Opinion dissidente de M. Moreno Quintana

Document Number
045-19620615-JUD-01-04-EN
Parent Document Number
045-19620615-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDEKTE DE M. 3lORENO QVIXTASA

Je regrette sincèrement de ne pas pouvoir me rallier à la majorité
de mes collègues dans la décision de cette affaire. lia conviction
est tout à fait établie dans le sens que la souveraineté sur la région
du temple de Préah Vihéar revient à la Thaïlande. L'opinion
dissidente que je formule donne les raisons qui l'appuient. Dans
le droit internationalaméricain les questions touchant la souverai-
neté territoriale occupent, en vertu de raisons historiques, une
place capitale. C'est pourquoi je ne pourrais, comme représentant
d'un système juridique, m'en départir.

La présente affaire a trait à la souveraineté d'une fraction de
territoire où se trouvent les ruines d'un temple connu sous le nom
de Préah Vihéar.
Tant le Cambodge que la Thaïlande soutiennent être,en vertu
de la stipulation initiale d'une convention, les domiiza fen.aritm
de la fraction en question. Cette stipulation est celle de l'articI~~
de la convention conclue le 13 février 1903 entre la France qui

représentait alors le Cambodge soumis à un régimede protectorat,
et la Thaïlande qui était à l'occasion le Royaume de Siam. Elle
porte que la frontière entre les deux pays à l'endroit qui est er
discussion, <suit la ligne de partage des eaux entre les bassins di
Sam Sen et du Mékongd'une part, et du Sam Noun, d'autre part,
et rejoint la chaîne de Phnom Padang dont elle suit la crêtevers
l'est jusqu'au Mékong ))Sulle référencen'est faite au temple de
Préah Vihéar.
C'est cette disposition du traité qui constitue le titre juridique
des Parties à la souveraineté sur la région du temple. Elle est
par conséquent le droit intertemporel applicable au cas d'espèce.

Les opérations de délimitation de la frontière prévuespar l'article 3
de la convention ou le tracé de cartes géographiques n'en sont que
l'application matérielle et peuvent par conséquent êtreentachées
d'erreur. Prendre une décisiondu cas d'espècesur des présomptions
ou des hypothèses pour trancher la question posée neparaît pas très
conforme aux normes qui président le règlement judiciaire. Aucune
preuve concluante n'a pu établir une reconnaissance tacite de la
Thaïlande au sujet de la prétendue souveraineté du Canlboclge sur
ladite région.Ce sont les faits, et des faits clairs, qui doi~ent entrer
en ligne de compte.
Demandeur dans cette affaire, le Cambodge allègue que la SOU-

veraineté sur la région de Préah Vihéar lui revient, qu'il ne l'a
jamais abandonnée et que la Thaïlande n'a pas accompli sur elle
6568 ARRÊT DI: 15 VI 62 (OP. DISS. 11.3IORENO QUINTASA)

des actes de souveraineté qui puissent déplacer celle du Cambodge.
Il prie aussi la Cour de disposer le retrait des forces arméesinstaljées
depuis 1954 par la Thaïlande dans les ruines du temple. Etat
défendeur,la Thaïlande fait usage dans les conclusions de son contre-
mémoire d'une demande reconventionnelle pour que la Cour

déclare que la souveraineté sur la région de Préah Vihéar lui
appartient. A l'une et à l'autre Partie incombe alors de fournir
la preuve de son allégation.

L'affaire revient par conséquent à interpréter ledit article premier
de la convention de 1904 selon son sens naturel et ordinaire. Pas
de problème juridique dans l'essentiel; la règle du Pncta sztnt

servanda, qui est à la base du droit international, n'est pas mise
en cause par les Parties. La situation qui en résulte est bien
celle d'une frontière jusqu'à maintenant indéterminée à l'endroit
qui est en discussion. Cne circonstance de fait la gouverne: le
temple de Préah Vihéar se trouve-t-il au sud de la ligne stipulée
par la convention - c'est-à-dire dans le territoire cambodgien -
ou au nord de celle-ci,ce qui le porterait sur le territoire thaïlandais?
La ligne de partage des eaux entre deux bassins fluviaux, ou divor-
tium aquarum, est l'élément géographiquedéterminant de l'espèce.

Une ligne de partage des eaux n'est pas une abstraction mentale;
elle découle des caractéristiques d'un sol. Et ce sera toujours une
donnée topographique - crêtede montagne,faîte d'un escarpement
ou élévationd'un terrain - qui formera une ligne naturelle de
partage des eaux.
Ce but de la Cour dans le cas d'espèce est parfaitement d'accord
avec la fonction essentielle de dire le droit que lui attribue l'article 38
du Statut. Interpréter un traité international constitue, selon
l'article 36, paragraphe 2 (a), une de ses fonctions spécifiques.

Elle ne signifie en aucun sens qu'en indiquant quelle est la ligne de
partage des eaux à laquelle se réfèreledit article premier, elle se
substitue à une commission de délimitation, ni - moins encore -
qu'elle trace sur le terrain une nouvelle ligne de frontière.
En agissant ainsi, la Cour répond avec exactitude à ce que lui
demandent les Parties. Sa décision tombe dans les limites de sa
compétence et non hors d'elle. Tant la Thaïlande que le Cambodge
la prient de dire que la souveraineté sur la régionde Préah Vihéar
leur appartient. La Cour ne peut se refuser àaccomplir la tâche ju-
diciaire qui lui revient. Elle a rappelé à une occasion «le principe

que la Cour a le devoir- dit-elle dans son arrêtsur le droit d'asil-
de répondre aux demandes des Parties telles qu'elles s'expriment
dans leurs conclusions finales, mais aussi de s'abstenir de statuer
sur despoints non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées 1)
(voir Recueil 1950, p. 402). Cette saine règle est et a toujours été
à la base de son labeur.

66 ARRÊT DU 15 VI 62 (OP. DISS. M. MORENO QUINT- NA)
69
Vne fois indiquée par la Cour la ligne de partage des eaux qui
lui paraît être la ligne exacte, il appartiendra aux Parties de déter-
miner de quelle manière cette ligne sera matérialisée sur le terrain.
Cette dernière tâche relève d'un ordre technique et non pas de

l'ordre judiciaire auquel est reliéela Cour.

Vn acte postérieur à la convention de 1904 - le protocole
annexé au nouveau traité conclu le 23 mars 1907 entre la France
et le Siam - approuva le tracé de la frontière adopté par une
Commission de délimitation le 18 janvier de cette année. Ce tracé
n'est pas indiqué cependant en détail dans les procès-verbaux de la
Commission. Il n'apparaît que sur une carte géographique que le
Cambodge présente comme annexe 1 de son mémoire où, à la suite

d'une décisioninconnue, le temple de Préah Vihéar figure du côté
cambodgien. Ladite carte ne porte ni date ni signature d'experts
autorisés,et moins encore celle des partiescontractantes du nouveau
traité. Elle est publiée par M. Barrère, éditeur géographe à Paris,
qui n'agit apparemment que pour le compte d'une des deux Com-
missions - la française et la siamoise - qui devaient relever le
tracé de la frontière. Au coin gauche du haut de la carte il est dit
que deux capitaines de l'armée coloniale française - RIM. Kerler
et Oum - ont exécutéles travaux sur le terrain, c'est-à-dire deux
techniciens qui ne représentent en principe qu'une seule des Parties

en cause et auraient dû toutefois faire constater sur la carte même
le caractère de leur intervention.
En plus, les expertises réaliséesd'une part et d'autre (voir si-r-
tout le rapport D. A. 1.du 23 octobre 1961présentépar le Cambodge
coïncident dans le sens que le tracé de la frontière que fournit cette
annexe 1 se sépareen grande partie de la ligne de partage des eaux.
La géographie n'est cependant pas une matière susceptible d'inter-
prétations divergentes. Elle traduit une seule et même réalité.
D'autre part, une étude aussi détaillée qu'ellepuisse êtredes procès-
verbaux des réunions des Commissions mixtes franco-siamoises de

délimitation qui se sont tenues de 1905 à 1907, n'aboutit pas non
plus à un résultat en ce qui concerne de quel côté de la frontière
se trouve Préah Vihéar.
Or, la souveraineté territoriale n'est pas une chose à prendre
à la légère,surtout quand l'on prétend prouver par une carte non
authentifiée la légitimitéde son exercice. Comme le dit Max Huber
dans sa sentence arbitrale sur l'île de Palmas: ((..ce n'est au'avec
la plus grande prudence qu'on peut tenir compte des cartes géogra-
phiques pour trancher une question de souveraineté ...Si l'arbitre
est satisfait par rapport à l'existence de faits juridiques notoires

qui contredisent les données des cartographes dont les sources
d'information ne sont pas connues, il ne peut attacher aucun poids
aux cartes géographiques, nonobstant leur nombre et l'appréciationgénéraledont ellespeuvent êtreentourées ...une carte géographique
ne donne qu'une indication - et encore très indirecte- et, à moins

qu'elle ne soit annexée à un instrument juridique, elle n'a pas la
valeur d'un instrument de cettenature inpliquant lareconnaissance
ou l'abandon de droits ))(voirN. U., Recueil des sentences arbitrales,
vol. II, pp. 852, 853 et 854).
Dans le cas d'espèce, l'annexe 1 du mémoire ne constitue pas
l'annexe valable du protocole qui approuva le tracé de la frontière
cambodgienne-siamoise dans la région des Dangrek. Le fait de sa
signature était surtout une condition sine qua non de validité.
C'est ce que disposa, à sa seconde séance du 7 février 1905, la
Commission mixte de délimitation: «Dans la méthode proposée
par le commandant Bernard dès la première réunion - lit-on dans
le procès-verbal - on devait faire d'abord une reconnaissance
générale,recueillir des renseignements de divers ordres permettant

de fixer sur le terrain les points où passe la frontière, reporter enfin
sur la carte cette frontière et, en dernier lieu, si cela était nécessaire,
en discuter la valeur et p rapporter les modifications indispensables.
Dès que l'on serait tombé d'accord - continue-t-il - on aurait
arrêtédéfinitivement la ligne frontière en faisant signer la carte
sur laquelle elle aurait étéreportée par les membres des deux
Commissions ))(voir annexe 12 (a) au contre-mémoire de la Thaï-
lande, volume imprimé, p. 58).

Il a étésoutenu que le silence de la Thaïlande quant à la publi-

cation de la carte de l'annexe 1supposait une reconnaissance de la
ligne qu'elle fixait. Mais le silence n'a de conséquence en droit
que qvand une contrepartie a l'obligation de se faire écouter face
à un fait ou situation déterminés.Il aurait alors fallu démontrer
que la Thaïlande avait cette obligation à sa charge par rapport
à un acte dépourvu en soi de signification juridique. Une règle
bien connue a étéd'autre part recueillie par l'article 29 du traité
de Versailles du 28 juin 1919. Celle que, face à une divergence au
sujet d'une délimitation de frontières entre le texte d'un traité
et des cartes géographiques, c'est ce texte et non pas les cartes
qui fait foi. Ceci étant, et jusqu'à ce qu'une preuve concluante
établisse où se trouve Préah Vihéar, l'article I~~ de la convention
de 1904 qui fixe la ligne de partage des eaux pour limite territoriale

des pays en cause maintient aussi bien l'interprétation de la Thaï-
lande que celle du Cambodge. On peut en dire autant de la clause
1 du protocole annexéau traité de 1907 qui ne fait pas non plus de
référence à Préah Vihéar mais bien à la ligne de partage des eaux.
D'autres considérations faites par les Parties doivent être
appréciéespar le juge international dans leur exacte portée. 11
s'agit des cartes géographiques appartenent à l'un ou à l'autre des
plaideurs, et aux croquis, photographies, récits de voyages, fiches
68ou autresmatériaux. Elles n'ont au point de vue de la preuve qu'une
valeur supplétaire dépourvue par elle-même d'effetjuridique. En
particulier, les cartes accompagnées par le Cambodge et dressées

par des services officiels thaïlandais, oùPréah Vihéar apparaît en
juridiction cambodgienne. Celles-cineparaissent nullementconcluan-
tes puisqu'elles sont baséessur la carte de l'annexe 1 qui ne fait
ni foi, ni recueille la ligne réellede partage des eaux. On peut re-
connaître d'une manière expresse ou tacite une situation déterminée
de droit ou de fait mais non pas des situations entachées d'une
erreur technique. Une erreur est toujours une erreur et ne peut
bonifier par sa répétition des actes postérieurs fondéssur elle. Ce
n'est qu'avec cette portée que l'on doit apprécier la question de
l'erreur dans le cas d'espèce et non pas avec celle d'un vice du
consentement dont l'existence ,est possible dans un acte juridique
mais non pas dans une carte géographique.

Aucune nécessiténon plus d'examiner les actes internationaux

postérieurs à ceux de 1904 et de 1907 puisqu'ils ne font aucune
référenceparticulière à PréahVihéaret que la Thaïlande ne les met
pas en cause. Tels, les traités entre la France et le Siam du 14 fé-
vrier 1925 et du 7 décembre 1937, ainsi que l'accord de règlement
du 17 novembre 1946 qui rétablit le statuquo frontalier antérieurà
la convention de Tokyo du 9 mai 1941 rectifiant la frontière thaï-
lando-cambodgienne. En échange,les actes qui auraient étéréalisés
soit par le Cambodge, soit par la Thaïlande en exercice de leur
souveraineté sur lafraction de territoire en question pourraient avoir
del'importance face au doute que crée ce procès. Unejurisprudence
suffisamment connue détache leur valeur juridique.
Pour analyser ces actes, il serait superflu de remonter aux
origines historiques de la construction du temple de Préah Vihéar
ainsi qu'au rôle religieux que ce temple aurait rempli tant pour le
peuple siamois que pour le peuple cambodgien. La question à
décider ne sepose pas avant 1904, date de la convention qui fixa

la frontière en litige. Du côté thaïlandais il est dit aue la ~osition
élevéedu temple, ubâti sur un plateau, la rend peu a'ccessibiede la
plaine située au sud de cette chaîne où se trouve le Cambodge, et
en échange beaucoup plus accessible par la voie du nord où est
placéela Thaïlande. Cette proposition paraît exacte. Elle découle
d'une réalitégéographique qui favorise évidemment l'exercise de
la souveraineté territoriale du pays d'accès facile et non pas de
celui dont l'accès ne l'est pas. L'hypothèse mêmeselon laquelle
la région de Préah Vihéar se trouve en juridiction cambodgienne
est, face à la topographie du terrain de la frontière, un véritable
contresens. Elle se heurte à la théorie des frontières naturelles à
laquelle parait s'être ralliéela Commission mixte de délimitation.
Néanmoins, onne trouve pas, hors de ladite présomption,une preuvesuffisante pour appuyer les actes de souveraineté qui auraient été
réalisésà Préah Vihéarpar une des Parties ou par l'autre.
Le Cambodge invoque l'exercice par la France des compétences

territoriales concernant la régionde Préah Vihéar. Il fait référence
à des visites officielles, des tournées administratives, des expédi-
tions archéologiques, de la chasse à l'éléphant, de la prise de
photographies, de lettres envoyées, de l'entretien du temple, etc.
Mais ces manifestations sporadiques d'activité à un endroit qui
n'était pas gardé et qui consistait en des ruines, mêmesi elles
s'étaient accomplies de la manière dépeinte par le demandeur,
n'auraient qu'une signification très relative quant à l'exercice de la
souveraineté territoriale. A son tour la Thaïlande allègue le recou-
vrement des impôts - ce qui serait réellement une manifestation
de la souveraineté - mais ne fournit qu'une preuve consistant en
des attestations de fonctionnaires faites sous serment. Pareil genre
de preuve présente le défendeur en ce qui concerne d'autres activités

réaliséespar les autorités thaïlandaises. En supposant que ces
manifestations de part et d'autre se seraient produites telles quelles,
elles n'auraient pour résultat que démontrer au juge international
l'exercice d'une activité administrative concurrente qui se serait
méconnue réciproquement. Mêmeétant connue, elle aurait été
l'objet d'oppositions sinon d'interprétations différentes. Tout ceci
donne l'impression que tant le Cambodge que la Thaïlande ont
vécu pendant plus d'un demi-siècle sans être particulièrement
fixésquant à leurs droits de souveraineté sur la régiondu temple.
Voilà pourquoi l'application correcte du traité de 1904 est le but
principal que doit rechercher la Cour dans le cas d'espèce, en
localisant par une expertise adéquate la ligne de partage des eaux
entre les bassins du Nam Sen et du Mékong, d'une part, et du
Nam Moun, de l'autre.

Ladite expertise a étéfournie surtout par la Thaïlande qui, en
dépit d'êtreen principe lJEtat défendeur, en prit l'initiative dans
cette affaire. Le Cambodge intervint aussi à ladite expertise par
le contre-examen des experts et témoins de la Partie contraire.
Cette circonstance donne aux résultats de l'expertise qui a été
présentéeun poids estimable pour la solution du cas d'espèce.
Quatre rapports écrits s'y réfèrent. Deux du professeur W. Scher-
merhorn agissant au nom du Centre international d'Instruction tech-
nique pour la photogrammétrieaérienne(1.T. C.) de Delft en date
des 8 septembre 1961 et II janvier 1962, et deux autres émanant

de MM. Doeringsfeld, Amuedo et Ivey (D. A. 1.)- (firme privée
établie à Denver, dans l'État de Colorado, aux Etats-Unis) les
23 octobre 1961 et 21 février1962. AUXaudiences orales, un inter-
rogatoire serré pratiqué par les deux Parties visa comme témoins
ou comme experts M. Suon Bonn, qui fut gouverneur de la pro-
70vince de Kompong Thom au Cambodge, le professeur Schermer-
horn, bien connu en Hollande et ailleurs pour ses travaux sur la
photogrammétrie aérienne, M. Ackennann, qui a une haute répu-
tation comme topographe et fait aussi partie dudit Centre de Delft,
et puis M.Verstappen, spécialisteconnu en géologie,qui est membre
à son tour de ce Centre. M. Ackermann a eu surtout le mérite de
pratiquer l'opération de reconnaissance de la frontière à laquelle
le Dictionnaire de la Terminologie du droit international publié en

1960 par d'éminents juristes donne pour mission celle de ((vérifier
sur les lieux que les marques de délimitation d'une frontière sont
bien aux endroits indiqués par les traités ou conventions de déli-
mitation et figurant sur les cartes annexées auxdits traités ou
conventions 1)(voir p.514) . 'est notre mêmeCour qui, dans son
arrêt surl'affaire du détroit de Corfou, mit en relief la valeur d'une
expertise réaliséedans une procédure semblable à celle du cas
d'espèce: ((La Cour ne peut manquer d'attacher un grands poids,
dit-elle,à l'avis d'experts qui ont procédéà un examen des lieux
entouré de toutes les garanties d'information exacte et d'impar-
tialité1)(voir Recueil1949, p. 21).
Profane comme l'est généralementun juge dans les matières qui
firent l'objet de l'expertise, il doit fonder une conclusion de droit

sur un labeur technique vraisemblable. En général,les opinions
expriméespar les experts et témoinsde la Thaïlande impressionnent
par leur précisiontechnique et la logique qu'elles imposent au rai-
sonnement. D'autre part, le caractère officiel dudit Centre, qui est
reliéau Gouvernement hollandais, donne à son opinion une impar-
tialité et une autorité peut-être supérieures à celles qui peuvent
relever l'activité d'une firme privée. Mais la possibilité d'une ligne
alternative de partage des eaux dans une zone critique qui fut
délimitée àcelle adoptéepar le rapport du professeur Schermerhorn,
pose une question. Le travail topographique réalisésur place par
M. Ackermann lui donne cependant réponse. La ligne véritable
était bien celle du rapport. Mêmesi la ligne alternative avait été la
ligne exacte, elle n'aurait nullement laisséla région du temple en

territoire cambodgien. Et c'est la question de la souveraineté sur
le temple qui est posée à la Cour et nulle autre. Les eaux d'un
bassin fluvial peuvent descendre d'un promontoire comme celui
où est situéle temple, mais jamais ne peuvent le remonter. Ceci est
l'évidencemême.

Ce qui a été ditpermet d'arriver aux conclusions suivantes
1) la question essentielle à résoudrepar la Cour - vu qu'aucune
des deux Parties en cause n'a prouvé d'une manière concluante
l'exercice de sa souveraineté sur la régiondu temple - est celle de
l'interprétation de l'articlrerde la convention du 13 février1904
entre la France et la Thaïlande; 2) cette interprétation découle de l'établissement de la ligne
de partage des eaux entre les deux bassins fluviaux qui est indiquée
comme frontièredansla régiondes Dangrek entrele Cambodgeet la
Thaïlande ;
3) la preuve technique apportée par la Thaïlande, à laquelle
a contribuélargement par son contre-interrogatoire le Cambodge,
est concluante, par sa précisionet son abondance, pour établirque
la lignede partage des eaux suit lebord de la falaise du promontoire
où est situé le temple.
4) ce résultat décide l'affairedans le sens que la fraction de
territoire où se dresse le temple se trouve en territoire thaïlandais.

(Signé Lucio M. MORENO QUINTANA.

Bilingual Content

OPINION DISSIDEKTE DE M. 3lORENO QVIXTASA

Je regrette sincèrement de ne pas pouvoir me rallier à la majorité
de mes collègues dans la décision de cette affaire. lia conviction
est tout à fait établie dans le sens que la souveraineté sur la région
du temple de Préah Vihéar revient à la Thaïlande. L'opinion
dissidente que je formule donne les raisons qui l'appuient. Dans
le droit internationalaméricain les questions touchant la souverai-
neté territoriale occupent, en vertu de raisons historiques, une
place capitale. C'est pourquoi je ne pourrais, comme représentant
d'un système juridique, m'en départir.

La présente affaire a trait à la souveraineté d'une fraction de
territoire où se trouvent les ruines d'un temple connu sous le nom
de Préah Vihéar.
Tant le Cambodge que la Thaïlande soutiennent être,en vertu
de la stipulation initiale d'une convention, les domiiza fen.aritm
de la fraction en question. Cette stipulation est celle de l'articI~~
de la convention conclue le 13 février 1903 entre la France qui

représentait alors le Cambodge soumis à un régimede protectorat,
et la Thaïlande qui était à l'occasion le Royaume de Siam. Elle
porte que la frontière entre les deux pays à l'endroit qui est er
discussion, <suit la ligne de partage des eaux entre les bassins di
Sam Sen et du Mékongd'une part, et du Sam Noun, d'autre part,
et rejoint la chaîne de Phnom Padang dont elle suit la crêtevers
l'est jusqu'au Mékong ))Sulle référencen'est faite au temple de
Préah Vihéar.
C'est cette disposition du traité qui constitue le titre juridique
des Parties à la souveraineté sur la région du temple. Elle est
par conséquent le droit intertemporel applicable au cas d'espèce.

Les opérations de délimitation de la frontière prévuespar l'article 3
de la convention ou le tracé de cartes géographiques n'en sont que
l'application matérielle et peuvent par conséquent êtreentachées
d'erreur. Prendre une décisiondu cas d'espècesur des présomptions
ou des hypothèses pour trancher la question posée neparaît pas très
conforme aux normes qui président le règlement judiciaire. Aucune
preuve concluante n'a pu établir une reconnaissance tacite de la
Thaïlande au sujet de la prétendue souveraineté du Canlboclge sur
ladite région.Ce sont les faits, et des faits clairs, qui doi~ent entrer
en ligne de compte.
Demandeur dans cette affaire, le Cambodge allègue que la SOU-

veraineté sur la région de Préah Vihéar lui revient, qu'il ne l'a
jamais abandonnée et que la Thaïlande n'a pas accompli sur elle
65DISSENTING OPINION OF JCDGE MORENO QUIETANA

[Tra?tslatio~î]
To my sincere regret 1 am unable to agree with the majority of
my colleagues in the decision of this case. It is my firm conviction
that sovereignty over the portion of territory of the Temple of
Preah Vihear belongs to Thailand. The dissenting opinion which 1
express hereunder gives the reasons on which it is based. In Ameri-
can international law questions of territorial sovereignty have, for
historical reasons, a placeof cardinal importance. That is why 1
could not, as a representative of a legal system, depart from it.

The present case is concerned with sovereignty over a portion of
territory on which are situated the ruins of a temple known as
Preah I'ihear.
Both Cambodia and Thailand claim, by virtue of the initial
stipulation ofa treaty,to be the domina terrarztmof the portion in
question.Thisstipulation is that containedin ArticleIof the Treaty
concluded on 13 February 1904 between France, which at that
time represented Cambodia under a protectorate régime,and Thai-
land, then the Kingdom of Siam. It provides that the frontier bet-
ween the twocountries at the point at issue "follows the watershed
between the basins of the h'am Sen and the Mekong, on the one

hand, and the Nam Moun, on the other hand, and joins the Pnom
Padang chain, the crest of which it follows eastwards as far asthe
Mekong". No reference is made to the temple of Preah Vihear.

It is this provision of the treaty which constitutes the legal title
of the Parties to sovereignty over the temple area. It is consequently
the intertemporal law applicable to this case. The frontier delimi-
tation work prescribed by Article 3 of the treaty and theline shown
on maps are no more than its physical implementation and may
in consequence be vitiated by error. To take a decision in this case
on the basis of assumptions or hypotheses in order to resolve the
question at issue would not seem very consistent with the rules of
judicial settlement. There has been no conclusive evidence showing
any tacit recognition by Thailand of the alleged Cambodian sover-
eignty over the area in question. It is the facts, clear facts, which
must be taken into account.

Cambodia, the applicant in this case, alleges that sovereignty
over the Preah Vihear area belongs to it,thatit has never abandoned
that sovereignty and that Thailand has never performed there
6568 ARRÊT DI: 15 VI 62 (OP. DISS. 11.3IORENO QUINTASA)

des actes de souveraineté qui puissent déplacer celle du Cambodge.
Il prie aussi la Cour de disposer le retrait des forces arméesinstaljées
depuis 1954 par la Thaïlande dans les ruines du temple. Etat
défendeur,la Thaïlande fait usage dans les conclusions de son contre-
mémoire d'une demande reconventionnelle pour que la Cour

déclare que la souveraineté sur la région de Préah Vihéar lui
appartient. A l'une et à l'autre Partie incombe alors de fournir
la preuve de son allégation.

L'affaire revient par conséquent à interpréter ledit article premier
de la convention de 1904 selon son sens naturel et ordinaire. Pas
de problème juridique dans l'essentiel; la règle du Pncta sztnt

servanda, qui est à la base du droit international, n'est pas mise
en cause par les Parties. La situation qui en résulte est bien
celle d'une frontière jusqu'à maintenant indéterminée à l'endroit
qui est en discussion. Cne circonstance de fait la gouverne: le
temple de Préah Vihéar se trouve-t-il au sud de la ligne stipulée
par la convention - c'est-à-dire dans le territoire cambodgien -
ou au nord de celle-ci,ce qui le porterait sur le territoire thaïlandais?
La ligne de partage des eaux entre deux bassins fluviaux, ou divor-
tium aquarum, est l'élément géographiquedéterminant de l'espèce.

Une ligne de partage des eaux n'est pas une abstraction mentale;
elle découle des caractéristiques d'un sol. Et ce sera toujours une
donnée topographique - crêtede montagne,faîte d'un escarpement
ou élévationd'un terrain - qui formera une ligne naturelle de
partage des eaux.
Ce but de la Cour dans le cas d'espèce est parfaitement d'accord
avec la fonction essentielle de dire le droit que lui attribue l'article 38
du Statut. Interpréter un traité international constitue, selon
l'article 36, paragraphe 2 (a), une de ses fonctions spécifiques.

Elle ne signifie en aucun sens qu'en indiquant quelle est la ligne de
partage des eaux à laquelle se réfèreledit article premier, elle se
substitue à une commission de délimitation, ni - moins encore -
qu'elle trace sur le terrain une nouvelle ligne de frontière.
En agissant ainsi, la Cour répond avec exactitude à ce que lui
demandent les Parties. Sa décision tombe dans les limites de sa
compétence et non hors d'elle. Tant la Thaïlande que le Cambodge
la prient de dire que la souveraineté sur la régionde Préah Vihéar
leur appartient. La Cour ne peut se refuser àaccomplir la tâche ju-
diciaire qui lui revient. Elle a rappelé à une occasion «le principe

que la Cour a le devoir- dit-elle dans son arrêtsur le droit d'asil-
de répondre aux demandes des Parties telles qu'elles s'expriment
dans leurs conclusions finales, mais aussi de s'abstenir de statuer
sur despoints non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées 1)
(voir Recueil 1950, p. 402). Cette saine règle est et a toujours été
à la base de son labeur.

66 JUDG3I.I5 VI 62 (DISS.OP. JUDGE MORES0 QUIST.\SA) 68

any acts of sovereignty capable of displacing that of Cambodia.
Cambodia also asks the Court to provide for the withdraxal of the
armed forces stationed by Thailand in the temple ruins since Igj4.
The respondent, Thailand, in the submissions of its Counter-
Memorial, makes a counter-claim asking the Court to declare that
sovereignty over the Preah Vihear area belongs to Thailand. It is
thus for each Party to furnish proof of its allegation.

Consequently, the case amounts to interpreting the said .ArticlI
of the 1904 Treaty according to its natural and ordinary meaning.
There is no legal problem basically involved; the rule Pacta szint
servanda,which is ai:the root of international law, is not contested
by the Parties. The ensuing situation is a frontier hitherto
undetermined at the place in issue. It is governed by a single ques-
tion of fact: is the temple of Preah Vihear situated south of the
line stipulated by the treaty-that is to Say, in Cambodian terri-
tory-or north of it, which would put the temple in Thai terri-

tory? The decisive geographical factor in this case is the line of the
watershed or divortium aqzbarztm between two river basins. nater-
shed is not an intellectual abstraction; it is the result of the charac-
teristics of the terrain, and it is always a topographical feature-
the crest of a mountain, the ridge of an escarpment or the height
of a piece of land-which will form a natural watershed.

The task of the Court in this case is fully compatible with the
essential function of declaring the law conferred upon it by Article 38
of the Statute. Cnder Article 36, paragraph 2 (a), the interpre-

tation of an international treaty is one of the Court's specific func-
tions. This certainly does not mean that, by stating what is the
watershed referred to in the said Article 1, the Court takes the
place of a delimitation commission, still less that it marks a nenr
frontier line on the ground.
Acting in this way, the Court responds precisely to what the
Parties are asking of it. Its decision Ialls within the linlits of its
jurisdiction and not outside it. Both Thailand and Cambodia ask
it to declare that sovereignty over the Preah Vihear area belongs
to them. The Court cannot refuse to discharge its judicial task. It

recalled in its Judgment in the Asylum case "the principle that it
is theduty of the Court not only to reply to the questions as stated
in the final submissions of the parties, but also to abstain from
deciding points not included in those submissions" (I.C.J. Reports
19.50,p. 402). This sound rule is and always has been the basis of
the Court's work. ARRÊT DU 15 VI 62 (OP. DISS. M. MORENO QUINT- NA)
69
Vne fois indiquée par la Cour la ligne de partage des eaux qui
lui paraît être la ligne exacte, il appartiendra aux Parties de déter-
miner de quelle manière cette ligne sera matérialisée sur le terrain.
Cette dernière tâche relève d'un ordre technique et non pas de

l'ordre judiciaire auquel est reliéela Cour.

Vn acte postérieur à la convention de 1904 - le protocole
annexé au nouveau traité conclu le 23 mars 1907 entre la France
et le Siam - approuva le tracé de la frontière adopté par une
Commission de délimitation le 18 janvier de cette année. Ce tracé
n'est pas indiqué cependant en détail dans les procès-verbaux de la
Commission. Il n'apparaît que sur une carte géographique que le
Cambodge présente comme annexe 1 de son mémoire où, à la suite

d'une décisioninconnue, le temple de Préah Vihéar figure du côté
cambodgien. Ladite carte ne porte ni date ni signature d'experts
autorisés,et moins encore celle des partiescontractantes du nouveau
traité. Elle est publiée par M. Barrère, éditeur géographe à Paris,
qui n'agit apparemment que pour le compte d'une des deux Com-
missions - la française et la siamoise - qui devaient relever le
tracé de la frontière. Au coin gauche du haut de la carte il est dit
que deux capitaines de l'armée coloniale française - RIM. Kerler
et Oum - ont exécutéles travaux sur le terrain, c'est-à-dire deux
techniciens qui ne représentent en principe qu'une seule des Parties

en cause et auraient dû toutefois faire constater sur la carte même
le caractère de leur intervention.
En plus, les expertises réaliséesd'une part et d'autre (voir si-r-
tout le rapport D. A. 1.du 23 octobre 1961présentépar le Cambodge
coïncident dans le sens que le tracé de la frontière que fournit cette
annexe 1 se sépareen grande partie de la ligne de partage des eaux.
La géographie n'est cependant pas une matière susceptible d'inter-
prétations divergentes. Elle traduit une seule et même réalité.
D'autre part, une étude aussi détaillée qu'ellepuisse êtredes procès-
verbaux des réunions des Commissions mixtes franco-siamoises de

délimitation qui se sont tenues de 1905 à 1907, n'aboutit pas non
plus à un résultat en ce qui concerne de quel côté de la frontière
se trouve Préah Vihéar.
Or, la souveraineté territoriale n'est pas une chose à prendre
à la légère,surtout quand l'on prétend prouver par une carte non
authentifiée la légitimitéde son exercice. Comme le dit Max Huber
dans sa sentence arbitrale sur l'île de Palmas: ((..ce n'est au'avec
la plus grande prudence qu'on peut tenir compte des cartes géogra-
phiques pour trancher une question de souveraineté ...Si l'arbitre
est satisfait par rapport à l'existence de faits juridiques notoires

qui contredisent les données des cartographes dont les sources
d'information ne sont pas connues, il ne peut attacher aucun poids
aux cartes géographiques, nonobstant leur nombre et l'appréciation Once the Court has indicated what it considers to be the correct
line of the watershed, it will be for the Parties to determine how
that line is to be given expression on the ground. The latter task
is of a technical nature, and not within the judicial field which
belongs to the Court.

An instrument of later date than the 1904 Treaty-the protocol
annexed to the new treaty concluded on 23 March 1907 between
France and Siam-approved the frontier line adopted by a Delimi-

tation Comn~issionon 18 January of that year. This line however
is not indicated in detail in the minutes of the Commission. It
appears only upon a map which Cambodia submits as Annex 1 to
its Memorial and on which, pursuant to some unknown decision,
the temple of Preah Vihear is showlnon the Cambodian side. This
map bears no date and is not signed by any authorized experts, still
less by the contracting parties to the new treaty. It was published
by Barrère, a Paris geographical publisher, acting apparently on
behalf of only one of the two Commissions-the French and the
Siamese-which were to survey the frontier line. In the top left-
hand corner of the map it is stated that the work on the ground was
carried out by two captains of the French colonial army, Captains
Kerler and Oum, two technicians, therefore, who represented in
principle only one of the Parties concerned and who should at
least have had recorded on the map itself the capacity in which they
were acting.

~urther," the expert investigations carried out by both Parties
(see in particular the D.A.I. Report of 23 October 1961 submitted
by Cambodia) agree to the effect that the Anilex 1 frontier line
departs considerably from the watershed line. Geography is not
however a subject which is open to divergent interpretations. It
reflects one and the same reality. Rloreover the closest possible
scrutiny of the minutes of the meetings of the hlixed Franco-
Siamese 1)elimitation Commissions held between 1905 and 1907
does not yield any result as regards which side of the frontier Preah
Vihear is situated on.

Xow, territorial sovereignty is not a matter to be treated lightly,
especially when the legitimacy of its exercise is sought to be proved
by means of an unauthenticated map. As was said by hiax Huber
in his Arbitral Xward in the Island of Palmas case: "...only with

the greatest caution can account be talten of maps in deciding a
cluestion of sovereignty ... If the Arbitrator is satisfied as to the
existence of legally relevant facts which contradict the statements
of cartographers kvhose sources of information are not known, he
can attacli no lveight to the maps, however numerous and generally
appreciatecl thev may be ..a map afforcls only an indication-and
67généraledont ellespeuvent êtreentourées ...une carte géographique
ne donne qu'une indication - et encore très indirecte- et, à moins

qu'elle ne soit annexée à un instrument juridique, elle n'a pas la
valeur d'un instrument de cettenature inpliquant lareconnaissance
ou l'abandon de droits ))(voirN. U., Recueil des sentences arbitrales,
vol. II, pp. 852, 853 et 854).
Dans le cas d'espèce, l'annexe 1 du mémoire ne constitue pas
l'annexe valable du protocole qui approuva le tracé de la frontière
cambodgienne-siamoise dans la région des Dangrek. Le fait de sa
signature était surtout une condition sine qua non de validité.
C'est ce que disposa, à sa seconde séance du 7 février 1905, la
Commission mixte de délimitation: «Dans la méthode proposée
par le commandant Bernard dès la première réunion - lit-on dans
le procès-verbal - on devait faire d'abord une reconnaissance
générale,recueillir des renseignements de divers ordres permettant

de fixer sur le terrain les points où passe la frontière, reporter enfin
sur la carte cette frontière et, en dernier lieu, si cela était nécessaire,
en discuter la valeur et p rapporter les modifications indispensables.
Dès que l'on serait tombé d'accord - continue-t-il - on aurait
arrêtédéfinitivement la ligne frontière en faisant signer la carte
sur laquelle elle aurait étéreportée par les membres des deux
Commissions ))(voir annexe 12 (a) au contre-mémoire de la Thaï-
lande, volume imprimé, p. 58).

Il a étésoutenu que le silence de la Thaïlande quant à la publi-

cation de la carte de l'annexe 1supposait une reconnaissance de la
ligne qu'elle fixait. Mais le silence n'a de conséquence en droit
que qvand une contrepartie a l'obligation de se faire écouter face
à un fait ou situation déterminés.Il aurait alors fallu démontrer
que la Thaïlande avait cette obligation à sa charge par rapport
à un acte dépourvu en soi de signification juridique. Une règle
bien connue a étéd'autre part recueillie par l'article 29 du traité
de Versailles du 28 juin 1919. Celle que, face à une divergence au
sujet d'une délimitation de frontières entre le texte d'un traité
et des cartes géographiques, c'est ce texte et non pas les cartes
qui fait foi. Ceci étant, et jusqu'à ce qu'une preuve concluante
établisse où se trouve Préah Vihéar, l'article I~~ de la convention
de 1904 qui fixe la ligne de partage des eaux pour limite territoriale

des pays en cause maintient aussi bien l'interprétation de la Thaï-
lande que celle du Cambodge. On peut en dire autant de la clause
1 du protocole annexéau traité de 1907 qui ne fait pas non plus de
référence à Préah Vihéar mais bien à la ligne de partage des eaux.
D'autres considérations faites par les Parties doivent être
appréciéespar le juge international dans leur exacte portée. 11
s'agit des cartes géographiques appartenent à l'un ou à l'autre des
plaideurs, et aux croquis, photographies, récits de voyages, fiches
68that a very indirect one-and, except when annexed to a legal
instrument, has not the value of such an instrument, involving
recognition or abandonment of rights" (see U. Tu' R.eports ofInter-
national Arbitral Awards, vol. II, pp. 852, 853, 854).

In the present case, Annex 1 to the Memorial is not the valid
annex to the protocol which approved the Cambodian-Siamese
frontier line in the Dangrekregion. Above all, its being sigriedwas an
indispensable condition of its validity, since, as appears from its
minutes, the Mixed Delimitation Commission stipulated at its
second meeting on 7 February m g jo: "According to the procedure
proposed by Commandant Bernard at the first meeting, the Com-
mission should first carry out a general reconnoitring, ,gather in-
formation of various kinds which would make it possible to fis
on the spot the points through which the frontier passed, tllen mark
tllat frontier on the map and finally, if necessary, discuss whether
it was correct and malie any essential modifications. As soon as
agreement was reaclied, the frontier line would have been finally
determined by the members of the two Commissions signing the

map on which the frontier had been marked" (see Annex 12 (a),
Thai Counter-Memorial, p. 5s).

It has been contended that Thailand's silence with regard to the
publication of the Annex 1 map implied recognition of the line
fixed by that map. But silence has consequences in law only if the
party concerned is under an obligation to make its voice heard in
response to a given fact or situation. It would thus have been
necessary to show that Thailand was under such an obligation in
respect of an act devoid in itself of legal significance. Aell-estab-
lished rule was moreover embodied in Article 29 of the Treaty of
Versailles of 28 June 1919. This rule States that, when there is a
discrepancy concerning a frontier delimitation between the text

of a treaty and maps, it is the text and not the maps which is final.
This being so, and until conclusive evidence establishes where
Preah Vihear is situated, Article I of the 1904 Treaty, which stipu-
lates the watershed as the territorial boundary of the two countries,
supports the interpretation of .Thailand equally as well as that of
Cambodia. The same can be said of clause 1of the protocol annexed
to the 1907 Treaty, which likewise makes no reference to Preah
Vihear, but mentions the watershed.
Other considerations adduced by the Parties must be evaluated
by an international tribunal at their correct significance. These
considerations relate to the maps belonging to one or other of the
Parties and the sketches, photographs, accounts of journeys,
6sou autresmatériaux. Elles n'ont au point de vue de la preuve qu'une
valeur supplétaire dépourvue par elle-même d'effetjuridique. En
particulier, les cartes accompagnées par le Cambodge et dressées

par des services officiels thaïlandais, oùPréah Vihéar apparaît en
juridiction cambodgienne. Celles-cineparaissent nullementconcluan-
tes puisqu'elles sont baséessur la carte de l'annexe 1 qui ne fait
ni foi, ni recueille la ligne réellede partage des eaux. On peut re-
connaître d'une manière expresse ou tacite une situation déterminée
de droit ou de fait mais non pas des situations entachées d'une
erreur technique. Une erreur est toujours une erreur et ne peut
bonifier par sa répétition des actes postérieurs fondéssur elle. Ce
n'est qu'avec cette portée que l'on doit apprécier la question de
l'erreur dans le cas d'espèce et non pas avec celle d'un vice du
consentement dont l'existence ,est possible dans un acte juridique
mais non pas dans une carte géographique.

Aucune nécessiténon plus d'examiner les actes internationaux

postérieurs à ceux de 1904 et de 1907 puisqu'ils ne font aucune
référenceparticulière à PréahVihéaret que la Thaïlande ne les met
pas en cause. Tels, les traités entre la France et le Siam du 14 fé-
vrier 1925 et du 7 décembre 1937, ainsi que l'accord de règlement
du 17 novembre 1946 qui rétablit le statuquo frontalier antérieurà
la convention de Tokyo du 9 mai 1941 rectifiant la frontière thaï-
lando-cambodgienne. En échange,les actes qui auraient étéréalisés
soit par le Cambodge, soit par la Thaïlande en exercice de leur
souveraineté sur lafraction de territoire en question pourraient avoir
del'importance face au doute que crée ce procès. Unejurisprudence
suffisamment connue détache leur valeur juridique.
Pour analyser ces actes, il serait superflu de remonter aux
origines historiques de la construction du temple de Préah Vihéar
ainsi qu'au rôle religieux que ce temple aurait rempli tant pour le
peuple siamois que pour le peuple cambodgien. La question à
décider ne sepose pas avant 1904, date de la convention qui fixa

la frontière en litige. Du côté thaïlandais il est dit aue la ~osition
élevéedu temple, ubâti sur un plateau, la rend peu a'ccessibiede la
plaine située au sud de cette chaîne où se trouve le Cambodge, et
en échange beaucoup plus accessible par la voie du nord où est
placéela Thaïlande. Cette proposition paraît exacte. Elle découle
d'une réalitégéographique qui favorise évidemment l'exercise de
la souveraineté territoriale du pays d'accès facile et non pas de
celui dont l'accès ne l'est pas. L'hypothèse mêmeselon laquelle
la région de Préah Vihéar se trouve en juridiction cambodgienne
est, face à la topographie du terrain de la frontière, un véritable
contresens. Elle se heurte à la théorie des frontières naturelles à
laquelle parait s'être ralliéela Commission mixte de délimitation.
Néanmoins, onne trouve pas, hors de ladite présomption,une preuverecord-cards and other material. As evidence they have only a
complementary value which is in itself without legal effect. This
applies especially to the maps put in by Cambodia and which had
been drawn up by officia1Thai services, on which Preah Vihear is
shown in Cambodian jurisdiction. These maps do not appear at al1
conclusive, being based upon the Annex 1map which is not authori-
tative and does not show the tme watershed line. It is possible to

recognize expressly or tacitly a given de lureor defacto situation,
but not a situationvitiated by a technical error. An errorremains an
error and cannot by repetition make good acts of later date that are
based upon that error. That is the only significance that should be
attached to the question of error in the present case, where it does
not have the significance of vitiation of consent, the existence of
which is possible in a legal instrument but not in a map.

Nor is it necessary to consider international instruments of later
date thzn 1904 and 1097, since they make no special reference to
Preah Vihear and Thailand has not questioned them. These include
the Franco-Siamese Treaties of 14 February 1925 and 7 December
1937 and the Settlement Agreement of 17 November 1946 which

restored the frontier statztsquo prior to the Tokyo Convention of
g May 1941 adjusting the frontier between Thailand and Cambodia.
On the other hand, any acts that may have been carried out either
by Cambodia or by Thailand in the exercise of their sovereignty
over the portion of territory in question could be important having
regard to the doubt created by this case. Their legal value is indi-
catedby sufficiently well-established precedents.
An analysis of these acts need not go back to the historical origins
of the building of the temple of Preah Vihear nor need it take
account of the religious role which the temple issaid to have played
for both the Siamese and the Cambodian peoples. The question
to be decided does not arise before 1904, the date of the treaty
which fixed the disputed frontier. Thailand says that the elevated
situation of the temple, built upon a plateau, makes it difficult of
access from the plain situated to the south and on the Cambodian
side of the chain, while it is far more easily accessible from the

north, where Thailand is situated. This contention seems to be
correct. Itis based on a geographical fact which is clearly in favour
of the exercise of territorial sovereignty by the country having easy
access and not by the country which has not such access. Having
regard to the topography of the frontier area, the very suggestion
that the Preah Vihear area lies within Cambodian jurisdiction is
really contrary to sense. It is in conflict with the principle of natural
frontiers which was apparently adopted by the Mixed Delimitation
Commission. Apart from this presumption, however, there is not

69suffisante pour appuyer les actes de souveraineté qui auraient été
réalisésà Préah Vihéarpar une des Parties ou par l'autre.
Le Cambodge invoque l'exercice par la France des compétences

territoriales concernant la régionde Préah Vihéar. Il fait référence
à des visites officielles, des tournées administratives, des expédi-
tions archéologiques, de la chasse à l'éléphant, de la prise de
photographies, de lettres envoyées, de l'entretien du temple, etc.
Mais ces manifestations sporadiques d'activité à un endroit qui
n'était pas gardé et qui consistait en des ruines, mêmesi elles
s'étaient accomplies de la manière dépeinte par le demandeur,
n'auraient qu'une signification très relative quant à l'exercice de la
souveraineté territoriale. A son tour la Thaïlande allègue le recou-
vrement des impôts - ce qui serait réellement une manifestation
de la souveraineté - mais ne fournit qu'une preuve consistant en
des attestations de fonctionnaires faites sous serment. Pareil genre
de preuve présente le défendeur en ce qui concerne d'autres activités

réaliséespar les autorités thaïlandaises. En supposant que ces
manifestations de part et d'autre se seraient produites telles quelles,
elles n'auraient pour résultat que démontrer au juge international
l'exercice d'une activité administrative concurrente qui se serait
méconnue réciproquement. Mêmeétant connue, elle aurait été
l'objet d'oppositions sinon d'interprétations différentes. Tout ceci
donne l'impression que tant le Cambodge que la Thaïlande ont
vécu pendant plus d'un demi-siècle sans être particulièrement
fixésquant à leurs droits de souveraineté sur la régiondu temple.
Voilà pourquoi l'application correcte du traité de 1904 est le but
principal que doit rechercher la Cour dans le cas d'espèce, en
localisant par une expertise adéquate la ligne de partage des eaux
entre les bassins du Nam Sen et du Mékong, d'une part, et du
Nam Moun, de l'autre.

Ladite expertise a étéfournie surtout par la Thaïlande qui, en
dépit d'êtreen principe lJEtat défendeur, en prit l'initiative dans
cette affaire. Le Cambodge intervint aussi à ladite expertise par
le contre-examen des experts et témoins de la Partie contraire.
Cette circonstance donne aux résultats de l'expertise qui a été
présentéeun poids estimable pour la solution du cas d'espèce.
Quatre rapports écrits s'y réfèrent. Deux du professeur W. Scher-
merhorn agissant au nom du Centre international d'Instruction tech-
nique pour la photogrammétrieaérienne(1.T. C.) de Delft en date
des 8 septembre 1961 et II janvier 1962, et deux autres émanant

de MM. Doeringsfeld, Amuedo et Ivey (D. A. 1.)- (firme privée
établie à Denver, dans l'État de Colorado, aux Etats-Unis) les
23 octobre 1961 et 21 février1962. AUXaudiences orales, un inter-
rogatoire serré pratiqué par les deux Parties visa comme témoins
ou comme experts M. Suon Bonn, qui fut gouverneur de la pro-
70adequate evidence ir? support of the acts of sovereignty allegedly
performed at Preah Vihear by either Party.
Cambodia relies on the exercise of territorial powers by France
in regard to the Preah Vihear area. It refers to officia1 visits,
administrative tours, archaeological expeditions, elephant hunting,
the taking of photographs, the despatch of letters, the upkeep of
the temple, etc. But these sporadic displays of activity at a spot
which was unguarded and consisted of ruins, even it they took place

as described by the applicant, would have only a very relative
significance so far as territorial sovereignty is concerned. In its
turn, Thailand alleges the collection of taxes-which would indeed
be a manifestation of sovereignty-but furnishes evidence consisting
only of affidavits by officials. The respondent offers evidence of the
same kind in regard to other activities carried out by the Thai
authorities. Assuming that these manifestations by the two Parties
were as described. ,hev dould onlv serve to show the Court that
there was a performance of concuhent and recipr6cally unnoticed
administrative activities. Even if known. these activities would
have been the subject of objection or of different interpretations.
A11this gives the impression that both Cambodia and Thailand
lived for more than half a century without being particularly

certain of their sovereign rights over the temple area. For this
reason the correct application of the 1904 Treaty is the main goal
which the Court must seek in this case, by locating on the basis
of an adequate expert opinion the watershed between the basins
of the Nam Sen and the IlIekong, on the one hand, and the Nam
Moun on the other hand.

This expert evidence was furnished more particularly by Thai-

land, which, although in principle the respondent State, took the
initiative in thematter. Cambodia also played a part in connection
with the expert opinion by cross-examining the experts and wit-
nesses of the other Party. From the point of view of the settlement
of the case this lends appreciable weight to the results of the in-
vestigations of the experts. There are four written reports relating
thereto-two by Professor TV. Schermerhorn, acting fort^e Inter-
national Training Ceder for Aerial Sztrvey (I.T.C.) of Delft, dated
8 september 1961 and II Ja~uary 1962, and two other reports by
Messrs. Lloeringsfeld, Amuedo and Ivey (D.A.I.), a private firm
established at Denver (Colorado), United States of America, these
being dated 23 October 1961 and 21 February 1962. In the course
of the hearings the witnesses or experts uTereclosely examined by

bot11 Parties. They were M. Suon Bonn, former governor of thevince de Kompong Thom au Cambodge, le professeur Schermer-
horn, bien connu en Hollande et ailleurs pour ses travaux sur la
photogrammétrie aérienne, M. Ackennann, qui a une haute répu-
tation comme topographe et fait aussi partie dudit Centre de Delft,
et puis M.Verstappen, spécialisteconnu en géologie,qui est membre
à son tour de ce Centre. M. Ackermann a eu surtout le mérite de
pratiquer l'opération de reconnaissance de la frontière à laquelle
le Dictionnaire de la Terminologie du droit international publié en

1960 par d'éminents juristes donne pour mission celle de ((vérifier
sur les lieux que les marques de délimitation d'une frontière sont
bien aux endroits indiqués par les traités ou conventions de déli-
mitation et figurant sur les cartes annexées auxdits traités ou
conventions 1)(voir p.514) . 'est notre mêmeCour qui, dans son
arrêt surl'affaire du détroit de Corfou, mit en relief la valeur d'une
expertise réaliséedans une procédure semblable à celle du cas
d'espèce: ((La Cour ne peut manquer d'attacher un grands poids,
dit-elle,à l'avis d'experts qui ont procédéà un examen des lieux
entouré de toutes les garanties d'information exacte et d'impar-
tialité1)(voir Recueil1949, p. 21).
Profane comme l'est généralementun juge dans les matières qui
firent l'objet de l'expertise, il doit fonder une conclusion de droit

sur un labeur technique vraisemblable. En général,les opinions
expriméespar les experts et témoinsde la Thaïlande impressionnent
par leur précisiontechnique et la logique qu'elles imposent au rai-
sonnement. D'autre part, le caractère officiel dudit Centre, qui est
reliéau Gouvernement hollandais, donne à son opinion une impar-
tialité et une autorité peut-être supérieures à celles qui peuvent
relever l'activité d'une firme privée. Mais la possibilité d'une ligne
alternative de partage des eaux dans une zone critique qui fut
délimitée àcelle adoptéepar le rapport du professeur Schermerhorn,
pose une question. Le travail topographique réalisésur place par
M. Ackermann lui donne cependant réponse. La ligne véritable
était bien celle du rapport. Mêmesi la ligne alternative avait été la
ligne exacte, elle n'aurait nullement laisséla région du temple en

territoire cambodgien. Et c'est la question de la souveraineté sur
le temple qui est posée à la Cour et nulle autre. Les eaux d'un
bassin fluvial peuvent descendre d'un promontoire comme celui
où est situéle temple, mais jamais ne peuvent le remonter. Ceci est
l'évidencemême.

Ce qui a été ditpermet d'arriver aux conclusions suivantes
1) la question essentielle à résoudrepar la Cour - vu qu'aucune
des deux Parties en cause n'a prouvé d'une manière concluante
l'exercice de sa souveraineté sur la régiondu temple - est celle de
l'interprétation de l'articlrerde la convention du 13 février1904
entre la France et la Thaïlande; JUDGM. 15 VI 62 (DISS. OP. JUDGE 310RENO QUINTANA) 73

Cambodian province of Kompong Thom; Professor Schermerhorn,
well-known in Holland and elsewhere for his work on aerial
surveying; Mr. Ackermann, who has a high reputation as a topo-
grapher, also attached to the DelftCenter, and lastly Mr.Verstappen,
a well-known geologist and likewise a member of the Center. It
was Mr. Ackermann's special merit that he carried out the work of
frontier reconnaissance, a task which is described in theDictionnaire
de la Terminologiedu droit international published in 1960 by emi-
nent jurists as "checking on the spot that the boundary marks of

a frontier are in fact at the points indicated in the boundary
treaties or conventions and shown on the maps annexed to those
treaties or conventions" (see p. 514). This Court has also, in its
Judgment in the Corfu Channel case, stressed the value ofan expert
investigation carried out by a procedure similar to that followed in
the present case. The Judgment said: "The Court cannot fail to
give great weight to the opinion of the Experts who examined the
locality in a manner giving every guarantee of correct and impar-
tial information" (I.CJ. Reports 1949, p. 21).

A layman in the matters with which the opinion of the experts
was concerned as a judge generally is, he has to draw a legal con-
clusion from a piece of technical work which seems to carry con-
viction. In general, the opinions of the experts and witnesses for
Thailand impressed by their technical precision and the logical
nature of their reasoning. Moreover, the officia1character of the
Center, which is connected with the Netherlands Government,
confers upon its opinion an objectivity and an authority perhaps
greater than could attach to the work of a private firm. However
a question is raised by the possibility that, in a critical area which
was described, there might be an alternative watershed line to that

indicated by Professor Schermerhorn's report. That question is
answered by the topographical work carried out on the spot by
Mr. Ackermann. The true line of the watershed was indeed the
one indicated in the report. Even if the alternative line had been
the true line it would stillnot have left the temple area in Cainbodian
territory. And it is the question of the sovereignty over the temple
that is put to the Court, and no other. The waters of a river basin
may run down from a promontory like one on which the temple is
situated, but they can never rup up it. That is obvious.

What has been said above leads to the following conclusions:

(1)the essential question to be settledby the Court-since neither
Party has conclusively proved its exercise of sovereignty over the
temple area-is the interpretation'of Article I of the Treaty of
13 February 1904 between France and Thailand; 2) cette interprétation découle de l'établissement de la ligne
de partage des eaux entre les deux bassins fluviaux qui est indiquée
comme frontièredansla régiondes Dangrek entrele Cambodgeet la
Thaïlande ;
3) la preuve technique apportée par la Thaïlande, à laquelle
a contribuélargement par son contre-interrogatoire le Cambodge,
est concluante, par sa précisionet son abondance, pour établirque
la lignede partage des eaux suit lebord de la falaise du promontoire
où est situé le temple.
4) ce résultat décide l'affairedans le sens que la fraction de
territoire où se dresse le temple se trouve en territoire thaïlandais.

(Signé Lucio M. MORENO QUINTANA. (2) this interpretation follows from the determination of the
watershed between the two river basins which is specified to be the
frontier between Cambodia and Thailand in the Dangrek region;

(3) the technical evidence supplied by Thailand, largely contri-
buted to by Cambodia's cross-examination, is by its precision and
abundance conclusive in establishing that the watershed follows
the edge of the cliff of the promontory on which the temple is
situated ;

(4) this result decides the case in the sense that the portion of
territory on which the temple stands is situated in Thai territory.

(Signed)Lucio M. MORENO QUINTANA.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Moreno Quintana

Links