Opinion individuelle de M. Luchaire, juge ad hoc

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069-19861222-JUD-01-01-EN
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069-19861222-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LUCHAIRE

J'ai votéen faveur du dispositif de l'arrêtparce qu'il repose sur un
raisonnement dontla logiqueest incontestable mêmesil'onn'enapprouve
pas totalement certains de sesélémentsou certaines de sesconséquences.

Il m'apparaît nécessairecependant de faire deux séries d'observations,
les unes concernant lesprincipesjuridiques applicables, lesautres concer-
nant leur application concrète à l'espèce.

I. Dans le langagejuridique l'expression << décolonisation ))ne doit être
utilisée qu'avecbeaucoup de prudence et surtout ne doit pas êtreconfon-
due avec l'accession à l'indépendance.
D'une part il ne faut pas négligerune opinion - respectable comme
toutes lesopinions, qu'on lespartage ou qu'on nelespartagepas - d'après
laquelle l'indépendancen'est pas le contraire de la colonisation mais son
parfait achèvement, surtout lorsqu'elle a étéacquise sans combat contre
l'autoritéadministrantequi aainsifacilitéleprogrèsculturel, économique,

social et politique des populations intéressées, c'est-à-dire lec sonditions
mêmes d'unevéritable indépendance.

D'autre part ce que consacre le droit international c'est le droit des
peuples àdisposer d'eux-mêmes ;laConstitution française de 1958pource
qui concerne les territoires français d'outre-mer de l'époqueet donc le
Soudan français (devenu aujourd'hui la Républiquedu Mali) et la Haute-
Volta (devenue aujourd'hui le Burkina Faso) consacre expressément le
droit des peuples a disposer d'eux-mêmesS . i la déclaration 1514(XV)de

l'Assemblée générald ees Nations Unies en date du 14 décembre 1960
reconnaît le droit de libre détermination de tous les peuples, elle précise
qu'ils (déterminent librement leur statut politique )):or l'exercicede ce
droit ne conduit pas nécessairementa l'indépendance d'unEtat dont les
frontières seraient cellesd'une ancienne colonie. Il peut conduire en effet
(liste des facteurs annexée à la résolution648 (VII) votéepar l'Assemblée
généraledes Nations Unies en date du 10 décembre 1952) :

- soità l'indépendancedans le cadre géographiqueprécité,
- soit a l'intégrationdans le territoire de la puissance administrante dans
la plus stricte égalitédes droits entre les individus qu'ils soient origi-
naires de l'ancienne colonie ou de l'ancienne métropole,ou encore à l'intégrationdans les mêmesconditions d'égalité avec un Etat voi-
sin,
- soità l'association volontairement acceptéepar l'ancienne colonie avec
l'ancienne métropole dans des conditions respectant notamment la
pleine personnalitéde la première.

Enfin il est évidentque l'exercicedu droit de libre détermination peut
conduire certainesparties nettement individualiséesde I'ancienne colonie
à un choix différentde celui d'autres parties.
Les exemples de choix trèsdifférentsentre ces diverses solutions sont
nombreux dans l'histoire de ces dernièresdécennies ;c'est ainsi que i'an-
cienne partie du Togo sous tutelle britannique s'esttrouvée intégréd eans
1'Etatdu Ghana, que l'ancienne partie du Cameroun sous tutelle britan-
nique s'esttrouvéeintégrée dans sa partie nord à l'Etat du Nigeria et dans
sa partie sud au Cameroun anciennement sous tutelle française, que les
Somalies anglaise et italienne ont forméun seul Etat, que les territoires
sousla tutelle stratégiquedesEtats-Unis ont choisilesuns l'indépendance,

les autres l'association avec lesEtats-Unis, etc.

Il en résulteplusieurs conséquences :
En premier lieu les frontières d'un Etat indépendant issu de la coloni-
sation peuvent êtredifférentesde cellesde lacolonie qu'ilremplace et cela

en raison de l'exercice même du droit de libre détermination.
En second lieu le processus colonial doit êtreconsidérécomme totale-
ment achevélorsque lespopulations d'une colonieont été à même d'exer-
cer ce droit de libre détermination. Pour ce qui concerne les territoires
d'outre-mer français, et plus particulièrement le Soudan français et la
Haute-Volta, lephénomènecolonial a donc disparu le 28septembre 1958
lorsque par un acte de libre détermination - par un référendumdont
personne n'a contesté lasincérité - ces territoires ont choisi leur statu;
certains ont voulu à l'époque resterdes territoires d'outre-mer assimilés
aux autres collectivitésterritoriales de la Républiquefrançaise, d'autres -
et ce fut le cas pour le Soudan français et la Haute-Volta - ont choisi le

statut d'Etats membres de la communautéet donc la solution d'une asso-
ciation,un autre enfina choisil'indépendance, cefut lecas de la Guinée.A
compter de cette date les territoiresd'outre-mer français ne peuvent donc
plus êtreconsidérés comme descolonies ;leur pleine libertés'estd'ailleurs
trouvéeconfirmée par le fait que ceux qui avaient choisi le statut d'Etat
membre de la communautésont devenus indépendantsen 1960et que ce
fut aussi lecas ultérieurementde certains de ceux qui avaient optépour le
maintien du statut de territoire d'outre-mer (Républiquede Djibouti, par
exemple).
Cesconsidérationsprésentent desintérêtscertains pour lr eèglementdu
problèmesoumis à la Chambre ; en effet aujour de leur indépendance le
Mali et la Haute-Volta ont recueilli à la fois lescompétences qu'exerçait à

leur égardlacommunautémais aussicellesqu'ils exerçaient eux-mêmee sn
tant qu'Etats membres de cette communauté. Il se sont donc en grandepartie succédé à eux-mêmes ; en conséquence,en application de la théorie
de 1'Etatsuccesseur,ils sont tenus par les décisions expressesou implicites
qu'ilsont prises ou qu'ilspeuvent êtreconsidéréscommeayant prises dans
le cadre des compétences - d'ailleurs très larges- dont ils disposaient
avant lejour de leur accession à l'indépendance.
II. C'est aussil'unedesraisonspour lesquellesilconvient d'apprécier les
élémentset les conséquencesde l'acquiescementou de la reconnaissance
d'une certaine situation. L'acquiescement d'unEtat àune situation créée

par un autre Etat ou sa reconnaissance par le premier de ces Etats ne
permet pas à celui-cidedemander aujuge international de revenirsurcette
situation ; il n'y a pas lieu alors pour cejugeà rechercher comment cette
situation a étécréée.
C'estainsi quedans l'affaire du Statutjuridique du Groenlandoriental la
Cour permanente de Justice internationale a jugé que l'attitude de la
No~ège pouvait êtreconsidéréecommela reconnaissance de la souverai-
netédu Danemark etqu'enconséquenceilnepouvait par la suitecontester
cette souveraineté ;dans l'affaire du Templede Préah Vihéar, M.Reuter
estimait que

<(c'est l'attitude de la Thaïlande, c'est ce silence gardé pendant de
longues annéesqui est en contradiction avec les thèses actuellement
soutenues ))(C.ZJ.. Mémoires,vol. II, p. 205),

or la Cour internationale de Justice a estiméque l'absencede protestation
par les autorités siamoises pendant de nombreuses années obligeait à
conclure à leur acquiescement (C.Z.J.Recueil 1962, p. 32).
Ainsi l'acquiescement peut résulterd'un silence et d'une absence de

protestations ; il peut donc être donnéimplicitement.
Certes la Cour internationale de Justice a le plus souvent évitéde
recourir à la notion d'estoppel ; il n'empêcheque le Dictionnaire de la
terminologiedu droit international de Basdevant en donne une définition
extensive et renvoie le lecteur au terme de <(forclusion ))définicomme la
<(déchéance quimet obstacle àce qu'un droit puisse êtreinvoquéparce
qu'il ne l'apas étéen temps voulu, ou parce que son titulaire y a renoncé
expressémentou tacitement (sur cette question voir l'ouvrage d'Antoine
Martin L'estoppelen droit internationalpublic, Paris, 1979).
Il convient donc de rechercher sidans l'affaire soumise àla Chambre les

déclarations ouI'attitude desParties ainsique cellesdesentitésauxquelles
elles ont succédépeuvent êtreconsidéréescomme un acquiescement à
certaines situationsdefait ou une renonciation à certains argumentsjuri-
diques. Ceci concerneplus spécialement levillagede Dioulouna àpropos
duquel la présente opinion insiste plus particulièrement ci-dessous.
Ceci concerne aussi l'attitude des Parties dans leurs tentatives de règle-
ment bilatéral du litige et devant les efforts de médiation entrepris par
l'organisation de l'unité africaine (OUA).
A cet égardil aurait étéutile de s'interroger sur les conséquences du
communiqué de Conakry car, signépar les deux Parties, il présentecequ'un auteur appelle le fondement secondaire de l'estoppel,c'est-à-dire la

réciprocité.
Or par ce communiqué en date du 10juillet 1975 les chefs d'Etat
signataires :
<(Saluent les efforts déployéset les résultatsobtenus par la Com-

mission de médiationde l'organisation de l'unité africaine, etaffir-
ment leur volontécommune de tout mettre en Œuvre pour dépasser
lesdits résultatsnotamment enfacilitantladélimitation delafrontière
séparantles deux Etats afin de sceller définitivement leur réconcilia-
tion )).

On peut en effet interpréter cette phrase d'abord comme la reconnais-
sance de la matérialitédes «résultats )),ensuite comme l'acceptation des
résultats déjà acquistant en ce qui concerne l'invaliditéde certains docu-
mentssoumis à laCommission que lafixation précisedecertains points ;le
«dépassement )consisteraitalors à fixerlesautres points età organiser une
meilleurecoopérationentre lesdeux Etats. Mais ilfaut constater aussique
cecommuniqué aété présenté,notammentpar le Mali, commeexprimant
d'une manièrepolie un refus de ces résultats.Il est possible de considérer
quecette présentation aété confirméepar lefait mêmedu compromis signé

par les deux Parties.

III. Letextefrançais fondamental estla loi47-1707du 4septembre 1947
tendantau rétablissementdu territoire dela Haute-Volta ;cette loidispose
dans son article 2 que les limites de la Haute-Volta sont celles de I'an-
cienne colonie de la Haute-Volta à la date du 5 septembre 1932 )).Peu

importe en conséquence les événementjs uridiques qui ont pu seproduire
entre le 5 septembre 1932 et le 4 septembre 1947 ; il suffit en effet de
rechercher quelle était la limite séparant, à la première de ces dates, le
Soudan français de la Haute-Volta ; or à défautde titre les travaux d'un
servicegéographiqueofficiel,tels que les traduit une carte due àceservice,
présentent - subsidiairement par conséquent - une valeur certaine.
C'est d'ailleurs ce que l'arrêtconstate (par. 62) en affirmant que : si
toutes les autres preuves font défaut ou ne suffisent pas pour faireappa-
raître un tracéprécis,la valeur probante de la carte de l'IGN devient

déterminante o.
Cela est d'autant plus vrai que les autorités compétentespour détermi-
ner leslimites soit de cerclessoit de colonies ont exprimé leurintention en
travaillant sur ces cartes et non sur le terrain. Si l'on excepte l'arrêté du
31 décembre 1922 portant réorganisation de la régionde Tombouctou,
ainsiqueceluidu 31août 1927,fixant leslimitesdescoloniesdu Niger et de
la Haute-Volta, seules les cartes indiquaient les limites concernant le
Soudan français et la Haute-Volta. La situation au 5septembre 1932ne peut doncêtrerecherchéequedans
lescartesen usage à cette date, c'est-à-direlacarteau 1/500 000de 1925et

l'Atlasdescercles ;ilpeut donc sembler inutile de seréférer à des textes ou
documents postérieurs a 1932et antérieurs à 1947.
IV. La Chambre a préféré - par un raisonnement dont la logique est,je
le répète,incontestable - tenir compte d'une part de l'échangede corres-
pondances entre le gouverneur généralde l'Afrique occidentale française
etleslieutenants-gouverneurs du Soudanetdu Niger en date des 19février
1935et 3juin 1935(lettres 191CM2 et 1068)et d'autre part d'un arrêté
du gouverneur généralen date du 27 novembre 1935(2728 AP). Elle a
constatéen effet qu'aucune des deux Parties ne fournissait la preuve que
ces textes ou documents modifiaient la situation antérieure : tout juste

pourrait-on faire remarquer qu'aucune des deux Parties n'a fourni la
preuve qu'ils ne les modifiaient pas ; on pourrait aussi souligner que la
lettre 191CM2 précitéeétaiten parfaite concordance avec les cartes en
usage en 1932,ce qui n'étaitpas le cas de l'arrêté 2728 AP, et enfin que
sil'arrêté2728AP fixait leslimitesde plusieurs cerclesd'une mêmecolonie
iln'avait pas pour objet,et donc n'apu avoirpour effet,de fixerlafrontière
séparantdeux colonies(Soudan français et Niger).

V.Mais la solution retenue par la Chambre trouve unejustification - à
mesyeux déterminante - pour cequi concerne levillagede Dionouga ; en
effet cette localitéfiguresousIenom de Dioulouna dans lalistedes villages

du canton soudanaii deMondoro etsurtout dans lacirconscription devote
deMondoro (voir notamment un arrêté du gouverneur du Soudan en date
du 9 mars 1957) ;ilen résulteque seshabitants ont toujours voté au Mali ;
comme cevillagene figure pas dans la liste des circonscriptions de voteen
Haute-Volta, ses habitants n'ont donc jamais votéau Burkina Faso, du
moins avant la date critique.
Ilest regrettable àcet égardque lesParties n'aient pas pousséplus avant
leurs investigations en recherchant les procès-verbaux électoraux et
notamment ceux du référendumdu 28 septembre 1958dont les résultats
ont étésuccessivement centralisésau chef-lieu de chaque territoire (Ba-
mako et Ouagadougou), au chef-lieu du groupe de territoires (Dakar) et

enfin à Paris.
Cette participation de Dioulouna a la vie démocratique soudanaise n'a
pas étécontestéepar les autoritésvoltaïques issues du suffrage ;or elle
aurait pu l'être ; en effet d'après laloi du 4 septembre 1947l'assemblée
territoriale de la Haute-Volta(comme celledu Soudan)avaitenmatière de
limites territoriales une certaine com~étence(consultative il est vrai) , , il
aurait donc été normal qu'elleproteste devant une situation impliquant la
participation aux délibérationsde l'assembléesoudanaise d'un villageque
la première aurait pu considérer commevoltaïque.

Le même silencea étégardé - du moins faute de déclaration contraire

présentée à la Chambrepar le Burkina Faso - aprèsl'accession desdeux
territoires au statut d'Etat membre de la communauté ; cette fois la com-pétencepour fixer leur frontière communeappartenait aux deux Etats et
non plus à la France.
Cesilencepeut doncêtreconsidérécommeunacquiescementqui engage
aujourd'hui le Burkina Faso qui, aujour de l'indépendance, arecueillipar
successionlescompétencesétatiquesdont disposaitlaHaute-Volta en tant
qu'Etat membre de la communautéaussi bien que les compétencesexer-
céespar cette dernière.
VI. La logique du raisonnement préféré par la Chambre la conduit à
prolonger les effets de l'arrêtédu 27 novembre 1935(2728AP) par ceux
de la lettre 191CM2 du 19février1935(ou viceversa) ;dans la mesure où
la Chambre a admis la valeur probante de ces deux documents je ne
peux qu'approuver cette position car ils ont étésignésla mêmeannée et
par la mêmeautorité ;on doit donc en déduirequ'ils seprolongent l'un

l'autre et ne se contredisent pas.
Tout juste peut-on faire remarquer que lespoints citéspar l'arrêté sont
ceux de Yoro, Dioulouna, Oukoulou, Agoulourou, Koubo situés sur une
ligne sensiblement nord-est passant au sud de la mare de Toussougou
pour aboutir en un point situé à l'est de la mare de Kétiouaire ;or

- il n'a pas étépossible de retrouver la mare de Kétiouairedont la loca-
lisation n'a pu êtreétablie ;
- il aurait étéhasardeux de confondre en une mêmemare celle de Tous-
sougou et celle de Féto Maraboulé qu'une carte hydrologique de la
Haute-Volta distingue très nettement et cela d'autant plus que la ter-
minaison de cetoponyme est trèsprobablement voltaïque sil'onenjuge
par le nom de plusieurs villages incontestablement voltaïques ;
- levillaged'Agoulourou,comme leconstate la Chambre, n'estautre que
celuid'Oùkoulourou ;
- bien que la Chambre ne soit pas absolument certaine que le villagede
Koubo soit en réalité celudie Kobo figurant sur lacarte au 1 /200 000de
1960,elle a estiméque la ligne frontière devait laisser ce lieu dans le
territoire du Mali.

11enrésultequelalignedésignép ear l'arrêtédu 27novembre 1935aurait
pu êtreconsidéréecomme celle reliant des points légèrementau sud
d'Oukoulourou, de Kobo et de la mare de Toussougou pour continuer
ensuite,comme l'arelevéla Chambre,jusqu'à la mare de Soum.Une ligne
ainsidéfiniepasseeneffet par le lieudit Fayandoqui correspond aupoint
géodésique (longitude 1 O 24' 15" ouest et latitude 14"43'45" nord) cité
par la lettre 191CM2 du 19février1935.

Mon attention s'estencore portéesur des terres de culture que reven-
diquent à la fois les habitants de Dioulouna et ceux de Digue1(Haute-
Volta) ; ils'agitde la terre de Douroumgara (ou Orogara) ; sicomme ilest
probable ellecorrespond aupoint appelé Diamagara surlacarte de 1960il
n'y a aucune raison de la placer au Mali plutôt qu'au Burkina Faso (ou
l'inverse). Enfinil me paraîtutile de souligner lesrisquesde confusionentrela
mared'In Abao et le lieudit Tincham.
Maisces considérations neortentpas atteinàel'essentieldu raison-
nementparfaitementlogiquequi est celuide la Chambre.

(Signé FrançoisLUCHAIRE.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LUCHAIRE

J'ai votéen faveur du dispositif de l'arrêtparce qu'il repose sur un
raisonnement dontla logiqueest incontestable mêmesil'onn'enapprouve
pas totalement certains de sesélémentsou certaines de sesconséquences.

Il m'apparaît nécessairecependant de faire deux séries d'observations,
les unes concernant lesprincipesjuridiques applicables, lesautres concer-
nant leur application concrète à l'espèce.

I. Dans le langagejuridique l'expression << décolonisation ))ne doit être
utilisée qu'avecbeaucoup de prudence et surtout ne doit pas êtreconfon-
due avec l'accession à l'indépendance.
D'une part il ne faut pas négligerune opinion - respectable comme
toutes lesopinions, qu'on lespartage ou qu'on nelespartagepas - d'après
laquelle l'indépendancen'est pas le contraire de la colonisation mais son
parfait achèvement, surtout lorsqu'elle a étéacquise sans combat contre
l'autoritéadministrantequi aainsifacilitéleprogrèsculturel, économique,

social et politique des populations intéressées, c'est-à-dire lec sonditions
mêmes d'unevéritable indépendance.

D'autre part ce que consacre le droit international c'est le droit des
peuples àdisposer d'eux-mêmes ;laConstitution française de 1958pource
qui concerne les territoires français d'outre-mer de l'époqueet donc le
Soudan français (devenu aujourd'hui la Républiquedu Mali) et la Haute-
Volta (devenue aujourd'hui le Burkina Faso) consacre expressément le
droit des peuples a disposer d'eux-mêmesS . i la déclaration 1514(XV)de

l'Assemblée générald ees Nations Unies en date du 14 décembre 1960
reconnaît le droit de libre détermination de tous les peuples, elle précise
qu'ils (déterminent librement leur statut politique )):or l'exercicede ce
droit ne conduit pas nécessairementa l'indépendance d'unEtat dont les
frontières seraient cellesd'une ancienne colonie. Il peut conduire en effet
(liste des facteurs annexée à la résolution648 (VII) votéepar l'Assemblée
généraledes Nations Unies en date du 10 décembre 1952) :

- soità l'indépendancedans le cadre géographiqueprécité,
- soit a l'intégrationdans le territoire de la puissance administrante dans
la plus stricte égalitédes droits entre les individus qu'ils soient origi-
naires de l'ancienne colonie ou de l'ancienne métropole,ou encore SEPARATE OPINION OF JUDGE LUCHAIRE

[TranslationJ

1have voted for the operative provisions of the Judgment because they
are founded upon reasoning the logic of which is unquestionable even if
one does not entirely approve of some of its elements or some of its
consequences.
At the same time 1feel it necessary to make two series of observations,
the first on the applicable legalprinciples andthe second on their concrete
application to the present case.

I. In legal discourse, the term "decolonization" should be used only
with great caution and must above al1not be confused with accession to
independence.
On the onehand,it would be wrong to ignore a certainopinion - whch
like al1opinions, whether one shares them or not, is dese~ng of some
respect - to the effect that independence is not the opposite of coloniza-
tion but rather its crowning achievement, especiallyin cases where it has
been obtained, without fighting, from an administering authority which
has facilitated the cultural, economic, social and political progress of the
inhabitants, such progress being fundamental to any genuine indepen-
dence.
On theother hand, itis theright ofpeoples to determine their own future

which has received the blessing of international law : a right which is
expressly enshrined in the French constitution of 1958in regard to what
were then the French overseas territories, including French Sudan (now
the Republic of Mali) and Upper Volta (now Burkina Faso). What the
Declaration made by the General Assembly of the United Nations on
14December 1960(1514 (XV)) specifies, in recognizing the right of self-
determination possessedby al1peoples,is that they "freely determine their
political status" ;but the exerciseof that right does not necessarily lead to
theindependence of a State with the same frontiers as a former colony. It
may lead (see the list of factors annexed to General Assembly resolution
648 (VII) of 10 December 1952)either to :

- independence within the aforesaid geographical framework or
- integration into the territory of the administering power with strict
equality of rigbts as between individuals, irrespective of whether their
origins lie in the former colony or the former metropolitan State, or à l'intégrationdans les mêmesconditions d'égalité avec un Etat voi-
sin,
- soità l'association volontairement acceptéepar l'ancienne colonie avec
l'ancienne métropole dans des conditions respectant notamment la
pleine personnalitéde la première.

Enfin il est évidentque l'exercicedu droit de libre détermination peut
conduire certainesparties nettement individualiséesde I'ancienne colonie
à un choix différentde celui d'autres parties.
Les exemples de choix trèsdifférentsentre ces diverses solutions sont
nombreux dans l'histoire de ces dernièresdécennies ;c'est ainsi que i'an-
cienne partie du Togo sous tutelle britannique s'esttrouvée intégréd eans
1'Etatdu Ghana, que l'ancienne partie du Cameroun sous tutelle britan-
nique s'esttrouvéeintégrée dans sa partie nord à l'Etat du Nigeria et dans
sa partie sud au Cameroun anciennement sous tutelle française, que les
Somalies anglaise et italienne ont forméun seul Etat, que les territoires
sousla tutelle stratégiquedesEtats-Unis ont choisilesuns l'indépendance,

les autres l'association avec lesEtats-Unis, etc.

Il en résulteplusieurs conséquences :
En premier lieu les frontières d'un Etat indépendant issu de la coloni-
sation peuvent êtredifférentesde cellesde lacolonie qu'ilremplace et cela

en raison de l'exercice même du droit de libre détermination.
En second lieu le processus colonial doit êtreconsidérécomme totale-
ment achevélorsque lespopulations d'une colonieont été à même d'exer-
cer ce droit de libre détermination. Pour ce qui concerne les territoires
d'outre-mer français, et plus particulièrement le Soudan français et la
Haute-Volta, lephénomènecolonial a donc disparu le 28septembre 1958
lorsque par un acte de libre détermination - par un référendumdont
personne n'a contesté lasincérité - ces territoires ont choisi leur statu;
certains ont voulu à l'époque resterdes territoires d'outre-mer assimilés
aux autres collectivitésterritoriales de la Républiquefrançaise, d'autres -
et ce fut le cas pour le Soudan français et la Haute-Volta - ont choisi le

statut d'Etats membres de la communautéet donc la solution d'une asso-
ciation,un autre enfina choisil'indépendance, cefut lecas de la Guinée.A
compter de cette date les territoiresd'outre-mer français ne peuvent donc
plus êtreconsidérés comme descolonies ;leur pleine libertés'estd'ailleurs
trouvéeconfirmée par le fait que ceux qui avaient choisi le statut d'Etat
membre de la communautésont devenus indépendantsen 1960et que ce
fut aussi lecas ultérieurementde certains de ceux qui avaient optépour le
maintien du statut de territoire d'outre-mer (Républiquede Djibouti, par
exemple).
Cesconsidérationsprésentent desintérêtscertains pour lr eèglementdu
problèmesoumis à la Chambre ; en effet aujour de leur indépendance le
Mali et la Haute-Volta ont recueilli à la fois lescompétences qu'exerçait à

leur égardlacommunautémais aussicellesqu'ils exerçaient eux-mêmee sn
tant qu'Etats membres de cette communauté. Il se sont donc en grande FRONTIER DISPUTE (SEP.OP.LUCHAIRE) 653

merger with a neighbouring State on the same conditions of equality,
or
- the voluntaryassociation of the ex-colonywith the formermetropolis on
terms including unqualified respect for the former's personality.

Finally, the exercise of the right of self-determination may evidently
lead certain plainly individualized parts of the former colony to adifferent
option from that followed by the other parts.
The history of the last few decades provides numerous examples of very
different options being preferred from among these solutions. The area of
Togothat used to be under British trusteeship wasintegrated with the State
of Ghana ; the northern part of that area of Cameroon which used to be
under British trusteeship was merged with the State of Nigeria, and the
southern part with the territory of Cameroon formerly under French

trusteeship ;British and Italian Somalilandbecame one State of Somalia ;
some of the trust territories under United States stategic administration
choseindependence, whilethe others opted forassociation with theUnited
States ; and so on.
Several conclusions can be drawn from this :

First, the frontiers of an independent State emerging from colonization
rnaydiffer from the frontiers of thecolony which it replaces, and this may
actually result from the exercise of the right of self-determination.
Second, the colonial process must be regarded as finally over once the
inhabitants of a colony have been able to exercise this right of self-
determination. Sofar as the French overseas territories are concerned, and
French Sudan and Upper Volta in particular, this means that the colonial
phenornenon disappeared on 28 September 1958when, by an act of self-
determination - accomplished through a referendum the authenticity of
which has not been challenged by anyone -, those territories chose their

status. At the time, some wished to remain overseas territories receiving
similar status to the other territorial entities of the French Republic, while
others - including French Sudan and Upper Volta - opted for the status
of member States of the Communautéi,.e.,for the solution of association.
Lastly, another - Guinea - chose independence. As from that date, the
French overseas territories could therefore no longer be considered as
colonies, and that they werefullyfreewas confirmedby thefact that those
having chosen the status of member States of the Communautébecame
independent in 1960,while this was later also the case with some of those
that had opted for keeping the status of an overseas territory (e.g., the
Republic of Djibouti).

These considerations undoubtedly present several points of interest
where thesettlement of theproblem referred to the Chamber isconcerned,
for on theday of their independence Maliand Upper Volta accededboth to
the powers the Communauté had been exercisingin their regard and to the
powerswhich they themselveshad been exercisingas member Statesof thatpartie succédé à eux-mêmes ; en conséquence,en application de la théorie
de 1'Etatsuccesseur,ils sont tenus par les décisions expressesou implicites
qu'ilsont prises ou qu'ilspeuvent êtreconsidéréscommeayant prises dans
le cadre des compétences - d'ailleurs très larges- dont ils disposaient
avant lejour de leur accession à l'indépendance.
II. C'est aussil'unedesraisonspour lesquellesilconvient d'apprécier les
élémentset les conséquencesde l'acquiescementou de la reconnaissance
d'une certaine situation. L'acquiescement d'unEtat àune situation créée

par un autre Etat ou sa reconnaissance par le premier de ces Etats ne
permet pas à celui-cidedemander aujuge international de revenirsurcette
situation ; il n'y a pas lieu alors pour cejugeà rechercher comment cette
situation a étécréée.
C'estainsi quedans l'affaire du Statutjuridique du Groenlandoriental la
Cour permanente de Justice internationale a jugé que l'attitude de la
No~ège pouvait êtreconsidéréecommela reconnaissance de la souverai-
netédu Danemark etqu'enconséquenceilnepouvait par la suitecontester
cette souveraineté ;dans l'affaire du Templede Préah Vihéar, M.Reuter
estimait que

<(c'est l'attitude de la Thaïlande, c'est ce silence gardé pendant de
longues annéesqui est en contradiction avec les thèses actuellement
soutenues ))(C.ZJ.. Mémoires,vol. II, p. 205),

or la Cour internationale de Justice a estiméque l'absencede protestation
par les autorités siamoises pendant de nombreuses années obligeait à
conclure à leur acquiescement (C.Z.J.Recueil 1962, p. 32).
Ainsi l'acquiescement peut résulterd'un silence et d'une absence de

protestations ; il peut donc être donnéimplicitement.
Certes la Cour internationale de Justice a le plus souvent évitéde
recourir à la notion d'estoppel ; il n'empêcheque le Dictionnaire de la
terminologiedu droit international de Basdevant en donne une définition
extensive et renvoie le lecteur au terme de <(forclusion ))définicomme la
<(déchéance quimet obstacle àce qu'un droit puisse êtreinvoquéparce
qu'il ne l'apas étéen temps voulu, ou parce que son titulaire y a renoncé
expressémentou tacitement (sur cette question voir l'ouvrage d'Antoine
Martin L'estoppelen droit internationalpublic, Paris, 1979).
Il convient donc de rechercher sidans l'affaire soumise àla Chambre les

déclarations ouI'attitude desParties ainsique cellesdesentitésauxquelles
elles ont succédépeuvent êtreconsidéréescomme un acquiescement à
certaines situationsdefait ou une renonciation à certains argumentsjuri-
diques. Ceci concerneplus spécialement levillagede Dioulouna àpropos
duquel la présente opinion insiste plus particulièrement ci-dessous.
Ceci concerne aussi l'attitude des Parties dans leurs tentatives de règle-
ment bilatéral du litige et devant les efforts de médiation entrepris par
l'organisation de l'unité africaine (OUA).
A cet égardil aurait étéutile de s'interroger sur les conséquences du
communiqué de Conakry car, signépar les deux Parties, il présenteceCommunauté ;they therefore succeeded in large measure to themselves.
Consequently, by virtue of the theory of State succession, they remain
bound by the deliberate or implicit decisions they took or may be deemed
to have taken within the framework of the verybroad powers they enjoyed
before the day of their accession to independence.
II. This is also one reason why it is necessary to sizeup the factors and
consequences of acquiescencein, or recognition of,a particular situation.A
State's acquiescence in or recognition of a situation brought about by
another State debars it from calling upon an international tribunal to

reopen that situation, in which case there is no need for the tribunal in
question to enquire how that situation came into being.

Thus inthe LegalStatusofEastern Greenland casethe PermanentCourt
of International Justice held that Norway's attitude could be regarded as
recognition of Denmark's sovereignty, which Norway was consequently
not entitled to challenge,whle in TempleofPreah VihearProfessor Reuter
considered :

"it is the attitude of Thailand, this silence obsewed for many years,
which runs counter to the contentions now being put forward" (I.C.J.
Pleadings, Vol. II, pp. 205 f. [translationby the Registry]) ;

in thislatter casetheInternationalCourt ofJustice feltobliged to conclude
that the many years of failure to protest on the part of the Thai authorities
amounted to acquiescence (I.C.J. Reports 1962, p. 32).
Thus acquiescence may result from silence and absence of protest ;it
may therefore be given implicitly.
Admittedly, the International Court of Justice has more often than not

avoided resorting to the concept of estoppel ;nevertheless, Basdevant's
Dictionnairede la terminologiedudroit internationalgves a broad defini-
tion of this term and refers the reader to the term offorclusion,defined as
"loss of entitlement to rely upon a right owing to its not having been
invoked in time or its having been expressly or tacitly abandoned" [trans-
lation by the Registry] (see further Antoine Martin, L'Estoppel en droit
international public, Paris 1979).
It will therefore be appropriate to ascertain whether in the case before
the Chamber the statements or attitudes of the Parties, as also of the
entities whose successors they are, can be seen to imply acquiescence in
certain defacto situations or the abandonment of certain legal arguments.
This more particularly concerns the village of Dioulouna, to which the
present writer will give special emphasis below.
It also concerns the attitude of the Parties in their attempts to achieve
bilateral settlement of the dispute and vis-à-vis the efforts at mediation
undertaken by the Organization of African Unity (OAU).
In that connection it would have been useful to see what conclusions
could be drawn from the Conakry communiqué, since, as a documentqu'un auteur appelle le fondement secondaire de l'estoppel,c'est-à-dire la

réciprocité.
Or par ce communiqué en date du 10juillet 1975 les chefs d'Etat
signataires :
<(Saluent les efforts déployéset les résultatsobtenus par la Com-

mission de médiationde l'organisation de l'unité africaine, etaffir-
ment leur volontécommune de tout mettre en Œuvre pour dépasser
lesdits résultatsnotamment enfacilitantladélimitation delafrontière
séparantles deux Etats afin de sceller définitivement leur réconcilia-
tion )).

On peut en effet interpréter cette phrase d'abord comme la reconnais-
sance de la matérialitédes «résultats )),ensuite comme l'acceptation des
résultats déjà acquistant en ce qui concerne l'invaliditéde certains docu-
mentssoumis à laCommission que lafixation précisedecertains points ;le
«dépassement )consisteraitalors à fixerlesautres points età organiser une
meilleurecoopérationentre lesdeux Etats. Mais ilfaut constater aussique
cecommuniqué aété présenté,notammentpar le Mali, commeexprimant
d'une manièrepolie un refus de ces résultats.Il est possible de considérer
quecette présentation aété confirméepar lefait mêmedu compromis signé

par les deux Parties.

III. Letextefrançais fondamental estla loi47-1707du 4septembre 1947
tendantau rétablissementdu territoire dela Haute-Volta ;cette loidispose
dans son article 2 que les limites de la Haute-Volta sont celles de I'an-
cienne colonie de la Haute-Volta à la date du 5 septembre 1932 )).Peu

importe en conséquence les événementjs uridiques qui ont pu seproduire
entre le 5 septembre 1932 et le 4 septembre 1947 ; il suffit en effet de
rechercher quelle était la limite séparant, à la première de ces dates, le
Soudan français de la Haute-Volta ; or à défautde titre les travaux d'un
servicegéographiqueofficiel,tels que les traduit une carte due àceservice,
présentent - subsidiairement par conséquent - une valeur certaine.
C'est d'ailleurs ce que l'arrêtconstate (par. 62) en affirmant que : si
toutes les autres preuves font défaut ou ne suffisent pas pour faireappa-
raître un tracéprécis,la valeur probante de la carte de l'IGN devient

déterminante o.
Cela est d'autant plus vrai que les autorités compétentespour détermi-
ner leslimites soit de cerclessoit de colonies ont exprimé leurintention en
travaillant sur ces cartes et non sur le terrain. Si l'on excepte l'arrêté du
31 décembre 1922 portant réorganisation de la régionde Tombouctou,
ainsiqueceluidu 31août 1927,fixant leslimitesdescoloniesdu Niger et de
la Haute-Volta, seules les cartes indiquaient les limites concernant le
Soudan français et la Haute-Volta. FRONTIER DISPUTE (SEP.OP. LUCHAIRE) 655

signed by two Parties, it features what a writer has called the secondary
basis of estoppel, namely reciprocity.

Now in this communiqué of 10 July 1975 the signatory Heads of
State :
"welcome theeffortsmade and the results achievedby theMediation
Commission of the Organization of African Unity, and affirm their
common intention to do their utmost to transcend [dépasser]these
results, especially by facilitating the delimitation of the frontier

between the two States in order to place the final seal on their
reconciliation" [translationby the Registry].
This sentence can be construed in the first place asan acknowledgment
that "results"had actually been achieved, and in the second place as an
acceptance of the results already obtained as regards the invalidity of
certaindocuments submitted to the Commission and the precise fixing of

certainpoints ;theword dépasserwould therefore implygoing on to fix the
other points and to organize improved CO-operationbetween the two
States. But it must also be noted that this communiqué has been repre-
sented, in particular by Mali, as politely expressing rejection of those
results. It ispossible to regard this interpretation as confirmed by the very
fact of the Parties' having subsequently concluded the Special Agree-
ment.

III. The basic French text is Law 47-1707of 4 September 1947 provi-
ding for the revival of the territory of Upper Volta ;Article 2 of this law

provides that the limits of Upper Volta are to be "those of the former
colony of Upper Volta on 5 September 1932".Hence any legalevents that
mayhave taken placebetween 5September 1932and 4 September 1947are
scarcely relevant ; al1that needs to be done is to ascertain what on the
formerdate wastheboundary separatingFrench Sudan fromUpper Volta,
and in the absence of any titles (hence subsidiarily) the work of an officia1
geographicalservice, as reflected on a map produced by it, carries definite
weight.
This ismoreover what theJudgment points out in the followingwords :
"where al1other evidence is lacking, or is not sufficient to show an exact
line, the probative value of the IGN map becomes decisive" (para. 62).

This is the more correct in that thecompetent authorities who sought to
delimit the cerclesor colonies worked from maps and not on the ground
when seeking to express their intentions. With the sole exceptions of the
Order of 31December 1922reorganizing the region of Timbuktu and that
of 31August 1927fixing the boundaries of Niger and Upper Volta, it was
maps alone which indicated the boundaries concerning French Sudan and
Upper Volta. , La situation au 5septembre 1932ne peut doncêtrerecherchéequedans
lescartesen usage à cette date, c'est-à-direlacarteau 1/500 000de 1925et

l'Atlasdescercles ;ilpeut donc sembler inutile de seréférer à des textes ou
documents postérieurs a 1932et antérieurs à 1947.
IV. La Chambre a préféré - par un raisonnement dont la logique est,je
le répète,incontestable - tenir compte d'une part de l'échangede corres-
pondances entre le gouverneur généralde l'Afrique occidentale française
etleslieutenants-gouverneurs du Soudanetdu Niger en date des 19février
1935et 3juin 1935(lettres 191CM2 et 1068)et d'autre part d'un arrêté
du gouverneur généralen date du 27 novembre 1935(2728 AP). Elle a
constatéen effet qu'aucune des deux Parties ne fournissait la preuve que
ces textes ou documents modifiaient la situation antérieure : tout juste

pourrait-on faire remarquer qu'aucune des deux Parties n'a fourni la
preuve qu'ils ne les modifiaient pas ; on pourrait aussi souligner que la
lettre 191CM2 précitéeétaiten parfaite concordance avec les cartes en
usage en 1932,ce qui n'étaitpas le cas de l'arrêté 2728 AP, et enfin que
sil'arrêté2728AP fixait leslimitesde plusieurs cerclesd'une mêmecolonie
iln'avait pas pour objet,et donc n'apu avoirpour effet,de fixerlafrontière
séparantdeux colonies(Soudan français et Niger).

V.Mais la solution retenue par la Chambre trouve unejustification - à
mesyeux déterminante - pour cequi concerne levillagede Dionouga ; en
effet cette localitéfiguresousIenom de Dioulouna dans lalistedes villages

du canton soudanaii deMondoro etsurtout dans lacirconscription devote
deMondoro (voir notamment un arrêté du gouverneur du Soudan en date
du 9 mars 1957) ;ilen résulteque seshabitants ont toujours voté au Mali ;
comme cevillagene figure pas dans la liste des circonscriptions de voteen
Haute-Volta, ses habitants n'ont donc jamais votéau Burkina Faso, du
moins avant la date critique.
Ilest regrettable àcet égardque lesParties n'aient pas pousséplus avant
leurs investigations en recherchant les procès-verbaux électoraux et
notamment ceux du référendumdu 28 septembre 1958dont les résultats
ont étésuccessivement centralisésau chef-lieu de chaque territoire (Ba-
mako et Ouagadougou), au chef-lieu du groupe de territoires (Dakar) et

enfin à Paris.
Cette participation de Dioulouna a la vie démocratique soudanaise n'a
pas étécontestéepar les autoritésvoltaïques issues du suffrage ;or elle
aurait pu l'être ; en effet d'après laloi du 4 septembre 1947l'assemblée
territoriale de la Haute-Volta(comme celledu Soudan)avaitenmatière de
limites territoriales une certaine com~étence(consultative il est vrai) , , il
aurait donc été normal qu'elleproteste devant une situation impliquant la
participation aux délibérationsde l'assembléesoudanaise d'un villageque
la première aurait pu considérer commevoltaïque.

Le même silencea étégardé - du moins faute de déclaration contraire

présentée à la Chambrepar le Burkina Faso - aprèsl'accession desdeux
territoires au statut d'Etat membre de la communauté ; cette fois la com- FRONTIER DISPUTE (SEP. OP. LUCHAIRE)
656

It followsthat thesituation on 5September 1932 can onlybe ascertained
from the mapsin use on that date, i.e., the 1:500,000map of 1925and the
Atlas des cercles ;there would therefore seem tobe little point in referring
to texts or documents subsequent to 1932and prior to 1947.
IV. Following what - 1repeat - is an unquestionably logical line of
argument, the Chamber has preferred to take into consideration the cor-
respondence exchanged between the Governor-General of French West
Africaand the Lieutenant-Governors of French Sudan and Niger, dated
19February 1935and 3June 1935(letters 191CM2 and 1068)aswellasan
Order by the Governor-General dated 27November 1935(2728AP). Ithas
done so after noting that neither Party provided evidence that those texts

or documents modified the previous situation. However, it might perhaps
also be worth pointing out that neither Party provided any evidence that
they did not modify it ; attention might also be drawn to the fact that,
whileletter 191CM2 was entirelyconsistent with the maps in use in 1932,
the same could not be said of Order 2728 AP, and finally that, even if
Order 2728AP fixed the boundaries of various cercleswithin one and the
same colony, it was not its purpose, and therefore could not have had the
effect, of fixing the frontier between two colonies (French Sudan and
Niger).
V. Nevertheless, what 1regard as a decisivejustification for the Cham-
ber's solution exists in regard to the village of Dionouga, which features
under the name of Dioulouna in the list of villagesof the Sudanese canton
of Mondoro and, more especially, in the electoral constituency of Mon-

doro (seein particular an Order by the Governor of Sudan dated 9 March
1957) ;it follows that its inhabitants have always cast their votes in Mali;
as this village does not appear in the list of electoral constituencies in
Upper Volta, its inhabitants have nevercasttheir votes in Burkina Faso, or
at least never before the critical date.
In thisconnection it isregrettable that the Partiesdid not carry out more
thorough investigations by searching through the electoral records, includ-
ing those of the referendum held on 28 September 1958,the results of
which were successivelycentralized at the administrative centres of each
territory (Bamako and Ouagadougou), at the administrative centre of the
group of territories (Dakar) and finally in Pans.
This participation by Dioulouna in the exerciseof democracy in Sudan

was not challenged by the Voltan authorities resulting from the electoral
process. However, it could have been, for according to the Law of 4 Sep-
tember 1947the Territorial Assembly of Upper Volta (like that of Sudan)
possessed a certain (admittedly advisory) competence where territorial
boundaries wereconcerned ; it would thereforehave been normal for it to
protest at a situation implying that a village it could have regarded as
belonging to Upper Volta had participated in the deliberations of the
Sudanese Assembly.
The same silence was observed - or at least Burkina Faso has not
presented to the Chamber any statement to the contrary - after the
accession of the two territories to the status of member States of thepétencepour fixer leur frontière communeappartenait aux deux Etats et
non plus à la France.
Cesilencepeut doncêtreconsidérécommeunacquiescementqui engage
aujourd'hui le Burkina Faso qui, aujour de l'indépendance, arecueillipar
successionlescompétencesétatiquesdont disposaitlaHaute-Volta en tant
qu'Etat membre de la communautéaussi bien que les compétencesexer-
céespar cette dernière.
VI. La logique du raisonnement préféré par la Chambre la conduit à
prolonger les effets de l'arrêtédu 27 novembre 1935(2728AP) par ceux
de la lettre 191CM2 du 19février1935(ou viceversa) ;dans la mesure où
la Chambre a admis la valeur probante de ces deux documents je ne
peux qu'approuver cette position car ils ont étésignésla mêmeannée et
par la mêmeautorité ;on doit donc en déduirequ'ils seprolongent l'un

l'autre et ne se contredisent pas.
Tout juste peut-on faire remarquer que lespoints citéspar l'arrêté sont
ceux de Yoro, Dioulouna, Oukoulou, Agoulourou, Koubo situés sur une
ligne sensiblement nord-est passant au sud de la mare de Toussougou
pour aboutir en un point situé à l'est de la mare de Kétiouaire ;or

- il n'a pas étépossible de retrouver la mare de Kétiouairedont la loca-
lisation n'a pu êtreétablie ;
- il aurait étéhasardeux de confondre en une mêmemare celle de Tous-
sougou et celle de Féto Maraboulé qu'une carte hydrologique de la
Haute-Volta distingue très nettement et cela d'autant plus que la ter-
minaison de cetoponyme est trèsprobablement voltaïque sil'onenjuge
par le nom de plusieurs villages incontestablement voltaïques ;
- levillaged'Agoulourou,comme leconstate la Chambre, n'estautre que
celuid'Oùkoulourou ;
- bien que la Chambre ne soit pas absolument certaine que le villagede
Koubo soit en réalité celudie Kobo figurant sur lacarte au 1 /200 000de
1960,elle a estiméque la ligne frontière devait laisser ce lieu dans le
territoire du Mali.

11enrésultequelalignedésignép ear l'arrêtédu 27novembre 1935aurait
pu êtreconsidéréecomme celle reliant des points légèrementau sud
d'Oukoulourou, de Kobo et de la mare de Toussougou pour continuer
ensuite,comme l'arelevéla Chambre,jusqu'à la mare de Soum.Une ligne
ainsidéfiniepasseeneffet par le lieudit Fayandoqui correspond aupoint
géodésique (longitude 1 O 24' 15" ouest et latitude 14"43'45" nord) cité
par la lettre 191CM2 du 19février1935.

Mon attention s'estencore portéesur des terres de culture que reven-
diquent à la fois les habitants de Dioulouna et ceux de Digue1(Haute-
Volta) ; ils'agitde la terre de Douroumgara (ou Orogara) ; sicomme ilest
probable ellecorrespond aupoint appelé Diamagara surlacarte de 1960il
n'y a aucune raison de la placer au Mali plutôt qu'au Burkina Faso (ou
l'inverse). FRONTIER DISPUTE (SEP. OP. LUCHAIRE) 657

Communauté ; this time, it was no longer France but those two States
which possessed the power to determine their common frontier.
This silence, therefore, may be considered as an acquiescence which is
binding today upon Burkina Faso which, on the day of independence,
acquired by succession the State powers enjoyed by Upper Volta as a
member State of the Communautéas well as the powers that had been
exercised by the latter.
VI. The logic of the reasoning preferred by the Chamber has led it to
prolong the effects of the Order of 27 November 1935(2728AP) by those
of the letter 191CM2 of 19February 1935(or vice-versa) ;in sofaras the
Chamber has admitted the probative force.of these two documents, 1can

but approve this position because they weresigned in the sameyear by the
same authority : one must therefore infer that they prolong and do not
contradict each other.
At the same time, attention may perhaps be drawn to the fact that the
points referred to by the Order are Yoro, Dioulouna, Oukoulou, Agou-
lourou and Koubo, situated on a distinctly northeast line "passing to the
south of the pool of Toussougou and culminating at a point located to the
east of the pool of Kétiouaire", whereas :

- ithasnot been possible to discoverthepool of Kétiouaire,thelocationof
which could not be established ;
- it would have been risky to identify as one and the same pool that of
Toussougou and that of Féto Maraboulé whch a hydrological map of
Upper Volta very clearly distinguishes, especially as the ending of that
toponym is very probably Voltan, to judge by the names of several
villages which are unquestionably Voltan ;

- the villageofAgoulourou,asthe Chamber takes note, isnone other than
Oukoulourou ;
- although the Chamber isnot absolutelysure that the villageof Koubo is
actuallythe Kobo featured on the 1:200,000map of 1960,it hasheld that
the frontier line should leave that locality within the territory of
Mali.

It follows that the line described by the Order of 27 November 1935
could have been considered to be the one linking up points slightly south
of Oukoulourou, Kobo and the pool of Toussougou and continuing
thereafter, as the Chamber notes, as far as the pool of Soum. Indeed, a
line as thus defined would pass through the locality of Fayando which
corresponds to the geodesic point (latitude 14"43'45" north and
longitude 1 O24' 15" west) referred to in the letter 191 CM2 of 19 Feb-
ruary 1935.
1have also given some attention to the farmland claimed by the inha-

bitants both of Dioulouna and of Digue1(Upper Volta) ;this is known as
Douroumgara (or Orogara) ; if, as is likely, this corresponds to the point
called Diamagara on the 1960map, there is no reason to situate it in Mali
rather than in Burkina Faso (or the reverse). Enfinil me paraîtutile de souligner lesrisquesde confusionentrela
mared'In Abao et le lieudit Tincham.
Maisces considérations neortentpas atteinàel'essentieldu raison-
nementparfaitementlogiquequi est celuide la Chambre.

(Signé FrançoisLUCHAIRE. FRONTIER DISPUTE (SEP. OP. LUCHAIRE) 658

Finally,itshould,1think,be emphasizethat thereisariskofconfusing
the pool of In Abao and theplace called Tincham.
However,theseconsiderationsdo not essentiallyimpair theperfectly
logical reasoning followed the Chamber.

(SigneF dr)ançoisLUCHAIRE.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Luchaire, juge ad hoc

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