Opinion individuelle de M. Armand-Ugon

Document Number
035-19590526-JUD-01-02-EN
Parent Document Number
035-19590526-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. ARMAND-UGON

Tout en souscrivant à l'arrêt de la Cour, je crois devoir énoncer
les motifs qui m'y conduisent par un autre raisonnement.
IO La première exception préliminaire à la requête du Gouverne-
ment israélien soulevée par le Gouvernement bulgare se fonde sur
l'alinéa 5 de l'article 36 du Statut de la Cour. Il s'agit de savoir
si cet alinéa s'applique à la déclaration signée le 12 août 1921 par
le ministre des Affaires étrangères du Royaume de Bulgarie. C'est
donc l'interprétation de cette disposition qui se poseà la Cour. Son

texte est le suivant:

«Les déclarations faites en application de l'article 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale pour une durée
qui n'est pas encore expirée seront considérées,dans les rapports
entre parties au présent Statut, comme comportant acceptation
de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice
pour la durée restant à courir d'après ces déclarations et confor-
mément à leurs termes.s

La déclaration bulgare antérieurement mentionnée est ainsi
libellée:

«Au nom du Gouvernement du Royaume de Bulgarie, je déclare
reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention
spéciale, vis-à-vis de tout autre membre ou État acceptant la
mêmeobligation, la juridiction de la Cour permanente de Justice
internationale, purement et simplement. )I

2" La Cour, dans son avis consultatif sur la Compétencede L'As-
semblée générale pour Z'admissiond'un État aux Nations Unies, a
établi et rappelé certaines règles applicables à l'interprétation de la
Charte, valables aussi pour l'interprétation du Statut de la Cour
qui en est l'annexe:

«Le premier devoir [disait la Cour] d'un tribunal appelé à
interpréter et à appliquer les dispositions d'un traité, est de
s'efforcer de donner effet, selon leur sens naturel et ordinaireà
ces dispositions prises dans leur contexte. Si les mots pertinents,
lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire,
ont .un sens dans leur contexte, l'examen doit s'arrêter là. En
revanche, si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification
naturelle et ordinaire, sont équivoqueset conduisentàdes résultats
déraisonnables, c'est alors et alors seulement que la Cour doit
rechercher par d'autres méthodesd'interprétation ce que les parties
avaient en réalité dans l'esprit» (C. I. J. RecueilI950, p. 8.) On doit donc rechercher d'abord dans le texte de l'alinéa 5 les
éléments pourson interprétation, et c'est seulement si ceux-ci sont
insuffisants qu'on pourra se fonder sur des éléments extérieurs au

texte. La compétence pour interpréter doit s'en tenir au texte
quand celui-ci est clair.
3' L'alinéa j doit êtreinterprété restrictivement.
En premier lieu, parce que cette disposition établit une exception
à la modalité d'acceptation de la clause facultative, laquelle norma-
lement se fait par le moyen d'une déclaration unilatérale, comme
l'indique l'alinéa2 de l'article 36 du Statut.

Le système de l'acceptation de la clause facultative est dominé
et régipar un principe adopté par le présent Statut, comme il avait
déjà été admispar l'ancien Statut. Ce principe est qu'une telle
acceptation est toujours facultative et particulière, et non pas obli-
gatoire et générale,c'est-à-dire que la jvridiction de la Cour ne
peut en aucun cas être imposée à un Etat par d'autres Etats.
L'adhésion à la clause facultative par un gouvernement est une
décision politique.
L'alinéa 5 prévoit un régime d'acceptation de la juridiction de
la Cour collectif et automatique pour certains Etats liésau Statut
de la Cour permanente de Justice internationale.

Ce paragraphe est donc une dérogation au droit commun en
matière d'acceptation de la clause facultative, car il considère cer-

tains Etats ayant fait certaines déclarations en application de
l'article 36 de l'ancien Statut comme acceptant la juridiction de la
nouvelle Cour sur la base de leurs déclarations antérieures. Ces
États se trouvent ainsi liésà la juridiction de la Cour internationale
de Justice sans avoir fait de déclaration volontaire et unilatérale.
La reconnaissance de la juridiction de la Cour, qui ressort de l'ali-
néa 5, doit se maintenir dans ses termes exprès, sans pouvoir
s'étendre par voie d'interprétation à d'autres cas non compris
dans cette norme.
D'autre part, le paragraphe en question revêt la forme d'une
fictionlégale - solution plus ou moins empirique et de pure tech-
nique juridique; elle a étéconstruite en vue de sauvegarder certains
intérêtsnettement déterminés. Quand le droit s'exprime par un tel
procédé, soninterprétation ne doit pas dépasser leslimites imposées

par la formule légale; elle doit êtrecontenue dans la lettre de son
texte : toute proposition d'interprétation extensive doit êtreici
rejetée.
4OLne saine interprétation de l'alinéa 5 doit tenir compte, en
tout premier lieu et essentiellement, de son texte précis, afin de
dégager son contenu.

Il est bien connu que les déclarations d'acceptation de la clause
facultive de la Cour permanente de Justice internationale et de la
Cour internationale de Justice peuvent être de deux sortes: décla-rations d'acceptation sans durée déterminéeou sans terme, dont
les effets sont immédiats et pour toujours, et déclarations d'accep-
tation avec durée déterminée ou avec terme, qui ne produisent
d'effets que pour la durée qui leur a étéfixéepar le gouvernement
déclarant. Ces différentes modalités d'acceptation de la clause
facultative étaient naturellement présentes à l'esprit des rédacteurs
de l'alinéa 5.Le texte de cet alinéa mentionne seulement les décla-

rations qui sont «pour une durée qui n'est pas encore expirée »et
qui comportent l'acceptation de la juridiction de la Cour inter-
nationale de Justice «pour une durée restant à courir d'après ces
déclarations ». Ces deux phrases visent clairement des déclarations
avec une durée déterminéeet se réfèrent à des actes juridiques
avec un terme extinctif. Elles n'auraient pas de sens raisonnable si
on voulait les appliquer à des déclarations faites ((sans limitation
de durée 1) et n'ayant pas en conséquence de ((durée restant à
courir 1)La légère différencede rédaction entre le texte anglais et
le texte français de l'alinéa 5 de l'article 36 n'invalide pas cette

interprétation du texte, dans les deux langues; il est évident que
les seules déclarations viséespar l'alinéasont les déclarations avec
délaidéterminé.

L'alinéa en question ne prévoit donc pas les déclarations faites
sans délai, c'est-à-dire sans un espace de temps à courir. Affirmer
qu'une obligation a ((une durée restant à courir »suppose nécessai-
rement une échéance à l'obligation.

La mention que l'alinéa 5fait des déclarations au délai déterminé
emporte l'exclusion des autres déclarations sans délai.

Dans la sauvegarde qu'il organisait de certaines déclarations
visant la juridiction de la Cour permanente de Justice internatio-
nale, l'alinéa 5 n'a pas compris la déclaration du Royaume de
Bulgarie, signée le 12 août 1921, laquelle acceptait la juridiction
de cette Cour ((purement et simplement »et sans délai, comme le
permettait l'alinéa 3 de l'article 36 de l'ancien Statut.

La rédaction très soigneuse del'alinéa 5,en faisant des distinctions
entre les diverses catégories de déclarations alors existantes, évitait
aux États quiavaient fait desdéclarations sans délaileursoumission
permanente à la juridiction de la Cour internationale de Justice.

C'est le cas d'appliquer la vieille règle: bene indicat qui bene
distinguit.
L'acceptation de la thèse donnant plein effet à l'alinéa5 pour

toutes les déclarations, sans aucune distinction entre celles qui sont
sans délaiet celles qui sont avec délai, conduirait à lier la Bulgarie
à la clause facultative définitivement et pour tous les différends
rentrant dans cet engagement et sans limitation de temps. Tellen'a pu êtrela volontéqu'a voulu exprimer cet alinéa, et lui attribuer
ce sens dépasserait son texte limitatif. La fiction légale de cette
disposition ne peut prétendre à une telle ampleur qui déborderait
évidemment le contenu de son texte formel. Imposer à la Bulgarie

un tel engagement juridictionnel qui l'affecterait àperpétuiténéces-
siterait une règle ne laissant aucun doute sur ce point. Or le texte
de l'alinéa5ne se prêtepas à de sigraves conséquences;il faut donc
le rétablir dans son sens littéral, sans qu'aucune considération
étrangèreà son texte puisse prévaloir. Il faut appliquer la disposi-
tion légale dont la formule est claire, sans en rien retrancher ni
sans rien y ajouter.

Il faut remarquer que le but pratique cherchépar l'alinéa 5 de
l'article 36 n'était autre que celui de faciliter l'exercice immédiat
de la juridiction obligatoire de la nouvelle Cour, ce qui s'assurait
largement avec les déclarations avec délai déterminé.Il n'est donc
pas autorisé de faire de l'interprétation extensive là où rien ne
l'exige. Les conséquences claires et précises d'un texte ne sont
autres que celles que ce texte a voulu; lui en attribuer d'autres
suppose une modification abusive dutexte.

La présente argumentation n'a pas étédiscutée pendant les plai-
doiries, mais rien ne fait obstaclà son admission, selon le principe
bien connu et appliqué par la jurisprudence internationale en ma-
tière procédurale que le tribunal peut chercher d'office et choisir la
base juridique pour appuyer sa décisionsur les conclusions finales
des parties - iura novit curia.

En conséquence, la déclaration bulgare ne peut être considérée
comme viséepar l'alinéa 5.
J'aurais désiréque la Cour eût fondé uniquement son arrêt sur
les motifs qui viennent d'êtreexposéssommairement. Elle a préféré
une autre énonciation, sans cependant avoir rejeté l'interprétation
exposée dans la présente note.

(Signé) ARMAND-UGON.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. ARMAND-UGON

Tout en souscrivant à l'arrêt de la Cour, je crois devoir énoncer
les motifs qui m'y conduisent par un autre raisonnement.
IO La première exception préliminaire à la requête du Gouverne-
ment israélien soulevée par le Gouvernement bulgare se fonde sur
l'alinéa 5 de l'article 36 du Statut de la Cour. Il s'agit de savoir
si cet alinéa s'applique à la déclaration signée le 12 août 1921 par
le ministre des Affaires étrangères du Royaume de Bulgarie. C'est
donc l'interprétation de cette disposition qui se poseà la Cour. Son

texte est le suivant:

«Les déclarations faites en application de l'article 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale pour une durée
qui n'est pas encore expirée seront considérées,dans les rapports
entre parties au présent Statut, comme comportant acceptation
de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice
pour la durée restant à courir d'après ces déclarations et confor-
mément à leurs termes.s

La déclaration bulgare antérieurement mentionnée est ainsi
libellée:

«Au nom du Gouvernement du Royaume de Bulgarie, je déclare
reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention
spéciale, vis-à-vis de tout autre membre ou État acceptant la
mêmeobligation, la juridiction de la Cour permanente de Justice
internationale, purement et simplement. )I

2" La Cour, dans son avis consultatif sur la Compétencede L'As-
semblée générale pour Z'admissiond'un État aux Nations Unies, a
établi et rappelé certaines règles applicables à l'interprétation de la
Charte, valables aussi pour l'interprétation du Statut de la Cour
qui en est l'annexe:

«Le premier devoir [disait la Cour] d'un tribunal appelé à
interpréter et à appliquer les dispositions d'un traité, est de
s'efforcer de donner effet, selon leur sens naturel et ordinaireà
ces dispositions prises dans leur contexte. Si les mots pertinents,
lorsqu'on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire,
ont .un sens dans leur contexte, l'examen doit s'arrêter là. En
revanche, si les mots, lorsqu'on leur attribue leur signification
naturelle et ordinaire, sont équivoqueset conduisentàdes résultats
déraisonnables, c'est alors et alors seulement que la Cour doit
rechercher par d'autres méthodesd'interprétation ce que les parties
avaient en réalité dans l'esprit» (C. I. J. RecueilI950, p. 8.) SEPARATE OPINION OF JUDGE ARMAND-UGON
[Translation]
Whilst concurring inthe Judgment of the Court, 1 feel bound to
statethe grounds which impel me to do so by a different reasoning.

I. The First Preliminary Objection raised by the Government
of Bulgaria to the Application of the Government of Israelis based
on paragraph 5 of Article 36 of the Statute of the Court. The
question is whether thisparagraph is applicable to the Declaration
signed on August ~zth, 1921, by the Minister for Foreign Affairs
of the Kingdom of Bulgaria. The interpretation of this provision
is therefore the question which arises for the Court. The text of
the provision is as follows:

"Declarations made under Article 36 of the Statute of the
Permanent Court of International Justice and which are still in
Statute, to be acceptances of the compulsory jurisdiction of the
International Court of Justice for the period which they still have
to run and in accordance with their terms."

The afnrementioned Bulganan Declaration is in the following
terms :
iTranslation]

"On behalf of the Government of the Kingdom of Bulgaria,
1 recognize, in relation to any other Member or State which
compulsory, ipso facto and without any special convention, un-
conditionally."

2. In its Advisory Opinion regarding the Competence of th5
GeneraLAssembly for the admission of a State to the United Nations,
the Court laid down and recalled certain rules applicable to the
interpretation of the Charter which are also valid in respect of the
interpretation of the Statute of the Court, which is annexed to
the Charter:

"...the first duty [said the Court] of a tribunal which is called
upon to interpret and apply the provisions of a treaty, is to
endeavour to give effect to them in their natural and ordinary
meaning in the context in which they occur. If the relevant words
in their natural and ordinary meaning make sense in their con.cext,
that is an end of the matter. If, on the other hand, the words in
their natural and ordinary meaning are ambiguous or lead to an
resort to other methods of interpretation, seek to ascertain what
the parties really didmean ..."(I.C.J. Reports 1950,p. 8.) On doit donc rechercher d'abord dans le texte de l'alinéa 5 les
éléments pourson interprétation, et c'est seulement si ceux-ci sont
insuffisants qu'on pourra se fonder sur des éléments extérieurs au

texte. La compétence pour interpréter doit s'en tenir au texte
quand celui-ci est clair.
3' L'alinéa j doit êtreinterprété restrictivement.
En premier lieu, parce que cette disposition établit une exception
à la modalité d'acceptation de la clause facultative, laquelle norma-
lement se fait par le moyen d'une déclaration unilatérale, comme
l'indique l'alinéa2 de l'article 36 du Statut.

Le système de l'acceptation de la clause facultative est dominé
et régipar un principe adopté par le présent Statut, comme il avait
déjà été admispar l'ancien Statut. Ce principe est qu'une telle
acceptation est toujours facultative et particulière, et non pas obli-
gatoire et générale,c'est-à-dire que la jvridiction de la Cour ne
peut en aucun cas être imposée à un Etat par d'autres Etats.
L'adhésion à la clause facultative par un gouvernement est une
décision politique.
L'alinéa 5 prévoit un régime d'acceptation de la juridiction de
la Cour collectif et automatique pour certains Etats liésau Statut
de la Cour permanente de Justice internationale.

Ce paragraphe est donc une dérogation au droit commun en
matière d'acceptation de la clause facultative, car il considère cer-

tains Etats ayant fait certaines déclarations en application de
l'article 36 de l'ancien Statut comme acceptant la juridiction de la
nouvelle Cour sur la base de leurs déclarations antérieures. Ces
États se trouvent ainsi liésà la juridiction de la Cour internationale
de Justice sans avoir fait de déclaration volontaire et unilatérale.
La reconnaissance de la juridiction de la Cour, qui ressort de l'ali-
néa 5, doit se maintenir dans ses termes exprès, sans pouvoir
s'étendre par voie d'interprétation à d'autres cas non compris
dans cette norme.
D'autre part, le paragraphe en question revêt la forme d'une
fictionlégale - solution plus ou moins empirique et de pure tech-
nique juridique; elle a étéconstruite en vue de sauvegarder certains
intérêtsnettement déterminés. Quand le droit s'exprime par un tel
procédé, soninterprétation ne doit pas dépasser leslimites imposées

par la formule légale; elle doit êtrecontenue dans la lettre de son
texte : toute proposition d'interprétation extensive doit êtreici
rejetée.
4OLne saine interprétation de l'alinéa 5 doit tenir compte, en
tout premier lieu et essentiellement, de son texte précis, afin de
dégager son contenu.

Il est bien connu que les déclarations d'acceptation de la clause
facultive de la Cour permanente de Justice internationale et de la
Cour internationale de Justice peuvent être de deux sortes: décla- Consequently, elements for the interpretation of paragraph 5must
in the first place be sought in the text itself, and it only if those
elements are insufficient that reliance may be placed upon elements
extraneous to the text. When a text is clear, competence to inter-
pret must be confined to the text itself.
3. Paragraph 5 must be construed restrictively.
In the first place,ecause that paragraph lays down an exception
to the manner of acceptance of the Optional Clause, normally

effected by means of a unilateral declaration, as indicated in para-
graph 2 of Article 36 of the Statute.
The system of acceptance of the Optional Clause is dominated and
governed by a principle adopted in the present Statute and already
recognized bythe old Statute. That principle is that such acceptance
is always optional and particular and not compulsory and general,
i.e. in no case can the jurisdiction of the Court be imposed upon
a Stateby other States. Adherence by a government to the Optional
Clause constitutes a political decision.

Paragraph 5 makes provision for a collective and automatic
regime of acceptance of the jurisdiction of the Court in respect of
certain States bound by the Statute of the Permanent Court of
International Justice.
This paragraph therefore constitutes a derogation from the
general law in the matter of acceptance of the Optional Clause,
for it regards certain States having made certain declarations
under Article 36 of the old Statute as having accepted the juris-

diction of the new Court on the basis of their former declarations.
Such States are therefore bound by the jurisdiction of the Inter-
national Court of Justice without their having made any voluntary
and unilateral declaration. The recognition of the jurisdiction of
the Court which follows from paragraph 5 must be confined to
the express terms of the paragraph and may not be extended, by
means of interpretation, to other cases not included in this provision.
Furthermore, the paragraph in question assumes the form of a
legal fiction-to a certain extent an empirical, and purely technical,
legal solution; this solution was devised in order to safeguard
certain clearly defined interests. When the law is expressed in
such a manner, its interpretation must not exceed the limits
imposed by the legal formula; the interpretation must be contained
in the letter of the text itself: any proposa1 of an extensive inter-
pretation must here be rejected.

4. A sound interpretation of paragraph 5 must have regard
primarily and essentially for its precise text, in order that its
content may be ascertained.
It is a well-known fact that declarations accepting the Optional
Clause of the Permanent Court of International Justice and of
the International Court of Justice may be of two kinds :declarations

30rations d'acceptation sans durée déterminéeou sans terme, dont
les effets sont immédiats et pour toujours, et déclarations d'accep-
tation avec durée déterminée ou avec terme, qui ne produisent
d'effets que pour la durée qui leur a étéfixéepar le gouvernement
déclarant. Ces différentes modalités d'acceptation de la clause
facultative étaient naturellement présentes à l'esprit des rédacteurs
de l'alinéa 5.Le texte de cet alinéa mentionne seulement les décla-

rations qui sont «pour une durée qui n'est pas encore expirée »et
qui comportent l'acceptation de la juridiction de la Cour inter-
nationale de Justice «pour une durée restant à courir d'après ces
déclarations ». Ces deux phrases visent clairement des déclarations
avec une durée déterminéeet se réfèrent à des actes juridiques
avec un terme extinctif. Elles n'auraient pas de sens raisonnable si
on voulait les appliquer à des déclarations faites ((sans limitation
de durée 1) et n'ayant pas en conséquence de ((durée restant à
courir 1)La légère différencede rédaction entre le texte anglais et
le texte français de l'alinéa 5 de l'article 36 n'invalide pas cette

interprétation du texte, dans les deux langues; il est évident que
les seules déclarations viséespar l'alinéasont les déclarations avec
délaidéterminé.

L'alinéa en question ne prévoit donc pas les déclarations faites
sans délai, c'est-à-dire sans un espace de temps à courir. Affirmer
qu'une obligation a ((une durée restant à courir »suppose nécessai-
rement une échéance à l'obligation.

La mention que l'alinéa 5fait des déclarations au délai déterminé
emporte l'exclusion des autres déclarations sans délai.

Dans la sauvegarde qu'il organisait de certaines déclarations
visant la juridiction de la Cour permanente de Justice internatio-
nale, l'alinéa 5 n'a pas compris la déclaration du Royaume de
Bulgarie, signée le 12 août 1921, laquelle acceptait la juridiction
de cette Cour ((purement et simplement »et sans délai, comme le
permettait l'alinéa 3 de l'article 36 de l'ancien Statut.

La rédaction très soigneuse del'alinéa 5,en faisant des distinctions
entre les diverses catégories de déclarations alors existantes, évitait
aux États quiavaient fait desdéclarations sans délaileursoumission
permanente à la juridiction de la Cour internationale de Justice.

C'est le cas d'appliquer la vieille règle: bene indicat qui bene
distinguit.
L'acceptation de la thèse donnant plein effet à l'alinéa5 pour

toutes les déclarations, sans aucune distinction entre celles qui sont
sans délaiet celles qui sont avec délai, conduirait à lier la Bulgarie
à la clause facultative définitivement et pour tous les différends
rentrant dans cet engagement et sans limitation de temps. Telleof acceptance without a fixed period of time or fixed term, the
effects of which are immediate and for evel, and declarations of
acceptance with a fixed period of time or fixed term, which produce
effects only for the period fixed in them by the declarant State.
These different ways of acceptine the Optional Clausewere naturally
in the minds of the draftsmen of paragraph 5. The text of this
paragraph refers only to declarations which are."pour .une durée
qui n'est pas encore expirée" (for a period which has not yet
expired) and which involve acceptance of the jurisdiction of the
International Court of Justice "for the period which they still
have to run". These two expressions clearly relate to declarations
made for a certain time and refer to legal instruments which expire
after a fixed period. The two expressions would have no reasonable
meaning if it were sought to apply them to declarations which were
made without a time limitation and in respect of which there was
therefore no "period which they stiil have to run." The slight
drafting difference between the English and French texts of
paragraph 5 of Article 36 does not invalidate this interpretation
of the text, in the two languages. It is clear that the onlydeclara-
tions referred to in the paragraph are declarations with a fixed
time-limit .
The paragraph in question does not therefore contemplate
declarations made without a time-limit, i.e. declarations which
do not have a period of time to run. To assert that an obligation

has "a period still to run" necessarily presupposes that the obli-
gation will expire on a certain date.
The fact that paragraph 5 refers to declarations made for a
certain time involves the exclusion of other declarations which
have no fixed term.
In providing for the preservation of certain declarations relating
to the jurisdiction of the Permanent Court of International Justice,
paragraph 5 did not include the declaration of the Kingdom of
Bulgaria, signed on August ~zth, 1921, which accepted the juris-
diction of that Court "unconditionally" and without any fixed
term, as was permissible under paragraph 3 of Article 36 of the
old Statute.
The very careful drafîing of paragraph 5, which draws a distinc-
tion between the various categories of declarations thenin existence,
avoided the situation in which States having made declarations
without a time-limit would have been permanently bound by the
jurisdiction of the International Court of Justice.
This is a case for the application of the old rule: bene indicat
qui bene distinguit.
To accept the view that full effect ought to be given to para-
graph 5 in respect of all declarations, without distinguishing
between those which have no fixed period and those which do,
would lead to binding Bulgaria to the Optional Clause definitively

in respect of all disputes falling within this undertaking andn'a pu êtrela volontéqu'a voulu exprimer cet alinéa, et lui attribuer
ce sens dépasserait son texte limitatif. La fiction légale de cette
disposition ne peut prétendre à une telle ampleur qui déborderait
évidemment le contenu de son texte formel. Imposer à la Bulgarie

un tel engagement juridictionnel qui l'affecterait àperpétuiténéces-
siterait une règle ne laissant aucun doute sur ce point. Or le texte
de l'alinéa5ne se prêtepas à de sigraves conséquences;il faut donc
le rétablir dans son sens littéral, sans qu'aucune considération
étrangèreà son texte puisse prévaloir. Il faut appliquer la disposi-
tion légale dont la formule est claire, sans en rien retrancher ni
sans rien y ajouter.

Il faut remarquer que le but pratique cherchépar l'alinéa 5 de
l'article 36 n'était autre que celui de faciliter l'exercice immédiat
de la juridiction obligatoire de la nouvelle Cour, ce qui s'assurait
largement avec les déclarations avec délai déterminé.Il n'est donc
pas autorisé de faire de l'interprétation extensive là où rien ne
l'exige. Les conséquences claires et précises d'un texte ne sont
autres que celles que ce texte a voulu; lui en attribuer d'autres
suppose une modification abusive dutexte.

La présente argumentation n'a pas étédiscutée pendant les plai-
doiries, mais rien ne fait obstaclà son admission, selon le principe
bien connu et appliqué par la jurisprudence internationale en ma-
tière procédurale que le tribunal peut chercher d'office et choisir la
base juridique pour appuyer sa décisionsur les conclusions finales
des parties - iura novit curia.

En conséquence, la déclaration bulgare ne peut être considérée
comme viséepar l'alinéa 5.
J'aurais désiréque la Cour eût fondé uniquement son arrêt sur
les motifs qui viennent d'êtreexposéssommairement. Elle a préféré
une autre énonciation, sans cependant avoir rejeté l'interprétation
exposée dans la présente note.

(Signé) ARMAND-UGON.without any limitation of time. This cannot have been the will

which that paragraph purported to express and to attribute this
meaning to it would go beyond the limits of its restrictive text.
It cannot be held that the legal fiction embodied in this provision
can be so extended for it would then manifestly go beyond the
content of its forma1 terms. To impose upon Bulgana such an
undertaking in the matter of jurisdiction which would affect
Bulgaria in perpetuity would require a rule leaving no doubt on
this point. The text of paragraph j, however, does not involve
such grave consequences; the text must therefore be re-established
in its literal meaning and no consideration extraneous toits wording
can be allowed to prevail. The legal provision which is formulated
in clear terms must be applied without adding anything to, or
without taking anything from, it.
It should be observed that the practical purpose which para-
graph j of Article 36 sought to achieve was none other than to
facilitate the immediate exercise of the compulsory jurisdiction
of the new Court; this was amply assured by the declarations
having a fixed term. It is not permissible to indulge in extensive

interpretation where there is nothing to require such an inter-
pretation. The clear and precise consequences of a text are none
other than those intended by that text; to seek to attributeother
consequences to it presupposes an unjustified modification of
the text.
This argument was not discussed in the oral proceedings; there
is, however, nothing to prevent the argument being upheld, in
accordance with the weil-known principle applied by international
courts in procedural matters, that the Court may proprio motu
seek and select the legal basis for its decision on the final sub-
missions of the Parties-iura novit cwria.

Consequently, it cannot be considered that paragraph 5 refers
to the Bulganan Declaration.
1 should have desired that the Court base its Judgment solely on
the grounds which have just been set out in summary form. The
Court has preferred a different formulation although it has not

rejected the interpretation set out in the present Opinion.
(Signed) ARMAND-UGON.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Armand-Ugon

Links