Opinion dissidente commune de MM. Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga et Sir Humphrey Waldock

Document Number
058-19741220-JUD-01-07-EN
Parent Document Number
058-19741220-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDENTE COMMUNE DE MM. ONYEAMA,
DILLARD, JIMGNEZ DE ARÉCHAGA
ET SIR HUMPHREY WALDOCK

[Traduction]
1. Dans son arrêtla Cour décidede son propre chef que la demande

de l'Australie est désormais sans objet. Nous contestons respectueuse-
ment mais avec énergiecette conclusion. Dans l'exposé qui va suivredes
raisons de notre dissentiment, nous présenterons tout d'abord une série
d'observations visant à expliquer pourquoi, d'apès nous, il n'est pas
justifiéde dire que la demande del'Australie n'a plus d'objet. Nous abor-
derons ensuite les questions de compétence et de recevabilitéque l'arrêt
n'examine pas mais qui nous paraissent d'une importance capitale pour
ce qui est de la manière dont la Cour aurait dû envisager les sujets sur
lesquels elleseprononce. Ce sont d'ailleurs ces deuxquestions, que l'arrêt
laisse de côté, que le demandeur avait étéexpressément invité à traiter

par l'ordonnance de la Cour du 22juin 1973.

PREMIÈRE PARTIER . AISON DSE NOTRE DISSENTIMENT

2. L'arrêtprocède fondamentalement du postulat que l'unique objet
de la demande australienne est d'obtenir la ((cessatio))des (cessaisnu-
cléairesatmosphériques effectuéspar la France dans la régiondu Paci-
fique Sud ))(par. 30). 11postule en outre que, bien que l'arrêt sollparté

l'Australie eût étéfondé sur la constatation que «de nouveaux essais
seraient contraires au droit international, une telle constatation ne serait
qu'un moyen utiliséen vue d'une fin et non une fin en soi(ibid.).
3. L'hypothèse debase de l'arrêt,qui prêteaux conclusions du deman-
deur un but unique et limité et circonscrit étroitement l'objectif qu'il
poursuivait en entamant la présenteinstance,estànotre avisinsoutenable,
et le raisonnement de la Cour aboutit en conséquence à une conclusion
erronée. D'après nous,cela est dû en partie au fait que l'arrêtne tient pas
compte de l'objet et de l'utilitéd'une demande d'arrêtdéclaratoireet plus
encore à ce que son hypothèse de départne correspond pas à la nature et

à la portée des conclusions formelles de l'Australie, telles qu'elles figu-
raient dans la requste, et même modifiel'une et l'autre.
4. Dans sa requête l'Australie:
((Prie la Cour dire et juger que, pour l'un quelconque ou l'en-

semble des motifs exposés ci-dessusou pour tout autre motif jugé
pertinent par la Cour, lapoursuite des essais atmosphériques d'armes
nucléairesdans l'océan PacifiqueSud n'est pas compatible avec les
règlesapplicables du droit international et Ordonner

à la République française de ne plus faire de tels essais. ))

5. En présentant cette conclusion, comme l'indiquait devant la Cour
un conseil de l'Australie (CR 7313, p. 60):

((le Gouvernement australien a prié la Cour de faire deux choses:
primo, dire et juger que la poursuite d'essais nucléairesdans I'atmo-
sphèreest contraire au droit international et aux droits de l'Australie,

secundo, ordonner que la France s'abstienne de faire de nouveaux
essais nucléaires dans l'atmosphère )).

Comme il ressort des premiers mots qui y figurent (((Asks the Court to
adjudge and declare N), la première partie de la conclusion telle qu'elle a
été formuléetend à obtenir de la Cour une déclarationjudiciaire concer-
nant I'illicéitédes essais atmosphériques effectués par la France dans

l'océanPacifique Sud.
6. Le paragraphe 19 de la requêteest ainsi conçu:

((Le Gouvernement australien demandera à la Cour de dire que
les nouvelles expériences dans I'atmosphère auxquelles le Gouverne-
ment' français pourrait procéder dans l'océan Pacifique nesont pas
conformes au droit international et violent les droits de l'Australie.

LeGouvernementaustraliendemandera aussique, aucasou leCiouver-
nement français ne donnerait pas à la Cour l'assurance qu'il considé-
rera toute déclaration qu'elle pourrait faire à l'effet indiquéci-dessus
comme une raison suffisante de mettre un terme à ces essais dans

l'atmosphère, la Cour rende une ordonnance enjoignant à la Répu-
blique françaisede s'abstenir detout nouvel essaidansl'atmosphère. »
(Les italiques sont de nous.)

En d'autres termes, la demande de déclaration représente la conclusion
essentielle. Si la Cour rendait une déclaration d'illicéitédans laquelle le
Gouvernement français voulût bien voir un motif suffisant pour mettre

fin à la poursuite des essais dans l'atmosphère, l'Australie ne maintien-
drait pas sa demande d'injonction.
11est donc difficile d'affirmer, comme le fait l'arrêtau paragraphe 30,
que la déclaration concernant le caractère illicite des essais atmosphé-

riques à quoi tend la première partie de la conclusion formelle du deman-
deur n'est qu'un moyen d'obtenir une décision de la Cour ordonnant la
cessation des expériences. Au contraire, cette déclaration est ce que vise
fondamentalement l'Australie, et le mémoire (par. 430) y voit d'ailleurs
<(la conclusion principale de la requête )).

7. Le requérant demande qu'il soit judiciairement déclaré que les
essais nucléaires dans I'atmosphère ne sont pas (compatibles avec les
règles applicables du droit international )).Cette assertion ne saurait être
considéréecomme un simple motif avancé pour justifier l'injonction de-

mandée. Les raisonsjuridiques invoquéespar le requérant à l'appui aussi
bien de la déclaration que de l'injonction ont trait notamment au fait quela France aurait violécertaines règles généralement acceptéescomme
droit coutumier en matière d'essais nucléairesen atmosphère, et qu'elle
aurait enfreint des droits considéréscomme,inhérents à la souveraineté
territoriale du requérant ou tenant au caractère de res cornmunis de la
haute mer. Les écritures distinguent nettement entre ces raisons destinées
à étayer les conclusions et les décisionsqui sont sollicitéesde la Cour.
Dans la conclusion la Cour est priée de prononcer une déclaration

d'illicéité((pour I'un quelconque ou l'ensemble des motifs exposés ci-
dessus ou pour tout autre motif jugépertinent )).Isoléede ces motifs ou
de cesthèsesjuridiques, la déclarationsuivant laquelle lesessais nucléaires
dans l'atmosphère ne sont pas c(cornpatib1esavec les règles applicables
du droit international ))n'est que la formulation précisede ce que le de-
mandeur prie formellement la Cour de décider dans le dispositifde
l'arrêt.S'il est vrai que ((prononcer dans le dispositif de l'arrêtque telle

ou telle de cesthèses estoui ou non fondéene rentrepas dans lesfonctions
judiciaires de la Cour 1 n,dire et juger qu'un certain comportement d'un
Etat est ou n'est pas compatible avec le droit international constitue un
aspect essentiel du contentieux international et est au cŒur mêmede la
fonction judiciaire de la Cour.
8. L'arrêtaffirme au paragraphe 30 que ((le demandeur a eu pour
objectif initial et conserve pour objectif ultime la cessation de ces essais;
dans ces conditions, on ne saurait considérer que sa demande tende à

obtenir uii jugement déclaratoire ». Selon nous la conclusion ne découle
aucunement de la prémisseénoncée.Dans les procès internationaux une
demande de jugement déclaratoire suffit normalement, mêmequand
l'objectif final du demandeur est d'obtenir que prenne fin un certain
comportement du défendeur qu'il considère illicite. Comme Hudson l'a
écritdans son opinion individuelle en l'affaire des Prises d'eau a la Meuse:

Dans la jurisprudence internationale, toutefois, les sanctions
sont de nature différenteet jouent un rôle différent; il en résulte
qu'un arrêtdéclaratoireaura fréquemmentla mêmeforce exécutoire
qu'un arrêténonçant un ordre du tribunal; les Etats ne sont pas

moins disposés à respecter I'un que l'autre. » (C.P.J.I. série AIB
no 70, p. 79.)
Et, pour reprendre les termes de Charles De Visscher:

((La tâche essentielle de la Cour, telle qu'elle ressort tant des con-
clusions des Parties que des dispositifs de ses arrêtsse ramène nor-
malement à définir lesrapportsde droit entre Parties sans indication

de prestations déterminées.Très généralement,les décisions s'abs-
tiennent de prononcer des condamnations, laissant aux Etats parties
au litige le soin de tirer eux-mêmesles conséquences qui s'y atta-
chent 2.))

1 Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recup.32.960,
2 Charles De Visscher, Aspects récentsdu droit prorédural de la Cour internationale
de Justice,aris, 1966,p.54.

65 9. Une conclusion double, comme celle qui a été présentéeici,
tendant à la fois à obtenir une déclaration d'illicéitéet un ordre ou injonc-
tion d'avoir à mettre fin à certaines mesures n'est pas sans exemple dans
le contentieux international.
Quand, dans d'autres affaires, la Cour et sa devancière se sont trouvées

en présence d'une conclusion ainsi dédoublée, elles l'ont considérée
comme renfermant deux conclusions formelles indépendantes, dont la
première ou partie déclaratoire était considérée comme une conclusion
véritable, une fin en soi et pas simplement un élément duraisonnement ou
un moyen d'obtenir la cessation de l'activité taxée d'illicite(Prises d'eau

à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I. série A/B no 70, p. 5, 6 et 28;
Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêr,C.I.J. Recueil 1960,
p. 10 et 31).
Le fait que par la suite la Cour soit invitéeà ordonner ou à enjoindre
telle ou telle mesure, comme ce fut lecas dans les affaires susmentionnées,
n'a pas été considéré alors et ne saurait être accepté commeun motif

suffisant pour négligerou écarter la conclusion principale du demandeur
ou pour la traiter comme une partie du raisonnement. II n'est pas non
plus justifié d'appliquer une dichotomie conceptuelle entre lesjugements
déclaratoires et les autres pour aboutir à ce mêmerésultat. Le fait que le
demandeur n'aspire pas seulement à faire constater par une déclaration

la situation juridique, mais demande aussi des mesures correctives qui
en sont la conséquence ne saurait être invoquépour laisse- de côté la
conclusion fondamentale qui tend A faire constater la situation juridique
dans le dispositif de l'arrêt.
10. Dans les affaires évoquées précédemmentles juges qui, dans leurs

opinions individuelles, ont étéamenés à analyser en détail les conclu-
sions des demandeurs ont reconnu que, fondamentalement, ceux-ci cher-
chaient à obtenir de la Cour un jugement déclaratoire. Nous avons déjà
mentionné l'opinion individuelle de Hudson dans l'affaire des Prises
d'eau a la Meuse. Dans celle du Droit de passage sur territoire indien,
MM. Winiarski et Badawi ont reconnu. dans leur o~inion dissidente.

que ce que le Gouvernement portugais demande à la Cour, c'est donc
de rendre en premier lieu un jugement déclaratoire )).Et ils ont ajouté
ceci, qui s'applique tout a fait à la présente espèce:

((bien que cette demande soit suivie des deux autres, complémen-

taires et éventuelles, elle constitue l'essence même de l'affaire ...
L'objet de l'action, tel qu'il résultede la première conclusion portu-
gaise, est de faire reconnaître, constater par la Cour la situation de
droit entre Parties.)>(C.I.J. Recueil 1960, p. 74.)

Dans son opinion dissidente, M. Armand-Ugon a écritlui aussi ((la Cour
est sollicitée de rendre un arrêt déclaratoire sur l'existence du droit de
passage ))(C.I.J. Recueil 1960, p. 77). Cette manière de voir n'inspirait
pas seulement les opinions dissidentes: l'arrêtrendu par la Cour en cetteaffaire énonceque le demandeur ((a invoquéson droit de passage et de-
mandé à la Cour de reconnaître l'existence de ce droit ))et il poursuit:

((à cette première demande, le Portugal en ajoute deux autres qui,
d'ailleurs, sont subordonnées à une réponse favorable qui serait
donnée,en totalitéouen partie, à la premièredemande :elles devien-
dront sansobjet si le droit prétendun'est pas reconnu ))(ibid.,p. 29).

11. Dans une affaire portée devant la Cour par requêtelesconclusions
formelles des Parties définissent l'objetdu différend,comme le reconnaît
le paragraphe 24 de l'arrêt. 11faut donc considérer que ces conclusions

correspondent aux objectifs que vise le demandeur en introduisant
l'instance judiciaire.
La Cour a certes le droit d'interpréterles conclusions des Parties, mais
rien ne l'autorise à les transformer radicalement. La Cour permanente
s'est expriméeainsi sur ce point: Si ellepeut interpréter lesconclusions
des Parties, elle ne saurait se substituer à celles-ci pour en formuler de
nouvelles sur la base des seulesthèses avancéeset faits allégués. ))(C.P.J.I.

série A no 7, p. 35, affaire relativeà Certains intérêta sllemands en Haute-
Silésiepolonaise.) Au paragraphe 29, l'arrêtvoit là une limitation du
pouvoir de la Cour d'interpréterlesconclusions ((quand lademande n'est
pas formulée comme il convient parce que les conclusions des parties
sont inadéquates)).Si, toutefois, la Cour n'a pas le pouvoir de reformuler
des conclusions inadéauates. elle ne saurait à fortiori reformuler des
conclusions aussi claires et précisesque dans la présenteespèce.

12. Les affaires invoquées par l'arrêten son paragraphe 29 pour
écarterla première conclusion du demandeuren l'espècenejustifient selon
nous en aucune manière un traitement aussi sommaire de (<la conclusion
principale de la requête)).Dans lesdites affaires les conclusions que la
Cour n'a pas considérées commedes conclusions véritables étaient des
développements prtcis qui avaient pour seul objet de motiver la décision

sollicitéede la Cour dans la ((vraie ))conclusion finale. C'est ainsi que
dans l'affaire desPêcheries le demandeur a résumé,sous forme de conclu-
sions, toute une sériede propositions juridiques, dont certaines n'étaient
mêmepas contestées, pour amener logiquement ses véritables con-
clusions finales (C..I.J. Recueil 1951, p. 121-123 et 126). Dans l'affaire
des Minquiers et Ecréhous, la ((vraie))conclusion finale a été énoncée en
premier et suivie de deux arguments juridiques qui visaient à fournir

d'autres motifs pour que la Cour retienne cette conclusion (C.I.J. Recueil
1953, p. 52); dans l'affaire Nottebohm une conclusion concernant la
naturalisation de Nottebohm au Liechtenstein n'a été considérép ear la
Cour que comme (tune raison à l'appui d'une décision de la Cour en
faveur du Liechtenstein >)sur la ((vraie question ))de la recevabilitéde la
demande (C.I.J. Recueil 1955, p. 16). Dans la présenteespèce, comme
nous l'avons dit, la situation est entièrement différente.La question fon-

damentale soumise à la décisionde la Cour est celle du caractère licite ou
illicite des expériences nucléairesfrançaises en atmosphère dans l'océan
Pacifique Sud, et ilnous paraît entièrement injustifiéde traiter la demandede déclaration d'illicéité présentépear le requérant comme un simple
motif a l'appui de l'interdiction de nouveaux essais qu'il sollicite égale-
ment.
13. Conformémerit à ces principes de base, il aurait fallu déterminer
la véritablenature de la demande australienneet des objectifs viséspar le
requérant en se fondant sur le sens clair et naturel du texte de sa conclu-

sion formelle. Dans l'interprétation qu'elle en a donnée la Cour, selon
nous, n'a pas vraiment interprété maisreviséle texte, et éliminépour
finir ce que le requérant avait appelé ((la conclusion principale de la
requête n, c'est-à-dire la demande tendant a ce que les essais nucléaires
atmosphériques dans l'océan Pacifique Sudsoient déclarésillicites. Il est
grave de modifier ou de mutiler radicalement la conclusion d'un plaideur,
sous couleur d'interlprétation,car on frustre ainsi son attente légitimeque
l'affaire dontila saisi la Cour sera examinéeet résolue. Enl'occurrence
les conséquences soi~tnon seulement graves mais irrévocables,le deman-
deur ne pouvant plils représenter sa requêteet saisirà nouveau la Cour
puisque la France ;adénoncéles instruments sur lesquels il prétendait
fonder la compéten<:ede la Cour en l'espèce.

14. Nous pensons que la Cour revise la conclusion du demandeur en
faisant appel à d'autres élémentset notamment aux communications
diplomatiqueset déclarations faitesau cours de la procédure.Ceséléments
nejustifient cependantpas l'interprétation qu'en tire l'arrêt.1est fait état
des demandes réitérées de l'Australie tendant à obtenir de la France
l'assurance qu'il serait mis fin aux essais. Ces demandes ne sauraient
cependant avoir l'effetque l'arrêtleur attribue. Pendant qu'un procès se
déroule, un demandeur peut prier son adversaire de l'assurer qu'il ne
poursuivra pas I'aclivitécontestée, mais on ne peut en conclure qu'une
assurance sans réserve, à supposer qu'elle soit donnée, répondrait à tous
les objectifs que visait le demandeur en entamant la procédurejudiciaire;

encore moins peut-on restreindre ou amender pour cette raison les
prétentions formellement soumises à la Cour. D'après le Règlement, ce
résultat ne pourrait êtreobtenu que si ledemandeur donnait une indica-
tion précisedans ce sens en retirant l'affaire,en modifiant sesconclusions
ou par toute autre action équivalente. Ce n'est pas pour rien que les
conclusions doiveni êtreprésentéespar écrit et porter la signature de
l'agent. II est donc illogique d'interpréter les demandes d'assurances
comme une renonciation, une modification ou un retrait tacite de la
requêtedont la Cour reste saisieet qui vise a faire déclarerjudiciairement
que les essais atmosphériques sont illicites. Et puisque l'arrêtattribue au
demandeur des intentions et des renonciations implicites, la Cour aurait
dû pour le moins lui donner la possibilité d'expliquer ses desseins et

objectifsvéritables,,aulieud'entreprendre de lesdéterminer inauditaparte. ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DlSS. COM.) 318

15. S'ilrépèteque ledemandeur a eu pour objectif d'obtenir la cessation
des essais nucléairesdans l'atmosphère, l'arrêts'abstient d'examiner une

question cruciale, celle de la date à laquelle il entendait atteindre cet
objectif. Pour y répondre, il faut rechercher à partir de quand la con-
clusion austra1ienn.e mettait en cause le caractère licite des essais
atmosphériques français. Les mots further atmospheric tests (« la pour-
suite des essais atrnosphériques )))que I'on trouve dans la conclusion
figurent aussi dans la note diplomatique australienne adressée au
Gouvernement fra~içais le 3 janvier 1973. Cette note affirmait pour la
première fois que les essais étaient illicites et demandait expressément
qu'il n'y soit plus procédé.Quand un Etat adresse à un autre une com-

munication lui deinandant « de s'abstenir de tous nouveaux actes))
qualifiés d'illicites,il paraît évidentque cette prière et cette affirmation
concernent tous le,sactes qui pourraient avoir lieu après la date de la
communication en question. De même,quand l'Australie a déposésa
requête,ilparaît évidentqu'en priant laCour de déclarerillicite (la pour-
suite des essais atrnosphériques d'armes nucléaires ))elle visait tous les
essais effectués à partir du 9 mai 1973, date de l'introduction de I'ins-
tance.
Alors qu'une injonction de la Cour interdisant ((la poursuite des essais

atmosphériques ))rie pourrait avoir effet qu'à partir de la date où elle
serait prononcé, une déclaration judiciaire d'illicéitécomme celle qui
étaitdemandée s'appliquerait non seulement aux expériences à venir mais
aussi à celles qui ont eu lieu en 1973et 1974après le dépôt dela requête.
Que tel ait étélYob;iectifu demandeur, c'est ce que confirme le fait que,
dès le dépôt de la requête,l'Australie a demandé des mesures conser-
vatoires pour se protéger contre la poursuite éventuelle des essais
atmosphériques frarnçaisaprès l'introduction de l'instance et tant que la
Cour n'aurait pas statué au fond. Si I'on demande que soient déclarés

illicites, entre autres, les essais atmosphériques effectuésen 1973et 1974
en contravention de l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires, des déclarations d'intention visant uniquement des essais qui
seraient entreprisà.partir de 1975ne peuvent pas priver d'objet une telle
demande.
16. Voir leschoses autrement équivaudrait à ne tenir aucun compte du
fait que l'Australie pourrait demander une réparation au titre des douze
essais effectuésen 11973et 1974. 11est vrai que dans la présente instance le
Gouvernement austalien n'a pas demandé à êtredédommagépour le

préjudice subi. Mais il n'a pas non plus renoncé à demander des dom-
mages-intérêts par la suite. Il est significatifqu'il ait dit dans son mémoire
(par. 435): ((pour["instant1)(les italiques sont de nous), le Gouvernement
australien n'a pas 1'«intention de demander une réparation pécuniaire )).
On ne saurait donc exclure que le demandeur cherche à obtenir un
dédommagement par la suite, que ce soit par la voie diplomatique ou de
toute autre manièr~ea,u cas où une déclarationd'illicéité seraiptrononcée
en sa faveur. Une procédure semblable, qui n'est pas inconnue des
tribunaux internationaux, se comprendrait particulièrement dans .uneaffaire de retombée:^ radioactives où la vérification de l'existence et de
l'étenduedu préjudicepeut exigerun certain temps.

17. Dans l'une des affaires où desdommages-intérêtsont étédemandés
sur la base d'un arrêt déclaratoire antérieur, la Cour permanente a
approuvé le parti qui était ainsi tiréde cet arrêtet a précisé qu'ilétait

destiné:
((à faire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes et
avec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation
juridique ainsi fixéene puisse plus êtremise en discussion, pour ce
qui est des coniséquencesjuridiques qui en découlent ))(Interprétation
des arrêtsnos 7 et 8 (Usine de Chorzbw), arrêtno 11, 1927, C.P.J.I.

sérieA no 13, p. 20).
18. De plus, et en dehors de toute demande de réparation, on ne
saurait dire qu'une déclaration concernant I'illicéides essais français
d'armes nucléaires dans l'atmosphère soit sans objet pour ce qui concerne
lesnombreuses explosions de 1973et 1974.Sila Cour consentait à la faire,

cettedéclaration caractériseraitlesessaiscomme constituant une violation
des droits que l'Australie possèdeen vertu du droit international. Ainsi
que le confirme avec netteté I'arrêtde la Cour dans l'affaire du Détroit
de Corfou (C.I.J. Receuil 1949,p. 35)une déclarationsemblable constitue
un type de ((satisfaction» àlaquelle le requérant aurait pu légitimement
prétendre lorsqu'il a présentéses conclusions finales en la présente
instance, et cela indépendamment de toute demande de dommages-
intérêts.Dans l'afiaire qui vient d'êtreévoquée laCour avait du reste
indiqué dans le dispositif de l'arrêtqu'une déclaration semblable cons-
tituait((en elle-mênne une satisfaction appropriée »(ibid., p. 36).

19. L'arrêt laissesupposer qu'il existait un différendentre les Parties
mais affirme que ce:différenda désormais disparu parce que ((l'objet de
la demande a été atteintd'une autre manière ))(par. 55).
Nous ne pouvons souscrire à cette conclusion, fondée sur la prémisse
que la requêtevisait uniquement à obtenir la cessation des essaisà partir
de la date de l'arrzt. A notre avis, le différendentre les Parties n'a pas
disparu puisqu'il portait dès l'origine sur la question de la licéitédes
essais après la date de la requête.Certes, sur le plan des faits, la portée du
différend estmoindre s'il n'est pas procédé à de nouveaux essais atmo-

sphériques en 1975et ultérieurement mais, du point de vuejuridique, la
question qui demeure en litige est celle de savoir si les essais nucléaires
atmosphériques quii ont effectivement eu lieu en 1973 et 1974 étaient
compatibles avec les règlesdu droit international.
Les Parties n'ont pas modifié leur position à cet égard. L'Australie
continue à demander à la Cour de déclarerque les essais nucléairesenatmosphère sont colntraires au droit international et est prête à défendre
et développer ce point. De son côtéla France, comme l'admet l'arrêt
(par. 51), maintient que ((ses expériences nucléairesn'ont violéaucune
règle du droit international ».Lorsqu'il a annoncé qu'il n'y aurait plus
d'essais en 1975,le Gouvernement français, selon l'arrêt,n'a pas reconnu
que la France était tenue de mettre fin à ses expériencespar une règlede
droit international {ibid.).

Par conséquent, loin d'avoir disparu, le différendjuridique entre les
Parties persiste. En statuant sur la licéité des essais nucléairesen atmo-
sphèredans la régiondu Pacifique Sud, la Cour seprononcerait donc sur
une controversejuridique dans laquelle les Parties se contestent récipro-
quement un droit.
20. Nous ne pouvons souscrire à l'opinion que le jugement qui tran-
cherait un tel différent seraitprononcé dans l'abstrait et serait dépourvu
d'objet ou de raison d'être.Au contraire, comme on l'a péjà montré,
il affecterait les droits et obligationsjuridiques existants des Parties. Si le
demandeur obtenait gain de cause,-il lui assurerait des avantages sur le
plan juridique. Si c'étaiten revanche le défendeurqui l'emportait, il lui
serait utile en écartant la menace d'une action non fondée.Ainsi un arrêt
sur la licéitédes essais nucléairesatmosphériques aurait, pour reprendre
les termes employés par la Cour dans l'affaire du Cameroun septen-
trional:

((des conséquencespratiques en ce sens qu'il doit pouvoir affecter
les droits ou obligations juridiques existants des parties, dissipant
ainsi toute incertitude dans leurs relationsjuridiques» (C.I.J. Recueil
1963, p. 34).

Dans cette optique, un jugement déclaratoire définissantla situation
juridique entre les Parties- comme l'eût étécelui par lequel la Cour se
serait prononcée sur la première partie des conclusions du demandeur -
aurait conféréun caractère de certitude aux relationsjuridiques entre les
Parties. Le résultaitrecherché n'estpas atteint par la constatation de la
Cour qu'il existe un engagement unilatéral, constatation fondée sur une
sériede déclaratioinsqui présentent certaines divergences et ne s'accom-
pagnent pas de l'acceptation des thèsesjuridiques du demandeur.
Deplus, la conclilsion dela Cour sur l'engagement unilatéralconcernant
la reprise éventuelle des essais nucléaires dans l'atmosphère ne saurait

êtreconsidérée cornme donnant au demandeur le mêmetype ou le même
degré de sécuritéjuridique qu'une déclaration par laquelle la Cour
spécifierait que ces essais enfreindraient les règles généralesde droit
international applicables entre la France et l'Australie. C'est ce dont
témoigne le fait mêmeque la Cour a dû se contenter de conclure que
I'engagement unilatéral du Gouvernement français ccne saurait être
interprété comme ayantcomporté l'invocation d'unpouvoir arbitraire de
revision))(les italiques sont de nous) et qu'«il convient de comprendre
l'objet précis et les limites [de l'obligation assumée] dans les termes
mêmesoù ils sont expriméspubliquement ». 21. Quoi qu'on puisse penser de l'arrêt rendudans l'affaire du Came-
roun septentrional, la Cour a admis a cette occasion qu'il existe une dif-

férencedéterminante entre un jugement déclaratoire ayant pour objet
(comme c'eût étéIf:cas en l'espèce)un traité qui n'est plus en vigueur -
jugement qui peut êtreconsidérécomme ((sans effet ))- et un jugement
déclaratoire qui ((interprète un traité restant en vigueur» (les italiques
sont de nous) ou (1définitune règlede droit international coutumier ))(les
italiques sont de rious). Dans ces deux derniers cas, a dit la Cour, le
jugement déclaratoire ((demeure applicable dans l'avenir)) (C.I.J.
Recueil 1963,p. 37). En d'autres termes, selon l'arrêtrendu dans I'affaire

du Camerounseptentrional, un jugement ne sauraitêtreconsidérécomme
((sans effet))ni une controverse comme sans objet lorsqu'il s'agitd'ana-
lyser l'applicabilité:pour l'avenir d'un traitéen vigueur ou d'une règlede
droit international coutumier. Telle est précisément lasituation dans la
présenteaffaire.
Cette affaire, telle qu'elle a étéexposéepar le demandeur, concerne
I'applicabilitépouir l'avenir d'une règlede droit international coutumier
qui pourrait êtreen voie de formation et qui a fait l'objet de nombreux

développements dans le mémoireet dans les plaidoiries. La question de
savoir si ledemandeur pourrait ou non justifier entotalitéou enpartie ses
thèsesau stade de la procédure sur le fond est sans pertinence: l'essentiel
est que son action n'est pas manifestement futile ou vexatoire mais qu'il
s'yattache des con.séquencesjuridiques qui présentent pour lui un intérêt
en droit. Selon lar terminologie employée dans I'affaire du Cameroun
septentrional, un jugement les concernant cdemeure[rait] applicable

dans l'avenir 1).Des points litigieux de fait comme de droit restent à
élucideret à trancher.
Ainsi, la distincf.ionétabliedans l'affairedu Camerounseptentrional est
conforme au but fondamental d'un jugement déclaratoire qui est, dans
une procédure contentieuse comportant un véritable différend, d'éclaircir
et de stabiliser les relations juridiques des parties. En excluant pour
l'avenir, au présen.tstade de l'instance, toute argumentation sur le fond,
la Cour a rendu un tel résultat impossible. Selon nous, par conséquent,

non seulement elle:a mal interprété la portéedes conclusions du deman-
deur mais elle n'a pas su reconnaître le rôle utile qu'un jugement déclara-
toire peutjouer en réduisantles incertitudes des relationsjuridiques entre
les parties et en piirant aux conflits éventuels.

22. Il est dit aii paragraphe 23 de l'arrêtque la Cour a un pouvoir
((inhérent 1)qui l'autorise à prendre toute mesure voulue, et affirmé
qu'elle doit veilleirà ((assurer ))le respect des ((limitations inhérentes à
l'exercicede la fonction judiciaire de la Cour ))età ((conserver son carac-tèrejudiciaire ». L'affairedu Camerounseptentrionalest citée à l'appui de
ces affirmations trèsgénérales.
Sans nous arrêter à analyser la signification de l'adjectif ((inhéren»,
disons que la notion dejuste procès dans sa rigueur ne comprend aucun
élément ( ((inhérent>>ou autre) qui amène, et encore moins oblige, à con-

clure que la présenteaffaire est devenue sans objet. Bien au contraire, le
respect de la fonctionjudiciaire, convenablement entendue, dicte la con-
clusion inverse.
La Cour, ((dont la mission est de réglerconformémentau droit interna-
tional les différendsqui lui sont soumis »(art. 38, par. 1, du Statut), a le
devoir de trancher les affaires dont elle est saisie et qu'elle a compétence
pour examiner. Il n'est pas laissé à sa discrétion de choisir les affaires
contentieusessur 11:squelleselle statuera ou ne statuera pas. Non seule-
ment les impératifs de la fonction judiciaire mais aussi les dispositions
statutaires régissant la constitution de la Cour et ses attributions lui
imposent l'obligatilonessentielle de se prononcer sur les affaires qui lui,
sont soumiseslorsqu'elle est compétenteet ne constate l'existenced'aucun
motif d'irrecevabilité. Selon nous, la Cour ne peut se dispenser de cette

obligation essentielle que dans des cas toutà fait exceptionnelset lorsque
les considérations les plus impérieusestouchant ce qui est approprié à la
fonction judiciaire i'exigent. Nous sommes très loin de penser qu'il existe
en l'espècede telles considérations.
23. Au surplus, ce pouvoir ((inhérent » et ce devoir «de conserver son
caractère judiciaire1)qu'aurait la Cour et dont parle l'arrêtexigeraient
pour le moins, selon nous, qu'elle entende les Parties ou leur demande de
présenter des obseirvations écritessur les questions traitées et tranchées
par l'arrêt.Cela s'applique en particulier à la question des objectifs que
poursuivait le demandeur en introduisant l'instance et à cellede la valeur
et de la portée des;déclarations faites par la France au sujet des essais
futurs. Ces questions n'ont pu faire l'objet d'un examen détailléau fond

au cours de la procédure écriteou oralepuisque, selon la directive précise
donnée aux Parties par la Cour, la procéduredevait porter ((d'abord sur
la question de la compétencede la Courpour connaîtredu différendet sur
celle de la recevabilitéde la requête D. On n'a jamais signifiéou laissé
entendre aux Partiesquecette directive n'étaitplus valable ni que la Cour
aborderait d'autres questionsqui n'ont été ni plaidéesni discutéesetsur la
base desquelles pourtant l'affaireest définitivementclassée.

II est vrai que le conseil du demandeur a fait allusion,pendant l'une des
audiences, à la première déclaration d'intention de la France mais il ne
l'a fait que pour préluderà son analyse des questionsde compétenceetde
recevabilité et daris le cadre d'un examen général desfaits intéressant
l'instance. II avait d'ailleurs alors pour instruction formelle de la Cour de

s'en tenir exclusivement aux questions relatives à la compétenceet à la
recevabilitéde la requête.Aussi le conseil du demandeur ne pouvait-il
traiter- et il ne l';apas f-itdes questions particulières sur lesquelles la
Cour se prononce dans l'arrêt, celles de savoir quels objectifs visait le
73demandeur en engageant une procédurejudiciaire et si les diverses décla-
rations faites par la France ont eu pour effet d'ôter tout objet àlademande
de l'Australie.
La situation, à cet égard, est entièrement différentede celle de I'affaire

du Cameroun septentrional, dans laquelle les Parties avaient eu toute
possibilité de plaider, tant oralement que par écrit,la question de savoir
si la prétention du demandeur avait ou non perdu son objet avant que la
Cour ne se prononce sur ce point.
On se trouve donc devant une contradiction fondamentale quand la
Cour invoque son ((pouvoir inhérent ))et son ((caractère judiciaire ))pour

se dispenserd'examiner I'affaire tout en refusant dedonnerau demandeur
la possibilitéde présenter des argumentsen sens contraire.
Nul ne douteque la Cour ait lepouvoir de statuer d'office sur les points
qui lui paraissent appeler une décision. Lavéritable question n'est pas de
savoir si elle a tel ou tel pouvoir mais si dans un cas d'espèce l'exercicede

ce pouvoir est compatible avec la bonne administration de lajustice. Pour
toutes les raisons indiquées ci-dessus, nous estimons que,dans lescircons-
tances de la prése:nteespèce, le fait de déciderde I'absence d'objet sans
donner au demandeur la possibilité de présenter des conclusions en sens
contraire n'est pas compatible avec la bonne administration de la justice.
Nous pensons eri outre que le défendeur aurait dû au moins êtreinfor-

méque la Cour se proposait d'examiner les conséquences que pouvaient
avoir sur la procédure en cours les déclarations du Gouvernement
français relatives à sa politique future en matière d'essais atmosphériques.
C'étaitànotre avisindispensable car la Cour pouvait êtreamenée,comme
ellel'a en effet été,,àrendre un prononcé dont l'objet n'étaitrien de moins

que les obligations de la France - que celle-ci aurait assumées unilatéra-
lement - concernant lesdits essais.
24. L'examen di1 lien qui existe entre la question de I'absence d'objet
et les exigences d'iine bonne justice ne fait que renforcer les conclusions
ci-dessus.
IIn'est pas inutile de souligner que conclure que I'action du demandeur

n'a plus d'objet n'est qu'une autre façon de dire que l'issue de cette action
ne présente plus pour le demandeur aucun intérêt.Dans la perspective
d'une procédure contradictoire, une telle affirmation est lourde de con-
séquences.
Si le demandeur n'a plus d'intérêten jeu dans l'affaire, c'est-à-dire si

celle-ci est vraiment sans objet, I'action en justice tend à êtreaffaiblie,
dans la mesure où irequi incite principalement le demandeur à faire valoir
ses moyens de droit et de fait avec suffisamment de vigueur et de cons-
cience perd de sa iforce.C'est là un des motifs qui peuvent justifier qu'on
déclare une affaire sans objet, car le fonctionnement d'une bonne justice
présuppose 1'existe:nced'un conflit d'intérêtset exige non seulement que

les parties aient toiute possibilité de rechercher et de présenter les moyens
de droit et de fait se rapportant au litige mais aussi qu'elles aient une
raison suffisante de le faire.
En l'espèce, il ;apparaît immédiatement que ce motif pour déclarerl'affaire sans objet; (moot) fait totalement défaut, conclusion que ne
détruit nullement la non-comparution du défendeur.

Le demandeur a déjà exposé avec zèle et habiletéla nature de l'intérêt
juridique qu'il continue à avoir dans le différendet a fait valoir avec
insistance devant la Cour la nécessitéd'approfondir la question lorsque
l'affaire seraitxaminéeau fond. On peut difficilement dire qu'il man-
quait de raison d'agir, si l'on considèresesconclusions ainsi que la nature
et le but d'un jugement déclaratoire.

25. De plus, le demandeur a manifestépar sa conduite l'intérêt qu'il
continue àporter à.l'affaire. Si, comme l'affirmel'arrêt,tous les objectifs
du demandeur étaient atteints, celui-ci aurait normalement dû se désister
de son action conformément à l'article 74 du Règlement. Il ne l'apas fait.
Or cet article, avec l'article 73 sur les arrangements amiables, règle la ma-
nière de mettre fin àune instance une fois que celle-ci a étéengagée.Ces
deuxarticles exigent des actes deprocédureformels et écritsde la part des
agents, de manière à éviterles malentendus, àprotégerles intérêts respec-
tifs des parties età offrirà la Cour la certitude et la sécuritéqui sont
nécessairesdans une procédure judiciaire.

26. Enfin, nous estimons que la Cour auraitdû,en vertu de l'article 36,
paragraphe 6, et de I'article 53du Statut, trancher la question de sa com-
pétence à l'égard(duprésent différend. C'étaitd'autant plus important
qu'en l'espèce le Gouvernement français a contesté que la Cour fût com-
pétente à la date di1dépôtde la requêteet, par conséquent, qu'elle eût été
régulièrement saisie; il a soutenu que l'Actegénéralde 1928n'était plus un
traitéen vigueur et que la réservede la France relative aux questions de
défense nationale rendait la Cour manifestement incompétente dans le
présentdifférend. Dans l'affairedu Camerounseptentrional,invoquéeau
paragraphe 23 de l'arrêt,le défendeur avait bien soulevédes exceptions

d'incompétence mais il reconnaissait que l'accord de tutelle étaitune con-
vention en vigueur au moment du dépôtde la requête.Dès lors, il était
incontestable que la Cour avait étérégulièrement saisiepar voie de
requête.
27. Selon nous, il ne fait pas de doute, pour les raisons qui sont déve-
loppéesdans la deuxièmepartie de notre opinion, que la Cour soit com-
pétentepour connaître du présentdifférend.Dans l'arrêt, cependant,elle
éludele problème juridictionnel, affirmant que les questions relatives au
respect (deslimitations inhérentes à l'exercicede la fonction judiciaire de
la Cour )doivent êtreexaminéespréalablement aux problèmes de com-
pétence(par. 22 et 23). Nous ne pouvons souscrire à cette, affirmation.
La compétence qu'a ou non la Cour de connaître d'un différenddonné

constitue une limitation statutaire fondamentale de l'exercicede sa fonc-
tion judiciaire et la Cour aurait donc dû se prononcer sur ce point dansl'arrêt, ainsiqu'il paraît clairement ressortir de l'articl67, paragraphe 6,
de son Règlement.
28. 11 nous est difficile de comprendre comment la Cour pouvait
arriver, en fait et en droit, à des conclusions de fond comme celles qui

imposent à la France une obligation internationale de s'abstenir de nou-
veaux essais nucléa.iresdans le Pacifique d'où la Cour déduit que l'affaire
((ne comporte plus d'objet » sans conclure au préalable qu'elle était
valablement saisie du différend et avait compétence pour en connaître.

L'arrêt reconnaît implicitement qu'un différend existait à la date de la
requête,ce qui distingue cette affaire de celles où la question centrale est
de savoir s'il existait ab initi un différend quelconque. Les conclusions
énoncéespar la Cour dans d'autres affaires au sujet de l'existence d'un
différend à la date: de la requête étaient fondéessur le pouvoir qu'a la

Cour de se prononcer sur sa propre compétence aux termes du Statut.
Mais dans la présente espèce la Cour a renoncé à exercer ce pouvoir
statutaire. Selon l'arrêt,le différendaurait disparu ou serait résoludu fait
d'engagements résilltant de déclarations unilatérales à l'égard desquelles
la Cour ((tient qu'elles constituent un engagement comportant des effets

juridiques)) (par. 51) et ((constate que la France a pris l'engagement de ne
plus procéder à d'esessais nucléaires en atmosphère dans le Pacifique
Sud ))(par. 52). Pour parvenir à de pareilles constatations la Cour doit
posséder une compétence qui l'autorise à examiner et à préciser les effets
juridiques de certaines déclarations qu'elle estime pertinentes et liéesau

différend originairt:. Invoquer un prétendu ((pouvoir inhérent qui I'auto-
rise à ...assurer le règlement régulierde tous les points en litige N,comme
elle le fait au paragraphe 23 de l'arrêt,ne suffit pas à fonder les conclu-
sions par lesquelles elle se prononce, dans cet arrêt, sur les droits et les
obligations de fond des Parties. II semble que I'arrêtdonne une interpré-

tation extensive de ce pouvoir inhérent ((sur la base duquel la Cour est
pleinement habilité:eà adopter toute conclusion éventuellement nécessaire
aux fins )) d'assurer ((le règlement régulier de tous les points en litige ))
(par. 23). Mais une interprétation aussi large du prétendu ccpouvoir inhé-
rent )) obscurcit la. distinction entre la compétence conféréeà la Cour

par le Statut et celle qui résulte de l'accord des Etats. Ce serait donc un
moyen facile et inadmissible de tourner une exigence fondamentale soli-
dement établiepar lajurisprudence de la Cour et le droit international en
général,à savoir que la compétence de la Cour est fondéesur le consente-
ment des Etats.

Force est donc de conclure, nous semble-t-il, que la Cour, en rendant
le présent arrêt,a exercéune compétence de fond sans commencer par
établir l'existence de cette compétence et les bases juridiques sur lesquelles
elle repose.

29. A la véritéla position juridictionnelle adoptée par la Cour dansson
arrêt nous paraît receler une contradiction manifeste. Si le prétendu
ccpouvoir inhérent )) est considérépar la Cour comme l'autorisant à
décider que la France a désormais l'obligation juridique de ne plus faired'essais nucléairesen atmosphère dans l'océan Pacifique Sud,pourquoi ne
l'autoriserait-il pas aussidécider,sur la base de cette mêmeobligation
internationale, quela poursuite de tels essais ne serait pas ((compatible
avec les règlesapplicables du droit international))et à ordonner à la
Républiquefrançaise de ne plus faire de tels essais? Autrement dit, si la
Cour peut se pron~oncersur les obligations juridiques de la France en
matière d'expérimentation nucléaire dans l'atmosphère, pourquoi n'en
tire-t-elle pas les~nclusionsvoulues quant aux demandes du requérant

au lieu de les juger désormaissans objet? L'observation qui précèdene se
réfèrequ'à lanotion de ((pouvoir inhérent»développéedans l'arrêtet ne
concerne évidemmentpas le fond de l'affaire, dont la Cour n'a pasà con-
naître au stade actuel.

Considérant qu'iil est indispensable de déterminer si la Cour était
compétente et la re:quêterecevable pour justifier tant les conclusions de
l'arrêtque nos raisons de ne pasy souscrire, nous examinerons à présent
successivement les problèmes de compétence et de recevabilité qui se
posaient à la Cour dans la présenteaffaire.

DEUXIÈMZ PARTIEC . OMPÉTENCE

Introduction

30. Au début de la présenteinstance, le Gouvernement français a nié
catégoriquement que la Cour eût compétence pour connaître de la
requête australienne du 9 mai 1973et il a continuéensuite à nier qu'il y
eût une base juridique quelconque à l'ordonnance du 22 juin 1973 par
laquelle la Cour i:ndiquait des mesures conservatoires ou à l'exercice
d'une compétence quelconque par la Cour à l'égard desquestions traitées
dans la requête.Qu.andelle a rendu son ordonnance relative aux mesures
conservatoires, la Cloura dit que lesélémentsqui lui étaient soumisI'ame-
naient à conclure, à ce stade de la procédure, que les dispositions invo-
quéespar le deman.deur se présentaient comme constituant ((primafacie,

une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée ».
Elle a ordonnéen nnême temps qu'en laphase suivante de l'instance, celle
dont la Cour s'occiipe maintenant, les piècesde la procédure portent sur
les questions relativesà la compétence de la Cour pour connaître du
différendet à la recevabilitéde la requête. Selonnous,la suitede la procé-
dure confirme que les dispositions juridictionnelles invoquées par le
demandeurnon seullementconstituaient un fondement tout à fait suffisant
pour l'ordonnance du 22 juin 1973 mais encore fournissaient un fonde-
ment valable à partir duquel établir la compétence dela Couren l'espèce. 31. La requête indiquecommebases indépendantes et interchangeables
de la compétencede la Cour:

((i) I'article 17 de l'Acte généralpour le règlement pacifique des
différends internationaux (1928), rapproché de I'article 36,
paragraphe 1,et de I'article 37du Statut de la Cour. L'Australie
et la France ont toutes deux adhéré à l'Acte généralle 21 mai
1931. Le texte des conditions qu'elles ont déclarémettre à leur
adhésionest reproduit aux annexes 15 et 16;

ii) subsidiairement, I'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour.
L'Australie et la France ont toutes deux déposé des déclarations
aux termes de cet article.>)

Par suite, s'il s'agit réellementde deux voies indépendantes et inter-
changeables qui ouvrent accès à la Cour et s'il est démontré quel'une
d'elles est effectivement attributive de juridiction en l'espèce, cela suffira
pour établir la compétence de la Cour, que l'autre voie soit effective ou
non. Comme la Cour l'a dit dans son arrêten l'affaire de l'Appel concer-
nant la compétencedu Conseil de I'OACI, si la Cour a compétencesur la
base d'une clause juridictionnelle, (cilest sans pertinence d'examiner les
objections visant d'autres fondements possibles de sa compétence))
(C.I.J. Recueil 197.2,p. 60).

L'Acte généralde 1928

32. L'article 17de l'Acte généralde 1928est ainsi libellé:

((Tous différends au sujet desquels les parties se contesteraient
réciproquement un droit seront, sauf les réserves éventuelles prévues
à I'article 39, soumis pour jugement à la Cour permanente de Justice
internationale, à moins que les parties ne tombent d'accord, dans les

termes prévus ci-après,pour recourir à un tribunal arbitral. Il est
entendu que les différends ci-dessusviséscomprennent notamment
ceux que mentionne I'article 36 du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale. ))
Les différendsccquementionne I'article 36 du Statut de la Cour perma-

nente )>comprennent l'ensemble ou quelques-unes des catégories de dif-
férendsd'ordre juridique ayant pour objet:
a) l'interprétation d'un traité;
6) tout point de droit international;

c) la réalitédetout fait qui, s'ilétaitétabli,constituerait la violation d'un
engagement international ;
d) la nature ou l'(:tendue de la réparation due pour la rupture d'un
engagement inte:rnational. 33. Les quatre mêmes catégoriesde différendsjuridiques sont repro-
duites, mot pour mot, à l'article 36, paragraphe 2, c'est-à-dire dans la
clause facultative, du Statut de la Cour actuelle qui, avec les déclarations
de l'Australie et de la France, constitue le deuxièmefondement dejuridic-
tion invoquédans Ilarequête.
34. Par suite, larompétenceconférée à la Cour en vertu de l'article 17
de l'Acte généraldle 1928 et en vertu de la clause facultative du Statut
actuel s'étend,en principe, aux mêmesdifférends - à savoir les quatre
catégories de différendsjuridiques énumérées ci-dessus.Toutefois, en

l'espèce, lestitresde compétence résultant de ces instruments ne coïn-
cident certainemeni: pas car il existe certaines différencesentre les termes
des adhésions des parties à l'Acte généralet ceux de leurs déclarations
d'acceptation de la clause facultative. En particulier, la déclaration faite
par la France au titrede la clause facultative excepte de la compétencede
la Cour les ((différendsconcernant des activitésse rapportant àla défense
nationale », alors qu'aucune exception de ce genre ne figure dans son
adhésion à l'Acte généralde 1928. Les deux fondements de compétence
doivent donc êtreexaminésséparément.

35. Dans sa lettre du 16 mai 1973adresséeau Greffier de la Cour et

dans l'annexe jointe à celle-ci le Gouvernement français soutient que le
Statut actuel del'Actegénéralde 1928et l'attitude desparties, plus spécia-
lement de la France:,à son égard, interdisent de voir aujourd'hui dans cet
Acte une expressioriclaire de la volontéde la France d'accepter lajuridic-
tion de la Cour. 11affirme que, depuis la disparition de la Sociétédes
Nations, il est reconnu que l'Acte de 1928ou bien n'est plus en vigueur,
ou ne produit plus d'effet,ou encore est tombéendésuétude. Al'appui de
cette manière de voir, le Gouvernement français avance l'argument que
l'Acte de 1928constituait, sur le plan idéologique, unepartie intégrante
du système de la Sociétédes Nations adans la mesure où le règlement
pacifique des différends internationaux devait nécessairement, dans ce
système, accompagner la sécurité collectiveet le désarmement D;il exis-
tait donc un lien ktroit entre l'Acte et les structures de la Société-des
Nations, la Cour permanente de Justice internationale, le Conseil, le

Secrétairegénéral,les Etats Membres et le Secrétariat; ces liens se trou-
vaient souIignksdans lestermes de certaines adhésions àl'Acte, ycompris
celles de I'Australit:, de la Nouvelle-Zélande et de la France; et l'on en
trouvait une autre indication dans le fait que l'Australie et la Nouvelle-
Zélande, en adhérant à I'Acte, avaient formulé des réserves relativesaux
différends avecles IEtatsqui n'étaientpas membres de la Sociétédes Na-
tions. Le Gouvernement français fait valoir en outre que l'intégrationde
I'Acte à la structure de la Société desNations ressortait du fait qu'après
la disparition de ceittedernière on a reconnu la nécessitde reviserl'Acte
en substituant de n,ouvellesclauses àcelles du systèmedisparu au lieu des'en remettre simplement à l'application de l'article 37 du Statut de la
Cour. Il en découle.,pour le Gouvernement français, qu'il était admisque
la disparition de la. Sociétédes Nations excluait toute possibilité,pour
l'Acte généralde 1928,de continuer à s'appliquer normalement.

36. Que le texte de l'Actegénéralde 1928ait étéélaboré e atdoptédans
le cadre de la Sociétédes Nations n'en fait pas un traitéde cette organisa-
tion, car mêmeun itraitéadoptéau sein d'une organisation reste le traité
des parties. De plus, les procès-verbaux de l'Assembléede la Société des
Nations révèlentque, de propos délibéréo,n s'est refusé à faire de l'Acte
général unepartie intégrantede la structure de la SdN (neuvième session
ordinaire, Procès-verbaux de la Première Commission, p. 68); l'Acte

généralne devait pas êtreconsidéré commeun texte constitutionnel, ni
comme une sorte d'annexe au Pacte (ibid.p. 69); I'Acte généralétait
destiné à s'appliquer parallèlement au systèmede la Sociétédes Nations
et non pas comme un élémentde celle-ci (ibid.p. 71); et on a voulu que
les obligations de fond des parties en vertu de l'Acte généralsoient indé-
pendantes des fonctions de la SociétédesNations. Insistant sur ce dernier
point, M. Rolin (Belgique) a dit expressément:

((L'intervention nécessairedu Conseil de la Sociétédes Nations
n'est pas impliquéepar l'Acte général;celui-ci a étéjugé utilepour
l'Œuvregénéralede la Société desNations, mais il n'a aucun rapport
administratif ou constitutionnel avec elle.1)(Neuvième session ordi-
naire,Procès-verbaux de la Première Commission, p. 71 ;les italiques
sont de nous.)

Le Gouvernement français considérait alors, lui aussi, le système de
règlement pacifique consacrépar l'Acte généralcomme indépendant de
celui du Pacte de liaSociété desNations, comme on a pu le constater,
quand la ratification de l'Acte a été soumise à la Chambre des députés,
dont la commissiori des affaires étrangères a expliqué:

((alors que, daris le systèmeconçu par lesfondateurs de la Société des
Nations, l'action du Conseil, telle qu'elle est prévuepar l'article15,
constitue un m'odenormal de règlement des différendsau mêmetitre
que la procéd.ured'arbitrage, l'Acte général, aucontraire, ignore
complètement I,PConseil de la Sociétédes Nations ))(Journal officiel,
documents parlementaires, Chambre, 1929,p. 407; les italiques sont
de nous).

37. L'Australie et la France, il est vrai, ont inclus dans leurs adhésions
à l'Acte général desréservesdestinées à garantir la priorité des pouvoirs
du Conseil de la Société desNations par rapport aux obligations qu'elles
acceptaient en adhérant à I'Acte. Cependant, le fait que ces Etats et
quelques autres aient estimé nécessaired'incorporer de telles dispositionsdans leurs actes d'adhésion semble attester le caractère indépendant et
essentiellement autonome de l'Acte généralplutôt que son intégration au
systèmede la Sociélé des Nations. De même,le fait que, pour exclure que
les obligations acceptéesen vertu de l'Acte s'appliquent à des différends
survenus avec des Etats non membres, l'Australie et certains autres Etats
aient expressément réservé ces différendsdans leurs instruments d'adhé-
sion souligne simplement que le Pacte et l'Acte généralconstituaient des
systèmes de règlement pacifique distincts. La réserve était nécessaire
précisémentparce que l'Acte général devait représenterun système uni-

versel de règlement pacifique, indépendant de la Société desNations et
ouvert aussi bien aux Etats qui n'étaientpas membres de l'organisation
qu'à ses Membres (voir le rapport de M. Politis, 18=séance plénièredu
25 septembre 1928,p. 169).
38. Nous ne somimespas davantage convaincus par ce qu'on a appelé
I'ccintégrationidéologique >)de l'Actegénéralau systèmede la Société des
Nations, c'est-à-dire par la thèse d'après laquelle il existerait un lien in-
dissociable entre l'Acte et le triptyque: sécurité collective,désarmement
et règlement pacifique. Toute mention d'un lien entre ces trois sujets est
visiblement absente de l'Acte généralqui, à la vérité, nedit mot de la
sécuriténi du désarmement, à la différencede certains autres instruments
de la mêmeépoque. Dans ces conditions, l'idéeque l'Acte général s'in-
séraitdans la texture du systèmede sécurité collectiveet de désarmement
de la Sociétédes Nations au point de devoir disparaître forcément avec

lui ne repose sur rien de solide.
39. En réalité,sicette idéeavait quelquefondement, ellesignifierait que
de nombreux autres traités de règlement pacifique de la mêmepériode,
qui partaient précisémentde la mêmeconception idéologiqueque l'Acte
généralde 1928,auraient cesséd'exister. Il est pourtant admis sans con-
teste que, bien qu'a~ucunemesure n'ait été prisepour les modifier ou les
((confirmer D,ces traitéssont restés en vigueur malgré ladissolution de la
Société desNations en 1946.Deux exemples suffiront pour le prouver: le
Traité hispano-belge de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbi-
trage du 19juillet 1927,sur l'article 17duquel la Cour a fondésa compé-
tence dans l'affaire de laBarcelona Traction, Light and Power Company,
Limited, exceptions préliminaires, arrêt(C.I.J.Recueil 1964, p. 26-39); et
le Traité d'arbitrage franco-espagnol du 10 juillet 1929 que la France
elle-même et l'Espagneont pris comme base pour organiser l'arbitrage

du lac Lanoux en 1956 (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,
vol. 12,p. 285).A vrai dire, cestraités etl'Actegénéral lui-mêmb e,ien que
procédant largement du souci de la Société desNations de favoriser le
règlement pacifique des différendsen mêmetemps que la sécurité collec-
tive et le désarmement, tiraient aussi leur inspiration du mouvement en
faveur du développement de l'arbitrage et du règlement judiciaire inter-
nationaux qui avait pris de l'extension au cours du XIXe siècleet avait
joué unrôle de premier plan aux Conférencesde la paix de La Haye en
1899 et 1907. De plus, c'est le Gouvernement français lui-mêmequi, à
l'Assembléegénérade,en 1948, a insisté sur cette source parfaitement IESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 331

distincte de I'(tidéo.logie» de l'Acte généralde 1928. Après avoir désigné
l'Acte généralcomme ((un document précieux que l'on a hérité dela
Sociétédes Nations », la délégation française a ajoutéqu'il faisait:

((partie intégra.nted'une longue tradition d'arbitrage et de concilia-
tion qui a fait :sespreuves même bienavant la création de la Société
des Nations » (Nations Unies, Documents oficiels de l'Assemblée

généralet,roisième session,séances plénières, 199e séance,p. 193).
Cettetradition n'a c:ertainement pas pris fin avec la Société desNations.

40. Il reste que l'.Actegénéralde 1928étaitun produit de l'époquede la
Société desNations et il était pratiquement inévitableque les mécanismes
de règlement pacifique qu'il instituait portent, àcertains égards, la marque

de cette origine. Aiinsi, le tribunal qui devait êtrechargé du règlement
judiciaire était la Cour permanente de Justice internationale (art. 17);
s'il surgissait des difficultésqui empêchaient de s'entendre sur la nomi-
nation des commissaires conciliateurs, les parties avaient entre autres
possibilités la faculté de confier le soin de procéder aux nominations

nécessairesau président du Conseil de la Société desNations (art. 6); la
commission de conciliation devait se réunir au Siège de la Société des
Nations, sauf accord contraire des parties ou décisioncontraire du prési-
dent de la commission (art. 9); la commission de conciliation avait égale-
ment, en toutes circonstances, le pouvoir de demander au Secrétaire
généralde la Société desNations de prêter son assistance (art. 9); si la

nomination des me:mbres du tribunal arbitral se trouvait dans une im-
passe, le soin de procéder aux nominations nécessairesétaitconfiéau Pré-
sident de la Cour permanente de Justice internationale (art. 23); dans les
affaires soumises a la Cour permanente, celle-ci avait le pouvoir d'in-
diquer des (mesures provisoires >(art. 33) et de statuer sur la requête à
fin d'intervention de toute tierce partie (art. 36) et son Greffier devait

avertir les autres parties à une convention multilatérale dont I'interpréta-
tion se trouvait en cause (art. 37). La Cour permanente était aussi généra-
lement habilitée à statuer sur les différends relatifs à l'interprétation ou à
l'application de l'Acte (art. 41); lepouvoir d'inviter lesEtats non membres
de l'organisation ii devenir parties à l'Acte généralétait attribué au

Conseil de la SocitStédes Nations (art. 43); et, enfin, les fonctions de
dépositaire intéressant l'Acte étaient confiéesau Secrétaire généralde la
Société desNationis (art. 43-47). 11 faut donc examiner si ces différents
liens avec la Cour permanente et avec le Conseil de la SdN et son Secré-
tariat sont d'une nature telle qu'après la dissolution de ces organes en
1946 l'Acte généralde 1928 aurait nécessairement cesséd'êtreviable et

serait devenu pratiquement lettre morte. I?SSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 332

41. Pour répondre à cette question, il faut d'abord tenir compte de
l'article 37 du Statut de la Cour, que 1'Etatdemandeur invoque expressé-

ment pour fonder la compétence de la Cour sur I'article 17 de l'Acte de
1928. L'article 37 du Statut dispose:

((Lorsqu'un traité ou une convention en vigueur prévoit le ren-
voi ...à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour inter-
nationale de Justice constituera cettejuridiction entre les parties au
présent Statut. ))

Dans l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (exceptionspréliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1964, p. 31-36) la

Cour a examinéen détaill'objet et les buts de cette dispositioa et déclaré
notamment :

«On a donc eu l'idéede créer un régime spécialqui, entre les
parties au Statut, transformerait automatiquement les renvois à la
Cour permanente prévusdans les clauses juridictionnelles en renvois
à la Cour actuelle.

Dans ces coiîditions, il est difficile de supposer que les rédacteurs
de I'article 37 aient délibérémentenvisagé et n'aient pas i2ouluéviter
queI'éilénemenm t êmedontl'article 37prévoyait lesefSetset aux consé-
quencesduquelil avait pour but deremédier, à savoir la disparition de
la Cour permanente, entraîne l'annulation desclausesjuridictionnelles

dont ils désiraient assurer lm eaintien; ilest difficile de supposer qu'ils
aient envisagé.avecsérénité que de nombreuses clauses juridiction-
nelles puissent ne pas êtreconservées par le jeu de cet article, alors
que denombreuses autres le seraient; ils auraient ainsi établiprécisé-

ment la situation de disparité et de déséquilibre qu'ils désiraient
éviter. )(P. 31 ; les italiques sont de nous.)

Plus loin, la Cour a pris soin de souligner que I'article 37 n'avait cepen-
dant pas pour objet ((d'empêcherque jouent d'autres causes d'extinc-
tion ...en dehors de la disparition de la Cour permanente 1)(p. 34). Mais
elle n'en poursuit pas moins:

((Or, précisémentparce que I'article 37 avait pour seul but d'éviter
l'extinction résultant de la cause particulière qu'allait être la dispari-
tion de la Cour permanente, onnesaurait admettre quecetteextinction

découleenfait lie cetésénemenltui-même. ))(Ibid.,les italiques sont de
nous.)

42. Les observations de la Cour dans cette affaire s'appliquent en tous
points à I'Acte de 1928. 11s'ensuit que la dissolution de la Cour perma-
nente en 1946 était, par elle-même,tout à fait insuffisante pour entraîner
la fin de I'Acte. Si l'on n'établit pas l'existence de quelque autre ((cause

d'extinction 1)qui empêche deconsidérer l'Acte comme ((un traité ou une
convention en vigueur ))à la date de la dissolution de la Cour permanente,
I'article 37 du S.tatut a automatiquement pour effet de substituer la Cour
actuelle à la Cour permanente quand il s'agit de constituer le tribunal visé

83à l'article 17de I'Ac.tegénéralen vue d'assurer le règlementjudiciaire des
différends. Or, à notre avis, l'article 37 a aussi pour effet de substituer
automatiquement la Cour actuelle à la Cour permanente dans les ar-

ticles 33, 36, 37 et 1 de I'Acte général.

43. 11faut en outre tenir compte des arrangements qui ont étéconclus

en 1946entre l'Assembléede la Sociétédes Nations et 1'Asseil~blée~géné-
rale des Nations Unies pour transférer au Secrétariat des Nations Unies
les fonctions de dépositaire dont le Secrétariat de la Société desNations
s'acquittait à l'égard des traités. L'Australie et la France, en tant que
Membres des deux Organisations, étaient parties à ces arrangements, qui

les obligent donc sans aucun doute. En septembre 1945, la Sociétédes
Nations a établi une Liste des conventions asec indication des articles
pertinents conferant des pouiloirs aux organes de la Sociétédes Nations,
qui avait pour but de faciliter l'examen du transfert des fonctions de la
Société desNations aux Nations Unies dans certains domaines. Sur cette

liste figurait I'Acte {généradle 1928et il est hors de doute qu'au moment
où, en 1946, des résolutions des deux Assemblées ont prévu le transfert
des fonctions de dkpositaire du Secrétariat de la Société desNations à
celui des Nations Unies, il étaitadmis qu'en principe I'Acte de 1928était

visépar ces résolutions. Ainsi, la première liste de traités multilatéraux
pour lesquels le Secrétaire général exerceles fonctions de dépositaire,
publiée par lui en 1949, mentionnait l'Acte généralde 1928 (Signatures,
rat;fications, acceptations, adliésions,etc., aux conilentions et accords multi-
latéraux pour lesquels le Secrétaire général exercelesfonctions de déposi-

taire, publications des Nations Unies, 1949, vol. 9). De plus, dans une
lettre du 12juin 1974 adressée au représentant permanent de l'Australie
et que l'Australie a soumise àla Cour, le Secrétairegénérala expressément
confirmé que I'Acte de 1928était l'un des ((traités multilatéraux dont le
Secrétaire général assurela garde en vertu de la résolution 24 (1) de

l'Assembléegénéral,e en date du 12février 1946 )).
44. En conséquence, à la disparition de la Sociétédes Nations en 1946,
les fonctions de dépositaire confiéesau Secrétaire généralet au Secréta-
riat de la Sociétédes Nations par les articles 43 à 47 de I'Acte de 1928se
sont trouvées automatiquement transmises au Secrétaire généralet au

Secrétariat des Nations Unies. LIs'ensuit que la disparition de la Société
des Nations ne pouvait en aucune manière constituer ((une cause d'ex-
tinction ))de I'Acte généralen raison des mentions du Secrétariat de la
SdN qui figure dans ces articles.

45. La disparition du système de la Société desNations a, il est vrai,
légèrementamoindri l'efficacitédu mécanisme prévupar l'Acte de 1928.
Pour ce qui est de la conciliation, il n'était plus possible d'avoir recoursau présidentdu Coinseil,ce qui étaitl'un des moyens envisagésà I'article 6
de I'Acte pour résoudre les différends relatifs à la nomination des com-
missaires; de même:l,a commission ne pouvait plus se prévaloir du droit,
qu'elle tenait de l'article 9 de I'Acte, de se réunirau Siègede la Sociétédes

Nations et de demander au Secrétaire généralde prêter son assistance.
Quant à l'arbitrage, on en est venu à douter que I'article 37 du Statut
suffise, en cas de désaccord entre les parties, à investir le Président de la
Cour actuelle de la fonction extra-judiciaire consistant à nommer les
membres des triburiaux arbitraux, dont I'article 23 de I'Acte de 1928avait

chargé le président de la Cour permanente. Toutefois, tant en matière de
conciliation qu'en matière d'arbitrage, les dispositions prévoyant une
intervention des organes de la Société desNations concernaient des
mécanismes de remplacement ou des moyens auxiliaires dont la dispari-
tion ne saurait être considérée commerendant I'Acte de 1928inutilisable
ou impossible à appliquer dans son ensemble. On ne saurait pas davan-

tage considérer leur disparition comme un changement fondamental de
circonstances pouvant être invoqué comme motif de mettre fin au traité
ou de s'en retirer (voir I'article 62 de la Convention de Vienne sur le droit
des traités).De plus, aucune de ces dispositions ne concernait ni - encore
moins - n'etteignait la procédure de règlement judiciaire prévue à I'ar-

ticle 17de l'Acte de 1928.
46. Une autre disposition dont l'efficacitéa souffert de la dissolution de
la Sociétédes Nations est I'article 43, en vertu duquel le pouvoir d'ouvrir
I'Acte général à l'adhésion d'autres Etats appartenait au Conseil de la
Sociétédes Nations. La disparition du Conseil a mis fin à cette possibilité

d'élargir l'application de I'Acte de 1928 et a nui, par voie de consé-
quence, à l'instauration d'un système universel de règlement pacifique
fondé sur cet Acte. Elle n'a cependant affecté en rien l'application de
I'Acte entre les parties. Qui plus est, en principe, elle n'empêchait pas les
parties à l'Acte de se mettre d'accord entre elles pour ouvrir cet instrument
à l'adhésion d'autres Etats.

47. L'analyse dt:s dispositions pertinentes de l'Acte généralde 1928
suffit donc à établir.que ni la dissolution de la Cour permanente de Justice
internationale en 1946, ni celle des différents organes de la Société des
Nations ne saurait être considérée comme((une cause d'extinction )) de
l'Acte. Cette conclusion est fortement étayéepar le fait, déjà mentionné,

qu'un grand nombre de traités relatifs au règlement pacifique des diffé-
rends, dont les cla~usesmentionnent des organes de la Société desNa-
Nations, sont sans conteste reconnus comme étant toujours en vigueur et
que certains d'entre eux ont été appliquésdans la pratique depuis la
disparition de la Sociétédes Nations. IIsuffira ici de mentionner I'applica-
tion que la France elle-mêmeet l'Espagne ont faite de leur traité bilatéral

d'arbitrage du 10 juillet 1929 pour constituer le tribunal arbitral du
Lac Lanoux en 1056 (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrale^,
vol. 12, p. 285). 11 s'agissait manifestement d'un traité de l'époquede la
Société desNations, qui faisait mention du Pacte et du Conseil de la
SdN, ainsi que de la Cour permanente. En outre, plusieurs de ces men-tions ne concernaient pas seulement le mécanisme utilisable dans les
procédures de règlement pacifique, mais certaines questions de fond.
L'article 20, par exemple, réservait expressément aux parties, dans cer-
taines circonstances, le droit de s'adresser unilatéralement au Conseil de
la Société desNations et l'article 21, qui imposaàttout tribunal appelà
connaître d'un difirend en vertu du traité l'obligation d'indiquer des

mesures provisoires, disposait: ((il appartiendra au Conseil de la Société
des Nations, s'il est saisi de la question, de pourvoir...à des mesures
provisoires appropriées». Ces articles créaient des liens beaucoup plus
forts avec les organes de la Société desNations que tout ce qui figure
dans l'Acte de 1928; pourtant, la France et l'Espagne semblent avoir
admis l'une et l'autre que le traité était en vigueur en 1956 malgré la
disparition de laSdN.

La ((revision» de['Acte général

48. S'agissant de l'Acte de 1928,le Gouvernement français affirme que
ce qu'on a appeléla.revision de l'Acte général,entreprise par l'Assemblée
généraleen 1948,su~pposequ'il étaitadmisque la disparition de la Société
des Nations empêclnaitl'Acte de 1928de continuer à pouvoir jouer nor-
malement. Cette in1:erprétationdes travaux de l'Assemblée généraleet de
la Commission interimaire consacrés à la ((revision » de l'Acte ne nous
paraît pas défendable. La Belgique a présentésa proposition de revision
de l'Acte de 1928 à la Commission intérimaire à un moment où 1'Assem-
bléegénérales'occupaitde reviser un certain nombre detraités del'époque
de la Sociétédes Nations pour adapter leurs mécanismesinstitutionnels et
leur terminologie a.u système, alors nouveau, des Nations Unies. Il est

donc compréhensible que, malgré les transferts de fonctions déjà effec-
tuésautomatiquement par l'article 37 du Statut et la résolution 24 (1) de
l'Assemblée générale, lC aommission intérimaire et l'Assembléegénérale
se soient préoccupkesde remplacer, dans l'Acte général,les mentions de
la Cour permanente, du Conseil de la Société desNations et de son
Secrétariat par la mention de l'organe correspondant du système des
Nations Unies.
49. De toute manière, ce qui avait étéenvisagé à l'origine comme une
revision de l'Acte ,généradle 1928 a été transformé par la Commission
intérimaire en la rédaction d'un nouvel Acte général revisé devant être
ouvert à l'adhésion sous la forme d'un traité entièrement indépendant.
Cela devait éviter la difficultétenaàce que certaines des partieà l'Acte
de 1928, dont l'accord était nécessaire pour sa revision, n'étaient pas

membres des Nations Unies et ne participaient pas à cette revision (voir
les articles 39 e40 de la Convention de Vienne sur le droit des traités).
Comme la délégationbeige l'a expliquéà la Commission intérimaire, le
consentement des ]parties à l'Acte de 1928cesserait d'être indispensable ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 336

((puisque, dans sa forme définitive, [la] proposition ne supprime ni ne
modifie l'Acte généraltel qu'il a étéétabli en 1928, mais au contraire le

laisseintact ainsique,par voie deconséquencet,ouslesdroits quelesparties
a cet Acte pourraiesrtencore en tirer)) (les italiques sont de nous). Cette
explication a étéincluse dans le rapport de la commission à l'Assemblée
généraleet, à notre avis, elle implique clairement qu'en 1948 on recon-
naissait que l'Acte de 1928 était toujours en vigueur. De plus, on trouve

dans les comptes rendus des débats les déclarations d'un certain nombre
de délégationsqui montrent que celles-ci considéraient alors I'Acte de
1928comme en vigueur; personne n'est venu les contredire.
50. De même,le simple fait que l'Assemblée générale ait rédigéet
ouvert à l'adhésion un nouvel Acte généralreviséne pouvait avoir pour

résultatde mettre fin à l'Acte de 1928,ni d'ébranlersa validité.En matière
de revision de traités multilatéraux, c'est un principe bien établique l'ins-
trument remanié coexiste avec le traité initial, lequel reste en vigueur tel
quel entre les parties qui n'ont pas accepté d'êtreliéespar le nouvel instru-
ment (voir l'article (40de la Convention de Vienne sur le droit des traités).

On trouve préciséinentde nombreux exemples de l'application de ce
principe dans la pratique des Nations Unies touchant la revision des
traités de la Sociétédes Nations et c'est ce principe que l'Assemblée
générale a formulé dans le préambule de sa résolution 268A (III),par
laquelle elle chargeait le Secrétaire général d'établir et d'ouvrirà l'adhé-

sion le texte de l'Acte revisé. Le préambule de cette résolution déclarait
notamment :

(Considérarit que ces amendements ne joueront qu'entre les Etats
ayant adhéré à.I'Acte généralainsi revisé et, partant, neporteront pas
atteinte aux droits des Etats qui, parties a l'Acte tel qu'il a étéétabli
le 26 septembre 1928, entendraients'enprévaloir dansla mesureoù il

pourrait encorejouer. » (Les italiques sont de nous.)
Il est donc évident que l'Assembléegénérale n'entendait pas que I'Acte

généralrevisémette fin à son prédécesseur,l'Actede 1928,et ellene pensait
pasnon plus que l'adoption du nouvel instrument aurait cetteconséquence.
Une telle intention, de la part de l'Assembléegénérale,aurait étébien
surprenante si l'on se souvient que la (crevision » de l'Acte générals'ins-
crivait dans un programme généralvisant à encourager le développement

des méthodesde règlement pacifique des différends.
51. Dans la clause précitéedu préambule, il est vrai, la résolution
268A (111)tempère l'affirmation que les amendements ne porteront pas
atteinte aux droits des parties à l'Acte de 1928 par les mots ((dans la
mesure où il pourrait encorejouer )).De plus, dans un autre considérant
du préambule, la résolution parle aussi de l'opportunité de ((restituer à

l'Acte généralson efficacitépremière, ...diminuéedu fait que les organes
de la Sociétédes Nations et la Cour permanente de Justice internationale,
auxquels il se réfere, ont aujourd'hui disparu)). Cependant, nous ne
saurions admettre que, par ces formules, l'Assembléegénéraleait voulu

87dire que l'Acte de 1928ne pouvait plus jouer normalement. Ces formules
s'expliquent suffisamment par le fait, déjà mentionné, que la disparition
des organes de la Société desNations et celle de la Cour permanente

pouvaient porter atteinte à certaines dispositions concernant quelques-
uns des autres moyens d'établir des commissions de conciliation ou des
tribunaux arbitraux, ce qui risquerait, en cas de désaccord, de diminuer
I'efficacitédes procédures établiespar l'Acte.
52. Cependant, il y avait aussi, pour inclure ces formules dans le

préambule, une auitre raison sur laquelle la Commission intérimaire a
attiré l'attention dans son rapport (doc. des Nations Unies A/605,
par. 46):

((Grâce à quelques modifications, le nouvel Accord généralrestau-
rerait, au béncificedes Etats qui y adhéreraient, I'efficacitépremière
du dispositif créépar l'Acte de 1928, Acte qui, bien que toujours
théoriquemeni:valide, est devenu en grande partie inapplicable.

II a été constaté,par exemple, que les dispositiorrde I'Acte qui ont
trait à la Co~lrpermanente de Justice internationale avaient perdu
beaucoupde leur efficacitéà l'égarddesparties qui nesontpas membres
de /'Organisation des Nations Unies ou qui ne sont pas parties au
Statut de la Cour internationale de Justice. » (Les italiques sont de

nous.)
En 1948, plusieurs des parties à I'Acte de 1928 n'étaient ni membres des

Nations Unies, ni parties au Statut de la Cour actuelle, si bien que, même
à l'aide de l'articl37 du Statut, les dispositions de l'Acte de 1928qui se
rapportaient au rè,glementjudiciaire ne prenaient pas ((effet)) dans les
relations de cesEta,tsavec d'autres parties à l'Acte. A cet égard encore, on
pouvait donc dire ,àjuste titre que I'efficacitéinitiale de l'Acte de 1928 se

trouvait diminuée. D'autre part, il ressortait clairementa contrario du
rapport de la Com:mission intérimaire que la disposition de l'Acte de 1928
concernant le règ1e:menjtudiciaire - l'article 1- n'avait pas perdu son
efficacitéentre celles des parties.qui étaient aussi parties au Statut de la
Cour actuelle.

La question dumaintien en vigueur del'Acte de 1928

53. Nous ne sommes pas convaincus non plus par la thèse du Gouver-
nement français selon laquelle l'Acte de 1928ne saurait servir à fonder la
compétence de la Cour àcause de (cla désuétudedans laquelle il est tombé

depuis la disparition du systèmede la SdN )).La désuétuden'est pas men-
tionnée dans la Convention de Vienne sur le droit des traités comme l'un
des motifs d'extinction des traités et cette omission est voulue. Ainsi que ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 338

la Commission du droit international l'a expliquédans son rapport sur le
droit des traités:

((si la «caducüté)>ou ((désuétude))peut être une cause effective
d'extinction d'un traité, le fondement en droit de cette extinction,
lorsqu'elle intervient, est le consentement des parties à renoncer au
traité, consentement qui doit ressortir implicitement de leur attitude

à l'égarddu traité1)(Annuairedela Commissiondudroit international,
1966, vol. IL,p. 258).
Toutefois, en l'espece, ilnous paraît impossible d'inférer du comporte-

ment des parties à Iqégardde l'Acte de 1928et, plus spécialement, de celui
de la France antérieurement au dépôt de la requêtedans la présente ins-
tance, qu'elles aient.consenti à renoncer à l'Acte.
54. Certes, jusqu'à une date récente, il n'a pas étédemandé au Secré-
taire générald'enregistrer de nouvelles adhésions ou autres notifications
concernant l'Acte de 1928. Mais on ne saurait voir là la preuve d'un

accord tacite tendant à l'abandon du traité, car bien souvent les instru-
ments multilatéraux restent longtemps en vigueur sans qu'intervienne
aucun changement relativement à leurs parties.
55. Cette preuve ne réside pas davantage dans le fait, invoqué dans
l'annexe à la lettre du Gouvernement français du 16 mai 1973, que
((l'Australie et le C.anada n'ont pas éprouvé,à l'égardde l'Acte, le besoin

de régulariser leurs réserves de 1939 comme ils l'ont fait pour celles
émises à I'égardde: leurs déclarations facultatives D. Par les réservesen
question, qu'ils ont formulées quatre jours après le déclenchement de la
deuxième guerre mondiale, les deux pays notifiaient au dépositaire qu'ils
neconsidéreraient pas leur adhésionà I'Actegénérac lomme ((s'appliquant
ou se rattachant à tout différendoccasionné par les événementsvenant à

se produire dans la crise actuelle».Ces réservesn'étaientpas conformes à
l'article 45 de I'Acte de 1928 qui n'autorisait à modifier les termes d'une
adhésion qu'à la fiinde chaque période successivede cinq ans. Les deux
pays lesjustifiaient cependant par l'effondrement du système de sécurité
collective de la Société desNations qui modifiait fondamentalement les

circonstances dans lesquelles ils avaient adhéréà I'Acte; et si cette justifi-
cation était fondée, rien ne les pressait de ((régulariser» leurs réserves à
l'expiration de la période quinquennale en cours, en 1944. 11ne faut pas
non. plus s'étonner si, cette année-là, alors que la guerre faisait rage
partout dans le monde, d'autres sujets retenaient leur attention. De plus,
le parallélisme que l'on dit exister entre la situation de ces deux pays par

rapport à l'Acte de: 1928et à la clause facultative, respectivement, est de
toute manière inexact. Leurs déclarations d'acceptation de la clause
facultative ont expiréen 1940,si bien qu'il leur fallait alors réexaminer ces
déclarations; aux termes de l'article 45 de I'Acte de 1928, au contraire,
leurs adhésions restaient en vigueur indéfiniment, sauf dénonciation.
56. Un argument plus général employédans l'annexe à la lettre du

16 mai 1973, et concernant l'absence de parallélisme entre l'acceptation
de I'Acte de 1928par les Etats et leur acceptation de la clause facultative,nous semble lui aussi peu probant. La désuétude del'Acte de 1928,dit-on,
doit être déduitedes faits suivants: jusqu'en 1940, les réservesà l'Acte de
1928et à la clause facultative étaient toujours semblables, mais après cette
date ce parallélisme disparaît; les réservesà la clause facultative devien-
nent alors plus restrictives, et pourtant les mêmesEtats ne semblent pas se
soucier de la juridilrtion très étendue qu'ils étaient censésavoir acceptée

au titre de l'Acte.
57. Or, mêmea.vant 1940, le parallélisme alléguéétait loin d'être
parfait. Ainsi, la déclaration du 19septembre 1929,par laquelle la France
a accepté la clause facultative, ne contenait pas la réservede compétence
nationale qui figurait dans son adhésion à l'Acte de 1928 et les déclara-
tions faites pendant cette période par l'Australie, le Canada, la Nouvelle-

Zélande et le Royaume-Uni n'excluaient pas les différends avec les Etats
non membres de la Société desNations comme le faisaient leurs adhé-
sions à l'Acte de 1928. Les dis~ositions des articles 39 et 45 de l'Acte im-
pliquaient de toute manière qu'il y avait des différencesimportantes quant
aux conditions dans lesquelles la juridiction obligatoire était acceptéeen
vertu de l'un ou I'autre des deux instruments. De plus, mêmesi l'on con-

cède que les divergences entre les deux systèmes se sont accentuées après
1940, cela peut s'e:spliquer autrement que par la désuétude supposéede
l'Acte de 1928. Les exemples les plus frappants de ces divergences sont
fournis par les réservesà la clause facultative visant des différends précis
et déjà existants ou dont on prévoyait l'apparition imminente. Alors que,
dans le système de la clause facultative, de nombreux Etats se sont

ménagéla possibilité de modifier les termes de leurs déclarations comme
bon leur semble, sans préavis et avec effet immédiat, leur situation par
rapport à l'Acte généralde 1928est trèsdifférenteà cause des dispositions
des articles 39 et 42;qui réglementent la formulation et l'effetdes réserves.
En raison de ces dispositions, une nouvelle réserve à l'Acte de 1928 qui
s'applique à un su.jet de litige déterminéne peut servir qu'à attirer I'at-

tention de l'autre partie sur les obligations dont 1'Etat qui formule la
réserve esttenu en vertu de l'Acte et à hâter la décisiond'introduire une
instance avant que la réserve neprenne effet dans les conditions prévues
par l'article 45. Elref, tout parallélisme entre la clause facultative et
l'Acte de 1928est icet égardillusoire.
58. L'opinion émise également dans la lettre susmentionnée selon

laquelle, si l'Acte de 1928 était encore en vigueur, le refus de l'Australie,
de la Nouvelle-Zéliandeet de la France de devenir parties à l'Acte général
reviséserait difficile à expliquer ne nous parait pas résister à l'examen.
Depuis 1946, l'Acte de 1928n'a eu qu'un nombre limité departies et iln'a
étéouvert à l'adhésion que d'un groupe restreint et bien défini d'autres
Etats, alors que l'Acte général revisé eso tuvert à l'adhésiond'un groupe

d'Etats beaucoup ]plusvaste et qui continue à s'élargir. IIn'y a donc pas
lieu de s'étonner que les parties à l'Acte généralde 1928aient préféré s'en
tenir au statu quo au lieu de franchir le pas qui consistait à assumer des
engagements beaucoup plus vastes au titre de l'Acte revisé. Un élément
encore plus décisif est que, sur les six parties à l'Acte de 1928 qui sontdevenuesparties a I'Acte revisé,quatre au moins sont connues pour avoir
officiellement déclaréque l'Acte de 1928restait toujours en vigueur à leur
égard.
59. IIen découle à notre avis que les diverses considérations exposées
dans la lettre avec annexe du Gouvernement français en date du 16 mai
1973 sont fort loin d'établir que, comme le soutient ce gouvernement,

l'Acte de 1928doit êtremaintenant considérécommetombé en désuétude.
Mêmes'il en allait autrement, la pratique suivie a l'égardde I'Acte par les
Etats, et surtout par la France elle-même,pendant la période d'après-
guerre, nous parait rendre cette thèse manifestement indéfendable.

Preuvlosdu maintien en vigueurde I'Acte de 1928

60. Entre la disi;olution de la Sociétédes Nations, en avril 1946, et la
requêtedu 9 mai 1973dans laquelle l'Australie invoque l'Acte de 1928,on

trouve, dans la pratique des Etats, un certain nombre d'exemples de
nature à confirmer que, loin de renoncer à l'Acte, les parties ont persistéà
le considérer comnne un traité en vigueur. Le premier est la conclusion, le
17 novembre 1946, de I'accord de règlement franco-siamois destiné a
rétablir la situation territoriale d'avant-guerre aux frontières du Siam eta
renouer les relations amicales entre les deux pays. Le Siam n'était pas

partie à l'Acte géntiralde 1928,mais, dans letraitéd'amitié franco-siamois
de 1937,il avait acceptéd'appliquer lesdispositions de l'Acte au règlement
de tous différends.avecla France. Aux termes de I'accord de règlement de
1946, la France et le Siam acceptaient de constituer immédiatement
((une Commissiori de conciliation composée des deux représentants des
parties et de trois neutres conformément à I'Acte généralde Geneve du

26 septembre 1928 pour le règlement pacifique des différends internatio-
naux qui règle la ~ronstitution et le fonctionnement de la Commission )).
L'Acte de 1928, ilest vrai, s'appliquait entre la France et le Siam non pas
en tant que tel, mais seulement parce qu'il se trouvait incorporé par réfé-
rence dans le traitil d'amitié de 1937. 11est néanmoins difficile d'imaginer
qu'en novembre 1!)46,quelques mois après avoir participé à la dissolution

de la Société desNations, la France aurait remis en vigueur les disposi-
tions de I'Acte de 1928dans ses relations avec le Siam si elle avait estimé
que la dissolution de l'organisation rendait cet Acte pratiquement caduc.
61. En 1948-1949, nous l'avons déjà souligné, I'Actede 1928 a été
mentionné comme étant toujours en vigueur, sans que cela suscite d'ob-
jections, par un certain nombre d'~tats Membres au cours de débats et

par l'Assemblée générale desNations Unies dans sa résolution 268A
(III).En 1948également I'Acte de 1928 figurait dans la liste officielle de
traités de la Nouvelle-Zélande publiéecette année-la. De même,en 1949,
leministre des affaires étrangèresnorvégien,rendant compte au Parlement
au sujet de l'Acte revisé,a déclaréque I'Acte de 1928restait en vigueur et, ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 341

en 1950, le Gouvernement suédois a agi de mêmeen soumettant I'Acte

revisé au Parlemeint suédois. Enfin, lorsqu'il a annoncé l'adhésion du
Danemark à I'Acte reviséen 1952, le Gouvernement danois a cité I'Acte
de 1928 comme étant toujours en vigueur.

62. La France s'est donc simplen~entconformée à l'avis généralquand,
en 1956 et 1957, elle a fait de I'Acte de 1928 l'une des bases de l'action
intentée contre la Norvège de\.ant la Cour en I'affaire de Certailis elii-

prurits17ori.kgie17s.I.J. Recueil1957,p. 9). Dans trois différents passages
de ses écritures, la France a invoqué I'Acte de 1928 comme un traité
existant et applica.ble, qui imposait à la Norvège l'obligation de sou-
mettre le différendà I'arbitrage; en efTetdans chacun de ces passages elle
caractérisait le refus de la Norvège d'accepter I'arbitrage comme une
violation de I'Acte généralde 1928 notamment (Cotailis CII~I)I.LIII~ 1101.-

i!égie17sC, .I.J. M<;,~170irsl,aici'oiri~s et r/ocunients (1955), vol. 1, p. 172,
173 et 180). Elle a fait de mêmedans une note diplomatique du 17 sep-
tembre 1956, adressée au Gouvernement norvégien durant l'instance et
communiquée à la Cour (ihi~l., p. 211)et aussi lors des plaidoiries (ibici.,
vol. II, p. 60). La raison en était que le refus de la Norvègede se soumettre

a I'arbitrage consiituait l'un des élémentsde I'arguinentation française
selon laquelle la Norvège n'était pasen droit de modifier unilatéraleinent
les conditions des prêtsen question ((sans négociation avec les porteurs,
avec 1'Etatfrançais qui a pris fait et cause pour ses ressortissants, ou sulls
arbitrage ..))(C.I.J. Reclrcil 1957,p. 18)(les italiques sont de nous). IIest

donc impossible d'accepter l'explication donnée dans l'annexe à la lettre
du Ciouvernement français du 16 mai 1973, selon laquelle celui-ci, dans
l'affaire de Certaitis e~ill~rlnits1101.1-L:giesle,st borné ((à évoquer très
brièvement I'Acte généralsans l'invoquer expresséineiitcoinme fonde-
ment de sa demande )).
63. L'explicatioinsupplémentaire donnée par le Gouvernement français

dans cette annexe ne nous paraît pas davantage convaincaiite. Elle
revient à dire que, si I'Acte de 1928 avait étéconsidérépar la France
comme en vigueur à l'époque de l'affaire deCcrtai~isclill~rwits 1iori~6giclis.
la France l'aurait invoque pour établir la compétence de la Cour en
l'espècede manière à ((écarterl'exception que la Norvège allait tirer de la

clahse de réciprocitéjouant à de la déclaration francaise N et que,
si elle n'a pas fondéla coinpétence de la Cour sur I'Acte de 1928, (con ne
peut ... expliquer Ilcefait] .,.que par la conviction [que I'Acte] était, en
1955, tombé en désuétude 1).Cette explication ne tient pas pour deux
raisons. Premièrement, elle n'explique pas que le Gouverneineiit français

ait maintes fois cité I'Actede 1928comme iinposant A la Norvège I'obliga-
tion d'accepter I'arbitrage en 1955,et qu'il lui soit i-i~êiarrivéune fois de
viser expressément le chapitre II de l'Acte relatif au règlementjudiciaire.
Deuxièmement, iln'est pas exact qu'en fondant la compétence de la Cour ESSAISNUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 342

sur I'Acte la France aurait pu parer l'exception d'incompétence élevée par
la Norvège sur la biise d'une réserveà la déclaration française d'accepta-
tion de la juridiction obligatoire; et point n'est besoin de chercher plus
loin que l'article 31, paragraphe 1, de I'Acte de 1928 pour découvrir

pourquoi la France n'a pas invoqué celui-ci afin d'établir la compétence
de la Cour. Ce paragraphe est ainsi libellé:

((S'il s'agit d'un différend dont l'objet, d'après la législature inté-
rieure de l'une des parties, relève de la compétence des autorités
judiciaires ou administratives, cettepartiepourra s'opposer à ce que le
différend soit soumis aux diverses procédurespréiluespar le présent

Acte général,arvantqu'une décisiondéjnitive ait été rendue, dans les
délais raisonnables...))(Les italiques sont de nous.)
Comme les obligataires français s'étaientdélibérémentabstenus de toute

action devant les tribunaux norvégiens, la disposition claire et précisede
l'article 31 que nous venons de citer constituait un obstacle redoutable
pour qui aurait voulu fonder la compétence de la Cour sur l'Acte de 1928.
64. Ainsi, la poijition prise par la France dans l'affaire de Certains

empruntsnori?égiens oin de pouvoir s'expliquer uniquement par la con-
viction que l'Acte était tombé endésuétude, établit de manièreon ne peut
plus positive que pour la France I'Acte conservait sa validité et son
efficacitéà cette date. Quant à la Norvège, ilsuffit de rappeler qu'en 1949
son gouvernement avait déclaré devant le Parlement que I'Acte de 1928
restait en vigueur e.td'ajouter qu'à aucun moment de I'affaire concernant

Certains emprunts norivégiens la Norvège n'a contesté ni la validité, ni
l'efficacitéde I'Acte, en tant qu'instrument applicable, à cette date, dans
ses rapports avec la France.
65. Au surplus, l'analyse que fait l'annexe française des conclusions
auxquelles la Cour a abouti et de l'opinion exprimée par M. Basdevant au

sujet de I'Acte généralde 1928 dans l'affaire de Certains emprunts nor-
i9égiens n'est pas, nous semble-t-il, confirmée par l'historique de cette
affaire. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement français, la
Cour n'avait pas à se prononcer sur I'Acte de 1928. Soulignant que la
requêtedu Gouvernement français se fondait ((clairement et précisément

sur les déclarations;de la Norvège et de la France aux termes de I'ar-
ticle 36, paragraphe: 2, du Statut)),la Cour a précisé qu'elle((ne saurait re-
chercher, pour établir sa compétence, un fondement autre que celui que
le Gouvernement firançais a lui-mêmeénoncédans sa requête... )).Etant
parvenue à cette conclusion, la Cour a examiné la question de sa com-

pétence exclusivement sur la base des déclarations faites par les Parties en
vertu de la clause facultative et elle n'a pas mentionné I'Acte de 1928.
Quant à M. Basdevant, au début de son opinion dissidente (p. 71), il
souligne que, sur la compétence, il ne conteste pas le point de départ
adopté par la Cour. En revanche il s'appuie notamment sur I'Actede 1928

pour démontrer que les questions en litige ne relèvent pas de la réservede
compétence nationale. Le fait que la Cour n'ait pas suivi M. Basdevant
dans l'interprétation qu'il a donnéede la réservene peut, selon nous, êtreconsidérécomme une preuve qu'elle ait rejetéson avis sur le maintien en
vigueur de l'Acte de 1928 entre la France et la Norvège. Au reste, si tel

avait étéle cas, ori comprendrait mal que M. Basdevant ait pu dire de
l'Acte de 1928: ((PLaucun moment, il n'a étémis en doute que cet Acte
fît droit entre la France et la Norvège )(C.I.J. Recueil 1957,p. 74).
66. Le déroulement de l'affaire de Certains emprunts norvégiensatteste
donc sans équivoque que l'Acte généralde 1928a survécuà la disparition

de la Société desNations et que les Etats qui y étaient parties, notamment
la France, le considéraient comme en vigueur en 1955-1957. Nous ajou-
terons que l'on peut trouver aussi dans les comptes rendus des débats du
Conseil de l'Europe qui ont abouti à l'adoption, en 1957, de la Conven-
tion européenne pour le règlement pacifique des différends internatio-

naux, un certain nombre de déclarations faites à la mêmeépoquepar des
représentants des Ectatsparties à l'Acte de 1928 qui montrent que l'Acte
de 1928 était considérépar eux comme étant toujours en vigueur. Le
représentant du Danemark, par exemple, a déclarédevant l'Assemblée

consultative en 1955, sans que personne l'ait, semble-t-il, contredit, que
l'Acte de 1928 ((engage vingt Etats )).
67. Dans la lettre du 16 mai 1973 et dans son annexe, rien n'indique
que, si l'Acte de 19.28étaiten vigueur en 1957,certains événementsposté-
rieurs l'ont privéde sa validitéavant que l'Australie déposesa requête;il

ne ressort pas non ]plusdes informations dont dispose la Cour que de tels
événementsse soient produits. Au contraire, des preuves renouvelées et
précises confirment que les parties à l'Acte de 1928pensaient que cet ins-
trument était toujours en vigueur. En 1966, l'Acte généralde 1928 est

cité comme toujours en vigueur dans la publication officielle The Canada
Treaty Series: 1928-1964, ainsi que dans une liste analogue publiéepar la
Finlande l'année suivante. En Suède, la liste de traités publiée par le
ministère des affaiires étrangères en 1969 mentionne I'Acte généralde
1928 avec cette note: ((encore en vigueur à l'égardde certains pays )).En

1971, en demandant au Parlement d'autoriser l'adhésion des Pays-Bas à
l'Acte revisé,le ministre néerlandais des affaires étrangères fait état de
I'Acte de 1928comme d'un accord auquel les Pays-Bas sont parties et par
la suite comme d'un Acte ((qui demeure en vigueur pour vingt-deux
Etats )):enfin, la liste officielle des traités publiée la mêmeannée par

l'Australie mentionne l'Acte de 1928. En outre. I'Acte de 1928 figure
dans un certain nombre de listes de traités non officielles publiéesdans
différents pays.
68. Quant à la F-ranceelle-même,il n'existe aucune indication qu'elle

ait changé d'attitude à l'égard deI'Acte de 1928 avant le dépôt de la
req~iêtede l'Australie le 9 mai 1973. En fait, c'est iilêiiiel'impression
contraire qui se dégage de la réponse écrite il un députéà l'Assemblée
nationale exposant les raisons pour lesquelles la France n'envisageait pas
de ratifier la Convention européenne pour le règlement pacifique des

différends. Dans cette réponse, il est préciséque, comme la plupart des
Etats européens, la France est déji liéepar de noinbreuses obligations de
règlement pacifique des différends et notamment par (I'Acte générald'arbitrage du 26 septembre 1928 reviséen 1949». Dans une note de bas
de page du Livre blanc sur les expériencesnucléaires, le Gouvernement

français a signaléque la référenceà I'Acte de 1928reviséen 1949prêtaità
confusion. Mais mifmeainsi, et nonobstant le libelléinexact de la réponse
écrite,il est difficile de voir dans ce texte autre chose qu'une confirmation
de l'attitude adoptéepar le Gouvernement français dans I'affaire relative à

Certains empruntsrrorcégien~ , savoir que l'Acte de 1928devait être con-
sidérécomme un itraitéen vigueur à I'égardde la France; en effet la
France n'avait pas ratifiél'Acte généralreviséet ne pouvait être liéeque
par l'Acte généralsoussaforme primitive, en d'autres termes uniquement
par l'Acte de 1928.

69. Dès lors, nous sommes amenés à conclure que l'Acte de 1928était
un traité en vigueur entre l'Australie et la France le 9 mai 1973, date du
dépôt de la requête par laquelle l'Australie a introduit la présenteins-
tance. Le 10 janvier 1974, quelques mois après le dépôt de la requête,

le Gouvernement français a notifiéau Secrétaire généralqu'il dénonçait
l'Acte, sans préjudiicede la position qu'il avait adoptée au sujet se son
manque de validitt?. Conformément à la jurisprudence constante de la
Cour, une telle notification ne saurait toutefois avoir d'effet rétroactif sur

la compétence conféréeantérieurement à la Cour par le dépôt de la
requête; voir à cet égard I'affaire Nottebohm, exception préliminaire
(C.I.J. Recueil 195.3,p. 120-124).
70. De même,la conclusion suivant laquelle l'Acte de 1928 était un

traitéen vigueur entre l'Australie et la France le 9 mai 1973n'est aucune-
ment affaiblie, selon nous, par le fait que deux autres Etats, l'lnde et le
Royaume-Uni, ont pris depuis lors certaines mesures à I'égardde l'Acte.
Dans I'affaire relative au Procès de prisonniers deguerre pakistanais 1,
l'Inde a fait savoir à la Cour par lettre en date du 24juin 1973 qu'à son

avis I'Acte de 1928 avait cesséd'être untraité en vigueur après la dis-
parition des organes de la Sociétédes Nations. Le Pakistan a expriméun
avis contraire et, depuis lors, le premier ministre de ce pays a confirmé
par lettre adressée au Secrétaire généralde l'organisation des Nations

Unies qu'il considérait I'Acte comme toujours en vigueur. D'autre part,
dans une lettre du 6 février 1974. le Rovaume-Uni a fait étatdes doutes
qui avaient été exprimésau sujet de 1a;alidité de I'Acte et a notifiéau
Secrétaire eénéralsa dénonciation de l'Acte conformément aux dis~o-
L
sitions de l'article 45,paragraphe 2, de cet instrument, mais il a employéà
cette occasion des termes qui ne préjugeaient pasla question du maintien
en vigueur de I'Acte. En tout étatde cause, ces exemples peu concluants
de la pratique des IZtatsà l'égardde I'Acte de 1928, postérieurs au dépôt
de la requête australienne, doivent être confrontésavec les nombreuses

indications, parfois très récentes, du maintien en vigueur de I'Acte, que
nous avons déjàsignalées.De plus, ilest de règle qu'un traité multilatéral
ne prenne fin qu'avec le consentement exprès ou tacite de toutes les par-

-
1 C.I.J. Rccr~eil197.p.347-348ties, condition qui n'a manifestement pas été satisfaite dans la présente
instance.
11ne fait donc aucun doute à nos yeux que l'article 17de l'Acte général,
se conjuguant avec: l'article 37 du Statut, fournissait à l'Australie une

base valable lui permettant de saisir la Cour de l'affaire des Essais
nucléairesle 9 mai 1973. Reste cependant la question des difficultésqui
pourraient se préseiîterdans l'application de l'Acte entre l'Australie et la
France en raison des réserves formulées par l'un ou l'autre de ces deux
pays, question que :nousnous proposons d'examiner à présent.

Applicabilitéde I'Acte de 1928 entre l'Australie
et la France

71. Le Gouvernement français fait valoir, dans l'annexe à sa lettre du
16mai 1973, que, mêmesi l'on devait admettre que I'Acte de 1928 n'a
pas perdu sa valid:ité,il ne serait pas applicable entre l'Australie et la
France à cause de deux réservesfaites par l'Australie à l'égardde l'Acte
lui-mêmeet, de pluij, d'une réservefaite par la France dans sa déclaration

d'acceptation de la clause facultative du 20 mai 1966.
72. Les réservesaustraliennes à I'Acte de 1928, dont il s'agit ici, sont:
1)une clause autorisant à suspendre temporairement la procédure prévue
par l'Acte quand Lindifférend était à l'examen devant le Conseil de la
Société desNations et 2) une autre clause excluant du champ d'appli-
cation de l'Acte les différends avec les Etats qui étaient parties à celui-ci
mais non membres de la Société desNations. La disparition de la Société

des Nations, affirme-t-on, a rendu incertaine la portée de ces réserveset
l'on ajoute que cette incertitude est entièrement à l'avantage de I'Aus-
tralie et partant inacceptable.
73. La clause relative à la suspension de la procédure avait pour seul
objet d'assurer la primauté des pouvoirs du Conseil de la Société des
Nations dans l'examen des différends et la disparition du Conseil n'a

porté,à notre avis, .aucune atteinte aux obligations généralesde règlement
pacifique souscrites en vertu de I'Acte lui-même. Une réservesemblable
figurait d'ailleurs dans plus d'une déclaration faite en vertu de la clause
facultative du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et
nul n'a jamais douitéque ces déclarations eussent conservé leurs effets
malgré la disparition du Conseil de la SdN. Dans l'affaire de I'Atlglo-
Ira~liailOit Co., les déclarations des deux Parties contenaient une réserve

de ce genre et cep~cndant personne n'a prétendu que la disparition du
Conseil de la Société desNations avait rendu l'une ou l'autre inopérante.
Au contraire, I'lran a invoqué la réserve et si le Royaume-Uni lui a
contestéledroit de le faire c'est uniquement parce que le fond du différendn'était pas à l'examen devant le Conseil de sécurité(C.I.J. Mémoires,
plaidoiries et documents, Anglo-Iranian Oil Co., p. 282 et 367-368). De
plus, I'adhésion de la France elle-mêmeà l'Acte de 1928 contenait une
réserve rédigée à peu près dans les mêmestermes et pourtant, dans

l'affaire de certain.^empruntsnorvégiens,la France ne semble pas y avoir
vu un obstacle à I'a~pplicationde I'Acte entre elle-mêmeet la Norvège.
74. De même,on ne saurait dire que la disparition de la Société des
Nations ait rendu inapplicables les obligations générales de règlement
pacifique inscrites dans l'Acte de 1928 du fait de la réserveaustralienne

excluant les différi:nds avec des Etats non membres de la Société des
Nations. La Cour ;actuellen'a pas hésitéà utiliser l'expression ctmzmbre
de la Société desNations ))à propos du mandat sur le Sud-Ouest africain
(C.I.J. Recueil 19-51),. 138, 158-159et 169;affaires du Sud-Ouest africain,
C.I.J. Recueil 1962, p. 335 à 338) et le Secrétaire général n'apas hésité

non plus à le faire dans l'exercicede ses fonctionsde dépositaire des traités
multilatéraux de la Société desNations ouverts à la participation des
Etats ((membres dc:la Sociétédes Nations D.
75. S'il devait se poser aujourd'hui, dans une affaire, une question
quelconque relative à l'application de I'une ou l'autre des deux réserves

qui figurent dans I'adhésionde l'Australie à l'Acte de 1928, il appartien-
drait à la Cour de: déterminer la situation actuelle de cette réserve, et
d'apprécier sasignification et ses effets. Mêmesi la Cour devait juger que
I'une de ces réserves n'est plussusceptible d'être appliquée,essentielle-
ment, cela ne rendrait pas moins valable I'adhésion de l'Australie à
l'Acte de 1928.De plus, le principe bien établide la réciprocitédans I'ap-

plication des réserves exclutque l'incertitude qui pourrait subsister sur la
portée de celles-ci profite exclusivement à l'Australie. Ajoutez à cela que
la France n'a pas prétendu que la présenteaffaire rentre elle-mêmedans
le champ d'application de I'une ou l'autre réserve.
76. Vu les considérations qui précèdent,nous ne découvrons dans les

réserves australiennes aucun obstacle à I'applicabilité de I'Acte de 1928
entre l'Australie et la France.

77. Le Gouvernement français invoque cependant un autre motif tout
différend pour corisidérer I'Acte de 1928 comme inapplicable entre la

France et l'Australie dans le présent litige. Les termes des déclarations
faites par les deux pays en vertu de la clause facultative, affirme-t-on,
doivent être consicléréscomme l'emportant sur ceux de leurs adhésions
à I'Acte de 1928.En conséquence, mêmesi l'on suppose valable I'Acte de
1928, les réserves qui accompagnent la déclaration faite au titre de la
clause facultative par la France en 1966doivent,d'après le Gouvernement

français, être considéréescomme applicables. Parmi ces réserves figurecelle qui excepte de la compétence acceptéepar la France en vertu de la

clause facultative les ((différendsconcernant des activitésse rapportant à
la défense nationale »; d'après le Gouvernement français, cette réserve
s'applique nécessairement au présent différend relatifà des essais d'armes
nucléaires en atmosphère effectuéspar la France.

78. L'un des arguments invoquésà l'appui de cette affirmation est que,
puisque le Statut de la Cour fait partie intégrante de la Charte des Nations
Unies, les obligations assumées par les Etats Membres de l'organisation
sur la base de la clause facultative figurant dans ce Statutsont àconsidérer

en vertu de l'article 103 de la Charte, comme devant prévaloir sur celles
qui leur incombent en vertu de l'Acte de 1928.Cet argument nous semble
reposer sur une idiSefausse. La Charte elle-même n'impose aux Etats
Membres aucune obligation de soumettre leurs différends au règlement
judiciaire, et toute obligation de cette nature qu'un Membre assume en
vertu de la clause facultative est donc souscrite comme une obligation

volontaire et supplémentaire que n'entre pas dans le champ d'application
de l'article 103. De toute manière, l'argument porte en lui-même sa
contradiction, car on pourrait soutenir de façon tout aussi plausible
que les obligations souscrites par les parties à l'Acte de 1928constituent
des obligations en vertu de l'article 36, paragraphe 1, du Statut et sont
donc au mêmetitre des obligations en vertu de la Charte.

79. Toutefois, le Gouvernement français justifie aussi son,affirmation
par l'idéeque la situation, en l'espèce, est analogue à celle ((d'un traité
postérieur portant ijür la même matièrequ'un accord antérieur dans les

relations entre les mêmespays ».Bref, d'après le Gouvernement français,
les déclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative
devraient êtreconsidéréescomme équivalant à un traitéultérieur d'accep-
tation de la juridiction obligatoire, qui, représentant une expression plus
récentede la volonté des Parties, prévaudrait sur l'Acte plus ancien de
1928, lequel porte sur le mêmesujet. II convient cependant d'ajouter une

précision: le Gouvernement français souligne qu'il ne veut pas dire par
là que, lorsqu'un traitéquelconque contient une clause attribuant compé-
tence à la Cour, un Etat partie peut s'affranchir des obligations résultant
de cette clause en assortissant d'une réserve appropriée une déclaration
déposée ultérieurenienten vertu de la clause facultative. L'argument .du
Gouvernement français s'applique seulement à un traité, comme l'Acte
général,((dont 1'ob.jetexclusif est le règlement pacifique des différends et

notamment son règlement judiciaire)).
80. Cet argument nous parait soulever un certain nombre d'objections,

98dont l'une, et non d.esmoindres, tient au fait que les cctraités et conven-
tions en vigueur ))el:les déclarations en vertu de la clause facultative ont
toujours été considéréc somme deux sources différentes de la juridiction

obligatoire de la Cour. La juridiction établie par des traités est prévueau
paragraphe 1 de l'article 36 et lajuridiction résultant de déclarations d'ac-
ceptation de la clause facultative au paragraphe 2; or, les dispositions des
deux paragraphes les présentent comme des catégories tout à fait dis-
tinctes. Ces paragraphes reproduisent les dispositions correspondantes de
I'article 36 du Statut de la Cour permanente, qui consacraient le compro-

mis réaliséentre le Conseil et d'autres membres de la Société desNations
sur la question de la juridiction obligatoire. Ce compromis consistait à
ajouter, au paragraphe 2, une clause facultative qui permettait d'établir la
compétence obligatoire de la Cour pour les différends d'ordre juridique
entre tous les Etats disposés à accepter une telle obligation, au moyen

d'une déclaration lunilatérale à cet effet. Ainsi. la clause facultative
a-t-elle été conçuedès le départ comme une source indépendante de la
comdtence de la Cour.
81. Le caractère distinct et indépendant des deux sources de la compé-
tence de la Cour, à savoir les traités et les déclarations unilatérales faites

en vertu de la'clause facultative, apparaît dans les dispositions spéciales
qui ont étéincluses dans le Statut actuel pour sauvegarder la juridiction
obligatoire que la Cour permanente possédait au moment de sa disso-
lution. Deux dispositions différentes ont étéconsidéréescomme néces-
saires à cet effet: l'article 36, paragraphe5, relatif à la juridiction en vertu

de la clause facultaitive et I'article 37 relatif à la juridiction en vertu des
((traitéset conventions en vigueur ». Le caractère distinct et indépendant
des deux sources de compétence se dégage aussi de la jurisprudence des
deux cours. La Cour dans son ordonnance refusant des
mesures conservatoires en I'affaire du Statut,juridique du territoire du sud-
est du Groenland, s'est référée spécialemen àtune clause de l'Acte de 1928

relative aux mesure!; conservatoires et a soulignéqu'un remèdejuridique
ne ferait pas défaut ((mêmeabstraction faite de l'acceptation par les
Parties de la disposition facultative ))(C.P.J.I. sérieAIB no48, p. 289). De
même,dzns l'affaire de la Compagnie d'électricité de Soja et de Bulgarie,
la Cour permanente a expressément statué qu'un traité bilatéral de con-

ciliation, d'arbitrage et de règlement judiciaire, ainsi que les déclarations
des Parties en vertu de la clause facultative, ouvraient des voies d'accès à
la Cour qui étaient séparéeset se cumulaient et que, si l'examen de l'un
de ces chefs de compétence aboutissait à un résultat négatif, cela ne dis-
pensait pas la Cour de procéder à l'examen de ((l'autre chef de compé-

tence invoqué à titre distinct et indépendant du premier ))(C.P.J.I. série
AIB no 77,p. 76 et 80). Quant à la Cour actuelle, elle a particulièrement
insisté,dans l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
sur le fait que les dispositions de I'article 37 du Statut relatives aux
((traitéset conventions en vigueur ))concernent ((une catégorie différente

d'instruments », par rapport aux déclarations unilatérales viséespar I'ar-
ticle 36, paragraphe 5 (C.I.J. Recueil 1964, p. 29). Plus récemment, dansl'affaire de l'Appel concernant la compétencedu Conseil de I'OACI, la
Cour a expressémentfondé l'une de ses conclusions sur le caractère indé-
pendant et autonome de ces deux sources de sa compétence (C.I.J.
Recueil 1972,p. 53t:t 60).

82. Dans la présente affaire, cette objection est renforcée par le fait
que l'Acte de 1928contient un code rigoureux de dispositions réglemen-
tant la formulation des réserves,tandis qu'aucune disposition de ce genre
ne régitla formulation des réserves a l'acceptation de la juridiction de la
Cour en vertu de la1clause facultative. Ces dispositions, qui figurent aux
articles 39,40, 41, ,43et 45 de l'Acte, imposent des restrictions relatives
notamment aux catégoriesde réservespermises etau moment où celles-ci
peuvent êtrefaites e:tprennent effet. De plus, un Etat qui accepte la juri-
diction au titre de la clause facultative peut déterminer lui-mêmela durée

d'application de sa déclaration et il peut mêmeprévoirla possibilité d'y
mettre finà tout moment par une notification, tandis que l'article 45, para-
graphe 1, de l'Acte dispose que celui-ciresteraen vigueur pendant des pé-
riodes fixessuccessivesde cinq ans s'iln'estpasdénoncésixmois au moins
avant l'expiration de la période en cours. Il est clair que les auteurs de
l'Acte de 1928 ont délibérément différencilé e régimeauquel sont sou-
mises les réservesclecelui de la clause facultative; en effet, au moment
d'adopter l'Acte l'Assembléede la Sociétédes Nations a simultanément
attirél'attention des Etats, dans une autre résolution,sur les nombreuses
possibilitésqui existaient de limiter les engagements acceptésen vertu de
la clause facultative((soit quant a leur durée, soit quanà leur étendue ».
Par suite, s1'011adinettait que les réservesfaitespar un Etat dans le cadre
du système incontirôléet extrêmement souple de la clause facultative
peuvent automatiquement modifier les conditions auxquelles cet Etat a

acceptéla compétei~ceen vertu de l'Acte de 1928,on prendrait le contre-
pied du système rigoureux délibérémentétabli dans l'Acte pour les
réserves.
83. Le Gouvernt:ment français se rend évidemmentcompte de la force
de cette objection; car il indique que l'on peut concilier ses thèses avec
l'article 45, paragraphe 2, de l'Acte, qui obligeà notifier toute modifi-
cation des réservessix mois au moins avant la fin de la période quin-
quennale en cours, à condition d'admettre que les réserves faitespar la
France dans sa déclaration de 1966ont seulement pris effet à la fin de la
période qui étaita.lors en cours, c'est-à-dire en septembre 1969. Cette
interprétation paraiît néanmoins méconnaître la nature essentielle des
réserves. Une réserve, d'après la définition adoptée a l'article 2, para-
graphe 1d), de la Convention de Vienne sur le droit destraités, est:

((une déclaration unilatérale,quel que soit son libelléou sa désigna-
tion, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve
un traitéou y ;adhère,par laquelle il visà exclure ou modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur applicationà
cet Etat)).

Ainsi, en principe, une réservene concerne que l'expression, qui a été
donnéepar un Etat, de son consentement às'obliger par un traitéou par
un instrument déterminéet les obligations qu'il a assuméesen exprimant
ainsi son consentelment. Par conséquent, l'idéequ'une réservejointe à
un accord international puisse, par un processus qui n'est pas précisé,se

surimposer à un autre acte international ou se rattacher à celui-ci est
étrangère à la notion mêmede réserveen droit international; elle fait en
outre bon marché des règlesrégissantla notification, l'acceptation et le
rejet des réserves.Le simple fait que ni le Secrétaire générale la Société
des Nations, ni celui de l'organisation des Nations Unies, n'aient,
semble-t-il, jamais penséque des réserves faitesdans les déclarations en
vertu de la clause facultative puissent intéresseraucun titre les partieà
l'Acte général souligne ceque la thèse avancée présented'inédit.

84. Ce caractère inédit est encore soulignépar le fait que, chaque fois
que des Etats ont voulu établirun lien entre les réservesà la compétence
découlant de la cla.usefacultative et les réserveà la compétenceprocé-
dant d'un traité, c:e résultat a étéatteint au moyen d'une disposition

expresse à cet effet. C'est ainsi que les parties au Traitéde Bruxelles du
17 mars 1948 sont convenues, à l'article VIII, de soumettre à la Cour
tous les différendsqui rentreraient dans le champ de la clause facultative,
sous les seules réservesque chacune d'entre elles a faites en acceptant
cette clause. Mêmedans ce traité, nous le voyons, les parties n'ont
envisagéd'appliquer à la juridiction établiepar le traité que les réserves
déjà ((faites))dans le cadre de la clause facultative. L'article 35, para-
graphe 4, de la Convention européenne pour le règlement pacifique des
différends va plus loin, dans la mesure où il reconnaît aux parties la
facultédeformuler à l'égardde laconvention, àtout moment et par simple

déclaration, les mêmes réservesqu'à l'égard de la clause facultative.
Toutefois, il ressort de cet article qu'une déclaration expresse, se référant
spécialement à la convention européenne, est exigéepour que les réserves
faites par une partiiedans sa déclaration d'acceptation de la clause facul-
tative affectent son acceptation de la compétencedans le cadre de la con-
vention. De plus, la faculté ainsiouverte par l'article 35, paragraphe 4,
de la convention est expressément soumise aux restrictions générales
concernant la prés,entationde réserves qu'imposele paragraphe 1 de cet
article, qui autorise uniquement les réserves tendant à exclure « les
différendsportant sur des affaires déterminéesou des matières spéciales
nettement définies.,tellesque le statut territorial, ou rentrant dans des

catégories bien pritcisée>)(ces termes sont directement repris de l'ar-
ticle 39,paragraphe 2 c),de l'Actede 1928).Ilnous sembledonc tout à fait
clair que les Etats européens auteurs de ces deux traités européensontposéen principe que les déclarations faites en vertu de la clause faculta-
tive, avant ou après la conclusion du traité, ne produiraient aucun effet
sur les obligations juridictionnelles incombant aux parties en vertu de
celui-ci,à moins qu'une disposition expresse ne soit prévue à cet effet et
ils n'étaient disposésà consentir à cela qu'aux conditions spécialement
définiespar le traitt5en question.

85. La question du rapport qui existe entre les réservesafférentesà la
clause facultative r:t la compétence reconnue conventionnellement à la
Cour a retenu particulièrement l'attention aux Etats-Unis ou elle a été
étudiée à propos dlel'«amendement Connally n, dont l'adoption par le
Sénats'est traduite par l'adjonction à la déclaration américaine d'accep-
tation de la clause facultative de la réserve((discrétionnaireien connue
visant les questions qui relèvent de la compétence nationale des Etats-
Unis. Deux ans plus tard, les Etats-Unis ont signéle pacte de Bogoti,
traité généralde rè:glementpacifique interaméricainqui attribue compé-
tence à la Cour pour le règlement desdifférendsd'ordre juridique ((con-
formément au paragraphe 2 de I'article 36 du Statut )).Toutefois, les
Etats-Unis ont assorti leur signature d'une réserve spécifiantque leur
acceptation de la juridiction obligatoire en vertu du pacte est soumiseà
((toute limitation dejuridiction et autre catégoriede limitationscontenues
dans toute déclaraitionfaite par les Etats-Unis au titre de la clause facul-

tative. et en -igueur au moment de l'étude d'uncasdéterminé ))Les Etats-
Unis semblent donc avoir reconnu que leurs réserves concernant la
clause facultative nieseraientapplicables que s'ilsle prévoyaientexpressé-
ment dans une réserveappropriée au pacte de Bogoth lui-même.Cette
interprétation est confirméepar le fait que, d'une part, dans tous les cas
où ils ont voulu appliquer la réserveConnally à la compétencedérivant
d'un traité, les Etats-Unis ont insistépour faire figurer une disposition
précise à cet effet, et que, d'autre part, le départementd'Etat n'a cesséde
soutenir qu'en l'absence d'une telle disposition la réserveConnally ne
s'appliquepas. (Voir American Journal of International Law, 1960,p. 941 -
942, et ibid., 1961, p. 135-141.) Qui plus est, le département d'Et& a
adoptécetteposition àpropos non seulementdesclauses juridictionnelles
de traités portant sur une matière déterminée,mais aussi de protocoles
facultatifs dont le iseulobjet étaitd'assurer le règlementjudiciaire de cer-
tainescatégoriesde différendsjuridiques (voir Whiteman'sDigest ofInter-

national Law, vol. 12, p. 1333). Sur ce point, les Etats-Unis paraissent
nettement admettre que toute compétence conférée conventionnellement
à la Cour dans le cadre de l'article 36, paragraphe 1, du Statut doit être
considéréecomme: distincte et indépendante de la compétence qui lui
est reconnue en vertu de I'article 36, paragraphe 2, par l'acceptation de
la clause facultative. Ainsi, dans un rapport sur la ratification de la
Convention supp1é:mentaire relativeà l'abolition de l'esclavage,le Foreign
Relations Commitifeedu Sénat des Etats-Unis a déclaré:((Etant donné
que l'amendement Connally s'applique aux affaires portées devant la
Cour en vertu de I'article 36, paragraphe 2, il ne s'applique pas aux
affaires portées devant la Cour en vertu de I'article 36, paragraphe 1, etpar conséquent aux affaires relatives à la présente convention)) (US
Senate, 90 Congres$,1st Session,ExecutiveReport, no 17,p. 5).
86. Nous estimons donc que la thèse suivant laquelle la réservede la

France àsa déclara.tiond'acceptation de la clause facultative de 1966doit
êtreconsidérée comimeapplicable àla compétencede la Couren vertu de
l'Acte de 1928ne concorde ni avec les principes ni avec la pratique.

87. Il reste maintenantà examiner l'argument principal du Gouverne-
ment français qui consiste à dire que les obligations assuméespar sa
déclarationde 1966doivent êtreréputéesprévaloir surcellesqui découlent
de l'Acte de 1928,pour la raison que les déclarations d'acceptation de la
clause facultative faites par la France et l'Australie équivaudraientun

traité postérieur portant sur la mêmematière que l'Acte de 1928. Cet
argument s'inspire probablement des opinions dissidentes expriméespar
quatre juges dans l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sojîa et de
Bulgarie (C.P.I.J.>rérieA/B no 77),bien que la lettre du Gouvernement
français en datedu 16mai 1973ne fasse pas mention de cette affaire. Ces
juges ont suivi des raisonnements qui divergeaientà certains égards mais
ils se sont accordé:;pour dire qu'un traité bilatéralde conciliation, d'ar-
bitrage et de réglernentjudiciaire, concluentre la Belgique et la Bulgarie
en 1931,devait prendre lepas sur lesdéclarationsdesdeux gouvernements
au titre de la clause facultative, ledit traité étantpostérieur aux déclara-
tions. Toutefois, mises à part les critiques que pouvaient inspirer les
raisonnements suivis par ces juges, leurs opinions n'apportent qu'un
soutien précaire à la thèse du Gouvernement français. En effet, la situa-

tion, dans cette aflfaire,étaitexactement l'inverse de celle qui se présente
en l'espèce,le traitébilatéralétant alors l'<(acco))le plus récent. C'est
une chose de dire qu'un traitépostérieur, négociéet acceptéde concert,
doit l'emporter suirun accord antérieur né d'actesunilatéraux distincts;
c'en est une autre de dire qu'un Etat peut, par une simple déclaration
unilatérale, revenir sur les obligations souscrites en vertu d'un traité
existant.
88. En tout cas, cette thèse esten contradiction avec l'arrêtrendu par
la Cour permanente dans l'affaire susviséeet elle est diamétralement
opposée à la position adoptéepar la France etpar M. Basdevant sur cette
mêmequestion dans l'affaire de Certains emprunts norvégiens,ainsi qu'à
l'opinion expriméepar la Cour actuelle dans l'affaire de l'Appel concer-

nant la compétenced ,u Conseilde I'OACI. Dans l'affaire de la Compagnie
d'électricitéde Sqfia et de Bulgarie, tout en considérant que les deux
déclarations dYacc:eptationde la clause facultative équivalaient à un
accord, la Cour permanente a jugéque cesdéclarationset le traitéde 193 1
constituaient des voies d'accèsindépendantes et subsidiaireà la Cour qui
pouvaient êtreutiliséescumulativement, selon les modalités propres àchacune d'elles,pour essayer d'établirla compétence de la Cour. La Cour
a fondésa décisionsur ce qui avait dû être,selon elle, l'intention des par-
tieslorsqu'elles avaient conclu ces engagements multiples:

((la multiplicité d'engagements conclus en faveur de la juridiction
obligatoire atteste chez les contractants la volonté d'ouvrirde nou-
velles voiesd'~1ccè.sla Cour plutôt que defermer les anciennes oude
les laisser se neutraliser mutuellementpour aboutirfinalement à l'in-
compétence))(,C.P.J.I. sérieAIB no 77, p. 76) (les italiques sont de
nous).

En outre, pour mieux faire ressortir cette intention des Parties, la Cour a
soulignéqu'elles avaient plaidé leur cause en fonction «des conditions
que prévoit indépendamment chacun des deux engagements ))et que:

«Le Gouvernement bulgare ou le Gouvernement belge n'ont à
aucun momerit envisagé qu'il ait pu y avoir quelque restriction ap-
portée, par l'un ou l'autre de ces engagements, à leurfonctionnement
normal respec,rifpendant le temps ou ils étaient en vigueur.» (Zbid.,
p. 75.) (Les italiques sont de nous.)

89. Dans l'affaire de Certains emprunts norvégiens, ainsi que nous
l'avons indiqué aux paragraphes 62 à 65 de la présenteopinion, la France
a cherché à fonder la compétencede la Cour uniquement sur les déclara-
tions faites au titre dela clause facultative et ellea invoquéctede 1928,
ainsi que la Convention d'arbitrage de 1904et la deuxièmeConvention de
La Haye de 1907,pour essayer de démontrer que la Norvège était tenue
de soumettre les cluestions en litigeà l'arbitrage. Dans cette affaire, la
question du rapport entre les obligations juridictionnelles des Parties
dérivées dela clau:sefacultative et de traités respectivement ne s'estdonc

pas posée à propcis de la compétence de la Cour. C'est la France elle-
mêmequi l'a soulevéeau sujet du rapport entre les obligationsdesParties
d'accepter la juridiction obligatoire conformément à la clause facultative
et leurs obligatioris de se soumettre à l'arbitrage découlant des trois
traités en cause dans I'affaire. De plus, la relation temporelle entre les
acceptations de la juridiction au titre de la clause facultative et au titre
des traités était la même qu'en la présente espècel,es trois traités étant
tous antérieurs aux déclarations faites par les Parties sur la base de la
clause facultative. Dans ses observations sur les exceptions préliminaires
de la Norvège, après s'êtreréféré à l'Acte généralde 1928 et aux deux
autres traités,leouvernement françaisa invoqué,en paraissant I'approu-

ver entièrement, le passage de l'arrêtrendu par la Cour permanente dans
l'affaire de laCowrpagnied'électricité deSojia et de Bulgarie ou la Cour
concliiait qrn:
cla multiplicité d'engagements conclusen faveur de la juridiction
obligatoire atteste chez les contractants la volonté d'ouvrir de nou-
velles voies d'accèsà la Cour plutôt que de fermer les anciennes ou

de les laisser se neutraliser mutuellement pour aboutir finalement à
l'incompétence».De même, à l'audience du 14 mai 1957,le Gouvernement français s'est
expressémentréféré: à l'article 17de l'Acte de 1928et a déclaré:

((Pour que, de cette multiplicité d'engagementsd'arbitrage et de
juridiction, découle l'incompétencede la Cour, malgré la règle
contraire de l'arrêt Compagnie d'Electricitéde Sojîa, il faudrait que
la Cour estime qu'il n'y a aucun différend d'ordre juridique ..»
(C.I.J. Mémoires,Certains empruntsnorvégiens,vol. II, p. 61 .)(Les
italiques sont de nous.)

Lors du deuxième tour de plaidoiries - à propos cette fois de la
deuxièmeConvention de La Haye de 1907 - le Gouvernement français
a de nouveau rappr:lé à la Cour ce passage de l'arrêt rendudans l'affaire
de laCompagnied'tilectricitéde Sofiaet de Bulgarie(ibid.,vol. II,p. 197).
90. Dans l'affaire de Certains empruntsnorvégiens,la Cour, pour les
raisons que nous a.vonsdéjà rapportées, ajugé inutile d'examiner cette
question. M. Basdevant en a traitéquant à lui et les observations qu'il a
formulées à cepropos intéressenttrès directementleproblèmesoulevépar
le Gouvernement fiançais dans la présente espèce.Après avoir souligné
que la déclaration faite par la France conformément à la clause facul-

tative restreignait ({:ledomaine de lajuridiction obligatoire plus que ne le
faisait l'Acte généraldans les rapports entre la France et la Norvège)),
M. Basdevant a fait observer ce qui suit:
((Or il est manifeste que cette déclaration unilatéraledu Gouver-

nement français n'a pas pu modifier, dans ce sens restrictif, le droit
alors envigueur entre la France et la Norvège.
Dans une afraire où il avait été soutenuque non pas une déclara-
tion unilatéral'emais un traitéentre deux Etats avait limitéla portée
entre eux de leurs déclarations antérieures acceptant la juridiction
obligatoire,lar Cour permanente a rejeté ce moyen...)) (C.I.J.
Recueil 1957,p. 75.)

Il cite ensuite le passage de l'arrêten l'affaire de la Compagnie d'élec-
tricitéde Sofia et de Bulgarieoù il est question de la ((multiplicitéd'en-
gagements)) et l'applique à la situation telle qu'elle seprésentait en l'af-
faire de Certains emprunts norvégiensen formulant les observations
suivantes:

((Une voie d'accès à la Cour a été ouvertepar l'adhésiondes deux
Partiesà 1'Act:egénéralde 1928: ellene saurait êtreferméeou neu-
traliséepar la disposition restrictive que le Gouvernement français et
non le Gouvernement norvégiena ajoutée à son acceptation nou-
velle de la juridiction obligatoire énoncéedans sa déclaration de
1949. Cette dispositionrestrictive,émanant d'unseul, nefait pas droit
entre laFranceet la Norvège;elle ne sufit pas afaire échec au régime
juridique exist,antentre euxsur ce point;elle ne saurait fermer la voie
d'accès à la Cour antérieurement ouverte ni la neutraliser pour aboutir à l'incompétence.» (Les italiques sont de nous; C.I.J.
Recueil 1957,p. 75-76.)
11est difficile de c:oncevoir un rejet plus catégorique de la thèse qui
voudrait qu'une dtzclaration unilatérale puisse modifier les conditions

dans lesquelles la juridiction obligatoire a été acceptée sur la base d'un
traité antérieur quecette prise de position de M. Basdevant dans l'affaire
de Certains emprunts norvégiens.
91. La question à l'examen s'est enfait poséedirectement à la Cour
à propos de sa corripétencedans l'affaire de l'Appel concernant la compé-
tence du Conseil de I'OACI (C.I.J. Recueil 1972, p. 46), où l'Inde avait,
dans sa requête,foridé lacompétence dela Cour sur certainesdispositions
de la Convention rizlativà l'aviation civile internationale et de l'Accord
relatif au transit des services aériens internationaux, ainsi que sur les
articles 36 et37 du Statut de la Cour. Le Pakistan ne s'étaitpas contenté
de soulever certaines exceptions préliminairesd'incompétence dela Cour
sur la base des dispositions des traités eux-mêmes;il avait aussi soutenu
que la Cour devait de toute façon se déclarrr incompétente étantdonné
l'effet d'une des réservesdont l'Inde avait assorti son acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour en vertu de la clause facultative (ibid.,
p. 53, et C.I.J.Mémoires, Appel concernant la compétencedu Conseil de
l'OACI, p. 379). En résumé,le Pakistan avait avancé dans cette affaire
précisément l'arguiment développépar le Gouvernement français dans
l'annexe à sa lettre du 16 mai 1973.Au surplus, la déclaration de l'Inde
contenant la réserveen question avait étéfaite après la conclusion des
deux traités, de sorte que cette affaire ressemblait trait pour trait à la
présente instance. Dans son arrêt,la Cour a considéréles traités et les
déclarations d'acceptation de la clause facultative comme deux sources
distinctes et totalement indépendantes de compétence.En ce qui concerne
notamment le fait que 1,ePakistan avait invoquéla réservefigurant dans la
déclaration indienrie, la Cour a dit:

En tout cas, pareils motifs ne présenteraient de la pertinence que
s'il s'avéraitue les Traitéset leurs clauses juridictionnelles sont in-
suffisants et que la source de la compétence de la Cour doit être
recherchée endehors d'eux, ce qui, d'après la Cour, n'est pas le cas
pour lesraisons qui vont êtreindiquées.»(C.I.J. Recueil 1972, p. 53.)

Ayant énoncéces raisons, qui étaient que la Cour rejetait les exceptions
préliminairesdu Pakistan visant les clausesjuridictionnelles des traités et
qu'elle s'estimait compétenteen vertu de ces clauses, la Cour a briève-
ment fait justice en cestermes de l'objection visant la réserveque compor-
tait la déclaration indienne:

((La Cour alyantdonc compétence en vertu de ces clauses et par
suite ...en vertu de l'article 36, paragraphe 1, et de l'article 37 de
son Statut, il est sans pertinence d'examiner les objections visant
d'autresfondements possibles de sa compétence. »(C.I.J. Recueil 1972,
p. 60). (Les itailiquessont de nous.)cert. Ni l'Australie ni le Canada n'ont cependant pris de mesures sem-
blables, à cette date, au sujet de l'Acte de 1928.
Le 7 septembre 1939,quatre jours après le déclenchement des hostilités,
le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada ont
notifiépar lettre au Secrétairegénéralde la Société desNations qu'ils ne
considéraient pas que leur ((acceptation de la disposition facultative

s'applique à des différends qui pourraient résulter des événementssur-
venant au cours des hostilités actuelles)).Dans sa lettre, le Royaume-Uni
expliquait en détailque le système de sécuritécollective de la Société des
Nations s'étaitécrouléet que, de ce fait, les circonstances qui existaient
au moment où il avait accepté la clause facultative s'étaientfondamentale-
ment modifiées;on a en généralconsidéré queces explications reposaient,

à tort ou à raison, sur la doctrine du changement fondamental de cir-
constances. Le Gouvernement australien a expressément fait siennes les
explications du Gouvernement du Royaume-Uni, comme l'a fait aussi le
Gouvernement français lorsqu'il a déposésa notification d'une réserve
du mêmegenre tr,ois jours plus tard seulement. L'Afrique du Sud et

l'Inde ont suivi peu après. Là encore il paraît évidentque les notifications
de la France et des pays du Commonwealth correspondaient à une poli-
tique concertée au sujet des différends qui pourraient se produire entre
les alliéset les Etaits neutres. C'est conformément à cette politique con-
certée que, le jour mêmeoù elle envoyait sa notification au sujet de la
clause facultative, l'Australie a en mêmetemps fait part d'une réserve

analogue visant 1'A.ctegénéral. Cefaisant, elle s'est fondée expressément
sur les explications données par le Royaume-Uni dans sa notification
concernant la clause facultative à laquelle, comme on l'a vu, la France
s'était égalementassociée. De plus, si la notification de l'Australie con-
cernant l'Acte généraln'était pas conforme aux termes de l'article 45 de
cet Acte, la notific.ation française relative à la clause facultative n'était

pas non plus conforme aux termes de son acceptation de ladite clause,
qui devait rester en vigueur sans modification jusqu'au 25 août 1941. Par
suite, si la France était fondéeà invoquer un changement fondamental de
circonstances à l'égardde son acceptation de la clause facultative, 1'Aus-
tralie n'était pasmoins fondée à le faire à l'égardde son acceptation de
l'Acte de 1928.

Il suffit donc de replacer les événementsdans leur perspective histo-
rique pour faire justice de l'argument relatif à la prétendue violation de
l'Acte qu'aurait commise l'Australie. En irait-il autrement, d'ailleurs,
l'idéeque la France est à présent endroit d'invoquer la violation alléguée
pour considérer 1'A.ctecomme inapplicable dans ses rapports avec 1'Aus-
tralie, et cela pour la première fois après le passage de trente-cinq années,

cadrerait assez mal avec les règlesdu droit des traités (voir les articles 45
et 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). Conclusionssurla compétence

94. Nous estimons donc que si l'on examine attentivement les diverses
objections soulevéesdans la lettre avec annexe du Gouvernement français
en date du 16 mai ;1973pour contester la compétence de la Cour sur la
base de l'Actegénérad le 1928,on estamené àconstaterque cesobjections
ne reposent sur rien de solide. L'examen de la question auquel nous
avons nous-mêmes pris l'initiativede procéder ne nous a pas non plus

révélé I'existence d'autres objections dignes d'êtreétudiées.Nous con-
cluonsdoncque le dlernandeurpeut invoquer l'article 17de l'Actede 1928
comme fondement valable et suffisant de la compétencede la Cour en
l'espèce.
95. Il en découleque, comme la Cour l'a dit dans l'affaire de l'Appel
concernantla cornpktencedu Conseil de I'OACI, ((il est sans pertinence
d'examiner les objections visant d'autres fondements possibles de sa
compétence».Il nous parait donc inutile d'examiner l'autre fondement de
juridiction invoqué par le demandeur, à savoir lesdeux déclarationsfaites
par les Parties sur la base de la clause facultative, ou lesautres problèmes,
quels qu'ils soient,ue pourraient soulever les réservesaccompagnant ces

déclarations.

96. Il nous paraît évident qu'il n'existeaucun motif qui autoriseraià
considérerla demaindecomme irrecevable. Nous nous proposons d'exa-
miner dans cette pa:rtiede notre opinion dans quelle mesure les motifs qui
peuvent êtreinvoqiués serattachent à la question de la compétenceou

sont présentés à part. Nous affirmons dès le départ que le concept de
recevabilité ne coniporte aucun élémentqui soit de nature à priver le
requérant de la possibilité d'un examen au fond. Cette observation
s'applique, en particulier,à l'affirmation selon laquelle la demande ne
révèleI'existence d'aucun différendd'ordre juridique ou encore selon
laquelle il s'agit d'un différendde caractère exclusivement politique etpar
suite non justiciabl~:.
97. Aux termes de I'article 17de l'Acte de 1928,la juridiction conférée
à la Cour compreind ((tous différendsau sujet desquels les parties se
contesteraient réciproquement un droit)) (mis à part, évidemment,ceux
qui seraient réservésen vertu de I'article 39 de l'Acte). L'article 17pour-
suit: <il est entendu que les différends ci-dessusviséscomprennent no-

tamment ceux que mentionne I'article 36 du Statut de la Cour perma-
nente...)). Les diffkrends «que mentionne l'article 36 du Statut de la
Cour permanente )sont les quatre catégoriesde différendsd'ordre juri- 1:SSAISNUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 359

dique énuméréed sans la clause facultative de ce Statut et du Statut actuel.
De plus, sauf peut-être surun point qui n'intervient pas dans la présente
affaire 1,on admet généralementque la portée deces quatre catégoriesde
((différendsjuridiques ))est pratiquement identique à celle de la formule,
((tousdifférendsau sujet desquels lesparties secontesteraient réciproque-
ment un droit >)que:l'on trouve auparavant dans l'article 17. Par suite,

un différend ((au su~etduquel lesparties secontesteraient réciproquement
un droit ))appartient aussi à l'une desquatre catégoriesde différendsjuri-
diques mentionnéesdans la clause facultative et vice versa.
98. Dans la présenteinstance, l'Australie a précisé l'objetdu différend
aux paragraphes 2à 20 de sa requête, oùelledéclarenotamment que, dans
une sériede notes diplomatiques remises à partir de 1963,elle a maintes

fois fait connaître aruGouvernement français son opposition à la pour-
suite, par la France., d'essais nucléairesen atmosphère dans la régiondu
Pacifique Sud; le différendjuridique s'est concrétisé selonelle dans les
notes diplomatiques des 3janvier, 7 févrieret 13 février 1973 annexées
à sa requête. Dans la première de ces trois notes, le Gouvernement
australien indiquait. clairement qu'à son avis la poursuite des essais
serait:

((contraire au droit, d'autant qu'elle implique une modification des
conditions physiques sur le territoire australien et au-dessus de ce
territoire, la pollution de I'atmosphère et des ressources de la mer,

l'ingérencedans la libertéde navigation tant en haute mer que dans
l'espace aérien surjacent et une infraction aux normes juridiques
régissant les esisaisd'armes nucléairesdans I'atmosphère ».

Cette opinion a été contestéepar le Gouvernement français dans sa ré-
ponse du 7 février11973o , ù ce gouvernement se déclarait convaincu que
((ses expériences nucléairesn'ont violéaucune règle du droit interna-
tional ))et où il répliquait point par point aux thèsesjuridiques austra-
liennes. Dans une ;note ultérieure du 13 février,le Gouvernement aus-
tralien a expriméson désaccord avecles vues du Gouvernement français,

réaffirméque la poursuite des essais violait des règlesdu droit interna-
tional et déclaré qu'ilétaitclair (qu'à cet égardil existe entre nos deux
gouvernements un différend juridique important )).Puis, après avoir
évoquélonguement les conséquencesdes explosions nucléaireset la prise
de conscience croissante du danger qu'elles représentent, ainsi que cer-
tains aspects particuliers et conséquences spécifiques des essaisfrançais,

l'Australie énumérait,au paragraphe 49 de sa requête, troiscatégories
distinctes de droits australiens qui, selon elle, avaient été, étaient etse-
raient violéspar les essais français en atmosphère.

1 Voir les opinions divergentes de MM. Badawi et Lauterpacht dans l'affaire de
Certains emprunts n~rv~égiessr la question de savoirsi un différendqui porte essen-
tiellement sur l'application du droit internerentre dans les catégories de différends
juridiques énuméréesà l'article36, paragraphe2, du Statut; C.Z.J.Recueil 1957, p. 29
a 33 et 36 à 38. 99. A première vue, il est difficiled'imaginer un litige constituant plus
clairement, par son objet et par sa formulation, un ((différendjuridique D,
que celui dont la Cour est saisie dans la requête.Le Gouvernement fran-
çais lui-même nesemble pas avoir contesté,au cours des échanges diplo-

matiques, la qualification de ((différendjuridique important » appliquée
en l'espècepar le Gouvernement australien, même si,dans la note sus-
mentionnéedu 7 février1973il a manifestéun certain scepticisme au sujet
des considérations "iuridiquesinvoquéespar l'Australie. De plus, ni dans
sa lettre du 16mai 1973 àla Cour, ni dans l'annexe à cette lettre, le Gou-
vernement français n'a aucunement laisséentendre que le différendn'était
pas un différend ((au sujet ...[duquel] les parties se contesteraient réci-
proquement un droit », ou qu'il n'étaitpas un ((différendjuridique )).Bien
que, dans cette letire et dans son annexe, le Gouvernement français ait
présentétoute une séried'arguments pour justifier son affirmation d'après
laquelle la compétence dela Cour ne saurait êtrefondéesur l'Actegénéral

de 1928dans la présenteaffaire, il n'a pas contestéque le différendait le
caractère d'un ((différendjuridique ))aux fins de l'article 17 de cet Acte.
100. Dans son Livre blancsur les expériencesnucléaires publiéen juin
1973, le Gouvernernent français adopte néanmoins le point de vue selon
lequel il ne s'agit pas d'un différendjuridique. Le chapitre II, intitulé
((Questionsjuridiques »,s'achèvesur une section relative à la compétence
de la Cour, dont leparagraphe final est ainsi rédigé:

La Cour n'est pas compétente, enfin, parce que l'affaire qui lui
est soumise n'est pas fondamentalement un différendd'ordre juri-
dique. Elle se trouve, en fait et par divers biais, invitée à prendre
position sur un problème purement politique et militaire. Ce n'est,
selon le Gouvernement français, ni son rôle ni sa vocation. ))(P. 23.)

Cela équivautclairement à affirmer que le différendporte sur des ques-
tions d'un domaine:autre que juridique et ne peut donc êtretranchépar
une décisionde la Cour.
101. Conformérrient à l'ordonnance du 22 juin 1973, l'Australie a
présentédes observations sur les questions de la compétence de la Cour
et de la recevabilitii de la requête. Sousla rubrique de la ((compétence ))
elle a exprimé son avis, notamment, sur la nature politique ou juridique

du différend ;et sous la rubrique de la ((recevabilit))ellea fourni d'autres
explications relatives aux trois catégories de droits qu'enfreint, d'après
elle, la poursuite d'essais nucléairesen atmosphère par la France dans la
régiondu Pacifique Sud. Ces droits, tels qu'ils ont été énoncéasu para-
graphe 49 de la requêteet exposés pluslonguement au cours de la procé-
dure, peuvent se définirgénéralementcomme suit:

1) Un droit que l'on dit appartenir à tout Etat, y compris l'Australie,
de ne pas êtreexposéaux essais d'armes nucléaires effectuésdans
l'atmosphère par un pays quelconque, en vertu de ce qui constitue
maintenant, affirme l'Australie, une règle généralement reconnuede
droit internatioinal coutumier interdisant tous les essais de ce genre. I3SSAISNUCLÉAIRES (OP. DISS.COM.) 361

A l'appui du droit dont il allègue l'existence, le Gouvernement aus-
tralien invoque diverses considérations, y compris la formation, à
partir de 1955, d'une opinion publique très hostile aux essais en at-
mosphère, la conclusion du traité de Moscou sur l'interdiction des

essais en 1963, le fait que cent six Etats environ sont depuis lors
devenus parties à ce traité, les protestations diplomatiques et autres
élevéespar de n.ombreux Etats contre les essais en atmosphère, les
résolutions de l'Assembléegénéralecondamnant ces essais, ainsi que
les déclarations faites à la Conférence de Stockholm sur I'environne-
ment humain, les articles 55 et 56 de la Charte, les dispositions de la

Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que plusieurs
autres déclaraticins relatives aux droits de l'homme dans leurs ran-
ports avec l'environnement.
2) Un droit de I'Aiustralie, qui serait un attribut inhérent de sa souve-
raineté territoriale, de ne pas êtreexposée, sans y avoir consenti, au
dépôt sur son territoire et à la dispersion dans son espace aérien de

retombées radioactives provenant des essais nucléaires français. Le
simple fait de l'intrusion des retombées, les effets nocifs qui les
accompagnent et l'atteinte au droit que l'Australie possède de décider
en toute indépendance des actes qui auront lieu sur son territoire (ce
(qu'elle appelle son ((pouvoir souverain de décision D),tout cela, af-
firme-t-elle, constitue autant de violations de ce droit. A l'appui du

droit dont il alilègue ainsi I'existence, le Gouvernement australien
invoque toute une sériede documents juridiques, y compris des décla-
rations de la Cclur dans l'affaire du Détroit de Corfou(C.I.J. Recueil
1949, p. 22 et 358),de Max Huber dans l'Arbitrage de l'île de Palmas
(Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. II, p. 839)
et de la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire

du Régime douanierentre I'Allemange et I'Autriclle (C.P.J.I. sérieA/B
no 41, p. 39), la déclaration de l'Assembléegénéralerelative aux prin-
cipes du droit international touchant les relations amicales et la coopé-
ration, la Charte de l'unité africaine, plusieurs déclarations de l'As-
sembléegénéraleet de l'Unesco relatives à la radiodiffusion par satel-
lite, ainsi que diverses opinions doctrinales.

3) Un droit, qui decoulerait du caractère de res cornmunisde la haute
mer et appartiendrait à l'Australie en commun avec tous les autres
Etats maritimes, à ce que la France respecte la liberté de la haute mer;
et en particulier, le droit d'exiger qu'elle s'abstienne a) de gêner les
navires et les aéronefs en haute mer et dans l'espace aérien surjacent
et b) de causer 1;pollution de la haute mer par des retombées radio-
actives. A l'appui du droit dont ilallègue ainsi I'existence, le Gouver-

nement australien cite les articles2 et 25 de la Convention de Genève
de 1958sur la haute mer, les commentaires de la Commission du droit
international relatifs aux dispositions correspondantes de ses projets
d'articles sur le (droit de la mer et plusieurs autres textes juridiques,
dont des comptes rendus des débats de la Commission du droit inter- national, des passages de l'arrêt rendupar la Cour dans l'affaire des
Pêcheries, di ver sidéclarations et dispositions conventionnelles rela-
tivesà la pollution maritime, ainsi que des opinions doctrinales.

En réponse àune qu.estionposéepar un membre de la Cour, le Gouverne-
ment australien a a.ussidonné des éclaircissementssur i) la distinction
qu'il établit entre la propagation de substances chimiques ou autres du

territoire d'un Etat à celui d'un autrepar l'effetd'une utilisation normale
et naturelle du prernier et celle qui ne résulte pas d'une utilisation nor-
male et naturelle; iii)la question de savoir s'il y a lieu d'établir un pré-
judice ou d'alléguerun préjudiceéventuelpour être fondé à agir dans des
affaires de ce genre.
102. Pour chacuniedes catégories de droits indiquéesci-dessus, 1'Aus-
tralie affirme qu'il existe,à la charge de la France, une obligation juri-
dique corrélative, dont la violation engagerait la responsabilité interna-

tionale de cet Etat vis-à-vis d'elle. De plus, elle a développéune argumen-
tation généralepar laquelle elle s'efforced'établirla responsabilité inter-
nationale de la France en faisant appel à la doctrine de ((l'abus de droit)),
pour le cas où la France serait considéréecomme ayant en principe le
droit d'effectuer des essais nucléairesdans l'atmosphère. Elle mentionne à
cet,égardune déclarationde M. Alvarez dans l'affaire de 1'Anglo-Iranian
Oil Co., lerapport du Comitéjuridique consultatif afro-asiatique sur la

légalité des essaisniicléairesen 1964,l'article 74de la Charte, les opinions
de certains juristest:t d'autres documents juridiques.
103. Sous la rubrique ((recevabilité D,l'Australie a aussi exposé ses
vues sur la question viséeau paragraphe 23 de l'ordonnance du 22 juin
1973, de son ((intérêjturidique ))par rapport aux demandes formulées
dans sa requête.Elle a traité enparticulier la question de savoir si, quand
il s'agit d'un droit appartenant à la communauté internationale dans son
ensemble, un Etat agissant individuellement est fondé à prétendre faire

respecter ce droit par un autre Etat indépendamment de tout préjudice
qu'il aurait subi lui-même.L'Australie affirme que tout Etat peut avoir
un intérêjturidique à obtenir le respect de certaines catégories d'obli-
gations erga omnes et elle cite certaines déclarations de la Cour perma-
nente et de la Cour actuelle, plus particulièrement le prononcéde la Cour
actuelle en l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (deuxièmephase, C.I.J. Recueil 1970, p. 32). En ce qui concerne le
droit qui serait un élémentinhérent desa souveraineté territoriale, illui

paraît évident qu'un Etat possède un intérêt juridique ((à ce que son
territoire soit protkgé contre tout acte extérieur nuisible, quelle qu'en
soit la forme, à ce que le bien-êtrede sa population soit défendu et à ce
que son intégrité el. son indépendance nationales soient sauvegardées )).
Pour ce qui est du droit qui résulteraitdu caractère de res communis de la
haute mer, 1'Austra.liesoutient que ((tous les Etats possèdent un intérêt
juridique propre à la sauvegarde de la liberté de la haute mer 11,que la
pratique des Etats rnontre que 1'Etatintéressén'a pas besoin de posséder

à titre individuel un intérêt concretdéterminéet que cet intérêtjuridique
113généralde tous à la sauvegarde de la libertédes mers est expressément
reconnu dans le dornaine des essais nucléaires. A l'appui de sa démons-
tration, l'Australie cite des textesjuridiques divers.

104. Nous avons résumé ainsi très brièvemenltes thèsesjuridiques du
Gouvernement australien, mais nous ne voudrions pas que l'on en con-
clue que nous exprimons un avis quelconque sur le bien ou le mal-fondé
de telle ou telle de ces thèses. Nous donnons ce résumé à seule fin de
montrer le contexte de l'application de l'article 17 de l'Acte de 1928 et

d'une décision sur la recevabilité de la requêteaustralienne. Avant de
tirer une conclusion quelconque de cet aperçu des thèsesjuridiques aus-
traliennes, cependant, ilnous incombe d'indiquer aussi comment nous
concevons les principes d'après lesquels ces questions devraient être
appréciéesau stade actuel de la procédure.

105. Bien qu'intr:insèquement liées à la recevabilité, les questions de
savoir s'il existe uni ((différendjuridique ou politique)) et un ((intérêt
juridique ))touchent en même temps,en vertu de l'article 17de l'Acte de
1928,à la compétence de la Cour en la présente affaire.Par conséquent,
il est inutile que nous précisions à ce propos que tel point a trait à la
compétence et tel autre à la recevabilité,d'autant que ni la pratique de la
Cour permanente ni celle de la Cour actuelle ne tend à établir dedistinc-
tion tranchée entre les exceptions préliminaires d'incompétence etcelles
d'irrecevabilité:l'accent est mis plutôt sur lecaractèreessentiellement pré-
liminaire ou non prilliminaire de I'exception considéréeque sur son clas-

sement parmi les exceptions d'incompétenceou les exceptions d'irreceva-
bilité (cf.art. 62 du Règlementde la Cour permanente, art. 62 de l'ancien
Règlementde la Cour actuelle et art. 67du nouveau Règlement). En effet,
étantdonné la nature consensuelle de la compétenced'un tribunal inter-
national, une exception d'incompétence tout comme une exception
d'irrecevabilité peut. soulever des questions intéressant le fond; ce qui
importe alors, c'estde savoir si la Cour peut ou non se prononcer valable-
ment sur l'exception au cours de la procédure préliminaire sans donner
aux parties la possibilité de présenter leursconclusions sur le fond. La
réponse à cette question varie nécessairement selon que l'exception a
vraiment un caractère préliminaireou qu'elle est trop étroitement liéeau

fond pour pouvoir faire l'objet d'une juste décisionsans que les parties
aient d'abord exposCleurs moyens sur lefond. C'est pourquoi l'article 67,
paragraphe 7, du Règlement, lorsqu'il indique comment la Cour doit
statuer sur une exception préliminaire, prévoit expressémentla possi-
bilitéque la Cour ((déclareque cette exception n'a pas dans les circons-
tances de l'espèceun caractère exclusivement préliminaire )).Ces prin-
cipes sont manifestement applicables dans la présenteespèce même sid , ufait que la France est absente de la procédure, les problèmes de compé-
tence et de recevabilitéqui seposentà laCour n'ont pas étésoulevéssous
la forme d'exceptions au sens strict.
106. L'affirmation faite par le Gouvernement français que le différend
n'est pas fondamentalement de nature juridique mais porte sur une
question d'ordre purement politique et militaire revient à soutenir, en
substance, que ce n'est pas un différenddans lequel les Parties se contes-
tent réciproquement un droit, ou encore qu'il n'entre pas dans les caté-
gories de différendsd'ordre juridique viséesau paragraphe2de l'article 36
du Statut. On peut aussi voir dans cette affirmation la thèseque le droit

international n'impose à la France aucune obligation juridique touchant
les questions en litige, qui doivent donc êtreconsidéréescomme laissées
par ce droit à sa compétence nationale exclusive, ou bien, plus simple-
ment, la thèse que les expériences nucléairesde la France ne violent
aucune règlede droit international existante, comme l'a dit le Gouverne-
ment français dans ijanote diplomatique du 7 février1973au Gouverne-
ment australien. Mais de quelque manière qu'on la formule, cette thèse
est manifestement eitdirectement liéeau point de savoir si les prétentions
du demandeur sont juridiquement fondées. Quellequ'en soit la forme,
et comme l'a dit la Cour permanente à propos de moyens analogues dans
l'affaire de laompagnie d'électricité deSofia et de Bulgarie, cette thèse
((forme une partie clufond mêmedu différend» et revient à ((non seule-
ment toucher au fond du différend,mais prendre position à l'égardde l'un
de ses élémentsessi:ntiels» (C.P.J.I. série A/B no 77, p. 78 et 82-83).

Pareille thèse nepeuitdonc, en principe, êtreconsidéréecomme soulevant
une question véritablement préliminaire.
107. Nous avons dit ((en principe »parce que nous reconnaissons que,
si un demandeur essayait de faire passer pour juridique une prétention
dont aucun juriste éclairéne pourrait admettre qu'elle repose sur la
moindre base juridique rationnelle, c'est-à-dire raisonnablement soute-
nable, il serait alors possible de trancherin limine, àtitre de question
préliminaire, une er,ception contestant la nature juridique du différend.
Cela signifieque, pendant la phase préliminaire de la procédure, la Cour
peut avoir à se livreà un examen sommaire du fond du différenddans la
mesure où cela lui est nécessairepour s'assurer que l'affaire fait appa:
raître des prétentions raisonnablement soutenables ou des questions
pouvant raisonnablement prêter à contestation, autrement dit des pré-
tentions ou des coniestations qui sont fondées rationnellement sur unOU

plusieurs principes de droit dont l'application peut permettre de régler
le différend. L'essentiel,en ce qui concerne cet examen préliminaire du
fond, est qu'il faudra trancher la question de la compétence ou de la
recevabilitéqui est en cause en considérant non pas si la prétention du
demandeur est fondée maisexclusivement si elle fait apparaître un droit
à soumEttre cette demande à la décisionde la Cour. Celle-ci peut être
amenée à donner une certaine indication du fond de la demande afin de
montrer que celle-ci est rationnelle et soutenable. Mais ni une telle indi-
cation préliminaire ni aucune conclusion sur la compétenceou la receva-bilité ne saurait préjuger le fond de l'affaire. C'est pourquoi la Cour,
lorsqu'elle a eu à e:xaminer le fond pour se prononcer sur des questions
préliminaires, a toujours veilléà ce que cet examen n'empiète pas sur sa
décision touchant le fond. Cette remarque vaut aussi bien lorsque les
points litigieux sont des points de droit que lorsqu'il s'agit de points de

fait; la maximejura novit curia ne signifie pas que la Cour puisse, dans une
affaire, se prononcer sur des points de droit sansentendre les moyens des
parties.
108. 11n'est sans doute pas facile de définirpar une formule simple le
critère précis qui doit s'appliquer. Mais il ressort clairement, nous
semble-t-il, de la jurisprudence constante de la Cour permanente comme

de la Cour actuelle que, dèslors qu'on ne peut se prononcer sur des points
soulevésau cours d'une procédure préliminaire sans aborder et préjuger
le fond, ces points ne doivent pas être tranchés sans queles parties aient
d'abord présentéleurs conclusions sur le fond (cf. Décrets denationalité
promulguésen Tunisie et au Maroc, avis consultat$ C.P.J.I. sérieB no 4;

affaire du Droit de passage sur le territoire indien, C.I.J. Recueil 1957,
p. 133-134; affaire de l'lnterliandel, C.I.J. Recueil 1959, p. 23-25). Nous
pouvons nous guider, d'une manière générale,sur les observations qu'a
formulées la Cour actuelle dans l'affaire de l'Interl7andel en rejetant le
moyen de la compétence nationale qui avait étéinvoqué à titre d'excep-

tion préliminaire:
((Pour déterminer si l'examen des titres ainsi invoqués échappe à

la compétence de la Cour pour le motif alléguépar les Etats-Unis,
la Cour s'inspirera de ce qu'a fait la Cour permanente de Justice
internationale en présenced'une contestation analogue dans son avis
consultatif sur les Décretsde nationalité promulguésen Tunisie et au
Maroc (sérieE; no 4). En conséquence, la Cour n'entend pas, en la
présente phase de la procédure, apprécier la validité des titres in-

voqués par le Gouvernement suisse ni se prononcer sur leur inter-
prétation, ce qui serait aborder le fond du différend.Elle se bornera à
rechercher si les titres invoquéspar le Gouvernementsuissepermettent
la conclusion provisoire qu'ils peuvent être pertinents en l'espèce et,
dans ce cas, à rechercher si les questions relatives à la ilalidité ea

l'interprétation de cestitres sont des questions de droit internationa)>
(Les italiques sont de nous.)

Dans l'affaire de l'Inter/zandel, après avoir examiné sommairement les
titres invoqués par la Suisse, la Cour a conclu qu'ils mettaient l'un et
l'autre en jeu des qilestions de droit international et a donrejeté l'excep-
tion préliminaire.
109. L'analyse sommaire que nous avons faite ci-dessus des titres

invoqués par l'Australie à l'appui de ses prétentions nous parait ample-
ment suffisante pourjustifier, selon les termes utilisés par la Cour dans
l'affaire de I'lnterhandel, ((la conclusion provisoire qu'ils peuvent être
pertinents en I'espéce ))et que cles questions relatives à la validité et à ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 366

l'interprétation de ces titres sont des questions de droit international ». Il
ne nous appartient pas d'ccapprécier la validité [deces] titres )) au stade
actuel de la procédurecar ce serait ((aborder le fond du différendn.Mais

l'examen sommaire que nous en avons fait nous a convaincus qu'ils ne
sauraient équitablement être considéréscomme futiles ou vexatoires, ni
simplement comme le manteau que desjuristes auraient jetéavec art sur un
différendde nature essentiellement politique. Au contraire, les demandes
présentéesà la Cour dans la présente instance et les moyens juridiques

avancés nous semblent être fondéssur des motifs rationnels et raison-
nablement soutenables. Ces demandes et moyens juridiques sont rejetés
par le Gouvernement français sur la base de motifs juridiques. Ces
circonstances sont en soi suffisantes, à notre avis, pour qu'on puisse
qualifier le présent différend de ((différendau sujet duquel les parties se

contestent réciproquement un droit ))et de ((différendd'ordre juridique ))
au sens de l'article 17de l'Acte de 1928.
110. La conclusion qui vient d'être énoncée esctonforme à ce que
nous croyons être la conception admise de la distinction entre les diffé-
rends relatifs à des droits et les différends relatifs à ce qu'on appelle des

conflits d'intérêts. Selon cetteconception, un différend est politique, et
par conséquent non justiciable lorsqu'on peut démontrer que la préten-
tion élevéerepose sur des considérations autres que juridiques, par
exemple sur des considérations d'ordre politique, économique ou mili-
taire. Dans un tel différend, l'unedes parties au moins ne se contente pas

de faire valoir des droits de caractère juridique, mais invoque un intérêt
dont elle demande qu'il soit pris en considération mêmesi cela doit modi-
fier la situation juridique existant entre les parties. En l'espèce,toutefois,
le demandeur invoqjue des droits de nature juridique et ne défend pas
simplement son intérêtpolitique; il demande expressément à la Cour de

définiret d'appliquer ce qu'il prétendêtredesrèglesde droit international
existantes. Bref, ildemande que le différend soit réglé((sur la base du
respect du droit )),ce qui est la caractéristique même d'unedemande de
règlement judiciaire, et non pas politique,d'un différend international
(cf. Interprétation de l'article 3, paragraphe 2, du traité de Lausanne,

C.P.J.I. série B no 1.2,p. 26). De mêmela France,encontestant les thèses
du demandeur, ne se borne pas à faire valoir ses intérêts politiquesou
militaires vitaux ma.is soutient que les règles de droit international in-
voquéespar le demandeur n'existent pas ou n'ont pas la portéeque celui-
ci leur donne. L'attitude prise par les Parties à l'égarddu différendnous

paraît donc démontrer de façonconcluante qu'il s'agit biend'un différend
((juridique 1)et justiciable.
111. Cette conclusion ne saurait être affectée,selon nous, par I'obser-
vation ou la suppositionque, lorsqu'il a portél'affaire devant la Cour, le
demandeur était animé par des mobiles ou des considérations d'ordre

politique. Bien rares seraient en effet les affaires justiciables au regard de
la Cour s'il fallait considérer qu'un différendjuridique perd son caractère
juridique chaque fois que I'une ou l'autre des parties ou les deux sont
influencées aussi pair des considérations d'ordre politique. Ni en matièrecontentieuse ni à propos d'une demande d'avis consultatif la Cour per-
manente ou la Cour actuelle n'a jamais admis qu'une contestation de
caractère intrinsèqiiement juridique puisse perdre ce caractère en raison
des considérations politiques qui s'y attachent.
112. Notre conclusion n'est pas non plus affectée en aucune manière

par l'observation qu'en l'espèce laCour, pour faire droit aux demandes
de l'Australie, devrait modifier plutôt qu'appliquer le droit existant.
Outre que le demandeur prie explicitement la Cour d'appliquer le droit
existant, il ne nous !semblepas qu'en l'occurrence elle soit appelée à faire

autre chose que s'acquitter de sa mission normale qui consiste à réglerle
différend en appliquant le droit conformément aux directives expresses
qui lui sont données à l'article 38 du Statut. Nous reconnaissons pleine-
ment que, comme la Cour l'a souligné récemmentdans les affaires de la
Cot7rpc;t~n<-een nzalière de pc;c/7cric.((la Cour, en tant que tribunal, ne

saurait rendre de décision suh specir legis Jerendue, ni énoncer le droit
avant que le Iégislalteurl'ait édict))(C.I.J. Recueil 1974,p. 23-24 et 192).
Ce prononcé, qui n'a d'ailleurs été émisqu'après un examen détailléde
ces affaires au fond, ne signifie nullement que la Cour doive déterminer

in litninc litile caractèrede lrx luta ou de lexferenda d'une règlede droit
coutumier invoquée, r7ise prononcer sur son existence ou son inexistence
au cours de la prcicédurepréliminaire sans avoir donné aux parties la
possibilité de présenter leurs moyens juridiques sur le fond. Dans la

présenteaff'aire,la Cour est priéed'exercer la fonction parfaitement nor-
male qui est la sienne et qui consiste à apprécier les divers éléments,
relatifsA la pratique des Et:its et àI'opinin,jltrisqu'invoque le demandeur
sour établir la for:mation d'une règleLde droit coutumier. La Cour s'est
acquittée de cette fonction dans les affaires de la Compétenceen matière de

pCc/lerieset si, dan:; la présente espèce,elle avait examiné l'affaire au fond
et fait droit aux prétentions du demandeur elle n'aurait pu aboutir à cette
décisionqu'en considérant que la règleinvoquéeavait effectivement acquis
le caractère de /ex Iuta.

113. Indépendarnment de ces considérations fondamentales, nous ne
pouvons manquer d'observer que, pour alléguer des violations de sa
souveraineté territoriale et de droits découlant du principe de la libertéde
la haute mer, le demandeur invoque aussi des droits établis de longue

date - et mêmeélémentaires - dont le caractère de Iex lata ne fait pas
de doute. En ce qui concerne ces droits, la Cour est appelée à déterminer
leur étendue et leurs limites compte tenu des droits d'autres Etats, tâche
inhérente à la mission qui lui est confiéepar l'article 38 du Statut.

114. Ces observations s'appliquent aussi à l'argument qui consiste à
dire que le demandeur n'est pas en situation d'invoquer à l'encontre de la
France l'existence d'une règlede droit international coutumier étantdon-
néqu'il ne s'est pas opposé aux essais d'armes nucléairesen atmosphère

qui ont étéeffectuésdans la régionde l'océanPacifique avant 1963et y a
mêmeapporté une contribution active. Cet argument soulève manifeste-
ment toute la question du caractère évolutifdu droit international coutu- 1SSAIS NUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 368

mier, sur laquelle la Cour ne devrait pas se prononcei à ce stade prélimi-
naire de la procédure. Telle qu'elle a étéprésentée à la Cour, la position
juridique du demandeur se fonde précisémentsur la thèse que c'est à
l'occasion de ces essais et dans la périodequi a suivi que l'opinion publique

a pris de plus en plus conscience des dangers des retombées nucléaireset
a manifesté une vive opposition aux essais nucléaires en atmosphère; et
qu'au surplus la coriclusion en 1963du traitéde Moscou sur l'interdiction
partielle des essais ]nucléairesa abouti à la création d'une règle de droit
international coutumier interdisant de tels essais. Le demandeur a aussi
appelé l'attention sur l'opposition constante qu'il a toujours exprimée à

l'égarddes essais en atmosphère à partir de 1963. En conséquence, si la
conduite passéedu demandeur est sans aucun doute un des élémentsque
la Cour aurait dû peendre en considération, c'est toutefois sur la base-de
la pratique des Etats dans son ensemble que la Cour aurait dû établir
l'existence ou l'inexistence de la règle alléguée.En résumé,si pertinente

qu'elle soit, cette question nous semble relever essentiellement du fond
de l'affaire et ne pa,j appeler de décisionde la Cour au stade préliminaire
actuel.
115. Nous ne voyons pas non plus en quoi l'existence d'une divergence
de vues marquée entre le demandeur et le Gouvernement français au
sujet de la matérialitédes dommages résultant des retombées nucléaires

ou du risque de dommages pouvant en résulter affecte le caractère juri-
dique du différendou appelle une décision de la Cour déclarant d'emblée
la requêteirrecevable. Cette question nous semble encore une fois devoir
être tranchéeau stade du fond. D'un côté,le Gouvernement australien a
fait un exposé sur ((les explosions nucléaireset leurs conséquences ))aux

paragraphes 22 à 39 de sa requête et,afin, de démontrer que la commu-
nauté internationale se préoccupait de plus en plus de la question, il a
invoqué une sériede résolutions de l'Assembléegénérale,la création en
1955du Comitésci'entifiquedes Nations Unies pour l'étudedes effets des
radiations ionisantes et les rapportsque ce comitéa publiéspar la suite au

sujet de ces radiations, le traité d'interdiction partielle des essais, le traité
interdisant les armes nucléairesen Amérique latine, et les déclarations et
résolutions adoptées par les Etats du Pacifique Sud, d'Amérique latine,
d'Afrique et d'Asie ainsi qu'une résolution de la vingt-sixième Assemblée
mondiale de la Santé. L'Australie a aussi invoqué le préjudice psycholo-
gique qui a été, selonelle, causé aux habitants de ce pays du fait des

craintes que leur inspirent les effets éventuelsdes retombées radioactives
pour leur bien-êtreet celui de leurs descendants. De l'autre côté,la Cour
a eu communication des assurances que le Gouvernement français a
donnéesà plusieurs reprises dans des notes diplomatiques et des déclara-
tions publiques au su.jetdes précautions qu'il a prises pour que les essais

nucléaires s'effectuent ((en toute sécurité)), ainsi que des rapports de
divers organismes scientifiques, notamment les rapports du National
Radiation Advisory Cornmittee d'Australie de 1967, 1969, 1971 et 1972
et le rapport du National Radiation Laboratory de Nouvelle-Zélande de
1972, qui ont tous conclu que les effets des retombées radioactives pro-venant des essais firançais étaient inférieurs au seuil de risque pour la
santé publique. En outre, la Cour est saisie du rapport d'une réunion,

tenue en mai 1973, d'experts australiens et français qui ont abouti à des
conclusions commuines sur les données concernant l'importance quanti-
tative des retombées maisont exprimé desopinions divergentes sur I'inter-
prétation qu'il fallait en tirer quant aux risques biologiques encourus.
Quelles que soient les impressions qu'on retire au premier abord des
preuves présentées jusqu'ici à la Cour, les questions de la matérialitédes

dommageset du risque de dommages futurs résultant des essais nucléaires
en atmosphère ne peuvent manifestement pas, selon nous, êtreréglées à
ce stade préliminaire, sans que les Parties aient eu la possibilitéd'exposer
pleinement leurs ar,puments devant la Cour.
116. Le différend sur les faits relatifs aux dommages résultant ou
pouvant résulterdes retombées nucléairesradioactives nous parait relever

nettement de la troisième des catégories de différends d'ordre juridique
énuméréea su paragraphe 2 de l'article 36 du Statut: à savoir un différend
ayant pour objet c(la réalitéde tout fait qui, s'il étaitétabli,constituerait
la violation d'un engagement international n.A notre avis, un tel différend
est inextricablemerit liéau fond de l'affaire. Quoi qu'il en soit d'ailleurs,
l'Australie soutient, à propos de chacun desdroits qu'elle invoque, que la

France viole ce droit du seul fait de ses essais atmosphériques, que
l'existence d'un dommage causé à l'Australie soit ou non prouvte. Ainsi,
toute la question de la matérialitédu préjudice apparaît comme inextri-
cablement liéeau fond du différend.De mêmeque les questions de savoir
s'il existe, d'une part, une règlegénéralede droit international interdisant
les essais cn atmosphère et, d'autre part, des règles généralesde droit

international applicables aux atteintes à la souveraineté territoriale d'un
Etat causéespar le dépôtde retombées nucléaires zt à la violation de son
((pouvoir souverain de décision» qu'est un tel dépôt sur son territoire,
celle de savoir si I'existence d'un dommage réel constitue un élément
essentiel des règles ainsi alléguéesest une ((question de droit interna-
tional)) et fait partie du fond juridique du différend. La mêmeobser-

vation vaut, mutatis mutandis, s'agissant de savoir si un Etat qui introduit
une action dans laquelle il allègue que la libertédes mers a étévioléedoit
établirque ses intérêtspropres ont subi de ce fait un préjudiceeffectif.

117. Enfin, nous allons examiner maintenant la question de l'intérêt
juridique de l'Australie à faire valoir ses prétentions. En ce qui concerne
le droitque l'Australie dit êtreinhérentà sa souveraineté territoriale, nous

pensons qu'elle est fondée à considérer qu'elle a un intérêt juridique
évident à défendre ce droit. Qu'elle réussiseou non à convaincre la Cour
que le droit qu'elle revendique ainsidécoule du principe de la souveraineté
territoriale,1'Ausi;ralie possède manifestement un intérêt juridique à
soumettre cette question à la Cour pour défendresa souveraineté territo-
riale. En ce qui concerne son droit de ne pas êtreexposéeà des essais

atmosphériques, tiroit qu'elle dit posséder en commun avec d'autres
Etats, la question de l'ccintérêt juridique1)nous semble là encore faire

120partie de la question juridique générale qui forme le fond du différend.
Si les éléments depreuve produits par l'Australie devaient convaincre la
Cour de I'existence d'une règlegénéralede droit international interdisant
les essais nucléaires en atmosphère, il appartiendrait à celle-ci de se

prononcer en mêmetemps sur le caractère et le contenu précisde cette
règle et, notamment, sur la question de savoir si elle confère à tout Etat
le droit d'introduire individuellement une action pour faire respecter cette
règle. En résumé,la ciuestion de l'((intérêjturidique)) ne peut êtredisso-
ciéede la question j,uridique de fond relative à l'existence et à la portéede

la règlede droit internationalcoutumier qui est alléguée.Nous admettons
que I'existence d'une actio popularis en droit international est discutable,
mais les observations émises par la Cour actuelle dans l'affaire de la
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited1 suffisent à dé-
montrer que la question peut êtreconsidéréecomme susceptible de faire
l'objet d'une argumentation juridique rationnelle et d'être valablement

portée devant la Cour.
Il8. S'agissant du droit qui, selon l'Australie, découle du principe de
la liberté de la haute mer, il parait clair là encore que le point relatif à
l'((intérêjturidique ))fait partie de la question juridique généralede fond.
Dans ce cas, I'existencede la règle fondamentale, celle de la liberté de la

haute mer, n'est pas douteuse et est établie de façon autorisée par I'ar-
ticle2 de la Convention de Genève de 1958sur la haute mer. Les questions
sur lesquelles les Parties sont en litige à ce propos sont les suivantes:
i)l'établissement d'une zone d'expérimentation d'armes nucléairesenglo-
bant des régionsde la haute mer et l'espace aériensurjacent est-il admissi-
sible au regard de cette règleou viole-t-il les libertés de la navigation et de

la pêche; ii) les essais d'armes nucléaires en atmosphère constituent-ils
également des violations de la liberté des mers en raison de la pollution
des eaux qui résulteraitdudépôtderetombéesradioactives? Au sujet de ces
questions, le demandeur soutient qu'il possède non seulement un intérêt
généralet commun en tant qu'usager de la haute mer mais aussi que sa

situation géographique lui confère un intérêt particulierà ce que soient
respectées les libertés de la navigation, de survol et de la pêchedans la
régiondu Pacifique:Sud.Que lesEtats soient titulaires de droits individuels
et collectifs en ce iquiconcerne les libertés de la haute mer, cela découle
de la conception mêmede ces libertésqui implique que tous les Etats ont
des droits d'usage, ainsi qu'il ressort implicitement de nombreuses dis-

positions de la Convention de Genèvede 1958 surla haute mer. D'ailleurs,
I'existence de ces droits est démontrée par la longue suite de différends
internationaux qui sont nés au cours de l'histoire des revendications
contradictoires émises par différents Etats quant à leurs droits sur la
haute mer. En conséquence, il nous semble difficile d'admettre que le

demandeur ne soit mêmepas fondé dans la présente instance à essayer
d'établir devant la. Cour qu'il a un intérêt juridiquepropre à introduire

-
1 Deuxième phase,C.I.J. Recueil 1970, p. 32. ISSAIS NUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 371

une instance à l'égardd'actes qu'il considère comme des violations des
libertés de la navigation, de survol et de la pêche.Comme nous l'avons
déjà dit, ce point fait partie intégrante des questions juridiques de fond

soulevéesà propos de la liberté des mers et, selon nous, ne pouvait être
tranché par la Cour qu'au stade du fond.
119. Eu égard aux observations qui précèdent, il nous paraît clair
qu'aucune des objections examinéesdans cette partie de notre opinion
n'est de natureà faire obstacle à l'exercice de la compétence de la Cour
sur le fond de I'affaire en vertu de l'article 17 de l'Acte généralde 1928.

Qu'elles visent la compétence ou la recevabilité, ou bien elles sont dé-
nuées de fondemerit, ou bien elles n'ont pas ((dans les circonstances de
l'espèce un caractère exclusivement préliminaire1).Ne souscrivant pas à
la décisionde la Cour selon laquelle la demande de l'Australie est désor-
mais sans objet, nous estimons que la Cour aurait dû déciderd'examiner

à présent l'affaire au fond.

120. Etant d'avis que la Cour a compétence et que l'affaire qui lui a été
soumise ne fait apparaître aucun motif permettant de considérer les
demandes de l'Australie comme irrecevables, nous estimons que le Statut
et le Règlement donnaient au demandeur le droit de voir la Cour statuer

sur le différend. L'arrêtprive le demandeur de ce droit en se fondant sur
une procédure et un raisonnement auxquels nous ne pouvons, à notre
grand regret, trouver aucune justification ni dans le Statut et le Règlement
ni dans la pratique et la jurisprudence de la Cour.

(Signé) Charles D. ONYEAMA.

(Signé ) ardy C. DILLARD.

(Signé) E. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.

(Signé) H. WALDOCK.

Bilingual Content

JOINT DISSENTING OPINION OF JUDGES ONYEAMA,
DILLARD, JIMÉNEZ DE ARECHAGA
AND SIR HUMPHREY WALDOCK

1.In its Judgment the Court decides, ex proprio motu, that the claim
of the Applicant no longer has any object. We respectfully, but vigor-
ously dissent. In registering the reasons for our dissent we propose first

to make a number of observations designed to explain why, in our view,
it is not justifiable to say that the claim of the Applicant no longer has
any object. We shall then take up the issues of jurisdiction and admissi-
bility which are not examined in the Judgment but which appear to us to
be of cardinal importance to the Court's treatment of the matters decided
in the Judgment. It is also to these two issues, not touched in the Judg-
ment, to which the Applicant was specifically directed to address itself
in the Court's Order of 22 June 1973.

2. Basically, the Judgment is grounded on the premise that the sole
object of the claim of Australia is "to obtain a termination of" the

"atmospheric nuclear tests conducted by France in the South Pacific
region" (para. 30). It further assumes that, although the judgment which
the Applicant seeks would have been rested on a finding that "further
tests would not be consistent with international law, such finding would
be only a means to an end, and not an end in itself" (ibid.).
3. In our view the basic premise of the Judgment, which limits the Ap-
plicant's submissions to a single purpose, and narrowly circumscribes its
objective in pursuing the present proceedings, is untenable. In conse-

quence the Court's chain of reasoning leads to an erroneous conclusion.
This occurs, we think, partly because the Judgment fails to take account
of the purpose and utility of a request for a declaratory judgment and
even more because its basic premise fails to correspond to and even
changes the nature and scope of Australia's forma1 submissions as
presented in the Application.
4. In the Application Australia:

".. . Asks the Court to adjudge anddeclare that, for the above-
mentioned reasons or any of them or for any other reason that
the Court deems to be relevant, the carrying out of further at-
mospheric nuclear weapon tests in the South Pacific Ocean is not

consistent with applicable rules of international law. OPINION DISSIDENTE COMMUNE DE MM. ONYEAMA,
DILLARD, JIMGNEZ DE ARÉCHAGA
ET SIR HUMPHREY WALDOCK

[Traduction]
1. Dans son arrêtla Cour décidede son propre chef que la demande

de l'Australie est désormais sans objet. Nous contestons respectueuse-
ment mais avec énergiecette conclusion. Dans l'exposé qui va suivredes
raisons de notre dissentiment, nous présenterons tout d'abord une série
d'observations visant à expliquer pourquoi, d'apès nous, il n'est pas
justifiéde dire que la demande del'Australie n'a plus d'objet. Nous abor-
derons ensuite les questions de compétence et de recevabilitéque l'arrêt
n'examine pas mais qui nous paraissent d'une importance capitale pour
ce qui est de la manière dont la Cour aurait dû envisager les sujets sur
lesquels elleseprononce. Ce sont d'ailleurs ces deuxquestions, que l'arrêt
laisse de côté, que le demandeur avait étéexpressément invité à traiter

par l'ordonnance de la Cour du 22juin 1973.

PREMIÈRE PARTIER . AISON DSE NOTRE DISSENTIMENT

2. L'arrêtprocède fondamentalement du postulat que l'unique objet
de la demande australienne est d'obtenir la ((cessatio))des (cessaisnu-
cléairesatmosphériques effectuéspar la France dans la régiondu Paci-
fique Sud ))(par. 30). 11postule en outre que, bien que l'arrêt sollparté

l'Australie eût étéfondé sur la constatation que «de nouveaux essais
seraient contraires au droit international, une telle constatation ne serait
qu'un moyen utiliséen vue d'une fin et non une fin en soi(ibid.).
3. L'hypothèse debase de l'arrêt,qui prêteaux conclusions du deman-
deur un but unique et limité et circonscrit étroitement l'objectif qu'il
poursuivait en entamant la présenteinstance,estànotre avisinsoutenable,
et le raisonnement de la Cour aboutit en conséquence à une conclusion
erronée. D'après nous,cela est dû en partie au fait que l'arrêtne tient pas
compte de l'objet et de l'utilitéd'une demande d'arrêtdéclaratoireet plus
encore à ce que son hypothèse de départne correspond pas à la nature et

à la portée des conclusions formelles de l'Australie, telles qu'elles figu-
raient dans la requste, et même modifiel'une et l'autre.
4. Dans sa requête l'Australie:
((Prie la Cour dire et juger que, pour l'un quelconque ou l'en-

semble des motifs exposés ci-dessusou pour tout autre motif jugé
pertinent par la Cour, lapoursuite des essais atmosphériques d'armes
nucléairesdans l'océan PacifiqueSud n'est pas compatible avec les
règlesapplicables du droit international et and to Order

that the French Republic shall not carry out any further such tests."
5. This submission, as observed by counsel for Australia before the

Court (CR 7313,'p. 60):
". ..has asked the Court to do two things: the first is to adjudge and

declare that the conduct of further atmospheric nuclear tests is
contrary to international law and to Au~tralia's rights; the second
is to order France to refrain from further atmospheric nuclear
tests".

As appears from the initial words of the actual submission, its first
part requests from the Court a judicial declaration of the illegality of
atmospheric tests conducted by France in the South Pacific Ocean.

6. In paragraph 19 of the Application it is stated that:
"The Australian Government will seek a declaration that the
holding of further atmospheric tests by the French Government in

the Pacific Ocean is not in accordance with international law and
involves an infringement of the rights of Australia. The Australian
Government will also request that, unless the French Government
should give the Court an undertaking that the French Government
will treat a declaration by the Court in the sense just stated as a
sufficient ground for discontinuing further atmospheric testing, the

Court should make an order calling upon the French Republic to
refrain from any further atmospheric tests." (Emphasis added.)

In other words, the request for a declaration is the essential sub-
mission. If a declaration of illegality were obtained from the Court which
the French Government agreed to treat as a sufficient ground for dis-
continuing further atmospheric tests, then Australia would not maintain
its request for an Order.
Consequently, it can hardly be said, as is done in paragraph 30 of

the Judgment, that the declaration of illegality of atmospheric tests asked
for in the first part of the Applicant's formal submission is merely a
means for obtaining a Court Order for the cessation of further tests. On
the contrary, the declaration of illegality is the basic claim submitted by
Australia to the Court; and this request is indeed described in the
Mernorial (para. 430) as the "main prayer in the Application".
7. The Applicant asks for a judicial declaration to the effect that

atmospheric nuclear tests are "not consistent . .. with international law".
This bare assertion cannot be described as constituting merely a reason
advanced in support of the Order. The legal reasons invoked by the
Applicant both in support of the declaration and the Order relate inter
alia to the alleged violation by France of certain rules said to be generally Ordonner

à la République française de ne plus faire de tels essais. ))

5. En présentant cette conclusion, comme l'indiquait devant la Cour
un conseil de l'Australie (CR 7313, p. 60):

((le Gouvernement australien a prié la Cour de faire deux choses:
primo, dire et juger que la poursuite d'essais nucléairesdans I'atmo-
sphèreest contraire au droit international et aux droits de l'Australie,

secundo, ordonner que la France s'abstienne de faire de nouveaux
essais nucléaires dans l'atmosphère )).

Comme il ressort des premiers mots qui y figurent (((Asks the Court to
adjudge and declare N), la première partie de la conclusion telle qu'elle a
été formuléetend à obtenir de la Cour une déclarationjudiciaire concer-
nant I'illicéitédes essais atmosphériques effectués par la France dans

l'océanPacifique Sud.
6. Le paragraphe 19 de la requêteest ainsi conçu:

((Le Gouvernement australien demandera à la Cour de dire que
les nouvelles expériences dans I'atmosphère auxquelles le Gouverne-
ment' français pourrait procéder dans l'océan Pacifique nesont pas
conformes au droit international et violent les droits de l'Australie.

LeGouvernementaustraliendemandera aussique, aucasou leCiouver-
nement français ne donnerait pas à la Cour l'assurance qu'il considé-
rera toute déclaration qu'elle pourrait faire à l'effet indiquéci-dessus
comme une raison suffisante de mettre un terme à ces essais dans

l'atmosphère, la Cour rende une ordonnance enjoignant à la Répu-
blique françaisede s'abstenir detout nouvel essaidansl'atmosphère. »
(Les italiques sont de nous.)

En d'autres termes, la demande de déclaration représente la conclusion
essentielle. Si la Cour rendait une déclaration d'illicéitédans laquelle le
Gouvernement français voulût bien voir un motif suffisant pour mettre

fin à la poursuite des essais dans l'atmosphère, l'Australie ne maintien-
drait pas sa demande d'injonction.
11est donc difficile d'affirmer, comme le fait l'arrêtau paragraphe 30,
que la déclaration concernant le caractère illicite des essais atmosphé-

riques à quoi tend la première partie de la conclusion formelle du deman-
deur n'est qu'un moyen d'obtenir une décision de la Cour ordonnant la
cessation des expériences. Au contraire, cette déclaration est ce que vise
fondamentalement l'Australie, et le mémoire (par. 430) y voit d'ailleurs
<(la conclusion principale de la requête )).

7. Le requérant demande qu'il soit judiciairement déclaré que les
essais nucléaires dans I'atmosphère ne sont pas (compatibles avec les
règles applicables du droit international )).Cette assertion ne saurait être
considéréecomme un simple motif avancé pour justifier l'injonction de-

mandée. Les raisonsjuridiques invoquéespar le requérant à l'appui aussi
bien de la déclaration que de l'injonction ont trait notamment au fait queaccepted as customary law concerning atmospheric nuclear tests; and its
alleged infringement of rights said to be inherent in the Applicant's own
territorialsovereigrityand of rights derived fromthe character of the high
seas as res comrnunis. These reasons, designed to support the sub-

missions, are clearly distinguished in the pleadings from the decisions
which the Court is asked to make. According to the terms of the sub-
mission the Court is requested to make the declaration of illegality "for
the above-mentioned reasons or any of them or for any other reason
that the Court deems to be relevant". Isolated from those reasons or
legal propositions, the declaration that atmospheric nuclear tests are
"not consistent with applicable rules of international law" is the precise
formulation of something that the Applicant is formally asking the Court
to decide in the operative part of the Judgment. While "it is no part of the
judicial function of the Court to declare in the operative part of its Judg-

ment thatany ofthose arguments isor isnot wellfounded l", to decide and
declare that certain conduct of a State is or is not consistent with inter-
national law is of the essence of international adjudication,the heart of
the Court's judicial function.

8. The Judgment asserts in paragraph 30 that "the original and ulti-
mate objective of the Applicant was and has remained to obtain a ter-
mination of those tests; thus its claim cannot be regarded as being a
claim for a declaratory judgment". In Our view the premise in no way
leads to the conclusion. In international litigation a request for a de-

claratory judgment is normally sufficient even when the Applicant's
ultimate objective is to obtain the termination of certain conduct of the
Respondent which it considers to be illegal. As Judge Hudson said in hi'
individual opinion in the Diversion of Waterfrom the Meuse case:
"In international jurisprudence, however, sanctions are of a

different nature and they play a different rôle, with the result that a
declaratory judgment will frequently have the same compulsive
force as a mandatory judgment; States are disposed to respect the
one not less than the other." (P.C.I.J., Series AIB, No. 70, p. 79.)

And, as Charles De Visscher has stated:
"The essential task of the Court, as emerges both from the sub-
missions of the parties and from the operative parts of itsjudgments,
normally amounts to no more than defining the legal relationships

between the parties, without indicating any specific requirements of
conduct. Broadly speaking, the Court refrains from pronouncing
condemnations and leaves it to the States parties to the case to draw
the conclusions flowing from its decisions 2." [Translation.]

1 Right of Passage over fhdian Territory, I.C.J. Reporp. 32.0,
2 Ch. De Visscher, Aspects récents dudroit procédural dela Cour internationale de
Justice, Paris, 1966, p. 54.
65la France aurait violécertaines règles généralement acceptéescomme
droit coutumier en matière d'essais nucléairesen atmosphère, et qu'elle
aurait enfreint des droits considéréscomme,inhérents à la souveraineté
territoriale du requérant ou tenant au caractère de res cornmunis de la
haute mer. Les écritures distinguent nettement entre ces raisons destinées
à étayer les conclusions et les décisionsqui sont sollicitéesde la Cour.
Dans la conclusion la Cour est priée de prononcer une déclaration

d'illicéité((pour I'un quelconque ou l'ensemble des motifs exposés ci-
dessus ou pour tout autre motif jugépertinent )).Isoléede ces motifs ou
de cesthèsesjuridiques, la déclarationsuivant laquelle lesessais nucléaires
dans l'atmosphère ne sont pas c(cornpatib1esavec les règles applicables
du droit international ))n'est que la formulation précisede ce que le de-
mandeur prie formellement la Cour de décider dans le dispositifde
l'arrêt.S'il est vrai que ((prononcer dans le dispositif de l'arrêtque telle

ou telle de cesthèses estoui ou non fondéene rentrepas dans lesfonctions
judiciaires de la Cour 1 n,dire et juger qu'un certain comportement d'un
Etat est ou n'est pas compatible avec le droit international constitue un
aspect essentiel du contentieux international et est au cŒur mêmede la
fonction judiciaire de la Cour.
8. L'arrêtaffirme au paragraphe 30 que ((le demandeur a eu pour
objectif initial et conserve pour objectif ultime la cessation de ces essais;
dans ces conditions, on ne saurait considérer que sa demande tende à

obtenir uii jugement déclaratoire ». Selon nous la conclusion ne découle
aucunement de la prémisseénoncée.Dans les procès internationaux une
demande de jugement déclaratoire suffit normalement, mêmequand
l'objectif final du demandeur est d'obtenir que prenne fin un certain
comportement du défendeur qu'il considère illicite. Comme Hudson l'a
écritdans son opinion individuelle en l'affaire des Prises d'eau a la Meuse:

Dans la jurisprudence internationale, toutefois, les sanctions
sont de nature différenteet jouent un rôle différent; il en résulte
qu'un arrêtdéclaratoireaura fréquemmentla mêmeforce exécutoire
qu'un arrêténonçant un ordre du tribunal; les Etats ne sont pas

moins disposés à respecter I'un que l'autre. » (C.P.J.I. série AIB
no 70, p. 79.)
Et, pour reprendre les termes de Charles De Visscher:

((La tâche essentielle de la Cour, telle qu'elle ressort tant des con-
clusions des Parties que des dispositifs de ses arrêtsse ramène nor-
malement à définir lesrapportsde droit entre Parties sans indication

de prestations déterminées.Très généralement,les décisions s'abs-
tiennent de prononcer des condamnations, laissant aux Etats parties
au litige le soin de tirer eux-mêmesles conséquences qui s'y atta-
chent 2.))

1 Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recup.32.960,
2 Charles De Visscher, Aspects récentsdu droit prorédural de la Cour internationale
de Justice,aris, 1966,p.54.

653 15 NUCLEAR TESTS(JOINT DISS. OP.)

9. A dual submission, like the one presented here, comprising both
a request for a declaration of illegality and a prayer for an order or in-
junction to end certain measures is not infrequent in international liti-
gation.
This type of dual submission, when presented in other cases has been

considered by this Court and its predecessor as containing two inde-
pendent formal submissions, the first or declaratory part being treated as
a true submission, as an end in itself and not merely as part of the reason-
ing or as a means to obtain the cessation of the alleged unlawful activity.
(Diversion of Waterfrom the Meuse, P.C.I.J., Series AIB, No. 70, pp. 5, 6
and 28; Rigl~tof Passage over Indian Territory, I.C.J. Reports 1960, pp. 10

and 31.)

The fact that consequential requests for an Order oran equivalent in-
junction are made, as they were made in the above-mentioned cases, was
not then considered and cannot be accepted as a sufficient reason to
ignore or put aside the Applicant's primary submission or to dispose of
it as part of the reasoning. Nor is it justified to introduce a conceptual

dichotomy between declaratory and other judgments in order to achieve
the same effect. The fact that the Applicant's submissions are not limited
to a declaration of the legal situation but also ask for some consequential
relief cannot be used to set aside the basic submission in which the de-
claration of the legal situation is asked to be made in the operative part
of the Judgment.

10. In the above-mentioned cases the judges who had occasion to
analyse in detail in their individual opinions the Applicant's submissions
recognized that in these basic submissions the Applicants sought a
declaratory judgment from the Court. The individual opinion of Judge
Hudson in the Dirersion qf Water ,firom the Meuse case has already been

mentioned. In the Rigl~t of Passage over Indian Trrritory case, Judges
Winiarski and Badawi in their dissenting opinion recognized that: "What
the Portuguese Government is asking of the Court, therefore, is that it
shall deliver in the first place a declaratory judgment." They added
something which is fully applicable to the present case:

". . . although this claim is followed by the two others, comple-

mentary and contingent, it constitutes the very essence of the case
. . . The object of the suit, as it follows from the first Portuguese
submission, is to obtain from the Court a recognition and statement
of the situation at law between the Parties" (I.C.J. Reports 1960,
p. 74).

Judge Armand-Ugon in his dissenting opinion also said: "The Court is

asked for a declaratory judgment as to the existence of a right of pas-
sage." (Ibid., p. 77.) And this approach was not limited to dissenting
opinions. The Court's Judgment in that case states that the Applicant 9. Une conclusion double, comme celle qui a été présentéeici,
tendant à la fois à obtenir une déclaration d'illicéitéet un ordre ou injonc-
tion d'avoir à mettre fin à certaines mesures n'est pas sans exemple dans
le contentieux international.
Quand, dans d'autres affaires, la Cour et sa devancière se sont trouvées

en présence d'une conclusion ainsi dédoublée, elles l'ont considérée
comme renfermant deux conclusions formelles indépendantes, dont la
première ou partie déclaratoire était considérée comme une conclusion
véritable, une fin en soi et pas simplement un élément duraisonnement ou
un moyen d'obtenir la cessation de l'activité taxée d'illicite(Prises d'eau

à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I. série A/B no 70, p. 5, 6 et 28;
Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêr,C.I.J. Recueil 1960,
p. 10 et 31).
Le fait que par la suite la Cour soit invitéeà ordonner ou à enjoindre
telle ou telle mesure, comme ce fut lecas dans les affaires susmentionnées,
n'a pas été considéré alors et ne saurait être accepté commeun motif

suffisant pour négligerou écarter la conclusion principale du demandeur
ou pour la traiter comme une partie du raisonnement. II n'est pas non
plus justifié d'appliquer une dichotomie conceptuelle entre lesjugements
déclaratoires et les autres pour aboutir à ce mêmerésultat. Le fait que le
demandeur n'aspire pas seulement à faire constater par une déclaration

la situation juridique, mais demande aussi des mesures correctives qui
en sont la conséquence ne saurait être invoquépour laisse- de côté la
conclusion fondamentale qui tend A faire constater la situation juridique
dans le dispositif de l'arrêt.
10. Dans les affaires évoquées précédemmentles juges qui, dans leurs

opinions individuelles, ont étéamenés à analyser en détail les conclu-
sions des demandeurs ont reconnu que, fondamentalement, ceux-ci cher-
chaient à obtenir de la Cour un jugement déclaratoire. Nous avons déjà
mentionné l'opinion individuelle de Hudson dans l'affaire des Prises
d'eau a la Meuse. Dans celle du Droit de passage sur territoire indien,
MM. Winiarski et Badawi ont reconnu. dans leur o~inion dissidente.

que ce que le Gouvernement portugais demande à la Cour, c'est donc
de rendre en premier lieu un jugement déclaratoire )).Et ils ont ajouté
ceci, qui s'applique tout a fait à la présente espèce:

((bien que cette demande soit suivie des deux autres, complémen-

taires et éventuelles, elle constitue l'essence même de l'affaire ...
L'objet de l'action, tel qu'il résultede la première conclusion portu-
gaise, est de faire reconnaître, constater par la Cour la situation de
droit entre Parties.)>(C.I.J. Recueil 1960, p. 74.)

Dans son opinion dissidente, M. Armand-Ugon a écritlui aussi ((la Cour
est sollicitée de rendre un arrêt déclaratoire sur l'existence du droit de
passage ))(C.I.J. Recueil 1960, p. 77). Cette manière de voir n'inspirait
pas seulement les opinions dissidentes: l'arrêtrendu par la Cour en cette"invoked its right of passage and asked the Court to declare the existence
of that right" (emphasis added) and also says:

"To this first claim Portugal adds two others, though these are
conditional upon a reply, wholly or partly favourable, to the first
claim, and will lose their purpose if the right alleged is not recog-

nized." (Ibid., p.29.)
11. In a case brought to the Court by means of an application the for-
mal submissions of the parties define the subject of the dispute, as is

recognized in paragraph 24 of the Judgment. Those submissions must
therefore be considered as indicating the objectives which are pursued by
an applicant through the judicial proceedings.
While the Court is entitled to interpret the submissions of the parties,
it is not authorized to introduce into them radical alterations. The Per-
manent Court said in this respect: ". .. though it can construe the sub-
missions of the Parties, it cannot substitute itself for them and formulate

new submissions simply on the basis of arguments and facts advanced"
(P.C.I.J., Series A, No. 7,p. 35, case concerning Certain German Interests
in Polish Upper Silesia). The Judgment (para. 29) refers to this as a
limitation on the power of the Court to interpret the submissions "when
the claim is not properly 'formulated because the submissions of the
parties are inadequate". If, however, the Court lacks the power to refor-

mulate inadequate submissions, a fortiori it cannot reformulate sub-
missions as clear and specific as those in this case.
12. In any event, the cases cited in paragraph 29 of the Judgment to
justify the setting aside in the present instance of the Applicant's first
submission do not, in our view, provide any warrant for such a summary
disposal of the "main prayer in the Application". In those cases the sub-

missions held by the Court not to be true submissions were specific
propositions advanced merely to furnish reasons in support of the decision
requested of the Court in the "true" final submission. Thus, in the
Fisheries case the Applicant had summarized in the form of submissions
a whole series of legal propositions, some not even contested, merely as
steps lopically leading to its true final submissions (I.C.J. Reports 1951,
at pp. 121-123 and 126). In the Minquiers and Ecrehos case the "true"

final submission was stated first and two legal propositions were then
adduced by way of furnishing alternative grounds on which the Court
might uphold it (I.C.J. Reports 1953, at p. 52);and in the Nottebohm case
a submission regarding the naturalization of Nottebohm in Liechtenstein
was considered by the Court to be merely "a reason advanced for a
decision by the Court in favour of Liechtenstein" on the "real issue" of

the admissibility of the claim (I.C.J. Reports 1955,at p. 16). In the present
case, as we have indicated, the situation is quite otherwise. The legality or
illegality of the carrying out by France of atmospheric nuclear tests in the
South Pacific Ocean is the basic issue submitted to the Court's decision,
and it seems to us as wholly unjustifiable to treat the Applicant's requestaffaire énonceque le demandeur ((a invoquéson droit de passage et de-
mandé à la Cour de reconnaître l'existence de ce droit ))et il poursuit:

((à cette première demande, le Portugal en ajoute deux autres qui,
d'ailleurs, sont subordonnées à une réponse favorable qui serait
donnée,en totalitéouen partie, à la premièredemande :elles devien-
dront sansobjet si le droit prétendun'est pas reconnu ))(ibid.,p. 29).

11. Dans une affaire portée devant la Cour par requêtelesconclusions
formelles des Parties définissent l'objetdu différend,comme le reconnaît
le paragraphe 24 de l'arrêt. 11faut donc considérer que ces conclusions

correspondent aux objectifs que vise le demandeur en introduisant
l'instance judiciaire.
La Cour a certes le droit d'interpréterles conclusions des Parties, mais
rien ne l'autorise à les transformer radicalement. La Cour permanente
s'est expriméeainsi sur ce point: Si ellepeut interpréter lesconclusions
des Parties, elle ne saurait se substituer à celles-ci pour en formuler de
nouvelles sur la base des seulesthèses avancéeset faits allégués. ))(C.P.J.I.

série A no 7, p. 35, affaire relativeà Certains intérêta sllemands en Haute-
Silésiepolonaise.) Au paragraphe 29, l'arrêtvoit là une limitation du
pouvoir de la Cour d'interpréterlesconclusions ((quand lademande n'est
pas formulée comme il convient parce que les conclusions des parties
sont inadéquates)).Si, toutefois, la Cour n'a pas le pouvoir de reformuler
des conclusions inadéauates. elle ne saurait à fortiori reformuler des
conclusions aussi claires et précisesque dans la présenteespèce.

12. Les affaires invoquées par l'arrêten son paragraphe 29 pour
écarterla première conclusion du demandeuren l'espècenejustifient selon
nous en aucune manière un traitement aussi sommaire de (<la conclusion
principale de la requête)).Dans lesdites affaires les conclusions que la
Cour n'a pas considérées commedes conclusions véritables étaient des
développements prtcis qui avaient pour seul objet de motiver la décision

sollicitéede la Cour dans la ((vraie ))conclusion finale. C'est ainsi que
dans l'affaire desPêcheries le demandeur a résumé,sous forme de conclu-
sions, toute une sériede propositions juridiques, dont certaines n'étaient
mêmepas contestées, pour amener logiquement ses véritables con-
clusions finales (C..I.J. Recueil 1951, p. 121-123 et 126). Dans l'affaire
des Minquiers et Ecréhous, la ((vraie))conclusion finale a été énoncée en
premier et suivie de deux arguments juridiques qui visaient à fournir

d'autres motifs pour que la Cour retienne cette conclusion (C.I.J. Recueil
1953, p. 52); dans l'affaire Nottebohm une conclusion concernant la
naturalisation de Nottebohm au Liechtenstein n'a été considérép ear la
Cour que comme (tune raison à l'appui d'une décision de la Cour en
faveur du Liechtenstein >)sur la ((vraie question ))de la recevabilitéde la
demande (C.I.J. Recueil 1955, p. 16). Dans la présenteespèce, comme
nous l'avons dit, la situation est entièrement différente.La question fon-

damentale soumise à la décisionde la Cour est celle du caractère licite ou
illicite des expériences nucléairesfrançaises en atmosphère dans l'océan
Pacifique Sud, et ilnous paraît entièrement injustifiéde traiter la demandefor a declaration of illegality merely as reasoning advanced in support of
its request for an Order prohibiting further tests.

13. In accordance with these basic principles, the true nature of the
Australian claim, and of the objectives sought by the Applicant ought to
have been determined on the basis of the clear and natural meaning of the
text of its formal submission. The interpretation of that submission made
by the Court constitutes in our view not an interpretation but a revision
of the text, which ends in eliminating what the Applicant stated is "the

main prayer in the Application", namely the request for a declaration of
illegality of nuclear atmospheric tests in the South Pacific Ocean. A
radical alteration or mutilation of an applicant's submission under the
guise of interpretation has serious consequences because it constitutes a
frustration of a party's legitimate expectations that the case which it has

put before the Court will be examined and decided. In this instance the
serious consequences have an irrevocable character because the Applicant
is now prevented from resubmitting its Application and seising the Court
again by reason of France's denunciation of the instruments on which
it is sought to base the Court's jurisdiction in the present dispute.
14. The Judgment revises, we think, the Applicant's submission by

bringing in other materials such as diplomatic communications and
statements made in the course of the hearings. These materials do not
justify, however, the interpretation arrived at in the Judgment. They
refer to requests made repeatedly by the Applicant for an assurance from
France as to the cessation of tests. But these requests for an assurance
cannot have the effect attributed to them by the Judgment. While liti-

gation is in progress an applicant may address requests to a respondent
to give an assurance that it will notpursue the contested activity, but such
requests cannot by themselves support the inference that an unqualified
assurance, if received, would satisfy al1 the objectives the applicant is
seeking through the judicial proceedings; still less can they restrict or

amend the claims formally submitted to the Court. According to the
Rules of Court, this can only result from a clear indication by the appli-
cant to that effect, through a withdrawal of the case, a modification of its
submissions or an equivalent action. It is not for nothing that the sub-
missions are required to be presented in writing and bear the signature of
the agent. It is anon sequittir,therefore, to interpret such requests for an

assurance as constituting an implied renunciation, a modification or a
withdrawal of the claim which is still maintained before the Court, asking
for a judicial declaration of illegality of atmospheric tests. At the very
least, since the Judgment attributes intentions and implied waivers to the
Applicant, that Party should have been given an opportunity to explain its
real intentions and objectives, instead of proceeding to such a determi-

nation inaudita parte.de déclaration d'illicéité présentépear le requérant comme un simple
motif a l'appui de l'interdiction de nouveaux essais qu'il sollicite égale-
ment.
13. Conformémerit à ces principes de base, il aurait fallu déterminer
la véritablenature de la demande australienneet des objectifs viséspar le
requérant en se fondant sur le sens clair et naturel du texte de sa conclu-

sion formelle. Dans l'interprétation qu'elle en a donnée la Cour, selon
nous, n'a pas vraiment interprété maisreviséle texte, et éliminépour
finir ce que le requérant avait appelé ((la conclusion principale de la
requête n, c'est-à-dire la demande tendant a ce que les essais nucléaires
atmosphériques dans l'océan Pacifique Sudsoient déclarésillicites. Il est
grave de modifier ou de mutiler radicalement la conclusion d'un plaideur,
sous couleur d'interlprétation,car on frustre ainsi son attente légitimeque
l'affaire dontila saisi la Cour sera examinéeet résolue. Enl'occurrence
les conséquences soi~tnon seulement graves mais irrévocables,le deman-
deur ne pouvant plils représenter sa requêteet saisirà nouveau la Cour
puisque la France ;adénoncéles instruments sur lesquels il prétendait
fonder la compéten<:ede la Cour en l'espèce.

14. Nous pensons que la Cour revise la conclusion du demandeur en
faisant appel à d'autres élémentset notamment aux communications
diplomatiqueset déclarations faitesau cours de la procédure.Ceséléments
nejustifient cependantpas l'interprétation qu'en tire l'arrêt.1est fait état
des demandes réitérées de l'Australie tendant à obtenir de la France
l'assurance qu'il serait mis fin aux essais. Ces demandes ne sauraient
cependant avoir l'effetque l'arrêtleur attribue. Pendant qu'un procès se
déroule, un demandeur peut prier son adversaire de l'assurer qu'il ne
poursuivra pas I'aclivitécontestée, mais on ne peut en conclure qu'une
assurance sans réserve, à supposer qu'elle soit donnée, répondrait à tous
les objectifs que visait le demandeur en entamant la procédurejudiciaire;

encore moins peut-on restreindre ou amender pour cette raison les
prétentions formellement soumises à la Cour. D'après le Règlement, ce
résultat ne pourrait êtreobtenu que si ledemandeur donnait une indica-
tion précisedans ce sens en retirant l'affaire,en modifiant sesconclusions
ou par toute autre action équivalente. Ce n'est pas pour rien que les
conclusions doiveni êtreprésentéespar écrit et porter la signature de
l'agent. II est donc illogique d'interpréter les demandes d'assurances
comme une renonciation, une modification ou un retrait tacite de la
requêtedont la Cour reste saisieet qui vise a faire déclarerjudiciairement
que les essais atmosphériques sont illicites. Et puisque l'arrêtattribue au
demandeur des intentions et des renonciations implicites, la Cour aurait
dû pour le moins lui donner la possibilité d'expliquer ses desseins et

objectifsvéritables,,aulieud'entreprendre de lesdéterminer inauditaparte. 15. The Judgment, while it reiterates that the Applicant's objective

has been to bring about the termination of atmospheric nuclear tests,
fails to examine a crucial question, namely from what date the Applicant
sought to achieve this objective. To answer this point it is necessary to
take into account the date from which, according to the Australian sub-
mission, the legality of the French atmospheric tests is brought into
question. The term "further atmospheric tests" used in the submission
was also employed in the Australian diplomatic Note of 3 January 1973
addressed to the French Government. In that Note the claim as to the
illegality of the tests and an express request to refrain from them were
raised for the first time. When a State sends a communication asking
another State "to refrain from any further acts" which are said to be
illegal, it seems obvious that this claim and request refer to al1acts which
may take place after the date of the diplomatic communication. Similarly,
when Australia filed its Application it seems evident that its request to
the Court to declare the illegality of "further atmospheric nuclear wea-
pons tests" must be understood as referring to al1tests conducted as from
9 May 1973,the date of the Application.

While an injunction or an Order from the Court on the holding of
"further atmospheric tests" could have effect only as from the date it is
delivered, a judicial declaration of illegality like the one requested would
embrace not merely subsequent tests but also those which took place in
1973and 1974after the Application was filed.That such was the objective
of the Applicant is confirmed by the fact that as soon as the Application
was filed Australia requested interim measures in order to protect its
position with regard to the possible continuation of atmospheric tests by
France after the filing of the Application and before the delivery of the
Court's Judgment on the merits. A request for a declaration of illegality
covering the atmospheric tests which wereconducted in 1973and 1974,in
disregard of the interim Order of the Court, could not be deprived of its
object by statements of intention limited to tests to be conducted in 1975
or thereafter.

16: Such a view of the matter takes no account of the possibility of
Australia seeking to claim compensation in respect of the 12 tests

conducted in 1973and 1974.It is true that the Applicant has not asked
for compensation for damage in the proceedings which are now before
the Court. However, the Australian Government has not waived its
right to claim them in the future. It has significantly stated in the Me-
morial (para. 435) that: "At the present time" (emphasis added), it is not
the "intention of the Australian Government to seekpecuniary damages".
The possibility cannot therefore be excluded that the Applicant may in-
tend to claim damages, at a later date, through the diplomatic channel or
otherwise, in the event of a favourable decision furnishing it with a
declaration of illegality.Such a procedure, which has been followed in
previous cases before international tribunals, would have been particu- ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DlSS. COM.) 318

15. S'ilrépèteque ledemandeur a eu pour objectif d'obtenir la cessation
des essais nucléairesdans l'atmosphère, l'arrêts'abstient d'examiner une

question cruciale, celle de la date à laquelle il entendait atteindre cet
objectif. Pour y répondre, il faut rechercher à partir de quand la con-
clusion austra1ienn.e mettait en cause le caractère licite des essais
atmosphériques français. Les mots further atmospheric tests (« la pour-
suite des essais atrnosphériques )))que I'on trouve dans la conclusion
figurent aussi dans la note diplomatique australienne adressée au
Gouvernement fra~içais le 3 janvier 1973. Cette note affirmait pour la
première fois que les essais étaient illicites et demandait expressément
qu'il n'y soit plus procédé.Quand un Etat adresse à un autre une com-

munication lui deinandant « de s'abstenir de tous nouveaux actes))
qualifiés d'illicites,il paraît évidentque cette prière et cette affirmation
concernent tous le,sactes qui pourraient avoir lieu après la date de la
communication en question. De même,quand l'Australie a déposésa
requête,ilparaît évidentqu'en priant laCour de déclarerillicite (la pour-
suite des essais atrnosphériques d'armes nucléaires ))elle visait tous les
essais effectués à partir du 9 mai 1973, date de l'introduction de I'ins-
tance.
Alors qu'une injonction de la Cour interdisant ((la poursuite des essais

atmosphériques ))rie pourrait avoir effet qu'à partir de la date où elle
serait prononcé, une déclaration judiciaire d'illicéitécomme celle qui
étaitdemandée s'appliquerait non seulement aux expériences à venir mais
aussi à celles qui ont eu lieu en 1973et 1974après le dépôt dela requête.
Que tel ait étélYob;iectifu demandeur, c'est ce que confirme le fait que,
dès le dépôt de la requête,l'Australie a demandé des mesures conser-
vatoires pour se protéger contre la poursuite éventuelle des essais
atmosphériques frarnçaisaprès l'introduction de l'instance et tant que la
Cour n'aurait pas statué au fond. Si I'on demande que soient déclarés

illicites, entre autres, les essais atmosphériques effectuésen 1973et 1974
en contravention de l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires, des déclarations d'intention visant uniquement des essais qui
seraient entreprisà.partir de 1975ne peuvent pas priver d'objet une telle
demande.
16. Voir leschoses autrement équivaudrait à ne tenir aucun compte du
fait que l'Australie pourrait demander une réparation au titre des douze
essais effectuésen 11973et 1974. 11est vrai que dans la présente instance le
Gouvernement austalien n'a pas demandé à êtredédommagépour le

préjudice subi. Mais il n'a pas non plus renoncé à demander des dom-
mages-intérêts par la suite. Il est significatifqu'il ait dit dans son mémoire
(par. 435): ((pour["instant1)(les italiques sont de nous), le Gouvernement
australien n'a pas 1'«intention de demander une réparation pécuniaire )).
On ne saurait donc exclure que le demandeur cherche à obtenir un
dédommagement par la suite, que ce soit par la voie diplomatique ou de
toute autre manièr~ea,u cas où une déclarationd'illicéité seraiptrononcée
en sa faveur. Une procédure semblable, qui n'est pas inconnue des
tribunaux internationaux, se comprendrait particulièrement dans .unelarly understandable in a case involving radio-active fall-out in which the
existence and extent of damage may not readily be ascertained before
sometime has elapsed.
17. In one of the instances in which damages have been claimed in a
subsequent Application on the basis of a previous declaratory judgment,
the Permanent Court endorsed this use of the declaratory judgment,
stating that it was designed:
". ..to ensure recognition of a situation at law, once and for all, and
with binding force as between the Parties; so that the legal position
thus established cannot again be called in question in so far as the

legal effectsensuing therefrom are concerned" (Factoryut Chorzbw,
P.C.I.J., SeriesA, No. 13,p. 20).

18. Furthermore, quite apart from any claim to compensation for
damage, a request for a declaration of the illegality of France's atmos-
pheric nuclear weapon tests cannot be said to be without object in rela-
tion to the numerous tests carried out in 1973and 1974.The declaration,
if obtained, would characterize those tests as a violation of Australia's
rights under international law. As the Court's Judgment in the Corfu
Channel case clearly confirms (I.C.J. Reports 1949, at p. 35) such a
declaration is a form of "satisfaction" which the Applicant might have
legitimately demanded when it presented its final submissions in the

present proceedings, independently of any claim to compensation. Indeed,
in that case the Court in the operative part of the Judgment pronounced
such a declaration as constituting "in itself appropriate satisfaction"
(ibid.,p. 36).

19. The Judgment implies that there was a dispute between the Parties,
but asserts that such a dispute has now disappeared because "the objec-
tive of the claim has been achieved by other means" (para. 55).
We cannot agree with this finding, which is based on the premise that
the sole purpose of the Application was to obtain a cessation of tests as
from the date of the Judgment. In our view the dispute between the
Parties has not disappeared since it has concerned, from its origin, the
question of the legality of the tests as from the date of the Application.
It is true that from a factual point of view the extent of the dispute is
reduced if no further atmospheric tests are conducted in 1975and there-
after, but from a legal point of view the question which remains in dis-
pute iswhether the atmospheric nuclear tests whichwere in factconducted
in 1973and 1974were consistent with the rules of international law.
There has been no change in the position of the Parties as to that issue.
Australia continues to ask the Court to declare that atmospheric nuclearaffaire de retombée:^ radioactives où la vérification de l'existence et de
l'étenduedu préjudicepeut exigerun certain temps.

17. Dans l'une des affaires où desdommages-intérêtsont étédemandés
sur la base d'un arrêt déclaratoire antérieur, la Cour permanente a
approuvé le parti qui était ainsi tiréde cet arrêtet a précisé qu'ilétait

destiné:
((à faire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes et
avec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation
juridique ainsi fixéene puisse plus êtremise en discussion, pour ce
qui est des coniséquencesjuridiques qui en découlent ))(Interprétation
des arrêtsnos 7 et 8 (Usine de Chorzbw), arrêtno 11, 1927, C.P.J.I.

sérieA no 13, p. 20).
18. De plus, et en dehors de toute demande de réparation, on ne
saurait dire qu'une déclaration concernant I'illicéides essais français
d'armes nucléaires dans l'atmosphère soit sans objet pour ce qui concerne
lesnombreuses explosions de 1973et 1974.Sila Cour consentait à la faire,

cettedéclaration caractériseraitlesessaiscomme constituant une violation
des droits que l'Australie possèdeen vertu du droit international. Ainsi
que le confirme avec netteté I'arrêtde la Cour dans l'affaire du Détroit
de Corfou (C.I.J. Receuil 1949,p. 35)une déclarationsemblable constitue
un type de ((satisfaction» àlaquelle le requérant aurait pu légitimement
prétendre lorsqu'il a présentéses conclusions finales en la présente
instance, et cela indépendamment de toute demande de dommages-
intérêts.Dans l'afiaire qui vient d'êtreévoquée laCour avait du reste
indiqué dans le dispositif de l'arrêtqu'une déclaration semblable cons-
tituait((en elle-mênne une satisfaction appropriée »(ibid., p. 36).

19. L'arrêt laissesupposer qu'il existait un différendentre les Parties
mais affirme que ce:différenda désormais disparu parce que ((l'objet de
la demande a été atteintd'une autre manière ))(par. 55).
Nous ne pouvons souscrire à cette conclusion, fondée sur la prémisse
que la requêtevisait uniquement à obtenir la cessation des essaisà partir
de la date de l'arrzt. A notre avis, le différendentre les Parties n'a pas
disparu puisqu'il portait dès l'origine sur la question de la licéitédes
essais après la date de la requête.Certes, sur le plan des faits, la portée du
différend estmoindre s'il n'est pas procédé à de nouveaux essais atmo-

sphériques en 1975et ultérieurement mais, du point de vuejuridique, la
question qui demeure en litige est celle de savoir si les essais nucléaires
atmosphériques quii ont effectivement eu lieu en 1973 et 1974 étaient
compatibles avec les règlesdu droit international.
Les Parties n'ont pas modifié leur position à cet égard. L'Australie
continue à demander à la Cour de déclarerque les essais nucléairesentests are inconsistent with international law and is prepared to argue
and develop that point. France, on its part,as recognized in the Judgment
(para. 51), maintains the view that "its nuclear experiments have not
violated any rule of international law". In announcing the cessation of the
tests in 1975 the French Government, according to the Judgment, did
not recognize that France was bound by any rule of international law to
terminate its tests(ibid.).
Consequently, the legal dispute between the Parties, far from having
disappeared, still persists. A judgment by the Court on the legality of
nuclear atmospheric tests in the South Pacific region would thus pro-
nounce on a legal question in which the Parties are in conflict as to their
respective rights.
20. We cannot accept the view that the decision of such a dispute
would be a judgment in abstracto,devoid of object or having no raison

d'être.On the contrary, as has been already shown, it would affectexisting
legal rights and obligations of the Parties. In case of the success of the
Applicant, it would ensure for it advantages on the legal plane. In the
event, on the other hand, of the Respondent being successful, it would
benefit that Party by removing the threat of an unfounded claim. Thus a
judgment on the legality of atmospheric nuclear tests would, as stated by
the Court in the Northern Cameroons case:

". ..have some practical consequence in the sense that it can affect
existing legal rights or obligations of the parties, thus removing
uncertainty from their legal relations" (I.C.J.Reports 1963, p. 34).

In the light of this statement, a declaratory judgment stating the general
legal position applicable between the Parties-as would the one pro-
nouncing on the first part of the Applicant's submission-would have
given the Parties certainty as to their legal relations. This desired result is
not satisfied by a finding by the Court of the existence of a unilateral

engagement based on a series of declarations which are somewhat diver-
gent and are not accompanied by an acceptance of the Applicant's legal
contentions.
Moreover, the Court's finding as to that unilateral engagement
regarding the recurrence of atmospheric nuclear tests cannot, we think,
be considered as affording the Applicant legal security of the same kind
or degree as would result from a declaration by the Court specifyingthat
such tests contravened general rules of international law applicable
between France and Australia. This is shown by the very fact that the
Court was able to go only so far asto find that the French Government's
unilateral undertaking "cannot be interpreted as having been made in
implicit reliance on arbitrary power of reconsideration" (emphasis
added); and that the obligation undertaken is one "the precise nature and
limits of which must be understood in accordance with the actual terms
in which they have been publicly expressed".atmosphère sont colntraires au droit international et est prête à défendre
et développer ce point. De son côtéla France, comme l'admet l'arrêt
(par. 51), maintient que ((ses expériences nucléairesn'ont violéaucune
règle du droit international ».Lorsqu'il a annoncé qu'il n'y aurait plus
d'essais en 1975,le Gouvernement français, selon l'arrêt,n'a pas reconnu
que la France était tenue de mettre fin à ses expériencespar une règlede
droit international {ibid.).

Par conséquent, loin d'avoir disparu, le différendjuridique entre les
Parties persiste. En statuant sur la licéité des essais nucléairesen atmo-
sphèredans la régiondu Pacifique Sud, la Cour seprononcerait donc sur
une controversejuridique dans laquelle les Parties se contestent récipro-
quement un droit.
20. Nous ne pouvons souscrire à l'opinion que le jugement qui tran-
cherait un tel différent seraitprononcé dans l'abstrait et serait dépourvu
d'objet ou de raison d'être.Au contraire, comme on l'a péjà montré,
il affecterait les droits et obligationsjuridiques existants des Parties. Si le
demandeur obtenait gain de cause,-il lui assurerait des avantages sur le
plan juridique. Si c'étaiten revanche le défendeurqui l'emportait, il lui
serait utile en écartant la menace d'une action non fondée.Ainsi un arrêt
sur la licéitédes essais nucléairesatmosphériques aurait, pour reprendre
les termes employés par la Cour dans l'affaire du Cameroun septen-
trional:

((des conséquencespratiques en ce sens qu'il doit pouvoir affecter
les droits ou obligations juridiques existants des parties, dissipant
ainsi toute incertitude dans leurs relationsjuridiques» (C.I.J. Recueil
1963, p. 34).

Dans cette optique, un jugement déclaratoire définissantla situation
juridique entre les Parties- comme l'eût étécelui par lequel la Cour se
serait prononcée sur la première partie des conclusions du demandeur -
aurait conféréun caractère de certitude aux relationsjuridiques entre les
Parties. Le résultaitrecherché n'estpas atteint par la constatation de la
Cour qu'il existe un engagement unilatéral, constatation fondée sur une
sériede déclaratioinsqui présentent certaines divergences et ne s'accom-
pagnent pas de l'acceptation des thèsesjuridiques du demandeur.
Deplus, la conclilsion dela Cour sur l'engagement unilatéralconcernant
la reprise éventuelle des essais nucléaires dans l'atmosphère ne saurait

êtreconsidérée cornme donnant au demandeur le mêmetype ou le même
degré de sécuritéjuridique qu'une déclaration par laquelle la Cour
spécifierait que ces essais enfreindraient les règles généralesde droit
international applicables entre la France et l'Australie. C'est ce dont
témoigne le fait mêmeque la Cour a dû se contenter de conclure que
I'engagement unilatéral du Gouvernement français ccne saurait être
interprété comme ayantcomporté l'invocation d'unpouvoir arbitraire de
revision))(les italiques sont de nous) et qu'«il convient de comprendre
l'objet précis et les limites [de l'obligation assumée] dans les termes
mêmesoù ils sont expriméspubliquement ». 21. Whatever may be thought of the Judgment in the Northern
Cameroons case, the Court in that case recognized a critically significant
distinction between holding a declaratory judgment to be "without
effect" the subject of which (as in that case) was a treaty which was no
longer in force and one which "interprets a treaty that remains in force"
(emphasis added) or "expounds a rule of customary law" (emphasis
added). As to both the latter, the Court said that the declaratory judg-
ment would have a "continuing applicability" (I.C.J. Reports 1963,

p. 37). In other words, according to theNorthern-Cameroons case a judg-
ment cannot be said to be "without effect" or an issue moot when it
concerns an analysis of the continuing applicability of a treaty in force
or of customary international law. That is precisely the situation in the
present case.

The present case, as submitted by the Applicant, concerns the conti-
nuing applicability of a potentially evolving customary international law,
elaborated at numerous points in the Memorial and oral arguments.
Whether al1or any of the contentions of the Applicant would or would
not be vindicated at the stage of the merits is irrelevant to the central
issuethat they are not manifestly frivolous or vexatious but are attended
by legal consequences in which the Applicant has a legal interest. In the
language of the Northern Cameroons case, a judgment dealing with them

would have "continuing applicability". Issues of both fact and law re-
main to be clarified and resolved.

The distinction drawn in the Northern Cameroons case is thus in
keeping with the fundamental purpose of a declaratory judgment which
is designed, in contentious proceedings involving a genuine dispute, to
clarify and stabilize the legal relations of the parties. By foreclosing any
argument on the merits in the present stage of the proceedings the Court
has precluded this possibility. Accordingly, the Court, in our view, has
not only wrongly interpreted the thrust of the Applicant's submissions,
is has also failed to recognize the valid role which a declaratory judgment
may play in reducing uncertainties in the legal relations of the parties
and in composing potential discord.

22. In paragraph 23the Judgment Statesthat the Court has "inherent"
jurisdiction enabling it to takesuch action as may be required. It asserts
that it must "ensure" the observance of the "inherent limitations on the
exercise of the judicial function of the Court" and "maintain its judicial 21. Quoi qu'on puisse penser de l'arrêt rendudans l'affaire du Came-
roun septentrional, la Cour a admis a cette occasion qu'il existe une dif-

férencedéterminante entre un jugement déclaratoire ayant pour objet
(comme c'eût étéIf:cas en l'espèce)un traité qui n'est plus en vigueur -
jugement qui peut êtreconsidérécomme ((sans effet ))- et un jugement
déclaratoire qui ((interprète un traité restant en vigueur» (les italiques
sont de nous) ou (1définitune règlede droit international coutumier ))(les
italiques sont de rious). Dans ces deux derniers cas, a dit la Cour, le
jugement déclaratoire ((demeure applicable dans l'avenir)) (C.I.J.
Recueil 1963,p. 37). En d'autres termes, selon l'arrêtrendu dans I'affaire

du Camerounseptentrional, un jugement ne sauraitêtreconsidérécomme
((sans effet))ni une controverse comme sans objet lorsqu'il s'agitd'ana-
lyser l'applicabilité:pour l'avenir d'un traitéen vigueur ou d'une règlede
droit international coutumier. Telle est précisément lasituation dans la
présenteaffaire.
Cette affaire, telle qu'elle a étéexposéepar le demandeur, concerne
I'applicabilitépouir l'avenir d'une règlede droit international coutumier
qui pourrait êtreen voie de formation et qui a fait l'objet de nombreux

développements dans le mémoireet dans les plaidoiries. La question de
savoir si ledemandeur pourrait ou non justifier entotalitéou enpartie ses
thèsesau stade de la procédure sur le fond est sans pertinence: l'essentiel
est que son action n'est pas manifestement futile ou vexatoire mais qu'il
s'yattache des con.séquencesjuridiques qui présentent pour lui un intérêt
en droit. Selon lar terminologie employée dans I'affaire du Cameroun
septentrional, un jugement les concernant cdemeure[rait] applicable

dans l'avenir 1).Des points litigieux de fait comme de droit restent à
élucideret à trancher.
Ainsi, la distincf.ionétabliedans l'affairedu Camerounseptentrional est
conforme au but fondamental d'un jugement déclaratoire qui est, dans
une procédure contentieuse comportant un véritable différend, d'éclaircir
et de stabiliser les relations juridiques des parties. En excluant pour
l'avenir, au présen.tstade de l'instance, toute argumentation sur le fond,
la Cour a rendu un tel résultat impossible. Selon nous, par conséquent,

non seulement elle:a mal interprété la portéedes conclusions du deman-
deur mais elle n'a pas su reconnaître le rôle utile qu'un jugement déclara-
toire peutjouer en réduisantles incertitudes des relationsjuridiques entre
les parties et en piirant aux conflits éventuels.

22. Il est dit aii paragraphe 23 de l'arrêtque la Cour a un pouvoir
((inhérent 1)qui l'autorise à prendre toute mesure voulue, et affirmé
qu'elle doit veilleirà ((assurer ))le respect des ((limitations inhérentes à
l'exercicede la fonction judiciaire de la Cour ))età ((conserver son carac-character". It cites the Northern Cameroonscase in support of these very
general statements.
Without pausing to analyse the meaning of the adjective "inherent",
it is our viewthat there is nothing whatever in the concept of the integrity
of the judicial process ("inherent" or otherwise) which suggests, much
less compels, the conclusion that the present case has become "without
object7'.Quite the contrary, due regard for the judicial function, properly
understood, dictates the reverse.
The Court, "whose function is to decide in accordance with interna-
tional law such disputes as are submitted to it" (Art. 38, para. 1, of the
Statute), has the duty to hear and determinethe cases it is seisedof and is
competent to examine. It has not the discretionary power of choosing
those ~ontentious cases it will decide and those it will not. Not merely
requirements of judicial propriety, but statutory provisions governing
the Court's constitution and functions impose upon it the primary obli-
gation to adjudicate upon cases broughf before it with respect to which it

possessesjurisdiction and finds no ground of inadmissibility. In Ourview,
for the Court to discharge itself from carrying outthat primary obligation
must be considered as highly exceptional and a step to be taken only
when the most cogent considerations of judicial propriety so require.
In the present case we are very far from thinking that any such consi-
derations exist.
23. Furthermore, any powers which may 'attach to "the inherent
jurisdiction" of the Court and its duty "to maintain itsjudicial character"
invoked in the Judgment would, in our view, require it at least to give a
hearing to the Parties or to request their written observations on the
questions dealt with and determined by the Judgment. This applies in
particular to the objectives the Applicant was pursuing in the proceed-
ings, and to the question of the status and scope of the French declara-
tions concerning future tests. Those questions could not be examined
fully and substantially in the pleadings and hearings, since the Parties
had received definite directions from the Court that the proceedings
should "first be addressed to the questions of thejurisdiction of the Court
to entertain the dispute, and of the admissibility of the Application". No

intimation or suggestion was ever given to the Parties that this direction
was no longer in effector that the Court would go into other issueswhich
were neither pleaded nor argued but which now form the basis for the
final disposa1of the case.
Itis true that counsel for the Applicant alluded to the first French
declaration of intention during one of the hearings, but he did so only as
a prelude to his treatment of the issues of jurisdiction and admissibility
and in the context of a review of developments in relation to the pro-
ceedings. He was moreover then acting under formal directions from the
Court to deal exclusivelywith the questions of jurisdiction and admissi-
bility of the Application. Consequently, counsel for the Applicant could
not and did not address himself to the specificissues now decided in the
Judgment, namely what were the objectives sought by the Applicant bytèrejudiciaire ». L'affairedu Camerounseptentrionalest citée à l'appui de
ces affirmations trèsgénérales.
Sans nous arrêter à analyser la signification de l'adjectif ((inhéren»,
disons que la notion dejuste procès dans sa rigueur ne comprend aucun
élément ( ((inhérent>>ou autre) qui amène, et encore moins oblige, à con-

clure que la présenteaffaire est devenue sans objet. Bien au contraire, le
respect de la fonctionjudiciaire, convenablement entendue, dicte la con-
clusion inverse.
La Cour, ((dont la mission est de réglerconformémentau droit interna-
tional les différendsqui lui sont soumis »(art. 38, par. 1, du Statut), a le
devoir de trancher les affaires dont elle est saisie et qu'elle a compétence
pour examiner. Il n'est pas laissé à sa discrétion de choisir les affaires
contentieusessur 11:squelleselle statuera ou ne statuera pas. Non seule-
ment les impératifs de la fonction judiciaire mais aussi les dispositions
statutaires régissant la constitution de la Cour et ses attributions lui
imposent l'obligatilonessentielle de se prononcer sur les affaires qui lui,
sont soumiseslorsqu'elle est compétenteet ne constate l'existenced'aucun
motif d'irrecevabilité. Selon nous, la Cour ne peut se dispenser de cette

obligation essentielle que dans des cas toutà fait exceptionnelset lorsque
les considérations les plus impérieusestouchant ce qui est approprié à la
fonction judiciaire i'exigent. Nous sommes très loin de penser qu'il existe
en l'espècede telles considérations.
23. Au surplus, ce pouvoir ((inhérent » et ce devoir «de conserver son
caractère judiciaire1)qu'aurait la Cour et dont parle l'arrêtexigeraient
pour le moins, selon nous, qu'elle entende les Parties ou leur demande de
présenter des obseirvations écritessur les questions traitées et tranchées
par l'arrêt.Cela s'applique en particulier à la question des objectifs que
poursuivait le demandeur en introduisant l'instance et à cellede la valeur
et de la portée des;déclarations faites par la France au sujet des essais
futurs. Ces questions n'ont pu faire l'objet d'un examen détailléau fond

au cours de la procédure écriteou oralepuisque, selon la directive précise
donnée aux Parties par la Cour, la procéduredevait porter ((d'abord sur
la question de la compétencede la Courpour connaîtredu différendet sur
celle de la recevabilitéde la requête D. On n'a jamais signifiéou laissé
entendre aux Partiesquecette directive n'étaitplus valable ni que la Cour
aborderait d'autres questionsqui n'ont été ni plaidéesni discutéesetsur la
base desquelles pourtant l'affaireest définitivementclassée.

II est vrai que le conseil du demandeur a fait allusion,pendant l'une des
audiences, à la première déclaration d'intention de la France mais il ne
l'a fait que pour préluderà son analyse des questionsde compétenceetde
recevabilité et daris le cadre d'un examen général desfaits intéressant
l'instance. II avait d'ailleurs alors pour instruction formelle de la Cour de

s'en tenir exclusivement aux questions relatives à la compétenceet à la
recevabilitéde la requête.Aussi le conseil du demandeur ne pouvait-il
traiter- et il ne l';apas f-itdes questions particulières sur lesquelles la
Cour se prononce dans l'arrêt, celles de savoir quels objectifs visait le
73the judicial proceedings and whether the French declarations and state-
ments had the effect of rendering the claim of Australia without object.

The situation is in this respect entirely different from thatrising in the
Northern Cameroons case where the Parties had full opportunity to plead,

both orally and in writing, the question whether the claim of the Appli-
cant had an object or had become "moot" before this was decided by the
Court.
Accordingly, there is a basic contradiction when the Court invokes its
"inherent jurisdiction" and its "judicial character" to justify its disposa1
of the case, while, at the same time, failing to accord the Applicant any

opportunity whatever to present a countervailing argument.
No-one doubts that the Court has the power in its discretion to decide
certain issues ex proprio motu. The real question is not one of power, but
whether the exercise of power in a given case is consonant with the due
administration of justice. For al1the reasons noted above, we are of the
view that, in the circumstances of this case, to decide the issue of "moot-

ness" without affording the Applicant any opportunity to submit counter-
arguments is not consonant with the due administration of justice.

In addition, we think that the Respondent should at least have been
notified that the Court was proposing to consider the possible effect on
the present proceedings of declarations of the French Government

relating to its policy in regard to the conduct of atmospheric tests in the
future. This was essential, we think, since it might, and did in fact lead
the Court to pronounce upon nothing less than France's obligations, said
to have been unilaterally undertaken, with respect to the conduct of such
tests.
24. The conclusions above are reinforced when consideration is paid

to the relationship between the issue of mootness and the requirements
of the judicial process.
It is worth observing that a finding that the Applicant's claim no longer
has any object is only another way of saying that the Applicant no longer
has any stake in the outcome. Located in the context of an adversary
proceeding, the implication is significant.

Ifthe Applicant no longer has a stake in the outcome, i.e., if the case
is really moot, then the judicial process tends to be weakened, inasmuch
as the prime incentive for the Applicant to argue the law and facts with
sufficient vigour and thoroughness is diluted. This is one of the reasons
which justifies declaring a case moot, since the integrity of the judicial

process presupposes the existence of conflicting interests and requires
not only that the parties be accorded a full opportunity to explore and
expose the law and facts bearing on the controversy but that they have
the incentive to do so.

Applied to the present case, it is immediately apparent that this reason

74demandeur en engageant une procédurejudiciaire et si les diverses décla-
rations faites par la France ont eu pour effet d'ôter tout objet àlademande
de l'Australie.
La situation, à cet égard, est entièrement différentede celle de I'affaire

du Cameroun septentrional, dans laquelle les Parties avaient eu toute
possibilité de plaider, tant oralement que par écrit,la question de savoir
si la prétention du demandeur avait ou non perdu son objet avant que la
Cour ne se prononce sur ce point.
On se trouve donc devant une contradiction fondamentale quand la
Cour invoque son ((pouvoir inhérent ))et son ((caractère judiciaire ))pour

se dispenserd'examiner I'affaire tout en refusant dedonnerau demandeur
la possibilitéde présenter des argumentsen sens contraire.
Nul ne douteque la Cour ait lepouvoir de statuer d'office sur les points
qui lui paraissent appeler une décision. Lavéritable question n'est pas de
savoir si elle a tel ou tel pouvoir mais si dans un cas d'espèce l'exercicede

ce pouvoir est compatible avec la bonne administration de lajustice. Pour
toutes les raisons indiquées ci-dessus, nous estimons que,dans lescircons-
tances de la prése:nteespèce, le fait de déciderde I'absence d'objet sans
donner au demandeur la possibilité de présenter des conclusions en sens
contraire n'est pas compatible avec la bonne administration de la justice.
Nous pensons eri outre que le défendeur aurait dû au moins êtreinfor-

méque la Cour se proposait d'examiner les conséquences que pouvaient
avoir sur la procédure en cours les déclarations du Gouvernement
français relatives à sa politique future en matière d'essais atmosphériques.
C'étaitànotre avisindispensable car la Cour pouvait êtreamenée,comme
ellel'a en effet été,,àrendre un prononcé dont l'objet n'étaitrien de moins

que les obligations de la France - que celle-ci aurait assumées unilatéra-
lement - concernant lesdits essais.
24. L'examen di1 lien qui existe entre la question de I'absence d'objet
et les exigences d'iine bonne justice ne fait que renforcer les conclusions
ci-dessus.
IIn'est pas inutile de souligner que conclure que I'action du demandeur

n'a plus d'objet n'est qu'une autre façon de dire que l'issue de cette action
ne présente plus pour le demandeur aucun intérêt.Dans la perspective
d'une procédure contradictoire, une telle affirmation est lourde de con-
séquences.
Si le demandeur n'a plus d'intérêten jeu dans l'affaire, c'est-à-dire si

celle-ci est vraiment sans objet, I'action en justice tend à êtreaffaiblie,
dans la mesure où irequi incite principalement le demandeur à faire valoir
ses moyens de droit et de fait avec suffisamment de vigueur et de cons-
cience perd de sa iforce.C'est là un des motifs qui peuvent justifier qu'on
déclare une affaire sans objet, car le fonctionnement d'une bonne justice
présuppose 1'existe:nced'un conflit d'intérêtset exige non seulement que

les parties aient toiute possibilité de rechercher et de présenter les moyens
de droit et de fait se rapportant au litige mais aussi qu'elles aient une
raison suffisante de le faire.
En l'espèce, il ;apparaît immédiatement que ce motif pour déclarerfor declaringa case moot or without object istotally missing,a conclusion

which is not nullified by the absence of the Respondent in this particular
instance.
The Applicant, with industry and skill, has already argued the nature
of its continuing legal interest in the dispute and has urged upon the
Court the need to explore the matter more fullyat the stage of the merits.
The inducement to do so is hardly lacking in light of the Applicant's
submissions and the nature and purposes of a declaratoryjudgment.

25. Furthermore the Applicant's continued interest is manifested by
itsconduct. If, asthe Judgment asserts, al1the Applicant's objectiveshave
been met, it would have been natural for the Applicant to have requested
a discontinuance of the proceedings under Article 74 of the Rules. This it
has not done. Yet this Article, together with Article 73 on settlement,
provides for the orderly regulation of the termination of proceedings once
these have been instituted. Both Articles require forma1 procedural
actions by agents, in writing, so as to avoid misunderstandings, protect
the interests of each of the two parties and provide the Court with the
certainty and security necessary in judicial proceedings.

26. Finally, we believethe Court should have proceeded, under Article
36(6) and Article 53of the Statute, to determine its ownjurisdiction with
respect to the present dispute. This is particularly important in this case
because the French Government has challenged the existence of juris-
diction at the time the Application was filed, and, consequently, the pro-
per seising of the Court, alleging that the 1928 General Act is not a
treaty in force and that the French reservation concerning matters of na-
tional defence made the Court manifestly incompetent in this dispute. In
the NorthernCameroonscase, invoked in paragraph 23 of the Judgment,
while the Respondent had raised objections to the jurisdiction of the
Court, it recognized that the Trusteeship Agreement was a convention in
force at the time of the filing of the Application. There was no question
then that the Court had been regularly seised by way ofapplication.

27. In Our view, for the reasons developed in the second part of this

opinion, the Court undoubtedly possessesjurisdiction in this dispute. The
Judgment, however, avoids the jurisdictional issue, asserting that ques-
tions related to the observance of "the inherent limitations on the exercise
of the Court's judicial function" require to be.examined in priority to
matters ofjurisdiction (paras. 22and 23).We cannot agree with this asser-
tion. The existenceor lack ofjurisdiction with respect to a specificdispute
is a basic statutory limitation on the exercise of the Court's judicial
function and should therefore have been determined in the Judgment as
Article 67, paragraph 6, of the Rules of Court seemsclearly to expect.

75l'affaire sans objet; (moot) fait totalement défaut, conclusion que ne
détruit nullement la non-comparution du défendeur.

Le demandeur a déjà exposé avec zèle et habiletéla nature de l'intérêt
juridique qu'il continue à avoir dans le différendet a fait valoir avec
insistance devant la Cour la nécessitéd'approfondir la question lorsque
l'affaire seraitxaminéeau fond. On peut difficilement dire qu'il man-
quait de raison d'agir, si l'on considèresesconclusions ainsi que la nature
et le but d'un jugement déclaratoire.

25. De plus, le demandeur a manifestépar sa conduite l'intérêt qu'il
continue àporter à.l'affaire. Si, comme l'affirmel'arrêt,tous les objectifs
du demandeur étaient atteints, celui-ci aurait normalement dû se désister
de son action conformément à l'article 74 du Règlement. Il ne l'apas fait.
Or cet article, avec l'article 73 sur les arrangements amiables, règle la ma-
nière de mettre fin àune instance une fois que celle-ci a étéengagée.Ces
deuxarticles exigent des actes deprocédureformels et écritsde la part des
agents, de manière à éviterles malentendus, àprotégerles intérêts respec-
tifs des parties età offrirà la Cour la certitude et la sécuritéqui sont
nécessairesdans une procédure judiciaire.

26. Enfin, nous estimons que la Cour auraitdû,en vertu de l'article 36,
paragraphe 6, et de I'article 53du Statut, trancher la question de sa com-
pétence à l'égard(duprésent différend. C'étaitd'autant plus important
qu'en l'espèce le Gouvernement français a contesté que la Cour fût com-
pétente à la date di1dépôtde la requêteet, par conséquent, qu'elle eût été
régulièrement saisie; il a soutenu que l'Actegénéralde 1928n'était plus un
traitéen vigueur et que la réservede la France relative aux questions de
défense nationale rendait la Cour manifestement incompétente dans le
présentdifférend. Dans l'affairedu Camerounseptentrional,invoquéeau
paragraphe 23 de l'arrêt,le défendeur avait bien soulevédes exceptions

d'incompétence mais il reconnaissait que l'accord de tutelle étaitune con-
vention en vigueur au moment du dépôtde la requête.Dès lors, il était
incontestable que la Cour avait étérégulièrement saisiepar voie de
requête.
27. Selon nous, il ne fait pas de doute, pour les raisons qui sont déve-
loppéesdans la deuxièmepartie de notre opinion, que la Cour soit com-
pétentepour connaître du présentdifférend.Dans l'arrêt, cependant,elle
éludele problème juridictionnel, affirmant que les questions relatives au
respect (deslimitations inhérentes à l'exercicede la fonction judiciaire de
la Cour )doivent êtreexaminéespréalablement aux problèmes de com-
pétence(par. 22 et 23). Nous ne pouvons souscrire à cette, affirmation.
La compétence qu'a ou non la Cour de connaître d'un différenddonné

constitue une limitation statutaire fondamentale de l'exercicede sa fonc-
tion judiciaire et la Cour aurait donc dû se prononcer sur ce point dans 28. It is difficult for us to understand the basis upon which the Court
could reach substantive findings of fact and law such as those imposing
on France an international obligation to refrain from further nuclear
tests in the Pacific, from which the Court deduces that the case "no
longer has any object", without any prior finding that the Court is
properly seised of the dispute and has jurisdiction to entertain it. The

present Judgment by implication concedes that a dispute existed at the
time of the Application. That differentiates this case from those in which
the issue centres on the existence ab initi of any dispute whatever. The
findings made by the Court in other cases as to the existence of a dispute
at the time of the Application were based on the Court's jurisdiction to
determine its own competence, under the Statute. But in the present case
the Judgment disclaims any exercise of that statutory jurisdiction. AC-

cording to theJudgment the dispute has disappeared or has been resolved
by engagements resulting from unilateral statements in respect of which
the Court "holds that they constitute an undertaking possessing legal
effect" (para. 51) and "finds that France has undertaken the obligatioq
to hold no further nuclear tests in the atmosphere in the South Pacific"
(para. 52). In order to make such a series of findings the Court must pos-

sess jurisdiction enabling it to examine and determine the legal effect of
certain statements and declarations which it deems relevant and connected
to the original dispute. The invocation of an alleged "inherent juris-
diction ... to provide for the orderly settlement of al1matters in dispute"
in paragraph 23 cannot provide a basis to support the conclusions
reached in the present Judgment which pronounce upon the substantive
rights and obligations of the Parties. An extensive interpretation appears

to be given in the Judgment to that inherent jurisdiction "on the basis'of
which the Court is fully empowered to make whatever findings may be
necessary for the purposes of" providing "for the orderly settlement of al1
matters in dispute" (para. 23). But such an extensive interpretation of the
alleged "inherent jurisdiction" would blur the line between the juris-
diction conferred to the Court by the Statute and the jurisdiction resulting

from the agreement of States. In consequence, it would provide an easy
and unacceptable way to bypass a fundamental requirement firmly
established in the jurisprudence of the Court and international law in
general, namely that the jurisdiction of the Court is based on the consent
of States.
The conclusion thus seems to us unavoidable that the Court, in the
process of rendering the present Judgment, has exercised substantive

jurisdiction without having first made a determination of its existence and
the legal grounds upon which that jurisdiction rests.
29. Indeed, there seems to us to be a manifest contradiction in the
jurisdictional position taken up by the Court in the Judgment. If the
so-called "inherent jurisdiction" is considered by the Court to authorize
it to decide that France is now under a legal obligation to terminatel'arrêt, ainsiqu'il paraît clairement ressortir de l'articl67, paragraphe 6,
de son Règlement.
28. 11 nous est difficile de comprendre comment la Cour pouvait
arriver, en fait et en droit, à des conclusions de fond comme celles qui

imposent à la France une obligation internationale de s'abstenir de nou-
veaux essais nucléa.iresdans le Pacifique d'où la Cour déduit que l'affaire
((ne comporte plus d'objet » sans conclure au préalable qu'elle était
valablement saisie du différend et avait compétence pour en connaître.

L'arrêt reconnaît implicitement qu'un différend existait à la date de la
requête,ce qui distingue cette affaire de celles où la question centrale est
de savoir s'il existait ab initi un différend quelconque. Les conclusions
énoncéespar la Cour dans d'autres affaires au sujet de l'existence d'un
différend à la date: de la requête étaient fondéessur le pouvoir qu'a la

Cour de se prononcer sur sa propre compétence aux termes du Statut.
Mais dans la présente espèce la Cour a renoncé à exercer ce pouvoir
statutaire. Selon l'arrêt,le différendaurait disparu ou serait résoludu fait
d'engagements résilltant de déclarations unilatérales à l'égard desquelles
la Cour ((tient qu'elles constituent un engagement comportant des effets

juridiques)) (par. 51) et ((constate que la France a pris l'engagement de ne
plus procéder à d'esessais nucléaires en atmosphère dans le Pacifique
Sud ))(par. 52). Pour parvenir à de pareilles constatations la Cour doit
posséder une compétence qui l'autorise à examiner et à préciser les effets
juridiques de certaines déclarations qu'elle estime pertinentes et liéesau

différend originairt:. Invoquer un prétendu ((pouvoir inhérent qui I'auto-
rise à ...assurer le règlement régulierde tous les points en litige N,comme
elle le fait au paragraphe 23 de l'arrêt,ne suffit pas à fonder les conclu-
sions par lesquelles elle se prononce, dans cet arrêt, sur les droits et les
obligations de fond des Parties. II semble que I'arrêtdonne une interpré-

tation extensive de ce pouvoir inhérent ((sur la base duquel la Cour est
pleinement habilité:eà adopter toute conclusion éventuellement nécessaire
aux fins )) d'assurer ((le règlement régulier de tous les points en litige ))
(par. 23). Mais une interprétation aussi large du prétendu ccpouvoir inhé-
rent )) obscurcit la. distinction entre la compétence conféréeà la Cour

par le Statut et celle qui résulte de l'accord des Etats. Ce serait donc un
moyen facile et inadmissible de tourner une exigence fondamentale soli-
dement établiepar lajurisprudence de la Cour et le droit international en
général,à savoir que la compétence de la Cour est fondéesur le consente-
ment des Etats.

Force est donc de conclure, nous semble-t-il, que la Cour, en rendant
le présent arrêt,a exercéune compétence de fond sans commencer par
établir l'existence de cette compétence et les bases juridiques sur lesquelles
elle repose.

29. A la véritéla position juridictionnelle adoptée par la Cour dansson
arrêt nous paraît receler une contradiction manifeste. Si le prétendu
ccpouvoir inhérent )) est considérépar la Cour comme l'autorisant à
décider que la France a désormais l'obligation juridique de ne plus faireatmospheric nuclear tests in the South Pacific Ocean, why does the
"inherent jurisdiction" not also authorize it on the basis of that same
international obligation, to decide that the carrying out of any further
such tests would "not be consistent with applicable rules of international
law" and to order that "the French Republic shall not carry out any
further such tests"? In other words, if the Court may pronounce upon
France's legal obligations with respect to atmospheric nuclear tests, why
does it not draw from this pronouncement the appropriate conclusions in
relation to the Applicant's submissions instead of findingthem no longer
to have any object? The above observation is made solely with reference
to the concept of "inherent jurisdiction" developed in the Judgrnent and
is of course not addressed to the merits of the case, which are not before
the Court at the present stage.

Since we consider a finding both as to the Court's jurisdiction and as
to the admissibility of the Application to be an essential basis for the
conclusions reached in the Judgment as well as for Our reasons for dis-
senting from those conclusions, we now proceed to examine in turn the
issues of jurisdiction and admissibility which confront the Court in the
present case.

PART II. JURISDICTION

Introduction
30. At the outset of the present proceedings the French Government
categorically denied that the Court has any competence to entertain
Australia's Application of 9 May 1973;and it has subsequentlycontinued
to deny that there is any legal basis for the Court's Order of 22June 1973
indicating provisional measures of protection or for the exercise of any
jurisdiction by the Court with respect to the matters dealt with in the
Application. The Court, in making that Order for provisional measures,

stated that the material submitted to it led to the conclusion, at that stage
of the proceedings, that the jurisdictional provisions invoked by the
Applicant appeared "prima facie, to afford a basis on which the juris-
diction of the Court rnight be founded". At the same time, it directed
that the questions of the jurisdiction of the Court to entertain the dispute
and of the adrnissibility of the Application should be the subject of the
pleadings in the next stage of the case, that is, in the proceedings with
which the Court is now concerned. In our view,these further proceedings
confirm that the jurisdictional provisions invoked by the Applicant not
merely aiforded a wholly sufficient basis for the Order of 22 June 1973
but also provided a valid basis for establishing the competence of the
Court in the present case.d'essais nucléairesen atmosphère dans l'océan Pacifique Sud,pourquoi ne
l'autoriserait-il pas aussidécider,sur la base de cette mêmeobligation
internationale, quela poursuite de tels essais ne serait pas ((compatible
avec les règlesapplicables du droit international))et à ordonner à la
Républiquefrançaise de ne plus faire de tels essais? Autrement dit, si la
Cour peut se pron~oncersur les obligations juridiques de la France en
matière d'expérimentation nucléaire dans l'atmosphère, pourquoi n'en
tire-t-elle pas les~nclusionsvoulues quant aux demandes du requérant

au lieu de les juger désormaissans objet? L'observation qui précèdene se
réfèrequ'à lanotion de ((pouvoir inhérent»développéedans l'arrêtet ne
concerne évidemmentpas le fond de l'affaire, dont la Cour n'a pasà con-
naître au stade actuel.

Considérant qu'iil est indispensable de déterminer si la Cour était
compétente et la re:quêterecevable pour justifier tant les conclusions de
l'arrêtque nos raisons de ne pasy souscrire, nous examinerons à présent
successivement les problèmes de compétence et de recevabilité qui se
posaient à la Cour dans la présenteaffaire.

DEUXIÈMZ PARTIEC . OMPÉTENCE

Introduction

30. Au début de la présenteinstance, le Gouvernement français a nié
catégoriquement que la Cour eût compétence pour connaître de la
requête australienne du 9 mai 1973et il a continuéensuite à nier qu'il y
eût une base juridique quelconque à l'ordonnance du 22 juin 1973 par
laquelle la Cour i:ndiquait des mesures conservatoires ou à l'exercice
d'une compétence quelconque par la Cour à l'égard desquestions traitées
dans la requête.Qu.andelle a rendu son ordonnance relative aux mesures
conservatoires, la Cloura dit que lesélémentsqui lui étaient soumisI'ame-
naient à conclure, à ce stade de la procédure, que les dispositions invo-
quéespar le deman.deur se présentaient comme constituant ((primafacie,

une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée ».
Elle a ordonnéen nnême temps qu'en laphase suivante de l'instance, celle
dont la Cour s'occiipe maintenant, les piècesde la procédure portent sur
les questions relativesà la compétence de la Cour pour connaître du
différendet à la recevabilitéde la requête. Selonnous,la suitede la procé-
dure confirme que les dispositions juridictionnelles invoquées par le
demandeurnon seullementconstituaient un fondement tout à fait suffisant
pour l'ordonnance du 22 juin 1973 mais encore fournissaient un fonde-
ment valable à partir duquel établir la compétence dela Couren l'espèce. 31. The Application specifies as independent and alternative bases of
the Court's jurisdiction :
"(i) Article 17of the General Act forthe PacificSettlement of Inter-
national Disputes, 1928,read together with Articles 36 (1) and
37 of the Statute of the Court. Australia and the French
Republic both acceded to the General Act on 21 May 1931.The
texts of the conditions to which their accessions were declared

to be subject are set forth in Annex 15 and Annex 16 respec-
tively.
(ii) Alternatively, Article 36 (2) of the Statute of the Court.
Australia and the French Republic have both made declarations
thereunder."
It follows that, if these are indeed two independent and alternative ways

of access to the Court and one of them is shown to be effectiveto confer
jurisdiction in the present case, this will suffice to establish the Court's
jurisdiction irrespective of the effectivenessor ineffectivenessof the other.
As the Court stated in its Judgment on the Appeal Relating to the Juris-
diction of the ICA0 Council, if the Court is invested with jurisdiction on
the basis of one set of jurisdictional clauses "it becomes irrelevant to
consider the objections to other possible bases of jurisdiction" (1.C.J.
Reports 1972, p. 60).

The General Act of 1928

32. Article 17of the General Act of 1928reads as follows:

"Al1disputes with regard to which the parties are in conflict as to
their respective rights shall, subject to any reservations which may
be made under Article 39, be submitted for decision to the Perma-
nent Court of International Justice, unless the parties agree, in the
manner hereinafter provided, to have resort to an arbitral tribunal.
It is understood that the disputes referred to above include in
particular those mentioned in Article 36 of the Statute of the Per-
manent Court of International Justice."

The disputes "mentioned in Article 36 of the Statute of the Permanent
Court" are al1or any of the classes of legal disputesconcerning:

(a) the interpretation of a treaty;
(b) any question of international law;

(c) the existence of any fact which, if established, would constitute a
breach of an international obligation;
(d) the nature or extent of the reparation to be made for the breach of
an international obligation. 31. La requête indiquecommebases indépendantes et interchangeables
de la compétencede la Cour:

((i) I'article 17 de l'Acte généralpour le règlement pacifique des
différends internationaux (1928), rapproché de I'article 36,
paragraphe 1,et de I'article 37du Statut de la Cour. L'Australie
et la France ont toutes deux adhéré à l'Acte généralle 21 mai
1931. Le texte des conditions qu'elles ont déclarémettre à leur
adhésionest reproduit aux annexes 15 et 16;

ii) subsidiairement, I'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour.
L'Australie et la France ont toutes deux déposé des déclarations
aux termes de cet article.>)

Par suite, s'il s'agit réellementde deux voies indépendantes et inter-
changeables qui ouvrent accès à la Cour et s'il est démontré quel'une
d'elles est effectivement attributive de juridiction en l'espèce, cela suffira
pour établir la compétence de la Cour, que l'autre voie soit effective ou
non. Comme la Cour l'a dit dans son arrêten l'affaire de l'Appel concer-
nant la compétencedu Conseil de I'OACI, si la Cour a compétencesur la
base d'une clause juridictionnelle, (cilest sans pertinence d'examiner les
objections visant d'autres fondements possibles de sa compétence))
(C.I.J. Recueil 197.2,p. 60).

L'Acte généralde 1928

32. L'article 17de l'Acte généralde 1928est ainsi libellé:

((Tous différends au sujet desquels les parties se contesteraient
réciproquement un droit seront, sauf les réserves éventuelles prévues
à I'article 39, soumis pour jugement à la Cour permanente de Justice
internationale, à moins que les parties ne tombent d'accord, dans les

termes prévus ci-après,pour recourir à un tribunal arbitral. Il est
entendu que les différends ci-dessusviséscomprennent notamment
ceux que mentionne I'article 36 du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale. ))
Les différendsccquementionne I'article 36 du Statut de la Cour perma-

nente )>comprennent l'ensemble ou quelques-unes des catégories de dif-
férendsd'ordre juridique ayant pour objet:
a) l'interprétation d'un traité;
6) tout point de droit international;

c) la réalitédetout fait qui, s'ilétaitétabli,constituerait la violation d'un
engagement international ;
d) la nature ou l'(:tendue de la réparation due pour la rupture d'un
engagement inte:rnational. 33. The same four classes of legal disputes are reproduced word for
word, in Article 36 (2)-the optional clause-of the Statute of the present
Court which, together with the declarations of Australia and France,
constitutes the second basis of jurisdiction invoked in the Application.

34. Accordingly, the jurisdiction conferred on the Court under Article
17of the General Act of 1928and under the optional clause of the present
Statute, in principle, covers the same disputes: namely the four classes
of legal disputes listedabove. In the present instance, however, the bases
of jurisdiction resulting from these instruments are clearly not co-exten-
sive because of certain differences between the terms of the Parties'
accessions to the General Act and the terms of their declarations accep-
ting the optional clause. In particular, France's declaration under the
optional clause excepts fromthe Court's jurisdiction "disputes concerning
activities connected with national defence", whereas no such exception
appears in her accession to the General Act of 1928.Consequently, it is

necessary to examine the two bases ofjurisdiction separately.

35. The French Government, in its letter of 16 May 1973 addressed
to the Registrar, and in the Annex to that letter, put forward the view
that the present status of the General Act of 1928and the attitude of the
Parties, more especially of France, in regard to it preclude that Act from
being considered today as a clear expression of France's willto accept the
Court's jurisdiction. It maintained that, sincethe demise of the League of
Nations, the Act of 1928is recognized either as no longer being in force
or as having lost its efficacyor as havingfallen into desuetude. In support
of this view, the French Government agreed that the Act of 1928 was,
ideologically, an integral part of the League of Nations system "in so far
as the pacific settlement of international disputes had necessarily in that
system to accompany collective security and disarmament"; that there
was correspondingly a close link between the Act and the structures of

the League, the Permanent Court of International Justice, the Council,
the Secretary-General, the States Members and the Secretariat; that these
links wereemphasized in the terms of certain of the accessions to the Act,
including those of Australia, New Zealand and France; and that this
was also shown by the fact that Australia and New Zealand, in acceding
to the Act, made reservations regarding disputes with States not members
of the League. It further argued that the integration of the Act into the
structure of the League of Nations was shown by the fact that, after the
latter'sdemise, the necessity was recognized of a revision of the Act, sub-
stituting new terms for those of the defunct system instead merely of
relying on ,the operation of Article 37 of the Statute of the Court. This,
according to the French Government, implied that the demise of the 33. Les quatre mêmes catégoriesde différendsjuridiques sont repro-
duites, mot pour mot, à l'article 36, paragraphe 2, c'est-à-dire dans la
clause facultative, du Statut de la Cour actuelle qui, avec les déclarations
de l'Australie et de la France, constitue le deuxièmefondement dejuridic-
tion invoquédans Ilarequête.
34. Par suite, larompétenceconférée à la Cour en vertu de l'article 17
de l'Acte généraldle 1928 et en vertu de la clause facultative du Statut
actuel s'étend,en principe, aux mêmesdifférends - à savoir les quatre
catégories de différendsjuridiques énumérées ci-dessus.Toutefois, en

l'espèce, lestitresde compétence résultant de ces instruments ne coïn-
cident certainemeni: pas car il existe certaines différencesentre les termes
des adhésions des parties à l'Acte généralet ceux de leurs déclarations
d'acceptation de la clause facultative. En particulier, la déclaration faite
par la France au titrede la clause facultative excepte de la compétencede
la Cour les ((différendsconcernant des activitésse rapportant àla défense
nationale », alors qu'aucune exception de ce genre ne figure dans son
adhésion à l'Acte généralde 1928. Les deux fondements de compétence
doivent donc êtreexaminésséparément.

35. Dans sa lettre du 16 mai 1973adresséeau Greffier de la Cour et

dans l'annexe jointe à celle-ci le Gouvernement français soutient que le
Statut actuel del'Actegénéralde 1928et l'attitude desparties, plus spécia-
lement de la France:,à son égard, interdisent de voir aujourd'hui dans cet
Acte une expressioriclaire de la volontéde la France d'accepter lajuridic-
tion de la Cour. 11affirme que, depuis la disparition de la Sociétédes
Nations, il est reconnu que l'Acte de 1928ou bien n'est plus en vigueur,
ou ne produit plus d'effet,ou encore est tombéendésuétude. Al'appui de
cette manière de voir, le Gouvernement français avance l'argument que
l'Acte de 1928constituait, sur le plan idéologique, unepartie intégrante
du système de la Sociétédes Nations adans la mesure où le règlement
pacifique des différends internationaux devait nécessairement, dans ce
système, accompagner la sécurité collectiveet le désarmement D;il exis-
tait donc un lien ktroit entre l'Acte et les structures de la Société-des
Nations, la Cour permanente de Justice internationale, le Conseil, le

Secrétairegénéral,les Etats Membres et le Secrétariat; ces liens se trou-
vaient souIignksdans lestermes de certaines adhésions àl'Acte, ycompris
celles de I'Australit:, de la Nouvelle-Zélande et de la France; et l'on en
trouvait une autre indication dans le fait que l'Australie et la Nouvelle-
Zélande, en adhérant à I'Acte, avaient formulé des réserves relativesaux
différends avecles IEtatsqui n'étaientpas membres de la Sociétédes Na-
tions. Le Gouvernement français fait valoir en outre que l'intégrationde
I'Acte à la structure de la Société desNations ressortait du fait qu'après
la disparition de ceittedernière on a reconnu la nécessitde reviserl'Acte
en substituant de n,ouvellesclauses àcelles du systèmedisparu au lieu deLeague was recognized as having rendered it impossible for the General
Act of 1928to continue to function normally.

36. The fact that the text of the General Act of 1928 was drawn up
and adopted within the League of Nations does not make it a treaty of
that Organization; for even a treaty adopted within an organization
remains the treaty of its parties. Furthermore, the records of the

League of Nations Assembly show that it was deliberately decided not to
make the General Act an integral part of the League of Nations structure
(Ninth Ordinary Session, Minutes of the First Cornmittee, p. 68); that
the General Act was not intended to be regarded as a constitutional
document of the League or adjunct of the Covenant (ibid.,p. 69); that
the General Act was envisaged as operating parallel to, and not as part

of the League of Nations system (ibid.,p. 71); and that the substantive
obligations of the parties under the General Act were deliberately made
independent of the functions of the League of Nations. Stressing the last
point, Mr. Rolin of Belgium said specifically:

"The intervention of the Council of the League was not implied
as a matter of necessity in the General Act; the latter had been
regarded as being of use in connection with the general work of the
League, but it /?adno administrative or constitutionalrelationshipwith
it." (Ibid.p. 71; emphasis added.)

That the French Government also then understood the pacific settlement
system embodied in the General Act to be independent of that of the

Covenant of the League of Nations was made clear when the ratification
of the Act was laid before the French Chambre des deputés, whose Com-
mission des affaires étrangères explained:

". ..alors que, dans le systèmeconçu par les fondateurs de la Société
des Nations, l'action du Conseil, telle quelle est prévue par l'article 15,
constitue un mode normal de règlement des différends au même
titre que la procédure d'arbitrage,['Acte général,au contraire, ignore
complètementle Conseilde la Sociétédes Nations" (Journal ofJiciel,
documents parlementaires, Chambre, 1929,p. 407; emphasis added).

37. Australia and France, it is true, inserted reservations in their
accessions to the General Act designed to ensure the priority of the
powers of the Council of the League over the obligations which they were

assuming by acceding to the Act. But the fact that they and some other
States thought it desirable so to provide in their instruments of accessions'en remettre simplement à l'application de l'article 37 du Statut de la
Cour. Il en découle.,pour le Gouvernement français, qu'il était admisque
la disparition de la. Sociétédes Nations excluait toute possibilité,pour
l'Acte généralde 1928,de continuer à s'appliquer normalement.

36. Que le texte de l'Actegénéralde 1928ait étéélaboré e atdoptédans
le cadre de la Sociétédes Nations n'en fait pas un traitéde cette organisa-
tion, car mêmeun itraitéadoptéau sein d'une organisation reste le traité
des parties. De plus, les procès-verbaux de l'Assembléede la Société des
Nations révèlentque, de propos délibéréo,n s'est refusé à faire de l'Acte
général unepartie intégrantede la structure de la SdN (neuvième session
ordinaire, Procès-verbaux de la Première Commission, p. 68); l'Acte

généralne devait pas êtreconsidéré commeun texte constitutionnel, ni
comme une sorte d'annexe au Pacte (ibid.p. 69); I'Acte généralétait
destiné à s'appliquer parallèlement au systèmede la Sociétédes Nations
et non pas comme un élémentde celle-ci (ibid.p. 71); et on a voulu que
les obligations de fond des parties en vertu de l'Acte généralsoient indé-
pendantes des fonctions de la SociétédesNations. Insistant sur ce dernier
point, M. Rolin (Belgique) a dit expressément:

((L'intervention nécessairedu Conseil de la Sociétédes Nations
n'est pas impliquéepar l'Acte général;celui-ci a étéjugé utilepour
l'Œuvregénéralede la Société desNations, mais il n'a aucun rapport
administratif ou constitutionnel avec elle.1)(Neuvième session ordi-
naire,Procès-verbaux de la Première Commission, p. 71 ;les italiques
sont de nous.)

Le Gouvernement français considérait alors, lui aussi, le système de
règlement pacifique consacrépar l'Acte généralcomme indépendant de
celui du Pacte de liaSociété desNations, comme on a pu le constater,
quand la ratification de l'Acte a été soumise à la Chambre des députés,
dont la commissiori des affaires étrangères a expliqué:

((alors que, daris le systèmeconçu par lesfondateurs de la Société des
Nations, l'action du Conseil, telle qu'elle est prévuepar l'article15,
constitue un m'odenormal de règlement des différendsau mêmetitre
que la procéd.ured'arbitrage, l'Acte général, aucontraire, ignore
complètement I,PConseil de la Sociétédes Nations ))(Journal officiel,
documents parlementaires, Chambre, 1929,p. 407; les italiques sont
de nous).

37. L'Australie et la France, il est vrai, ont inclus dans leurs adhésions
à l'Acte général desréservesdestinées à garantir la priorité des pouvoirs
du Conseil de la Société desNations par rapport aux obligations qu'elles
acceptaient en adhérant à I'Acte. Cependant, le fait que ces Etats et
quelques autres aient estimé nécessaired'incorporer de telles dispositionsseems to testify to the independent and essentially autonomous character
of the General Act rather than to its integration in the League of Nations
system. Similarly, the fact that, in order to exclude disputes with non-
member States from their acceptance of obligations under the Act,
Australia and some other States inserted an express reservation of such
disputes in their instruments of accession, serves only to underline that
the Covenant and the General Act were separate systems of pacific
settlement. The reservation was needed for the very reason that the Gen-
eral Act was established as a universal system of pacific settlement inde-
pendent of the League of Nations and open to States not members of the
Organization, as well as to Members (cf. Report of Mr. Politis, as
Rapporteur, 18th Plenary Meeting of 25 September 1928,at p. 170).

38. Nor do we find any more convincing the suggested "ideological
integration" of the General Act in the League of Nations system: i.e.,
the thesis of its inseparable connection with the League's trilogy of col-
lective security, disarmament and pacific settlement. Any mention of a
connection between those three subjects is conspicuously absent from the
General Act, which indeed makes no reference at al1to security or dis-
armament, unlike certain other instruments of the same era. In these
circumstances, the suggestion that the General Act was so far intertwined
with the League of Nations system of collective security and disarma-
ment as necessarily to have vanished with that system cannot be accepted
as having any solid basis.
39. Indeed, if that suggestion had a sound basis, it would signify the
extinction of numerous other treaties of pacific settlement belonging to
the same period and having precisely the same ideological approach as
the General Act of 1928. Yet these treaties, without any steps having
been taken to amend or to "confirm" them, are unquestionably con-
sidered as having remained in force despite the dissolution of the League
of Nations in 1946. As evidence of this two examples will suffice: the

Hispano-Belgian Treaty of Conciliation, Judicial Settlement and Ar-
bitration of 19July 1927,Article 17of which was applied by this Court
as the source of itsjurisdiction in the Barcelona Traction, Light and Power
Company,Limitedcase (I.C.J. Reports 1964,at pp. 26-39);and the Franco-
Spanish Treaty of Arbitration of 10 July 1929 on the basis of which
France herself and Spain constituted the Lac Lanoux arbitration in 1956
(UNRfAA, Vol. 12,at p. 285). In truth, these treaties and the General Act
itself, although largely inspired by the League of Nations aim of pro-
moting the peaceful settlement of disputes together with collective
security and disarmament, also took their inspiration from the movement
for the development of international arbitration and judicial settlement
which had grown up during the nineteenth century and had played a
major role at the Hague Peace Conferences of 1899 and 1907. It was,
moreover, the French Government itself which in the General Assembly
in 1948emphasized this quite separate source of the "ideology" of the
General Act of 1928.Having referred to the General Act as "a valuabledans leurs actes d'adhésion semble attester le caractère indépendant et
essentiellement autonome de l'Acte généralplutôt que son intégration au
systèmede la Sociélé des Nations. De même,le fait que, pour exclure que
les obligations acceptéesen vertu de l'Acte s'appliquent à des différends
survenus avec des Etats non membres, l'Australie et certains autres Etats
aient expressément réservé ces différendsdans leurs instruments d'adhé-
sion souligne simplement que le Pacte et l'Acte généralconstituaient des
systèmes de règlement pacifique distincts. La réserve était nécessaire
précisémentparce que l'Acte général devait représenterun système uni-

versel de règlement pacifique, indépendant de la Société desNations et
ouvert aussi bien aux Etats qui n'étaientpas membres de l'organisation
qu'à ses Membres (voir le rapport de M. Politis, 18=séance plénièredu
25 septembre 1928,p. 169).
38. Nous ne somimespas davantage convaincus par ce qu'on a appelé
I'ccintégrationidéologique >)de l'Actegénéralau systèmede la Société des
Nations, c'est-à-dire par la thèse d'après laquelle il existerait un lien in-
dissociable entre l'Acte et le triptyque: sécurité collective,désarmement
et règlement pacifique. Toute mention d'un lien entre ces trois sujets est
visiblement absente de l'Acte généralqui, à la vérité, nedit mot de la
sécuriténi du désarmement, à la différencede certains autres instruments
de la mêmeépoque. Dans ces conditions, l'idéeque l'Acte général s'in-
séraitdans la texture du systèmede sécurité collectiveet de désarmement
de la Sociétédes Nations au point de devoir disparaître forcément avec

lui ne repose sur rien de solide.
39. En réalité,sicette idéeavait quelquefondement, ellesignifierait que
de nombreux autres traités de règlement pacifique de la mêmepériode,
qui partaient précisémentde la mêmeconception idéologiqueque l'Acte
généralde 1928,auraient cesséd'exister. Il est pourtant admis sans con-
teste que, bien qu'a~ucunemesure n'ait été prisepour les modifier ou les
((confirmer D,ces traitéssont restés en vigueur malgré ladissolution de la
Société desNations en 1946.Deux exemples suffiront pour le prouver: le
Traité hispano-belge de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbi-
trage du 19juillet 1927,sur l'article 17duquel la Cour a fondésa compé-
tence dans l'affaire de laBarcelona Traction, Light and Power Company,
Limited, exceptions préliminaires, arrêt(C.I.J.Recueil 1964, p. 26-39); et
le Traité d'arbitrage franco-espagnol du 10 juillet 1929 que la France
elle-même et l'Espagneont pris comme base pour organiser l'arbitrage

du lac Lanoux en 1956 (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,
vol. 12,p. 285).A vrai dire, cestraités etl'Actegénéral lui-mêmb e,ien que
procédant largement du souci de la Société desNations de favoriser le
règlement pacifique des différendsen mêmetemps que la sécurité collec-
tive et le désarmement, tiraient aussi leur inspiration du mouvement en
faveur du développement de l'arbitrage et du règlement judiciaire inter-
nationaux qui avait pris de l'extension au cours du XIXe siècleet avait
joué unrôle de premier plan aux Conférencesde la paix de La Haye en
1899 et 1907. De plus, c'est le Gouvernement français lui-mêmequi, à
l'Assembléegénérade,en 1948, a insisté sur cette source parfaitementdocument inherited from the League of Nations", the French delegation
added that it constituted:

". .. an integral part of a long tradition of arbitration and con-

ciliation which had proved itself effective long before the existence
of the League itself" (GA, OR, Third Session, Plenary Meeting,
199rlrMeeting, p. 193).
That tradition certainly did not cease with the League of Nations.

40. The General Act of 1928was, however, a creation of the League of

Nations era, and the machinery of pacific settlement which it established
almost inevitably exhibited some marks of that origin. Thus, the tribunal
to whichjudicial settlement was to be entrusted was the Peynanent Court
of International Justice (Art. 17); if difficulties arose in agreeing upon
members of a conciliation commission, the parties were empowered, as
one possible option, to entrust the appointment to the President of the
Council of the League (Art. 6); the .Conciliation Commission was to
meet at the seat of the League, unless otherwise agreed by the parties or
otherwise decided by the Commission's President(Art. 9); a Conciliation
Commission was also empowered in al1circumstances to request assis-
tance from the Secretary-General of the League (Art. 9); if a deadlock
arose in effectingthe appointmznt of members of an arbitral tribunal, the
task of making the necessary appointments was entrusted to the President
of the Permanent Court of International Justice (Art. 23); in cases sub-
mitted to the Permanent Court, it was empowered to lay down "pro-
visional measures" (Art. 33), and to decide upon any third party's re-
quest to intervene (Art. 36) and its Registrar was required to notify other
parties to a multilateral convention the construction of which was in

question (Art. 37); the Permanent Court was also entrusted with a
general power to determine disputes relating to the interpretation or
application of the Act (Art. 41); the power to extend invitations to non-
member States to become parties to the General Act was entrusted to
the Council of the League (Art. 43); and, finally, the depositary functions
in connection with the Act were entrusted to the Secretary-General of the
League (Arts. 43-47).The question has therefore to be considered whether
these various links with the Permanent Court and with the Council of the
League of Nations and its Secretariat are of such a character that the
dissolution of these organs in 1946had the necessary result of rendering
the General Act of 1928unworkable and virtually a dead letter. IESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 331

distincte de I'(tidéo.logie» de l'Acte généralde 1928. Après avoir désigné
l'Acte généralcomme ((un document précieux que l'on a hérité dela
Sociétédes Nations », la délégation française a ajoutéqu'il faisait:

((partie intégra.nted'une longue tradition d'arbitrage et de concilia-
tion qui a fait :sespreuves même bienavant la création de la Société
des Nations » (Nations Unies, Documents oficiels de l'Assemblée

généralet,roisième session,séances plénières, 199e séance,p. 193).
Cettetradition n'a c:ertainement pas pris fin avec la Société desNations.

40. Il reste que l'.Actegénéralde 1928étaitun produit de l'époquede la
Société desNations et il était pratiquement inévitableque les mécanismes
de règlement pacifique qu'il instituait portent, àcertains égards, la marque

de cette origine. Aiinsi, le tribunal qui devait êtrechargé du règlement
judiciaire était la Cour permanente de Justice internationale (art. 17);
s'il surgissait des difficultésqui empêchaient de s'entendre sur la nomi-
nation des commissaires conciliateurs, les parties avaient entre autres
possibilités la faculté de confier le soin de procéder aux nominations

nécessairesau président du Conseil de la Société desNations (art. 6); la
commission de conciliation devait se réunir au Siège de la Société des
Nations, sauf accord contraire des parties ou décisioncontraire du prési-
dent de la commission (art. 9); la commission de conciliation avait égale-
ment, en toutes circonstances, le pouvoir de demander au Secrétaire
généralde la Société desNations de prêter son assistance (art. 9); si la

nomination des me:mbres du tribunal arbitral se trouvait dans une im-
passe, le soin de procéder aux nominations nécessairesétaitconfiéau Pré-
sident de la Cour permanente de Justice internationale (art. 23); dans les
affaires soumises a la Cour permanente, celle-ci avait le pouvoir d'in-
diquer des (mesures provisoires >(art. 33) et de statuer sur la requête à
fin d'intervention de toute tierce partie (art. 36) et son Greffier devait

avertir les autres parties à une convention multilatérale dont I'interpréta-
tion se trouvait en cause (art. 37). La Cour permanente était aussi généra-
lement habilitée à statuer sur les différends relatifs à l'interprétation ou à
l'application de l'Acte (art. 41); lepouvoir d'inviter lesEtats non membres
de l'organisation ii devenir parties à l'Acte généralétait attribué au

Conseil de la SocitStédes Nations (art. 43); et, enfin, les fonctions de
dépositaire intéressant l'Acte étaient confiéesau Secrétaire généralde la
Société desNationis (art. 43-47). 11 faut donc examiner si ces différents
liens avec la Cour permanente et avec le Conseil de la SdN et son Secré-
tariat sont d'une nature telle qu'après la dissolution de ces organes en
1946 l'Acte généralde 1928 aurait nécessairement cesséd'êtreviable et

serait devenu pratiquement lettre morte.332 NUCLEAR TESTS (JOINT DISS.OP.)

41. In answering this question, account has first to be taken of Article
37 of the Statute of this Court, on which the Applicant specificallyrelies
for the purpose of founding the Court's jurisdiction on Article 17of the
1928Act. Article 37 of the Statute reads:

"Whenever a treaty or convention in force provides for reference
of a matter. ..to the Permanent Court of International Justice, the
matter shall, as between the parties to the present Statute, be referred
to the International Court of Justice."

The objects and purposes of that provision were examined at length by
this Court in the Barcelona Traction, Light and Power Company,Limited
case (New Application, Preliminary Objections, I.C.J. Reports 1964, at
pp. 31-36)where, inter alia,it said:
"The intention therefore was to create a special régime which,as
between the parties to the Statute, would automatically transform
references to the Permanent Court in these jurisdictional clauses,

into references to the present Court.
In these circumstances it is difficult to suppose that those who
framed Article 37 would willingly have contemplated, and would not
halle intended to avoid, a situation in whicl~the nullrJicationof the
jurisdictional clauses whose continuation it wasdesired to preserile,
would be brought about by the ilery event-the disappearance of the
Permanent Court-the effects of wliich Article 37 bothforesaw and
was intended to parry; or that they would have viewed with equa-
nimity the possibility that, although the Article would preserve many
jurisdictional clauses, there might be many others which it would not;
thus creating that very situation of diversification and imbalance
which it was desired to avoid." (P. 3 1,emphasis added.)

In a later passage the Court was careful to enter the caileatthat Article 37
was not intended "to prevent the operation of causes of extinction other
than the disappearance of the Permanent Court" (ibid.,p. 34). However,
it continued :

"And precisely because it was the sole object of Article 37 to
prevent extinction resulting from the particular cause which the
disappearance of the Permanent Court would represent, it cannot be
admitted tl~attliis extinction should in,fact proceed tofollow frorn this
ilery erent itself." (Ibidemphasis added.)

42. The Court's observations inthat caseapplyinevery particular to the
1928 Act. It follows that the dissolution of the Permanent Court in 1946
was in itselfwholly insufficient to bring about the termination of the Act.
Unless some other "cause of extinction" is shown to prevent the Act
from being considered as "a treaty or convention in force" at the date
of the dissolution of the Permament Court, Article 37 of the Statute
automatically has the effect of substituting this Court for théPermanent
Court as the tribunal designated in Article 17of the General Act for the I?SSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 332

41. Pour répondre à cette question, il faut d'abord tenir compte de
l'article 37 du Statut de la Cour, que 1'Etatdemandeur invoque expressé-

ment pour fonder la compétence de la Cour sur I'article 17 de l'Acte de
1928. L'article 37 du Statut dispose:

((Lorsqu'un traité ou une convention en vigueur prévoit le ren-
voi ...à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour inter-
nationale de Justice constituera cettejuridiction entre les parties au
présent Statut. ))

Dans l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (exceptionspréliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1964, p. 31-36) la

Cour a examinéen détaill'objet et les buts de cette dispositioa et déclaré
notamment :

«On a donc eu l'idéede créer un régime spécialqui, entre les
parties au Statut, transformerait automatiquement les renvois à la
Cour permanente prévusdans les clauses juridictionnelles en renvois
à la Cour actuelle.

Dans ces coiîditions, il est difficile de supposer que les rédacteurs
de I'article 37 aient délibérémentenvisagé et n'aient pas i2ouluéviter
queI'éilénemenm t êmedontl'article 37prévoyait lesefSetset aux consé-
quencesduquelil avait pour but deremédier, à savoir la disparition de
la Cour permanente, entraîne l'annulation desclausesjuridictionnelles

dont ils désiraient assurer lm eaintien; ilest difficile de supposer qu'ils
aient envisagé.avecsérénité que de nombreuses clauses juridiction-
nelles puissent ne pas êtreconservées par le jeu de cet article, alors
que denombreuses autres le seraient; ils auraient ainsi établiprécisé-

ment la situation de disparité et de déséquilibre qu'ils désiraient
éviter. )(P. 31 ; les italiques sont de nous.)

Plus loin, la Cour a pris soin de souligner que I'article 37 n'avait cepen-
dant pas pour objet ((d'empêcherque jouent d'autres causes d'extinc-
tion ...en dehors de la disparition de la Cour permanente 1)(p. 34). Mais
elle n'en poursuit pas moins:

((Or, précisémentparce que I'article 37 avait pour seul but d'éviter
l'extinction résultant de la cause particulière qu'allait être la dispari-
tion de la Cour permanente, onnesaurait admettre quecetteextinction

découleenfait lie cetésénemenltui-même. ))(Ibid.,les italiques sont de
nous.)

42. Les observations de la Cour dans cette affaire s'appliquent en tous
points à I'Acte de 1928. 11s'ensuit que la dissolution de la Cour perma-
nente en 1946 était, par elle-même,tout à fait insuffisante pour entraîner
la fin de I'Acte. Si l'on n'établit pas l'existence de quelque autre ((cause

d'extinction 1)qui empêche deconsidérer l'Acte comme ((un traité ou une
convention en vigueur ))à la date de la dissolution de la Cour permanente,
I'article 37 du S.tatut a automatiquement pour effet de substituer la Cour
actuelle à la Cour permanente quand il s'agit de constituer le tribunal visé

83judicial settlement of disputes. And Article 37, in our opinion, also has
the effect of automatically substituting this Court for the Permanent
Court in Articles 33, 36, 37 and 41 of the General Act.

43. Account has further to be taken of the arrangements reached in
1946between the Assembly of the League and the General Assembly of
the United Nations for the transfer to the United Nations Secretariat of
the depositary functions performed by the League Secretariat with respect

to treaties. Australia and France, as Members of both organizations, were
parties to these arrangements and are, therefore, clearly bound by them.
In September 1945the League drew up a List of Conventionsniitlt Indi-
cation of tlie Relevant Articles Conferririg Powers on tlie Organs of tlie
League of Nations, the purpose of which was to facilitate consideration
of the transfer of League functions to the United Nations in certain
fields. In this list appeared the General Act of 1928,and there can be no
doubt that when resolutions of the two Assemblies provided in 1946 for
the transfer of the depository functions of the League Secretariat to the
United Nations Secretariat, the 1928Act was understood as, in principle,
included in those resolutions. Thus, the first list published by the Secre-
tary-General in 1949of multilateral treaties in respect of which he acts as
depositary contained the General Act of 1928 (Signatures, Ratifications,
Acceptances,Accessions,etc., concerningtlie Multilateral Conventionsand

Agreements in respectof which the Secretary-General acts as Depositary,
UN Publications, 1949,Vol. 9). Moreover, in a letter of 12 June 1974,
addressed to Australia's Permanent Representative and presented by
Australia to the Court, the Secretary-General expressly confirmed that
the 1928Act was one of the "multilateral treaties placed under the custody
of the Secretary-General by virtue of General Assembly resolution 24 (1)
of 12February 1946".

44. Consequently, on the demise of the League of Nations in 1946,
the depositary functions entrusted to the Secretary-General and Secre-
tariat of the League of Nations by Articles 43 to 47 of the 1928Act were
automatically transferred to the Secretary-General and Secretariat of the
United Nations. It follows that the demise of the League of Nations

could not possibly constitute "a cause of extinction" of the General Act
by reason of the references to the League Secretariat in those Articles.

45. The disappearance of the League of Nations system, it is true, did
slightly impair the full efficacy ofthe machinery provided for in the 1928
Act. In conciliation, recourse could no longer be had to the President ofà l'article 17de I'Ac.tegénéralen vue d'assurer le règlementjudiciaire des
différends. Or, à notre avis, l'article 37 a aussi pour effet de substituer
automatiquement la Cour actuelle à la Cour permanente dans les ar-

ticles 33, 36, 37 et 1 de I'Acte général.

43. 11faut en outre tenir compte des arrangements qui ont étéconclus

en 1946entre l'Assembléede la Sociétédes Nations et 1'Asseil~blée~géné-
rale des Nations Unies pour transférer au Secrétariat des Nations Unies
les fonctions de dépositaire dont le Secrétariat de la Société desNations
s'acquittait à l'égard des traités. L'Australie et la France, en tant que
Membres des deux Organisations, étaient parties à ces arrangements, qui

les obligent donc sans aucun doute. En septembre 1945, la Sociétédes
Nations a établi une Liste des conventions asec indication des articles
pertinents conferant des pouiloirs aux organes de la Sociétédes Nations,
qui avait pour but de faciliter l'examen du transfert des fonctions de la
Société desNations aux Nations Unies dans certains domaines. Sur cette

liste figurait I'Acte {généradle 1928et il est hors de doute qu'au moment
où, en 1946, des résolutions des deux Assemblées ont prévu le transfert
des fonctions de dkpositaire du Secrétariat de la Société desNations à
celui des Nations Unies, il étaitadmis qu'en principe I'Acte de 1928était

visépar ces résolutions. Ainsi, la première liste de traités multilatéraux
pour lesquels le Secrétaire général exerceles fonctions de dépositaire,
publiée par lui en 1949, mentionnait l'Acte généralde 1928 (Signatures,
rat;fications, acceptations, adliésions,etc., aux conilentions et accords multi-
latéraux pour lesquels le Secrétaire général exercelesfonctions de déposi-

taire, publications des Nations Unies, 1949, vol. 9). De plus, dans une
lettre du 12juin 1974 adressée au représentant permanent de l'Australie
et que l'Australie a soumise àla Cour, le Secrétairegénérala expressément
confirmé que I'Acte de 1928était l'un des ((traités multilatéraux dont le
Secrétaire général assurela garde en vertu de la résolution 24 (1) de

l'Assembléegénéral,e en date du 12février 1946 )).
44. En conséquence, à la disparition de la Sociétédes Nations en 1946,
les fonctions de dépositaire confiéesau Secrétaire généralet au Secréta-
riat de la Sociétédes Nations par les articles 43 à 47 de I'Acte de 1928se
sont trouvées automatiquement transmises au Secrétaire généralet au

Secrétariat des Nations Unies. LIs'ensuit que la disparition de la Société
des Nations ne pouvait en aucune manière constituer ((une cause d'ex-
tinction ))de I'Acte généralen raison des mentions du Secrétariat de la
SdN qui figure dans ces articles.

45. La disparition du système de la Société desNations a, il est vrai,
légèrementamoindri l'efficacitédu mécanisme prévupar l'Acte de 1928.
Pour ce qui est de la conciliation, il n'était plus possible d'avoir recoursthe Council as one of the means provided by Article 6 of the Act for

resolving disagreements in the appointment of members of the concilia-
tion commission; nor could the commission any longer assert the right
under Article 9 of theAct to meet at the seat of the League and to request
assistance from the Secretary-General of the League. As to arbitration, it
became doubtful whether Article 37 of the Statute would suffice, in the
event of the parties' disagreement, to entrust to the President of this

Court the extra-judicial function of appointing members of an arbitral
tribunal entrusted by Article 23 of the 1928 Act to the President of the
Permanent Court. In both conciliation and arbitration, however, the
provisions involving League organs concerned machinery of a merely
alternative or ancillary character, the disappearance of which could not
be said to render the 1928 Act as a whole unworkable or impossible of

performance. Nor could their disappearance be considered such a funda-
mental change of circumstances as might afford a ground for terminating
or withdrawing from the treaty (cf. Art. 62 of the Vienna Convention on
the Law of Treaties). Moreover, none of these provisions touched, still
less impaired, the procedure for judicial settlement laid down in Article 17
of the 1928 Act.

46. Another provision the efficacy of which was impaired by the dis-
solution of the League was Article 43, under which the power to open
accession to the General Act to additional States was given to the Council
of the League. The disappearance of the Council put an end to this method
of widening the operation of the 1928 Act and prejudiced, in conse-

quence, the achievement of a universal system of pacific settlement foun-
ded on the Act. It did not, however, impair in any way the operation
of the Act as between its parties. Indeed, in principle, it didnot preclude
the parties to the Act from agreeing among themselves to open it to
accession by additional States.
47. Analysis of the relevant provisions of the General Act of 1928thus

suffices, by itself, to show that neither the dissolution of 1946 of the
Permanent Court of International Justice nor that of the several organs
of the League of Nations can be considered as "a cause of extinction" of
the Act. This conclusion is strongly reinforced by the fact, already
mentioned, that a large number of treaties for the pacific settlement of
disputes, clauses of which make reference to organs of the League, are
undoubtedly accepted as still in force; and that some of them have been

applied in practice since the demise of the League. For present purposes,
it is enough to mention the application by France herself and by Spain
of their bilateral Treaty of Arbitration of 10July 1929as the basis for the
constitution of the Lac Lanoux Arbitral Tribunal in 1956(UNRIAA, Vol.
12, at p. 285). That convention was conspicuously a treaty of the League
of Nations era, containing references to the Covenant and to the Council

of the League as well as to the Permanent Court. Moreover, soine of those
references did not deal with the mere machinery of peaceful settlementau présidentdu Coinseil,ce qui étaitl'un des moyens envisagésà I'article 6
de I'Acte pour résoudre les différends relatifs à la nomination des com-
missaires; de même:l,a commission ne pouvait plus se prévaloir du droit,
qu'elle tenait de l'article 9 de I'Acte, de se réunirau Siègede la Sociétédes

Nations et de demander au Secrétaire généralde prêter son assistance.
Quant à l'arbitrage, on en est venu à douter que I'article 37 du Statut
suffise, en cas de désaccord entre les parties, à investir le Président de la
Cour actuelle de la fonction extra-judiciaire consistant à nommer les
membres des triburiaux arbitraux, dont I'article 23 de I'Acte de 1928avait

chargé le président de la Cour permanente. Toutefois, tant en matière de
conciliation qu'en matière d'arbitrage, les dispositions prévoyant une
intervention des organes de la Société desNations concernaient des
mécanismes de remplacement ou des moyens auxiliaires dont la dispari-
tion ne saurait être considérée commerendant I'Acte de 1928inutilisable
ou impossible à appliquer dans son ensemble. On ne saurait pas davan-

tage considérer leur disparition comme un changement fondamental de
circonstances pouvant être invoqué comme motif de mettre fin au traité
ou de s'en retirer (voir I'article 62 de la Convention de Vienne sur le droit
des traités).De plus, aucune de ces dispositions ne concernait ni - encore
moins - n'etteignait la procédure de règlement judiciaire prévue à I'ar-

ticle 17de l'Acte de 1928.
46. Une autre disposition dont l'efficacitéa souffert de la dissolution de
la Sociétédes Nations est I'article 43, en vertu duquel le pouvoir d'ouvrir
I'Acte général à l'adhésion d'autres Etats appartenait au Conseil de la
Sociétédes Nations. La disparition du Conseil a mis fin à cette possibilité

d'élargir l'application de I'Acte de 1928 et a nui, par voie de consé-
quence, à l'instauration d'un système universel de règlement pacifique
fondé sur cet Acte. Elle n'a cependant affecté en rien l'application de
I'Acte entre les parties. Qui plus est, en principe, elle n'empêchait pas les
parties à l'Acte de se mettre d'accord entre elles pour ouvrir cet instrument
à l'adhésion d'autres Etats.

47. L'analyse dt:s dispositions pertinentes de l'Acte généralde 1928
suffit donc à établir.que ni la dissolution de la Cour permanente de Justice
internationale en 1946, ni celle des différents organes de la Société des
Nations ne saurait être considérée comme((une cause d'extinction )) de
l'Acte. Cette conclusion est fortement étayéepar le fait, déjà mentionné,

qu'un grand nombre de traités relatifs au règlement pacifique des diffé-
rends, dont les cla~usesmentionnent des organes de la Société desNa-
Nations, sont sans conteste reconnus comme étant toujours en vigueur et
que certains d'entre eux ont été appliquésdans la pratique depuis la
disparition de la Sociétédes Nations. IIsuffira ici de mentionner I'applica-
tion que la France elle-mêmeet l'Espagne ont faite de leur traité bilatéral

d'arbitrage du 10 juillet 1929 pour constituer le tribunal arbitral du
Lac Lanoux en 1056 (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrale^,
vol. 12, p. 285). 11 s'agissait manifestement d'un traité de l'époquede la
Société desNations, qui faisait mention du Pacte et du Conseil de la
SdN, ainsi que de la Cour permanente. En outre, plusieurs de ces men-procedures, but with matters of substance. Article 20, for example, ex-
pressly reserved to the parties, in certain events, a right of unilateral
application to the Council of the League; and Article 21, which required
provisional measures to be laid down by any tribunal dealing with a
dispute under the treaty, provided that "it shall be the duty of the Council
of the League of Nations, if the question is brought before it, to ensure

that suitable provisional measures be taken". Those Articles provided
for much more substantial links with organs of the League than anything
contained in the 1928 Act; yet both France and Spain appear to have
assumed that the treaty was in force in 1956notwithstanding the demise
of the League.

TheSo-CalleciRevisionof theGeneral Act

48. In the case of the 1928 Act, the French Government maintains
that the so-called revision of the General Act undertaken by the General
Assembly in 1948 implies that the demise of the League was recognized
as having rendered it impossible for the 1928Act to continue to function
normally. Thisinterpretation of the proceedings of the General Assembly

and the lnterim Committee regarding the "revision" of the Act does not
seem to us sustainable. Belgium introduced her proposal for the revision
of the 1928 Act in the lnterim Committee at a time when the General
Assembly was engaged in revising a number of treaties of the League of
Nations era in order to bring their institutional machinery and their
terminology into line with the then new United Nations system. It is

therefore understandable that, notwithstanding the automatic transfers
of functions already effected by Article 37 of the Statute and General
Assembly resolution 24 (l), the lnterim Committee and the General
Assembly should have concerned themselves with the replacement of the
references in the General Act to the Permanent Court, the Council of the

League and the League Secretariat by references to their appropriate
counterparts in the United Nations system.
49. In any event, what began as a proposal for the revision of the 1928
General Act was converted in the LnterimCommittee into the prepar Lt'ion
of a text of a new Revised General Act which was to be opened for acces-
sion as an entirely independent treaty. This was to avoid the difficulty
that certain of the parties to the 1928Act, whose agreement was necessary

for its revision, were not members of the United Nations and not taking
part in the revision (cf. Arts. 39 and 40 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties). As the Belgian delegation explained to the lnterim
Committee, the consent of the parties to the 1928 Act would now be
unnecessary "since in its final form their proposal did not wppress ortions ne concernaient pas seulement le mécanisme utilisable dans les
procédures de règlement pacifique, mais certaines questions de fond.
L'article 20, par exemple, réservait expressément aux parties, dans cer-
taines circonstances, le droit de s'adresser unilatéralement au Conseil de
la Société desNations et l'article 21, qui imposaàttout tribunal appelà
connaître d'un difirend en vertu du traité l'obligation d'indiquer des

mesures provisoires, disposait: ((il appartiendra au Conseil de la Société
des Nations, s'il est saisi de la question, de pourvoir...à des mesures
provisoires appropriées». Ces articles créaient des liens beaucoup plus
forts avec les organes de la Société desNations que tout ce qui figure
dans l'Acte de 1928; pourtant, la France et l'Espagne semblent avoir
admis l'une et l'autre que le traité était en vigueur en 1956 malgré la
disparition de laSdN.

La ((revision» de['Acte général

48. S'agissant de l'Acte de 1928,le Gouvernement français affirme que
ce qu'on a appeléla.revision de l'Acte général,entreprise par l'Assemblée
généraleen 1948,su~pposequ'il étaitadmisque la disparition de la Société
des Nations empêclnaitl'Acte de 1928de continuer à pouvoir jouer nor-
malement. Cette in1:erprétationdes travaux de l'Assemblée généraleet de
la Commission interimaire consacrés à la ((revision » de l'Acte ne nous
paraît pas défendable. La Belgique a présentésa proposition de revision
de l'Acte de 1928 à la Commission intérimaire à un moment où 1'Assem-
bléegénérales'occupaitde reviser un certain nombre detraités del'époque
de la Sociétédes Nations pour adapter leurs mécanismesinstitutionnels et
leur terminologie a.u système, alors nouveau, des Nations Unies. Il est

donc compréhensible que, malgré les transferts de fonctions déjà effec-
tuésautomatiquement par l'article 37 du Statut et la résolution 24 (1) de
l'Assemblée générale, lC aommission intérimaire et l'Assembléegénérale
se soient préoccupkesde remplacer, dans l'Acte général,les mentions de
la Cour permanente, du Conseil de la Société desNations et de son
Secrétariat par la mention de l'organe correspondant du système des
Nations Unies.
49. De toute manière, ce qui avait étéenvisagé à l'origine comme une
revision de l'Acte ,généradle 1928 a été transformé par la Commission
intérimaire en la rédaction d'un nouvel Acte général revisé devant être
ouvert à l'adhésion sous la forme d'un traité entièrement indépendant.
Cela devait éviter la difficultétenaàce que certaines des partieà l'Acte
de 1928, dont l'accord était nécessaire pour sa revision, n'étaient pas

membres des Nations Unies et ne participaient pas à cette revision (voir
les articles 39 e40 de la Convention de Vienne sur le droit des traités).
Comme la délégationbeige l'a expliquéà la Commission intérimaire, le
consentement des ]parties à l'Acte de 1928cesserait d'être indispensablemodify the General Act, as established in 1928, but left it intact as also,
tl~erefore, wl1ate1lerrights the parties to tllat Act migltt still derive from it"
(emphasis added). This explanation was included in the Committee's
report to the General Assembly and, in our opinion, clearly implies that

the 1928Act was recognized to be a treaty still in force in 1948.Moreover,
the records of the debates contain a number of statements by individual
delegations indicating that the 1928 Act was then understood by them
to be in force;and those statements did not meet with contradiction from
any quarter.

50. Equally, the mere fact that the General Assembly drew up and
opened for accession a new Revised General Act could not have the
effect of putting an end to, or undermining the validity of, the 1928Act.
In the case of the amendment of multilateral treaties, the principle is
well settled that the amending treaty exists side by side with the original

treaty, the latter remaining in force unamended as between those of its
parties which have not established their consent to be bound by the
amending treaty (cf. Art. 40 of the Vienna Convention on the Law of
Treaties). Numerous examples of the application of this principle are to
be found precisely in the practice of the United Nations regarding the
amendment of League of Nations Treaties; and it was this principle to

which the General Assembly gave expression in the preamble to its reso-
lution 268A ([II), by which it instructed the Secretary-General to prepare
and open to accession the text of the Revised Act. The preamble to the
resolution, inter alia,declared:

"Whereas the General Act, thus amended, will only apply as
between States having acceded thereto, and, as a consequence,will not
affect tlie rigllts of such States, parties to tlie Act as establislled on

26 September 1928, as sl~ould claim to inroke it in sofur as it migkt
still be operative.(Emphasis added.)
It is therefore evident that the General Assembly neither intended that

the Revised General Act should put an end to its predecessor, the 1928
Act, nor understood that this would be the result of its adoption of the
Revised Act. Such an intention in the General Assembly would indeed
have been surprising when it is recalled that the "revision" of the General
Act was undertaken in the context of a programme for encouraging the

development of methods for the pacific settlement of disputes.
51. In the above-quoted clause of the preamble, it is true, resolution
268A (111)qualifies the statement that the amendments would not affect
rights of parties tothe 1928Act by the words "in sofar as it might still be
operative". Moreover, in another clause of the preamble the resolution
also speaks of its being "expedient to restore to the General Act its

original efficacy, impaired by the fact that the organs of the League of
Nations and the Permanent Court of International Justice to which it
refers have now disappeared". We cannot, however, accept the suggestion
that by these phrases the General Assembly implied that the 1928 Act ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 336

((puisque, dans sa forme définitive, [la] proposition ne supprime ni ne
modifie l'Acte généraltel qu'il a étéétabli en 1928, mais au contraire le

laisseintact ainsique,par voie deconséquencet,ouslesdroits quelesparties
a cet Acte pourraiesrtencore en tirer)) (les italiques sont de nous). Cette
explication a étéincluse dans le rapport de la commission à l'Assemblée
généraleet, à notre avis, elle implique clairement qu'en 1948 on recon-
naissait que l'Acte de 1928 était toujours en vigueur. De plus, on trouve

dans les comptes rendus des débats les déclarations d'un certain nombre
de délégationsqui montrent que celles-ci considéraient alors I'Acte de
1928comme en vigueur; personne n'est venu les contredire.
50. De même,le simple fait que l'Assemblée générale ait rédigéet
ouvert à l'adhésion un nouvel Acte généralreviséne pouvait avoir pour

résultatde mettre fin à l'Acte de 1928,ni d'ébranlersa validité.En matière
de revision de traités multilatéraux, c'est un principe bien établique l'ins-
trument remanié coexiste avec le traité initial, lequel reste en vigueur tel
quel entre les parties qui n'ont pas accepté d'êtreliéespar le nouvel instru-
ment (voir l'article (40de la Convention de Vienne sur le droit des traités).

On trouve préciséinentde nombreux exemples de l'application de ce
principe dans la pratique des Nations Unies touchant la revision des
traités de la Sociétédes Nations et c'est ce principe que l'Assemblée
générale a formulé dans le préambule de sa résolution 268A (III),par
laquelle elle chargeait le Secrétaire général d'établir et d'ouvrirà l'adhé-

sion le texte de l'Acte revisé. Le préambule de cette résolution déclarait
notamment :

(Considérarit que ces amendements ne joueront qu'entre les Etats
ayant adhéré à.I'Acte généralainsi revisé et, partant, neporteront pas
atteinte aux droits des Etats qui, parties a l'Acte tel qu'il a étéétabli
le 26 septembre 1928, entendraients'enprévaloir dansla mesureoù il

pourrait encorejouer. » (Les italiques sont de nous.)
Il est donc évident que l'Assembléegénérale n'entendait pas que I'Acte

généralrevisémette fin à son prédécesseur,l'Actede 1928,et ellene pensait
pasnon plus que l'adoption du nouvel instrument aurait cetteconséquence.
Une telle intention, de la part de l'Assembléegénérale,aurait étébien
surprenante si l'on se souvient que la (crevision » de l'Acte générals'ins-
crivait dans un programme généralvisant à encourager le développement

des méthodesde règlement pacifique des différends.
51. Dans la clause précitéedu préambule, il est vrai, la résolution
268A (111)tempère l'affirmation que les amendements ne porteront pas
atteinte aux droits des parties à l'Acte de 1928 par les mots ((dans la
mesure où il pourrait encorejouer )).De plus, dans un autre considérant
du préambule, la résolution parle aussi de l'opportunité de ((restituer à

l'Acte généralson efficacitépremière, ...diminuéedu fait que les organes
de la Sociétédes Nations et la Cour permanente de Justice internationale,
auxquels il se réfere, ont aujourd'hui disparu)). Cependant, nous ne
saurions admettre que, par ces formules, l'Assembléegénéraleait voulu

87was no longer capable of functioning normally. These phrases find a
sufficient explanation in the fact, which we have already mentioned, that
the disappearance of the League organs and the Permanent Court would

affect certain provisions regarding alternative methods for setting up
conciliation commissions or arbitral tribunals, which might in the event
of disagreements impair the efficacy of the procedures provided by the
Act.
52. But there was also another reason for including those words in the
preamble to which the lnterim Cornmittee drew attention in its report

(UN doc. Al60.5, para. 46):

"Thanks to a few alterations, the new General Act would, for the
benefit of those States acceding thereto, restore the original effec-
tiveness of the machinery provided in the Act of 1928, an Act
which, though still theoretically in existence, has largely become
inapplicable.
It was noted, for example, that the proi'isions of the Act relating

to the Permanent Court of lnternational Justice liad lost muclof tlleir
effectiveness in respect of parties wl~ichare no? members of the United
Nations or parties to the Statute of the International Court of Justice."
(Emphasis added.)

In 1948 several parties to the 1928 Act were neither members of the
United Nations nor parties to the Statute of this Court so that, even
with the aid of Article 37 of the Statute, the provisions in the 1928 Act

on judicial settlement were not "operative" as between them and other
parties to the Act. Therefore, in this respect also it could properly be said
that the original efficacy of the 1928Act had been impaired. On the other
hand, the clear implication, a contrario, of the lnterim Committee's
report was that the provisions of the 1928Act concerning judicial settle-

ment-Article 17-had not lost their efficacy as between those of its
parties who were parties to the Statute of this Court

Tl~eQuestion of tlre Cotitinued Force of the1928 Act

53. Equally, we do not find convincing the thesis put forward by the
French Government that the 1928 Act cannot serve as a basis for the

competence of the Court because of "the desuetude into which it has
fallen since the demise of the League of Nations system". Desuetude is
not mentioned in the Vienna Convention on the Law of Treaties as one of
the grounds for termination of treaties, and this omission was deli-

88dire que l'Acte de 1928ne pouvait plus jouer normalement. Ces formules
s'expliquent suffisamment par le fait, déjà mentionné, que la disparition
des organes de la Société desNations et celle de la Cour permanente

pouvaient porter atteinte à certaines dispositions concernant quelques-
uns des autres moyens d'établir des commissions de conciliation ou des
tribunaux arbitraux, ce qui risquerait, en cas de désaccord, de diminuer
I'efficacitédes procédures établiespar l'Acte.
52. Cependant, il y avait aussi, pour inclure ces formules dans le

préambule, une auitre raison sur laquelle la Commission intérimaire a
attiré l'attention dans son rapport (doc. des Nations Unies A/605,
par. 46):

((Grâce à quelques modifications, le nouvel Accord généralrestau-
rerait, au béncificedes Etats qui y adhéreraient, I'efficacitépremière
du dispositif créépar l'Acte de 1928, Acte qui, bien que toujours
théoriquemeni:valide, est devenu en grande partie inapplicable.

II a été constaté,par exemple, que les dispositiorrde I'Acte qui ont
trait à la Co~lrpermanente de Justice internationale avaient perdu
beaucoupde leur efficacitéà l'égarddesparties qui nesontpas membres
de /'Organisation des Nations Unies ou qui ne sont pas parties au
Statut de la Cour internationale de Justice. » (Les italiques sont de

nous.)
En 1948, plusieurs des parties à I'Acte de 1928 n'étaient ni membres des

Nations Unies, ni parties au Statut de la Cour actuelle, si bien que, même
à l'aide de l'articl37 du Statut, les dispositions de l'Acte de 1928qui se
rapportaient au rè,glementjudiciaire ne prenaient pas ((effet)) dans les
relations de cesEta,tsavec d'autres parties à l'Acte. A cet égard encore, on
pouvait donc dire ,àjuste titre que I'efficacitéinitiale de l'Acte de 1928 se

trouvait diminuée. D'autre part, il ressortait clairementa contrario du
rapport de la Com:mission intérimaire que la disposition de l'Acte de 1928
concernant le règ1e:menjtudiciaire - l'article 1- n'avait pas perdu son
efficacitéentre celles des parties.qui étaient aussi parties au Statut de la
Cour actuelle.

La question dumaintien en vigueur del'Acte de 1928

53. Nous ne sommes pas convaincus non plus par la thèse du Gouver-
nement français selon laquelle l'Acte de 1928ne saurait servir à fonder la
compétence de la Cour àcause de (cla désuétudedans laquelle il est tombé

depuis la disparition du systèmede la SdN )).La désuétuden'est pas men-
tionnée dans la Convention de Vienne sur le droit des traités comme l'un
des motifs d'extinction des traités et cette omission est voulue. Ainsi queberate. As the International Law Commission explained in its report on
the Law of Treaties:

". ..while 'obsolescence' or 'desuetude' may be a factual cause of
the termination of a treaty, the legal basis of such termination, when

it occurs,is the consent of the parties to abandon the treaty, which
is to be implied from their conduct in relation to the treaty" (Year-
book of the International Law Commission, 1966, Vol. II,p. 237).

In the present instance, however, we find it impossible to imply from the
conduct of the parties in relation to the 1928 Act, and more especially
from that of France prior to the filing of the Application in this case,
their consent to abandon the Act.
54. Admittedly, until recently the Secretary-General was not called
upon to register any new accession or other notification in relation to the

1928Act. But this cannot be considered as evidence of a tacit agreement
to abandon the treaty, since multilateral treaties not infrequently remain
in force for long periods without any changes in regard to their parties.

55. Nor is such evidence to be found in the fact, referred to in the
Annex to the French Government's letter of 16May 1973,that "Australia
and Canada did not feel, in regard to the Act, any need to regularize

their reservations of 1939 as they did those expressed with regard to
their optional declarations". The reservations in question, made by both
countries four days afterthe outbreak of the Second World War, notified
the depositary that they would not regard their accessions to the 1928
Act as "covering or relating to any dispute arising out of events occurring
during the present crisis". These reservations were not in accord with

Article 45 of the 1928Act, which permitted modification of the terms of
an accession only at the end of each successive five-year period for which
the Act runs unless denounced. But both countries justified the reserva-
tions on the basis of the breakdown of collective security under the League
and the resulting fundamental changes in the circumstances existing
when they acceded to the Act; and if that justification was well founded
there was no pressing need to "regularize" their reservations in 1944

when the current five-year period was due to expire. Nor would it be
surprising if in that year of raging war al1over the globe they should not
have had their attention turned to this question. Moreover, the para-
llelism suggested between the position of these two countries under the
1928 Act and under the optional clause is in any case inexact. Their
declarations under the optional clause expired in 1940, so that they were

called upon to re-examine their declarations; under Article 45 of the
1928 Act, on the other hand, their accessions remained in force inde-
finitely unless denounced.
56. A more general argument in the Annex to the letter of 16 May
1973, regarding a lack of parallelism in States' acceptance respectiyely of
the 1928 Act and the optional clause, also appears to us unconvincing. ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 338

la Commission du droit international l'a expliquédans son rapport sur le
droit des traités:

((si la «caducüté)>ou ((désuétude))peut être une cause effective
d'extinction d'un traité, le fondement en droit de cette extinction,
lorsqu'elle intervient, est le consentement des parties à renoncer au
traité, consentement qui doit ressortir implicitement de leur attitude

à l'égarddu traité1)(Annuairedela Commissiondudroit international,
1966, vol. IL,p. 258).
Toutefois, en l'espece, ilnous paraît impossible d'inférer du comporte-

ment des parties à Iqégardde l'Acte de 1928et, plus spécialement, de celui
de la France antérieurement au dépôt de la requêtedans la présente ins-
tance, qu'elles aient.consenti à renoncer à l'Acte.
54. Certes, jusqu'à une date récente, il n'a pas étédemandé au Secré-
taire générald'enregistrer de nouvelles adhésions ou autres notifications
concernant l'Acte de 1928. Mais on ne saurait voir là la preuve d'un

accord tacite tendant à l'abandon du traité, car bien souvent les instru-
ments multilatéraux restent longtemps en vigueur sans qu'intervienne
aucun changement relativement à leurs parties.
55. Cette preuve ne réside pas davantage dans le fait, invoqué dans
l'annexe à la lettre du Gouvernement français du 16 mai 1973, que
((l'Australie et le C.anada n'ont pas éprouvé,à l'égardde l'Acte, le besoin

de régulariser leurs réserves de 1939 comme ils l'ont fait pour celles
émises à I'égardde: leurs déclarations facultatives D. Par les réservesen
question, qu'ils ont formulées quatre jours après le déclenchement de la
deuxième guerre mondiale, les deux pays notifiaient au dépositaire qu'ils
neconsidéreraient pas leur adhésionà I'Actegénérac lomme ((s'appliquant
ou se rattachant à tout différendoccasionné par les événementsvenant à

se produire dans la crise actuelle».Ces réservesn'étaientpas conformes à
l'article 45 de I'Acte de 1928 qui n'autorisait à modifier les termes d'une
adhésion qu'à la fiinde chaque période successivede cinq ans. Les deux
pays lesjustifiaient cependant par l'effondrement du système de sécurité
collective de la Société desNations qui modifiait fondamentalement les

circonstances dans lesquelles ils avaient adhéréà I'Acte; et si cette justifi-
cation était fondée, rien ne les pressait de ((régulariser» leurs réserves à
l'expiration de la période quinquennale en cours, en 1944. 11ne faut pas
non. plus s'étonner si, cette année-là, alors que la guerre faisait rage
partout dans le monde, d'autres sujets retenaient leur attention. De plus,
le parallélisme que l'on dit exister entre la situation de ces deux pays par

rapport à l'Acte de: 1928et à la clause facultative, respectivement, est de
toute manière inexact. Leurs déclarations d'acceptation de la clause
facultative ont expiréen 1940,si bien qu'il leur fallait alors réexaminer ces
déclarations; aux termes de l'article 45 de I'Acte de 1928, au contraire,
leurs adhésions restaient en vigueur indéfiniment, sauf dénonciation.
56. Un argument plus général employédans l'annexe à la lettre du

16 mai 1973, et concernant l'absence de parallélisme entre l'acceptation
de I'Acte de 1928par les Etats et leur acceptation de la clause facultative,The desuetude of the 1928 Act, it is said, ought to be inferred from the
following facts: up to 1940reservations made to the 1928Act and to the
optional clause were always similar but after that date the parallelism
ceased; reservations to the optional clause then became more restrictive
and yet the same States appeared unconcerned with the very broad
jurisdiction to which they are said to have consented under the Act.

57. Even before 1940, however, the suggested parallelism was by
no means complete. Thus, France's declaration of 19 September 1929,
accepting the optional clause, did not contain the reservation of matters
of domestic jurisdiction which appeared in her accession to the 1928Act;
and the declarations made in that period by Australia, Canada, New

Zealand and the United Kingdom did not exclude disputes with non-
member States, asdid their accessions to the 1928Act. The provisions of
Articles 39 and 45 of the Act in anv case meant that there were material
differences in the conditions under which compulsory jurisdiction was
accepted under the two instruments. Moreover, even granting that
greater divergencies appear in the two systems after 1940,this is open to

other explanations than the supposed desuetude of the 1928 Act. The
more striking of these divergencies arise from reservations to the optional
clause directed to specific disputes either already existing or imminently
expected. Whereas under the optional clause many States have piaced
themselves in a position to change the terms of their declarations in any
manner they may wish, without notice and with immediate effect, their

position under the 1928 General Act is very different by reason of the
provisions of Articles 39 and 45 regulating the making and taking effect
of reservations. Because of these provisions a new reservation to the
1928Act directed to a specific matter of dispute may serve only to alert
the attention of the other party to the State's obligations under the Act
and hasten a decision to-institute proceedings before the reservation

becomes effective under Article 45. In short, any parallelism between the
optional clause and the 1928Act is in this respect an illusion.

58. As to the further suggestion in the above-mentioned letter that if

the 1928Act were still in force the refusal of Australia, New Zealand and
France to become parties to the Revised General Act would be difficult
to explain, this does not appear to us to bear a moment's examination.
Since 1946, the 1928 Act has had a limited number of existing parties
and has been open to accession only by a small and finite group of other
States, while the Revised General Act is open to accession by a much

wider and still expanding group of States. Accordingly, it is no matter for
surprise that parties to the 1928 General Act should have been ready
simply to continue as such, while not prepared to take the new step of
assuming more wide-ranging commitments under the Revised Act. Even
more decisive is the fact that, of the six parties to the 1928Act which havenous semble lui aussi peu probant. La désuétude del'Acte de 1928,dit-on,
doit être déduitedes faits suivants: jusqu'en 1940, les réservesà l'Acte de
1928et à la clause facultative étaient toujours semblables, mais après cette
date ce parallélisme disparaît; les réservesà la clause facultative devien-
nent alors plus restrictives, et pourtant les mêmesEtats ne semblent pas se
soucier de la juridilrtion très étendue qu'ils étaient censésavoir acceptée

au titre de l'Acte.
57. Or, mêmea.vant 1940, le parallélisme alléguéétait loin d'être
parfait. Ainsi, la déclaration du 19septembre 1929,par laquelle la France
a accepté la clause facultative, ne contenait pas la réservede compétence
nationale qui figurait dans son adhésion à l'Acte de 1928 et les déclara-
tions faites pendant cette période par l'Australie, le Canada, la Nouvelle-

Zélande et le Royaume-Uni n'excluaient pas les différends avec les Etats
non membres de la Société desNations comme le faisaient leurs adhé-
sions à l'Acte de 1928. Les dis~ositions des articles 39 et 45 de l'Acte im-
pliquaient de toute manière qu'il y avait des différencesimportantes quant
aux conditions dans lesquelles la juridiction obligatoire était acceptéeen
vertu de l'un ou I'autre des deux instruments. De plus, mêmesi l'on con-

cède que les divergences entre les deux systèmes se sont accentuées après
1940, cela peut s'e:spliquer autrement que par la désuétude supposéede
l'Acte de 1928. Les exemples les plus frappants de ces divergences sont
fournis par les réservesà la clause facultative visant des différends précis
et déjà existants ou dont on prévoyait l'apparition imminente. Alors que,
dans le système de la clause facultative, de nombreux Etats se sont

ménagéla possibilité de modifier les termes de leurs déclarations comme
bon leur semble, sans préavis et avec effet immédiat, leur situation par
rapport à l'Acte généralde 1928est trèsdifférenteà cause des dispositions
des articles 39 et 42;qui réglementent la formulation et l'effetdes réserves.
En raison de ces dispositions, une nouvelle réserve à l'Acte de 1928 qui
s'applique à un su.jet de litige déterminéne peut servir qu'à attirer I'at-

tention de l'autre partie sur les obligations dont 1'Etat qui formule la
réserve esttenu en vertu de l'Acte et à hâter la décisiond'introduire une
instance avant que la réserve neprenne effet dans les conditions prévues
par l'article 45. Elref, tout parallélisme entre la clause facultative et
l'Acte de 1928est icet égardillusoire.
58. L'opinion émise également dans la lettre susmentionnée selon

laquelle, si l'Acte de 1928 était encore en vigueur, le refus de l'Australie,
de la Nouvelle-Zéliandeet de la France de devenir parties à l'Acte général
reviséserait difficile à expliquer ne nous parait pas résister à l'examen.
Depuis 1946, l'Acte de 1928n'a eu qu'un nombre limité departies et iln'a
étéouvert à l'adhésion que d'un groupe restreint et bien défini d'autres
Etats, alors que l'Acte général revisé eso tuvert à l'adhésiond'un groupe

d'Etats beaucoup ]plusvaste et qui continue à s'élargir. IIn'y a donc pas
lieu de s'étonner que les parties à l'Acte généralde 1928aient préféré s'en
tenir au statu quo au lieu de franchir le pas qui consistait à assumer des
engagements beaucoup plus vastes au titre de l'Acte revisé. Un élément
encore plus décisif est que, sur les six parties à l'Acte de 1928 qui sontbecome parties to the Revised Act, at least four are on record as formally

recognizing that the 1928Act is also still in force for them.

59. It follows that, in our opinion, the various considerations advanced
in the French Government's letter and Annex of 16 May 1973 fall far
short of establishing its thesis that the 1928 Act must now be considered
as having fallen into desuetude. Even if this were not the case, the State
practice in relation to the Act in the post-war period, more especially

that of France herself, appears to us to render that thesis manifestly
untenable.

Evidenceof the 1928 Act's Continuancein Force

60. Between the dissolution of the League of Nations in April 1946and
Australia's invocation of the 1928Act in her Application of 9 May 1973
there occurred a number of examples of State practice which confirm
that, so far from abandoning the Act, its parties continued to recognize it

as a treaty in force. The first was the conclusion of the Franco-Siamese
Settlement Agreement on 17November 1946for the purpose of re-estab-
lishing the pre-war territorial situation on Siam's bûrders and renew-
ing friendly relations between the two countries. Siam was not a party
to the General Act of 1928, but in the Franco-Siamese Treaty of Friend-
ship of 1937 she had agreed to apply the provisions of the Act for the
settlement of any disputes with France. Under the Settlement Agreement

of 1946 France and Siam agreed to constitute immediately "a Concili-
ation Commission, composed of the representatives of the Parties and
three neutrals, in accordance with the General Act of Geneva of 26 Sep-
tember 1928 for the Pacific Settlement of International Disputes, which
governs the constitution and working of the Commission". The 1928
Act, it is true, applied between France and Siam, not as such, but only

through being incorporated by reference into the 1937Treaty of Friend-
ship. But it is difficult to imagine that in November 1946, a few months
after she had participated in the dissolution of the League, France
should have revived the operation of the provisions of the 1928Act in her
relations with Siam if she had believed the dissolution of the League to
have rendered that Act virtually defunct.
61. In 1948-1949,as we have already pointed out, a number of member

States in the debates and the General Assembly in resolution 268A (111)
referred to the 1928Act, as still in force, and met with no contradiction.
In 1948 also the 1928 Act was included in New Zealand's official treaty
list published in that year. Again, in 1949, the Norwegian Foreign
Minister, in reporting to parliament on the Revised Act, stated that the
1928 Act was still in force, and in 1950 the Swedish Government did

likewise in referring the Revised Act to the Swedish parliament. Similarly,devenuesparties a I'Acte revisé,quatre au moins sont connues pour avoir
officiellement déclaréque l'Acte de 1928restait toujours en vigueur à leur
égard.
59. IIen découle à notre avis que les diverses considérations exposées
dans la lettre avec annexe du Gouvernement français en date du 16 mai
1973 sont fort loin d'établir que, comme le soutient ce gouvernement,

l'Acte de 1928doit êtremaintenant considérécommetombé en désuétude.
Mêmes'il en allait autrement, la pratique suivie a l'égardde I'Acte par les
Etats, et surtout par la France elle-même,pendant la période d'après-
guerre, nous parait rendre cette thèse manifestement indéfendable.

Preuvlosdu maintien en vigueurde I'Acte de 1928

60. Entre la disi;olution de la Sociétédes Nations, en avril 1946, et la
requêtedu 9 mai 1973dans laquelle l'Australie invoque l'Acte de 1928,on

trouve, dans la pratique des Etats, un certain nombre d'exemples de
nature à confirmer que, loin de renoncer à l'Acte, les parties ont persistéà
le considérer comnne un traité en vigueur. Le premier est la conclusion, le
17 novembre 1946, de I'accord de règlement franco-siamois destiné a
rétablir la situation territoriale d'avant-guerre aux frontières du Siam eta
renouer les relations amicales entre les deux pays. Le Siam n'était pas

partie à l'Acte géntiralde 1928,mais, dans letraitéd'amitié franco-siamois
de 1937,il avait acceptéd'appliquer lesdispositions de l'Acte au règlement
de tous différends.avecla France. Aux termes de I'accord de règlement de
1946, la France et le Siam acceptaient de constituer immédiatement
((une Commissiori de conciliation composée des deux représentants des
parties et de trois neutres conformément à I'Acte généralde Geneve du

26 septembre 1928 pour le règlement pacifique des différends internatio-
naux qui règle la ~ronstitution et le fonctionnement de la Commission )).
L'Acte de 1928, ilest vrai, s'appliquait entre la France et le Siam non pas
en tant que tel, mais seulement parce qu'il se trouvait incorporé par réfé-
rence dans le traitil d'amitié de 1937. 11est néanmoins difficile d'imaginer
qu'en novembre 1!)46,quelques mois après avoir participé à la dissolution

de la Société desNations, la France aurait remis en vigueur les disposi-
tions de I'Acte de 1928dans ses relations avec le Siam si elle avait estimé
que la dissolution de l'organisation rendait cet Acte pratiquement caduc.
61. En 1948-1949, nous l'avons déjà souligné, I'Actede 1928 a été
mentionné comme étant toujours en vigueur, sans que cela suscite d'ob-
jections, par un certain nombre d'~tats Membres au cours de débats et

par l'Assemblée générale desNations Unies dans sa résolution 268A
(III).En 1948également I'Acte de 1928 figurait dans la liste officielle de
traités de la Nouvelle-Zélande publiéecette année-la. De même,en 1949,
leministre des affaires étrangèresnorvégien,rendant compte au Parlement
au sujet de l'Acte revisé,a déclaréque I'Acte de 1928restait en vigueur et,inannouncing Denmark's accession to the Revised Act in 1952,the Danish
Government referred to the 1928Act as still in force.

62. Accordingly, France was doing no more than conform to the
general opinion when in 1956and 1957she made the 1928Act one of the
bases of herclaim against Norway before this Court in the Certain Norwe-
gian Loans case (I.C.J. Reports 1957,p. 9). In three separate passages of her
written pleadings France invoked the 1928 Act as a living, applicable,
treaty imposing an obligation upon Norway to submit the dispute to

arbitration; for in each of these passages she characterized Norway's
refusal to accept arbitration as a violation, inter alia, of the General Act
of 1928 (1.C.J. Pleadings, Certain Norwegian Loans case, Vol. 1, at
pp. 172, 173 and 180). She did so again in a diplomatic Note of
17 September 1956, addressed to the Norwegian Government during the
course of the proceedings and brought to theattention of the Court (ibid.,
p. 21 l),and also at the oral hearings (ibid., Vol. II,p. 60). The reason

was that Norway's refusal to arbitrate was a specificelement in the French
claim that Norway was not entitled unilaterally to modify the conditions
of the loans in question "without negotiation with the holders, with the
French State which has adopted the cause of its nationals, or witlzout
arbitration ..." (I.C.J. Reports 1957, at. p 18, emphasis added). Conse-
quently, the explanation given in the Annex to the French Governnient's
letter of 16 May 1973that it had confined itself in the Certain Norwegian

Loans case "to a very brief reference to the General Act, without relying
on it expressly as a basis of its claim", is not one which it is possible to
accept.

63. Nor do we find thefurtherexplanation given by the French Govern-
ment in that Annex any more convincing. In effect this is that, if the 1928

Act had been considered by France to be valid at the time of the Certain
Nor~~egianLoans case, she would have used it to found the jurisdiction
of the Court in that case so as to "parry the objection which Norway was
to base upon the reciprocity clause operating with reference to the French
Declaration"; and that her failure to found the Court's jurisdiction on the
1928 Act "is only explicable by the conviction that in 1955 it had fallen
into desuetude". This explanation does not hold water for two reasons.

First, it does not account for the French Government's repeated references
to the 1928Act as iri~posingan obligation on Norway in 1955to arbitrate,
one of which included a specific mention of Chapter II of the Act relating
to judicial settlenient. Secondly, it is not correct that France, by founding
the Court's jurisdiction on the Act, would have been able to escape the
objection to jurisdiction under the optional clause raised by Norway on ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 341

en 1950, le Gouvernement suédois a agi de mêmeen soumettant I'Acte

revisé au Parlemeint suédois. Enfin, lorsqu'il a annoncé l'adhésion du
Danemark à I'Acte reviséen 1952, le Gouvernement danois a cité I'Acte
de 1928 comme étant toujours en vigueur.

62. La France s'est donc simplen~entconformée à l'avis généralquand,
en 1956 et 1957, elle a fait de I'Acte de 1928 l'une des bases de l'action
intentée contre la Norvège de\.ant la Cour en I'affaire de Certailis elii-

prurits17ori.kgie17s.I.J. Recueil1957,p. 9). Dans trois différents passages
de ses écritures, la France a invoqué I'Acte de 1928 comme un traité
existant et applica.ble, qui imposait à la Norvège l'obligation de sou-
mettre le différendà I'arbitrage; en efTetdans chacun de ces passages elle
caractérisait le refus de la Norvège d'accepter I'arbitrage comme une
violation de I'Acte généralde 1928 notamment (Cotailis CII~I)I.LIII~ 1101.-

i!égie17sC, .I.J. M<;,~170irsl,aici'oiri~s et r/ocunients (1955), vol. 1, p. 172,
173 et 180). Elle a fait de mêmedans une note diplomatique du 17 sep-
tembre 1956, adressée au Gouvernement norvégien durant l'instance et
communiquée à la Cour (ihi~l., p. 211)et aussi lors des plaidoiries (ibici.,
vol. II, p. 60). La raison en était que le refus de la Norvègede se soumettre

a I'arbitrage consiituait l'un des élémentsde I'arguinentation française
selon laquelle la Norvège n'était pasen droit de modifier unilatéraleinent
les conditions des prêtsen question ((sans négociation avec les porteurs,
avec 1'Etatfrançais qui a pris fait et cause pour ses ressortissants, ou sulls
arbitrage ..))(C.I.J. Reclrcil 1957,p. 18)(les italiques sont de nous). IIest

donc impossible d'accepter l'explication donnée dans l'annexe à la lettre
du Ciouvernement français du 16 mai 1973, selon laquelle celui-ci, dans
l'affaire de Certaitis e~ill~rlnits1101.1-L:giesle,st borné ((à évoquer très
brièvement I'Acte généralsans l'invoquer expresséineiitcoinme fonde-
ment de sa demande )).
63. L'explicatioinsupplémentaire donnée par le Gouvernement français

dans cette annexe ne nous paraît pas davantage convaincaiite. Elle
revient à dire que, si I'Acte de 1928 avait étéconsidérépar la France
comme en vigueur à l'époque de l'affaire deCcrtai~isclill~rwits 1iori~6giclis.
la France l'aurait invoque pour établir la compétence de la Cour en
l'espècede manière à ((écarterl'exception que la Norvège allait tirer de la

clahse de réciprocitéjouant à de la déclaration francaise N et que,
si elle n'a pas fondéla coinpétence de la Cour sur I'Acte de 1928, (con ne
peut ... expliquer Ilcefait] .,.que par la conviction [que I'Acte] était, en
1955, tombé en désuétude 1).Cette explication ne tient pas pour deux
raisons. Premièrement, elle n'explique pas que le Gouverneineiit français

ait maintes fois cité I'Actede 1928comme iinposant A la Norvège I'obliga-
tion d'accepter I'arbitrage en 1955,et qu'il lui soit i-i~êiarrivéune fois de
viser expressément le chapitre II de l'Acte relatif au règlementjudiciaire.
Deuxièmement, iln'est pas exact qu'en fondant la compétence de la Courthe basis of a reservation in France's declaration; and it is unnecessary to
look further than to Article 31, paragraph 1, of the 1928 Act for the
reason why France did not invoke the Act as a basis for the Court's
jurisdiction. This paragraph reads :

"In the case of a dispute the occasion of which, according to the
municipal law of one of the parties, falls within the cornpetence of its

judicial or administrative authorities, the party in question may object
to the matter in dispute being submitted for settlement by the drflerent
methods laid down in the present General Act until a decision withjinal
effect has beenpronounced ..." (Ernphasis added.)

Since the French bond holders had deliberately abstained from taking any
action in the Norwegian tribunals, the above clear and specific provision
of Article 31 constituted a formidable obstacle to establishing the Court's
jurisdiction on the basis of the 1928Act.
64. Thus, the position taken by France in the Certain Norwegian Loans
case, so far from being explicable only on the basis of a conviction of the
desuetude of the Act, provides evidence of the most positive kind of her

belief in its continued validity and efficacy at that date. As to Norway,
it is enough to recall her Government's statement in Parliament in 1949
that the 1928 Act rernained in force, and to add that at no point in the
Certain NorwegianLoans casedid Norway questioneither thevalidity or the
efficacyof the Act as an instrument applicable between herself and France
at that date.

65. Furthermore,theinterpretationplaced inthe Annex onthe treatrnent

of the 1928Act bythe Court and Judge Basdevant in the Certain Norwegian
Loans case does not seem to us to be sustained by the record of the case.
The Court did not, as the French Government rnaintains, have to decide
the question of the 1928Act. Stressing that France had based her Applica-
tion "clearly and precisely on the Norwegian and French declarations
under Article 36, paragraph 2, of the Statute", the Court held it "would
not be justified in seeking a basis for its jurisdiction different from that
which the French Government itself set out in its Application. ..".

Having so held, it exarnined the question of itsjurisdiction exclusively by
reference to the parties' declarations under the optional clause and made
no mention of the 1928 Act. As to Judge Basdevant, at the outset of his
dissenting opinion (p. 71) he emphasized that on the question of jurisdic-
tion he did not dispute the point of departure on which the Court had
placed itself. In holding that the matters in dispute did not fall within the
reservation of matters of dornestic jurisdiction, on the other hand, he
expressly relied on the 1928Act as one of his grounds for so holding. The

fact that the Court did not follow him in this approach to the interpreta-
tion of the reservation cannot, in our view, be understood as rneaning
that it rejected his viewas to fhe 1928Act's being in force between France ESSAISNUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 342

sur I'Acte la France aurait pu parer l'exception d'incompétence élevée par
la Norvège sur la biise d'une réserveà la déclaration française d'accepta-
tion de la juridiction obligatoire; et point n'est besoin de chercher plus
loin que l'article 31, paragraphe 1, de I'Acte de 1928 pour découvrir

pourquoi la France n'a pas invoqué celui-ci afin d'établir la compétence
de la Cour. Ce paragraphe est ainsi libellé:

((S'il s'agit d'un différend dont l'objet, d'après la législature inté-
rieure de l'une des parties, relève de la compétence des autorités
judiciaires ou administratives, cettepartiepourra s'opposer à ce que le
différend soit soumis aux diverses procédurespréiluespar le présent

Acte général,arvantqu'une décisiondéjnitive ait été rendue, dans les
délais raisonnables...))(Les italiques sont de nous.)
Comme les obligataires français s'étaientdélibérémentabstenus de toute

action devant les tribunaux norvégiens, la disposition claire et précisede
l'article 31 que nous venons de citer constituait un obstacle redoutable
pour qui aurait voulu fonder la compétence de la Cour sur l'Acte de 1928.
64. Ainsi, la poijition prise par la France dans l'affaire de Certains

empruntsnori?égiens oin de pouvoir s'expliquer uniquement par la con-
viction que l'Acte était tombé endésuétude, établit de manièreon ne peut
plus positive que pour la France I'Acte conservait sa validité et son
efficacitéà cette date. Quant à la Norvège, ilsuffit de rappeler qu'en 1949
son gouvernement avait déclaré devant le Parlement que I'Acte de 1928
restait en vigueur e.td'ajouter qu'à aucun moment de I'affaire concernant

Certains emprunts norivégiens la Norvège n'a contesté ni la validité, ni
l'efficacitéde I'Acte, en tant qu'instrument applicable, à cette date, dans
ses rapports avec la France.
65. Au surplus, l'analyse que fait l'annexe française des conclusions
auxquelles la Cour a abouti et de l'opinion exprimée par M. Basdevant au

sujet de I'Acte généralde 1928 dans l'affaire de Certains emprunts nor-
i9égiens n'est pas, nous semble-t-il, confirmée par l'historique de cette
affaire. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement français, la
Cour n'avait pas à se prononcer sur I'Acte de 1928. Soulignant que la
requêtedu Gouvernement français se fondait ((clairement et précisément

sur les déclarations;de la Norvège et de la France aux termes de I'ar-
ticle 36, paragraphe: 2, du Statut)),la Cour a précisé qu'elle((ne saurait re-
chercher, pour établir sa compétence, un fondement autre que celui que
le Gouvernement firançais a lui-mêmeénoncédans sa requête... )).Etant
parvenue à cette conclusion, la Cour a examiné la question de sa com-

pétence exclusivement sur la base des déclarations faites par les Parties en
vertu de la clause facultative et elle n'a pas mentionné I'Acte de 1928.
Quant à M. Basdevant, au début de son opinion dissidente (p. 71), il
souligne que, sur la compétence, il ne conteste pas le point de départ
adopté par la Cour. En revanche il s'appuie notamment sur I'Actede 1928

pour démontrer que les questions en litige ne relèvent pas de la réservede
compétence nationale. Le fait que la Cour n'ait pas suivi M. Basdevant
dans l'interprétation qu'il a donnéede la réservene peut, selon nous, êtreand Norway. Indeed, if that had been the case, it is almost inconceivable
that Judge Basdevanttcould have said, as he did, of the 1928Act: "At

no time has any doubt been raised as to the fact that this Act is binding
as between France and Norway" (I.C.J.Reports 1957, p. 74).

66. The proceedings in the Certain Norwegian Loans case, therefore, in
themselvesconstitute unequivocal evidencethat the 1928Actdidsurvivethe
demise of the League and was recognized by its parties, in particular by
France, as in force in the period 1955-1957. We may add that in this
period statements by parties to the 1928Act are also to be found in the
records of the proceedings of the Council of Europe leading to the adopt-
ing of the European Convention for the Pacific Settlement of Interna-
tional Disputes in 1957, which show that they considered the Act to be
still in force. A Danish delegate, for example, stated in the Consultative
Assembly in 1955, without apparent contradiction from anyone, that
the 1928Act "binds twenty States".

67. No suggestion is made in the letter of 16 May 1973or its Annex
that, if the 1928 Act was in force in 1957, there was nevertheless some

development which deprived it of validity before Australia filed her
Application; nor does the information before the Court indicate that any
such development occurred. On the contrary, the evidence consistently
and pointedly confirms the belief of the parties to the 1928Act as to its
continuance in force. In 1966 Canada's official publication The Canada
Treaty Series: 1928-1964 listed the 1928Act as in force; as likewise did
Finland's list inthe following year. In Sweden the treaty list published by
the Ministry of Foreign Affairs in 1969 included the 1928 Act, with a
footnote "still in force as regards some countries". In 1971the Nether-
lands Minister for Foreign Affairs, in submitting the Revised Act for
parliamentary approval, referred to the 1928 Act as an agreement to
which the Netherlands is a party and, again, as an Act "which is still in
force for 22 States"; and Australia's own official treaty list published in
that year included the 1928Act. In addition, the 1928Act appears in a
number of unofficial treaty lists compiled in different countries.

68. As to France herself, there is nothing in the evidence to show any

change of position on her part regarding the 1928Act prior to the filingof
Australia's Application on 9 May 1973. Indeed, a written reply to a
deputy in the National Assembly, explaining why France was not con-
templating ratification of the European Convention for the Pacific
Settlement of Disputes, gives the opposite impression. That reply stated
that, like the majority of European States, France was already bound by
numerous obligations of pacific settlement amongst which was mentioned
"l'Acte générald'arbitrage du 26 septembre 1928 reviséen 1949". Theconsidérécomme une preuve qu'elle ait rejetéson avis sur le maintien en
vigueur de l'Acte de 1928 entre la France et la Norvège. Au reste, si tel

avait étéle cas, ori comprendrait mal que M. Basdevant ait pu dire de
l'Acte de 1928: ((PLaucun moment, il n'a étémis en doute que cet Acte
fît droit entre la France et la Norvège )(C.I.J. Recueil 1957,p. 74).
66. Le déroulement de l'affaire de Certains emprunts norvégiensatteste
donc sans équivoque que l'Acte généralde 1928a survécuà la disparition

de la Société desNations et que les Etats qui y étaient parties, notamment
la France, le considéraient comme en vigueur en 1955-1957. Nous ajou-
terons que l'on peut trouver aussi dans les comptes rendus des débats du
Conseil de l'Europe qui ont abouti à l'adoption, en 1957, de la Conven-
tion européenne pour le règlement pacifique des différends internatio-

naux, un certain nombre de déclarations faites à la mêmeépoquepar des
représentants des Ectatsparties à l'Acte de 1928 qui montrent que l'Acte
de 1928 était considérépar eux comme étant toujours en vigueur. Le
représentant du Danemark, par exemple, a déclarédevant l'Assemblée

consultative en 1955, sans que personne l'ait, semble-t-il, contredit, que
l'Acte de 1928 ((engage vingt Etats )).
67. Dans la lettre du 16 mai 1973 et dans son annexe, rien n'indique
que, si l'Acte de 19.28étaiten vigueur en 1957,certains événementsposté-
rieurs l'ont privéde sa validitéavant que l'Australie déposesa requête;il

ne ressort pas non ]plusdes informations dont dispose la Cour que de tels
événementsse soient produits. Au contraire, des preuves renouvelées et
précises confirment que les parties à l'Acte de 1928pensaient que cet ins-
trument était toujours en vigueur. En 1966, l'Acte généralde 1928 est

cité comme toujours en vigueur dans la publication officielle The Canada
Treaty Series: 1928-1964, ainsi que dans une liste analogue publiéepar la
Finlande l'année suivante. En Suède, la liste de traités publiée par le
ministère des affaiires étrangères en 1969 mentionne I'Acte généralde
1928 avec cette note: ((encore en vigueur à l'égardde certains pays )).En

1971, en demandant au Parlement d'autoriser l'adhésion des Pays-Bas à
l'Acte revisé,le ministre néerlandais des affaires étrangères fait état de
I'Acte de 1928comme d'un accord auquel les Pays-Bas sont parties et par
la suite comme d'un Acte ((qui demeure en vigueur pour vingt-deux
Etats )):enfin, la liste officielle des traités publiée la mêmeannée par

l'Australie mentionne l'Acte de 1928. En outre. I'Acte de 1928 figure
dans un certain nombre de listes de traités non officielles publiéesdans
différents pays.
68. Quant à la F-ranceelle-même,il n'existe aucune indication qu'elle

ait changé d'attitude à l'égard deI'Acte de 1928 avant le dépôt de la
req~iêtede l'Australie le 9 mai 1973. En fait, c'est iilêiiiel'impression
contraire qui se dégage de la réponse écrite il un députéà l'Assemblée
nationale exposant les raisons pour lesquelles la France n'envisageait pas
de ratifier la Convention européenne pour le règlement pacifique des

différends. Dans cette réponse, il est préciséque, comme la plupart des
Etats européens, la France est déji liéepar de noinbreuses obligations de
règlement pacifique des différends et notamment par (I'Acte généralFrench Government, in a footnote in the Livre blanc surles expériences
nucléaires,has drawnattention to the confused character of the reference
to the 1928 Act revised in 1949. Even so, and however defective the
formulation of the written reply, it is difficult to understand it in any

other way than as confirming the position taken up by the French
Government in the Certain NorwegianLoanscase, that the 1928Act was to
beconsidered as atreaty inforce with respect to France; for France had not
ratified the Revised General Act and could be referred to as bound by the
General Act only in its original form, the 1928 Act.

69. Accordingly, we are bound to conclude that the 1928 Act was a
treaty in force between Australia and France on 9 May 1973 when
Australia's Application in the present case was filed. Some months after
the filing of the Application, on 10 January 1974, the French Govern-

ment transmitted to the Secretary-General a notification of its denuncia-
tion of the Act, without prejudice to the position which it had taken
regarding the lack of validity of the Act. Under the settled jurisprudence
of the Court, however, such a notification could not have any retroactive
effect on jurisdiction conferred upon the Court earlier by the filing of the

Application; the Nottebolrm case (Preliminary Objection, I.C.J. Reports
1953, at pp. 120-124).
70. Nor, in our view, can the conclusion that the 1928 Act was a
treaty in force between Australia and France on 9 May 1973be in any way
affected by certain action taken with respect to the Act since that date
by two other States, lndia and the United Kingdom. In the case con-

cerning Trial of Pakistani Prisoners of Warl, by a letter of 24 June 1973
lndia informed the Court of its view that the 1928Act had ceased to be a
treaty in force upon the disappearance of the organs of the League of
Nations. Pakistan, however, expressed a contrary view and has since
addressed to the Secretary-General a letter from the Prime Minister of

Pakistan affirming that she considers the Act as continuing in force.
Again, although the United Kingdom, in a letter of 6 February 1974,
referred to doubts having been raised as to the continued legal force of
the Act and notified the Secretary-General of its denunciation of the Act
in conformity with the provisions of paragraph 2 of Article 45, it did so in

terms which do not prejudge the question of the continuance in force of
the Act. In any event, against these inconclusive elements of State prac-
tice in relation to the 1928 Act which have occurred since the filing of
Australia's Application, we have to set the many indications of the Act's
continuance in force, some very recent, to which we have already drawn
attention. Moreover, it isaxioinatic that the termination of a multilateral

treaty requires the express or tacit consent of al1the parties, a requirenient
which is manifestly not fulfilled in the present instance.

1 I.C.JRcports 1973, p348.

95d'arbitrage du 26 septembre 1928 reviséen 1949». Dans une note de bas
de page du Livre blanc sur les expériencesnucléaires, le Gouvernement

français a signaléque la référenceà I'Acte de 1928reviséen 1949prêtaità
confusion. Mais mifmeainsi, et nonobstant le libelléinexact de la réponse
écrite,il est difficile de voir dans ce texte autre chose qu'une confirmation
de l'attitude adoptéepar le Gouvernement français dans I'affaire relative à

Certains empruntsrrorcégien~ , savoir que l'Acte de 1928devait être con-
sidérécomme un itraitéen vigueur à I'égardde la France; en effet la
France n'avait pas ratifiél'Acte généralreviséet ne pouvait être liéeque
par l'Acte généralsoussaforme primitive, en d'autres termes uniquement
par l'Acte de 1928.

69. Dès lors, nous sommes amenés à conclure que l'Acte de 1928était
un traité en vigueur entre l'Australie et la France le 9 mai 1973, date du
dépôt de la requête par laquelle l'Australie a introduit la présenteins-
tance. Le 10 janvier 1974, quelques mois après le dépôt de la requête,

le Gouvernement français a notifiéau Secrétaire généralqu'il dénonçait
l'Acte, sans préjudiicede la position qu'il avait adoptée au sujet se son
manque de validitt?. Conformément à la jurisprudence constante de la
Cour, une telle notification ne saurait toutefois avoir d'effet rétroactif sur

la compétence conféréeantérieurement à la Cour par le dépôt de la
requête; voir à cet égard I'affaire Nottebohm, exception préliminaire
(C.I.J. Recueil 195.3,p. 120-124).
70. De même,la conclusion suivant laquelle l'Acte de 1928 était un

traitéen vigueur entre l'Australie et la France le 9 mai 1973n'est aucune-
ment affaiblie, selon nous, par le fait que deux autres Etats, l'lnde et le
Royaume-Uni, ont pris depuis lors certaines mesures à I'égardde l'Acte.
Dans I'affaire relative au Procès de prisonniers deguerre pakistanais 1,
l'Inde a fait savoir à la Cour par lettre en date du 24juin 1973 qu'à son

avis I'Acte de 1928 avait cesséd'être untraité en vigueur après la dis-
parition des organes de la Sociétédes Nations. Le Pakistan a expriméun
avis contraire et, depuis lors, le premier ministre de ce pays a confirmé
par lettre adressée au Secrétaire généralde l'organisation des Nations

Unies qu'il considérait I'Acte comme toujours en vigueur. D'autre part,
dans une lettre du 6 février 1974. le Rovaume-Uni a fait étatdes doutes
qui avaient été exprimésau sujet de 1a;alidité de I'Acte et a notifiéau
Secrétaire eénéralsa dénonciation de l'Acte conformément aux dis~o-
L
sitions de l'article 45,paragraphe 2, de cet instrument, mais il a employéà
cette occasion des termes qui ne préjugeaient pasla question du maintien
en vigueur de I'Acte. En tout étatde cause, ces exemples peu concluants
de la pratique des IZtatsà l'égardde I'Acte de 1928, postérieurs au dépôt
de la requête australienne, doivent être confrontésavec les nombreuses

indications, parfois très récentes, du maintien en vigueur de I'Acte, que
nous avons déjàsignalées.De plus, ilest de règle qu'un traité multilatéral
ne prenne fin qu'avec le consentement exprès ou tacite de toutes les par-

-
1 C.I.J. Rccr~eil197.p.347-348 We are therefore clearly of the opinion that Article 17of the 1928Act,
in combination with Article 37 of the Statute of the Court, provided
Australia with a valid basis for submitting the Nuclear Tests case to the
Court on 9 May 1973,subject only to any particular difficulty that might
arise in the application of the Act between Australia and France by

reason of reservations made by either of them. This question we now
proceed to examine.

Applicabilityof tlte1928 Act as Between
Australia and France

71. The French Government has urged in the Annex to its letter of

16 May 1973that, even if the 1928Act should be considered as not having
lost its validity, it would still not be applicable as between Australia and
France by reason of two reservations made by Australia to the Act itself
and, in addition, a reservation made by France to its Declaration under
the optional clause of 20 May 1966.
72. The Australian reservations to the 1928 Act here in question are
(1) a clause allowing the temporary suspension of proceedings under the

Act in the case of a dispute that was under consideration by the Council
of the League of Nations and (2) another clause excluding from the scope
of the Act disputes with any State party to the Act but not a member of
the League of Nations. The disappearance of the League of Nations, it is
said, means that there is now uncertainty as to the scope of these reserva-
tions; and this uncertainty, it is further said, is entirely to the advantage

of Australia and unacceptable.
73. The clause concerning suspension of proceedings was designed
merely to ensure the primacy of the powers of the Council of the League
in the handling of the disputes; and the disappearance of the Council, in
our opinion, left intact the general obligations of pacific settlement
undertaken in the Act itself. Indeed, a similar reservation was contained

in a number of the declarations made under the optional clause of the
Statute of the Permanent Court of International Justice, and there has
never been any doubt that those declarations remained effective notwith-
standing the demise of the Council of the League. Thus, in the A17glo-
Iranian Oil Co. case the declarations of both Parties contained such
a reservation and yet it was never suggested that the demise of the Council

of the League had rendered either of them ineffective. On the contrary,
Iran invoked the reservation, and the United Kingdom contested Iran's
right to do so only on the ground that the merits of the dispute were not

96ties, condition qui n'a manifestement pas été satisfaite dans la présente
instance.
11ne fait donc aucun doute à nos yeux que l'article 17de l'Acte général,
se conjuguant avec: l'article 37 du Statut, fournissait à l'Australie une

base valable lui permettant de saisir la Cour de l'affaire des Essais
nucléairesle 9 mai 1973. Reste cependant la question des difficultésqui
pourraient se préseiîterdans l'application de l'Acte entre l'Australie et la
France en raison des réserves formulées par l'un ou l'autre de ces deux
pays, question que :nousnous proposons d'examiner à présent.

Applicabilitéde I'Acte de 1928 entre l'Australie
et la France

71. Le Gouvernement français fait valoir, dans l'annexe à sa lettre du
16mai 1973, que, mêmesi l'on devait admettre que I'Acte de 1928 n'a
pas perdu sa valid:ité,il ne serait pas applicable entre l'Australie et la
France à cause de deux réservesfaites par l'Australie à l'égardde l'Acte
lui-mêmeet, de pluij, d'une réservefaite par la France dans sa déclaration

d'acceptation de la clause facultative du 20 mai 1966.
72. Les réservesaustraliennes à I'Acte de 1928, dont il s'agit ici, sont:
1)une clause autorisant à suspendre temporairement la procédure prévue
par l'Acte quand Lindifférend était à l'examen devant le Conseil de la
Société desNations et 2) une autre clause excluant du champ d'appli-
cation de l'Acte les différends avec les Etats qui étaient parties à celui-ci
mais non membres de la Société desNations. La disparition de la Société

des Nations, affirme-t-on, a rendu incertaine la portée de ces réserveset
l'on ajoute que cette incertitude est entièrement à l'avantage de I'Aus-
tralie et partant inacceptable.
73. La clause relative à la suspension de la procédure avait pour seul
objet d'assurer la primauté des pouvoirs du Conseil de la Société des
Nations dans l'examen des différends et la disparition du Conseil n'a

porté,à notre avis, .aucune atteinte aux obligations généralesde règlement
pacifique souscrites en vertu de I'Acte lui-même. Une réservesemblable
figurait d'ailleurs dans plus d'une déclaration faite en vertu de la clause
facultative du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et
nul n'a jamais douitéque ces déclarations eussent conservé leurs effets
malgré la disparition du Conseil de la SdN. Dans l'affaire de I'Atlglo-
Ira~liailOit Co., les déclarations des deux Parties contenaient une réserve

de ce genre et cep~cndant personne n'a prétendu que la disparition du
Conseil de la Société desNations avait rendu l'une ou l'autre inopérante.
Au contraire, I'lran a invoqué la réserve et si le Royaume-Uni lui a
contestéledroit de le faire c'est uniquement parce que le fond du différendunder consideration by the Security Council (I.C.J. Pleadings, Anglo-
Iranian Oil Co. case, pp. 282 and 367-368). Furthermore, France's
own accession to the 1928Act contained a reservation in much the same
terms and yet in the Certain Norwegian Loans case she does not seern to
have regarded this fact as any obstacle to the application of the Act

between herself and Norway.
74. Equally, the disappearance of the League of Nations cannot be
considered as having rendered the general obligations of pacific settlement
embodied in the 1928 Act inapplicable by reason of Australia's reserva-
tion excluding disputes with States not members of the League. This
Court has not hesitated to apply the term Member of the League of

Nations in connection with the Mandate of South West Africa (I.C.J.
Reports 1950, pp. 138, 158-159 and 169; Soutll West Africa cases, I.C.J.
Reports 1962, pp. 335-338); nor has the Secretary-General in discharging
his functions as depositary of the League of Nations multilateral treaties
open to participation by States "Members of the League of Nations".

75. Should any question arise in a case today concerning the applica-

tion of either of the two reservations found in Australia'saccession to the
1928Act, it would be for the Court to determine the status of the reserva-
tion and to appreciate its meaning and effect. Even if-the Court were to
hold that one or other reservation was no longer capable of application,
that would not detract from the essential validity of Australia's accession
to the 1928 Act. Moreover, owing to the well-settled principle of reci-

procity in the application of reservations, any uncertainty that might
exist as to the scope of reservations could not possibly work entirely to
the advantage of Australia. It may be added that France has not suggested
that the present case itself falls within the operation of either reservation.

76. In the light of the foregoing considerations, we areunable to see in

Australia's reservations any obstacle to the applicability of the 1928 Act
as between her and France.

77. Another and quite different ground is, however, advanced by the
French Government for considering'the 1928 Act inapplicable between
France and Australia with respect to the present dispute. The terms of the
declarations of the two countries under the optional clause, it is said,
must bc regarded as prevailing over the terms of their accessions to the

1928 Act. In consequence, even on the hypothesis of the validity of the
1928 Act, the reservations in France's declaration of 1966 under the
optional clause are, she maintains, to be treated as applicable. Those
reservations include the one which excepts from France's acceptancen'était pas à l'examen devant le Conseil de sécurité(C.I.J. Mémoires,
plaidoiries et documents, Anglo-Iranian Oil Co., p. 282 et 367-368). De
plus, I'adhésion de la France elle-mêmeà l'Acte de 1928 contenait une
réserve rédigée à peu près dans les mêmestermes et pourtant, dans

l'affaire de certain.^empruntsnorvégiens,la France ne semble pas y avoir
vu un obstacle à I'a~pplicationde I'Acte entre elle-mêmeet la Norvège.
74. De même,on ne saurait dire que la disparition de la Société des
Nations ait rendu inapplicables les obligations générales de règlement
pacifique inscrites dans l'Acte de 1928 du fait de la réserveaustralienne

excluant les différi:nds avec des Etats non membres de la Société des
Nations. La Cour ;actuellen'a pas hésitéà utiliser l'expression ctmzmbre
de la Société desNations ))à propos du mandat sur le Sud-Ouest africain
(C.I.J. Recueil 19-51),. 138, 158-159et 169;affaires du Sud-Ouest africain,
C.I.J. Recueil 1962, p. 335 à 338) et le Secrétaire général n'apas hésité

non plus à le faire dans l'exercicede ses fonctionsde dépositaire des traités
multilatéraux de la Société desNations ouverts à la participation des
Etats ((membres dc:la Sociétédes Nations D.
75. S'il devait se poser aujourd'hui, dans une affaire, une question
quelconque relative à l'application de I'une ou l'autre des deux réserves

qui figurent dans I'adhésionde l'Australie à l'Acte de 1928, il appartien-
drait à la Cour de: déterminer la situation actuelle de cette réserve, et
d'apprécier sasignification et ses effets. Mêmesi la Cour devait juger que
I'une de ces réserves n'est plussusceptible d'être appliquée,essentielle-
ment, cela ne rendrait pas moins valable I'adhésion de l'Australie à
l'Acte de 1928.De plus, le principe bien établide la réciprocitédans I'ap-

plication des réserves exclutque l'incertitude qui pourrait subsister sur la
portée de celles-ci profite exclusivement à l'Australie. Ajoutez à cela que
la France n'a pas prétendu que la présenteaffaire rentre elle-mêmedans
le champ d'application de I'une ou l'autre réserve.
76. Vu les considérations qui précèdent,nous ne découvrons dans les

réserves australiennes aucun obstacle à I'applicabilité de I'Acte de 1928
entre l'Australie et la France.

77. Le Gouvernement français invoque cependant un autre motif tout
différend pour corisidérer I'Acte de 1928 comme inapplicable entre la

France et l'Australie dans le présent litige. Les termes des déclarations
faites par les deux pays en vertu de la clause facultative, affirme-t-on,
doivent être consicléréscomme l'emportant sur ceux de leurs adhésions
à I'Acte de 1928.En conséquence, mêmesi l'on suppose valable I'Acte de
1928, les réserves qui accompagnent la déclaration faite au titre de la
clause facultative par la France en 1966doivent,d'après le Gouvernement

français, être considéréescomme applicables. Parmi ces réserves figureof jurisdiction under the optional clause "disputes concerning activities
connected with national defence"; and according to the French Govern-
ment that reservation necessarily covers the present dispute regarding
atmospheric nuclear weapon tests conducted by France.

78. One argument advanced in support of that contention is that, the
Statute of the Court being an integral part of the Charter of the United
Nations, the obligations of Members undertaken on the basis of the

optional clause of the Statute must in virtue of Article 103of the Charter
be regarded as prevailing over their obligations under the 1928Act. This
argument appears to us to be based on a misconception. The Charter
itself places no obligation on member States to submit their disputes to
judicial settlement, and any such obligation assumed by a Member under
the optional clause of the Statute is therefore undertaken as a voluntary

and additional obligation which does not fall within the purview of
Article 103. The argument is, in any case, self-defeating because it could
just as plausibly be argued that the obligations undertaken by parties to
the 1928Act are obligations under Article 36 (1) of the Çtatute and thus
also obligations under the Charter.

79. The French Government, however, also rests the contention on the
ground.that the situation here is analogous to one where there is "a later

treaty relating to the same subject-matter as a treaty concluded earlier in
the relations between the same countries". In short, according to the
French Government, the declarations of the Parties under the optional
clause are to be considered as equivalent to a later treaty concerning
acceptance of compulsory jurisdiction which, being a later expression of
the wills of the Parties, should prevail over the earlier Act of 1928,
relating to the saine subject-matter. In developing this argument, we

should add, the French Governinent stresses that it does not wish to be
understood as saying that, whenever any treaty contains a clause con-
ferring jurisdiction on the Court, a party may release itself froin its
obligations under that clause by an appropriate reservation inserted in a
subsequent declaration under the optional clause. The argument applies
only to the case of a treaty, like the General Act, "the exclusive object of

which is the peaceful settleinent of disputes, and in particular judicial
settleinent".
80. This argument appears to us to meet with a number of objections,

98celle qui excepte de la compétence acceptéepar la France en vertu de la

clause facultative les ((différendsconcernant des activitésse rapportant à
la défense nationale »; d'après le Gouvernement français, cette réserve
s'applique nécessairement au présent différend relatifà des essais d'armes
nucléaires en atmosphère effectuéspar la France.

78. L'un des arguments invoquésà l'appui de cette affirmation est que,
puisque le Statut de la Cour fait partie intégrante de la Charte des Nations
Unies, les obligations assumées par les Etats Membres de l'organisation
sur la base de la clause facultative figurant dans ce Statutsont àconsidérer

en vertu de l'article 103 de la Charte, comme devant prévaloir sur celles
qui leur incombent en vertu de l'Acte de 1928.Cet argument nous semble
reposer sur une idiSefausse. La Charte elle-même n'impose aux Etats
Membres aucune obligation de soumettre leurs différends au règlement
judiciaire, et toute obligation de cette nature qu'un Membre assume en
vertu de la clause facultative est donc souscrite comme une obligation

volontaire et supplémentaire que n'entre pas dans le champ d'application
de l'article 103. De toute manière, l'argument porte en lui-même sa
contradiction, car on pourrait soutenir de façon tout aussi plausible
que les obligations souscrites par les parties à l'Acte de 1928constituent
des obligations en vertu de l'article 36, paragraphe 1, du Statut et sont
donc au mêmetitre des obligations en vertu de la Charte.

79. Toutefois, le Gouvernement français justifie aussi son,affirmation
par l'idéeque la situation, en l'espèce, est analogue à celle ((d'un traité
postérieur portant ijür la même matièrequ'un accord antérieur dans les

relations entre les mêmespays ».Bref, d'après le Gouvernement français,
les déclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative
devraient êtreconsidéréescomme équivalant à un traitéultérieur d'accep-
tation de la juridiction obligatoire, qui, représentant une expression plus
récentede la volonté des Parties, prévaudrait sur l'Acte plus ancien de
1928, lequel porte sur le mêmesujet. II convient cependant d'ajouter une

précision: le Gouvernement français souligne qu'il ne veut pas dire par
là que, lorsqu'un traitéquelconque contient une clause attribuant compé-
tence à la Cour, un Etat partie peut s'affranchir des obligations résultant
de cette clause en assortissant d'une réserve appropriée une déclaration
déposée ultérieurenienten vertu de la clause facultative. L'argument .du
Gouvernement français s'applique seulement à un traité, comme l'Acte
général,((dont 1'ob.jetexclusif est le règlement pacifique des différends et

notamment son règlement judiciaire)).
80. Cet argument nous parait soulever un certain nombre d'objections,

98not the least of which is the fact that "treaties and conventions in force"
and declarations under the optional clause have always been regarded as
two different sources of the Court's compulsory jurisdiction. Jurisdiction
provided for in treaties is covered in paragraph 1 of Article 36 and juris-
diction under declarations accepting the optional clause in paragraph 2;
and the two paragraphs deal with them as quite separate categories. The
paragraphs reproduce corresponding provisions in Article 36 of the
Statute of the Permanent Court, which were adopted to give effectto the
compromise reached between the Council and other Members of the
League on the question of compulsory jurisdiction. The compromise
consisted in the addition, in paragraph 2, of an optional clause allowing

the establishment of the Court's compulsory jurisdiction over legal
disputesbetweenany Statesready to accept such an obligation by making
a unilateral declaration to that effect. Thus, the optional clause was from
the first conceived of as an independent source of the Court's jurisdiction.

81. The separate and independent character of the two sources of the
Court's jurisdiction-treaties and unilateral declarations under the
optional clause-is reflected in the special provisions inserted in the
present Statute for the purpose of preserving the compulsoryjurisdiction
attaching to the Permanent Court at the time of its dissolution. Two
different provisions were considered necessary to achieve this purpose:
Article 36 (5) dealing with jurisdiction under the optional clause, and
Article 37 with jurisdiction under "treaties and conventions in force7'.

The separate and independentcharacter of the two sources isalso reflected
in the jurisprudence of both Courts. The Permanent Court in its Order
refusing provisional measures in the Legal Status of the South-Eastern
Territory of Greenland case and with reference specifically to a clause
in the 1928 Act regarding provisional measures, underlined that a
legal remedy would be available "even independently of the accept-
ance by the Parties of the optional clause" (P.C.I.J., Series AIB,
No. 48, at p. 289). Again, in the Electricity Company of Sofia and
Bulgaria case the Permanent Court held expressly that a bilateral treaty
of conciliation, arbitration and judicial settlement and the Parties'ecla-
rations under the optional clause opened up separate and cumulative
ways of access to the Court; and that if examination of one of these sour-
ces of jurisdiction produced a negative result, this did not dispense
the Court from considering "the other source of jurisdiction invoked

separately and independently from the first" (P.C.I.J., Series AIB, No.
77,at pp. 76and 80).As to this Court, in the BarcelonaTraction,Light and
Power Company, Limited case it laid particular emphasis on the fact
that the provisions of Article 37 of the Statute concerning "treaties and
conventions in force" deal with "a different category of instrument" from
the unilateral declarations to which Article 36 (5) relates(I.C.J. Reports
1964, at p. 29). More recently, in the Appeal Relating to the Jurisdiction
of the ICA0 Council case the Court based one of its conclusions specifi-dont l'une, et non d.esmoindres, tient au fait que les cctraités et conven-
tions en vigueur ))el:les déclarations en vertu de la clause facultative ont
toujours été considéréc somme deux sources différentes de la juridiction

obligatoire de la Cour. La juridiction établie par des traités est prévueau
paragraphe 1 de l'article 36 et lajuridiction résultant de déclarations d'ac-
ceptation de la clause facultative au paragraphe 2; or, les dispositions des
deux paragraphes les présentent comme des catégories tout à fait dis-
tinctes. Ces paragraphes reproduisent les dispositions correspondantes de
I'article 36 du Statut de la Cour permanente, qui consacraient le compro-

mis réaliséentre le Conseil et d'autres membres de la Société desNations
sur la question de la juridiction obligatoire. Ce compromis consistait à
ajouter, au paragraphe 2, une clause facultative qui permettait d'établir la
compétence obligatoire de la Cour pour les différends d'ordre juridique
entre tous les Etats disposés à accepter une telle obligation, au moyen

d'une déclaration lunilatérale à cet effet. Ainsi. la clause facultative
a-t-elle été conçuedès le départ comme une source indépendante de la
comdtence de la Cour.
81. Le caractère distinct et indépendant des deux sources de la compé-
tence de la Cour, à savoir les traités et les déclarations unilatérales faites

en vertu de la'clause facultative, apparaît dans les dispositions spéciales
qui ont étéincluses dans le Statut actuel pour sauvegarder la juridiction
obligatoire que la Cour permanente possédait au moment de sa disso-
lution. Deux dispositions différentes ont étéconsidéréescomme néces-
saires à cet effet: l'article 36, paragraphe5, relatif à la juridiction en vertu

de la clause facultaitive et I'article 37 relatif à la juridiction en vertu des
((traitéset conventions en vigueur ». Le caractère distinct et indépendant
des deux sources de compétence se dégage aussi de la jurisprudence des
deux cours. La Cour dans son ordonnance refusant des
mesures conservatoires en I'affaire du Statut,juridique du territoire du sud-
est du Groenland, s'est référée spécialemen àtune clause de l'Acte de 1928

relative aux mesure!; conservatoires et a soulignéqu'un remèdejuridique
ne ferait pas défaut ((mêmeabstraction faite de l'acceptation par les
Parties de la disposition facultative ))(C.P.J.I. sérieAIB no48, p. 289). De
même,dzns l'affaire de la Compagnie d'électricité de Soja et de Bulgarie,
la Cour permanente a expressément statué qu'un traité bilatéral de con-

ciliation, d'arbitrage et de règlement judiciaire, ainsi que les déclarations
des Parties en vertu de la clause facultative, ouvraient des voies d'accès à
la Cour qui étaient séparéeset se cumulaient et que, si l'examen de l'un
de ces chefs de compétence aboutissait à un résultat négatif, cela ne dis-
pensait pas la Cour de procéder à l'examen de ((l'autre chef de compé-

tence invoqué à titre distinct et indépendant du premier ))(C.P.J.I. série
AIB no 77,p. 76 et 80). Quant à la Cour actuelle, elle a particulièrement
insisté,dans l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
sur le fait que les dispositions de I'article 37 du Statut relatives aux
((traitéset conventions en vigueur ))concernent ((une catégorie différente

d'instruments », par rapport aux déclarations unilatérales viséespar I'ar-
ticle 36, paragraphe 5 (C.I.J. Recueil 1964, p. 29). Plus récemment, danscally on the independent and autonomous character of these two sources
of itsjurisdiction(I.C.J. Reports 1972, at pp. 53and 60).

82. In the present instance, this objection is reinforced by the fact that
the 1928 Act contains a strict code of rules regulating the making of
reservations, whereas no such rules govern the making of reservations to
acceptances of the Court's jurisdiction under the optional clause. These
rules, which are to be found in Articles 39, 40, 41, 43 and 45 of the Act,
impose restrictions, inter alia,on the kinds of reservations that are ad-
missible and the times at which they may be made and at which they will
take effect. In addition, a State acceptingjurisdiction under the optional
clause may fix for itself the period for which its declaration is to run and
may even make it terminable at any time by giving notice, whereas
Article 45 (1) of the Act prescribes that the Act is to remain in force for
successivefixed periods of fiveyears unless denounced at least six months
before the expiry of the current period. That the framers of the 1928Act

deliberately differentiated its régimein regard to reservations from that of
the optional clause is clear; for the Assembly of the League, when
adopting the Act, simultaneously in another resolution drew the attention
of States to the wide possibilities of limiting the extent of commitments
under the optional clause "both as regards duration and as regards
scope". Consequently, to admit that reservations made by a State under
the uncontrolled and extremely flexiblesystem of the optional clause may
automatically modify the conditions under which it accepted jurisdiction
under the 1928 Act would run directly counter to the strict system of
reservations deliberately provided for in the Act.

83. The French Government evidently feelsthe force of that objection;
for it suggests that its contention may be reconciled with Article 45 (2)of
the Act, which requires any changes in reservations to be notified at least
six months before the end of the current five-year period of the Act's

duration, by treating France's reservations made in her 1966declaration
as having taken effect only at the end of the then current period, namely
in September 1969. This suggestion appears, however, to disregard the
essential nature of a reservation. A reservation, as Article 2, paragraph 1
(d), of the Vienna Convention on the Law of Treaties records, is:

"... a unilateral statement, however phrased or named, made by a
State, when signing, ratifying, accepting, approving or acceding to a
treaty, whereby it purports to exclude or to modify the legal effectl'affaire de l'Appel concernant la compétencedu Conseil de I'OACI, la
Cour a expressémentfondé l'une de ses conclusions sur le caractère indé-
pendant et autonome de ces deux sources de sa compétence (C.I.J.
Recueil 1972,p. 53t:t 60).

82. Dans la présente affaire, cette objection est renforcée par le fait
que l'Acte de 1928contient un code rigoureux de dispositions réglemen-
tant la formulation des réserves,tandis qu'aucune disposition de ce genre
ne régitla formulation des réserves a l'acceptation de la juridiction de la
Cour en vertu de la1clause facultative. Ces dispositions, qui figurent aux
articles 39,40, 41, ,43et 45 de l'Acte, imposent des restrictions relatives
notamment aux catégoriesde réservespermises etau moment où celles-ci
peuvent êtrefaites e:tprennent effet. De plus, un Etat qui accepte la juri-
diction au titre de la clause facultative peut déterminer lui-mêmela durée

d'application de sa déclaration et il peut mêmeprévoirla possibilité d'y
mettre finà tout moment par une notification, tandis que l'article 45, para-
graphe 1, de l'Acte dispose que celui-ciresteraen vigueur pendant des pé-
riodes fixessuccessivesde cinq ans s'iln'estpasdénoncésixmois au moins
avant l'expiration de la période en cours. Il est clair que les auteurs de
l'Acte de 1928 ont délibérément différencilé e régimeauquel sont sou-
mises les réservesclecelui de la clause facultative; en effet, au moment
d'adopter l'Acte l'Assembléede la Sociétédes Nations a simultanément
attirél'attention des Etats, dans une autre résolution,sur les nombreuses
possibilitésqui existaient de limiter les engagements acceptésen vertu de
la clause facultative((soit quant a leur durée, soit quanà leur étendue ».
Par suite, s1'011adinettait que les réservesfaitespar un Etat dans le cadre
du système incontirôléet extrêmement souple de la clause facultative
peuvent automatiquement modifier les conditions auxquelles cet Etat a

acceptéla compétei~ceen vertu de l'Acte de 1928,on prendrait le contre-
pied du système rigoureux délibérémentétabli dans l'Acte pour les
réserves.
83. Le Gouvernt:ment français se rend évidemmentcompte de la force
de cette objection; car il indique que l'on peut concilier ses thèses avec
l'article 45, paragraphe 2, de l'Acte, qui obligeà notifier toute modifi-
cation des réservessix mois au moins avant la fin de la période quin-
quennale en cours, à condition d'admettre que les réserves faitespar la
France dans sa déclaration de 1966ont seulement pris effet à la fin de la
période qui étaita.lors en cours, c'est-à-dire en septembre 1969. Cette
interprétation paraiît néanmoins méconnaître la nature essentielle des
réserves. Une réserve, d'après la définition adoptée a l'article 2, para-
graphe 1d), de la Convention de Vienne sur le droit destraités, est:

((une déclaration unilatérale,quel que soit son libelléou sa désigna-
tion, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve
un traitéou y ;adhère,par laquelle il visà exclure ou modifier l'effet of certain provisions of the treaty in their application to that State".

Thus, in principle, a reservation relates exclusivelyto a State7sexpression
of consent to be bound by a particular treaty or instrument and to the
obligations assumed by that expression of consent. Consequently, the
notion that a reservation attached to one international agreement, by
some unspecified process, is to be superimposed upon ,or transferred to
another international instrument is alien to the very concept of a reserva-
tion in international law; and also cuts across the rules governing the

notification, acceptance and rejection of reservations. The mere fact that
itnever seems to have occurred to the Secretary-General of the League or
of the United Nations that reservations made in declarations under the
optional clause are of any concern whatever to parties to the General
Act shows how novel is this suggestion.

84. The novelty is further underlined by the fact that, whenever States
have desired to establish a link between reservations to jurisdiction under
the optional clause and jurisdiction under a treaty, this has been done by
an express provision to that effect. Thus, the parties to the Brussels
Treaty of 17March 1948agreed in Article VI11to refer to the Court al1
disputes falling within the scope of the optional clause subject only, in the
case of each of them, to any reservation already made by that party when
accepting that clause. Even in that treaty, we observe, the parties envis-
aged the application to jurisdiction under the treaty only of optional
clause reservations "already made". Article 35, paragraph 4, of the
European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes goes
further in that it empowers a party at any time, by simple declaration, to
make the same reservations to the Convention as it mav make to the
optional clause. But under this Article a specificdeclaration, made with
particular reference to the European Convention, is needed in order to
incorporate reservations contained in a party's declaration under the

optional clause into its acceptance of jurisdiction under the Convention.
Moreover, the power thus given by Article 35, paragraph 4, of the Con-
vention is expressly subjected to the general restrictions on the making of
reservations laid down in paragraph 1of that Article, which confine them
to reservations excluding "disputes concerning particular cases or clearly
specified special matters, such as territorial disputes, or disputes falling
within clearly defined categories" (language taken directly from Art.
39, para. 2 (c), of the 1928 Act). It therefore seems to us abundantly
clear that the European States which framed these two European treaties
assumed that declarations under the optional clause, whether prior or
subsequent to the treaty, would not have any effect on the jurisdictional
obligations of the partiesunder the treaty, unless they inserted an express juridique de certaines dispositions du traité dans leur applicationà
cet Etat)).

Ainsi, en principe, une réservene concerne que l'expression, qui a été
donnéepar un Etat, de son consentement às'obliger par un traitéou par
un instrument déterminéet les obligations qu'il a assuméesen exprimant
ainsi son consentelment. Par conséquent, l'idéequ'une réservejointe à
un accord international puisse, par un processus qui n'est pas précisé,se

surimposer à un autre acte international ou se rattacher à celui-ci est
étrangère à la notion mêmede réserveen droit international; elle fait en
outre bon marché des règlesrégissantla notification, l'acceptation et le
rejet des réserves.Le simple fait que ni le Secrétaire générale la Société
des Nations, ni celui de l'organisation des Nations Unies, n'aient,
semble-t-il, jamais penséque des réserves faitesdans les déclarations en
vertu de la clause facultative puissent intéresseraucun titre les partieà
l'Acte général souligne ceque la thèse avancée présented'inédit.

84. Ce caractère inédit est encore soulignépar le fait que, chaque fois
que des Etats ont voulu établirun lien entre les réservesà la compétence
découlant de la cla.usefacultative et les réserveà la compétenceprocé-
dant d'un traité, c:e résultat a étéatteint au moyen d'une disposition

expresse à cet effet. C'est ainsi que les parties au Traitéde Bruxelles du
17 mars 1948 sont convenues, à l'article VIII, de soumettre à la Cour
tous les différendsqui rentreraient dans le champ de la clause facultative,
sous les seules réservesque chacune d'entre elles a faites en acceptant
cette clause. Mêmedans ce traité, nous le voyons, les parties n'ont
envisagéd'appliquer à la juridiction établiepar le traité que les réserves
déjà ((faites))dans le cadre de la clause facultative. L'article 35, para-
graphe 4, de la Convention européenne pour le règlement pacifique des
différends va plus loin, dans la mesure où il reconnaît aux parties la
facultédeformuler à l'égardde laconvention, àtout moment et par simple

déclaration, les mêmes réservesqu'à l'égard de la clause facultative.
Toutefois, il ressort de cet article qu'une déclaration expresse, se référant
spécialement à la convention européenne, est exigéepour que les réserves
faites par une partiiedans sa déclaration d'acceptation de la clause facul-
tative affectent son acceptation de la compétencedans le cadre de la con-
vention. De plus, la faculté ainsiouverte par l'article 35, paragraphe 4,
de la convention est expressément soumise aux restrictions générales
concernant la prés,entationde réserves qu'imposele paragraphe 1 de cet
article, qui autorise uniquement les réserves tendant à exclure « les
différendsportant sur des affaires déterminéesou des matières spéciales
nettement définies.,tellesque le statut territorial, ou rentrant dans des

catégories bien pritcisée>)(ces termes sont directement repris de l'ar-
ticle 39,paragraphe 2 c),de l'Actede 1928).Ilnous sembledonc tout à fait
clair que les Etats européens auteurs de ces deux traités européensontprovision to that effect; and that this they were only prepared to agree to
under conditions specially stipulated in the treaty in question.

85. The question of the relation between reservations made under the
optional clause and jurisdiction accepted under treaties has received
particular attention in the United States in connection with the so-called
"Connally Amendment", theadoption of which by the Senate resulted in
the United States inserting in its declaration under the optional clause its
well-known "self-judging" form of reservation with regard to matters of
domestic jurisdiction. Two years later, the United States signed the Pact
of Bogota, a general inter-American treaty of pacific settlement which
conferred jurisdiction on the Court for the settlement of legal disputes
"in conformity with Article 36 (2) of the Statute". The United States,
however, made its signature subject to the reservation that its acceptance
of compulsory jurisdiction under the Pact is to be limited by "any juris-
dictional or other limitations contained in any declaration deposited by

the United States under the optional clause and in force at the time of the
submission of any case". It thus appears to have recognized that its
reservations to the optional clause would not be applicable unless it
made provision for this specially by an appropriate reservation to the
Pact of Bogoth itself. This is confirmed by the facts that, whenever it has
desired the Connally reservation to apply to jurisdiction conferred by
treaty, the United States has insisted on the inclusion of a specificprovi-
sion to that effect, and that the Department of State has consistently
advised that, without such a provision, the Connally reservation will not
apply (cf. American Journal of International Law, 1960,pp. 941-942,and,
ibid., 1961, pp. 135-141).Moreover, the Department of State has taken
this position not merely with reference to jurisdictional clauses attached
to treaties dealing with a particular subject-matter, but also with reference
to optional protocols, the sole purpose of which was to provide for the
judicial settlement of certain categories of legal disputes (cf. Whiteman's
Digest ofInternational Law, Vol. 12, p. 1333).On this point, the United
States appears clearly to recognize that any jurisdiction conferred by
treaty on the Court under Article 36 (1) of the Statute is both separate
from and independent ofjurisdiction conferred on it under Article 36 (2)

by accepting the optional clause. Thus, in a report on ratification of the
Supplementary Slavery Convention, the Foreign Relations Committee of
the Senate said: "Inasmuch asthe Connally amendment applies to cases
referred to the Court under Article 36 (2), it does not apply to cases
referred under Article 36(1) which would include cases arising out of this
Convention." (US Senate, 90 Congress, 1st Session, Executive Report
No. 17, p. 5.)poséen principe que les déclarations faites en vertu de la clause faculta-
tive, avant ou après la conclusion du traité, ne produiraient aucun effet
sur les obligations juridictionnelles incombant aux parties en vertu de
celui-ci,à moins qu'une disposition expresse ne soit prévue à cet effet et
ils n'étaient disposésà consentir à cela qu'aux conditions spécialement
définiespar le traitt5en question.

85. La question du rapport qui existe entre les réservesafférentesà la
clause facultative r:t la compétence reconnue conventionnellement à la
Cour a retenu particulièrement l'attention aux Etats-Unis ou elle a été
étudiée à propos dlel'«amendement Connally n, dont l'adoption par le
Sénats'est traduite par l'adjonction à la déclaration américaine d'accep-
tation de la clause facultative de la réserve((discrétionnaireien connue
visant les questions qui relèvent de la compétence nationale des Etats-
Unis. Deux ans plus tard, les Etats-Unis ont signéle pacte de Bogoti,
traité généralde rè:glementpacifique interaméricainqui attribue compé-
tence à la Cour pour le règlement desdifférendsd'ordre juridique ((con-
formément au paragraphe 2 de I'article 36 du Statut )).Toutefois, les
Etats-Unis ont assorti leur signature d'une réserve spécifiantque leur
acceptation de la juridiction obligatoire en vertu du pacte est soumiseà
((toute limitation dejuridiction et autre catégoriede limitationscontenues
dans toute déclaraitionfaite par les Etats-Unis au titre de la clause facul-

tative. et en -igueur au moment de l'étude d'uncasdéterminé ))Les Etats-
Unis semblent donc avoir reconnu que leurs réserves concernant la
clause facultative nieseraientapplicables que s'ilsle prévoyaientexpressé-
ment dans une réserveappropriée au pacte de Bogoth lui-même.Cette
interprétation est confirméepar le fait que, d'une part, dans tous les cas
où ils ont voulu appliquer la réserveConnally à la compétencedérivant
d'un traité, les Etats-Unis ont insistépour faire figurer une disposition
précise à cet effet, et que, d'autre part, le départementd'Etat n'a cesséde
soutenir qu'en l'absence d'une telle disposition la réserveConnally ne
s'appliquepas. (Voir American Journal of International Law, 1960,p. 941 -
942, et ibid., 1961, p. 135-141.) Qui plus est, le département d'Et& a
adoptécetteposition àpropos non seulementdesclauses juridictionnelles
de traités portant sur une matière déterminée,mais aussi de protocoles
facultatifs dont le iseulobjet étaitd'assurer le règlementjudiciaire de cer-
tainescatégoriesde différendsjuridiques (voir Whiteman'sDigest ofInter-

national Law, vol. 12, p. 1333). Sur ce point, les Etats-Unis paraissent
nettement admettre que toute compétence conférée conventionnellement
à la Cour dans le cadre de l'article 36, paragraphe 1, du Statut doit être
considéréecomme: distincte et indépendante de la compétence qui lui
est reconnue en vertu de I'article 36, paragraphe 2, par l'acceptation de
la clause facultative. Ainsi, dans un rapport sur la ratification de la
Convention supp1é:mentaire relativeà l'abolition de l'esclavage,le Foreign
Relations Commitifeedu Sénat des Etats-Unis a déclaré:((Etant donné
que l'amendement Connally s'applique aux affaires portées devant la
Cour en vertu de I'article 36, paragraphe 2, il ne s'applique pas aux
affaires portées devant la Cour en vertu de I'article 36, paragraphe 1, et 86. In our opinion, therefore, the suggestion that the reservation made
by France in her optional clause declaration of 1966 ought to be con-
sidered as applicable to the Court's jurisdiction under the 1928Act does
not accord with either principle or practice.

87. It remains to consider the French Government's main thesis that
the terms of its 1966declaration must be held to prevail over those of the
1928Act on the ground that the optional clause declarations of France
and Australia are equivalent to a later treaty relating to the same subject-
matter as the 1928 Act. This proposition seems probably to take its
inspiration from the dissenting opinions of four judges in the Electricity

Company .of Sojîa and Bulgariacase (P.C.I.J., Series AIB, No. 77),
although the case itself is not mentioned in the French Government's
letter of 16May 1973.These judges, although their individual reasoning
differed in some respects, were at one in considering that a bilateral treaty
of conciliation, arbitration and judicial settlement concluded between
Belgium and Bulgaria in 1931should prevail over the declarations of the
two Governments under the optional clause, as being the later agreement
between them. Quite apart, however, from any criticisms that may be
made of the actual reasoning of'the opinions, they provide very doubtful
support for the proposition advanced by the French Government. This is
because the situation in that case was the reverse of the situation in the
present case; for there the bilateral treaty was the more recent "agree-
ment". It is one thing to say that a subsequenttreaty, mutually negotiated
and agreed, should prevail over an earlier agreement resulting from
separate unilateral acts; it is quite another to say that a State, by its own
unilateral declaration alone, may alter its obligations under an existing
treaty.

88. In any event, the thesis conflicts with the Judgment of the Perma-

nent Court in that case; and is diametrically opposed to the position
taken by France and by Judge Basdevant on this question in the Certain
Norwegian Loans case as well as with that taken by this Court in the
Appeal Relating to the Jurisdictionof the ICA0 Council case. In the
Electricity Companyof Sofia and Bulgariacase, while regarding the two
optional clause declarations as amounting to an agreement, the Perma-
nent Court held that they and the 1931 treaty constituted independent
and alternative ways of accessto theCourtboth of which, and each under
its own conditions, could be used cumulatively by the Applicant in
trying to establish the Court's jurisdiction. It based its decision on what itpar conséquent aux affaires relatives à la présente convention)) (US
Senate, 90 Congres$,1st Session,ExecutiveReport, no 17,p. 5).
86. Nous estimons donc que la thèse suivant laquelle la réservede la

France àsa déclara.tiond'acceptation de la clause facultative de 1966doit
êtreconsidérée comimeapplicable àla compétencede la Couren vertu de
l'Acte de 1928ne concorde ni avec les principes ni avec la pratique.

87. Il reste maintenantà examiner l'argument principal du Gouverne-
ment français qui consiste à dire que les obligations assuméespar sa
déclarationde 1966doivent êtreréputéesprévaloir surcellesqui découlent
de l'Acte de 1928,pour la raison que les déclarations d'acceptation de la
clause facultative faites par la France et l'Australie équivaudraientun

traité postérieur portant sur la mêmematière que l'Acte de 1928. Cet
argument s'inspire probablement des opinions dissidentes expriméespar
quatre juges dans l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sojîa et de
Bulgarie (C.P.I.J.>rérieA/B no 77),bien que la lettre du Gouvernement
français en datedu 16mai 1973ne fasse pas mention de cette affaire. Ces
juges ont suivi des raisonnements qui divergeaientà certains égards mais
ils se sont accordé:;pour dire qu'un traité bilatéralde conciliation, d'ar-
bitrage et de réglernentjudiciaire, concluentre la Belgique et la Bulgarie
en 1931,devait prendre lepas sur lesdéclarationsdesdeux gouvernements
au titre de la clause facultative, ledit traité étantpostérieur aux déclara-
tions. Toutefois, mises à part les critiques que pouvaient inspirer les
raisonnements suivis par ces juges, leurs opinions n'apportent qu'un
soutien précaire à la thèse du Gouvernement français. En effet, la situa-

tion, dans cette aflfaire,étaitexactement l'inverse de celle qui se présente
en l'espèce,le traitébilatéralétant alors l'<(acco))le plus récent. C'est
une chose de dire qu'un traitépostérieur, négociéet acceptéde concert,
doit l'emporter suirun accord antérieur né d'actesunilatéraux distincts;
c'en est une autre de dire qu'un Etat peut, par une simple déclaration
unilatérale, revenir sur les obligations souscrites en vertu d'un traité
existant.
88. En tout cas, cette thèse esten contradiction avec l'arrêtrendu par
la Cour permanente dans l'affaire susviséeet elle est diamétralement
opposée à la position adoptéepar la France etpar M. Basdevant sur cette
mêmequestion dans l'affaire de Certains emprunts norvégiens,ainsi qu'à
l'opinion expriméepar la Cour actuelle dans l'affaire de l'Appel concer-

nant la compétenced ,u Conseilde I'OACI. Dans l'affaire de la Compagnie
d'électricitéde Sqfia et de Bulgarie, tout en considérant que les deux
déclarations dYacc:eptationde la clause facultative équivalaient à un
accord, la Cour permanente a jugéque cesdéclarationset le traitéde 193 1
constituaient des voies d'accèsindépendantes et subsidiaireà la Cour qui
pouvaient êtreutiliséescumulativement, selon les modalités propres àfound was the intention of the Parties in entering into the multiplicity of
agreements :

"... the multiplicity of agreements concluded accepting the com-
pulsory jurisdiction is evidence that the contracting Parties intended
to open up new ways of access to the Court rather than to close old
ways or allow [hem to cancel each other out with the ultimate result
that no jurisdiction would remain" (emphasis added; P.C.I.J., Series
AIB, No. 77, p. 76).
Moreover, as indications of this intention, it underlined that both Parties
had argued their cases "in light of theconditions independently laid down
by each of these two agreements"; and that:

"Neither the Bulgarian nor the Belgian Government at any time
considered the possibility thateither of these agreements might have
imposed some restriction on the normal operation of the other during
the period for which they were both inforce." (Ibid.,p. 75; emphasis
added.)

89. In the Certain Norwegian Loans case, as we have already indicated
in paragraphs 62-65 of this opinion, France sought to found the jurisdic-
tion of the Court upon the optional clause declarations alone; and she
invoked the 1928Act, together with an Arbitration Convention of 1904
and Hague Convention No. II of 1907, for the purpose of establishing
that Norway was subject to an obligation to submit the matters in dispute
to arbitration. In that case, therefore, the issue of the relation between the
respective jurisdictional obligations of the Parties under the optional
clause and under treaties did not arise with reference to the Court's own
jurisdiction. It was raised, however, by France herself in the context of
the relation between the obligations of the Parties to accept compulsory
jurisdiction under the optional clause and their obligations compulsorily

to accept arbitration under the three treaties. Moreover, in this context
the temporal relation between the acceptances of jurisdiction under the
optional clause and under the treaties was the same as in the present case,
the three treaties al1 antedating the Parties' declarations under the
optional clause. In its observations on Norway's preliminary objections,
after referring to the General Act of 1928and the other two treaties, the
French Government invoked with every apparent approval the pro-
nouncement of the Permanent Court in the Electricity Company of Sofia
and Bulgaria case that:

"... the multiplicity of agreements concluded accepting the com-
pulsoryjurisdiction is evidence that the contracting Parties intended
to open up new ways of access to the Court rather than to close old
ways or to allow them to cancel each other out with the result that no
jurisdiction would remain".chacune d'elles,pour essayer d'établirla compétence de la Cour. La Cour
a fondésa décisionsur ce qui avait dû être,selon elle, l'intention des par-
tieslorsqu'elles avaient conclu ces engagements multiples:

((la multiplicité d'engagements conclus en faveur de la juridiction
obligatoire atteste chez les contractants la volonté d'ouvrirde nou-
velles voiesd'~1ccè.sla Cour plutôt que defermer les anciennes oude
les laisser se neutraliser mutuellementpour aboutirfinalement à l'in-
compétence))(,C.P.J.I. sérieAIB no 77, p. 76) (les italiques sont de
nous).

En outre, pour mieux faire ressortir cette intention des Parties, la Cour a
soulignéqu'elles avaient plaidé leur cause en fonction «des conditions
que prévoit indépendamment chacun des deux engagements ))et que:

«Le Gouvernement bulgare ou le Gouvernement belge n'ont à
aucun momerit envisagé qu'il ait pu y avoir quelque restriction ap-
portée, par l'un ou l'autre de ces engagements, à leurfonctionnement
normal respec,rifpendant le temps ou ils étaient en vigueur.» (Zbid.,
p. 75.) (Les italiques sont de nous.)

89. Dans l'affaire de Certains emprunts norvégiens, ainsi que nous
l'avons indiqué aux paragraphes 62 à 65 de la présenteopinion, la France
a cherché à fonder la compétencede la Cour uniquement sur les déclara-
tions faites au titre dela clause facultative et ellea invoquéctede 1928,
ainsi que la Convention d'arbitrage de 1904et la deuxièmeConvention de
La Haye de 1907,pour essayer de démontrer que la Norvège était tenue
de soumettre les cluestions en litigeà l'arbitrage. Dans cette affaire, la
question du rapport entre les obligations juridictionnelles des Parties
dérivées dela clau:sefacultative et de traités respectivement ne s'estdonc

pas posée à propcis de la compétence de la Cour. C'est la France elle-
mêmequi l'a soulevéeau sujet du rapport entre les obligationsdesParties
d'accepter la juridiction obligatoire conformément à la clause facultative
et leurs obligatioris de se soumettre à l'arbitrage découlant des trois
traités en cause dans I'affaire. De plus, la relation temporelle entre les
acceptations de la juridiction au titre de la clause facultative et au titre
des traités était la même qu'en la présente espècel,es trois traités étant
tous antérieurs aux déclarations faites par les Parties sur la base de la
clause facultative. Dans ses observations sur les exceptions préliminaires
de la Norvège, après s'êtreréféré à l'Acte généralde 1928 et aux deux
autres traités,leouvernement françaisa invoqué,en paraissant I'approu-

ver entièrement, le passage de l'arrêtrendu par la Cour permanente dans
l'affaire de laCowrpagnied'électricité deSojia et de Bulgarie ou la Cour
concliiait qrn:
cla multiplicité d'engagements conclusen faveur de la juridiction
obligatoire atteste chez les contractants la volonté d'ouvrir de nou-
velles voies d'accèsà la Cour plutôt que de fermer les anciennes ou

de les laisser se neutraliser mutuellement pour aboutir finalement à
l'incompétence».Again at the oral hearing of 14 May 1957,after referring specifically to
Article 17 of the 1928Act, the French Government said:

"Pour que, de cette multiplicité d'engagements d'arbitrage et de
juridiction, découle l'incompétencede la Cour, malgré la règle con-
traire de l'arrêt Compagnied'Electricité de Sofia, il faudrait que la
Cour estime qu'il n'y a aucun différend d'ordre juridique ..."
(I.C.J. Pleadings, Certain Norwegian Loans, Vol. II, at pp. 60-61 ;
emphasis added.)

And in its oral reply-this time in connection with Hague Convention
No. II of 1907-the French Government yet again reminded the Court of
that passage in the Judgment in the Electricity Company of Sofia and
Bulgaria case (ibid.,at p. 197).
90. The Court, in the Certain Norwegian Loans case, for the reasons
which have already been recailed, found it unnecessary to deal with this
question. Judge Basdevant, on the other hand, did refer to it and his
observations touch very directly the issue raised by the French Govern-

ment in the present case. Having pointed out that the French declaration
under the optional clause limited "the sphere of compulsory jurisdiction
more than did the General Act in relations between France and Norway",
Judge Basdevant observed :

"Now, it is clear that this unilateral Declaration by the French
Government could not modify, in this limitative sense, the law that
was then in force between France and Norway.
In a case in which it had been contended that not a unilateral
declaration but a treaty between two States had limited the scope as
between them of their previous declarations accepting compulsory
jurisdiction, the Permanent Court rejected this contention . . ."
(Z.C.J.Reports 1957, p. 75.)

He then quoted the passage from the Electricity Company of Sofia and
Bulgaria case about "multiplicity of agreements" and proceeded to apply
it to the Certain Norwegian Loans case as follows:

"A way of access to the Court was opened up by the accession of
the two Parties to the General Act of 1928.It could not be closed or
cancelled out by the restrictive clause which the French Govern-
ment, and not the Norwegian Government, added to its fresh
acceptance ofcompulsory jurisdiction stated initsDeclaration of 1949.
This restrictive clause, emanating from only one of them, does not
constitute the law as between France and Norway. The clause is not
suficient to set aside the juridical system existing between them on
this point. It cannot close the way of access to the Court that wasDe même, à l'audience du 14 mai 1957,le Gouvernement français s'est
expressémentréféré: à l'article 17de l'Acte de 1928et a déclaré:

((Pour que, de cette multiplicité d'engagementsd'arbitrage et de
juridiction, découle l'incompétencede la Cour, malgré la règle
contraire de l'arrêt Compagnie d'Electricitéde Sojîa, il faudrait que
la Cour estime qu'il n'y a aucun différend d'ordre juridique ..»
(C.I.J. Mémoires,Certains empruntsnorvégiens,vol. II, p. 61 .)(Les
italiques sont de nous.)

Lors du deuxième tour de plaidoiries - à propos cette fois de la
deuxièmeConvention de La Haye de 1907 - le Gouvernement français
a de nouveau rappr:lé à la Cour ce passage de l'arrêt rendudans l'affaire
de laCompagnied'tilectricitéde Sofiaet de Bulgarie(ibid.,vol. II,p. 197).
90. Dans l'affaire de Certains empruntsnorvégiens,la Cour, pour les
raisons que nous a.vonsdéjà rapportées, ajugé inutile d'examiner cette
question. M. Basdevant en a traitéquant à lui et les observations qu'il a
formulées à cepropos intéressenttrès directementleproblèmesoulevépar
le Gouvernement fiançais dans la présente espèce.Après avoir souligné
que la déclaration faite par la France conformément à la clause facul-

tative restreignait ({:ledomaine de lajuridiction obligatoire plus que ne le
faisait l'Acte généraldans les rapports entre la France et la Norvège)),
M. Basdevant a fait observer ce qui suit:
((Or il est manifeste que cette déclaration unilatéraledu Gouver-

nement français n'a pas pu modifier, dans ce sens restrictif, le droit
alors envigueur entre la France et la Norvège.
Dans une afraire où il avait été soutenuque non pas une déclara-
tion unilatéral'emais un traitéentre deux Etats avait limitéla portée
entre eux de leurs déclarations antérieures acceptant la juridiction
obligatoire,lar Cour permanente a rejeté ce moyen...)) (C.I.J.
Recueil 1957,p. 75.)

Il cite ensuite le passage de l'arrêten l'affaire de la Compagnie d'élec-
tricitéde Sofia et de Bulgarieoù il est question de la ((multiplicitéd'en-
gagements)) et l'applique à la situation telle qu'elle seprésentait en l'af-
faire de Certains emprunts norvégiensen formulant les observations
suivantes:

((Une voie d'accès à la Cour a été ouvertepar l'adhésiondes deux
Partiesà 1'Act:egénéralde 1928: ellene saurait êtreferméeou neu-
traliséepar la disposition restrictive que le Gouvernement français et
non le Gouvernement norvégiena ajoutée à son acceptation nou-
velle de la juridiction obligatoire énoncéedans sa déclaration de
1949. Cette dispositionrestrictive,émanant d'unseul, nefait pas droit
entre laFranceet la Norvège;elle ne sufit pas afaire échec au régime
juridique exist,antentre euxsur ce point;elle ne saurait fermer la voie
d'accès à la Cour antérieurement ouverte ni la neutraliser pour formerly open, or cancel it out with the result that no jurisdiction
would remain." (I.C.J. Reports 1957, pp. 75and 76;emphasis added.)
It is difficult to imagine a more forcible rejection of the thesis that a
unilateral declaration may modify the terms on which compulsory
jurisdiction has been accepted under an earlier treaty than that of Judge
Basdevant on the Certain Norwegian Loans case.

91. The issuedid arise directly with reference to the Court'sjurisdiction
in the Appeal Relating to the Jurisdiction of the ICAO Council case (I.C.J.
Reports 1972, p. 46), where India in her Application had founded the
jurisdiction of the Court on certain provisions of the Convention on
International Civil Aviation and of the International Air ServicesTransit
Agreement, together with Articles 36 and 37 of the Statute of the Court.
Pakistan, in addition to raising certain preliminary objections to jurisdic-
tion on the basis of provisions in the treaties themselves, had argued that
the Court must in any event hold itself to lack jurisdiction by reason of
the effect of one of India's reservations to her acceptance of compulsory
jurisdiction under the optional clause (ibid.p. 53, and I.C.J. Pleadings,
Appeal Relating to the Jurisdiction of the ICAO Council, p. 379).In short,
Pakistan had specifically advanced in that case the very argument now
put forward by the French Government in the Annex to its letter of
16May 1973.Furthermore, India's declaration containing the reservation
in question had been made subsequently to the conclusion of the two
treaties, so that the case was on al1 fours with the present case. The
Court, the Judgment shows, dealt with the treaties and the optional

clause declarations as two separate and wholly independent sources of
jurisdiction. Speaking, inter aliaof Pakistan's reliance on the reservation
in India's declaration, the Court observed :

"In any event, such matters would become material only if it
should appear that the Treaties and their jurisdictional clauses did
not suffice,and that the Court's jurisdiction must be sought outside
them, which, for reasons now to be stated, the Court does not find

to be the case." (I.C.J. Reports 1972, p. 53.)
Having then stated these reasons, which were that the Court rejected
Pakistan's preliminary objections relating to the jurisdictional clauses of
the Treaties and upheld its jurisdiction under those clauses, the Court
summarily disposed of the objection based on the reservation in India's
declaration :

"Since therefore the Court is invested withjurisdiction under those
clauses and, in consequence .. .under Article 36, paragraph 1, and
under Article 37, of its Statute, it becomes irrelevant to consider the
objections to other possible bases of jurisdiction." (Ibid., p. 60;
emphasis added.) aboutir à l'incompétence.» (Les italiques sont de nous; C.I.J.
Recueil 1957,p. 75-76.)
11est difficile de c:oncevoir un rejet plus catégorique de la thèse qui
voudrait qu'une dtzclaration unilatérale puisse modifier les conditions

dans lesquelles la juridiction obligatoire a été acceptée sur la base d'un
traité antérieur quecette prise de position de M. Basdevant dans l'affaire
de Certains emprunts norvégiens.
91. La question à l'examen s'est enfait poséedirectement à la Cour
à propos de sa corripétencedans l'affaire de l'Appel concernant la compé-
tence du Conseil de I'OACI (C.I.J. Recueil 1972, p. 46), où l'Inde avait,
dans sa requête,foridé lacompétence dela Cour sur certainesdispositions
de la Convention rizlativà l'aviation civile internationale et de l'Accord
relatif au transit des services aériens internationaux, ainsi que sur les
articles 36 et37 du Statut de la Cour. Le Pakistan ne s'étaitpas contenté
de soulever certaines exceptions préliminairesd'incompétence dela Cour
sur la base des dispositions des traités eux-mêmes;il avait aussi soutenu
que la Cour devait de toute façon se déclarrr incompétente étantdonné
l'effet d'une des réservesdont l'Inde avait assorti son acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour en vertu de la clause facultative (ibid.,
p. 53, et C.I.J.Mémoires, Appel concernant la compétencedu Conseil de
l'OACI, p. 379). En résumé,le Pakistan avait avancé dans cette affaire
précisément l'arguiment développépar le Gouvernement français dans
l'annexe à sa lettre du 16 mai 1973.Au surplus, la déclaration de l'Inde
contenant la réserveen question avait étéfaite après la conclusion des
deux traités, de sorte que cette affaire ressemblait trait pour trait à la
présente instance. Dans son arrêt,la Cour a considéréles traités et les
déclarations d'acceptation de la clause facultative comme deux sources
distinctes et totalement indépendantes de compétence.En ce qui concerne
notamment le fait que 1,ePakistan avait invoquéla réservefigurant dans la
déclaration indienrie, la Cour a dit:

En tout cas, pareils motifs ne présenteraient de la pertinence que
s'il s'avéraitue les Traitéset leurs clauses juridictionnelles sont in-
suffisants et que la source de la compétence de la Cour doit être
recherchée endehors d'eux, ce qui, d'après la Cour, n'est pas le cas
pour lesraisons qui vont êtreindiquées.»(C.I.J. Recueil 1972, p. 53.)

Ayant énoncéces raisons, qui étaient que la Cour rejetait les exceptions
préliminairesdu Pakistan visant les clausesjuridictionnelles des traités et
qu'elle s'estimait compétenteen vertu de ces clauses, la Cour a briève-
ment fait justice en cestermes de l'objection visant la réserveque compor-
tait la déclaration indienne:

((La Cour alyantdonc compétence en vertu de ces clauses et par
suite ...en vertu de l'article 36, paragraphe 1, et de l'article 37 de
son Statut, il est sans pertinence d'examiner les objections visant
d'autresfondements possibles de sa compétence. »(C.I.J. Recueil 1972,
p. 60). (Les itailiquessont de nous.)Thus the Court expressly held the reservation in India's subsequent dec-
laration under the optional clause to be of no relevancewhatever in deter-

mining the Court's jurisdiction under the earlier treaties.

Australia'sAlleged Breachof the 1928Act in 1939

92. Finally, one further argument put forward in the Annex to the
letter of 16May 1973for considering the 1928Act inapplicable between
France and Australia needs to be mentioned. In connection with another
contention of the French Government, we have already referred to the
notification addressed byAustralia to the Secretary-General of the League
of Nations four days after the outbreak of the Second World War to the
effect that she would not regard her accession to the Act as "covering or
relating to any dispute arising out of events occurring during present
crisis" (para. 27). The further argument now requiring Our attention is

that this notification was not in accord with the provision in Article 45
concerning modification of reservations; that Australia refrained from
regularizing her position with regard to this provision when it could have
done so in 1944; and that, although France never protested against the
supposed breach of the Act, the French Government is not bound to
respect a treaty which Australia herself has "ceased to respect since a
date now long past". We have already pointed out that Australia, as also
Canada, justified her notification of the new reservation on the basis of
the breakdown of collective security under the League and the resulting
fundamental change in the situation obtaining when she acceded to the
Act, and that if that justification was well founded, there was no pressing
need to "regularize" her position under the Act in 1944.Reference to the
historical context in which the Australian notification was made shows
also that this further argument lacks al1plausibility.

93. In February 1939 France, the United Kingdom, India and New
Zealand each notified the Secretary-General of their reservation'from
the 1928Act of "disputes arising out of any war in which they might be
engaged". These notifications were al1made expressly under Article 45
of the Act, and were accompanied by explanations referring to the with-

drawal of some Members of the League and the reinterpretation by others
of their collective security obligations. Having regard to the similarity of
the terms of the four notifications and the fact that they were deposited
almost simultaneously (on 14 and 15February 1939),it seemsevident that
the four States acted together. Similar action was not, however, taken by
either Australia or Canada with reference to the 1928Act at that date.cert. Ni l'Australie ni le Canada n'ont cependant pris de mesures sem-
blables, à cette date, au sujet de l'Acte de 1928.
Le 7 septembre 1939,quatre jours après le déclenchement des hostilités,
le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada ont
notifiépar lettre au Secrétairegénéralde la Société desNations qu'ils ne
considéraient pas que leur ((acceptation de la disposition facultative

s'applique à des différends qui pourraient résulter des événementssur-
venant au cours des hostilités actuelles)).Dans sa lettre, le Royaume-Uni
expliquait en détailque le système de sécuritécollective de la Société des
Nations s'étaitécrouléet que, de ce fait, les circonstances qui existaient
au moment où il avait accepté la clause facultative s'étaientfondamentale-
ment modifiées;on a en généralconsidéré queces explications reposaient,

à tort ou à raison, sur la doctrine du changement fondamental de cir-
constances. Le Gouvernement australien a expressément fait siennes les
explications du Gouvernement du Royaume-Uni, comme l'a fait aussi le
Gouvernement français lorsqu'il a déposésa notification d'une réserve
du mêmegenre tr,ois jours plus tard seulement. L'Afrique du Sud et

l'Inde ont suivi peu après. Là encore il paraît évidentque les notifications
de la France et des pays du Commonwealth correspondaient à une poli-
tique concertée au sujet des différends qui pourraient se produire entre
les alliéset les Etaits neutres. C'est conformément à cette politique con-
certée que, le jour mêmeoù elle envoyait sa notification au sujet de la
clause facultative, l'Australie a en mêmetemps fait part d'une réserve

analogue visant 1'A.ctegénéral. Cefaisant, elle s'est fondée expressément
sur les explications données par le Royaume-Uni dans sa notification
concernant la clause facultative à laquelle, comme on l'a vu, la France
s'était égalementassociée. De plus, si la notification de l'Australie con-
cernant l'Acte généraln'était pas conforme aux termes de l'article 45 de
cet Acte, la notific.ation française relative à la clause facultative n'était

pas non plus conforme aux termes de son acceptation de ladite clause,
qui devait rester en vigueur sans modification jusqu'au 25 août 1941. Par
suite, si la France était fondéeà invoquer un changement fondamental de
circonstances à l'égardde son acceptation de la clause facultative, 1'Aus-
tralie n'était pasmoins fondée à le faire à l'égardde son acceptation de
l'Acte de 1928.

Il suffit donc de replacer les événementsdans leur perspective histo-
rique pour faire justice de l'argument relatif à la prétendue violation de
l'Acte qu'aurait commise l'Australie. En irait-il autrement, d'ailleurs,
l'idéeque la France est à présent endroit d'invoquer la violation alléguée
pour considérer 1'A.ctecomme inapplicable dans ses rapports avec 1'Aus-
tralie, et cela pour la première fois après le passage de trente-cinq années,

cadrerait assez mal avec les règlesdu droit des traités (voir les articles 45
et 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). Conclusionson theQuestionof Jurisdiction

94. In Ourview, therefore, close examination of the various objections
to the Court's assuming jurisdiction on the basis of the General Act of
1928,which are developed in the French Government's letter and Annex
of 16May 1973,show them al1to be without any sound foundation. Nor
has Ourown examination of the matter, proprio motu, revealed any other
objection calling for consideration. We accordingly conclude that
Article 17of the 1928Act provides in itself a valid and sufficientbasis for
the Applicant to establish thejurisdiction of the Court in the present case.

95. It follows that, as was said by the Court in the Appeal Relatingto
the Jurisdiction of theA0 Councilcase, "it becomes irrelevant to con-
sider the objections to other possible bases of jurisdiction". We do not,
therefore, find it necessary to examine the alternative basis ofjurisdiction
invoked by the Applicant, i.e., the two declarations of the Parties under
the optional clause, or any problems which the reservations to those
declarations may raise.

PARTIII. THEREQUIREMEN OFSARTICLE 17 OF THE 1928ACT

AND THE ADMISSIBILIT OFYTHE APPLICATION

96. In our view, it is clear that there are no grounds on which the
Applicant's claim might be considered inadmissible. Theextent to which
any such proposed grounds are linked to the jurisdictional issue or are
considered apart from that issue will be developed in this part ofOur
opinion. At the outset we affirm that there is nothing in the concept of
admissibility which should have precluded the Applicant from being
given the opportunity of proceeding to the merits. This observation
applies, in particular, to the contention that the claim of the Applicant
reveals no legal dispute or, put differently, that the dispute is exclusively
of a political character andhus non-justiciable.

97. Under the terms of Article 17 of the 1928 Act, the jurisdiction

which it confers on the Court is over "al1 disputes with regard to which
the parties are in conflict as to their respective rights" (subject, of course,
to any reservations made under Article 39 of the Act). Article 17 goes
on to provide: "It is understood that the disputes referred to above
include in particular those mentioned in Article 36 of the Statute of the
Permanent Court ..." The disputes "mentioned in Article 36 of the Sta-
tute of the Permanent Court" are the four classes of legal disputes listed Conclusionssurla compétence

94. Nous estimons donc que si l'on examine attentivement les diverses
objections soulevéesdans la lettre avec annexe du Gouvernement français
en date du 16 mai ;1973pour contester la compétence de la Cour sur la
base de l'Actegénérad le 1928,on estamené àconstaterque cesobjections
ne reposent sur rien de solide. L'examen de la question auquel nous
avons nous-mêmes pris l'initiativede procéder ne nous a pas non plus

révélé I'existence d'autres objections dignes d'êtreétudiées.Nous con-
cluonsdoncque le dlernandeurpeut invoquer l'article 17de l'Actede 1928
comme fondement valable et suffisant de la compétencede la Cour en
l'espèce.
95. Il en découleque, comme la Cour l'a dit dans l'affaire de l'Appel
concernantla cornpktencedu Conseil de I'OACI, ((il est sans pertinence
d'examiner les objections visant d'autres fondements possibles de sa
compétence».Il nous parait donc inutile d'examiner l'autre fondement de
juridiction invoqué par le demandeur, à savoir lesdeux déclarationsfaites
par les Parties sur la base de la clause facultative, ou lesautres problèmes,
quels qu'ils soient,ue pourraient soulever les réservesaccompagnant ces

déclarations.

96. Il nous paraît évident qu'il n'existeaucun motif qui autoriseraià
considérerla demaindecomme irrecevable. Nous nous proposons d'exa-
miner dans cette pa:rtiede notre opinion dans quelle mesure les motifs qui
peuvent êtreinvoqiués serattachent à la question de la compétenceou

sont présentés à part. Nous affirmons dès le départ que le concept de
recevabilité ne coniporte aucun élémentqui soit de nature à priver le
requérant de la possibilité d'un examen au fond. Cette observation
s'applique, en particulier,à l'affirmation selon laquelle la demande ne
révèleI'existence d'aucun différendd'ordre juridique ou encore selon
laquelle il s'agit d'un différendde caractère exclusivement politique etpar
suite non justiciabl~:.
97. Aux termes de I'article 17de l'Acte de 1928,la juridiction conférée
à la Cour compreind ((tous différendsau sujet desquels les parties se
contesteraient réciproquement un droit)) (mis à part, évidemment,ceux
qui seraient réservésen vertu de I'article 39 de l'Acte). L'article 17pour-
suit: <il est entendu que les différends ci-dessusviséscomprennent no-

tamment ceux que mentionne I'article 36 du Statut de la Cour perma-
nente...)). Les diffkrends «que mentionne l'article 36 du Statut de la
Cour permanente )sont les quatre catégoriesde différendsd'ordre juri-in the optional clause of that Statute and of the present Statute. Moreover,
subject to one possible point which does not arise in the present
case 1,it is generallyaccepted that thesefour classesof "legal disputes" and
the earlier expression in Article 17 "al1disputes with regard to which the
parties are in conflict as to their respective rights" have to al1intents and
purposes the same scope. It follows that what is a dispute "with regard

to which the parties are in conflict as to their respective rights" will also
be a dispute which falls within one of the four categories of legal disputes
mentioned in the optional clause and vice versa.
98. In the present proceedings, Australia has described the subject of
the dispute in paragraphs 2-20 of her Application. Inter alia, she there
states that in aseriesof diplomatic Notes beginning in 1963sherepeatedly
voiced to the French Government her opposition to France's conduct of
atmospheric nuclear tests in the South Pacific region; and she identifies
the legal dispute as having taken shape in diplomatic Notes of 3 Sanuary,
7 February and 13February 1973which she annexed to her Application.
In the first of these three Notes, the Australian Government made clear
its opinion that the conducting of such tests would:

". .. be unlawful-particularly in so far as it involves modification
of the physical conditions of and over Australian territory ;pollution
of the atmosphereand of the resources of the seas; interference with
freedom of navigation both on the high seas and in the airspace
above; and infraction of legal norms concerning atmospheric testing

of nuclear weapons".
This opinion was challenged by the French Government in its reply of
7 February 1973, in which it expressed its conviction that "its nuclear
experiments have not violated any rule of international law" and con-
troverted Australia's legal contentions point by point. In a further Note

of 13 February, however, the Australian Government expressed its
disagreement with the French Government's views, repeated its opinion
that the conducting of the tests violates rules of international law, and
said it was clear that "in this regard there exists between Ourtwo Govern-
ments a substantial legal dispute". Then, after extensive observations on
the consequences of nuclear explosions, the growth of the awareness of
the danger of nuclear testing and of the particular aspects and specific
consequences of the French tests, Australia set out seriatim, in paragraph
49 of her Application, three separate categories of Australia's rights which
she contends have been, are, and will be violated by the French atmos-
pheric tests.

1 Cf. the differentopinions of Judges Badawi and Lauterpachtin the Certain Nor-
wegianbans caseon the question whethera disputeessentiallyconcerningthe applica-
tion of municipallawfalls withinthe classes of legal disputeslistedin Article 36 (2) of
the Statute; I.C.J. Reports 1957, at pp. 29-33 and36-38. 1:SSAISNUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 359

dique énuméréed sans la clause facultative de ce Statut et du Statut actuel.
De plus, sauf peut-être surun point qui n'intervient pas dans la présente
affaire 1,on admet généralementque la portée deces quatre catégoriesde
((différendsjuridiques ))est pratiquement identique à celle de la formule,
((tousdifférendsau sujet desquels lesparties secontesteraient réciproque-
ment un droit >)que:l'on trouve auparavant dans l'article 17. Par suite,

un différend ((au su~etduquel lesparties secontesteraient réciproquement
un droit ))appartient aussi à l'une desquatre catégoriesde différendsjuri-
diques mentionnéesdans la clause facultative et vice versa.
98. Dans la présenteinstance, l'Australie a précisé l'objetdu différend
aux paragraphes 2à 20 de sa requête, oùelledéclarenotamment que, dans
une sériede notes diplomatiques remises à partir de 1963,elle a maintes

fois fait connaître aruGouvernement français son opposition à la pour-
suite, par la France., d'essais nucléairesen atmosphère dans la régiondu
Pacifique Sud; le différendjuridique s'est concrétisé selonelle dans les
notes diplomatiques des 3janvier, 7 févrieret 13 février 1973 annexées
à sa requête. Dans la première de ces trois notes, le Gouvernement
australien indiquait. clairement qu'à son avis la poursuite des essais
serait:

((contraire au droit, d'autant qu'elle implique une modification des
conditions physiques sur le territoire australien et au-dessus de ce
territoire, la pollution de I'atmosphère et des ressources de la mer,

l'ingérencedans la libertéde navigation tant en haute mer que dans
l'espace aérien surjacent et une infraction aux normes juridiques
régissant les esisaisd'armes nucléairesdans I'atmosphère ».

Cette opinion a été contestéepar le Gouvernement français dans sa ré-
ponse du 7 février11973o , ù ce gouvernement se déclarait convaincu que
((ses expériences nucléairesn'ont violéaucune règle du droit interna-
tional ))et où il répliquait point par point aux thèsesjuridiques austra-
liennes. Dans une ;note ultérieure du 13 février,le Gouvernement aus-
tralien a expriméson désaccord avecles vues du Gouvernement français,

réaffirméque la poursuite des essais violait des règlesdu droit interna-
tional et déclaré qu'ilétaitclair (qu'à cet égardil existe entre nos deux
gouvernements un différend juridique important )).Puis, après avoir
évoquélonguement les conséquencesdes explosions nucléaireset la prise
de conscience croissante du danger qu'elles représentent, ainsi que cer-
tains aspects particuliers et conséquences spécifiques des essaisfrançais,

l'Australie énumérait,au paragraphe 49 de sa requête, troiscatégories
distinctes de droits australiens qui, selon elle, avaient été, étaient etse-
raient violéspar les essais français en atmosphère.

1 Voir les opinions divergentes de MM. Badawi et Lauterpacht dans l'affaire de
Certains emprunts n~rv~égiessr la question de savoirsi un différendqui porte essen-
tiellement sur l'application du droit internerentre dans les catégories de différends
juridiques énuméréesà l'article36, paragraphe2, du Statut; C.Z.J.Recueil 1957, p. 29
a 33 et 36 à 38. 99. Prima facie, it is difficult to imagine a dispute which in its subject-
matter and in its formulation is more clearly a "legal dispute" than the
one submitted to the Court in the Application. The French Government
itselfdoes not seem in the diplomatic exchanges to have challenged the
Australian Government's characterization of the dispute as a "sub-
stantial legal dispute", even although in the above-mentioned Note of
7 February 1973 it expressed a certain scepticism regarding the legal
considerations invoked by Australia. Moreover, neither in its letter of
16May 1973addressed to the Court nor in the Annex enclosed with that
letter did the French Government for a moment suggest that the dispute

is not a dispute "with regard to which the parties are in conflict as to
their respective rights" or that it is not a "legal dispute". Although in that
letter and Annex, the French Government advanced a whole series of
arguments for the purpose ofjustifying its contention that the jurisdiction
of the Court cannot be founded in the present case on the General Act of
1928,it did not question the character of the dispute as a "legal dispute"
for the purposes of Article 17of the Act.
100. In the Livre blanc sur les expériencesnucléaires published in June
1973, however, the French Government did take the stand that the dis-
pute is not a legal dispute. Chapter II, entitled "Questions juridiques"
concludes with a section on the question of the Court'sjurisdiction, the
final paragraph of which reads:

"La Cour n'estpas compétente,enfin, parce que l'affairequi luiest
soumise n'est pas fondamentalement un différendd'ordre juridique.
Elle se trouve, en fait et par divers biais, invitéeà prendre position
sur un problème purement politique et militaire. Ce n'est, selon le
Gouvernement français, ni son rôle ni sa vocation." (P. 23.)

This clearly is an assertion that the dispute is one concerned with mat-
ters other than legal and, therefore, not justiciable by the Court.

101. Complying with the Court's Order of 22June 1973,Australia sub-
mitted her observations on the questions of the jurisdiction of the Court
and the admissibility of the Application. Under the rubric of "jurisdic-
tion" she expressed her views, inter aliaon the question of the political or
legal nature of the dispute; and under the rubric of "admissibility" she
furnished further explanations of the three categories of rights which she
claims ,to be violated by France's conduct of nuclear atmospheric tests
in the South Pacificregion. These rights, as set out in paragraph 49 of the

Application and developed in her pleadings, may be broadly described as
follows :
(1) A right said to be possessed by every State, including Australia, to be
free from atmospheric nuclear weapon tests, conducted by any State,
in virtue of what Australia maintains is now a generally accepted rule
of customary international law prohibiting al1such tests. As support
for the alleged right, the Australian Government invoked a variety of 99. A première vue, il est difficiled'imaginer un litige constituant plus
clairement, par son objet et par sa formulation, un ((différendjuridique D,
que celui dont la Cour est saisie dans la requête.Le Gouvernement fran-
çais lui-même nesemble pas avoir contesté,au cours des échanges diplo-

matiques, la qualification de ((différendjuridique important » appliquée
en l'espècepar le Gouvernement australien, même si,dans la note sus-
mentionnéedu 7 février1973il a manifestéun certain scepticisme au sujet
des considérations "iuridiquesinvoquéespar l'Australie. De plus, ni dans
sa lettre du 16mai 1973 àla Cour, ni dans l'annexe à cette lettre, le Gou-
vernement français n'a aucunement laisséentendre que le différendn'était
pas un différend ((au sujet ...[duquel] les parties se contesteraient réci-
proquement un droit », ou qu'il n'étaitpas un ((différendjuridique )).Bien
que, dans cette letire et dans son annexe, le Gouvernement français ait
présentétoute une séried'arguments pour justifier son affirmation d'après
laquelle la compétence dela Cour ne saurait êtrefondéesur l'Actegénéral

de 1928dans la présenteaffaire, il n'a pas contestéque le différendait le
caractère d'un ((différendjuridique ))aux fins de l'article 17 de cet Acte.
100. Dans son Livre blancsur les expériencesnucléaires publiéen juin
1973, le Gouvernernent français adopte néanmoins le point de vue selon
lequel il ne s'agit pas d'un différendjuridique. Le chapitre II, intitulé
((Questionsjuridiques »,s'achèvesur une section relative à la compétence
de la Cour, dont leparagraphe final est ainsi rédigé:

La Cour n'est pas compétente, enfin, parce que l'affaire qui lui
est soumise n'est pas fondamentalement un différendd'ordre juri-
dique. Elle se trouve, en fait et par divers biais, invitée à prendre
position sur un problème purement politique et militaire. Ce n'est,
selon le Gouvernement français, ni son rôle ni sa vocation. ))(P. 23.)

Cela équivautclairement à affirmer que le différendporte sur des ques-
tions d'un domaine:autre que juridique et ne peut donc êtretranchépar
une décisionde la Cour.
101. Conformérrient à l'ordonnance du 22 juin 1973, l'Australie a
présentédes observations sur les questions de la compétence de la Cour
et de la recevabilitii de la requête. Sousla rubrique de la ((compétence ))
elle a exprimé son avis, notamment, sur la nature politique ou juridique

du différend ;et sous la rubrique de la ((recevabilit))ellea fourni d'autres
explications relatives aux trois catégories de droits qu'enfreint, d'après
elle, la poursuite d'essais nucléairesen atmosphère par la France dans la
régiondu Pacifique Sud. Ces droits, tels qu'ils ont été énoncéasu para-
graphe 49 de la requêteet exposés pluslonguement au cours de la procé-
dure, peuvent se définirgénéralementcomme suit:

1) Un droit que l'on dit appartenir à tout Etat, y compris l'Australie,
de ne pas êtreexposéaux essais d'armes nucléaires effectuésdans
l'atmosphère par un pays quelconque, en vertu de ce qui constitue
maintenant, affirme l'Australie, une règle généralement reconnuede
droit internatioinal coutumier interdisant tous les essais de ce genre.361 NUCLEAR TESTS (JOINT DISS. OP.)

considerations, including the development from 1955 onwards of a
public opinion strongly opposed to atmospheric tests, the conclusion
of the Moscow Test Ban Treaty in 1963,the fact that some 106States
have since become parties to that Treaty, diplomatic and other ex-
pressions of protests by numerous States in regard to atmospheric
tests, rejected resolutions of the General Assembly condemning such

tests as well as pronouncements of the Stockholm Conference on the
Human Environment, Articles 55 and 56 of the Charter, provisions
of the Universal Declaration of Human Rights and of the Interna-
tional Covenant on Economic, Social and Cultural Rights and other
pronouncements on human rights in relation to the environment.

(2) A right, said to be inherent in Australia's own territorial sovereignty,
to be free from the deposit on het territory and dispersion in her air
space, without her consent, of radio-active fall-out from the French
nuclear tests. The mere fact of the tresDass of the fall-out. the harmful
effects which flow from such fall-out and the impairment of her in-

dependent right to determine what acts shall take place within her
territory (which she terms her "decisional sovereignty") al1constitute,
she maintains, violations of this right. As support for this alleged
right, the Australian Government invoked a variety of legal material,
including pronouncements of this Court in the Corfu Channel case
(I.C.J. Reports 1949,at pp. 22 and 35), of Mr. Huber in the Island of

Palmas Arbitration (UNRIAA, Vol. II,p. 839) and of the Permanent
Court of International Justice in the Customs Union case (P.C.I.J.,
Series AIB, No. 41, at p. 39), the General Assembly's Declaration on
Principles of International Law concerning Friendly Relations and
Co-operation, the Charter of the Organization of African Unity, and
Declarations of the General Assembly and of Unesco regarding

satellite broadcasting, and opinions of writers.

(3) A right, said to be derived from the character of the high seas as res
communisand to be possessed by Australia in common with al1other
maritime States, to have the freedoms of the high seas respected by

France; and, in particular, to require her to refrain from (a) inter-
ference with the ships and aircraft of other States on the high seas
and in the superjacent air space, and (b) the pollution of the high seas
by radio-active fall-out. As support for this alleged right, the Aus-
tralian Government referred to Articles 2 and 25 of the Geneva
Convention of 1953on the High Seas, the commentaries of the Inter-

national Law Commission on the corresponding provisions of its
draft Articles on the Law of the Sea and to other legal material, in-
cluding the records of the debates in the InternationalLaw Commis- I3SSAISNUCLÉAIRES (OP. DISS.COM.) 361

A l'appui du droit dont il allègue l'existence, le Gouvernement aus-
tralien invoque diverses considérations, y compris la formation, à
partir de 1955, d'une opinion publique très hostile aux essais en at-
mosphère, la conclusion du traité de Moscou sur l'interdiction des

essais en 1963, le fait que cent six Etats environ sont depuis lors
devenus parties à ce traité, les protestations diplomatiques et autres
élevéespar de n.ombreux Etats contre les essais en atmosphère, les
résolutions de l'Assembléegénéralecondamnant ces essais, ainsi que
les déclarations faites à la Conférence de Stockholm sur I'environne-
ment humain, les articles 55 et 56 de la Charte, les dispositions de la

Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que plusieurs
autres déclaraticins relatives aux droits de l'homme dans leurs ran-
ports avec l'environnement.
2) Un droit de I'Aiustralie, qui serait un attribut inhérent de sa souve-
raineté territoriale, de ne pas êtreexposée, sans y avoir consenti, au
dépôt sur son territoire et à la dispersion dans son espace aérien de

retombées radioactives provenant des essais nucléaires français. Le
simple fait de l'intrusion des retombées, les effets nocifs qui les
accompagnent et l'atteinte au droit que l'Australie possède de décider
en toute indépendance des actes qui auront lieu sur son territoire (ce
(qu'elle appelle son ((pouvoir souverain de décision D),tout cela, af-
firme-t-elle, constitue autant de violations de ce droit. A l'appui du

droit dont il alilègue ainsi I'existence, le Gouvernement australien
invoque toute une sériede documents juridiques, y compris des décla-
rations de la Cclur dans l'affaire du Détroit de Corfou(C.I.J. Recueil
1949, p. 22 et 358),de Max Huber dans l'Arbitrage de l'île de Palmas
(Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. II, p. 839)
et de la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire

du Régime douanierentre I'Allemange et I'Autriclle (C.P.J.I. sérieA/B
no 41, p. 39), la déclaration de l'Assembléegénéralerelative aux prin-
cipes du droit international touchant les relations amicales et la coopé-
ration, la Charte de l'unité africaine, plusieurs déclarations de l'As-
sembléegénéraleet de l'Unesco relatives à la radiodiffusion par satel-
lite, ainsi que diverses opinions doctrinales.

3) Un droit, qui decoulerait du caractère de res cornmunisde la haute
mer et appartiendrait à l'Australie en commun avec tous les autres
Etats maritimes, à ce que la France respecte la liberté de la haute mer;
et en particulier, le droit d'exiger qu'elle s'abstienne a) de gêner les
navires et les aéronefs en haute mer et dans l'espace aérien surjacent
et b) de causer 1;pollution de la haute mer par des retombées radio-
actives. A l'appui du droit dont ilallègue ainsi I'existence, le Gouver-

nement australien cite les articles2 et 25 de la Convention de Genève
de 1958sur la haute mer, les commentaires de la Commission du droit
international relatifs aux dispositions correspondantes de ses projets
d'articles sur le (droit de la mer et plusieurs autres textes juridiques,
dont des comptes rendus des débats de la Commission du droit inter- sion, passages in this Court's Judgment in the Anglo-Norwegian
Fisheries case, various declarations and treaty provisions relating to
marine pollution, and opinions of writers.

In response to a question put by a Member of the Court, the Australian

Government also furnished certain explanations regarding (i) the dis-
tinction which it draws between the transmission of chemical or other
matter from one State's territory to that of another as a result of a normal
and natural use of the former's territory and one which does not result
from a normal and natural use; and (ii)the relevance orotherwise of harm
or potential harm as an element in the legal cause of action in such

cases.
102. In regard to each of the above-mentioned categories of legal rights,
Australia maintained that there is a correlative legal obligation resting
upon France, the breach of which would involve the latter in international
responsibility towards Australia. In addition, she developed a general
argument by which she sought to engage the international responsibility
of France on the basis of the doctrine of "abuse of rights" in the event

that France should be considered as, in principle, invested with a right to
carry out atmospheric nuclear tests. In this connection, she referred to a
dictum of Judge Alvarez in the Anglo-Iranian Oil Co. case, the Report of
the Asian-African Legal Consultative Committee in 1964on the Legality
of Nuclear Tests, Article 74 of the Charter, the opinions of certain jurists
and other legal materials.

103. Under the rubric of "admissibility", Australia also presented her
views on the question, mentioned in paragraph 23 of the Order of 22 June
1973, of her "legal interest" in respect of the claims put forward in her
Application. She commented, in particular, on the question whether, in
the case of a right possessed by the international community as a whole,
an individual State, independently of material damage to itself, is entitled

to seek the respect of that right by another State. She maintained in
regard to certain categories of obligations owed erga omnes that every
State niay have a legal interest in their performance, citing certain
pronouncements of the Permanent Court and of this Court and more
especially the pronouncement of this Court on the matter in the Barcelona
TractionLight andPower Company case(Secondphase, I.C.J. Reports 1970,
at p. 32).With regard to theright said to be inherent inAustralia's own terri-

torial sovereignty, she considered it obvious that a State possesses a legal
interest "in the protection ofits territory from any form of external harmful
action as well as in the defence of the well-being of its population and in
the protection of national integrity and independence". With regard to
the right said to be derived from the character of the high seas as res
communis, Australia maintained that "every State has a legal interest in
safeguarding the respect by other States of the freedom of the seas",

that the practice of States demonstrates the irrelevance of the possession
of a specific material interest on the part of the individual State, and that
this general legal interest of al1States in safeguarding the freedom of the

113 national, des passages de l'arrêt rendupar la Cour dans l'affaire des
Pêcheries, di ver sidéclarations et dispositions conventionnelles rela-
tivesà la pollution maritime, ainsi que des opinions doctrinales.

En réponse àune qu.estionposéepar un membre de la Cour, le Gouverne-
ment australien a a.ussidonné des éclaircissementssur i) la distinction
qu'il établit entre la propagation de substances chimiques ou autres du

territoire d'un Etat à celui d'un autrepar l'effetd'une utilisation normale
et naturelle du prernier et celle qui ne résulte pas d'une utilisation nor-
male et naturelle; iii)la question de savoir s'il y a lieu d'établir un pré-
judice ou d'alléguerun préjudiceéventuelpour être fondé à agir dans des
affaires de ce genre.
102. Pour chacuniedes catégories de droits indiquéesci-dessus, 1'Aus-
tralie affirme qu'il existe,à la charge de la France, une obligation juri-
dique corrélative, dont la violation engagerait la responsabilité interna-

tionale de cet Etat vis-à-vis d'elle. De plus, elle a développéune argumen-
tation généralepar laquelle elle s'efforced'établirla responsabilité inter-
nationale de la France en faisant appel à la doctrine de ((l'abus de droit)),
pour le cas où la France serait considéréecomme ayant en principe le
droit d'effectuer des essais nucléairesdans l'atmosphère. Elle mentionne à
cet,égardune déclarationde M. Alvarez dans l'affaire de 1'Anglo-Iranian
Oil Co., lerapport du Comitéjuridique consultatif afro-asiatique sur la

légalité des essaisniicléairesen 1964,l'article 74de la Charte, les opinions
de certains juristest:t d'autres documents juridiques.
103. Sous la rubrique ((recevabilité D,l'Australie a aussi exposé ses
vues sur la question viséeau paragraphe 23 de l'ordonnance du 22 juin
1973, de son ((intérêjturidique ))par rapport aux demandes formulées
dans sa requête.Elle a traité enparticulier la question de savoir si, quand
il s'agit d'un droit appartenant à la communauté internationale dans son
ensemble, un Etat agissant individuellement est fondé à prétendre faire

respecter ce droit par un autre Etat indépendamment de tout préjudice
qu'il aurait subi lui-même.L'Australie affirme que tout Etat peut avoir
un intérêjturidique à obtenir le respect de certaines catégories d'obli-
gations erga omnes et elle cite certaines déclarations de la Cour perma-
nente et de la Cour actuelle, plus particulièrement le prononcéde la Cour
actuelle en l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (deuxièmephase, C.I.J. Recueil 1970, p. 32). En ce qui concerne le
droit qui serait un élémentinhérent desa souveraineté territoriale, illui

paraît évident qu'un Etat possède un intérêt juridique ((à ce que son
territoire soit protkgé contre tout acte extérieur nuisible, quelle qu'en
soit la forme, à ce que le bien-êtrede sa population soit défendu et à ce
que son intégrité el. son indépendance nationales soient sauvegardées )).
Pour ce qui est du droit qui résulteraitdu caractère de res communis de la
haute mer, 1'Austra.liesoutient que ((tous les Etats possèdent un intérêt
juridique propre à la sauvegarde de la liberté de la haute mer 11,que la
pratique des Etats rnontre que 1'Etatintéressén'a pas besoin de posséder

à titre individuel un intérêt concretdéterminéet que cet intérêtjuridique
113seas has received express recognition in connection with nuclear tests.
As supportfor the above proposition she cited a variety of legal material.

104. In giving this very summaryaccount of the legalcontentions of the
Australian Government, we are not to be taken to express any view as to

whether any of them are well or il1 founded. We give it for the sole
purpose of indicating the context in which Article 17of the 1928Act has
to be applied and the admissibility of Australia's Application determined.
Before we draw any conclusions, however, from that account of Aus-
tralia's legal contentions, we must also indicate our understanding of the
principles which should govern our determination of these matters at the

present stage of the proceedings.

105. Thematters raised by the issues of "legal or political dispute" and
"legal interest", although intrinsically matters of admissibility, are at the
same time matters which, under the terms of Article 17 of the 1928Act,
also go to the Court's jurisdiction in the present case.Accordingly, it would
be pointless for us to characterize any particular issue as one of juris-

diction or of admissibility, more especially as the practice neither of the
Permanent Court nor of this Court supports the drawing of a sharp
distinction between preliminary objections to jurisdiction and admissi-
bility. In the Court's practice the emphasis has been laid on the essentially
preliminary or non-preliminary character of the particular objection
rather than on its classification as a matter of jurisdiction or admissibility

(cf. Art. 62 of the Rules of the Permanent Court, Art. 62 of the old Rules
of this Court and Art. 67 of the new Rules). This is because, owing to the
consensual nature of the jurisdiction of an international tribunal, an ob-
jection to jurisdiction no less than an objection to admissibility may in-
volve matters which relate to the merits; and then the critical question is
whether the objection can or cannot properly be decided in the prelim-
inary proceedings without pleadings affording the parties the oppor-

tunity to plead to the merits. The answer to this question necessarily
depends on whether the bbjection is genuinely of a preliminary character
or whether it is too closely linked to the merits to be susceptible of a just
decision without first having pleadings on the merits. So it is that, in
specifying the task of the Court when disposing of preliminary objections,
Article 67, paragraph 7, of the Rules expressly provides, as one possi-

bility, that the Court should "declare that the objection does not possess,
in the circumstances of the case, an exclusively preliminary character".
These principles clearly apply in the present case even glthough, owing to
the absence of France from the proceedings, the issues of jurisdictiongénéralde tous à la sauvegarde de la libertédes mers est expressément
reconnu dans le dornaine des essais nucléaires. A l'appui de sa démons-
tration, l'Australie cite des textesjuridiques divers.

104. Nous avons résumé ainsi très brièvemenltes thèsesjuridiques du
Gouvernement australien, mais nous ne voudrions pas que l'on en con-
clue que nous exprimons un avis quelconque sur le bien ou le mal-fondé
de telle ou telle de ces thèses. Nous donnons ce résumé à seule fin de
montrer le contexte de l'application de l'article 17 de l'Acte de 1928 et

d'une décision sur la recevabilité de la requêteaustralienne. Avant de
tirer une conclusion quelconque de cet aperçu des thèsesjuridiques aus-
traliennes, cependant, ilnous incombe d'indiquer aussi comment nous
concevons les principes d'après lesquels ces questions devraient être
appréciéesau stade actuel de la procédure.

105. Bien qu'intr:insèquement liées à la recevabilité, les questions de
savoir s'il existe uni ((différendjuridique ou politique)) et un ((intérêt
juridique ))touchent en même temps,en vertu de l'article 17de l'Acte de
1928,à la compétence de la Cour en la présente affaire.Par conséquent,
il est inutile que nous précisions à ce propos que tel point a trait à la
compétence et tel autre à la recevabilité,d'autant que ni la pratique de la
Cour permanente ni celle de la Cour actuelle ne tend à établir dedistinc-
tion tranchée entre les exceptions préliminaires d'incompétence etcelles
d'irrecevabilité:l'accent est mis plutôt sur lecaractèreessentiellement pré-
liminaire ou non prilliminaire de I'exception considéréeque sur son clas-

sement parmi les exceptions d'incompétenceou les exceptions d'irreceva-
bilité (cf.art. 62 du Règlementde la Cour permanente, art. 62 de l'ancien
Règlementde la Cour actuelle et art. 67du nouveau Règlement). En effet,
étantdonné la nature consensuelle de la compétenced'un tribunal inter-
national, une exception d'incompétence tout comme une exception
d'irrecevabilité peut. soulever des questions intéressant le fond; ce qui
importe alors, c'estde savoir si la Cour peut ou non se prononcer valable-
ment sur l'exception au cours de la procédure préliminaire sans donner
aux parties la possibilité de présenter leursconclusions sur le fond. La
réponse à cette question varie nécessairement selon que l'exception a
vraiment un caractère préliminaireou qu'elle est trop étroitement liéeau

fond pour pouvoir faire l'objet d'une juste décisionsans que les parties
aient d'abord exposCleurs moyens sur lefond. C'est pourquoi l'article 67,
paragraphe 7, du Règlement, lorsqu'il indique comment la Cour doit
statuer sur une exception préliminaire, prévoit expressémentla possi-
bilitéque la Cour ((déclareque cette exception n'a pas dans les circons-
tances de l'espèceun caractère exclusivement préliminaire )).Ces prin-
cipes sont manifestement applicables dans la présenteespèce même sid , uand admissibility now before the Court have not been raised in the form
of objections stricto sensu.

106. The French Government's assertion that the dispute is not fun-
damentally of a legal character and concernsa purely political and military
question is, in essence, a contention that it is not a dispute in which the
Parties are in conflict as to their legal rights; or that it not fa11within
the categories of legal disputes mentioned in Article 36 (2) of the Statute.
Or, again, the assertion may be viewed as a contention that international
law imposes no legal obligations upon France in regard to the matters in
dispute which, therefore, are to be considered as matters left by inter-
national law exclusivelywithin her national jurisdiction; or, more simply,
as a contention that France's nuclear experiments do not violate any
existing rule of international law, as the point was put by the French
Government in its diplomatic Note to the Australian Government of
7 February 1973.Yet, however the contention is framed, it is manifestly

and directly related to the legal merits of the Applicant's case. Indeed, in
whatever way it is framed, such a contention, as was said of similar pleas
by the Permanent Court in the Electricity Companyof Soja and Bulgaria
case, "forms a part of the actual merits of the dispute" and "amounts not
only to encroaching on the merits, but to coming to a decision in regard
to one of the fundamental factors of the case" (P.C.I.J.,Series AIB, No.
77, at pp. 78 and 82-83).In principle, therefore, such a contention cannot
be considered as raising a truly preliminary question.

107. We Say "in principle" because we recognize that, if an applicant
were to dress up as a legal claim a case which to any informed legal mind
could not be said to have any rational, that is, reasonably arguable, legal
basis, an objection contesting the legal character of the dispute might be
susceptible of decision in limine as a preliminary question. This means
that in the preliminary phase of proceedings, the Court may have to
make a summary survey of the merits to the extent necessary to satisfy

itself that the case discloses claims that are reasonably arguable or issues
that are reasonably contestable; in other words, that these claims or
issues are rationally grounded on one or more principles of law, the
application of which may resolve the dispute. The essence of this pre-
liminary survey of the merits is that the question of jurisdiction or ad-
missibility under consideration is to be determined not on the basis of
whether the applicant's claim is right but exclusivelyon the basis whether
it discloses a right to have the claim adjudicated. An indication of the
merits of the applicant's case may be necessary to disclose the rational
and arguable character of the claim. But neither such a preliminary
indication of the merits nor any finding of jurisdiction or admissibility
made upon it may be taken to prejudge the merits. It is for this reason
that, in investigating the merits for the purpose of deciding preliminary
issues, the Court has always been careful to draw the line at the pointfait que la France est absente de la procédure, les problèmes de compé-
tence et de recevabilitéqui seposentà laCour n'ont pas étésoulevéssous
la forme d'exceptions au sens strict.
106. L'affirmation faite par le Gouvernement français que le différend
n'est pas fondamentalement de nature juridique mais porte sur une
question d'ordre purement politique et militaire revient à soutenir, en
substance, que ce n'est pas un différenddans lequel les Parties se contes-
tent réciproquement un droit, ou encore qu'il n'entre pas dans les caté-
gories de différendsd'ordre juridique viséesau paragraphe2de l'article 36
du Statut. On peut aussi voir dans cette affirmation la thèseque le droit

international n'impose à la France aucune obligation juridique touchant
les questions en litige, qui doivent donc êtreconsidéréescomme laissées
par ce droit à sa compétence nationale exclusive, ou bien, plus simple-
ment, la thèse que les expériences nucléairesde la France ne violent
aucune règlede droit international existante, comme l'a dit le Gouverne-
ment français dans ijanote diplomatique du 7 février1973au Gouverne-
ment australien. Mais de quelque manière qu'on la formule, cette thèse
est manifestement eitdirectement liéeau point de savoir si les prétentions
du demandeur sont juridiquement fondées. Quellequ'en soit la forme,
et comme l'a dit la Cour permanente à propos de moyens analogues dans
l'affaire de laompagnie d'électricité deSofia et de Bulgarie, cette thèse
((forme une partie clufond mêmedu différend» et revient à ((non seule-
ment toucher au fond du différend,mais prendre position à l'égardde l'un
de ses élémentsessi:ntiels» (C.P.J.I. série A/B no 77, p. 78 et 82-83).

Pareille thèse nepeuitdonc, en principe, êtreconsidéréecomme soulevant
une question véritablement préliminaire.
107. Nous avons dit ((en principe »parce que nous reconnaissons que,
si un demandeur essayait de faire passer pour juridique une prétention
dont aucun juriste éclairéne pourrait admettre qu'elle repose sur la
moindre base juridique rationnelle, c'est-à-dire raisonnablement soute-
nable, il serait alors possible de trancherin limine, àtitre de question
préliminaire, une er,ception contestant la nature juridique du différend.
Cela signifieque, pendant la phase préliminaire de la procédure, la Cour
peut avoir à se livreà un examen sommaire du fond du différenddans la
mesure où cela lui est nécessairepour s'assurer que l'affaire fait appa:
raître des prétentions raisonnablement soutenables ou des questions
pouvant raisonnablement prêter à contestation, autrement dit des pré-
tentions ou des coniestations qui sont fondées rationnellement sur unOU

plusieurs principes de droit dont l'application peut permettre de régler
le différend. L'essentiel,en ce qui concerne cet examen préliminaire du
fond, est qu'il faudra trancher la question de la compétence ou de la
recevabilitéqui est en cause en considérant non pas si la prétention du
demandeur est fondée maisexclusivement si elle fait apparaître un droit
à soumEttre cette demande à la décisionde la Cour. Celle-ci peut être
amenée à donner une certaine indication du fond de la demande afin de
montrer que celle-ci est rationnelle et soutenable. Mais ni une telle indi-
cation préliminaire ni aucune conclusion sur la compétenceou la receva-where the investigation rnay begin to encroach upon the decision of the

merits. This applies to disputed questions of law no less than to disputed
questions of fact; the maximjura novit curia does not mean that the Court
rnay adjudicate on points of law in a case without hearing the legal
arguments of the parties.

108. The precise test to be applied rnay not be easy to state in a single
combination of words. But the consistent jurisprudence of the Permanent
Court and of this Court seems to us clearly to show that, the moment a
preliminary survey of the merits indicates that issues raised in preliminary
proceedings cannot be determined without encroaching upon and pre-
judging the merits, they are not issues which rnay be decided without

first having pleadings on the merits (cf. Nationality Decrees Issued in
Tunis and Morocco, Advisory Opinion, P.C.I.J., Series B, No. 4; Riglzt of
Passage over Indian Territory case, I.C.J. Reports 1957, at pp. 133-134;
the Interhandel case, I.C.J. Reports 1959, pp. 23-25). We take as our
general guide the observations of this Court in the Interhandel case when
rejecting a plea of domestic jurisdiction which had been raised as a pre-

liminary objection :

"In order to determine whether the examination of the grounds

thus invoked is excluded from the jurisdiction of the Court for the
reason alleged by the United States, the Court will base itself on the
course followed by the Permanent Court of International Justice in
its Advisory Opinion concerning Nationality DecreesIssued in Tunis
and Morocco (Series B, No. 4), when dealing with a similar diver-
gence of view. Accordingly, the Court does not, at the present stage

of the proceedings, intend to assess the validity of the grounds
invoked by the Swiss Government or to give an opinion on their
interpretation, since that would be to enter upon the merits of the
dispute. The Court will confine itself to considering wlletller tlle
grounds invoked bj, tlle Swiss Goi'ernment are suc11as to ,justify tlle
pro\-isional conclusion tllat tlley rnay be of relevance in this caseand

ifso, u~lietl7erquestions relating to the validi~y and interpretation of
thosegrounds are questions of international law." (Emphasis added.)
In the InterIlandel case, after a sumnlary consideration of the grounds

invoked by Switzerland, the Court concluded that they both involved
questions of international law and therefore declined to entertain the
preliminary objection.
109. The summary account which we have given above of the grounds
invoked by Australia in support of her claims appears to us amply
sufficient, in the language of the Court in the Inrerllandel case, "to justify

the provisional conclusion that they rnay be of relevance in this case" and
that "questions relating to the validity and interpretation of those groundsbilité ne saurait préjuger le fond de l'affaire. C'est pourquoi la Cour,
lorsqu'elle a eu à e:xaminer le fond pour se prononcer sur des questions
préliminaires, a toujours veilléà ce que cet examen n'empiète pas sur sa
décision touchant le fond. Cette remarque vaut aussi bien lorsque les
points litigieux sont des points de droit que lorsqu'il s'agit de points de

fait; la maximejura novit curia ne signifie pas que la Cour puisse, dans une
affaire, se prononcer sur des points de droit sansentendre les moyens des
parties.
108. 11n'est sans doute pas facile de définirpar une formule simple le
critère précis qui doit s'appliquer. Mais il ressort clairement, nous
semble-t-il, de la jurisprudence constante de la Cour permanente comme

de la Cour actuelle que, dèslors qu'on ne peut se prononcer sur des points
soulevésau cours d'une procédure préliminaire sans aborder et préjuger
le fond, ces points ne doivent pas être tranchés sans queles parties aient
d'abord présentéleurs conclusions sur le fond (cf. Décrets denationalité
promulguésen Tunisie et au Maroc, avis consultat$ C.P.J.I. sérieB no 4;

affaire du Droit de passage sur le territoire indien, C.I.J. Recueil 1957,
p. 133-134; affaire de l'lnterliandel, C.I.J. Recueil 1959, p. 23-25). Nous
pouvons nous guider, d'une manière générale,sur les observations qu'a
formulées la Cour actuelle dans l'affaire de l'Interl7andel en rejetant le
moyen de la compétence nationale qui avait étéinvoqué à titre d'excep-

tion préliminaire:
((Pour déterminer si l'examen des titres ainsi invoqués échappe à

la compétence de la Cour pour le motif alléguépar les Etats-Unis,
la Cour s'inspirera de ce qu'a fait la Cour permanente de Justice
internationale en présenced'une contestation analogue dans son avis
consultatif sur les Décretsde nationalité promulguésen Tunisie et au
Maroc (sérieE; no 4). En conséquence, la Cour n'entend pas, en la
présente phase de la procédure, apprécier la validité des titres in-

voqués par le Gouvernement suisse ni se prononcer sur leur inter-
prétation, ce qui serait aborder le fond du différend.Elle se bornera à
rechercher si les titres invoquéspar le Gouvernementsuissepermettent
la conclusion provisoire qu'ils peuvent être pertinents en l'espèce et,
dans ce cas, à rechercher si les questions relatives à la ilalidité ea

l'interprétation de cestitres sont des questions de droit internationa)>
(Les italiques sont de nous.)

Dans l'affaire de l'Inter/zandel, après avoir examiné sommairement les
titres invoqués par la Suisse, la Cour a conclu qu'ils mettaient l'un et
l'autre en jeu des qilestions de droit international et a donrejeté l'excep-
tion préliminaire.
109. L'analyse sommaire que nous avons faite ci-dessus des titres

invoqués par l'Australie à l'appui de ses prétentions nous parait ample-
ment suffisante pourjustifier, selon les termes utilisés par la Cour dans
l'affaire de I'lnterhandel, ((la conclusion provisoire qu'ils peuvent être
pertinents en I'espéce ))et que cles questions relatives à la validité et àare questions of international law". It is not for us "to assess the validity

ofthose grounds" at the present stage of the proceedings since that would
be to "enter upon the merits of the dispute". But Our summary exami-
nation of them satisfies us that they cannot fairly be regarded as frivolous
or vexatious or as a mere attorney's mantle artfully displayed to cover an
essentially political dispute. On the contrary, the claims submitted to the
Court in the present case and the legal contentions advanced in support
of them appear to us to be based on rational and reasonably arguable

grounds. Those claims and legal contentions are rejected by the French
Government on legal grounds. In our view, these circumstances in them-
selves suffice to qualify the present dispute as a "dispute in regard to
which the parties are in conflict as to their legal rights" and as a "legal
dispute" within the meaning of Article 17 of the 1928Act.

110. The conclusion just stated conforms to what we believe to be the
accepted view of the distinction between disputes as to rights and disputes
asto so-called conflicts of interests. According to that view, a dispute is
political, and therefore non-justiciable, where the claim is demonstrably
rested on other than legal considerations, e.g., on political, economic or

military considerations. In such disputes one, at least, of the parties is not
content to demand its legal rights, but asks for the satisfaction of some
interest of its own even although this may require a change in the legal
situation existing between them. In the present case, however, the Appli-
cant invokes legal rights and does not merely pursue its political interest;
it expressly asks the Court to determine and apply what it contends are

existing rules of international law. In short, it asks for the settlement of
the dispute "on the basis of respect for law", which is the very hall-mark
of a request for judicial, not political settlement of an international
dispute (cf. Interpretation of Article 3, paragrapli 2, qf the Treaty of
Lausanne, P.C.I.J., Series B, No. 12, p. 26).France also, in contesting the
Applicant's claims, is not merely invoking its vital political or military
interests but is alleging that the rules of international law invoked by the

Applicant do not exist or do not warrant the import given to them by the
Applicant. The attitudes of the Parties with reference to the dispute,
therefore, appear to us to show conclusively its character as a "legal" and
justiciable dispute.

111. This conclusion cannot, in our view, be affected by any suggestion
or supposition that, in bringing the case to the Court, the Applicant may
have been activated by political motives or considerations. Few indeed
would be the cases justiciable before the Court if a legal dispute were to
be regarded as deprived of its legal character by reason of one or both
parties being also influenced by political considerations. Neither in con-

tentious cases nor in requests for advisory opinions has the Permanent ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 366

l'interprétation de ces titres sont des questions de droit international ». Il
ne nous appartient pas d'ccapprécier la validité [deces] titres )) au stade
actuel de la procédurecar ce serait ((aborder le fond du différendn.Mais

l'examen sommaire que nous en avons fait nous a convaincus qu'ils ne
sauraient équitablement être considéréscomme futiles ou vexatoires, ni
simplement comme le manteau que desjuristes auraient jetéavec art sur un
différendde nature essentiellement politique. Au contraire, les demandes
présentéesà la Cour dans la présente instance et les moyens juridiques

avancés nous semblent être fondéssur des motifs rationnels et raison-
nablement soutenables. Ces demandes et moyens juridiques sont rejetés
par le Gouvernement français sur la base de motifs juridiques. Ces
circonstances sont en soi suffisantes, à notre avis, pour qu'on puisse
qualifier le présent différend de ((différendau sujet duquel les parties se

contestent réciproquement un droit ))et de ((différendd'ordre juridique ))
au sens de l'article 17de l'Acte de 1928.
110. La conclusion qui vient d'être énoncée esctonforme à ce que
nous croyons être la conception admise de la distinction entre les diffé-
rends relatifs à des droits et les différends relatifs à ce qu'on appelle des

conflits d'intérêts. Selon cetteconception, un différend est politique, et
par conséquent non justiciable lorsqu'on peut démontrer que la préten-
tion élevéerepose sur des considérations autres que juridiques, par
exemple sur des considérations d'ordre politique, économique ou mili-
taire. Dans un tel différend, l'unedes parties au moins ne se contente pas

de faire valoir des droits de caractère juridique, mais invoque un intérêt
dont elle demande qu'il soit pris en considération mêmesi cela doit modi-
fier la situation juridique existant entre les parties. En l'espèce,toutefois,
le demandeur invoqjue des droits de nature juridique et ne défend pas
simplement son intérêtpolitique; il demande expressément à la Cour de

définiret d'appliquer ce qu'il prétendêtredesrèglesde droit international
existantes. Bref, ildemande que le différend soit réglé((sur la base du
respect du droit )),ce qui est la caractéristique même d'unedemande de
règlement judiciaire, et non pas politique,d'un différend international
(cf. Interprétation de l'article 3, paragraphe 2, du traité de Lausanne,

C.P.J.I. série B no 1.2,p. 26). De mêmela France,encontestant les thèses
du demandeur, ne se borne pas à faire valoir ses intérêts politiquesou
militaires vitaux ma.is soutient que les règles de droit international in-
voquéespar le demandeur n'existent pas ou n'ont pas la portéeque celui-
ci leur donne. L'attitude prise par les Parties à l'égarddu différendnous

paraît donc démontrer de façonconcluante qu'il s'agit biend'un différend
((juridique 1)et justiciable.
111. Cette conclusion ne saurait être affectée,selon nous, par I'obser-
vation ou la suppositionque, lorsqu'il a portél'affaire devant la Cour, le
demandeur était animé par des mobiles ou des considérations d'ordre

politique. Bien rares seraient en effet les affaires justiciables au regard de
la Cour s'il fallait considérer qu'un différendjuridique perd son caractère
juridique chaque fois que I'une ou l'autre des parties ou les deux sont
influencées aussi pair des considérations d'ordre politique. Ni en matièreCourt or this Court ever at any time admitted the idea thatan intrinsically
legal issue could lose its legal character by reason of political considera-
tions surrounding it.

112. Nor is our conclusion in any way affected by the suggestion that
in the present case the Court, in order to give effect to Australia's claims,

would-have to modify rather than apply the existing law. Quite apart
from the fact that the Applicant explicitly asks the Court to apply the
existing law, it does not seem to us that the Court is here called upon to
do anything other than exercise its normal function of deciding the dis-
pute by applying the law in accordance with the express directions given

to the Court in Article 38 of the Statute. We fully recognize that, as was
emphasized by the Court recently in the Fisl~eriesJurisdiction cases, "the
Court, as a court of law, cannot render judgment sub specie legisferendae,
or anticipate the law before the legislator has laid it down" (I.C.J.
Reports 1974, at pp. 23-24 and 192).That pronouncement was, however,
made only after full consideration of the merits in those cases. lt can in no

way mean that the Court should determine in limine litis the character, as
lex lata or Iexferenda, of an alleged rule of customary law and adjudicate
upon its existence or non-existence in preliminary proceedings without
having first afforded the parties the opportunity to plead the legal merits
of the case. In the present case, the Court is asked to perform its perfectly
normal function of assessine the various elements of State ~ractice and

Iegal opinion adduced by thueApplicant as indicating the de;elopment of
a rule of customarv law. This function the Court ~erformed in the Fish-
eries Jurisdiction cases, and if in the present case the Court had proceeded
to the merits and upheld the Applicant's contentions in the present case,
it could only have done so on the basis that the alleged rule had indeed
acquired the character of lex lata.

113. Quite apart from these fundamental considerations, we cannot
fail to observe that, in alleging violations of its territorial sovereignty and
of rights derived from the principle of the freedom of the high seas, the

Applicant also rests its case on long-established-indeed elemental-
rights, the character of which as lex lata is beyond question. Lnregard to
these rights the task which the Court is called upon to perform is that of
determining their scope and limits vis-à-vis the rights of other States, a
task inherent in the function entrusted to the Court by Article 38 of the
Statute.

114. These observations alsoapply to the suggestion that the Applicant
is in no position to claim the existence of a rule of customary international
law operative against France inasmuch asthe Applicant did not object to,
and even actively assisted in, the conduct of atmospheric nuclear tests in
the Pacific Ocean region prior to 1963. Clearly this is a matter involving
the whole concept of the evolutionary character of customary interna-

tional law upon which the Court should not pronounce in these prelimi-contentieuse ni à propos d'une demande d'avis consultatif la Cour per-
manente ou la Cour actuelle n'a jamais admis qu'une contestation de
caractère intrinsèqiiement juridique puisse perdre ce caractère en raison
des considérations politiques qui s'y attachent.
112. Notre conclusion n'est pas non plus affectée en aucune manière

par l'observation qu'en l'espèce laCour, pour faire droit aux demandes
de l'Australie, devrait modifier plutôt qu'appliquer le droit existant.
Outre que le demandeur prie explicitement la Cour d'appliquer le droit
existant, il ne nous !semblepas qu'en l'occurrence elle soit appelée à faire

autre chose que s'acquitter de sa mission normale qui consiste à réglerle
différend en appliquant le droit conformément aux directives expresses
qui lui sont données à l'article 38 du Statut. Nous reconnaissons pleine-
ment que, comme la Cour l'a souligné récemmentdans les affaires de la
Cot7rpc;t~n<-een nzalière de pc;c/7cric.((la Cour, en tant que tribunal, ne

saurait rendre de décision suh specir legis Jerendue, ni énoncer le droit
avant que le Iégislalteurl'ait édict))(C.I.J. Recueil 1974,p. 23-24 et 192).
Ce prononcé, qui n'a d'ailleurs été émisqu'après un examen détailléde
ces affaires au fond, ne signifie nullement que la Cour doive déterminer

in litninc litile caractèrede lrx luta ou de lexferenda d'une règlede droit
coutumier invoquée, r7ise prononcer sur son existence ou son inexistence
au cours de la prcicédurepréliminaire sans avoir donné aux parties la
possibilité de présenter leurs moyens juridiques sur le fond. Dans la

présenteaff'aire,la Cour est priéed'exercer la fonction parfaitement nor-
male qui est la sienne et qui consiste à apprécier les divers éléments,
relatifsA la pratique des Et:its et àI'opinin,jltrisqu'invoque le demandeur
sour établir la for:mation d'une règleLde droit coutumier. La Cour s'est
acquittée de cette fonction dans les affaires de la Compétenceen matière de

pCc/lerieset si, dan:; la présente espèce,elle avait examiné l'affaire au fond
et fait droit aux prétentions du demandeur elle n'aurait pu aboutir à cette
décisionqu'en considérant que la règleinvoquéeavait effectivement acquis
le caractère de /ex Iuta.

113. Indépendarnment de ces considérations fondamentales, nous ne
pouvons manquer d'observer que, pour alléguer des violations de sa
souveraineté territoriale et de droits découlant du principe de la libertéde
la haute mer, le demandeur invoque aussi des droits établis de longue

date - et mêmeélémentaires - dont le caractère de Iex lata ne fait pas
de doute. En ce qui concerne ces droits, la Cour est appelée à déterminer
leur étendue et leurs limites compte tenu des droits d'autres Etats, tâche
inhérente à la mission qui lui est confiéepar l'article 38 du Statut.

114. Ces observations s'appliquent aussi à l'argument qui consiste à
dire que le demandeur n'est pas en situation d'invoquer à l'encontre de la
France l'existence d'une règlede droit international coutumier étantdon-
néqu'il ne s'est pas opposé aux essais d'armes nucléairesen atmosphère

qui ont étéeffectuésdans la régionde l'océanPacifique avant 1963et y a
mêmeapporté une contribution active. Cet argument soulève manifeste-
ment toute la question du caractère évolutifdu droit international coutu-nary proceedings. The very basis of the Applicant's legal position, as
presented to the Court, is that in connection with and after the tests in
question there developed a growing awareness of the dangers of nuclear
fall-out and a climate of public opinion strongly opposed to atmospheric
tests; andthat the conclusion of the Moscow Test Ban Treaty in 1963led

to the development of a rule of customary law prohibiting such tests. The
Applicant has also drawn attention to its own constant opposition to
atmospheric tests from 1963 onwards. Consequently, althoughtheearlier
conduct of the Applicant is no doubt one of the elements which would
have had to be taken into account by the Court, it would have been upon
the evidence of State practice as a whole that the Court would have had

to make its determination of the existence or non-existence of the alleged
rule. Lnshort, however relevant, this point appears to us to belong essen-
tially to the legal merits of the case, and not to be one appropriate for
determination in the present preliminary proceedings.

115. We are also unable to see howthe fact that there is a sharp conflict
of view between the Applicant and the French Government concerning
the materiality of the damage or potential risk of damage resulting from
nuclear fall-out could either affect the legal character of the dispute or
cal1for the Application to be adjudged inadmissible here and now. This

question again appears to us to belong to the stage of the merits. On the
one side, the Australian Government has given its account of "nuclear
explosions and their consequences" in paragraphs 22-39 of the Appli-
cation and, in dealing with the growth of international concern on this
matter, has cited a series of General Assembly resolutions, the establish-
ment of UNSCEAR in 1955and its subsequent reports on atomic radia-

tion, the Test Ban Treaty itself, the Treaty for the Prohibitionof Nuclear
Weapons in Latin America, and declarations and resolutions of South
Pacific States, Latin American States, African and Asian States, and a
resolution of the Twenty-sixth Assembly of the World Health Organi-
zation. It has also referred to the psychological injury said to be caused

to the Australian people through their anxiety as to the possible effects
of radio-active fall-out on the well-being of themselves and their descen-
dants. On theother side, there are before the Court the repeated assurances
of the French Government, in diplomatic Notes and public statements,
concerning the precautions taken by her to ensure that the nuclear tests
would be carried out "in complete security". There are also reports of

various scientific bodies, including those of the Australian National
Radiation Advisory Committee in 1967, 1969, 1971 and 1972 and of the
New Zealand National Radiation Laboratory in 1972,which al1conclu-
ded that the radio-active fall-out from the French tests was below the
damage level for public health purposes. In addition, the Court has be-
fore it the report of a meeting of Australian and French scientists in May
1973 in which they arrived at common conclusions as to the data of the 1SSAIS NUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 368

mier, sur laquelle la Cour ne devrait pas se prononcei à ce stade prélimi-
naire de la procédure. Telle qu'elle a étéprésentée à la Cour, la position
juridique du demandeur se fonde précisémentsur la thèse que c'est à
l'occasion de ces essais et dans la périodequi a suivi que l'opinion publique

a pris de plus en plus conscience des dangers des retombées nucléaireset
a manifesté une vive opposition aux essais nucléaires en atmosphère; et
qu'au surplus la coriclusion en 1963du traitéde Moscou sur l'interdiction
partielle des essais ]nucléairesa abouti à la création d'une règle de droit
international coutumier interdisant de tels essais. Le demandeur a aussi
appelé l'attention sur l'opposition constante qu'il a toujours exprimée à

l'égarddes essais en atmosphère à partir de 1963. En conséquence, si la
conduite passéedu demandeur est sans aucun doute un des élémentsque
la Cour aurait dû peendre en considération, c'est toutefois sur la base-de
la pratique des Etats dans son ensemble que la Cour aurait dû établir
l'existence ou l'inexistence de la règle alléguée.En résumé,si pertinente

qu'elle soit, cette question nous semble relever essentiellement du fond
de l'affaire et ne pa,j appeler de décisionde la Cour au stade préliminaire
actuel.
115. Nous ne voyons pas non plus en quoi l'existence d'une divergence
de vues marquée entre le demandeur et le Gouvernement français au
sujet de la matérialitédes dommages résultant des retombées nucléaires

ou du risque de dommages pouvant en résulter affecte le caractère juri-
dique du différendou appelle une décision de la Cour déclarant d'emblée
la requêteirrecevable. Cette question nous semble encore une fois devoir
être tranchéeau stade du fond. D'un côté,le Gouvernement australien a
fait un exposé sur ((les explosions nucléaireset leurs conséquences ))aux

paragraphes 22 à 39 de sa requête et,afin, de démontrer que la commu-
nauté internationale se préoccupait de plus en plus de la question, il a
invoqué une sériede résolutions de l'Assembléegénérale,la création en
1955du Comitésci'entifiquedes Nations Unies pour l'étudedes effets des
radiations ionisantes et les rapportsque ce comitéa publiéspar la suite au

sujet de ces radiations, le traité d'interdiction partielle des essais, le traité
interdisant les armes nucléairesen Amérique latine, et les déclarations et
résolutions adoptées par les Etats du Pacifique Sud, d'Amérique latine,
d'Afrique et d'Asie ainsi qu'une résolution de la vingt-sixième Assemblée
mondiale de la Santé. L'Australie a aussi invoqué le préjudice psycholo-
gique qui a été, selonelle, causé aux habitants de ce pays du fait des

craintes que leur inspirent les effets éventuelsdes retombées radioactives
pour leur bien-êtreet celui de leurs descendants. De l'autre côté,la Cour
a eu communication des assurances que le Gouvernement français a
donnéesà plusieurs reprises dans des notes diplomatiques et des déclara-
tions publiques au su.jetdes précautions qu'il a prises pour que les essais

nucléaires s'effectuent ((en toute sécurité)), ainsi que des rapports de
divers organismes scientifiques, notamment les rapports du National
Radiation Advisory Cornmittee d'Australie de 1967, 1969, 1971 et 1972
et le rapport du National Radiation Laboratory de Nouvelle-Zélande de
1972, qui ont tous conclu que les effets des retombées radioactives pro-amount of fall-out but differed as to the interpretation of the data in terms
of the biological risks involved. Whatever impressions may be gained
from a prima facie reading of the evidence so far presented to the Court,
the questions of the materiality of the damage resulting from, and of the
risk of future damage from, atmospheric nuclear tests, appear to us

manifestly questions which cannot be resolved in preliminary proceedings
without the parties having had the opportunity to submit their full case
to the Court.

116. The dispute as to the facts regarding damage and potential
damage from radio-active nuclear fall-out itself appears to us to be a
matter which falls squarely within the third of the categories of legal
disputes listed in Article36 (2) of the Statute: namely a dispute concer-
ning "the existence of any fact which, if established, would constitute a

breach of an international obligation". Such a dispute, in Our view, is
inextricably linked to the merits of the case. Moreover, Australia in any
event contends, in respect of each one of the rights which she invokes,
that the right is violated by France's conduct of atmospheric tests inde-
pendently of proof of damage suffered by Australia. Thus, the whole
issue of material damage appears to be inextricably linked to the merits.

Just as the question whether there exists any general rule of international
law prohibiting atmospheric tests is "a question of international law" and
part of the legal merits of the case, so also is the point whether material
damage is an essential element in that alleged rule. Similarly, just as the
questions whether there exist any general rules of international law
applicable to invasion of territorial sovereignty by deposit of nuclear

fall-out and regarding violation of so-called "decisional sovereignty" by
such a deposit are "questions of international law" and part of the legal
merits, so also is the point whether material damage is an essential ele-
ment in any such alleged rules. Mutatis mutandis, the same may be said
of the question whether a State claiming in respect of an alleged violation
of the freedom of the seas has to adduce material damage to its own

interests.
117. Finally, we turn to the question of Australia's legal interest in
respect of the claims which she advances. With regard to the right said
to be inherent in Australia's territorial sovereignty, we think that she is
justified in considering that her legal interest in the defence of that right
is self-evident. Whether or not she can succeed in persuading the Court

that the particular right which she claims falls within the scope of the
principle of territorial sovereignty, she clearly has a legal interest to liti-
gate that issue in defence of her territorial sovereignty. With regard to the
right to be free from atmospheric tests, said to be possessed by Australia
in common with other States, the question of "legal interest" again ap-
pears to us to be part of the general legal merits of the case. If the ma-

120venant des essais firançais étaient inférieurs au seuil de risque pour la
santé publique. En outre, la Cour est saisie du rapport d'une réunion,

tenue en mai 1973, d'experts australiens et français qui ont abouti à des
conclusions commuines sur les données concernant l'importance quanti-
tative des retombées maisont exprimé desopinions divergentes sur I'inter-
prétation qu'il fallait en tirer quant aux risques biologiques encourus.
Quelles que soient les impressions qu'on retire au premier abord des
preuves présentées jusqu'ici à la Cour, les questions de la matérialitédes

dommageset du risque de dommages futurs résultant des essais nucléaires
en atmosphère ne peuvent manifestement pas, selon nous, êtreréglées à
ce stade préliminaire, sans que les Parties aient eu la possibilitéd'exposer
pleinement leurs ar,puments devant la Cour.
116. Le différend sur les faits relatifs aux dommages résultant ou
pouvant résulterdes retombées nucléairesradioactives nous parait relever

nettement de la troisième des catégories de différends d'ordre juridique
énuméréea su paragraphe 2 de l'article 36 du Statut: à savoir un différend
ayant pour objet c(la réalitéde tout fait qui, s'il étaitétabli,constituerait
la violation d'un engagement international n.A notre avis, un tel différend
est inextricablemerit liéau fond de l'affaire. Quoi qu'il en soit d'ailleurs,
l'Australie soutient, à propos de chacun desdroits qu'elle invoque, que la

France viole ce droit du seul fait de ses essais atmosphériques, que
l'existence d'un dommage causé à l'Australie soit ou non prouvte. Ainsi,
toute la question de la matérialitédu préjudice apparaît comme inextri-
cablement liéeau fond du différend.De mêmeque les questions de savoir
s'il existe, d'une part, une règlegénéralede droit international interdisant
les essais cn atmosphère et, d'autre part, des règles généralesde droit

international applicables aux atteintes à la souveraineté territoriale d'un
Etat causéespar le dépôtde retombées nucléaires zt à la violation de son
((pouvoir souverain de décision» qu'est un tel dépôt sur son territoire,
celle de savoir si I'existence d'un dommage réel constitue un élément
essentiel des règles ainsi alléguéesest une ((question de droit interna-
tional)) et fait partie du fond juridique du différend. La mêmeobser-

vation vaut, mutatis mutandis, s'agissant de savoir si un Etat qui introduit
une action dans laquelle il allègue que la libertédes mers a étévioléedoit
établirque ses intérêtspropres ont subi de ce fait un préjudiceeffectif.

117. Enfin, nous allons examiner maintenant la question de l'intérêt
juridique de l'Australie à faire valoir ses prétentions. En ce qui concerne
le droitque l'Australie dit êtreinhérentà sa souveraineté territoriale, nous

pensons qu'elle est fondée à considérer qu'elle a un intérêt juridique
évident à défendre ce droit. Qu'elle réussiseou non à convaincre la Cour
que le droit qu'elle revendique ainsidécoule du principe de la souveraineté
territoriale,1'Ausi;ralie possède manifestement un intérêt juridique à
soumettre cette question à la Cour pour défendresa souveraineté territo-
riale. En ce qui concerne son droit de ne pas êtreexposéeà des essais

atmosphériques, tiroit qu'elle dit posséder en commun avec d'autres
Etats, la question de l'ccintérêt juridique1)nous semble là encore faire

120terials adduced by Australia were to convince the Court of the existence
of a general rule of international law, prohibiting atmospheric nuclear
tests, the Court would at the same time have to determine what is the

precise character and content of that rule and, in particular, whether
it confers a right on every State individually to prosecute a claim to
secure respect for the rule. In short, the question of "legal interest"
cannot be separated from the substantive legal issue of the existence and
scope of the alleged rule of customary international law. Although we
recognize that the existence of a so-called actio popularis in international

law is a matter of controversy, the observations of this Court in the
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited case 1 suffice to
show that the question is one that may be considered as capable of ra-
tional legal argument and a proper subject of litigation before this Court.

118. As to the right said to be derived from the principle of the freedom
of the high seas, the question of "legal interest" once more appears
clearly to belong to the general legal merits of the case. Here, the existence
of the fundamentai rule, the freedom of the high seas, is not in doubt,

finding authoritative expression in Article 2 of the Geneva Convention
of 1958on the High Seas. The issues disputed between the Parties under
this head are (i) whether the establishment of a nuclear weapon-testing
zone covering areas of the high seas and the superjacent air space are
permissible under that rule or are violations of the freedoms of navigation

and fishing, and (ii) whether atmospheric nuclear tests also themselves
constitute violations of the freedom of the seas by reason of the pollution
of the waters alleged to result from the deposit of radio-active fall-out.
In regard to these issues, the Applicant contends that it not only has a
general and common interest as a user of the high seas but also that its
geographical position gives it a special interest in freedom of navigation,

over-flight and fishing in the South Pacific region. That States have in-
dividual as well as common rights with respect to the freedoms of the
high seas is implicit in the very concept of such freedoms which involve
rights of user possessed by every State, as is implicit in numerous pro-
visions of the Geneva Convention of 1958on the High Seas. It is, indeed,
evidenced by the long history of international disputes arising from con-

flicting assertions of their rights on the high seas by individual States.
Consequently, it seems to us that it would be difficult to admit that the
Applicant in the present case is not entitled even to litigate the question
whether it has a legal interest individually to institute proceedings in
respect of what she alleges to be violations of the freedoms of navigation,

over-flight and fishing. This question, as we have indicated, is an integral
part of the substantive legal issues raised under the head of the freedom

1 Second Phase, I.C.J. Reports 1970, at p. 32.

121partie de la question juridique générale qui forme le fond du différend.
Si les éléments depreuve produits par l'Australie devaient convaincre la
Cour de I'existence d'une règlegénéralede droit international interdisant
les essais nucléaires en atmosphère, il appartiendrait à celle-ci de se

prononcer en mêmetemps sur le caractère et le contenu précisde cette
règle et, notamment, sur la question de savoir si elle confère à tout Etat
le droit d'introduire individuellement une action pour faire respecter cette
règle. En résumé,la ciuestion de l'((intérêjturidique)) ne peut êtredisso-
ciéede la question j,uridique de fond relative à l'existence et à la portéede

la règlede droit internationalcoutumier qui est alléguée.Nous admettons
que I'existence d'une actio popularis en droit international est discutable,
mais les observations émises par la Cour actuelle dans l'affaire de la
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited1 suffisent à dé-
montrer que la question peut êtreconsidéréecomme susceptible de faire
l'objet d'une argumentation juridique rationnelle et d'être valablement

portée devant la Cour.
Il8. S'agissant du droit qui, selon l'Australie, découle du principe de
la liberté de la haute mer, il parait clair là encore que le point relatif à
l'((intérêjturidique ))fait partie de la question juridique généralede fond.
Dans ce cas, I'existencede la règle fondamentale, celle de la liberté de la

haute mer, n'est pas douteuse et est établie de façon autorisée par I'ar-
ticle2 de la Convention de Genève de 1958sur la haute mer. Les questions
sur lesquelles les Parties sont en litige à ce propos sont les suivantes:
i)l'établissement d'une zone d'expérimentation d'armes nucléairesenglo-
bant des régionsde la haute mer et l'espace aériensurjacent est-il admissi-
sible au regard de cette règleou viole-t-il les libertés de la navigation et de

la pêche; ii) les essais d'armes nucléaires en atmosphère constituent-ils
également des violations de la liberté des mers en raison de la pollution
des eaux qui résulteraitdudépôtderetombéesradioactives? Au sujet de ces
questions, le demandeur soutient qu'il possède non seulement un intérêt
généralet commun en tant qu'usager de la haute mer mais aussi que sa

situation géographique lui confère un intérêt particulierà ce que soient
respectées les libertés de la navigation, de survol et de la pêchedans la
régiondu Pacifique:Sud.Que lesEtats soient titulaires de droits individuels
et collectifs en ce iquiconcerne les libertés de la haute mer, cela découle
de la conception mêmede ces libertésqui implique que tous les Etats ont
des droits d'usage, ainsi qu'il ressort implicitement de nombreuses dis-

positions de la Convention de Genèvede 1958 surla haute mer. D'ailleurs,
I'existence de ces droits est démontrée par la longue suite de différends
internationaux qui sont nés au cours de l'histoire des revendications
contradictoires émises par différents Etats quant à leurs droits sur la
haute mer. En conséquence, il nous semble difficile d'admettre que le

demandeur ne soit mêmepas fondé dans la présente instance à essayer
d'établir devant la. Cour qu'il a un intérêt juridiquepropre à introduire

-
1 Deuxième phase,C.I.J. Recueil 1970, p. 32.of the seas and, in our view, could only be decidby the Court at the
stage of the merits.

119. Having regard to the foregoing observations,we think it clear
that none of the questions discussed in this part of our opinion would
constitute a barto the exercise of the Court's jurisdiction with respect
to the merits of the case on the basis of Article 17 of the 1928 Act.
Whether regarded as matters of jurisdiction or of admissibility, they are

al1either without substance or do "not possess, in the circumstances of
the case, an exclusively preliminary character". Dissenting, as we do,
from the Court's decision that the claim of Australia no longer has any
object, we consider that the Court should have now decided to proceed
to pleadings on the merits.

PARTIV. CONCLUSION

120.Since we are of the opinion that the Court has jurisdiction and
that the case submitted to the Court discloses no ground on which

Australia's claims should be considered inadmissible, we consider that
the Applicant had a right under the Statute and the Rules to have the
case adjudicated. This right the Judgment takes away from the Applicant
by a procedure and by reasoning which, to our regret, we can only
consider as lacking any justification in the Statute and Rules or in the
practice and jurisprudence of the Court.

(Signed) Charles D. ONYEAMA.

(Signed) Hardy C.DILLARD.

(Signed) E. JIMENE ZE ARECHAGA.

(Signed) H. WALDOCK. ISSAIS NUCLÉAIRES (OP. DISS. COM.) 371

une instance à l'égardd'actes qu'il considère comme des violations des
libertés de la navigation, de survol et de la pêche.Comme nous l'avons
déjà dit, ce point fait partie intégrante des questions juridiques de fond

soulevéesà propos de la liberté des mers et, selon nous, ne pouvait être
tranché par la Cour qu'au stade du fond.
119. Eu égard aux observations qui précèdent, il nous paraît clair
qu'aucune des objections examinéesdans cette partie de notre opinion
n'est de natureà faire obstacle à l'exercice de la compétence de la Cour
sur le fond de I'affaire en vertu de l'article 17 de l'Acte généralde 1928.

Qu'elles visent la compétence ou la recevabilité, ou bien elles sont dé-
nuées de fondemerit, ou bien elles n'ont pas ((dans les circonstances de
l'espèce un caractère exclusivement préliminaire1).Ne souscrivant pas à
la décisionde la Cour selon laquelle la demande de l'Australie est désor-
mais sans objet, nous estimons que la Cour aurait dû déciderd'examiner

à présent l'affaire au fond.

120. Etant d'avis que la Cour a compétence et que l'affaire qui lui a été
soumise ne fait apparaître aucun motif permettant de considérer les
demandes de l'Australie comme irrecevables, nous estimons que le Statut
et le Règlement donnaient au demandeur le droit de voir la Cour statuer

sur le différend. L'arrêtprive le demandeur de ce droit en se fondant sur
une procédure et un raisonnement auxquels nous ne pouvons, à notre
grand regret, trouver aucune justification ni dans le Statut et le Règlement
ni dans la pratique et la jurisprudence de la Cour.

(Signé) Charles D. ONYEAMA.

(Signé ) ardy C. DILLARD.

(Signé) E. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.

(Signé) H. WALDOCK.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente commune de MM. Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga et Sir Humphrey Waldock

Links