Opinion individuelle de M. Petrén

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058-19741220-JUD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. PETRÉN

Sij'ai pu voter pour I'arrêt,c'est parce que son dispositif énonceque la
demande est sans objet et qu'il n'y a pas lieu à statuer. Mon examen de
I'affaire m'ayant amené au mêmerésultat mais pour des raisons qui ne
coïncident pas avec les motifs de I'arrêt,je dois y joindre la présente
opinion individuelle.

L'affaireà laquelle l'arrêtmet un terme n'a pas quitté le stade prélimi-
naire où se posent les questions de la compétence de la Cour et de la rece-
vabilité de la requête. La demande en indication de mesures conserva-
toires présentéepar l'Australie ne saurait avoir eu pour conséquence de

suspendre l'obligation pour la Cour d'examiner dans le plus bref délailes
questions préliminaires de compétence et de recevabilité. Au contraire,
cette demande ayant été accordée, ilétait particulièrement urgent que la
Cour décidesi elle avait étévalablement saisie de I'affaire. Tout retard à
cet égard étaitde nature à prolonger d'une manièreembarrassante pour la

Cour et pour les Parties l'incertitude concernant l'existence d'une con-
dition absolue pour justifier l'indication de mesures conservatoires.

Cette situation exigeait au plus haut degré l'application rigoureuse des
dispositions du Règlement de la Cour qui viennent d'êtrereviséesen vue

d'accélérerla procédure. Tout récemment encore, le 22 novembre 1974,
l'Assemblée généraledes Nations Unies a adopté la résolution 3232
(XXIX) sur l'examen du rôle de la Cour dont l'un des considérants rap-
pelle que la Cour a reviséson Règlement de manière qu'il soit plus facile
d'avoir recours à elle pour le règlement judiciaire des différends, entre

autres en réduisant la possibilitéde délais.Parmi les raisons invoquées par
la Cour elle-mêmepour justifier la revision du Règlement, il y avait la
nécessitéd'adapter la procédureau rythme desévénementsinternationaux
(C.I.J. Annuaire 1967-1968, p. 86). Or sijamais, dans l'âge atomique, une
affaire a étéde nature à exiger d'êtrerégléeau rythme des événements

internationaux, c'est bien la présenteaffaire. Néanmoins, par son ordon-
nace du 22 juin 19731 portant indication de mesures conservatoires, la
Cour a reporté à plus tard la continuation de l'examen des questions de

1 Ayant votécontre la résolution de la Cour en date du 24 mars 1974 qui décidede
mettre fià l'enquêtesur la divulgation anticipée de la décision de la Cour et du partage
des voix avant le prononcé de l'ordonnance du juin 1973 en audience publique,je
suis d'avis qu'il s'agissait d'une enquêtede caractère judiciaire et que sa poursuite sur
les baseséjàacquises aurait dû permettre de se rapprocher de la vérité.Je n'ai pas été
d'accord sur la décisionpar laquelle la Cour a exclu de la publication, dans sa collection
Mémoires, plaidoiries et documents de l'affaire, certains documentà mes yeux,
sont d'importance pour la compréhension de l'incident et pour la recherche de ses
origines.compétence et de recevabilitédont elle constatait dans l'un des considé-
rants de l'ordonnance qu'il était nécessairede les régleraussi rapidement
que possible.
En dépitde la fermetéde cette constatation faite en juin 1973, les ques-
tions préliminaires dont ils'agit ne sont pas encore tranchées au seuil de

l'année 1975.Ayant votécontre I'ordonnance du 22 juin 1973,parce que
je trouvais que les questions de compétence et de recevabilité pouvaient
et devaient êtrerésolues sans renvoi à une session ultérieure, j'ai à plus
forte raison étéopposéaux retards qui ont marquéla suite de la procédure
et ont abouti à ce que la Cour conclue que la requêtede l'Australie
manque mai17tenantd'objet. II me faut rappeler les circonstances dans
lesquelles des délaisont étéfixés,puisque c'est à la lumièrede ces circons-

tances que j'ai eu à prendre position sur les suggestions tendant à repor-
ter à unedate ultérieure l'examende la recevabilitéde la requête.

En invitant, par l'ordonnance du 22juin 1973,les Parties à produire des
piècesécritessur les questions de la compétence de la Cour et de la rece-
vabilité de la requête,la Cour a fixéla date d'expiration des délais au

21 septembre 1973pour le dépôtdu mémoiredu Gouvernement australien
et au 21 décembre 1973 pour le dépôt du contre-mémoire du Gouverne-
ment français. Cette décision avait étéprécédée d'un entretien entre le
Président en exercice et I'agent de l'Australie, lequel s'était déclaré
d'accord pour un délaide trois mois en ce qui le concernait. Aucun con-
tact n'avait étépris au mêmemoment avec le Gouvernement français. On
ne trouve, dans I'ordonnance, aucune référenceà l'application de I'ar-

ticle40du Règlementni, parconséquent, à la consultation qui avait eu lieu
avec I'agent de l'Australie. Après le prononcé de l'ordonnance, le coagent
de l'Australie a, le25 juin 1973,informé le Présidenten exercice que son
gouvernement éprouvait le besoin d'une prorogation de délai, de trois
mois probablement, en raison d'un élémentnouveau qui ne pouvait
manquer d'avoir des conséquences importantes: le mémoire devait

traiter non plus seulement de la compétence mais aussi de la recevabilité.
Bien que la Cour soit restée en session jusqu'au 13 juillet 1973, cette
information n'a pas été portéeà sa connaissance. Le 10 août 1973, le
coagent a étéreçu par le Président et a formellement demandéau nom de
son gouvernement que le délai soit prorogéjusqu'au 21 décembre 1973,
motif pris de ce que les questions concernant la recevabilitén'avaient pas
étéprévuesquand on avait initialement prié I'agent d'indiquer quel délai

lui serait nécessaire pour présenter un mémoiresur la compétence. A la
suite de cet entretien le coagent a, par lettre du 13 août, demandé que la
date d'expiration du délaisoit reportée au 23 novembre. Contrairement à
ce qui avait été faiten juin pour la fixation des délais originaux, le Gou-
vernement français a étéinvitéà faire connaître son opinion. Sa réponse
a été qu'ayantdéniéla compétence de la Cour en l'affaire il ne pouvait

exprimer d'opinion. Le Président, ayant consulté ses collègues sur les
délais par correspondance, et une majorité s'étantdéclaréefavorable, a
reporté, par ordonnance du 28 août, au 23 novembre 1973la date d'expi-ration du délaipour le dépôtdu mémoiredu Gouvernement australien et

au 19 avril 1974 la date d'expiration du délaipour le dépôtdu contre-
mémoiredu Gouvernement français.
Les circonstances dans lesquelles la procédure écritesur les questions
préliminairesa étéainsi prolongée jusqu'au 19 avril 1974donnent lieu à
plusieurs observations. Tout d'abord il aurait étéplus conforme au
Statut et au Règlement de ne consulter le Gouvernement australien
qu'aprèsle prononcé de l'ordonnance du 22juin 1973et de procéderen
mêmetemps à une consultation du Gouvernement français. Supposons
que se généralisele nouveau procédé consistant,avant un prononcé sur
une phase préliminaire, à consulter les agents des parties au sujet des
délaispour la phase suivante: l'agent qui, une certaine fois, ne serait pas
consulté n'aurait pas besoin d'une perspicacité surnaturelle pour com-
prendre que son affaire ne continuerait pas.

Pour revenir à la présenteaffaire, il faut penser que le Gouvernement
français, s'il avait été consulté immédiatementaprès le prononcé de
l'ordonnance du 22 juin 1973, aurait donné la mêmeréponse que deux
mois plus tard. Il aurait donc été clair dse moment que le Gouverne-

ment français n'avait pas l'intention de particperla procédureécriteet
il n'y aurait pas eu lieu de réserver une périodede trois mois pour la
production du contre-mémoire. Ainsi l'affaire aurait-elle pu êtreen état
dèsla fin de l'été 1973,cqeui aurait permis la Cour de rendre son arrêt
avant la fin de la mêmeannée. Aprèss'être privéd ee la possibilité d'orga-
niser la procédure orale au cours de l'automne 1973, la Cour s'est trou-
véeen présenced'une demande de prorogation du délaipour le dépôtdu
mémoire. Ilfaut regretter que cette demande, annoncée trois jours après
le prononcé de I'ordonnance du 22 juin 1973, n'ait pas été portée à la
connaissance de la Cour pendant qu'elle siégeaitencore, ce qui lui aurait
permis de délibérer régulièremenstur la question de prorogation. Or
l'ordonnance du 28 août n'a pas seulement prorogéle délaifixépour le
dépôtdu mémoire du Gouvernement australien mais a encore assorti ce
délaid'un délai complémentairede cinq mois pour le dépôtd'un contre-
mémoire que le Gouvernement français n'avait pas l'intention de pré-
senter. Ces cinq mois n'ont servi qu'à prolonger la période pendant
laquelle le Gouvernement australien pouvait se préparer à la procédure

orale, ce qui a été uneautre faveur injustifiéeaccoràéce gouvernement.

Mais il y a plus. L'ordonnance du 28 août 1973a aussi eu pour con-
séquence de renverser l'ordre suivant lequel la présente affaire et les
affaires de la Compétenceen matièredepêcheriesauraient dû se trouver en
état.Dans ces dernièresaffaires, la Cour, aprèsavoir indiquédes mesures
conservatoires par ordonnances du 17août 1972,s'étaitdéclaréecompé-
tente par arrêtsdu 2 février1973et avait, par ordonnances en date du
15 février 1973, fixéla date d'expiration des délais pour le dépôtdes
mémoires et contre-mémoires aux ler août 1973et 15janvier 1974res-pectivement. Si I'ordonnance du 28 août 1973 prorogeant les délais

fixésen la présente affaire n'était pas intervenue, celle-ci aurait étéen
état le 22 décembre 1973, donc avant les affaires de la Compétenceen
matièrede pêcheriessur lesquelles elle aurait eu priorité en vertu de I'ar-
ticle50, paragraphe 1,du Règlement de 1972aussi bien que de l'article 46,
paragraphe 1, du Règlement de 1946, encore applicable aux affaires
de la Compétenceen matière de pêcheries.Après que I'ordonnance du

28 août 1973 eut prolongé la procédure écrite en la présente affaire
jusqu'au 19 avril 1974, c'est aux affaires de la Compétenceen matière de
pêcheriesqu'est revenue la priorité fondée sur les dispositions précitées
du Règlement dans ses deux versions. Or la Cour aurait pu décider de
rétablir le précédent ordre de priorité, décision que l'autorisaient à
prendre, en raison de circonstances particulières, l'article50, paragra-

phe 2, du Règlement de 1972aussi bien que l'article 46, paragraphe 2, du
Règlement de 1946. L'inutilité du délai fixépour le dépôt du contre-
mémoiredu Gouvernement français constituait une circonstance particu-
lière, mais il y en avait d'autres, d'un poids encore plus grand. Dans les
affaires de la Compétenceen matièredepêcheries,la Cour s'étantdéclarée
compétente, l'incertitude concernant la justification de I'indication de
mesures conservatoires avait cessé d'exister, tandis qu'en la présente

affaire cette incertitude a persisté de longs mois. Or la France, qui avait
demandé que l'affaire fût rayée du rôle, avait, en supposant que cette
attitude fût justifiée, un intérêtà voir un terme mis à l'affaire et par là
aux nombreuses critiques qu'on lui faisait de ne pas appliquer des mesures
conservatoires présumées indiquéespar une Cour compétente. Par
ailleurs, comme il se pouvait que la France procédât pendant l'été1974à

une nouvelle série d'essais nucléairesatmosphériques, l'Australie avait un
intérêt particulierà voir confirmée auparavant la compétence de la Cour,
ce qui aurait conféréplus d'autorité à I'indication de mesures conserva-
toires.
Pour toutes ces raisons, on aurait pu s'attendre a ce que la Cour décide
d'examiner la présente affaireavant celles de la Compétenceen matièrede
pêcheries.Cependant, le 12 mars 1974, une proposition à cet effet fut

rejetée par six voix contre deux avec six abstentions. Ainsi la Cour se
privait-elle de la possibilitéde rendre un arrêten la présente affaireavant
la fin de la période critique de l'année 1974.
Cette sériede retards ayant fait durer la procédure jusqu'à la fin de
l'année1974, la Cour décideaujourd'hui que la requêtede l'Australie est
sans objet et qu'il n'y a dèslorspas lieu à statuer.

On ne saurait prendre position sur cet arrêtsans se rendre compte de ce
qu'il signifie quant aux questions préliminaires retenues par I'ordonnance
du 22 juin 1973 comme devant être examinéespar la Cour en la présente
phase de la procédure. 11s'agit de la compétence de la Cour pour connaî-
tre du différend et de la recevabilité de la requête, questions entre les-
quelles il n'est pas facile de distinguer, ainsi que la Cour a eu maintes

fois l'occasion de le dire. On pourrait mêmeregarder la recevabilité de larequête commeune condition àla compétencede la Cour. A l'article 8
de la Résolution visant la pratique interne de la Cour en matière judi-
ciaire, compétence et recevabilité sont rangées côte à côte comme des

conditions à satisfaire pour que la Cour puisse entreprendre l'examen au
fond. C'est sur cette base que l'ordonnance du 22juin 1973a étérédigée.
11ressort de ses considérantsque lesaspects de la question de compétence
à examiner comprennent notamment, d'une part, les effets de la réserve
relative aux activités serapportant la défensenationale que la France a
faiteenrenouvelant en 1966sonacceptation delajuridiction de la Cour et,
d'autre part, lesrelationsexistantentre la France et l'Australie en vertu de
l'Acte généralde 1928pour le règlement pacifiquedes différendsinterna-
tionaux, à supposer que cet instrument soit toujours en vigueur. En
revanche l'ordonnance n'est pas aussi préciseen ce qui concerne les
aspects à explorer de la question de la recevabilitéde la requête. Aucon-
traire, puisqu'elle n'en indique aucun, la Cour doit rechercher de manière
tout à fait généralesi elle a été valablementsaisie de l'affaire. L'une des
toutes premièresconditions à remplir est de savoir sile différend concerne

une matière régiepar le droit international. Si tel n'étaitpas le cas, le
différendn'aurait pas d'objet relevant de la compétencede la Cour, celle-
ci n'ayant compétenceque pour des différendsdedroit international.

L'arrêt faitallusion en son paragraphe 24 à la compétencede la Cour
telle qu'il la conçoit, c'est-à-dire limitéeaux problèmes ayant trait aux
clauses juridictionnelles du Statut de la Cour et de l'Acte généralde
1928.Selon la première phrase de ce paragraphe, ccla Cour doit examiner
d'abord une question qu'elle estime essentiellement préliminaire,savoir
l'existence d'un différend,car que la Cour ait ou non compétence en
l'espèce la solution de cette question pourrait exercer une influence
décisivesur la suite de l'instanceEn d'autres termes, l'arrêt, quipar la
suite ne mentionne plus la question de compétence,indique que la Cour
n'a pas jugé qu'ily ait lieu de l'examiner ni de la trancher. Sans le dire

aussi nettement, il ne traite pas non plus de la recevabilité.

Pour ma part, je ne crois pas possible d'écarter ainsi l'examende toutes
les questions préliminaires retenues par l'ordonnance du 22 juin 1973.
Je suis notamment d'avis que la Cour aurait dû se former d'emblée une
opinion sur le vrai caractère du différendformant l'objet de la requête;si
elle avait trouvé que le différendne portait pas sur un point dedroit inter-
national, c'est pour cette raison touà fait primordiale qu'elle aurait dû
rayer l'affaire du rôle et non pasà cause de l'inexistence de l'objet du
différendconstatée aprèsde longs mois de procédure.

C'est dans cette optique que je crois devoir examiner la recevabilitéde
la requêtede l'Australie. Je continuà penser, comme dans mon opinion
dissidente jointe l'ordonnance du 22juin 1973,qu'il y a lieu avant tout
de se demander si, d'une manière générale,les essais atmosphériques

d'armes nucléairessont régispar des normes de droit international ou303 ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. IND. PETREN)

s'ils appartiennent au domaine hautement politique où les normes inter-
nationales de légalitéet d'illégalitésont encore en gestation. 11est bien
vrai que des différends au sujet de l'interprétation et de l'application de
règles de droit international peuvent avoir une grande importance poli-
tique sans perdre pour autant leur caractère inhérent de différends juri-
diques. Il n'en reste pas moins nécessairede distinguer entre les différends

axés sur des normes de droit international et les tensions entre Etats
causéespar des mesures prises dans un domaine non encore régipar le
droit international.
A ce sujet, il me semble utile de rappeler ce qui s'est passé dans le
domaine des droits de I'homme. Dans un passé relativement récent, le
traitement qu'un Etat réservait à ses propres ressortissants était d'une

manière générale considéré comme ne relevant pas du droit international.
Mêmeles violations les plus outrageantes des droits de I'homme com-
mises par un Etat envers ses propres nationaux n'auraient pu faire l'objet
de la saisine d'un organe judiciaire international par un autre Etat. Une
requête ence sens aurait étédéclaréenon recevable et n'aurait pu donner
lieu à aucun examen de la matérialitédes faits alléguéspar 1'Etat requé-

rant. Telle aurait étéla situation même dans les relations entre Etats
ayant accepté sans réserves laclause facultative de l'article 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale. La simple constatation
que l'affaire concernait une matière non régiepar le droit international
aurait suffi à empêcherla Cour permanente de statuer. Pour reprendre la

terminologie de la présenteaffaire, cela aurait été une questionde receva-
bilitéde la requêteet non de compétence de la Cour. Ce n'est qu'une
évolution postérieureà la deuxième guerre mondiale qui a abouti à ce que
le devoir des Etats de respecter les droits de l'homme à l'égardde tous les
individus, y compris leurs propres nationaux, constitue une obligation de
droit international envers tous les Etats membres de la communauté

internationale. La Cour y a fait allusion dans son arrêt en l'affaire de la
Barcelona Traction, Liglzt and Power Company, Limited (C.I.J. Recueil
1970, p. 32). Il faut certes regretter que cette reconnaissance universelle
des droits de I'homme n'ait pas encore été accompagnéed'une évolution
correspondante de la compétence des organes judiciaires internationaux.
Faute d'un systèmeétanchede clausesjuridictionnelles appropriées, trop

de différends internationaux portant sur la protection des droits de
I'homme échappent aux juges internationaux. La Cour l'a rappeléégale-
ment dans l'arrêtprécité (ibirl.p. 47), enlevant ainsi du poids à sa réfé-
rence aux droits de I'homme et créantpar là l'impression d'une contradic-
tion qui n'a pas échappé aux auteurs.

Une évolution analogue se dessine aujourd'hui dans un domaine
voisin, celui de la protection de l'environnement. Les essais nucléaires
atmosphériques, envisagés comme un danger particulièrement grave de
pollution de l'environnement, constituent une préoccupation angoissante
de l'humanitédu temps présentet il n'est que naturel que deseffortssoient
faits sur le plan international pour dresser des barrièresjuridiques contrece genre d'essais. En la présenteaffaire, il s'agit de savoir si de telles bar-
rières existaient au moment du dépôt de la requête de l'Australie. La

requêtene saurait êtreconsidérée commerecevable si, au moment de son
dépôt,le droit international n'avait pas atteint un stade tel qu'il régisse les
essais atmosphériques d'armes nucléaires. Ona voulu faire valoir qu'il
suffitque deux parties se contestent réciproquement un droit pour qu'une
requête à ce sujet émanant de l'une d'ellessoit recevable. Telle serait la
situation en l'espèce, mais à mes yeux, la question de la recevabilité
d'une requêtene saurait se réduire à l'application d'une formule aussi
simple. 11faut encore que le droit revendiqué par la Partie demanderesse
relèved'un domaine régipar le droit international. En la présenteaffaire,
la requêteest fondée surl'allégation selon laquelle les essais nucléairde
la France dans le Pacifique auraient causédes retombées radioactives sur
le territoire de l'Australie. Le Gouvernement australien y voit une at-
teinteà sa souverainetéqui serait contraire audroit international.Comme
il n'existe aucun lien conventionnel entrel'Australie et la France en ma-
tière d'essais nucléaires,la requête suppose l'existence d'une règle de

droit international coutumier interdisant aux Etats de causer, par des
essais nucléairesatmosphériques, des retombées radioactives sur le ter-
ritoire d'autres Etats. C'est donc l'existence ou la non-existence d'une
telle règlecoutumière qu'il faut constater.
11a été suggéraéu cours de la procédureque la question de la recevabi-
litéde la requêten'avait pas un caractère exclusivement préliminaire et
que son examen pourrait êtredifféré jusqu'à I'examendu fond. Cela pose
une question d'application de I'article 67 du Règlement de la Cour de
1972.Le motif principal de la revision des dispositions du Règlementqui
se trouvent maintenant dans cet article a été d'éviteq rue la Cour, en
réservant sa position sur une question préliminaire, ouvre une longue
procédure sur les aspects de fond d'une affaire pour constater en fin de
compte que la réponse à la question préliminairerendait cette procédure
superflue. Certes I'article ne parle que des exceptions préliminairesfor-
muléespar le défendeur mais ilva de soi que l'esprit de cet article doit
s'appliquer aussi à I'examen des questions concernant la recevabilité

d'une requêtesur lesquelles la Cour doit prendre position ex oficio. II va
également sans dire que, dans une affaire où le défendeur fait défaut,
l'article 53 du Statut oblige la Cour à veiller avec une attention toute
spéciale àl'observation des dispositions de I'article67 du Règlement.

Bref, la Cour se trouve appeléepour la première foisà appliquer la dis-
position de son Règlement reviséqui a remplacé l'ancienne disposition
autorisant la jonction des exceptions préliminaires au fond. On peut se
demander en quoi la nouvelle règle sedistingue réellement de I'ancienne.
Pour ma part, je pense que, comme la précédente,la nouvelle disposition
confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d'apprécierau stade initial
d'une affaire si telle ou telle question préliminairedoit êtrerégléeavant
tout. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Cour doit, à mon avis,
apprécierle degré de complexitéde la question préliminairepar rapport àl'ensemble des questions faisant partie du fond. Si la question prélimi-

naire revêtun caractère relativement simple, tandis qu'un examen au fond
donnerait lieu à une procédure longue et compliquée, la Cour se doit de
trancher tout de suite la question préliminaire. Voilà ce qu'exige l'esprit
dans lequel le nouvel article 67 du Règlement a étérédigé.Ces considéra-
tions me paraissent applicables à la présente affaire.
La Cour se serait fait le plus grand tort si, sans trancher la question de
recevabilité, elle avait ouvert sur tous les aspects du fond de l'affaire une

procédure nécessairement longue et compliquée, ne serait-ce qu'à cause
des questions scientifiques et médicalesen jeu. Il y a lieu de rappeler que,
au stade préliminaire où elle se trouve toujours, la procédure a déjà
subi des retards considérables laissant au Gouvernement australien am-
plement le temps de préparer ses écritures et plaidoiries sur tous les
aspects de la recevabilité. Comment aurait-on pu dans ces conditions

renvoyer l'examen de la question à une date ultérieure?

Ilressort de ce qui précèdeque la recevabilité de la requêtedépend, à
mes yeux, de l'existence d'un droit international coutumier interdisant
aux Etats de procéder à des essais atmosphériques d'armes nucléaires
causant des retombées radioactives sur le territorire d'autres Etats. Or il

est notoire, et admis par le Gouvernement australien lui-même,que toute
explosion nucléaire dans l'atmosphère cause des retombées radioadtives
dans l'ensemble de l'hémisphèreterrestre où elle s'est produite. L'Austra-
lie n'est doncque l'un desnombreux Etats sur lesquels lesessais nucléaires
atmosphériques de la France, de mêmeque ceux d'autres Etats, ont causé
des retombées radioactives. Depuis la deuxième guerre mondiale, certains

Etats ont procédéà des essais nucléaires atmosphériques destinésà per-
mettre à leurs armements de passer du stade atomique au stade thermo-
nucléaire.Le comportement de ces Etats prouve que leurs gouvernements
n'ont pas étéd'avis que le droit international coutumier interdît les essais
nucléaires atmosphériques. Au surplus le traité de 1963 par lequel les
trois premiers Etats qui se soient dotés d'armes nucléairesse sont mutuel-

lement interdit de nouveaux essais dans I'atmosphère peut êtredénoncé.
Par cette disposition, les signataires du traité ont montré qu'ils restaient
d'avis que le droit international coutumier n'interdisait pas les essais
nucléaires dans I'atmosphère.
En vue de constater la formation éventuelled'une règle coutumière à
cet effet, il semble plus important de connaître l'attitude des Etats
n'ayant pas encore accompli les essais nécessairespour atteindre le stade

nucléaire. Pour ces Etats l'interdiction des essais nucléaires atmosphéri-
ques pourrait signifier la division de la communauté internationale en
deux groupes: les Etats qui possèdent des armes nucléaires et ceux qui
n'en possèdent pas. Si un Etat ne possédant pas d'armement nucléaire
s'abstient de faire procéder aux essais atmosphériques qui lui permet-
traient de s'en doteret si cette abstention est motivéenon par des considé-
rations d'ordre politique ou économique mais par la conviction que cesessais sont interdits par le droit international coutumier, l'attitude de cet
Etat constituera un élémentdans la formation d'une telle coutume. Mais
où trouve-t-on la preuve de ce qu'un nombre suffisant d'Etats économi-
quement et techniquement capables de procéder àla fabrication d'armes
nucléairess'abstiennent de faire procéder à des essais nucléaires atmo-
sphériques parcequ'ils sont d'avis que cela leur est interdit par le droit
international coutumier? L'exemple donné récemment par la Chine en
faisant exploser dans i'atmosphère unebombe de grande puissance suffit
à démolir la thèse de l'existence actuelle d'une règle de droit interna-
tional coutumier interdisant lesessais nucléairesatmosphériques. Vouloir
fermer les yeux devant l'attitude,à cet égard,de 1'Etatle plus peuplédu
monde témoigneraitd'un manque de réalisme.

Pour compléterce bref aperçu, il convient de se demander quelle a été
l'attitude des nombreux Etats sur les territoires desquels des retombées
radioactives provenant des essais atmosphériques des Puissances nuclé-
aires se sont déposéeset continuent à se déposer. Ont-ils, d'une manière
générale,protesté auprès de ces Puissances en faisant valoir que leurs
essais contrevenaient au droit international coutumier? Je ne constate
pas que tel ait étéle cas. Les résolutionsvotéesl'Assemblée générad lees
Nations Unies ne sauraient valoir des protestations juridiques d'Etat à
Etat visant des cas concrets. Elles indiquent l'existenced'un fort courant
d'opinion en faveur de la proscription des essais nucléaires dans I'at-
rnosphère. Cela représente une tâche politique de la plus haute urgence
mais qui reste à accomplir. Ainsi la demande que l'Australie a adressée
à la Cour relève-t-elledu domaine politique et se situe-t-elle en dehors du
cadre du droit international tel qu'il existeaujourd'hui.
J'estime enconséquence que,dèsl'introduction de l'instance, la requête

de l'Australie a manqué d'un objet sur lequel la Cour pût statuer, tandis
que l'arrêtne conclut qu'à l'absence d'un tel objet à ce jour. Je rejoins
l'arrêten ce qui concerne l'issueà donner à l'affairà,savoir qu'il n'y a
pas lieu à statuer, mais je ne saurais pour autant m'associer aux motifs
sur lesquels cet arrêtest fondé. Quej'aie néanmoinsvotépour lui s'expli-
que par les considérations suivantes.

La méthode d'aprèslaquelle les arrêtsde la Cour sont traditionnelle-
ment rédigésimplique qu'un juge puisse voter pour un arrêt s'il est
d'accord sur l'essentiel du dispositif et cela mêmes'il n'accepte pas les
motifs donnés,ce qu'il fait alors normalement connaître par une opinion
individuelle. Certes, cet ordre de choses se prête des critiques, notam-
ment parce qu'il n'exclut pas l'adoption d'arrêtsdont la majorité des
juges les ayant votés n'acceptepas les motifs, mais telle est la pratique de
la Cour. Selon celle-ci lesmotifs, qui représententle fruit des première et

deuxième lectures de l'arrêtauxquelles participent tous les juges, précè-
dent le dispositif et ne peuvent plus êtrechangésau moment du vote prisà
la fin de la deuxièmelecture. Ce vote porte uniquement sur le dispositif et
n'est pas suivi de l'indication des motifs retenus par chaque juge. Dans
ces conditions, un juge qui désapprouve les motifs d'un arrêtmais est enfaveur de l'issue à laquelle aboutit le dispositif se sent obligé, dans I'in-
térêtde la justice, de voter pour I'arrêtcar, en votant autrement, il
risquerait d'empêcher la bonne solution. La phase actuelle de la présente
procédure a étéen réalitédominée par la question de savoir si la Cour
pouvait continuer à s'occuper de l'affaire. Sur ce point tout à fait capital,

je suis arrivé au mêmerésultat que I'arrêt,quoique me fondant sur
d'autres motifs.

J'ai en conséquence dû voter pour I'arrêtbien que je ne souscrive à
aucun de ses motifs. Une autre manière de voter aurait risquéde contri-

buer à créerune situation bien étrange pour une Courdont la juridiction
est volontaire, une situation dans laquelle une affaire aurait été examinée
au fond bien que la majorité desjuges estimât qu'il ne fallait pas le faire.
Ce sont justement de telles situations que l'article 8 de la Résolution
visant la pratique interne de la Cour en matière judiciaire est destiné à
éviter.

11me reste à expliquer ma position sur la question de la compétence de
la Cour au sens que l'ordonnance du 22 juin 1973donne à ce terme. Cette
question à multiples facettes n'est pas examinée dans I'arrêtd'après ce
que celui-ci dit expressément. Cela étantet comme, pour ma part, je n'ai
pas non plus éprouvéle besoin de l'examiner pour pouvoir conclure à la

solution de l'affaire en faveur de laquelle j'ai voté,je ne pense pas qu'un
exposédes idéesque je me suis faites sur ce sujet aient leur place dans la
présente opinion individuelle. Une opinion individuelle telle que je la
conçois ne doit pas aborder d'autres questions que I'arrêtà moins que
cela ne soit absolument nécessairepour expliquer le vote de l'auteur. J'ai
donc dû résister à la tentation de m'engager dans un échangede vues sur la

compétence avec ceux de mes collègues qui ont examiné cette question
dans leurs opinions dissidentes. Un débat entre juges sur des matières
dont l'arrêtne traite pas risque de se réduireà une sériede monologues -
ou de chŒurs - disparates. A toutes fins utiles, je dois cependant sou-
ligner que mon silence sur le sujet ne signifie pas que je consente à la
thèse de la compétence de la Cour.

(SignéS )ture PETRÉN.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. PETRÉN

Sij'ai pu voter pour I'arrêt,c'est parce que son dispositif énonceque la
demande est sans objet et qu'il n'y a pas lieu à statuer. Mon examen de
I'affaire m'ayant amené au mêmerésultat mais pour des raisons qui ne
coïncident pas avec les motifs de I'arrêt,je dois y joindre la présente
opinion individuelle.

L'affaireà laquelle l'arrêtmet un terme n'a pas quitté le stade prélimi-
naire où se posent les questions de la compétence de la Cour et de la rece-
vabilité de la requête. La demande en indication de mesures conserva-
toires présentéepar l'Australie ne saurait avoir eu pour conséquence de

suspendre l'obligation pour la Cour d'examiner dans le plus bref délailes
questions préliminaires de compétence et de recevabilité. Au contraire,
cette demande ayant été accordée, ilétait particulièrement urgent que la
Cour décidesi elle avait étévalablement saisie de I'affaire. Tout retard à
cet égard étaitde nature à prolonger d'une manièreembarrassante pour la

Cour et pour les Parties l'incertitude concernant l'existence d'une con-
dition absolue pour justifier l'indication de mesures conservatoires.

Cette situation exigeait au plus haut degré l'application rigoureuse des
dispositions du Règlement de la Cour qui viennent d'êtrereviséesen vue

d'accélérerla procédure. Tout récemment encore, le 22 novembre 1974,
l'Assemblée généraledes Nations Unies a adopté la résolution 3232
(XXIX) sur l'examen du rôle de la Cour dont l'un des considérants rap-
pelle que la Cour a reviséson Règlement de manière qu'il soit plus facile
d'avoir recours à elle pour le règlement judiciaire des différends, entre

autres en réduisant la possibilitéde délais.Parmi les raisons invoquées par
la Cour elle-mêmepour justifier la revision du Règlement, il y avait la
nécessitéd'adapter la procédureau rythme desévénementsinternationaux
(C.I.J. Annuaire 1967-1968, p. 86). Or sijamais, dans l'âge atomique, une
affaire a étéde nature à exiger d'êtrerégléeau rythme des événements

internationaux, c'est bien la présenteaffaire. Néanmoins, par son ordon-
nace du 22 juin 19731 portant indication de mesures conservatoires, la
Cour a reporté à plus tard la continuation de l'examen des questions de

1 Ayant votécontre la résolution de la Cour en date du 24 mars 1974 qui décidede
mettre fià l'enquêtesur la divulgation anticipée de la décision de la Cour et du partage
des voix avant le prononcé de l'ordonnance du juin 1973 en audience publique,je
suis d'avis qu'il s'agissait d'une enquêtede caractère judiciaire et que sa poursuite sur
les baseséjàacquises aurait dû permettre de se rapprocher de la vérité.Je n'ai pas été
d'accord sur la décisionpar laquelle la Cour a exclu de la publication, dans sa collection
Mémoires, plaidoiries et documents de l'affaire, certains documentà mes yeux,
sont d'importance pour la compréhension de l'incident et pour la recherche de ses
origines. SEPARATE OPINION OF JUDGE PETRÉN

[Translation j

If 1have been able to vote for the Judgment, it is because its operative
paragraph finds that the claim is without object and that the Court is not

called upon to give a decision thereon. As my examination of the case has
led me to the same conclusion, but on grounds which do not coincide
with the reasoning of the Judgment, 1append this separate opinion.
The case which theJudgment brings to an end has not advanced beyond
the preliminary stage in which the questions of the jurisdiction of the

Court and the adniissibility of the Application fa11to be resolved. Aus-
tralia's request for the indication of interim measures of protection could
not have had the consequence of suspending the Court's obligation to
consider the preliminary questions of jurisdiction and admissibility as

soon as possible. On the contrary, that request having been granted, it
was particularly urgent that the Court should decide whether it had been
validly seised of the case. Any delay in that respect meant the prolon-
gation, embarrassing to the Court and to the parties, of uncertainty con-
cerning the fulfilment of an absolute condition for the justification of any

indication of interim measures of protection.
In this situation. it was highly imperative that the provisions of the
Rules of Court which were revised not so long ago for the purpose of
accelerating proceedings should be strictly applied. Only recently,
moreover, on 22 November 1974, the General Assembly of the United

Nations adopted, on the item concerning a review of the Court's role,
resolution 3232(XXIX), of which one preambular paragraph recalls how
the Court has amended its Kules in order to facilitate recourse to it for
the judicial settlement of disputes, inter alia, by reducing the likelihood
of delays. Among the reasons put forward by the Court itself to justify

revision of the Rules, there was the necessity of adapting its procedure
to the pace of world events (I.C.J. Yc.arbook 1967-1968, p. 87). Now if
ever, in this atoinicage, there was a case which demanded to be settled in
accordance with the Pace of world events, it is this one. The Court never-
theless, in its Order of 22 June 1973 1 indicating interim measures of

protection, deferred the continuance of its examination of the questions

1 Having voted against the resolutionwhereby the Court, on 24 March 1974,
decided to close the enquiry into the premdisclosure of its decision, as also of the
voting-figures, before the Order of 22 June 1973 was read at a public Sitting, I wish to
state my opinion that the enqureferred to was one of a judicial character and that its
continuance on the bases already acquired should have enabled the Court to get closer
to the tr~ith. 1did not agree with the decision whereby the Court excluded from publi-
cation, in the volume oPleadingsOral Argrrments, Doc~~mentto be devoted to the
case, certain documents which to my mind are important for the comprehension of the
incident and the search for its origins.compétence et de recevabilitédont elle constatait dans l'un des considé-
rants de l'ordonnance qu'il était nécessairede les régleraussi rapidement
que possible.
En dépitde la fermetéde cette constatation faite en juin 1973, les ques-
tions préliminaires dont ils'agit ne sont pas encore tranchées au seuil de

l'année 1975.Ayant votécontre I'ordonnance du 22 juin 1973,parce que
je trouvais que les questions de compétence et de recevabilité pouvaient
et devaient êtrerésolues sans renvoi à une session ultérieure, j'ai à plus
forte raison étéopposéaux retards qui ont marquéla suite de la procédure
et ont abouti à ce que la Cour conclue que la requêtede l'Australie
manque mai17tenantd'objet. II me faut rappeler les circonstances dans
lesquelles des délaisont étéfixés,puisque c'est à la lumièrede ces circons-

tances que j'ai eu à prendre position sur les suggestions tendant à repor-
ter à unedate ultérieure l'examende la recevabilitéde la requête.

En invitant, par l'ordonnance du 22juin 1973,les Parties à produire des
piècesécritessur les questions de la compétence de la Cour et de la rece-
vabilité de la requête,la Cour a fixéla date d'expiration des délais au

21 septembre 1973pour le dépôtdu mémoiredu Gouvernement australien
et au 21 décembre 1973 pour le dépôt du contre-mémoire du Gouverne-
ment français. Cette décision avait étéprécédée d'un entretien entre le
Président en exercice et I'agent de l'Australie, lequel s'était déclaré
d'accord pour un délaide trois mois en ce qui le concernait. Aucun con-
tact n'avait étépris au mêmemoment avec le Gouvernement français. On
ne trouve, dans I'ordonnance, aucune référenceà l'application de I'ar-

ticle40du Règlementni, parconséquent, à la consultation qui avait eu lieu
avec I'agent de l'Australie. Après le prononcé de l'ordonnance, le coagent
de l'Australie a, le25 juin 1973,informé le Présidenten exercice que son
gouvernement éprouvait le besoin d'une prorogation de délai, de trois
mois probablement, en raison d'un élémentnouveau qui ne pouvait
manquer d'avoir des conséquences importantes: le mémoire devait

traiter non plus seulement de la compétence mais aussi de la recevabilité.
Bien que la Cour soit restée en session jusqu'au 13 juillet 1973, cette
information n'a pas été portéeà sa connaissance. Le 10 août 1973, le
coagent a étéreçu par le Président et a formellement demandéau nom de
son gouvernement que le délai soit prorogéjusqu'au 21 décembre 1973,
motif pris de ce que les questions concernant la recevabilitén'avaient pas
étéprévuesquand on avait initialement prié I'agent d'indiquer quel délai

lui serait nécessaire pour présenter un mémoiresur la compétence. A la
suite de cet entretien le coagent a, par lettre du 13 août, demandé que la
date d'expiration du délaisoit reportée au 23 novembre. Contrairement à
ce qui avait été faiten juin pour la fixation des délais originaux, le Gou-
vernement français a étéinvitéà faire connaître son opinion. Sa réponse
a été qu'ayantdéniéla compétence de la Cour en l'affaire il ne pouvait

exprimer d'opinion. Le Président, ayant consulté ses collègues sur les
délais par correspondance, et une majorité s'étantdéclaréefavorable, a
reporté, par ordonnance du 28 août, au 23 novembre 1973la date d'expi-of jurisdiction and admissibility, concerning which it held, in one of the
consideranda to the Order, that it was necessary to resolve them as soon as
possible.
Despite the firmness of this finding, made in June 1973,it is very nearly
1975and the preliminary questions referred to have remained unresolved.
Having voted against the Order of 22 June 1973 because 1 considered
that the questions of jurisdiction and admissibility could and should have

been resolved without postponement to a later session,1have afortiori
been opposed to the delays which have characterized the continuance of
the proceedings and the upshot of which is that the Court has concluded
that Australia's Application is without object now. 1must here recall the
circumstances in which certain time-limits were fixed, because it is in the
light of those circumstances that 1 have had to take up my position on

the suggestion that consideration of the admissibility of the Application
should be deferred until some later date.
When, in the Order of 22 June 1973, the Court invited the Parties to
produce written pleadings on the questions of its jurisdiction and the
admissibility of the Application, it fixed 21 September 1973 as the time-
limit for the filing of the Australian Government's Memorial and 21 De-

cember 1973as the time-limit for the filing of a Counter-Memorial by the
French Government. This decision was preceded by a conversation
between the Acting President and the Agent of Australia, who stated that
he could agree to a three-month time-limit for his own G~vernment's
pleading. No contact was sought with the French Government at that
same time. No reference is to be found in the Order to the application of

Article 40 of the liules of Court or, consequently, to the consultation
which had taken place with the Agent of Australia. After the Order had
been made, the Co-Agent of Australia, on 25 June 1973, informed the
Acting President that his Government felt it would require something
in the nature of a three-month extension of time-limit on account of a
new element which was bound to have important consequences, namely

that the Memorial would now have to deal not only with jurisdiction but
also with admissibility. Although the Court remained in session until
13July 1973,this information was not conveyed to it. On IOAugust 1973
the Co-Agent was received by the President and formally requested on
behalf of his Government that the time-limit be extended to 21 December
1973,on the ground that questions of admissibility had not been foreseen
when the Agent had originally been asked to indicate how much time he

would require for the presentation of a Memorial on jurisdiction. Fol-
lowing thisconversation the Co-Agent, by a letter of 13August, requested
that the time-limit should be extended to 23 Novembcr. Contrary to what
had been done in June with regard to the fixing of the original time-
limits, the French Government was invited to make known its opinion.
Its reply was that, having denied the Court's jurisdiction in the case, it

was unable to express any opinion. After he had consulted his colleagues
by correspondence on the subject of the time-limits and a majority had
expressed a favourable view, the President, by an Order of 28 August,

50ration du délaipour le dépôtdu mémoiredu Gouvernement australien et

au 19 avril 1974 la date d'expiration du délaipour le dépôtdu contre-
mémoiredu Gouvernement français.
Les circonstances dans lesquelles la procédure écritesur les questions
préliminairesa étéainsi prolongée jusqu'au 19 avril 1974donnent lieu à
plusieurs observations. Tout d'abord il aurait étéplus conforme au
Statut et au Règlement de ne consulter le Gouvernement australien
qu'aprèsle prononcé de l'ordonnance du 22juin 1973et de procéderen
mêmetemps à une consultation du Gouvernement français. Supposons
que se généralisele nouveau procédé consistant,avant un prononcé sur
une phase préliminaire, à consulter les agents des parties au sujet des
délaispour la phase suivante: l'agent qui, une certaine fois, ne serait pas
consulté n'aurait pas besoin d'une perspicacité surnaturelle pour com-
prendre que son affaire ne continuerait pas.

Pour revenir à la présenteaffaire, il faut penser que le Gouvernement
français, s'il avait été consulté immédiatementaprès le prononcé de
l'ordonnance du 22 juin 1973, aurait donné la mêmeréponse que deux
mois plus tard. Il aurait donc été clair dse moment que le Gouverne-

ment français n'avait pas l'intention de particperla procédureécriteet
il n'y aurait pas eu lieu de réserver une périodede trois mois pour la
production du contre-mémoire. Ainsi l'affaire aurait-elle pu êtreen état
dèsla fin de l'été 1973,cqeui aurait permis la Cour de rendre son arrêt
avant la fin de la mêmeannée. Aprèss'être privéd ee la possibilité d'orga-
niser la procédure orale au cours de l'automne 1973, la Cour s'est trou-
véeen présenced'une demande de prorogation du délaipour le dépôtdu
mémoire. Ilfaut regretter que cette demande, annoncée trois jours après
le prononcé de I'ordonnance du 22 juin 1973, n'ait pas été portée à la
connaissance de la Cour pendant qu'elle siégeaitencore, ce qui lui aurait
permis de délibérer régulièremenstur la question de prorogation. Or
l'ordonnance du 28 août n'a pas seulement prorogéle délaifixépour le
dépôtdu mémoire du Gouvernement australien mais a encore assorti ce
délaid'un délai complémentairede cinq mois pour le dépôtd'un contre-
mémoire que le Gouvernement français n'avait pas l'intention de pré-
senter. Ces cinq mois n'ont servi qu'à prolonger la période pendant
laquelle le Gouvernement australien pouvait se préparer à la procédure

orale, ce qui a été uneautre faveur injustifiéeaccoràéce gouvernement.

Mais il y a plus. L'ordonnance du 28 août 1973a aussi eu pour con-
séquence de renverser l'ordre suivant lequel la présente affaire et les
affaires de la Compétenceen matièredepêcheriesauraient dû se trouver en
état.Dans ces dernièresaffaires, la Cour, aprèsavoir indiquédes mesures
conservatoires par ordonnances du 17août 1972,s'étaitdéclaréecompé-
tente par arrêtsdu 2 février1973et avait, par ordonnances en date du
15 février 1973, fixéla date d'expiration des délais pour le dépôtdes
mémoires et contre-mémoires aux ler août 1973et 15janvier 1974res- NUCLEAR TESTS(SEP. OP. PETRÉN) 300

extended the time-limit for the filing of the Australian Government's
Memorial to 23 November 1973 and the time-limit for the filing of a
Counter-Memorial by the French Government to 19April 1974.
The circumstances in which the written proceedings on the preliminary
questions were thus prolonged until 19 April 1974 warrant several ob-
servations. In the first place, would have been more in conformity with
the Statute and the Rules of Court not to have consulted the Australian
Government until afler the Order of 22 June 1973had been made and to
proceed at the same time to consult the French Government. Let us
suppose that this new procedure were to be put into general practice and
it became normal, before the Court's decision on a preliminary phase, to
consult the Agents of the Parties regarding the time-limits for the next
phase: any Agent who happened not to be consulted on a particular
occasion would not require supernatural perspicacity to realize that this
case was not going to continue.
To return to the present case, there is every reason to think that the

French Government, if it had been consulted immediately after the
making of the Order of 22 June 1973,would have given the same reply
as it did two months later. It would then have been clear at once that the
French Government had no intention of.participating in the written
proceedings and that there would be no necessity to allocate it a three-
month period for the production of a Counter-Memorial. In that way
the case could have been ready for hearing by the end of the summer of
1973, which would have enabled the Court to give its judgment before
that year was out. After having deprived itself of the possibility of hold-
ing the oral proceedings during the autumn of 1973, the Court found
itself faced with a request for the extension of the time-limit for the filing
of the Memorial. It is to be regretted that this request, announced three
days after the reading of the Order of 22 June 1973,was not drawn to
the Court's attention while it was yet sitting, which would have enabled
it to hold a regular deliberation on the question of extension. As it
happened, the Order of 28 August not only extended the time-limit fixed
for the filing of the Memorial of the Australian Government but also

accompanied this time-limit with a complementary time-limit of five
months for the filing of a Counter-Memorial which the French Govern-
ment had no intention of presenting. Those fivemonths merely prolonged
the period during which the Australian Government was able to prepare
for the oral proceedings, which was another unjustified favour accorded
to that Government.
But that is not all:the Order of 28 August 1973also had the result of
reversing theorder in which the present case and the Fisheries Jurisdiction
cases should have become ready for hearing. In the latter cases,the Court,
after having indicated interim measures of protection by Orders of 17
August 1972, had found, by its Judgments of 2 February 1973, that it
possessed jurisdiction and, by Orders of 15 February 1973,had fixed the
time-limits for the filing of Memorials and Counter-Memorials at
1 August 1973 and 15 January 1974 respectively. If the Order of 28pectivement. Si I'ordonnance du 28 août 1973 prorogeant les délais

fixésen la présente affaire n'était pas intervenue, celle-ci aurait étéen
état le 22 décembre 1973, donc avant les affaires de la Compétenceen
matièrede pêcheriessur lesquelles elle aurait eu priorité en vertu de I'ar-
ticle50, paragraphe 1,du Règlement de 1972aussi bien que de l'article 46,
paragraphe 1, du Règlement de 1946, encore applicable aux affaires
de la Compétenceen matière de pêcheries.Après que I'ordonnance du

28 août 1973 eut prolongé la procédure écrite en la présente affaire
jusqu'au 19 avril 1974, c'est aux affaires de la Compétenceen matière de
pêcheriesqu'est revenue la priorité fondée sur les dispositions précitées
du Règlement dans ses deux versions. Or la Cour aurait pu décider de
rétablir le précédent ordre de priorité, décision que l'autorisaient à
prendre, en raison de circonstances particulières, l'article50, paragra-

phe 2, du Règlement de 1972aussi bien que l'article 46, paragraphe 2, du
Règlement de 1946. L'inutilité du délai fixépour le dépôt du contre-
mémoiredu Gouvernement français constituait une circonstance particu-
lière, mais il y en avait d'autres, d'un poids encore plus grand. Dans les
affaires de la Compétenceen matièredepêcheries,la Cour s'étantdéclarée
compétente, l'incertitude concernant la justification de I'indication de
mesures conservatoires avait cessé d'exister, tandis qu'en la présente

affaire cette incertitude a persisté de longs mois. Or la France, qui avait
demandé que l'affaire fût rayée du rôle, avait, en supposant que cette
attitude fût justifiée, un intérêtà voir un terme mis à l'affaire et par là
aux nombreuses critiques qu'on lui faisait de ne pas appliquer des mesures
conservatoires présumées indiquéespar une Cour compétente. Par
ailleurs, comme il se pouvait que la France procédât pendant l'été1974à

une nouvelle série d'essais nucléairesatmosphériques, l'Australie avait un
intérêt particulierà voir confirmée auparavant la compétence de la Cour,
ce qui aurait conféréplus d'autorité à I'indication de mesures conserva-
toires.
Pour toutes ces raisons, on aurait pu s'attendre a ce que la Cour décide
d'examiner la présente affaireavant celles de la Compétenceen matièrede
pêcheries.Cependant, le 12 mars 1974, une proposition à cet effet fut

rejetée par six voix contre deux avec six abstentions. Ainsi la Cour se
privait-elle de la possibilitéde rendre un arrêten la présente affaireavant
la fin de la période critique de l'année 1974.
Cette sériede retards ayant fait durer la procédure jusqu'à la fin de
l'année1974, la Cour décideaujourd'hui que la requêtede l'Australie est
sans objet et qu'il n'y a dèslorspas lieu à statuer.

On ne saurait prendre position sur cet arrêtsans se rendre compte de ce
qu'il signifie quant aux questions préliminaires retenues par I'ordonnance
du 22 juin 1973 comme devant être examinéespar la Cour en la présente
phase de la procédure. 11s'agit de la compétence de la Cour pour connaî-
tre du différend et de la recevabilité de la requête, questions entre les-
quelles il n'est pas facile de distinguer, ainsi que la Cour a eu maintes

fois l'occasion de le dire. On pourrait mêmeregarder la recevabilité de laAugust 1973extending the time-limits in the present case had not inter-
vened, this case would have been ready for hearing on 22 December 1973,
i.e., before theFisheries Jurisdictioncases, and would have had priority
over them by virtue of Article 50, paragraph 1, of the 1972 Rules of

Court and Article 46, paragraph 1, of the 1946 Rules of Court which
were still applicable to theFisheries Jurisdictioncases. After the Order of
28 August 1973 had prolonged the written proceedings in the present
case until 19 April 1974, it was the Fisheries Jurisdiction cases which
becameentitled to priority on the basis of theabove-mentioned provisions
of the Rules of Court in either of their versions. However, the Court
could have decided to restore the previous order of priority, a decision
which Article 50, paragraph 2, of the 1972 Rules, and Article 46, para-
graph 2, of the 1946 Rules, enabled it to take in special circumstances.
The unnecessary character of the time-limit fixed for the filing of a
Counter-Memorial by the French Government was in itself a special
circumstance, but there were others even more weighty. In the Fisheries
Jirrisdictioncases, there was no longer any uncertainty concerning the
justification for the indication of interim measures of protection, inas-
much as the Court had found that it possessedjurisdiction, whereas in the
present case this uncertainty had persisted for many months. Yet France

had requested the removal of the case from the list and, supposing that
attitude werejustified, had an interest in seeing the proceedings brought
to an end and, with them, the numerous criticisms levelled at it for not
applying interim measures presumed to have been indicated by a Court
possessing jurisdiction. Moreover, as France might during the summer of
1974 be carrying out a new series of atmospheric nuclear tests, Australia
possessed its own interest in having the Court's jurisdiction confirmed
before then, inasmuch as that would have conferred greater authority on
the indication of interim measures.

For al1 those reasons, the Court could have been expected to decide
to takethe present case before the FisheriesJurisdiction cases.Neverthe-
less, on 12 March 1974,a proposa1 in that sense was rejected by 6 votes
to 2, with 6 abstentions. In that way the Court deprived itself of the
possibility of delivering ajudgment in the present case before the end of
the critical period of 1974.
The proceedings having been drawn out until the end of 1974by this

series of delays, the Court has now found that Australia's Application is
without object and that it is therefore not called upon to give a decision
thereon.
Tt is not possible to take up any position vis-à-vis this Judgment with-
out being clear as to what it signifiesin relation to the preliminary ques-
tions which, under the terms of the Order of 22 June 1973, were to be
considered by the Court in the present phase of the proceedings, namely
the jurisdiction of the Court to entertain the dispute and the admissibility
of the Application. As the Court has had frequent occasion to state,
these are questions between which it is not easy to distinguish. The ad-requête commeune condition àla compétencede la Cour. A l'article 8
de la Résolution visant la pratique interne de la Cour en matière judi-
ciaire, compétence et recevabilité sont rangées côte à côte comme des

conditions à satisfaire pour que la Cour puisse entreprendre l'examen au
fond. C'est sur cette base que l'ordonnance du 22juin 1973a étérédigée.
11ressort de ses considérantsque lesaspects de la question de compétence
à examiner comprennent notamment, d'une part, les effets de la réserve
relative aux activités serapportant la défensenationale que la France a
faiteenrenouvelant en 1966sonacceptation delajuridiction de la Cour et,
d'autre part, lesrelationsexistantentre la France et l'Australie en vertu de
l'Acte généralde 1928pour le règlement pacifiquedes différendsinterna-
tionaux, à supposer que cet instrument soit toujours en vigueur. En
revanche l'ordonnance n'est pas aussi préciseen ce qui concerne les
aspects à explorer de la question de la recevabilitéde la requête. Aucon-
traire, puisqu'elle n'en indique aucun, la Cour doit rechercher de manière
tout à fait généralesi elle a été valablementsaisie de l'affaire. L'une des
toutes premièresconditions à remplir est de savoir sile différend concerne

une matière régiepar le droit international. Si tel n'étaitpas le cas, le
différendn'aurait pas d'objet relevant de la compétencede la Cour, celle-
ci n'ayant compétenceque pour des différendsdedroit international.

L'arrêt faitallusion en son paragraphe 24 à la compétencede la Cour
telle qu'il la conçoit, c'est-à-dire limitéeaux problèmes ayant trait aux
clauses juridictionnelles du Statut de la Cour et de l'Acte généralde
1928.Selon la première phrase de ce paragraphe, ccla Cour doit examiner
d'abord une question qu'elle estime essentiellement préliminaire,savoir
l'existence d'un différend,car que la Cour ait ou non compétence en
l'espèce la solution de cette question pourrait exercer une influence
décisivesur la suite de l'instanceEn d'autres termes, l'arrêt, quipar la
suite ne mentionne plus la question de compétence,indique que la Cour
n'a pas jugé qu'ily ait lieu de l'examiner ni de la trancher. Sans le dire

aussi nettement, il ne traite pas non plus de la recevabilité.

Pour ma part, je ne crois pas possible d'écarter ainsi l'examende toutes
les questions préliminaires retenues par l'ordonnance du 22 juin 1973.
Je suis notamment d'avis que la Cour aurait dû se former d'emblée une
opinion sur le vrai caractère du différendformant l'objet de la requête;si
elle avait trouvé que le différendne portait pas sur un point dedroit inter-
national, c'est pour cette raison touà fait primordiale qu'elle aurait dû
rayer l'affaire du rôle et non pasà cause de l'inexistence de l'objet du
différendconstatée aprèsde longs mois de procédure.

C'est dans cette optique que je crois devoir examiner la recevabilitéde
la requêtede l'Australie. Je continuà penser, comme dans mon opinion
dissidente jointe l'ordonnance du 22juin 1973,qu'il y a lieu avant tout
de se demander si, d'une manière générale,les essais atmosphériques

d'armes nucléairessont régispar des normes de droit international oumissibility of the Application may even be regarded as a precondition of

the Court's jurisdiction. In Article 8 of Resolution concerning the Interna1
Judicial Practice of the Court, competence and admissibility are placed
side by side as conditions to be satisfied before the Court may undertake
theconsideration of the merits. It is on that basis that the Order o22 June
1973 was drawn up. It emerges from its consideranda that the aspects of
competence which are to be examined include, on the one hand, the

effects of the reservation concerning activities connected with national
defence which France inserted when it renewed in 1966 its acceptance of
the Court's jurisdiction and, on the other hand, the relations subsisting
between France and Australia by virtue of the General Act of 1928 for
the Pacific Settlement of International Disputes, supposing that instrument
to be still in force. However, the Order is not so precise regarding the
aspects of the question of the admissibility of the Application which are

to be explored. On the contrary, it specifies none, and it is therefore by a
wholly general enquiry that the Court has to determine whether it was
validly seised of the case. One of the very first prerequisites is that the
dispute should concern a matter governed by international law. If this
were not the case, the dispute would have no object falling within the
domain of the Court's jurisdiction, inasmuch as the Court is only com-

petent to deal with disputes in international law.
The Judgment alludes in paragraph 24 to the jurisdiction of the Court
as viewed therein, i.e., as limited to problems related to the jurisdictional
provisions of the Statute of the Court and of the General Act of 1928.
In the words of the first sentence of that paragraph, "the Court has first
to examine a question which it finds to be essentially preliminary, namely

the existence of a dispute, for, whether or not the Court has jurisdiction
in the present case, the resolution of that question could exert a decisive
influence on the continuation of the proceedings". In other words, the
Judgment, which rnakes no further reference to the question of juris-
diction, indicates that the Court did not find that there was any necessity
to consider or resolve it. Neither-though this it does not make so plain-
does it deal with the question of admissibility.

For my part, 1do not believe that it is possible thus to set aside con-
sideration of al1 the preliminary questions indicated in the Order of
22 June 1973. More particularly, the Court ought in my view to have
forrned an opinion from the outset as to the true character of the dispute
which was the subject of the Application; if the Court had found that the
dispute did not concern a point of international law, it was for that

absolutely primordial reason that it should have removed the case from
its list, and not because the non-existence of the subject of the dispute
was ascertained after many months of proceedings.
It is frorn that angle that 1believe 1should consider the question of the
admissibility of Australia's Application. It is still my view that, as 1said
in the dissenting opinion which 1appended to the Order of 22 June 1973,

what is first and foremost necessary is to ask oneself whether atmospheric
tests of nuclear weapons are, generally speaking, governed by norms of303 ESSAIS NUCLÉAIRES (OP. IND. PETREN)

s'ils appartiennent au domaine hautement politique où les normes inter-
nationales de légalitéet d'illégalitésont encore en gestation. 11est bien
vrai que des différends au sujet de l'interprétation et de l'application de
règles de droit international peuvent avoir une grande importance poli-
tique sans perdre pour autant leur caractère inhérent de différends juri-
diques. Il n'en reste pas moins nécessairede distinguer entre les différends

axés sur des normes de droit international et les tensions entre Etats
causéespar des mesures prises dans un domaine non encore régipar le
droit international.
A ce sujet, il me semble utile de rappeler ce qui s'est passé dans le
domaine des droits de I'homme. Dans un passé relativement récent, le
traitement qu'un Etat réservait à ses propres ressortissants était d'une

manière générale considéré comme ne relevant pas du droit international.
Mêmeles violations les plus outrageantes des droits de I'homme com-
mises par un Etat envers ses propres nationaux n'auraient pu faire l'objet
de la saisine d'un organe judiciaire international par un autre Etat. Une
requête ence sens aurait étédéclaréenon recevable et n'aurait pu donner
lieu à aucun examen de la matérialitédes faits alléguéspar 1'Etat requé-

rant. Telle aurait étéla situation même dans les relations entre Etats
ayant accepté sans réserves laclause facultative de l'article 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale. La simple constatation
que l'affaire concernait une matière non régiepar le droit international
aurait suffi à empêcherla Cour permanente de statuer. Pour reprendre la

terminologie de la présenteaffaire, cela aurait été une questionde receva-
bilitéde la requêteet non de compétence de la Cour. Ce n'est qu'une
évolution postérieureà la deuxième guerre mondiale qui a abouti à ce que
le devoir des Etats de respecter les droits de l'homme à l'égardde tous les
individus, y compris leurs propres nationaux, constitue une obligation de
droit international envers tous les Etats membres de la communauté

internationale. La Cour y a fait allusion dans son arrêt en l'affaire de la
Barcelona Traction, Liglzt and Power Company, Limited (C.I.J. Recueil
1970, p. 32). Il faut certes regretter que cette reconnaissance universelle
des droits de I'homme n'ait pas encore été accompagnéed'une évolution
correspondante de la compétence des organes judiciaires internationaux.
Faute d'un systèmeétanchede clausesjuridictionnelles appropriées, trop

de différends internationaux portant sur la protection des droits de
I'homme échappent aux juges internationaux. La Cour l'a rappeléégale-
ment dans l'arrêtprécité (ibirl.p. 47), enlevant ainsi du poids à sa réfé-
rence aux droits de I'homme et créantpar là l'impression d'une contradic-
tion qui n'a pas échappé aux auteurs.

Une évolution analogue se dessine aujourd'hui dans un domaine
voisin, celui de la protection de l'environnement. Les essais nucléaires
atmosphériques, envisagés comme un danger particulièrement grave de
pollution de l'environnement, constituent une préoccupation angoissante
de l'humanitédu temps présentet il n'est que naturel que deseffortssoient
faits sur le plan international pour dresser des barrièresjuridiques contreinternational law, or whether they belong to a highly political domain
where the international norms of legality or illegality are still at the
gestation stage. It is quite true that disputes concerning the interpretation
or application of rules of international law may possess great political

importance without thereby losing their inherent character of being legal
disputes. It is nonetheless necessary to distinguish between disputes
revolvineuon norins of international law and tensions between States
caused by rneasures taken in a domain not yet governed by international
law.

In that connection, 1feel it may be useful to recall what has happened
in the dornain of human rights. In the relatively recent past, it was
generally considered that the treatment given by a State to its own
siibjects did not come within the purview of international law. Even the
most outrageous violations of human rights comrnitted by a State to-

wards its own nationals could not have formed the subject of an appli-
cation by another State to an international judicial organ. Any such appli-
cation would have been declared inadmissible and could not have given
rise to any consideration of the truth of the facts alleged by the appccant
State. Such would have been the situation even in relations between
States having accepted without reservation the optional clause of Article

36 of the Statute of the Permanent Court of International Justice. The
mere discovery that the case concerned a matter not governed by inter-
national law would have been sufficient to prevent the Permanent Court
from adjudicating upon the claim. To use the terrninology of the present
proceedings, that would have been a question concerning the admissi-

bility of the application and not the jurisdiction of the Court. It is only
an evolution subsequent to the Second World War which has made the
duty of States to respect the human rights of all, including their own
nationals, an obligation under international law towards al1States mem-
bers of the international community. The Court alluded to this in its

Judgment in the case concerning the Barcelona Traction, Light and Power
Company, Limited (I.C.J. Reports 1970, p. 32). It is certainly to be
regretted that this universal recognition of human rights should not, up
to now, have been accompanied by a corresponding evolution in the
jiirisdiction of international judicial organs. For want of a watertight
system of appropriate jurisdictional clauses, too many international dis-

putes involving the protection of human rights cannot be brought to
international adjudication. This the Court also recalled in the above-
nientioned Judgment (ibid., p. 47), thus somewhat reducing the impact of
its reference to human rights and thereby leaving the impression of a self-
contradiction which has not escaped the attention of writers.

We can see a similar evolution taking place today in an allied field,
that of the protection of the environment. Atmospheric nuclear tests,
envisaged as the bearers of a particularly serious risk of environmental
pollution, are a source of acute anxiety for present-day mankind, and it
is only natural that efforts should be made on the international plane to
erect legal barriers against that kind of test. In the present case, the ques-ce genre d'essais. En la présenteaffaire, il s'agit de savoir si de telles bar-
rières existaient au moment du dépôt de la requête de l'Australie. La

requêtene saurait êtreconsidérée commerecevable si, au moment de son
dépôt,le droit international n'avait pas atteint un stade tel qu'il régisse les
essais atmosphériques d'armes nucléaires. Ona voulu faire valoir qu'il
suffitque deux parties se contestent réciproquement un droit pour qu'une
requête à ce sujet émanant de l'une d'ellessoit recevable. Telle serait la
situation en l'espèce, mais à mes yeux, la question de la recevabilité
d'une requêtene saurait se réduire à l'application d'une formule aussi
simple. 11faut encore que le droit revendiqué par la Partie demanderesse
relèved'un domaine régipar le droit international. En la présenteaffaire,
la requêteest fondée surl'allégation selon laquelle les essais nucléairde
la France dans le Pacifique auraient causédes retombées radioactives sur
le territoire de l'Australie. Le Gouvernement australien y voit une at-
teinteà sa souverainetéqui serait contraire audroit international.Comme
il n'existe aucun lien conventionnel entrel'Australie et la France en ma-
tière d'essais nucléaires,la requête suppose l'existence d'une règle de

droit international coutumier interdisant aux Etats de causer, par des
essais nucléairesatmosphériques, des retombées radioactives sur le ter-
ritoire d'autres Etats. C'est donc l'existence ou la non-existence d'une
telle règlecoutumière qu'il faut constater.
11a été suggéraéu cours de la procédureque la question de la recevabi-
litéde la requêten'avait pas un caractère exclusivement préliminaire et
que son examen pourrait êtredifféré jusqu'à I'examendu fond. Cela pose
une question d'application de I'article 67 du Règlement de la Cour de
1972.Le motif principal de la revision des dispositions du Règlementqui
se trouvent maintenant dans cet article a été d'éviteq rue la Cour, en
réservant sa position sur une question préliminaire, ouvre une longue
procédure sur les aspects de fond d'une affaire pour constater en fin de
compte que la réponse à la question préliminairerendait cette procédure
superflue. Certes I'article ne parle que des exceptions préliminairesfor-
muléespar le défendeur mais ilva de soi que l'esprit de cet article doit
s'appliquer aussi à I'examen des questions concernant la recevabilité

d'une requêtesur lesquelles la Cour doit prendre position ex oficio. II va
également sans dire que, dans une affaire où le défendeur fait défaut,
l'article 53 du Statut oblige la Cour à veiller avec une attention toute
spéciale àl'observation des dispositions de I'article67 du Règlement.

Bref, la Cour se trouve appeléepour la première foisà appliquer la dis-
position de son Règlement reviséqui a remplacé l'ancienne disposition
autorisant la jonction des exceptions préliminaires au fond. On peut se
demander en quoi la nouvelle règle sedistingue réellement de I'ancienne.
Pour ma part, je pense que, comme la précédente,la nouvelle disposition
confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d'apprécierau stade initial
d'une affaire si telle ou telle question préliminairedoit êtrerégléeavant
tout. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Cour doit, à mon avis,
apprécierle degré de complexitéde la question préliminairepar rapport àtion is whether such barriers existed at the time of the filing of the
Australian Application. That Application cannot beconsideredadmissible
if, at the moment when it was filed, international law had not reached the
stage of applicability to the atmospheric testing of nuclear weapons. It
has been argued that it is sufficientfor two parties to be in dispute over a
right for an applicationfrom one of them on that subject to be admissible.
Such would be the situationin the present case, but to my mind the ques-
tion of the admissibility of an application cannot be reduced to the ob-
servance of so simple a formula. It is still necessary that the right claimed
by the applicant party should belong to a domain governed by interna-
tional law. In the present case, the Application is based upon an allegation
that France's nuclear tests in the Pacific have given rise to radio-active
fall-out on the territory of Australia. The Australian Government con-
siders that its sovereignty has thereby been infringed in a manner con-

trary to international law. As there is no treaty link between Australia
and France in the matter of nuclear tests, the Application presupposes
the existence of a rule of customary international law whereby States are
prohibited from causing, through atmospheric nuclear tests, the deposit
of radio-active fall-out on the territory of other States. It is therefore the
existence or non-existence of such a customary rule which has to be deter-
mined.
It was suggested in the course of the proceedings that the question of
the admissibility of the Application was not of an exclusivelypreliminary
character and that consideration of it could be deferred until the exami-
nation of the merits. This raises a question regarding the application of
Article 67 of the 1972Rules of Court. The main motive for the revision
of the provisions of the Rules which are now to be found in that Article
was to avoid the situation in which the Court, having reserved its po-
sition with regard to a preliminary question, orders lengthy proceedings
on the substantive aspects of a case only to find at the end that the answer
to that preliminary question has rendered such proceedings superfluous.
It is truethat Article 67 refers only to preliminary objections put forward

by the respondent, but it is obvious that the spirit of that Article ought
also to apply to the consideration of any questions touching the ad-
missibility of an application which the Court is to resolve ex officio. It is
also plainly incumbent upon the Court, under Article 53 of the Statute,
to take special care to see that the provisions of Article 67 of the Rules
are observed when the respondent is absent from the proceedings.
In sum, the Court, for the first time, has had occasion to apply the
provision of its revised Rules which replaced the former provisions
enabling preliminary objections to be joined to the merits. One may ask
where the real difference between the new rule and the old lies. For my
part, 1consider that the new rule, like the old, bestows upon the Court a
discretionary power to decide whether, in the initial stage of a case, such
and such a preliminary question ought to be settled before anything else.
In exercising this discretionary power the Court ought, in my view, to
assess the degree of complexity of the preliminary question in relation tol'ensemble des questions faisant partie du fond. Si la question prélimi-

naire revêtun caractère relativement simple, tandis qu'un examen au fond
donnerait lieu à une procédure longue et compliquée, la Cour se doit de
trancher tout de suite la question préliminaire. Voilà ce qu'exige l'esprit
dans lequel le nouvel article 67 du Règlement a étérédigé.Ces considéra-
tions me paraissent applicables à la présente affaire.
La Cour se serait fait le plus grand tort si, sans trancher la question de
recevabilité, elle avait ouvert sur tous les aspects du fond de l'affaire une

procédure nécessairement longue et compliquée, ne serait-ce qu'à cause
des questions scientifiques et médicalesen jeu. Il y a lieu de rappeler que,
au stade préliminaire où elle se trouve toujours, la procédure a déjà
subi des retards considérables laissant au Gouvernement australien am-
plement le temps de préparer ses écritures et plaidoiries sur tous les
aspects de la recevabilité. Comment aurait-on pu dans ces conditions

renvoyer l'examen de la question à une date ultérieure?

Ilressort de ce qui précèdeque la recevabilité de la requêtedépend, à
mes yeux, de l'existence d'un droit international coutumier interdisant
aux Etats de procéder à des essais atmosphériques d'armes nucléaires
causant des retombées radioactives sur le territorire d'autres Etats. Or il

est notoire, et admis par le Gouvernement australien lui-même,que toute
explosion nucléaire dans l'atmosphère cause des retombées radioadtives
dans l'ensemble de l'hémisphèreterrestre où elle s'est produite. L'Austra-
lie n'est doncque l'un desnombreux Etats sur lesquels lesessais nucléaires
atmosphériques de la France, de mêmeque ceux d'autres Etats, ont causé
des retombées radioactives. Depuis la deuxième guerre mondiale, certains

Etats ont procédéà des essais nucléaires atmosphériques destinésà per-
mettre à leurs armements de passer du stade atomique au stade thermo-
nucléaire.Le comportement de ces Etats prouve que leurs gouvernements
n'ont pas étéd'avis que le droit international coutumier interdît les essais
nucléaires atmosphériques. Au surplus le traité de 1963 par lequel les
trois premiers Etats qui se soient dotés d'armes nucléairesse sont mutuel-

lement interdit de nouveaux essais dans I'atmosphère peut êtredénoncé.
Par cette disposition, les signataires du traité ont montré qu'ils restaient
d'avis que le droit international coutumier n'interdisait pas les essais
nucléaires dans I'atmosphère.
En vue de constater la formation éventuelled'une règle coutumière à
cet effet, il semble plus important de connaître l'attitude des Etats
n'ayant pas encore accompli les essais nécessairespour atteindre le stade

nucléaire. Pour ces Etats l'interdiction des essais nucléaires atmosphéri-
ques pourrait signifier la division de la communauté internationale en
deux groupes: les Etats qui possèdent des armes nucléaires et ceux qui
n'en possèdent pas. Si un Etat ne possédant pas d'armement nucléaire
s'abstient de faire procéder aux essais atmosphériques qui lui permet-
traient de s'en doteret si cette abstention est motivéenon par des considé-
rations d'ordre politique ou économique mais par la conviction que cesthe whole of the questions going to the merits. If the preliminary question
is relatively simple, whereas consideration of the merits would give rise to
lengthy and complicated proceedings, the Court should settle the pre-
liminary question at once. That is what the spirit in which the new

Article 67 of the Rules was drafted requires. These considerations appear
to me to be applicable to the present case.
TheCourt would have done itself the greatest harm if, without resolving
the question of admissibility, it had ordered the commencement of pro-
ceedings on the merits in al1 their aspects, proceedings which would
necessarily have been lengthy and complicated if only because of the

scientific and medical problems involved. It should be recalled that, in the
preliminary stage from which they have not emerged, the proceedings had
already been subjected to considerable delays, which left the Australian
Government ample time to prepare its written pleadings and oral argu-
ments on al1 aspects of admissibility. How, in those circumstances,
could the consideration of the question have been postponed to somc

later date?
As is clear from the foregoing, the admissibility of the Application
depends, in my view, on the existence of a rule of customary international
law which prohibits States from carrying out atmospheric tests of nuclear
weapons giving rise to radio-active fall-out on the territory of other States.
Now it is common knowledge, and is admitted by the Australian Govern-

ment itself, that any nuclear explosion in the atmosphere gives rise to
radio-active fall-out over the whole of the hemisphere where it takes
place. Australia, therefore, is only one of many States on whose territory
France's atmospheric nuclear tests, and likewise those of other States,
have given rise to the deposit of radio-active fall-out. Since the Second
World War, certain States have conducted atmospheric nuclear tests for

the purpose of enabling them to pass from the atomic to the thermo-
nuclear stage in the field of armaments. The conduct of these States
proves that their Governments have not been of the opinion that custom-
ary international law forbade atmospheric nuclear tests. What is more,
the Treaty of 1963 whereby the first three States to have acquired nuclear

weapons mutually banned themselves from carrying out further atmos-
pheric tests can be denounced. By the provision in that sense the signa-
tories of the Treaty showed that they were still of the opinion that
customary international law did not prohibit atmospheric nuclear tests.
To ascertain whether a customary rule to that effect might have come
into being, it would appear more important to learn what attitude is

taken up by States which have not yet carried out the tests necessary for
reaching the nuclear stage. For such States the prohibition of atmospheric
nuclear tests could signify the division of the international community
into two groups: States possessing nuclear weapons and States not pos-
sessing them. If a State which does not possess nuclear arms refrains
from carrying out the atmospheric tests which would enable it to acquire

them and if that abstention is motivated not by political or economic
considerations but by a conviction that such tests are prohibited by

56essais sont interdits par le droit international coutumier, l'attitude de cet
Etat constituera un élémentdans la formation d'une telle coutume. Mais
où trouve-t-on la preuve de ce qu'un nombre suffisant d'Etats économi-
quement et techniquement capables de procéder àla fabrication d'armes
nucléairess'abstiennent de faire procéder à des essais nucléaires atmo-
sphériques parcequ'ils sont d'avis que cela leur est interdit par le droit
international coutumier? L'exemple donné récemment par la Chine en
faisant exploser dans i'atmosphère unebombe de grande puissance suffit
à démolir la thèse de l'existence actuelle d'une règle de droit interna-
tional coutumier interdisant lesessais nucléairesatmosphériques. Vouloir
fermer les yeux devant l'attitude,à cet égard,de 1'Etatle plus peuplédu
monde témoigneraitd'un manque de réalisme.

Pour compléterce bref aperçu, il convient de se demander quelle a été
l'attitude des nombreux Etats sur les territoires desquels des retombées
radioactives provenant des essais atmosphériques des Puissances nuclé-
aires se sont déposéeset continuent à se déposer. Ont-ils, d'une manière
générale,protesté auprès de ces Puissances en faisant valoir que leurs
essais contrevenaient au droit international coutumier? Je ne constate
pas que tel ait étéle cas. Les résolutionsvotéesl'Assemblée générad lees
Nations Unies ne sauraient valoir des protestations juridiques d'Etat à
Etat visant des cas concrets. Elles indiquent l'existenced'un fort courant
d'opinion en faveur de la proscription des essais nucléaires dans I'at-
rnosphère. Cela représente une tâche politique de la plus haute urgence
mais qui reste à accomplir. Ainsi la demande que l'Australie a adressée
à la Cour relève-t-elledu domaine politique et se situe-t-elle en dehors du
cadre du droit international tel qu'il existeaujourd'hui.
J'estime enconséquence que,dèsl'introduction de l'instance, la requête

de l'Australie a manqué d'un objet sur lequel la Cour pût statuer, tandis
que l'arrêtne conclut qu'à l'absence d'un tel objet à ce jour. Je rejoins
l'arrêten ce qui concerne l'issueà donner à l'affairà,savoir qu'il n'y a
pas lieu à statuer, mais je ne saurais pour autant m'associer aux motifs
sur lesquels cet arrêtest fondé. Quej'aie néanmoinsvotépour lui s'expli-
que par les considérations suivantes.

La méthode d'aprèslaquelle les arrêtsde la Cour sont traditionnelle-
ment rédigésimplique qu'un juge puisse voter pour un arrêt s'il est
d'accord sur l'essentiel du dispositif et cela mêmes'il n'accepte pas les
motifs donnés,ce qu'il fait alors normalement connaître par une opinion
individuelle. Certes, cet ordre de choses se prête des critiques, notam-
ment parce qu'il n'exclut pas l'adoption d'arrêtsdont la majorité des
juges les ayant votés n'acceptepas les motifs, mais telle est la pratique de
la Cour. Selon celle-ci lesmotifs, qui représententle fruit des première et

deuxième lectures de l'arrêtauxquelles participent tous les juges, précè-
dent le dispositif et ne peuvent plus êtrechangésau moment du vote prisà
la fin de la deuxièmelecture. Ce vote porte uniquement sur le dispositif et
n'est pas suivi de l'indication des motifs retenus par chaque juge. Dans
ces conditions, un juge qui désapprouve les motifs d'un arrêtmais est encustomary international law, the attitude of that State would constitute
an element in the formation of such a custom. But where can one find
proof that a sufficient number of States, economically and technically
capable of manufacturing nuclear weapons, refrain from carrying out
atmospheric nuclear tests because they consider that customary inter-
national law forbids them to do so? The example recently given by
China when it exploded a very powerful bomb in the atmosphere is suffi-
cient to demolish the contention that there exists at present a rule of
customary international law prohibiting atmospheric nuclear tests. It
would be unrealistic to close one's eyes to the attitude, in that respect,
of the State with the largest population in the world.

To complete this brief outline, one may ask what has been the attitude
of the numerous States on whose territory radio-active fall-out from the
atmospheric tests of the nuclear Powers has been deposited and continues
to bedesposited. Have they, generally speaking, protested tothese Powers,
pointing out that their tests were in breach of customary international
law? 1 do not observe that such has been the case. The resolutions passed
in the General Assembly of the United Nations cannot be regarded as
equivalent to legalprotests made by one State to another and concerning
concrete instances. They indicate the existence of a strong current of
opinion in favour of proscribing atmospheric nuclear tests. That is a
political task of the highest urgency, but it is one which remains to be
accomplished. Thus the claim submitted to the Court by Australia
belongs to the politicaldomain and is situated outside the framework of
international law as it exists today.
1 consider, consequently, that the Application of Australia was, from
the very institution of proceedings, devoid of any object on which the
Court could give a decision, whereas the Judgment finds only that such
an object is lacking now. 1concur with the Judgment so far as the out-
come to be given the proceedings is concerned, i.e., that the Court is not

called upon to give a decision, but that does not enable me to associate
myself with the grounds on which the Judgment is based. The fact that I
have nevertheless voted for it isexplained by the following considerations.
The method whereby the judgments of the Court are traditionally
drafted implies that a judge can vote for a judgment if he is in agreement
with the essential content of the operative part, and that he can do so
even if he does not accept thegrounds advanced, a fact which he normally
makes known by a separate opinion. It is true that this method of order-
ing the matter is open to criticism, more particularly because it does not
rule out the adoption of judgments whose reasoning is not accepted by
the majority of the judges voting in favour of them, but such is the prac-
tice of the Court. According to this practice, the reasoning, which re-
presents the fruit of the first and second readings in whichal1the judges
participate, precedes the operative part and can no longer be changed at
the moment when the vote is taken at the end of the second reading. This
vote concerns solely the operative part and is not followed by the indi-

57faveur de l'issue à laquelle aboutit le dispositif se sent obligé, dans I'in-
térêtde la justice, de voter pour I'arrêtcar, en votant autrement, il
risquerait d'empêcher la bonne solution. La phase actuelle de la présente
procédure a étéen réalitédominée par la question de savoir si la Cour
pouvait continuer à s'occuper de l'affaire. Sur ce point tout à fait capital,

je suis arrivé au mêmerésultat que I'arrêt,quoique me fondant sur
d'autres motifs.

J'ai en conséquence dû voter pour I'arrêtbien que je ne souscrive à
aucun de ses motifs. Une autre manière de voter aurait risquéde contri-

buer à créerune situation bien étrange pour une Courdont la juridiction
est volontaire, une situation dans laquelle une affaire aurait été examinée
au fond bien que la majorité desjuges estimât qu'il ne fallait pas le faire.
Ce sont justement de telles situations que l'article 8 de la Résolution
visant la pratique interne de la Cour en matière judiciaire est destiné à
éviter.

11me reste à expliquer ma position sur la question de la compétence de
la Cour au sens que l'ordonnance du 22 juin 1973donne à ce terme. Cette
question à multiples facettes n'est pas examinée dans I'arrêtd'après ce
que celui-ci dit expressément. Cela étantet comme, pour ma part, je n'ai
pas non plus éprouvéle besoin de l'examiner pour pouvoir conclure à la

solution de l'affaire en faveur de laquelle j'ai voté,je ne pense pas qu'un
exposédes idéesque je me suis faites sur ce sujet aient leur place dans la
présente opinion individuelle. Une opinion individuelle telle que je la
conçois ne doit pas aborder d'autres questions que I'arrêtà moins que
cela ne soit absolument nécessairepour expliquer le vote de l'auteur. J'ai
donc dû résister à la tentation de m'engager dans un échangede vues sur la

compétence avec ceux de mes collègues qui ont examiné cette question
dans leurs opinions dissidentes. Un débat entre juges sur des matières
dont l'arrêtne traite pas risque de se réduireà une sériede monologues -
ou de chŒurs - disparates. A toutes fins utiles, je dois cependant sou-
ligner que mon silence sur le sujet ne signifie pas que je consente à la
thèse de la compétence de la Cour.

(SignéS )ture PETRÉN.cation of the reasons upheld by each judge. In such circumstances, a
judge who disapproves of the reasoning of the judgment but is in favour
of the outcome achieved by the operative clause feels himself obliged,
inthe interests of justice, to vote for thejudgment, because if he voted the
other way he might frustrate the correct disposition of the case. The

present phase of the proceedings in this case was in reality dominated
by the question whether the Court could continue to deal with the case.
On that absolutely essential point 1 reached the same conclusion as the
Judgment, even if my grounds for doing so were different.
1have therefore been obliged to vote for the Judgment, even though 1
do not subscribe to any of its grounds. Had 1 voted otherwise 1would
have run the risk of contributing to the creation of a situation which

would have been strange indeed for a Court whose jurisdiction is volun-
tary, a situation in which the merits of a case would have been considered
even though the majority of the judges considered that they ought not
to be. It is precisely that kind of situation which Arti8lof the Resolu-
tion concerning the Interna1 Judicial Practice of the Court is designed to
avoid.

1 have still to explain my position with regard to the question of the
Court's jurisdiction, in theense given to that term by the Order of 22
June 1973. As the Judgment expressly States, this many-faceted question
is not examined therein. That being so, and as 1personally do not feel
any need to examine it in order to conclude in favour of the disposition
of the case for which 1have voted, 1 think that there is no place in this
separate opinion for any account of the ideas1have formed on the sub-

ject.A separate opinion, asI conceive it, ought not to broach any ques-
tions not dealt with by the judgment, unless it is absolutely necessary
to do so in order to explain the author's vote. 1have therefore resisted the
temptation to engage in an exchange of views on jurisdiction with those
of my colleagues who have gone into this question in their dissenting
opinions. A debate between judges on matters not dealt with in the

judgment isnot likely to add up to anything more than a series of unrelated
monologues-or choruses. For whatever purpose it may serve, however,
1 must stress that my silence on the subject does not signify consent to
the proposition that the Court had jurisdiction.

(Signed S)turePETRÉN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Petrén

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