Opinion dissidente de M. Morozov (traduction)

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054-19720818-JUD-01-08-EN
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054-19720818-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. MOROZOV

[Traduction]

J'ai voté en faveurdu paragraphe 1du dispositif de l'arrêt,où la Cour
((dit qu'elle est compétente pour connaître de l'appel de l'Inde ». J'ai

votécontre le paragraphe 2 de l'arrêt,où la Cour ((déclareque le Conseil
de l'organisation de l'aviation civile internationale est compétent pour
connaître de la requêteet de laplainte dont leGouvernement pakistanais
l'a saisi le mars 1971et rejette en conséquence l'appelinterjeté devant
elle par le Gouvernement indien contre la décisionpar laquelle le Conseil
s'est déclaré compétens tur ces demandes 1).
Les raisons de mon attitude sont les suivantes:

A mon avis, l'arrêt présentement rendupar la Cour internationale de
Justice, qui statue comme juridiction d'appel pour la première fois de son

histoire, crée unprécédenttrompeur et fâcheux pour I'activitéfuture de la
Cour dans ce domaine.
L'arrêtne tient aucun compte des violations de la Convention relative
à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944,de l'Accord relatif
au transit des services aériens internationaux de la mêmedate, du Règle-
ment pour la solution des différends etdu règlementintérieurdu Conseil
de I'OACI, que le Conseil a commises en délibérantsur la question de sa
compétencedans l'affaire Pakistan c. Inde.
Etantdonné que le Conseil de I'OACIexaminait lui aussi la question de
sa compétencepour la première fois de son histoire, méconnaître ainsi

ces violations risquerait de créer un précédenttrompeur et fâcheux pour
l'activitéfuture du Conseil statuant comme organe judiciaire chargé dela
solution pacifique des différendsentre les Etats membres de I'OACI.

A la séance du29juillet 1971,le Conseil de I'OACI a achevéles débats
relatifsà la question de sa compétenceen procédant à un scrutin dans des
conditions irrégulièressur certaines questions que son président avait
formulées; mais, comme on le verra plus loin, aucun projet de décision
n'étaiten réalité misaux voix. Le Conseilde I'OACI n'a doncjamais rendu
de décisionécrite susceptiblede révéler envertu de quellejustification et de

quels motiJs son président,à fa séancedu 29juillet 1971, a déclaréque le
Conseilétait compétentpour connaître de la requéteet de lapluinte.

Cela étant, une seule possibilité s'ouvraità la Cohr: renvoyer l'afaire
devant le Conseil de I'OACI pour qu'il examine et tranche une naui~ellefois
la question de sa compétenceconformr'mentaux dispositions de la Conren-
tion de Chicago, de /'Accord de transit, du Règlement pour la solution desdifférendsadoptépar le Conseil lui-mêmeet de son règlement intérieur.

Au lieu d'agir ainsi et malgré l'absencede tout argument ou motif par
lequel le Conseil de I'OACI aurait pu fournir à une juridiction d'appel
les éléments nécessairep sour exercer son pouvoir de contrôle, la Cour,
en rendant le présentarrêt, s'est comportéeen réalité commesi elle était
le Conseil de I'OACI lui-même; elle a abordé un certain nombre depro-

blèmes relatifs au fond de l'affaire, qui se rattachaient étroitement à la
question de la compétencedu conseil.
II faut souligner que plusieurs de ces problèmes se rapportaient, dans
une certaine mesure, à la solution de la question de la compétence de
I'OACI, mais ce que je veux dire, c'est que ces problèmes doiventêtre
examinés dèsle départ eten tout premier lieu par leConseil de I'OACI lui-
même. II n'appartient pas à unejuridiction d'appel d'assumer le r81e qui

appartient en propre à lajuridiction inférieure.
La conception que la Cour se fait de son rôle de juridiction d'appel
est empreinte aussi d'un certain illogisme. Les paragraphes 44 et 45 de
l'arrêt rappellentque, selon I'lnde, la décisionpar laquelle le Conseil s'est
déclaré compétent a étv éiciéepar diverses irrégularités de procédureet
devrait donc être déclarée nulle et de nul effet. Mais la Cour n'évoque
cette question que pour dire qu'elle ne pense pas qu'il soit nécessaireni
mêmeopportun d'examiner cepoint en détail »,cequi ne l'empêche pas de

conclure, dans la mêmephrase, que «les irrégularitésalléguées ne consti-
tuent pas une atteinte fondamentale aux exigencesd'une bonneprocédure a
(les italiques sont de nous). Elle parvient à cette conclusion sans même
essayer d'examiner point par point les arguments présentéspar l'Inde à
ce sujet et sans énumérerles irrégularitésdont l'Inde fait état.La Cour a
été réduite àceprocédé parce qu'elleseheurtait au fait que l'accumulation
quantitative des irrégularités aeu un effet qualitatif, de soite que toutes
les délibérationsdu Conseil sur la question de sa compétences'en sont

trouvéesfaussées.
Les phrases figurant dans I'arrêt: ((Dans la présente instance, sa tâche
[la tâche de la Cour] est de dire si le Conseil est compétent en l'espèce.
C'est là une question juridique objective dont la réponse ne saurait
dépendre de ce qui s'est passé devant le Conseil ))n'ajoutent rien aux
arguments présentésprécédemmentpar la Cour. Pour moi, ce n'est pas
une analysejuridique correcte du rôle d'une juridiction d'appel, mais une

preuve supplémentaire de ce que l'instance supérieure essaie d'assumer
elle-mêmeles fonctions qui appartiennent en propre à la juridiction
inférieure.
Vient ensuitecette affirmation :IPuisque la Cour conclutà la compétence
du Conseil, les irrégularitésde procédure,à les supposer i~érifiée s, ront
pour seul résultat qu'il sera parvenu à la décision qui convient d'une
manière erronée: ilaura tout de mêmeabouti au bon résultat. ))(Les
italiques sont de nous.)

La première partie de cette déclaration montre que l'arrêtne peut nier
qu'il y ait eu en fait certaines ccirrégularités))mais n'en a pas tenucompte, qu'il part àtort de l'hypothèseque la Cour peut se substituer au
Conseil lui-mêmedans le rôle propre àcelui-ci. Aussi, en dernièreanalyse,
l'unique motif fourni parl'arrêt pour expliquer que la Cour n'ait pas
examiné en détail la question des irrégularités est la mZme hypothèse

fallacieuse et qui suppose le problème résolu.La fin du paragraphe où il
est dit que le Conseil ((sera parvenu à la décision qui convient d'une
manièreerronée »mais qu'il «aura tout de mêmeabouti au bon résultat ))
se rapproche trop de ((lafin justifie les moyenss pour que ce soit là un
argument juridique qui convienne à un tribunal. En réalité,aucune
décisionjudiciaire correctene peutjamais êtreprised'une manièreerronée.
II n'est pas possible de faire une pareille distinction entre la conclusion
laquelle on parvient, la façon dont on y parvient et la forme qu'elle revêt;
commeje l'aidéjàrappelé,aucune décision valabledu Conseil, susceptible
d'êtreportéeen appel devant la Cour, n'ajamais pris forme.

Je regrette de dire que l'effetpratique du passage que je viens de citer
pourrait être d'encouragerle Conseil de I'OACI à employer de nouveau,
pour examiner sa compétence, toutes les mauvaises méthodesde délibé-
ration que l'Inde a justement critiquées et à affaiblir ainsi les garanties
que donnent aux Etats membres l'article 84 de la Convention de Chicago,
le Règlementpour la solution des différendset le règlementintérieurdu
Conseil.
Point n'est besoin d'ajouter que la dernière phrase du paragraphe 45
de l'arrêt,ainsi rédigte:1Si en revanche la Cour s'était prononcéecontre

la compétencedu Conseil, cela aurait infirmé la décisiondu Conseil de se
déclarer compétent,mêmeen l'absence de toute irrégularité » n'ajoute
rien non plus aux arguments que la Cour a déjàprésentés,parce qu'elle
repose enfait sur la mêmehypothèse inexactq euec'est lajuridictiond'appel
et non l'instance inférieurequi devrait régler d'abord la question et
adopter une décision écritedûment motivée.
Je regrette de dire que le Conseil de I'OACI pourrait considérer que la
démarche suivie par la Cour dans son arrêtpréjuge dans une certaine
niesure diverses q~iestionssur lesquelles le Conseil sera appeléà statuer
plus tard.

Il n'est pas nécessairede relater en détailce qui s'estpassà la séance
du Conseil de I'OACI du 29juillet 1971.Qu'il suffisede mentionner les
violations lesplus importantes des textes applicablesqui ont étcommises
par le Conseil au cours de ses débatssur la question de sa compétence.

A ce propos, ily a lieu de rappeler certaines dispositions de la Con-
vention de Chicago de 1944 et de ses annexes ainsi que du règlement
intérieurdu Conseil.
L'article 51 de la Convention de Chicago, qui énumèreles pouvoirs
du président du Conseil, ne lui attribue pas celui de soumettre son

propre projet de décisionau vote du Conseil.
Le droit de présenter un projet de décisionappartient aux membresdu Conseil et à eux seuls. C'est ce que confirment les règles41 et 46 du
règlement intérieurde I'OACI :

(Tout membre du Conseil peut déposer une motion ou un amen-
dement a une motion, sous réserve de l'application des règles
suivantes :
1. ... aucune motion ni aucun amendement ne peut être discuté

tant qu'il n'apas été appuyé ..1)(règle41, par. 1);
((aucune motion ni aucun amendement ne peut être niis aux voix
tant qu'il n'a pas étéappuyé » (règle46).

Dans les comptes rendus de la séancedu 29juillet 1971,on ne trouvc
pas trace d'un projet de décisionsur la question de con~pétencedont le

Conseil aurait étésaisi par l'un quelconque de ses membres. C'est le
président du Conseil qui, contrairement aux dispositions des règles 41
et 46, a conçu et présenté oralementles motions qui ont étéultérieure-
ment mises aux voix lors de cette séance.
Toutes les motions étaient présentéessous forme négative, à savoir:

11i) Le Conseil n'a pas compétence pour connaître du désaccord
exposédans la requêtedu Pakistan en ce qui concerne la Con-
vention relative à l'aviation civile internationale.

ii) Le Conseil n'a pas compétence pour connaître du désaccord
exposédans la requêtedu Pakistan en ce qui concerne l'Accord
relatif au transit des services aériensinternationaux.

iv) Le Conseil n'a pas con~pétencepour connaître de la plainte
du Pakistan. ))(Procès-verbal, questions débattues et décisions
prises, par. 2.)

IIconvient d'observer que la procédure devote définiepar le président
du Conseil était à tel point fausséeque ((ceuxqui estiment que leConseil
n'estpas compétentdoivent dire 11oui ))ceux qui estiment quele Conseil est
compétentdoiilentdire 1non )(procès-verbalde la séancedu Conseil du 29

juillet 1971,mémoiredu Gouvernement indien,annexe E, e), Débat,par.
87).
II est clair que la niise en Œuvre de cctte curieuse procédure pouvait
faire obstacle à l'application correcte de la disposition de la Convention
de Chicagoqui indique la majoritéstatutairement requise pour I'adoption
des décisionsdu Conseil.

De même,au moment du vote sur la cause no 2 (par. 135 a 139 du
procès-verbal de la séancedu Conseil du 29 juillet 197 l), le président
a déclaré: (1Je demanderai aux Etats qui estiment que le Conseil n'est
pas compétent pour connaître de la plainte du Pakistan de le faire savoir
en disant (oui »et à ceuxquirejettentcette thèsededire (1non )),toutcomme
dans le vote qui a eu lieu précédemment )).

La majorité statutairement requise pour l'adoption de toute décision
du Conseil était évidemment de 14 voix (art. 52 de la Convention de CONSEIL DE L'OACI (OP. DISS.MOROZOV) 161

Chicago). A la séancedu 29juillet 1971, le président a annoncé à propos
de la cause no2: (II y a eu une voix pour, 13 voix contre et 3 abstentions ))
(procès-verbal, par. 137; les italiques sont de nous).
Le président a ensuite annoncé: 1l'affirmation que le Conseil n'est pas

compétent n'a pas étéadmise. Nous sommes donc reverius à la situation
antérieure. En d'autres termes, nous continuons à considérer que le
Conseil est compétent ..1)
IIfaut souligner que le président du Conseil a aussi déclaré que la
procédure adoptée (s'applique à cetfe causeet s'appliquerait, r'side~nment,

aufond d'une cause,future » (procès-verbal, par. 66).
11convient de rappeler que la protestation du représentant de l'Inde
contre cette procédure a étérejetée par le président, au motif que ((le
Conseil avait agi jusqu'à présent dans I'hypothèse qu'ilétait compétent,

que l'Inde avait contesté sa compétence et qu'il appartenait par con-
sequent au Conseil de rendre une décision sur cette contestation ...)).
Certains représentants ont appuyé la formulation du président, en
affirmant que le vote avait pour but de déterminer si la contestation

était appuyée et non si le Conseil était compétent (les italiques sont de
nous). (Procès-verbal de la séancedu Conseil, 29 juillet 1971, questions
débattues et décisions prises, par. 2.)
Les arguments employés par le président pour tenter de justifier cette
procédure, à savoir qu'une aexception n opposée à la compétence qu'il

s'agit de déterminer doit être considéréecomme une ((contestation »,
sont inacceptables et son affirmation selon laquelle le Conseil avait agi
auparavant dans I'hypothèse qu'il était compétent n'est corroborée par
rien dans les procès-verbaux.

Logiquement, cette affirmation doit signifier que la décision relative
à (1I'hypothèse » dont ils'agit avait étéadoptée a quelque date antérieure.
Or, dans les procès-verbaux du Conseil on ne trouve pas trace de I'adop-
tion d'une telle (hypothèse » sous forme d'une décision qu'aurait prise

le Conseil.
Le fait que le 8 avril 1971 le Conseil avait pris une décision fixant un
délai pour le dépôt du contre-mémoire de I'lnde a étémentionné à ce
propos (procès-verbal, par. 67). Cependant, on ne peut voir là une
affirmation de sa compétence par le Conseil, car il s'agissait d'un acte

de procédure des plus usuels, qu'un organe judiciaire ne saurait con-
sidérer comme équivalant à une décision préliminaire en faveur de la
compétence. Le Règlement pour la solution des différends prévoit une
procédure spécialepour l'examen des questions de compétence. L'article

5 de ce règlement dispose:

(1) Le défendeur qui excipe de l'incompétence du Conseil à
connaître de l'affaire soumise par le demandeur, doit soulever une
exception préliminaire motivée.

4) Si une exception préliminaire est soulevée, le Conseil, après
avoir entendu les parties, rend une décision sur cette question pré- CONSEIL DE L'OACI (OP.DISS.MOROZOV) 162

judicielle,avant toute autre mesure à prendre en vertu du présent
Règlement. ))(Les italiques sont de nous.)

Ainsi, une exception préliminaire d'incompétencene constitue qu'un
point dedkpart de la procédurespéciale quidoit s'acheverpar une décision
rendue sur la question. 11est incontestable que le mot ((question ))utilisé
à l'article 5, signifie la question de savoir si le Conseil est compétent.
En outre, le mot 11décision ))à I'article 5 a le mêmesens que le mot

(1décision )à I'article 15du règlement. IIest inconcevable que I'article 15
concerne uniquement la décision définitivesur le fond du différend et
non la décisionsur la question de compétence. C'estpourquoi la décision
rendue sur la question de compétence doit comporter les éléments
indiqués à I'article 15.
A ce propos, je voudrais me référer à la conclusion à laquelle aboutit

le paragraphe 18de l'arrêt :
((En conséquence, la Cour estime qu'aux fins des clauses juri-

dictionnelles des Traités il ne convient pas de faire de distinction
entre les décisionsdéfinitives du Conseil sur sa compétence et ses
décisionsdéfinitivessur le fond. ))

Ce que je voudrais souligner ici, c'est que la décision que le Conseil
doit prendre en vertu de l'article 5 après avoir entendu les parties doit
comporter tous les klkments knumkrks ci I'article I5,c'est-à-dire que
notamment:

112) La décisiondu Conseil est formuléepar écrit etcontient:

.........................

iv) un résuméde la procédure;
V) les conclusions motivées du Conseil;

.........................

vii) un exposé des votes en Conseil, indiquant si les conclusions
ont été unanimesou votées à la majorité,et mentionnant dans
ce dernier cas le nombre des membres du Conseil qui ont voté
en faveur de ces conclusions ainsi que le nombre de ceux qui
ont votécontre elles ou se sont abstenus.

..........................
4) Le Conseil rend sa décisionau cours d'une séanceconvoquée
spécialement à cet effet et qui a lieu aussitôt que possible après
la fin de la procédure. »

Au lieu de suivre cette procédure normale, le Conseil de I'OACI a en
réalitédonné à entendre que le Irésultat )de sa séancedu 29juillet1971,
SOLIS la forme du scrutin qui y était intervenu, devait êtreconsidéré

comme remplaçant la décision qu'ilincombait au Conseil de prendre.
II y a lieu d'observer que le mot ((décision )),employé à I'article 5 du
règlement, n'est pas l'équivalent du mot((vote )),de mêmeque le mot CONSEIL DE L'OACI (OP.DISS.MOROZOV) 163

((question ))qui figure dans le mêmearticle, n'est pas l'équivalent du
mot eexception ».
Un projet de décision du Conseil ne peut êtreconsidéré comme la

décision qu'à l'issue du scrutin, mais le scrutin n'aboutit à une décision
(au sens de l'article5, rapproché de l'article 15 du règlement) que si un
projet de décision (écrit) proposé par un ou plusieurs membres du
Conseil, a été misaux voix.
Dans l'affaire Pakistan c. Inde devant le Conseil de I'OACI. si un ou

plusieurs membres du Conseil estimaient que celui-ci était compétent,
ils devaient présenter un projet approprié. Ce n'est qu'un tel projet (ou
évidemment le projet de toute autre espèce de décision) que le président
du Conseil avait le droit de mettre aux voix.
L'absence de motifs dans la décisionconstituait aussi une violation du

règlement. Certes, on pourrait soutenir qu'il est permis de considérer
les déclarations faites au cours des débats comme des motifs. Pourtant,
quiconque lit ces déclarations doit bien constater qu'elles se contre-
disaient et s'excluaient mutuellement et ne pouvaient donc guère servir
de base à un exposé des motifs du Conseil pris comme un tout.

A ce propos, je voudrais me reporter à ce que I'on peut lire au para-
graphe 18, alinéa cj, de l'arrêt:

((D'autrepart, de nombreuses affaires portées devant la Cour ont
montré que, si une décisionsur la compétence ne peut jamais régler
directement un point de fond, iln'en est pas moins possible que les
questions auxquelles elle touche ne puissent être dissociéesdu fond.

Il arrive souvent qu'une décision surlu compétencedc;ve aborder le
fond ou dunioins conlporter un certairiexamen dufond. )(Les italiques
sont de nous.)

Cette affirmation est exacte, mais malheureusement le raisonnement
suivi par l'arrêt dans la partie intitulée ((Compétence du Conseil de
I'OACI pour connaître du fond de l'affaire » ne s'y conforme pas.
Logiquement, des dispositions qui s'appliquent au délibérésur la coni-

pétence devant la juridiction d'appel doivent être pareillement observées
par la juridiction inférieure quand elle examine sa compétence.
Je ne saurais donc appuyer le paragraphe 2 du dispositif de l'arrêt;
j'ai tenu à dire pourquoi dans cette opinion dissidente car, dans mon
esprit, les questions sur lesquelles j'ai attiré l'attention présentent de

l'importance à la fois pour statuer en la présente affaire et pour qu'à
l'avenir le Conseil de I'OACI respecte dûment les dispositions de la
Convention de Chicago, de l'Accord de transit, de son propre règlement
intérieur et du Règlement pour la solution des différends; il le faut en
effet si I'on veut que l'activité judiciaire du Conseil inspire confiance

comme mode de règlement pacifique des différends entre les Etats
membres de I'OACI.

(Signé) Platon Mo~ozov.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE MOROZOV

1 voted in favour of paragraph 1 of the operative part of the Judgment
in which the Court "finds that it has jurisdiction to entertain India's
appeal". 1voted against paragraph 2 of the Judgment in which the Court
"holds the Council of the International Civil Aviation Organization to
be cornpetent to entertain the Application and Complaint laid before it
by the Governrnent of Pakistan on 3 March 1971 ; and in consequence,
rejects the appeal made to the Court by the Government of India against
the decision of the Council assurning jurisdiction in those respects".
My reasons are the following:

1 consider that the Judgment now delivered by the International

Court of Justice, acting for the first time in its history as a court of
appeal, creates a misleading and regrettable precedent for the future
activity of the Court in this field.
The Judgment ignores the violations of the Convention on Inter-
national CivilAviation of 7December 1944,the International Air Services
Transit Agreement of the same date, the Rules for the Settlernent of
Differences and the Rules of the ICAO Council which were cornrnitted
by the Council in the process of deliberation on the question of its
jurisdiction in the case Pakistan v. India.
Taking into account also that this was the first time in its history
that the ICAO Council was called upon to consider the question of its
jurisdiction, thus to ignore these violations could create a rnisleading
and regrettable precedent for the future activity of the Council when it
acts as a judicial body for the peaceful settlement of disputes between
the rnernber States ofICAO.
At the meeting of 29 July 1971, the ICAO Council completed its
deliberations on the question of its jurisdiction by taking a vote in an
improper way on certairl questions put before it by its President, but

as will be shown below, no draft decision was, as a matter of fact, the
subject of this voting. Consequently,the ICAO Council neverdeliveredany
writtendecision on the matter which couldmake manifest the basisof and
reasonsfor the staternent which was made by its President ut the meeting
of the Council on 29 July 1971 to the efJèct that it was cornpetent to
consider the Application and Complaint.
In these circumstances, the only possible course for the Court was
to send the case back to the ICAO Councilfor a new consideration and
settlement of the question of its jurisdiction on the basisof, and incon-
forrnity with,the provisions of the Chicago Convention,the Transit Agree- OPINION DISSIDENTE DE M. MOROZOV

[Traduction]

J'ai voté en faveurdu paragraphe 1du dispositif de l'arrêt,où la Cour
((dit qu'elle est compétente pour connaître de l'appel de l'Inde ». J'ai

votécontre le paragraphe 2 de l'arrêt,où la Cour ((déclareque le Conseil
de l'organisation de l'aviation civile internationale est compétent pour
connaître de la requêteet de laplainte dont leGouvernement pakistanais
l'a saisi le mars 1971et rejette en conséquence l'appelinterjeté devant
elle par le Gouvernement indien contre la décisionpar laquelle le Conseil
s'est déclaré compétens tur ces demandes 1).
Les raisons de mon attitude sont les suivantes:

A mon avis, l'arrêt présentement rendupar la Cour internationale de
Justice, qui statue comme juridiction d'appel pour la première fois de son

histoire, crée unprécédenttrompeur et fâcheux pour I'activitéfuture de la
Cour dans ce domaine.
L'arrêtne tient aucun compte des violations de la Convention relative
à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944,de l'Accord relatif
au transit des services aériens internationaux de la mêmedate, du Règle-
ment pour la solution des différends etdu règlementintérieurdu Conseil
de I'OACI, que le Conseil a commises en délibérantsur la question de sa
compétencedans l'affaire Pakistan c. Inde.
Etantdonné que le Conseil de I'OACIexaminait lui aussi la question de
sa compétencepour la première fois de son histoire, méconnaître ainsi

ces violations risquerait de créer un précédenttrompeur et fâcheux pour
l'activitéfuture du Conseil statuant comme organe judiciaire chargé dela
solution pacifique des différendsentre les Etats membres de I'OACI.

A la séance du29juillet 1971,le Conseil de I'OACI a achevéles débats
relatifsà la question de sa compétenceen procédant à un scrutin dans des
conditions irrégulièressur certaines questions que son président avait
formulées; mais, comme on le verra plus loin, aucun projet de décision
n'étaiten réalité misaux voix. Le Conseilde I'OACI n'a doncjamais rendu
de décisionécrite susceptiblede révéler envertu de quellejustification et de

quels motiJs son président,à fa séancedu 29juillet 1971, a déclaréque le
Conseilétait compétentpour connaître de la requéteet de lapluinte.

Cela étant, une seule possibilité s'ouvraità la Cohr: renvoyer l'afaire
devant le Conseil de I'OACI pour qu'il examine et tranche une naui~ellefois
la question de sa compétenceconformr'mentaux dispositions de la Conren-
tion de Chicago, de /'Accord de transit, du Règlement pour la solution desment, and ifs own Rulesfor the Settlement of Difrrrcnces,as well as the
Rulesof Procedureof the Council.
Instead of adopting that course of action and despite the absence of
any arguments and reasons of the ICAO Council which could provide a
court of appeal with the material necessary for the implementation of
its rights of supervision, the Court, by delivering its present Judgrnent,

has in eflect acted asifit was the ICAO Councililself, and touched on a
nurnber of problerns related to the rnerits which were closely connected
with the question of jurisdiction of the Council.
It is necessary to ernphasize that sorne of these problerns were, to a
certain extent, related to settlernent of the question of the jurisdiction of
the ICAO, but the pointis that they should beconsideredfrom the very
beginning,andin theJirst instanceby the ICAO Councilitself. Ir is notfor

a court of appeal to substitute its own activity ,for the proper activity of
the lower court.
There is also a lack of consistency in the Court's approach to its
role as a court of appeal. In paragraphs 44 and 45, reference is made to
India's contention that the Council's decision assurning jurisdiction was
vitiated by various procedural irregularities, and should therefore be
declared nuIl and void. But the Court mentions the matter only to
declare that it "does not deern it necessary or even appropriate to go

into" it. Yet in the sarne breath, the Court reaches the conclusion that
"the alleged irregularities do not prejudice in any fundarnental way the
requirements of a just procedure" (ernphasis added). This conclusion
was reached without any atternpt to carry out a point-by-point examina-
tion of the Indian arguments on the rnatter, and without even enurnerating
the irregularities cornplained of. The Court was obliged to do this
because it was faced with the fact that the quantitative accumulation of

the irregularities had a qualitative effect and as a consequence of this
distorted al1 the Council's deliberations on the question of its com-
petence.
The staternent in the Judgment that "The Court's task in the present
proceedings is to give a ruling as to whether the Council has jurisdiction
in the case. This is an objective question of law, the answer to which
cannot depend on what occurred before the Council", adds nothing to

the Court's previous arguments. Tt is, from my point of view, not a
correct legal analysis of the role of a court of appeal, but only new
evidence of attempts by the higher court to substitute its own activity
for the proper activity of the lower court.

There follows the staternent that "Since the Court holds that the
Council did anddoeshavejurisdiction, then ifthere wereinfact procedural

irregularities,he position would be that the Coyncil would have reached
the right conclusion in the wrong way. Nevertheless it would have
reached the right conclusion." (Eniphasis added.)
The first part of this staternent is evidence that the Judgment as a
rnatter of fact could not deny the existence of sonje "irreg~ilarities", butdifférendsadoptépar le Conseil lui-mêmeet de son règlement intérieur.

Au lieu d'agir ainsi et malgré l'absencede tout argument ou motif par
lequel le Conseil de I'OACI aurait pu fournir à une juridiction d'appel
les éléments nécessairep sour exercer son pouvoir de contrôle, la Cour,
en rendant le présentarrêt, s'est comportéeen réalité commesi elle était
le Conseil de I'OACI lui-même; elle a abordé un certain nombre depro-

blèmes relatifs au fond de l'affaire, qui se rattachaient étroitement à la
question de la compétencedu conseil.
II faut souligner que plusieurs de ces problèmes se rapportaient, dans
une certaine mesure, à la solution de la question de la compétence de
I'OACI, mais ce que je veux dire, c'est que ces problèmes doiventêtre
examinés dèsle départ eten tout premier lieu par leConseil de I'OACI lui-
même. II n'appartient pas à unejuridiction d'appel d'assumer le r81e qui

appartient en propre à lajuridiction inférieure.
La conception que la Cour se fait de son rôle de juridiction d'appel
est empreinte aussi d'un certain illogisme. Les paragraphes 44 et 45 de
l'arrêt rappellentque, selon I'lnde, la décisionpar laquelle le Conseil s'est
déclaré compétent a étv éiciéepar diverses irrégularités de procédureet
devrait donc être déclarée nulle et de nul effet. Mais la Cour n'évoque
cette question que pour dire qu'elle ne pense pas qu'il soit nécessaireni
mêmeopportun d'examiner cepoint en détail »,cequi ne l'empêche pas de

conclure, dans la mêmephrase, que «les irrégularitésalléguées ne consti-
tuent pas une atteinte fondamentale aux exigencesd'une bonneprocédure a
(les italiques sont de nous). Elle parvient à cette conclusion sans même
essayer d'examiner point par point les arguments présentéspar l'Inde à
ce sujet et sans énumérerles irrégularitésdont l'Inde fait état.La Cour a
été réduite àceprocédé parce qu'elleseheurtait au fait que l'accumulation
quantitative des irrégularités aeu un effet qualitatif, de soite que toutes
les délibérationsdu Conseil sur la question de sa compétences'en sont

trouvéesfaussées.
Les phrases figurant dans I'arrêt: ((Dans la présente instance, sa tâche
[la tâche de la Cour] est de dire si le Conseil est compétent en l'espèce.
C'est là une question juridique objective dont la réponse ne saurait
dépendre de ce qui s'est passé devant le Conseil ))n'ajoutent rien aux
arguments présentésprécédemmentpar la Cour. Pour moi, ce n'est pas
une analysejuridique correcte du rôle d'une juridiction d'appel, mais une

preuve supplémentaire de ce que l'instance supérieure essaie d'assumer
elle-mêmeles fonctions qui appartiennent en propre à la juridiction
inférieure.
Vient ensuitecette affirmation :IPuisque la Cour conclutà la compétence
du Conseil, les irrégularitésde procédure,à les supposer i~érifiée s, ront
pour seul résultat qu'il sera parvenu à la décision qui convient d'une
manière erronée: ilaura tout de mêmeabouti au bon résultat. ))(Les
italiques sont de nous.)

La première partie de cette déclaration montre que l'arrêtne peut nier
qu'il y ait eu en fait certaines ccirrégularités))mais n'en a pas tenu159 ICAO COUNCIL (UISS. OP.MOROZOV)

ignored them, on the basis of the wrong assumption that the activity of
the Court itself could replace the proper activity of the Council. So
ultimately the only ground advanced in the Judgnient to justify refraining

from going into details of the irregularities is this same incorrect as-
sumption, which begs the whole question. The latter part of this state-
ment, to the effect that "the position would be that the Council would
have reached the right conclusion in the wrong way" but that "never-
theless it would have reached the right conclusio~i", to my inind goes
too near saying that "the end justifies the means" to be a proper legal

argument for a court to use. The case is that the righfjudiciuldecision
can never be reached by the wrong way. lt is not possible to make such
a distinction between the conclusion reached, and the way in which it is
reached and the form in which it is enibodied; as 1have already stated,
no valid decision of the Council, against which appeal lies to this Court,
ever came into existence.

To my regret the practical effect of the passage 1 have quoted could
be to encourage the ICA0 Council to repeat al1 the improper methods
of deliberation on the question of its competence, which India has
rightly criticized, and thereby weaken the guarantees afforded to member
States by Article 84 of the Chicago Convention, the Rules for the Settle-
ment of Differences, and the Council's Rules of Procedure.

It is not necessary to add that the final sentence in paragraph 45 ofthe
Judgment, which reads: "If, on the other hand, the Court had held that
there was and is no jurisdiction, then, even in the absence of any irregu-
larities, the Council's decision to assume it would have stood reversed",
also adds nothing to the Court's previous arguments, because, in fact,

it is based on the same incorrect assumption that the court of appeal
but not the lower court should settle the matter first, and sliould adopt
a written decision with the relevant reasoning.
1should say that to my regret the approach which was adopted in the
Judgment might be understood by the ICA0 Colincil as involving some

pre-judgment of matters to be decided in the future by the Council.

There is no need to describe in detail what happened at the meeting
ofthe lCAO Council held on 29 July 1971. lt will be enough to mention
the most important infringements of the relevant instruments which were
committed by the Council in the course of the deliberations on the
question of its jurisdiction.

In this connection it is necessary to recall some of the provisions of the
Chicago Convention of 1944 and its Annexes, as well as the Rules of
Procedure of the Council.
Article 51 of the Chicago Convention, which describes the riglits of
the President of the Council, does not include the right to prcsent his
own draft of a decision for voting in the Council.

The right to present a draft decision belongs to the members of thecompte, qu'il part àtort de l'hypothèseque la Cour peut se substituer au
Conseil lui-mêmedans le rôle propre àcelui-ci. Aussi, en dernièreanalyse,
l'unique motif fourni parl'arrêt pour expliquer que la Cour n'ait pas
examiné en détail la question des irrégularités est la mZme hypothèse

fallacieuse et qui suppose le problème résolu.La fin du paragraphe où il
est dit que le Conseil ((sera parvenu à la décision qui convient d'une
manièreerronée »mais qu'il «aura tout de mêmeabouti au bon résultat ))
se rapproche trop de ((lafin justifie les moyenss pour que ce soit là un
argument juridique qui convienne à un tribunal. En réalité,aucune
décisionjudiciaire correctene peutjamais êtreprised'une manièreerronée.
II n'est pas possible de faire une pareille distinction entre la conclusion
laquelle on parvient, la façon dont on y parvient et la forme qu'elle revêt;
commeje l'aidéjàrappelé,aucune décision valabledu Conseil, susceptible
d'êtreportéeen appel devant la Cour, n'ajamais pris forme.

Je regrette de dire que l'effetpratique du passage que je viens de citer
pourrait être d'encouragerle Conseil de I'OACI à employer de nouveau,
pour examiner sa compétence, toutes les mauvaises méthodesde délibé-
ration que l'Inde a justement critiquées et à affaiblir ainsi les garanties
que donnent aux Etats membres l'article 84 de la Convention de Chicago,
le Règlementpour la solution des différendset le règlementintérieurdu
Conseil.
Point n'est besoin d'ajouter que la dernière phrase du paragraphe 45
de l'arrêt,ainsi rédigte:1Si en revanche la Cour s'était prononcéecontre

la compétencedu Conseil, cela aurait infirmé la décisiondu Conseil de se
déclarer compétent,mêmeen l'absence de toute irrégularité » n'ajoute
rien non plus aux arguments que la Cour a déjàprésentés,parce qu'elle
repose enfait sur la mêmehypothèse inexactq euec'est lajuridictiond'appel
et non l'instance inférieurequi devrait régler d'abord la question et
adopter une décision écritedûment motivée.
Je regrette de dire que le Conseil de I'OACI pourrait considérer que la
démarche suivie par la Cour dans son arrêtpréjuge dans une certaine
niesure diverses q~iestionssur lesquelles le Conseil sera appeléà statuer
plus tard.

Il n'est pas nécessairede relater en détailce qui s'estpassà la séance
du Conseil de I'OACI du 29juillet 1971.Qu'il suffisede mentionner les
violations lesplus importantes des textes applicablesqui ont étcommises
par le Conseil au cours de ses débatssur la question de sa compétence.

A ce propos, ily a lieu de rappeler certaines dispositions de la Con-
vention de Chicago de 1944 et de ses annexes ainsi que du règlement
intérieurdu Conseil.
L'article 51 de la Convention de Chicago, qui énumèreles pouvoirs
du président du Conseil, ne lui attribue pas celui de soumettre son

propre projet de décisionau vote du Conseil.
Le droit de présenter un projet de décisionappartient aux membres 160 ICAO COUNCIL (DISSO. P.MOROZOV)

Council and to them alone. This is confirmed by Rules 41 and 46 of the
ICA0 Rules of Procedure:
"Any Member of the Council may introduce a motion or ainerid-
ment thereto, subject to the following rules:

1. ... no motion or amendmeiit shall be discussed unless it has
been seconded .. ."(para. 1,Rule 4 1);
". ..no motion or amendment shall be voted on, unless it has been
seconded" (Rule 46).

There is no trace in the records of the meeting of the Council on 29
July 1971of any draft of the decision on the question of itsjurisdiction
having been presented by any member of the Council. It was the Presi-
dent of the Council who, contrary to the provisions of Articles 41 and
46, devised and formulated orally the n~otionswhich were subsequently
put to the vote at that meeting.
All the motions were presented in negative forin, namely:

"(i) The Council has no jurisdiction to consider the disagrecment
in Pakistan's Application in so far as concerns the Convention
on International Civil Aviation.
(ii) The Council has no jurisdiction to consider the disagreement
in Pakistan's Application in so far as concerns the lnternational
Air Services Transit Agreement.

(iv) The Council has no jurisdiction to consider the complaint of

Pakistan" (Minutes, subjects discussed and action taken, para.
2).
It should be observed that the procedure of voting laid down by the
President of the Council was so distorted that "tliose wlio agree rhat the
Council has nojurisdiction /laite to Say 'Yes', tliose wllo consider tkat the
Councilhasjurisdictionhaive tosay'No'"(Memorial of India, Minutes ofthe
meeting of the Council, 29July 1971,Annex E, (c),Discussion, para. 87).

It is clear that this curious procedure could operate so as to iinpede

the proper application of the provision of the Chicago Convention as to
the statutory majority required for a decision to be adopted by the Coun-
cil.
Again, at the time of the voting on case No. 2 (paras. 135-139of the
Minutes of the Meeting of the Council on 29 July 1971)the President
said, "1 will ask those who think that the Council has no jurisdiction to
consider Pakistan's Complaint to so indicate by saying 'Yes'and those
who disagree with that to'say 'No', as in the vote we took before".

The statutory majority for adoption of every decision of the Council
was of course 14votes (Art. 52of theChicago Convention). At the meetingdu Conseil et à eux seuls. C'est ce que confirment les règles41 et 46 du
règlement intérieurde I'OACI :

(Tout membre du Conseil peut déposer une motion ou un amen-
dement a une motion, sous réserve de l'application des règles
suivantes :
1. ... aucune motion ni aucun amendement ne peut être discuté

tant qu'il n'apas été appuyé ..1)(règle41, par. 1);
((aucune motion ni aucun amendement ne peut être niis aux voix
tant qu'il n'a pas étéappuyé » (règle46).

Dans les comptes rendus de la séancedu 29juillet 1971,on ne trouvc
pas trace d'un projet de décisionsur la question de con~pétencedont le

Conseil aurait étésaisi par l'un quelconque de ses membres. C'est le
président du Conseil qui, contrairement aux dispositions des règles 41
et 46, a conçu et présenté oralementles motions qui ont étéultérieure-
ment mises aux voix lors de cette séance.
Toutes les motions étaient présentéessous forme négative, à savoir:

11i) Le Conseil n'a pas compétence pour connaître du désaccord
exposédans la requêtedu Pakistan en ce qui concerne la Con-
vention relative à l'aviation civile internationale.

ii) Le Conseil n'a pas compétence pour connaître du désaccord
exposédans la requêtedu Pakistan en ce qui concerne l'Accord
relatif au transit des services aériensinternationaux.

iv) Le Conseil n'a pas con~pétencepour connaître de la plainte
du Pakistan. ))(Procès-verbal, questions débattues et décisions
prises, par. 2.)

IIconvient d'observer que la procédure devote définiepar le président
du Conseil était à tel point fausséeque ((ceuxqui estiment que leConseil
n'estpas compétentdoivent dire 11oui ))ceux qui estiment quele Conseil est
compétentdoiilentdire 1non )(procès-verbalde la séancedu Conseil du 29

juillet 1971,mémoiredu Gouvernement indien,annexe E, e), Débat,par.
87).
II est clair que la niise en Œuvre de cctte curieuse procédure pouvait
faire obstacle à l'application correcte de la disposition de la Convention
de Chicagoqui indique la majoritéstatutairement requise pour I'adoption
des décisionsdu Conseil.

De même,au moment du vote sur la cause no 2 (par. 135 a 139 du
procès-verbal de la séancedu Conseil du 29 juillet 197 l), le président
a déclaré: (1Je demanderai aux Etats qui estiment que le Conseil n'est
pas compétent pour connaître de la plainte du Pakistan de le faire savoir
en disant (oui »et à ceuxquirejettentcette thèsededire (1non )),toutcomme
dans le vote qui a eu lieu précédemment )).

La majorité statutairement requise pour l'adoption de toute décision
du Conseil était évidemment de 14 voix (art. 52 de la Convention deon 29 July 1971,the President announced in respect of case No. 2 that,
"There was one vote in favour, 13 votes against, and 3 abstentions".
(Minutes, para. 137, emphasis added.)
The President went on to announce: ". .. ofcourse, the contention that
the Council has no jurisdiction has not passed and therefore we are
where we were, in other words, we shall continue considering that the
Council has jurisdiction ..."
It should be emphasized that the President of the Council also stated
that the procedure adopted "appliesto tliis caseand wouldapply of course
to the substanceof the case intliefuture" (ibid., para. 66).
It should be recalled that the protest of the representative of lndia
against this procedure was rejected by the President, on the ground that
". .. the Council so far had becn proceeding on the assumption that it
did have jurisdiction; lndia had challenged its jurisdiction; the Council
accordingly had now decided on the challenge . ..".Some representatives
supported the President's formulation, maintaining that the purpose of
the vote was to determine whether the challenge was upheld, not il~liefl~er
tlte Council hadjurisdiction (emphasis added). (Minutes of the Meeting
of the Council, 29 July 1971,Subjects discussed and action taken, para.

2.The arguments employed by the President in his attempt to justify this
procedure, namely that an "objection" against jurisdiction for the pur-
pose of the settlement of that question should be considered as a "chal-
lenge" is unacceptable and his assertion that the Council had acted be-

fore on the assumption that it had jurisdiction is unsupported by the
record.
Logically this statement should mean that the decision on the "as-
sumption" referred to had been taken at sonie earlier date. But in the
records of the Council there is no trace of anything to show that such
an "assumption" was adopted at any time by a decision of the Council.

Reference was made to the fact that on 8 April 1971,the Council had
taken a decision fixing a time-limit for the presentation of the Counter-
Mernorial of lndia (Minutes, para. 67). But this cannot be considered
as an affirmation by the Council of itsjurisdiction, because it is a routine
procedural act which could not be considered by a judicial body as an
action arnounting to a preliminary decision in favour of jurisdiction.
The Rules for the Settlement of Differences provide special proceedings
for consideration of questions of jurisdiction. Article 5 of those Rules
provides that :

"(1) Lfthe respondent questions the jurisdiction of the Council
to handle the matter presented by the applicant, he shall file a pre-
liminary objection setting out the basis of the objection.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
(4) If a preliminary objection has been filed, the Council, after
hearing the parties, shall decidethe questionas a preliminary issue CONSEIL DE L'OACI (OP. DISS.MOROZOV) 161

Chicago). A la séancedu 29juillet 1971, le président a annoncé à propos
de la cause no2: (II y a eu une voix pour, 13 voix contre et 3 abstentions ))
(procès-verbal, par. 137; les italiques sont de nous).
Le président a ensuite annoncé: 1l'affirmation que le Conseil n'est pas

compétent n'a pas étéadmise. Nous sommes donc reverius à la situation
antérieure. En d'autres termes, nous continuons à considérer que le
Conseil est compétent ..1)
IIfaut souligner que le président du Conseil a aussi déclaré que la
procédure adoptée (s'applique à cetfe causeet s'appliquerait, r'side~nment,

aufond d'une cause,future » (procès-verbal, par. 66).
11convient de rappeler que la protestation du représentant de l'Inde
contre cette procédure a étérejetée par le président, au motif que ((le
Conseil avait agi jusqu'à présent dans I'hypothèse qu'ilétait compétent,

que l'Inde avait contesté sa compétence et qu'il appartenait par con-
sequent au Conseil de rendre une décision sur cette contestation ...)).
Certains représentants ont appuyé la formulation du président, en
affirmant que le vote avait pour but de déterminer si la contestation

était appuyée et non si le Conseil était compétent (les italiques sont de
nous). (Procès-verbal de la séancedu Conseil, 29 juillet 1971, questions
débattues et décisions prises, par. 2.)
Les arguments employés par le président pour tenter de justifier cette
procédure, à savoir qu'une aexception n opposée à la compétence qu'il

s'agit de déterminer doit être considéréecomme une ((contestation »,
sont inacceptables et son affirmation selon laquelle le Conseil avait agi
auparavant dans I'hypothèse qu'il était compétent n'est corroborée par
rien dans les procès-verbaux.

Logiquement, cette affirmation doit signifier que la décision relative
à (1I'hypothèse » dont ils'agit avait étéadoptée a quelque date antérieure.
Or, dans les procès-verbaux du Conseil on ne trouve pas trace de I'adop-
tion d'une telle (hypothèse » sous forme d'une décision qu'aurait prise

le Conseil.
Le fait que le 8 avril 1971 le Conseil avait pris une décision fixant un
délai pour le dépôt du contre-mémoire de I'lnde a étémentionné à ce
propos (procès-verbal, par. 67). Cependant, on ne peut voir là une
affirmation de sa compétence par le Conseil, car il s'agissait d'un acte

de procédure des plus usuels, qu'un organe judiciaire ne saurait con-
sidérer comme équivalant à une décision préliminaire en faveur de la
compétence. Le Règlement pour la solution des différends prévoit une
procédure spécialepour l'examen des questions de compétence. L'article

5 de ce règlement dispose:

(1) Le défendeur qui excipe de l'incompétence du Conseil à
connaître de l'affaire soumise par le demandeur, doit soulever une
exception préliminaire motivée.

4) Si une exception préliminaire est soulevée, le Conseil, après
avoir entendu les parties, rend une décision sur cette question pré-162 ICAO COUNCIL (DISS. OP.MOROZOV)

before any further steps are taken linder these Rules." (Enlphasis
added.)

Thus a prelirninary objection to the jurisdiction isonly astartingpoint
for the special procedure which should be concluded by a decision on the
question. It is beyond argument that the word "question" used in Article
5 rneans the question whether the Council has jurisdiction.
Furtherrnore, the word "decision" in Article 5 has the same nieaning
as the word "decision" in Article 15 of the Rules. It is impossible to
conceive that Article 15 refers only to the final decision on the merits

of the dispute and not to the decision on the question of jurisdiction.
Therefore, the decision on the question of jurisdiction niust include the
elernents rnentioned in Article 15.
In this connection, 1 would like to refer to tlic conclusion reached in
paragraph 18 of the Judgrnent :

"In consequence, the Court considers that for the purposes of
the jurisdictional clauses of the Treaties, final decisions of the Coun-
cil as to its coinpetence should not be distinguished fioili final de-
cisions on the merits."

What 1 should like to stress now is that the decision wl~ichis to be
taken by the Council in accordance with Article 5 after heariiig the Par-
ties shouldir~cludeni1the elernents enumerated in Article 15,and in parti-

cular :
"(2) The dccision of the Co~incil sliall be in writing and shall
contain :

(iv) a surnrnary of tlie proceediiigs;
(v) the conclusions of the Council togcther with its reasoiis for
reaching thern;

(vii) a statement of the voting in Council showing whctlier thc coii-
clusions were ~inanirnous or by a majority vote, and if by a
rnajority, giviiig the nurnber of Members of the Council who
voted in favour of the conclusions and tlie nuniber of those
who voted against or abstained.

..............................
(4) The decision of the Council shall bc reiidercd at a meeting
of the Co~incil called for that purpose which shall be held as sooii
as practicable after the close of the proceedings."

Instead of following this normal procedure, the ICA0 Council lias
in effect suggested that the "outcorne" of its meeting held on 29 July
1971 in the forni of the voting which then took place, should be treated
as a substitute for the decision which it was bound to take.
It should be pointed out that tlie word "decision" used in Article 5 of

the Rules is not equivalent for the word "voting", just as the word CONSEIL DE L'OACI (OP.DISS.MOROZOV) 162

judicielle,avant toute autre mesure à prendre en vertu du présent
Règlement. ))(Les italiques sont de nous.)

Ainsi, une exception préliminaire d'incompétencene constitue qu'un
point dedkpart de la procédurespéciale quidoit s'acheverpar une décision
rendue sur la question. 11est incontestable que le mot ((question ))utilisé
à l'article 5, signifie la question de savoir si le Conseil est compétent.
En outre, le mot 11décision ))à I'article 5 a le mêmesens que le mot

(1décision )à I'article 15du règlement. IIest inconcevable que I'article 15
concerne uniquement la décision définitivesur le fond du différend et
non la décisionsur la question de compétence. C'estpourquoi la décision
rendue sur la question de compétence doit comporter les éléments
indiqués à I'article 15.
A ce propos, je voudrais me référer à la conclusion à laquelle aboutit

le paragraphe 18de l'arrêt :
((En conséquence, la Cour estime qu'aux fins des clauses juri-

dictionnelles des Traités il ne convient pas de faire de distinction
entre les décisionsdéfinitives du Conseil sur sa compétence et ses
décisionsdéfinitivessur le fond. ))

Ce que je voudrais souligner ici, c'est que la décision que le Conseil
doit prendre en vertu de l'article 5 après avoir entendu les parties doit
comporter tous les klkments knumkrks ci I'article I5,c'est-à-dire que
notamment:

112) La décisiondu Conseil est formuléepar écrit etcontient:

.........................

iv) un résuméde la procédure;
V) les conclusions motivées du Conseil;

.........................

vii) un exposé des votes en Conseil, indiquant si les conclusions
ont été unanimesou votées à la majorité,et mentionnant dans
ce dernier cas le nombre des membres du Conseil qui ont voté
en faveur de ces conclusions ainsi que le nombre de ceux qui
ont votécontre elles ou se sont abstenus.

..........................
4) Le Conseil rend sa décisionau cours d'une séanceconvoquée
spécialement à cet effet et qui a lieu aussitôt que possible après
la fin de la procédure. »

Au lieu de suivre cette procédure normale, le Conseil de I'OACI a en
réalitédonné à entendre que le Irésultat )de sa séancedu 29juillet1971,
SOLIS la forme du scrutin qui y était intervenu, devait êtreconsidéré

comme remplaçant la décision qu'ilincombait au Conseil de prendre.
II y a lieu d'observer que le mot ((décision )),employé à I'article 5 du
règlement, n'est pas l'équivalent du mot((vote )),de mêmeque le mot"question", used in the same Article, is not equivalent for the word

"objections".
A draft of the decision of the Council can be considered as the decision
only after voting, but the voting itself does:not produce a decision (within
the meaning of Article 5 in combination with Article 15 of the Rules)
unless a draft of the decision (in written form) suggested by a member or
members of the Council, has been put to the vote.

In the case of Pakistan v. India in the ICAO Council, any member
or members of the Council who considered that the Council had jurisdic-
tion was under the obligation to present an appropriate draft. Itwas only
such a draft (or of course a draft of some other kind of decision) which
the President of the Council had a right to put to the vote.
The lack of reasons for the decision was another infringement of the
Rules. One could of course argue that the statements made in the course

of the debate may be viewed as such reasons. However a reader of these
statements is bound to find that they were conflicting and mutually
exclusive and therefore could hardly serve as a basis for reasoning by the
Council as a whole.
In this connection 1should like to refer to a statement in theJudgment
(sub-para. (c),para. 18):

"At the same time, many cases before the Court have shown that
although a decision on jurisdiction can never directly decide any
question of merits, the issues involved may be by no means divorced
from the merits. A jurisdictional decision may often have to touch

upon the latter or at Ieast involve some consideration of them."
(Emphasis added.)

This statement is correct, but unfortunately the reasoning in the Judg-
ment-in the section headed "Jurisdiction of the Council of ICAO to
entertain the merits of the casew-is not in accord with it. Logically,
provisions which are valid for the deliberations on the question of juris-
diction in the court of appeal should be observed to the same extent by the
lower court when it is dealing with the question of jurisdiction.

1 am thus unable to agree with operative clause 2 of the Judgment and
1 have expressed my reasons in this dissenting opinion, because to my
mind the questions to which 1 have drawn attention are important, both
for the settlement of the present case, and with a view to the due obser-
vance in the future by the ICAO Council of the provisions of the Chicago
Convention, the Transit Agreement, its Rules of Procedure and the Rules
for the Settlement of Differences, which is necessary to ensure confidence

in the judicial activity of the Council as a nieans of peacefiil settlement of
disputes between member States of TCAO.

(Signed) Platon Mo~ozov. CONSEIL DE L'OACI (OP.DISS.MOROZOV) 163

((question ))qui figure dans le mêmearticle, n'est pas l'équivalent du
mot eexception ».
Un projet de décision du Conseil ne peut êtreconsidéré comme la

décision qu'à l'issue du scrutin, mais le scrutin n'aboutit à une décision
(au sens de l'article5, rapproché de l'article 15 du règlement) que si un
projet de décision (écrit) proposé par un ou plusieurs membres du
Conseil, a été misaux voix.
Dans l'affaire Pakistan c. Inde devant le Conseil de I'OACI. si un ou

plusieurs membres du Conseil estimaient que celui-ci était compétent,
ils devaient présenter un projet approprié. Ce n'est qu'un tel projet (ou
évidemment le projet de toute autre espèce de décision) que le président
du Conseil avait le droit de mettre aux voix.
L'absence de motifs dans la décisionconstituait aussi une violation du

règlement. Certes, on pourrait soutenir qu'il est permis de considérer
les déclarations faites au cours des débats comme des motifs. Pourtant,
quiconque lit ces déclarations doit bien constater qu'elles se contre-
disaient et s'excluaient mutuellement et ne pouvaient donc guère servir
de base à un exposé des motifs du Conseil pris comme un tout.

A ce propos, je voudrais me reporter à ce que I'on peut lire au para-
graphe 18, alinéa cj, de l'arrêt:

((D'autrepart, de nombreuses affaires portées devant la Cour ont
montré que, si une décisionsur la compétence ne peut jamais régler
directement un point de fond, iln'en est pas moins possible que les
questions auxquelles elle touche ne puissent être dissociéesdu fond.

Il arrive souvent qu'une décision surlu compétencedc;ve aborder le
fond ou dunioins conlporter un certairiexamen dufond. )(Les italiques
sont de nous.)

Cette affirmation est exacte, mais malheureusement le raisonnement
suivi par l'arrêt dans la partie intitulée ((Compétence du Conseil de
I'OACI pour connaître du fond de l'affaire » ne s'y conforme pas.
Logiquement, des dispositions qui s'appliquent au délibérésur la coni-

pétence devant la juridiction d'appel doivent être pareillement observées
par la juridiction inférieure quand elle examine sa compétence.
Je ne saurais donc appuyer le paragraphe 2 du dispositif de l'arrêt;
j'ai tenu à dire pourquoi dans cette opinion dissidente car, dans mon
esprit, les questions sur lesquelles j'ai attiré l'attention présentent de

l'importance à la fois pour statuer en la présente affaire et pour qu'à
l'avenir le Conseil de I'OACI respecte dûment les dispositions de la
Convention de Chicago, de l'Accord de transit, de son propre règlement
intérieur et du Règlement pour la solution des différends; il le faut en
effet si I'on veut que l'activité judiciaire du Conseil inspire confiance

comme mode de règlement pacifique des différends entre les Etats
membres de I'OACI.

(Signé) Platon Mo~ozov.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Morozov (traduction)

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