Opinion dissidente de M. Armand-Ugon

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032-19600412-JUD-01-08-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ARMAND-UGON

N'ayant, à mon regret, pu me rallier entièrement à la décision
de la Cour sur le fond, je crois de mon devoir d'exposer les motifs
de mon opinion dissidente.

Le Gouvernement du Portugal soutient, dans sa première conclu-

sion finale, qu'il était titulaire d'un droit de passage entre Damao
et les enclavesde Dadra et de Nagar-Aveli, en juillet 1954.
Ce droit, soutient le Portugal, constitue un droit de transit dont
la destination n'est autre que celle d'assurer, de manière constante,
les communications entre les enclaves elles-mêmeset entre celles-ci
et Damao. C'est un transit entre deux portions du territoire portu-
gais. Il s'agit d'un droit d'accèsà un territoire portugais enclavé en
territoire indien et non d'un droit d'accès à ce territoire. Un tel
droit doit se régler dans la mesure indispensable à l'exercice de la
souveraineté portugaise dans les enclaves de Dadra et de Nagar-
Aveli. La souveraineté sur le territoireàtravers lequel les communi-
cations se réalisent appartient exclusivement à l'Inde et le Portugal

ne le conteste point; le transit reste soumis à la souveraineté in-
dienne et aucune immunité n'est réclamée; il appartient donc au
Gouvernement indien de réglementer et de contrôler ce droit de
transit sur son territoire. Cette réglementation et ce contrôle
devront s'exercer de bonne foi et sous sa responsabilité, mais cette
compétenceréglementaire n'est pas discrétionnaire et ce Gouverne-
ment ne saurait être autorisé à empêcher le transit nécessaire à
l'exercice de la souveraineté portugaise dans les enclaves.
Cette première conclusion finale du Gouvernement du Portugal
demande à la Cour de dire et juger:

«Quele droit de passage entre les enclaves de Dadra et de Nagar-
Aveli et entre celles-ci et l'arrondissement côtier de Damao, tel
qu'il est définici-dessus, existe au profit du Portugal et doit être
respectépar l'Inde.))

C'est surcette base qu'il a étédemandé à la Cour de se prononcer,
laquelle doit êtreprise dans son ensemble, sans que les Parties, ni
la Cour elle-mêmepuissent introduire des modifications. Les mots
((finalement conclure » dans le texte français de l'article 48 du
Statut de la Cour indiquent clairement que de telles conclusions
sont définitives et inaltérables et se distinguent des conclusions
visées par les articles 42 et 43 du Règlement, lesquelles peuvent

êtremodifiées, en leur qualité de conclusions préliminaires. Il est
évident que (si [la Cour] peut interpréter les conclusionsdes Parties,elle ne saurait se substituer à celles-ci pour en formuler de nouvelles
sur la base des seules thèses avancées et faiks allégués » (affaire
relative à certains intérêtasllemands, Serie A, arrêtno 7, pp. 34-35,
1927). Une conclusion finale ne peut être divisée en plusieurs
conclusions séparéessur la base des éléments et des modalités
de son contenu. La Cour «a le devoir de répondre aux demandes
des Parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclusionsfinales,
mais aussi de s'abstenir de statuer sur des points non compris dans
lesdites demandes ainsi exprimées n.(C. 1.J. Reczteil19-50,p. 402.)
La Cour est appelée à se prononcer sur les conclusions finales des

Parties, non àles réviser.
Ce que le Gouvernement portugais demande, c'est un droit qui
lui est particulier. Le droit de passage ainsi réclaméest un tout. Il
est toujours le même. C'estsur la constatation de ce droit qu'il est
demandé une décision. La présente affaire est inscrite au rôle
généralsous le titre « Droit de passage sur territoire indien ».
Le conseil du Portugal a, notamment, soutenu: (Le droit, dans
son essence, reste toujours égal à lui-même,en tant que droit de
transit entre Damao et les enclaves, dans la mesure nécessaire à
l'exercice de la souveraineté sur celles-ci. Ce qui varie c'est sa régle-
mentation, car elle présente des aspects différents au cours des

temps. Mais, au milieu de toutes ces transformations extrinsèques,
quin'atteignent pas la substance du droit, celui-ci demeure intact. ))
(Procédure orale, vol. II, p. 67.)
La Cour est sollicitée de rendre un arrêt déclaratoire sur l'exis-
tence du droit de passage; une telle demande est envisagée par la
lettre b) de l'article 36 du Statut de la Cour.
Cen'est pas surla décomposition et le démembrement du contenu
et des éléments de ce droit qu'on doit statuer. Les conditions
d'exécution du droit de passage sont de la compétencedu Goutrerne-
ment indien et aucune conclusion des Parties ne les vise. 11ne faut

pas confondre les formes d'exercice du droit de passageavec le droit
en soi. Un prononcé sur le droit de passage ne peut se placer au
point devue des modalitéset conditionsd'application sans s'éloigner
du contenu précisdes conclusions finales des Parties. Le Gouverne-
ment portugais demande à la Cour de statuer sur ,un droit de pas-
sage ))et le Gouvernement indien prie la Cour de déclarer cette
((demande non fondée 1);les demandes des Perties sont bien claires.
La Cour n'est pas priée de statuer sur les modalités d'exécution
du droit de passage, chose qui ne lui a pas étédemandée.

Ce droit, le Gouvernement portugais prétend le tirer des cIauses
conventionnelles du traité de 1779 ainsi que de la coutume géné-
rale et locale et de certains principes du droit international.
Le fait que le Portugal demande un tel droit pour son accès aux
enclaves oblige à rechercher la base juridique de cette prétention.
La route pour se rendre aux enclaves depuis Damao s'éten3 en

75territoire indien et le droit revendiqué par le Portugal limiterait
sur cette partie les droits del'Inde. La consécrationjudiciaire d'un
droit de cette nature doit avoir un fondement solide.
Le passage qui nous occupe a étépratiqué pendant les périodes
mahratte, britannique et indienne. Ces périodes constituent la
période normale de son exercice; une période anormale commence
après les événements de juillet 1954 quand fut opéréle blocus des
enclaves par le Gouvernement indien.

La Partie demanderesse pose l'origine de son droit de passage à
l'époquede la cession au Portugal des villages de Nagar-Aveli et de
Dadra par le Gouvernement mahratte. Une telle cession serait née
du traité de 1779, des accords de 1783 et1785 et dessanads (ordon-
nances) postérieurs. Un long débat des Parties trouve ici sa place
sur l'existence de ce traité et sur le contenu de son article7.

Il est indéniable que tant le Gouvernement mahratte que le

Gouvernement portugais n'ont eu, à cette période, aucun doute
sur la célébrationdudit traité et sur sa validité. Il y avaàtce sujet
un accord des deux Gouvernements. Il est donc inutile de pour-
suivre une discussion sur un point acquis par ces Gouvernements.
On doit se fier à leur sagesse. Leurs manifestations doivent suffire
pour retenir qu'il y eut conclusion d'un traité en 1779, entre les
Gouvernements mahratte et portugais. Quand un gouvernement
déclareofficiellement qu'un traité a étépassé,la Cour peut soutenir
que cette déclaration est suffisante et n'est pas obligéede vérifier
son exactitude. C'est ce qu'a reconnu le Gouvernement mahratte.
Le sens du contenu de l'article 17 de ce traité est contesté par
les Parties.
Pour les demandeurs, il y aurait eu une cession en pleine souve-
raineté de certains territoires, sur la base de leurs revenus. Pour
les défendeurs, il y aurait eu simplement un jagir ou saranjam,
c'est-à-dire une cession, temporaire et révocable, des revenus des
villages de Nagar-Aveli et Dadra.
Pour soutenir cette thèse, le Gouvernement indien s'appuie sur
le seul texte de l'article 17 d'une traduction mahratte du texte
portugais du 4mai 1779, lequel aurait été transcrit sur des registres
à Goa et signépar le vice-roi portugais. Dans cette traduction de
l'article17, il est exprimé que les Mahrattes ont concédéun jagir.
Les autres trois textes de ce traité ne font pas référenceà ce mot.
Dans l'hypothèse qu'un jagirou saranjam fût stipulé,il resterait

toujours la question de savoir quelle modalité de cette tenure
aurait étécelle convenue.Est-ce un saranjam révocable,temporaire,
sur des revenus ou est-ce un saranjam irrévocable ou définitif
concédant le sol et les villages ?Ni les éclaircissements des Partiesni les documents contradictoires du dossier ne nous apportent sur
ce point une conclusion sûre et certaine. L'emploi du mot jagir, tel
qu'il est consigné à l'article 17 dans la traduction mahratte du
texte portugais, ne permet pas d'inférersans contestation la nature
juridique de la tenure envisagée. Ce mot n'avait pas une significa-

tion unique et juridiquement précise.
On doit raisonner comme siles situations de la pleine souveraineté
ou du saranjam étaient valables l'une et l'autre. Dans une hypo-
thèse comme dans l'autre, il est évident que, soit pour exercer la
souveraineté sur les enclaves, soit pour administrer et recueillir
les impôts des villages, il était indispensable que les autorités portu-
gaises eussent la faculté de passer par le territoire mahratte. Les
Mahrattes, en cédant la souveraineté ou un saranjam, étaient
obligésde permettre l'exercice de droits concédésau Gouvernement
portugais sur ces territoires. Il serait inadmissible d'accorder une
souveraineté sur certains territoires, ou un saranjam de certains
villages, et de créer des entraves empêchant l'accomplissement des
obligations convenues. On ne peut s'obliger et refuser les moyens
pour que l'obligation soit satisfaite. Une obligation était donc à la

charge des Mahrattes, dérivée des accords qu'ils avaient signés,
et cette obligation comportait l'autorisation du passage à travers
leur territoire, au bénéficedes Portugais.
On peut affirmer, sans risquer de se tromper, que, pendant la
période mahratte - 35 ans - le Gouvernement de Poona et ses
autorités principales n'ont jamais méconnu cette obligation per-
mettant aux Portugais de se rendre aux enclaves.
Cn des motifs de la concession (enplus des raisons d'amitié) était
de faciliter le ravitaillement de Damao et celui-ci ne se conçoit
que si l'on accepte et admet le passage aux villages. L'intérêtdu
droit de passage a aussi une base économique. De nombreux sanads
se référant à cette concession indiquent des ((villages adjacents à
Damao ))(annexe C nos 8, 9, IO, 14, 15 et 16).Il y a bien ici l'idée
de contiguïté, qui en fait ne put se réaliser, et seulement alors

furent visés des villages non contigus à Damao. A défaut de conti-
guïté, le passage aIlait y suppléer.

Supprimer ce passage, c'est atteindre, soit la souveraineté terri-
toriale, soit lsaranjam. Une telle situation n'est pas celle prévue
par l'article17 et ses accords complémentaires. A l'origine de cette
situation, il y a un traité, et le Gouvernement mahratte qui a accédé
à sa formation doit subir toutes les conséquences de cet acte, en
supportant les limitations qu'il comporte dans son territoire.

Le tram@ ou le fait du transit, en périodemahratte, est bien un
droit de 1'Etat portugais. C'est un droit implicite, lequel se déduit
du traité de 1779 et des accords complémentaires au profit de
1'Etat portugais, mêmes'il n'a pas été littéralementexprimé. Les

obligations assumées par le Gouvernement mahratte doivent
77s'harmoniser avec les droits qu'il a conventionnellement reconnus.
Le Portugal a donc acquis les pouvoirs nécessaires pour l'exercice
effectif des pouvoirs et des droits concédésexpressément. Ces pou-
voirs impliquent la reconnaissance d'un droit de passage.
Il semble bien que ce droit paraisse s'imposer plus fortement
dans l'hypothèse d'un saranjam. Comment le titulaire de cette
tenure pourrait-il en bénéficiersi on lui barre la route pour percevoir
les impôts accordéset pour administrer les villages? De telles com-
munications se dégagent de l'essence mêmede cette tenure: sans
ces communications cette tenure serait inconcevable.
Le principe des pouvoirs implicites a étéadmis par la Cour
permanente dans l'affaire du Territoire de Memel (SérieA/B, 1932,
pp. 313-314), lequel fait état de la souveraineté de la Lithuanie pour
en déduire au profit de celle-ci des pouvoirs non exprimés dans le
statut de Memel. La Cour de Tustice dans l'avis sur la Rébaration
des dommagessubis au service desNations Unies a aussi aimis que
cette Organisation jouit des pouvoirs implicites (C.I. J. Recueil
1949, PP. 174, 178, 179 et 180).
Le droit de passage est essentiel pour assurer soit les droits de
la souveraineté territoriale, soit les droits du saranjam dont aurait
bénéficiéle Portugal. Une simpletolérance de transit, ou une faveur
temporaire et révocable, ne donnerait aucunement satisfaction
aux droits concédéspar le traité mentionné et ses accords; ils
resteraient à la merci du Gouvernement mahratte. Or tels n'ont
pas étéles droits accordés au Portugal par ce Gouvernement. Si
le transit est admis comme une simple tolérance, le Portugal ne
pourrait réaliser ses droits de manière appropriée. On ne saurait
concevoir que le Gouvernement mahratte eût décidé de concéder
au Portugal certains droits et de retenir le pouvoir de s'opposer, par
des mesures spéciales, à la réalisation du but pour lequel ces droits
furent octroyés.
*
* *

Une telle situation fut respectéeet acceptéepar les Britanniques
en 1818, quand l'empire mahratte et ses territoires passèrent sous
leur domination.
Il est hors de doute que les autorités britanniques ont soigneuse-
ment examiné à cette époque la situation du Portugal sur les
enclaves de Damao et de Nagar-Aveli, situées dans le territoire
qu'ils avaient récemment acquis. Les autorités britanniques avaient
en leur pouvoir les archives mahrattes pour se renseigner. Ils y
firent une enquêteà propos d'une demande en 1818 des autorités
portugaises d'une exemption de droits de douanesans que la souve-
raineté portugaise fût mise en question (annexeC no 35,document 4).
Les Britanniques n'eurent, pendant la période de 1818 à 1947,
aucun doute sur la souveraineté du Portugal sur ces enclaves.
Aussi, pendant la période britannique aucune difficulténi obs-
tacle ne fut soulevésur l'existence de cette obligation de passage.Ce Gouvernement - successeur du territoire mahratte - le recon-
nut.

La Cour permanente a accepté, dans l'affaire des Zones franches,
implicitement, le principe de la succession des obligations localisées
d'intérêtgénéral.La France devait respecter le régime établi par
les traités de 1815-1816 «comme ayant succédéà la Sardaigne dans
la souveraineté sur ledit territoire » (SérieA/B, no 46, p. 145).
C'estseulement sur l'exercice de ce droit que s'arrêta,en pratique,
la compétence réglementaire des autorités britanniques. Des moda-
litésdiversesrégirent l'application de ce droit maissansméconnaître
son existence. Ce pouvoir réglementaire trouvait son fondement
dans la souveraineté britannique sur le court trajet séparant les
enclaves de Damao. Ce pouvoir ne comportait pas en principe celui
d'interdire d'une façon absolue des modalités nécessaires à l'exer-
cice de la souveraineté sur les enclaves. Ils y autorisèrent toujours
un usage adapté aux nécessités dece passage. Il est à signalerque,

quelquefois, cette réglementation se fit par accord avec les autorités
portugaises, surtout en matière de transit des forces de police (traité
de 1878et accordsde 1913, 1920 et 1940). Par ce dernier accord les
forces de police armées, ne dépassant pas le nombre de dix agents,
pouvaient passer en avisant chaque fois, par la poste, les autorités
britanniques dans les vingt-quatre heures de leur passage. Si un
nombre d'agents supérieur à dix était nécessaire, la pratique de
l'autorisation préalable devait êtresuivie(annexeindienne Cno 57).
Les règlements édictéspar le Gouvernement britannique eurent
pour but de délimiter le passage, pour en régler les détails d'appli-
cation. Ce sont généralementdes règlements de police qui édictent
des restrictions et par exception des interdictions à la liberté du
transit. Pendant toute la durée de la période britannique il y eut

deux interdictions, pour le sel et l'alcool. De telles limitations sont
courantes et nombreuses lorsqu'il s'agit de réglementer des droits,
sans qu'il soit loisible de déduire d'une telle activité étatique que
ces droits n'existent pas. Il en est de mêmequand cette fonction
réglementaire s'exerce sur les modalités du droit de passage, en vue
d'assurer, soit l'ordre public, soit une meilleure fiscalité.Ces régle-
mentations, loin de méconnaître le droit de passage, en sont la
confirmation éclatante et elles signalent, précisément,son champ
d'application.
Les autorités britanniques, à un certain moment, conçurent même
l'idée de l'établissement d'un corridor liant les deux territoires
portugais. Ceprojet ne fut finalement pas adopté. Cette proposition
venait fortifier la pensée,souvent mise àjour dans la correspondance

entre les autorités britanniques et portugaises, du cas spécial des
enclaves et de la nécessitéd'en assurer et faciliter les communica-
tions. Cette cession de territoire, dit un fonctionnaire britannique,
c(donnerait un libre accès à la pargana portugaise de Nagar-
Aveli »(annexe F no 58).82 DROIT DE PASSAGE (OP.DISS. DE M. ARMAND-UGON)

La contribution du Portugal aux frais pour la réparation d'un
tronçon de route aux enclaves, dans la partie britannique, en 1900
et 1926, paraît confirmer la nécessitéde ce droit d'accès aux en-
claves.
Les autorités portugaises n'avaient pas besoin de réclamer
constamment un droit qui leur était reconnu. Le gouverneur por-
tugais dans la note du 27 mai 1892 (annexe C no 41) soutient que
((le transit (entre Damao et Nagar-Aveli) étaitlibre lorsquele traité
de 1878était en vigueur et il en était de mêmeavant le traité D.Et
il ajoute: c'était «la pratique suivie et observée antérieurement,
avant l'entrée en vigueur du traité du 26 décembre 1878 ». Ce

traité, qui est resté en vigueur de 1879 jusqu'à 1892, établissait un
régimegénéralpourles territoires desdeux contractants dans l'Inde;
il venait ratifier un droit de passagedéjà établi,pour lescommunica-
tions avec les enclaves. Quand le traité de 1878 prit fin, le droit de
passage a subsisté.
Il n'est pas contesté que, pendant toute la période britannique,
le passage'aux enclaves fut pratiqué sur la base des réglementations
établies. Cette situation dura pendant 130 années,sansinterruption,
defaçoncontinuelle et paisible.La route aux enclavesdepuisDamao
et vice versaresta ouverte pendant cette longue période; sur ce fait
aucun doute ne s'élevaentre les deux Gouvernements.

Pendant cette longue période une volonté s'est manifestée soit
implicitement, soitexpressément par des accords et réglementations.
Ces faits révèlent une conscience commune que traduisait la con-
victiondes deux Gouvernements sur ledroit depassage aux enclaves.
11faut voir dans ces faits la preuve de l'agrément-des autorités
britanniques à ce droit. Ce qui «est ndevient ce qui «doit être ».
La notion d'effectivité a une grande importance dans le droit
international. Dans le présent cas, l'effectivité du fait du passage
doit s'examiner dans sa durée et dans son acceptation par les deux
Gouvernements en cause. Cette effectivité de l'exercice du passage
aux enclaves, pratiqué avec régularité, contribue à l'élaboration

d'un droit.
Cette notion d'effectivité a étéretenue comme facteur concluant
pour 1%décision de certaines situations que créent les rapports
entre Etats. Notre Cour l'a fait valoir dans l'affaire Nottebohm
(C.1. J. Recueil 1955, pp. 56 et ss. ef 62 et 299) et antérieurement,
dans l'affaire des Minquiers et des Ecréhous(C.I. J. Recueil 1953,
pp. 60-66, 67-70).
La doctrine se maintient fidèle à cette idée.
Un fait répétécontinuellement, pendant une longue durée, loin
d'affaiblir cet usage,le-fortifie davantage; un rapport naît entre ce
fait et la volonté des Etats qui l'ont autorisé. La répétition deces

faits réitérésq, ui revêtent une grande ancienneté, donne lieu de la
part de 1'Etat qui l'exécuteet de la part de 1'Etat qui les tolère à la
croyance au respect dû à cette pratique de long usage (article 38,
lettre b), du Statut de la Cour).
8083 DROIT DE PASSAGE (OP. DISS. DE M. ARMAND-UGON)

Un droit de passage est susceptible d'êtreacquis sur la base d'une
pratique effective, tout comme la souveraineté territoriale. Un fait
observé pendant de longues années, comme dans le cas présent,
obtient une force obligatoire et revêtle caractère d'une règle de
droit.
Le chemin des enclaves a étéfréquenté pendant 170 années
consécutivespar les Portugais sans opposition. L'effectivité d'accès
aux enclaves a crééun statu quojuridique, auquel un État ne peut,
unilatéralement, déroger. Ce statu quo juridique est l'Œuvre des
Etats à travers de longues années et a la force d'un accord. Un
changement dans cette situation modifierait une pratique et un
usage traditionnellement admis, acceptés et tolérés. Un certain

qrdre, en cette matière, a étéétabli et a étéreconnu par les deux
Etats, dont le but étaitd'assurer certains rapports entre eux, en vue
de l'accomplissement de leurs fonctions étatiques. Une atteinte
portée à cet ordre, sans une excuse juridique valable, crée une
situation contraire au droit.
La Courpermanented'arbitrage, dans un desmotifs dela sentence
rendue le 23 octobre 1909 dans l'affaire des Grisbadarna,a notam-
ment dit: (que, dans le droit des gens, c'est un principe bien établi
qu'il faut s'abstenir autant que possible de modifier l'étatde choses
existant de fait et depuis longtemps ))(Revuegénérald ee droit inter-
national #ublic, 1910, p. 186).
Le passage n'est pas un simple fait, mais un fait juridique, qui

s'attache à un ordre juridique, établi d'ailleurs, concrètement, par
les règlements émanésde l'État sur le territoire duquel s'exerce ce
passage. Des droits et des obligations ont étécréésentre les deux
Etats intéressés. Pour l'État qui accorde le passage naît une
obligation juridique en faveur de l'État bénéficiaire;celui-ci a donc
le pouvoir de réclamer une certaine protection juridique s'il croit
qu'elle a étéméconnue.

Dèsle premier jour de l'indépendance de l'Inde, de 1947 jusqu'à
l'année1953, le jus communicatiortisaux enclaves a pu se réaliser

et s'effectuer sans obstacle. En effet,-l'Inde reconnaissait la sou-
veraineté territoriale du Portugal dans les enclaves. La demande
de transfert des territoires portugais faite par le Gouvernement
indien en 1950 et 1953 est là pour le prouver. Tout au début de
cette périodeil y a eu mêmeune réglementation pour le faciliter;
des droits de douane furent abolis ainsi que l'interdiction du sel.
La contribution de Goa aux travaux des aqueducs de Lavaxa,
pour éviter l'interruption des communications entre Damao et
Silvassa, vient fortifier l'esprit d'entente de deux Gouvernements
sur la nécessitéde ces communications.
Au moment mêmede la crise des rapports entre les deux Gouver-

nements, pendant les années1953et 1954,on ne fit valoir, en aucune
81circonstance, que le droit de passage n'existait pas. Le 6 août 1954,
quand le Gouvemement portugais réclama expressément ce droit,
le Gouvemement indien ne fit aucune réserve. Aucune des mesures

contre le passage ne se fondait sur des arguments juridiques. Il
n'avança pas que le Portugal n'avait aucun droit de passage. Cette
thèse n'est apparue que dans la présente affaire.
Le Gouvernement indien reconnaît que dès 1953 seulement furent
appliqués des (droits stricts))en matière de transit entre Damao et
les enclaves. Il ajoute: ((ces droits ont étéabondamment reconnus
pendant toute la période britannique ))(duplique, no 417). Mais ces
a droits stricts)) admettaient quand même le droit de passage
singulièrement réduit.
On ne peut concevoir des petites enclaves, comme celles de Dadra
et de Nagar-Aveli, d'une superficie de moins de 500 km carrés,

sans une communication, sur une route de 13 km zoo mètres à
travers le territoire enclavant.
Toutes les enclaves existantes dont l'histoire fait mention ont
toujours joui, de façon expresse ou tacite, d'un droit de passage.
Une enclave sans ce droit est une espèce introuvable. Une enclave
suppose nécessairement le droit d'y parvenir pour l'exercice de
fonctions étatiques sur ce territoire.
Si le principe de la liberté du transit international ne se heurte
plus guère à l'interdiction de passage édictéeau nom de la souverai-
neté territoriale,a fortiori ne pourrait-on alléguer celle-ci pour ré-
voquer le transit à une enclave, longuement pratiqué. Le droit de

passage découlant du traité de 1779 et d'une pratique plus que
séculaire trouve son fondement dans la coutume locale; il n'est
donc pas nécessaire de rechercher s'il a son appui dans d'autres
sources, comme la coutume générale ou les principes généraux de
droit reconnus par les nations civilisées.
En conséquence, la première conclusion finale du Gouvernement
portugais doit recevoir une réponse affirmative.

Le droit de passage ainsi reconnu, sans défaillance, commença à
supporter, surtout depuis le second semestre de 1953, quelques
entraves dans son exercice; c'est le moment où les relations diplo-
matiques entre l'Inde et le Portugal souffrent une crise néedu refus
du Gouvernement portugais d'accéder au transfert de ses territoires
indiens. Les exigences formelles pour l'exercice du passage s'accru-
rent alors singulièrement. 11suffit de le constater, sans qu'il soit
indispensable de les indiquer en détail.
Après la fermeture de la légation indienne à Lisbonne, le II juin
1953, on imposa un passeport et un visa au gouverneur de Damao
et aux fonctionnaires portugais européens (mémoire, annexes 35

82et 36). Cechangement de statu quo ante fut dénoncépar les autorités
portugaises (mémoire,annexes 37, 38, 39 et 40).
Le 17 juillet 1954, le consul généralde l'Inde à Goa communique
une série de changements caux concessions octroyées jusqu'à
présent à l'administration portugaise de Damao et de Nagar-

Aveli »;une de ces restrictions çe référaità la prohibition du tran-
sit des armes à feu, de munitions et du matériel militaire. Cette
mêmeinterdiction de traverser le territoire s'applique aux agents
armés de la police ou de l'armée portugaise. C'était déroger au
régime établi de l'autorisation préalable en cette matière dans
chaque cas. Le Gouvernement indien retient ainsi sur cette modalité
de passage une compétence discrétionnaire, qui n'existait pas
auparavant. Cette innovation du Gouvernement indien méconnais-
sait le droit de passage. Il n'y avait pas une interdiction générale,
en cette matière, laquelle aurait porté une atteinte grave au droit
de passage. Ce droit était admis, mais soumis à une autorisation
qui n'était pas abandonnée au pouvoir discrétionnaire illimité du

Gouvernement indien. Une exigence d'autorisation pour l'exercice
d'un droit ne signifie pas que ce droit n'existe pas, bien au contraire,
elle implique souvent son existence. La permission ne créepas le
droit, elle permet, simplement, la possibilité de son exercice. Le
passage de forces armées devait êtreautorisé, avant tout exercice,
pour examiner les conditions dans lesquelles une telle activité allait
se pratiquer. L'Inde devait résoudrechaque demanded'autorisation
de bonne foi et conformément au but du passage, sans se laisser
influencer par des considérations contraires à la finalité du passage.
La formalité de l'autorisation préalable est parfaitement compa-
tible avec l'existence d'un droit de passage.

La Charte des Nations Unies conçoit un droit de passage des
forces arméesdel'organisation sur les territoires des Etats Membres,
conformément aux accords spéciaux qui auront étéconclus avec
le Conseil de Sécurité(art. 43, par. I et 2).Ces accordsrpourraient
établir la nécessitéd'une autorisation de la part de 1'Etat sur le
territoire où va s'exercer le passage, ou une notification à cet État,
sansqu'une telle formalité méconnaisse ce droit.

Telle était expressément la situation prévuepar le traité de 1878,
dans son article XVIII, alinéa 3, qui reconnaissait letransit des forces
armées des Etats contractan-, dans leurs territoires, sous réserve

d'une autorisation. Les deux Etats avaient un droit à l'autorisation.
Dans le cas d'octroi de l'autorisation, rien ne s'opposait au passage;
dans le cas du refus de l'autorisation on constatait les obstacles que
soulevait, à ce moment, l'exercice du passage. Dans ces deux situa-
tions le transit continuait d'être un droit.
Pareillement, le passage des bâtiments de guerre dans les eaux
territoriales qui font partie des routes internationales est considéré
comme un droit, dérivéd'une règle coutumière du droit interna-
tional, et rien ne s'oppose à ce que 1'Etat riverain, dans sa régle-mentation de ce droit, puisse inscrire dans les textesla notification
ou autorisation préalable. Le droit de passagesubsiste quand même.
Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1954, des personnes venues du
territoire indien pénétrèrent dans l'enclave de Dadra; les autorités
portugaises furent dépossédéesde leurs fonctions. Le Gouverne-
ment portugais, dans deux notes, des 24 et 26 juillet suivants,
demanda au Gouvernement indien de permettre le passage des

forces nécessaires pour rétablir l'ordre bouleversé; le 28 juillet, ce
Gouvernement rejeta catégoriquement la demande de transit de
troupes et de forces de police (mémoire, annexe 52).
Le 29 juillet, une autre pénétration eut lieu dans l'enclave de
Nagar-Aveli; les autorités locales furent également supprimées et
des élémentsrebelles occupèrent cette enclave, qu'ils retiennent en
leur pouvoir.
Les demandes d'envoi de déléguéd su gouverneur de Damao et de
tierces Puissances, d'enquête et d'observation impartiale proposés
par le Gouvernement portugais au Gouvernement indien ne purent
obtenir satisfaction. Dès lors les deux enclaves restèrent sans con-
tact avec Damao. L'exercice du droit de passage resta définitive-

ment suspendu dans les deux enclaves.
Les suspensions apportées au passage par le Gouvernement in-
dien sont donc antérieures aux événements de juillet 1954 ou immé-
diatement postérieures à ceux-ci. Le Gouvernement indien ne s'est
donc pas conformé aux obligations que lui imposait le droit de
passage du Portugal.

La troisième des conclusions finales portugaises est ainsi libellée:
«a) déclarer sans fondement les thèses de l'Inde reprises ci-
dessus, sous leslettres A, B et C;
b) en ce qui concerne la thèse de l'Inde reprise ci-dessus, sous
la lettre:

I. si la Courest d'avisque lesconditions susmentionnéesrequises
pour suspendrele passagedeforcesarméesportugaisesne setrouvent
pas réalisées,
dire et juger
que l'Inde doit mettre fin aux mesures par lesquelleseiles'oppose
àl'exercice dudroit de passage du Portugal;
2. si la Cour est d'avisque lesconditions susmentionnéesrequises
pour suspendre le passage de forces armées portugaisesse trouvent
réalisées,

dire et juger
que ledit passage sera momentanémentsuspendu, mais que cette
suspension devra prendre fin dèsque l'évolution de lasituation ep
aura fait disparaître la justificat;on
84 que pendant cette suspension, l'Inde devra s'abstenir de toute
mesure pouvant fortifier la position des adversaires du Gouverne-
prolongation des circonstances invoquées aiàsil'appui de ladite la
suspension;
qu'il n'existe, pour l'Inde, aucune raison légitimede demander
que les autres modalités de l'exercice dudroit de passage soient
égalementsuspendues. ))

Il n'est pas dans la mission de la Cour de statuer dans le dispositif
de son arrêt sur les thèses signalées dans les lettres a) et b) qui
pourront seulement êtreexaminées, si cela est nécessaire, dans la
motivation du jugement.

Il ressort clairement que cette conclusion finale du Gouvernement
portugais comprend deux demandes, no I et no 2. Les deux sont
conditionnées par l'état actuel dans les enclaves et se rapportent au
passage de forces armées portugaises.
Une première remarque s'impose sur la situation présente-aux
enclaves.
C'est un fait qui ne peut êtreécartédu débat que le peuple des
enclaves, dès le mois de décembre 1954, et peut-être avant, s'est
constitué en gouvernement libre sur leterritoire des enclaves. Une
telle situation de fait existait au moment où la Cour a étésaisie de
la requête, le 22 décembre 1955.
Le droit de passage considéré comme un tout est né et s'est
exercé à des époques normales où les enclaves étaient sans conteste
sous la souveraineté effective portugaise. 11en était ainsi depuis
les années 1783 jusqu'au mois de juillet 1954. Cette longue pratique
ne fut jamais troublée par des faits mettant en cause l'autorité

portugaise. Le droit de passage, dans ses différentes modalités, a
étéexercé dans des circonstances pacifiques.
Un tel droit n'a pas étéaccordé pendant la longue pratique
signalée antérieurement pour une situation comme celle qui s'est
crééeaux enclaves. L'existence d'un gouvernement de fait dans
celles-ci est une éventualité non prévue et nouvelle dans la pra-
tique habituelle du droit de passage.
Ces changements survenus aux enclaves affectent les causes qui
ont donné naissance au droit.de passage et ont naturellement leur
effet, soit sur le droit de passage en lui-même,soit sur ses modalités
d'exercice. De tels faits nouveaux conduisent à soutenir soit la sus-
pension du droit reconnu, soit l'extinction de celui-ci. Dans un cas
comme dans l'autre il faut conclure que le passage réclamé doit
être considéré impraticable.

(Signé A)RMAND-UGON.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. ARMAND-UGON

N'ayant, à mon regret, pu me rallier entièrement à la décision
de la Cour sur le fond, je crois de mon devoir d'exposer les motifs
de mon opinion dissidente.

Le Gouvernement du Portugal soutient, dans sa première conclu-

sion finale, qu'il était titulaire d'un droit de passage entre Damao
et les enclavesde Dadra et de Nagar-Aveli, en juillet 1954.
Ce droit, soutient le Portugal, constitue un droit de transit dont
la destination n'est autre que celle d'assurer, de manière constante,
les communications entre les enclaves elles-mêmeset entre celles-ci
et Damao. C'est un transit entre deux portions du territoire portu-
gais. Il s'agit d'un droit d'accèsà un territoire portugais enclavé en
territoire indien et non d'un droit d'accès à ce territoire. Un tel
droit doit se régler dans la mesure indispensable à l'exercice de la
souveraineté portugaise dans les enclaves de Dadra et de Nagar-
Aveli. La souveraineté sur le territoireàtravers lequel les communi-
cations se réalisent appartient exclusivement à l'Inde et le Portugal

ne le conteste point; le transit reste soumis à la souveraineté in-
dienne et aucune immunité n'est réclamée; il appartient donc au
Gouvernement indien de réglementer et de contrôler ce droit de
transit sur son territoire. Cette réglementation et ce contrôle
devront s'exercer de bonne foi et sous sa responsabilité, mais cette
compétenceréglementaire n'est pas discrétionnaire et ce Gouverne-
ment ne saurait être autorisé à empêcher le transit nécessaire à
l'exercice de la souveraineté portugaise dans les enclaves.
Cette première conclusion finale du Gouvernement du Portugal
demande à la Cour de dire et juger:

«Quele droit de passage entre les enclaves de Dadra et de Nagar-
Aveli et entre celles-ci et l'arrondissement côtier de Damao, tel
qu'il est définici-dessus, existe au profit du Portugal et doit être
respectépar l'Inde.))

C'est surcette base qu'il a étédemandé à la Cour de se prononcer,
laquelle doit êtreprise dans son ensemble, sans que les Parties, ni
la Cour elle-mêmepuissent introduire des modifications. Les mots
((finalement conclure » dans le texte français de l'article 48 du
Statut de la Cour indiquent clairement que de telles conclusions
sont définitives et inaltérables et se distinguent des conclusions
visées par les articles 42 et 43 du Règlement, lesquelles peuvent

êtremodifiées, en leur qualité de conclusions préliminaires. Il est
évident que (si [la Cour] peut interpréter les conclusionsdes Parties, DISSENTING OPINION OF JUDGE ARMAND-UGON

[Translation]
As 1 am, to my regret, unable to concur entirely in the decision
of the Court on the merits, 1 feel called upon to explain the reason
for my dissenting opinion.

The Portuguese Government asserts in the first of its final sub-
missions that it possessed a right of passage between Daman and
the enclaves of Dadra and Nagar-Aveli in July 1954.
That right, Portugal argues, is a right of transit the sole purpose
of which is to ensure continuous .communication between the en-

claves themselves and between the enclaves and Daman. The
transit is between two pieces of Portuguese territory. It involves a
right of access to Portuguese territory enclaved within Indian
territory, not a right of access to the latter. Such a right must be
regulated to the extent essential for the exercise of Portuguese
sovereignty within the enclaves of Dadra and Nagar-Aveli. Sover-
eignty over the territory through which communication takes place
belongs exclusively to India, and this Portugal does not dispute;
that transit remains subject to Indian sovereignty, and no immunity
is claimed; it is therefore for the Indian Government to regulate and
control this right of transit across its territory. This regulation and
controlmust be exercised in good faith and under the responsibility
of India; but that power of regulation is not a discretionary power
and the Indian Government cannot be allowed to prevent the
transit necessary for the exercise of Portuguese sovereignty within
the enclaves.
This first of the final submissions of the Portuguese Government

asks the Court to adjudge and declare:
"That the rightof passage between the enclaves ofDadra and
Nagar-Aveli and between these enclaves and the coastal district
of Daman, as defined above, is a right possessedby Portugal and
which must be respected by India."

It is upon this basis that the Court has been asked to adjudicate,
and it must be taken as a whole, neither the Parties nor the Court
itself being permitted to make any alterations in it. The words
"firtalementconclure" in the French text of Artic48 of the Statute
of the Court make it clear that such submissions are final and
unalterable and differ from the submissions referred to in Articles
42 and 43 of the Rules of Court, which, being preliminary submis-
sions, may be modified. It is evident therefore that, "though (the
Court) may construe the submissions of the Parties, it cannotelle ne saurait se substituer à celles-ci pour en formuler de nouvelles
sur la base des seules thèses avancées et faiks allégués » (affaire
relative à certains intérêtasllemands, Serie A, arrêtno 7, pp. 34-35,
1927). Une conclusion finale ne peut être divisée en plusieurs
conclusions séparéessur la base des éléments et des modalités
de son contenu. La Cour «a le devoir de répondre aux demandes
des Parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclusionsfinales,
mais aussi de s'abstenir de statuer sur des points non compris dans
lesdites demandes ainsi exprimées n.(C. 1.J. Reczteil19-50,p. 402.)
La Cour est appelée à se prononcer sur les conclusions finales des

Parties, non àles réviser.
Ce que le Gouvernement portugais demande, c'est un droit qui
lui est particulier. Le droit de passage ainsi réclaméest un tout. Il
est toujours le même. C'estsur la constatation de ce droit qu'il est
demandé une décision. La présente affaire est inscrite au rôle
généralsous le titre « Droit de passage sur territoire indien ».
Le conseil du Portugal a, notamment, soutenu: (Le droit, dans
son essence, reste toujours égal à lui-même,en tant que droit de
transit entre Damao et les enclaves, dans la mesure nécessaire à
l'exercice de la souveraineté sur celles-ci. Ce qui varie c'est sa régle-
mentation, car elle présente des aspects différents au cours des

temps. Mais, au milieu de toutes ces transformations extrinsèques,
quin'atteignent pas la substance du droit, celui-ci demeure intact. ))
(Procédure orale, vol. II, p. 67.)
La Cour est sollicitée de rendre un arrêt déclaratoire sur l'exis-
tence du droit de passage; une telle demande est envisagée par la
lettre b) de l'article 36 du Statut de la Cour.
Cen'est pas surla décomposition et le démembrement du contenu
et des éléments de ce droit qu'on doit statuer. Les conditions
d'exécution du droit de passage sont de la compétencedu Goutrerne-
ment indien et aucune conclusion des Parties ne les vise. 11ne faut

pas confondre les formes d'exercice du droit de passageavec le droit
en soi. Un prononcé sur le droit de passage ne peut se placer au
point devue des modalitéset conditionsd'application sans s'éloigner
du contenu précisdes conclusions finales des Parties. Le Gouverne-
ment portugais demande à la Cour de statuer sur ,un droit de pas-
sage ))et le Gouvernement indien prie la Cour de déclarer cette
((demande non fondée 1);les demandes des Perties sont bien claires.
La Cour n'est pas priée de statuer sur les modalités d'exécution
du droit de passage, chose qui ne lui a pas étédemandée.

Ce droit, le Gouvernement portugais prétend le tirer des cIauses
conventionnelles du traité de 1779 ainsi que de la coutume géné-
rale et locale et de certains principes du droit international.
Le fait que le Portugal demande un tel droit pour son accès aux
enclaves oblige à rechercher la base juridique de cette prétention.
La route pour se rendre aux enclaves depuis Damao s'éten3 en

75 substitute itself for them and formulate new submissions simply on
the basis of arguments and facts advanced" (Caseconcerning Certain
German interests, Series A, Judgment No. 7, p. 35, 1927,). A final
submission cannot be divided into several separate submissions
based upon the elements and aspects it contains. "It is the duty
of the Court not only to reply to the questions as stated in the
final submissions of the Parties, but also to abstain from deciding
points not included in those submissions" (I.CJ. Reports 1950,
p. 402). The Court is required to decide upon the final submissions
of the Parties, not to revise them.

What Portugal claims is a right peculiar to itself. The right of
passage claimed forms a whole. It is always the sanie right. The
decision asked for is its establishment. The present case is entered
in the General List as "Right of Passage over Indian Territory".

Counsel for Portugal, in particular, argued that: "The right, in
itself, remains unchanged, as a right of transitbetween Daman and
the enclaves to the extent necessary for the exercise of sovereignty
over those enclaves. What varies is the regulation of the right, for it
presents different aspects at different periods. But in the midst of
al1 these extrinsic transformations, which do not affect the sub-
stance of the right, that right remains unimpaired." (Oral proceed-
ings, Vol. II, p. 67.)
The Court is asked for a declaratory judgment asto the existence
of the right of passage; provision is made for such a request in
Article 36 (2) (b) of the Statute of the Court.
Itis not upon the breaking upand dismemberment of the content

and the elements of this right that the Court has to pass. The
conditions governing the execution of the right of passage are
within the jurisdiction of the Indian Government and none of the
submissions of the Parties touches upon them. The forms in which
the right of passage is exercised must not be confused with the
right itself. decision on the right of passage cannot be based upon
the forms and conditions of its application without departing from
the specific terms of the final submissions of the Parties. The
Government of Portugal asks the Court to adjudicate upon "a right
of passage" and the Government of India asks the Court to hold
"that the claim is unfounded" ; the claims of the Parties are perfectly
clear. The Court is not requested to adjudicate upon the forms in
which the right of passage is to be exercised, that is something
which has not been asked.
Portugal claims to derive the right from the provisions of the
Treaty of 1779 from general and local custom and from certain
principles of international law.
The fact that Portugal claims this right for the purposes of access

to the enclaves makes it necessary to seek the legal foundation for
this claim. The road leading from Daman to the enclaves is Indianterritoire indien et le droit revendiqué par le Portugal limiterait
sur cette partie les droits del'Inde. La consécrationjudiciaire d'un
droit de cette nature doit avoir un fondement solide.
Le passage qui nous occupe a étépratiqué pendant les périodes
mahratte, britannique et indienne. Ces périodes constituent la
période normale de son exercice; une période anormale commence
après les événements de juillet 1954 quand fut opéréle blocus des
enclaves par le Gouvernement indien.

La Partie demanderesse pose l'origine de son droit de passage à
l'époquede la cession au Portugal des villages de Nagar-Aveli et de
Dadra par le Gouvernement mahratte. Une telle cession serait née
du traité de 1779, des accords de 1783 et1785 et dessanads (ordon-
nances) postérieurs. Un long débat des Parties trouve ici sa place
sur l'existence de ce traité et sur le contenu de son article7.

Il est indéniable que tant le Gouvernement mahratte que le

Gouvernement portugais n'ont eu, à cette période, aucun doute
sur la célébrationdudit traité et sur sa validité. Il y avaàtce sujet
un accord des deux Gouvernements. Il est donc inutile de pour-
suivre une discussion sur un point acquis par ces Gouvernements.
On doit se fier à leur sagesse. Leurs manifestations doivent suffire
pour retenir qu'il y eut conclusion d'un traité en 1779, entre les
Gouvernements mahratte et portugais. Quand un gouvernement
déclareofficiellement qu'un traité a étépassé,la Cour peut soutenir
que cette déclaration est suffisante et n'est pas obligéede vérifier
son exactitude. C'est ce qu'a reconnu le Gouvernement mahratte.
Le sens du contenu de l'article 17 de ce traité est contesté par
les Parties.
Pour les demandeurs, il y aurait eu une cession en pleine souve-
raineté de certains territoires, sur la base de leurs revenus. Pour
les défendeurs, il y aurait eu simplement un jagir ou saranjam,
c'est-à-dire une cession, temporaire et révocable, des revenus des
villages de Nagar-Aveli et Dadra.
Pour soutenir cette thèse, le Gouvernement indien s'appuie sur
le seul texte de l'article 17 d'une traduction mahratte du texte
portugais du 4mai 1779, lequel aurait été transcrit sur des registres
à Goa et signépar le vice-roi portugais. Dans cette traduction de
l'article17, il est exprimé que les Mahrattes ont concédéun jagir.
Les autres trois textes de ce traité ne font pas référenceà ce mot.
Dans l'hypothèse qu'un jagirou saranjam fût stipulé,il resterait

toujours la question de savoir quelle modalité de cette tenure
aurait étécelle convenue.Est-ce un saranjam révocable,temporaire,
sur des revenus ou est-ce un saranjam irrévocable ou définitif
concédant le sol et les villages ?Ni les éclaircissements des Parties territory,and the right claimed by Portugal would restrict the
rights ofIndia in this portion of territory. The judicial sanctioning
of a right of this nature must have a firm legal basis.
The passage with which we are concemed was exercised during
the Maratha, British and Indian periods. Those periods constitute
the period of its normal exercise; an abnormal period begins after
the events of July 1954 when the blockade of the enclaves by the
Indian Government was brought into effect.

The Applicant places the origin of its right of passage at the
period when the villages of Nagar-Aveli and Dadra were ceded to
Portugal by the Maratha Government. That cession is said to have
resulted from the Treaty of 1779, the agreements of 1783 and 1785
and the subsequent sanads (decrees). There was a long discussion
between the Parties as to the existence of that Treaty and as to
the content of its Article 17.
There is no denying that at that time neither the Maratha Govern-
ment nor the Portuguese Government had any doubt that the said
Treaty had in fact been concluded and was valid. The two Govern-
ments were agreed on that. There is therefore no purpose in pur-
suing the argument on a point they both accepted. We can rely
on their wisdom; their conduct should suffice to convince us that
a treaty was concluded in 1779 between the Maratha and Portu-

guese Governments. When a Government declares officially that a
treaty was concluded, the Court can hold that this declaration is
sufficient and it is not required to check its accuracy. It was
admitted by the Maratha Government.
The purport 6f Article 17 of this Treaty is disputed by the
Parties.
The Applicant alleges that certain territorieswere ceded in full
sovereignty, on the basis of their revenues. The Respondent claims
that there was only a jagir orsaranjam, that is, a temporary and
revocable cession of the revenues of the villages of Nagar-Aveli and
Dadra.
In the support of its contention the Indian Government relies
solely upon the text of Article 17 in a Marathi translation of the
Portuguese text of 4 May 1779, which is said to have been registered
at Goa and signed by the Portuguese Viceroy. This translation of
Article 17states that the Marathas granted a jagirThe three other
texts of this Treaty do not mention this word.
Assuming that a jagiror saranjam was provided for, it would
still remain to determine what form of that tenure was agreed
upon. Was it a temporary and revocable saranjam of revenues, or
was it a saranjam irrevocably and finally ceding villages and the
ground on which they stood? On this point neither the explanationsni les documents contradictoires du dossier ne nous apportent sur
ce point une conclusion sûre et certaine. L'emploi du mot jagir, tel
qu'il est consigné à l'article 17 dans la traduction mahratte du
texte portugais, ne permet pas d'inférersans contestation la nature
juridique de la tenure envisagée. Ce mot n'avait pas une significa-

tion unique et juridiquement précise.
On doit raisonner comme siles situations de la pleine souveraineté
ou du saranjam étaient valables l'une et l'autre. Dans une hypo-
thèse comme dans l'autre, il est évident que, soit pour exercer la
souveraineté sur les enclaves, soit pour administrer et recueillir
les impôts des villages, il était indispensable que les autorités portu-
gaises eussent la faculté de passer par le territoire mahratte. Les
Mahrattes, en cédant la souveraineté ou un saranjam, étaient
obligésde permettre l'exercice de droits concédésau Gouvernement
portugais sur ces territoires. Il serait inadmissible d'accorder une
souveraineté sur certains territoires, ou un saranjam de certains
villages, et de créer des entraves empêchant l'accomplissement des
obligations convenues. On ne peut s'obliger et refuser les moyens
pour que l'obligation soit satisfaite. Une obligation était donc à la

charge des Mahrattes, dérivée des accords qu'ils avaient signés,
et cette obligation comportait l'autorisation du passage à travers
leur territoire, au bénéficedes Portugais.
On peut affirmer, sans risquer de se tromper, que, pendant la
période mahratte - 35 ans - le Gouvernement de Poona et ses
autorités principales n'ont jamais méconnu cette obligation per-
mettant aux Portugais de se rendre aux enclaves.
Cn des motifs de la concession (enplus des raisons d'amitié) était
de faciliter le ravitaillement de Damao et celui-ci ne se conçoit
que si l'on accepte et admet le passage aux villages. L'intérêtdu
droit de passage a aussi une base économique. De nombreux sanads
se référant à cette concession indiquent des ((villages adjacents à
Damao ))(annexe C nos 8, 9, IO, 14, 15 et 16).Il y a bien ici l'idée
de contiguïté, qui en fait ne put se réaliser, et seulement alors

furent visés des villages non contigus à Damao. A défaut de conti-
guïté, le passage aIlait y suppléer.

Supprimer ce passage, c'est atteindre, soit la souveraineté terri-
toriale, soit lsaranjam. Une telle situation n'est pas celle prévue
par l'article17 et ses accords complémentaires. A l'origine de cette
situation, il y a un traité, et le Gouvernement mahratte qui a accédé
à sa formation doit subir toutes les conséquences de cet acte, en
supportant les limitations qu'il comporte dans son territoire.

Le tram@ ou le fait du transit, en périodemahratte, est bien un
droit de 1'Etat portugais. C'est un droit implicite, lequel se déduit
du traité de 1779 et des accords complémentaires au profit de
1'Etat portugais, mêmes'il n'a pas été littéralementexprimé. Les

obligations assumées par le Gouvernement mahratte doivent
77furnished by the Parties nor the contradictory documents on the
record are fully co8clusive. The use of the word jagir, as employed
in Article 17 in the Marathi translation of the Portuguese text,
does not indicate beyond dispute the legal character of the tenure
contemplated. The term had no single and legally precise meaning.

Our reasoning must proceed on the basis of the validity of the
argument in favour of full sovereignty and of that in favour of a
saranjam. In either case it is clear that the Portuguese authorities
must necessarily have had a right to pass through Maratha territory,
whether to exercise their sovereignty over the enclaves or to
administer and collect taxes from the villages. Whether the Marathas
ceded sovereignty or granted a saranjam, they were obliged to
allow the rights granted to the Portuguese over theirterritoriesto
be exercised. It would be inadmissible to grant sovereignty over
certain territories ora saranjam of certain villages and then to set
up obstacles to the fulfilment of the obligations agreed upon. One
cannot accept an obligation and then withhold the means of
performing the obligation. There was thus an obligation binding
upon the Marathas based upon agreements which they had signed
and that obligation involved authorization of passage through their

territory for the Portuguese.
It may safely be asserted thatduring the Maratha period, a period
of 35 years, neither the Poona Government nor its principal officials
ever disavowed this obligation to allow the Portuguese to travel to
the enclaves.
One reason for the concession (in addition to grounds of friend-.
ship) was to facilitate the supplying of Daman, and that would
have been impossible unless passage to the enclaves was recognized
and allowed. The importance of the right of passage had also an
economic basis. Numerous sanads referring to this concession
mention "villages adjoining Daman" (Annex C, Nos. 8, g, IO, 14,
15 and 16).Thisimplies the idea of contiguity, which in actual fact
was not achieved, and only thereafter were villages not adjoining
Daman considered. The lack of contiguity was to be made good
by passage.
To do away with this passage is to infringe either territorial
sovereignty or the saranjam. Thatis not the situation contemplated
in Article17 and the supplementary agreements. Thissituation had
its origin in a treaty and the Maratha Government which agreed
to the conclusion of that treaty was obliged to accept al1its conse-
quences, submitting to the restrictions it involved within its
territory.
Transit, or the fact of transit, during the Maratha period is a
definite right vested in the Portuguese State. It is an implied right,
to be inferred from the 1779 Treaty and from the supplementary

agreements in favour of the Portuguese State, even if it was not
specifically expressed. The obligations assumed by the Marathas'harmoniser avec les droits qu'il a conventionnellement reconnus.
Le Portugal a donc acquis les pouvoirs nécessaires pour l'exercice
effectif des pouvoirs et des droits concédésexpressément. Ces pou-
voirs impliquent la reconnaissance d'un droit de passage.
Il semble bien que ce droit paraisse s'imposer plus fortement
dans l'hypothèse d'un saranjam. Comment le titulaire de cette
tenure pourrait-il en bénéficiersi on lui barre la route pour percevoir
les impôts accordéset pour administrer les villages? De telles com-
munications se dégagent de l'essence mêmede cette tenure: sans
ces communications cette tenure serait inconcevable.
Le principe des pouvoirs implicites a étéadmis par la Cour
permanente dans l'affaire du Territoire de Memel (SérieA/B, 1932,
pp. 313-314), lequel fait état de la souveraineté de la Lithuanie pour
en déduire au profit de celle-ci des pouvoirs non exprimés dans le
statut de Memel. La Cour de Tustice dans l'avis sur la Rébaration
des dommagessubis au service desNations Unies a aussi aimis que
cette Organisation jouit des pouvoirs implicites (C.I. J. Recueil
1949, PP. 174, 178, 179 et 180).
Le droit de passage est essentiel pour assurer soit les droits de
la souveraineté territoriale, soit les droits du saranjam dont aurait
bénéficiéle Portugal. Une simpletolérance de transit, ou une faveur
temporaire et révocable, ne donnerait aucunement satisfaction
aux droits concédéspar le traité mentionné et ses accords; ils
resteraient à la merci du Gouvernement mahratte. Or tels n'ont
pas étéles droits accordés au Portugal par ce Gouvernement. Si
le transit est admis comme une simple tolérance, le Portugal ne
pourrait réaliser ses droits de manière appropriée. On ne saurait
concevoir que le Gouvernement mahratte eût décidé de concéder
au Portugal certains droits et de retenir le pouvoir de s'opposer, par
des mesures spéciales, à la réalisation du but pour lequel ces droits
furent octroyés.
*
* *

Une telle situation fut respectéeet acceptéepar les Britanniques
en 1818, quand l'empire mahratte et ses territoires passèrent sous
leur domination.
Il est hors de doute que les autorités britanniques ont soigneuse-
ment examiné à cette époque la situation du Portugal sur les
enclaves de Damao et de Nagar-Aveli, situées dans le territoire
qu'ils avaient récemment acquis. Les autorités britanniques avaient
en leur pouvoir les archives mahrattes pour se renseigner. Ils y
firent une enquêteà propos d'une demande en 1818 des autorités
portugaises d'une exemption de droits de douanesans que la souve-
raineté portugaise fût mise en question (annexeC no 35,document 4).
Les Britanniques n'eurent, pendant la période de 1818 à 1947,
aucun doute sur la souveraineté du Portugal sur ces enclaves.
Aussi, pendant la période britannique aucune difficulténi obs-
tacle ne fut soulevésur l'existence de cette obligation de passage.Government must accord with the rights it recognized in the
Treaty. Portugal therefore acquired the powers necessary for
effective exercise of the powers and rights expressly granted. Those

powers imply recognition of a right of passage.
This right appears to be even more essential in the case of a
saranjam. How could the holder of such a tenure enjoy it if denied
the possibility of visiting the enclaves in order to collect the taxes
granted and to deal with matters of village administration? Such
communication is of the very essence of such a tenure, which would
otherwise be inconceivable.
The principle of implied powers was recognized by the Permanent
Court in the Memel Territory case (Series A/B, 1932, pp. 313-314)~
which deduces from the sovereignty of Lithuania that Lithuania
possessed powers not set forth in the Memel Statute. In its Advisory
Opinion on Repuration for Injuries suffered in the Service of the
United Nations, the International Court of Justice also recognized
that the Organization enjoyed implied powers (I.C.J. Reports
r949, pp. 174, 178, 179, and 180)-
The right of passage is essential to secure the rights of territorial
sovereignty or the saranjam rights possessed by Portugal. Mere
toleration of passage, or a temporary favour liable to withdrawal,
would fail to make possible enjoyment of the rights conferred by
the aforementioned Treaty and the agreements; they would be at
the mercy of the Maratha Government. But the rights granted to
Portugal by that Government were not of such a nature. If transit
were merely tolerated, Portugal could not enjoy its rights in an
appropriate way. It is not to be supposed that the Maratha Govern-
ment decided to concede certain rights to Portugal, and at the
same time to reserve the power to adopt special measures to defeat

the purpose for which those rights had been granted.

This situation was respected and accepted by the British in 1818,
when the Maratha Empire and its territories came under their rule.

There is no doubt that at that time the British authorities care-
fully investigated Portugal's position in the enclaves of Dadra and
Nagar-Aveli situated in their newly acquired territory. They could
ascertain the facts from the Maratha archives which were available
to them. They enquired into these with reference to a request by
the Portuguese authorities in 1818 for a customs exemption, but
Portuguese sovereignty was not questioned (Annex C, No. 35,
Document 4).During the period 1818 to 1947 the British enter-
tained no doubt as to Portugal's sovereignty over these enclaves.

Accordingly, during the British period, no difficulty or obstacle
was raised concerning the existence of this obligation to allow

78Ce Gouvernement - successeur du territoire mahratte - le recon-
nut.

La Cour permanente a accepté, dans l'affaire des Zones franches,
implicitement, le principe de la succession des obligations localisées
d'intérêtgénéral.La France devait respecter le régime établi par
les traités de 1815-1816 «comme ayant succédéà la Sardaigne dans
la souveraineté sur ledit territoire » (SérieA/B, no 46, p. 145).
C'estseulement sur l'exercice de ce droit que s'arrêta,en pratique,
la compétence réglementaire des autorités britanniques. Des moda-
litésdiversesrégirent l'application de ce droit maissansméconnaître
son existence. Ce pouvoir réglementaire trouvait son fondement
dans la souveraineté britannique sur le court trajet séparant les
enclaves de Damao. Ce pouvoir ne comportait pas en principe celui
d'interdire d'une façon absolue des modalités nécessaires à l'exer-
cice de la souveraineté sur les enclaves. Ils y autorisèrent toujours
un usage adapté aux nécessités dece passage. Il est à signalerque,

quelquefois, cette réglementation se fit par accord avec les autorités
portugaises, surtout en matière de transit des forces de police (traité
de 1878et accordsde 1913, 1920 et 1940). Par ce dernier accord les
forces de police armées, ne dépassant pas le nombre de dix agents,
pouvaient passer en avisant chaque fois, par la poste, les autorités
britanniques dans les vingt-quatre heures de leur passage. Si un
nombre d'agents supérieur à dix était nécessaire, la pratique de
l'autorisation préalable devait êtresuivie(annexeindienne Cno 57).
Les règlements édictéspar le Gouvernement britannique eurent
pour but de délimiter le passage, pour en régler les détails d'appli-
cation. Ce sont généralementdes règlements de police qui édictent
des restrictions et par exception des interdictions à la liberté du
transit. Pendant toute la durée de la période britannique il y eut

deux interdictions, pour le sel et l'alcool. De telles limitations sont
courantes et nombreuses lorsqu'il s'agit de réglementer des droits,
sans qu'il soit loisible de déduire d'une telle activité étatique que
ces droits n'existent pas. Il en est de mêmequand cette fonction
réglementaire s'exerce sur les modalités du droit de passage, en vue
d'assurer, soit l'ordre public, soit une meilleure fiscalité.Ces régle-
mentations, loin de méconnaître le droit de passage, en sont la
confirmation éclatante et elles signalent, précisément,son champ
d'application.
Les autorités britanniques, à un certain moment, conçurent même
l'idée de l'établissement d'un corridor liant les deux territoires
portugais. Ceprojet ne fut finalement pas adopté. Cette proposition
venait fortifier la pensée,souvent mise àjour dans la correspondance

entre les autorités britanniques et portugaises, du cas spécial des
enclaves et de la nécessitéd'en assurer et faciliter les communica-
tions. Cette cession de territoire, dit un fonctionnaire britannique,
c(donnerait un libre accès à la pargana portugaise de Nagar-
Aveli »(annexe F no 58). RIGHT OF PASSAGE (DISS.OPIN. OF JUDGE ARMAND-UGON) 81

passage. The British Government, when they succeeded to the
Maratha temtory, recognized it.
In the Free Zones case, the Permanent Court implicitly recog-
nized the principle of the succession of local obligations of general
interest. France, "as Sardinia's successor in the sovereignty over
the territory in question", had to respect the system established
by the treaties of 1815-1816" (Series A/B, No. 46, p. 145).
The jurisdiction of the Bntish authorities was confined in prac-
tice to regulating the exercise of this right. The application of the
right was controlled in various ways, but the existence of the right

was never disregarded. This power of regulation was founded upon
British sovereignty over the short distance between Daman and
the enclaves. It did not in principle include the power of absolutely
prohibiting the forms of passage necessary for the exercise of
sovereignty over the enclaves. The British always authorized in
that temtory a usage adapted to the requirements of this passage.
It should be noted that passage was sometimesregulated by agree-
ment with the Portuguese authorities, especially in the transit of
police forces (Treaty of 1878 and Agreements of 1913, 1920 and
1940). By this last agreement armed police not exceeding ten in
number could pass, provided intimation of their passage was given
by post to the British authorities within 24 hours of the passage.
If any number exceeding ten were required, the previouspractice of
obtaining concurrence was to be followed (Indian Annex C, No. 57).
The regulations issued by the British Government were designed
to define passage, to govern the details of its exercise. Most of them
were police regulations laying down restrictions on, and, in excep-
tional cases, prohibitions of freedom of transit. During the whole
of the Bntish period there were two prohibitions, in respect of Salt

and alcohol. Such restrictions are common and frequent where
rights have to be regulated; it is not permissible to infer that this
governmental activity meant that the rights did not exist. The same
is true when this power of regulation is applied to the right of pas-
sage in its different forms, either for the purpose of maintaining
order or to improve financial administration. Such regulations, far
from constituting a denial of the right of passage, are strong con-
firmation of it and clearlydefine its sphere of application.

At one moment the British authorities even contemplated estab-
lishing a corridor between the two Portuguese territories, but the
plan was not ultimately adopted. The proposal, however, corro-
borated the view, often expressed in correspondence between the
British and Portuguese authorities, that the enclaves were in a
special position and that their communications required to be
assured and facilitated. This cession of territory, a British officia1
said, "would give free access to the Portuguese pargana of Nagar-
Aveli" (Annex F, No. 58).82 DROIT DE PASSAGE (OP.DISS. DE M. ARMAND-UGON)

La contribution du Portugal aux frais pour la réparation d'un
tronçon de route aux enclaves, dans la partie britannique, en 1900
et 1926, paraît confirmer la nécessitéde ce droit d'accès aux en-
claves.
Les autorités portugaises n'avaient pas besoin de réclamer
constamment un droit qui leur était reconnu. Le gouverneur por-
tugais dans la note du 27 mai 1892 (annexe C no 41) soutient que
((le transit (entre Damao et Nagar-Aveli) étaitlibre lorsquele traité
de 1878était en vigueur et il en était de mêmeavant le traité D.Et
il ajoute: c'était «la pratique suivie et observée antérieurement,
avant l'entrée en vigueur du traité du 26 décembre 1878 ». Ce

traité, qui est resté en vigueur de 1879 jusqu'à 1892, établissait un
régimegénéralpourles territoires desdeux contractants dans l'Inde;
il venait ratifier un droit de passagedéjà établi,pour lescommunica-
tions avec les enclaves. Quand le traité de 1878 prit fin, le droit de
passage a subsisté.
Il n'est pas contesté que, pendant toute la période britannique,
le passage'aux enclaves fut pratiqué sur la base des réglementations
établies. Cette situation dura pendant 130 années,sansinterruption,
defaçoncontinuelle et paisible.La route aux enclavesdepuisDamao
et vice versaresta ouverte pendant cette longue période; sur ce fait
aucun doute ne s'élevaentre les deux Gouvernements.

Pendant cette longue période une volonté s'est manifestée soit
implicitement, soitexpressément par des accords et réglementations.
Ces faits révèlent une conscience commune que traduisait la con-
victiondes deux Gouvernements sur ledroit depassage aux enclaves.
11faut voir dans ces faits la preuve de l'agrément-des autorités
britanniques à ce droit. Ce qui «est ndevient ce qui «doit être ».
La notion d'effectivité a une grande importance dans le droit
international. Dans le présent cas, l'effectivité du fait du passage
doit s'examiner dans sa durée et dans son acceptation par les deux
Gouvernements en cause. Cette effectivité de l'exercice du passage
aux enclaves, pratiqué avec régularité, contribue à l'élaboration

d'un droit.
Cette notion d'effectivité a étéretenue comme facteur concluant
pour 1%décision de certaines situations que créent les rapports
entre Etats. Notre Cour l'a fait valoir dans l'affaire Nottebohm
(C.1. J. Recueil 1955, pp. 56 et ss. ef 62 et 299) et antérieurement,
dans l'affaire des Minquiers et des Ecréhous(C.I. J. Recueil 1953,
pp. 60-66, 67-70).
La doctrine se maintient fidèle à cette idée.
Un fait répétécontinuellement, pendant une longue durée, loin
d'affaiblir cet usage,le-fortifie davantage; un rapport naît entre ce
fait et la volonté des Etats qui l'ont autorisé. La répétition deces

faits réitérésq, ui revêtent une grande ancienneté, donne lieu de la
part de 1'Etat qui l'exécuteet de la part de 1'Etat qui les tolère à la
croyance au respect dû à cette pratique de long usage (article 38,
lettre b), du Statut de la Cour).
80 Portugal's contiibution to the cost of repairing a section of the
road leading to the enclaves, on British territory, in 1900 and 1926
appears to confirm the necessity of this right of access to the en-
claves.
The Portuguese authorities had no need to be continually claim-
ing a right that was recognized as theirs. In his Note of 27 May

1892 (Annex C, No. 41) the Portuguese Governor asserts that
"transit (between Daman and Nagar-Aveli) was free while the
Treaty of 1878 was in force, and it was so before the Treaty". He
adds that this was "the practice followed and observed formerly,
before the Treaty of 26 December 1878". This Treaty, which
remained in force from 1879until1892, established a general regime
for the temtories in India of the two contracting parties; it ratified
an already established right of passage for purposes of communi-
cation with the enclaves.When the Treaty of 1878 came to an end,
the right of passage continued to exist.
It is not disputed that throughout the British period passage to
the enclaves was maintained on the basis of the established regu-
lations. That situation continued peacefully and without interrup-
tion for 130 years. Throughout that long period the road between
Daman and the enclaves remained open; no disagreement arose
between the two Governments on that point.
Al1 this time a deliberate intention was manifested, either im-

plicitly or expressly in agreements and regulations. This indicates
a common awareness reflecting the conviction of the two Govern-
ments as tothe right of passage tothe enclaves. Itmust be regarded
as evidence that the British authonties recognized that right.
What "is" becomes what "must be".
The concept of effectiveness is of great importance in inter-
national law. In the present case the effectiveness of the fact of
passage should be regarded from the standpoint of its duration and
of its acceptance by the two Governmentsconcerned.This effective
exercise of passage to the enclaves, regularly kept up, contributes
towards the establishment of a right.
This notion of effectiveness has been regarded as a decisive factor
in the solution of certain problems arising out of relations between
States. The Court relied upon it in the Nottebohm case (I.C.J.
Reports 1955 ,p. 56 et sqq.,62 and q9), and, atat an earlier date, in
the Minquiers and Ecrehos case (I.C. J. Refiorts Ig53, pp. 60-66,

67-70).
Legal opinion is faithful to this concept.
The continua1 repetition of an act over a long period does not
weaken this usage; on the contrary, it strengthens it; a relation-
ship develops between the act and the will of the States which have
authorized'it. The recurrence of these acts over so long a period
engenders, both in the State which performs them and in the State
which suffers them, a belief in the respect due to this long-estab-
lished practice (Article 38(1)(b) of the Statute of the Court).
8083 DROIT DE PASSAGE (OP. DISS. DE M. ARMAND-UGON)

Un droit de passage est susceptible d'êtreacquis sur la base d'une
pratique effective, tout comme la souveraineté territoriale. Un fait
observé pendant de longues années, comme dans le cas présent,
obtient une force obligatoire et revêtle caractère d'une règle de
droit.
Le chemin des enclaves a étéfréquenté pendant 170 années
consécutivespar les Portugais sans opposition. L'effectivité d'accès
aux enclaves a crééun statu quojuridique, auquel un État ne peut,
unilatéralement, déroger. Ce statu quo juridique est l'Œuvre des
Etats à travers de longues années et a la force d'un accord. Un
changement dans cette situation modifierait une pratique et un
usage traditionnellement admis, acceptés et tolérés. Un certain

qrdre, en cette matière, a étéétabli et a étéreconnu par les deux
Etats, dont le but étaitd'assurer certains rapports entre eux, en vue
de l'accomplissement de leurs fonctions étatiques. Une atteinte
portée à cet ordre, sans une excuse juridique valable, crée une
situation contraire au droit.
La Courpermanented'arbitrage, dans un desmotifs dela sentence
rendue le 23 octobre 1909 dans l'affaire des Grisbadarna,a notam-
ment dit: (que, dans le droit des gens, c'est un principe bien établi
qu'il faut s'abstenir autant que possible de modifier l'étatde choses
existant de fait et depuis longtemps ))(Revuegénérald ee droit inter-
national #ublic, 1910, p. 186).
Le passage n'est pas un simple fait, mais un fait juridique, qui

s'attache à un ordre juridique, établi d'ailleurs, concrètement, par
les règlements émanésde l'État sur le territoire duquel s'exerce ce
passage. Des droits et des obligations ont étécréésentre les deux
Etats intéressés. Pour l'État qui accorde le passage naît une
obligation juridique en faveur de l'État bénéficiaire;celui-ci a donc
le pouvoir de réclamer une certaine protection juridique s'il croit
qu'elle a étéméconnue.

Dèsle premier jour de l'indépendance de l'Inde, de 1947 jusqu'à
l'année1953, le jus communicatiortisaux enclaves a pu se réaliser

et s'effectuer sans obstacle. En effet,-l'Inde reconnaissait la sou-
veraineté territoriale du Portugal dans les enclaves. La demande
de transfert des territoires portugais faite par le Gouvernement
indien en 1950 et 1953 est là pour le prouver. Tout au début de
cette périodeil y a eu mêmeune réglementation pour le faciliter;
des droits de douane furent abolis ainsi que l'interdiction du sel.
La contribution de Goa aux travaux des aqueducs de Lavaxa,
pour éviter l'interruption des communications entre Damao et
Silvassa, vient fortifier l'esprit d'entente de deux Gouvernements
sur la nécessitéde ces communications.
Au moment mêmede la crise des rapports entre les deux Gouver-

nements, pendant les années1953et 1954,on ne fit valoir, en aucune
81 RIGHT OF PASSAGE (DISS.OPIN. OF JUDGE ARMAXD-UG~X)
83
A right of passage, like territorial sovereignty, may be acquired
on the basis of an effective practice. A fact observed over a long
period of years, as in the present instance, acquires binding force
and assumes the character of a rule of law.

The Portuguese regularly travelled to and from the enclaves
without opposition for 170 consecutive years. The effectiveness of

access to the enclaves created a legal status quo which no State can
unilaterally infringe. This legal status quois the work of States over
a long period of years and has the force of an agreement. A change
in the situation would alter a practice and a usage traditionally
admitted, accepted and tolerated. A certain order was established
in this matter and was recognized by the two States, its purpose
being to ensure certain relations between them in order to facilitate
the discharge of their governmental functions. A breach of that
order committed without a sound legal excuse creates an unlawful
state of affairs.
The Permanent Court of Arbitration in one of the grounds of its
Awardgivenon 23October 1909in the Grisbadarnacase said, in par-
ticular, that "it is a settled principle of the law of nations that a

state of things which actually exists and has existed for a long time
should be changed as little as possible" (English translation from
Scott, The Hague Court Reports, p. 130).
Passage is not a simple fact, but a legal fact, connected with a
legal order of things, established, moreover, in concrete form by
regulations issued by the State through the territory of which
passage is to be effected. Rights and obligations have been created
between the two States concerned. For the State which grants
passage there arises a legal obligation towards the State which
benefits therefrom; the latter State is therefore entitled to claim
a certain legal protection if it feels that the obligation has been
disregarded.
*
*

From the first day of India's independence in 1947 until 1953,
the jus communicationis in respect of the enclaves was exercised
without impediment. Indeed India acknowledged Portuguese terri-
torial sovereignty within the enclaves. This is evidenced by the
Indian Government's request in 1950 and 1953 for the transfer of
the Portuguese territories. At the very beginning of this period
regulations were even passed to facilitate it: customs duties were
abolished and so was the Salt ban.
The contribution by Goa towards the construction of the Lavacha
culverts, to avoid interruption of communications between Daman
and Silvassa, is confirmation that the two Governments shared the
view that these communications were necessary.

Even when relations between the two Governments became criti-
cal in 1953and 1954, it was never suggested that the right of passage
S 1circonstance, que le droit de passage n'existait pas. Le 6 août 1954,
quand le Gouvemement portugais réclama expressément ce droit,
le Gouvemement indien ne fit aucune réserve. Aucune des mesures

contre le passage ne se fondait sur des arguments juridiques. Il
n'avança pas que le Portugal n'avait aucun droit de passage. Cette
thèse n'est apparue que dans la présente affaire.
Le Gouvernement indien reconnaît que dès 1953 seulement furent
appliqués des (droits stricts))en matière de transit entre Damao et
les enclaves. Il ajoute: ((ces droits ont étéabondamment reconnus
pendant toute la période britannique ))(duplique, no 417). Mais ces
a droits stricts)) admettaient quand même le droit de passage
singulièrement réduit.
On ne peut concevoir des petites enclaves, comme celles de Dadra
et de Nagar-Aveli, d'une superficie de moins de 500 km carrés,

sans une communication, sur une route de 13 km zoo mètres à
travers le territoire enclavant.
Toutes les enclaves existantes dont l'histoire fait mention ont
toujours joui, de façon expresse ou tacite, d'un droit de passage.
Une enclave sans ce droit est une espèce introuvable. Une enclave
suppose nécessairement le droit d'y parvenir pour l'exercice de
fonctions étatiques sur ce territoire.
Si le principe de la liberté du transit international ne se heurte
plus guère à l'interdiction de passage édictéeau nom de la souverai-
neté territoriale,a fortiori ne pourrait-on alléguer celle-ci pour ré-
voquer le transit à une enclave, longuement pratiqué. Le droit de

passage découlant du traité de 1779 et d'une pratique plus que
séculaire trouve son fondement dans la coutume locale; il n'est
donc pas nécessaire de rechercher s'il a son appui dans d'autres
sources, comme la coutume générale ou les principes généraux de
droit reconnus par les nations civilisées.
En conséquence, la première conclusion finale du Gouvernement
portugais doit recevoir une réponse affirmative.

Le droit de passage ainsi reconnu, sans défaillance, commença à
supporter, surtout depuis le second semestre de 1953, quelques
entraves dans son exercice; c'est le moment où les relations diplo-
matiques entre l'Inde et le Portugal souffrent une crise néedu refus
du Gouvernement portugais d'accéder au transfert de ses territoires
indiens. Les exigences formelles pour l'exercice du passage s'accru-
rent alors singulièrement. 11suffit de le constater, sans qu'il soit
indispensable de les indiquer en détail.
Après la fermeture de la légation indienne à Lisbonne, le II juin
1953, on imposa un passeport et un visa au gouverneur de Damao
et aux fonctionnaires portugais européens (mémoire, annexes 35

82did not exist. On 6 August 1954, when the Portuguese Government
explicitly claimed that right, the Indian Government made no
reservation. The measures then taken against passage were none
of them based upon legal arguments. India did not contend that
Portugal had no right of passage. That contention was put fonvard
for the first time in the present proceedings.
The Indian Government admits that it did not stand upon its
"strict legal rights" in the matter of transit between Daman and
the enclaves until 1953. "These rights", it adds, "had been well

recognized throughout the British period." (Rejoinder, paragraph
417.) But these "strict legal rights" did recognize a certain, though
much restricted, right of passage.
It is impossible to imagine small enclaveslike those of Dadra and
Nagar-Aveli, with an area of less than 500 square kilometres,
without communications along a road of 13 km. zoo m. through
the enclaving territory.
Al1 existing enclaves known to history have always enjoyed a
right of passage, expressly or tacitly. It would be impossible to
discover an enclave without that right. An enclave necessarily
presupposes a right of access to it for the exercise of governmental
functions on its territory.
If the principle of international freedom of transit scarcely
encounters any longer any prohibition of pass?ge on the basis of
territorial sovereignty, still less can that soverelgnty be adduced as
a reason for withdrawing a long-practised right of transit to an
enclave. The right of passage derived from the 1779 Treaty and
from more than a century of practice has its foundation in local

custom; there is therefore no need to consider whether it finds
support in other sources such as general custom or the general
principles of law recognized by civilized nations.
Consequently, the first of the final submissions of the Portuguese
Government should be upheld.

The right of passage thus consistently recognized began to meet
with certain impediments, particularly as from the second half of
1953; this was when a crisis arose in the diplornatic relations
between India and Portugal due to the refusa1 of the Portuguese
Government to agree to the trançfer of its Inidian territories. The
formalities required for the exercise of passage were at that tirne
greatly increased. It is sufficient to mention this fact without giving

details.
After the closing of the Indian Legation in Lisbon on II June
1953 the Governor of Daman and Enropean Portuguese officiais
were required to obtain passports and visas (Mernorial,Annexes 35
82et 36). Cechangement de statu quo ante fut dénoncépar les autorités
portugaises (mémoire,annexes 37, 38, 39 et 40).
Le 17 juillet 1954, le consul généralde l'Inde à Goa communique
une série de changements caux concessions octroyées jusqu'à
présent à l'administration portugaise de Damao et de Nagar-

Aveli »;une de ces restrictions çe référaità la prohibition du tran-
sit des armes à feu, de munitions et du matériel militaire. Cette
mêmeinterdiction de traverser le territoire s'applique aux agents
armés de la police ou de l'armée portugaise. C'était déroger au
régime établi de l'autorisation préalable en cette matière dans
chaque cas. Le Gouvernement indien retient ainsi sur cette modalité
de passage une compétence discrétionnaire, qui n'existait pas
auparavant. Cette innovation du Gouvernement indien méconnais-
sait le droit de passage. Il n'y avait pas une interdiction générale,
en cette matière, laquelle aurait porté une atteinte grave au droit
de passage. Ce droit était admis, mais soumis à une autorisation
qui n'était pas abandonnée au pouvoir discrétionnaire illimité du

Gouvernement indien. Une exigence d'autorisation pour l'exercice
d'un droit ne signifie pas que ce droit n'existe pas, bien au contraire,
elle implique souvent son existence. La permission ne créepas le
droit, elle permet, simplement, la possibilité de son exercice. Le
passage de forces armées devait êtreautorisé, avant tout exercice,
pour examiner les conditions dans lesquelles une telle activité allait
se pratiquer. L'Inde devait résoudrechaque demanded'autorisation
de bonne foi et conformément au but du passage, sans se laisser
influencer par des considérations contraires à la finalité du passage.
La formalité de l'autorisation préalable est parfaitement compa-
tible avec l'existence d'un droit de passage.

La Charte des Nations Unies conçoit un droit de passage des
forces arméesdel'organisation sur les territoires des Etats Membres,
conformément aux accords spéciaux qui auront étéconclus avec
le Conseil de Sécurité(art. 43, par. I et 2).Ces accordsrpourraient
établir la nécessitéd'une autorisation de la part de 1'Etat sur le
territoire où va s'exercer le passage, ou une notification à cet État,
sansqu'une telle formalité méconnaisse ce droit.

Telle était expressément la situation prévuepar le traité de 1878,
dans son article XVIII, alinéa 3, qui reconnaissait letransit des forces
armées des Etats contractan-, dans leurs territoires, sous réserve

d'une autorisation. Les deux Etats avaient un droit à l'autorisation.
Dans le cas d'octroi de l'autorisation, rien ne s'opposait au passage;
dans le cas du refus de l'autorisation on constatait les obstacles que
soulevait, à ce moment, l'exercice du passage. Dans ces deux situa-
tions le transit continuait d'être un droit.
Pareillement, le passage des bâtiments de guerre dans les eaux
territoriales qui font partie des routes internationales est considéré
comme un droit, dérivéd'une règle coutumière du droit interna-
tional, et rien ne s'oppose à ce que 1'Etat riverain, dans sa régle-and 36), a change in thestat~sqwo ante against which the Portuguese
authorities protested (Memorial, Annexes 37 to 40).
On 17 July 1954 the Consul-General of India at Goa communi-
cated a number of changes "in the concessions hitherto granted to
the Portuguese Administration of Daman and Nagar-Aveli"; one
of these restrictions referred to the ban on the transit of firearms,

ammunition and military stores. The prohibition also covered the
passage of armed police and Portuguese military personnel. These
were departures from the established system of prior authorization
in this respect in each instance. The Indian Government thus
assumed over this form of passage a discretionary power which did
not previously exist. This innovation of the Indian Government
ignored the right of passage. There was no general prohibition in the
matter, which would have been a serious infringement of the right
of passage. This right was accepted but made subject to an authori-
zation not left to the unfettered discretion of the Indian Govern-
ment. The fact that the exercise of a right requires authorization
does not mean that the right is non-existent; on the contrary, it
often implies that it does exist. The permission does not create the
right, it simply enables it to be exercised. Authorization was re-
quired before the passage of armed forces could be exercised, in
order that consideration might be given to the conditions under
which such action was to take place. India was bound to settle each
request for authorization in good faith and with due regard to the

purpose of such passage, uninfluenced by considerations extraneous
to that purpose.
The formality of prior authorization is perfectly consistent with
the existence of a right of passage.
The Charter of the United Nations envisages a right of passage
for the armed forces of the Organization across the territories of its
Member States, in accordance with special agreements concluded
with the Security Council (Article 43, paras. I and 2). Those agree-
ments might establish the need for authorization by the State
through the territory of which passage is to be effected or for notifi-
cation to that State; but such a formality would not negative the
right .
That was the situation expressly provided for in Article XVIII,
paragraph 3, of the Treaty of 1878, which recognized the passage
of armed forces of the Contracting States across their respective
territones, subject to authorization. Both Stateshad a right to this
authorization. If permission was granted, nothing stood in the way

of passage; if it was refused, the objections at that time to the
exercise of passage were pointed out. In both these situations
transit continued to be a right.
Sirnilarly, the passage ofwarships throughterritorial waters which
constitute international routes is regarded as a right denved from
a customary rule of international law, and there is nothing to
prevent a riparian State, in the regulation of that right, from
83mentation de ce droit, puisse inscrire dans les textesla notification
ou autorisation préalable. Le droit de passagesubsiste quand même.
Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1954, des personnes venues du
territoire indien pénétrèrent dans l'enclave de Dadra; les autorités
portugaises furent dépossédéesde leurs fonctions. Le Gouverne-
ment portugais, dans deux notes, des 24 et 26 juillet suivants,
demanda au Gouvernement indien de permettre le passage des

forces nécessaires pour rétablir l'ordre bouleversé; le 28 juillet, ce
Gouvernement rejeta catégoriquement la demande de transit de
troupes et de forces de police (mémoire, annexe 52).
Le 29 juillet, une autre pénétration eut lieu dans l'enclave de
Nagar-Aveli; les autorités locales furent également supprimées et
des élémentsrebelles occupèrent cette enclave, qu'ils retiennent en
leur pouvoir.
Les demandes d'envoi de déléguéd su gouverneur de Damao et de
tierces Puissances, d'enquête et d'observation impartiale proposés
par le Gouvernement portugais au Gouvernement indien ne purent
obtenir satisfaction. Dès lors les deux enclaves restèrent sans con-
tact avec Damao. L'exercice du droit de passage resta définitive-

ment suspendu dans les deux enclaves.
Les suspensions apportées au passage par le Gouvernement in-
dien sont donc antérieures aux événements de juillet 1954 ou immé-
diatement postérieures à ceux-ci. Le Gouvernement indien ne s'est
donc pas conformé aux obligations que lui imposait le droit de
passage du Portugal.

La troisième des conclusions finales portugaises est ainsi libellée:
«a) déclarer sans fondement les thèses de l'Inde reprises ci-
dessus, sous leslettres A, B et C;
b) en ce qui concerne la thèse de l'Inde reprise ci-dessus, sous
la lettre:

I. si la Courest d'avisque lesconditions susmentionnéesrequises
pour suspendrele passagedeforcesarméesportugaisesne setrouvent
pas réalisées,
dire et juger
que l'Inde doit mettre fin aux mesures par lesquelleseiles'oppose
àl'exercice dudroit de passage du Portugal;
2. si la Cour est d'avisque lesconditions susmentionnéesrequises
pour suspendre le passage de forces armées portugaisesse trouvent
réalisées,

dire et juger
que ledit passage sera momentanémentsuspendu, mais que cette
suspension devra prendre fin dèsque l'évolution de lasituation ep
aura fait disparaître la justificat;on
84including in its regulations the requirement of prior notification
or authorization. The right of passage subsists none the less.
In the night of 21/22 July 1954 a number of persons entered the
Dadra enclave from Indian temtory; the Portuguese authorities
were divested of their functions. In two Notes dated 24 and 26 July
the Portuguese Government requested the Indian Government to
permit the passage of the forces necessary to restore order; on
28 July the latter Government categoncally rejected this request

for the transit of troops and police (Memorial, Annex 52).

On 29 July the enclave of Nagar-Aveli was entered in its turn;
there, too, the local authonties were deposed and rebel elements
occupied the enclave, which is still in their power.

No satisfaction was obtained from requests made by the Portu-
guese Govemment to the Indian Government for permission to send
delegates of the Governor of Daman and of third powers as impartial
investigators and observers. The two enclaves were thus left without
any contact with Daman. The exercise of the right of passage was
definitely suspended in both enclaves.
The Indian suspensions of passage thus preceded the events of
July 1954 and followed immediately thereon. The Government of
India therefore failed to comply with the obligations incumbent
upon it by virtue of Portugal's right of passage.

In the third of its final subrnissions Portugalasks the Court:

B and C are without foundation;ts ofIndia set out above under A,

(b) as to the argument of India set out above undeD:

I. If the Court is of opinion that the above-mentioned conditions
which must be satisfied to justify the suspension of the passage of
Portuguese armed forces are not fulfilled,
to adjudge and declare
that India must end the measures by which it opposesthe exer-
ciseof the rightof passage of Portugal;
2. If the Court iof opinion that the above-mentioned conditions
which must be satisfied to justify the suspension the passage of
Portuguese armed forces are fulfilled,

to adjudge and declare
that the said passage shall be temporanly suspended; but that
this suspension shall end as soon as the course of events discloses
that the justification for the suspension has disappeared; que pendant cette suspension, l'Inde devra s'abstenir de toute
mesure pouvant fortifier la position des adversaires du Gouverne-
prolongation des circonstances invoquées aiàsil'appui de ladite la
suspension;
qu'il n'existe, pour l'Inde, aucune raison légitimede demander
que les autres modalités de l'exercice dudroit de passage soient
égalementsuspendues. ))

Il n'est pas dans la mission de la Cour de statuer dans le dispositif
de son arrêt sur les thèses signalées dans les lettres a) et b) qui
pourront seulement êtreexaminées, si cela est nécessaire, dans la
motivation du jugement.

Il ressort clairement que cette conclusion finale du Gouvernement
portugais comprend deux demandes, no I et no 2. Les deux sont
conditionnées par l'état actuel dans les enclaves et se rapportent au
passage de forces armées portugaises.
Une première remarque s'impose sur la situation présente-aux
enclaves.
C'est un fait qui ne peut êtreécartédu débat que le peuple des
enclaves, dès le mois de décembre 1954, et peut-être avant, s'est
constitué en gouvernement libre sur leterritoire des enclaves. Une
telle situation de fait existait au moment où la Cour a étésaisie de
la requête, le 22 décembre 1955.
Le droit de passage considéré comme un tout est né et s'est
exercé à des époques normales où les enclaves étaient sans conteste
sous la souveraineté effective portugaise. 11en était ainsi depuis
les années 1783 jusqu'au mois de juillet 1954. Cette longue pratique
ne fut jamais troublée par des faits mettant en cause l'autorité

portugaise. Le droit de passage, dans ses différentes modalités, a
étéexercé dans des circonstances pacifiques.
Un tel droit n'a pas étéaccordé pendant la longue pratique
signalée antérieurement pour une situation comme celle qui s'est
crééeaux enclaves. L'existence d'un gouvernement de fait dans
celles-ci est une éventualité non prévue et nouvelle dans la pra-
tique habituelle du droit de passage.
Ces changements survenus aux enclaves affectent les causes qui
ont donné naissance au droit.de passage et ont naturellement leur
effet, soit sur le droit de passage en lui-même,soit sur ses modalités
d'exercice. De tels faits nouveaux conduisent à soutenir soit la sus-
pension du droit reconnu, soit l'extinction de celui-ci. Dans un cas
comme dans l'autre il faut conclure que le passage réclamé doit
être considéré impraticable.

(Signé A)RMAND-UGON. that, dunng such suspension, India must abstain from any
measure whicKmight strengthen the position of the adversaries of
the lawful Govemment in the enclaves and thus provoke the
aggravation or prolongation of the circumstances relied upon in
support of that suspension;
that there is nolegitimate reason entitling India to ask that the
other forms of the exercise of the righof passage should likewise
be suspended."

It is no part of the Court's duty in the operative part of its
Judgment to adjudicate upon the arguments referred to under
(a) and (b), which can only be considered, if this is necessary,
in the reasoning of the Court's Judgment.
It is clear that this final submission of the Portuguese Govem-
ment includes two claims, I and 2. Both are conditioned by the
present state of affairs in the enclaves and relate to the passage of
Portuguese armed forces.

A preliminary observation is necessary with regard to the present
situation in the enclaves.
It is a fact which cannot be overlooked in these proceedings that
the population of the enclaves, in the month of December 1954
or perhaps before, set up for itself a free government in the territory
of the enclaves. Thisfactualsituation existed when, on 22 December
1955, the Application was submitted to the Court.
The right of passage regarded as a whole arose and was exercised
in normal periods when the enclaves were indubitably under
effective Portuguese sovereignty. This was the position from the
year 1783 until July 1954. This long practice was never disturbed
by facts putting Portuguese authority in issue. Theright of passage,
in its different forms, was exercised in peaceful circumstances.

The right was not granted in the course of the long practice

referred to previously for a situation such as that which has ansen
in the enclaves. The existence of a de factogovernment there is a
contingency not contemplated and one which is new in the habitua1
practice of the right of passage.
The changes which have occurred in the enclaves affect the causes
which gave rise to the right of passage and must naturally have
their effect on the right of passage itself or on the ways in which
it may be exercised. These new facts must lead to holding either
that the right which has been recognized must be suspended or
that it has become extinguished. In either case,it must be concluded
that the passage claimed must be regarded as incapable of exercise
the present situation.

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Opinion dissidente de M. Armand-Ugon

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