Opinion individuelle de M. Ammoun

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050-19700205-JUD-01-10-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. AMMOUN

1. En entreprenant l'exposéde son opinion individuelle dans l'affaire
du Détroitde Corfou, M. A. Alvarez, se référant aux transformations
fondamentales qui se sont produites dans tous les ordres de l'activité
humaine depuis quelques décennieset, surtout, dans la vie internationale
et le droit des gens, écrivait:

«Il est donc nécessairede connaître l'état actuel dece droit; il faut
le faire dans les matières se rapportant au litige soumià la Cour.
Cela ne veut pas dire que ce tribunal devrait se prononcer sur tous
les points de droit que ces matièrescomportent; mais il m'a semblé
utile que l'un des juges, au moins, les examine. C'est ce que je me
propose defaire dans laprésenteopinion individuelle.(C.Z.J.Recueil
1949,p. 39.)

Je fais mien ce propos, d'autant plus que les questions juridiques que
soulève I'affaire soumiseà la Cour ne peuvent échapperaux effets du
grand mouvement de rénovation du droit des gens qui se manifeste dans
les rapports entre nationse; au cours des activités desinstitutions inter-
nationales. L'évolutiondont lemonde moderne est témoinaffectele droit
des gens dans ses tructures mêmes,le concept de la souveraineté non

excepté,etjusque dans ses sources principales: le traité,la coutume et les
principes générauxde droit reconnus par les nations. Plus d'un concept,
d'un principe ou d'une norme juridique du droit classique ancien sont
remis en question depuis que la coopération internationale est entrée
dans les mŒurs, que le droit se moralise et, fait capital, qu'un nombre
considérabled'Etats a accédé à l'indépendanceet à la souveraineté,ou
les a conquises de haute lutte, et a fait son entréedans la communauté
universelle des nations. A cette évolution qu'il faudra nécessairement
aborder, à ce dynamisme du droit que l'on a dit être une création con-
tinue, est liéela conception que l'on doit se faire de la responsabilité
internationale des Etats et de son corollaire, la protection diplomatique,
sur lesquelles la Cour a étéappelée àse prononcer.

2. Pour procéder à une étudeexhaustive du jus standi injudicio de la
Belgique présenté entant qu'exception préliminaire,il a été reconnu
indispensable, par l'arrêtdu 24juillet 1964,de se référercertains points
de fait ou de droit touchant le fond du procès sans que, pour autant, le
jus standi perde son caractère d'exception.
La Partie belge s'est pourtant demandée si, étant donnél'objet dudésaccord entre les Parties, qui ne porterait que sur les conditions et les
limites de la responsabilité internationale d'un Etat à l'égard desaction-
naires étrangersd'une société commercialede type holding, il est possib!e
de parler à ce propos d'exception préliminaire. Autrement dit, ce qui est
préalablement en discussion serait la responsabilité internationale plutôt
que la protection diplomatique.
Afin derépondre a cette question, il suffitd'ajouter aux développements
figurant dans l'arrêt précité q, e le droit de protection diplomatique, en
tant qu'il se traduit par une action en justice, se distingue du droit subs-
tantiel dont 1'Etatdemandeur réclamele redressement. La question met
ainsi en cause la distinction entre l'objet de l'action et l'objet du droit

revendiqué,distinction sur laquelle s'accorde généralemenlta doctrine '.
L'exception, considérée par opposition à la mise en Œuvrede l'action en
justice, nedoit donc pas être confondueavec la défensetouchant le droit
litigieux.Il y aurait, en effet, contradiction interne dans le fait de con-
fondre deux choses différentesdans le concept de la demande, à savoir la
recevabilitéde celle-ciet son fondement. La preuve de la qualitérequise
en la personne du demandeur pour l'exercice du pouvoir juridique, ou
de la voie de droit l'habilitantà saisir le juge, peut soulever, cornme en
l'espèce, desquestions qui ne sont pas sans lien avec le fond; elle ne
saurait influer sur la nature de l'action ni sur celle de l'exception s'oppo-
sant à son exercice.
De toute façon, lajonction de l'exception au fond autorise, en tant que
de besoin, à porter l'exposé, au-delàde la protection diplomatique, sur la

responsabilité internationale.
3. Cela dit, la solution de la question djus standi, mettant en cause le
principe de la responsabilitéinternationale et les règlesde la protection
diplomatique et judiciaire destinées à mettre ce principe en Œuvre, est
manifestement liéeau grand problème de l'évolutiondu droit des gens
moderne face aux récentestransformations de la vie internationale. Pro-
blèmed'une brûlante actualité etd'autant plus complexe qu'il estcondi-
tionné par les besoins essentiels de peuples divers, depuis qu'ont émergé
de la dépendance des nations aux intérêtsmultiples et parfois difficile-
ment conciliables entre eux ou avec ceux des autres nations du monde.
Ce problème ne saurait en conséquenceêtre perdu devue dans l'exposé
de la présenteopinion.

Les profondes transformations qui se sont manifestées dans la vie
économique depuis plus d'un demi-siècle, l'expansionsans cesse crois-
sante qui a marquéles dernières décenniesdans un monde en évolution
politique et sociale rapide, ainsi que les problèmes nouveaux qu'elles
soulèvent,'appellentun développementcorrélatifdesstructuresjuridiques.

lSolus et Perrot, Droit judiciaire privé, t. 1, p. 94 à 107 et les auteurs de droit
continental italiens et allemands auxqils renvoient. Le droit, un droit conservateur rigide ne peut plier les faits qui émergent
à des règlesintangibles ayant leurs racines dans un passélointain. Il doit
se plier lui-mêmeaux nécessités impérieused s'une sociétéinternationale

tendant à l'universalisme; il doit s'yplier pour éviter l'affrontemententre
peuples et ne pas perdre pied dans la marche ascendante du progrès vers
une meilleure justice et l'aspiration commune vers un idéalde prospérité
et de paix.
On sait que l'avance durable des faits et des événementssur le droit a
dû êtrecorrigée plus d'unefois dans le passé 2.Sur le plan du droit des

gens, l'adaptation du droit aux faits, nécessitée par la mutation politique
aux résonances mondialesdu milieu de ce siècle,a étélargement réalisée
par l'énonciation solennelle des principes et buts des Nations Unies.
Toutefois, leur mise en Œuvrea étéplus efficaceau sein des organes poli-
tiques de l'organisation universelle qu'elle ne l'est dans les sphèresjudi-
ciaires internationales où se posent, sur le terrain juridique, les problèmes
nésde la rupture entre le droit et la réalitésociale. Aussi est-il de l'intérêt

de lajustice et du droit que ces problèmessoient abordésdans une vision
claire du sens de l'histoire et une représentation totale d'un monde dont
nul ne serait désormais exclu,si tard venu soit-il.

Cette situation ne pouvait cependant échapper à la prévoyancede la

Cour internationale de Justice. Aussi faut-il donner à l'avis qu'ellea émis
en 1949, à propos de la réparation des dommages subis au service des
Nations Unies, sa pleine signification: (Le développementdu droit inter-
national, au cours de son histoire, y est-il dit, a étéinfluencépar les exi-
gences de la vie internationale 3. ))
Cette constatation est plus actuelle que jamais. La vie internationale
est inauencéepar les Etats qui sont venus compléter le cerclede la com-

munauté des nations en en triplant à peu près le nombre. Le droit des
gens ne peut ignorer les aspirations du monde où il vit désormais, etil est
significatifque ces Etats manifestent une certaine impatience non dénuée
d'inquiétude.

On verra par la-suite quelle a étéleur attitude à l'égard des règles de la
responsabilitédes Etats et de la protection diplomatique.

A Rome, par l'intervention du préteur dont l'édit, d'inspiration idéaliste,
'complétale droit quiritaire formaliste distancé par le développement des structures
quasi internationales de l'Empirpar l'éclosiondu droit musulman, dégagéde tout
formalisme étriquéet de tout symbolisme illusoire, qui consacra la transformation
capitale des notions juridiques dans la plupart des pays qu'il gouverna; et plus près
l'institution de'equity, dont on mesure l'ampleur du rôle pour suppléer aux in-c
suffisances de laommon law;enfin par le renouvellement intégral du droit dans les
pays socialistes pour répondreà l'avènement d'une idéologieet d'un mode de vie
nouveaux, rompant radicalement avec le passé.
C.I.J. Recueil 1949, p. 178. 4. Les problèmes qui confrontent le monde après qu'ait étéréalisé,
sur une large échelle,l'affranchissementpolitique despeuples dépendants,

sont ceux de l'instauration de la justice économiqueet sociale et du déve-
loppement. Selon un des grands dirigeants de l'Afrique, le président
L. S. Senghor, «I'indépendancejuridique sans I'indépendance écono-
mique, c'est une nouvelle forme de dépendance, pire que la première

parce que moins perceptible ». Récemment, le directeur généralde la
FA0 mettait le monde en gardecontre lesdangersd'une famine mondiale
dans lesprochaines vingt-quatre à vingt-huit années à moins d'un accrois-
sement de la production dans les pays en voie de développement.Et plus
récemmentle symposium des archevêques et évêqua efsricains, clôturéle

le'août 1969par lesouverain pontife, dénonçait avec vigueur I'accroisse-
ment de la richesse des uns par l'exploitation de la pauvretédes autres 5.
Ce problème se pose particulièrement au regard des grandes entre-
prises économiques, commercialesou financières,dont la multiplication

et l'essor au-delà des confins de leurs pays respectifs sont de nature à
entraîner un développement parallèledu droit des gens. Celui-ci doit sans
doute éviter d'enserrer leuraction dans des formes vétustes;il doit s'em-
ployer à réaliserune juste protection de leurs intérêtsdans l'âpre mais

bénéfiquecompétition internationale 'j.
En revanche, le droit ne doit pas moins ménagerles intérêtd ses nations
où ces puissantes entreprises et les sociétésqui les contrôlent, trusts ou
holdings aux structures pyramidales, étendent leurs activités, rendant
certes d'appréciablesservices à l'économie des pays hôtes, maisexposant

Extrait de son discours à l'Assemblée générale desNations Unies à New York
le 31 octobre 1961, Documents officiels de l'Assembléegénérale, séancepslinières,
vol. II, p. 578.
Voir à ce propos 1. Brownlie, Principles of Public International Law, 1966, p. 485,
qui écrit: [(The concept of self-determination has been applied in the different
context of economic self-determination.»
Pour M. G. 1. Tunkin,
«le respect de la souveraineté étatique s'accommode ..d'une dépendance de
fait des petits Etats vis-à-vis des grands, leur dépendance économique rendant
leur souveraineté de pure forme >)(Droit international public, ouvrage publié
avec le concours du Centre français de la recherche scientifique, p.).
Journal Le Monde du 2 août 1969.
On peut se reporter aussi aux conclusions de M. E. McWhinney, selon lequel:
.Il devient clair que le développement et I'achèvement d'un système viable
d'ordre public international durant le dernier tiers du siècledépendra dans une
mesure considérable des efforts qui seront faits pour combler l'écart quiexiste,
sur le plan du bien-être,entre d'une part les pays du bloc soviétique et l'Oc-
cident, et d'autre part le Tiers Monde ..)>(Amérique latine, Asie, Afrique)
Revue généralede droit international public, 1968, p. 341.
Voir l'intervention de M. Haroldo Valladâo, qui présidait l'Institut de droit
international, signalant

[[la puissance des sociétés internationales quinvestissent dans les pays en
voie de développement, [qui] a eu pour conséquence un traitement spécial
pour ces investissements (Annuaire de l'Institut de droit international, 1967, II,
p.432). également celle-ci,vu la faiblesse de sesmoyens,à des périls qu'ilimporte
de lui épargner.Les Etats du tiers monde ont étécompréhensifs encon-
venant d'insérerdans la déclarationde 1960sur l'octroi de l'indépendance,
la disposition

((affirmant que les peuples peuvent, pour leurs propres fins, disposer
librement de leurs richesses et ressources naturelles sans préjudice
des obligations qui découleraient de la coopération économique
internationale, fondée sur le principe de l'avantage mutuel, et du
droit international».(Doc. des Nations Unies A/4684, p. 70.)

On ne peut s'empêcherde songer, à cet égard, aux grandessociétés qui
continuent à assumer l'exploitation des ressources naturelles des pays
peu développés, qu'il s'agisse des richesses agricoles, forestièresu mi-
nières,ou delaproduction pétrolière,ou aussi destransports etdecertains
servicespublics ou urbains. Un partage équitabledes bénéfices s'impose.

Les inquiétudes des pays dont les ressources sont exploitées avec la
coopération technique et financière de l'étranger sont profondoment
ressenties, ainsi qu'on le verra par la suàtpropos de l'application de la
protection diplomatique et de son éventuelle extension,comme en l'es-
pèce, à des hypothèses nouvelles en vue d'une protection accrue des
intérêts étrangers.
L'évolutiondu droit des gens ne peut donc avoir pour unique ou prin-
cipal objectif la protection des ressortissants étrangers et des activités
économiquesinternationales des puissances industrialisées. Elledoit se

proposer un objectif plus compréhensif et plus juste et un idéalplus
équitableet plus humain, où les intérêts matérielest moraux des peuples
faibles ou démunis entrent pour éléments.

5. Tlest indispensable de souligner à ce sujet les tendances du droit
latino-américain et de celui d'Asie et d'Afrique et leur influence certaine
sur l'évolutiondu droit international traditionnel.
Il semble bien qu'au nombre des principes et des normes qui ont

donnénaissance àun droit régionalpropre àl'Amériquelatine figurent les
normes et les principes ayant pour objectif la protection des pays de ce
continent contre les Etats plus puissants, qu'il s'agissedes Etats-Unis ou
des Etats industrialisésde l'Europe.
Un droit afro-asiatique paraît aussi en voie de se développer sous
l'effetdes mêmespréoccupations néesdes mêmes causes.Au chapitre de
la responsabilité desEtats et de la protection diplomatique, les mêmes
points de vue sont adoptésdans les pays des trois continents, amorçant
une coopération qui ne sera pas de peu d'effet sur le renouvellement du
droit@.

6aCette coopérationa reçu un commencement d'exécution,surle plan des faits

291 La réactionaux règlesdu droit traditionnel fut cependant, en premier
lieu, celle des pays de l'Amériquelatine. Témoin la déclaration véhé-
mente de M. Seijas, ancien ministre vénézuélien , la session de 1891, à
Hambourg, de l'Institut de droit international, qui ne fut pas une simple
manifestation de mauvaise humeur. Preuve en est égalementl'apparition
de la clause Calvo excluant le recours àlajustice internationale au profit

des recours internes, sur laquelle les juristes latino-américains n'ont
jamais transigé en raison de leur peu de confiance dans les voies de la
protection diplomatique telle qu'ellea étéconçuepar le droit traditionnel
et les pratiques des nations occidentales. Cette réactiondes Etats latino-
américains expliquerait, en outre, leur opposition dès 1948 au projet
d'accord de garantie-assurance proposé par les Etats Unies et prévoyant

l'exercicede la protection diplomatique par cette puissance sans qu'aient
étéépuisésles recours internes 7.
Cette attitude des Eta.ts hispaniques, partagée par les Etats afro-
asiatiques, se comprend d'autant mieux si l'on évoque lesformes et les
moyens extra-juridiques auxquels la protection diplomatique avait
autrefois recours. On se rappelle que les réclamations des grands Etats

et de leurs nationaux à l'étrangeravaient souvent conduit, à l'époque
précédant le renouvellement du droit consécutif aux deux guerres
mondiales et à l'institution d'une justice internationale, à des conflits
aigus et à des actes de violence délibérée allant jusqu'à l'intervention
arméeet àl'occupation permanente ou à des démonstrations deforce
auxquelles la doctrine de Drago entérinéepar la conférencepanaméri-

caine de 1906et devenue un des principes fondamentaux du droit inter-
national de l'Amériquelatine, avait, depuis 1926,réaginon sans succès.
Le recours àla force, subordonné iLune offred'arbitrage,étaitnéanmoins
tolérépar la conférencede la paix de La Haye de 1907admettant l'inter-
vention sub modo en vertu de la convention Porter, convention contre
laquelle Drago et ses collègues latino-américains s'étaient insurgés

économiques et de leur influence sur le droit international, à la conférence des
Nations Unies sur le commerce et le développement tenue en 1964à Genève, où
soixante-dix-septEtats latino-américains, africains et asiatiques résolurent de
s'assembler et de négocierpar l'intermédiaire de porte-parole communs.
Le Mexique avaitétécontraint de s'engager par la convention de 1923avec les
Etats-Unisà ne pas se prévaloir de la condition d'épuisementpréalable des voies de
recours.
Voir à ce sujet les interventions pertinà l'Institut de droit international de
MM. Haroldo Valladao, Kamil Yasseen et Jiménez de Aréchaga, lequel relève
avec raison la discrimination qu'entraînerl'exclusion du recours préalable aux
voies de droit internennuaire de l'Institut de droit internationalII,p. 431,
432, 435-436).
Occupation des provinces orientales de la Chine quiprovoqua en 1900 la
Mexique de 1859erà 1866, dont la conquête s'est traduite parl'instauration de
l'éphémèreEmpire du Mexique (Ph. Jessup, A Modern Law of Nations, p. 113).
Vis-à-vis de plus d'un Etat del'Amérique latine: Argentine, ParMexique,
Brésil, Cuba, Nicaragua, Colombie, Haïti, République dominicaine, Venezuela,
etc. L'Empire ottoman en a étéaussi un exemple cité,fra, note 64.vainement au sein de la conférence.Ce qui n'était pasla moindre des

contradictions de celle-ci, contradictions se ressentant de l'influence
encore prépondérante de l'ère colonialiste. Aussi sera-t-on autorisé à
suspecter certaines décisionsarbitrales d'avoir étéconvenues ou acceptées
saus l'emprise de la contrainte, ces décisionsayant étéprécédéed s'ulti-
matums ou de menaces, ou d'un déploiementdeforce plus ou moins dans
l'esprit de ladite conférence peinant pour se libérer d'une tradition

tyrannique 1°.
Si la doctrine de Drago a finalement triomphé, et si la convention
Porter est, sur l'insistance du Mexique exprimant l'opinion latino-
américaine à la conférencede Chapultepec en 1945,désormais reconnue
incompatible avec les termes de l'article 103 de la Charte des Nations

Unies, il n'en reste pas moins que maintes décisionsde justice n'ont pas
évitétoute confusion entre la réparation stricto sensu telle qu'en droit
privé interne, et la ((satisfaction 1)exigéepar de puissants Etats et qui
confère à la réparation lato sensule caractère d'une mesure de répression
ou de punition lm. Ce droit de punir que s'arrogeaient certains Etats et
auquel des auteurs éminents telsque Bluntschli, Liszt et Fauchille, ainsi

qu'une résolution de 1927 de l'Institut de droit international ont prêté
leur autorité, paraît avoir étéréprouvépar Anzilotti qui constatait que
dans toutes les formes de réaction contre l'acte illicite se retrouvent
((un élémentsatisfactoire et un élémenrtéparatoire,l'idéede la punition
de l'acte illiciteet celle de la réparation du mal souffert l11)Aussil'oppo-
sition des juristes latino-américains ou afro-asiatiques à la conception

occidentale de la responsabilitéet de la protection diplomatique est-elle
fondée nonseulement sur les souvenirs d'un pénible passé, mais ausssiur
de sérieusesappréhensions.
L'évolution de la penséelatino-américaine concernant la protection
diplomatique et ses limites doit plus particulièrement êtresoulignée à

l'occasion du présentdébat en raison del'influence qu'ellepeut avoir sur
l'évolutionde cette institution. Cette penséeest présentement centréesur
les aspects suivants du problème:
A. Les vingt Etats de l'Amériquecentrale et méridionalerejettent tous
la règle poséepar Vatel et entérinéepar la Cour permanente de Justice
internationale selon laquelle le droit de protection diplomatique est

celui «de faire respecter, en la personne de ses ressortissants, le droit
international 11.Ils la tiennent pour une fiction qu'un deleurs plus illustres

'O Parmi les quarante-quatreEtats participant à la conférencede 1907, iln'y
avait que quatreEtats asiatiqueset aucun Etatafricain.
'Oa Voir à ce sujet le rapportdM. GarciaAmador à la 13e session de la Com-
mission du droit international.(Annuaire de la Commission du droit international,
1961, vol. II, nos4 à 6, 17, 26, 53, 56, 75, 102, 140, 142et 145.)
Voir aussi l'opinion dissidente M. Azevedo dans l'affairedu Détroitde Corfou
pour qui les mesures de satisfaction rappellent le ton des ultimata présentantun
(caractère médiéva(lC.I.J. Recueil 1949, p. 114).
" Cours de droit international,trad. G. Gidel, 1929, p. 522.juristes, Garcia Robles, a dénommée((un produit de l'influence hégé-
lienne, issu de l'expansionnisme du XIXe siècle ,)12.Et tous ces Etats,
dans les conférences interaméricaines,dans les écrits des publicistes,

dans les prises de position desgouvernements, unirent leurs effortsen vue
de son élimination, étant entendu que la qualité de sujet de droit de
l'individu serait reconnue, lui permettant de s'adresser lui-même à la
justice, non sous le manteau de son Etat national 12".Mais à quelle
juridiction? Une juridiction régionale américaine.La résolution soumise

à la conférence interaméricaine de Buenos Aires etadoptée à la quasi-
unanimité se lit: ((American legal controversies should be decided by
American judges ...and a correct understanding of facts pertaining to
the Americas is more readily to be obtained by Americans themselves. »

Les mêmescauses produisant les mêmes effets,les Etats de l'Unité
africaine ont inscrit dans la Charte d'Addis Abébale mêmeobjectif de
l'institution d'une juridiction régionale 13.
Les pays latino-américains sont allés encore plus loin. Ils ont voté à

l'unanimité, en 1948 à Bogota, une résolution par laquelle ils se sont
engagés àne pas présenter de réclamation devantlajustice internationale,
la Cour internationale de Justice non exclue 13".
B. Les Etats de l'Amérique latine demeurent fermement attachés à

la clause Calvo qu'ils inscrivent couramment dans les contrats passés
avec des entreprises étrangères. Leursconstitutions et leurs lois leur en
font généralement une obligation. Leurdoctrine à cet égard,fondéesur
les deux principes de l'égalité entre les Etats et de non-intervention, avait

été exprimée avec force par M. Guerrero, l'ancien Président de laCour,
dans le rapport qu'il présentaau nom dela sous-commission chargéepar
le Comitédes experts de la SociétédesNations d'étudier la responsabilité
dei Etats. Plusieurs pays non américains ne furent pas hostiles à ce
point de vue. La Chine, la Hollande et la Finlande lui furent franchement

l2 M. Garcia Robles gagna à la cause latino-américaine, à la troisième session de
l'Association interaméricaine du barreau, le président nord-américain de I'Asso-
ciation F. R. Coudert et l'ensemble de ses membres.
lZa La qualité de sujet de droit de l'individu qui a des défenseurs hors d'Amérique
a reçu une reconnaissance relative dans la sentence de 1926 de la Commission
mexico-américaine dans l'affaireNorth American Dredging Company.
l3 E. McWhinney a signaléque:
«Il y a eu dans le passéune notable répugnance de la part de nombreuxEtats,
en particulier des nouveaux Etats,à accepter la compétence obligatoire de la
Cour internationale de justice, et cela parce que ces Etats ont cru que la Cour
appliquerait les vieilles règles'élaboration et au développement desquelles ils
n'avaient pas participé et dont ils considéraient un grand nombre comme
déraisonnables ou injustes.J(Op. cil., p. 331.)
13" ((The High Contracting Parties bind themselves not to make diplomatic
representations inorder to protect their nationals, or to refer a controversy to a
court of international jurisdiction for thatose, when the said nationals have had
available the means to place their case before competent domestic courts of the
respective State.(Art. VI1 du Pacte de Bogoti, 1948.) favorables. Enfin les Etats-Unis, qui avaient trouvé en Borchard un
vigoureux défenseur de la thèse selon laquelle l'individune peut disposer
d'un droit qui estcelui de 1'Etatet non lesien selonla doctrine vatelienne,

se laissèrent gagner, depuis l'instauration de la politique de ((bon voisi-
nage ))de F. Roosevelt, à la doctrine de leurs voisins du sud 14.

C. La clauseCalvo, qui n'est considéréeo ,utre-Atlantique, que comme
un compromis, serait destinée à préparer les voies à l'adoption de la
doctrine Calvo, laquelle ne vise pas moins qu'à abolir la protection

diplomatique unilatéralepour y substituer une protection assuméepar la
collectivitésur le fondement des droits de l'homme.
Lechemin verscet objectif que l'onnecache pas, est certes long et ardu;
son succèsparaît lié à la progression de l'humanitévers une organisation
interaméricaine ouinternationale moins éloignéeque les Nations Unies
de la conception du super-Etat.

Il était d'autant plus nécessaire de rappeler ces données du droit
américain que d'autresEtats s'engagent dans la même voietendant à la
limitation de la protection diplomatique. Les Etats d'Afrique et d'Asie,
depuis qu'ils sont venus eux aussi à la vie internationale, partagent les

mêmespréoccupations. Témoinles travaux de la Commission du droit
international. A sa neuvième session en 1957,M. Padilla Nervo déclarait
que

cl'historique del'institution de la responsabilité desEtats se confond
avec l'histoire des obstacles dresséssur la voie des nouveaux pays de
l'Amériquelatine - obstacles à la défense de leur indépendance ...
à la possession et à l'exploitation de leurs ressources, et à leur
intégration sociale ».

Et il ajoutait:

(clorsqu'il s'est agi de la responsabilité desEtats, non seulement on
n'a pas tenu compte des petits Etats, mais on a agi contre leurs
intérêts))15.

Et M. El-Erian, de la Républiquearabe unie, a mis l'accent sur la double
conséquence de lacondition privilégiée faite aux ressortissants des pays
d'occident dans leurs rapports avec les pays d'Afrique ou d'Asie, qui a

l4 Voir aussi l'importante sentence dans l'affaire North American Dredging
Company de 1926 entre les Etats Unis et le Mexique, qui a imprimé une nette
direction dans ce sens et fait désormais jurisprudence. La clause Calvo fut retenue
l'unanimité pour rejeter la réclamation nonobstant les dispositions du traité de
1923 exonérant le réclamant de la condition d'épuisement des recours internes.
La portée de la clause est cependant limitéeau droit de l'individu et réserve celui
de 1'Etat en cas de violation du droit international.
l5Annuaire de la Commission du droit international, 1957, 1, p. 165. donné naissance au régimedes capitulations d'une part et, de l'autre,
prétexteà l'intervention dans les affaires intérieuresdes Etats16.
La similitude des vues et des objectifs essentiels des Etats des trois
continents d'Amérique,d'Afrique et d'Asie, l'action qu'ils sont à même
d'exercer en vue du développement d'un droit international positif de
portéemondiale, sont de nature à les orienter vers une conception uni-
versaliste du droit età les ramener à une justice internationale qui n'est

plus désormais de caractère exclusif mais répond, par sa composition
effective, auxvŒuxde la Charte des Nations Unies qui la veut représen-
tative des grands systèmesjuridiques et des principales civilisations du
---.e.
C'est à la lumière de ces considérations liminaires qu'il convenait
d'aborder le problème qui y est lié de laprotection diplomatique et du
jus standi de 1'Etatdemandeur.

6. Il est généralementreconnu que l'attribution d'une nationalité ou
la reconnaissance d'une allégeancejuridique à la sociétésur lefondement
du siègesocial ou de la loi du lieu de constitution ou d'enregistrement
confère, en vertu d'une règlede droit consacréepar la jurisprudence et
une constante pratique 17,le droit d'agir de 1'Etatnational de la société
enréparation d'un dommage résultant,au préjudicede celle-ci,d'un acte
internationalement illicite.

Faut-il cependant qu'existe aussi, entre1'Etatnational et la société, un
lien d'effectivitéconstituépar une participation substantielle du capital
national ou par un contrôle de la gestion? L'intervention de 1'Etat en
faveur de ses ressortissants étant un acte discrétionnaire, la.ratiaue des
Etats qui ne prennent fait et cause qu'à cette condition pour leurs res-
sortissants, n'engendre pas une obligation juridique. En outre, non
moins d'une douzaine de sentences arbitrales rapportées par M. J. P. de
Hochepied l8 ont décidé queseule la nationalité de la société justifie

l'intervention diplomatique. Quant aux décisions d'ordre arbitral ou
judiciaire qu'on pourrait citer à l'appui de la thèse deI'effectivitéou du
rattachement (affaires Canevaro, I'm Alone, Nottebohm) elles ne cons-
tituent pas des précédentsprésentant avec la question de la nationalité
des sociétésen droit international une analogie fondéesur des éléments
essentiels. On remarquera en particulier que l'arrêtNottebohm avait à
statuer sur un conflit d'un ordre particulier, celuide la doublenationalité.

Il se base sur des faits concrets propresà la situation de l'ancien citoyen
allemand Nottebohm et à ses agissements tendant à ((substituer à sa

l6 Ibid., p. 172. Voir aS.Prakash Sinha, New Nations and theLaw ofNations,
p.l71Cettepratique remonte au début XIXe siècleavec l'intervention duRoyaume-
Uni auprès du Royaume des Deux Siciles en faveur de dix-neuf sociétéset a
étéentérinéepar le Comité des experts de la Société desNations en 1927. Quant à
la iurisprudence. outre un certain nombre de sentences arbitrales du tournant
du-siècfe, voir l'affaire du Cheminde fer Panevezys-Saldutiskis, C.P.J.I. sérieA/B
no 76, p. 16.
l8~a protection diplomatique des sociétéset des actionnaires,p. 95 à 101. qualité desujet d'un Etat belligérantla qualité desujet d'un Etat neutre,
dans le but unique de passer ainsi sous la protection du Liechten-
stein...ls1)Ce considérant del'arrêtneparaît-il pas s'alignersur la prati-
que jurisprudentielle ou administrative qui, prenant en considération le
mobile de l'acte, tient pour nul le changement de nationalité pour obtenir
par exemple, un divorce, ou le changement de religion ou de confession
en vue de lever l'obstacle s'opposantàun mariage, ou à une électiondans

un Etat où les siègesdans les corps élussont répartis entre les religion-
naires appartenant aux diverses religions et confessions du pays?
* *

Le droit de protection de la sociétépar son Etat national étant de
règle, ce droit laisse-t-il place, le cas échéant, une action de 1'Etat
national des actionnaires?
Cette question a trait, dans le cadre de la troisième exception pré-
judicielle,à la condition juridique primordiale mise à l'exercice de la
protection diplomatique internationale, autrement dit à l'existence d'une
règlede droit autorisant, en l'espèce,le recours à une action judiciaire.

Elle revêt uncaractère préalable à la quatrième exception préliminaire
relativeà l'épuisement desrecours internes, comme aussi aux autres
questions que soulève la troisième exception,à savoir: la nationalité de la
réclamationet les questions connexes de la continuitéde la nationalité et
des legal ownerset nominees.C'est eneffet la règlede droit qui donne, le
cas échéant,accèsau prétoire. En l'absence de cette règle,l'accèsde la
justice est interdit au réclamant, sa réclamation eût-elle été absolument
justifiéesur le plan des autres questions susceptibles d'être soulevées à
ce stade préliminairede l'instance.
Cependant, la Cour s'étant prononcéepar l'affirmative sur le caractère
prioritaire de l'éventualitéde l'existence de la règlede droit, pouvait-elle

aborder l'une ou l'autre des questions subsidiaires sans pouvoir éviter,
dans la rigueur d'un raisonnement qui se veut logique, de méconnaître sa
première décisionet d'en prendre, pour ainsi dire, le contre-pied? Cette
décisionavait eu pour conséquence inéluctablede mettre fin àl'instance,
et il n'appartenait à quiconque de lui redonner vie pour entamer un
débat nouveau qui ne serait pas seulement obiter dicta, mais un raison-
nement basé sur une hypothèse dont la Cour a déjàfait justice et qui
introduirait dans l'arrêtune contradiction interne.
Tel étantmon point de vue sur ce problème, mon opinion individuelle
ne portera que sur la question juridique dont la solution exclusive a
entraîné à mon sens le rejet de la requêtede la Belgique.

7. La question ne présente pas de difficultéssi le sociétaire ou l'ac-
tionnaire se plaignent, ut singuli, d'un dommage direct, tel que généra-
lement en droit interne; si, en d'autres termes, il est ldans ses intérêts
subjectifs distincts de ceux dela société;par exemple,en cas de spoliation

las C.Z.J. Recueil 1955, p. 26.

297individuelle ou de mesures discriminatoires. Il est dans le cas de tout
particulier revendiquant la protection diplomatique ou juridictionnelle de
1'Etatdont il est le national19.
Mais qu'en sera-t-il si la réclamation de I'actionnaire porte sur un
préjudice indirect découlant d'une mesure qui frappe la sociétéen tant
que telle? Les griefs s'analysant en dénis de justice, abus de droit ou
détournement de pouvoirs, sont ceux-là qui, d'après la Partie belge,
auraient frappéla société, à partir du refus d'allocation de devises et du

jugement de faillite. Il ne s'agit pas de l'action socialà exercer au nom
de la société, maisd'une instance limitéeau droit ou à l'intérêjturidique
de l'actionnaire, en tant qu'il est indirectement lésdu fait d'une mesure
ouchant la société.

Depuis que la thèse de la réalitéde la personnalité des sociétésa été
généralement délaissé peour celle de la personnalité morale oujuridique,
il a sembléà certains auteurs que l'évolution delajurisprudence arbitrale,

répudiantcette ficition dans ce qu'elle a d'absolu ou d'excessif,ait ouvert
une perspective nouvelle en conformité avec le caractère international
que nombre de sociétésont revêtu.Du droit et de la fiction, qui se trou-
vent ainsi en opposition, lequel doit céder?Ne serait-on pas en présence
d'une des hypothèses où l'adéquation du droit à la réalitédes rapports
humains et au sentiment de la justice doive l'emporter?

Il n'est pas douteux que la personnali.téattribuée au groupement des
intérêts sociaux l'a étédans le but de donner aux éléments qu'il recouvre

et cimente des moyens d'action communs et une protection efficace.
Aussi du jour où cetteprotection s'avèreinsuffisante,voire nuisible, dans
le cadre des rapports internationaux, la personnalité morale ne devrait-
elle pas s'effacer, dans la mesure nécessaire et possible, devant une
conception plus réaliste, plus conforme à la nature des choses, celle de la
réalité sociale,pour laisser opportunément à découvert, dans l'intérêt
de la communautéet, dans leur propre intérêt,individus et capitaux?

N'y a-t-il pas lieu de penser que c'est surtout dans le monde de la

fiction que lesjugements de valeur, appliqués au droit, doivent se fonder
sur la finalité?Jhering disait: ((Le but est le créateur de tout droit. 1)
Rappelons-nous également le propos de R. Saleilles, énoncéil y a un
demi-siècle, et qui s'impose plus que jamais: ((11n'y a d'important,
écrivait-il, que le but à atteindre; souvent nos constructions les plus
savantes ne servent qu'à en compromettre la réalisation. 1) Singulière-
ment, l'une decessavantes constructions est la fiction juridique. La fiction
est, en effet, ((unereprésentation contraireà la vérit». P. Roubier, à qui
j'emprunte cette dernière formule, recommande «de rechercher direc-

l9 Cf.,1. Brownlie, op. cit., p. 401.

298 tement quel est le but de la règlejuridique ainsi poséesous cette forme
dissimulée 20)).
On pourrait donc considérer quele fait de maintenir la fiction de la
personnalité moralecontrairement à I'intéretavouédesparties composan-
tes créeraitune situation allant à l'encontre du but de celle-ci.

Et de fait, quelque tenace que soit la fiction de la personnalité morale,
comme le sont généralementles fictions, la pratique diplomatique des
puissances créancièresou des pays fournisseurs de capitaux, de même
que certaines sentences arbitrales, n'ont pas tardé, aprèsles hésitations
antérieures à la première guerre mondiale, à accueillir, non sans cir-

conspection, la règlepermettant de dissocier les intérêtsdes associésou
actionnaires, de la personnalité abstraite qui les recouvre, et de les
prendre en considération defaçon autonome; mais ceciuniquement dans
le cas où la sociétéé, tantde la nationalité du défendeur, l'action sociale
ne pouvait naturellement êtreengagéecontre celui-ci que par les voies de

recours interne.
8. Cependant, cettejurisprudence arbitrale, sur laquelle lesjuridictions
internationales n'ont pas encore eu à se prononcer, n'est pas unanime ni
en tout point décisive.
Doivent en êtreécartéestout d'abord les sentences rendues ex aequo

et bonoqui non seulement manquent de pertinence en l'espèce,mais sont
nettement hors de cause. Ainsi faut-il rappeler le compromis entre les
Etats-Unis et le Chili dans l'affaire Alsop habilitant l'arbitre à se pro-
noncer en équitéet comme amiable compositeur. Il en a été de même des
sentences rendues sur la base de la convention générale de 1923entre les

Etats-Unis et le Mexique qui a conféré aux juridictions arbitrales qu'ellea
instituéesla faculté dese déterminerselon lajustice et l'équitée ,xpression
courante pour autoriser les décisionsex aequoet bono.

Ne sauraientnon plus êtreretenues les sentences relatives àdes sociétés

de personnes, la personnalité des associésn'étant pas absorbée par la
personne sociale comme le serait la personnalité des actionnaires d'une
société de capitaux 21; OU les sentences ayant trait à des sociétésdites
« défuntes ))ou qui ont été déterminées obligatoirementpar les clauses du
compromis 22,OU enfin des sentences au texte incertain ou ambigu, ou

dont l'absence de motifs - notamment cellesémanantde chefs d'Etats 23
- dénieune absolue pertinence.

20 P. Roubier, Théorie généraleu droit, p. 116.
21 Doit ainsi êtreécartée dece débat l'opinion de M. Huber exprimée dans le
rapport relatif l'affaire Ziat, Bzn Kiran qui se rapporte à une sociétéde personnes.

22 Les sentences dans les affaires D.,a~oa Bav Rail<,v Co.. Standard Oil. Pierce
Oil, Sun Oil.
23 Sentence du résident des Etats-Unis Grover Cleveland dans l'affaire Cerruti et
sentence du roiG'eorgeV de Grande-Bretagne dans l'affaire Alsop. Il doit en êtredemêmede sentencessuspectéesd'avoir été renduessous
l'influencede mobilesextra-juridiques ouayant été précédéeds'une mani-
festation de puissance, ou de menaces d'un Etat confiant dansla force de

ses armes au moins autant que dans la force de son droit 24.

De toute façon, les précédentsarbitraux et la pratique diplomatique,
qu'appuie unepartie de la doctrine occidentale, ne présentent pas, comme
il a étédit,((uncorps de doctrine cohérent )et ne paraissent pas en ronsé-

quence constituer une coutume selon laquelle la protection diplomatique
et son épiloguejudiciaire couvriraient les dommages que 1'Etatnational
de la sociétéaurait causésaux actionnaires étrangers de celle-ci. Aussi
est-ce dans le droit conventionnel que semble devoir êtrecherchée la
protection des investissements étrangers, qu'il s'agissede sociétés aux-
quelles il aurait été fait obligation d'adopterla nationalité du pays hôte,
ou des nationalisations, ((scandale du début du siècle », et qui se sont
succédé à un rythme rapide depuis la première guerre mondiale, émanant

de presque tous les pays.
9. Quoi qu'il ensoit de cette première hypothèse,celledes actionnaires
Ayant souffert des agissements de 1'Etat national de la société,le pro-
blème à aborder àprésentest celui de savoir si la protection diplomatique
des actionnaires est susceptible d'êtreétendueau cas où le préjudiceest
imputable àun Etat tiers, comme en l'affaire actuelle.
Sans doute faut-il exclure, de prime abord, l'éventualité de1'Etat
national des actionnaires se substituant à celui de la sociétépour la

défense decelle-ci, ainsi que la Belgique avait prétendu le faire dans sa
requêtedu 23 septembre 1958.Un lien d'allégeancejuridique rattachant
la société à 1'EtatDrotecteur est une condition sine aua non 2,..ui ne se
trouve pas réaliséedans ce cas. Le problème doit rester cantonnédans le
cadre de la protection des actionnaires eux-mêmes.La jurisprudence
internationale ne pouvait faire sienne la pratique diplomatique dont la
Belgique semble s'êtred'abord inspirée,qui fut celle tentée à plus d'une
reprise par certaines puissances et qui ne serait pas sans rapports avec la

théorie périméd eu contrôle: d'abord par les Etats-Unis dans l'affaire de
la Société chilienneAlsopjugée en1911 ;puis par les mêmesdans l'affaire
des ArmesautomatiquesLewis,la Grande-Bretagne s'étant inlassablement
opposée, depuis1927jusqu'à 1933, à l'action desEtats-Unis, Etat national
des actionnaires agissant pour la protection de la société constituée sous
la loi belge; puis encore par l'Allemagne se prévalant, en 1935, du droit
de protection d'une société de statut mexicain; enfin par la France et la

Grande-Bretagne dans le conflit relatif à la nationalisation du canal de

24 Supra, no 5.
25 Supra, no 6 et note 17.Suez en 1956, ces deux puissances ayant pensépouvoir intervenir, en
tant qu'Etats nationaux des actionnaires, pour la défensed'une société
à laquelleson statut originaire attribuait la nationalitéégyptienne. C'était,
dans chacun de ces cas, méconnaître la condition essentielle du lien de
nationalité ou d'allégeanceentre 1'Etatintervenant et l'entitéau nom de
laquelle il intervenait. L'effectivité,qui n'est pas requise juridiquement

pour l'attribution de la nationaliàéla sociétéc,ondition desa protection
diplomatique, ne peut non plus jouer pour faire passer à 1'Etatnational
des actionnaires le droit de protection diplomatique de la sociétéelle-
même,attribut de son Etat national. On a sans doute relevéque c'est
avec des représentants des actionnaires que la République arabe unie a
négociéun accord concernant les réclamations de la compagnie égyp-
tienne du Canal, ainsi que le rapport M. E. Lauterpacht. Mais cette
négociation n'entraînepas une reconnaissance du droit de présenter une
action judiciaire; elle constitue un acteex gratia n'impliquant pas une
responsabilité juridique, ainsi qu'il ena étédes dispositions de l'accord

du 8 septembre 1923intervenu entre les Etats-Unis et le Mexique créant
la Commission spéciale de réclamations.
Aussi bien la Belgique s'est-elleabstenue, dans sa requêtedu 19juin
1962,de prétendre à la protection de la société BarcelonaTraction, con-
trairement à ce qu'elle avait fait dans sa première requête déjà citée du
23 septembre 1958, limitant désormais sa réclamation à la protection
des actionnaires de sa nationalité. Cette dernière requêteétant réputée
périméepar suite du désistement de sonauteur, qui l'a d'ailleurs ignorée
dans sesdernières conclusions, la Cour n'a àconnaître que de la nouvelle

requêteindépendamment de la première. C'est dans le même sensque
s'était prononcée la Commission germano-mexicainequi avait accueilli
les nouvelles conclusions présentéespar l'Allemagne dans l'intérêt des
actionnaires allemands, aprèsl'erreur qu'elle avait commise en se préva-
lant du droit de protection de la société mexicaineelle-même 26.

10. Le droit de 1'Etat à protéger ses nationaux léséspar des actes,
décisions, omissions ou mesures contraires au droit international im-
putés à un autre Etat étant indéniable, il serait utile d'en rechercher la

nature ou le fondement juridique pour en déduire les conséquences de
droit et la portée d'application quesoulèvela présente affaire.La question
sur laquelle il y aurait intért se prorioncer consisteraità se demander
si la protection diplomatique découlerait d'un principe général dedroit
reconnu par les nations (art. 38, par. 1) du Statut de la Cour) ou bien
d'une coutume internationale (par. 1 b) dudit article).

L'arrêt dela Cour permanente de Justice internationale de 1924dans
l'affaire des ConcessionsMavrommatis en Palestine 27ne paraît pas avoir

26A. Feller, The Mexican Claims Commission, 1935, p. 118.
27 C.P.J.Z. sérieA no2, p. 12.

301 pris position sur cette question lorsqu'il a affirmé,non sans force, sous
forme axiomatique, que la protection diplomatique ((est un principe

élémentaire dedroit international ». On ne se hasarderait pas àdire dans
quel sens a été prise l'expression((principe élémentaire »,dénuéequ'elle
est de toute autre qualification. Et lorsque d'autres arrêtsse sont référés
à ce précédent,ils ne semblent pas avoir étéplus explicites. Le langage
des deux Cours internationales ne permet pas de leur prêter, à cet égard,
une opinion qu'elles paraissent avoir voulu celer à dessein, selon une
pratique prudente déjà signalée 28.

Il est vrai qu'une juridiction spéciale,la Commission mixte des récla-
mations germano-américaine, instituée à la suite de la première guerre
mondiale, a décidé dans plus d'une affaire- à savoir lesaffaires Vinland,
StandardOil, SunOil et Pierce Oil- que l'intervention de1'Etatnational
des actionnaires ((relèved'un principe général quecelui-ciaurait invoqué
même à défaut d'un accord préalable n. Toutefois, ladite commission

n'a pas précisési elle entendait par principe général un principe général
de droit reconnu par les nations, ou bien un principe tirédirectement de
l'idée dedroit. Il n'en demeure pas moins que sajurisprudence, quoique
approuvéepar certains auteurs, d'ailleurs rares, n'a pas étécorroborée
par d'autres juridictions. Aussi les opinions doctrinales sont-elles par-
tagées.Et ce ne fut pas la première ni l'unique fois qu'une règle du droit
des gens a étéconsidéréepar les uns comme une norme coutumière,

par d'autres comme un principe générad le droit reconnu par les nations,
Dard'autres enfin comme un ~rinci~etirédirectement de l'idéede droit.
Ôn ne résoudraitévidemmenfpas îe problème en se contentant de dire
que les frontières entre ces diverses conceptions demeurent estompées
ou indécises. Il en est ainsi dela règlede l'épuisement des recoursinternes
qui fait l'objet de la quatrième exception préliminaire dans l'affaire
actuelle, et que I'on fonde tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre des deux

premièresconceptions 29.D'autre part, le principe de la protection des
droits de l'homme, qui sera évoqué ultérieurement,a étéconsidéré
comme pouvant constituer, en mêmetemps, une norme juridique au
titre destrois sourcesprincipales du droit desgens,savoir: lesconventions
internationales, la coutume internationale et les principes généraux de
droit 30.
II. SiI'onconvient, commeje le pense, que la protection diplomatique

et le droit éventuel de l'actionnairene découleraient pasd'un principe
de droit international reconnu par les nations, il resteraitàse demander

Opinionindividuelledel'auteur,C.Z.J. Recueil1969, p. 138.Voir aussil'opinion
individuelle de M. Alvarez dansl'affairedes Pêcheries, C.Z.J.Recueil 1951, p. 148.
29 Cf.le rapportde Max Huberdans l'affaireMohammed Zia!, Ben Kiran de 1924
et la décisionde la Commissionfranco-mexicainedans l'affairePinsondu 18octobre
1928.
30 Opinion dissidente de M. K. Tanaka jointe à l'arrêt18 juillet 1966 dans
les affairesdu Sud-Ouest african, deuxième phase, C.Z.J. Recueil 1966, p. 300. si la coutume de droit des gens sur laquelle serait alors fondée, selon
l'opinion dominante, la protection diplomatique, est appelée à s'étendre
à tous les intérêtslésés, en l'espècceeux des actionnaires d'une société

relevant d'un Etat tiers.
Nous touchons ici au fond du problème, la question décisive,sinon
l'unique question, étantcelle touchant l'étatde la coutume telle qu'elle
se dégage ducomportement de l'ensemble desnations ou de leur volonté
déclarée.
Ily aurait lieu de revoir, à cet effet, la pratique conventionnelle, la
jurisprudence internationale, la pratique des Etats et la tendance doctri-

nale, lesquellessont les principaux éléments constitutifsde la coutume.
Remarquons, en outre, que dans la pratique des Etats rentrent naturel-
lement les prises de position de leurs déléguéd sans les organisations et
les conférencesinternationales et notamment aux Nations Unies. Il est
vrai que certaines des grandes puissances qui, au nombre de cinq à six,
légiféraientpour le monde entier jusqu'au débutdu XXe siècle,refusent
en généralaujourd'hui aux résolutions votéesdans le cadre des Nations
Unies par une majorité, voireune quasi-unanimité des Etats Membres,

un effet obligatoire. Une tentative des Philippines à San Francisco en
vue de conférer à l'Assemblée,avec le concours éventueldu Conseil de
Sécurité,le pouvoir d'énoncer des normes juridiques impérativesa ,vait
été rejetéeN. éanmoins une tendance marquée de la doctrine, reflétant
les aspects nouveaux de la vie internationale, se dessine en faveur de
l'attribution aux résolutionset, surtout, aux déclarationsde l'Assemblée
générale desNations Unies, le caractère d'une source pour le moins

auxiliaire du droit des gens s'ajoutant aux sources classiques de l'article
38 du Statut de la Cour 31.
Certains auteurs y voient, quant à eux, une interprétation fondéesur
un argument tiré du texte mêmede la Charte, renforcéepar une inter-
prétation téléologique de cetacte constitutionnel international, lequel
présupposelesdroits et leslibertés del'hommequi (ne sont pas seulement
d'ordre moral ...[mais] ont aussi un caractère juridique, vu la nature

mSme de leur objet 31a 1)Ils ajoutent que cette interprétation doit tenir
compte du fonctionnement de la Charte dans la pratique 32.L'Assemblée
générale elle-même adoptece point de vue, ainsi qu'ilressort desa résolu-
tion du 11décembre1963par laquelle elle confirme l'interprétationde la
libre déterminationqu'elleadonnéedans sarésolutionde 1960surl'octroi

31 Voir les thèses conformesde MM. Lachs, Moh. Sami Abdelhamid, Falk,
Pechota, McWhinney,Asomoah.
31a Opinion dissidente de M. Tanaka, affaires du Sud-Ouest africain, deuxième
phase, C.Z.J.Recueil 1966, p. 290.
32 Voir dansce sens l'opinion dissidented'A. Alvarez, Compétence del'Assemblée
générale, C.Z.J. Recueil1950, p. 21; celle de M. CharlesDe Visscher, Statut inter-
national du Sud-Ouest africain, C.Z.J. Recueil 1950, p. 189-190; G. 1. Tunkin,
op. cit., p. 106 et 111, qui cite la déclarationsur l'octroi de l'indépendunce
14 décembre 1960comme un exemple d'interprétation des principes dlea Charte.de l'indépendance.Il en est de mêmede la convention de Vienne de 1969
sur le droit des traités, dont l'article 31 dispose qu'un traité doit être

interprété ((àla lumière deson objet et de son but ))et qu'aux fins de l'in-
terprétation d'un traité,le contexte comprend (toute pratique ultérieure-
ment suivie ...».
D'autres enfin déduisentl'autoritédes principes de la Charte du fait
qu'ils constitueraient des principes généraux de droit au sens de l'article

38, paragraphe 1 c) du Statut de la Cour, se rattachant tout à la fois au
jus naturaledu droit romain et au droit mondial, le common law de
l'humanité selonM. Jenks, ou le droit transnational d'après le terme de
M. Jessup devenu terme de référencedans le droit des gens 33.
De toute facon, et pour revenir à la pratique des Etats telle'qu'ellese

manifeste au sein des organisations et des conférencesinternationales,
on ne peut dénieraux résolutionsqui en émanent ou,pour mieux dire,
aux votes qui y sont exprimésau nom des Etats, qu'ils constituent des
précédentscontribuant à la formation de la coutume. C'est pour ainsi
dire un fait acquis dont la doctrine prend acte 34.Bien plus, des tenants
des thèses qui viennent d'être exposées ne répugnent pas à admettre

cette conception cumulativement avec les leurs. Elle vient d'ailleurs
d'êtreconfirméepar l'article 38 de la convention précitéesur le droit des
traités.
Sans doute la politique affleure sous les transparences des résolutions
ou déclarationsde l'Assemblée des Nations. On admettra cependant que

de vouloir à tout prix éleverune cloison entre la politique et le droit est
de nature à entraîner ce résultatcontraire au réel:la gageure de vouloir
isoler la règlede ses sources sociales et d'en briser l'unitéavec son con-
texte historique. La politique, celle des grandes puissances et des puis-
sances colonialistes, a dominéle droit traditionnel classique; elle ne peut

êtredissociéedu droit, aujourd'hui comme hier; mais c'estunepolitique
nouvellequecellequi nelaissepas d'être influencée par lesgrands principes

33 Cette thèse est développéedans l'opinion dissidente deM. K. Tanaka jointe
à l'arrêtdu 18juillet 1966 dans les affaires du Sud-Ouest africain, deuxièmephase,
C.Z.J. Recueil1966, p. 292 à 296.
3* C'est ce que constate le professeur Moh. Sami Abdelhamid dans la Revue
égyptienne dedroit international,968, p. 127-128 du texte arabe.
Voir aussi R. Higgins, dans The Development of International Law through the
Political Organs of the United Nations, p. 5, qui écrit: «the body of resolutions as a
whole, taken as indications of a general customary law, undoubtedly providasrich
source of evidence*.

Et M. S~rensen, dans son cours à l'Académiede droit international de La Haye,
Recueil des cours, 1960, p. 38, qui s'exprime ainsi:
«Sil'organe internatiogal est composédereprésentantsd'Etats, ilest évidentque
les positions prises par ces représentants pourraient, en principe, contribuer à
la formation d'une coutume. Dans cette hypothèse, il s'agit d'actesimputables
aux Etats agissant par l'intermédiairede leurs représentants, plutôt que d'actes
imputables à l'organe international en tant que t»l. destinés à gouverner les rapports des nations modernes. La conférence de
Vienne de 1969a pleinement tenu compte de ces considérationsen adop-
tant nombre de solutions répondant aux suggestions incluses dans des
opinions individuelles et aux propositions des membres nouveaux de la

communauté internationale.
Ainsi, par une pratique déjà longuedes Nations Unies, le concept de
jus cogensacquiert une plus grande effectivité,sanctionnant, en tant que
norme impérativedu droit des gens, les principes figurant au frontispice

de la Charte. Du domaine de la théorie ou de la doctrine dans lequel
certains de ces principes, et non des moindres, étaient demeurés pour
ainsi dire confinés,ilspassent dans celuidel'objectivité et delapratique 35.
Aussi U Thant pouvait-il dire à la session de 1969de l'organisation de
l'Unité africaine tenue à Addis Abéba en présence de dix-sept chefs

d'Etats africains, que l'ONU ((avait élargila conception du droit des
peuples à l'autodétermination et à l'indépendance, de manièrequ'elle
englobe la reconnaissance de la légitimité dela lutte que mènent ces
peuples pour l'exercice et la jouissance de ce droit dans la pratique 36».
Il aurait pu citer de mêmeleprincipe d'égalité et celui de la non-discrimi-

nation raciale qui en découle,qui constituent tous deux, autant que le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, des règles impératives de
droit 37.
12. Les actes les plus probants relevant du droit international conven-

tionnel sont, en l'occurrence, les traitésde paix signéspar les Puissances
alliéeset associéesavec les Puissances centrales et leurs alliésen 1919 à
Versailles, Saint-Germain, Neuilly et Trianon; en 1921et 1922 à Vienne
et Budapest; en 1923 à Lausanne; enfin les accords de 1922 et 1924
auxquels les Etats-Unis étaient parties.

Aux termes des dispositions de ces traités, les actionnaires ressortis-
sants des pays alliésdans les sociétés d'allégeance ennemio ent eu droit
aux réparations, sans qu'une distinction ait été faiteentre préjudice direct
et indirect.

35 Voir 1. Brownlie, op. cit.,483 à 486.Pour M. Brownlie, sont des règles de
droit impératives: le droit des peuplesdisposer d'eux-mêmes, l'égalité raciale, la
souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles, la convention sur le géno-
cide, la prohibition de la guerre agressive, de la traite des esclaves, de la piraterie,
enfin de tous autres crimes contre l'humanité.
36 Journal Le Figaro du 8 septembre 1969.
Cf. 1. Brownlie, op.cit.,p.417, 484 et 485. On y lit: "Intervention againsa
liberation movement may be unlawful, and assistance to the movement may be
lawful.1)
Et R.A. Tuzmukhamedov, pour qui la déclaration de l'Assemblée générale des
Nations Unies relativeà l'octroi de l'indépendance de 1960est une reconnaissance
defacto des mouvements de libération nationale.
37 L'égalitéraciale est une règle impérative de droit, particulièrement depuis
l'adoption par l'Assemblée générale deNations Unies de la déclaration du0 no-
vembre 1963sur la non-discrimination raciale. (Résolution 1904 (XVIII).)
Commission deenl'Assembléegénérale,7 décembre 1948).ndu ce point de vue (Sixième Après un quart de siècle,les dispositions précitéesdesdits traités ont
été reprisesdans lestraitésde paix ayant mis fin à la guerre de 1939-1945,
signésen1947,ainsi que par letraité d'Etat signéen 1955avecl'Autriche.
Quellevaleur deprécédenc toutumier est-on en mesure d'attribuer à ces
dispositions?

On est en droit de penser que l'inclusion d'une clause obligatoiredans
un traitédénote quecette clause ne fait pas encore partie intégrante du
droit positif. C'est ce qui se déduit notamment de l'arrêtde cette Cour
dans l'affaire du Droit d'asile38.Cette référence ne vise évidemmentpas
lestraités multilatéraux ayantspécialementpour objectif, dansla plupart
de leurs dispositions, la codification de certaines règlesdu droit des gens,

telles que la convention de Genève de1958sur la haute mer, les conven-
tions de Vienne de 1961sur les relations diplomatiques, de 1963sur les
relations consulaires et de 1969sur le droit des traités.
Les conventions n'ayant pas en vue la codification de règlesexistantes
peuvent néanmoinsconstituer des éléments d'unecoutume internationale

naissante, ainsi qu'on peut le dire avec assez de certitude des conventions
issuesdes conférences dela paix de La Haye de 1899et de 1907,du traité
de Londres sur le droit maritime de 1909,du protocole de 1925prohibant
l'usagedes gaz asphyxiants 39,de la convention de Genève de1958sur le
plateau continental 40.
Pour ce qui concerne les traitésde paix plus particulièrement, qu'ils

soient bilatérauxou multilatéraux,ils ne sont pas cependant de nature à
constituer d'embléeun élémend tela coutume. Imposésaux Etats vaincus,
leurs clauses sont à respecter en vertu de la règlepacta sunt servanda.
Mais peut-on pousser le raisonnement jusqu'à dire que leurs dispositions
reflètent le consentement ou l'acceptation réelleet effective de 1'Etat
vaincu, acceptation ou consentement qui seraient constitutifs de l'opinio

juris?
On notera tout d'abord que les clauses relatives aux réparations de
guerre ne s'appliquent qu'à l'encontre d'unepartie, au bénéfice de celle
qui les a imposées. Sansdoute il ne pouvait en être autrementdans un
traité clôturant une guerre victorieuse, mêmeengagéepour une juste
cause.Est-ce à direcependant que detellesclausesconstituent leséléments

d'une coutumejuridique régissantlesrapports entre Etats libres et souve-
rains? En d'autres termes, une pratique constitue-t-elle un précédent

j8 C.Z.J Recueil1950,p. 276-277.
39 Les conventions de 1899, de 1907 et de 1909 et le protocole de 1925 étaient si
peu déclaratifs de droit qu'ils n'ont pas mis obstacle, au cours des deux grandes
guerres mondiales et autres guerres relativement mineures, nonobstant leurs
termes prohibitifsformels, aux bombardements *massifs des villes ouvertes; à
l'affamement )délibéréde populations entières, tentative degénocide avant le
terme; aux attaques de paquebots appartenantà des pays ennemis aussi bien que
ne40rArrêtde cette Cour de 1969et opinions individuelles et dissidentes y attachées. 306 BARCELONATRACTION (OP. IND. AMMOUN)

coutumier si elle ne révèlepas la conviction, une conviction de droit,
dans l'esprit desparties qui s'en prévalent, commedans celui des parties
qui la subissent, qu'ellesl'ont l'une etl'autre acceptée commeune règle
de droità l'application de laquelle elles ne sauraient désormaisse sous-
traire?
13. En donnant une réponse négativeà cette question, il faut encore
remarquer, il est vrai, que d'autres traités,n'ayant aucun rapport avec
la guerre ou la paix entre nations, ont étéconclus dans I'entre-deux-
guerres, reconnaissant les mêmesdroits aux actionnaires indépendam-

ment dela sociétéL. eur objectifétaitde réglerlecontentieux néde révolu-
tions ou d'émeutes,ou celui des nationalisations initiéesen Amérique
latine et qui ne tardèrent pas s'étendre à l'Occident,à l'Est européen
et aux pays économiquement faibles ou en voie de développement:
accords entre la Suisseet des Etats socialistes, accords entre divers Etats
et des Etats latino-américains.
La multiplicité de ces traités, dont se prévaut le demandeur, est en
quelque sorte une arme à double tranchant. Celui-ci en tire argument
pour appuyer sa thèse, déduisant de l'existence de cette pratique con-
ventionnelle l'apparition d'une règlede droit international.
11s'agitpourtant de conventions bilatéralesqui n'auraient pour eff-t
les droits des parties contractantes étantréservé- que de contribuer,
à l'extrême,à la formation éventuellede la coutume.

Et ne faut-il pas souligner, d'un point de vue logique, que les traités
sont d'autant moins considérés comme déclaratifs dd eroit que les Etats
intéressésy ont recours nonobstant les traités antérieurscomportant les
mêmesstipulations? Ainsi en serait-il, si l'on admet ce point de vue, des
traitéssuccessifsconclus,en dépit des précédents conventionnels, l'occa-
sion des révolutions, émeutes ounationalisations, tout autant que des
traitésde paix des deux guerres mondiales reproduisant des dispositions
semblables. En conséquence, la conception énoncép ear tous ces traités
n'aurait pas eu un caractère moinstransitoire que la théoriedu contrôle
instauréeau cours des deux guerres. Elle paraît d'ailleurs y êtreapparen-
tée,si l'on remarque que les dispositions figurant dans les traitésde paix
s'appliquent, commecellesinscrites dans leslois et règlementsinstituant
le contrôle, aux ressortissants des pays dits ennemis.

Il est vrai qu'une certaine opinion ne s'interdit pas de déduire des
effets juridiques durables de la théorie du contrôle. A quoi se réduit
cependant celle-ci,sinonà des mesures d'exception néesdes circonstances
d'une première puisd'une seconde guerre, qui ont disparu, reparu, puis
disparu à nouveau. En somme des mesures qui font partie intégrantede
moyens de guerre économiqueou de guerre tout court. Est-ce la caracté-
ristique d'une norme juridique d'être aussi instable,ou plutôt d'être
susceptible de passer de vie trépasau gréd'événements passagers? Elle
ne saurait mêmeconstituer un précédentcoutumier, dépourvue qu'elle
est des conditions de généralité ed te continuité ou de constance que
suppose l'élémenc tonstitutif de la coutume. Aussi de récentes conven-tions ont-elles spécifiéqu'une sociétén'est considéréecomme non res-

sortissante de 1'Etatdont elle relève, enraison du contrôle exercésur elle,
qu'en vertu de la convention elle-même 41.

14. Une dernière catégoriede conventions mérite examen. Tls'agit des
conventions généralement dénommées traités d'amitié, d'établissement
et de cornerce.
Un certain nombre de ces traités, postérieurs à la seconde guerre mon-
diale, abordent le problème. mais sous des angles différentset parfois

opposés. On peut y glaner des dispositions impliquant le droit de pro-
tection de 1'Etatnational des actionnaires. On ne manquera pas cependant
de remarquer que les formules qu'elles utilisent ont trait à des notions
très diverses: celles de l'intérêt ajoritaire des nationaux ou de leur in-
térêtsubstantiel, du contrôle direct ou indirect des actionnaires, ou du
contrôle mixte; cependant que les dispositions de traités non moins
récents neprévoient ni l'une ni l'autre de ces notions.

Aucune tradition uniforme ne s'est donc instaurée qui permette de
retenir certains de ces engagements conventionnels bilatéraux pour des
précédentscoutumiers.
Signalons pour en terminer avec ces traités quela protection diploma-
tique des actionnaires aurait étéinscrite dans certains d'entre eux en
raison de circonstances politiques spéciales. Le traité de 1955 entre la
France et la Tunisie s'expliquerait, d'après M. Vignes, par le fait que la

Tunisie n'avait pas encore acquis son indépendance politique et nejouis-
sait que d'un régimed'autonomie. D'autre part, le traité de 1936entre
la France et l'Allemagne se proposait pour but principal le règlement de
l'épineuxproblème de la Sarre. Enfin le traité de 1946 entre les Etats-
Unis et les Philippines n'était passans rapport avec certaines questions
soulevéespar la période detransition faisant suite à l'indépendance dece
dernier pays.

15. 11ressort de ce qui précèdeque le nombre des Etatsayant été par-
tiesà l'un ou l'autre des traitésdont il a étéquestion et dont les disposi-
tions concordantes peuvent être retenues, n'est pas tel qu'il puisse
réaliser ledegré de généralité constitutif de la coutume ainsi qu'il est
prévu à l'article 38, paragraphe 1b) du Statut de la Cour. Encore faut-il
souligner que bien des Etats se trouvent ouvertement opposés aux obliga-
tions néesdes traités imposés, ou inégaux 42,OU conclus sans leur parti-
cipation avant qu'ils ne fussent adniis dans la communauté internatio-

Mauritanie dont l'article 50 dispose: la sociétéest conventionnellement considérée
comme non ressortissante de la République islamique de Mauritanie en raison du
contrôle exercésur elle par des intérêts étrangers.
42 Voir sur les traités inégaux auxquels s'opposent les Etats d'Asie et d'Afrique:
le Comité juridique consultatif afro-asiatique, huitièsession(Brieo ff Doc.,
vol.IV, p. 471-472),ainsi que la propositioymentionnée de la Birmanie, de la
Tchécoslovaquie, de l'Inde, du Liban, du Ghana, de Madagascar, de la République nale43.Ilssont enparticulier hostileà l'extensiondelaprotection diploma-
tique autrement que par voie conventionnelle dans les rapports desEtats
contractants uniquement. Et l'on connaît assez, pour ne pas avoir à s'y
étendre,les conséquencessur l'éclosionde la coutume d'une opposition
qui n'est pas supposéeêtrenécessairement aussimassive.

14. Qu'étaient, en somme, beaucoup de ces normes et quels griefs
elles soulevaient et soulèvent encore pour qu'une moitiédes Etats du
monde en conteste des stipulations essentielles, y compris la portée
de la protection diplomatique?
On a vu qu'un grand nombre d'Etats discutent la légitimitéde cer-
taines tendances de cette protection, allant parfois jusqu'à en contester
le principe44. Cette constatation revêt uneimportance indéniable par

rapport à l'évolutionde la coutume en cette matière. On voit en consé-
quence, une fois de plus, l'intérêt qu'iyl a, vu les circonstances de la
cause, àrevenir non sans quelques détailssur les raisons de cette oppo-
sition qui ne peut êtredissociéedu problème de l'élaboration de la
coutume en général etde son application àla présente cause enparticu-
lier.
Des traités dont il a été question 45 il faut remonter à ceux qui ont
organiséla sociétéinternationale aux XVIII'et XIXesiècleset au début

du XXe.On sait qu'ils ont étéconclus àl'instigation de quelques grandes
puissances considéréespar le droit de l'époque comme suffisamment
représentativesde la communauté des nations ou de ses intérêts collec-
tifs Il en a étéd'ailleurs de mêmedu droit coutumier, certaines coutumes
de grande portée ayant été incorporéesdans le droit positif alors qu'elles
étaientle fait de cinq ou six puissances. Ce ne fut certainement pas une
Œuvresans reproches, et mêmesans reproches graves. Aussi des normes

ainsi établies et qui ont survécu aux transformations fondamentales
récentesde la sociétéinternationale marquées par le Pacte de la Société
desNations et la Charte des Nations Unies, compte tenu de l'interpréta-
tion libéraledonnée sanscesse à celle-ci, certaines, on l'a vu, sont con-
testéespar les Etats qui n'ont pas participé à leur élaboration et qui les
considèrent contraires à leurs intérêtsvitaux.

17. On se rappelle que les grands Etats européens de tendance na-
tionaliste s'étaient désolidariséd se la théorie de l'universalisme des

arabe unie, du Nigéria, dela Syrie et de la Yougoslavie tendant a considérerde
te43 L'opinionsocialiste a exposéepar M. G. 1.Tunkin, qui considèrequ'ilfaut
éviterque soient imposées auxEtats socialistes et aux Etats nouveaux certaines
normes que ces Etats n'ontjamais acceptéeset qui leur sont inacceptables(op. cit.,
p. 88).
44 Supra, no 5.
45Supra, no 12. premiers internationalistes, les Vittoria et les Suarez; si jamais ils

l'avaient reconnue. Aussi Mably pouvait-il disserter sur un droit public
de l'Europe, du bénéficeduquel les autres nations - libres ou indépen-
dantes - étaient exclues depuis le XVIe siècle. Communauté ferméea
fort consciencieusement dit Sereni. Le traité de Paris, signéau terme
de la conférence de 1856, déclara pour la première fois dans l'histoire

des relations internationales, une de ces nations, la Sublime Porte,
((admise à participer aux avantages du droit public européen ...1)Ce
terme sera toutefois remplacé,dans les traités ultérieursdes pays d'Oc-
cident, en 1885,en 1904,en 1921et dans le Statut de la Cour permanente

de Justice internationale, par un autre non moins discriminatoire, celui
de ((nations civilisées n. Le Statut de la Cour internationale de Justice
adopte cette dernière locution, quoique la Charte des Nations Unies l'ait
abandonnée pour l'égalitésouveraine des nations de l'ensemble de la
communauté internationale 46. Et M. N. Politis, qui écrivait au lende-

main de la première guerre mondiale que ((ledroit ...doit, pour garder
sa valeur, êtrele reflet fidèlede la vie, changer avec elle, se modeler sans
cesse sur elle ...n, limitait encore à l'Europe et aux intérêts del'Europe
l'aire d'application de cette conception réaliste desrapports entre la vie

et le droit; tout comme il y bornait les horizons de sa pénétrante étude
sur la morale internationale 47. M. Politis s'inspirait pourtant, tout au
long de sa dissertation, du jurisconsulte romano-phénicien Ulpien, le
considérant justement comme le fondateur du droit des gens par sa
remarquable contribution à l'essor du jus gentium 48, l'un des terrains

anciens de développement de ce droit.
18. D'autre part, dans la masse imposante des normes juridiques qui
constituent l'édificemoderne du droit des gens, nombre de règles s'étaient
glissées,néesde la violence ou de l'illégalité; enparticulier les règles

- souvent entérinéespar de solennels traités-justifiant la discrimina-
tion raciale, l'esclavageet, jusqu'au milieu du XXesiècle,la conquête,I'an-
nexion et la colonisation sous toutes ses formes: colonies d'exploitation
ou de peuplement, suzeraineté, protectorat, mandat ou tutelle 49. Ces
deux dernières formules travestissant, sous la fiction des mots, une

pratique et une doctrine colonialistes dont l'illégitimitéa étédénoncée
aux Nations Unieset.condamnéepar elles.Cette attitude de l'organisation
- -... -
46Jusqu'à la veille de la conférence de San Francisco en 1945, la Charte de
l'Atlantique de 1942 était considérée par la plupart de ses interprètes comme
destinée à l'usage des pays d'occident.
47 La faculté de droit de Harvard a compris la nécessitéde supprimer le terme
(civilisés1dans son projet revisé relatif à la responsabilité des Etats. Sir Gerald
formule différente du projet Harvard (Annuaire de la Commission du droit inter- une
narional, 1960, p. 290, no 56).
Voir au surplus l'opinion individuelle de l'auteur,C.I.J. Recueil 1969, no 33.
48 Le tiers du Digeste de Justinien est emprunté aux écritsd'Ulpien (EncyclopŒdia
Brirannica, Ulpian).
49 Opinion dissidente de M. V. M. Koretsky en les affaires du Sud-Ouest africain,
deuxième phase, C.I.J. Recueil 1966, p. 239 et suiv. mondiale a été reflétées,ur le plan judiciaire, par la procédure concernant
les avis consultatifs de 1950, 1955et 1956,demandés à la Cour interna-

tionale de Justice à propos du contrôle de l'application du mandat à la
Namibie.
19. Aussi comprend-on mieux les appréhensions d'un large éventail
d'Etats nouveaux dans trois continents, contestant la légitimitéde cer-
taines règles du droit des gens, non seulement parce qu'elles ont été

adoptéesen dehors d'eux, mais aussi parce qu'elles ne leur paraissent
pas répondre à leurs légitimes intérêts à, leurs besoins essentiels au
sortir de l'èrecolonialiste, enfin à l'idéalde justice et d'équité auquel
aspire la communauté internationale dont les entrées leuront été finale-
ment ouvertes. Ce que le tiers monde entend substituer à certaines

normes du droit en vigueur, ce sont d'autres normes profondément
imbues du sentiment dejustice naturelle, de morale et d'idéalhumain 50;
il s'agit, en somme, d'un coup de barre vers le droit naturel tel qu'il
est présentement conçu etqui ne serait que le sentiment naturel de jus-
tice vers un idéalélevéqui parfois ne transparaît pas dans le droit

positif préoccupésurtout de stabilité: stabilité destraités et stabilité
des situations acquises. Ainsi, par exemple, la notion d'effectivité -
dont l'utilité n'estpas niée encertaines matières - étayant, non sans
quelque extravagance, un status quo ante dont on a confesséla naissance
illégitime endisant: ((Letemps parfois effacel'illégalité en te laisse sub-

sister que l'effectivité52));et ceci de façon pertinente dans l'application
de cette notion aux acquisitions coloniales, où l'on voit le principe de la
souveraineté céderdevant la présomptiondu soi-disant droit du premier
occupant 53;comme aussi des traitésdéjàqualifiéespar le droit romain

Voir opinion individuelle précitéede l'auteur, no 33, p. 134 infine et p. 135;
no 35, p. 136 infine; no 36, p. 137.
Voltaire ne donnait-il pas une définitiondu droit naturel quand il disait: «La
morale est dans la nature »?
51 Pour Sisnett, Chief Justice du Honduras britannique et arbitre dans l'affaire
Shufeldt, le droit international ne veut pas êtreliépar autre chose que par la justice
naturelle.
Voir aussi l'opinion individuelle de M. Carneiro dans l'affaire des Minquiers et
Ecréhous,C.Z.J. Recueil 1953, p. 109.
52 Le facteur temps, dont le propre en droit privé est de consolider les situa-
tions acquises dans certaines conditions qui n'excluent pas généralement la
bonne foi, ne peut êtretransposé purement et simplement en droit international.
Il ne devrait pas prévaloir contre des droits manifestes, soit ceux des populations
autochtones sur leur propre territoire, soit ceux de la communauté humaine res
communis ou res nullius, tels que la haute mer, les fonds océaniques,les étendues
polaires ou spatiales.
53 Voir l'ovinion dissidente M. H. Klaestad iointeB l'arrêtde 1960 de cette
Cour, sur le Droit de passage en territoire indien. Arrêtencore influencépar la vue
statique du droit. L'Inde, se réclamant de la déclaration de 1960 sur I'octroi de
Sécuritéqu'aux termes de cette déclaration lePortugal étaitprivéde toute prétention
à la souveraineté sur Goa et, par suite, de tout droit de protester contre la ré-
occupation de ce territoire, laquelle constitue un acte de libération, le Conseil de
Sécuritégardant un silence significatif.de léonins, plutôt imposésque conclus au cours d'une époque révolue,

et susceptibles d'ouvrir largement la voie à la mise en Œuvrede la clause
rebus sic stantibus. Ces pays ne veulent, en somme, de l'héritage du
passé que sous bénéficed'inventaire; ce qui donne sa signification à
ce propos de Westlake: 11La géographiedu droit international a considé-
rablement changé 11.Cependant, quoique le droit ancien ait été dépouillé

de maintes séquellesd'un passéd'inégalitéet de domination, notamment
par l'adoption des principes de la Charte de San Francisco et de celles
de Bogota et d7Addis Abéba,ces principes mêmesne se sont pas encore
imposés sans restriction ni réserve, n'ont pas développé toutes leurs
virtualités. S'il convient de rendre hommage aux promoteurs des décla-

rations touchant lesgrands principes humains se raccordant à l'universel,
depuis la Déclaration Wilson en 1917 et son mémorable point 4, la
Charte de l'Atlantique de 1942et le rapport de la conférence de Dum-
barton Oaks de 1944,jusqu'à la Charte des Nations Unies, il faut con-
fesser que l'enthousiasme pour les principes proclamés n'a pas fait

long feu. Un fossé, qu'ily a lieu de combler, subsiste entre la théorie
et la pratique. Tel est, au nombre de ces principes, le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes, revendiqué depuis des siècles par les nations
qui ont successivement acquis leur indépendancedans les deuxAmériques,
à commencer par les treize Etats confédérés dle 'Amériquedu Nord, et en

Europe centrale et orientale; proclamé maintes fois depuis la première
guerre mondiale; consacré enfin par la Charte des Nations Unies 54,
qu'ont complétée etpréciséela résolution de l'Assemblée générald eu
16 décembre 1952 sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmeset
la déclaration historique de ladite Assemblée du 14 décembre 1960

sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux, laquelle
n'a pas fini de dérouler ses conséquences. Déclaration et résolutions
auxquelles on ne saurait dénier, alors qu'elles reflètent le sentiment
public quasi universel, le caractère d'élémentsconstructifs du droit des
gens 55. Elles avaient été,au surplus, précédées en detsermes similaires,

par la Charte des Etats américainsadoptéeen 1948 à Bogota et les réso-
lutions de la conférence de Bandoung de 1955; comme elles ont été
suivies par la Charte de l'Unitéafricaine d'Addis Abéba de 1963 56 et
les résolutions des conférences de Belgrade en 1961 et du Caire en
1964des pays non alignés, cettedernière alignant la majoritédes Mem-

bres des Nations Unies; enfin par la déclaration de l'Assemblée géné-
rale du 21 décembre 1965 sur l'inadmissibilitéde l'intervention dans les
affaires intérieuresdes Etats et la protection de leur indépendance et de

j4
Article oremier combiné avec les articles 55 et 56.
jb IIva lieu de remarauer aue la Charte d'Addis Abébaa accueilli (objectif11
du de la ~h&te déSan Fransciso en tant que «principes ou regles de
droit impératives ne laissant plus désormais de doute qu'ils relèvent définitivement
du juscogens. 312 BARCELONA TRACTION (OP. IND. AMMOUN~

leur souveraineté. Nonobstant cette séquenceininterrompue de précé-
dents dans la vie des peuples, la doctrine occidentale, à un certain nom-
bre d'exceptions près 57, persiste à refuser à ce droit - tel que dénommé

pourtant dans le texte français de la Charte et qu'il l'a étédans les ré-
solutions et les déclarations de l'Assembléegénérale - les attributs
d'une norme juridique impérative. Les tenants de cette doctrine sem-
blent regarder nostalgiquement vers letemps où l'on pouvait impunément

dénier, sansblesser un ((droit public européen 1le droit d'autodétermi-
nation aux peuples aspirant à se libérer de la domination des Etats
qui les avaient soumis et colonisés. Contre les défenseursdes derniers

bastions du droit traditionnel, se dresse ainsi une fois de plus, avec l'ap-
pui d'une minorité occidentale, le puissant rassemblement des juristes
et des hommes de pensée ou d'action des pays latino-américains et
afro-asiatiques ainsi que des pays socialistes. Pour eux tous l'autodéter-

mination est une conquêtedéfinitivedu droit international positif. On
sait, en outre, qu'une majorité d'Etats se sont prononcés, par l'organe
de leurs représentants à la conférence de Vienne en 1969 sur le droit
des traités,pour une solution du problème du ,jus cogens susceptible de

sanctionner définitivement les principes de la Charte, considéréspar
eux comme des normes juridiques impératives Aussi bien a-t-il paru
opportun que ces principes - ceux issus à l'origine de l'esprit de la
révolution américaineou de la révolution française non exceptés -

dont l'inspiration religieuse n'est pas ignorée, fussent réaffirméssolen-
nellement. Ils l'ont étéau cŒurmêmede l'Afrique par le chef de 1'Eglise
catholique. S'adressant aux Africains et, par-delà ceux-ci, au monde
entier, Sa SaintetéPaul VI, renouant la tradition, a dénoncéle 2 août

57Le problème était cependant résolu affirmativement dans son ensemble dès
1950 par un des précurseurs de la nouvelle conception qui écrivait: cIt is already
the law, at least for Members of the United Nations, that respect foruman dignity
and fundamental human right is obligatory >(Ph. Jessup, A Modern Law of Nations,
1950, p. 91).
Ecrivant peu d'années après,M. G. 1. Tunkin notait que «les représentants des
Puissances coloniales, malgré une recommandation verbale de notre principe, se
sont efforcésen fait d'en faire une peau de chagrin, de l'édulcorer etde réduire à
rien sa tendance émancipatrice. Parfois même, ils nient son existence en droit
international.1(Op. cit., p. 45.)
58 Telle avait étél'opinion expriméedans le rapport concernant la responsabilité
des Etats soumis à la Commission du droit international (Annuaire de la Commission
du droit internationalde 1957, vol. II, p. 129-130, nos 2 à 7).
D'autre part, une propostion conjointe de la Birmanie, du Cameroun, du Ghana,
de l'Inde, du Liban, de Madagascar, de la Syrie, de la République arabe unie et de
la Yougoslavie prévoyait que Itout traité qui serait en conflit avec la Charte des
Nations Unies serait dépourvu de validitéet aucun Etat ne pourrait en invoquer le
bénéfice11.(Doc. des Nations Unies, A/AC.125/L.35, par. 2.) L'article 64 de la
convention sur le droit des traités de1969 a sanctionné le principe de cette propo-
sition en disposant que ilsi une nouvelle norme impérative du droit international
généralsurvient, le traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nulet
prend fin )). 1969 à Kampala, devant cinq chefs d'Etat, la discrimination raciale,

réaffirmant l'égalité des peuples elte droit de chacun d'eux à une vie
libre et digne ".
20. 11convient de rappeler, pour terminer cette digression nécessaire,
que les progrès réalisésdans l'application efficace des principes de la
Charte sont dus, dans une large mesure, à la contribution des représen-

tants des pays du tiers monde aux Nations Unies, qui se sont ralliés
à l'interprétation raisonnable de l'article 2, paragraphe 7, de la Charte,
concernant le domaine réservé 60.
On sait que ce texte s'étaitdéparti, malgrél'opposition de la Belgique,
de la rigueur de l'article 15, paragraphe 8, du Pacte de la Société des

Nations. ,t a.'il a recu sa rédaction actuelle sur l'insistance des Etats-
Unis, sans doute afin de suivre l'évolution du droit que percevaient
déjà les congressistes de San Francisco. Un consensus s'était alors
établiselon lequel il appartient aux organes des Nations Unies d'inter-
préter les textes de la Charte qu'ils appliquent. Et par la suite I'appli-

cation du nouveau texte devait s'adapter à l'internationalisation crois-
sante de la vie des peuples entraînant un recul corrélatif incessant du
concept de la souveraineté absolue 61.

11est remarquable de constater que la Cour permanente de Justice

internationale s'en était si bien rendu compte qu'elle déclarait dans
l'avis consultatif de 1923 relatif aux décretspromulgués en Tunisie et
au Maroc:

(La question de savoir si une certaine matière rentre ou ne rentre
pas dans le domaine exclusif d'un Etat est une question essentiel-
lement relative: elle dépend du développement des rapports inter-
nationaux. )(C.P.J.I. série B no4, p. 24.)

Mais la mêmeCour n'en demeurait pas moins fidèle à un certain
positivisme qui avait culminé avec l'arrêtdans l'affaire du Lotus en
1927 et qui n'a cesséd'influencer ses arrêtssubséquents. Elle déclarait

ainsi dans l'arrêt de 1932 concernant les Zones franches de Haute-
Savoie et du Pays de Gex que (dans le doute une limitation de la souve-
rainetédoit êtreinterprétée restrictivement 62 )).

59 Journal Le Monde du 3 août 1969.
60 Cf. M. S. Rajan, United Nations and Domesric Jurisdiction, p. 521 à 524.
61 Voir entre autres opinions séparéesde A. Alvarez, toutes tournées vers un
avenir considérécomme inéluctable, son opinion dissidentejointeà l'avis consultatif
sur la Compétencede l'Assembléegénéralerendu en 1950 par la Cour internationale
de Justice, où il disait:
«La psychologie des peuples a subi de grandes modifications; une nouvelle
conscience internationale universelle se fait jour, qui demande des réformes
dans la vie des peuples. Cette circonstance, s'ajoutant à la crise que traverse
depuis quelque temps le droit des gens classique, a ouvert la voiea un droit
international nouveau. 1(C.I.J. Recueil 1950, p. 12.)
Dans son opinion dissidente en l'affaire de 1'Anglo-Iranian Oil Co., M. Read C'est sur ce terrain, en particulier, que les organes des Nations Unies,

forts de la présencedes pays nouveaux épris d'un nouveau droit, de-
vançant les instances juridictionnelles apparemment attachées à la
tradition, ont tracé la voie du renouvellement. L'Assemblée générale
et le Conseil de Sécurité, saisisdes questions intéressantla communauté
internationale, ou touchant les grands principes de la Charte, ont fini
après de longs débats,session après session, par passer outre à l'objec-

tion tirée de l'article2, paragraphe 7, grâce à une interprétation exten-
sive raisonnable - expresse ou tacite - de ce texte 63. Le chemin fut
long et ardu entre 1946, quand 1'Egyptene réussissait pas à obtenir
une décision du Conseil de Sécuritécontre la puissance occupante,
et la déclaration de 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays

et aux peuples colonisés: déclaration sur laquelle s'appuient dé-
sormais, non sans succès, les peuples luttant pour leur libération et
que le Conseil de Sécurité s'est décidé à confirmer par sa résolution du
20 novembre 1965 appuyant le droit à l'indépendance de la Rhodésie
du Sud et à décider de sonpropre avenir.

Il convenait d'évoquer cette longue série defaits en vue d'éclairer
un aspect nouveau de l'évolution du droit des gens en général, et deses
deux grandes sources en particulier. Ce qui a été admis pourles traités
après la condamnation de la théoriede la représentativité etl'efficacité

accrue des principes de la Charte grâce à l'interprétation de moins en
moins stricte de l'article 2, paragraphe 7, doit vraisemblablement l'être
pour la coutume internationale et son application en la présente affaire.

soutient, au contraire, une thèse ouverte sur le devenir déjà perceptible de la con-
ception de la souveraineté. On y lit:
11L'énoncé d'une déclarationest l'exercice de la souveraineté de 1'Etat; il
n'en est, en aucun sens, une limitation. En conséquence, on doit l'interpréter
de manière à donner effet à l'intention de 1'Etat telle qu'elle se dégage des
termes employés et non par une méthode restrictive, ayant pour objet de
mettre à néant l'intention de 1'Etat qui a exercé cepouvoir souverr(C.Z.J.
Recueil 1952, p. 143.)
" Ainsi en a-t-il étéà propos de la revendication de l'indépendance de la Tunisie
et du Maroc depuis 1951, de celle de Chypre et del'Irian occidental depuis 1954,
de l'Algériedepuis 1955, de l'Angola depuis 1960, de la Rhodésie depuis 1961,
enfin, en 1963, de l'ensemble des pays occupes par le Portugal. II en a étéde même
en ce qui concerne les droits de l'homme relativement aux personnes d'origine
indienne en Afrique du Sud depuis 1946, de'apartheid depuis 1948.
On remarquera toutefois que des puissances qui s'étaient fermement opposées
à l'intervention de l'ONU dans les précédentes affairesont rejeté l'objection fondée
sur l'article paragraphe 7, quand il s'est agi des interventions en Espa1946,n
dans l'affaireècev. Albanie, Bulgarie, Yougoslavieen 1948,en Tchécoslovaquie en
1948 et en Hongrie en 1956.M. S. Rajan a souligné à ce sujet que l'élément poli-
tique et les effets de la guerre froide ont eu dans ces cas une influence indéniable
(United Nations and Domestic Jurisdiction, p. 177-178). C'est en prenant en considération ce qui précèdeet les conclusions
qui s'endégagentqu'on serendra compte dans quelle mesure la coutume
de la protection diplomatique est susceptible de recueillir un nombre
suffisant d'adhésions pour couvrir de nouvelles hypothèses tellesque
celle soumise àla considérationde la Cour de céans.
21. Après cette indispensable incursion dans le débat que soulèvent
les aspects nouveaux de l'élaboration de la coutume, et passant à la
jurisprudence internationale, on constate qu'elle ne fournit que peu
de précédentsétayant le droit de protection diplomatique des action-
naires se plaignant d'un préjudiceindirect.
Lajurisprudence internationale n'est elle-mêmqeu'une sourceauxiliaire

du droit et ne suppléepas aux sources principales que sont lestraitéset la
coutume. Mais considérée en tant qu'élément dceelle-ci, ilsemble qu'elle
neremplit pas, enl'espèce, lesconditionsl'habilitantêtreretenuecomme
un précédentcoutumier.
En effet, les précédentsayant trait plus ou moins directement à la
question envisagéeont été jusqu'ici, faut-ille répéter, ceux-là seulsqui
émanaientde juridictions arbitrales. Les juridictions de jugement n'ont
pas été appelées à se prononcer à cet égardavant la présente affaire.
Au surplus, lajustice arbitrale, étant donnélescas qui lui ont été soumis,
en est restée à ce jourà la seule hypothèse où l'action est intentéeen
faveur des associésou actionnaires d'une société dont 1'Etat national
lui-même estl'auteur du dommage. La jurisprudence, pas plus que la
pratique conventionnelle, ne vient donc en aideà la thèse selon laquelle
la protection diplomatique s'étendaux actionnaires indirectement lésés

par un Etat autre que 1'Etatnational de la société.
22. En ce qui a trait àla pratique des Etats, on ne peut nier que nom-
breuses sont les positions adoptées qui dénotent l'intention d'inclure
dans le cadre de la protection diplomatique les réclamationsdes action-
naires d'une sociétéde tierce nationalité.
Dans quellemesure lespositions ainsi adoptéespeuvent-ellescontribuer
à la formation de la coutume?
Il est évidenttout d'abord que de telles attitudes ne sauraient être
comptéesau nombre des précédentsconstitutifs de la coutume inter-
nationale que si leurs auteurs ne s'en départissent pas après s'en être
prévalus.Or, dans le dénombrementde cesprécédents, on peut reprocher
à plus d'un Etat des attitudes contradictoires qui privent ces dernières
de tout effetjuridique. La constance de la pratique françaisee.t,depuis
le débutdu siècle,de celle des Etats-Unis ne suffit pas pour établirune

coutume censéeêtreuniverselle. Et cela d'autant moins qu'un usage ne
contribue àlaformation delarèglecoutumièrequesi1'Etatquis'enprévaut
ou cherche à l'imposer etcelui qui s'ysoumet ou le subit ont, comme il a
déjà étédit,l'un et l'autre conscienceque cet usage est l'expressiond'une
obligation juridique à laquelle nul d'entre eux ne saurait se soustraire.

La manifestation de volonté d'unEtat qui serait contestéepar l'autrepartie demeurerait un acte isolédépourvud'effet.Et combien nombreuses

sont les attitudes des Etats qui se sont heurtéesà l'opposition des parties
adverses. Telles sont, uniquement à titre d'exemples, celles de la France
dans lesaffairessuivantes :Sociétédes quais,dockset entrepôts de Constan-
tinople 64;SociétéLimanova; Société du chemd efer de Tirnovo;Com-
pagnie royale des cheminsdefer portugais; Société lettone dceheminsde
fer; enfin diverses sociétésen Mozambique. Des Etats-Unis dans les
affaires Kunhardt;Alsop; Ruden;du Chemindefer de la baie de Delagoa;
de la VacuumOil Companyde Hongrie;de la Romano-Americanaet de la

Tlahualilo.Du Royaume-Uni dans les affaires déjàcitéesdu Cheminde
fer de labaie de Delagoa et de la Tlahualiloet cellede la MexicanEagleCo.
De la Suisse dans les affaires de la CompafiiaArgentina de Electricidad
et de la CompafiiaZtalo-Argentinade Electricidad. Des Pays-Bas dans
l'affaireBaaschet Romer et dans celle de la Mexican Eagle Co. Enfin de
l'Italie dans les affaires Canevaroet Cerruti.
Il n'est pas sans intérêt,par ailleurs, d'observer que près de 90 pour
cent des oppositions à une telle protection diplomatique émanaient
d'Etats encore en voie de développement.

23. Reste à savoir, au regard de l'élaboration dela coutume, ce qu'est
actuellement l'état dela doctrine quant aux questions posées.
Les thèses énoncéep sar celle-ci ne consistent pas uniquement en des
propositions de legeferenda. Elles sont souvent l'exposéde normes de
droit positif. Elles en sont mêmeparfois, l'un des élémenta suxiliaires de
formation, ainsi que le confirme, à la suite d'une pratique plusieurs fois
séculaire, l'article8, paragraphe 1 d) du Statut de la Cour. Peut-on ne
pas évoquer à ce propos la durable influence qu'ont eue, dans l'évolution

du droit des gens, maintes doctrines définiesjadis par Ulpien, et dans les
temps modernes par Vittoria et Suarez, puis par Bodin, Grotius, Vatel,
Calvo, Anzilotti, Politis, pour ne citer que quelques-uns des publicistes
de renom.
Je me hâte de dire que la doctrine n'est pas représentée uniquement
par lesécritsdes auteurs. On la trouve exprimée,comme on sait, dans les
travaux des conférencesjuridiques et des institutions, instituts ou associa-
tions de droit international. On ne devrait pas non plus manquer de la
puiser - et c'estsurquoi je voudrais insister- dans lesopinions séparées

desjuges auxquellesj'ai cru devoir si souvent me référerJ.e dois souligner
tout d'abord que l'autoritédes précédentsdes deux Cours internationales
découle,entre autres motifs, du fait mêmeque leurs arrêts comportent
les opinions dissidentes ou individuelles de leurs membres. Ce n'estpoint
là un paradoxe; car, pour apprécierla valeur d'une décisionjudiciaire,

64 L'opposition de la Sublime Porte fut tellement ferme que le Gouvernement
français en vint la menacer de saisir la douane de Mitylène, de l'administrer et
d'en retenir les revenus nets jusqu'a complète satisfactioncuments diploma-
tiquesfrançais,e série, t.1, nos 349, 364, 455 et 497, ainsi que l'exposédu ministre
des Affaires étrangèresDelcasséla Chambre des députésle 4 novembre 1901).ilfaut pouvoir serendrecompte dans quellemesure elleexprime l'opinion
de la Cour, et quelles objections ont pu lui êtrefaites par des juges non
moins qualifiésqueceux qui y ont souscrit. Tel serait le cas desjugements
desjuridictions supérieuresdans le systèmeanglo-américain,où la valeur
des opinions dissidentes le cède peu ou prou à l'autoritéreconnue du
case-law.C'est probablement ce qui a fait dire à Charles Evans Hughes,
ancien juge à la Cour permanente puis ChiefJustice des Etats-Unis, ainsi

que le rappelait M. Ph. Jessup dans son opinion dissidente fortement
motivéejointe à l'arrêtdu 18juillet 1966de cette Cour:

eUne opinion dissidente exprimée dans un tribunal en dernier
ressort est un appel à l'esprit toujours présentdu droit, à I'intelii-
gence d'un jour futur où une décision ultérieure rectifiera peut-être
l'erreur dans laquelle le juge qui émet cetteopinion croit que le
tribunal est tombé. )(C.I.J. Recueil 1966, p. 323.)

Et les opinions des juges des deux Cours internationales ne puisent-elles
pas une autoritéaccrue du fait que cesjuges ont été élus, selon l'article9
du Statut de l'une et l'autre juridiction, de manière à assurer «dans
l'ensemble, la représentation des grandes formes de civilisation et des
principaux systèmesjuridiques dumonde ».

Cette autoritén'estautre que celledejuristes particulièrement qualifiés
qui s'inscrit dans le cadre général dla doctrine. Ainsi,M. St. Korowicz,
étudiant l'opinion des sept juges dissidents dans l'affaire du Régime
douanier austro-allemand, la ramène à cla doctrine des publicistes » qui
est considéréepar l'article 38, paragraphe 1 d), du Statut de la Cour,
comme «un moyen auxiliaire de déterminationdes règlesdu droit 1).

Et, faut-il ajouter, de quelle autorité doctrinale ne doivent pas jouir
les opinions concordantes desjuges dissidents, quand l'arrêt a été rendu
à voix égalesgrâce au vote prépondérantdu Président, c'est-à-dire, avec
le respect qui lui est dû,à une majorité ((techniqueou statutaire ))ainsi
que le soulignait M. Padilla Nervo dans son opinion dissidente jointe à
l'arrêt précitdéu 18juillet 1966.

Pour en revenir à la question discutéeconcernant l'état de ladoctrine

envisagéedu point de vue de la formation dela coutume quant aux points
soulevéspar la présente cause,il va de soi que la doctrine dont on se
réclameraitdoit représenter, sinon un consensusassez générald , u moins
un courant d'opinion prédominant. Or,dans le cas dela protection diplo-
matique des actionnaires lésép sar un Etat tiers, la doctrine est fortement
divisée,et les auteurs qui admettent cette protection le sont également,
on l'a vu 'j5sur son fondement juridique.

24. Je voudrais ajouter, uniquement pour les besoins de la discussion,

65Supra, no10.

318que sil'on pouvait s'entenirà l'opinion qui fait de la protection diploma-
tique des actionnaires une dérogation, un tempérament à la règle du
respect de la personnalité morale de la société,il faudrait encore se de-
mander si l'exception à la règlepeut être étendue, parvoie d'analogie,
au cas qui nous occupe.
On sait que dans le cas où la sociéest de la nationalitédu défendeur,
l'action sociale ne peut êtreengagéecontre celui-ci que par les voies des
recours internes, l'action internationale sur la réclamation de la société
elle-même étantexclue contre 1'Etatauquel elle ressortit. Aucune assimi-
lation ne pourrait êtrerelevée,faute d'un texte, avec le droit de la com-
munauté européenne. C'est en conséquence l'impossibilitéjuridique
d'exercer l'action internationale à l'encontre de 1'Etat national de la

société,qui aurait ouvert la voie à l'action supplétivedes actionnaires
indirectement léséset en aurait légitimél'exercice.

Cette éventualitne serencontre pas dans le cas du préjudice causépar
un Etat de tierce nationalité. Car l'exercice dela protectionplomatique.
n'étantpas une compétenceliée, l'absence derecours de 1'Etatnational
de la sociétén'est pas la conséquenced'un obstacle juridique et peut
n'êtreque temporaire. Cet Etat, tel le Canada,jouit à cet effet d'un pou-
voir discrétionnaire.Il n'y aurait donc pas lieu de rechercher pourquoi
il s'estabstenu de saisir la Cour concurremment avec la Belgique, ou s'il
s'en est abstenu de façon définitive.Quelle qu'ait pu êtreou que serait
éventuellement sonattitude, la question resterait entière: celle de savoir
si 1'Etat national des actionnairesjouit ou non du droit d'endosser la
réclamation de ces derniers en raison des griefs dont aurait souffert la

sociétéelle-même.Question purement juridique sur laquelle la volonté
contingente de 1'Etatnational de la sociétén'aurait aucun effet.
Il convient, d'autre part, d'envisager, d'un point de vue pratique, les
conséquencesqu'entrainerait I'exerciceultérieur par 1'Etatnational de la
sociétéde son droit manifested'Etat protecteur de celle-ci.S'ilsedécidait
à saisir la justice internationale après que l'aurait fait 1'Etatnational des
actionnaires, il ne pourrait vraisemblablement obtenir, à son tour, une
réparation pour le préjudice causé à la société,la réparation qui lui
serait due ayant déjà été allouée l'autre Etat. Non seulementl'analogie
ne serait pas logiquement justifiée,étant donné la différenceessentielle
séparantles deux hypothèses,mais elle serait, en outre, contraire par ses
conséquences à une sainejustice.

25. On pourrait cependant étendre l'exception autorisant l'action de
1'Etatnational desactionnairesà l'hypothèseoù la sociétéa cesséd'exister.
L'impossibilité d'agirau nom de celle-ci par son Etat national se ren-
contre, quoique pour un motif différent,comme dans le cas où elleaurait
étéde la nationalité de 1'Etat à qui le dommage est imputé.En outre,
il n'y aurait nul risque qu'entrent en conflit les réparations susceptibles
d'êtreréclamées,pour un mêmegrief, par 1'Etat national de la sociétéet par celui des actionnaires. La réclamation del'actionnaire serait alors
justifiéepar un droit propre puisque, après paiement des obligataires et

autres créanciers,le reliquat des avoirs de la société revient directement
aux actionnaires.
Cette hypothèsenetrouverait pas toutefois application dansla présente
cause. La déclarationde faillite, tout autant que la mise sous administra-
tion judiciaire ou sous receivership,n'a pas pour effetimmédiat demettre
fin à la vie de la société,du moins dans la généralité des systèmjeu sri-
diques dont font partie ceux des deux Parties litigantes, l'Espagne et la
Belgique.Ladéclarationdefaillite, tout enentraînant des effetsimmédiats
touchant le dessaisissement du failli et l'administration de la sociétél,a
constitution dela masse des créances etde celledes dettes, la suppression
des délaisdont dettes et créancessont affectées,peut êtreclôturéeparun
concordat aux termes duquel la sociétéq ,ui n'apas cesséd'exister,reprend
le cours de sa vie normale.
La déclarationde faillite dela Barcelona Traction n'ayant pas eu d'au-
tres effetsjuridiques que ceuxqui viennent d'être rappelés, n'autorise pas,
en conséquence, l'actionut singulides actionnaires de cette société.

26. La Partie demanderesse soutient cependant que la Barcelona Trac-
tion a cesséd'existerpar suite de certaines mesures prises par les autorités
judiciaires espagnoles, qu'elle a qualifiéesdénisde justice, usurpation
de compétence,abus de droit ou détournement de pouvoir. La société
serait, par suite, ((pratiquement défunte »,pour parler le langage de la
sentence arbitrale dans l'affaire du Chemin defer de la baie de Delagoa,
repris dans l'affaireEl Triunfo.Il ne s'agit donc plus des effetsjuridiques
dela déclarationde faillite, mais d'un événementrelevand t u fond et dont
l'examen peut être entrepris, à ce stade de la procédure,étant donné la
jonction au fond de l'exception préjudicielletouchant lejus standi.

II faut d'abord écarterces deux précédentsdu débat;car dans l'affaire
du Chemin defer de la baie de Delagoa comme aussi dans l'affaire El
Triunfo,il a étéestiméque la société a cesséd'existerpar suite deI'annula-
tion de la concession qui en faisait l'objet. Ce qui n'est pas le cas dans
l'affaire dela Barcelona Traction dont lesactivités nesesont pas arrêtées.

Mais sicette sociétén'a pas cesséd'existerfaute d'objet, peut-on raison-
nablement alléguerque les mesures auxquelles il a étéfait allusion ont
entraîné,en fait, sa disparition? II ne le semble pas.
Ces mesures seraient notamment les suivantes :
La déclaration de la faillite d'une société étrangère n'ayant pasun
domicile réel en Espagneet le rejet de l'opposition aujugement déclaratif
defaillitenonobstant lenon-écoulementdu délaid'opposition; l'extension
des effetsde la faillite de la sociéholding aux sociétéf silialesen mécon-
naissance de leurs personnalités juridiques sous prétexte de leurcaractère
unipersonnel; la saisie des titres de la société filialEbro et l'extension
de cette saisie aux titres se trouvantà l'étranger, enviolation de la sou- veraineté de1'Etatétranger,et sanségard auxdroits de la sociétdétenant
en garantie les titres susindiqués;les attributions donnéespar lejuge de

Reus aux organes de la failliteà l'effet de révoquerles administrateurs
des sociétés filialeset d'en nommerde nouveaux: autant de mesures qui
auraient préludé, selole demandeur, à la réalisation de l'objectif en vue,
lequel aurait étéla cessionà un prix dérisoire,àun groupe espagnol, la
société Fuerzas Eléctricadse Catalufia, des titres appartenant aux action-
naires de la Barcelona Traction. Cette cession aurait été réalispear les
syndics de la faillite, lesquels, se constituant en assembléeknéralede
I'Ebro, auraient décidé:

a) que le livre-registre des actions teàuToronto serait désormaistenu
et conservéau nouveau domicilesocialde l'Ebro, transférédeToronto
à Barcelone;
b) que ladite sociéténe reconnaîtra comme titulaire d'actions que ceux
qui seront mentionnésdans ledit livre-registre crééen juin 1951;

c) la création de titres nouveaux en remplacement des anciens et leur
inscription au livre-registre tenuBarcelone;
d) la cession par décision judiciaire des titres nouveaux au groupe
espagnol représentépar la société Fuerzas Eléctricad se Catalufia.
Si telles ont étéles mesures dont 1'Etat demandeur se plaint, prises

aux fins de ladite cession, peut-on alléguerqu'ellesont entraînél'extinc-
tion de la société BarcelonaTraction?
La cession forcéedes actions, à l'instar d'une cession volontaire ou
amiable, n'est nullement de nature à affecter l'existence de la société.
Les actions d'une société anonyme, telle que la BarcelonaTraction,
qu'elles soient au porteur ou nominatives, sont précisément conçues de
par la loi pour êtretransmissibles pendant le cours de la vie de la société.
Une cession nulle ou illégaledes titres peut donner ouverture, le cas
échéant, à une action judiciaire en reconnaissance de la nullité ou en
annulation, elle ne peut avoir un effet quelconque sur l'existence de la
société dont les actions ont passéen d'autres mains.
Aussi bien la Barcelona Traction était-ellesi loin d'être((pratiquement

défunte ))qu'elle a étéà même, sans perdre sapersonnalitémorale par
suite de la déclaration de faillite ou des mesures dont elle a été l'objet,
de solliciteret d'obtenir la protection diplomatique du Canada, des Etats-
Unis, de la Grande-Bretagne et de la Belgique, ainsi que la protection
judiciaire de cette dernièresur la base de sa première requêtede 1958.

27. En définitive,le droit revendiquépar 1'Etat national de I'action-
naire d'endosser sa réclamationcontre un Etat tiers ne constituant pas
une exception à une règlede droit dont on solliciterait l'extensioà un
cas nouveau, mais pouvant découler de l'éventualité de l'existence d'unecoutume internationale, il y aurait lieu deconclure que lesélémentscons-
titutifs de celle-ci, puiser à des degrés diversdans la pratique conven-
tionnelle ou celle des Etats, dans la jurisprudence internationale ou dans
la doctrine, ne sont pas de nature à corroborer ce cas nouveau.
28. S'il est apparu que la protection diplomatique ne relèverait pas

'd'un principe général de droit reconnu par les nations, mais du droit
coutumier international, il ne serait cependant pas interdit, pour étudier
l'éventualitéde l'extension de cette protection aux actionnaires d'une
société,de recourir à l'analogie que le problème peut présenterdans le
cadre desrapports quesoutiennent ledroit interne etledroit international.

II ne s'agirait pas, par ce raisonnement, de dégager des systèmesjuri-
diques nationaux un p~incipegénéralde droit, mais de rechercher, con-
formément aux règles de la logique juridique, les conséquences deces
rapports sur la formation de la coutume en ses divers éléments.
29. Il y a lieu de remarquer, à ce stade de la discussion, que I'appli-
cabilitédes catégoriesdu droit national au droit des gens soulèvel'im-

portante question tendant àdéterminersi un Etat n'est tenu de concéder
aux étrangers queles droits qu'il garantit à ses propres nationaux, ou s'il
doit leur assurer un traitement minimum conformément à une ((norme
internationale dejustice », que définiraientles règlesdu droit des gens et
qui peut, dans certains cas ou en de certains pays, êtreplus avantageux
que celui dont jouissent les nationaux eux-mêmes 'j6.

On sait que dans le droit international public de l'Amériquelatine,
l'égalité dteraitement estliée à la conceptionque sefont lesjuristes latino-
américains dela responsabilité desEtats et de la protection diplomatique.
Cesjuristes, qui la considèrent commeun des piliers de leur conception
du droit des gens, l'avaient défendue à la conférence de1930de La Haye,

la fondant sur l'égalité entre les Etats et la nécessitpour leurs pays de se
protégercontre les interventions des puissances politiquement, militaire-
ment et économiquementfortes. Dix-septjuristes de diverses nationalités
s'étaient ralliésà cette doctrine. Mais la prépondérance demeurait aux
tenants du droit traditionnel qui formaient la majorité à la conférence,
et l'échecdes Etats latino-américainsne fit que renforcer leur attachement

à leur doctrine. Aussi à la neuvième session dela Commission du droit
international, M. Padilla Nervo s'en est-il fait l'interprète autorisé,
concluant que «les règlesinternationales établies enla matière ont été
fondées presque entièrement sur l'inégalité des rapports entre grandes
puissances et petits Etats 66a)).

66 D'aucuns envisagent également, comme on sait, l'éventualité d'accorder le
traitement de la nation la plus favorisée, ou tout simplement une juste réparation,
ou un traitement équitable ou raisonnable, ou enfin d'adopter une solution de
compromis fondée sur la jouissance des droits et des garanties individuelles iden-
tiquesàceux dont jouissent les nationaux et 11ne peuvent..êtremoindres que les
1droits fondamentaux de l'homme 1reconnus et définisdans les instruments inter-
nationaux contemporains ))(Annuairede la Commission du droit international, 1957,
II,p. 128.)
66a Annuaire de Ia Commission du droit international, 1957,1, p. 165. Telle est également la conception des pays d'Afrique et d'Asie. Le
délégué chinois à la conférence de1930de La Haye en a étéun des prota-
gonistes à l'instar desjuristes de l'Amériquelatine. Età la même session
que ci-dessus de la Commission du droit international, M. Matine-.

Daftary, de l'Iran, a appuyé «la thèse latino-américaine ...de l'égalité
des nationaux et des étrangers 66b». Enfin les représentants des Etats
d'Afrique et d'Asie qui ont étéappelés à participer aux conférencesjuri-
diques se sont ralliésà la mêmeconception.

La question est sans doute assez complexe. En principe, si 1'Etatn'est
tenu qu'à établir l'égalitéentre nationaux et étrangers, il faut alors
prendre en considération le droit interne afin d'en étendre le bénéfice

aux étrangers. Mais remarquons tout de suite que les droits à leur ac-
corder sur la base de l'égalitésont les droits substantiels. La solution
serait tout autre en ce qui concerne les droits juridictionnels, aux termes
desquels tout Etat est tenu d'assurer aux étrangers,par une législationet
une organisation judiciaire adéquates, conformes aux normes inter-
nationales, un recoursjudiciaire interneà défaut duquelun recours inter-
national serait possible.
Or telle est bien la solution qui prévaut pour les droits substantiels,

spécialementdans la perspective des Etats nouveaux ou économique-
ment handicapés. Elle se réclamedu principe de l'égalitéentre les na-
tions inscrit dans la Charte des Nations Unies et de la résolution de
l'Assemblée générald eu 21 décembre1952relative au droit des peuples
d'exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles7.
30. En faisant étatde cette solution, on est amené à se demander s'il
n'est pas établi, dans la généralité des droits nationaux, que l'action-
naire - outre son droit d'action propre en réparation d'un préjudice

direct subi ut singul et lésant ses intérêts juridiquementprotégés -
possède un droit d'action qu'il serait à même d'exerceren toutes cir-
constances, concurremment avec les organes de la société, en consé-
quence d'un préjudice subipar celle-ci et qui ne le toucherait lui-même
qu'indirectement ou de façon médiate.
Le droit des gens ne devrait-il pas s'aligner, quant à ce point, par le
mêmeraisonnement auquel il vient d'êtrefait recours au précédent
numéro, sur la généralité des système dse droit internes dont découlent,

outre les institutions juridiques de l'ordre commercial, le concept de
la personnalité morale et les limites qui lui sont assignées?Certes ces

Zbid.,p. 170.
du droit international qu'il cite des représentantsde i'Inde, de l'Iran, de la Répu-
blique arabe unie, de la Syrieet de la Thaïlande.
Voir aussi l'article 12 du projet concernant la condition des étrangers rédigé
par le comitéjuridique consultatif afro-asiatiqpar le docteur MustafaKamil
Yasseen, dans l'Annuairefrançais de droiitnternational, 1964,p. 665.systèmes ne sont pas sans différerparfois d'un pays à l'autre. Ce qui
serait cependant à la fois nécessaireet suffisant, c'est de rapporter la
preuve de l'existence d'un fonds commun à ces systèmes comportant
tels droits essentiels dont ne seraient pas exclus ceux sur lesquels peut
se fonder, en particulier, la Partie belge, savoir:

a) le droit de formuler, auprès des administrations, des réclamations
ou des demandes au nom de la société;
b) le droit d'exercer desrecours judiciaires ou administratifs aux lieu
et place de la société,ou de défendre à une instance engagéecontre
elle;
c) le droit de réclamerdes réparations du chef d'un déni dejustice ou

d'un abus de droit dont la sociétéaurait souffert.
Ces différentsdroits figurent-ils au nombre de ceux que comporterait
un fonds commun à la généralité des système jsridiques nationaux?
Ou, au contraire, transcendent-ils les droits généralementattribués par
ces systèmesjuridiques à l'actionnaire - et notamment les systèmes

juridiques du Canada, de la Belgique et de l'Espagne - et qui seraient:
a) le droit de vote au sein de l'assemblée générale s,oit en vue des
décisionsintéressantla sociétés ,oit pour la nomination des adminis-
trateurs et le contrôle de leur gestion et, le cas échéant, pour action-
ner ces mêmesadministrateurs à la suite d'une faute qui leur serait
imputéedans l'exercicede leurs attributions;

b) le droit de négocierles titres dont ils ont la propriété;
c) les droits au dividende et à une éventuellequote-part de l'actif en
cas de liquidation de la société;
d) ceux de bénéficier d'éventuellessouscriptions d'actions et de valeurs
de remplacement en cas de perte da titre 68.

Je penche à répondre par la négative.Sous une réservecependant:
c'estquela société n'aiptas été dissoute; réservedont il a déjàététraité69
et qui n'a pas trouvéapplication dans le cas de la Barcelona Traction.

Une autre conclusion se dégagede cette discussion; elle peut être
formuléesous la forme interrogative suivante: l'actionnaire n'ayant pas,
selon la législation locale,la possibilité d'esteren justice pour faire
valoir des droits propres à la société, l'exceptiodu non-épuisement des

recours internes ne peut lui êtreopposée.S'il étaitnéanmoinsadmis à
exercer ces droits devant le juge international, ne lui aurait-on pas
reconny plus de droit que la société elle-même?

68 La décisionde la Commission arbitrale de 1965 dans l'affaire Brincard avait
évoqué,sinon tous ces droits, du moins la plupart d'entre eux. Le nouveau code de
commerce libanais, art. 105, donne une énumération plus complètecomprenant
notamment le droit de céder le titre.
69Supra, no 25. 31. Le demandeur soutient toutefois que la nature juridique spéci-

fique des droits et intérêtsdes particuliers lésés estsans importance au
point de vue'dudroit de la protection de 1'Etatdont ils sont lesnationaux.

Il n'y a pas de doute que, dans l'instance internationale, 1'Etat de-
mandeur ((fait valoir son droit propre ».Il n'intervient pas in favorem
tertii.ais serait-il moins vrai que ce droit est celui ((defaire respecter,
en la personne de ses ressortissants, le droit international ))?Les deux

termes figurent dans l'arrêt souvent invoqué dela Cour permanente de
Justice internationale de 1924 dans l'affaire Mavrommatis 70. N'est-ce
pas à dire que le droit de 1'Etat demandeur est à la mesure du droit
individuel violéet, partant, soumisaux mêmesconditions d'exercice?

Sans doute, faut-il ajouter, la responsabilitéde 1'Etat n'est pas néces-
sairement restreinte à l'hypothèse d'un préjudice causé à ses ressortis-
sants. Mais quand un préjudice est à l'origine de cette responsabilité,

le préjudice individuelne peut être démunid'effetsur l'exercicede cette
responsabilité.
32. Afin d'octroyer l'actionjudiciaireà 1'Etatnational des actionnaires,
peut-on recourir ainsi que le soutient également ledemandeur, sinon à
un droit formel, du moins à la notion d'intérêt?
Les griefs que la Belgique formule à l'égardde l'Espagne et qui ont
étéexposésau cours des débats surle fond, sont qualifiéspar le deman-

deur, les uns de dénisde justice, les autres d'abus de droit. L'abus de
droit, de mêmeque le déni de justice, est un acte internationalement
illicite, contrairement l'opinion à laquelle sembleserallier leGouverne-
ment espagnol. Il est consacrépar un principe généralde droit dégagé
des systèmes juridiques de l'ensemble des nations 71. Le demandeur
voit, en outre, dans certaines de ses manifestations, un détournement de
pouvoir à retenir par le droit des gens, motif pris de ce que les droits
dont l'abus a été censurépar la jurisprudence internationale sont, comme

en droit administratif interne, des pouvoirs ou des compétences.Cette
doctrine ne peut qu'être approuvée.Mais s'ensuit-il que l'institution
de l'abus de droit dans le domaine international ait pour but, comme le
détournementde pouvoir en droit interne, la sanction d'un droit ou d'un
intérêo t bjectif distinct du droit ou de l'intérêt subjectidfe'Etatindivi-
duellement pris 72? Une étudeaussi complète que possible de la notion
d'intérêe tst nécessairepour la solution de cette question et pour déter-

miner, chemin faisant, les domaines respectifs en droit international des
deux cmceptions objective et subjective de l'intérêt.
-
70 C.P.J.ZsérieAn02, p.12.

'l Opinion individuelleprécitee l'auteur,no35, p.136,infine.
72 Cf. la référenceu professeurRolin, dans sa plaidoirie du 16 avril 1969, au
cours duprofesseurGuggenheim de1949 à i'hcadémiede droit international. 325 BARCELONATRACTION(OP. IND. AMMOUN)

33. On évoque,en droit privé, levieil adage: «Pas d'intérêt, pads'ac-
tion», tout en lui attribuant une acception quelque peu différentede
celle que lui donnait l'institution destions de la loi en droit quiritaire
romain. Avec plus de raison affirme-t-on que ((l'intérêe tst la mesure
de l'actionB.Mais de quelque formule que l'on se réclame, celane veut
certes pas dire que le sort de l'action est si intimementàll'intérêdtu
demandeur que l'on puisse en déduireque tout intérêtest susceptible
de donner lieuà une action. Ne faudrait-il pas, au contraire, pour y don-
ner ouverture sur le plan international comme dans l'ordre juridique
interne, que l'on se trouve en présenced'un intérêtqui serait, selon le
mot de Jhering, un intérêltégitimementprotégé, ouplus justement, sui-

vant la jurisprudence la plus récente endroit privé,un intérêltégitime
juridiquement protégé?
D'autre part, si l'intérêt droit privédoit être, enprincipe, direct et
personnel, devrait-il en êtrede même endroit international pour autoriser
une action judiciaire?
Cela reviendrait àdire que la protection diplomatique est subordon-
née àdeux conditions: que l'intérêdtu réclamant soitun intérêltégitime
juridiquement protégéet qu'il soit, en même temps,direct et personnel.
34. Il semble que l'on doive, pour répondre à ces deux questions et
frayer la voieà la solution du cas des actionnaires, rappeler les diffé-

rentes actions auxquelles un droit ou un intérêt peutdonner ouverture,
à savoir:
a) l'action individuelle exercéesur le fondement d'un droit ou d'un
intérêt subjectif;
b) l'action sociale, au nom d'une société érigée e personne morale,

exercéede mêmesur le fondement d'un droit ou d'un intérêtsub-
jectif, celui de la société elle-même;
c) l'action exercéepour la défense d'unintérêtcollectif ou général,
cet objectif consistant en la sauvegarde de la légalité,ou dans le
respect dû à des principes d'ordre international ou humain, traduits
en normes juridiques impératives (jus cogens).

Cette distinction m'a paru essentielle pour la discussion, notamment
afin d'éviterla confusion entre l'intérêtindividuel et l'intérêt général
que la Partie défenderessea relevéedans la sentence en l'affaire El
Triunfo et dans l'arrêtrelatif au Camerounseptentrional.

Il est généralementadmis que l'existence d'un droit ou d'un intérêt
juridiquement protégéest une condition à l'exercicede chacune de ces

actions. La question ne fait pas 'de doute en droit privé, qu'il s'agisse
d'une personne physique ou d'une personne morale. On conviendra, en
conséquence, qu'ilserait paradoxal que le droit des gens, dont l'une des fonctions est de suppléer, le cas échéant,dans les rapports entre
Etats, aux défaillances de leur droit interne, puisse donner à 1'Etat
endossant la réclamation de ses ressortissants, accès à la juridiction
internationale du chef d'un intérêt quine serait pas juridiquement pro-

tégéen vertu de la lexforiE .t par une analogie certaine, 1'Etatagissant
proprim ootu, pour la défense d'unintérêtpersonnel ou d'un intérêt
collectif, ne doit pas moins justifier d'un intérêltégitimejuridiquement
protégé.
On peut constater, en conséquence,l'identitéde vues sur ce point -
celui de l'intérêltégitimejuridiquement protégé - entre les deux ordres

juridiques national et international portant respectivement sur les deux
aspects subjectif et objectif de la notion d'intérêt.
La question restant à débattre est donc celle de la preuve que l'in-
térêtdont se prévaut la Belgique est un intérêtlégitimejuridiquement
protégé.Cette preuve ne peut êtrerapportée dans le cas présent puis-
qu'il faut revenirà la lexfori qui ne confère pasla protection juridique à
un tel intérêt.

35. L'identitéde vues constatée ci-haut existe-elle aussi en ce qui a
trait àla nécessité d'unintérêp tersonnel et direct?
S'il est question de la troisième action mentionnéeci-dessus - celle
fondée sur un intérêtgénéral,ou un intérêt internationalou humain
de caractère objectif - cette condition ne serait pas exigée,ainsi qu'il
ressort de l'arrêtprécitédu 21 décembre1962et des opinions des juges

dissidents dans l'arrêt du18juillet 1966.Cet arrêtde 1962constitue un
arrêtdéfinitifcomme l'ont établi à suffisance lesdits juges dissidents, et
pourrait être considéréaussi comme un arrêtde principe consacrant
le concept de l'intérêtgénéralou collectif, qui justifie l'action qu'un
Etat membre d'une organisation internationale telle qu'autrefois la
Société desNations et aujourd'hui les Nations Unies, peut engager en

vue de la défense desbuts de cette organisation touchant l'ensemble de
ses adhérents, dont les intérêtsse présentent souvent en communion
parfaite avec ceux de l'humanité entière 73.Le principe que traduit cet
arrêt, sous-jacent dans maintes conventions allant de l'article 22 du
traité de Versailles et des Actes du Mandat aux traités relatifs aux
minorités et à la convention sur la préventionet la répressiondu géno-
cide, et confirmé explicitementpar la pratique des Nations Unies 74,

se retrouve dans l'avis consultatif rendu en 1951 par cette Cour sur la
question des réserves à ladite convention, aux termes duquel: ((les
Etats contractants n'ont pas d'intérêts propres; ils ont seulement, tous
et chacun, un intérêc tommun 75.Aussi M. 1. Forster pouvait-il s'élever
avec force contre l'idéeque (l'intérêt juridiquepuisse s'enfermer dans

73 Dans son opinion dissidente précitéeM. 1. Forster qualifie justemende
détournement de pouvoir les agissements de l'Afrique du Sud contraires au but du
Mandat sur le Sud-Ouest africain ou Namibie.C.Z.J. Recueil 1966, p. 481.)
74Supra, no 20.
75 C.Z.J. Recueil 1951, p. 23.le carcan de l'étroite conceptionclassique de l'intérêt juridique person-
nel de 1'Etatdemandeur 76)).
36. Par contre, si 1'Etatdemandeur ne se présente paspourla protec-
tion d'un intérêtcollectif, mais se plaint d'un préjudicedont il aurait

souffert en tant que sujet de droit, il va de soi qu'il n'aurait accèsauprès
de la juridiction internationale, pour revendiquer un droit subjectif,
que sur le fondement d'un intérêtpersonnel et direct.
A cette hypothèse doit êtreassimilée celleoù 1'Etat aurait endossé
la réclamation d'un ressortissant ainsi que cette Cour l'a préciséa ,près
la Cour permanente de Justice internationale, dans son arrêt du 6avril

1955en l'affaire Nottebohm,aux termes duquel:
«en prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mou-
vement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire
internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit,

le droit qu'il a de faire respecter en la personne de sesressortissants,
le droit international77».
En d'autres termes, c'est sur le fondement d'un droit ou d'un intérêt

subjectif que 1'Etat agit en endossant la réclamation d'un de ses natio-
naux, ce national fût-il une personne juridique telle qu'une socitéé com-
merciale. Car aucune assimilation n'est à faire entre l'action sociale de
celle-ciet l'action fondéesur un intérêc tollectif. Si la société représente
un faisceau d'intérêtsindividuels, 1'Etat n'agit pas moins, en prenant
fait et cause pour elle, en tant que sujet de droit. Par contre, en sepropo-

sant de prendre la défensede l'intérêg ténéradl e la communautéinterna-
tionale ou de la collectivitéhumaine, il intervient en qualitéde membre
de cette communautéou de cette collectivité.
37. Il a été dit quel'action de la Belgique doit êtrefondée sur unin-
térêltégitimejuridiquement protégé78,tout comme l'action au nom de
la collectivité. Maisà la différencede celle-ci,elle doit se prévaloird'un
intérêp tersonnel et direct.
Ni l'une ni l'autre de ces conditions ne se trouve remplie par la de-

mande de la Belgique d'êtreautorisée à couvrir de sa protection judi-
ciaire les actionnaires de la Barcelona Traction.
Selon la lexforià laquelle il faut revenir en la matière- àsavoir celle
de l'ordre juridique commercial - on sait qu'il n'estpas donné à l'ac-
tionnaire dans une sociétéde capitaux un droit d'action personnel et
direct aux lieu et place de l'action sociale utuniversi, du moment que
le préjudice allégué aurait étéinfligé à la société entant que telle. Quel

intérêp t ourrait êtrele substitut de ce prétendu droit, sinon l'intérêd te
l'actionnaire à une gestion de l'entreprise enassurant la prospéritéet à
la sauvegarde de la valeur économiqueincluse dans les titres. S'ensuit-

l6 Opinion dissidentejointe à i'atrécité du18juillet 196C.Z.JRecueil 1966,
p. 478.
" C.Z.J.Recueil 1955, p. 24.
78Supra, no 34.il qu'il jouirait de la faculté d'agir au nom de la sociétélorsqu'elle a
étéelle-même l'objet d'undommage ou d'une perte dus aux avatars
de la gestion? Tel ne serait pas le cas en droit interne 79,et il n'en devrait
pas êtreautrement en droit international. L'intérêd t e l'actionnaire et,
partant, celui de 1'Etat endossant sa réclamation, pour personnel et

direct qu'il soit, n'est pas cependant, ainsi qu'on vient de le voir, juri-
diquement protégé. LaCour permanente de Justice internationale s'est
rangée à cet avis
38. Passant à la thèse postulant le cumul de l'action sociale et de
l'action individuelle des actionnaires, soutenue par la Belgique, je ne

puis que relever l'absence de pertinence des exemples avancés à l'appui
de cette thèse, à savoir celui puisédans l'avis consultatif de cette Cour
sur les réparations des dommages subis au service des Nations Unies,
ou celui d'un accident d'auto ou d'avion. Cesexemples se heurtent, l'un
et l'autre, aux objections que soulève,en l'espèce,l'existenceaux termes

de la législation nationale, de la personnalité juridique de la Société
couvrant les intérêtsdes actionnaires et en assurant la représentation.

En ce qui concerne l'avis consultatif, il est vrai que la réparation des
dommages sur la réclamation de l'organisation internationale ne met

pas obstacle à celle que solliciterait 1'Etatdont le fonctionnaire des Na-
tions Unies est le ressortissant. C'est à juste titre qu'on a pu dire qu'un
mêmeacte est susceptible d'engager fa responsabilité internationale
de son auteur envers plusieurs sujets de droit s'il porte simultanément
atteinte à leurs droits respectifs. Mais la doctrine de l'avis consultatif

diffère essentiellementde la thèsesoutenue par le demandeur concernant

79 Voir, à cet effet, la doctrine et la jurisprudence françaises qui n'admettent
l'exercice de l'action judiciaire en raison de la dépréciationdes titres corrélativement
a été soulignesupra, no 27.f social qu'en cas de faute des administrateurs, ainsi qu'il
Cf. G. Ripert, Droit commercial, 5eéd., par R. Roblot, tome 1,nos1327et 1328;
Solus et Perrot, op. cit., no 277, et la jurisprudence à laquelle ils se réfèrent.

Et pour le droit anglo-américain,E. Beckett, eDiplomatic Claims in Respect of
Injuries to Companies »,dans Transactions of the Grotius Society, vol. XVII, p. 192
et 193, qui signale le cas exceptionnel des administrateurs fautifs comme urègle
qui se retrouve dans le droit de la plupart des Etats.
Enfin dans le droit conventionnel on peut citer la convention conclue entre la
République Malgache et la sociétéd'Ugine aux termes de laquelle les parties
«ne considéreront pas comme contraire à leurs engagements réciproques toute
réduction d'activité résultant d'aléas techniques graves ou de l'évolution de la
conjoncture dconomique générale 1).
Arrêt dans l'affaire Oscar Chinn, C.P.J.Z. série AIB no 63, p. 88: «Aucune
entreprise, surtout une entreprise de commerce ...dont le succès est liéau cours
changeant des prix et des tarifs, ne peut échapper aux éventualitéset aux risques
qui sont le résultat des conditions économiques générales.Certaines industries
peuvent faire de grands profits dans une époque de prospéritégénéraleou bien en
profitant d'un traité de commerce ou d'une modification des droits de douane;
mais elles sont aussi exposéesà se ruiner et à s'éteindre à cause d'une situation
différente.)la réclamation de l'actionnaire concurremmentavec celleque présenterait
une société commerciale pour un préjudicedont elle a subi elle-même les
conséquences.Toute analogie est exclue en raison de cette différence
essentielle entre les deux hypothèses, laquelle découlede l'existence de
la personnalité moralede la société personnifiant les intérêtsdes action-
naires; en sorte que le préjudice qu'ellesubit est celui-là mêmedont les
actionnaires pourraient se plaindre.

En effet, en considérant que deux sujets de droit, les Nations Unies
et 1'Etatnational du fonctionnaire de cette organisation, ont étésimul-
tanément touchéspar la lésionque celui-ci a subie, peut-on en déduire
qu'au sens de l'avis consultatif il n'y a eu qu'un seul dommage? Il ne
le semble pas. Le mêmeacte a causé deux dommagesdistincts dont
les réparations peuvent êtrecumulées,tout comme l'accident dont il a
été fait mention. Alors que c'estun préjudiceunique qui atteint la société,
lequel ne peut donner lieu qu'à uneunique réparation, et que pourrait
réclamersoit la sociétés ,oit l'associéou l'actionnaire dans des conditions

qui ont déjàétéexaminées.
Faut-il ajouter que l'article62 du Statut de la Cour qui prévoit l'in-
tervention est hors de cause?Il n'est pas question en l'espèced'une règle
de procédure, mais du droit d'action du chef d'un même acte interna-
tionalement illicite.
39. Tout concourt à démontrer, au terme de cette discussion, que
la protection diplomatique des actionnaires léséspar un Etat tiers ne
s'est pas constituée en coutume internationale manifestéesans équivo-
que ni ambiguïtépar la trame des précédentsen formant l'élément ma-

tériel,et définitivement établiepar la conjonction de cet élément avec
l'élément psychologiqud ee l'opiniojuris.
Cette conclusion est renforcéepar l'opinion déjàrapportée que se
font une multitude d'Etats - Etats nouveaux et d'autres, très nombreux,
en voie de développement - sur l'application de la protection diplo-
matique dont ils n'accueilleraientles règlesque dans la mesure où celles-
ci tiennent compte de leur étatde sous-développement,de subordination
économiqueet de stagnation sociale et culturelle où les ont laissésles
puissances coloniales et où ils risquent de demeurer longtemps face

aux puissances fortes de leur industrie, de leur technique et de leur
culture.
Cette opinion a été simultanémentexpriméepar les représentants
des Etats du tiers monde à l'Assemblée générale deN sations Unies
(SixièmeCommission) àla Commission du droitinternational,auComité
juridique consultatif afro-asiatique, à l'Institut de droit international,
dans les écritsdes auteurs

Voir S. Prakash Sinha, op. cit., p. 92 à 94. Voir aussi J. N. Hazard, dans
American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 118, qui«Some of:
the states where investments have long existed have corne to relate these investments
in their mindsith conditions now politically abhor1)d. Ainsi le Comitéjuridique afro-asiatique, réuni en 1966 à Bangkok,
soulignait l'importance de ce problème en rappelant les interventions
d'un certain nombre de délégués à la SixièmeCommission de 1'Assem-
blée générale en 1964,aux termes desquelles

((lesrègles relativesà la responsabilitédes Etats et à la protection
des investissements étrangersont profondément affectéla situation
des Etats nouveaux ou économiquement faibles, ces règles ayant
été établiee sn partie contrairement à leurs intérêts821).

Quand à l'Institut de droit international, il eutà étudier en 1967 à
la session de Nice, le problèmedes investissements dans les pays en voie

de développement. Les juristes du groupe afro-asiatique qui ont parti-
cipéaux travaux de cette session ont exprimé l'opinionde leur groupe
en répondant par la négative à la question de savoir si ((lesactionnaires
sont en droit de demander la protection diplomatique de leur Etat au
cas où la sociétédans laquelle ils ont investi ne peut ou ne veut pas la
demander elle-même à l'encontre du pays en voie de développement 83.

40. Il semble définitivementétabli que les précédentspouvant être
mis à contribution dans le dessein d'étendrela protection diplomatique
aux actionnaires indirectement lésép sar un Etat tiers sont manifestement
insuffisants. Sans doute ressort-il des termes explicites de l'article 38,
paragraphe 1b) du Statut de la Cour, que la pratique dont il est possible
de dégagerla coutume généraleest celle de la généralité et non de I'una-

nimitédes Etats. Mais on en est encore loin, comptetenu de l'abstention
ou de l'opposition dont il a été faitétatlors de l'analyse de la pratique
diplomatique ou conventionelle, ou de l'exposéde la doctrine 84. Il
n'en résulte certespas que la généralité deE stats a déjàaccueilli une
telle coutume. A plus forte raison en est-il ainsi si l'on prend en consi-
dération, comme il se doit, l'opposition massive des Etats nouveaux

ou en voie de développement,lesquels constituent la majoritédes mem-
bres de la communauté internationale. Une coutume générale, sommes-
nous persuadés,ne peut plus désormais être reçue en droit international
sans que soit strictement tenu compte de l'opinion ou de l'attitude des
Etats du tiers monde.

82 Brief of doc., t. IV, p. 269.
Annuaire de I'lnstitut de droit internutional, 1967,I, p. 464, 471,519et 526,avec
Turquien(M.sNihat Erim).Nagendra Singh), de l'Ira(M. Kamil Yasseen) et de la
A noter aussi le propos du professeur Rolincette même sessionde l'Institut:

l'Institut, mais celui-ci se doit d'encourager les investissements au profit des
pays en voie de développement endonnant des garanties de part et d'autre,
tant à ces pays eux-mêmes,pour éviter un néo-colonialismeéconomique
amenant leur sujétionaux pays riches, que pour mettre les investisseursri
de certains risques.Zbid.,p. 414.)
84Supra, nos 12 à 20, 22 et 23. 41. Deux autres questions on étédiscutées:
A. Celle de savoir si 1'Etat national des actionnaires peut intervenir
pour la défensede sa fortune nationale, fortune dont les actions des
sociétésconstituent un des éléments.
B. S'ilpeut le faire dans le cadre de la protection juridique de l'intérêt
que 1'Etat porte au commerce international

Dans l'un et l'autre cas 1'Etat jouirait d'un double droit d'action:
celui qui découlede la fiction, conçue par la doctrine et accueillie par
la jurisprudence, selon laquelle1'Etat en prenant fait et cause pour ses
nationaux exerce son propre droit; et celui qui lui serait attribué en
tant qu'il protège la fortune nationale ou les intérêtsdu commerce
international.
Cette double action suppose-t-elle deux dommages dont 1'Etatcumu-
lerait la réclamation, ou un dommage unique dont 1'Etat réclamerait
la réparationà un double titre?
Les actions d'une sociétéappartenant à des nationaux étant au nombre

des élémentsqui constituent la fortune nationale, l'action de 1'Etat
pour la protection des droits de ses nationaux et celle se proposant la
protection de la fortune nationale seraient motivéespar un dommage
unique affectant le mêmeobjet envisagé sous deux angles différents,
soit: la partie ou le tout.
Cela constaté,1'Etatne pourrait revendiquer deux réparations différen-
tes, l'une pour le tort causé à ses nationaux, l'autre en faveur de la
nation - la composante de ces mêmesnationaux - dont l'économie
aurait étéaffectée. C'estle cas de dire, comme précédemment 85,qu'un
cumul d'action ne serait pas concevable qui accorderait, pour un seul et
même préjudiceu ,ne première puisune seconde réparation.
D'autre part, ce prétendu droit d'intervention soulèverait les mêmes

objections que dessus concernant le prétendu droit d'action au nom des
actionnaires léséspar un Etat tiers, à savoir l'inexistence d'une règle
l'autorisant, reçue en droit international.
L'opposition des Etats nouveaux, ou en voie de développement,dont
on connaît déjàl'influencedéterminante surl'évolutiondu droit des gens
et la formation de ses règles, serait au surplus bien plus forte relative-
ment à l'admission d'une règlejuridique autorisant l'extension de la
protection diplomatique, au-delà des intérêtsdes actionnaires ayant
souffert d'un préjudicedu fait d'un Etat tiers, à l'intérêdte l'économie
généralede 1'Etatnational de ces derniers ou à celui qu'il porte au com-
merce international.
On sait que J. L. Brierly, sans se risquer aussi loin que G. Scelle, ou
que les juristes latino-américains, était partisan de la reconnaissance en

certains cas de la personnalité internationale de l'individu.l disait que
((Ladoctrine orthodoxe, en insistant sur ce que seuls les Etats peu-

Supra, no38.

332 vent avoir des droits ou des devoirs internationaux, conduit à penser
qu'un préjudicecausé àun citoyen individuel dans un Etat étranger
est un préjudice causé à son propre pays ...et cette mystérieuse
quoique puissante abstraction, ((l'honneur national )),y est facile-

ment impliquée 86)).
Et M. Ph. Jessup de reprendre la conclusion de M. Brierly, disant que la
reconnaissance des droits de l'individu tendrait aussi à mettre en échec

((la grave menace que constitue le fait, pour les Etats, de servir des in-
térêts économiquepsrivés qu'ilsidentifient avec lesintérêts nationaux 87».
Et il semble bien que cette identification et la conception de l'honneur
national aient étéà l'arrière-plan, sinonle motif déterminant, des inter-
ventions armées survenuesau cours de l'histoire en Amérique latine,en
Afrique et en Asie.
La menace ne serait-elle pas encore plus grave si I'Etat, en endossant
les intérêtsindividuels de ses ressortissants, cumulait leur réclamation

avec celleattribuéeà lanation pour la défensede sesintérêts économiques
ou de sesintérêts générau dxans le commerce international?
42. A défautd'une règlede droit positif légitimantlejus standi de la
Belgique,cette dernièrese retourne vers l'équité pour y trouver une justi-
ficationà sa réclamation.
C'est à tort que la Partie demanderesse a vu dans les sentences rendues
par application de la convention généralede 1923entre les Etats-Unis et

le Mexique une référence à l'équitécomparable à celle évoquéepar
l'arrêt de cetteCour de 1969relatif au Plateau continentalde la mer du
Nord. La convention précitéeinvite les tribunaux arbitraux qu'elle a
instituésà se fonder sur la justice et I'équité. ette expression, justice et
équité,qui a figurédans de nombreux accords ou compromis, a toujours
étéconsidérée commeimpliquant l'autorisation de se prononcer ex
aequoet bono.Alors qu'on ne devrait manifestementvoir dans la référence
à l'équitécontenue dans l'arrêt susmentionné de cette Cour, ainsi qu'il est

précisédans l'une desopinions individuelles y annexées que l'équité
praeter legem dans le sens que lui donnait Papinien, l'auteur de cette
locution; autrement dit, non point une activité extra-judiciaire comme
l'est la solutionPX aequo et bon0d'un litige aux termes de I'arîicle 38, in
$ne, du Statut de la Cour, en vue de combler une lacune sociale du droit,
mais une source subsidiaire du droit des gens dégagéec ,omme un prin-
cipe général dedroit, du paragraphe 1c) dudit article,à laquelle il estfait

appel afin de pallier les insuffisancesdu droit international et en combler
les lacunes logiques.

Sil'examen desfaits de la présentecause avait révélé une lacunelogique

86 J. L. Brierly, Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1928,
vol.III,p. 531.
s7 Ph. Jessup, A Modern Law of Nations, p. 99.
Opinion individuelle de l'auteur, C.Z.J. Recueilno37, p. 139. dudroit, la Cour aurait étéappelée à y remédierdans l'intérêd te lajustice.
La solution eût vraisemblablement étéde recourir, ainsi qu'il vient d'être
dit,à l'équitépraeter Iegemen tant que principe généraldu droit dégagé

des systèmesjuridiques nationaux. Mais la Cour n'est pas en présence
d'une lacune logique du droit, puisque les systèmesjuridiques nationaux
ne prévoient paslalicitation d'un droit accordéenl'espèce à l'actionnaire.
La lacune que l'argumentation de la Partie demanderesse tendrait à
combler ne serait qu'une lacune sociale que seul un compromis donnant
compétenceex aequo et bono, que ne comporte pas la présente instance,
aurait pu pallier.

L'equity des pays de commonlaw a étéégalement évoquée à l'occasion
de la présente affaire.
Il va de soi qu'il n'est pas question d'identifier I'equity d'origine
anglaise et l'équitéou equitas d'origine romano-méditerranéenne. Mais si
un rapprochement est susceptible d'êtrefait entre ces deux institutions
quant à leurs effets respectifs, c'est avec l'équitécontra Iegem ou infra

legem que ce rapprochement peut l'être. On lit en effet dans Snell que
l'equity peut êtredéfiniecomme un élémentde la justice naturelle 89.
Cette conception de I'equityconsistant en somme en une possible déro-
gation audroit cummun n'ajamais reçu application en droit international.
Le juge international qui s'accorderait cette compétence s'érigerait en
législateur. Ses décisions créeraientun climat d'incertitude éloignant les
Etats d'unejustice dont ils ne peuvent vraisemblablement prévoirle droit

applicable. Qui d'ailleurs est plus à mêmed'en juger que le Gouverne-
ment britanniaue auiLécrivaitau Gouvernement des Etats-Unis dans les
termes suivants: «Aucun actionnaire n'a un droit quelconque sur un bien
quelconque de la société car il n'a sur ces biens aucun intérêt, soit selonle
common law, soit selon l'equity ... ». En définitive, l'equity,tout com-
me l'équitécontra Iegem ou infra legem, ne pourrait servir de fondement
à une solution judiciaire différente des règles du droit qu'elle tend à

modifier que de l'accord des parties acceptant une décisionex aequo et
bono.

Tellessont, en souscrivant à l'arrêtdela Cour, les observations complé-
mentaires que j'ai cru devoir ajouter àses motifs,

(Signé) Fouad AMMOUN.

89 [(It is possible to defineequity as a portion of natura..».Principles of
Equity, 4th ed. bR. E.Megarryand P.V. Baker,p. 9.
90 Note du 5 juillet 1928à propos de l'affaireRomano-Americana, Hackworth
Digest, V, p. 843.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. AMMOUN

1. En entreprenant l'exposéde son opinion individuelle dans l'affaire
du Détroitde Corfou, M. A. Alvarez, se référant aux transformations
fondamentales qui se sont produites dans tous les ordres de l'activité
humaine depuis quelques décennieset, surtout, dans la vie internationale
et le droit des gens, écrivait:

«Il est donc nécessairede connaître l'état actuel dece droit; il faut
le faire dans les matières se rapportant au litige soumià la Cour.
Cela ne veut pas dire que ce tribunal devrait se prononcer sur tous
les points de droit que ces matièrescomportent; mais il m'a semblé
utile que l'un des juges, au moins, les examine. C'est ce que je me
propose defaire dans laprésenteopinion individuelle.(C.Z.J.Recueil
1949,p. 39.)

Je fais mien ce propos, d'autant plus que les questions juridiques que
soulève I'affaire soumiseà la Cour ne peuvent échapperaux effets du
grand mouvement de rénovation du droit des gens qui se manifeste dans
les rapports entre nationse; au cours des activités desinstitutions inter-
nationales. L'évolutiondont lemonde moderne est témoinaffectele droit
des gens dans ses tructures mêmes,le concept de la souveraineté non

excepté,etjusque dans ses sources principales: le traité,la coutume et les
principes générauxde droit reconnus par les nations. Plus d'un concept,
d'un principe ou d'une norme juridique du droit classique ancien sont
remis en question depuis que la coopération internationale est entrée
dans les mŒurs, que le droit se moralise et, fait capital, qu'un nombre
considérabled'Etats a accédé à l'indépendanceet à la souveraineté,ou
les a conquises de haute lutte, et a fait son entréedans la communauté
universelle des nations. A cette évolution qu'il faudra nécessairement
aborder, à ce dynamisme du droit que l'on a dit être une création con-
tinue, est liéela conception que l'on doit se faire de la responsabilité
internationale des Etats et de son corollaire, la protection diplomatique,
sur lesquelles la Cour a étéappelée àse prononcer.

2. Pour procéder à une étudeexhaustive du jus standi injudicio de la
Belgique présenté entant qu'exception préliminaire,il a été reconnu
indispensable, par l'arrêtdu 24juillet 1964,de se référercertains points
de fait ou de droit touchant le fond du procès sans que, pour autant, le
jus standi perde son caractère d'exception.
La Partie belge s'est pourtant demandée si, étant donnél'objet du SEPARATE OPINION OF JUDGE AMMOUN

[Translation]

1. At the beginning of his separate opinion in the Corfu Channelcase,
Judge A. Alvarez, alluding to the fundamental changes which have taken
place in every sphere of human activity in recent decades, and especially
in international affairs and international law, wrote:

"It is therefore necessary to consider what is the present state of
that law. We must examine it in connection with the questions
raised by the dispute submitted to the Court. That does not mean
that this Court should pronounce on al1the legal issues which those
questions connote; but it seems desirable that one of the judges, at
least, should examine them, and that is the task 1have set myself in
this individual opinion." (I.C.J. Reports 1949,p. 39.)

1 subscribe to this statement, the more so since the legal questions
raised by the case which has been submitted to the Court cannot but feel
the effectsof the great renovating movement in international law which is
evident in the relations between nations and in the activities of inter-
national institutions. The development which the modern world is
witnessing affectsthe very structures of international law-including the
concept of sovereignty-and even its main sources, namely treaties,
custom and the general principles of law recognized bythe nations. More
than one concept, principle or legal norm of the older classical law has
been called into question anew since international CO-operation has
become common practice, since law has become imbued with morality,

and-a point of particular importance-since a considerable number of
States have acquired independence and sovereignty, or have siezedthem
by main force, and have entered into the world community of nations.
Linked to this development, which it will benecessary to touch upon, to
this dynamism of the law which, it has been said, is a continual creation,
is the idea which must be formed of the international responsibility of
States, and its corollary, diplomatic protection, upon which the Court is
called uoon to oronounce.
2. InLorder ;O make an exhaustive study of Belgium'sjus standi in
judicio which had been the subject of a preliminary objection, it was
recognized by the Judgment of 24 July 1964as indispensable to refer to
certain points of fact and of law relating to the merits of the case, al-
though jus standi does not thereby lose its character as an objection.

Belgiumhas however questioned whether, in viewof the subject of thedésaccord entre les Parties, qui ne porterait que sur les conditions et les
limites de la responsabilité internationale d'un Etat à l'égard desaction-
naires étrangersd'une société commercialede type holding, il est possib!e
de parler à ce propos d'exception préliminaire. Autrement dit, ce qui est
préalablement en discussion serait la responsabilité internationale plutôt
que la protection diplomatique.
Afin derépondre a cette question, il suffitd'ajouter aux développements
figurant dans l'arrêt précité q, e le droit de protection diplomatique, en
tant qu'il se traduit par une action en justice, se distingue du droit subs-
tantiel dont 1'Etatdemandeur réclamele redressement. La question met
ainsi en cause la distinction entre l'objet de l'action et l'objet du droit

revendiqué,distinction sur laquelle s'accorde généralemenlta doctrine '.
L'exception, considérée par opposition à la mise en Œuvrede l'action en
justice, nedoit donc pas être confondueavec la défensetouchant le droit
litigieux.Il y aurait, en effet, contradiction interne dans le fait de con-
fondre deux choses différentesdans le concept de la demande, à savoir la
recevabilitéde celle-ciet son fondement. La preuve de la qualitérequise
en la personne du demandeur pour l'exercice du pouvoir juridique, ou
de la voie de droit l'habilitantà saisir le juge, peut soulever, cornme en
l'espèce, desquestions qui ne sont pas sans lien avec le fond; elle ne
saurait influer sur la nature de l'action ni sur celle de l'exception s'oppo-
sant à son exercice.
De toute façon, lajonction de l'exception au fond autorise, en tant que
de besoin, à porter l'exposé, au-delàde la protection diplomatique, sur la

responsabilité internationale.
3. Cela dit, la solution de la question djus standi, mettant en cause le
principe de la responsabilitéinternationale et les règlesde la protection
diplomatique et judiciaire destinées à mettre ce principe en Œuvre, est
manifestement liéeau grand problème de l'évolutiondu droit des gens
moderne face aux récentestransformations de la vie internationale. Pro-
blèmed'une brûlante actualité etd'autant plus complexe qu'il estcondi-
tionné par les besoins essentiels de peuples divers, depuis qu'ont émergé
de la dépendance des nations aux intérêtsmultiples et parfois difficile-
ment conciliables entre eux ou avec ceux des autres nations du monde.
Ce problème ne saurait en conséquenceêtre perdu devue dans l'exposé
de la présenteopinion.

Les profondes transformations qui se sont manifestées dans la vie
économique depuis plus d'un demi-siècle, l'expansionsans cesse crois-
sante qui a marquéles dernières décenniesdans un monde en évolution
politique et sociale rapide, ainsi que les problèmes nouveaux qu'elles
soulèvent,'appellentun développementcorrélatifdesstructuresjuridiques.

lSolus et Perrot, Droit judiciaire privé, t. 1, p. 94 à 107 et les auteurs de droit
continental italiens et allemands auxqils renvoient.dispute between the Parties, which it contends deals only with the con-
ditions and limits of the international responsibility of a state towards
the foreign shareholders in a commercial holding Company, it is possible
to speak of a preliminary objection on this point. In other words, what is
being debated as a preliminary issue is, it is said, international responsi-
bility, ratherthan diplomatic protection.
In order to reply to this question, it is sufficientto add to the arguments
appearing in the aforementioned Judgment that the right of diplomatic
protection, so far asit materializes in a legal action, is to be distinguished

from the substantive right which the applicant State claims to have re-
established. The question thus involvesthe distinction between the subject-
matter of the action and the subject-matter of the right claimed, a dis-
tinction about which legal writers are generally in agreement l.An objec-
tion, considered in opposition to the setting in motion of a legal action,
should not be confused with a defence concerning the right at issue. There
would in fact be an interna1 contradiction in the fact of confusing two
different things in the concept of a claim, namely its admissibility and its
validity. Proof that an applicant has the status required to exercise legal
power, or that he has a right entitling him to bring the matter before a
court, may, as in the present case, involve raising questions which arenot

unrelated to the merits, but it cannot have any influence on the nature of
the action, or the nature of the objection to the exercise thereof.
At al1events, the joinder of the objection to the merits justifies, so far
as this may be necessary, extending the present study beyond diplomatic
protection to include international responsibility.
3. That much having been said, the solution to the problem of jus
standi, which calls in question the principle of international responsi-
bility and therules of diplomatic and judicial protection designed to give
effect to that principle, is clearly linked to the overall problem of the
development of modern international law in the face of recent trans-
formations in international life. This is a burning question of today, the

more complex in that it is conditioned by the essential needs of various
peoples, ever since nations have emerged from dependence with inter-
estswhich are manifold and often difficultto reconcile among themselves
or with those of the other nations of the world. This problem must there-
fore not be lost sight of throughout the present opinion.

The radical transformations which have occurred in economic affairs
in the last half-century, the constantly increasing expansion which has
marked the recent decades in a world undergoing rapid social and political
development, and the new problems to which these changes have given
rise, cal1 for a corresponding development of juridical structures. The

l Solus and Perrot, Droit judiciaire privé, Vol. 1, pp. 94-107, and the Italian and
German writers on Continental law to whom they refer.

288 Le droit, un droit conservateur rigide ne peut plier les faits qui émergent
à des règlesintangibles ayant leurs racines dans un passélointain. Il doit
se plier lui-mêmeaux nécessités impérieused s'une sociétéinternationale

tendant à l'universalisme; il doit s'yplier pour éviter l'affrontemententre
peuples et ne pas perdre pied dans la marche ascendante du progrès vers
une meilleure justice et l'aspiration commune vers un idéalde prospérité
et de paix.
On sait que l'avance durable des faits et des événementssur le droit a
dû êtrecorrigée plus d'unefois dans le passé 2.Sur le plan du droit des

gens, l'adaptation du droit aux faits, nécessitée par la mutation politique
aux résonances mondialesdu milieu de ce siècle,a étélargement réalisée
par l'énonciation solennelle des principes et buts des Nations Unies.
Toutefois, leur mise en Œuvrea étéplus efficaceau sein des organes poli-
tiques de l'organisation universelle qu'elle ne l'est dans les sphèresjudi-
ciaires internationales où se posent, sur le terrain juridique, les problèmes
nésde la rupture entre le droit et la réalitésociale. Aussi est-il de l'intérêt

de lajustice et du droit que ces problèmessoient abordésdans une vision
claire du sens de l'histoire et une représentation totale d'un monde dont
nul ne serait désormais exclu,si tard venu soit-il.

Cette situation ne pouvait cependant échapper à la prévoyancede la

Cour internationale de Justice. Aussi faut-il donner à l'avis qu'ellea émis
en 1949, à propos de la réparation des dommages subis au service des
Nations Unies, sa pleine signification: (Le développementdu droit inter-
national, au cours de son histoire, y est-il dit, a étéinfluencépar les exi-
gences de la vie internationale 3. ))
Cette constatation est plus actuelle que jamais. La vie internationale
est inauencéepar les Etats qui sont venus compléter le cerclede la com-

munauté des nations en en triplant à peu près le nombre. Le droit des
gens ne peut ignorer les aspirations du monde où il vit désormais, etil est
significatifque ces Etats manifestent une certaine impatience non dénuée
d'inquiétude.

On verra par la-suite quelle a étéleur attitude à l'égard des règles de la
responsabilitédes Etats et de la protection diplomatique.

A Rome, par l'intervention du préteur dont l'édit, d'inspiration idéaliste,
'complétale droit quiritaire formaliste distancé par le développement des structures
quasi internationales de l'Empirpar l'éclosiondu droit musulman, dégagéde tout
formalisme étriquéet de tout symbolisme illusoire, qui consacra la transformation
capitale des notions juridiques dans la plupart des pays qu'il gouverna; et plus près
l'institution de'equity, dont on mesure l'ampleur du rôle pour suppléer aux in-c
suffisances de laommon law;enfin par le renouvellement intégral du droit dans les
pays socialistes pour répondreà l'avènement d'une idéologieet d'un mode de vie
nouveaux, rompant radicalement avec le passé.
C.I.J. Recueil 1949, p. 178.law, a rigid conservative kind of law, cannot adapt the emerging reality
to sacrosanct rules rooted in the remote past. It must, on the contrary,
adapt itself to the imperious needs of an international society which is

moving towards universalism; it must adapt itself thereto in order to
avoid confrontation between peoples, and lest it lose its footing in the
upward march of progress towards better justice and the common aspira-
tion towards the ideals of prosperity and peace.
It is wellknown that the established lead taken byfacts and events over
the law hashad to be corrected more than once in the past =.In the sphere
of international law, the adaptation of law to factual situations, rendered
necessary by the political change which had world-wide repercussions

in the middle of this century, was largely accomplished by the solemn
enunciation of the principles and purposes of the United Nations. The
implementation of these has however been more effective within the
political organs of the world Organization than it has been in the domain
of international tribunals where problems have arisen on the legal level
as a result of the breach between law and social reality. Thus it is in the
interests ofjustice and of law that these problems should be approached
with a clear vision of the meaning of history and an overall picture of a

world from which no-one should henceforth be excluded,no matter how
late he has come on the scene.
This situation could however not escape the foresight of the Inter-
national Court of Justice. Thus the Advisory Opinion which it delivered
in 1949,in connection with the reparation for injuries suffered in the
service ofthe United Nations, must be givenits full significance;it stated
that :"Throughout its history, the development of international law has
been influenced by the requirements of international life 3."

This observation is more topical than ever. International life is being
influenced by those States which have now rounded out the circle of the
community of nations, increasing the number thereof almost threefold.
International law cannot leaveout of account the aspirations of the world
in which henceforth it has its existence, and it is significant that these
States are manifesting a certain amount of impatience tinged with ap-
prehension.
We shall see later what their attitude has been with regard to the rules

concerning the responsibility of States and diplomatic protection.

In Rome, by the intervention of the Praetor whose edict, idealistic in outlook,
supplemented the formalisticquiritary law, which had lagged behind the development
of the quasi-international structuof the Emipire; by the blossoming ofMoslem
seal on the basic transformation of legal concepts in most of the countries under its
sway; and nearer to Our own day, in the United Kingdom and those countries
which adopted its law, with the institution of equity which plays an important part
in making up for the insufficiencies of the common law; lastly, by the complete
renewal of law in theSocialist countries in order to keep Pace with the advent of a
new ideology and a new way of life which have broken radically with the past.
Z.C.J. Reports 1949, p. 178. 4. Les problèmes qui confrontent le monde après qu'ait étéréalisé,
sur une large échelle,l'affranchissementpolitique despeuples dépendants,

sont ceux de l'instauration de la justice économiqueet sociale et du déve-
loppement. Selon un des grands dirigeants de l'Afrique, le président
L. S. Senghor, «I'indépendancejuridique sans I'indépendance écono-
mique, c'est une nouvelle forme de dépendance, pire que la première

parce que moins perceptible ». Récemment, le directeur généralde la
FA0 mettait le monde en gardecontre lesdangersd'une famine mondiale
dans lesprochaines vingt-quatre à vingt-huit années à moins d'un accrois-
sement de la production dans les pays en voie de développement.Et plus
récemmentle symposium des archevêques et évêqua efsricains, clôturéle

le'août 1969par lesouverain pontife, dénonçait avec vigueur I'accroisse-
ment de la richesse des uns par l'exploitation de la pauvretédes autres 5.
Ce problème se pose particulièrement au regard des grandes entre-
prises économiques, commercialesou financières,dont la multiplication

et l'essor au-delà des confins de leurs pays respectifs sont de nature à
entraîner un développement parallèledu droit des gens. Celui-ci doit sans
doute éviter d'enserrer leuraction dans des formes vétustes;il doit s'em-
ployer à réaliserune juste protection de leurs intérêtsdans l'âpre mais

bénéfiquecompétition internationale 'j.
En revanche, le droit ne doit pas moins ménagerles intérêtd ses nations
où ces puissantes entreprises et les sociétésqui les contrôlent, trusts ou
holdings aux structures pyramidales, étendent leurs activités, rendant
certes d'appréciablesservices à l'économie des pays hôtes, maisexposant

Extrait de son discours à l'Assemblée générale desNations Unies à New York
le 31 octobre 1961, Documents officiels de l'Assembléegénérale, séancepslinières,
vol. II, p. 578.
Voir à ce propos 1. Brownlie, Principles of Public International Law, 1966, p. 485,
qui écrit: [(The concept of self-determination has been applied in the different
context of economic self-determination.»
Pour M. G. 1. Tunkin,
«le respect de la souveraineté étatique s'accommode ..d'une dépendance de
fait des petits Etats vis-à-vis des grands, leur dépendance économique rendant
leur souveraineté de pure forme >)(Droit international public, ouvrage publié
avec le concours du Centre français de la recherche scientifique, p.).
Journal Le Monde du 2 août 1969.
On peut se reporter aussi aux conclusions de M. E. McWhinney, selon lequel:
.Il devient clair que le développement et I'achèvement d'un système viable
d'ordre public international durant le dernier tiers du siècledépendra dans une
mesure considérable des efforts qui seront faits pour combler l'écart quiexiste,
sur le plan du bien-être,entre d'une part les pays du bloc soviétique et l'Oc-
cident, et d'autre part le Tiers Monde ..)>(Amérique latine, Asie, Afrique)
Revue généralede droit international public, 1968, p. 341.
Voir l'intervention de M. Haroldo Valladâo, qui présidait l'Institut de droit
international, signalant

[[la puissance des sociétés internationales quinvestissent dans les pays en
voie de développement, [qui] a eu pour conséquence un traitement spécial
pour ces investissements (Annuaire de l'Institut de droit international, 1967, II,
p.432). 4. The problems confronting the world, now that a large-scale political
emancipation of the dependent peoples has been carried out, are those
relating to the establishment of economic and socialjustice and to develop-
ment. According to one of the great African leaders, President L. S.
Senghor, "legal independence without economic independence is but a

new form of dependency, worse than the first because it is less obvious" 4.
The Director-General of FA0 recently warned the world about the
dangers of a world-wide famine in the next 24 to 28 years, unless pro-
duction is increased in the developing countries. And more recently
the Symposium of African archbishops and bishops, which was brought

to a close on 1August 1969by the Sovereign Pontiff, roundly denounced
the increase in the riches of some through the exploitation of the poverty
of others 5.
This problem arises particularly in connection with the great economic,
commercial and financial undertakings which have multiplied and grown
beyond the confines of their respective countries in such a way as to

necessitate a parallel development of international law. International law
should certainly avoid trying to fit their action into outworn forms; it
should work to bring about a just protection of their interests in the bitter
but beneficient struggle of international competition 6.
On the other hand, the law should be no less concerned with the in-

terests of the countries to which those powerful undertakings and the
companies controlling them-trusts or holding companies of pyramidal
structure-extend their activities, thereby certainly rendering appreciable

Extract from his address to the United Nations General Assernbly in New York
on 31 October 1961(Official documents of the General Assernbly, ~leÏnaryMeetings,
Vol. II, p. 540).
See in this connection 1. Brownlie. Princioles of Public International Law. 1966.
p. 485. He writes: ". .. The concept'of se1f:deterkination has been appliedZin thé
different context of econornic self-determination."
G. 1. Tunkin considers that: "... respect for State sovereignty finds itself com-
patible with ... a de facto dependence of the srnaller States upon the bigger ones,
since their economic dependence means that their sovereignty is merely forrnal".
(Droit international public, published in CO-operation with the Centre français de la
recherche scientifique, p. 237Translation by the Registry].)
Le Monde, 2 August 1969.
Reference rnay also be made to the conclusions of E. McWhinney who writes:
"It becornes clear that the developrnent and-cornpletion of a viable systern of
internationalordre public in the last third of the century will depend to a
considerable extent upon the efforts made to bridge the gap in prosperity that
exists between on the one hand the countries of the Soviet bloc and the West,
and the Third World on the other" (Latin Arnerica, Africa and Asia). Revue
générale dedroit internationalpublic,968,p. 341. [Translation by the Registry]).
Cf. what was said by Mr. Haroldo Valladao, the then President of the Session of
the Institut de droit internationalreferringto-
"the power of the international cornpanies with investments in the developing
countries, [which]has given rise to a special treatment for such investrnents".
(Annuaire de l'Institut de droit international, 1967, II, p. 432 [Translation by the
Registr-VI.) également celle-ci,vu la faiblesse de sesmoyens,à des périls qu'ilimporte
de lui épargner.Les Etats du tiers monde ont étécompréhensifs encon-
venant d'insérerdans la déclarationde 1960sur l'octroi de l'indépendance,
la disposition

((affirmant que les peuples peuvent, pour leurs propres fins, disposer
librement de leurs richesses et ressources naturelles sans préjudice
des obligations qui découleraient de la coopération économique
internationale, fondée sur le principe de l'avantage mutuel, et du
droit international».(Doc. des Nations Unies A/4684, p. 70.)

On ne peut s'empêcherde songer, à cet égard, aux grandessociétés qui
continuent à assumer l'exploitation des ressources naturelles des pays
peu développés, qu'il s'agisse des richesses agricoles, forestièresu mi-
nières,ou delaproduction pétrolière,ou aussi destransports etdecertains
servicespublics ou urbains. Un partage équitabledes bénéfices s'impose.

Les inquiétudes des pays dont les ressources sont exploitées avec la
coopération technique et financière de l'étranger sont profondoment
ressenties, ainsi qu'on le verra par la suàtpropos de l'application de la
protection diplomatique et de son éventuelle extension,comme en l'es-
pèce, à des hypothèses nouvelles en vue d'une protection accrue des
intérêts étrangers.
L'évolutiondu droit des gens ne peut donc avoir pour unique ou prin-
cipal objectif la protection des ressortissants étrangers et des activités
économiquesinternationales des puissances industrialisées. Elledoit se

proposer un objectif plus compréhensif et plus juste et un idéalplus
équitableet plus humain, où les intérêts matérielest moraux des peuples
faibles ou démunis entrent pour éléments.

5. Tlest indispensable de souligner à ce sujet les tendances du droit
latino-américain et de celui d'Asie et d'Afrique et leur influence certaine
sur l'évolutiondu droit international traditionnel.
Il semble bien qu'au nombre des principes et des normes qui ont

donnénaissance àun droit régionalpropre àl'Amériquelatine figurent les
normes et les principes ayant pour objectif la protection des pays de ce
continent contre les Etats plus puissants, qu'il s'agissedes Etats-Unis ou
des Etats industrialisésde l'Europe.
Un droit afro-asiatique paraît aussi en voie de se développer sous
l'effetdes mêmespréoccupations néesdes mêmes causes.Au chapitre de
la responsabilité desEtats et de la protection diplomatique, les mêmes
points de vue sont adoptésdans les pays des trois continents, amorçant
une coopération qui ne sera pas de peu d'effet sur le renouvellement du
droit@.

6aCette coopérationa reçu un commencement d'exécution,surle plan des faits

291serviceto the economy ofthe host countries, but also exposingthat weaker
economy to dangers which it ought to be spared. The States of the Third
World showed insight when they agreed to insert in the 1960Declaration
on the Grant of Independence the provision :
"affirming that peoples may, for their own ends, freely dispose of

their natural wealth and resources without prejudice to any obliga-
tions arising out of international economicCO-operation, based upon
the principle of mutual benefit and international law". (UN Doc.
A/4684, p. 66.)
One cannot help thinking, in this connection, of the large companies
which continue to undertake the exploitation of the natural resources of
the less developed countries, including their agricultural, timber and

mineral wealth, their oil production, and also their transport and other
public or municipal services. An equitable sharing of the profits is
mandatory. The anxieties of the countries whose resources are being
exploited by means of foreign technical and financial CO-operationare
deeply felt, as will be seen below in connection with the application of
diplomatic protection and its possible extension, as in the present case, to
new situations, with a view to the increased protection of foreign in-
terests.
The development of international law cannot therefore have as its sole
or principal object the protection of foreign nationals and of the inter-
national economic activities of the industrialized Powers. It must set itself
an objective which is more comprehensive and more just, and a more
equitable and more humanitarian ideal, in which the material and in-
tangible interests of the weaker and deprived peoples are factors to be
taken into account.
*
*

5. In this connection, it is essential to stress the trends of Latin-
American law and that of Asia and Africa, and their undeniable in-
fluence on the development of traditional international law.
It seems indeed that among the principles and norms which have
sprung from the regional law peculiar to Latin America are the norms and
principles whose aim is to protect countries in that part of the world
against the more powerful industrialized States of North America and
Europe.
An Afro-Asian law also seemsto be developing as a result of the same
preoccupations, springing fromthe samecauses. In the fieldofthe respon-
sibility of States and of diplomatic protection, the same points of view
have been adopted in the countries of the three continents, thus initiating
a form of CO-operationwhich will not be of slight effect on the renewal
of law *.

6a This CO-operationreceived an initial irnplernentation,as regards the effect of La réactionaux règlesdu droit traditionnel fut cependant, en premier
lieu, celle des pays de l'Amériquelatine. Témoin la déclaration véhé-
mente de M. Seijas, ancien ministre vénézuélien , la session de 1891, à
Hambourg, de l'Institut de droit international, qui ne fut pas une simple
manifestation de mauvaise humeur. Preuve en est égalementl'apparition
de la clause Calvo excluant le recours àlajustice internationale au profit

des recours internes, sur laquelle les juristes latino-américains n'ont
jamais transigé en raison de leur peu de confiance dans les voies de la
protection diplomatique telle qu'ellea étéconçuepar le droit traditionnel
et les pratiques des nations occidentales. Cette réactiondes Etats latino-
américains expliquerait, en outre, leur opposition dès 1948 au projet
d'accord de garantie-assurance proposé par les Etats Unies et prévoyant

l'exercicede la protection diplomatique par cette puissance sans qu'aient
étéépuisésles recours internes 7.
Cette attitude des Eta.ts hispaniques, partagée par les Etats afro-
asiatiques, se comprend d'autant mieux si l'on évoque lesformes et les
moyens extra-juridiques auxquels la protection diplomatique avait
autrefois recours. On se rappelle que les réclamations des grands Etats

et de leurs nationaux à l'étrangeravaient souvent conduit, à l'époque
précédant le renouvellement du droit consécutif aux deux guerres
mondiales et à l'institution d'une justice internationale, à des conflits
aigus et à des actes de violence délibérée allant jusqu'à l'intervention
arméeet àl'occupation permanente ou à des démonstrations deforce
auxquelles la doctrine de Drago entérinéepar la conférencepanaméri-

caine de 1906et devenue un des principes fondamentaux du droit inter-
national de l'Amériquelatine, avait, depuis 1926,réaginon sans succès.
Le recours àla force, subordonné iLune offred'arbitrage,étaitnéanmoins
tolérépar la conférencede la paix de La Haye de 1907admettant l'inter-
vention sub modo en vertu de la convention Porter, convention contre
laquelle Drago et ses collègues latino-américains s'étaient insurgés

économiques et de leur influence sur le droit international, à la conférence des
Nations Unies sur le commerce et le développement tenue en 1964à Genève, où
soixante-dix-septEtats latino-américains, africains et asiatiques résolurent de
s'assembler et de négocierpar l'intermédiaire de porte-parole communs.
Le Mexique avaitétécontraint de s'engager par la convention de 1923avec les
Etats-Unisà ne pas se prévaloir de la condition d'épuisementpréalable des voies de
recours.
Voir à ce sujet les interventions pertinà l'Institut de droit international de
MM. Haroldo Valladao, Kamil Yasseen et Jiménez de Aréchaga, lequel relève
avec raison la discrimination qu'entraînerl'exclusion du recours préalable aux
voies de droit internennuaire de l'Institut de droit internationalII,p. 431,
432, 435-436).
Occupation des provinces orientales de la Chine quiprovoqua en 1900 la
Mexique de 1859erà 1866, dont la conquête s'est traduite parl'instauration de
l'éphémèreEmpire du Mexique (Ph. Jessup, A Modern Law of Nations, p. 113).
Vis-à-vis de plus d'un Etat del'Amérique latine: Argentine, ParMexique,
Brésil, Cuba, Nicaragua, Colombie, Haïti, République dominicaine, Venezuela,
etc. L'Empire ottoman en a étéaussi un exemple cité,fra, note 64. The first reaction to the rules of traditional law came however from
the countries of Latin America; witness the vehement speech made by
Mr. Seijas, a former Venezuelan minister, at the 1891 Session of the
Institut de droit international at Hamburg, which was no mere display of
bad temper. Evidence of this too is the appearance of the Calvo Clause,

excluding recourse to international adjudication in favour of interna1
remedies, on which the jurists of Latin America have never compromised,
because of their lack of confidence in diplomatic protection as conceived
by traditional law and the practices of western nations. This reaction on
the part of the Latin American States would, moreover, explain their

opposition from 1948 onwards to the draft insurance guarantee agree-
ment proposed by the United States, providing for the exercise of diplo-
matic protection by that power without local remedies having been ex-
hausted 7.
This attitude on the part of the Hispanic States, which is shared by the
Afro-Asian States, is the more readily understandable if the extra-legal

forms and means to which diplomatic protection formerly had recourse
are borne in mind. It will be recalled that the claims of great States and
their nationals abroad often led, during the period preceding the renewal
of the law consequent upon two world wars and the creation of a means
of international adjudication, to acute conflicts and to acts of deliberate

violence going so far as armed intervention and permanent occupation 8,
or to demonstrations of force 9,against which the Drago doctrine, which
was endorsed by the Pan-American Conference of 1906 and has since
become one of the basic principles of Latin American international law,
has, since 1926,reacted not without success. Recourse to force, subject to
an offer of arbitration, was nevertheless tolerated by The Hague Peace

Conference of 1907, which admitted intervention sub modo by virtue of
the Porter Convention, against which Convention Drago and his Latin
American colleagues vainly protested at the Conference. This was not the

economic facts on international law, at the United Nations Conference on Trade
and Development held in Geneva in 1964, where 77 Latin American, African and
Asian States resolved tomeet and negotiate through the intermediary of common
spokesmen.
Mexico had been forced to agree in the 1923 Convention with the United
States not toavail itself of the condition of the prior exhaustion of local remedies.

Seein this connection the relevant speeches to the Institut de droit interbytional
Mr. Haroldo Valladao and Mr. Kamil Yasseen and by Mr. Jiménez de Aréchaga,
who rightly points to the discrimination which the exclusion of prior recourse to
pp. 431, 432, 435-436).tail (Annuaire de l'Institut de droit international, II67,
Occupation of China's western provinces-which brought on the Boxer Re-
bellion of 1900, of Tunisia from 1881 to 1956, of Egypt from 1882 to 1954 and of
Mexico from 1859 to 1866, the conquest of which took theform of the installation
of the ephemeral Mexican Empire (P. C. Jessup, A Modern Law of Nations, p. 113).
Against more than one Latin American State: Argentina, Paraguay, Mexico,
Brazil, Cuba, Nicaragua, Colombia, Haiti, the Dominican RepublicVenezuela, etc.
The Ottoman Empire was also an example (referred to in footnote 64 below).vainement au sein de la conférence.Ce qui n'était pasla moindre des

contradictions de celle-ci, contradictions se ressentant de l'influence
encore prépondérante de l'ère colonialiste. Aussi sera-t-on autorisé à
suspecter certaines décisionsarbitrales d'avoir étéconvenues ou acceptées
saus l'emprise de la contrainte, ces décisionsayant étéprécédéed s'ulti-
matums ou de menaces, ou d'un déploiementdeforce plus ou moins dans
l'esprit de ladite conférence peinant pour se libérer d'une tradition

tyrannique 1°.
Si la doctrine de Drago a finalement triomphé, et si la convention
Porter est, sur l'insistance du Mexique exprimant l'opinion latino-
américaine à la conférencede Chapultepec en 1945,désormais reconnue
incompatible avec les termes de l'article 103 de la Charte des Nations

Unies, il n'en reste pas moins que maintes décisionsde justice n'ont pas
évitétoute confusion entre la réparation stricto sensu telle qu'en droit
privé interne, et la ((satisfaction 1)exigéepar de puissants Etats et qui
confère à la réparation lato sensule caractère d'une mesure de répression
ou de punition lm. Ce droit de punir que s'arrogeaient certains Etats et
auquel des auteurs éminents telsque Bluntschli, Liszt et Fauchille, ainsi

qu'une résolution de 1927 de l'Institut de droit international ont prêté
leur autorité, paraît avoir étéréprouvépar Anzilotti qui constatait que
dans toutes les formes de réaction contre l'acte illicite se retrouvent
((un élémentsatisfactoire et un élémenrtéparatoire,l'idéede la punition
de l'acte illiciteet celle de la réparation du mal souffert l11)Aussil'oppo-
sition des juristes latino-américains ou afro-asiatiques à la conception

occidentale de la responsabilitéet de la protection diplomatique est-elle
fondée nonseulement sur les souvenirs d'un pénible passé, mais ausssiur
de sérieusesappréhensions.
L'évolution de la penséelatino-américaine concernant la protection
diplomatique et ses limites doit plus particulièrement êtresoulignée à

l'occasion du présentdébat en raison del'influence qu'ellepeut avoir sur
l'évolutionde cette institution. Cette penséeest présentement centréesur
les aspects suivants du problème:
A. Les vingt Etats de l'Amériquecentrale et méridionalerejettent tous
la règle poséepar Vatel et entérinéepar la Cour permanente de Justice
internationale selon laquelle le droit de protection diplomatique est

celui «de faire respecter, en la personne de ses ressortissants, le droit
international 11.Ils la tiennent pour une fiction qu'un deleurs plus illustres

'O Parmi les quarante-quatreEtats participant à la conférencede 1907, iln'y
avait que quatreEtats asiatiqueset aucun Etatafricain.
'Oa Voir à ce sujet le rapportdM. GarciaAmador à la 13e session de la Com-
mission du droit international.(Annuaire de la Commission du droit international,
1961, vol. II, nos4 à 6, 17, 26, 53, 56, 75, 102, 140, 142et 145.)
Voir aussi l'opinion dissidente M. Azevedo dans l'affairedu Détroitde Corfou
pour qui les mesures de satisfaction rappellent le ton des ultimata présentantun
(caractère médiéva(lC.I.J. Recueil 1949, p. 114).
" Cours de droit international,trad. G. Gidel, 1929, p. 522.least of the contradictions which attended it, contradictions which be-
speak the still predominant influence of the colonialist era. Accordingly,
one is entitled to suspect certain arbitra1,decisionsof having been agreed
to or accepted under duress, those decisions having been preceded by

ultimata or menaces or by a deployment offorce more or lessin the spirit
of the said Conference, which was strugglingto free itself from a tyran-
nical tradition 1°.

If the Drago doctrine has finallytriumphed, and if the Porter Conven-
tion, on the insistence of Mexico, expressingLatin American opinion at
the Chapultepec Conference in 1945,is now recognized as incompatible

with the terms of Article 103of the United Nations Charter, it is never-
theless the case that many decisions have not avoided al1confusion be-
tween reparation sticto sensu, as in private municipal law, and the
"satisfaction" demanded by powerful States, which gives reparation
lato sensu the character of a measure aimed at deterrence or punish-
ment lm. This right to punish, which is arrogated to themselvesbycertain
States, and to which such eminent writers as Bluntschli, Liszt and Fau-

chille, as well as a 1927resolution of the Institut de droit international
have lent their authority, seems to have been rejected by Anzilotti, who
noted that in al1forms of reaction against the unlawful act there were
present ". ..an element of satisfaction and an element of reparation,
the notion of punishment of the unlawful act and that of reparation for
the wrong suffered" ll.Thus, the opposition of Latin American or Afro-
Asian jurists to the western conception of responsibility and diplomatic

protection is founded not only on memories of a painful past, but also
on serious apprehensions.
The development of Latin American thought concerning diplomatic
protection and its limits must be particularly stressedin the present dis-
cussion, on account of the influence which it can have on the develop-
ment of that institution. This thought is at present centred on the fol-
lowing aspects of the problem:

A. The 20 States of South and Central America al1reject the rule laid
down by Vatel and endorsed by the Permanent Court of International
Justice, according to which the right of diplomatic protection is "to
ensure, in the person of its subjects, respect for the rules of international
law". They hold it to be a fiction, which one of their most eminent jurists,

l0 Of the 44 States which took part in the 1907 Conference, therewere only four
Asian States and one African State.
'Oa See in this connection the report by Mr. Garcia Amador to the 13thSession
of the Internationalkaw Commission. (Yearbook of the I.L.C., 1961,Vol. II, paras.4
to 6, 17, 26, 53, 56, 75, 102, 140, 142 and 145.)
See also the dissentingopinion in the Corfu Channelcase of Judge Azevedo, who
regarded measures of satisfaction as reminiscent of ultimata of a "mediaeval"
naturCours de droit international [Translation by the Registry from] Fr. trans. by
G. Gidel, 1929, p. 522.juristes, Garcia Robles, a dénommée((un produit de l'influence hégé-
lienne, issu de l'expansionnisme du XIXe siècle ,)12.Et tous ces Etats,
dans les conférences interaméricaines,dans les écrits des publicistes,

dans les prises de position desgouvernements, unirent leurs effortsen vue
de son élimination, étant entendu que la qualité de sujet de droit de
l'individu serait reconnue, lui permettant de s'adresser lui-même à la
justice, non sous le manteau de son Etat national 12".Mais à quelle
juridiction? Une juridiction régionale américaine.La résolution soumise

à la conférence interaméricaine de Buenos Aires etadoptée à la quasi-
unanimité se lit: ((American legal controversies should be decided by
American judges ...and a correct understanding of facts pertaining to
the Americas is more readily to be obtained by Americans themselves. »

Les mêmescauses produisant les mêmes effets,les Etats de l'Unité
africaine ont inscrit dans la Charte d'Addis Abébale mêmeobjectif de
l'institution d'une juridiction régionale 13.
Les pays latino-américains sont allés encore plus loin. Ils ont voté à

l'unanimité, en 1948 à Bogota, une résolution par laquelle ils se sont
engagés àne pas présenter de réclamation devantlajustice internationale,
la Cour internationale de Justice non exclue 13".
B. Les Etats de l'Amérique latine demeurent fermement attachés à

la clause Calvo qu'ils inscrivent couramment dans les contrats passés
avec des entreprises étrangères. Leursconstitutions et leurs lois leur en
font généralement une obligation. Leurdoctrine à cet égard,fondéesur
les deux principes de l'égalité entre les Etats et de non-intervention, avait

été exprimée avec force par M. Guerrero, l'ancien Président de laCour,
dans le rapport qu'il présentaau nom dela sous-commission chargéepar
le Comitédes experts de la SociétédesNations d'étudier la responsabilité
dei Etats. Plusieurs pays non américains ne furent pas hostiles à ce
point de vue. La Chine, la Hollande et la Finlande lui furent franchement

l2 M. Garcia Robles gagna à la cause latino-américaine, à la troisième session de
l'Association interaméricaine du barreau, le président nord-américain de I'Asso-
ciation F. R. Coudert et l'ensemble de ses membres.
lZa La qualité de sujet de droit de l'individu qui a des défenseurs hors d'Amérique
a reçu une reconnaissance relative dans la sentence de 1926 de la Commission
mexico-américaine dans l'affaireNorth American Dredging Company.
l3 E. McWhinney a signaléque:
«Il y a eu dans le passéune notable répugnance de la part de nombreuxEtats,
en particulier des nouveaux Etats,à accepter la compétence obligatoire de la
Cour internationale de justice, et cela parce que ces Etats ont cru que la Cour
appliquerait les vieilles règles'élaboration et au développement desquelles ils
n'avaient pas participé et dont ils considéraient un grand nombre comme
déraisonnables ou injustes.J(Op. cil., p. 331.)
13" ((The High Contracting Parties bind themselves not to make diplomatic
representations inorder to protect their nationals, or to refer a controversy to a
court of international jurisdiction for thatose, when the said nationals have had
available the means to place their case before competent domestic courts of the
respective State.(Art. VI1 du Pacte de Bogoti, 1948.) Garcia Robles, has described as "a product of Hegelian influence,
resulting from the expansionism of the nineteenth century" 12. And al1
these States, at inter-American conferences, in the writings of publicists,
in the positions adopted by governments, are united in their efforts for
its elimination, on the understanding that the individual's status as a

subject of the law is to be recognized, thus enabling him to seek legal
redress himself, and not under the cloak of his national State 12".But
before what tribunal? Before an American regional tribunal. The resolu-
tion submitted to the Inter-American Conference at Buenos Aires and
adopted almost unanimously reads :"American legalcontroversies should

be decided by American judges ... and a correct understanding of acts
pertaining to the Americas is more readily to be obtained by Americans
themselves".
Since the same causes produce the same effects, the States of the

Organization of African Unity wrote into the Addis Ababa Charter the
same objective of the creation of a regional tribunal 13.
The countries of Latin America have gone further still. In 1948 they
unanimously adopted a resolution at Bogoti whereby they undertook
not to bring a claim before a court of international jurisdiction, not ex-

cluding the International Court of Justice 13".
B. The States of Latin America remain firmly attached to the Calvo
Clause, which they habitually insert in contracts entered into with
foreign undertakings. Their constitutions and laws generally make it

compulsory. Their doctrine with regard thereto, founded upon the two
principles ofequality between States and non-intervention, was forcefully
expressed by Judge Guerrero, a former President of the Court, in the
report which he submitted on behalf of the Subcommittee set up by the
Committee of Experts of the League of Nations to study the respons-

ibility of States. Several non-American countries were not hostile to this
point of view.China, Holland and Finland were frankly favourable to it.

l2At the Third Session of the Inter-American Bar Association, Mr. Garcia
Robles won over to the Latin American cause Mr. F. R. Coudert, the North
American President of the Association, and al1its members.
lZa The status of the individual as a subject of the law, which has its suppo'rters
outside America, was to a certain extent recognized in the 1926 award by the
Mexican-American Commissionin the North American Dredging Company case.
l3 E. McWhinney has pointed out that-
"there has in the past been a notable reluctance on the part of nurnerous States,
and, in particular, of the new States, to accept the compulsory jurisdiction of
the International Courtof Justice,ecause those States have felt that the Court
would apply the old rules, in the elaboration and development of which they
had not participated and a great number of which they regarded as unreason-
able or unjust" (op. cit., p. 331 [Translation by the Registry]).
13" "The High Contracting Parties bind themselves not to make diplomatic
representations inorder to protect their nationals, or to refer a controversy to a
court of international jurisdiction for thaturpose, when the said nationals have
had available themeans to place their case before competent domestic courts of the
respective State." (Art.I1 of the Pact of Bogoti, 1948.) favorables. Enfin les Etats-Unis, qui avaient trouvé en Borchard un
vigoureux défenseur de la thèse selon laquelle l'individune peut disposer
d'un droit qui estcelui de 1'Etatet non lesien selonla doctrine vatelienne,

se laissèrent gagner, depuis l'instauration de la politique de ((bon voisi-
nage ))de F. Roosevelt, à la doctrine de leurs voisins du sud 14.

C. La clauseCalvo, qui n'est considéréeo ,utre-Atlantique, que comme
un compromis, serait destinée à préparer les voies à l'adoption de la
doctrine Calvo, laquelle ne vise pas moins qu'à abolir la protection

diplomatique unilatéralepour y substituer une protection assuméepar la
collectivitésur le fondement des droits de l'homme.
Lechemin verscet objectif que l'onnecache pas, est certes long et ardu;
son succèsparaît lié à la progression de l'humanitévers une organisation
interaméricaine ouinternationale moins éloignéeque les Nations Unies
de la conception du super-Etat.

Il était d'autant plus nécessaire de rappeler ces données du droit
américain que d'autresEtats s'engagent dans la même voietendant à la
limitation de la protection diplomatique. Les Etats d'Afrique et d'Asie,
depuis qu'ils sont venus eux aussi à la vie internationale, partagent les

mêmespréoccupations. Témoinles travaux de la Commission du droit
international. A sa neuvième session en 1957,M. Padilla Nervo déclarait
que

cl'historique del'institution de la responsabilité desEtats se confond
avec l'histoire des obstacles dresséssur la voie des nouveaux pays de
l'Amériquelatine - obstacles à la défense de leur indépendance ...
à la possession et à l'exploitation de leurs ressources, et à leur
intégration sociale ».

Et il ajoutait:

(clorsqu'il s'est agi de la responsabilité desEtats, non seulement on
n'a pas tenu compte des petits Etats, mais on a agi contre leurs
intérêts))15.

Et M. El-Erian, de la Républiquearabe unie, a mis l'accent sur la double
conséquence de lacondition privilégiée faite aux ressortissants des pays
d'occident dans leurs rapports avec les pays d'Afrique ou d'Asie, qui a

l4 Voir aussi l'importante sentence dans l'affaire North American Dredging
Company de 1926 entre les Etats Unis et le Mexique, qui a imprimé une nette
direction dans ce sens et fait désormais jurisprudence. La clause Calvo fut retenue
l'unanimité pour rejeter la réclamation nonobstant les dispositions du traité de
1923 exonérant le réclamant de la condition d'épuisement des recours internes.
La portée de la clause est cependant limitéeau droit de l'individu et réserve celui
de 1'Etat en cas de violation du droit international.
l5Annuaire de la Commission du droit international, 1957, 1, p. 165. Finally, the United States, which had found in Borchard a vigorous
defender of the thesis that the individqal cannot dispose of a right which,
according to Vatelian doctrine, is that of the State and not his own,
allowed itself to be won over, with the inauguration of the "good neigh-
bour" policy of F. D. Roosevelt, to the doctrine of its southern neigh-
bours 14.
C. The Calvo clause, which on the other side of the Atlantic is re-

garded merely as a compromise, was destined to prepare the way for the
adoption of the Calvo doctrine,which is aimed at nothing less than the
abolition of unilateral diplomatic protection in order to substitute for it
a protection exercised by the collectivity on the basis of human rights.
The path towards this unconcealed objective is certainly a long and
arduous one; its success seemsbound up with the progress of mankind
towards an inter-American or international organization less removed
than the United Nations from the concept of the Super-State.

It was the more necessary to recall these features of American law in
that other States are treading the same path towards the limitation of
diplomatic protection. The States of Africa and of Asia, since they too
have come to participate in international life, share the same concerns,-
as witness the proceedings of the International Law Commission. At its
Ninth Session in 1957,Mr. Padilla Nervo stated that:

". .. the history of the institution of State responsibility was the
history of the obstacles placed in the way of the new Latin American
countries-obstacles to the defence of their .. .independence, to the
ownership and development of their resources, and to their social
integration".

And he added:

"With State responsibility ... international rules were established,
not merely without reference to small States but against them 15."

And Mr. El-Erian, of the United Arab Republic, stressed the twofold
consequence of the privileged condition accorded to nationals of Western
countries in their relations with the countries of Africa or Asia, which on

l4 See also the important award in theNorth American Dredging Company case
direction and hassince become an authoritative precedent.The Calvo Clausewass
unanimously upheldin order to dismiss the claim, notwithstanding the provisions
of the 1923 Treaty exonerating theclaimant from havingto exhaust local remedies.
The scope of the clause is, however, limited to the individual's right and leaves
untouched thatof the Statein the event of a violation of internationallaw.
l5 Yearbook ofthe International Law Commission, 1957, Vol. 1, p. 155. donné naissance au régimedes capitulations d'une part et, de l'autre,
prétexteà l'intervention dans les affaires intérieuresdes Etats16.
La similitude des vues et des objectifs essentiels des Etats des trois
continents d'Amérique,d'Afrique et d'Asie, l'action qu'ils sont à même
d'exercer en vue du développement d'un droit international positif de
portéemondiale, sont de nature à les orienter vers une conception uni-
versaliste du droit età les ramener à une justice internationale qui n'est

plus désormais de caractère exclusif mais répond, par sa composition
effective, auxvŒuxde la Charte des Nations Unies qui la veut représen-
tative des grands systèmesjuridiques et des principales civilisations du
---.e.
C'est à la lumière de ces considérations liminaires qu'il convenait
d'aborder le problème qui y est lié de laprotection diplomatique et du
jus standi de 1'Etatdemandeur.

6. Il est généralementreconnu que l'attribution d'une nationalité ou
la reconnaissance d'une allégeancejuridique à la sociétésur lefondement
du siègesocial ou de la loi du lieu de constitution ou d'enregistrement
confère, en vertu d'une règlede droit consacréepar la jurisprudence et
une constante pratique 17,le droit d'agir de 1'Etatnational de la société
enréparation d'un dommage résultant,au préjudicede celle-ci,d'un acte
internationalement illicite.

Faut-il cependant qu'existe aussi, entre1'Etatnational et la société, un
lien d'effectivitéconstituépar une participation substantielle du capital
national ou par un contrôle de la gestion? L'intervention de 1'Etat en
faveur de ses ressortissants étant un acte discrétionnaire, la.ratiaue des
Etats qui ne prennent fait et cause qu'à cette condition pour leurs res-
sortissants, n'engendre pas une obligation juridique. En outre, non
moins d'une douzaine de sentences arbitrales rapportées par M. J. P. de
Hochepied l8 ont décidé queseule la nationalité de la société justifie

l'intervention diplomatique. Quant aux décisions d'ordre arbitral ou
judiciaire qu'on pourrait citer à l'appui de la thèse deI'effectivitéou du
rattachement (affaires Canevaro, I'm Alone, Nottebohm) elles ne cons-
tituent pas des précédentsprésentant avec la question de la nationalité
des sociétésen droit international une analogie fondéesur des éléments
essentiels. On remarquera en particulier que l'arrêtNottebohm avait à
statuer sur un conflit d'un ordre particulier, celuide la doublenationalité.

Il se base sur des faits concrets propresà la situation de l'ancien citoyen
allemand Nottebohm et à ses agissements tendant à ((substituer à sa

l6 Ibid., p. 172. Voir aS.Prakash Sinha, New Nations and theLaw ofNations,
p.l71Cettepratique remonte au début XIXe siècleavec l'intervention duRoyaume-
Uni auprès du Royaume des Deux Siciles en faveur de dix-neuf sociétéset a
étéentérinéepar le Comité des experts de la Société desNations en 1927. Quant à
la iurisprudence. outre un certain nombre de sentences arbitrales du tournant
du-siècfe, voir l'affaire du Cheminde fer Panevezys-Saldutiskis, C.P.J.I. sérieA/B
no 76, p. 16.
l8~a protection diplomatique des sociétéset des actionnaires,p. 95 à 101. the one hand had led to the system of capitulations and on the other
afforded a pretext for intervention in the domestic affairs of States 16.
The similarity of the essential views and objectives of the States of the

three continents of America, Africa and Asia, and the action they are
able to take to develop a positive international law of world-wide ambit,
will tend to direct them toward a universalist concept of law and bring
them back to a system of international adjudication which will no longer
be of an exclusivenature but will, through its effectivecomposition, meet
the wishes expressed in the United Nations Charter, which would have it
represent the main legal systems and principal forms of civilization of the
world.

It is in the light of these preliminary considerations that the connected
problem of diplomatic protection and the jus standi of the applicant State
should have been approached.
6. It is generally recognized that 'the attribution of nationality to a
company, or the recognition of its legal allegiance, on the basis of its
siège socialor of the law of the place of formation or registration, confer
upon the national State of the company, by virttie of a rule of law en-
shrined in jurisprudence and of a constant practice '',the right to take

action for the reparation of damage resulting, to the prejudice of the
company, from an international tort.
1sit, however, necessary in addition that there should exist between the
national State and the company a link of effectiveness, consisting of a
substantial participation in the company by national capital or of control
of the company's management? Sinceintervention by a State in favour of
its nationals is a discretionary act, the practice of States which take up a
case for their nationals only on this condition does not give rise to a legal

obligation. Furthermore, no less than a dozen arbitral awards reported
by Mr. J. de Hochepied l8 have held that the nationality of the company
alone justified diplomatic intervention. As for those arbitral or judicial
decisions that might be cited in support of the concept of effectivenessor
connection (Canevuro,Z'mAlone, Nottebohm cases), they do not amount
to precedents affording any analogy based upon essential factors with
the question of the nationality of companiesin international law. It will be
observed in particular that the Nottebohm Judgment had to determine a

conflict of a particular kind, that of dual nationality. It was based upon
concrete facts peculiar to the situation of the former German citizen
Nottebohm and his endeavours to "substitute for his status as a national

l6 Zbid., p. 161. See also S. Prakash Sinha, New Nations and the Law of Nations,
ppl79This practice goes back to the beginning of the nineteenth centuwhen the
United Kingdom intervened with the Kingdom of the Two Sicilies on behalf of
19 companies, and it was endorsed by the Committee of Experts of the League of
Nations in 1927. With respect to the jurisprudence,in addition to a number of
arbitral awards at the turn of the century, see the Panevezys-Saldutiskis Railway
case, P.C.Z.J., Series AIB, No. 76, p. 16.
l8La protection diplomatique des sociétéset des actionnaires, pp. 95-101. qualité desujet d'un Etat belligérantla qualité desujet d'un Etat neutre,
dans le but unique de passer ainsi sous la protection du Liechten-
stein...ls1)Ce considérant del'arrêtneparaît-il pas s'alignersur la prati-
que jurisprudentielle ou administrative qui, prenant en considération le
mobile de l'acte, tient pour nul le changement de nationalité pour obtenir
par exemple, un divorce, ou le changement de religion ou de confession
en vue de lever l'obstacle s'opposantàun mariage, ou à une électiondans

un Etat où les siègesdans les corps élussont répartis entre les religion-
naires appartenant aux diverses religions et confessions du pays?
* *

Le droit de protection de la sociétépar son Etat national étant de
règle, ce droit laisse-t-il place, le cas échéant, une action de 1'Etat
national des actionnaires?
Cette question a trait, dans le cadre de la troisième exception pré-
judicielle,à la condition juridique primordiale mise à l'exercice de la
protection diplomatique internationale, autrement dit à l'existence d'une
règlede droit autorisant, en l'espèce,le recours à une action judiciaire.

Elle revêt uncaractère préalable à la quatrième exception préliminaire
relativeà l'épuisement desrecours internes, comme aussi aux autres
questions que soulève la troisième exception,à savoir: la nationalité de la
réclamationet les questions connexes de la continuitéde la nationalité et
des legal ownerset nominees.C'est eneffet la règlede droit qui donne, le
cas échéant,accèsau prétoire. En l'absence de cette règle,l'accèsde la
justice est interdit au réclamant, sa réclamation eût-elle été absolument
justifiéesur le plan des autres questions susceptibles d'être soulevées à
ce stade préliminairede l'instance.
Cependant, la Cour s'étant prononcéepar l'affirmative sur le caractère
prioritaire de l'éventualitéde l'existence de la règlede droit, pouvait-elle

aborder l'une ou l'autre des questions subsidiaires sans pouvoir éviter,
dans la rigueur d'un raisonnement qui se veut logique, de méconnaître sa
première décisionet d'en prendre, pour ainsi dire, le contre-pied? Cette
décisionavait eu pour conséquence inéluctablede mettre fin àl'instance,
et il n'appartenait à quiconque de lui redonner vie pour entamer un
débat nouveau qui ne serait pas seulement obiter dicta, mais un raison-
nement basé sur une hypothèse dont la Cour a déjàfait justice et qui
introduirait dans l'arrêtune contradiction interne.
Tel étantmon point de vue sur ce problème, mon opinion individuelle
ne portera que sur la question juridique dont la solution exclusive a
entraîné à mon sens le rejet de la requêtede la Belgique.

7. La question ne présente pas de difficultéssi le sociétaire ou l'ac-
tionnaire se plaignent, ut singuli, d'un dommage direct, tel que généra-
lement en droit interne; si, en d'autres termes, il est ldans ses intérêts
subjectifs distincts de ceux dela société;par exemple,en cas de spoliation

las C.Z.J. Recueil 1955, p. 26.

297 of a belligerent State that of a national of a neutral State, with the sole

aim of thus coming within the protection of Liechtenstein" Is".Does not
this reasoning in the Judgment seem to fa11into line with the practice of
.the courts or of the administration, taking into account the motive for
the act, of ignoring changes of nationality effected for the purpose of
obtaining, forexample, a divorce, or,changes of religion or beliefin order
to overcome an obstacle to a marriage orto an election, in a State where
seats in the elected chambers are distributed between members of the
country's various religions and beliefs.

The right of protection of the company by its national State being the
rule, does this right leave room, in appropriate circumstances, for an
action by the national State of the shareholders?
This question relates, within the framework of the third preliminary
objection, to the basic legal condition governing the exercise of inter-

national judicial protection, in other words, to the existence of arule of
law which would, in the instant case, authorize recourse 'to a judicial
action. It is of a preliminary nature in relation to theourth preliminary
objection, concerning the exhaustion of local remedies, as well as to the
other questions raised by the third objection, namely the nationality of
the claim and the connected question of the continuity of the nationality
and that of legal ownersand nominees. It isin fact the legalrule which, in
appropriate cases, gives accessto the Court. In the absence of this rule,
accessto the judicial tribunal is denied the claimant, even if his claim be
absolutely justified from the point of view of such other questions as
might be raised at this preliminary stage ofthe proceedings.
Since, however, the Court has affirmed the preliminary character of
the question of the possible existence of the legal rule, could it embark
upon one or other of the subsidiary questions and yet manage to avoid, in
the rigour of would-be logical reasoning, disregarding its-first decision

and, as it were, going back on itself? That decision had the unavoidable
consequence of putting an end to the proceedings, and it is not open to
anyone to restoreit to lifeinorder to embark upon a newdiscussion which
would not only be obiter dicta,but would be reasoning based upon an
hypothesis which the Court has.already rejected, and which would in-
troduce an interna1contradiction into the judgment.
This being my point of view on the problem, my separate opinion will
deal only with the legal question the solution of which has of itself,to my
mind, led to the rejection of Belgium'sApplication.
7. The question occasions no difficultyif the members of the company
or shareholders cornplain, ut singuli,of direct damage, as is generallythe
case in municipal law; if, in other words, he is injured with respect to
his subjective interests, as distinct from those of the company: e.g., in

I.C.J. Reports 1955, p. 26.

297individuelle ou de mesures discriminatoires. Il est dans le cas de tout
particulier revendiquant la protection diplomatique ou juridictionnelle de
1'Etatdont il est le national19.
Mais qu'en sera-t-il si la réclamation de I'actionnaire porte sur un
préjudice indirect découlant d'une mesure qui frappe la sociétéen tant
que telle? Les griefs s'analysant en dénis de justice, abus de droit ou
détournement de pouvoirs, sont ceux-là qui, d'après la Partie belge,
auraient frappéla société, à partir du refus d'allocation de devises et du

jugement de faillite. Il ne s'agit pas de l'action socialà exercer au nom
de la société, maisd'une instance limitéeau droit ou à l'intérêjturidique
de l'actionnaire, en tant qu'il est indirectement lésdu fait d'une mesure
ouchant la société.

Depuis que la thèse de la réalitéde la personnalité des sociétésa été
généralement délaissé peour celle de la personnalité morale oujuridique,
il a sembléà certains auteurs que l'évolution delajurisprudence arbitrale,

répudiantcette ficition dans ce qu'elle a d'absolu ou d'excessif,ait ouvert
une perspective nouvelle en conformité avec le caractère international
que nombre de sociétésont revêtu.Du droit et de la fiction, qui se trou-
vent ainsi en opposition, lequel doit céder?Ne serait-on pas en présence
d'une des hypothèses où l'adéquation du droit à la réalitédes rapports
humains et au sentiment de la justice doive l'emporter?

Il n'est pas douteux que la personnali.téattribuée au groupement des
intérêts sociaux l'a étédans le but de donner aux éléments qu'il recouvre

et cimente des moyens d'action communs et une protection efficace.
Aussi du jour où cetteprotection s'avèreinsuffisante,voire nuisible, dans
le cadre des rapports internationaux, la personnalité morale ne devrait-
elle pas s'effacer, dans la mesure nécessaire et possible, devant une
conception plus réaliste, plus conforme à la nature des choses, celle de la
réalité sociale,pour laisser opportunément à découvert, dans l'intérêt
de la communautéet, dans leur propre intérêt,individus et capitaux?

N'y a-t-il pas lieu de penser que c'est surtout dans le monde de la

fiction que lesjugements de valeur, appliqués au droit, doivent se fonder
sur la finalité?Jhering disait: ((Le but est le créateur de tout droit. 1)
Rappelons-nous également le propos de R. Saleilles, énoncéil y a un
demi-siècle, et qui s'impose plus que jamais: ((11n'y a d'important,
écrivait-il, que le but à atteindre; souvent nos constructions les plus
savantes ne servent qu'à en compromettre la réalisation. 1) Singulière-
ment, l'une decessavantes constructions est la fiction juridique. La fiction
est, en effet, ((unereprésentation contraireà la vérit». P. Roubier, à qui
j'emprunte cette dernière formule, recommande «de rechercher direc-

l9 Cf.,1. Brownlie, op. cit., p. 401.

298 the case of individual despoilmentor discriminatory measures. He is then
in the position of any individual claimingthe diplomatic or jurisdictional
protection of the State of which he is a national lg.
But what will be the position if the shareholder's claim relatesto an
indirect injury resulting from a measure which affects the company as
such?The charges which maybe expressed as denials ofjustice, abuse of
right or misuse of power are those which, according to Belgium, affected
the company, beginning with the refusa1to allocate foreign currency and

the bankruptcy judgment. It is no longer a question of the corporate
action to be exercised on behalf of the company, but of proceedings
limited to the right or legalinterest of the shareholder, to the extent that
he is indirectly injured as a result of a measure affecting the company.

Since the theory of the reality of the personality of companies has
generally been abandoned in favour of the theory of artificial or juridical
personality, ithas seemedto certainwritersthat arbitral awardshave taken
a line which, whilst rejectingthis fictionto the extent that it is absolute or
excessive,has opened a fresh perspective which isin conformity with the

international character assumed by numerous companies. As betweenthe
right and the fiction, whichthus stand opposed io each other, which must
give way?Are we not faced with one of those cases where the adjustment
of lawto the reality ofhuman affairsand to the senseofjustice must carry
the day?
There is no doubt that the personality attributed to the group of
corporate interests was so attributed with a viewto givingto the elements
contained therein and bonded together thereby, common means of action
and effectiveprotection. Accordingly, the moment that that protection
proves insufficient,or even harmful, in the field of international relation-
ships, should not legal personality give way, to the extent that this is
necessaryand possible,infavour ofamore realisticconceptand onewhich

is more in accordance with the nature of things, that of corporate reality,
in order to leave individuals and capital appropriately revealed, in the
interest of the community and in their own interest?
1s there not ground for thinking that it is above al1in the world of
fiction that value-judgments, applied to the law, should be based upon
teleological considerations? Jhering stated that: "The end in view is the
creator of al1law." Let us also recall the proposition of Saleilles, put
forward half a century ago, and which is more mandatory than ever:
"Nothing is important", he wrote, "other than the object to be attained;
often Our most learned constructions serve only to compromise the
realization thereof." Curiouslyenough, one of those learned constructions

is the legal fiction. A fiction is indeed "a representation which is con-
trary to the truth". P. Roubier, to whom 1owethis formula, recommends

l9 Cf.1. Brownlie, opcit.p. 401.

298 tement quel est le but de la règlejuridique ainsi poséesous cette forme
dissimulée 20)).
On pourrait donc considérer quele fait de maintenir la fiction de la
personnalité moralecontrairement à I'intéretavouédesparties composan-
tes créeraitune situation allant à l'encontre du but de celle-ci.

Et de fait, quelque tenace que soit la fiction de la personnalité morale,
comme le sont généralementles fictions, la pratique diplomatique des
puissances créancièresou des pays fournisseurs de capitaux, de même
que certaines sentences arbitrales, n'ont pas tardé, aprèsles hésitations
antérieures à la première guerre mondiale, à accueillir, non sans cir-

conspection, la règlepermettant de dissocier les intérêtsdes associésou
actionnaires, de la personnalité abstraite qui les recouvre, et de les
prendre en considération defaçon autonome; mais ceciuniquement dans
le cas où la sociétéé, tantde la nationalité du défendeur, l'action sociale
ne pouvait naturellement êtreengagéecontre celui-ci que par les voies de

recours interne.
8. Cependant, cettejurisprudence arbitrale, sur laquelle lesjuridictions
internationales n'ont pas encore eu à se prononcer, n'est pas unanime ni
en tout point décisive.
Doivent en êtreécartéestout d'abord les sentences rendues ex aequo

et bonoqui non seulement manquent de pertinence en l'espèce,mais sont
nettement hors de cause. Ainsi faut-il rappeler le compromis entre les
Etats-Unis et le Chili dans l'affaire Alsop habilitant l'arbitre à se pro-
noncer en équitéet comme amiable compositeur. Il en a été de même des
sentences rendues sur la base de la convention générale de 1923entre les

Etats-Unis et le Mexique qui a conféré aux juridictions arbitrales qu'ellea
instituéesla faculté dese déterminerselon lajustice et l'équitée ,xpression
courante pour autoriser les décisionsex aequoet bono.

Ne sauraientnon plus êtreretenues les sentences relatives àdes sociétés

de personnes, la personnalité des associésn'étant pas absorbée par la
personne sociale comme le serait la personnalité des actionnaires d'une
société de capitaux 21; OU les sentences ayant trait à des sociétésdites
« défuntes ))ou qui ont été déterminées obligatoirementpar les clauses du
compromis 22,OU enfin des sentences au texte incertain ou ambigu, ou

dont l'absence de motifs - notamment cellesémanantde chefs d'Etats 23
- dénieune absolue pertinence.

20 P. Roubier, Théorie généraleu droit, p. 116.
21 Doit ainsi êtreécartée dece débat l'opinion de M. Huber exprimée dans le
rapport relatif l'affaire Ziat, Bzn Kiran qui se rapporte à une sociétéde personnes.

22 Les sentences dans les affaires D.,a~oa Bav Rail<,v Co.. Standard Oil. Pierce
Oil, Sun Oil.
23 Sentence du résident des Etats-Unis Grover Cleveland dans l'affaire Cerruti et
sentence du roiG'eorgeV de Grande-Bretagne dans l'affaire Alsop. "direct enquiry as to what is the object of the legal rule which has thus
been laid down in this dissimulated form 20".
It might therefore be considered that the fact of maintaining the fiction
of juristic personality contrary to the avowed interest of its component
parts would create a situation contrary'to the object thereof.
And in fact, however stubborn the fiction ofjuristic personality may be,
as fictions generally are, the diplomatic practice of the creditor Powers
and of capital-exporting countries, as well as certain arbitral decisions,

have not, after the hesitation prior to the First World War, been slow in
accepting, though not without a certain amount of circumspection, the
rule which permits the interests of members or shareholders to be dis-
sociated from the abstract personality covering them and given indepen-
dent consideration-though only where, since the company has the
nationality of the respondent State, an action in the name of the company
could naturally not be brought against the latter except by local means of

redress.
8. However, this arbitral jurisprudence, upon which international
courts have not yet had to pronounce, is neither unanimous nor decisive
on al1points.
In the first place, we must leave out of consideration awards given ex
aequo et bono,which are not merely without relevance to the present case,
but are clearly out of place in this discussion. Thus, it should be recalled

that the Special Agreement between the United States and Chile in the
Alsop case empowered the arbitrator to decide in equity and as amiable
compositeur. The same was the case with the awards delivered on the
basis of the 1923 General Convention between the United States and
Mexico, which empowered the arbitral tribunals it set up to decide in
accordance with justice and equity, a customary expression for authori-
zing decisions ex aequoet bono.

Nor can account be taken of awards dealing with partnerships, since
the personality of the members is not absorbed into the corporate person-
ality, as the personality of the shareholders would be in the case of a
joint-stock company 21;nor of awards dealing with companies described
as "defunct", or which were obligatorily judged according to the terms of
the Special Agreement 22,nor, finally, of awards couched in uncertain or
ambiguous terms, nor of awards-in particular those given by heads of
State 23-where the absence of reasons for the decision deprives such

awards of any absolute relevance.

20 P. Roubier, Théorie générale dduroit, 116. [Translation by the Registry.]
21 Thus, there must be excluded from this discussion the opinion expressed by
Mr. Huber in the report of the Mohammed Ziat, Ben Kiran case, which related to a
partnership.
22 The awards in the Delagoa Bay Railway Company, Standard Oil, Pierce Oil and
Sun Oil cases.
23 The award of President Grover Cleveland of the United States in the Cerruti
case and the award of King George V of Great Britain in the Alsop case Il doit en êtredemêmede sentencessuspectéesd'avoir été renduessous
l'influencede mobilesextra-juridiques ouayant été précédéeds'une mani-
festation de puissance, ou de menaces d'un Etat confiant dansla force de

ses armes au moins autant que dans la force de son droit 24.

De toute façon, les précédentsarbitraux et la pratique diplomatique,
qu'appuie unepartie de la doctrine occidentale, ne présentent pas, comme
il a étédit,((uncorps de doctrine cohérent )et ne paraissent pas en ronsé-

quence constituer une coutume selon laquelle la protection diplomatique
et son épiloguejudiciaire couvriraient les dommages que 1'Etatnational
de la sociétéaurait causésaux actionnaires étrangers de celle-ci. Aussi
est-ce dans le droit conventionnel que semble devoir êtrecherchée la
protection des investissements étrangers, qu'il s'agissede sociétés aux-
quelles il aurait été fait obligation d'adopterla nationalité du pays hôte,
ou des nationalisations, ((scandale du début du siècle », et qui se sont
succédé à un rythme rapide depuis la première guerre mondiale, émanant

de presque tous les pays.
9. Quoi qu'il ensoit de cette première hypothèse,celledes actionnaires
Ayant souffert des agissements de 1'Etat national de la société,le pro-
blème à aborder àprésentest celui de savoir si la protection diplomatique
des actionnaires est susceptible d'êtreétendueau cas où le préjudiceest
imputable àun Etat tiers, comme en l'affaire actuelle.
Sans doute faut-il exclure, de prime abord, l'éventualité de1'Etat
national des actionnaires se substituant à celui de la sociétépour la

défense decelle-ci, ainsi que la Belgique avait prétendu le faire dans sa
requêtedu 23 septembre 1958.Un lien d'allégeancejuridique rattachant
la société à 1'EtatDrotecteur est une condition sine aua non 2,..ui ne se
trouve pas réaliséedans ce cas. Le problème doit rester cantonnédans le
cadre de la protection des actionnaires eux-mêmes.La jurisprudence
internationale ne pouvait faire sienne la pratique diplomatique dont la
Belgique semble s'êtred'abord inspirée,qui fut celle tentée à plus d'une
reprise par certaines puissances et qui ne serait pas sans rapports avec la

théorie périméd eu contrôle: d'abord par les Etats-Unis dans l'affaire de
la Société chilienneAlsopjugée en1911 ;puis par les mêmesdans l'affaire
des ArmesautomatiquesLewis,la Grande-Bretagne s'étant inlassablement
opposée, depuis1927jusqu'à 1933, à l'action desEtats-Unis, Etat national
des actionnaires agissant pour la protection de la société constituée sous
la loi belge; puis encore par l'Allemagne se prévalant, en 1935, du droit
de protection d'une société de statut mexicain; enfin par la France et la

Grande-Bretagne dans le conflit relatif à la nationalisation du canal de

24 Supra, no 5.
25 Supra, no 6 et note 17. BARCELONA TRACTION (SEP.OP. AMMOUN) 299

The same should be the case for awards suspected of having been given
under the influence of other than juridical motives, or which were pre-

ceded by a demonstration of power, or by threats on the part of a State
which trusted in the force of its arms at least as much as in the force of
its rights24.

In any case, arbitral precedents and diplomatic practice, supported by
part of Western legal writing, do not amount to, as has been said, "a

coherent body of doctrine", and consequently do not seem to constitute
a custom to the effect that diplomatic protection, and its judicial sequel,
might cover damage caused by the national State of a company to share-
holders who were aliens in relation to the company. Thus it appears that
it is in treaty law that the protection of foreign investments must be
sought, whether it be a question of companies which have been obliged
to adopt the nationality of the host country, or of nationalizations, "the
scanda1of the beginning of the century", which followed one another at a

rapid rate ever since the First World War, on the part of almost al1
countries.
9. Be this first hypothesis as it may, namely that of the shareholders
who have sufferedfromthe activitiesof the nationalState of the company,
the problem now to be approached is that of whether diplomatic pro-
tection of shareholders is capable of being extended to the situation
where the damge is attributable to a third State, as in the present case.
Itis of course necessary to exclude at the very outset the possibility of

the national State of the shareholders substituting itself for the national
State of the company for the defence of the latter, as Belgiumclaimed to
do in its Application filed on 23 September 1958.A bond of legal alle-
giance connectingthe company to the protecting State is a sine quanon 25,
and this does not exist in this case. The problem must be kept confined
within the field of protection of the shareholders themselves. Inter-
national jurisprudence could not adopt the diplomatic practice by which
Belgium seemsfirst to have been inspired, which was that which has been

tried more than once by certain Powers, and which may not be uncon-
nected with the outdated theory of control: first by the United States in
the ChileanAlsop Company,in which the award was given in 1911; then
by the same Government in the Armes automatiques Lewiscase, since
from 1927to 1933Great Britain had untiringly opposed the action of the
United States, which was the national State of the shareholders, acting
for the protection of the company, which had been formed under Belgian
law; then again by Germany when in 1935it claimed the right to protect
a Mexican company, and finally by France and Great Britain in the

24 Supra, Section 5.
25Above Section 6 and note 17.Suez en 1956, ces deux puissances ayant pensépouvoir intervenir, en
tant qu'Etats nationaux des actionnaires, pour la défensed'une société
à laquelleson statut originaire attribuait la nationalitéégyptienne. C'était,
dans chacun de ces cas, méconnaître la condition essentielle du lien de
nationalité ou d'allégeanceentre 1'Etatintervenant et l'entitéau nom de
laquelle il intervenait. L'effectivité,qui n'est pas requise juridiquement

pour l'attribution de la nationaliàéla sociétéc,ondition desa protection
diplomatique, ne peut non plus jouer pour faire passer à 1'Etatnational
des actionnaires le droit de protection diplomatique de la sociétéelle-
même,attribut de son Etat national. On a sans doute relevéque c'est
avec des représentants des actionnaires que la République arabe unie a
négociéun accord concernant les réclamations de la compagnie égyp-
tienne du Canal, ainsi que le rapport M. E. Lauterpacht. Mais cette
négociation n'entraînepas une reconnaissance du droit de présenter une
action judiciaire; elle constitue un acteex gratia n'impliquant pas une
responsabilité juridique, ainsi qu'il ena étédes dispositions de l'accord

du 8 septembre 1923intervenu entre les Etats-Unis et le Mexique créant
la Commission spéciale de réclamations.
Aussi bien la Belgique s'est-elleabstenue, dans sa requêtedu 19juin
1962,de prétendre à la protection de la société BarcelonaTraction, con-
trairement à ce qu'elle avait fait dans sa première requête déjà citée du
23 septembre 1958, limitant désormais sa réclamation à la protection
des actionnaires de sa nationalité. Cette dernière requêteétant réputée
périméepar suite du désistement de sonauteur, qui l'a d'ailleurs ignorée
dans sesdernières conclusions, la Cour n'a àconnaître que de la nouvelle

requêteindépendamment de la première. C'est dans le même sensque
s'était prononcée la Commission germano-mexicainequi avait accueilli
les nouvelles conclusions présentéespar l'Allemagne dans l'intérêt des
actionnaires allemands, aprèsl'erreur qu'elle avait commise en se préva-
lant du droit de protection de la société mexicaineelle-même 26.

10. Le droit de 1'Etat à protéger ses nationaux léséspar des actes,
décisions, omissions ou mesures contraires au droit international im-
putés à un autre Etat étant indéniable, il serait utile d'en rechercher la

nature ou le fondement juridique pour en déduire les conséquences de
droit et la portée d'application quesoulèvela présente affaire.La question
sur laquelle il y aurait intért se prorioncer consisteraità se demander
si la protection diplomatique découlerait d'un principe général dedroit
reconnu par les nations (art. 38, par. 1) du Statut de la Cour) ou bien
d'une coutume internationale (par. 1 b) dudit article).

L'arrêt dela Cour permanente de Justice internationale de 1924dans
l'affaire des ConcessionsMavrommatis en Palestine 27ne paraît pas avoir

26A. Feller, The Mexican Claims Commission, 1935, p. 118.
27 C.P.J.Z. sérieA no2, p. 12.

301dispute concerning the nationalization of the Suez Canal in 1956,when
those two powers thought they could intervene, as national States of the
shareholders, in defence of a company whose original régimeattributed
Egyptian nationality to it. In each ofthese cases,this was to disregard the
essential condition of the bond of nationality or allegiance between the
State intemening and the entity in whose name it was intervening. The

concept of effectiveness,which is not legaliy required for attribution of
nationality to a company, as a condition of diplomatic protection, cannot
operate either to transfer to the national State of the shareholders the
right of diplomatic protection of the company itself, which right is an
attribute of the company's national State. It has of course been pointed
out that it was with shareholders' representatives that the United Arab
Republic negotiated an agreement concerning the Egyptian Suez Canal
Company, as Mr. E. Lauterpacht reports. But those negotiations do not
involverecognition oftheright to bring anaction atlaw; theyamount toan
ex gratia action, not implying any legal responsibility,as was the case of

the provisions of the Agreement of 8 September 1923 between the Uni-
ted States and Mexico which set up the Special Claims Commission.
Thus Belgium refrained, in its Application of 19 June 1962, from
claiming to protect the Barcelona Traction company, contrary to what it
had done in its first Application, already quoted, of 23 September 1958,
and limited its claim from then on to the protection of the shareholders
of its own nationality. Since this latter Application was deemed to have
lapsed as a result of its withdrawal by the applicant Government, and
that Government furthermore made no mention of it in its final sub-
missions, the Court only has to deal with the new Application, in-
dependently of the earlier one. This was the effect of the decision of the

German-Mexican Commission when it accepted the fresh submissions
presented by Germany on behalf of German shareholders, after the
error which it had made by claiming the right to protect the Mexican
company itself 26.
10. Since the r-ght of the State to vrotect its nationals who have been
injured by acts, decisions, omissions or measures contrary to inter-
national law, and imputable to another State, is undeniable, it would be
useful to seek to ascertain the nature or legal foundation thereof, in
order to deduce from it the legal consequences and the extent of its
application raised by the present case.The question upon which it would
be useful to pronouce is that of whether diplomatic protection derives

from a general principle of law recognized by the nations (Article 38,
para. 1 (c), of the Court's Statute) or from an international custom
(para. 1 (b) of that Article).
The Judgment of the Permanent Court of International Justice of 1924
in the Mavrommatis Palestine Concessionscase 27 does not seem to have

26A. Feller, The Mexican Claims Commission, 1935,p. 118.
27P.C.I.J.Series A, No. 2, p. 12. pris position sur cette question lorsqu'il a affirmé,non sans force, sous
forme axiomatique, que la protection diplomatique ((est un principe

élémentaire dedroit international ». On ne se hasarderait pas àdire dans
quel sens a été prise l'expression((principe élémentaire »,dénuéequ'elle
est de toute autre qualification. Et lorsque d'autres arrêtsse sont référés
à ce précédent,ils ne semblent pas avoir étéplus explicites. Le langage
des deux Cours internationales ne permet pas de leur prêter, à cet égard,
une opinion qu'elles paraissent avoir voulu celer à dessein, selon une
pratique prudente déjà signalée 28.

Il est vrai qu'une juridiction spéciale,la Commission mixte des récla-
mations germano-américaine, instituée à la suite de la première guerre
mondiale, a décidé dans plus d'une affaire- à savoir lesaffaires Vinland,
StandardOil, SunOil et Pierce Oil- que l'intervention de1'Etatnational
des actionnaires ((relèved'un principe général quecelui-ciaurait invoqué
même à défaut d'un accord préalable n. Toutefois, ladite commission

n'a pas précisési elle entendait par principe général un principe général
de droit reconnu par les nations, ou bien un principe tirédirectement de
l'idée dedroit. Il n'en demeure pas moins que sajurisprudence, quoique
approuvéepar certains auteurs, d'ailleurs rares, n'a pas étécorroborée
par d'autres juridictions. Aussi les opinions doctrinales sont-elles par-
tagées.Et ce ne fut pas la première ni l'unique fois qu'une règle du droit
des gens a étéconsidéréepar les uns comme une norme coutumière,

par d'autres comme un principe générad le droit reconnu par les nations,
Dard'autres enfin comme un ~rinci~etirédirectement de l'idéede droit.
Ôn ne résoudraitévidemmenfpas îe problème en se contentant de dire
que les frontières entre ces diverses conceptions demeurent estompées
ou indécises. Il en est ainsi dela règlede l'épuisement des recoursinternes
qui fait l'objet de la quatrième exception préliminaire dans l'affaire
actuelle, et que I'on fonde tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre des deux

premièresconceptions 29.D'autre part, le principe de la protection des
droits de l'homme, qui sera évoqué ultérieurement,a étéconsidéré
comme pouvant constituer, en mêmetemps, une norme juridique au
titre destrois sourcesprincipales du droit desgens,savoir: lesconventions
internationales, la coutume internationale et les principes généraux de
droit 30.
II. SiI'onconvient, commeje le pense, que la protection diplomatique

et le droit éventuel de l'actionnairene découleraient pasd'un principe
de droit international reconnu par les nations, il resteraitàse demander

Opinionindividuelledel'auteur,C.Z.J. Recueil1969, p. 138.Voir aussil'opinion
individuelle de M. Alvarez dansl'affairedes Pêcheries, C.Z.J.Recueil 1951, p. 148.
29 Cf.le rapportde Max Huberdans l'affaireMohammed Zia!, Ben Kiran de 1924
et la décisionde la Commissionfranco-mexicainedans l'affairePinsondu 18octobre
1928.
30 Opinion dissidente de M. K. Tanaka jointe à l'arrêt18 juillet 1966 dans
les affairesdu Sud-Ouest african, deuxième phase, C.Z.J. Recueil 1966, p. 300. taken any stand on this point, when it stated, with some emphasis, in an
axiomatic form that diplomatic protection "is an elementary principle of
international law". One cannot hazard a guessas to the sensein whichthe
expression "elementary principle" was taken, given as it is without any
other qualification. And when other judgments have referred to this
precedent, they do not seem to have been any more explicit. The ter-
minology of the two international Courts does not permit of there being
attributed to them, on this point, an opinion which they seem designedly

to have kept inpetto, followinga prudent practice whichhas already been
remarked on 28.
It is true that a special tribunal, the Mixed Claims Commission
(United States and Germany), set up as a result of the First World War,
decided in more than one case-namely the Vinland,Standard Oil, Sun
Oil and Pierce Oil cases-that the intervention of the national State of
the shareholders "is based on a general principle which such State would

have relied on even in the absence of preliminary agreement". However,
that Commission did not explain whether it understood by "general
principle" a general principle of law recognized by the nations, or a
principle drawn directly from the idea of law. It is nonetheless the case
that its jurisprudence, although approved by some authors, though not
many, has not been corroborated by other jurisdictions. The opinions of
legal writers are also divided. Nor was this the first nor the only timethat
a rule of international law has been considered by some to be a custom-

ary norm, and by others to be a general principle of law recognized by
the nations, and by others again to be a principle drawn directlyfrom the
idea of law. The problem would obviously not be resolved were one to
content oneself with the observation that the frontiers between these
various concepts are still blurred or uncertain. This is the case of the
rule of exhaustion of local remedies, which is the subject-matter of the
fourth preliminary objection in the present case, and which is based

now on the one, now on the other, of the first two concepts 29.Further-
more, the principle of protection of human rights, which will be referred
to below, has been considered to be capable of constituting a legal norm
at one and the same time on the basis of the three principal sources of
international law, namely: international conventions, international
custom, and the general principles of law 30.
11. If my viewis accepted, that diplomatic protection and the possible
right of the shareholder do not derive from a principle of international

law recognized by the nations, it remains to be considered whether the

28 Separate opinion of the writer, Z.C.J.Reports 1969, p. 138. See also separate
opinion of JudgeAlvarez inthe'Fisheries caZ.C.J R.eports 1951,p. 148.
29 Cf. the report Max Huber in the Mohammed Ziat, Ben Kiran case in 1924,
and the decision of the French-Mexican ClaimsCommission in the Pinson case, of
18 October 1928.
30 Dissenting opinion of JudgeTanakaannexed to the Judgmentof 18July 1966,
in the South West Africa cases, Second Phase, 1.C.J. Reports 1966, p. 300. si la coutume de droit des gens sur laquelle serait alors fondée, selon
l'opinion dominante, la protection diplomatique, est appelée à s'étendre
à tous les intérêtslésés, en l'espècceeux des actionnaires d'une société

relevant d'un Etat tiers.
Nous touchons ici au fond du problème, la question décisive,sinon
l'unique question, étantcelle touchant l'étatde la coutume telle qu'elle
se dégage ducomportement de l'ensemble desnations ou de leur volonté
déclarée.
Ily aurait lieu de revoir, à cet effet, la pratique conventionnelle, la
jurisprudence internationale, la pratique des Etats et la tendance doctri-

nale, lesquellessont les principaux éléments constitutifsde la coutume.
Remarquons, en outre, que dans la pratique des Etats rentrent naturel-
lement les prises de position de leurs déléguéd sans les organisations et
les conférencesinternationales et notamment aux Nations Unies. Il est
vrai que certaines des grandes puissances qui, au nombre de cinq à six,
légiféraientpour le monde entier jusqu'au débutdu XXe siècle,refusent
en généralaujourd'hui aux résolutions votéesdans le cadre des Nations
Unies par une majorité, voireune quasi-unanimité des Etats Membres,

un effet obligatoire. Une tentative des Philippines à San Francisco en
vue de conférer à l'Assemblée,avec le concours éventueldu Conseil de
Sécurité,le pouvoir d'énoncer des normes juridiques impérativesa ,vait
été rejetéeN. éanmoins une tendance marquée de la doctrine, reflétant
les aspects nouveaux de la vie internationale, se dessine en faveur de
l'attribution aux résolutionset, surtout, aux déclarationsde l'Assemblée
générale desNations Unies, le caractère d'une source pour le moins

auxiliaire du droit des gens s'ajoutant aux sources classiques de l'article
38 du Statut de la Cour 31.
Certains auteurs y voient, quant à eux, une interprétation fondéesur
un argument tiré du texte mêmede la Charte, renforcéepar une inter-
prétation téléologique de cetacte constitutionnel international, lequel
présupposelesdroits et leslibertés del'hommequi (ne sont pas seulement
d'ordre moral ...[mais] ont aussi un caractère juridique, vu la nature

mSme de leur objet 31a 1)Ils ajoutent que cette interprétation doit tenir
compte du fonctionnement de la Charte dans la pratique 32.L'Assemblée
générale elle-même adoptece point de vue, ainsi qu'ilressort desa résolu-
tion du 11décembre1963par laquelle elle confirme l'interprétationde la
libre déterminationqu'elleadonnéedans sarésolutionde 1960surl'octroi

31 Voir les thèses conformesde MM. Lachs, Moh. Sami Abdelhamid, Falk,
Pechota, McWhinney,Asomoah.
31a Opinion dissidente de M. Tanaka, affaires du Sud-Ouest africain, deuxième
phase, C.Z.J.Recueil 1966, p. 290.
32 Voir dansce sens l'opinion dissidented'A. Alvarez, Compétence del'Assemblée
générale, C.Z.J. Recueil1950, p. 21; celle de M. CharlesDe Visscher, Statut inter-
national du Sud-Ouest africain, C.Z.J. Recueil 1950, p. 189-190; G. 1. Tunkin,
op. cit., p. 106 et 111, qui cite la déclarationsur l'octroi de l'indépendunce
14 décembre 1960comme un exemple d'interprétation des principes dlea Charte.international-law custom, upon which diplomatic protection would then,
according to predominant opinion, be based, is called upon to extend
to al1interests which have been injured, in the present case those of the

shareholders in a Companyattached to a third State.
Here we touch on the essence of the problem, the decisive, if not the
only, question being that relating to the state of the custom, as it emerges
fromthe conduct of the nations as a whole, and from their declared will.

To this end, it is necessary to re-examine treaty practice, international
jurisprudence, the practice of States, and the trend of legal writing, which
are the principal constitutive elements of custom.

1 would observe, in addition, that the positions taken up by the
delegates of States in international organizations and conferences, and
in particular in the United Nations, naturally form part of State practice.
It is true that some of the great Powers, five or six of which legislated
for the whole world up to the beginning ofthe twentieth century, general-
ly refuse nowadays to admit that resolutions voted in the United Nations
framework by a majority of, or even by practical unanimity among, the
member States, have any obligatory effect.An attempt at San Francisco

by the Philippines to have conferred upon the Assembly, possibly with
the concurrence of the Security Council, power to lay down binding
legal norms, was rejected. Nonetheless a marked trend in legal writing
is becoming apparent, reflecting the new aspects of international life,
which is in favour of attributing to the resolutions, and in particular to
the declarations of the United Nations General Assembly, the status of
at least a subsidiarysource of international law, to be added to the classic
sources in Article 38 of the Court's Statute 31.
Certain writers, for their part, see in this an interpretation based upon

an argument drawn from the actual text of the Charter, strengthened
by a teleological interpretation of that international constitutional
instrument, which presupposes the existence of rights and liberties of
man which "are not only moral ones, [but] ... also have a legalcharacter
by the nature of the subject-matter 31a". They add that such an inter-
pretation should take into account the functioning of the Charter in
practice j2. The General Assembly itself adopts this point of view, as
appears from its resolution of 11 December 1963,in which it "confirms

the interpretation of free self-determination whichit gavein its resolution

Falk, Pechota, McWhinney, Asomoah.of Messrs. Lachs, Mohammed Sami Abdelhamid,
31a Dissenting opinion of Judge Tanaka, South West Africa cases, I.C.J. Reports
1966, pp. 289-290.
32 See to this effect the dissenting opinion of Judge Alvarez, Competence of the
General Assembly, I.C.J. Reports 1950, p. 21; that of Judge De Visscher, Znter-
national Status of South WestAfrica, I.C.J. Reports 1950, pp. 189-190;G. 1.Tunkin,
op. cit., pp. 106 and 111, who quotes the declaration of 14 December 1960 on the
granting of independence as an example of interpretation of the principles of the
Charter.de l'indépendance.Il en est de mêmede la convention de Vienne de 1969
sur le droit des traités, dont l'article 31 dispose qu'un traité doit être

interprété ((àla lumière deson objet et de son but ))et qu'aux fins de l'in-
terprétation d'un traité,le contexte comprend (toute pratique ultérieure-
ment suivie ...».
D'autres enfin déduisentl'autoritédes principes de la Charte du fait
qu'ils constitueraient des principes généraux de droit au sens de l'article

38, paragraphe 1 c) du Statut de la Cour, se rattachant tout à la fois au
jus naturaledu droit romain et au droit mondial, le common law de
l'humanité selonM. Jenks, ou le droit transnational d'après le terme de
M. Jessup devenu terme de référencedans le droit des gens 33.
De toute facon, et pour revenir à la pratique des Etats telle'qu'ellese

manifeste au sein des organisations et des conférencesinternationales,
on ne peut dénieraux résolutionsqui en émanent ou,pour mieux dire,
aux votes qui y sont exprimésau nom des Etats, qu'ils constituent des
précédentscontribuant à la formation de la coutume. C'est pour ainsi
dire un fait acquis dont la doctrine prend acte 34.Bien plus, des tenants
des thèses qui viennent d'être exposées ne répugnent pas à admettre

cette conception cumulativement avec les leurs. Elle vient d'ailleurs
d'êtreconfirméepar l'article 38 de la convention précitéesur le droit des
traités.
Sans doute la politique affleure sous les transparences des résolutions
ou déclarationsde l'Assemblée des Nations. On admettra cependant que

de vouloir à tout prix éleverune cloison entre la politique et le droit est
de nature à entraîner ce résultatcontraire au réel:la gageure de vouloir
isoler la règlede ses sources sociales et d'en briser l'unitéavec son con-
texte historique. La politique, celle des grandes puissances et des puis-
sances colonialistes, a dominéle droit traditionnel classique; elle ne peut

êtredissociéedu droit, aujourd'hui comme hier; mais c'estunepolitique
nouvellequecellequi nelaissepas d'être influencée par lesgrands principes

33 Cette thèse est développéedans l'opinion dissidente deM. K. Tanaka jointe
à l'arrêtdu 18juillet 1966 dans les affaires du Sud-Ouest africain, deuxièmephase,
C.Z.J. Recueil1966, p. 292 à 296.
3* C'est ce que constate le professeur Moh. Sami Abdelhamid dans la Revue
égyptienne dedroit international,968, p. 127-128 du texte arabe.
Voir aussi R. Higgins, dans The Development of International Law through the
Political Organs of the United Nations, p. 5, qui écrit: «the body of resolutions as a
whole, taken as indications of a general customary law, undoubtedly providasrich
source of evidence*.

Et M. S~rensen, dans son cours à l'Académiede droit international de La Haye,
Recueil des cours, 1960, p. 38, qui s'exprime ainsi:
«Sil'organe internatiogal est composédereprésentantsd'Etats, ilest évidentque
les positions prises par ces représentants pourraient, en principe, contribuer à
la formation d'une coutume. Dans cette hypothèse, il s'agit d'actesimputables
aux Etats agissant par l'intermédiairede leurs représentants, plutôt que d'actes
imputables à l'organe international en tant que t»l. of 1960on the grant of independence". This is also the case of the 1969

Vienna Convention on the Law of Treaties, Article 31 of which provides
that a treaty is to be interpreted "in the light of its object and purpose"
and that for purposes of interpretation of a treaty, the context comprises
"any subsequent practice".
Others again deduce the authority of the principles of the Charter

from the fact that they are, in their view, general principles of law in the
sense of Article 38, paragraph 1 (c), of the Court's Statute, linked at
oncewith the jus naturale of Roman law, and with world law, the common
law of mankind according to Jenks, or transnational law according to
Jessup, a term which has become standard in international law 33.
In any case, to return to State practice as manifested within inter-

national organizations and conferences, it cannot be denied, with regard
to the resolutions which emerge therefrom, or better, with regard to
the votes expressed therein in the name of States, that these amount to
precedents contributing to the formation of custom. It is as it were an
established fact of which legal writers take note 34. What is more, those
who hold the views which have just been expressed do not hesitate to

accept this concept conjointly with their own views. It has also just
been confirmed by Article 38 of the Convention on the Law of Treaties
quoted above.
Policy does of course crop up under the veil of resolutions or declara-
tions in the United Nations Assembly. However, it will bz conceded
that to seek at al1 costs to erect a partition between policy and law is

calculated to bring about this result which is contrary to reality: what
is at stake is the attempt to isolate the rule from its social origins, and
to snap the link of unity with its historic context. Policy, the policy of
the great powers and the colonialist powers, dominated classictraditional
law; it cannot be dissociated from law, today any more than yesterday;
but it is a new policy, one which does not escape the influence of the

33 This view is developed in the dissenting opinion of Judge Tanaka annexed to
the Judgment of 18 July 1966 in the South West Africa cases (I.C.J. Reports1966,
pp. 292-296).
34 This is what is observed by Professor Mohammed Sami Abdelhamid in the
ReSee alsotR. Higgins in The Development of International Law through thePolitical
Organs of the United Nations, p. 5, who says:

"... the body of resolutions as a whole, taken as indications of a general
custornary law, undoubtedly provides a rich source of evidence."
Mr. S~rensen too, in his course of lectures at the Hague Acaderny of International
Law, Recueil des cours 1960,p. 38, States as follows:
"If the international organization imade up of representatives of States, its
clear that the positions taken up by such representatives rnay, in principle,
contribute to the formation of a custorn. On this hypothesis, what is involved is
acts attributable to the States,acting through their representatives, rather
acts attributable to the international organizatas such." [Translation by the
Registry.] destinés à gouverner les rapports des nations modernes. La conférence de
Vienne de 1969a pleinement tenu compte de ces considérationsen adop-
tant nombre de solutions répondant aux suggestions incluses dans des
opinions individuelles et aux propositions des membres nouveaux de la

communauté internationale.
Ainsi, par une pratique déjà longuedes Nations Unies, le concept de
jus cogensacquiert une plus grande effectivité,sanctionnant, en tant que
norme impérativedu droit des gens, les principes figurant au frontispice

de la Charte. Du domaine de la théorie ou de la doctrine dans lequel
certains de ces principes, et non des moindres, étaient demeurés pour
ainsi dire confinés,ilspassent dans celuidel'objectivité et delapratique 35.
Aussi U Thant pouvait-il dire à la session de 1969de l'organisation de
l'Unité africaine tenue à Addis Abéba en présence de dix-sept chefs

d'Etats africains, que l'ONU ((avait élargila conception du droit des
peuples à l'autodétermination et à l'indépendance, de manièrequ'elle
englobe la reconnaissance de la légitimité dela lutte que mènent ces
peuples pour l'exercice et la jouissance de ce droit dans la pratique 36».
Il aurait pu citer de mêmeleprincipe d'égalité et celui de la non-discrimi-

nation raciale qui en découle,qui constituent tous deux, autant que le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, des règles impératives de
droit 37.
12. Les actes les plus probants relevant du droit international conven-

tionnel sont, en l'occurrence, les traitésde paix signéspar les Puissances
alliéeset associéesavec les Puissances centrales et leurs alliésen 1919 à
Versailles, Saint-Germain, Neuilly et Trianon; en 1921et 1922 à Vienne
et Budapest; en 1923 à Lausanne; enfin les accords de 1922 et 1924
auxquels les Etats-Unis étaient parties.

Aux termes des dispositions de ces traités, les actionnaires ressortis-
sants des pays alliésdans les sociétés d'allégeance ennemio ent eu droit
aux réparations, sans qu'une distinction ait été faiteentre préjudice direct
et indirect.

35 Voir 1. Brownlie, op. cit.,483 à 486.Pour M. Brownlie, sont des règles de
droit impératives: le droit des peuplesdisposer d'eux-mêmes, l'égalité raciale, la
souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles, la convention sur le géno-
cide, la prohibition de la guerre agressive, de la traite des esclaves, de la piraterie,
enfin de tous autres crimes contre l'humanité.
36 Journal Le Figaro du 8 septembre 1969.
Cf. 1. Brownlie, op.cit.,p.417, 484 et 485. On y lit: "Intervention againsa
liberation movement may be unlawful, and assistance to the movement may be
lawful.1)
Et R.A. Tuzmukhamedov, pour qui la déclaration de l'Assemblée générale des
Nations Unies relativeà l'octroi de l'indépendance de 1960est une reconnaissance
defacto des mouvements de libération nationale.
37 L'égalitéraciale est une règle impérative de droit, particulièrement depuis
l'adoption par l'Assemblée générale deNations Unies de la déclaration du0 no-
vembre 1963sur la non-discrimination raciale. (Résolution 1904 (XVIII).)
Commission deenl'Assembléegénérale,7 décembre 1948).ndu ce point de vue (Sixième great principles which are destined to govern the relationships of modern
nations. The 1969Vienna Conference took this consideration fully into
account when it adopted numerous solutions to meet the suggestions
included in individual opinions and proposals by new members of the
international community.

Thus, through an already lengthy practice of the United Nations, the
concept ofjus cogensobtains a greater degree of effectiveness,by ratifying,
as an imperative norm of international law, the principles appearing in
the preamble to the Charter. From the domain of theory or legal writing,
in which some of these principles, and not the least important thereof,

had as it were remained confined, they are passing into the domain of
objective existence and practice 35.Thus it was that U Thant could Say,
at the 1969session of the Organization of African Unity, held at Addis
Ababa in the presence of 17 African Heads of State, that the United
Nations "had widened the concept of the right of self-determination and
independence, so as to cover the recognition of the lawfulness of the

struggle carried on by such nations for the exerciseand enjoyment of that
right in practice 36". He might have quoted in addition the principle of
equality and that of non-discrimination on racial grounds which follows
therefrom, both of which principles, like the right of self-determination,
are imperative rules of law 37.

12. The documents of the greatest probative force in international
treaty law are, in the present case, the Peace Treaties, signed by the
Allied Powers and their associates with the Central Powers and their
allies, in 1919at Versailles, Saint-Germain, Neuilly and Trianon, in 1921
and 1922at Vienna and Budapest, in 1923at Lausanne; and finally the

agreements of 1922and 1924to which the United States were parties.
According to the provisions of these Treaties, shareholders who were
nationals of the allied countries, holding shares in companies of enemy
allegiance, had the right to reparations, without any distinction being
made between direct and indirect injury.

35 See 1. Brownlie, op. cit., pp. 483-486. For Mr. Brownlie, the following are
imperative rules of law: the right of self-determination, racial equality, sovereignty
of peoples over their natural resources, the Genocide Convention, the prohibition
of aggressive war, of the slave trade, piracy, andother crimes against humanity.

36 Le Figaro, 8 September 1969 [Translation by the Registry].
Cf. 1. Brownlie, op. cit., pp. 417, 484 and 485, where one reads: "Intervention
against a liberation movement may be unlawful, and assistance to the movement
may be lawful."
Also R. A. Tuzmukhamedov, for whom the 1960 declaration of the United
recognition of the movements for national liberation.ndependence is a de facto
37 Racial equality is an imperative rule of law, particularly since the adoption by
the United Nations General Assembly of the declaration of 20 November 1963 on
racial non-discrimination (Resolution1904 (XVIII)).
See in particular Mr. J. Spiropoulos, who upheld this point of view (Sixth Com-
mittee of the General Assembly, 7December 1948). Après un quart de siècle,les dispositions précitéesdesdits traités ont
été reprisesdans lestraitésde paix ayant mis fin à la guerre de 1939-1945,
signésen1947,ainsi que par letraité d'Etat signéen 1955avecl'Autriche.
Quellevaleur deprécédenc toutumier est-on en mesure d'attribuer à ces
dispositions?

On est en droit de penser que l'inclusion d'une clause obligatoiredans
un traitédénote quecette clause ne fait pas encore partie intégrante du
droit positif. C'est ce qui se déduit notamment de l'arrêtde cette Cour
dans l'affaire du Droit d'asile38.Cette référence ne vise évidemmentpas
lestraités multilatéraux ayantspécialementpour objectif, dansla plupart
de leurs dispositions, la codification de certaines règlesdu droit des gens,

telles que la convention de Genève de1958sur la haute mer, les conven-
tions de Vienne de 1961sur les relations diplomatiques, de 1963sur les
relations consulaires et de 1969sur le droit des traités.
Les conventions n'ayant pas en vue la codification de règlesexistantes
peuvent néanmoinsconstituer des éléments d'unecoutume internationale

naissante, ainsi qu'on peut le dire avec assez de certitude des conventions
issuesdes conférences dela paix de La Haye de 1899et de 1907,du traité
de Londres sur le droit maritime de 1909,du protocole de 1925prohibant
l'usagedes gaz asphyxiants 39,de la convention de Genève de1958sur le
plateau continental 40.
Pour ce qui concerne les traitésde paix plus particulièrement, qu'ils

soient bilatérauxou multilatéraux,ils ne sont pas cependant de nature à
constituer d'embléeun élémend tela coutume. Imposésaux Etats vaincus,
leurs clauses sont à respecter en vertu de la règlepacta sunt servanda.
Mais peut-on pousser le raisonnement jusqu'à dire que leurs dispositions
reflètent le consentement ou l'acceptation réelleet effective de 1'Etat
vaincu, acceptation ou consentement qui seraient constitutifs de l'opinio

juris?
On notera tout d'abord que les clauses relatives aux réparations de
guerre ne s'appliquent qu'à l'encontre d'unepartie, au bénéfice de celle
qui les a imposées. Sansdoute il ne pouvait en être autrementdans un
traité clôturant une guerre victorieuse, mêmeengagéepour une juste
cause.Est-ce à direcependant que detellesclausesconstituent leséléments

d'une coutumejuridique régissantlesrapports entre Etats libres et souve-
rains? En d'autres termes, une pratique constitue-t-elle un précédent

j8 C.Z.J Recueil1950,p. 276-277.
39 Les conventions de 1899, de 1907 et de 1909 et le protocole de 1925 étaient si
peu déclaratifs de droit qu'ils n'ont pas mis obstacle, au cours des deux grandes
guerres mondiales et autres guerres relativement mineures, nonobstant leurs
termes prohibitifsformels, aux bombardements *massifs des villes ouvertes; à
l'affamement )délibéréde populations entières, tentative degénocide avant le
terme; aux attaques de paquebots appartenantà des pays ennemis aussi bien que
ne40rArrêtde cette Cour de 1969et opinions individuelles et dissidentes y attachées. BARCELONA TRACTION (SEP. OP. AMMOUN)
305

A quarter of a century later, the provisions of these Treaties just
quoted were adopted in the Peace Treaties which brought to an end the
war of 1939-1945,which were signed in 1947, as well as in the State
Treaty signed in 1955with Austria.
What value as a customary law precedent may we attribute to these
provisions?
It is Iegitimate to consider that the inclusion of an obligatory clause

in a treaty indicates that that clauseis not yet an integral part of positive
law. In particular, this is what may be deduced from the Judgment of
this Court in the Asylum case 38.This reference does not of course relate
to multilateral treaties of which the particular objective, as regards the
majority of their provisions, is the codification of certain rules of inter-
national law, such as the 1958 Geneva Convention on the High Seas,
and the Vienna Conventions of 1961 on Diplomatic Relations, of 1963

on Consular Relations, and of 1969on the Law of Treaties.
Conventions which do not contemplate the codification of existing
rules can nonetheless amount to elements of a nascent international
custom, which is what may be said with fair certainty of the Conventions
which resulted from the Hague Peace Conferences of 1897and 1907, of
the Treaty of London on Maritime Law of 1909,of the Protocol of 1925
prohibiting the use of asphyxiating gas 39,and of the 1958 Geneva

Convention on the Continental Shelf 40.
So far as the Peace Treaties more particularly are concerned, whether
these be bilateral or multilateral, they are not such as to amount ipso
facto to an element of custom. The clauses of thesetreaties, imposed upon
the defeated States, must be respected by virtue of the rule pacta sunt
servanda. But can the reasoning be pressed so far as to say that their
provisions reflect the consent of, or the genuine and effective acceptance
by, the defeated State, which acceptance or consent would, on this

hypothesis, give rise to the opi~liojuris?
It willbe observed firstof al1that the clausesconcerning war reparations
only apply against one party, for the benefit of the party which imposed
them. Of course it could not be otherwise in a treaty marking the end
of a victorious war, even one which was waged for just cause. However,
does this mean that such clauses are elements of a legal custom governing
the relationships between free and sovereign States? In other words,

can a practice amount to a customary precedent if it does not show a

3X I.C.J. Reports 1950, pp. 276-277.
'" The 1899, 1907 and 1909 Conventions, and the 1925 Protocol, were so little
rninor wars, and despite their clear prohibitive terms, thwere no obstacle to
massive bornbardrnentsof open cities; deliberate "break up" oftire populations,
atternpts at genocide before the term was invented; attacks onchant ships be-
longing to neutral countries as well as enemy countries, which were sunk with al1
hands.
4" Judgrnent of this Court of 1969, and separate and dissenting opinions annexed
thereto. 306 BARCELONATRACTION (OP. IND. AMMOUN)

coutumier si elle ne révèlepas la conviction, une conviction de droit,
dans l'esprit desparties qui s'en prévalent, commedans celui des parties
qui la subissent, qu'ellesl'ont l'une etl'autre acceptée commeune règle
de droità l'application de laquelle elles ne sauraient désormaisse sous-
traire?
13. En donnant une réponse négativeà cette question, il faut encore
remarquer, il est vrai, que d'autres traités,n'ayant aucun rapport avec
la guerre ou la paix entre nations, ont étéconclus dans I'entre-deux-
guerres, reconnaissant les mêmesdroits aux actionnaires indépendam-

ment dela sociétéL. eur objectifétaitde réglerlecontentieux néde révolu-
tions ou d'émeutes,ou celui des nationalisations initiéesen Amérique
latine et qui ne tardèrent pas s'étendre à l'Occident,à l'Est européen
et aux pays économiquement faibles ou en voie de développement:
accords entre la Suisseet des Etats socialistes, accords entre divers Etats
et des Etats latino-américains.
La multiplicité de ces traités, dont se prévaut le demandeur, est en
quelque sorte une arme à double tranchant. Celui-ci en tire argument
pour appuyer sa thèse, déduisant de l'existence de cette pratique con-
ventionnelle l'apparition d'une règlede droit international.
11s'agitpourtant de conventions bilatéralesqui n'auraient pour eff-t
les droits des parties contractantes étantréservé- que de contribuer,
à l'extrême,à la formation éventuellede la coutume.

Et ne faut-il pas souligner, d'un point de vue logique, que les traités
sont d'autant moins considérés comme déclaratifs dd eroit que les Etats
intéressésy ont recours nonobstant les traités antérieurscomportant les
mêmesstipulations? Ainsi en serait-il, si l'on admet ce point de vue, des
traitéssuccessifsconclus,en dépit des précédents conventionnels, l'occa-
sion des révolutions, émeutes ounationalisations, tout autant que des
traitésde paix des deux guerres mondiales reproduisant des dispositions
semblables. En conséquence, la conception énoncép ear tous ces traités
n'aurait pas eu un caractère moinstransitoire que la théoriedu contrôle
instauréeau cours des deux guerres. Elle paraît d'ailleurs y êtreapparen-
tée,si l'on remarque que les dispositions figurant dans les traitésde paix
s'appliquent, commecellesinscrites dans leslois et règlementsinstituant
le contrôle, aux ressortissants des pays dits ennemis.

Il est vrai qu'une certaine opinion ne s'interdit pas de déduire des
effets juridiques durables de la théorie du contrôle. A quoi se réduit
cependant celle-ci,sinonà des mesures d'exception néesdes circonstances
d'une première puisd'une seconde guerre, qui ont disparu, reparu, puis
disparu à nouveau. En somme des mesures qui font partie intégrantede
moyens de guerre économiqueou de guerre tout court. Est-ce la caracté-
ristique d'une norme juridique d'être aussi instable,ou plutôt d'être
susceptible de passer de vie trépasau gréd'événements passagers? Elle
ne saurait mêmeconstituer un précédentcoutumier, dépourvue qu'elle
est des conditions de généralité ed te continuité ou de constance que
suppose l'élémenc tonstitutif de la coutume. Aussi de récentes conven-conviction, a conviction of law, in the minds of the dominant parties,
as well as in the minds of theservient parties, to the effectthat they have
each of them accepted the practice as a rule of law, the application
whereof they will not thereafter be able to evade?

13. When replying in the negative to this question, one should also
observe, it is true, that other treaties, quite unconnected with war or
peace between nations, were concluded during the inter-war period,
which recognize the same rights of the sharehoiders independently of the
Company. The object thereof was to resolve claims arising from revolu-
tions or riots, or from nationalizations, which commenced in Latin
America, and which were not long in extending to the West, to Eastern

Europe, and to the economically weak countries or developing countries:
agreements between Switzerland and socialist States, agreements between
various States and Latin American States.
The multiplicity of these treaties, upon which the applicant State
relies, is as it were a double-edged weapon. The Applicant argues there-
from in order to support its contention, and deduces, from the existence
of this treaty-practice, the appearance of a rule of international law.
However it is a question of bilateral treaties the effect of which-apart
from the rights of the contracting parties-was only, at the most, to
contribute to the eventual formation of custom.
Must it not also be stressed, from a logical point of view, that treaties
are the less to be considered as declaratory law in that the States con-
cerned have recourse thereto despite the existence of earlier treaties
containing the same provisions? This would be the case, if this point of
view is accepted, for the successive treaties concluded, despite treaty
precedents, on the occasion of revolutions, riots or nationalizations, as
well as for the Peace Treaties of the two world wars, which reproduce

sirnilar provisions. Consequently, the concept enunciated by al1 these
treaties would be of no less transitory a nature than the control theory,
established in the course of the two wars. In fact, it would appear to be
related thereto, if it is observed that the provisions appearing in the
Feace Treaties apply, as do those contained in laws and regulations
setting up the control test, to nationals of so-called enemy States.
It is true that a certain body of opinion sees no objection to deducing
lasting legal effects from the control theory. But what does that theory
amount to, if not to exceptional measures born of the circumstances of
first one and then a second war, which circumstances disappeared,
reappeared, and then again disappeared: in short, measures which are
an integral part of methods of economic warfare, or simply of warfare
tout court.1sit the characteristic mark of a legal norm to be as unstable
as this, or rather to be capable of taking up or laying down its life
according to the demands of ephemeral events?It could not even amount
to a customary-law precedent, unaccompanied as it is by the conditions

of generality, continuity, or constancy which are postulated for a con-tions ont-elles spécifiéqu'une sociétén'est considéréecomme non res-

sortissante de 1'Etatdont elle relève, enraison du contrôle exercésur elle,
qu'en vertu de la convention elle-même 41.

14. Une dernière catégoriede conventions mérite examen. Tls'agit des
conventions généralement dénommées traités d'amitié, d'établissement
et de cornerce.
Un certain nombre de ces traités, postérieurs à la seconde guerre mon-
diale, abordent le problème. mais sous des angles différentset parfois

opposés. On peut y glaner des dispositions impliquant le droit de pro-
tection de 1'Etatnational des actionnaires. On ne manquera pas cependant
de remarquer que les formules qu'elles utilisent ont trait à des notions
très diverses: celles de l'intérêt ajoritaire des nationaux ou de leur in-
térêtsubstantiel, du contrôle direct ou indirect des actionnaires, ou du
contrôle mixte; cependant que les dispositions de traités non moins
récents neprévoient ni l'une ni l'autre de ces notions.

Aucune tradition uniforme ne s'est donc instaurée qui permette de
retenir certains de ces engagements conventionnels bilatéraux pour des
précédentscoutumiers.
Signalons pour en terminer avec ces traités quela protection diploma-
tique des actionnaires aurait étéinscrite dans certains d'entre eux en
raison de circonstances politiques spéciales. Le traité de 1955 entre la
France et la Tunisie s'expliquerait, d'après M. Vignes, par le fait que la

Tunisie n'avait pas encore acquis son indépendance politique et nejouis-
sait que d'un régimed'autonomie. D'autre part, le traité de 1936entre
la France et l'Allemagne se proposait pour but principal le règlement de
l'épineuxproblème de la Sarre. Enfin le traité de 1946 entre les Etats-
Unis et les Philippines n'était passans rapport avec certaines questions
soulevéespar la période detransition faisant suite à l'indépendance dece
dernier pays.

15. 11ressort de ce qui précèdeque le nombre des Etatsayant été par-
tiesà l'un ou l'autre des traitésdont il a étéquestion et dont les disposi-
tions concordantes peuvent être retenues, n'est pas tel qu'il puisse
réaliser ledegré de généralité constitutif de la coutume ainsi qu'il est
prévu à l'article 38, paragraphe 1b) du Statut de la Cour. Encore faut-il
souligner que bien des Etats se trouvent ouvertement opposés aux obliga-
tions néesdes traités imposés, ou inégaux 42,OU conclus sans leur parti-
cipation avant qu'ils ne fussent adniis dans la communauté internatio-

Mauritanie dont l'article 50 dispose: la sociétéest conventionnellement considérée
comme non ressortissante de la République islamique de Mauritanie en raison du
contrôle exercésur elle par des intérêts étrangers.
42 Voir sur les traités inégaux auxquels s'opposent les Etats d'Asie et d'Afrique:
le Comité juridique consultatif afro-asiatique, huitièsession(Brieo ff Doc.,
vol.IV, p. 471-472),ainsi que la propositioymentionnée de la Birmanie, de la
Tchécoslovaquie, de l'Inde, du Liban, du Ghana, de Madagascar, de la République stitutive element of custom. Thus recent agreements have specified that it
is only by virtue of the agreement itself that a Company is considered to
be a non-national of the State to which it relates, because of the con-
trol exercised over it".
14. One last category of treaties deserves examination: this is that
of agreements generally called treaties of friendship, establishment and
commerce.
A certain number of these treaties, subsequent to the Second World

War, touch on the problem, but from standpoints which are different
from, and sometimes opposite to each other. Provisions may be gleaned
from these which imply the right of protection of the national State of
the shareholders. It will however not fail to be noticed that the formulae
which these treaties use relate to very diverse concepts: that of majority
interest or substantial interest of nationals. that of direct or indirect
control by the shareholders, or mixed control; whereas provisions in no
less recent treaties do not provide for either of these concepts.
No uniform tradition has therefore become established which permits

of some of these bilateral treaty commitments being adopted as customary
precedents.
In order to make an end of these treaties, 1would observe that diplo-
matic protection of the shareholders was apparently included in some
of them because of special political circumstances. The Treaty of 1955
between France and Switzerland is, according to Mr. Vignes, to be
explained by the fact that Tunisia had not yet obtained political in-
dependence, and enjoyed merely a régimeof autonomy. Furthermore, the
1936Treaty between France and Germany had as its object the settlement

of the thorny problem of the Saar. Finally, the 1946 Treaty between
the United States and the Philippines was not unrelated to certain
questions raised by the transitional period following the independence of
the latter country.
15. From the foregoing it appears that the number of States which
have been ~arties to one or the other of the treaties which have been
in question, the provisions of which can be taken into account, so far
as consistent with each other, is not such as to attain the degree of
generality which is constitutive of custom as provided for in Article 38,

paragraph 1 (b), of the Court's Statute. It must also be stressed that
many States are in open opposition to obligations resulting from imposed,
or unequal treaties 42,or treaties concluded without their participation,

4' Inter alia, the Agreement signed by Mauritania and the Société des minesde
ment, to be a non-national of the Muslim Republic of Mauritania, because of the
control exercised over it by foreign interests." [Translation by the Registry.]
42 AS to unequal treaties to which the Asian and African States are opposed, see
the Asian-African Legal Consultative Committee, Eighth Session, Brief of Doc-
uments, Vol.IV, pp. 471-472, as well as the proposal, mentioned therein, of Burrna,
Czechoslovakia, India, Lebanon, Ghana, Madagascar, United Arab Republic, nale43.Ilssont enparticulier hostileà l'extensiondelaprotection diploma-
tique autrement que par voie conventionnelle dans les rapports desEtats
contractants uniquement. Et l'on connaît assez, pour ne pas avoir à s'y
étendre,les conséquencessur l'éclosionde la coutume d'une opposition
qui n'est pas supposéeêtrenécessairement aussimassive.

14. Qu'étaient, en somme, beaucoup de ces normes et quels griefs
elles soulevaient et soulèvent encore pour qu'une moitiédes Etats du
monde en conteste des stipulations essentielles, y compris la portée
de la protection diplomatique?
On a vu qu'un grand nombre d'Etats discutent la légitimitéde cer-
taines tendances de cette protection, allant parfois jusqu'à en contester
le principe44. Cette constatation revêt uneimportance indéniable par

rapport à l'évolutionde la coutume en cette matière. On voit en consé-
quence, une fois de plus, l'intérêt qu'iyl a, vu les circonstances de la
cause, àrevenir non sans quelques détailssur les raisons de cette oppo-
sition qui ne peut êtredissociéedu problème de l'élaboration de la
coutume en général etde son application àla présente cause enparticu-
lier.
Des traités dont il a été question 45 il faut remonter à ceux qui ont
organiséla sociétéinternationale aux XVIII'et XIXesiècleset au début

du XXe.On sait qu'ils ont étéconclus àl'instigation de quelques grandes
puissances considéréespar le droit de l'époque comme suffisamment
représentativesde la communauté des nations ou de ses intérêts collec-
tifs Il en a étéd'ailleurs de mêmedu droit coutumier, certaines coutumes
de grande portée ayant été incorporéesdans le droit positif alors qu'elles
étaientle fait de cinq ou six puissances. Ce ne fut certainement pas une
Œuvresans reproches, et mêmesans reproches graves. Aussi des normes

ainsi établies et qui ont survécu aux transformations fondamentales
récentesde la sociétéinternationale marquées par le Pacte de la Société
desNations et la Charte des Nations Unies, compte tenu de l'interpréta-
tion libéraledonnée sanscesse à celle-ci, certaines, on l'a vu, sont con-
testéespar les Etats qui n'ont pas participé à leur élaboration et qui les
considèrent contraires à leurs intérêtsvitaux.

17. On se rappelle que les grands Etats européens de tendance na-
tionaliste s'étaient désolidariséd se la théorie de l'universalisme des

arabe unie, du Nigéria, dela Syrie et de la Yougoslavie tendant a considérerde
te43 L'opinionsocialiste a exposéepar M. G. 1.Tunkin, qui considèrequ'ilfaut
éviterque soient imposées auxEtats socialistes et aux Etats nouveaux certaines
normes que ces Etats n'ontjamais acceptéeset qui leur sont inacceptables(op. cit.,
p. 88).
44 Supra, no 5.
45Supra, no 12. before they were admitted into the international community 43. In
particular they are hostile to the extension of diplomatic protection other
than by way of agreement, and within the relationship of the contracting

States alone. And it is sufficientlywell known for it to be unnecessary to
dwell on the point, what the consequences are, for the growth of a
custom, of opposition which is not thought to need to be so massive.
16. Whatin fact were many of these norms, and what complaints did
they give rise to, and do still give rise to, so that one-half of the States
of the world dispute essential stipulations thereof, including the scope
of diplomatic protection?

It has become apparent that quite a number of States challenge the
legitimacy of certain trends of this protection, sometimes going so far as
to dispute the principle thereof 44.This observation is of undeniable im-
portance in connection with the development of custom in this matter.
Consequently the advantage once again becomes apparent, in viewof the
circumstances of the case, of re-examining in some detail the reasons for
this opposition, which cannot be dissociated from the problem of

elaboration of custom in general, and its application to the present casein
particular.
Amongthe treaties which have been inquestion 45,it is necessaryto go
back to those which organized international society in the eighteenth
and nineteenth centuries, and at the beginning of the twentieth century.
It is well known that they were concluded at the instigation of certain
great Powers which were considered by the law of the time to be suffi-

ciently representative of the community of nations, or of its collective
interests. Moreover, the same was the case in customary law: certain
customs of wide scope becameincorporated into positive law when infact
they were the work of five or six Powers. This was certainly an exercise
open to criticism, and even to serious criticism.In addition, of the norms
which had thus become established, and which survived the recent
fundamental transformations of international society marked by the

League of Nations Pact and the Charter of the United Nations, taking
into account the liberal interpretation continually given to the latter
instrument, some, as we have seen, are disputed by the States which did
not take part in their elaboration,and which consider them to be contrary
to their vital interests.
17. It will be recalled that the great European States of nationalist
tendencies withdrew their support for the universalist theory of the first

Nigeria, Syria and Yugoslavia, to the effect that such treaties should be considered
as without validiy
43 The socialid iiew has been set out by Mr. G. 1. Tunkin, who considers that
one rnust avoid irnposing on the socialist States and the new States certain norms
which these States have never accepted and which are unacceptable to thern (op. cit.,
p. 88).
44 Supra, Section 5.
45 Supra, Section 12. premiers internationalistes, les Vittoria et les Suarez; si jamais ils

l'avaient reconnue. Aussi Mably pouvait-il disserter sur un droit public
de l'Europe, du bénéficeduquel les autres nations - libres ou indépen-
dantes - étaient exclues depuis le XVIe siècle. Communauté ferméea
fort consciencieusement dit Sereni. Le traité de Paris, signéau terme
de la conférence de 1856, déclara pour la première fois dans l'histoire

des relations internationales, une de ces nations, la Sublime Porte,
((admise à participer aux avantages du droit public européen ...1)Ce
terme sera toutefois remplacé,dans les traités ultérieursdes pays d'Oc-
cident, en 1885,en 1904,en 1921et dans le Statut de la Cour permanente

de Justice internationale, par un autre non moins discriminatoire, celui
de ((nations civilisées n. Le Statut de la Cour internationale de Justice
adopte cette dernière locution, quoique la Charte des Nations Unies l'ait
abandonnée pour l'égalitésouveraine des nations de l'ensemble de la
communauté internationale 46. Et M. N. Politis, qui écrivait au lende-

main de la première guerre mondiale que ((ledroit ...doit, pour garder
sa valeur, êtrele reflet fidèlede la vie, changer avec elle, se modeler sans
cesse sur elle ...n, limitait encore à l'Europe et aux intérêts del'Europe
l'aire d'application de cette conception réaliste desrapports entre la vie

et le droit; tout comme il y bornait les horizons de sa pénétrante étude
sur la morale internationale 47. M. Politis s'inspirait pourtant, tout au
long de sa dissertation, du jurisconsulte romano-phénicien Ulpien, le
considérant justement comme le fondateur du droit des gens par sa
remarquable contribution à l'essor du jus gentium 48, l'un des terrains

anciens de développement de ce droit.
18. D'autre part, dans la masse imposante des normes juridiques qui
constituent l'édificemoderne du droit des gens, nombre de règles s'étaient
glissées,néesde la violence ou de l'illégalité; enparticulier les règles

- souvent entérinéespar de solennels traités-justifiant la discrimina-
tion raciale, l'esclavageet, jusqu'au milieu du XXesiècle,la conquête,I'an-
nexion et la colonisation sous toutes ses formes: colonies d'exploitation
ou de peuplement, suzeraineté, protectorat, mandat ou tutelle 49. Ces
deux dernières formules travestissant, sous la fiction des mots, une

pratique et une doctrine colonialistes dont l'illégitimitéa étédénoncée
aux Nations Unieset.condamnéepar elles.Cette attitude de l'organisation
- -... -
46Jusqu'à la veille de la conférence de San Francisco en 1945, la Charte de
l'Atlantique de 1942 était considérée par la plupart de ses interprètes comme
destinée à l'usage des pays d'occident.
47 La faculté de droit de Harvard a compris la nécessitéde supprimer le terme
(civilisés1dans son projet revisé relatif à la responsabilité des Etats. Sir Gerald
formule différente du projet Harvard (Annuaire de la Commission du droit inter- une
narional, 1960, p. 290, no 56).
Voir au surplus l'opinion individuelle de l'auteur,C.I.J. Recueil 1969, no 33.
48 Le tiers du Digeste de Justinien est emprunté aux écritsd'Ulpien (EncyclopŒdia
Brirannica, Ulpian).
49 Opinion dissidente de M. V. M. Koretsky en les affaires du Sud-Ouest africain,
deuxième phase, C.I.J. Recueil 1966, p. 239 et suiv. BARCELONA TRACTION (SEP.OP. AMMOUN) 309

internationalists, such as Vittoria and Suarez-that is, if they had ever
recognized it. Thus, Mably was able to enlarge on the notion of a Eu-

ropean public law, from the benefits of which other nations-free or
independent-had been excluded since the sixteenth century. A closed
community, as Sereni most conscientiously put it. The Treaty of Paris,
signed at the conclusion of the 1856Conference, stated for the first time
in the history of international relations that one such nation, the Sublime
Porte, was "admitted to participate in the advantages of the Public Law

... of Europe". This term was, however, to be displaced in subsequent
treaties entered into by Western countries, in 1885,in 1904,in 1921and
in theStatute of the Permanent Court of International Justice by another
no less discriminatory term, that of "civilized nations". The Statute of
the International Court of Justice has adopted this last form of words,

although the Charter of the United Nations abandoned it in favour of
the sovereign equality of al1the nations of the international community 46.
And N. Politis, who wrotejust afterthe First World War that "the law ...
must, if it is to retain its value, be a faithful reflection of life, change with
it, mode1 itself unceasingly upon it ...", still limited the area of appli-
cation of this realistic conception of the relationship between life and the

law to Europe and to Europe's interests,just as he restricted thereto the
horizons of his penetrating study of international morality 47. Politis was
nevertheless inspired throughout his book by the Roman-Phoenician
jurisconsult Ulpian, rightly regarding him as the founder of international
law on account of his remarkable contribution to the development of
jus gentium '" one of the ancient fields of development of this law.

18. Moreover, in the imposing mass of legal norms which make up the
modern structure of international law, a number of rules have crept in
which owe their origins to duress or illegality; in particular those rules-
often enshrined in solemn treaties-justifying racial discrimination,
slavery, and, until the middle of the twentieth century, conquest, annex-
ation and colonization in al1 its forms: colonies of exploitation or of

settlement, suzerainty, protectorates, mandates or trusteeships 49, the
two latter forms disguising, by means of a verbal fiction, a colonialist
practice and doctrine, the unlawfulness of which has been stigmatized at
the United Nations and condemned by that body. This attitude on the
--. -.-- -
46Until just before the San Francisco Conference i1945, the Atlantic Charter of
1942 was regarded by most of its interpreters as intended for the use of Western
cou"tThe Harvard Law School understood the need to delete the word "civilized"

approved theisdeletion of this word, opting, however, for a different form of words
from that of the Harvard Draft(Yearbook of the InternarionalLaw Commission 1960,
1, p. 270, para. 56). See in addition the writer's separate opinion in I.C.J. Reports
1969. para. 33.
A third of Justinian's Digest is borrowed from the writings of Ulpian(Ency-
clopaedia Brifannica,S.V."Ulpian").
4VDissenting opinion of Judge V. M. Koretsky in the South West Africa cases,
I.C.J. Reports 1966, pp. 239 ff. mondiale a été reflétées,ur le plan judiciaire, par la procédure concernant
les avis consultatifs de 1950, 1955et 1956,demandés à la Cour interna-

tionale de Justice à propos du contrôle de l'application du mandat à la
Namibie.
19. Aussi comprend-on mieux les appréhensions d'un large éventail
d'Etats nouveaux dans trois continents, contestant la légitimitéde cer-
taines règles du droit des gens, non seulement parce qu'elles ont été

adoptéesen dehors d'eux, mais aussi parce qu'elles ne leur paraissent
pas répondre à leurs légitimes intérêts à, leurs besoins essentiels au
sortir de l'èrecolonialiste, enfin à l'idéalde justice et d'équité auquel
aspire la communauté internationale dont les entrées leuront été finale-
ment ouvertes. Ce que le tiers monde entend substituer à certaines

normes du droit en vigueur, ce sont d'autres normes profondément
imbues du sentiment dejustice naturelle, de morale et d'idéalhumain 50;
il s'agit, en somme, d'un coup de barre vers le droit naturel tel qu'il
est présentement conçu etqui ne serait que le sentiment naturel de jus-
tice vers un idéalélevéqui parfois ne transparaît pas dans le droit

positif préoccupésurtout de stabilité: stabilité destraités et stabilité
des situations acquises. Ainsi, par exemple, la notion d'effectivité -
dont l'utilité n'estpas niée encertaines matières - étayant, non sans
quelque extravagance, un status quo ante dont on a confesséla naissance
illégitime endisant: ((Letemps parfois effacel'illégalité en te laisse sub-

sister que l'effectivité52));et ceci de façon pertinente dans l'application
de cette notion aux acquisitions coloniales, où l'on voit le principe de la
souveraineté céderdevant la présomptiondu soi-disant droit du premier
occupant 53;comme aussi des traitésdéjàqualifiéespar le droit romain

Voir opinion individuelle précitéede l'auteur, no 33, p. 134 infine et p. 135;
no 35, p. 136 infine; no 36, p. 137.
Voltaire ne donnait-il pas une définitiondu droit naturel quand il disait: «La
morale est dans la nature »?
51 Pour Sisnett, Chief Justice du Honduras britannique et arbitre dans l'affaire
Shufeldt, le droit international ne veut pas êtreliépar autre chose que par la justice
naturelle.
Voir aussi l'opinion individuelle de M. Carneiro dans l'affaire des Minquiers et
Ecréhous,C.Z.J. Recueil 1953, p. 109.
52 Le facteur temps, dont le propre en droit privé est de consolider les situa-
tions acquises dans certaines conditions qui n'excluent pas généralement la
bonne foi, ne peut êtretransposé purement et simplement en droit international.
Il ne devrait pas prévaloir contre des droits manifestes, soit ceux des populations
autochtones sur leur propre territoire, soit ceux de la communauté humaine res
communis ou res nullius, tels que la haute mer, les fonds océaniques,les étendues
polaires ou spatiales.
53 Voir l'ovinion dissidente M. H. Klaestad iointeB l'arrêtde 1960 de cette
Cour, sur le Droit de passage en territoire indien. Arrêtencore influencépar la vue
statique du droit. L'Inde, se réclamant de la déclaration de 1960 sur I'octroi de
Sécuritéqu'aux termes de cette déclaration lePortugal étaitprivéde toute prétention
à la souveraineté sur Goa et, par suite, de tout droit de protester contre la ré-
occupation de ce territoire, laquelle constitue un acte de libération, le Conseil de
Sécuritégardant un silence significatif. part of the World Organization has been reflected, at the judicial level,
in the proceedings on the Advisory Opinions of 1950, 1955 and 1956,
requests for which weremade to the International Court of Justice with
regard to supervision of the implementation of the Mandatefor Namibia.

19. It thus becomes easierto understand the fears of a broad range of
new States in three continents, who dispute the legitimacy ofcertain rules
of international law, not only because they were adopted without them,
but also because they do not seem to them to correspond to their legiti-
mate interests, to their essential needs on emerging from the colonialist

epoch, nor, finally, to that ideal ofjustice and equity to which the inter-
national community, to which they have at long last been admitted,
aspires. What the Third World wishes to substitute for certain legal
norms now inforce are other norms profoundly imbued with the senseof

natural justice, morality and humane ideals 50.It is, in short, a matter of a
change of course towards natural law as at present understood, which is
nothing other than the natural sense of justice a change of course
towards a high ideal which sometimes is not clearly to be discerned in
positive law, peculiarlypreoccupied as it is with stability: the stability of

treaties and the stability of vested rights. Thus, for examplethe notion of
effectiveness-the usefulness of which incertain matters is not denied-
gives a too unqualified support to the preservation of a status quoante
the unlawful origins of which are admitted when it is said: "time some-

times effacesillegality, so that only effectivenessremains" 52. And this is
relevant to the application of this notion to colonial acquisition, where
we seethe principle of sovereignty givewayto the presumption of the so-
called right of the first occupant 53; so too with those treaties already

See the writer's separate opinion previously referred to, section 33, bottom of
p. 134and top of p. 135; section 35, bottorn of p. 136; section 36, p. 137.
Was not Voltaire giving a definition of natural law when he said: "Morality is in
nature"?
51 Sisnett, Chief Justice of British Honduras and arbitrator in the Shufeldt case,
took the view that international law should be bound by nothing but natural justice.
See too the separate opinion of Judge Carneiro in the Minquiers andEcrehoscase,
I.C.J. Reports 1953, p. 109.

52 The time factor, which has the attribute in private law of consolidating existing
situations under certain conditions which generally do not exclude good faith,
cannot purely and sirnply be transposed into international law. It ought not to
prevail over manifest rights, whether those of indigenous peoples to their own
territories, orhose of the community of mankind to res communisor res nullius,
such as the high seas, the sea-bed, the polar regions or outer space.

53 See the dissenting opinion of JudgH. Klaestad appended to the 1960Judgment
of this Court on the Right of Passage over Indian Territory case, a judgrnent still
influenced by the static view of law. India, basing itself on the 1960Declaration on
the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples, maintained before
the Security Council that in terrns of that Declaration Portugal had lost1claim to
sovereignty over Goa and, consequently, al1 right to protest against the reoccu-
pation of that territory, which constituted an act of liberation, the Security Council
preserving a significant silence.de léonins, plutôt imposésque conclus au cours d'une époque révolue,

et susceptibles d'ouvrir largement la voie à la mise en Œuvrede la clause
rebus sic stantibus. Ces pays ne veulent, en somme, de l'héritage du
passé que sous bénéficed'inventaire; ce qui donne sa signification à
ce propos de Westlake: 11La géographiedu droit international a considé-
rablement changé 11.Cependant, quoique le droit ancien ait été dépouillé

de maintes séquellesd'un passéd'inégalitéet de domination, notamment
par l'adoption des principes de la Charte de San Francisco et de celles
de Bogota et d7Addis Abéba,ces principes mêmesne se sont pas encore
imposés sans restriction ni réserve, n'ont pas développé toutes leurs
virtualités. S'il convient de rendre hommage aux promoteurs des décla-

rations touchant lesgrands principes humains se raccordant à l'universel,
depuis la Déclaration Wilson en 1917 et son mémorable point 4, la
Charte de l'Atlantique de 1942et le rapport de la conférence de Dum-
barton Oaks de 1944,jusqu'à la Charte des Nations Unies, il faut con-
fesser que l'enthousiasme pour les principes proclamés n'a pas fait

long feu. Un fossé, qu'ily a lieu de combler, subsiste entre la théorie
et la pratique. Tel est, au nombre de ces principes, le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes, revendiqué depuis des siècles par les nations
qui ont successivement acquis leur indépendancedans les deuxAmériques,
à commencer par les treize Etats confédérés dle 'Amériquedu Nord, et en

Europe centrale et orientale; proclamé maintes fois depuis la première
guerre mondiale; consacré enfin par la Charte des Nations Unies 54,
qu'ont complétée etpréciséela résolution de l'Assemblée générald eu
16 décembre 1952 sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmeset
la déclaration historique de ladite Assemblée du 14 décembre 1960

sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux, laquelle
n'a pas fini de dérouler ses conséquences. Déclaration et résolutions
auxquelles on ne saurait dénier, alors qu'elles reflètent le sentiment
public quasi universel, le caractère d'élémentsconstructifs du droit des
gens 55. Elles avaient été,au surplus, précédées en detsermes similaires,

par la Charte des Etats américainsadoptéeen 1948 à Bogota et les réso-
lutions de la conférence de Bandoung de 1955; comme elles ont été
suivies par la Charte de l'Unitéafricaine d'Addis Abéba de 1963 56 et
les résolutions des conférences de Belgrade en 1961 et du Caire en
1964des pays non alignés, cettedernière alignant la majoritédes Mem-

bres des Nations Unies; enfin par la déclaration de l'Assemblée géné-
rale du 21 décembre 1965 sur l'inadmissibilitéde l'intervention dans les
affaires intérieuresdes Etats et la protection de leur indépendance et de

j4
Article oremier combiné avec les articles 55 et 56.
jb IIva lieu de remarauer aue la Charte d'Addis Abébaa accueilli (objectif11
du de la ~h&te déSan Fransciso en tant que «principes ou regles de
droit impératives ne laissant plus désormais de doute qu'ils relèvent définitivement
du juscogens. described in Roman law as leonine, imposed rather than concluded in a
past era and capable of leaving much room for the implementation of the

rebus sic stantibus clause. In short, these countries wish to take the
heritage of the past only with beneficium inventarii: which lends signifi-
cance to Westlake's observation :"The geography of international law has
changed considerably." Nevertheless, although the old law has been
pruned of many sequelae of a past of inequality and domination, in
particular by the adoption of the principles of the San Francisco Charter
and of those of Bogota and Addis Ababa, those sarne principles are not
yet irnposed without restriction or reservation, nor have any developed

al1their potentialities. While tribute should be paid to the promoters of
declarations concerning great humane principles of a universal nature,
frorn the Wilson Declaration in 1917 with its mernorable Point 4, the
Atlantic Charter of 1942and the report of the Dumbarton Oaks Con-
ferencein 1944,up tothe United NationsCharter, it rnust beadrnitted that
enthusiasm for the principles proclairned was not of long duration.
There is a gap, which must be filled, between theory and practice. Thus,

among these principles there isthe right of self-determination-demanded
for centuries by the nations which successively acquired their indepen-
dence in the two Americas, beginning with the 13Confederate States in
North America, and in Central and Eastern Europe; rnany tirnes pro-
clairned since the First World War; enshrined finally in the Charter of
the United Nations j4,added to and clarified by the General Assembly's
resolution of 16Decernber 1952on the right of self-determination and the
historic Declaration by the Assembly on 14 December 1960 on the

Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples, the
consequences of whichhave not yet fully unfolded. The international law-
making nature of these declarations and resolutions cannot be denied,
having regard to the fact that they reflect well-nigh universal public
feeling j5.They were, moreover, preceded by the similarly worded Pact of
Bogoti adopted by the American States in 1948and the resolutions of the
1955 Bandung Conference, just as they were followed by the Addis

Ababa Charter of African Unity of 1963 j6 and the resolutions of the
Belgrade Conference jn 1961and the Cairo Conference in 1964of Non-
Aligned Countries, the latter comprising the rnajority of the Mernbers of
the United Nations, and, finally, by the declaration of 21 December 1965
by the General Assembly on the inadmissibility of intervention in the
dornestic affairs of States and the protection of their independence and
sovereignty. Notwithstanding this uninterrupted sequence of precedents

54 Article I read with Articles 55 and 56.
See Section II above.
jb It should be noted that the Addis Ababa Charter accepted the "purposes"
law, leaving no further room for doubt that they definitely constitutemcogens.e 312 BARCELONA TRACTION (OP. IND. AMMOUN~

leur souveraineté. Nonobstant cette séquenceininterrompue de précé-
dents dans la vie des peuples, la doctrine occidentale, à un certain nom-
bre d'exceptions près 57, persiste à refuser à ce droit - tel que dénommé

pourtant dans le texte français de la Charte et qu'il l'a étédans les ré-
solutions et les déclarations de l'Assembléegénérale - les attributs
d'une norme juridique impérative. Les tenants de cette doctrine sem-
blent regarder nostalgiquement vers letemps où l'on pouvait impunément

dénier, sansblesser un ((droit public européen 1le droit d'autodétermi-
nation aux peuples aspirant à se libérer de la domination des Etats
qui les avaient soumis et colonisés. Contre les défenseursdes derniers

bastions du droit traditionnel, se dresse ainsi une fois de plus, avec l'ap-
pui d'une minorité occidentale, le puissant rassemblement des juristes
et des hommes de pensée ou d'action des pays latino-américains et
afro-asiatiques ainsi que des pays socialistes. Pour eux tous l'autodéter-

mination est une conquêtedéfinitivedu droit international positif. On
sait, en outre, qu'une majorité d'Etats se sont prononcés, par l'organe
de leurs représentants à la conférence de Vienne en 1969 sur le droit
des traités,pour une solution du problème du ,jus cogens susceptible de

sanctionner définitivement les principes de la Charte, considéréspar
eux comme des normes juridiques impératives Aussi bien a-t-il paru
opportun que ces principes - ceux issus à l'origine de l'esprit de la
révolution américaineou de la révolution française non exceptés -

dont l'inspiration religieuse n'est pas ignorée, fussent réaffirméssolen-
nellement. Ils l'ont étéau cŒurmêmede l'Afrique par le chef de 1'Eglise
catholique. S'adressant aux Africains et, par-delà ceux-ci, au monde
entier, Sa SaintetéPaul VI, renouant la tradition, a dénoncéle 2 août

57Le problème était cependant résolu affirmativement dans son ensemble dès
1950 par un des précurseurs de la nouvelle conception qui écrivait: cIt is already
the law, at least for Members of the United Nations, that respect foruman dignity
and fundamental human right is obligatory >(Ph. Jessup, A Modern Law of Nations,
1950, p. 91).
Ecrivant peu d'années après,M. G. 1. Tunkin notait que «les représentants des
Puissances coloniales, malgré une recommandation verbale de notre principe, se
sont efforcésen fait d'en faire une peau de chagrin, de l'édulcorer etde réduire à
rien sa tendance émancipatrice. Parfois même, ils nient son existence en droit
international.1(Op. cit., p. 45.)
58 Telle avait étél'opinion expriméedans le rapport concernant la responsabilité
des Etats soumis à la Commission du droit international (Annuaire de la Commission
du droit internationalde 1957, vol. II, p. 129-130, nos 2 à 7).
D'autre part, une propostion conjointe de la Birmanie, du Cameroun, du Ghana,
de l'Inde, du Liban, de Madagascar, de la Syrie, de la République arabe unie et de
la Yougoslavie prévoyait que Itout traité qui serait en conflit avec la Charte des
Nations Unies serait dépourvu de validitéet aucun Etat ne pourrait en invoquer le
bénéfice11.(Doc. des Nations Unies, A/AC.125/L.35, par. 2.) L'article 64 de la
convention sur le droit des traités de1969 a sanctionné le principe de cette propo-
sition en disposant que ilsi une nouvelle norme impérative du droit international
généralsurvient, le traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nulet
prend fin )).in the life of nations, Western writers, with some few exceptions 57,
persist in refusing to concede to this right-though referred to as a
"droiti" n the French text of the Charter, and in the resolutions and
declarations of the General Assembly-the attributes of an imperative
juridical norm. The partisans of this doctrine seem to look back nos-

talgically to the era when it was still possible withimpunity, and without
infringing "European public law", to deny the right of self-determination
to peoples seekingto free themselves from the yoke of the States which
had subjected and colonized them. Against the defenders of the last
bastions of traditional law, there thus stand arrayed, once again, with
the support of a Western minority, the serried ranks of the jurists,

thinkers and men of action of the Latin American and Afro-Asian
countries, as well as of the socialist countries. For al1 of them self-
determination is now definitely part of positive international law. As is
known, furthermore, a majority of States, through their representatives
at the 1969Vienna Conference on the Law of Treaties, pronounced in

favour of a solution to the problem of jus cogens capable of giving
definitive sanction to the principles of the Charter, regarded by them as
imperative juridical norms 58. It thus seemed appropriate that those
principles-not excepting those deriving originally from the spirit of
the American or French Revolutions-the religiousinspiration of which
is not unknown, should be solemnly reaffirmed. Theywere so in the very

heart of Africa by the head of the Catholic church. Addressing himselfto
the peoples of Africa and, beyond them, to the entire world, His Holiness
Paul VI, resuming a tradition, on 2 August 1969,in Kampala, before five
Heads of State, denounced racial discrimination, reaffirming the equality

57 The whole problem was, however, already solved in an affirmative sense in
1950 by one of the precursors of the new concept, who wrote: "It is already the
law, at least for Members of the United Nations, that respect foran dignity and
fundamental human right is obligatory." (P. C. Jessup, A Modern Law of Nations,
1950, p. 91.)
Writing a few years later, Prof. G. 1. Tunkin noted that: "The representatives of
the colonial powers,despite lip-service to this principle, have done their utmost to
pare it away to vanishing point, to water it down and to reduce its emancipating
tendency to nothing. Sometimes they even deny its existence in international law."
(Op. cit., p. 45 [Translation by the Registry].)
58 Such had been the opinion expressed in the report concerning State responsi-
bility submitted to the International Law Commission (Yearbookof the International
LaFurthermore, ajoint proposal by Burma, Cameroon, Ghana, India, the Lebanon,
Madagascar, Syria, the United Arab Republic and Yugoslavia provided that
"Any treaty which is in conflict with the Charter of the United Nations shall be
invalid, and no State shall invoke or benefit from such treaties" (Doc. UN AIAC.
125lL.35, para. 2). Article 64 of the 1969 Convention on the Law of Treaties en-
dorsed the principle of this proposai by providing: "If a new peremptory norm of
general internationallaw emerges, any existing treaty which is in conflict with that
norm becomes void and terminates." 1969 à Kampala, devant cinq chefs d'Etat, la discrimination raciale,

réaffirmant l'égalité des peuples elte droit de chacun d'eux à une vie
libre et digne ".
20. 11convient de rappeler, pour terminer cette digression nécessaire,
que les progrès réalisésdans l'application efficace des principes de la
Charte sont dus, dans une large mesure, à la contribution des représen-

tants des pays du tiers monde aux Nations Unies, qui se sont ralliés
à l'interprétation raisonnable de l'article 2, paragraphe 7, de la Charte,
concernant le domaine réservé 60.
On sait que ce texte s'étaitdéparti, malgrél'opposition de la Belgique,
de la rigueur de l'article 15, paragraphe 8, du Pacte de la Société des

Nations. ,t a.'il a recu sa rédaction actuelle sur l'insistance des Etats-
Unis, sans doute afin de suivre l'évolution du droit que percevaient
déjà les congressistes de San Francisco. Un consensus s'était alors
établiselon lequel il appartient aux organes des Nations Unies d'inter-
préter les textes de la Charte qu'ils appliquent. Et par la suite I'appli-

cation du nouveau texte devait s'adapter à l'internationalisation crois-
sante de la vie des peuples entraînant un recul corrélatif incessant du
concept de la souveraineté absolue 61.

11est remarquable de constater que la Cour permanente de Justice

internationale s'en était si bien rendu compte qu'elle déclarait dans
l'avis consultatif de 1923 relatif aux décretspromulgués en Tunisie et
au Maroc:

(La question de savoir si une certaine matière rentre ou ne rentre
pas dans le domaine exclusif d'un Etat est une question essentiel-
lement relative: elle dépend du développement des rapports inter-
nationaux. )(C.P.J.I. série B no4, p. 24.)

Mais la mêmeCour n'en demeurait pas moins fidèle à un certain
positivisme qui avait culminé avec l'arrêtdans l'affaire du Lotus en
1927 et qui n'a cesséd'influencer ses arrêtssubséquents. Elle déclarait

ainsi dans l'arrêt de 1932 concernant les Zones franches de Haute-
Savoie et du Pays de Gex que (dans le doute une limitation de la souve-
rainetédoit êtreinterprétée restrictivement 62 )).

59 Journal Le Monde du 3 août 1969.
60 Cf. M. S. Rajan, United Nations and Domesric Jurisdiction, p. 521 à 524.
61 Voir entre autres opinions séparéesde A. Alvarez, toutes tournées vers un
avenir considérécomme inéluctable, son opinion dissidentejointeà l'avis consultatif
sur la Compétencede l'Assembléegénéralerendu en 1950 par la Cour internationale
de Justice, où il disait:
«La psychologie des peuples a subi de grandes modifications; une nouvelle
conscience internationale universelle se fait jour, qui demande des réformes
dans la vie des peuples. Cette circonstance, s'ajoutant à la crise que traverse
depuis quelque temps le droit des gens classique, a ouvert la voiea un droit
international nouveau. 1(C.I.J. Recueil 1950, p. 12.)
Dans son opinion dissidente en l'affaire de 1'Anglo-Iranian Oil Co., M. Read of peoples and the rights of each of them to a free and decent life 59.

20. To conclude this necessary digression,it should be recalledthat the
progress achieved in the effective application of the principles of the

Charter is to a large extent due to the contribution of the representatives
at the United Nations of the countries of the Third World, which have
espoused a reasonable interpretation of Article 2, paragraph 7, of the
Charter, concerning the reserved domain 60.
It iswellknown that the wording of that paragraph, despite the oppo-

sition of Belgium,departedfromthe strictness of Article 15,paragraph 8,
of the Covenant of the League of Nations, and that it was given its
present form on the insistence of the United States, no doubt in order to
take account of that evolution in the law that was already perceptible to
those attending the San Francisco conference. A consensus was then
reached that it was for the organs of the United Nations themselves to

interpret the provisions of the Charter they applied. And the application
of this new text was subsequently to be adapted to the growing inter-
nationalization of the life of the peoples of the world, involvinga corres-
ponding constant loss ofground by the concept of absolute sovereignty 61.
It is remarkable to note that the Permanent Court of International

Justice was so well aware of this that it stated in its Advisory Opinion in
1923with regard to TheNationality DecreesZssuedinTunisandMorocco:

"The question whether a certain matter is or is not solelywithin the
jurisdiction of a State is an essentially relative question ; it depends
upon the development ofinternational relations." (P.C.Z.J.,Series B,
No. 4, p. 24.)

But the same Court nevertheless continued faithful to a certain
positivism which culminated in the Judgment in 1927in the Lotus case
and constantly influenced its subsequent Judgments. It stated in its
Judgment in 1932in the case of TheFree Zones of Upper Savoy and the
District of Gex that "in case of doubt a limitation of sovereigntymust be

construed restrictively 62".

59 Le Monde, 3 August 1969.
60 See, among, other separate opinions of Judge A. Alvarez, al1 of which were
orientated towards what he regarded asthe inevitable future, his dissenting opinion
appended to the Advisory Opinion on the Competence of the General Assembly
delivered in 1950 by the International Court of Justice, in which he said:
"The psychology of peoples has undergone a great change; a new universal
international conscience is emerging, which calls for reforms in the life of
peoples. This circuinstance, in conjunction with the crisis which classic inter-
national law has been traversing for some time past, has opened the way to a
new international law." (Z.CJ. Reports 1950, p. 12.)
62 P.C.Z.J. Series AIB, No. 46, p. 167.
In his dissenting opinion in theAnglo-ZranianOil Co. case, Judge Read, on the C'est sur ce terrain, en particulier, que les organes des Nations Unies,

forts de la présencedes pays nouveaux épris d'un nouveau droit, de-
vançant les instances juridictionnelles apparemment attachées à la
tradition, ont tracé la voie du renouvellement. L'Assemblée générale
et le Conseil de Sécurité, saisisdes questions intéressantla communauté
internationale, ou touchant les grands principes de la Charte, ont fini
après de longs débats,session après session, par passer outre à l'objec-

tion tirée de l'article2, paragraphe 7, grâce à une interprétation exten-
sive raisonnable - expresse ou tacite - de ce texte 63. Le chemin fut
long et ardu entre 1946, quand 1'Egyptene réussissait pas à obtenir
une décision du Conseil de Sécuritécontre la puissance occupante,
et la déclaration de 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays

et aux peuples colonisés: déclaration sur laquelle s'appuient dé-
sormais, non sans succès, les peuples luttant pour leur libération et
que le Conseil de Sécurité s'est décidé à confirmer par sa résolution du
20 novembre 1965 appuyant le droit à l'indépendance de la Rhodésie
du Sud et à décider de sonpropre avenir.

Il convenait d'évoquer cette longue série defaits en vue d'éclairer
un aspect nouveau de l'évolution du droit des gens en général, et deses
deux grandes sources en particulier. Ce qui a été admis pourles traités
après la condamnation de la théoriede la représentativité etl'efficacité

accrue des principes de la Charte grâce à l'interprétation de moins en
moins stricte de l'article 2, paragraphe 7, doit vraisemblablement l'être
pour la coutume internationale et son application en la présente affaire.

soutient, au contraire, une thèse ouverte sur le devenir déjà perceptible de la con-
ception de la souveraineté. On y lit:
11L'énoncé d'une déclarationest l'exercice de la souveraineté de 1'Etat; il
n'en est, en aucun sens, une limitation. En conséquence, on doit l'interpréter
de manière à donner effet à l'intention de 1'Etat telle qu'elle se dégage des
termes employés et non par une méthode restrictive, ayant pour objet de
mettre à néant l'intention de 1'Etat qui a exercé cepouvoir souverr(C.Z.J.
Recueil 1952, p. 143.)
" Ainsi en a-t-il étéà propos de la revendication de l'indépendance de la Tunisie
et du Maroc depuis 1951, de celle de Chypre et del'Irian occidental depuis 1954,
de l'Algériedepuis 1955, de l'Angola depuis 1960, de la Rhodésie depuis 1961,
enfin, en 1963, de l'ensemble des pays occupes par le Portugal. II en a étéde même
en ce qui concerne les droits de l'homme relativement aux personnes d'origine
indienne en Afrique du Sud depuis 1946, de'apartheid depuis 1948.
On remarquera toutefois que des puissances qui s'étaient fermement opposées
à l'intervention de l'ONU dans les précédentes affairesont rejeté l'objection fondée
sur l'article paragraphe 7, quand il s'est agi des interventions en Espa1946,n
dans l'affaireècev. Albanie, Bulgarie, Yougoslavieen 1948,en Tchécoslovaquie en
1948 et en Hongrie en 1956.M. S. Rajan a souligné à ce sujet que l'élément poli-
tique et les effets de la guerre froide ont eu dans ces cas une influence indéniable
(United Nations and Domestic Jurisdiction, p. 177-178). It is in this field in particular that the organs of the United Nations,
strengthened by the presence of the new countries yearning for a new
law, outstripping judicial bodies apparently still attached to tradition,
have blazed a trail towards renovation. The G-eneralAssembly and the

Security Council, when dealing with questions of concern to the inter-
national community or touching upon the great principles of the Charter,
have, after long debates, session after session, finally overridden the
objection based on Article 2, paragraph 7, thanks to a reasonable and
extensive interpretation-express or tacit-of its words 63.The road was

long and arduous between 1946,when Egypt was unsuccessful in obtain-
ing a decision, against the occupying Power, of the Security Council, and
the 1960 Declaration on the Granting of Independence to Colonial
Countries and Peoples-a declaration upon which the peoples struggling
for their liberation have, not without success, since relied, and which the
Security Council decided to confirm by its resolution of 20 November

1965endorsing Southern Rhodesia's right to independence and its right
to decide its own future.

It has been necessary to mention this long series of facts in order to
elucidate a new aspect of the evolution of international law in general and

of its two great sources in particular. That which has been admitted in
respect of treatiessincethe condemnation of the theory of representativity
and the increased efficacity of the principles of the Charter-thanks to
the ever less strict interpretation of Article 2, paragraph 7-, must
probably be admitted in respect of international custom and its appli-

cation in the present case.

other hand, adopted an approach that took into account the already perceptible
evolution in the concept of sovereignty. He wrote:
"The making of a declaration is anexercise of State sovereignty, and not, in
any sense, a limitation. It should therefore be construed in such a manner as to
give effect to the intention of the State, as indicated by the words used; and not
by a restrictive interpretation, designed to frustrate the invention of the State in
exercising this sovereign power."I.C.J. Reports 1952, p. 143.)

63 This was the case with respect to the demand of Tunisia and Morocco for
independence from 1951, that of Cyprus and of West Irian from 1954, of Algeria
from 1955,of Angola from 1960, of Rhodesia from 1961, and, finally, in 1963,ofl1
the countries occupied by Portugal. The same is the case with respect to the human
rights of persons of Indian origin in South Africa since 1946, and with respect to
apartheid since 1948.
It will be noticed, however, that those Powers which firmly opposed United
para. 7, in respect of interventions in Spain in 1946, in the case of Greece v. Albania,
Bulgaria and Yugoslavia in 1948, in Czechoslovakia in 1948and in Hungary in 1956.
In this connection, Mr.B. Rajan has stressed the fact that political considerations
and the effects of the cold war exercised an undesirable influence inthese cases
(United Nations and Domestic Jurisdiction, pp. 177-178). C'est en prenant en considération ce qui précèdeet les conclusions
qui s'endégagentqu'on serendra compte dans quelle mesure la coutume
de la protection diplomatique est susceptible de recueillir un nombre
suffisant d'adhésions pour couvrir de nouvelles hypothèses tellesque
celle soumise àla considérationde la Cour de céans.
21. Après cette indispensable incursion dans le débat que soulèvent
les aspects nouveaux de l'élaboration de la coutume, et passant à la
jurisprudence internationale, on constate qu'elle ne fournit que peu
de précédentsétayant le droit de protection diplomatique des action-
naires se plaignant d'un préjudiceindirect.
Lajurisprudence internationale n'est elle-mêmqeu'une sourceauxiliaire

du droit et ne suppléepas aux sources principales que sont lestraitéset la
coutume. Mais considérée en tant qu'élément dceelle-ci, ilsemble qu'elle
neremplit pas, enl'espèce, lesconditionsl'habilitantêtreretenuecomme
un précédentcoutumier.
En effet, les précédentsayant trait plus ou moins directement à la
question envisagéeont été jusqu'ici, faut-ille répéter, ceux-là seulsqui
émanaientde juridictions arbitrales. Les juridictions de jugement n'ont
pas été appelées à se prononcer à cet égardavant la présente affaire.
Au surplus, lajustice arbitrale, étant donnélescas qui lui ont été soumis,
en est restée à ce jourà la seule hypothèse où l'action est intentéeen
faveur des associésou actionnaires d'une société dont 1'Etat national
lui-même estl'auteur du dommage. La jurisprudence, pas plus que la
pratique conventionnelle, ne vient donc en aideà la thèse selon laquelle
la protection diplomatique s'étendaux actionnaires indirectement lésés

par un Etat autre que 1'Etatnational de la société.
22. En ce qui a trait àla pratique des Etats, on ne peut nier que nom-
breuses sont les positions adoptées qui dénotent l'intention d'inclure
dans le cadre de la protection diplomatique les réclamationsdes action-
naires d'une sociétéde tierce nationalité.
Dans quellemesure lespositions ainsi adoptéespeuvent-ellescontribuer
à la formation de la coutume?
Il est évidenttout d'abord que de telles attitudes ne sauraient être
comptéesau nombre des précédentsconstitutifs de la coutume inter-
nationale que si leurs auteurs ne s'en départissent pas après s'en être
prévalus.Or, dans le dénombrementde cesprécédents, on peut reprocher
à plus d'un Etat des attitudes contradictoires qui privent ces dernières
de tout effetjuridique. La constance de la pratique françaisee.t,depuis
le débutdu siècle,de celle des Etats-Unis ne suffit pas pour établirune

coutume censéeêtreuniverselle. Et cela d'autant moins qu'un usage ne
contribue àlaformation delarèglecoutumièrequesi1'Etatquis'enprévaut
ou cherche à l'imposer etcelui qui s'ysoumet ou le subit ont, comme il a
déjà étédit,l'un et l'autre conscienceque cet usage est l'expressiond'une
obligation juridique à laquelle nul d'entre eux ne saurait se soustraire.

La manifestation de volonté d'unEtat qui serait contestéepar l'autre It is by taking into consideration the foregoing and the conclusions that
emerge therefrom that it will be seen to what extent the custom of
diplomatic protection is capable of receiving a sufficient number of
adherences to cover new hypotheses such as that which is now submitted
for the consideration of this Court.
21. After this indispensable excursion in to the argument raised by
the new aspects of the development of custom, and turning now to
international case-law, it will beseen that it provides but few precedents
which support the right of diplomatic protection in the case of share-

holders who complain of indirect injury.
International case-law is itself only an auxiliary source of law and
does not take the place of the principal sources, which are treaties and
custom. But, considered as an element of the latter, it seems that it does
not in the instant case fulfilthe conditions necessary for it to be regarded
as a precedent establishing a custom.
In point of fact,those precedents which relate more or less directly to
the question under consideration have so far, it is hardly necessary to
reiterate, only been the work of arbitral tribunals. Judicial tribunals
have not been calledupon to pronounceupon this matter until the present
case. Furthermore, arbitral tribunals, because of the cases submitted to
them, have up to the present considered only cases where action was
brought in favour of the members or shareholders of a company to
which its own national state had caused the damage. Decided cases thus
do not, any more than does treaty practice, assist the argument that
diplomatic protection extends to shareholders indirectly injured by a
State other than the national State of the company.
22. So far as concerns the practice of States, it cannot be denied that

numerous positions have been adopted which denote an intention to
include within the framework of diplomatic protection the claims of
shareholders in a company of a third nationality.
To what extent can the positions thus adopted contribute to the for-
mation of a custom?
In the first place, it is plain thatch attitudes can only be counted as
precedents creating international custom if those who adopt them do not
depart therefrom after having relied thereon. Now, in the analysis of
such precedents, more than one State can be found against which there
can be levelled the criticism that it has adopted attitudes which are self-
contradictory, and thus deprived of any legal effect. The constancy of
French practice and, since the turn of the century, of that of the United
States, does not sufficeto establish a custom supposed to be universal.
And this is still more so in that a practice only contributes to the for-
mation of a customary rule if, as has already been said, both the State
which avails itself thereof or seeks to impose it and the State which
submits to or undergoes it regard such practice as expressing a legal
obligation which neither may evade.

An expression of a State's will which is contested by the other partypartie demeurerait un acte isolédépourvud'effet.Et combien nombreuses

sont les attitudes des Etats qui se sont heurtéesà l'opposition des parties
adverses. Telles sont, uniquement à titre d'exemples, celles de la France
dans lesaffairessuivantes :Sociétédes quais,dockset entrepôts de Constan-
tinople 64;SociétéLimanova; Société du chemd efer de Tirnovo;Com-
pagnie royale des cheminsdefer portugais; Société lettone dceheminsde
fer; enfin diverses sociétésen Mozambique. Des Etats-Unis dans les
affaires Kunhardt;Alsop; Ruden;du Chemindefer de la baie de Delagoa;
de la VacuumOil Companyde Hongrie;de la Romano-Americanaet de la

Tlahualilo.Du Royaume-Uni dans les affaires déjàcitéesdu Cheminde
fer de labaie de Delagoa et de la Tlahualiloet cellede la MexicanEagleCo.
De la Suisse dans les affaires de la CompafiiaArgentina de Electricidad
et de la CompafiiaZtalo-Argentinade Electricidad. Des Pays-Bas dans
l'affaireBaaschet Romer et dans celle de la Mexican Eagle Co. Enfin de
l'Italie dans les affaires Canevaroet Cerruti.
Il n'est pas sans intérêt,par ailleurs, d'observer que près de 90 pour
cent des oppositions à une telle protection diplomatique émanaient
d'Etats encore en voie de développement.

23. Reste à savoir, au regard de l'élaboration dela coutume, ce qu'est
actuellement l'état dela doctrine quant aux questions posées.
Les thèses énoncéep sar celle-ci ne consistent pas uniquement en des
propositions de legeferenda. Elles sont souvent l'exposéde normes de
droit positif. Elles en sont mêmeparfois, l'un des élémenta suxiliaires de
formation, ainsi que le confirme, à la suite d'une pratique plusieurs fois
séculaire, l'article8, paragraphe 1 d) du Statut de la Cour. Peut-on ne
pas évoquer à ce propos la durable influence qu'ont eue, dans l'évolution

du droit des gens, maintes doctrines définiesjadis par Ulpien, et dans les
temps modernes par Vittoria et Suarez, puis par Bodin, Grotius, Vatel,
Calvo, Anzilotti, Politis, pour ne citer que quelques-uns des publicistes
de renom.
Je me hâte de dire que la doctrine n'est pas représentée uniquement
par lesécritsdes auteurs. On la trouve exprimée,comme on sait, dans les
travaux des conférencesjuridiques et des institutions, instituts ou associa-
tions de droit international. On ne devrait pas non plus manquer de la
puiser - et c'estsurquoi je voudrais insister- dans lesopinions séparées

desjuges auxquellesj'ai cru devoir si souvent me référerJ.e dois souligner
tout d'abord que l'autoritédes précédentsdes deux Cours internationales
découle,entre autres motifs, du fait mêmeque leurs arrêts comportent
les opinions dissidentes ou individuelles de leurs membres. Ce n'estpoint
là un paradoxe; car, pour apprécierla valeur d'une décisionjudiciaire,

64 L'opposition de la Sublime Porte fut tellement ferme que le Gouvernement
français en vint la menacer de saisir la douane de Mitylène, de l'administrer et
d'en retenir les revenus nets jusqu'a complète satisfactioncuments diploma-
tiquesfrançais,e série, t.1, nos 349, 364, 455 et 497, ainsi que l'exposédu ministre
des Affaires étrangèresDelcasséla Chambre des députésle 4 novembre 1901).remains an isolated act without effect. And how often the attitudes of

States have met with resistance from opposing parties! This happened,
merely by way of example, to France in the following cases: Société des
quais, docks et entrepôts de Constantinople 64;Société Limanova; Société
du chemin de fer deTirnovo; Compagnie royaledes chemins de.fer por-
tugais; Société lettone de chemins defer; and, finally, various companies
in Mozambique. So too, the United States, in the following cases:
Kunhardt; Alsop; Ruden; Delagoa Bay Railway Company; VacuumOil
Company of Hungary; Romano-Americana and Tlahualilo. The United

Kingdom in the cases already referred to of the Delagoa Bay Railway
Company and Tlahualilo,and in the Mexican Eagle Co.case. Switzerland,
in the cases of the CompafiiaArgentina de Electricidadand of the Com-
pafiia Italo-Argentina de Electricidad.The Netherlands in the Baasch and
Romer case and in that of Mexican Eagle Co. Finally, Italy in the Cane-
var0and Cerutti cases.
It is not without interest, moreover, to remark that opposition to such
diplomatic protection came, in almost 90 per cent. of the cases, from

developing countries.
23. It remains to be seen, with regard to the development of custom,
what are the current teachings in respect of the questions which arise.
The views there expressed do not consist solely of proposals de lege
ferenda. They often constitute a statement of the rules of positive law.
They are even sometimes one of the auxiliary factors in its formation,
as, following a centuries-old practice, Article 38, paragraph 1 (d), of
the Statute of the Court confirms. One cannot but refer in this regard
to the lasting influence on the development of international law of many

of the doctrines advanced in the past by Ulpian, and, in modern times,
by Vittoria and Suarez, by Bodin, Grotius, Vatel, Calvo, Anzilotti and
Politis, to mention only some of the best-known publicists.

1 hasten to add that legal teaching is not represented solely by the
writings of the publicists. Such teaching is also expressed, as we know,
in the works of legal conferences and of institutions, institutes or associa-
tions of international law. Nor must we neglect to seek such teaching-

and 1 would stress this-in the separate opinions of judges, to which 1
have so frequently felt bound to refer. 1must emphasize in the first place
that the authority of the precedents of the two international courts
derives, inter alia, from the very fact that their judgments include the
dissenting or separate opinions of their members. This is no paradox;
for, in order to assess the value of a judicial decision, it is necessary to

threatened to seize the Customs of Mitylene, to administer them and totain thet
net revenueuntil complete satisfaction had been obtained (Documents diplomatiques
français,econd Series, Vol. 1, Nos. 349, 364, 455 and 497, and also the statement by
M. Delcassé, Minister for Foreign Affairs, in theamber of Deputies on 4 No-
vember 1901).ilfaut pouvoir serendrecompte dans quellemesure elleexprime l'opinion
de la Cour, et quelles objections ont pu lui êtrefaites par des juges non
moins qualifiésqueceux qui y ont souscrit. Tel serait le cas desjugements
desjuridictions supérieuresdans le systèmeanglo-américain,où la valeur
des opinions dissidentes le cède peu ou prou à l'autoritéreconnue du
case-law.C'est probablement ce qui a fait dire à Charles Evans Hughes,
ancien juge à la Cour permanente puis ChiefJustice des Etats-Unis, ainsi

que le rappelait M. Ph. Jessup dans son opinion dissidente fortement
motivéejointe à l'arrêtdu 18juillet 1966de cette Cour:

eUne opinion dissidente exprimée dans un tribunal en dernier
ressort est un appel à l'esprit toujours présentdu droit, à I'intelii-
gence d'un jour futur où une décision ultérieure rectifiera peut-être
l'erreur dans laquelle le juge qui émet cetteopinion croit que le
tribunal est tombé. )(C.I.J. Recueil 1966, p. 323.)

Et les opinions des juges des deux Cours internationales ne puisent-elles
pas une autoritéaccrue du fait que cesjuges ont été élus, selon l'article9
du Statut de l'une et l'autre juridiction, de manière à assurer «dans
l'ensemble, la représentation des grandes formes de civilisation et des
principaux systèmesjuridiques dumonde ».

Cette autoritén'estautre que celledejuristes particulièrement qualifiés
qui s'inscrit dans le cadre général dla doctrine. Ainsi,M. St. Korowicz,
étudiant l'opinion des sept juges dissidents dans l'affaire du Régime
douanier austro-allemand, la ramène à cla doctrine des publicistes » qui
est considéréepar l'article 38, paragraphe 1 d), du Statut de la Cour,
comme «un moyen auxiliaire de déterminationdes règlesdu droit 1).

Et, faut-il ajouter, de quelle autorité doctrinale ne doivent pas jouir
les opinions concordantes desjuges dissidents, quand l'arrêt a été rendu
à voix égalesgrâce au vote prépondérantdu Président, c'est-à-dire, avec
le respect qui lui est dû,à une majorité ((techniqueou statutaire ))ainsi
que le soulignait M. Padilla Nervo dans son opinion dissidente jointe à
l'arrêt précitdéu 18juillet 1966.

Pour en revenir à la question discutéeconcernant l'état de ladoctrine

envisagéedu point de vue de la formation dela coutume quant aux points
soulevéspar la présente cause,il va de soi que la doctrine dont on se
réclameraitdoit représenter, sinon un consensusassez générald , u moins
un courant d'opinion prédominant. Or,dans le cas dela protection diplo-
matique des actionnaires lésép sar un Etat tiers, la doctrine est fortement
divisée,et les auteurs qui admettent cette protection le sont également,
on l'a vu 'j5sur son fondement juridique.

24. Je voudrais ajouter, uniquement pour les besoins de la discussion,

65Supra, no10.

318be able to ascertain the extent to which it expresses the opinion of the
Court, and what objections judges no less qualified than those who
supported it were able to bring against it. Such would seem to be the
case with the judgments of the superior courts in the Anglo-American
system, where the value of dissenting opinions is not greatly outweighed

by the recognized authority of case-law. It is probably this which led
Charles Evans Hughes, a former judge of the Permanent Court and
subsequently Chief Justice of the United States, as Judge Jessup recalled
in his well-reasoned dissenting opinion appended to this Court's Judg-
ment of 18July 1966,to say:

"A dissent in a court of last resort is an appeal to the brooding
spirit of the law, to the intelligence of a future day, when a later
decision may possibly correct the error into which the dissenting
judge believesthe court to have been betrayed." (I.C.J. Reports 1966,
p. 323.)

And do not the opinions of the judges of the two International Courts
derive increased authority from the fact that those judges were elected,
according to Article 9 of the Statute of both Courts, so as to assure "in
the body as a whole the representation of the main forms of civilization
and of the principal legal systems of the world"?
This authority is nothing other than that of particularly well-qualified
jurists and takes its place in the general context of legal teaching.Thus,
Mr. St. Korowicz, in a study of the opinion of the seven dissenting
judges in the Customs RégimebetweenGermany and Austria case, places
it under the head of "the teachings ofpubiicists", which are regarded in
Article 38, paragraph 1 (d), of the Statute of the Court as "subsidiary
means for the determination of rules of law".

And, it is hardly necessary to add, what authority as teaching must
be enjoyed by the concordant opinions of the dissentingjudges whenthe
judgment has been delivered by an equally divided number of votes,
thanks to the President's castingvote-in other words, with al1the respect
due to it, by a "technical or statutory" majority, as Judge Padilla Nervo
emphasized in his dissenting opinion appended to the aforementioned
Judgment of 18July 1966.
To come back to the question under discussion concerning the present
position of legal teachingsregarding the formation of custom in connec-
tion with the points raised in the present case, it goes without saying
that theteachingsinvokedmustrepresent, if not afairly general consensus,

at least a predominant current of opinion. Now, in the case of the
diplomatic protection of shareholders injured by a third State, teachings
are strongly divided, as are also, as to its legal basis, those writers who.
admit such protection, as has been observed 65.
24. 1would add, solelyfor the purposes of discussion, that if it were

65See section10 above.que sil'on pouvait s'entenirà l'opinion qui fait de la protection diploma-
tique des actionnaires une dérogation, un tempérament à la règle du
respect de la personnalité morale de la société,il faudrait encore se de-
mander si l'exception à la règlepeut être étendue, parvoie d'analogie,
au cas qui nous occupe.
On sait que dans le cas où la sociéest de la nationalitédu défendeur,
l'action sociale ne peut êtreengagéecontre celui-ci que par les voies des
recours internes, l'action internationale sur la réclamation de la société
elle-même étantexclue contre 1'Etatauquel elle ressortit. Aucune assimi-
lation ne pourrait êtrerelevée,faute d'un texte, avec le droit de la com-
munauté européenne. C'est en conséquence l'impossibilitéjuridique
d'exercer l'action internationale à l'encontre de 1'Etat national de la

société,qui aurait ouvert la voie à l'action supplétivedes actionnaires
indirectement léséset en aurait légitimél'exercice.

Cette éventualitne serencontre pas dans le cas du préjudice causépar
un Etat de tierce nationalité. Car l'exercice dela protectionplomatique.
n'étantpas une compétenceliée, l'absence derecours de 1'Etatnational
de la sociétén'est pas la conséquenced'un obstacle juridique et peut
n'êtreque temporaire. Cet Etat, tel le Canada,jouit à cet effet d'un pou-
voir discrétionnaire.Il n'y aurait donc pas lieu de rechercher pourquoi
il s'estabstenu de saisir la Cour concurremment avec la Belgique, ou s'il
s'en est abstenu de façon définitive.Quelle qu'ait pu êtreou que serait
éventuellement sonattitude, la question resterait entière: celle de savoir
si 1'Etat national des actionnairesjouit ou non du droit d'endosser la
réclamation de ces derniers en raison des griefs dont aurait souffert la

sociétéelle-même.Question purement juridique sur laquelle la volonté
contingente de 1'Etatnational de la sociétén'aurait aucun effet.
Il convient, d'autre part, d'envisager, d'un point de vue pratique, les
conséquencesqu'entrainerait I'exerciceultérieur par 1'Etatnational de la
sociétéde son droit manifested'Etat protecteur de celle-ci.S'ilsedécidait
à saisir la justice internationale après que l'aurait fait 1'Etatnational des
actionnaires, il ne pourrait vraisemblablement obtenir, à son tour, une
réparation pour le préjudice causé à la société,la réparation qui lui
serait due ayant déjà été allouée l'autre Etat. Non seulementl'analogie
ne serait pas logiquement justifiée,étant donné la différenceessentielle
séparantles deux hypothèses,mais elle serait, en outre, contraire par ses
conséquences à une sainejustice.

25. On pourrait cependant étendre l'exception autorisant l'action de
1'Etatnational desactionnairesà l'hypothèseoù la sociétéa cesséd'exister.
L'impossibilité d'agirau nom de celle-ci par son Etat national se ren-
contre, quoique pour un motif différent,comme dans le cas où elleaurait
étéde la nationalité de 1'Etat à qui le dommage est imputé.En outre,
il n'y aurait nul risque qu'entrent en conflit les réparations susceptibles
d'êtreréclamées,pour un mêmegrief, par 1'Etat national de la sociétépossible to follow the opinion which sees in the diplomatic protection
of shareholders a departure from and a tempering of the rule of respect
for the juristic personality of a company, it would still be necessary to
enquire whether that exception to the rule could be extended by analogy
to the case with which we are concerned.
It isa well-knownfact that where the company is of the nationality of
the respondent State, corporate action can only be brought against that
State in its domestic courts, international action on the claim of the
company itself against the State of which it possesses the nationality
being ruled out. There can be no assimilation, in the absence of specific

provision to that effect, to the law of the European Community. It is
consequently the legal impossibility of bringing an international action
against the State of the company's nationality that issaid to have opened
the way to suppletory action by the shareholders indirectly injured, and
to have made its exerciselawful.
These circumstances are not present in the case of injury caused by
a State of a third nationality. For since the exercise of diplomatic
protection is a matter of unfettered competence, the absence of action
by the national State of the company is not the consequence of a legal
obstacle and may be only temporary. That State, e.g., Canada, enjoys
in this connection a discretionary power.There isconsequentlyno ground
for enquiring why it refrained from seisingthe Court concurrently with
Belgium, not whether its abstention is final. Whatever its attitude may
have been or may possibly be, this does not affect the question whether
or not the national State of the shareholders enjoys the right to take up
their claim on account of harm whichthe company itselfis allegedto have
suffered. This question is a purely legal one, on which the possible
wishes of the company's national State would not have any effect.

One should furthermore consider, from a practical point of view, the
consequences that the subsequent exercise by the national State of the
company of its manifest right as the latter's protecting State would
involve. If it decided to seise an international tribunal after the
national State of the shareholders had done so, it is not likely that it
could in its turn obtain compensation for the injury caused to the com-
pany, the compensation that would be due to it having already been
awarded to the other State. Not only would the analogy not be logically
justified, having regard to the essential difference between the two
hypotheses, but its consequences would in addition run counter to the
proper administration of justice.
25. The exception which authorizes action by the national State of
the shareholders might, however,be extended to caseswherethe company
has ceased to exist. The impossibility of action on its behalf by its
national State is again present, though for a different reason, as it is
in the case where it has the nationality of the State to which the damage
is attributed. There would furthermore be no risk of a conflict between

the compensation that could be claimed, in respect of thesamecomplaint,et par celui des actionnaires. La réclamation del'actionnaire serait alors
justifiéepar un droit propre puisque, après paiement des obligataires et

autres créanciers,le reliquat des avoirs de la société revient directement
aux actionnaires.
Cette hypothèsenetrouverait pas toutefois application dansla présente
cause. La déclarationde faillite, tout autant que la mise sous administra-
tion judiciaire ou sous receivership,n'a pas pour effetimmédiat demettre
fin à la vie de la société,du moins dans la généralité des systèmjeu sri-
diques dont font partie ceux des deux Parties litigantes, l'Espagne et la
Belgique.Ladéclarationdefaillite, tout enentraînant des effetsimmédiats
touchant le dessaisissement du failli et l'administration de la sociétél,a
constitution dela masse des créances etde celledes dettes, la suppression
des délaisdont dettes et créancessont affectées,peut êtreclôturéeparun
concordat aux termes duquel la sociétéq ,ui n'apas cesséd'exister,reprend
le cours de sa vie normale.
La déclarationde faillite dela Barcelona Traction n'ayant pas eu d'au-
tres effetsjuridiques que ceuxqui viennent d'être rappelés, n'autorise pas,
en conséquence, l'actionut singulides actionnaires de cette société.

26. La Partie demanderesse soutient cependant que la Barcelona Trac-
tion a cesséd'existerpar suite de certaines mesures prises par les autorités
judiciaires espagnoles, qu'elle a qualifiéesdénisde justice, usurpation
de compétence,abus de droit ou détournement de pouvoir. La société
serait, par suite, ((pratiquement défunte »,pour parler le langage de la
sentence arbitrale dans l'affaire du Chemin defer de la baie de Delagoa,
repris dans l'affaireEl Triunfo.Il ne s'agit donc plus des effetsjuridiques
dela déclarationde faillite, mais d'un événementrelevand t u fond et dont
l'examen peut être entrepris, à ce stade de la procédure,étant donné la
jonction au fond de l'exception préjudicielletouchant lejus standi.

II faut d'abord écarterces deux précédentsdu débat;car dans l'affaire
du Chemin defer de la baie de Delagoa comme aussi dans l'affaire El
Triunfo,il a étéestiméque la société a cesséd'existerpar suite deI'annula-
tion de la concession qui en faisait l'objet. Ce qui n'est pas le cas dans
l'affaire dela Barcelona Traction dont lesactivités nesesont pas arrêtées.

Mais sicette sociétén'a pas cesséd'existerfaute d'objet, peut-on raison-
nablement alléguerque les mesures auxquelles il a étéfait allusion ont
entraîné,en fait, sa disparition? II ne le semble pas.
Ces mesures seraient notamment les suivantes :
La déclaration de la faillite d'une société étrangère n'ayant pasun
domicile réel en Espagneet le rejet de l'opposition aujugement déclaratif
defaillitenonobstant lenon-écoulementdu délaid'opposition; l'extension
des effetsde la faillite de la sociéholding aux sociétéf silialesen mécon-
naissance de leurs personnalités juridiques sous prétexte de leurcaractère
unipersonnel; la saisie des titres de la société filialEbro et l'extension
de cette saisie aux titres se trouvantà l'étranger, enviolation de la sou-by the national State of the company and by that of the shareholders.
The shareholder's claim would then be justified by a right of his own
since, after payment of the shareholders and other creditors, the residue
of the company's assets goes directly to the shareholders.
These circumstances would not, however, apply in the present case.
A bankruptcy adjudication, like an order for judicial administration or
for a receivership, has not the immediate effect of putting an end to
the life of the company, at any rate in most legal systems, including
those of the two Parties to the case, Spain and Belgium. A bankruptcy
judgment, whilst involving immediate effects with respect to the dis-
possession of the bankrupt and the administration of the company, the
collation of debts owing to and owed by the company, and the fact that

such debts become immediately payable, may nevertheless finally result
in a composition, under the terms of which the company, which has not
ceased to exist, resumesthe course of its normal life.
Since Barcelona Traction's bankruptcy had no legal effectsother than
those just mentioned, it consequently does not authorize an action ut
singuli by that company's shareholders.
26. The Applicant nevertheless maintains that Barcelona Traction
ceased to exist in consequence of certain measures taken by the Spanish
judicial authorities, which it describes as denials of justice, usurpation
of jurisdiction, abuse of right ormisuse of power. The company is said
to be "practically defunct", to use the words employed in the arbitral
award in the Delagoa Bay Railway Company case and subsequently
adopted in the El Triunfo case. It is thus no longer a question of the legal
effectsof the bankruptcy adjudication, but of an event pertaining to the
merits, which can be considered at this stage of the proceedings in
consequence of the joinder to the merits of the preliminary objection
relating tojus standi.
It is first of al1 necessary to exclude these two precedents from the

discussion; for in both the Delagoa Bay Railway Company case and in
the El Triunfo case it was held that the company had ceased to exist
in consequence of the cancellation of the concession which constituted
its object. Thisis not so in the case of Barcelona Traction, the activities
of which have not ceased.
But if that company has not ceased to exist for lack of an object, can
it reasonably be allegedthat the measures referred to have in fact resulted
in its disappearance? It does not seem so.
Those measures are said to be the following, in particular:
The declaration of the bankruptcy of a foreign company having no
real domicile in Spain, and the dismissal of proceedings to oppose the
judgment declaring the bankruptcy notwithstanding the fact that the
time-limit therefore had not yet expired; the extension of the effects
of the bankruptcy of the holding company to the subsidiary companies,
in disregard of their separate legal personalities, on the pretext of their
unipersonal nature; the attachment of the shares of the subsidiary veraineté de1'Etatétranger,et sanségard auxdroits de la sociétdétenant
en garantie les titres susindiqués;les attributions donnéespar lejuge de

Reus aux organes de la failliteà l'effet de révoquerles administrateurs
des sociétés filialeset d'en nommerde nouveaux: autant de mesures qui
auraient préludé, selole demandeur, à la réalisation de l'objectif en vue,
lequel aurait étéla cessionà un prix dérisoire,àun groupe espagnol, la
société Fuerzas Eléctricadse Catalufia, des titres appartenant aux action-
naires de la Barcelona Traction. Cette cession aurait été réalispear les
syndics de la faillite, lesquels, se constituant en assembléeknéralede
I'Ebro, auraient décidé:

a) que le livre-registre des actions teàuToronto serait désormaistenu
et conservéau nouveau domicilesocialde l'Ebro, transférédeToronto
à Barcelone;
b) que ladite sociéténe reconnaîtra comme titulaire d'actions que ceux
qui seront mentionnésdans ledit livre-registre crééen juin 1951;

c) la création de titres nouveaux en remplacement des anciens et leur
inscription au livre-registre tenuBarcelone;
d) la cession par décision judiciaire des titres nouveaux au groupe
espagnol représentépar la société Fuerzas Eléctricad se Catalufia.
Si telles ont étéles mesures dont 1'Etat demandeur se plaint, prises

aux fins de ladite cession, peut-on alléguerqu'ellesont entraînél'extinc-
tion de la société BarcelonaTraction?
La cession forcéedes actions, à l'instar d'une cession volontaire ou
amiable, n'est nullement de nature à affecter l'existence de la société.
Les actions d'une société anonyme, telle que la BarcelonaTraction,
qu'elles soient au porteur ou nominatives, sont précisément conçues de
par la loi pour êtretransmissibles pendant le cours de la vie de la société.
Une cession nulle ou illégaledes titres peut donner ouverture, le cas
échéant, à une action judiciaire en reconnaissance de la nullité ou en
annulation, elle ne peut avoir un effet quelconque sur l'existence de la
société dont les actions ont passéen d'autres mains.
Aussi bien la Barcelona Traction était-ellesi loin d'être((pratiquement

défunte ))qu'elle a étéà même, sans perdre sapersonnalitémorale par
suite de la déclaration de faillite ou des mesures dont elle a été l'objet,
de solliciteret d'obtenir la protection diplomatique du Canada, des Etats-
Unis, de la Grande-Bretagne et de la Belgique, ainsi que la protection
judiciaire de cette dernièresur la base de sa première requêtede 1958.

27. En définitive,le droit revendiquépar 1'Etat national de I'action-
naire d'endosser sa réclamationcontre un Etat tiers ne constituant pas
une exception à une règlede droit dont on solliciterait l'extensioà un
cas nouveau, mais pouvant découler de l'éventualité de l'existence d'unecompany Ebro and the extension of that attachment to shares that were
in a foreign country, in violation of the sovereignty of that country and
without regard forthe rights of thecompanyholding the above-mentioned
shares as security; the powers conferred by the Reus judge on the
bankruptcy authorities for the purpose of dismissing the directors of
the subsidiary companies and appointing new ones: al1these measures,
according to the Applicant, constituting a prelude to the realization of
the objective in view, which is alleged to have been the transfer at a
derisory price to a Spanish group, Fuerzas Eléctricasde Cataluiia, of
the shares belonging to Barcelona Traction's shareholders. This transfer
is alleged to have been effected by the trustees in bankruptcy, who,
constituting themselves a general meeting of Ebro, are alleged to have
decided :

(a) that the share register kept at Toronto should thenceforward be
kept and retained at Ebro's newcorporate domicile,transferred from
Toronto to Barcelona;
(b) that the said company would recognize as shareholders only those
mentioned in the said share register created in June 1951 :
(c) the creation of new shares in substitution for the former ones and
their entry in the register kept at Barcelona;
(d) the transfer by judicial decision of the new shares to the Spanish

group represented by Fuerzas Eléctricasde Cataluiia.
If such were the measures of which the applicant State complains,
effectedfor the purposes of the said transfer, can it be alleged that they
involved the extinction of the Barcelona Traction company?
The forced transfer of shares, like a voluntary or amicable transfer,
is by no means something calculated to affect the company's existence.
The shares of a limited company, such as Barcelona Traction, whether
such shares be bearer or registered shares, are specificallydesigned by

law to be transferable during the company's life. A transfer of the titres
which is void or illegal may, as appropriate, give rise to judicial pro-
ceedings to establish that the transfer was void or to have it set aside,
but it cannot have any effecton the existence of the company the shares
of which have passed into other hands.
Thus, Barcelona Traction was so far from being "practically defunct"
that it was able, without losing its juristic personality in consequence
of the bankruptcy adjudication, or of the other measures taken against
it, to seek and to obtain the diplomatic protection of Canada, of the
United States, of the United Kingdom and of Belgium, as well as the
judicial protection of the last-named country on the basis of its first
Application, that of 1958.
27. In short, since the right claimed by the national State of the
shareholder, that of taking up his claim against a third country, does not
constitute an exception to a legal rule, the extension of which to a new
case is asked for, butsuch right can derive from the possible existenceofcoutume internationale, il y aurait lieu deconclure que lesélémentscons-
titutifs de celle-ci, puiser à des degrés diversdans la pratique conven-
tionnelle ou celle des Etats, dans la jurisprudence internationale ou dans
la doctrine, ne sont pas de nature à corroborer ce cas nouveau.
28. S'il est apparu que la protection diplomatique ne relèverait pas

'd'un principe général de droit reconnu par les nations, mais du droit
coutumier international, il ne serait cependant pas interdit, pour étudier
l'éventualitéde l'extension de cette protection aux actionnaires d'une
société,de recourir à l'analogie que le problème peut présenterdans le
cadre desrapports quesoutiennent ledroit interne etledroit international.

II ne s'agirait pas, par ce raisonnement, de dégager des systèmesjuri-
diques nationaux un p~incipegénéralde droit, mais de rechercher, con-
formément aux règles de la logique juridique, les conséquences deces
rapports sur la formation de la coutume en ses divers éléments.
29. Il y a lieu de remarquer, à ce stade de la discussion, que I'appli-
cabilitédes catégoriesdu droit national au droit des gens soulèvel'im-

portante question tendant àdéterminersi un Etat n'est tenu de concéder
aux étrangers queles droits qu'il garantit à ses propres nationaux, ou s'il
doit leur assurer un traitement minimum conformément à une ((norme
internationale dejustice », que définiraientles règlesdu droit des gens et
qui peut, dans certains cas ou en de certains pays, êtreplus avantageux
que celui dont jouissent les nationaux eux-mêmes 'j6.

On sait que dans le droit international public de l'Amériquelatine,
l'égalité dteraitement estliée à la conceptionque sefont lesjuristes latino-
américains dela responsabilité desEtats et de la protection diplomatique.
Cesjuristes, qui la considèrent commeun des piliers de leur conception
du droit des gens, l'avaient défendue à la conférence de1930de La Haye,

la fondant sur l'égalité entre les Etats et la nécessitpour leurs pays de se
protégercontre les interventions des puissances politiquement, militaire-
ment et économiquementfortes. Dix-septjuristes de diverses nationalités
s'étaient ralliésà cette doctrine. Mais la prépondérance demeurait aux
tenants du droit traditionnel qui formaient la majorité à la conférence,
et l'échecdes Etats latino-américainsne fit que renforcer leur attachement

à leur doctrine. Aussi à la neuvième session dela Commission du droit
international, M. Padilla Nervo s'en est-il fait l'interprète autorisé,
concluant que «les règlesinternationales établies enla matière ont été
fondées presque entièrement sur l'inégalité des rapports entre grandes
puissances et petits Etats 66a)).

66 D'aucuns envisagent également, comme on sait, l'éventualité d'accorder le
traitement de la nation la plus favorisée, ou tout simplement une juste réparation,
ou un traitement équitable ou raisonnable, ou enfin d'adopter une solution de
compromis fondée sur la jouissance des droits et des garanties individuelles iden-
tiquesàceux dont jouissent les nationaux et 11ne peuvent..êtremoindres que les
1droits fondamentaux de l'homme 1reconnus et définisdans les instruments inter-
nationaux contemporains ))(Annuairede la Commission du droit international, 1957,
II,p. 128.)
66a Annuaire de Ia Commission du droit international, 1957,1, p. 165.an international custom, it is to be concluded that the elements which
constitute the latter, to be drawn in various degreesfrom treaty or State
practice, from international decisions or from legal literature, are not of
such a nature as to lend support to this new case.
28. While it appears that diplomatic protection depends not on a
general principle of law recognized by nations but on international
customary law, it would neverthgess be permissible, in considering the

possibility of extendingthis protection to the shareholders of a Company,
to have recourse to the analogy which the problem might present in the
framework of the relationships for which municipal lawand international
law make provision. In doing so it would not be a matter of abstracting
from municipal legal systemsa general principle of law, but of seeking,
in accordance with the rules of legal logic, to ascertain the consequences

of those relationships on the formation of custom in its various elements.
29. It should be noted at this stage of the discussion that the appli-
cability of categories of municipal law to international law raises the
important question of determining whether a State is only obliged to
grant aliens those rights which it guarantees to its own nationals or
whether it must ensure for them a minimum treatment in accordance
with an "international standard of justice", which may, in certain cases

or in certain countries, be more advantageous than that enjoyed by
nationals themselves 'j6.
It is well known that in Latin American public international law,
equality oftreatment islinked with the Latin American jurists' conception
of the responsibility of States and diplomatic protection. Those jurists,
who regard it as one of the pillars of their concept of international law,
argued in favour of it at the 1930 Hague Conference, basing it upon

equality between States and the need for their countries to protect
themselves against the interference of powers which were strong politi-
cally, militarilyand economically.Seventeenjurists ofvarious nationalities
supported this doctrine. But the upholders of traditional law, who
formed the majority at the Conference, carried the day, and the failure
of the Latin American States only reinforces their attachment to their

own doctrine. Thus, at the 9th session of the International Law Com-
mission, Mr. Padilla Nervo came forward as its authorized spokesman,
and concluded that "[the] international rules [on the point] were based
almost entirely on the unequal relations betweengreat Powers and small
States" 66a.

66 ASwe know, there are those who also envisage the possibility of granting most-
favoured-nation treatment, or merely fair compensation, or equitable or reasonable
treatment, or,inally, of adopting a compromise solution based on the enjoyment of
individual rights and guarantees identical withthose enjoyed by nationals and
which mustnot "be lessthan the 'fundamental human rights' recognized and defined
in contemporary instruments". (Yearbook of the International Law Commission,
1957,II, p.113.)
66a Yearbook of the International Law Commission, 1957,1, p. 155. Telle est également la conception des pays d'Afrique et d'Asie. Le
délégué chinois à la conférence de1930de La Haye en a étéun des prota-
gonistes à l'instar desjuristes de l'Amériquelatine. Età la même session
que ci-dessus de la Commission du droit international, M. Matine-.

Daftary, de l'Iran, a appuyé «la thèse latino-américaine ...de l'égalité
des nationaux et des étrangers 66b». Enfin les représentants des Etats
d'Afrique et d'Asie qui ont étéappelés à participer aux conférencesjuri-
diques se sont ralliésà la mêmeconception.

La question est sans doute assez complexe. En principe, si 1'Etatn'est
tenu qu'à établir l'égalitéentre nationaux et étrangers, il faut alors
prendre en considération le droit interne afin d'en étendre le bénéfice

aux étrangers. Mais remarquons tout de suite que les droits à leur ac-
corder sur la base de l'égalitésont les droits substantiels. La solution
serait tout autre en ce qui concerne les droits juridictionnels, aux termes
desquels tout Etat est tenu d'assurer aux étrangers,par une législationet
une organisation judiciaire adéquates, conformes aux normes inter-
nationales, un recoursjudiciaire interneà défaut duquelun recours inter-
national serait possible.
Or telle est bien la solution qui prévaut pour les droits substantiels,

spécialementdans la perspective des Etats nouveaux ou économique-
ment handicapés. Elle se réclamedu principe de l'égalitéentre les na-
tions inscrit dans la Charte des Nations Unies et de la résolution de
l'Assemblée générald eu 21 décembre1952relative au droit des peuples
d'exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles7.
30. En faisant étatde cette solution, on est amené à se demander s'il
n'est pas établi, dans la généralité des droits nationaux, que l'action-
naire - outre son droit d'action propre en réparation d'un préjudice

direct subi ut singul et lésant ses intérêts juridiquementprotégés -
possède un droit d'action qu'il serait à même d'exerceren toutes cir-
constances, concurremment avec les organes de la société, en consé-
quence d'un préjudice subipar celle-ci et qui ne le toucherait lui-même
qu'indirectement ou de façon médiate.
Le droit des gens ne devrait-il pas s'aligner, quant à ce point, par le
mêmeraisonnement auquel il vient d'êtrefait recours au précédent
numéro, sur la généralité des système dse droit internes dont découlent,

outre les institutions juridiques de l'ordre commercial, le concept de
la personnalité morale et les limites qui lui sont assignées?Certes ces

Zbid.,p. 170.
du droit international qu'il cite des représentantsde i'Inde, de l'Iran, de la Répu-
blique arabe unie, de la Syrieet de la Thaïlande.
Voir aussi l'article 12 du projet concernant la condition des étrangers rédigé
par le comitéjuridique consultatif afro-asiatiqpar le docteur MustafaKamil
Yasseen, dans l'Annuairefrançais de droiitnternational, 1964,p. 665. This was also the conception of the African and Asian countries. The
Chinese delegate to the 1930 Hague Conference was one of the leading
spokesmen therefor, following the jurists of Latin America. And at the
same session of the International Law Commission mentioned above,
Mr. Matine-Daftary, of Iran, supported "the ... Latin American theory
of the equality of nationals and aliens" 66b.Finally, the representatives

of the States of Africa and Asia who were called upon to participate in
the legal conferences supported the same conception.

The question is no doubt a fairly complex one. In principle, if a State
is bound only to establish equality between its nationals and aliens its
municipal law must be considered and its benefits extended to aliens.
But it should be noticed right away that the rights to be granted them
on the baçis of equality are substantive rights. The solution would be
quite different with respect to jurisdictional rights, according to which
every State is bound to secure domestic judicial remedies to foreigners
by adequate laws and an adequate judicial structure in conformity

with international standards, failing which international proceedings
would be possible.
Now this is indeed the solution that ~revails in resDectof substantive
rights, particularly from the view-point of new or economically handi-
capped States. It rests upon the principle of the equality of nations pro-
claimed in the Charter of the United Nations and upon the resolution
adopted by the General Assembly on 21 December 1952 concerning
the right of peoplesfreelyto exploit their natural wealth and resources ".
30. Mention of this solution leads one to wonder whether it is not
established, in the legal systemsof the generality of nations, that a share-
holder-in addition to his own right of action for reparation for a direct

injury suffered ut singuliwhich damages his legally protected interests-
possesses a right of action which he can exercise in al1 circumstances,
concurrently with the organs of the Company, in consequence of an
injury suffered by the latter that affectshim only indirectly or in mediate
fashion.
Ought not international law, following the same reasoning as that just
invoked in the preceding section, to align itself on this point with the
generality of systems of municipal law, from which, in addition to the
legal institutions of the commercial-law system, there derive the concept
ofjuristic personality and the limits assignedthereto? It is true that those

66b Zbid., p. 160.
67 See S. Prakash Sinha, op. cit., pp. 94-96, and the speeches in the International
Law Commission by the representatives ofIndia, Iran, the United Arab Republic,
Syria andThailand referredto by him.
See too Article 12of the draft principles concerningthe treatmentof aliens drawn
up by the Asian-AfricanLegal ConsultativeCommittee, quoted by Doctor Mustafa
Kamil Yasseen, in Annuairefrançais de droit international, 1964, p. 665.systèmes ne sont pas sans différerparfois d'un pays à l'autre. Ce qui
serait cependant à la fois nécessaireet suffisant, c'est de rapporter la
preuve de l'existence d'un fonds commun à ces systèmes comportant
tels droits essentiels dont ne seraient pas exclus ceux sur lesquels peut
se fonder, en particulier, la Partie belge, savoir:

a) le droit de formuler, auprès des administrations, des réclamations
ou des demandes au nom de la société;
b) le droit d'exercer desrecours judiciaires ou administratifs aux lieu
et place de la société,ou de défendre à une instance engagéecontre
elle;
c) le droit de réclamerdes réparations du chef d'un déni dejustice ou

d'un abus de droit dont la sociétéaurait souffert.
Ces différentsdroits figurent-ils au nombre de ceux que comporterait
un fonds commun à la généralité des système jsridiques nationaux?
Ou, au contraire, transcendent-ils les droits généralementattribués par
ces systèmesjuridiques à l'actionnaire - et notamment les systèmes

juridiques du Canada, de la Belgique et de l'Espagne - et qui seraient:
a) le droit de vote au sein de l'assemblée générale s,oit en vue des
décisionsintéressantla sociétés ,oit pour la nomination des adminis-
trateurs et le contrôle de leur gestion et, le cas échéant, pour action-
ner ces mêmesadministrateurs à la suite d'une faute qui leur serait
imputéedans l'exercicede leurs attributions;

b) le droit de négocierles titres dont ils ont la propriété;
c) les droits au dividende et à une éventuellequote-part de l'actif en
cas de liquidation de la société;
d) ceux de bénéficier d'éventuellessouscriptions d'actions et de valeurs
de remplacement en cas de perte da titre 68.

Je penche à répondre par la négative.Sous une réservecependant:
c'estquela société n'aiptas été dissoute; réservedont il a déjàététraité69
et qui n'a pas trouvéapplication dans le cas de la Barcelona Traction.

Une autre conclusion se dégagede cette discussion; elle peut être
formuléesous la forme interrogative suivante: l'actionnaire n'ayant pas,
selon la législation locale,la possibilité d'esteren justice pour faire
valoir des droits propres à la société, l'exceptiodu non-épuisement des

recours internes ne peut lui êtreopposée.S'il étaitnéanmoinsadmis à
exercer ces droits devant le juge international, ne lui aurait-on pas
reconny plus de droit que la société elle-même?

68 La décisionde la Commission arbitrale de 1965 dans l'affaire Brincard avait
évoqué,sinon tous ces droits, du moins la plupart d'entre eux. Le nouveau code de
commerce libanais, art. 105, donne une énumération plus complètecomprenant
notamment le droit de céder le titre.
69Supra, no 25. systems sometimes differ from one country to another. What would
however be both necessary and sufficientwould be to prove the existence
of a common fund, as between these systems, of such essential rights,
not excluding those on which Belgium in particular can rely, namely:

(a) the right to address claims and applications to the authorities on
behalf of the company;
(b) the right to seekjudicial or administrative remedies in substitution
for and in place of the company, or to defend proceedings brought
against it;
(c) the right to claim compensation on the grounds of a denial ofjustice
or an abuse of right suffered by the company.

Do these differentrights appear among those constituting the common
fund of the generality of municipal legal systems?Or, on the contrary,
do they go beyond the rights generally assigned to the shareholder by
those legal systems-and, in particular, the legal systems of Canada, of
Belgium and of Spain-these being:

(a) the right to vote at general meetings, either in respect of decisions
affecting the company, or for the appointment of directors and the
control of their conduct of the company's affairs and, in appropriate
cases, in order to bring action against those same directors in con-
sequence of alleged wrongful conduct by them in the exercise of
their powers;
(b) the right to dispose of the shares owned by them;
(c) the right to dividends and to a proportionate share in the assets in

the event of the company's liquidation;
(d) that of benefiting from any offers of shares, and of receiving dupli-
cates in the event of loss of their share certificate'j8.
1 am inclined to answer in the negative. Subject to one reservation,
however, which is that the company should not have been dissolved.
This reservation hasalready been dealt with 69and it doesnot apply in the

case of Barcelona Traction.
A further conclusion emerges from this discussion, which can be ex-
pressed in interrogative form as follows: since the shareholder does not
have, according to local legislation,any possibility oftaking action before
the courts in order to put forward rights which are peculiar to the com-
pany, the objection of non-exhaustion of local remedies cannot be set up
against him. If he were nevertheless permitted to exercise such rights
before an internationaltribunal, would henot have been granted xgreater
right than the company itself?

to most, if notl, of these rights. The new Lebanese Commercial Code, Article 105,d
gives a more complete list, including in particular the right to transfer the share.

69 Section 25 above. 31. Le demandeur soutient toutefois que la nature juridique spéci-

fique des droits et intérêtsdes particuliers lésés estsans importance au
point de vue'dudroit de la protection de 1'Etatdont ils sont lesnationaux.

Il n'y a pas de doute que, dans l'instance internationale, 1'Etat de-
mandeur ((fait valoir son droit propre ».Il n'intervient pas in favorem
tertii.ais serait-il moins vrai que ce droit est celui ((defaire respecter,
en la personne de ses ressortissants, le droit international ))?Les deux

termes figurent dans l'arrêt souvent invoqué dela Cour permanente de
Justice internationale de 1924 dans l'affaire Mavrommatis 70. N'est-ce
pas à dire que le droit de 1'Etat demandeur est à la mesure du droit
individuel violéet, partant, soumisaux mêmesconditions d'exercice?

Sans doute, faut-il ajouter, la responsabilitéde 1'Etat n'est pas néces-
sairement restreinte à l'hypothèse d'un préjudice causé à ses ressortis-
sants. Mais quand un préjudice est à l'origine de cette responsabilité,

le préjudice individuelne peut être démunid'effetsur l'exercicede cette
responsabilité.
32. Afin d'octroyer l'actionjudiciaireà 1'Etatnational des actionnaires,
peut-on recourir ainsi que le soutient également ledemandeur, sinon à
un droit formel, du moins à la notion d'intérêt?
Les griefs que la Belgique formule à l'égardde l'Espagne et qui ont
étéexposésau cours des débats surle fond, sont qualifiéspar le deman-

deur, les uns de dénisde justice, les autres d'abus de droit. L'abus de
droit, de mêmeque le déni de justice, est un acte internationalement
illicite, contrairement l'opinion à laquelle sembleserallier leGouverne-
ment espagnol. Il est consacrépar un principe généralde droit dégagé
des systèmes juridiques de l'ensemble des nations 71. Le demandeur
voit, en outre, dans certaines de ses manifestations, un détournement de
pouvoir à retenir par le droit des gens, motif pris de ce que les droits
dont l'abus a été censurépar la jurisprudence internationale sont, comme

en droit administratif interne, des pouvoirs ou des compétences.Cette
doctrine ne peut qu'être approuvée.Mais s'ensuit-il que l'institution
de l'abus de droit dans le domaine international ait pour but, comme le
détournementde pouvoir en droit interne, la sanction d'un droit ou d'un
intérêo t bjectif distinct du droit ou de l'intérêt subjectidfe'Etatindivi-
duellement pris 72? Une étudeaussi complète que possible de la notion
d'intérêe tst nécessairepour la solution de cette question et pour déter-

miner, chemin faisant, les domaines respectifs en droit international des
deux cmceptions objective et subjective de l'intérêt.
-
70 C.P.J.ZsérieAn02, p.12.

'l Opinion individuelleprécitee l'auteur,no35, p.136,infine.
72 Cf. la référenceu professeurRolin, dans sa plaidoirie du 16 avril 1969, au
cours duprofesseurGuggenheim de1949 à i'hcadémiede droit international. 31. The Applicant neverthelessmaintains that the specificlegal nature
of rights and interests of theprivate parties who have sufferedinjury is of
no importance from the point of view of the right of protection by their

national State.
There is no doubt that in international proceedings the appiicant State
is "asserting its own right". It is not interveninginfavorem tertii. But is it
any less true that that right is "to ensure, in the person of its subjects,
respect for the rules of international law"? Both these phrases are to be
found in the oft-citedjudgment of the Permanent Court of International
Justice in 1924 in the Mavrommatis case 70.1s not this tantamount to

saying that the right of the applicant State is measured according to the
individual right violated and, consequently, subjectto the sameconditions
for its exercise?
It is hardly necessary to add that the responsibility of a State is of
course not necessarily restricted to the hypothesis of an injury caused to
its nationals. But where an injury lies at the origin of such responsibility,
the individual injury cannot be without its effect on the exercise of that

responsibility.
32. 1sitpossible,in order to grant thenational State of the shareholders
the right to institutejudicial proceedings, to have recourse, as the Applic-
ant also argues, if not to a forma1right, at leastto the notion of interest?
Belgium'scharges against Spain, as set forth in the course of the oral
argument on the merits, are some of them classifiedby the Appiicant as
denials ofjustice, the others as abuses of right. Abuse of right, likedenial

of justice, is an international tort, contrary to the opinion which the
Spanish Government seems to espouse. This is enshrined in a general
principle of law which emerges from the legal systems of al1nations 71.
The Applicant further seesin certain of these manifestations a misuse of
power (détournementdepouvoir), of which international law should take
account, on the ground that the rights the abuse of which is condemned
by international case-laware, as in municipal administrative law, powers

or competences. Thisdoctrine cannot but be endorsed. But does it foIIow
that in the international fieldthe institution of abuse of right is aimed, as
is misuse of power in municipal law,at protecting a right or an objective
interest distinct from the right or subjective interest of the State con-
sidered individually72?AScomplete as possible a study of the notion of
an interest is necessary for the solution of this question, and in order to
determine, in so doing, the respective fields in international law of the
two concepts of objective interest and subjective interest.

'O P.C.Z.J SeriesA, No.2,~. 12.
71 See the writer'sseparate opinion previously referredto, para. 35, bottom of
p. 136.
72 Cf.) the referenceby ProfessorRolin in his oral argumenton 16April 1969to
the course delivered by Professor Guggenheim in 1949 at the Academy of Inter-
national Law. 325 BARCELONATRACTION(OP. IND. AMMOUN)

33. On évoque,en droit privé, levieil adage: «Pas d'intérêt, pads'ac-
tion», tout en lui attribuant une acception quelque peu différentede
celle que lui donnait l'institution destions de la loi en droit quiritaire
romain. Avec plus de raison affirme-t-on que ((l'intérêe tst la mesure
de l'actionB.Mais de quelque formule que l'on se réclame, celane veut
certes pas dire que le sort de l'action est si intimementàll'intérêdtu
demandeur que l'on puisse en déduireque tout intérêtest susceptible
de donner lieuà une action. Ne faudrait-il pas, au contraire, pour y don-
ner ouverture sur le plan international comme dans l'ordre juridique
interne, que l'on se trouve en présenced'un intérêtqui serait, selon le
mot de Jhering, un intérêltégitimementprotégé, ouplus justement, sui-

vant la jurisprudence la plus récente endroit privé,un intérêltégitime
juridiquement protégé?
D'autre part, si l'intérêt droit privédoit être, enprincipe, direct et
personnel, devrait-il en êtrede même endroit international pour autoriser
une action judiciaire?
Cela reviendrait àdire que la protection diplomatique est subordon-
née àdeux conditions: que l'intérêdtu réclamant soitun intérêltégitime
juridiquement protégéet qu'il soit, en même temps,direct et personnel.
34. Il semble que l'on doive, pour répondre à ces deux questions et
frayer la voieà la solution du cas des actionnaires, rappeler les diffé-

rentes actions auxquelles un droit ou un intérêt peutdonner ouverture,
à savoir:
a) l'action individuelle exercéesur le fondement d'un droit ou d'un
intérêt subjectif;
b) l'action sociale, au nom d'une société érigée e personne morale,

exercéede mêmesur le fondement d'un droit ou d'un intérêtsub-
jectif, celui de la société elle-même;
c) l'action exercéepour la défense d'unintérêtcollectif ou général,
cet objectif consistant en la sauvegarde de la légalité,ou dans le
respect dû à des principes d'ordre international ou humain, traduits
en normes juridiques impératives (jus cogens).

Cette distinction m'a paru essentielle pour la discussion, notamment
afin d'éviterla confusion entre l'intérêtindividuel et l'intérêt général
que la Partie défenderessea relevéedans la sentence en l'affaire El
Triunfo et dans l'arrêtrelatif au Camerounseptentrional.

Il est généralementadmis que l'existence d'un droit ou d'un intérêt
juridiquement protégéest une condition à l'exercicede chacune de ces

actions. La question ne fait pas 'de doute en droit privé, qu'il s'agisse
d'une personne physique ou d'une personne morale. On conviendra, en
conséquence, qu'ilserait paradoxal que le droit des gens, dont l'une 33. In private law, the old adage is relied on: "no interest, no action",

though there is attributed to it a meaning somewhat different from that
which the institution of actiones legis gave to it in Roman quiritary law.
More correctly, itisasserted that "the interest isthemeasure ofthe action".
But whatever fofmula be invoked, this does not of course mean to say
that the fate of the action is so intimately bound up with the interest of
the plaintiff that itan be deduced therefrom that any interest is capable
of givingrise to an action. On the contrary, at the international levelas in
municipal law, is it not the case that, in order for an action to lie, the
interest must, as Jhering puts it, be an interest protected by the law, or,
more correctly, as it has been put in the most recent decisions under
municipal law, a legally protected lawful interest?

Furthermore, if in private law the interest must, in principle, be direct
and personal, must it also be so in international law in order to authorize
a judicial action?
This would amount to saying that diplomatic protection is subject to

two conditions: that the claimant's interest be a legally protected lawful
interest and that, at the same time, it be direct and personal.
34. In order to answer these two questions and clear the way for a
solution of the case of shareholders, it seems that it is necessary to recall
the various actions to which a right or interest may give rise, namely:

(a) an individual action exercised on the basis of a subjective interest
or right;

(b) a corporate action, on behalf of a company endowed with juristic
personality, similarly exercised on the basis of a subjective interest
or right-that of the company itself;
(c) an action brought in defence of a collective or general interest, the
objective being to safeguard legality or the respect due to principles
of an international or humane nature, translated into imperative
legal norms (jus cogens).

This distinction has seemed to me essential for the purposes of this
discussion, in particular in order to avoid the confusion between in-
dividual interest and generalinterest, to whichthe Respondenthaspointed,
in the award in the El Triunfo case and in the judgment relating to the
Northern Cameroons.

It is generally recognized that the existence of a legally protected right
or interest is a condition for the exerciseof any of the above actions. The
question is not open to doubt in private law, whether with respect to a
natural person or to ajuristic person. It will consequentiy be agreed that
it would be paradoxical for international law, one of the functions of des fonctions est de suppléer, le cas échéant,dans les rapports entre
Etats, aux défaillances de leur droit interne, puisse donner à 1'Etat
endossant la réclamation de ses ressortissants, accès à la juridiction
internationale du chef d'un intérêt quine serait pas juridiquement pro-

tégéen vertu de la lexforiE .t par une analogie certaine, 1'Etatagissant
proprim ootu, pour la défense d'unintérêtpersonnel ou d'un intérêt
collectif, ne doit pas moins justifier d'un intérêltégitimejuridiquement
protégé.
On peut constater, en conséquence,l'identitéde vues sur ce point -
celui de l'intérêltégitimejuridiquement protégé - entre les deux ordres

juridiques national et international portant respectivement sur les deux
aspects subjectif et objectif de la notion d'intérêt.
La question restant à débattre est donc celle de la preuve que l'in-
térêtdont se prévaut la Belgique est un intérêtlégitimejuridiquement
protégé.Cette preuve ne peut êtrerapportée dans le cas présent puis-
qu'il faut revenirà la lexfori qui ne confère pasla protection juridique à
un tel intérêt.

35. L'identitéde vues constatée ci-haut existe-elle aussi en ce qui a
trait àla nécessité d'unintérêp tersonnel et direct?
S'il est question de la troisième action mentionnéeci-dessus - celle
fondée sur un intérêtgénéral,ou un intérêt internationalou humain
de caractère objectif - cette condition ne serait pas exigée,ainsi qu'il
ressort de l'arrêtprécitédu 21 décembre1962et des opinions des juges

dissidents dans l'arrêt du18juillet 1966.Cet arrêtde 1962constitue un
arrêtdéfinitifcomme l'ont établi à suffisance lesdits juges dissidents, et
pourrait être considéréaussi comme un arrêtde principe consacrant
le concept de l'intérêtgénéralou collectif, qui justifie l'action qu'un
Etat membre d'une organisation internationale telle qu'autrefois la
Société desNations et aujourd'hui les Nations Unies, peut engager en

vue de la défense desbuts de cette organisation touchant l'ensemble de
ses adhérents, dont les intérêtsse présentent souvent en communion
parfaite avec ceux de l'humanité entière 73.Le principe que traduit cet
arrêt, sous-jacent dans maintes conventions allant de l'article 22 du
traité de Versailles et des Actes du Mandat aux traités relatifs aux
minorités et à la convention sur la préventionet la répressiondu géno-
cide, et confirmé explicitementpar la pratique des Nations Unies 74,

se retrouve dans l'avis consultatif rendu en 1951 par cette Cour sur la
question des réserves à ladite convention, aux termes duquel: ((les
Etats contractants n'ont pas d'intérêts propres; ils ont seulement, tous
et chacun, un intérêc tommun 75.Aussi M. 1. Forster pouvait-il s'élever
avec force contre l'idéeque (l'intérêt juridiquepuisse s'enfermer dans

73 Dans son opinion dissidente précitéeM. 1. Forster qualifie justemende
détournement de pouvoir les agissements de l'Afrique du Sud contraires au but du
Mandat sur le Sud-Ouest africain ou Namibie.C.Z.J. Recueil 1966, p. 481.)
74Supra, no 20.
75 C.Z.J. Recueil 1951, p. 23. which, when appropriate, is to make up, in the relations between States,
for the weaknessesoftheir municipal laws,to be able to givea State which
takes up the claim of its nationals accessto international tribunals on the
ground of an interest which is not legally protected under the lexfori.

And by an undoubted analogy, a State which acts proprim ootufor the
defence of a persona1 interest or of a collectiveinterest, must nevertheless
prove the existence of a lawful interest which is legallyprotected.

There isconsequently an identity of viewsto be noticed on this point-
that of a legally protected lawful interest-between the national and the
international legal order, dealing respectivelywith the subjective and the
objective aspects of the notion of interest.
The question that remains to be discussed is thus that of proof that the

interest on which Belgiumrelies is a legallyprotected lawful interest. No
such proof can be produced in the present case sinceit is necessary to go
back to the lexforiw ,hich does not afford legal protection to such an
interest.
35. Does the identity of views noticed above also exist so far as con-
cerns the necessity of a persona1and direct interest?
Were it a question of the third action referred to above-that based on
a general interest, or an international or humane interest of an objective
nature-the fulfilment of this condition would not be demanded, as is

clear from the aforesaid Judgment of 21December 1962and the opinions
of the dissenting judges in the Judgment of 18 July 1966. That 1962
Judgment constituted a definitivejudgment, as was amply demonstrated
by the dissenting judges, and it might also be regarded as a judgment on
a point of principle, which lays down the concept of the general or col-
lective interest whichjustifies the action that a member State of an inter-
national organization, such as in former times the League of Nations and
today the United Nations, may bring in defence of the purposes of that
Organization which concern its members, as a whole, whose interests are
often one with those of al1mankind 73.The principle whichthat Judgment

enshrines, which underlies many conventions, from Article 22 of the
Treaty of Versaillesand the instruments of mandate, to the treaties con-
cerning minorities and the Convention on the Prevention and Punish-
ment of Genocide, and is expressly confirmed by the practice of the
United Nations 74,is also to be found in the Advisory Opinion delivered
by this Court in 1951 with regard to reservations to that Convention,
when it stated: "the contracting States do not have any interests of their
own; they merely have, one and all, a common interest75." Thus Judge
Forster was ableto protest vigorously againstthe idea that "legal interest

an abuse of power South Africa'sactions contraryto the purpose of the Mandateesas
for South West Africaor Namibia. (Z.C.J. Reports 1966. p. 481.)
'* See Section 20 above.
75 Z.C.J. Reports 1951, p. 23.le carcan de l'étroite conceptionclassique de l'intérêt juridique person-
nel de 1'Etatdemandeur 76)).
36. Par contre, si 1'Etatdemandeur ne se présente paspourla protec-
tion d'un intérêtcollectif, mais se plaint d'un préjudicedont il aurait

souffert en tant que sujet de droit, il va de soi qu'il n'aurait accèsauprès
de la juridiction internationale, pour revendiquer un droit subjectif,
que sur le fondement d'un intérêtpersonnel et direct.
A cette hypothèse doit êtreassimilée celleoù 1'Etat aurait endossé
la réclamation d'un ressortissant ainsi que cette Cour l'a préciséa ,près
la Cour permanente de Justice internationale, dans son arrêt du 6avril

1955en l'affaire Nottebohm,aux termes duquel:
«en prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mou-
vement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire
internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit,

le droit qu'il a de faire respecter en la personne de sesressortissants,
le droit international77».
En d'autres termes, c'est sur le fondement d'un droit ou d'un intérêt

subjectif que 1'Etat agit en endossant la réclamation d'un de ses natio-
naux, ce national fût-il une personne juridique telle qu'une socitéé com-
merciale. Car aucune assimilation n'est à faire entre l'action sociale de
celle-ciet l'action fondéesur un intérêc tollectif. Si la société représente
un faisceau d'intérêtsindividuels, 1'Etat n'agit pas moins, en prenant
fait et cause pour elle, en tant que sujet de droit. Par contre, en sepropo-

sant de prendre la défensede l'intérêg ténéradl e la communautéinterna-
tionale ou de la collectivitéhumaine, il intervient en qualitéde membre
de cette communautéou de cette collectivité.
37. Il a été dit quel'action de la Belgique doit êtrefondée sur unin-
térêltégitimejuridiquement protégé78,tout comme l'action au nom de
la collectivité. Maisà la différencede celle-ci,elle doit se prévaloird'un
intérêp tersonnel et direct.
Ni l'une ni l'autre de ces conditions ne se trouve remplie par la de-

mande de la Belgique d'êtreautorisée à couvrir de sa protection judi-
ciaire les actionnaires de la Barcelona Traction.
Selon la lexforià laquelle il faut revenir en la matière- àsavoir celle
de l'ordre juridique commercial - on sait qu'il n'estpas donné à l'ac-
tionnaire dans une sociétéde capitaux un droit d'action personnel et
direct aux lieu et place de l'action sociale utuniversi, du moment que
le préjudice allégué aurait étéinfligé à la société entant que telle. Quel

intérêp t ourrait êtrele substitut de ce prétendu droit, sinon l'intérêd te
l'actionnaire à une gestion de l'entreprise enassurant la prospéritéet à
la sauvegarde de la valeur économiqueincluse dans les titres. S'ensuit-

l6 Opinion dissidentejointe à i'atrécité du18juillet 196C.Z.JRecueil 1966,
p. 478.
" C.Z.J.Recueil 1955, p. 24.
78Supra, no 34.can be straight-jacketed intothe narrow classicalconcept ofthe individual
legal interest of the applicant State 76".
36. If, on the other hand, the applicant State is not acting to protect a
collective interest, but is complaining of an injury it has suffered as an
individual subject of law, it goes without saying that it will only have

accessto an international tribunal to claim a subjectiveright on the basis
of a persona1and direct interest.
To this hypothesis must be assimilated that where a State has taken up
the claim of a national, as this Court, following the Permanent Court of
International Justice, stated in its Judgment of 6 April 1955 in the
Nottebohm case, declaring:

". .. by taking up the case of one of its subjects and by resorting to
diplomatic action or international judicial proceedings on hisbehalf,
a State is in reality asserting its own rights-its right to ensure, in the
person of its subjects, respect for the rules of international law 77".

In other words, it is on the basis of a subjective right or interest that
the State acts when taking up the claim of one of its nationals, even if
that national be a juristic person such as a commercial company. For the
corporate action of the latter is not in any way to be assimilated to the
action based on a collective interest. Whilst the company represents a
bundle of individual interests the State is nevertheless acting as an
individual subject of the law in taking up its case. Where, on the other

hand, it purposes to take up the defence of the general interests of the
international community or of humanity as a collectivity, it intervenes
in the capacity of a member of that community or of that collectivity.
37. It has been said that Belgium'saction must befounded on a lawful
interest which is legallyprotected 78,just like an action on behalf of the
collectivity. But, unlike the latter, it must be based on a persona1 and
direct interest.
Neither of these conditions is met by Belgium'srequest for authoriza-
tion to extend judicial protection to the shareholders in Barcelona

Traction.
According to the lexfori to which it is necessary to have reference in
this matter-i.e., the law of the commerciallegal order-a shareholder in
a joint-stock company has, as we know, no persona1and direct right of
action instead of and in place of the corporate action ut universiif the
alleged injury has been inflicted on the company as such. What interest
might be substituted for this purported right, if not the shareholder's
interest in having the undertaking run in such fashion as to ensure its
prosperity, and in the safeguarding of the economic value embodied in

76 Dissenting opinion annexed to the Judgment of 18 July 1966, cited above,
Z.C.J. Reports 1966, p.478.
77 Z.C.J. Reports 1955, p. 24.
78 See Section 34 above.il qu'il jouirait de la faculté d'agir au nom de la sociétélorsqu'elle a
étéelle-même l'objet d'undommage ou d'une perte dus aux avatars
de la gestion? Tel ne serait pas le cas en droit interne 79,et il n'en devrait
pas êtreautrement en droit international. L'intérêd t e l'actionnaire et,
partant, celui de 1'Etat endossant sa réclamation, pour personnel et

direct qu'il soit, n'est pas cependant, ainsi qu'on vient de le voir, juri-
diquement protégé. LaCour permanente de Justice internationale s'est
rangée à cet avis
38. Passant à la thèse postulant le cumul de l'action sociale et de
l'action individuelle des actionnaires, soutenue par la Belgique, je ne

puis que relever l'absence de pertinence des exemples avancés à l'appui
de cette thèse, à savoir celui puisédans l'avis consultatif de cette Cour
sur les réparations des dommages subis au service des Nations Unies,
ou celui d'un accident d'auto ou d'avion. Cesexemples se heurtent, l'un
et l'autre, aux objections que soulève,en l'espèce,l'existenceaux termes

de la législation nationale, de la personnalité juridique de la Société
couvrant les intérêtsdes actionnaires et en assurant la représentation.

En ce qui concerne l'avis consultatif, il est vrai que la réparation des
dommages sur la réclamation de l'organisation internationale ne met

pas obstacle à celle que solliciterait 1'Etatdont le fonctionnaire des Na-
tions Unies est le ressortissant. C'est à juste titre qu'on a pu dire qu'un
mêmeacte est susceptible d'engager fa responsabilité internationale
de son auteur envers plusieurs sujets de droit s'il porte simultanément
atteinte à leurs droits respectifs. Mais la doctrine de l'avis consultatif

diffère essentiellementde la thèsesoutenue par le demandeur concernant

79 Voir, à cet effet, la doctrine et la jurisprudence françaises qui n'admettent
l'exercice de l'action judiciaire en raison de la dépréciationdes titres corrélativement
a été soulignesupra, no 27.f social qu'en cas de faute des administrateurs, ainsi qu'il
Cf. G. Ripert, Droit commercial, 5eéd., par R. Roblot, tome 1,nos1327et 1328;
Solus et Perrot, op. cit., no 277, et la jurisprudence à laquelle ils se réfèrent.

Et pour le droit anglo-américain,E. Beckett, eDiplomatic Claims in Respect of
Injuries to Companies »,dans Transactions of the Grotius Society, vol. XVII, p. 192
et 193, qui signale le cas exceptionnel des administrateurs fautifs comme urègle
qui se retrouve dans le droit de la plupart des Etats.
Enfin dans le droit conventionnel on peut citer la convention conclue entre la
République Malgache et la sociétéd'Ugine aux termes de laquelle les parties
«ne considéreront pas comme contraire à leurs engagements réciproques toute
réduction d'activité résultant d'aléas techniques graves ou de l'évolution de la
conjoncture dconomique générale 1).
Arrêt dans l'affaire Oscar Chinn, C.P.J.Z. série AIB no 63, p. 88: «Aucune
entreprise, surtout une entreprise de commerce ...dont le succès est liéau cours
changeant des prix et des tarifs, ne peut échapper aux éventualitéset aux risques
qui sont le résultat des conditions économiques générales.Certaines industries
peuvent faire de grands profits dans une époque de prospéritégénéraleou bien en
profitant d'un traité de commerce ou d'une modification des droits de douane;
mais elles sont aussi exposéesà se ruiner et à s'éteindre à cause d'une situation
différente.) the shares. Does it follow that he would have the right to act on behalf of
the company where the latter has itself suffered damage or loss through
unfortunate management? Such is not the case in municipal law 79,and

it ought not to be otherwise in international law. The interest of the
shareholder and, consequently, that of the State which takes up his
claim, no matter how persona1and direct it may be, is nevertheless, as
has just been seen, not legallyprotected. The Permanent Court of Inter-
national Justice has endorsed this view 80.

38. Turning to the argument which postulates the cumulative use of
the corporate action and the individual action of the shareholders, which
is advanced by Belgium, 1 can only remark the lack of relevance of the
examplesput forward to supportit, namelythat drawnfrom the Advisory
Opinion of this Court concerning Reparation for InjuriesSuflered in the

Service of the United Nations, and that of a motor car or aeroplane
accident. In the instant case, both these examplesencounter the objection
raised bythe existence,interms of municipal legislation,of the company's
legal personality, which covers the interests of the shareholders and

ensures their representation.
So far as the Advisory Opinion is concerned, it is true that a claim by
the International Organization for reparation for injuries constitutes no
obstacle to a claim by the State of which the United Nations officia1is a
national. It has been rightly said that a single action is capable of in-

volving international responsibility on the part of its author towards
various legalpersonae if it simultaneously injures their respective rights.
But the doctrine enunciated in the Advisory Opinion is essentially dif-
ferent from the argument advanced by the Applicant concerning the

79See, to this effect, the writings of French publicists and French case-law,
where the bringing of judicial proceedings on account of the depreciation of shares
as a result of a diminution in the company'sassets is only allowed in the case of
faute by the directors, as was emphasized in Section 27 above.
Cf.G. Ripert, Droit commercial, 5th edition, by R. Roblot, Vol. 1, paras. 1327
and 1328; and Solus and Perrot, op. cit., para. 227, and the decisions to which they
refer.
And, in respect of Anglo-American law, E. Beckett, "Diplomatic Claims in
Respect of Injuries to Companies", published inransactions of the Grotius Society,
Vol. XVII, pp. 192 and 193, who points to the exceptional case of misconduct by
directors as arule to be found in the laws of most States.
Finally, sofar as treaty-law is concerned,mention may be made of the convention
between the Malagasy Republic and the Ugine company, under which the parties
"will not regard as contrary to their mutual obligations any reductioin activity
resulting from chance technical breakdowns of aserious nature or from the devel-
opment of the general economic situation".[Translation by the Registry.]
80 Judgment in the Oscar Chinn case, P.C.Z.J Se,ies AIB, No. 63, p. 88:
"No enterprise-least of al1 a commercial or transport enterprise, the success of
which is dependent on the fluctuatingevel of prices and rates-caescape from the
chances and hazards resulting from general economic conditions. Some industries
rnay be able to make large profits during a period of general prosperity, or else by
taking advantage of a treaty of commerce or of an alteration in customs duties;
but they are also exposed to the danger of ruin of extinction if circumstances
change."la réclamation de l'actionnaire concurremmentavec celleque présenterait
une société commerciale pour un préjudicedont elle a subi elle-même les
conséquences.Toute analogie est exclue en raison de cette différence
essentielle entre les deux hypothèses, laquelle découlede l'existence de
la personnalité moralede la société personnifiant les intérêtsdes action-
naires; en sorte que le préjudice qu'ellesubit est celui-là mêmedont les
actionnaires pourraient se plaindre.

En effet, en considérant que deux sujets de droit, les Nations Unies
et 1'Etatnational du fonctionnaire de cette organisation, ont étésimul-
tanément touchéspar la lésionque celui-ci a subie, peut-on en déduire
qu'au sens de l'avis consultatif il n'y a eu qu'un seul dommage? Il ne
le semble pas. Le mêmeacte a causé deux dommagesdistincts dont
les réparations peuvent êtrecumulées,tout comme l'accident dont il a
été fait mention. Alors que c'estun préjudiceunique qui atteint la société,
lequel ne peut donner lieu qu'à uneunique réparation, et que pourrait
réclamersoit la sociétés ,oit l'associéou l'actionnaire dans des conditions

qui ont déjàétéexaminées.
Faut-il ajouter que l'article62 du Statut de la Cour qui prévoit l'in-
tervention est hors de cause?Il n'est pas question en l'espèced'une règle
de procédure, mais du droit d'action du chef d'un même acte interna-
tionalement illicite.
39. Tout concourt à démontrer, au terme de cette discussion, que
la protection diplomatique des actionnaires léséspar un Etat tiers ne
s'est pas constituée en coutume internationale manifestéesans équivo-
que ni ambiguïtépar la trame des précédentsen formant l'élément ma-

tériel,et définitivement établiepar la conjonction de cet élément avec
l'élément psychologiqud ee l'opiniojuris.
Cette conclusion est renforcéepar l'opinion déjàrapportée que se
font une multitude d'Etats - Etats nouveaux et d'autres, très nombreux,
en voie de développement - sur l'application de la protection diplo-
matique dont ils n'accueilleraientles règlesque dans la mesure où celles-
ci tiennent compte de leur étatde sous-développement,de subordination
économiqueet de stagnation sociale et culturelle où les ont laissésles
puissances coloniales et où ils risquent de demeurer longtemps face

aux puissances fortes de leur industrie, de leur technique et de leur
culture.
Cette opinion a été simultanémentexpriméepar les représentants
des Etats du tiers monde à l'Assemblée générale deN sations Unies
(SixièmeCommission) àla Commission du droitinternational,auComité
juridique consultatif afro-asiatique, à l'Institut de droit international,
dans les écritsdes auteurs

Voir S. Prakash Sinha, op. cit., p. 92 à 94. Voir aussi J. N. Hazard, dans
American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 118, qui«Some of:
the states where investments have long existed have corne to relate these investments
in their mindsith conditions now politically abhor1)d. claim of a shareholder concurrently with that which a commercial com-
pany might submit in respect ofan injury of whichit itselfhas sufferedthe
consequences. Any analogy is ruled out by an essential difference be-
tween the two cases, resulting from the existence of the juristic person-
ality of the company, which personifiesthe interests of the shareholders;
sothat the injury whichit suffersisthe verysame one asthat of whichthe

shareholders might complain.
Can it in point of fact be deduced from the consideration that two
legalpersonae, the United Nations and the national State of an officia1of
that organization, have simultaneously beenaffected by the injury which
the latter suffered, that, according to the meaning of the Advisory
Opinion, there was only one singlehead of damage?It would appear not.
The same act caused two distinct heads of damage, reparation for which
can be cumulative, as in the case of the accident already mentioned. It is
however a single injury which affectsthe company, which can only give
rise to a singlereparation, which can be claimed either by the company,
or by a partner or shareholder under the conditions already dealt with.
1sthere any need to add that Article 62 of the Court's Statute, which
provides for intervention, is irrelevant. What is in question in the present
case is not arule of procedure, but the right of action on the basis of one

and the same internationally unlawful act.
39. At the end of this discussion, everything goes to show that the
diplomatic protection of shareholders injured by a third State does not
constitute an international custom that is unequivocally and unambigu-
ously demonstrated by the web of precedents which form the material
element, and definitively established by the conjunction of that element
with the psychological element of opiniojuris.
This conclusion is reinforced by the opinion, already mentioned, held
by a multitude of States-new States and other, very numerous, devel-
oping States-with regard to the application of diplomatic protection,
the rules of which are only accepted by them to the extent that they take
account of their state of underdevelopment, economicsubordinationand
social and cultural stagnation, in which the colonial powers leftthem and
in which they are in danger of remaining for a long time, in the face of

Powers strong in industry, know-how and culture.

This opinion was expressed at one and the same time by the represen-
tatives of the States of the Third World in the General Assembly of the
United Nations (SixthCommittee), intheInternational Law Commission,
in the Asian-African Legal Consultative Committee, in the Institute of
International Law, and in the works of legal authors

S. Prakash Sinha, op. cit., pp. 92-94; and J. N. Hazard in American Journal of
where investment has long existed have come to relate these investments in their
minds with conditions nowpolitically abhorred." Ainsi le Comitéjuridique afro-asiatique, réuni en 1966 à Bangkok,
soulignait l'importance de ce problème en rappelant les interventions
d'un certain nombre de délégués à la SixièmeCommission de 1'Assem-
blée générale en 1964,aux termes desquelles

((lesrègles relativesà la responsabilitédes Etats et à la protection
des investissements étrangersont profondément affectéla situation
des Etats nouveaux ou économiquement faibles, ces règles ayant
été établiee sn partie contrairement à leurs intérêts821).

Quand à l'Institut de droit international, il eutà étudier en 1967 à
la session de Nice, le problèmedes investissements dans les pays en voie

de développement. Les juristes du groupe afro-asiatique qui ont parti-
cipéaux travaux de cette session ont exprimé l'opinionde leur groupe
en répondant par la négative à la question de savoir si ((lesactionnaires
sont en droit de demander la protection diplomatique de leur Etat au
cas où la sociétédans laquelle ils ont investi ne peut ou ne veut pas la
demander elle-même à l'encontre du pays en voie de développement 83.

40. Il semble définitivementétabli que les précédentspouvant être
mis à contribution dans le dessein d'étendrela protection diplomatique
aux actionnaires indirectement lésép sar un Etat tiers sont manifestement
insuffisants. Sans doute ressort-il des termes explicites de l'article 38,
paragraphe 1b) du Statut de la Cour, que la pratique dont il est possible
de dégagerla coutume généraleest celle de la généralité et non de I'una-

nimitédes Etats. Mais on en est encore loin, comptetenu de l'abstention
ou de l'opposition dont il a été faitétatlors de l'analyse de la pratique
diplomatique ou conventionelle, ou de l'exposéde la doctrine 84. Il
n'en résulte certespas que la généralité deE stats a déjàaccueilli une
telle coutume. A plus forte raison en est-il ainsi si l'on prend en consi-
dération, comme il se doit, l'opposition massive des Etats nouveaux

ou en voie de développement,lesquels constituent la majoritédes mem-
bres de la communauté internationale. Une coutume générale, sommes-
nous persuadés,ne peut plus désormais être reçue en droit international
sans que soit strictement tenu compte de l'opinion ou de l'attitude des
Etats du tiers monde.

82 Brief of doc., t. IV, p. 269.
Annuaire de I'lnstitut de droit internutional, 1967,I, p. 464, 471,519et 526,avec
Turquien(M.sNihat Erim).Nagendra Singh), de l'Ira(M. Kamil Yasseen) et de la
A noter aussi le propos du professeur Rolincette même sessionde l'Institut:

l'Institut, mais celui-ci se doit d'encourager les investissements au profit des
pays en voie de développement endonnant des garanties de part et d'autre,
tant à ces pays eux-mêmes,pour éviter un néo-colonialismeéconomique
amenant leur sujétionaux pays riches, que pour mettre les investisseursri
de certains risques.Zbid.,p. 414.)
84Supra, nos 12 à 20, 22 et 23. Thus the Asian-African Legal Consultative Committee, when it met
in 1966in Bangkok, stressed the importance of this problem by recalling
the remarks of a number of delegates to the Sixth Committee of the

General Assembly in 1964,to the effectthat-
"The rules relating to state responsibility and to the protection of

foreign investments, profoundly affectedthe situation of the new or
economically weak States and had been established, in part, con-
trary to their interests s2."

As for the Institut de droit international, at its Nice session in 1967it
had to study the problem of investment in developing countries. The
jurists of the Afro-Asian group who took part in the proceedings of that
session expressedthe opinion of their group by replying inthe negative to

the question whether "shareholders are entitled to ask for diplomatic
protection of their State in casesin which the Companyin which they have
invested cannot or will not ask for it itself, as against the developing
country 83".
40. It seems definitively established that the precedents that can be
prayed in aid to support the attempt to extend diplomatic protection to

shareholders indirectly injured by a third Stateare manifestly insufficient.
It is of course clear from the explicitterms of Article 38, paragraph 1 (b),
of the Statute of the Court, that the practice from which it is possible to
deduce a general custom is that of the generality of States and not of al1
of them; but we are far from even this, having regard to the abstentions

or opposition referred to above when analysing diplomatic or treaty
practice or discussing teachings s4.It certainly does not appear that the
generality of States have already accepted such a custom. A fortiori is
this so if account be taken, as it should, of the massive opposition of the
new or developing States, which constitute the majority of the members of
the international community. A general custom, 1 am persuaded, can

henceforward no longer be received into international law without taking
strict account of the opinion or attitude of the States of the Third World.

82 Brief of Documents, Vol. IV, p. 269.
83 Annuaire de l'Institut de droit international, 1967, 1, pp. 464, 471, 519 and 526,
Turkey (Mr. Nihat Erim).ia (Mr. Nagendra Singh), Iraq (Mr. Kami1 Yasseen) and
The following observation of Professor Rolin at the same session of the Institut
should be noted :

"Thus what the Institut should aim at is not the protection of capital as such,
by giving guarantees on bothsides, both to those countries themselves in orderes,
to avoid a form of economic neo-colonialism, which would bring about their
subjection to the rich countries, and in order to put investors out of reach of
certain risks"(ibid., p. 414 [Translation by the Registry]).
84 Supra, Sections 12 to 20, 22 and 23. 41. Deux autres questions on étédiscutées:
A. Celle de savoir si 1'Etat national des actionnaires peut intervenir
pour la défensede sa fortune nationale, fortune dont les actions des
sociétésconstituent un des éléments.
B. S'ilpeut le faire dans le cadre de la protection juridique de l'intérêt
que 1'Etat porte au commerce international

Dans l'un et l'autre cas 1'Etat jouirait d'un double droit d'action:
celui qui découlede la fiction, conçue par la doctrine et accueillie par
la jurisprudence, selon laquelle1'Etat en prenant fait et cause pour ses
nationaux exerce son propre droit; et celui qui lui serait attribué en
tant qu'il protège la fortune nationale ou les intérêtsdu commerce
international.
Cette double action suppose-t-elle deux dommages dont 1'Etatcumu-
lerait la réclamation, ou un dommage unique dont 1'Etat réclamerait
la réparationà un double titre?
Les actions d'une sociétéappartenant à des nationaux étant au nombre

des élémentsqui constituent la fortune nationale, l'action de 1'Etat
pour la protection des droits de ses nationaux et celle se proposant la
protection de la fortune nationale seraient motivéespar un dommage
unique affectant le mêmeobjet envisagé sous deux angles différents,
soit: la partie ou le tout.
Cela constaté,1'Etatne pourrait revendiquer deux réparations différen-
tes, l'une pour le tort causé à ses nationaux, l'autre en faveur de la
nation - la composante de ces mêmesnationaux - dont l'économie
aurait étéaffectée. C'estle cas de dire, comme précédemment 85,qu'un
cumul d'action ne serait pas concevable qui accorderait, pour un seul et
même préjudiceu ,ne première puisune seconde réparation.
D'autre part, ce prétendu droit d'intervention soulèverait les mêmes

objections que dessus concernant le prétendu droit d'action au nom des
actionnaires léséspar un Etat tiers, à savoir l'inexistence d'une règle
l'autorisant, reçue en droit international.
L'opposition des Etats nouveaux, ou en voie de développement,dont
on connaît déjàl'influencedéterminante surl'évolutiondu droit des gens
et la formation de ses règles, serait au surplus bien plus forte relative-
ment à l'admission d'une règlejuridique autorisant l'extension de la
protection diplomatique, au-delà des intérêtsdes actionnaires ayant
souffert d'un préjudicedu fait d'un Etat tiers, à l'intérêdte l'économie
généralede 1'Etatnational de ces derniers ou à celui qu'il porte au com-
merce international.
On sait que J. L. Brierly, sans se risquer aussi loin que G. Scelle, ou
que les juristes latino-américains, était partisan de la reconnaissance en

certains cas de la personnalité internationale de l'individu.l disait que
((Ladoctrine orthodoxe, en insistant sur ce que seuls les Etats peu-

Supra, no38.

332 41. Two other questions have been discussed:
A. That whether the nationalState of the shareholders may take action
to defend its national wealth, of which shares in companies form an
element .
B. Whether it can do so in the sphere of the legal protection of the

interests which the State has in international trade.
In each of these cases, the State would enjoy a twofold right of action:
that resulting from the fiction, conceived by legaluthors and accepted by
case-law, to the effectthat the State which takes up the case of its nationals
exercisesits own right; and that which would be attributed to it inasmuch
asit is protecting its national wealth or the interests of international trade.

Does this twofold action postulate two heads of damage, for which the
State would present cumulative claims, or a single head of damage, for
which the State would be claiming reparation on a twofold ground?
Since shares in a Company belonging to nationals are among the
elements making up the national wealth, the action of the State to protect

the rights of its nationals, and that aimed at the protection of the national
wealth, would be motivated by a single head of damage, affecting the
same subject-matter envisaged from two different standpoints, Le., the
part or the whole.
On the basis of this observation, the State could not claim two different
heads of reparation, one for the injury caused to its nationals, the other in
favour of the nation-the body made up of those same nationals-
whose economy had been affected. It is a case for saying, as before s5,
that cumulative actions which would grant, for one and the same injury,
first one and then another head of reparation, would be inconceivable.
Furthermore, this alleged right of action would give rise to the same
objections as mentioned above, concerning the alleged right of action in
the name of shareholders injured by a third State, namely the non-
existence of a received rule of international law authorizing it.

The opposition of the new or developing States, whose determinant
influence on the development of international law and on the formation
of itsrules is already well-known, would in addition be much stronger as
to the admission of a legal rule which would authorize the extension of
diplomatic protection, beyond the interests of shareholders who have
suffered injury by the act of a third State, to the interest of the general
economy of the national State of the latter, or to the interest it has in
international trade.
It iswell-known that J. L. Brierly, without venturing so far as G. Scelle,
or as the Latin American jurists, was in favour of recognition, in certain
cases, of the international personality of the individual. He said that-

"The orthodox doctrine, by insisting that only States can have

Suprd, Section 38. vent avoir des droits ou des devoirs internationaux, conduit à penser
qu'un préjudicecausé àun citoyen individuel dans un Etat étranger
est un préjudice causé à son propre pays ...et cette mystérieuse
quoique puissante abstraction, ((l'honneur national )),y est facile-

ment impliquée 86)).
Et M. Ph. Jessup de reprendre la conclusion de M. Brierly, disant que la
reconnaissance des droits de l'individu tendrait aussi à mettre en échec

((la grave menace que constitue le fait, pour les Etats, de servir des in-
térêts économiquepsrivés qu'ilsidentifient avec lesintérêts nationaux 87».
Et il semble bien que cette identification et la conception de l'honneur
national aient étéà l'arrière-plan, sinonle motif déterminant, des inter-
ventions armées survenuesau cours de l'histoire en Amérique latine,en
Afrique et en Asie.
La menace ne serait-elle pas encore plus grave si I'Etat, en endossant
les intérêtsindividuels de ses ressortissants, cumulait leur réclamation

avec celleattribuéeà lanation pour la défensede sesintérêts économiques
ou de sesintérêts générau dxans le commerce international?
42. A défautd'une règlede droit positif légitimantlejus standi de la
Belgique,cette dernièrese retourne vers l'équité pour y trouver une justi-
ficationà sa réclamation.
C'est à tort que la Partie demanderesse a vu dans les sentences rendues
par application de la convention généralede 1923entre les Etats-Unis et

le Mexique une référence à l'équitécomparable à celle évoquéepar
l'arrêt de cetteCour de 1969relatif au Plateau continentalde la mer du
Nord. La convention précitéeinvite les tribunaux arbitraux qu'elle a
instituésà se fonder sur la justice et I'équité. ette expression, justice et
équité,qui a figurédans de nombreux accords ou compromis, a toujours
étéconsidérée commeimpliquant l'autorisation de se prononcer ex
aequoet bono.Alors qu'on ne devrait manifestementvoir dans la référence
à l'équitécontenue dans l'arrêt susmentionné de cette Cour, ainsi qu'il est

précisédans l'une desopinions individuelles y annexées que l'équité
praeter legem dans le sens que lui donnait Papinien, l'auteur de cette
locution; autrement dit, non point une activité extra-judiciaire comme
l'est la solutionPX aequo et bon0d'un litige aux termes de I'arîicle 38, in
$ne, du Statut de la Cour, en vue de combler une lacune sociale du droit,
mais une source subsidiaire du droit des gens dégagéec ,omme un prin-
cipe général dedroit, du paragraphe 1c) dudit article,à laquelle il estfait

appel afin de pallier les insuffisancesdu droit international et en combler
les lacunes logiques.

Sil'examen desfaits de la présentecause avait révélé une lacunelogique

86 J. L. Brierly, Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1928,
vol.III,p. 531.
s7 Ph. Jessup, A Modern Law of Nations, p. 99.
Opinion individuelle de l'auteur, C.Z.J. Recueilno37, p. 139. international rights or duties, leads one to think that injury caused to
an individual citizen in a foreign State is an injury caused to his own
country ... and that mysterious, though powerful, abstraction,

'national honour' is easily involved therein 86."

And Mr. P. C. Jessup adopted Mr. Brierly'sconclusion, observing that
the recognition of the rights of the individual would also tend to check
"the grave menace of the promotion by States of private economic in-
terests with which they identify national interests 87". And indeed it

seems that this identification and the concept of national honour were in
the background, if they were not the governing motive, of the armed
interventions which have taken place in the course of history in Latin
America, Africa and Asia.
Would not the menace be still more grave if the State, whilesupporting
the individual interests of its nationals, were to put forward their claim
cumulatively with that attributed to the nation for the defence of its
economic interests, or its general interests in international trade?
42. Failing a rule of positive law validating Belgium7s,jusstandi, the
latter State turns to equity to seek therein a justification for its claim.

The applicant Party is mistaken in thinking that in the awards made in
application of the General Convention of 1923 between the United
States and Mexico, there may be discerned a reference to equity com-
parable to that mentioned in the Judgment of this Court in 1969 concern-
ing the North Sea ContinentalSheg The Convention just referred to
called upon the arbitral tribunals which it set up to base themselves
upon justice and equity. This expression, justice and equity, which has
appeared in numerous general and special arbitration agreements, has
always been considered to imply an authorization to decide ex aequo et
bono; whereas obviouslythe referenceto equitycontained in theJudgment
of the Court mentioned above should only be understood, and this is

explained in one of the separate opinions annexed thereto 88,as meaning
equity praeter legem in the sense which Papinian, the author of that
expression, gave to it; in other words, not an extra-judicial activity, as is
the settlement of a dispute ex aequo et bon0 according to the terms of
Article 38, infine, of the Court's Statute, with a viewto fillinga socialgap
in law, but a subsidiary source of international law taken, as a general
principle of law, from paragraph 1 (c) of that Article, appeal to which is
made in order to remedy the insufficiencies ofinternational law and fil1
in its logicallacunae.
If the study of the facts of the present case had shown a logical lacuna

L. Brierly,Recueil des cours de l'Académie de droit interna?ional, 1928,
Vol. III, p. 531 [Translation by the Registry].
See the writer'sseparate opinion, I.C.J. Reports 1969, para. 37, p. 139. dudroit, la Cour aurait étéappelée à y remédierdans l'intérêd te lajustice.
La solution eût vraisemblablement étéde recourir, ainsi qu'il vient d'être
dit,à l'équitépraeter Iegemen tant que principe généraldu droit dégagé

des systèmesjuridiques nationaux. Mais la Cour n'est pas en présence
d'une lacune logique du droit, puisque les systèmesjuridiques nationaux
ne prévoient paslalicitation d'un droit accordéenl'espèce à l'actionnaire.
La lacune que l'argumentation de la Partie demanderesse tendrait à
combler ne serait qu'une lacune sociale que seul un compromis donnant
compétenceex aequo et bono, que ne comporte pas la présente instance,
aurait pu pallier.

L'equity des pays de commonlaw a étéégalement évoquée à l'occasion
de la présente affaire.
Il va de soi qu'il n'est pas question d'identifier I'equity d'origine
anglaise et l'équitéou equitas d'origine romano-méditerranéenne. Mais si
un rapprochement est susceptible d'êtrefait entre ces deux institutions
quant à leurs effets respectifs, c'est avec l'équitécontra Iegem ou infra

legem que ce rapprochement peut l'être. On lit en effet dans Snell que
l'equity peut êtredéfiniecomme un élémentde la justice naturelle 89.
Cette conception de I'equityconsistant en somme en une possible déro-
gation audroit cummun n'ajamais reçu application en droit international.
Le juge international qui s'accorderait cette compétence s'érigerait en
législateur. Ses décisions créeraientun climat d'incertitude éloignant les
Etats d'unejustice dont ils ne peuvent vraisemblablement prévoirle droit

applicable. Qui d'ailleurs est plus à mêmed'en juger que le Gouverne-
ment britanniaue auiLécrivaitau Gouvernement des Etats-Unis dans les
termes suivants: «Aucun actionnaire n'a un droit quelconque sur un bien
quelconque de la société car il n'a sur ces biens aucun intérêt, soit selonle
common law, soit selon l'equity ... ». En définitive, l'equity,tout com-
me l'équitécontra Iegem ou infra legem, ne pourrait servir de fondement
à une solution judiciaire différente des règles du droit qu'elle tend à

modifier que de l'accord des parties acceptant une décisionex aequo et
bono.

Tellessont, en souscrivant à l'arrêtdela Cour, les observations complé-
mentaires que j'ai cru devoir ajouter àses motifs,

(Signé) Fouad AMMOUN.

89 [(It is possible to defineequity as a portion of natura..».Principles of
Equity, 4th ed. bR. E.Megarryand P.V. Baker,p. 9.
90 Note du 5 juillet 1928à propos de l'affaireRomano-Americana, Hackworth
Digest, V, p. 843. in the law, the Court would have been calledupon to remedy this in the
interest of justice. The solution would probably have been to have re-
course, as has just been stated, to equity praeter legem and a general
principle of law emerging from national legal systems. But the Court is
not faced with a logical lacuna in the law, since international legal
systems do not provide for a right granted, on the facts, to the share-
holders to be rendered licit.The lacuna which the argument of the appli-
cant Party would be calculated to fil1would be no more than a social
insufficiency, which only a special agreement conferring jurisdiction
ex aequo et bono, which does not exist in the present case, could have
remedied.
The system of Equity of the common-law countries has also been

referred to in the present case.
Itgoeswithout sayingthat there is no question of identifyingEquity of
English origin with l'équitéor aequitasof Romano-Mediterranean origin.
But if aparallel may be drawn between these two institutions, as to their
respectiveeffects,itis with equity contra legemor injra legemthat it may
be drawn. In fact, it is said in Snell'sEquity that equitymay be definedas
a portion of natural justice 89.This conception of Equity, which really
consists of a possible derogation from general law in a particular case,
has never been applied in international law. An international court which
conferred such jurisdiction upon itself would appoint itself a legislator.
Its decisionwould create an atmosphere of uncertainty which would drive
States away from a tribunal as to which they could not foresee, with any
degree of probability, what law would be applied by it. Furthermore,
who is better placed to judge of thisthan the British Government, which
wrote to the United States Government to the effect that: "... No
shareholder has any right to any item ofproperty owned by the Company,
for he has no legal or equitable interests therein .. . In fact, Equity,
like equity contra legem or infra legem, cannot serve as basis for a

judicial solution which is contrary to the rules of law which it seeks to
modify, unless it be by agreement of the parties to accept a decision
ex aequoet bono.

While 1subscribe to the Court's Judgment, such arethe supplementary
remarks which 1have thought 1should add to the grounds thereof.

(Signed) Fouad AMMOUN.

89 "It is possible to define equity as a portion of natural ju..."eSnell's
Principles of Equit,th edition by RE. Megarryand P. V. Baker, p. 9.
Digest, V, p. 843.y 1928 concerning the Romano-Americana case, Hackworth,

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Opinion individuelle de M. Ammoun

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