deshabitants - peut très bien faire l'objet de négocia-
tions entre deux Etats.

Bien que l'on ait prétendu qu'il serait difficile de régler par des
négociations les différends concernant l'accomplissement des
prescriptions énoncéesau second alinéa de l'article 2 du Mandat
pour le Sud-Ouest africain, rien ne prouve logiquement ni prati-
quement que cela soit vrai. Certains tribunaux peuvent déter-
miner, et ils l'ont fait, si des lois ou actions particulières se confor-
ment à des critères larges et généraux comme par exemple la
« sauvegarde de la liberté individuelle », la (protection égale ))
et la ((libertéde religion B. La Cour suprêmedes Etats-Unis peut
déterminer quelles mesures sont compatibles ou non avec la liberté
de religion (Reynolds c. United States, 1879, 98 U.S. 244; Engel

et al. c. Vitale1962, 370 U.S. 421) ou quelle est (dans un système
social la liberté qui requiert la protection des lois contre les dangers
menaçant la santé, la sécurité, la morale et le bien-êtrede la com-
munauté ». (West Coast Hotel Co. c. Parrish, 1937, 300 U.S. 379,
391.) De même,des traités de commerce bilatéraux peuvent im-
pliquer des différends négociables sur les mesures affectant la
liberté de conscience et de religion qui sont cnécessaires à la

113 InternationalLaw (1g60),p. 271.) There is no reason why this Court
should be unable to determine whether various laws and regulations
promote the "material and moral well-being and the social progress

of the inhabitants" of the mandated territory.

If courts can pass on such questions, there is no reason why two
governments should not discuss them (and such discussion would
constitute a negotiation) and reach agreement that the measures
were improper; or that the deficiencies alleged to exist were not
established; or failing agreement, resort to this Court.

In the light of the foregoing, and in the light of the familiar
history of the establishment of the Mandates System, it is not
surprising to find that in 1920 it was the intention of States to re-
cognize and to provide for a "legal" interest of States in questions
which did not directly touch their "material" interests or those

of their nationals. That was what was done in defining the terms
of the Mandates.
The Mandates System was one of at least four great manifesta-
tions in 1919-1920 of the recognition of the interest' of all Statesin
matters happening in any quarter of the globe. The first manifesta-
tion was in Article II of the Covenant which recognized-as the
phrase was later used-that peace was indivisible. The second
manifestation was in the recognition of the interest of the inter-
national community in the protection of minorities. As provided
in Article 69 of the Treaty of St. Germain with Austria (prototype
for other minority treaties): "Austria agrees that the stipulations
in the foregoing Articles of this Section, so far as they affect persons
beionging to racial, religious or linguistic minorities, constitute
obligations of international concern ..." The third manifestation
was in the recognition in the Constitution of the International

Labour Organisation (just quoted) of the interest which all States
have in "humane conditions of labour" in al1 other States. The
fourth manifestation is in Article 22 of the Covenant recognizing
the "sacred trust of civilization" in promoting the well-being
and development of peoples not yet able to stand by themselves.

In the minorities treaties, in the Constitution of the Labour
Organisation and in the Mandates, there were provisions for refer-
ence to the Permanent Court of International Justice. In each
case the States entitled to invoke the jurisdiction were designated
by a description; in no instance was the class one of unchanging
composition. In connection with the rninorities treaties, the proce-
dural or enforcement rights were delegated to a representative

group; both the permanent members and the changing non-perma-
114 protection de la santé, de la morale et de la sécurité publiques ».
(Voir Wilson, United StatesCommercialTreatiesand International

Law, 1960, p. 271.) Je ne vois pas pourquoi la Cour ne pourrait
déterminer si certaines lois et certains règlements favorisent cle
bien-être matérielet moral ainsi que le progrèssocial des habitants ))
du Temtoire sous Mandat.
Si les tribunaux peuvent se prononcer sur de telles questions, il
n'y a pas de raison pour que deux gouvernements n'en discutent
pas (une telle discussion constituant une négociation), en vue de
convenir que les mesures critiquées étaient impropres ou que les
prétendues déficiencesn'ont pas étéétablies; et, faute d'accord,

de faire appel à la Cour.
A la lumière de ce qui précèdeet de l'histoire bien connue de
l'établissement du système des Mandats, il n'est pas étonnant
d'aboutir à la conclusion que l'intention des États en 1920étaitbien
de reconnaître et de protégerun intérêt ((juridique 1)des États en
question n'affectant pas directement leurs intérêts cconcrets ))
ni ceux de leurs ressortissants. C'est cequi a étéfait dans la défini-
tion des termes des Mandats.
Le système des Mandats est l'une des quatre principales mani-

festations de l'intérêt quetous les Etats ont reconnu avoir en
1919-1920 pour ce qui se passait aux quatre coins du globe. La
première manifestation se trouve à l'article II du Pacte qui a re-
connu - comme on l'a dit plus tard - que la paix est indivisible.
La seconde manifestation a consisté dans la reconnaissance de
l'intérêtde la communauté internationale dans la protection des
minorités. L'article 69 du traité de Saint-Germain avec l'Autriche
(prototype utilisé pour les autres traités de minorités) stipulait:
((L'Autriche agrée que, dans la mesure où les stipulations des

articles précédentsde la présente Section affectent des personnes
appartenant à des minorités de race, de religion ou de langue, ces
stipulations constituent des obligations d'intérêt international ...))
La troisième manifestation a été lareconnaissance dans la Consti-
tution de l'organisation internationale du Travail (que je viens
de citer) de l'intérêt qu'ont tousles États à l'adoption ccd'un
régimede travail réellement humain 1)dans tous les autres États.
La quatrième manifestation a étél'article 22 du Pacte qui a re-
connu ccla mission sacrée de civilisation ))formée par le bien-

êtreet le développement des peuples non encore capables de se
diriger eu-mêmes.
Les traités de minorités, la Constitution de l'organisation inter-
nationale du Travail et les Mandats contenaient des clauses de
renvoi à la Cour permanente de Justice internationale. Dans cha-
que cas, les États ayant le droit d'invoquer la compétenceétaient
désignéspar une description; il ne s'agissait en aucun cas d'une
catégorie de composition fixe. Dans les traités de minorités, les
droits de procédure ou d'exécution étaient délégués à un groupe

représentatif; tant les Membres permanents que les Membres
114nent members of the Council of the League had the right to resort
to the Court. In the International Labour Organisation the Mem-
bers of the I.L.O. had the right and in the mandates the Members

of the League had the right. Thetext itself of the minorities treaties
recognized that disputes arising out of the treaty might relate to
questions of eitherlaw or fact. In the Constitution of the Internatio-
nal Labour Organisation the jurisdictional klause refers to "any
question or dispute relating to the interpretation ...".As the Ghana-
Portugal case just cited shows, the dispute might involve either
facts or law or both. In the mandates, the reference is to "any
dispute whatever ...relating to the interpretation or the applica-
tion...". Clearly this provision also must embrace both issues of
law and issues of fact. Article 50 of the Statute gives this Court
ample powers to deal with questions ai fact.

In no one of the three examples-minorities, labour, mandates-
was it necessary for a State invoking .the junsdiction of the Court
to allege that it had a direct "material" interest, either for itself

or for its nationals. Ithas been well said :
"Stakes conclude multilateral treaties not only in order to secure
for themselves concrete mutual advantages in the form of a tangible
give and take, but also in order to protect general interests of an
economic,political or humanitarian nature, by means of obligations
the uniformity and general observance of which are of the essence
of the agreement. The interdependence of international relations
frequently results in States having avital interest in the maintenance
of certain rules and principles, although a modification or breach of
these principles in any particular single case is not likely to affect
adversely some of them at al1or at lest not in the same degree ..."
(Note by "H. L." in 1935 British Yearbook of International Law,
P. 165.)

At the first session of the Assembly of the League, the represen-
tative of Sweden said :

"People have asked me why we small nations in the North seem
to be so interested in this Article 22. It may be because of its guar-
anteeing freedomoftrade with the Colonies.Yes,ofcourse.We think
freedom oftrade to be a goodthing and monopoliesa bad thing from
say, and 1 am proud to state, that this is not for us the essential
thing. No. To establish a world-wide culture, to preserve a lasting
peace-such are the reasons for Ourpeoples' interest in Article 22.
Have wenot shown such moral interest for the natives, for instance,
of Africa?" (Thirtieth Plenary Meeting, 18 December 1920,pp. 716-
717.1non permanents du Conseil de la Société desNations avaient le
droit de faire appel à la Cour. Dans le cadre de l'Organisation
internationale du Travail, ce droit revenait aux Membres de l'Or-
ganisation et dans le cadre des Mandats il appartenait aux Mem-
bres de la Sociétédes Nations. Le texte même destraités de mino-
rités reconnaissait que les différends s'élevant à leur propos pou-

vaient avoir trait à des questions de droit ou de fait. Dans la
Constitution de l'organisation internationale du Travail, la clause
juridictionnelle visait ((Toutes questions ou difficultés relatives à
l'interprétation... » Comme le montre l'affaire Ghana-Portugal
que je viens de citer, le différend peut porter aussi bien sur des
faits que sur le droit ou mêmesur les deux. Dans les Mandats,
on se réfère à ((tout différend, quel qu'il soit, ...relatif à l'inter-
prétation ou à l'application ...». Il est clair que cette disposition
englobe les questions de droit aussi bien que de fait. L'article 50
du Statut donne à la Cour de larges pouvoirs pour connaître des

questions de droit.
Dans aucun de ces trois exemples - minorités, travail, Mandats
- l'Etat invoquant la compétence de la Cour n'avait besoin d'al-
léguer un intérêt (concret ))direct pour lui-même ou pour ses res-
sortissants. On a dit justement:

((Les États concluent des traités multilatéraux non seulement
pour s'assurer mutuellement des avantages concrets sous la forme
d'échangestangibles, mais aussi pour protégerdes intérêts généraux
de nature économique,politique ou humanitaire au moyen d'obli-
gations dont l'observation uniforme et généraleconstitue l'essence
de l'accord. L'interdépendance des relations internationales a sou-
vent pour conséquenceque des États ont un intérêt vital à ce que
soientmaintenus certainsprincipeset règles,bienqu'unemodification
ou uneviolation de cesprincipes dansun cas particulier n'affecterait
probablement pas certains d'entre eux, ou du moins pas dans la
même mesure... 1)(Note par ((H. L. ))dans British Year Book of
International Law, 1935,p. 165.)

Lors de la première session de l'Assemblée de la Sociétédes
Nations, le représentant de la Suède a déclaré:

« On m'a demandé pourquoi nous autres, les petits peuples du
Nord, nous paraissons prendre un intérêtsi vif à l'article 22. Il se
peut que ce soit parce qu'il garantit la liberté de notre commerce
avec les colonies. Oui, naturellement. Nous trouvons que la liberté
du commerce est une bonne chose et les monopoles une mauvaise,
au point de vue de nos affaires. Mais je sais que j'ai le droit de le
dire- et je suis fier de le déclar-r que ce n'est pas là pour nous
la chose essentielle. Certes non. Établir une culture mondiale,
conserver une paix durable - telles sont les raisons pour lesquelles
nos peuples prennent intérêt à l'articl22. N'avons-nouspas montré
une telle sollicitude morale, par exemple à l'égarddes indigènes
de l'Afrique? » (Trentième séance plénière,18 décembre1920,
PP. 716-7174
IIj S. W. AFRICA CASES (SEP. OPIN. JUDGE JESSUP)
431
The conviction registered in the peace treaties at the close of
World War 1in regard to minorities, labour, and dependent peoples,
was that just as peace was indivisible, so too was the welfare of
mankind. Those responsible for the insertion of this principle in the
Peace Treaties were giving international applicationto the philo-
sophy that

"No man is an Island, entire of itself; every man is a pieceof the
Continent, a part of the main.
Any man's death diminishes me, because 1 am involved in
Mankind ..."

The foregoing interpretation of Article 7 is supported by the
history of the so-called Tanganyika clause. it will be remembered
that this clause, which constitutes the second paragraph of Article
of the British Mandate for East Africa, does not appear in the
final text of any other mandate. It was originally proposed in the
sessions of the Milner Commission in London in the summer of
1919 as a clause to be inserted in al1B Mandates. Following the
general jurisdictional paragraph which appears in identical terms
in paragraph 2 of Article7 of the Mandate for South West Africa,
the Tanganyika clause goes on to provide that: "States Members
of the League of Nations may likewise bring any claims on behalf

of their nationals for infractions of their rights under this mandate
before the said Court for decision". When the Belgian and British
Governments first agreed that a portion of German East Africa
should be assigned to Belgium as a Mandate, the Tanganyika
clause was included in the draft of the Belgian Mandate. Subse-
quently, it was dropped. In 1925 ,t the 6th Session of the Perma-
nent Mandates Commission, M. Rappard thought that its inser-
tion in the British East African Mandate was accidental but Sir
Frederick Lugard said that the British Government did not believe
that is could be so described.

Aside from the various interpretations or comments on this
clause in the Mavrommatis case, it must be concluded that para-
graph 2 of Article7 of the Mandate for South West Africa, which
is identical with the first paragraph of the jurisdictional article
mean something diflerent from,
in the East African Mandate, must
or more than, what is meant by the Tanganyika clause. The para-
graph in Article 7 of the South West Africa Mandate may ilzclu,de
claims on behalf of citizens but the Court is not required to decide
that point now. The paragraph w.;/sinclude something other than
or in addition to the claims of nationals or else the East African
Mandate would have omitted paragraph I because paragraph 2
would have covered the field.
The language of paragraph 2 of Article 7 of the South West
Africa Mandate is very broad indeed and there is no evidence that
it is limited to matters in which other States might have a "public"
116 AFF. DU S.-O. AFRICAIN (OPIN. INDIV. DE M. JESSUP) 431

Les traités de paix qui ont mis fin à la première guerre mondiale
reflètent en ce qui concerne les minorités, le travail et les peuples
non autonomes, la conviction que le bien-être de l'humanité est
' aussi indivisible que la paix. Ceux qui ont fait inclure ce principe
dans les traités de paix ont appliqué au domaine international
l'aphorisme :

((Aucunhomme n'est une île, un tout en soi; chaque homme est
une parcelle de continent, une partie d'océan.
Il n'est mort d'homme qui ne me diminue, car j'appartiens à
l'humanité..))

Mon interprétation de l'article 7 est confirméepar l'historique
de la clause dite du Tanganyika. Il faut se rappeler que cette clause
qui constitue le second alinéa del'article 13 du Mandat britannique
sur l'Est africain n'apparaît dans le texte final d'aucun autre
Mandat. Elle a étéproposée àl'origine, lors des réunions tenues par
la CommissionMilner à Londres en été1919, pour êtreinséréedans
tous les Mandats B. Venant à la suite d'une clause de juridiction
généraleidentique au second alinéa de l'article 7 du Mandat pour
le Sud-Ouest africain, la clause du Tanganyika énonce: (Les Etats
Membres de la Société desNations pourront également soumettre
au jugement de ladite Cour, au nom de leurs nationaux, toutes

plaintes émanant de ces derniers et signalant une atteinte portée à
leurs droits tels qu'ils sont définispar le présent mandat.1)Lorsque
les Gouvernements belge et britannique sont convenus que la
Belgique se verrait confier un Mandat sur une partie de l'Afrique
orientale allemande, la clause du Tanganyika était incluse dans le
projet de Mandat belge. Puis elle en a étérayée. En 1925, lors de
la sixième session de la Commission permanente des Mandats,
M. Rappard a exprimé l'idéequ'elle avait étéinséréepar accident
dans le Mandat britannique sur l'Est africain, mûis sir Frederick
Lugard a répondu que le Gouvernement britannique ne pensait pas
qu'il en fût ainsi.

Indépendamment des divers commentaires ou interprétations
formuléssurcette clause dans l'affaire Mavrommatis, ilfaut conclure
que le second alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest
africain, qui est identique au premier alinéadel'article juridictionnel
du Mandat sur l'Est africain, doit avoir une signification différente
ou plus étendue par rapport à la clause du Tanganyika. Le second
alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain peut
inclure des demandes présentées au nom de ressortissants, mais
il n'appartient pas à la Cour d'en décider actuellement. Cet alinéa
doit inclure quelque chose d'autre et quelque chose de plus que
les réclamations de ressortissants, sans quoi le premier alinéa du

Mandat sur l'Est africain aurait étéomis, le second étant si?ffisant.
Le libellédu second alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-
Ouest africain a en effet un sens très large et rien ne prouve qu'il soit
limité à des questions d'intérêt((public n pour les autres États,
116concern, as for example the interest of a neighbouring State in the
control of the traffic in slaves, arms, or liquors. Even if oneonsid-
ered it necessary to identify some such regional interest of this
kind, the regional interest of the Applicants cannot be gainsaid.
Although under the Labour Conventions no direct material interest
had to be established, the interest of Ghana inthe question of forced
labour in Angola, etc.,can be considered comparable to the interest
of Applicants in the conditions of the indigenous inhabitants in
South West Africa.

Bearing in mind the absence of the open-door clauses in the
C Mandates and the resulting restricted category of what might be
called direct,material interests of other States in the application of
the Mandate, why should the jurisdictional clause (Le. Arricle 7),
if it was intended to apply only to these restricted categories, have
used the sweeping phrase : "any dispute whatever ...relating to the
interpretation or the application of the provisions of the Mandate" ?
1s it possible to interpret the words "the provisions" as meaning
only "some of the provisions" ?

It is impossible to escape the conclusion that paragraph 2 of
Article 7 of the South West Africa Mandate was intended to re-
cognize and to protect the general intere'sts of Members of the
international community in the Mandates System just as some-
what comparable clauses recognize this broad interest in the

minority treaties, in the Constitution of the International Labour
Organisation and, as more recently, in the Genocide Treaty and
in some of the trusteeship agreements concluded under the United
Nations. When the Mandate treaties were concluded, it was disputes
over these broad interests which were contemplated. (Cf. U.S.
Nationals in Morocco, I.C.J. Reports 1952, at p. 189.)

It has been urged that those who concluded the Mandate agree-
ments could not have intended the meaning of Article 7 (2) which
has just been stated, because they would have wished to avoid
the confusion and conflict which it might have entailed between
the respective roles of the Council of the League and the Permanent
Mandates Commission on the one hand, and the Permanent Court
of International Justice on the other hand. The Permanent Court
disposed of a comparable objection in connection with the Minor-

ities treaties which contained provisions both for invoking action
by the Council and for submitting a case to the adjudication of
the Court. (Settlers of German Origin, Series B, No. 6 (1g23),
pp. 21-23; Upper Silesia (Minority Schools), Series A, No. 15
(1928), pp. 19-25.) And to the same general effect, although with
certain differences of treaty terms, Statute of the Memel Territory,
Series A/B, No. 47 (1g32), pp. 248-249.
Reference has been made to Article 62 of the Statute of the Court
to establish the point that the Court is competent to pass only on comme par exemple l'intérêtd'un État voisin à l'égardde la traite
des esclaves, du trafic des armes ou du commerce des spiritueux.
Mais, même s'ilfallait reconnaître un intérêtrégionalde cette sorte,
on ne pourrait contester l'intérêtrégional des demandeurs. Bien
que, dans le cadre desconventions du travail, il ne soit pas nécessaire
d'établir un intérêtconcret direct, l'intérêt du Ghana dans la
question du travail forcé en Angola, etc., peut êtrecomparé à
l'intérêtdes demandeurs dans les conditions d'existence des habi-
tants indigènes du Sud-Ouest africain.
Etant donné l'absence de clause de la (porte ouverte » dans les
Mandats C et le caractère par conséquent restreint de ce que l'on
peut appeler les intérêtsconcrets directs des autres Etats à l'appli-

cation du Mandat, pourquoi la clause juridictionnelle (c'est-à-dire
l'article 7) aurait-elle compris le terme général:«tout différend,
quel qu'il soit, ...relatif à l'interprétation ou à l'application des
dispositions du Mandat », si elle ne devait s'appliquer qu'à une
catégorie aussi restreinte? Est-il possible d'interpréter les mots
cles dispositions» comme signifiant simplement « certaines dispo-
sitions )?
Il est impossible d'échapper à la conclusion que le second alinéa
de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain avait pour
but de reconnaître et de protégerles intérêtsgénéraux desmembres
de la communauté internationale dans le système des Mandats,
de mêmequedes clauses àpeuprès analogues ont reconnul'existence
de cet intérêtgénéraldans les traités de minorités, dans la Consti-
tution de l'organisation internationale du Travail et, plus récem-

ment, dans la convention sur le génocideet dans certains accords
de tutelle conclus dans le cadre des Nations Unies. Lorsque les
accords de Mandat ont étéconclus, c'est aux différendstouchant
ces vastes intérêtsque l'on pensait (cf. Droits des ressortissantsdes
Etats-Unis d'Amérique au Maroc, C. I. J.Recueil 1952, p. 189).
On a soutenu que les signataires des accords de Mandat n'ont
3u envisager de donner au second alinéade l'article 7 le sens dont
je viens de faire état, car ils souhaitaient éviter les confusions et
les litiges que cela aurait pu engendrer quant aux rôles respectifs
du Conseilde la SociétédesNations et de la Commission permanente
des Mandats, d'une part, et de la Cour permanente de Justice
internationale, d'autre part. La Cour permanente aurait pu faire
valoir une objection du mêmeordre au sujet destraitésdeminorités,

lesquels contenaient à la fois des dispositions permettant d'en
appeler au Conseil et des clauses de règlement judiciaire par la
Cour. (Colons allemands, série B no 6, 1923, pp. 21-23; Ecoles
minoritairesen Haute-Silésie,sérieA no 15, 1928,pp. 19-25.) A noter
de même,bien qu'avec quelques différences dans les termes du
traité, le Statut du territoire deMemel (Série A/B no 47, 1932,
PP. 248-249).
On a fait mention de l'article 62 du Statut de la Cour pour
prouver que celle-ci n'est compétente que pour connaître d'un "an interest ofa legalnature". It isnot demonstrated that Article 62
establishes a norm which must be used in interpreting Article 36
which says: "The junsdiction of the Court comprisesall caseswhich
the parties refer to it and allmatters specially provided for in the
Charter of the United Nations or in treaties and conventions in
force." The criteria forintervention may wellbe different from those
for original submission. In The Wimbledon, Poland at first claimed
the right to interveneunder Article 62, but subsequently abandoned
that ground and claimed a right under Article 63 as a party to the
treaty in question. The Permanent Court said:

"The attitude thus adopted rendersit unnecessaryfor the Court
to consider and satisfy itself whether Poland's intervention in
the suit beforeitis justifiedby an interesof a legalnature, within
the meaning ofArticle 62 of the Statute." (SeriesA, No. 1,p. 13.)

The Court did not Say that the interests under Articles 62 and 63
were identical on the ground that both must involve legal interests
of a particular kind. To take a clear case, when the minorities
treaties or the labour conventions provide for reference to the Court
of differences of fact or law arising under the treaties, the Court
Statute and to assert that the Applicant State .may not submit the
case because the Court does not think that general interests in the
welfare of minorities or of labour are the kinds of interests on which
anintervention under Article 62could be based. The same reasoning
applies to the Mandates. Moreover, it may be recalled that the
Permanent Court held that States can ask the Court "to give an ab-
stract interpretation ofatreaty". (PoZishUpperSiZesia, SeriesA,No.7,
pp. 18-19.)In my opinion, however, the short answer to this argu-
ment is that, for the reasons which have been stated, the general
interest in the operation of the mandates was a legal interest.

The other aspect of a "dispute" which calls for examination is
whether it was one which, in the words of Article 7, "cannot be
settled by negotiation". As in other respects, this aspect is to be
determined as of the date of the filing of the Applications in the
instant case, that is 4 November 1960.
Although frequentlyomittedin clausesprovidingfor adjudication
on the interpretation or application of a particular convention, and
although not mentioned in Article 36 of the Statute of the Court,
the provision isa familiar one, The phraseologyvaries ;some clauses
speak of settling the dispute "by diplomacy" which in these days
must be interpreted to include what has been called "parliamentary
118 «intérêtd'ordre juridique ».Il n'a pas étédémontré que l'article 62
établisse une norme à utiliser pour l'interprétation de l'article36,
.lequelénonce: « La compétencedela Cour s'étendàtouteslesaffaires
que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement
prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et
conventionsen vigueur. »Il se peut que les critères de l'intervention
soient différents de ceux qui régissentl'introduction de l'instance.
Dans l'affaire du Wimbledon, la Pologne a tout d'abord faitvaloir
son droit d'intervenir aux termes de l'article 62, mais par la suite
elle a abandonné ce titre et elle a invoqué un droit dérivant de
l'article63, en tant que partie au traité en question. La Cour
~ermanente a dit :

«L'attitude ainsi prise dispensela Courd'examineret de vérifier
si vraiment l'intervention de la Pologne dans le litige soumisà
son jugement est justifiéepar un intérêt'ordrejuridique, au sens
de l'article du Statut. » (SérieA no 1,p. 13.)
La Cour n'a pas dit que les intérêtsviséspar les articles 62 et 63
fussent identiques, comme devant impliquer des intérêtsjuridiques

d'un genre particulier. Pour prendre un exemple clair, lorsque les
traités de minoritésou les conventions dutravail prévoient le renvoi
à la Cour des différendsde fait ou de droit s'élevantà leur propos,
la Cour n'est pas autorisée pour autant à négliger lestermes clairs
de l'article 36 du Statut et à affirmer que l'État demandeur ne
saurait lui soumettre une affaire, motif pris de ce que les intérêts
générauxà l'égarddu bien-êtredes minorités ou des travailleurs
ne relèvent pas de la catégorie des intérêtsjustifiant une inter-
vention aux termes del'article 62.Le mêmeraisonnement s'applique
aux Mandats. Ap surplus, ilfaut se rappeler que la Cour permanente
a jugéque les Etats peuvent demander à la Cour « de donner une
interprétation abstraite d'une convention »(Haute-Silésiepolonaise,

série A no 7,pp. 18-19).Mais, je crois que la réponseà cet argument
est simple: pour les raisons indiquées, l'intérêtgénéralà l'appli-
cation des Mandats est un intérêtjuridique.

L'autre aspe~t du « différend» qu'il convient d'examiner est de
savoir s'il était«susceptible d'êtreréglépar des négociations » aux
termes de l'article 7.Comme pour d'autres points, il faut se placer

à la date du dépôt des requêtes ayant introduit les présentes
instances, c'est-à-dire au4 novembre 1960.
Bien que fréquemment omise dans les clauses prévoyant le
règlement des différendsrelatifs à l'interprétation ou à l'application
d'une convention donnéeet bien qu'omise à l'article 36 du Statut
de la Cour, cette disposition est familière. La terminologie peut
varier; certaines clauses parlent du règlement du différend «par la
voie diplomatique »,ce qui de nos jours doit êtreinterprétécomme
118diplomacy" by which is meant the negotiation of solutions of inter-
national problemswithin the framework and through the procedures
of an organized body acting under established rules of procedure,
such as the General Assembly of the United Nations. The General
Assembly, and indeed the whole United Nations complex with its
permanent missions and its special committees, are today a part
of the normal processes of diplomacy, that is of negotiation.

Ofcourse negotiation at or by conferenceis not newin thehistory
of diplomacy. One may recall the negotiations among "the Big
Four" at the Pans Peace Conference at the end of World War 1,
the negotiations on problems of the Far East at the 1921-1922
Washington Conferenceon the Limitation of Armaments, and even
the many negotiations which went on at Viegna in 1815.But in the
earlier conferences there was usually no question of negotiating
with the conference as a body although examples are not lacking
where some of the smaller Powers did indeed have to negotiate
with,the Great Powers acting corporately as the Concert of Europe.

Traditional diplomacy was also familiar with devicesfor carrying
on negotiations without the actual participation of the disputing
parties,asfor example by the use of good officesor mediation. It
willbe recalled that in the present era of the United Nations, that
Organization utilized a Mediator in Palestine and Good Officesin
Indonesia.
It must surely be said that negotiations on many subjects have
taken place at and through the instrumentality of the United
Nations over a number of years conceming the Palestinian Arab
Refugees although the States principally concerned have not met
together separately to discussthese issues.Numerousother examples
could be cited as for example the negotiations in the General As-
semblyconceming the eventual federation of Entrea and Ethiopia.
The problems of disarmament have been the subject of negotiations
through direct diplomatic channels whether bipartite or multi-
partite; through conferences around a table of ten or more dele-
gations; and through the regular debating procedures in the Com-
mittees and in the plenary sessions of the United Nations General
Assembly. (1leave aside negotiations in thecouloirs.)
The question of the authonty of the General Assembly under
Chapter XI ofthe Charter to exercisesupervision ofnon-self-govern-
ing tenitories was negotiated in the General Assembly and its
committees over a period of years. So likewisethe questions of the
obligation of the Mandatory to negotiate a trusteeship agreement
for South West Afnca has been itself the subject of negotiations in
the General Assembly. The existing trusteeship agreements were
indeed negotiated in the General Assembly in a way in which the
Mandate agreements were never negotiated in the Council or in the
Assembly of the League.
119 comprenant ce que l'on a appelé la «diplomatie parlementaire 11,
-,'est-à-dire la négociation des solutions aux problèmes internatio-
naux dans le cadre et par les voies d'une institution organisée
agissant selon des règlesde procédure établies,comme l'Assemblée
généraledes Nations Unies. L'Assemblée généraleet mêmei'en-
semble du systèmedesNations Unies, avecses missions permanentes
et ses comités spéciaux, font aujourd'hui partie des moyens nor-
maux de la diplomatie, c'est-à-dire de la négociation.
Les négociations dans le cadre d'une'conférence ne sont certes
pas nouvelles dans l'histoire de la diplomatie. Qu'il suffise de

rappeler les négociationsentre (les quatre Grands »à la Conférence
de la paix de Pans après la première guerre mondiale, les négocia-
tions sur les problèmes d'Extrême-Orient à la conférence de
Washington de 1921-1922 sur la limitation des armements et même
les nombreuses négociations qui se sont tenues à Vienne en 1815.
Mais, auparavant, il n'était généralementpas question de négocier
avec la conférence en tant qu'organisme, bien que les exemples
n'aient pas manquéde petites Puissancesnégociant avec les grandes
Puissances groupées dans le coniert européen.
La diplomatie traditionnelle connaissait également des moyens
de mener des négociations sans la participation effective des parties
en litige, tels par exemple les bons offices ou la médiation. On se

rappellera qu'à l'heure des Nations Unies cette Organisation s'est
servie d'un médiateur en Palestine et de bons offices en Indonésie.

Il faut certainement rappeler que des négociations portant sur
nombre de questions se sont tenues aux Nations Unies et par leur
intermédiaire. Ainsi des négociations sur le problème des réfugiés
arabes de Palestine se sont-elles tenues aux Nations Unies pendant
de longues années sans que les principaux États intéressés se
réunissent séparément pour en discuter. On pourrait citer de
nombreux autres exemples, comme par exemple les négociations
à ,l'Assemblée générale concernant la fédération éventuelle de
l'Erythrée et de l'Éthiopie. Les problèmes du désarmement ont

fait l'objet de négociations bilatérales ou multilatérales par les
voies diplomatiques directes par des conférencesde dix délégations
ou plus; et par les débats ordinaires des séances de commission
et séances plénièresde l'Assemblée générale des Nations Unies
(sans compter les négociations de couloir).
La question des pouvoirs de l'Assemblée générale en matière
de surveillance des territoires non autonomes aux termes du
chapitre XI de la Charte a été négociéeau sein de l'Assemblée
généraleet de ses commissions pendant plusieurs années. De même,
les questions ayant trait à l'obligation du Mandataire de négocier
un accord de tutelle pour le Sud-Ouest africain ont fait elles-

mêmesl'objet de négociations à l'Assembléegénérale.Les accords
de tutelle actuellement en vigueur ont mêmeéténégociésà l'As-
sembléegénéralecomme les accords de Mandat ne l'ont jamais été
ni au Conseil ni à l'Assemblée de la Société des Nations.
119 1 have already dealt with the argument that the nature of the
issues raised in the Memorials in this case makes them unsusceptible
to negotiation in any forum.

Granted that there have been negotiations, have they demon-
strated that the dispute "cannot be settled by negotiation"? The
phrase "cannot be settled" clearly must mean something more than
"has not been settled". In the Mavrommatis case, the Permanent

Court said :
"The Court realizes to the full the importance of the rule laying
down that only disputes which cannot be settled by negotiation
should be brought before it. It recognises, in fact, that before a
dispute can be made the subject of an action at law, its subject
matter should have been clearly defined by means of diplomatic
negotiations. Nevertheless, in applying thisule, the Court cannot
disregard, amongst other considerations, the views of the States
concemed, who are in the best position to judge as to poli-
pute by diplomatic negotiation."t(SeriesA, No. 2 (1924ag)t,p.15.)

There certainly is no absolute litmus test which would enable a
Court to assert in al1situations at just what moment settlement by
negotiation becomes impossible. To me it seems clear on the face of
the record that the condition is fulfilled in this case.1 know of
nothing in the record which would lead the Court to conclude that
if either of the Applicants entered into direct diplomaticnegotiations
with Respondent on the specific issues which have been debated over
the years in the General Assembly and which have been alleged in

the Memorials, settlement could be reached on dl of the points
which, in the allegations of Applicants, relate to the interpretation
or application of the Mandate. If there is one point of disagreement
between Applicants or either of them on the one hand and
Respondent on the other, which, it is fair to Say, "cannot be settled
by negotiation", then thjs requisite quality of the dispute exists.
In this respect States are not eternally bound by the old adage:
"If at first you don't succeed, try, try again."

It is not persuasive to assert that the negotiators on one side or
the other have been stubborn, or unreasonable, or adamant. Such
allegations are common in international negotiations and are often
sincerely believed. One cannot take the position that the dispute
can be settled by negotiation because it would be if one side wholly
gave in to the contentions of the other. As the Permanent Court
said, the Court cannot disregard "the views of the States concerned,
who are in the best position tojudge as to politicalreasons which may
prevent the settlement of a given dispute by diplomaticnegotiation" J'ai déjàtraité de l'argument selon lequel les questions soulevées

en l'espèce dans les mémoires sont de telle nature qu'elles ne
sont pas susceptibles d'êtrerégléespar des négociations dans quel-
que cadre que ce soit.
En admettant qu'il y a eu des négociations,ont-elles démontré que
le différendn'est pas susceptible d'êtreréglé par desnégociations ))?
L'expression ((qui ne soit pas susceptible d'êtreréglé ))doit cer-
tainement signifier plus que (qui n'aient pas été réglés ». Dans
l'affaire Mavrommatis, la Cour permanente a dit:

(La Cour se rend bien compte de toute l'importance de la règle
suivant laquelle ne doivent êtreportéesdevant elle que des affaires
qui ne sont pas susceptibles d'êtrerégléespar négociations; elle
reconnaît, en effet, qu'avant qu'un différend fasse l'objet d'un
recours en justice, il importe que son objet ait été nettementdéfini
au moyen de pourparlers diplomatiques. Cependant, pour l'appli-
cation de cette règle, la Cour ne peut pas se dispenser de tenir
compte, entre autres circonstances, de l'appréciation des États
intéresséseux-mêmesq , ui sont le mieux placés pourjuger des motifs
d'ordrepolitique pouvant rendre impossiblela solution diplomatique
d'une contestation déterminée. ))(SérieA no 2, 1924, p. 15.)

Il n'existe certainement pas de test chimique absolu qui permet-
trait à un tribunal de dire, dans toutes les situations, à quel mo-
ment exact la négociation devient impossible. A mon avis, le
dossier prouve clairement que cette condition est remplie en l'es-
pèce. Je n'y vois rien qui puisse amener la Cour à conclure que si

l'un des demandeurs entamait des négociations diplomatiques
directes avec le défendeur sur les questions précisesqzti ont été
discutéespendant plusiez~rsannéesà l'Assemblée généraleet qui
sont soulevéesdans les mémoires, un règlement pourrait intervenir
sur tous les points qui, dans les allégations des demandeurs, ont
trait à l'interprétation ou à l'application du Mandat. S'il existe
un point de désaccord entre les demandeurs ou l'un dleux, d'une

part, et le défendeur, de l'autre, dont on puisse légitimement dire
qu'il n'est pas ((susceptible d'être réglépar des négociations »,
cette condition requise pour qu'il y ait différend est remplie. A
cet égard,les États nesontpas éternellement liéspar l'ancien adage :
((Si tu ne réussis pas la première fois, essaie et essaie encore. »
Il n'est pas convaincant de dire que les négociateurs, d'un côté
ou de l'autre, ont étéobstinés, déraisonnables ou intransigeants.
De telles allégations sont courantes dans les négociations interna-

tionales et on y croit souvent sincèrement. On ne saurait soutenir
qu'un différend est susceptible d'être réglépar des négociations
sous le prétexte qu'il serait réglési l'une des parties cédait entière-
ment aux prétentions de l'autre. Comme l'a dit la Cour permanente,
((la Cpur ne peut pas se dispenser de tenir compte de l'appréciation
des Etats intéressés eux-mêmes,qui sont le mieux placés pour
juger des motifs d'ordre politique pouvant rendre impossible la
solution diplomatique d'une contestation )). In this, as in other cases, the important point is whether the
Respondent was made aware of the complaints of Applicants, had
an opportunity to state its point of view, did state it, and that
Applicants were not persuaded but still maintained their positions.
As was said by Judge Hudson in his dissenting opinion in the
Electricity Company case: ''What is essential is that prior to the
fing of an application by one party bringing the dispute before the
Court, the other party must have been given the opportunity to
formulate and to express its views on the subject of the dispute."
(Series A/B, No.77, 1939 ,. 132. )ertainly this test is met in the
present cases. It is true that Judge Hudson, speakingwithreference
to the facts in the case before him, continued to Say: "Only diplo-
matic negotiations will have afforded such an opportunity. The

precise point at which it may properly be said that the negotiations
instituted cannot result in a settlement of the dispute may have to
depend, as the Court has also recognized [citingMavrcmmatis] upon
the 'views of the States concerned'." Judge Hudson was not con-
sidering the modern operations of diplomacy in the United Nations
context and his remarks in 1939 in the case before him cannot be
considered to negate the conclusions reached herein.

Thenature of this modern conference or parliamentary diplomacy
may tend to exaggerate the separate individuality of the interna-
tional organization or one of its organs. The problem existed in
political matters in the days of the League of Nations, when it
could at times be observed that the Council of the League might be
used as a kind of whipping boy in the sense that an influential
Member of the Council might plead that there was nothing it could
do because the "Council" had not acted, ignoring the fact that the.
Member in question had not taken steps to activate the Council.
Similar phenomena have been remarked in the era of the United
Nations. An international organization may indeed be something
more than the sum of its parts, but, to change the metaphor, one
must not overlook the trees when one sees the forest.
There are numerous instances in the history of the United Nations

where itmight be said that certain States which are in a minority
in the voting on some action to be taken by the Organization, have
a "dispute" with the Organization. but it cannot be doubted that in
many of these cases the States in the minority also have a "dispute"
with certain States in the majority and that the latter States can
easily be identified. It might be invidious, and it is unnecessary to
mention specific cases which illustrate the point. It is not maintain-
ed that in every instance in which there is a division of votes,
every State voting in the majority has a "dispute" with every
State voting in the minority. It is maintained that in the instant
cases: on the reccrd, there is a dispute between Applicants and
Respondent .
(Signed) Philip C. JESSCP. En l'espèce, comme dans d'autres affaires, le point important
est de savoir si le défendeur a eu connaissance des plaintes des
demandeurs, s'il a eu l'occasion d'exprimer son point de vue, s'il
l'a exprimé et si les demandeurs n'ont pas étéconvaincus et ont
maintenu leur position. Ainsi que l'a dit M. Hudson dans son opi-

nion dissidente en l'affaire de la Compagnie d'électricité «:Ce
qui est essentiel, c'est qu'avant qu'une partie dépose une requête
introduisant une instance devant la Cour, l'autre partie ait eu
l'occasion de faire connaître et d'exprimer sa manière de voir sur
l'objet du différend. ))(SérieA/B no 77, 1939, p. 132.) Tel est cer-
tainement le cas en l'espèce. Il est vrai que M. Hudson, parlant
des faits propres à l'affaire dont il s'agissait, a poursuivi: ((Cette
occasion ne peut êtrefournie que par des négociations diplomati-

ques. Le point précis auquel il est possible de dire à juste titre
que les négociations entamées ne peuvent aboutir à la solution
du différend peut dépendre, comme l'a reconnu !a Cour [allusion à
l'affaire Mavrom~natis], (de l'appréciation des Etats intéressés 1).»
M. Hudson n'envisageait pas le fonctionnement moderne de la
diplomatie dans le contexte des Nations Unies et les observations
qu'il a faites en 1939 à propos de l'affaire dont il s'agissait alors
ne sauraient être considérées comme allant à l'encontre de mes

conclusions.
La nature de cette diplomatie moderne par conférences ou di-
plomatie parlementaire pourrait tendre à exagérer l'individualité
de l'Organisation internationale ou d'un de ses organes pris isolé-
ment. Le problème existait au temps de la Sociétédes Nations à
propos des questions d'ordre politique; on pouvait parfois penser
que le Conseil de la Société desNations servait de bouc émissaire,
en ce sens qu'un Rlembre influent du Conseil pouvait excuser son

inaction sur celle du (Conseil 1)alors qu'il n'avait lui-mêmepris
aucune mesure pour faire agir le Conseil. Un phénomène analogue
s'observe dans le cadre des Nations Unies. Certes, une organisation
internationale peut êtrequelque chose de plus que la somme de
ses parties mais, pour renverser la métaphore, la forêt ne doit pas
empêcherde voir les arbres.
L'histoire des Nations Cnies offre de nombreuses occasions de
dire que certains Etats votant avec la minorité au sujet d'une

mesure à prendre par l'organisation ont un (différend ))avec celle-
ci, mais on ne peut douter que dans beaucoup de ces cas les Etats
de la minorité ont également un ((différend ))avec certains Etats
de la majorité aisément identifiables. Il serait pénible, et il est
inutile, de citer des cas précispour illustrer ce ppint. Cela ne signifie
pas que, chaque fois qu'il y a un vo!e, tout Etat votant avec la
majorité a un ((différend ))avec tout Etat votant avec la minorité.
Je soutiens qu'en l'espèce, d'après le dossier, il existe un différend

entre les demandeurs et le défendeur.

(Signé) Philip C. JESSUP.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Jessup (traduction)

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