Opinion individuelle de M. Gros

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058-19741220-JUD-01-04-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. GROS

Bien que mon opinion sur cette affaire ne se fonde pas sur le raisonne-
ment de la Cour tel qu'il est exprimé dans les motifs de la décision,j'ai
voté pour le dispositif parce que l'arrêt metfin à l'action entamée par le
demandeur et, en ce sens, rencontre les vues de ceux qui avaient, dès la

première phase de l'examen judiciaire en juin 1973, considéréqu'il n'y
avait pas de différendjuridique. En jugeant que, aujourd'hui en tout cas,
l'affaire entre les deux Etats n'a plus d'objet, la Cour y met un terme par
une autre voie.
La Cour a adopté comme base juridique de son arrêtla nécessitéde
réglercette question de l'existence de I'objet du différendcomme absolu-

ment préliminaire, même vis-à-vis des questions concernant sa compé-
tence et des autres questions se rattachant à la recevabilité. L'arrêt ne
traite que de la disparition de l'objet de la demande et aucune décision
n'a étéprise sur les questions touchant l'incompétence de la Cour ou
l'irrecevabilité de la demande; il n'y a donc pas lieu de traiter ces ques-
tions. Reste le problème de l'inexistence d'un différend justiciable dèsle

début de l'affaire présentéeà la Cour, sur lequel je crois nécessaire de
donner quelques indications.
1. Pour rechercher si le procès manquait de base dès l'origine il faut
évidemment partir de la requête introductive d'instance du 9 mai 1973
qui définit l'objetde la demande. Le demandeur prie la Cour d'ccordonner

à la République française de ne plus faire de tels essais ))[atmosphériques
d'armes nucléaires dans le Pacifique Sud]. Cette demande est fondée sur
une argumentation juridique en vingt-deux lignes dont la brièveté est
compensée par l'indication in fine que, pour ces motifs (tou pour tout
autre motif jugé pertinent par la Cour, la poursuite des essais ..n'est pas
compatible avec les règles applicables du droit international)). J'ai

rappelé dans une autre affaire que la confusion étaitfréquente entre moti-
vation et conclusions stricto sensuet avait étécritiquéepar M. Basdevant
(C.I.J. Recueil 1974, p. 137 et suiv.); elle persiste cependant et est singu-
lièrement visible ici. Pour obtenir l'interdiction à l'avenir de ces essais
nucléaires ilfallait bien que le demandeur se fonde, mêmeelliptiquement,
sur des règles de droit opposables au défendeur et dont il laissait à la

Cour, dans la requête,le soin de les découvrir et de choisir. Mais on ne
voit pas comment il est possible, dans ces lignes qui précèdent laformula-
tion de la demande et en sont détachées formellement et logiquement, de
lire une demande de jugement déclaratoire par la Cour sur I'illicéité des
essais. La question posée estcelle de I'interdiction des essais français dans
la régiondu Pacifique Sud parce que tous les essais nucléaires, où que cesoit et par qui que ce soit, seraient illicites selon le demandeur. II fallait

donc établir une motivation juridique, l'illicéitédes expériences pour
obtenir l'objet de la demande qui était une décisiond'interdiction. La
conclusion stricto sensu c'étaitl'interdiction, l'illicite étant le raisonne-
ment justificatif.

2. La règle estque la Cour est saisie de l'objet précisde la demande de
la manière où celle-cia été formuléeL . 'affaire consistait en une demande
d'interdiction des essais atmosphériques, parce que illicites. C'est un con-

tentieux de légalitén, on pas de responsabilité,sur laquelle ne porte pas la
requête.Pour réussir,le demandeur devait établir que sa demande d'in-
terdiction des essais atmosphériques français était fondéesur un com-
portement du Gouvernement français contraire à des règlesde droit inter-
national opposables à ce gouvernement.

Mais il ne suffit pas de poser à la Cour une question, mêmeapparem-
ment juridique dans sa présentation, pour qu'il y ait objectivement un

différend.Une formule de M. Morelli décritbien la situation: ((lesimple
fait que l'une des Parties affirme l'existenced'un différend neprouve pas
que ce différend existeréellement ))(C.I.J. Recueil 1962,p. 565,voir aussi
p. 564, 566 à 568) et j'avais évoquéle problème dès l'ordonnance du
22juin 1973en parlant de ((faux différend )(C.I.J. Recueil 1973,p. 118)
et de (litigeinexistant 1(ibid.,p. 120).J'avais alors insistésur lecaractère
préliminaire, singulièrement encas de défaut,de I'examen de l'existence
réelledu différend pour qu'une affaire puisse êtretraitée par la Cour

dans l'exercice régulierde sa fonction judiciaire. En décidantcet examen
préliminaire, après beaucoup de délaiset sans référenceau défaut, la
Cour affirme le principe de l'antérioriténécessairede l'examen de la
question de la réalitéd'un différend.Le point est donc acquis. Rien dans
la procédure dela Cour n'empêchaitenjuin 1973I'examende la question
de savoir si ledifférendexposé à la Cour par ledemandeur était dépourvu
de réalité dès l'origine.

3. Lorsque la Cour se trouve devant plusieurs raisons invoquéespour
soutenir qu'une affaire ne peut pas êtrejugéeau fond, qu'il s'agissede
motifs d'incompétence ou d'irrecevabilité, ellea toujours pris le plus
grand soin de ne pas se lier nià un classement ni à une hiérarchieentre ces
diverses motivations dont chacune peut aboutir au rejet de la demande.
Dans l'affairedu Canzerounseptentrional, la Cour a refusé de systématiser
ces problèmeset de définir recevabilité eitntérête ,n analysant en détailles
faits de l'affaire qui lui permettraient d'établir sa décision (cf.C.I.J.
Recueil 1963, p. 28):278 ESSAISNUCLEAIRES(OP. IND. GROS)

((Certainescontradictions entre les thèsesdes Parties sont néesde

ce que l'on n'attribuait pas le mêmesens à des mots tels que (inté-
rêt »et ((recevabilité ))La Cour reconnaît que, dans des contextes
différents, ces termes peuvent avoir des sens différents mais elle
n'estime pas nécessaire en l'espèce d'en examiner la signification.
Aux fins de la présenteespèce,une analyse des faits tenant compte de

certains principes directeurs peut suffire pour résoudre les questions
qui retiennent l'attention de la Cour. ))

Et plus loin, pages 29 et 30: ((c'esttoujours à la Cour qu'il appartient de
déterminer si ses fonctions judiciaires sont en jeu n.
Ainsi c'est un principe de bon sens que la Cour applique: si une cons-
tatation est suffisante par elle-même pour trancher le problème de

compétence de la Cour, au sens le plus large du mot, c'est-à-dire de
déciderde l'impossibilitéde juger une affaire, ilest inutile de procéder à
I'examen des autres motifs. Pour qu'il y ait une procédure sur le fond
il faut qu'il y ait un objet de litige capable de jugement selon le rôle
attribué à la Cour par son Statut;dans la présente affaireoù denombreux

griefs d'incompétence et d'irrecevabilité furent soulevés, la question de
l'absence d'objet de l'instance étaitcelle qu'il fallait trancher la première
précisément parceque, si elle était admise, I'aXaire disparaissait sans
débat. La notion de phase du fond n'a aucun sens dans une fausse ins-
tance, pas plus que la notion d'une phase juridiction-recevabilité, et

encore moins d'une phase de mesures conservatoires derrière le mythe que
ces mesures ne préjugent enrien la décision finale(sur ce point, cf. opinion
dissidente sur l'ordonnance du 22juin 1973, p. 123). LIfaut bien du goût
pour le formalisme pour invoquer comme intangibles les catégories
habituelles de phases lorsque tout, dans une affaire, dépend de la recon-

naissance qu'une requête était sans base, sans cause et qu'il n'existait
aucun différendjuridique dont la Cour puisse êtresaisie. C'est faire de la
succession des hases dans I'examen des affaires Dar la Cour une sorte
de rituel qui ne trouve aucune justification dans la conception générale

du droit international, non formaliste. II s'agit de pratiques dans la
procédure de la Cour dont celle-ci règle l'organisation au mieux des
intérêtsde la iustice. L'article 48 du Statut en remettant à la Cour la
((direction du procès ))n'a en rien qualifiél'exercice de ce droit par des
règles formalistes et l'institution des phases n'exige pas nécessairement
des plans successifs dans I'examen de toute affaire, ni pour les parties,

ni pour la Cour.

4. Attendre quelques années - plus d'une année et demie s'est déjà
écoulée - pour décider,sans hâte, d'abord qu'un tribunal est compétent

popr la raison que les deux Etats sont formellement tenus par une clause
juridictionnelle, sansdéterminer la portée de cette clause, et joindre les
questions de recevabilité au fond pour ensuite, peut-être, conclure aufond qu'il n'ya pas de fond ne serait pas une bonne manière d'administrer

lajustice.
II est sans pertinence de dire que, avec cette vue des choses, 1'Etat
qui fait défautserait plus vite libérd'un procèsque I'Etat qui répondpar
des exceptions préliminaires; en dehors du problème du défaut(cf. sur ce
point par. 23 et suiv. ci-après), lorsqu'on est en présence de l'hypothèse
d'une instance inexistante, pouvant mêmeimpliquer un abus du droit de
saisir lejuge, aucune raison n'apparaît d'attendre pour en juger, sinon des
habitudes ou même desroutines.

Dans les affaires du Sud-Ouest africain, dans l'arrêtdu 21 décembre
1962(C.I.J. Recueil 1962, p. 328), avant d'étudier les exceptions préli-

minaires de compétence et de recevabilité soulevéespar le défendeur,
la Cour a, proprio motu, soulevéle problème de l'existence d'un diffé-
rend réelentre les demandeurs et le défendeur (voir aussi l'opinion de
M. Morelli sur ce point, C.I.J. Recueil 1962, p. 564 à 568).
5. Les faits de l'affaire ne laissent pas de doute selon moi surI'inexis-
tence du différend dès laprésentation dela requête.
Dans la série de notes diplomatiques adressées au Gouvernement
français par le Gouvernement australien entre 1963 et la fin de 1972
(requête,p. 35 à 49), à aucun moment n'a été avancé l'argument de
I'illicéitdes expériencesfrançaises pour justifier une demande d'arrêt

de ces expériencesqui serait fondée sur des règlesde droit international
opposables au Gouvernement français. La formule de protestation
exprime des ((regrets)) que le Gouvernement français procède à ces
essais et l'on expose de ((vives inquiétudes ))chez les populations de la
région(requête,p. 43, 45 et 47). On pense si peu du côté australien à une
règleopposable aux essais de la France qu'on déclaresouhaiter ((voir uni-
versellement appliquéet accepté))letraitéde 1963sur lesessais nucléaires
(note du 2 avril 1970,requête,p. 45; dans les mêmes termesexactement,
note du 20 avril 1971, requête,p. 47, et note du 29 mars 1972,requête,
p. 49). 11n'est pasquestion d'illicéité, pasdavantage de dommages occa-

sionnéset de responsabilité internationale, seulement d'une opposition de
principe à tous les essais nucléairespar tous Etats, avec une constance
absolue jusqu'à la note du 3janviei 1973,où pour la première foisle Gou-
vernement australien demande au Gouvernement français ((de s'abstenir
de tous nouveaux essais))qu'il estimecontraires audroit (requête,p. 51);
c'est la note qui ouvre le contentieux avec ce changement complet d'atti-
tude.
La raison du changement est donnée par le Gouvernement australien
dans sa requête:

((Dans sa note [du 3 janvier 19731,le Gouvernement australien
indiquait explicitement qu'à son avis les essais français étaient illé-
gaux et que, s'il ne pouvait obtenir du Gouvernement français une
entière assurance qu'aucune nouvelle expériencene serait faite, son
seul recours serait d'user des voies de droit internationales appro- priées. En exprimant ainsi avec plus de force le point de vue précé-

demment exposéau nom de l'Australie, le Gouvernement traduisait
très directement les convictions du peuple australien, qui venait
d'élireune administration travailliste, tenue par un programme où
figurait la déclaration suivante: c(Les travaillistes s'opposent à la
mise au point, à la prolifération, à la possession et à l'emploi des

armes nucléaires, chimiques et bactériologiques.» (Requêtep. 9-11,
par. 14.)

On remarquera aussi au paragraphe 15 qui suit: ctLe Gouvernement
australien soutenait [dans ses notes des 3 janvier et 7 février 19731que
la poursuite des essais par la France était illégale et demandait leur
cessation. >)
6. Le fond du débat n'est donc plus le même;on ((soutient )I'illicéité

et l'on ((demande )>la cessation des essais parce que le parti travailliste
est opposé à la mise au point, à la possession et à l'emploi des armes nu-
cléaireset que le Gouvernement est liépar son programme électoral.Cette
raison du changement d'administration est dénuéede toute pertinence;
1'Etat demeure liépar ses comportements dans les relations internatio-

nales, quelles que soient les électorales. Si, pendant dix ans les
gouvernements australiens ont traité les expériences dans le Pacifique
comme gênantes maisnon illicites, sous réservede certaines protestations
de principe et de manifestations d'inquiétudes, l'argument d'un pro-
gramme électoral ne suffit pas à écarter cette constatation expresse des

éléments juridiques d'une situation.
Dans la requêtele demandeur a bien aperçu à l'avance que son change-
ment d'attitude posait un problème sérieuxet il a tenté de le voiler en
disant qu'il ne faisait qu'exprimer ((avec plus de force le point de vue
précédemment exposéau nom de l'Australie D. II est facile de montrer

que le point de vue précédentétait totalement différent.En plus des notes
diplomatiques des dix années antérieures à 1973 qui sont décisives et
démontrent que le Gouvernement australien n'invoquait aucune base
juridique à l'encontre de la décision du Gouvernement français de pro-
céderà des essais dans la région du Pacifique Sud, il suffira de rappeler

que l'Australie s'est associée à diverses explosions atmosphériques sur
son propre territoire ou à l'entour et qu'elle s'est, par saconduite,pronon-
céesans équivoque sur la licéitéde ces expérienceset de celles faites par
d'autres Etlits dans le Pacifique.
7. La première explosion nucléaire atmosphérique du Royaume-Uni

eut lieu le 3 octobre 1952 aux îles Montebello, situées près de la côte
nord-ouest de l'Australie. C'est le ministre australien de la défense qui
annonça que l'expérienceavait réussiet le premier ministre australien la
dkcrivit comme ((une nouvelle preuve du fait très important que le
développement de la science dans le Commonwealth britannique se fait

à un niveau extrêmement élevé)) (Keesing's Contemporary Archives,
11-18 octobre 1952, p. 12497). Le premier ministre du Royaume-Uni en-
voya un message de félicitationsau premier ministre d'Australie. Marine,aviation et autres services du Gouvernement australien étaient associésà
la préparation et à la réalisation de l'expérience; trois zones de sécurité
avaient étéinterdites au survol et à la navigation, sous peine de prison et
d'amendes.
Le 15 octobre 1953 une autre expérience britannique eut lieu à Woo-

mera, en Australie, avec nouvelle zone interdite de 80 000 milles carrés.
Le ministre britannique de l'approvisionnement, parlant à la Chambre
descommunes, avait annoncéle24juin 1953la nouvelle séried'expériences,
qui était préparéeen collaboration avec le Gouvernement australien et
avec l'aide de la marine et de l'aviation australiennes (Keesing's, 1953,

D. 13222).
Deux nouvelles séries d'expériencesbritanniques eurent lieu en 1956,
l'une aux îles Montebello (16 mai et 19 juin), l'autre à Maralinga, en
Australie du Sud (27 septembre, 4, 11 et 21 octobre). Le premier ministre
australien par intérim, commentant les retombées, déclara qu'aucun

danger pour la santé ne pouvait en résulter. Des militaires australiens
étaient présents comme observateurs pendant la deuxième séried'expé-
riences (Keesing's, 1956, p. 14940). Le Gouvernement britannique indi-
qua le 7 août 1956 que le Gouvernement australien avait fourni une
entière coopération et que divers départements ministériels australiens

avaient donné une aide aw~réc1.esous la coordination du ministre
australien de I'approvisionnement. La seconde expérience de cette série
fut observée par ce ministre et des membres du Parlement australien
(Keesit~g's,1956, p. 15248).
Le premier ministre britannique déclarait le 7juin 1956:

((Les Gouvernements de Sa Majesté en Australie et en Nouvelle-
Zélande ont accepté d'apporter au groupe spécial diverses formes
d'aide et d'appui à partir des territoires australienet néo-zélandais.
Nous en sommes extrêmement reconnaissants. )) (Hansard, 1956,

col. 1283.)
8. Une participation active à des expériencesatmosphériques répétées
pendant plusieurs années constitue, en soi, la reconnaissance que de

telles expériences étaient conformes aux règles du droit international.
Pour démontrer que les expériences actuelles ne seraient plus licites un
effort a été faitpour soutenir, d'une part, que ce qui est louable de la
part de certains Etats est exécrablede la part d'autres, d'autre part, que
les expériencesatmosphériques sont devenues illicites depuis le temps où

l'Australie elle-mêmecontribuait aux retombées nucléaires.
9. Le 3 mars 1962, après que le Gouvernement des Etats-Unis eut
décidéd'effectuer des essais nucléaires dans le Pacifique Sud, le ministre
australien des affaires extérieures a dit:

((LeGouvernement australien ..a d'ores et déjàexprimé ses vues,
à savoir que s'il apparaissait nécessaireaux Etats-Unis de procéder,
pour la sécuritédu monde libre, à des essais nucléaires dans I'at-
mosphère, les Etats-Unis devraient avoir toute latitude pour ce

faire.1)(Requête,p. 37.) Quelquesjours après cette déclaration, le 16 mars 1962, le Gouverne-
ment australien autorisait les Etats-Unis à utiliser I'ile Christmas (sur
I'ile Christmas du 24 avril au 30 juin, plus de vingt essais, et sur l'île
Johnston du 9juillet au 4 novembre 1962,essais à trèsgrande altitude).

Le Gouvernement australien déclarait également dans un aide-mémoire
du 9 septembre 1963:

((Après la signature du traité interdisant les essais nucléaires dans
l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau, le
Gouvernement australien reconnaît aussi que les Etats-Unis doivent
prendre les précautions nécessaires pour se réserver la possibilité

d'effectuer des essais dans l'éventualité,soit d'une violation du
traité, soit de l'exercice par certains autres Etats de leur droit de
dénoncer le traité.» (lbid., p. 39.)

Par contre, cinq ans plus tard, ne pensant qu'aux expériences fran-
çaises et chinoises, le Gouvernement australien écrivait:

((Le 5 avril 1968, à Wellington (Nouvelle-Zélande), le Conseil de
I'ANZUS (Australie-Nouvelle-Zélande-Etats-Unis) a fait figurer la

déclaration suivante dans le communiqué publié à l'issue de la
réunion qu'il venait de tenir:
((Ayant constaté que la Chine communiste et la France pour-
suivent leurs essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, les
ministres ont réaffirméleur opposition à tous les essais d'armes
nucléaires dans I'atmosphère effectués au mépris de l'opinion

mondiale telle qu'elle s'exprime dans le traité interdisant les essais
d'armes nucléaires. ))(Ibid., p. 43.)

10. Dans une autre occasion le Gouvernement australien avait déjà
manifestéle mêmesens de la différence.Au Conseil de tutelle, examinant
en 1954 certains dommages causésaux îles Marshall par des expériences
nucléaires de la Puissance administrante, le délégué australien n'a suivi

aucune des délégations quicritiquaient le principe mêmede ces expé-
riences.
Il. II n'est pas injuste de constater que, pour le Gouvernement aus-
tralien, ce qui est excellent pour les alliésqui pourraient le protéger ne
l'est pas pour d'autres : Quod licet Jori non licet bovi. C'est au moment ou
le délégué des Etats-Unis révèleaux Nations Unies que son gouverne-

ment détient 615 385 fois l'équivalent de la première bombe atomique
(Commission politique, 21 octobre 1974)que le Gouvernement australien
exige du Gouvernement français qu'il renonce à produire des armes
atomiques.
II reste à dire brièvement comment cette position constante du Gouver-
nement australien, de 1963 à fin 1972,jusqu'au changement exposéau

paragraphe 5 ci-dessus, empêchesur le plan juridique le demandeur de
paraître devant la Cour pour prétendre que, parmi les expériences nu-283 ESSAISNUCLÉAIRES (OP. IND. GROS)

cléaires,on peut en choisir certaines pour en déclarerI'illicéitéet les inter-
dire seules. II y a en effet de nombreux empêchementsparmi lesquels la

Cour était déjàen mesure de choisir, en juin 1973, pour déclarer l'affaire
sans objet. Pour simplifier prenons la raison majeure: le principe de
l'égalitédes Etats.
12. La prétention du demandeur d'imposer une certaine politique de
défense nationale à un autre Etat est une intervention dans les affaires

intérieures de cet Etat dans un domaine où une telle intervention est
particulièrement inadmissible. Le Gouvernement du Royaume-Uni
s'exprimait ainsi sur ce point, le2juillet 1973:

((La question de savoir si la France doit ou non développer sa
puissance nucléaire ne nous concerne pas. C'est à elle seule qu'il
appartient d'en décider. ))(Hansard, col. 60.)

Dans son livre Tlze Function of Law in tlze International Community
(Oxford, 1933, p. 188) M. Hersch Lauterpacht (plus tard sir Hersch)
écrivait:

((c'estétendre la fonction judiciaire jusqu'au point de rupture que de
vouloir lui faire trancher la question de savoir si un différend est

politique en ce sens qu'il met en jeu l'indépendance, les intérêts
vitaux ou l'honneur de 1'Etat. On peut donc douter qu'un tribunal
quelconque puisse, dans l'exercice de sa fonction judiciaire, passer
outre à l'affirmation d'un Etat qu'un différend touche à sa sécurité
ou à ses intérêts vitaux.Comme nous l'avons vu, les intérêtsen

question sont d'une nature si subjective qu'elle exclut l'application
de toute norme objective, non seulement dans le cas de traités géné-
raux d'arbitrage mais aussi dans le cas de chaque différend. ))

La Cour a eu connaissance du projet de loi déposépar le Gouverne-
ment français en 1929 devant le Parlement pour autoriser l'adhésion à
l'Acte généralde Genève du 26 septembre 1928; ilcomportait une réserve

formelle excluant (les différendsayant trait à des prétentions de nature à
porter atteinte à l'organisation de la défense nationale)). Le Il juillet
1929, le rapporteur de la Commission des affaires étrangères a expliqué
que la réserveétait inutile:

((Au reste, les termes mêmesdans lesquels l'exposédes motifs la
présente en montrent l'inutilité.((En l'absence de dispositions con-

tractuelles résultant de conventionsexistantes ou de celles qui seront
conclues sous l'action de la Sociétédes Nations en matière de limita-
tion des armements, dit le texte, litiges ayant trait à des prétentions
de nature à porter atteinte à l'organisation de la défensenationale.))
Or, précisémentparce que ces dispositions n'existent pas, comment

une juridiction arbitrale pourrait-elle statuer dans un conflit de ce
genre autrement qu'en reconnaissant que chaque Etat est actuelle-
ment maître d'organiser sa défense nationale ainsi qu'il l'entend?
Imagine-t-on une jurisprudence arbitrale prétorienne substituant son action àcelle de Genève ou, en tout cas, dépassant celle-ci? Le

danger apparaîtcomme un peu chimérique. ))(Documents parlemen-
taires, Chambre des députés,1929,ann. 1368,p. 407,408, ann. 2031,
p. 1143.)

L'exposédes motifs du projet de loi d'adhésioninsiste fermement sur le
caractère indispensable de la compétence du Conseil de la Sociétédes

Nations, pour ((apprécierles facteurs d'ordre politique ou d'ordre moral
susceptibles de peser dans le règlement de certains conflits n'ayant pas un
caractère strictement juridique)), litiges ((dont la gravité politique peut
éventuellement êtretelle que le recours au Conseil soit indispensable))
(eod. loc., p. 407). Telle était la position officielle du Gouvernement
français qu'éclaireici aussi le rapporteur de la Commission des affaires

étrangères qui insiste sur la combinaison du recours au conseil et du
règlement juridictionnel (eod. loc., ann. 2031, p. 1142).
13. 11n'est pas déraisonnable de penser que le monde contemporain est
encore convaincu du bon sens des observations citées au paragraphe
précédent(cf. l'arrangement de Luxembourg du 29 janvier 1966entre les

membres de la Communauté économique européenne sur les ((intérêts
très importants n).Mais il y a plus qu'un aspect négatif dans l'absence
d'objet de la demande australienne. Le principe de l'égalité devant le droit
est constamment invoqué, réaffirméet inscrit dans les textes les plus

solennels. Ce principe perdrait toute signification si l'attitude ((à chacun
sa règle ))était toléréedans la pratique des Etats et devant le juge. Sir
Gerald Fitzmaurice a exposé ce qu'il faut penser à ce sujet dans son
rapport spécialà I'lnstitut de droit international ((The Future of Public
International Law >)(1973, p. 35 à 41).
Dans le cas présent le demandeur a essayé de présenter à la Cour

comme objet d'un différendjuridique une demande d'interdiction d'actes
auxquels il s'est lui-mêmelivréou associé, en soutenant que ces actes
étaient alors non seulement licites mais à encourager pour la défense
d'une certaine catégorie d'Etats. Or le demandeur a négligéune partie de
la déclaration du premier ministre du Royaume-Uni devant la Chambre

des communes, le 7 juin 1956, où celui-ci avait exprimé des remercie-
ments à l'Australie pour sa collaboration aux expériences britanniques
(par. 7 ci-dessus). Le premier ministre disait aussi:

Je ne vois certainement pas pour quelle raison notre pays ne
procéderait pas à des expériences analogues à celles qui ont été
effectuéestant par les Etats-Unis que par la Russie sovietique. Nous
ne faisons rien de plus. J'ai déjàdit que nous sommes prêtsà parti-
ciper à la mise au point de systèmes de limitation. Je pense person-

nellement que cela est souhaitable et que c'est possible. ))(Hansard,
col. 1285.)

Le 2 juillet 1973l'Attorney-General analysait ainsi la position juridique
du Gouvernement britannique:

35285 ESSAIS NUCLEAIRES (OP. IND. GROS)

((Mêmesi la France a violé uneobligation internationale, ce n'est

pas une obligation qu'elle devait quant au fond au Royaume-Uni et
il ne semble pas qu'un droit subjectif propre dont le Royaume-Uni
serait titulaire ait été enfrei))(Hansard, col. 99.)

Ceci malgré la position géographique des îles Pitcairn, dans le Paci-
fique.
Le demandeur s'est disqualifié par son comportement et ne peut

présenter une demande fondée sur un ((double standard ))de conduite et
de droit. Ce qui étaitbon pour l'Australie aux côtésdu Royaume-Uni et
des Etats-Unis ne peut êtreillicite pour d'autres Etats. La Cour perma-
nente de Justice internationale a appliqué le principe allegans contraria
non audiendus est dans l'affaire des Prises d'eau à la Meuse (C.P.J.I.
série A/B no 70, p. 25).

14. Dans l'argumentation néeen 1973 pour les besoins de la présente
affaire on a aussi prétendu que l'attitude différente du Gouvernement
australien à l'égarddu Gouvernement français s'expliquait par le fait que,
à l'époque des explosions auxquelles le Gouvernement australien s'était
associé et qu'il déclarait louables en soi, la conscience du danger des

retombées n'était pasencore aiguë. La lecture des rapports du Comité
scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations ionisantes,
établipar l'Assembléegénéraleen 1955,montre qu'il n'en est rien. S'ilest
exact de dire que les informations sont devenues plus nombreuses et plus
précisesau cours des années, les rapports de ce comitéont constamment
rappelé que ((les essais antérieurs à 1963 représentent encore de loin la

plus grande série d'événementsproduisant une contamination globale
radioactive » (rapport 1972, chap. 1, p. 3).

Quant à la conscience de dangers particuliers pour l'Australie le

Comité consultatif national sur les radiations, désignépar le Gouverne-
ment australien en mai 1957, était chargé de donner des avis sur toute
question relative aux effets des radiations sur la communauté austra-
lienne. La Cour a pu prendre connaissance des rapports de 1967 (deux
rapports), 1969, 1971 et 1972; le rapport de mars 1967 indique que le
précédentrapport était de 1965, qu'il traitait en détail la question des

retombées sur l'environnement australien et les effets sur l'homme:

((A l'époquele comitéétaitparvenu à la conclusion que les essais
d'armes nucléaires français qui devaient avoir lieu dans l'océan
Pacifique Sud n'entraîneraient probablement aucun risque appré-
ciable pour la santé de la population australienne. » (Rapport au
premier ministre, mars 1967, par. 3.)

Cette mêmeformule est reprise dans le rapport de mars 1967, para-
graphe 11, pour la première série des essaisfrançais de juillet à octobre

1966 et dans le rapport de décembre 1967, paragraphe II, après examen
des effets de la deuxième série d'essais en juin et juillet 1967 en tenantcompte des doses de radiation de ces deux séries.Le rapport demars 1969
du Comité national australien au premier ministre concerne les essais
français de juillet à septembre 1968 et reprend dans le paragraphe 12

la conclusion citée ci-dessus du rapport de mars 1967, paragraphe 3.
Le rapport du Comité en mars 1971 rappelle au paragraphe 3 que les
retombées detous les essais français, en 1966, 1967, 1968.ne constituaient
pas un risque pour la santé de la population australienne. La formule
du paragraphe 12conclut de la manière traditionnelle, en ce qui concerne
les essais de 1970. L'absence de risque est encore reconnue dans le rap-

port du Comité national en juillet 1972 aux paragraphes 8, 9 et 11.
Mais, avec la nouvelle administration australienne, ce comitéscientifique
est dissous; un rapport sera demandé par le premier ministre le 12février
1973 à l'Académieaustralienne des sciences dont le Conseil désignera un
comité qui fera un rapport sur les effets biologiques des retombées; les
conclusions de ce rapport firent l'objet d'un examen avec des savants
français en mai 1973,à la veille de la requête introductive d'instance. Les

discussions continuent, semble-t-il, mêmeentre savants australiens, à la
suite de ce dernier rapport.

15. Pour que les cexpériencesanalogues » du Gouvernement français
soient un objet de différendque la Cour puisse traiter il faudrait en tout
cas que, à un certain moment de l'histoire du développement des armes

nucléaires,ce qui était licite soit devenu illicite. C'est la démonstration de
ce changement qui serait nécessaire pour relever le demandeur de la
disqualification résultant de son comportement: ce qui, entre 1963 et fin
1972,a été présentépar l'Australie comme un conflit d'intérêts, uneoppo-
siton de vues politiques sur les problèmes de prolifération des armes ato-
miques, leur mise au point, leur détention et leur emploi, donc comme la

contestation de la prétention française au développement de l'arme
nucléairede façon indépendante, n'a pas changéde naturejuridique par le
seul effet du changement opéré par un nouveau gouvernement australien
dans la présentation formelle des thèses antérieures. II faudrait prouver
qu'entre les explosions antérieures à 1963et les explosions postérieures la
communauté internationale soit passéedu non-droit au droit.

16. La recherche de la Cour sur ce point pouvait prendre place dès
juin 1973 parce qu'il ne s'agit que de vérification préliminaire de pro-
blèmes entièrement détachésdu fond, quelles que soient les vues qu'on
puisse avoir sur le côté sacramentel de la distinction entre les phases d'une
procédure (cf. par. 3 ci-dessus). En effet si le traité 5uaoût 1963 inter-
disant les essais nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace extra-
atmosphérique et sous l'eau n'estpas opposable à la France, il n'y a pas

de litige dont l'Australie puisse saisir la Cour et une décision de rejet
n'exige aucun examen du contenu du traité.
17. On sait que la forme multilatérale donnéeau traitédu 5 août 1963
n'est qu'un élément parmi plusieurspour l'analyse juridique du caractère
opposable de ce traité aux Etats qui n'y sont pas parties.IIsuffira de dire
que la préparation du texte, sa rédaction, le système inégalentre lesparties pour la ratification d'amendements et le régimede contrôle ont
permis de classer le traité comme créant un statut bipolaire, acceptépar
un nombre important d'Etats, mais non obligatoire pour les Etats restés
en dehors du traité. En effet, la conduite postérieure au traité des Etats
qui en assument la responsabilité principale permet de ne pas s'attarder.
Aucune des trois Puissances nucléaires qualifiéesde (parties originaires ))

dans l'article 2 du traité n'a jamais fait savoir aux autres Puissances
nucléaires non parties au traité que ce texte créait une obligation quel-
conque à leur égard; au contraire les trois parties originaires, encore
aujourd'hui, appellent les Puissances non parties à adhérer au traité. Le
délégué soviétique à la Conférence du désarmement, à l'ouverture de la

session du 20 février 1974, a déclaréque la négociation pour mettre fin
aux expériences nucléaires ((exige la participation de tous les Etats
nucléaires D. A la Commission politique de l'Assemblée générale,le
21 octobre 1974, le délégué deE stats-Unis disait que l'un des buts étaitde
faire appel à la coopération des pays qui n'ont pas encore ratifiéle traité

de 1963. Les déclarations du Gouvernement du Royaume-Uni sont dans
le mêmesens; lors d'un débat au Parlement, le 2 juillet 1973, le ministre
d'Etat pour les affaires étrangèreset du Commonwealth, a dit:

«Dès 1960, cependant, les Français et les Chinois ont refuséde
souscrire à quelque accord international que ce soit sur les essais. Ils
ne sont donc pas liéspar les obligations du traité d'interdiction des
essais de 1963 ...

En 1963 le Gouvernement de Sa Majesté ainsi que le Gouverne-
ment des Etats-Unis ont demandé instamment au Gouvernement
français de signer le traité d'interdiction partielle des essais.
En tant qu'instigateurs et que signataires du traité, nous sommes
gravement préoccupésde voir se poursuivre lesessais nucléairesdans

l'atmosphère et nous invitons tous lesgouvernements qui ne l'ont pas
encore fait a adhérerau traité.Ce ointde vue est bien connu des Gou-
vernements français et chinois. IIa été exposé par plusieurs gouverne-
ments successifs. )(Hansard, col. 58 et 59.)

18. Le comportement des parties originaires qui ont établipar accord
mutuel les règlesdu statut nucléaire actuel montre que les Etats nucléaires
qui ont refuséd'adhérer à ce statut ne peuvent êtreconsidéres comme y

étant soumis par l'effet d'une construction doctrinale qui serait contraire
aux intentions formellement exprimées des instigateurs et responsables
de ce statut. Le Gouvernement français, pour ce qui le concerne, a
toujours refuséd'admettre l'existence d'une règle qui lui soit opposable,
dans de nombreuses déclarations.
19. Le traité du 3 juillet 1974, signéà Moscou entre les Etats-Unis et

l'Union des Républiques socialistes soviétiques, relatif à la limitation des
essais souterrains d'armes nucléaires (Nations Unies, Documents officiels
de ['Assembléegénérale,doc. A/9698, 9 août 1974, ann. 1) comporte le
considérant suivant dans le préambule: ((Rappelant la volontéexpriméepar les Parties au Traitéde 1963
interdisant les essais d'armes nucléairesdans l'atmosphère, l'espace
extra-atmosphérique et sous l'eau, dans le préambule decet instru-
ment, de chercher à obtenir l'arrêtde toutes les explosions expérimen-
tales d'armes nucléaires à tout jamais et de poursuivre les négocia-
tionsà cette fin.)(Comp. le deuxièmeconsidérantdu préambuledu
traitéde 1963.)

Le traité de 1974 comporte, comme le traité de 1963, le droit pour
chaque partie de se retirer du traité si des événementsextraordinaires
ont compromis «ses intérêts suprême )s.
20. La vérificationde l'inexistence d'une règle de droit international
applicable à la France se posait bien sur le plan de I'inexistence de
différend justiciable. Déciderque le traité de 1963 n'est pas invocable
contre la France ne suppose qu'une décisionsur un fait juridique établi
par le texte et par la conduite constante des auteurs du statut juridique
en cause. Déciderde même qu'il ne s'est pas établi decoutume contre

des Etats qui refusent ce statut avec constance, règlecoutumière déniée
aussi par les positions prises postérieurement au traité qui en serait
l'expression, comme on l'a vu aux paragraphes précédents, neserait pas
non plus autre chose qu'une vérification de I'existence d'une source
d'obligation.

En ne procédant pas à la vérification de I'existence d'une source
quelconque d'obligation à l'égarddu Gouvernement français, et ceci de
façon préliminaire, la Cour a refuséde faire justice à un Etat qui, dès
le premier jour, a manifestéson opposition formelle à un procès qu'il
déclarait sans objet et dont il demandait la radiation du rôle; ce que la
Cour ne fera que vingt mois plus tard.
21. Le caractère de la querelle entre le Gouvernement australien et

le Gouvernement français est celui d'un conflit d'intérêts politiques
portant sur une question, les expériences nucléaires,qui n'est qu'un
élément non détachable de l'ensemble desproblèmes poséspar l'existence
des armes nucléaires et qui ne peuvent présentement être abordés et
réglésque par la négociation.
LaCour disait en 1963 :((untribunal n'a pas simplement pour fonction
de fournir une base d'action politique alors qu'aucune questionjuridique
concernant des droits effectifs n'est en jeu)) (Cameroun septentrional,
C.I.J. Recueil 1963, p. 37).
En l'absence d'une règle opposable au Gouvernement français pour
obtenir de la Cour une déclaration d'interdiction des seuls essais français
l'affaire tombe entièrement. Je ne dirai donc rien sur d'autres motifs

de rejet immédiat dela demande, par manque de qualification du deman-
deur, tels que l'inadmissibilitétant d'une actio popularis que celle d'une
action erga omnes déguisée enaction contre un seul Etat. L'accumulation
des retombéescréeun problèmeglobal; ce n'est pas seulement la dernière
goutte qui fait déborder un vase (comp. le refus de tribunaux des Etats-Unis d'admettre le recours du professeur Linus Pauling et autres requé-
rants qui demandaient l'arrêtdes essais nucléaires américains dans le
Pacifique 1).
*

22. Il me reste à faire de brèves observations sur la conduite de ce
procès devant la Cour, depuis l'origine, par rapport a certains principes
générauxdu fonctionnement régulier de la justice internationale. Les
motifs adoptés dans l'arrêtne permettent pas, en effet, de saisir divers

problèmes soulevéspar la conduitedu procès quant à l'article 53 et à I'ar-
ticle 54 du Statut de la Cour.

23. Il s'est produit, en somme, un malentendu lors de l'inscription
des questions de compétence et de recevabilité dans I'ordonnance du
22 juin 1973 comme objet de la phase décidée((pour [les] régler aussi

rapidement que possible n,car les opinions individuelles et dissidentes
enjuin 1973montrent d'une part que, pour un certain nombre de membres
de la Cour, le problème de l'existence de l'objet du litige devait être
tranché dans la nouvelle phase, mais que, d'autre part, une majorité était
décidéeà ne traiter dans cette phase que la question de la compétence

de la Cour, stricto sensu, et celle de l'intérêtjuridique du demandeur,
et à joindre toutes autres questions au fond, y compris la question de
l'existence d'un objet du procès. Le résultat de la phase compétence-
recevabilité ne pouvait donc être, aumieux, qu'une décisionsur la com-
pétence et sur l'intérêt juridiquedu demandeur et si elle était positive,
tout le reste étantjoint au fond, la décisioneffective était renvoyée à une

phase fort lointaine. II eût donc été plus((rapide )) de ne pas séparer
compétence-recevabilité etfond. La raison de ce refus de décider sur le
caractère ((préliminaire ))de l'existence d'un différend justiciable en 1973
se trouve dans une interprétation de I'article 53 qui consiste à appliquer
au défaut l'article 67 du règlement de la Cour visant les exceptions pré-

liminaires dans une procédure contradictoire, cette analogie entraînant
une véritable violation de l'article 53du Statut.

24. Le malendendu sur la portée de la phase décidéepar I'ordonnance
du 22 juin 1973n'a pas été sans effet devant la Cour; l'opposition appa-

rente entre le paragraphe 23 et le paragraphe 35 de I'ordonnance a permis
au demandeur, s'inspirant exclusivement du premier de ces paragraphes,
de déclarerà la Cour, à l'audience du 6 juillet 1974,que la seule question
de recevabilité était celle de l'intérêjturidique, sauf indication contraire
demandée de la Cour; indication que donna le Président le 9 juillet:

1 Cour du districtdeColumbia, 31juillet 1958, 164FederalSupplement,p. 390; Cour
d'appel, 12avril 1960,278 Federal Reporter,2e série,p. 252-255.((La Cour appréciera bien entendu la question de la recevabilitésous tous
les aspects qu'elle considère pertinents. ))
Ce procédédes allusions couvertes et contradictoires où se retrouvent
parfois les oppositions exposéesdans les opinions n'est pas sans danger.
On le voit pour cette ordonnance du 22 juin 1973comme pour les essais
d'utilisation des paragraphes 33 et 34 de l'arrêt Barcelona Traction en

ignorant l'existence des paragraphes incompatibles, les paragraphes 89
à 91, précisément destinés à qualifier et limiter le premier prononcé.
Celui-ci était sans rapport direct avec l'objet de l'arrêt et glissécomme
un repère pour un usage ultérieur; mais ilfaut voir tous les repères.

25. L'article 53 du Statut a étéexaminé par la Cour dès l'origine de
l'affaire, c'est-à-dire dès le 16 mai 1973 lors de la réception de la lettre
du Gouvernement français déclarant son défaut et en exposant les raisons
et, ilme semble, mal appliqué à l'espèce. Il faut revenir d'une manière
généralesur l'interprétation de la règle contenue dans l'article 53.

C'est refuser de voir les faits tels qu'ils sont que parler de deux parties
dans un procès où l'une a fait défaut et affirméà chaque occasion qu'elle
ne prendra aucune part dans la procédure. Lorsqu'un défaut est affirmé
et ouvertement constaté, le fait est qu'il n'y a plus qu'une partie dans
l'instance. La fiction selon laquelle on dit que I'Etat absent est quand

mêmepartie à l'instance tant que la Cour n'a pas reconnu son incompé-
tence est sans justification. En véritéun défaut met en cause trois intérêts
distincts, ceux de la Cour, du demandeur et du défendeur; le système qui
consiste à ignorer totalement la décisionde défaut du défendeur et de la
priver d'effet n'estni juste, ni raisonnable. Dans l'affaire actuelle, par un
refus de comparaître motivé le défendeur a déclaré que,en ce qui le

concerne, iln'y a pas de procès et ill'a répété chaque fois que la Cour
l'a consulté. Mêmesi la Cour ne constate pas immédiatement ce défaut,
cependant un acte de défaut, avec des conséquencesjuridiques, existe de
la part du défendeur. D'ailleurs, d'après l'article 53, le demandeur peut
demander qu'il en soit pris acte immédiatement et des conséquences
tirées. C'estce qu'il a fait ici en disant en 1973que la Cour avait l'obliga-

tion d'appliquer ses règles de procédure, sans indiquer lesquelles, et de
refuser de tenir compte des opinions et documents irrégulièrementprésen-
tésselon lui par le défendeur. Et la Cour a, partiellement, accepté cette
vue, en ne procédant pas à toutes les communications possibles au
défendeur.

En ne tenant pas compte du défaut du défendeur, on a abouti à oc-
troyer des délais pour des pièces qu'on savait ne pas devoir attendre,
pour maintenir une égalitéde principe entre les parties alors que, en fait,
celle qui se présente a étéfavorisée. Rien n'eût empêché lC a our de fixer

41pour le défendeur présuméun délai abrégé,d'un mois par exemple,
réservant la possibilité théorique d'une déclaration dans ce délai que
1'Etat en défaut se ravisait et demandait un délainormal pour produire
un mémoire.

26. Lorsqu'il s'est agi de recevoir ou convoquer l'agent du demandeur
au cours de la procédure en 1973, il y eut véritable rupture de l'égalité

entre les parties dans la mesure où certaines de ces actions ou démarches
du demandeur ne furent pas connues du défendeur présumé (surce point
cf. par. 31 et 33 ci-après.)
La Cour a sans doute suivi des errements antérieurs sur cette question
des délais mais les précédentsne devraient pas être confondus avec des
règles obligatoires; chaque affaire présente des traits particuliers et ce

serait une justice mécanique, celle qui reproduirait simplement les déci-
sions de procédure antérieures. Ici,a la différencedes affaires sur la Conl-
pétence en matière depecheries, la Cour n'a jamais été informéede négo-
ciationsentre les Parties après le dépôt de la requête etles doubles délais
accordés n'avaient même pas la justification, qu'ils pouvaient avoir
dans ces affaires, de permettre le progrès de telles négociations; et la
réalitédu différendjuridique n'avait jamais soulevéle moindre doute, dès

l'origine.
27. Interpréter l'article 53 du Statut comme s'il n'avait aucun effet
propre ne me paraît pas avoir été l'intentiondes auteurs de I'article.
Le but de I'article 53 n'est pas de permettre de poursuivre un procès à
loisir sans tenir compte des positions prises par le défendeur en défaut;
le demandeur a le droit que le procès continue, certes, mais pas a son gré,

la Cour livréeà des indications unilatérales sur le fait et le droit; le texte
de I'artcle 53a étéconqu pour éviterune telle rupture d'équilibreen faveur
du demandeur. Lorsque celui-ci demande qu'on lui adjuge ses conclu-
sions, ce qu'il n'a pas expressément fait sur la base de I'article 53mais ce
qui était le résultat de ses observations et de ses conclusions tant en juin
1973 lors de la demande de mesures conservatoires que dans la phase à
laquelle l'arrêt met fin aujourd'hui, on sacrifierait au formalisme en

soutenant que l'absence de référence expresseà I'article 53 change la
situation. 11faut bien constater que l'examen du fait et du droit prévuà
l'article 53 n'a jamais commencé puisque la Cour a jugé en 1973 que les
conséquences du défaut pouvaient êtrejointes aux questions de compé-
tence et de recevabilitéet que, finalement, la question des effets du défaut
n'aura pas ététraitée. Donc dans cette affaire tout s'est passécomme si
I'article 53 était sans portée propre.

28. Si l'on retourne aux sources, le rapporteur du Comité consultatif
des juristes avait déclaré (PV, p. 590) que le comité s'était inspiré des
exemples de la jurisprudence anglaise et américaine pour formuler ce qui
était alors I'articl52 du Statut sur le défaut. Lord Phillimore, membre
du comité, avait fait insérer la phrase qui survit en grande part: ((La
Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer que ces conclusions, reposantsur des preuves sérieuses, sont fondées en fait et en droit. ))Les mots
qui disparurent dans l'examen par l'Assembléede la Sociétédes Nations

furent considéréscomme inutiles et faisant double emploi avec la formule
qui demeura. L'examen par la Cour en 1922 n'apporte guère qu'une
lumière, en raison de la personnalité des juges qui se prononcèrent sur
un projet d'article du règlement proposé par M. Anzilotti:

((Si la réponse à une requêtese borne à soulever l'exception d'in-

compétence, ou si 1'Etat mis en cause omet de répondre dans le
délai fixépar la Cour, celle-ci statue sur la compétence, par arrêt
spécial,avant toute autre procédure. ))(C.P.J.1 sérieD no 2, p.522.)

M. Max Huber appuya le texte. Lord Finlay ne le trouvait pas nécessaire
parce que de toute manière, même sanstexte, la Cour devrait examiner
sa compétence en premier lieu

((et que la question de savoir si elle rendrait sur ce point un arrêt
séparéou inclus dans l'arrêtfinal était unesimple question d'oppor-

tunité à apprécier danschaque cas d'espèce )(ibid., p. 214).

Le texte de M. Anzilotti fut écarté par sept voix contre cinq. L'im-
pression généraleque donnent l'influence reconnue à la jurisprudence
anglaise et les observations de lord Phillimore puis de lord Finlay

est que la Cour se proposait d'appliquer l'articl53 dans un souci de
vérification sérieusede toutes les données avancéespar le demandeur en
cas de défaut du défendeur et ceci selon les circonstances de chaque
affaire. On sait que dans le système britannique de grandes précautions
sont prises pour s'assurer qu'une affaire est fondée sur une cause juri-

dique valable, à un stade tout à fait préliminaire, parfois confiéà des
magistrats différents de ceux qui jugeraient l'affaire (cf. l'opinion de sir
Gerald Fitzmaurice dans l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J.
Recueil 1963, p. 107) sur cette idéedu <(filtrage)) d'affaires à éliminer à
un stade préliminaire considérée((comme entrant dans les pouvoirs

inhérents ou dans la compétence de la Cour en tant que tribunal inter-
national ))).
Entre cette interprétation et celle que la Cour a donnée à l'article 53
dans la présente affaire il y a toute la différenceentre un pragmatisme
soucieux d'équilibre véritableentre les droits de deux Etats et un forma-
lisme réglementaire qui traite 1'Etat absent comme s'il était partie à une

procédure contradictoire, ce que par définitionil n'est pas. 29. Le 22 juin 1973, avant que la Cour ne prononce sa décision à
l'audience, une déclaration publique du premier ministre d'Australie
faite à Melbourne le 21 juin, largement diffuséepar la presse austra-
lienne l, était parvenue en Europe, déclaration selon laquelle la Cour

avait acceptépar huit voix contre six la demande de l'Australie.

30. Il faut en premier lieu indiquer que, par inadvertance ou une autre

raison, la Cour n'a connu cette divulgation qu'après avoir procédéà la
lecture de sa décisiona l'audience du 22 juin; on peut penser qu'elle eût
retardé la lecture de l'ordonnance, le 22 juin, s'il en avait étéautrement.

Les suites de cet incident n'ayant fait l'objet que de deux communiqués
publiés l'un le 8 août 1973, l'autre le 26 mars 1974, ilserait difficile d'en
décrirele déroulement si la Cour n'avait finalement décidéle 13décembre
1974 que quelques documents seraient publiés dans sa collection Mé-

moires, plaidoirieset documents relatifs à l'affaire2. En tenant compte des
éléments depresse et de ces documents publics ou communiqués il me
paraît nécessaired'expliquer pourquoi j'ai votéle 21 mars 1974contre la
décisionde la Cour prise, par onze voix contre trois, de clore ses investi-

gations sur la portée et les origines de la divulgation publique de la déci-
sion du 22 juin 1973 par le premier ministre d'Australie. La Cour a voté
sur une résolution qui est reproduite dans le communiqué de presse du

26 mars 1974.
Personne ne contestera, on veut le croire, que si un chef de gouverne-
ment d'un Etat partie à un procès divulgue une décisionde la Cour avant
que celle-ci soit publique, il y a violation des prescriptions de l'article 54,

paragraphe 3, du Statut: Les délibérationsde la Cour sont et demeurent
secrètes. 1A l'heure de la divulgation, le 21 juin, la décision n'étaitencore
qu'un texte délibéréet adopté par la Cour, couvert par le secret de l'ar-

1 Un journal de Melbourne a publiéle 22juin l'article suivant:
«Le Premier ministre: Nous avotts gagné l'affaire des essais nucléaires.
M. Whitlam, Premier ministre, a déclaré hier soirque l'Australie gagnera son
affaire devant la Cour internationale de Justice par une majorité de huit voix
contre six. M. Whitlani a indiqué qu'on lui avait dit que la Cour rendrait sa
décision dans les vingt-deux heures. Le Premier ministre a fait cette prédiction
dans une causerie prononcée au cours du dîner annuel de I'lnstitut de droit de
Victoria. II a déclaré:n ce qui concerne la hauteCour, on nie dit que la décision
sera rendue dans environ vingt-deux heures. La majorité en notre faveur sera de

huit voix contre six.lQuand, après le dîner, on lui a demandé des précisions,
M. Whitlam s'est refusé à tout commentaire et a dit que ses paroles n'étaient pas
pour publication. Plusieurs centaines de membres de I'lnstitut de droit, et parmi
eux quelques juges importants, ont participé àce dîner. En faisant sa prédiction
selon laquelle la Cour allait se prononcer par huit voix contre six, M. Whitlam a
mis sa main sur le micro qui était sous le contrôle d'un reporter deI'Australian
Broadcasting Corporation. 11
2 Quatre documents seront ainsi publiés dont deux ont déjàétécommuniqués au
Gouvernement français (voir par. 31 ci-aprés),les deux autres sont des rapports faits à
la Cour.ticle 54. Dans une lettre du 27juin 1973 1, le premier ministre d'Australie
s'est référé aux explications fournies, le mêmejour, par une lettre du co-
agent de l'Australie l, etila expriméses regrets à la Cour ((surla situation

embarrassante dans laquelle elle a pu se trouver du fait de [ses] remar-
ques ».D'après le coagent, la déclaration du premier ministre, le 21 juin,
n'était qu'une conjecture, les conseillers juridiques de l'Australie esti-
maient que la décision serait peut-être favorable mais à une faible majo-

rité et les commentaires de presse antérieurs aux propos du premier
ministre avaient indiqué parfois que l'Australie l'emporterait de peu.

31. Quelles qu'aient étéces tentatives d'explications des propos du

premier ministre, puis celles de I'agent et du coagent du Gouvernement
australien àdiverses reprises, lesfaitsparlent d'eux-mêmes. L'enquêteenta-
méesur la demande de membres de la Cour dès l'après-mididu 22juin 1973
a étéclose neuf mois plus tard sans qu'aucune indication précise soit
mars 1974 sur les conclusions aui en
donnée dans la résolution du 21
pouvaient résulter. Les seuls éléments publiéjsusqu'à présentou commu-
niquésau gouvernement constamment considérécomme défendeurpar la
Cour et, à ce titre, en droit d'êtreinformé complètement, ce qui ne fut
pas le cas, sont: la lettre du premier ministre d'Australie du 27juin 1973

et la lettre du coagent du mêmejour 2; le texte d'une déclaration de l'At-
torney-General australien des 21-22juin 1973 2;le communiqué du 8 août
1973; une réponsedu premier ministre à une question, à la Chambre des
représentants d'Australie, sur les circonstances dans lesquelles il a été
mis au courant des détails du jugement de la Cour (Hansard australien,

12septembre 1973);une résolution de la Cour du 24janvier 1974décidant
d'interroger I'agent australien 2 (le compte rendu de ces entretiens n'a
pas étécommuniqué au défendeur et ne sera pas publié); le communiqué
du 26 mars 1974 3.

Il m'a paru contraire à l'intérêtde la Cour dans un incident aussi
sérieux,où son délibéré de 1973est exposéau soupçon, de laisser ce soup-
çon intact et de ne pas faire ce qu'il faut pour le lever. Je dirai seulement

que l'explication divinatoire invoquée par le premier ministre et le déve-
loppement de cette explication par I'agent avec ce rôle de pythie attribué
aux conseillers australiens n'ont rien apportéde positif dans les recherches
de la Cour et doivent être laissés à la seule responsabilité de leurs
auteurs.

1 Communiquée au Gouvernement français le 29 mars 1974, par décision de la
Cour.
2 Documents communiqués au Gouvernement français par lettre du 29 mars 1974.

3 Une lettre de I'agent australien au Greffier en date du 28 février 1974 sera repro-
duite dansMémoires,plaidoiries erdoclrmenrs;ellese rapporte à l'interrogatoire. 32. Si l'on soutenait que le chef d'un gouvernement n'a pas à donner
dejustifications àla Cour sur des propos tenus en dehors et que d'ailleurs,
mêmesi ces propos étaient regrettables, le mal était fait et sans consé-

quences pour l'affaire devant la Cour, cette thèse me semblerait inexacte.
Les propos en question se réfèrentà une décision de la Cour et peuvent
laisser croire à la violation de leur obligation de secret par des persoilnes
ayant connu le délibéréa,vec les perspectives que cette supposition aurait
ouvertes si elle avait étéconfirmée.

33. En constatant le 21 mars 1974 qu'elle ne pouvait aller plus loin
et en le faisant savoir publiquement, la Cour a stigmatisé I'incident et
indirectement signifiéqu'elle n'acceptait pas l'excuse de la divination de
ses décisions, mais elle a reconnu qu'il n'était pas possible, selon son
appréciation, d'en découvrir plus sur les origines de la divulgation.

J'ai votécontre cette résolution et la clôture de l'enquêteparce que
j'estime que cette enquête devait êtrepoursuivie, que les premiers résul-
tats n'étaient pas sans conséquences ni sans développements possibles,
alors surtout que tous les moyens d'investigation ouverts à la Cour
n'avaient pas étéutilisés(art. 48, 49 et 50 du Statut). Telle n'était pas

l'opinion de la Cour qui a voulu traiter ses investigations comme relevant
d'une enquête d'ordre intérieur. Ilm'a semblé,au contraire, que I'inci-
dent de la divulgation est un élément du procès devant la Cour - et c'est
pourquoi le défendeur absent en a ététenu partiellement informé par
la Cour notamment par lettre du 31janvier 1974 - et que la Cour avait

pleine compétence pour réglerjudiciairement un tel incident par toute
procédure qu'elle déciderait d'instituer (comp. la décisionde la Cour sur
((la compétence nécessairepour permettre [à l'organisation des Nations
Unies] de s'acquitter effectivement de ses fonctions ))(C.I.J. Recueil 1949,
p. 179). Comment admettre à priori que la poursuite de l'enquêteaurait

manqué d'efficacitésans avoir essayé d'organiser une telle enquêteet,
mêmesi les circonstances laissaient prévoir des refus de s'expliquer ou
des évasions, la constatation de ces refus ou évasions n'aurait pas été
inefficaceet aurait constitué en soi une censure.
34. Les délaismis à commencer à s'occuper de la divulgation sont un

indice des hésitations à aller jusqu'au fond de l'incident; entre le 22 juin
et le 8 août 1973 six semaines s'écoulent avant de publier le plus anodin
des communiqués, à effet lénifiant et qui ne représente pas des vues
unanimes. Pendant plus de six mois un seul document sera produit
comportant l'analyse documentée des divulgations successives de la presse
sur la progression de l'affaire devant la Cour jusqu'à l'éclatde la divul-

gation publique du résultat et du vote de la Cour par le premier ministre,
le 21 juin, à Melbourne 1.Cette analyse de faits publics montre que l'af-
faire a été accompagnée d'une suite de rumeurs dont les agents de diffu-
sion sont connus mais dont seule l'origine n'a pas été dévoiléL e.e21 mars

1 C'est l'un des documents dont la Cour a, le 13 décembre 1974, décidéde publier
le contenu dansMémoires,plaidoiries etdocuments.

461974 les recherches sont arrêtéeset les diverses voies d'investigation et de
réflexion ouvertes par cette analyse comme par le second rapport ne
seront pas poursuivies.

J'estime que les indices et les admissions déjàconnus ouvraient la voie
de la recherche au lieu de la clore. Une suite d'erreurs, d'oublis, de tolé-
rances, d'absence de réactions à des démarches ou actions insolites, dont
chacune prise isolément aurait pu êtreconsidéréecomme sans significa-
tion particulière mais qui assument une telle signification par leur cumul
et leur impunité; des entretiens imprudents à des moments impropres,

dont il n'existe pas de compte rendu, tout cela concourt à créerun senti-
ment d'imprécision et d'embarras comme si un refus de constater les faits
et d'en rechercher la trame pouvait en effacer la réalitéet qu'un silence
attristé fut le seul remède et la seule solution.
35. Le mal a été faitet constaté (rapport de la Cour aux Nations

Unies 1973-1974,par. 23; débat à la SixièmeCommission de l'Assemblée
générale, ler octobre 1974, A/C.6/SR.1466, p. 6; réponses du ministre
des affaires étrangères de France à des députés, J.O., 26 janvier 1974,
no 7980, et J.O., 20juillet 1974,no 11260). Mêmesi on ne peut, présente-
ment, découvrir plus sur l'origine et le développement du processus de la
divulgation, comme la Cour l'a déclarédans sa résolution du 21 mars

1974,je demeure convaincu qu'une enquêtejudiciairement menéeaurait
pu éclaircir les cheminements des multiples divulgations constatées dans
cette affaire, dont la continuité et l'exactitude laissent penser que la vérité
n'était pas hors de portée de la Cour. Tel est le sens de mon refus de la
résolution du 21 mars 1974 clôturant une investigation entamée avec
hésitation, menéesans persistance et conclue sans raison:

36. Parmi les leçons qu'il faudra tirer de cette affaire où un conflit
d'intérêts politiquesa été paréde la forme d'un différendjuridique, j'en
relèverai une qui appelle une attention particulière. Avant cette instance
l'Acte générald'arbitrage se trouvait, depuis 1939, dans une sorte de
clair-obscur, formellement en vigueur si l'on ne tenait compte que de

dénonciation expresse, plutôt en sommeil:
((A vrai dire il règne au sujet de l'Acte général un climatd'indiffé-
rence ou d'oubli qui fait douter de son maintien en vigueur, tout au

moins de celui de 1928. )) (L'arbitrage obligatoire: une panacée
illusoire, p. 259, par Henri Rolin, 1959.)

Après qu'on eut présentéce traité à la Cour, avec de grands dévelop-

pements, comme une base largement ouverte de juridiction, le comporte-
ment des Etats formellement considéréscomme parties est notable. Le
Gouvernement français est le premier à dénoncer l'Acte généralle 2 jan-
vier 1974, puis le 6 février 1974 le Gouvernement du Royaume-Uni en297 ESSAISNUCLÉAIRES (OP. IND. GROS)

fait autant. Le Gouvernement de I'lnde, depuis juin 1973,a fait connaître
à la Cour puis aux Nations Unies son opinion sur la caducité de I'Acte

général(voir aussi la nouvelle déclarationde I'lnde acceptant lajuridiction
de la Cour aux termes de l'article 36, paragraphe 2,le 15septembre 1974).
Ainsi la seule constatation par des Etats qui ont une grande habitude de
la justice internationale et de l'arbitrage que I'Acte généralpourrait être
effectivement appliqué au lieu des déclarations d'acceptation de la juri-

diction de la Cour formulées avec plus de réserve leur fait déclarer,les
uns qu'ils y mettent fin officiellement, l'autre qu'il le tient pour caduc.
La cause de la justice internationale n'a pas été avancéeen essayant
d'imposer, apparemment pour une raison fornielle, la compétence de la
Cour à l'encontre d'Etats pour qui, visiblement, l'Acte généraln'était
plus la juste mesure de leur acceptation de lajuridiction internationale.

M. Charles De Visscher avait montré à l'avance que le juge doit se
garder de substituer des vues doctrinales et systématisées à l'examen
indispensable des intentions des Etats, définissant ainsi l'obligation de
réservedu juge international:

((L'homme de droit est assez naturellement porté à se méprendre
sur le caractère des tensions politiques comme sur celui des conflits

qu'elles engendrent. IIest enclin à n'y voir que ((l'objet d'un litig)),
à enfermer dans les termes de la dialectique juridique ce qui est au
premier chef réfractaire au raisonnement, à réduire a l'ordre ce qui
n'est que dynamisme effréné,en un mot à vouloir dépolitiser ce qui
est politique par essence. IIne s'agit pas seulement ici, comme on l'a
trop répétéd , 'une insuffisance du mécanisme de transformation du

droit, non plus que de lacunes dans la réglementation juridique. II
s'agit d'une sphère où a priori le droit ne pénètrequ'exceptionnelle-
ment. Le droit ne peut intervenir que s'il est en présenced'éléments
qui lui sont assimilables, c'est-à-dire de faits ou d'exigences que leur
régularitéet une correspondance minima avec un ordre social donné

permettent de soumettre à une analyse raisonnée, de classer sous
quelque catégorie connue, de ramener à un jugement objectif de
valeur, susceptible à son tour de servir de base à l'application des
normes établies. ))(Théorieset réalitésen droit international public,
1970,p. 96.)

Une certaine tendance à saisir le juge de conflits essentiellement poli-
tiques pour obtenir un début de législationjudiciaire, si elle se confirmait,
aboutirait à l'institution sur le plan international du gouvernement des

juges; une telle notion est si contraireaux réalitésde la communauté inter-
nationale actuelle que le fondement même de la juridiction serait atteint.

(SignéA ). GROS.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. GROS

Bien que mon opinion sur cette affaire ne se fonde pas sur le raisonne-
ment de la Cour tel qu'il est exprimé dans les motifs de la décision,j'ai
voté pour le dispositif parce que l'arrêt metfin à l'action entamée par le
demandeur et, en ce sens, rencontre les vues de ceux qui avaient, dès la

première phase de l'examen judiciaire en juin 1973, considéréqu'il n'y
avait pas de différendjuridique. En jugeant que, aujourd'hui en tout cas,
l'affaire entre les deux Etats n'a plus d'objet, la Cour y met un terme par
une autre voie.
La Cour a adopté comme base juridique de son arrêtla nécessitéde
réglercette question de l'existence de I'objet du différendcomme absolu-

ment préliminaire, même vis-à-vis des questions concernant sa compé-
tence et des autres questions se rattachant à la recevabilité. L'arrêt ne
traite que de la disparition de l'objet de la demande et aucune décision
n'a étéprise sur les questions touchant l'incompétence de la Cour ou
l'irrecevabilité de la demande; il n'y a donc pas lieu de traiter ces ques-
tions. Reste le problème de l'inexistence d'un différend justiciable dèsle

début de l'affaire présentéeà la Cour, sur lequel je crois nécessaire de
donner quelques indications.
1. Pour rechercher si le procès manquait de base dès l'origine il faut
évidemment partir de la requête introductive d'instance du 9 mai 1973
qui définit l'objetde la demande. Le demandeur prie la Cour d'ccordonner

à la République française de ne plus faire de tels essais ))[atmosphériques
d'armes nucléaires dans le Pacifique Sud]. Cette demande est fondée sur
une argumentation juridique en vingt-deux lignes dont la brièveté est
compensée par l'indication in fine que, pour ces motifs (tou pour tout
autre motif jugé pertinent par la Cour, la poursuite des essais ..n'est pas
compatible avec les règles applicables du droit international)). J'ai

rappelé dans une autre affaire que la confusion étaitfréquente entre moti-
vation et conclusions stricto sensuet avait étécritiquéepar M. Basdevant
(C.I.J. Recueil 1974, p. 137 et suiv.); elle persiste cependant et est singu-
lièrement visible ici. Pour obtenir l'interdiction à l'avenir de ces essais
nucléaires ilfallait bien que le demandeur se fonde, mêmeelliptiquement,
sur des règles de droit opposables au défendeur et dont il laissait à la

Cour, dans la requête,le soin de les découvrir et de choisir. Mais on ne
voit pas comment il est possible, dans ces lignes qui précèdent laformula-
tion de la demande et en sont détachées formellement et logiquement, de
lire une demande de jugement déclaratoire par la Cour sur I'illicéité des
essais. La question posée estcelle de I'interdiction des essais français dans
la régiondu Pacifique Sud parce que tous les essais nucléaires, où que ce SEPARATE OPINION OF JUDGE GROS

[Translation]

Although my opinion on this case is not based on the Court's reasoning
as set out in the grounds of the Judgment, 1voted in favour of the opera-
tive clause because theJudgment puts an end to the action commenced by
the Applicant, and this coincides with the views of those who took the

view, as long ago as the first phase of the Court's study of the case in
June 1973,that there was no legal dispute. By finding that, today at least,
the case between the two States ncrlonger has any object, the Court puts
an end to it by other means.
The Court has taken as legal basis of its Judgment the need to settle
this question of the existence of the object of the dispute as absolutely

preliminary, even in relation to questions concerning its jurisdiction and
other questions relating to admissibility. The Judgment only deals with
the disappearance of the object of the claim, and no decision has been
taken on the questions concerning the Court's lack of jurisdiction or the
inadmissibility of the claim; it is thus inappropriate to deal with these
questions. But there remains the problem of the non-existence, from the

outset of the case submitted to the Court, of any justiciable dispute, and
on this point 1find it necessary to make some observations.
1. In order to ascertain whether the proceedings were without founda-
tion at the outset, the Application instituting proceedings, dated 9 May
1973,which defines the object of the claim, must clearly be taken as point
of departure. The Applicant asked the Court to "order that the French
Repubiic shall not carry out any further such tests" [SC.,atmospheric tests

of nuclear weapons in the South Pacifir]. This request is based on 22 lines
of legal argument which makes up for its brevity by observing tinally
that, for these reasons "or for any other reason that the Court deems to
be relevant, the carrying out of further .. . tests is not consistent with
applicable rules of international law". 1 have had occasion in another
case to recall that submissions, in the strict sense, have frequently been

confused with reasons in support, a practice which has been criticized by
Judge Basdevant (I.C.J. Reports 1974, pp. 137 K.); such confusion still
occurs however, and is particularly apparent in this case. In order to have
these nuclear tests prohibited for the future, the Applicant had to base its
contention, however elliptically, on rules of law which were opposable to
the Respondent, rules which in its Application it left it to the Court to
discover and select. But it is not apparent how it is possible to find in

these few.lineswhich precede the formulation of the claim, and which are
both formally and logically distinct from it, a request for a declaratory
judgment by the Court as to the unlawfulness of the tests. The question

27soit et par qui que ce soit, seraient illicites selon le demandeur. II fallait

donc établir une motivation juridique, l'illicéitédes expériences pour
obtenir l'objet de la demande qui était une décisiond'interdiction. La
conclusion stricto sensu c'étaitl'interdiction, l'illicite étant le raisonne-
ment justificatif.

2. La règle estque la Cour est saisie de l'objet précisde la demande de
la manière où celle-cia été formuléeL . 'affaire consistait en une demande
d'interdiction des essais atmosphériques, parce que illicites. C'est un con-

tentieux de légalitén, on pas de responsabilité,sur laquelle ne porte pas la
requête.Pour réussir,le demandeur devait établir que sa demande d'in-
terdiction des essais atmosphériques français était fondéesur un com-
portement du Gouvernement français contraire à des règlesde droit inter-
national opposables à ce gouvernement.

Mais il ne suffit pas de poser à la Cour une question, mêmeapparem-
ment juridique dans sa présentation, pour qu'il y ait objectivement un

différend.Une formule de M. Morelli décritbien la situation: ((lesimple
fait que l'une des Parties affirme l'existenced'un différend neprouve pas
que ce différend existeréellement ))(C.I.J. Recueil 1962,p. 565,voir aussi
p. 564, 566 à 568) et j'avais évoquéle problème dès l'ordonnance du
22juin 1973en parlant de ((faux différend )(C.I.J. Recueil 1973,p. 118)
et de (litigeinexistant 1(ibid.,p. 120).J'avais alors insistésur lecaractère
préliminaire, singulièrement encas de défaut,de I'examen de l'existence
réelledu différend pour qu'une affaire puisse êtretraitée par la Cour

dans l'exercice régulierde sa fonction judiciaire. En décidantcet examen
préliminaire, après beaucoup de délaiset sans référenceau défaut, la
Cour affirme le principe de l'antérioriténécessairede l'examen de la
question de la réalitéd'un différend.Le point est donc acquis. Rien dans
la procédure dela Cour n'empêchaitenjuin 1973I'examende la question
de savoir si ledifférendexposé à la Cour par ledemandeur était dépourvu
de réalité dès l'origine.

3. Lorsque la Cour se trouve devant plusieurs raisons invoquéespour
soutenir qu'une affaire ne peut pas êtrejugéeau fond, qu'il s'agissede
motifs d'incompétence ou d'irrecevabilité, ellea toujours pris le plus
grand soin de ne pas se lier nià un classement ni à une hiérarchieentre ces
diverses motivations dont chacune peut aboutir au rejet de la demande.
Dans l'affairedu Canzerounseptentrional, la Cour a refusé de systématiser
ces problèmeset de définir recevabilité eitntérête ,n analysant en détailles
faits de l'affaire qui lui permettraient d'établir sa décision (cf.C.I.J.
Recueil 1963, p. 28):raised is that of prohibition of French tests in the South Pacific region

inasmuch as al1 nuclear tests, wherever and by whoever conducted, are,
according to the Applicant, unlawful. Legal grounds, i.e., the unlaw-
fulness of the tests, therefore had to be shown in order to achieve the
object of the claim, namely a judicial prohibition. The submission, in the
strict sense, was the prayer for prohibition, and the unlawfulness was the

reasoning justifying it.
2. The rule is that the Court is seised of the precise object of the claim
in the way in which this has been formulated. The present case consisted
in a claim for prohibition of atmospheric tests on the ground that they
were unlawful. This is a procedure for establishing legality (contentieux de
légalité),not a procedure for establishing responsibility (contentieux de

responsabilité), with which the Application does not concern itself. In
order to succeed the Applicant had to show that its claim for prohibition
of French atmospheric tests was based on conduct by the French Govern-
ment which was contrary to rules of international law which were
o~~osable to that Government.
fn
But it is not sufficient to put a question to the Court, even one which as
presented is apparently a legal question, for there to be, objectively, a
dispute. The situation is well described by the words of Judge Morelli:
"The mere assertion of the existence of a dispute by one of the parties
does not prove that such a dispute really exists" (I.C.J. Reports 1962,

p. 565; see also pp. 564 and 566-568), and even at the time of the Order of
22 June 1973 1 had raised this question, when 1 referred to "an unreal
dispute" (I.C.J. Reports 1973, p. 118) and "a dispute which [a State]
alleges not to exist" (ibid., p. 120). 1 then emphasized the preliminary
nature, particularly in a case of failur to appear, of examination of the
question of the real existence of the dispute before a case can be dealt with

by the Court in the regular exercise of its judicial function. By deciding to
effect such preliminary examination, after many delays, and without any
reference to the voluntary absence of one of the Parties, the Court is
endorsing the principle that examination of the question of the reality of
the dispute is necessarily a matter which takes priority. This point is thus

settled. There was nothing in the Court's procedure to prevent examina-
tion in June 1973 of the question whether the dispute described to the
Court by the Applicant was, and had been from the outset, lacking in any
real existence.
3. When several reasons are invoked before the Court in support of the

contention that a case may not be judged on the merits-whether these
reasons concern lack of jurisdiction or inadmissibility-the Court has
always taken the greatest possible care not to commit itself either to any
sort of classification of these various grounds, any of which may lead to
dismissal of the claim, or to any sort of ranking of them in order. In the

Il'orthern Camerootls case, the Court refused to establish any system for
these problems, or to define admissibility and interest, while analysing
in detail the facts of the case which enabled it to arrive at its decision
(cf. I.C.J. Reports 1963, p. 28):278 ESSAISNUCLEAIRES(OP. IND. GROS)

((Certainescontradictions entre les thèsesdes Parties sont néesde

ce que l'on n'attribuait pas le mêmesens à des mots tels que (inté-
rêt »et ((recevabilité ))La Cour reconnaît que, dans des contextes
différents, ces termes peuvent avoir des sens différents mais elle
n'estime pas nécessaire en l'espèce d'en examiner la signification.
Aux fins de la présenteespèce,une analyse des faits tenant compte de

certains principes directeurs peut suffire pour résoudre les questions
qui retiennent l'attention de la Cour. ))

Et plus loin, pages 29 et 30: ((c'esttoujours à la Cour qu'il appartient de
déterminer si ses fonctions judiciaires sont en jeu n.
Ainsi c'est un principe de bon sens que la Cour applique: si une cons-
tatation est suffisante par elle-même pour trancher le problème de

compétence de la Cour, au sens le plus large du mot, c'est-à-dire de
déciderde l'impossibilitéde juger une affaire, ilest inutile de procéder à
I'examen des autres motifs. Pour qu'il y ait une procédure sur le fond
il faut qu'il y ait un objet de litige capable de jugement selon le rôle
attribué à la Cour par son Statut;dans la présente affaireoù denombreux

griefs d'incompétence et d'irrecevabilité furent soulevés, la question de
l'absence d'objet de l'instance étaitcelle qu'il fallait trancher la première
précisément parceque, si elle était admise, I'aXaire disparaissait sans
débat. La notion de phase du fond n'a aucun sens dans une fausse ins-
tance, pas plus que la notion d'une phase juridiction-recevabilité, et

encore moins d'une phase de mesures conservatoires derrière le mythe que
ces mesures ne préjugent enrien la décision finale(sur ce point, cf. opinion
dissidente sur l'ordonnance du 22juin 1973, p. 123). LIfaut bien du goût
pour le formalisme pour invoquer comme intangibles les catégories
habituelles de phases lorsque tout, dans une affaire, dépend de la recon-

naissance qu'une requête était sans base, sans cause et qu'il n'existait
aucun différendjuridique dont la Cour puisse êtresaisie. C'est faire de la
succession des hases dans I'examen des affaires Dar la Cour une sorte
de rituel qui ne trouve aucune justification dans la conception générale

du droit international, non formaliste. II s'agit de pratiques dans la
procédure de la Cour dont celle-ci règle l'organisation au mieux des
intérêtsde la iustice. L'article 48 du Statut en remettant à la Cour la
((direction du procès ))n'a en rien qualifiél'exercice de ce droit par des
règles formalistes et l'institution des phases n'exige pas nécessairement
des plans successifs dans I'examen de toute affaire, ni pour les parties,

ni pour la Cour.

4. Attendre quelques années - plus d'une année et demie s'est déjà
écoulée - pour décider,sans hâte, d'abord qu'un tribunal est compétent

popr la raison que les deux Etats sont formellement tenus par une clause
juridictionnelle, sansdéterminer la portée de cette clause, et joindre les
questions de recevabilité au fond pour ensuite, peut-être, conclure au "The arguments of the Parties have at times been at cross-purposes
because of the absence of a common meaning ascribed to such terms
as 'interest' and 'admissibility'. The Court recognizes that these

words in differing contexts may havevarying connotations but it does
not find it necessary in the present case to explore the meaning of
these terms. For the purposes of the present case, a factual analysis
undertaken in the light of certain guiding principles may suffice to
conduce to the resolution of the issues to which the Court directs its
attention."

And further on, at page 30: "...it is always a matter forthe determination
of the Court whether its judicial functions are involved."
Thus the principle which the Court applies is a common-sense one: if a

finding is sufficient in itself to settle the question of the Court's compe-
tence, in the widest sense of the word, that is to Say to lead to the con-
clusion that it is impossible to givejudgment in a case, there is no need to
proceed to examine othergrounds. For there to be any proceedings on the
merits, the litigation must have an object capable of being the subject of a
judgment consistently with the role attributed to the Court by its Statute;

in the present case, where numerous objections as to lack of jurisdiction
and inadmissibility were raised, the question of the absence of any object
of the proceedings was that which had to be settled first for this very
reason, namely that if it were held to be well founded, the case would
disappear without further discussion. The concept of a merits phase has
no meaning in an unreal case, any more than has the concept of ajurisdic-
tion/admissibility phase, still less that of an interim measures phase, on

the fallacious pretext that such measures in no way prejudge the final
decision (on this point, see dissenting opinion appended to the Order of
22 June 1973, p. 123). In a case in which everything depends on recog-
nizing that an Application is unfounded and has no raison d'être,and that
there was no legal dispute of which the Court could be seised, a marked
taste for formalisni is required to rely on the inviolability of the usual

categories of phases. To do so would be to erect the succession of phases
in examination of cases by the Court into a sort of ritual, totally unjus-
tified in the general conception of international law, which is not
formalistic. These are procedural practices of the Court, which organizes
its procedure according to the requirements of the interests of justice.
Article 48 of the Statute, by entrusting the "conduct of the case" to the

Court, did not impose any limitation on the exercise of this right by
subjecting it to formalistic rules, and the institution of phases does not
necessarily require successive stages in the examination of every case,
either for the parties or for the Court.
4. To wait several years-more than a year and a half has already
elapsed-in order to reach the unhurried conclusion that a court is

competent merely because the two States are formally bound by a
jurisdictional clause, without examining the scope of that clause, and
then to join the questions of admissibility to the merits, only subse-fond qu'il n'ya pas de fond ne serait pas une bonne manière d'administrer

lajustice.
II est sans pertinence de dire que, avec cette vue des choses, 1'Etat
qui fait défautserait plus vite libérd'un procèsque I'Etat qui répondpar
des exceptions préliminaires; en dehors du problème du défaut(cf. sur ce
point par. 23 et suiv. ci-après), lorsqu'on est en présence de l'hypothèse
d'une instance inexistante, pouvant mêmeimpliquer un abus du droit de
saisir lejuge, aucune raison n'apparaît d'attendre pour en juger, sinon des
habitudes ou même desroutines.

Dans les affaires du Sud-Ouest africain, dans l'arrêtdu 21 décembre
1962(C.I.J. Recueil 1962, p. 328), avant d'étudier les exceptions préli-

minaires de compétence et de recevabilité soulevéespar le défendeur,
la Cour a, proprio motu, soulevéle problème de l'existence d'un diffé-
rend réelentre les demandeurs et le défendeur (voir aussi l'opinion de
M. Morelli sur ce point, C.I.J. Recueil 1962, p. 564 à 568).
5. Les faits de l'affaire ne laissent pas de doute selon moi surI'inexis-
tence du différend dès laprésentation dela requête.
Dans la série de notes diplomatiques adressées au Gouvernement
français par le Gouvernement australien entre 1963 et la fin de 1972
(requête,p. 35 à 49), à aucun moment n'a été avancé l'argument de
I'illicéitdes expériencesfrançaises pour justifier une demande d'arrêt

de ces expériencesqui serait fondée sur des règlesde droit international
opposables au Gouvernement français. La formule de protestation
exprime des ((regrets)) que le Gouvernement français procède à ces
essais et l'on expose de ((vives inquiétudes ))chez les populations de la
région(requête,p. 43, 45 et 47). On pense si peu du côté australien à une
règleopposable aux essais de la France qu'on déclaresouhaiter ((voir uni-
versellement appliquéet accepté))letraitéde 1963sur lesessais nucléaires
(note du 2 avril 1970,requête,p. 45; dans les mêmes termesexactement,
note du 20 avril 1971, requête,p. 47, et note du 29 mars 1972,requête,
p. 49). 11n'est pasquestion d'illicéité, pasdavantage de dommages occa-

sionnéset de responsabilité internationale, seulement d'une opposition de
principe à tous les essais nucléairespar tous Etats, avec une constance
absolue jusqu'à la note du 3janviei 1973,où pour la première foisle Gou-
vernement australien demande au Gouvernement français ((de s'abstenir
de tous nouveaux essais))qu'il estimecontraires audroit (requête,p. 51);
c'est la note qui ouvre le contentieux avec ce changement complet d'atti-
tude.
La raison du changement est donnée par le Gouvernement australien
dans sa requête:

((Dans sa note [du 3 janvier 19731,le Gouvernement australien
indiquait explicitement qu'à son avis les essais français étaient illé-
gaux et que, s'il ne pouvait obtenir du Gouvernement français une
entière assurance qu'aucune nouvelle expériencene serait faite, son
seul recours serait d'user des voies de droit internationales appro- NUCLEAR TESTS (SEP. OP. GROS) 279

quently to arrive(perhaps) at the conclusion on the merits that there were
no merits, would not be agood way of administering justice.
The observation that, on this view of the matter, a State which declined
to appear would more rapidly be rid of proceedings than a State which
replied by raising preliminary objections, is irrelevant; apart from the

problem of non-appearance (on this point cf. paras. 23 to 29 below),
when the hypothesis arises that the case is an unreal one, with the possible
implication that there was a misuse of the right of seising the Court, there
is no obvious reason why a decision should be delayed unless from force
of habit or routine.
In the Judgment of 21 December 1962 in the South West Africa cases,

(I.C.J. Reports 1962, p. 328), the Court, before examining the preliminary
objections to jurisdiction and admissibility raised by the Respondent,
itself raisepropriomotu the problem of the existence of a genuine dispute
between the Applicants and the Respondent (see also the opinion of
Judge Morelli on this point, I.C.J. Reports 1962, pp. 564-568).
5. The facts of the case leave no room for doubt, in my opinion, that

there was no dispute even at the time of the filing of the Application.
In the series of diplomatic Notes addressed to the French Government
by the Australian Government between 1963and the end of 1972(Appli-
cation, pp. 34-48), at no time was the argument of the unlawfulness of the
French tests advanced to justify a claim for cessation of such tests, based
on rules of international law opposable to the French Government. The
form of protests used expresses "regrets" that the French Government

should carry out such tests, and mention is made of the "deep concern"
aroused among the peoples of the area (Application, pp. 42, 44 and 46).
So little was it thought on the Australian side that there was a rule which
could be invoked against France's tests that it is said that the Government
of Australia would like "to see universally applied and accepted" the 1963
test ban treaty (Note of 2 April 1970,Application, p. 44: in the same terms

exactly, Note of 20 April 1971,Application, p. 46, and Note of 29 March
1972, Application, p. 48). There is no question of unlawfulness, nor of
injury caused by the tests and international responsibility, but merely of
opposition in principle to al1 nuclear tests by al1 States, with complete
consistency up to the Note of 3 January 1973, in which for the first time
the Australian Government invites the French Government "to refrain

from any further . . .tests", which it regards as unlawful (Application,
Ann. 9, p. 51); this, then, was the Note which, by a complete change of
attitude, paved the way to the lawsuit.
The reason for the change was given by the Australian Government in
paragraph 14 of its Application:

"In its Note [of 3 January 19731, the Australian Government
indicated explicitly that in its view the French tests were unlawful and
unless the French Government could give full assurances that no
further tests would be carried out, the only course open to the

Australian Government would be the pursuit of appropriate interna- priées. En exprimant ainsi avec plus de force le point de vue précé-

demment exposéau nom de l'Australie, le Gouvernement traduisait
très directement les convictions du peuple australien, qui venait
d'élireune administration travailliste, tenue par un programme où
figurait la déclaration suivante: c(Les travaillistes s'opposent à la
mise au point, à la prolifération, à la possession et à l'emploi des

armes nucléaires, chimiques et bactériologiques.» (Requêtep. 9-11,
par. 14.)

On remarquera aussi au paragraphe 15 qui suit: ctLe Gouvernement
australien soutenait [dans ses notes des 3 janvier et 7 février 19731que
la poursuite des essais par la France était illégale et demandait leur
cessation. >)
6. Le fond du débat n'est donc plus le même;on ((soutient )I'illicéité

et l'on ((demande )>la cessation des essais parce que le parti travailliste
est opposé à la mise au point, à la possession et à l'emploi des armes nu-
cléaireset que le Gouvernement est liépar son programme électoral.Cette
raison du changement d'administration est dénuéede toute pertinence;
1'Etat demeure liépar ses comportements dans les relations internatio-

nales, quelles que soient les électorales. Si, pendant dix ans les
gouvernements australiens ont traité les expériences dans le Pacifique
comme gênantes maisnon illicites, sous réservede certaines protestations
de principe et de manifestations d'inquiétudes, l'argument d'un pro-
gramme électoral ne suffit pas à écarter cette constatation expresse des

éléments juridiques d'une situation.
Dans la requêtele demandeur a bien aperçu à l'avance que son change-
ment d'attitude posait un problème sérieuxet il a tenté de le voiler en
disant qu'il ne faisait qu'exprimer ((avec plus de force le point de vue
précédemment exposéau nom de l'Australie D. II est facile de montrer

que le point de vue précédentétait totalement différent.En plus des notes
diplomatiques des dix années antérieures à 1973 qui sont décisives et
démontrent que le Gouvernement australien n'invoquait aucune base
juridique à l'encontre de la décision du Gouvernement français de pro-
céderà des essais dans la région du Pacifique Sud, il suffira de rappeler

que l'Australie s'est associée à diverses explosions atmosphériques sur
son propre territoire ou à l'entour et qu'elle s'est, par saconduite,pronon-
céesans équivoque sur la licéitéde ces expérienceset de celles faites par
d'autres Etlits dans le Pacifique.
7. La première explosion nucléaire atmosphérique du Royaume-Uni

eut lieu le 3 octobre 1952 aux îles Montebello, situées près de la côte
nord-ouest de l'Australie. C'est le ministre australien de la défense qui
annonça que l'expérienceavait réussiet le premier ministre australien la
dkcrivit comme ((une nouvelle preuve du fait très important que le
développement de la science dans le Commonwealth britannique se fait

à un niveau extrêmement élevé)) (Keesing's Contemporary Archives,
11-18 octobre 1952, p. 12497). Le premier ministre du Royaume-Uni en-
voya un message de félicitationsau premier ministre d'Australie. Marine, tional legal remedies. In thus expressing more forcefully the point of
view previously expounded on behalf of Australia, the Government
was reflecting very directly the conviction of the Australian people
who had shortly before elected a Labour Administration, pledged to
a platform which contained the following statement: 'Labour

opposes the development, proliferation, possession and use of
nuclear, chemical and bacteriological weapons'." (Application,
pp 8-10.)

111the succeeding paragraph 15 the following will also be noticed: "The
Government of Australia claimed [in its Notes of 3January and 7 Febru-
ary 19731that the continuance of testing by France is illegal and called for
the cessation of tests."
6. Thus the basis of the discussion is no longer the same; it is "claimed"

that the tests are unlawful, and France is "invited" to stop them because
the Labour Party is opposed to the development, possession and use of
nuclear weapons, and the Government is bound by its electoral program-
me. This reason, the change of government, is totally irrelevant; a State
remains bound by its conduct in international relations, whatever electoral
promises may have been made. If for ten years Australian governments
have treated tests in the Pacific as unwelcome but not unlawful, subject to

certain protests on principle and demonstrations of concern, an electoral
programme is not sufficient argument to do away with this expiicit
appreciation of the legal aspects of the situation.

The Applicant, as it happens, perceived in advance that its change of
attitude gave rise to a serious problem, and itendeavoured in the Applica-

tion to cover it up by saying that it had done no more than express "more
forcefully the point of view previously expounded on behalf of Australia".
It can easily be shown that the previous viewpoint was totally different.
Apart from the diplomatic Notes of the ten years prior to 1973,which are
decisive, and which show that the Government of Australia did not
invoke any legal grounds to oppose the decision of the French Govern-

ment to conduct tests in the South Pacific region, it will be sufficient to
recall that Australia has associated itself with various atmospheric
explosions above or in the vicinity of its own territory, and that by its
conduct it has expressed an unequivocal view on the lawfulness of those
tests and those carried out by other States in the Pacific.
7. The first atmospheric nuclear explosion effected by the United
Kingdom occurred on 3 October 1952 in the Montebello Islands, which

are situated near the north-west coast of Australia. It was the Australian
Minister of Defence who announced that the test had been successful,
and the Prime Minister of Australia described it as "one further proof of
the very important fact that scientific development in the British Com-
monwealth is at an extremely high level" (Keesing's Contemporary
Archives, 11-18 October 1952, p. 12497). The Prime Minister of the

United Kingdom sent a message of congratulation to the Prime Ministeraviation et autres services du Gouvernement australien étaient associésà
la préparation et à la réalisation de l'expérience; trois zones de sécurité
avaient étéinterdites au survol et à la navigation, sous peine de prison et
d'amendes.
Le 15 octobre 1953 une autre expérience britannique eut lieu à Woo-

mera, en Australie, avec nouvelle zone interdite de 80 000 milles carrés.
Le ministre britannique de l'approvisionnement, parlant à la Chambre
descommunes, avait annoncéle24juin 1953la nouvelle séried'expériences,
qui était préparéeen collaboration avec le Gouvernement australien et
avec l'aide de la marine et de l'aviation australiennes (Keesing's, 1953,

D. 13222).
Deux nouvelles séries d'expériencesbritanniques eurent lieu en 1956,
l'une aux îles Montebello (16 mai et 19 juin), l'autre à Maralinga, en
Australie du Sud (27 septembre, 4, 11 et 21 octobre). Le premier ministre
australien par intérim, commentant les retombées, déclara qu'aucun

danger pour la santé ne pouvait en résulter. Des militaires australiens
étaient présents comme observateurs pendant la deuxième séried'expé-
riences (Keesing's, 1956, p. 14940). Le Gouvernement britannique indi-
qua le 7 août 1956 que le Gouvernement australien avait fourni une
entière coopération et que divers départements ministériels australiens

avaient donné une aide aw~réc1.esous la coordination du ministre
australien de I'approvisionnement. La seconde expérience de cette série
fut observée par ce ministre et des membres du Parlement australien
(Keesit~g's,1956, p. 15248).
Le premier ministre britannique déclarait le 7juin 1956:

((Les Gouvernements de Sa Majesté en Australie et en Nouvelle-
Zélande ont accepté d'apporter au groupe spécial diverses formes
d'aide et d'appui à partir des territoires australienet néo-zélandais.
Nous en sommes extrêmement reconnaissants. )) (Hansard, 1956,

col. 1283.)
8. Une participation active à des expériencesatmosphériques répétées
pendant plusieurs années constitue, en soi, la reconnaissance que de

telles expériences étaient conformes aux règles du droit international.
Pour démontrer que les expériences actuelles ne seraient plus licites un
effort a été faitpour soutenir, d'une part, que ce qui est louable de la
part de certains Etats est exécrablede la part d'autres, d'autre part, que
les expériencesatmosphériques sont devenues illicites depuis le temps où

l'Australie elle-mêmecontribuait aux retombées nucléaires.
9. Le 3 mars 1962, après que le Gouvernement des Etats-Unis eut
décidéd'effectuer des essais nucléaires dans le Pacifique Sud, le ministre
australien des affaires extérieures a dit:

((LeGouvernement australien ..a d'ores et déjàexprimé ses vues,
à savoir que s'il apparaissait nécessaireaux Etats-Unis de procéder,
pour la sécuritédu monde libre, à des essais nucléaires dans I'at-
mosphère, les Etats-Unis devraient avoir toute latitude pour ce

faire.1)(Requête,p. 37.)of Australia. The Navy and Air Force and other Australian government
departments were associated with the preparation and execution of the
test; three safety-zones were forbidden for cverflight and navigation, on
pain of imprisonment and fines.
On 15October 1953a further British test was carried out at Woomera
in Australia, with a new forbidden zone of 80,000 square miles. The
British Minister of Supply, addressing the House of Commons on

24 June 1953,announced the new series of tests, which had been prepared
in collaboration with the Australian Government and with the assistance
of the Australian Navy and Air Force (Keesing's Contemporary Arcl~ii~es
1953, p. 13222).
Two further series of British tests took place in 1956, one in the Mon-
tebello Islands (on 16May and 19June), the other at Maralinga in South

Australia (27 September, 4, 11 and 21 October). The acting Prime
Minister of Australia, commenting on fall-out, stated that no danger to
health could arise therefrom.Australian military personnel were present as
observers during the second series of tests (Keesing's Cowtemporary
Arclliites, 1956, p. 14940). The British Government stated on 7 August
1956 that the Australian Government had given full CO-operation, and

that various Australian government departments had contributed valu-
able assistance under the CO-ordinating direction of the Australian
Minister for Supply. The second test of this series was observed by that
Minister and members of the Australian Parliament (Keesing's Con-
temporarj- Archii,es, 1956, p. 15248).
The British Prime Minister stated on 7June 1956:

"Her Majesty's Governments in Australia and New Zealand have
agreecl to make available to the task force various forms of aid and
ancillary support from Australian and New Zealand territory. We
are most grateful for this." (Hansard, House of Commons, 1956,

Col. 1283.)
8. Active participation in repeated atmospheric tests over several
years in itself constitutes admission that such tests were in accordance
with the rules of international law. In order to show that the present tesis

are not la~ful, an effort has been made to argue, first, that what is
laudable on the part of some States is execrable on the part of othersand,
secondly, that atmospheric tests have become unlawful since the time
when Australia itself was making its contribution to nuclear fall-out.

9. On 3 March 1962, after the Government of the United States had
decided to carry out nuclear tests in the South Pacific, the Australian

Minister for External Affairs said that:
". .. the Australian Government ... has already made clear its view
that if the United States should decide it was necessary for the

security of the free world to carry out nuclear tests in the atmosphere,
then the United States must be free io do so" (Application, Ann. 3,
p. 36). Quelquesjours après cette déclaration, le 16 mars 1962, le Gouverne-
ment australien autorisait les Etats-Unis à utiliser I'ile Christmas (sur
I'ile Christmas du 24 avril au 30 juin, plus de vingt essais, et sur l'île
Johnston du 9juillet au 4 novembre 1962,essais à trèsgrande altitude).

Le Gouvernement australien déclarait également dans un aide-mémoire
du 9 septembre 1963:

((Après la signature du traité interdisant les essais nucléaires dans
l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau, le
Gouvernement australien reconnaît aussi que les Etats-Unis doivent
prendre les précautions nécessaires pour se réserver la possibilité

d'effectuer des essais dans l'éventualité,soit d'une violation du
traité, soit de l'exercice par certains autres Etats de leur droit de
dénoncer le traité.» (lbid., p. 39.)

Par contre, cinq ans plus tard, ne pensant qu'aux expériences fran-
çaises et chinoises, le Gouvernement australien écrivait:

((Le 5 avril 1968, à Wellington (Nouvelle-Zélande), le Conseil de
I'ANZUS (Australie-Nouvelle-Zélande-Etats-Unis) a fait figurer la

déclaration suivante dans le communiqué publié à l'issue de la
réunion qu'il venait de tenir:
((Ayant constaté que la Chine communiste et la France pour-
suivent leurs essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, les
ministres ont réaffirméleur opposition à tous les essais d'armes
nucléaires dans I'atmosphère effectués au mépris de l'opinion

mondiale telle qu'elle s'exprime dans le traité interdisant les essais
d'armes nucléaires. ))(Ibid., p. 43.)

10. Dans une autre occasion le Gouvernement australien avait déjà
manifestéle mêmesens de la différence.Au Conseil de tutelle, examinant
en 1954 certains dommages causésaux îles Marshall par des expériences
nucléaires de la Puissance administrante, le délégué australien n'a suivi

aucune des délégations quicritiquaient le principe mêmede ces expé-
riences.
Il. II n'est pas injuste de constater que, pour le Gouvernement aus-
tralien, ce qui est excellent pour les alliésqui pourraient le protéger ne
l'est pas pour d'autres : Quod licet Jori non licet bovi. C'est au moment ou
le délégué des Etats-Unis révèleaux Nations Unies que son gouverne-

ment détient 615 385 fois l'équivalent de la première bombe atomique
(Commission politique, 21 octobre 1974)que le Gouvernement australien
exige du Gouvernement français qu'il renonce à produire des armes
atomiques.
II reste à dire brièvement comment cette position constante du Gouver-
nement australien, de 1963 à fin 1972,jusqu'au changement exposéau

paragraphe 5 ci-dessus, empêchesur le plan juridique le demandeur de
paraître devant la Cour pour prétendre que, parmi les expériences nu- A few days after this statement, on 16 March 1962, the Australian

Government gave the United States its permission to make use of
Christmas Island (where more than 20 tests were carried out between
24 April and 30 June, while tests at very high altitude were carried out at
Johnston Island from 9 July to 4 November 1962).
In an aide-mémoire of 9 September 1963 the Australian Government
likewise stated:

"Following the signature of the Treaty Banning Nuclear Tests in

the Atmosphere, in Outer Space and Under Water, the Australian
Government also recognizes that the United States must take such
precautions as may be necessary to provide for the possibility that
tests could be carried out in the event, either of a breach of the
Treaty, or of some other States exercising their right to withdraw
from the Treaty." (Ibid.,p. 38.)

In contrast, five years later, with solely the French and Chinese tests in

mind, the Australian Government wrote:

"On 5 April 1968, in Wellington, New Zealand, the Austïalia-
New Zealand-United States (ANZUS) Council, included the
following statement in the communiqué issued after the meeting:

'Noting the continued atmospheric testing of nuclear weapons
by Communist China and France, the Ministers reaffirmed their

opposition to al1 atmospheric testing of nuclear weapons in
disregard of world opinion as expressed in the Nuclear Test Ban
Treaty.' " (Ibid.,Ann. 5, p. 42.)

10. On another occasion the Australian Government had already
evinced the same sense of discrimination. In 1954, in the Trusteeship
Council, when certain damage caused the Marshall Islands by the nuclear

tests of the administering authority was under consideration, the Austra-
lian delegate could not go along with the views of any of the delegations
who objected to the tests in principle.
11. It is not unjust to conclude that, in the eyes of the Australian
Government, what should be applauded in the allies who might protect
it is to be frowned upon in others: Quod licet Jovi non licet bovi.lt is at

the time when the delegate of the United States has been revealing to the
United Nations that his Government possesses the equivalent of 615,385
times the original Hiroshima bomb (First Committee, 21 October 1974)
that the Australian Government seeks to require the French Government
to give up the development of atomic weapons.
It remains for me briefly to show how this constant attitude of the
Australian Government, from 1963 to the end of 1972, i.e., up to the

change described in paragraph 5 above, forms a legal bar to the Appli-
cant's appearing before the Court to claim that, among nuclear tests,283 ESSAISNUCLÉAIRES (OP. IND. GROS)

cléaires,on peut en choisir certaines pour en déclarerI'illicéitéet les inter-
dire seules. II y a en effet de nombreux empêchementsparmi lesquels la

Cour était déjàen mesure de choisir, en juin 1973, pour déclarer l'affaire
sans objet. Pour simplifier prenons la raison majeure: le principe de
l'égalitédes Etats.
12. La prétention du demandeur d'imposer une certaine politique de
défense nationale à un autre Etat est une intervention dans les affaires

intérieures de cet Etat dans un domaine où une telle intervention est
particulièrement inadmissible. Le Gouvernement du Royaume-Uni
s'exprimait ainsi sur ce point, le2juillet 1973:

((La question de savoir si la France doit ou non développer sa
puissance nucléaire ne nous concerne pas. C'est à elle seule qu'il
appartient d'en décider. ))(Hansard, col. 60.)

Dans son livre Tlze Function of Law in tlze International Community
(Oxford, 1933, p. 188) M. Hersch Lauterpacht (plus tard sir Hersch)
écrivait:

((c'estétendre la fonction judiciaire jusqu'au point de rupture que de
vouloir lui faire trancher la question de savoir si un différend est

politique en ce sens qu'il met en jeu l'indépendance, les intérêts
vitaux ou l'honneur de 1'Etat. On peut donc douter qu'un tribunal
quelconque puisse, dans l'exercice de sa fonction judiciaire, passer
outre à l'affirmation d'un Etat qu'un différend touche à sa sécurité
ou à ses intérêts vitaux.Comme nous l'avons vu, les intérêtsen

question sont d'une nature si subjective qu'elle exclut l'application
de toute norme objective, non seulement dans le cas de traités géné-
raux d'arbitrage mais aussi dans le cas de chaque différend. ))

La Cour a eu connaissance du projet de loi déposépar le Gouverne-
ment français en 1929 devant le Parlement pour autoriser l'adhésion à
l'Acte généralde Genève du 26 septembre 1928; ilcomportait une réserve

formelle excluant (les différendsayant trait à des prétentions de nature à
porter atteinte à l'organisation de la défense nationale)). Le Il juillet
1929, le rapporteur de la Commission des affaires étrangères a expliqué
que la réserveétait inutile:

((Au reste, les termes mêmesdans lesquels l'exposédes motifs la
présente en montrent l'inutilité.((En l'absence de dispositions con-

tractuelles résultant de conventionsexistantes ou de celles qui seront
conclues sous l'action de la Sociétédes Nations en matière de limita-
tion des armements, dit le texte, litiges ayant trait à des prétentions
de nature à porter atteinte à l'organisation de la défensenationale.))
Or, précisémentparce que ces dispositions n'existent pas, comment

une juridiction arbitrale pourrait-elle statuer dans un conflit de ce
genre autrement qu'en reconnaissant que chaque Etat est actuelle-
ment maître d'organiser sa défense nationale ainsi qu'il l'entend?
Imagine-t-on une jurisprudence arbitrale prétorienne substituant NUCLEAR TESTS (SEP.OP. GROS) 283

certain can be selected to be declared unlawful and they alone prohibited.
Indeed the Court, in June 1973, already had a choice among numerous

impediments on which it might have grounded a finding that the case was
without object. For simplicity's sake let us take the major reason: the
principle of the equality of States.
12. The Applicant's claim to impose a certain national defence policy
on another State is an intervention in that State's interna1 affairs in a
domain where such intervention is particularly inadmissible. The United

Kingdom Government stated on this point on 2July 1973as follows:

"... we are not concerned ...with the question of whether France

should or should not develop her nuclear power. That is a decision
entirely for France ..." (Hansard, col. 60).

In The Function of Law in the International Community (Oxford 1933,
p. 188) Mr. (later Sir) Hersch Lauterpacht wrote:

"... it means stretching judicial activity to the breaking-point to
entrust it with the determination of the question whether a dispute is
political in the meaning that it involves the independence, or the vital
interests, or the honour of the State. It is therefore doubtful whether
any tribunal acting judicially can override the assertion of a State

that a dispute affects its security or vital interests. As we have seen,
the interests involved are of a nature so subjective as to exclude the
possibility of applying an objective standard not only in regard to
general arbitration treaties, but also in regard to each individual
dispute."

Thedraft law which the French Government laid before its Parliament
in 1929 to enable its accession to the General Act of Geneva of 26 Sep-
tember 1928has been drawn to the Court's attention; this draft embodied

a forma1 reservation excluding "disputes connected with claims likely to
impair the organization of the national defence". On 11 July 1929 the
rapporteur of the parliamentary Committee on Foreign Affairs explained
that the reservation was unnecessary:

"Moreover the very terms in which the exposédes motifs presents
it show how iinnecessary it is. 'In the absence of contractual provi-
sions arising out of existing treaties or such treaties as may be con-

cluded at the instigation of the League of Nations in the sphere of
armaments limitation,' says the text : 'disputes connected with claims
likely to impair the organization of the national defence.' But,
precisely because these provisions do not exist, how could an arbi-
tration tribunal rule upon a conflict of this kind otherwise than by
recognizing that each State is at present wholly free to organize its

own national defence as it thinks fit? 1sit imagined that the action of
some praetorian arbitral case-law might oust or at any rate range son action àcelle de Genève ou, en tout cas, dépassant celle-ci? Le

danger apparaîtcomme un peu chimérique. ))(Documents parlemen-
taires, Chambre des députés,1929,ann. 1368,p. 407,408, ann. 2031,
p. 1143.)

L'exposédes motifs du projet de loi d'adhésioninsiste fermement sur le
caractère indispensable de la compétence du Conseil de la Sociétédes

Nations, pour ((apprécierles facteurs d'ordre politique ou d'ordre moral
susceptibles de peser dans le règlement de certains conflits n'ayant pas un
caractère strictement juridique)), litiges ((dont la gravité politique peut
éventuellement êtretelle que le recours au Conseil soit indispensable))
(eod. loc., p. 407). Telle était la position officielle du Gouvernement
français qu'éclaireici aussi le rapporteur de la Commission des affaires

étrangères qui insiste sur la combinaison du recours au conseil et du
règlement juridictionnel (eod. loc., ann. 2031, p. 1142).
13. 11n'est pas déraisonnable de penser que le monde contemporain est
encore convaincu du bon sens des observations citées au paragraphe
précédent(cf. l'arrangement de Luxembourg du 29 janvier 1966entre les

membres de la Communauté économique européenne sur les ((intérêts
très importants n).Mais il y a plus qu'un aspect négatif dans l'absence
d'objet de la demande australienne. Le principe de l'égalité devant le droit
est constamment invoqué, réaffirméet inscrit dans les textes les plus

solennels. Ce principe perdrait toute signification si l'attitude ((à chacun
sa règle ))était toléréedans la pratique des Etats et devant le juge. Sir
Gerald Fitzmaurice a exposé ce qu'il faut penser à ce sujet dans son
rapport spécialà I'lnstitut de droit international ((The Future of Public
International Law >)(1973, p. 35 à 41).
Dans le cas présent le demandeur a essayé de présenter à la Cour

comme objet d'un différendjuridique une demande d'interdiction d'actes
auxquels il s'est lui-mêmelivréou associé, en soutenant que ces actes
étaient alors non seulement licites mais à encourager pour la défense
d'une certaine catégorie d'Etats. Or le demandeur a négligéune partie de
la déclaration du premier ministre du Royaume-Uni devant la Chambre

des communes, le 7 juin 1956, où celui-ci avait exprimé des remercie-
ments à l'Australie pour sa collaboration aux expériences britanniques
(par. 7 ci-dessus). Le premier ministre disait aussi:

Je ne vois certainement pas pour quelle raison notre pays ne
procéderait pas à des expériences analogues à celles qui ont été
effectuéestant par les Etats-Unis que par la Russie sovietique. Nous
ne faisons rien de plus. J'ai déjàdit que nous sommes prêtsà parti-
ciper à la mise au point de systèmes de limitation. Je pense person-

nellement que cela est souhaitable et que c'est possible. ))(Hansard,
col. 1285.)

Le 2 juillet 1973l'Attorney-General analysait ainsi la position juridique
du Gouvernement britannique:

35 beyond that of Geneva? That would seem to be a somewhat chimae-
rical danger." (Documents parlementaires: Chambre des deputés,1929,
Ann. 1368, pp. 407 f.; Ann. 2031, p. 1143.)

The exposé des motifs of the draft law of accession, lays strong emphasis

on the indispensability of the competence of the Council of the League of
Nations for the "appraisal of the political or moral factors likely to be
relevant to the settlement of certain conflicts not strictly legal in char-
acter", disputes "which are potentially of such political gravity as to
render recourse to the Council indispensable" (ibid., p. 407).uch was the
official position of the French Government upon which the rapporteur of
the Foreign Affairs Cornmittee likewise sheds light here when he stresses

the combination of resort to the Council and judicial settlement (ibid.,
p. 1142).
13. It is not unreasonable to believe that the present-day world is still
persuaded of the good sense of the observations quoted in the preceding
paragraph (cf. the Luxembourg arrangement of 29 January 1966,between
the member States of the European Economic Community, on "very

important interests"). But there is more than one negative aspect to the
want of object of the Australian claim. The principle of equality before
the law is constantly invoked, reaffirmed and enshrined in the most
solemn texts. This principle would become meaningless if the attitude of
"to each his rule" were to be tolerated in the practice of States and in
courts. The proper approach to this matter has been exemplified in Sir

Gerald Fitzmaurice's special report to the Institute of International
Law: "The Future of Public International Law" (1973, pp. 35-41).
In the present case the Applicant has endeavoured to present to the
Court, as the object of a legal dispute, a request for the prohibition of acts
in which the Applicant has itself engaged, or with which it has associated
itself, while maintaining that such acts were not only lawful but to be

encouraged for the defence of a certain category of States. However, the
Applicant has overlooked part of the statement made'by the Prime
Minister of the United Kingdom in the House of Commons on 7June
1956, when he expressed his thanks to Australia for its collaboration in
the British tests (par~7above). The Prime Minister also said:

"Certainly, 1 do not see any reason why this country should not
make experiments similar to those that have been carried out by both
the United States and Soviet Russia. That is al1that we are doing. 1
have said that we are prepared to work out systems of limitation.
Personally, 1 think it desirable and 1think it possible." (Hansard,
col. 1285.)

On 2 July 1973, the position of the British Government was thus
analysed by the Attorney-General:285 ESSAIS NUCLEAIRES (OP. IND. GROS)

((Mêmesi la France a violé uneobligation internationale, ce n'est

pas une obligation qu'elle devait quant au fond au Royaume-Uni et
il ne semble pas qu'un droit subjectif propre dont le Royaume-Uni
serait titulaire ait été enfrei))(Hansard, col. 99.)

Ceci malgré la position géographique des îles Pitcairn, dans le Paci-
fique.
Le demandeur s'est disqualifié par son comportement et ne peut

présenter une demande fondée sur un ((double standard ))de conduite et
de droit. Ce qui étaitbon pour l'Australie aux côtésdu Royaume-Uni et
des Etats-Unis ne peut êtreillicite pour d'autres Etats. La Cour perma-
nente de Justice internationale a appliqué le principe allegans contraria
non audiendus est dans l'affaire des Prises d'eau à la Meuse (C.P.J.I.
série A/B no 70, p. 25).

14. Dans l'argumentation néeen 1973 pour les besoins de la présente
affaire on a aussi prétendu que l'attitude différente du Gouvernement
australien à l'égarddu Gouvernement français s'expliquait par le fait que,
à l'époque des explosions auxquelles le Gouvernement australien s'était
associé et qu'il déclarait louables en soi, la conscience du danger des

retombées n'était pasencore aiguë. La lecture des rapports du Comité
scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations ionisantes,
établipar l'Assembléegénéraleen 1955,montre qu'il n'en est rien. S'ilest
exact de dire que les informations sont devenues plus nombreuses et plus
précisesau cours des années, les rapports de ce comitéont constamment
rappelé que ((les essais antérieurs à 1963 représentent encore de loin la

plus grande série d'événementsproduisant une contamination globale
radioactive » (rapport 1972, chap. 1, p. 3).

Quant à la conscience de dangers particuliers pour l'Australie le

Comité consultatif national sur les radiations, désignépar le Gouverne-
ment australien en mai 1957, était chargé de donner des avis sur toute
question relative aux effets des radiations sur la communauté austra-
lienne. La Cour a pu prendre connaissance des rapports de 1967 (deux
rapports), 1969, 1971 et 1972; le rapport de mars 1967 indique que le
précédentrapport était de 1965, qu'il traitait en détail la question des

retombées sur l'environnement australien et les effets sur l'homme:

((A l'époquele comitéétaitparvenu à la conclusion que les essais
d'armes nucléaires français qui devaient avoir lieu dans l'océan
Pacifique Sud n'entraîneraient probablement aucun risque appré-
ciable pour la santé de la population australienne. » (Rapport au
premier ministre, mars 1967, par. 3.)

Cette mêmeformule est reprise dans le rapport de mars 1967, para-
graphe 11, pour la première série des essaisfrançais de juillet à octobre

1966 et dans le rapport de décembre 1967, paragraphe II, après examen
des effets de la deuxième série d'essais en juin et juillet 1967 en tenant "... even if France is in breach of an international obligation, that
obligation is not owed substaiitially to the United Kingdom, and

there is no substantive legal right of the United Kingdom which
would seem to be infringed" (Hansard, col. 99).

And that despite the geographical position in the Pacific of Pitcairn
Island.
The Applicant has disqualified itself by its conduct and may not
submit a claim based on a double standard of conduct and of law. What
was good for Australia along with the United Kingdom and the United

States cannot be unlawful for other States. The Permanent Court of
International Justice applied the principle "allegans contraria non audi-
endus est" in the case of Diversion of Water.from the Meuse, Judgment,
1937, P.C.I.J., Series A/B, No. 70, page 25.
14. In the arguments devised in 1973 for the purposes of the present
case, it was also claimed that the difference in the Australian Govern-

ment's attitude vis-à-vis the French Government was to be explained by
the fact that, at the time of the explosions with which the Australian
Government had associated itself and which it declared to be intrinsically
worthy of approval, awareness of the danger of fall-out had not yet
reached the acute stage. One has only to read the reports of the United
Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation, a

committee set up by the General Assembly in 1955,to see that such was
not the case. While it is true to say that more abundant and accurate
information has become available over the years, the reports of this com-
mittee have constaritly recalled that :"Those [tests of nuclear weapons]
carried out before 1963 still represent by far the largest series of events
leading to global radio-active contamination." (UNSCEAR Report
1972,Chap. 1,p. 3.)

As for awareness of particular risks to Australia, the National Radia-
tion Advisory Committee was set up by the Australian Government in
May 1957 for the purpose of advising on al1 questions concerning the
effects of radiation on the Australian population. The Court has had
cognizance of the reports of 1967(two reports), 1969, 1971and 1972; the
report of March 1967indicates that the previous report dated from 1965,

and that it dealt in detail with the question of fall-out over the Australian
environment and the effects upon man:

"The Committee at that time was satisfied that the proposed
French nuclear weapons tests in the South Pacific Ocean were
unlikely to lead to a significant hazard to the health of the Australian
population." (Report to the Prime Minister, March 1967,para. 3.)

This same form of words is repeated in paragraph 11 of the March 1967
report, in reference to the first series of French tests, which took place in

the period July-October 1966, and also in paragraph II of the report for
December 1967,issued following a study of the effects of the second seriescompte des doses de radiation de ces deux séries.Le rapport demars 1969
du Comité national australien au premier ministre concerne les essais
français de juillet à septembre 1968 et reprend dans le paragraphe 12

la conclusion citée ci-dessus du rapport de mars 1967, paragraphe 3.
Le rapport du Comité en mars 1971 rappelle au paragraphe 3 que les
retombées detous les essais français, en 1966, 1967, 1968.ne constituaient
pas un risque pour la santé de la population australienne. La formule
du paragraphe 12conclut de la manière traditionnelle, en ce qui concerne
les essais de 1970. L'absence de risque est encore reconnue dans le rap-

port du Comité national en juillet 1972 aux paragraphes 8, 9 et 11.
Mais, avec la nouvelle administration australienne, ce comitéscientifique
est dissous; un rapport sera demandé par le premier ministre le 12février
1973 à l'Académieaustralienne des sciences dont le Conseil désignera un
comité qui fera un rapport sur les effets biologiques des retombées; les
conclusions de ce rapport firent l'objet d'un examen avec des savants
français en mai 1973,à la veille de la requête introductive d'instance. Les

discussions continuent, semble-t-il, mêmeentre savants australiens, à la
suite de ce dernier rapport.

15. Pour que les cexpériencesanalogues » du Gouvernement français
soient un objet de différendque la Cour puisse traiter il faudrait en tout
cas que, à un certain moment de l'histoire du développement des armes

nucléaires,ce qui était licite soit devenu illicite. C'est la démonstration de
ce changement qui serait nécessaire pour relever le demandeur de la
disqualification résultant de son comportement: ce qui, entre 1963 et fin
1972,a été présentépar l'Australie comme un conflit d'intérêts, uneoppo-
siton de vues politiques sur les problèmes de prolifération des armes ato-
miques, leur mise au point, leur détention et leur emploi, donc comme la

contestation de la prétention française au développement de l'arme
nucléairede façon indépendante, n'a pas changéde naturejuridique par le
seul effet du changement opéré par un nouveau gouvernement australien
dans la présentation formelle des thèses antérieures. II faudrait prouver
qu'entre les explosions antérieures à 1963et les explosions postérieures la
communauté internationale soit passéedu non-droit au droit.

16. La recherche de la Cour sur ce point pouvait prendre place dès
juin 1973 parce qu'il ne s'agit que de vérification préliminaire de pro-
blèmes entièrement détachésdu fond, quelles que soient les vues qu'on
puisse avoir sur le côté sacramentel de la distinction entre les phases d'une
procédure (cf. par. 3 ci-dessus). En effet si le traité 5uaoût 1963 inter-
disant les essais nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace extra-
atmosphérique et sous l'eau n'estpas opposable à la France, il n'y a pas

de litige dont l'Australie puisse saisir la Cour et une décision de rejet
n'exige aucun examen du contenu du traité.
17. On sait que la forme multilatérale donnéeau traitédu 5 août 1963
n'est qu'un élément parmi plusieurspour l'analyse juridique du caractère
opposable de ce traité aux Etats qui n'y sont pas parties.IIsuffira de dire
que la préparation du texte, sa rédaction, le système inégalentre lesparties pour la ratification d'amendements et le régimede contrôle ont
permis de classer le traité comme créant un statut bipolaire, acceptépar
un nombre important d'Etats, mais non obligatoire pour les Etats restés
en dehors du traité. En effet, la conduite postérieure au traité des Etats
qui en assument la responsabilité principale permet de ne pas s'attarder.
Aucune des trois Puissances nucléaires qualifiéesde (parties originaires ))

dans l'article 2 du traité n'a jamais fait savoir aux autres Puissances
nucléaires non parties au traité que ce texte créait une obligation quel-
conque à leur égard; au contraire les trois parties originaires, encore
aujourd'hui, appellent les Puissances non parties à adhérer au traité. Le
délégué soviétique à la Conférence du désarmement, à l'ouverture de la

session du 20 février 1974, a déclaréque la négociation pour mettre fin
aux expériences nucléaires ((exige la participation de tous les Etats
nucléaires D. A la Commission politique de l'Assemblée générale,le
21 octobre 1974, le délégué deE stats-Unis disait que l'un des buts étaitde
faire appel à la coopération des pays qui n'ont pas encore ratifiéle traité

de 1963. Les déclarations du Gouvernement du Royaume-Uni sont dans
le mêmesens; lors d'un débat au Parlement, le 2 juillet 1973, le ministre
d'Etat pour les affaires étrangèreset du Commonwealth, a dit:

«Dès 1960, cependant, les Français et les Chinois ont refuséde
souscrire à quelque accord international que ce soit sur les essais. Ils
ne sont donc pas liéspar les obligations du traité d'interdiction des
essais de 1963 ...

En 1963 le Gouvernement de Sa Majesté ainsi que le Gouverne-
ment des Etats-Unis ont demandé instamment au Gouvernement
français de signer le traité d'interdiction partielle des essais.
En tant qu'instigateurs et que signataires du traité, nous sommes
gravement préoccupésde voir se poursuivre lesessais nucléairesdans

l'atmosphère et nous invitons tous lesgouvernements qui ne l'ont pas
encore fait a adhérerau traité.Ce ointde vue est bien connu des Gou-
vernements français et chinois. IIa été exposé par plusieurs gouverne-
ments successifs. )(Hansard, col. 58 et 59.)

18. Le comportement des parties originaires qui ont établipar accord
mutuel les règlesdu statut nucléaire actuel montre que les Etats nucléaires
qui ont refuséd'adhérer à ce statut ne peuvent êtreconsidéres comme y

étant soumis par l'effet d'une construction doctrinale qui serait contraire
aux intentions formellement exprimées des instigateurs et responsables
de ce statut. Le Gouvernement français, pour ce qui le concerne, a
toujours refuséd'admettre l'existence d'une règle qui lui soit opposable,
dans de nombreuses déclarations.
19. Le traité du 3 juillet 1974, signéà Moscou entre les Etats-Unis et

l'Union des Républiques socialistes soviétiques, relatif à la limitation des
essais souterrains d'armes nucléaires (Nations Unies, Documents officiels
de ['Assembléegénérale,doc. A/9698, 9 août 1974, ann. 1) comporte le
considérant suivant dans le préambule:between the parties for the ratification of amendments, and the system of
supervision have enabled the Treaty to be classified as, constructively, a
bi-polar statute, accepted by a large number of States but not binding on
those remaining outside the Treaty. There is in fact no necessity to linger
on the subject in view of the subsequent conduct of the States assuming

the principal responsibility for the Treaty. None of the three nuclear
Powers described as the "Original Parties" in Article IL of the Treaty has
ever informed the other nuclear Powers, not parties thereto, that this text
imposed any obligation whatever upon them; on the contrary, the three
Original Parties, eken today, cal1upon the Powers not parties to accede
to the Treaty. The Soviet delegate to the Disarmament Conference
declared at the opening of the session on 20 February 1974that the nego-

tiations for the termination of nuclear tests "required the participation
of al1nuclear States". On 21 October 1974, in the First Committee of the
General Assembly, the delegate of the United States said that one of the
aims was to cal1for the CO-operation of States which had not yet ratified
the 1963Treaty. Statements to the same effect have been made on behalf
of the Government of the United Kingdom; on 2 July 1973 the Minister

of State for Foreign and Commonwealth Affairs stated during a parlia-
mentary debate :
"As far back as 1960, however, the French and the Chinese

declined to subscribe to any international agreement on testing. They
are not bound, therefore, by the obligations of the test ban treaty of
1963 ...
In 1963 Her Majesty's Government, as well as the United States
Government, urged the French Government to sign the partial test
ban treaty.

As initiators and signatories of the treaty, we are seriously con-
cerned at the continuation of nuclear tests in the atmosphere, and we
urge that al1Governments which have not yet done so should adhere
to it. This view is well known to the French and Chinese Govern-
ments. It has been stated publicly by successive Governments."
(Hansard, cols. 58 and 59.)

18. The conduct of the Original Parties which laid down the rules of
the present nuclear statute by mutual agreement shows that those nuclear
States which have refused to accede to this statute cannot be considered as

subjected thereto by virtue of a doctrinal construction contrary to the
formally expressed intentions of the sponsors and guardians of the
Statute. The French Government, for its part, has always refused to
recognize the existence of a rule opposable to it, as many statements
made by it show.
19. The Treaty which the United States and the Union of Soviet

Socialist Republics signed in Moscow on 3 July 1974, on the limitation
of underground nuclear testing (United Nations, Gcneral Assembly
OfJicialRecords, A/9698, 9 August 1974, Ann. 1) contains the following
preambular paragraph : ((Rappelant la volontéexpriméepar les Parties au Traitéde 1963
interdisant les essais d'armes nucléairesdans l'atmosphère, l'espace
extra-atmosphérique et sous l'eau, dans le préambule decet instru-
ment, de chercher à obtenir l'arrêtde toutes les explosions expérimen-
tales d'armes nucléaires à tout jamais et de poursuivre les négocia-
tionsà cette fin.)(Comp. le deuxièmeconsidérantdu préambuledu
traitéde 1963.)

Le traité de 1974 comporte, comme le traité de 1963, le droit pour
chaque partie de se retirer du traité si des événementsextraordinaires
ont compromis «ses intérêts suprême )s.
20. La vérificationde l'inexistence d'une règle de droit international
applicable à la France se posait bien sur le plan de I'inexistence de
différend justiciable. Déciderque le traité de 1963 n'est pas invocable
contre la France ne suppose qu'une décisionsur un fait juridique établi
par le texte et par la conduite constante des auteurs du statut juridique
en cause. Déciderde même qu'il ne s'est pas établi decoutume contre

des Etats qui refusent ce statut avec constance, règlecoutumière déniée
aussi par les positions prises postérieurement au traité qui en serait
l'expression, comme on l'a vu aux paragraphes précédents, neserait pas
non plus autre chose qu'une vérification de I'existence d'une source
d'obligation.

En ne procédant pas à la vérification de I'existence d'une source
quelconque d'obligation à l'égarddu Gouvernement français, et ceci de
façon préliminaire, la Cour a refuséde faire justice à un Etat qui, dès
le premier jour, a manifestéson opposition formelle à un procès qu'il
déclarait sans objet et dont il demandait la radiation du rôle; ce que la
Cour ne fera que vingt mois plus tard.
21. Le caractère de la querelle entre le Gouvernement australien et

le Gouvernement français est celui d'un conflit d'intérêts politiques
portant sur une question, les expériences nucléaires,qui n'est qu'un
élément non détachable de l'ensemble desproblèmes poséspar l'existence
des armes nucléaires et qui ne peuvent présentement être abordés et
réglésque par la négociation.
LaCour disait en 1963 :((untribunal n'a pas simplement pour fonction
de fournir une base d'action politique alors qu'aucune questionjuridique
concernant des droits effectifs n'est en jeu)) (Cameroun septentrional,
C.I.J. Recueil 1963, p. 37).
En l'absence d'une règle opposable au Gouvernement français pour
obtenir de la Cour une déclaration d'interdiction des seuls essais français
l'affaire tombe entièrement. Je ne dirai donc rien sur d'autres motifs

de rejet immédiat dela demande, par manque de qualification du deman-
deur, tels que l'inadmissibilitétant d'une actio popularis que celle d'une
action erga omnes déguisée enaction contre un seul Etat. L'accumulation
des retombéescréeun problèmeglobal; ce n'est pas seulement la dernière
goutte qui fait déborder un vase (comp. le refus de tribunaux des Etats- "Recalling the determination expressed by the Parties to the 1963
Treaty Banning Nuclear Weapon Tests in the Atmosphere, in Outer
Space and Under Water in its preamble to seek to achieve the
discontinuance of al1test explosions of nuclear weapons for al1time,

and to continue negotiations to this end." (Cf. the second preambular
paragraph of the 1963 Treaty.)

Like the 1963 Treaty, the Treaty of 1974 embodies the right of each
party to withdraw from the treaty if extraordinary events jeopardize "its
supreme interests".
20. To determine whether a rule of international law applicable to
France did or did not exist was surely an operation on the same level as

the ascertainment of the non-existence of a justiciable dispute. To find
that theTreaty of 1963cannot be relied on against France requires merely
the determination of a legal fact established by the text and by the con-
sistent conduct of the authors of the legal statute in question. Similarly, to
find that no custom has come into being which is opposable to those
States which steadfastly declined to acsept that statute, when moreover

(as we have seen in the foregoing paragraphs) the existence of such
customary rule is disproved by the positions adopted subsequent to the
treaty supposed to give it expression, would mereIy be to verify the exist-
ence of a source of oblie"tion.
By not proceeding, as a preliminary, to verification of the existence of
any source of obligation opposable to the FrenchGovernment, the Court

refused to render justice to a State which, from the very outset, manifested
its categorical opposition to proceedings which it declared to be without
object and which it requested the Court to remove from the list; an action
which the Court was not to take until 20 months had elapsed.
21. The character of the quarrel between the Australian Government.
and the French Government is that of a conflict of political interests

concerning a question, nuclear tests, which is only one inseparable
element in the whole range of the problems to which the existence of
niiclear weapons gives rise and which at present can be approached and
settled only by means of negotiations.
As the Court saiti in 1963, "it is not the function of a court merely to

provide a basis for political action if no question of actual legal rights is
involved" (NortherriCameroons, I.C.J. Reports 1963, p. 37).

In the absence of any rule which can be opposed to the French Govern-
ment for the purpose of obtainingfrom the Court a declaration prohibi-
ting the French tests and those alone, the whole case must collapse. 1
shall therefore say nothing as to the other grounds on which the claim can

be dismissed at the outset on account of the Applicant's want of standing,
such as the inadmissibility either of an actio popularis or of an action
erga omnesdisguised as an action against a single State. The accumulation
of fall-oui is a world-wide problem; it is not merely the last straw whichUnis d'admettre le recours du professeur Linus Pauling et autres requé-
rants qui demandaient l'arrêtdes essais nucléaires américains dans le
Pacifique 1).
*

22. Il me reste à faire de brèves observations sur la conduite de ce
procès devant la Cour, depuis l'origine, par rapport a certains principes
générauxdu fonctionnement régulier de la justice internationale. Les
motifs adoptés dans l'arrêtne permettent pas, en effet, de saisir divers

problèmes soulevéspar la conduitedu procès quant à l'article 53 et à I'ar-
ticle 54 du Statut de la Cour.

23. Il s'est produit, en somme, un malentendu lors de l'inscription
des questions de compétence et de recevabilité dans I'ordonnance du
22 juin 1973 comme objet de la phase décidée((pour [les] régler aussi

rapidement que possible n,car les opinions individuelles et dissidentes
enjuin 1973montrent d'une part que, pour un certain nombre de membres
de la Cour, le problème de l'existence de l'objet du litige devait être
tranché dans la nouvelle phase, mais que, d'autre part, une majorité était
décidéeà ne traiter dans cette phase que la question de la compétence

de la Cour, stricto sensu, et celle de l'intérêtjuridique du demandeur,
et à joindre toutes autres questions au fond, y compris la question de
l'existence d'un objet du procès. Le résultat de la phase compétence-
recevabilité ne pouvait donc être, aumieux, qu'une décisionsur la com-
pétence et sur l'intérêt juridiquedu demandeur et si elle était positive,
tout le reste étantjoint au fond, la décisioneffective était renvoyée à une

phase fort lointaine. II eût donc été plus((rapide )) de ne pas séparer
compétence-recevabilité etfond. La raison de ce refus de décider sur le
caractère ((préliminaire ))de l'existence d'un différend justiciable en 1973
se trouve dans une interprétation de I'article 53 qui consiste à appliquer
au défaut l'article 67 du règlement de la Cour visant les exceptions pré-

liminaires dans une procédure contradictoire, cette analogie entraînant
une véritable violation de l'article 53du Statut.

24. Le malendendu sur la portée de la phase décidéepar I'ordonnance
du 22 juin 1973n'a pas été sans effet devant la Cour; l'opposition appa-

rente entre le paragraphe 23 et le paragraphe 35 de I'ordonnance a permis
au demandeur, s'inspirant exclusivement du premier de ces paragraphes,
de déclarerà la Cour, à l'audience du 6 juillet 1974,que la seule question
de recevabilité était celle de l'intérêjturidique, sauf indication contraire
demandée de la Cour; indication que donna le Président le 9 juillet:

1 Cour du districtdeColumbia, 31juillet 1958, 164FederalSupplement,p. 390; Cour
d'appel, 12avril 1960,278 Federal Reporter,2e série,p. 252-255. breaks the camel's back (cf. the refusal of United States courts to admit

the proceedings brought by Professor Linus Pauling and others who
claimed that American nuclear tests in the Pacific should stop').

22. 1 have still certain brief observations to make as to the conduct,
from the very outset, of these proceedings before the Court, in relation to
certain general principles of the regular functioning of international
adjudication, for the conduct of the proceedings gave rise to various
problems, concerning Articles 53 and 54 of the Statute of the Court,
whose existence will not be evident to the reader of the Judgment, given

the adopted grounds of decision.
23. What happened, in sum, was that a misunderstanding arose when
the questions of jurisdiction and admissibility were written into the Order
of 22 June 1973 as the prescribed subject-matter of the phase which had
been decided upon "to resolve [them] as soon as possible"; for the

separate and dissenting opinions of June 1973 reveal on the one hand
that, foi certain Members of the Court. the problem of the existence of
the object of the dispute should be settled in the new phase, whereas a
majority cf judges, on the other hand, had made up their minds to deal
in that phase solely with the questions of the jurisdiction of the Court

stricto sensu, and of the legal interest of the Applicant, and to join al1
other questions to the merits, including the question whether the proceed-
ings had any object. At best, therefore, the jurisdiction/admissibility
phase could only result in a decision on jurisdiction and the legal interest
of'the Applicant, and if that decision were positive, al1 the rest being
joined to the merits, the real decision would have been deferred to an

extremely remote phase. A settlement would therefore have been possible
"sooner" if jurisdiction/admissibility and merits had not been separated.
The reasoii for this refusal in 1973 to decide on the "preliminary"
charactes of the question concerningthe existence of a justiciable dispute
is to be foiind in an interpretation of Article 53consisting of the applica-

tion to a default situation of Article 67 of the Rules of Court, governing
preliminary objections in adversary proceedings, the analogy thus pro-
voking a veritable breach of Article 53 of the Statute.
24. The misunderstanding on the scope of the phase decided on by the
Order of 22 June 1973 was not without effect before the Court: the

apparent contradiction between paragraph 23 and paragraph 35 of the
Order enabled the Applicant to Sayto the Court, at the hearing of 6 July
1574, that the only question of admissibility was that of "legal interest",
subject to any indication to the contrary from the Court. That indication
was given by the President on 9 July: "The Court will of course appre-

1 District Court for theDistrict of Columbia, 31 July 1958, 164Federal Supplement,
p. 390; Court of Appeals, 12 April 1960, 278 Federal Reporter, Second Series,
pp. 252-255.((La Cour appréciera bien entendu la question de la recevabilitésous tous
les aspects qu'elle considère pertinents. ))
Ce procédédes allusions couvertes et contradictoires où se retrouvent
parfois les oppositions exposéesdans les opinions n'est pas sans danger.
On le voit pour cette ordonnance du 22 juin 1973comme pour les essais
d'utilisation des paragraphes 33 et 34 de l'arrêt Barcelona Traction en

ignorant l'existence des paragraphes incompatibles, les paragraphes 89
à 91, précisément destinés à qualifier et limiter le premier prononcé.
Celui-ci était sans rapport direct avec l'objet de l'arrêt et glissécomme
un repère pour un usage ultérieur; mais ilfaut voir tous les repères.

25. L'article 53 du Statut a étéexaminé par la Cour dès l'origine de
l'affaire, c'est-à-dire dès le 16 mai 1973 lors de la réception de la lettre
du Gouvernement français déclarant son défaut et en exposant les raisons
et, ilme semble, mal appliqué à l'espèce. Il faut revenir d'une manière
généralesur l'interprétation de la règle contenue dans l'article 53.

C'est refuser de voir les faits tels qu'ils sont que parler de deux parties
dans un procès où l'une a fait défaut et affirméà chaque occasion qu'elle
ne prendra aucune part dans la procédure. Lorsqu'un défaut est affirmé
et ouvertement constaté, le fait est qu'il n'y a plus qu'une partie dans
l'instance. La fiction selon laquelle on dit que I'Etat absent est quand

mêmepartie à l'instance tant que la Cour n'a pas reconnu son incompé-
tence est sans justification. En véritéun défaut met en cause trois intérêts
distincts, ceux de la Cour, du demandeur et du défendeur; le système qui
consiste à ignorer totalement la décisionde défaut du défendeur et de la
priver d'effet n'estni juste, ni raisonnable. Dans l'affaire actuelle, par un
refus de comparaître motivé le défendeur a déclaré que,en ce qui le

concerne, iln'y a pas de procès et ill'a répété chaque fois que la Cour
l'a consulté. Mêmesi la Cour ne constate pas immédiatement ce défaut,
cependant un acte de défaut, avec des conséquencesjuridiques, existe de
la part du défendeur. D'ailleurs, d'après l'article 53, le demandeur peut
demander qu'il en soit pris acte immédiatement et des conséquences
tirées. C'estce qu'il a fait ici en disant en 1973que la Cour avait l'obliga-

tion d'appliquer ses règles de procédure, sans indiquer lesquelles, et de
refuser de tenir compte des opinions et documents irrégulièrementprésen-
tésselon lui par le défendeur. Et la Cour a, partiellement, accepté cette
vue, en ne procédant pas à toutes les communications possibles au
défendeur.

En ne tenant pas compte du défaut du défendeur, on a abouti à oc-
troyer des délais pour des pièces qu'on savait ne pas devoir attendre,
pour maintenir une égalitéde principe entre les parties alors que, en fait,
celle qui se présente a étéfavorisée. Rien n'eût empêché lC a our de fixer

41ciate the question of admissibility in al1 the aspects which it considers
relevant."
This process of covert and contradictory allusions, in which the conflicts

of views expressed in the opinions sometimes reappear, is not without
its dangers. This is evident both as regards this Order of22 .lune 1973and
as regards the attempts to make use of paragraphs 33 and 34 of the
Judgment in the Barcelona Traction case without taking account of the
existence of paragraphs inconsistent with these, i.e., paragraphs 89 to 91,
which were in fact intended to qualify and limit the scope of the earlier

pronouncement. That pronouncement was in fact not directly related to
the subject of thejudgment, and was inserted as a sort of bench-mark for
subsequent use; but al1bench-marks must be observed.
25. Article 53 of the Statute has had the Court's attention from the
outset of the proceedings, i.e., ever since the receipt on 16 May 1973of a
letter from the French Government declaring its intention not to appear

and setting forth its reasons; but, in my view, it has been wrongly applied.
A further general examination of the interpretation of the rule embodied
in Article 53 is required.
To speak of two parties in proceedings in which one has failed to
appear, and has on every occasion re-affirmed that it will not have

anything todo with the proceedings is to refuse to look facts in the face.
The fact is that when voluntary absence is asserted and openly acknow-
ledged there is no longer more than one party in the proceedings. There is
no justification for the fiction that,so long as the Court has not recognized
its lack of jurisdiction, a State which is absent is nevertheless a party in
the proceedings. Thetruth of the matter is that, in a case of default, three

distinct interests are affected: that of the Court, that of the applicant and
that of the respondent; the system of wholly ignoring the respondent's
decision not to appear and of depriving it of effect is neither just nor
reasonable. In the present case, by its reasoned refusal to appear the
Respondent has declared that, so far as it is concerned, there are no
proceedings, and this it has repeated each time the Court has consulted it.

Even if the Court refrains for a time from recording that default, the fact
remains that the Respondent has performed an act of default from which
certain legal consequences flow. Moreover, the applicant is entitled under
Article 53 to request immediately that judicial note be taken thereof and
the consequences deduced. That is what the Applicant did, in the present
instance, when it said in 1973that the Court was under an obligation to

apply its rules of procedure, without indicating which, and to refuse to
take account of views and documents alleged by the Applicant to have
been irregularly presented by the Respondent. And the Court partially
accepted this point of view, in not effecting al1 communications to the
Respondent which were possible.
The result of not taking account of the Respondent's default has been

the granting of time-limits for pleadings which it was known would not be
forthcoming, in order to maintain theoretical equaiity between the
parties, whereas infact the party which appeared wasfavoured. There waspour le défendeur présuméun délai abrégé,d'un mois par exemple,
réservant la possibilité théorique d'une déclaration dans ce délai que
1'Etat en défaut se ravisait et demandait un délainormal pour produire
un mémoire.

26. Lorsqu'il s'est agi de recevoir ou convoquer l'agent du demandeur
au cours de la procédure en 1973, il y eut véritable rupture de l'égalité

entre les parties dans la mesure où certaines de ces actions ou démarches
du demandeur ne furent pas connues du défendeur présumé (surce point
cf. par. 31 et 33 ci-après.)
La Cour a sans doute suivi des errements antérieurs sur cette question
des délais mais les précédentsne devraient pas être confondus avec des
règles obligatoires; chaque affaire présente des traits particuliers et ce

serait une justice mécanique, celle qui reproduirait simplement les déci-
sions de procédure antérieures. Ici,a la différencedes affaires sur la Conl-
pétence en matière depecheries, la Cour n'a jamais été informéede négo-
ciationsentre les Parties après le dépôt de la requête etles doubles délais
accordés n'avaient même pas la justification, qu'ils pouvaient avoir
dans ces affaires, de permettre le progrès de telles négociations; et la
réalitédu différendjuridique n'avait jamais soulevéle moindre doute, dès

l'origine.
27. Interpréter l'article 53 du Statut comme s'il n'avait aucun effet
propre ne me paraît pas avoir été l'intentiondes auteurs de I'article.
Le but de I'article 53 n'est pas de permettre de poursuivre un procès à
loisir sans tenir compte des positions prises par le défendeur en défaut;
le demandeur a le droit que le procès continue, certes, mais pas a son gré,

la Cour livréeà des indications unilatérales sur le fait et le droit; le texte
de I'artcle 53a étéconqu pour éviterune telle rupture d'équilibreen faveur
du demandeur. Lorsque celui-ci demande qu'on lui adjuge ses conclu-
sions, ce qu'il n'a pas expressément fait sur la base de I'article 53mais ce
qui était le résultat de ses observations et de ses conclusions tant en juin
1973 lors de la demande de mesures conservatoires que dans la phase à
laquelle l'arrêt met fin aujourd'hui, on sacrifierait au formalisme en

soutenant que l'absence de référence expresseà I'article 53 change la
situation. 11faut bien constater que l'examen du fait et du droit prévuà
l'article 53 n'a jamais commencé puisque la Cour a jugé en 1973 que les
conséquences du défaut pouvaient êtrejointes aux questions de compé-
tence et de recevabilitéet que, finalement, la question des effets du défaut
n'aura pas ététraitée. Donc dans cette affaire tout s'est passécomme si
I'article 53 était sans portée propre.

28. Si l'on retourne aux sources, le rapporteur du Comité consultatif
des juristes avait déclaré (PV, p. 590) que le comité s'était inspiré des
exemples de la jurisprudence anglaise et américaine pour formuler ce qui
était alors I'articl52 du Statut sur le défaut. Lord Phillimore, membre
du comité, avait fait insérer la phrase qui survit en grande part: ((La
Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer que ces conclusions, reposant NUCLEAR TESTS (SEP.OP. GROS) 29 1

nothing to prevent the Court from fixing a short time-limit for the
presumptive Respondent-one month, for example-the theoretical
possibility being left open of a statement by the State in default during
that time, to the effect that it had changed its mind and requested a normal
tirnc-limit for the production of a Mernorial.
26. When it came to receiving or calling in the Agent of the Applicant
in the course of the proceedings in 1973, there was a veritable breach of

the equality of the Parties in so far as some of these actions or approaches
made by the Applicant were unknown to the presumptive Respondent.
(On this point, cf. paras. 31 and 33 below.)
On this question of time-limits the Court has doubtless strayed into
paths already tracetl, but precedents should not be confused with manda-
tory rules; each case has its own particular features and it is mere mechan-
ical justice which contents itself with reproducing the decisions of

previous proceedings. Lnthe present case the Court was never, as in the
Fisheries Jurisdiction cases, informed of negotiations between the Parties
after the filing of the Application, and the double time-limits accorded did
not even have the justification, which they might have had in the above-
mentioned cases, of enabling progress to be made in such negotiations;
and there was never the slightest doubt, from the outset, on the question
of the existence of a genuine legal dispute.

27. It is not my impression that the authors of Articl53 of the Statute
intended it to be interpreted as if it had no effect of its own. It is not its
purpose to enable proceedings to be continued at leisure without regard
to the positions adopted by the absent respondent; it is true that the
applicant is entitlecl to see the proceedings continue, but not simply as it
wishes, with the Court reliant on unilateral indications of fact and law;
the text of Article53 was designed to avoid such an imbalance in favour

of the applicant. When the latter calls upon the Court to decide in favour
of its claim, which the present Applicarit did not do explicitly on the basis
of Article 53 but which resulted from its observations and submissions
both in June 1973, at the time of the request for interim measures of
protection, and in the phase which theJudgment brings to a close today,
it would be formalistic to maintain that the absence of any explicit
reference to Article 53 changes the situation. It must needs be realized

that the examination of fact and law provided for in Article 53 has never
begun, since the Court held in 1973 that the consequences of the non-
appearance could bejoined to the questions ofjurisdiction and admissibil-
ity, and that, in the end,the question of the effects of non-appearance will
not have been dealt with. Thus this case has come and gone as if Articl53
had no individual significance.
28. If we return to the sources, we note that the rapporteur of the

Advisory Committee of Jurists (PV, p. 590)stated that the Committee had
been guided by the examples of English and American jurisprudence in
drafting what was then Article 52 of the Statute on default. Lord Philli-
more, a member of the Committee, had had inserted the sentence which
in large measure has survived: "The Court must, before [deciding insur des preuves sérieuses, sont fondées en fait et en droit. ))Les mots
qui disparurent dans l'examen par l'Assembléede la Sociétédes Nations

furent considéréscomme inutiles et faisant double emploi avec la formule
qui demeura. L'examen par la Cour en 1922 n'apporte guère qu'une
lumière, en raison de la personnalité des juges qui se prononcèrent sur
un projet d'article du règlement proposé par M. Anzilotti:

((Si la réponse à une requêtese borne à soulever l'exception d'in-

compétence, ou si 1'Etat mis en cause omet de répondre dans le
délai fixépar la Cour, celle-ci statue sur la compétence, par arrêt
spécial,avant toute autre procédure. ))(C.P.J.1 sérieD no 2, p.522.)

M. Max Huber appuya le texte. Lord Finlay ne le trouvait pas nécessaire
parce que de toute manière, même sanstexte, la Cour devrait examiner
sa compétence en premier lieu

((et que la question de savoir si elle rendrait sur ce point un arrêt
séparéou inclus dans l'arrêtfinal était unesimple question d'oppor-

tunité à apprécier danschaque cas d'espèce )(ibid., p. 214).

Le texte de M. Anzilotti fut écarté par sept voix contre cinq. L'im-
pression généraleque donnent l'influence reconnue à la jurisprudence
anglaise et les observations de lord Phillimore puis de lord Finlay

est que la Cour se proposait d'appliquer l'articl53 dans un souci de
vérification sérieusede toutes les données avancéespar le demandeur en
cas de défaut du défendeur et ceci selon les circonstances de chaque
affaire. On sait que dans le système britannique de grandes précautions
sont prises pour s'assurer qu'une affaire est fondée sur une cause juri-

dique valable, à un stade tout à fait préliminaire, parfois confiéà des
magistrats différents de ceux qui jugeraient l'affaire (cf. l'opinion de sir
Gerald Fitzmaurice dans l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J.
Recueil 1963, p. 107) sur cette idéedu <(filtrage)) d'affaires à éliminer à
un stade préliminaire considérée((comme entrant dans les pouvoirs

inhérents ou dans la compétence de la Cour en tant que tribunal inter-
national ))).
Entre cette interprétation et celle que la Cour a donnée à l'article 53
dans la présente affaire il y a toute la différenceentre un pragmatisme
soucieux d'équilibre véritableentre les droits de deux Etats et un forma-
lisme réglementaire qui traite 1'Etat absent comme s'il était partie à une

procédure contradictoire, ce que par définitionil n'est pas.favour of the claim], satisfy itself that the claim is supported by conclusive
evidence and well founded in fact and law." The words which disappeared
in the course of the consideration of the text by the Assembly of the
League of Nations were regarded as unnecessary and as merely over-
lappingthe effect of the formula retained. The matter was clarified in only
one respect by the Court's 1922discussion, on account of the personality

of thejudges who expressec!their viewson a draft article proposed for the
Rules of Court by Judge Anzilotti:

"If the response to an application is confined to an objection to
the jurisdictiori of the Court, or if the State affected fails to reply
within the period fixed by the Court, the latter shall give a special
decision on the question of jurisdiction before proceeding further
with the case." (P.C.I.J., Series D, No. 2, p. 522.)

Judge Huber supported the text. Lord Finlay did not feel that the article
wi1snecessary, because,

". .. even if there was no rule on the subject, the Court would always
consider the question of its jurisdiction before proceeding further
with the case. It would have to be decided in each particular case

whether the judgment with regard to the jurisdiction should be
delivered separately or should be included in the final judgment"
(ibid., p. 214).

Judge Anzilotti's text was rejected by 7 votes to 5.The general impression
given by the influerice English jurisprudence was recognized to possess,
and by the observations first of Lord Phillimore and then of Lord Finlay,
is that the Court intended to apply Article 53 in a spirit of conscientious
verification of 311the points submitted by the applicant when the respon-

dent was absent from the proceedings, and that it would have regard to
the circumstances of each case. As is well known, in the British system
important precautions are taken at a wholly preliminary stage of a case to
make sure that the application stands upon a genuinely legal claim, and
the task of ascertaining whether this is so is sometimes entrusted to judges

other than those who would adjudicate (cf. Sir Gerald Fitzmaurice's
opinion in the Nortllern Cameroons case (I.C.J.Reports 1963, pp. 106f.),
regarding "filter" procedures whereby, as "part of the inherent powers or
jurisdiction of the Court as an international tribunal", cases warranting
removal can be eliniinated at a preliminary stage).
Between this interpretation and that which the Court has given of

Article 53 in the present case, there is al1the difference that lies between
a pragmatic concern to hold a genuine balance between the rights of two
States and a procedural formalism that treats the absent State as if it
were a party in adversary proceedings, which it is not, by definition. 29. Le 22 juin 1973, avant que la Cour ne prononce sa décision à
l'audience, une déclaration publique du premier ministre d'Australie
faite à Melbourne le 21 juin, largement diffuséepar la presse austra-
lienne l, était parvenue en Europe, déclaration selon laquelle la Cour

avait acceptépar huit voix contre six la demande de l'Australie.

30. Il faut en premier lieu indiquer que, par inadvertance ou une autre

raison, la Cour n'a connu cette divulgation qu'après avoir procédéà la
lecture de sa décisiona l'audience du 22 juin; on peut penser qu'elle eût
retardé la lecture de l'ordonnance, le 22 juin, s'il en avait étéautrement.

Les suites de cet incident n'ayant fait l'objet que de deux communiqués
publiés l'un le 8 août 1973, l'autre le 26 mars 1974, ilserait difficile d'en
décrirele déroulement si la Cour n'avait finalement décidéle 13décembre
1974 que quelques documents seraient publiés dans sa collection Mé-

moires, plaidoirieset documents relatifs à l'affaire2. En tenant compte des
éléments depresse et de ces documents publics ou communiqués il me
paraît nécessaired'expliquer pourquoi j'ai votéle 21 mars 1974contre la
décisionde la Cour prise, par onze voix contre trois, de clore ses investi-

gations sur la portée et les origines de la divulgation publique de la déci-
sion du 22 juin 1973 par le premier ministre d'Australie. La Cour a voté
sur une résolution qui est reproduite dans le communiqué de presse du

26 mars 1974.
Personne ne contestera, on veut le croire, que si un chef de gouverne-
ment d'un Etat partie à un procès divulgue une décisionde la Cour avant
que celle-ci soit publique, il y a violation des prescriptions de l'article 54,

paragraphe 3, du Statut: Les délibérationsde la Cour sont et demeurent
secrètes. 1A l'heure de la divulgation, le 21 juin, la décision n'étaitencore
qu'un texte délibéréet adopté par la Cour, couvert par le secret de l'ar-

1 Un journal de Melbourne a publiéle 22juin l'article suivant:
«Le Premier ministre: Nous avotts gagné l'affaire des essais nucléaires.
M. Whitlam, Premier ministre, a déclaré hier soirque l'Australie gagnera son
affaire devant la Cour internationale de Justice par une majorité de huit voix
contre six. M. Whitlani a indiqué qu'on lui avait dit que la Cour rendrait sa
décision dans les vingt-deux heures. Le Premier ministre a fait cette prédiction
dans une causerie prononcée au cours du dîner annuel de I'lnstitut de droit de
Victoria. II a déclaré:n ce qui concerne la hauteCour, on nie dit que la décision
sera rendue dans environ vingt-deux heures. La majorité en notre faveur sera de

huit voix contre six.lQuand, après le dîner, on lui a demandé des précisions,
M. Whitlam s'est refusé à tout commentaire et a dit que ses paroles n'étaient pas
pour publication. Plusieurs centaines de membres de I'lnstitut de droit, et parmi
eux quelques juges importants, ont participé àce dîner. En faisant sa prédiction
selon laquelle la Cour allait se prononcer par huit voix contre six, M. Whitlam a
mis sa main sur le micro qui était sous le contrôle d'un reporter deI'Australian
Broadcasting Corporation. 11
2 Quatre documents seront ainsi publiés dont deux ont déjàétécommuniqués au
Gouvernement français (voir par. 31 ci-aprés),les deux autres sont des rapports faits à
la Cour. 29. On 22 June 1973, before the Court's decision had been read at a
public sitting, a public statement which had been made by the Prime

Minister of Australia on 21 June at Melbourne, and which had been
widely reported by the Australian press', reached Europe; in it the Prime
Minister stated that the Court had acceded by 8 votes to 6 to Australia's
request.
30. Ltmust first be explained that, whether by inadvertence or for some

other reason, the Court was not aware of that disclosure until after its
decision had been read out at the public sitting of 22 June; it caii be
imagined that the Court would otherwise have postponed the reading of
the Order on 22 June. As the aftermath of this incident has only been

dealt with in two communiqués, one issued on 8 August 1973 and the
other on 26 March 1974, it would be difficult to describe it if the Court
had not finally decided on 13 December 1974 that certain documents
would be published in the volume of Pleadings, Oral Arguments, Docu-
ments to be devoted to this case2. Taking into account certain press items

and these public documents or communiqués, I find it necessary to
explain why I voted on 21 March 1974 against the Court's decision, by
11 votes to 3, to close its investigations on the scope and origins of the
public disclosure by the Prime Minister of Australia of the decision of

22 June 1973. The Court's vote was on a resolution reproduced in the
press communiqué of 26 March 1974.
It is to be hoped that no-one will dispute the view that, if the head of
government of a State party to a case discloses a decision of the Court
before it is made public, there has been a breach of the prescriptions of

Article 54, paragraph 3, of the Statute: "The deliberations of the Court
shall take place in private and rernain secret." At the moment of the
disclosure, on 21 June, the decision was as yet no more than a text which

1 A Melbourne newspaper printed on 22June the following article:

"TllePrime Minister: We've wonN-test case. The Prime Minister (Mr. Whitlam)
said last night that Australia would win its appeal to the International Court of
Justice by a majority of eight votes to six. Mr. Whitlam said he had been told the
Court would make a decision within 22 hours. The Prime Minister made the
prediction while addressing the annual dinner of the Victorian Law Institute. He
said: 'On the matter of the High Cou1tam told a decision will be given in about
22 hours from now. The majority in our favour is going to be eight to six.' When
asked to elaborate on his comments after the dinner, Mr. Whitlam refused to
comment, and said his remarks were off the record. The dinner was attended by
several hundred members of the Law Institute, including several prominent judges.
While making the prediction that the Court would vote eight to six, Mr. Whitlam
placed Iiis hand over a microphone. The microphone was being monitored by an
ABC reporter."

2 Four documents are to be published in this way. Two (see para. 31 below) have
already been communicated to the French Government; the others are reports to the
Court.ticle 54. Dans une lettre du 27juin 1973 1, le premier ministre d'Australie
s'est référé aux explications fournies, le mêmejour, par une lettre du co-
agent de l'Australie l, etila expriméses regrets à la Cour ((surla situation

embarrassante dans laquelle elle a pu se trouver du fait de [ses] remar-
ques ».D'après le coagent, la déclaration du premier ministre, le 21 juin,
n'était qu'une conjecture, les conseillers juridiques de l'Australie esti-
maient que la décision serait peut-être favorable mais à une faible majo-

rité et les commentaires de presse antérieurs aux propos du premier
ministre avaient indiqué parfois que l'Australie l'emporterait de peu.

31. Quelles qu'aient étéces tentatives d'explications des propos du

premier ministre, puis celles de I'agent et du coagent du Gouvernement
australien àdiverses reprises, lesfaitsparlent d'eux-mêmes. L'enquêteenta-
méesur la demande de membres de la Cour dès l'après-mididu 22juin 1973
a étéclose neuf mois plus tard sans qu'aucune indication précise soit
mars 1974 sur les conclusions aui en
donnée dans la résolution du 21
pouvaient résulter. Les seuls éléments publiéjsusqu'à présentou commu-
niquésau gouvernement constamment considérécomme défendeurpar la
Cour et, à ce titre, en droit d'êtreinformé complètement, ce qui ne fut
pas le cas, sont: la lettre du premier ministre d'Australie du 27juin 1973

et la lettre du coagent du mêmejour 2; le texte d'une déclaration de l'At-
torney-General australien des 21-22juin 1973 2;le communiqué du 8 août
1973; une réponsedu premier ministre à une question, à la Chambre des
représentants d'Australie, sur les circonstances dans lesquelles il a été
mis au courant des détails du jugement de la Cour (Hansard australien,

12septembre 1973);une résolution de la Cour du 24janvier 1974décidant
d'interroger I'agent australien 2 (le compte rendu de ces entretiens n'a
pas étécommuniqué au défendeur et ne sera pas publié); le communiqué
du 26 mars 1974 3.

Il m'a paru contraire à l'intérêtde la Cour dans un incident aussi
sérieux,où son délibéré de 1973est exposéau soupçon, de laisser ce soup-
çon intact et de ne pas faire ce qu'il faut pour le lever. Je dirai seulement

que l'explication divinatoire invoquée par le premier ministre et le déve-
loppement de cette explication par I'agent avec ce rôle de pythie attribué
aux conseillers australiens n'ont rien apportéde positif dans les recherches
de la Cour et doivent être laissés à la seule responsabilité de leurs
auteurs.

1 Communiquée au Gouvernement français le 29 mars 1974, par décision de la
Cour.
2 Documents communiqués au Gouvernement français par lettre du 29 mars 1974.

3 Une lettre de I'agent australien au Greffier en date du 28 février 1974 sera repro-
duite dansMémoires,plaidoiries erdoclrmenrs;ellese rapporte à l'interrogatoire.had been deliberated and adopted by the Court and was covered by the
rule of secrecy embodied in Article 54. In a letter of 27 June 19731, the

Prime Minister of Australia referred to the explanations furnished on
that same date by a letter from the Co-Agent of Australial and expressed
his regret "at anyembarrassment which the Court may have suffered as a
result of my remarks". According to the Co-Agent, the Prime Minister's
statement of 21 June had been no more than a speculative comment,

inasmuch as a view had been current among Australian advisers to the
effect that the decision could be in Australia's favour, but by a small ma-
joiity, while press comment preceding the Prime Minister's remarks had
speculated in some instances that Australia would win by a narrow margin.
31. But whatever endeavours mav have been made to ex~lain the

Prime Minister's statement, whether at the time or, subsequently, by the
Agent and Co-Agent of Australia on various occasions, the facts speak
for themselves. The enquiry opened at the request of certain Members of
the Court on the verv afternoon of 22 June 1973was closed nine months
later without the Court's having given any precise indication, in its

resolution of 21 March 1974,as to the conclusions that might have been
reached in consequence. The only elements so far published, or com-
municated to the Government which was constantly regarded by the
Court as the Respondent and had therefore the right to be fully informed,
which was by no means the case, are: the Australian Prime Minister's

letter of 27 June 1973 and the Co-Agent's letter of the same datez; the
text of a statement made by the Attorney-General of Australia on 21-22
June 19732; the communiqué of 8 August 1973; the reply by the Prime
Minister to a question put in the Australian House of Representatives on

the circumstances in which he had been apprised of the details of the
Court's decision (Australian Hansard, 12 September 1973); a resolution
by which the Court on 24 January 1974decided to interrogate the Agent
of Australia 2(the minutes of these conversations were not communicated
to the Respondent and will not be published); the communiqué of

26 March 1974 3.
1found it contrary to the interests of the Court, in the case of so grave
an incident, one which lays its 1973 deliberation open to suspicion, to
leave that suspicion intact and not to do what is necessary to remove it. L
will merely observe that the crystal-gazing explanation relied on by the

Prime Minister and the Agent's statements enlarging thereon, with the
attribution of an oracular role to the Australian advisers, brought the
Court no positive enlightenment in its enquiry and should be left to the
sole responsibility of their authors.

1 Communicated to the French Government, by decision of theCourt, on 29 March
1974.
2 Documents communicated to the French Government with a letter of 29 March
1974.
3 A letter of 28 February 1974 from the Agent of Australia to the Registrar is to be
reproduced in the Pleadings, Oral Arguments, Documents volume; it is connected with
the interrogation. 32. Si l'on soutenait que le chef d'un gouvernement n'a pas à donner
dejustifications àla Cour sur des propos tenus en dehors et que d'ailleurs,
mêmesi ces propos étaient regrettables, le mal était fait et sans consé-

quences pour l'affaire devant la Cour, cette thèse me semblerait inexacte.
Les propos en question se réfèrentà une décision de la Cour et peuvent
laisser croire à la violation de leur obligation de secret par des persoilnes
ayant connu le délibéréa,vec les perspectives que cette supposition aurait
ouvertes si elle avait étéconfirmée.

33. En constatant le 21 mars 1974 qu'elle ne pouvait aller plus loin
et en le faisant savoir publiquement, la Cour a stigmatisé I'incident et
indirectement signifiéqu'elle n'acceptait pas l'excuse de la divination de
ses décisions, mais elle a reconnu qu'il n'était pas possible, selon son
appréciation, d'en découvrir plus sur les origines de la divulgation.

J'ai votécontre cette résolution et la clôture de l'enquêteparce que
j'estime que cette enquête devait êtrepoursuivie, que les premiers résul-
tats n'étaient pas sans conséquences ni sans développements possibles,
alors surtout que tous les moyens d'investigation ouverts à la Cour
n'avaient pas étéutilisés(art. 48, 49 et 50 du Statut). Telle n'était pas

l'opinion de la Cour qui a voulu traiter ses investigations comme relevant
d'une enquête d'ordre intérieur. Ilm'a semblé,au contraire, que I'inci-
dent de la divulgation est un élément du procès devant la Cour - et c'est
pourquoi le défendeur absent en a ététenu partiellement informé par
la Cour notamment par lettre du 31janvier 1974 - et que la Cour avait

pleine compétence pour réglerjudiciairement un tel incident par toute
procédure qu'elle déciderait d'instituer (comp. la décisionde la Cour sur
((la compétence nécessairepour permettre [à l'organisation des Nations
Unies] de s'acquitter effectivement de ses fonctions ))(C.I.J. Recueil 1949,
p. 179). Comment admettre à priori que la poursuite de l'enquêteaurait

manqué d'efficacitésans avoir essayé d'organiser une telle enquêteet,
mêmesi les circonstances laissaient prévoir des refus de s'expliquer ou
des évasions, la constatation de ces refus ou évasions n'aurait pas été
inefficaceet aurait constitué en soi une censure.
34. Les délaismis à commencer à s'occuper de la divulgation sont un

indice des hésitations à aller jusqu'au fond de l'incident; entre le 22 juin
et le 8 août 1973 six semaines s'écoulent avant de publier le plus anodin
des communiqués, à effet lénifiant et qui ne représente pas des vues
unanimes. Pendant plus de six mois un seul document sera produit
comportant l'analyse documentée des divulgations successives de la presse
sur la progression de l'affaire devant la Cour jusqu'à l'éclatde la divul-

gation publique du résultat et du vote de la Cour par le premier ministre,
le 21 juin, à Melbourne 1.Cette analyse de faits publics montre que l'af-
faire a été accompagnée d'une suite de rumeurs dont les agents de diffu-
sion sont connus mais dont seule l'origine n'a pas été dévoiléL e.e21 mars

1 C'est l'un des documents dont la Cour a, le 13 décembre 1974, décidéde publier
le contenu dansMémoires,plaidoiries etdocuments.

46 NUCLEAR TESTS (SEP. OP. GROS) 295

32. Were it maintained that a htad of government did not have to
justify to the Court any statementsmade out of court and that moreover,
even if his statement was regrettable, the harm was done and could not
affect the case before the Court,L would find these propositions incorrect.
The statement in question concerned a decision of the Court and could

lead to a belief that persons privy to its deliberations had violated their
obligation to keep it secret, with al1 the consequences that supposition
would have entailed if confirmed.
33. In concluding on 21 March 1974that it could not pursue the matter
further, and in making this publicly known, the Court stigmatized the
incident and indirectly signified that it could not accept the excuse that

its decisions had been divined, but it recogiiized that, according to its own
assessment, it was not possible to uncover anything further as to the
origins of the disclosure.
1voted against this declaration and the closure of the enquiry because
1 consider that the investigation should have been pursued, that the

initial results were not inconsequential and could be used as a basis for
f~irther enquiry, especially when not al1the means of investigation avail-
able to the Court liad been made use of (Statute, Arts. 48, 49 and 50).
Such was not the opinion of the Court, which decided to treat its investi-
gations as belonging to an interna1 enquiry. My understanding, on the
contrary, was that the incident of the disclosure was an element in the

proceedings before the Court-which is why the absent Respondent was
kept partly informed by the Court, in particular by a letter of 31 January
1974-and that the Court was fully competent to resolve such an incident
by judicial means, using any procedure it might decide to set up (cf. the
Court's decision on "the competence required to enable [the] functions
[of the United Na.tions] to be efféctively discharged" (I.C.J. Reports

1949, p. 179)). How could one suppose a priori that pursuit of the enquiry
would have been irieffectual without having attempted to organize such
an enquiry? Even if circumstances suggested that refusals to explain or
evasions could be expected, to note those refusals or evasions would not
have been ineffectual and would have been a form of censure in itself.

34. Symptomatic of the hesitation to get to the bottom of the incident
was the time taken to begin looking into the disclosure: six weeks, from
22 Juneto 8 August 1973,were to elapse before the issue of the mildest of
communiqués, palliative in effect and not representing the unanimous
views of the Court. For more than six months, al1that was produced was
a single paper embodying a documented analysis of the successive press

disclosures on the progress of the proceedings before the Court up to the
dramatic public disclosure of the resuit and of the Court's vote by the
Prime Minister on 21 June in Melbourne'. This analysis of facts publicly
known demonstrates how the case was accompanied by a succession of
rumours whose disseminators are known but whose source is not

-
1 This is one of the documents which the Court, on 13 December 1974, decided to
publish in the Pleadings, Oral Argurnenfs. Documenfs volume.1974 les recherches sont arrêtéeset les diverses voies d'investigation et de
réflexion ouvertes par cette analyse comme par le second rapport ne
seront pas poursuivies.

J'estime que les indices et les admissions déjàconnus ouvraient la voie
de la recherche au lieu de la clore. Une suite d'erreurs, d'oublis, de tolé-
rances, d'absence de réactions à des démarches ou actions insolites, dont
chacune prise isolément aurait pu êtreconsidéréecomme sans significa-
tion particulière mais qui assument une telle signification par leur cumul
et leur impunité; des entretiens imprudents à des moments impropres,

dont il n'existe pas de compte rendu, tout cela concourt à créerun senti-
ment d'imprécision et d'embarras comme si un refus de constater les faits
et d'en rechercher la trame pouvait en effacer la réalitéet qu'un silence
attristé fut le seul remède et la seule solution.
35. Le mal a été faitet constaté (rapport de la Cour aux Nations

Unies 1973-1974,par. 23; débat à la SixièmeCommission de l'Assemblée
générale, ler octobre 1974, A/C.6/SR.1466, p. 6; réponses du ministre
des affaires étrangères de France à des députés, J.O., 26 janvier 1974,
no 7980, et J.O., 20juillet 1974,no 11260). Mêmesi on ne peut, présente-
ment, découvrir plus sur l'origine et le développement du processus de la
divulgation, comme la Cour l'a déclarédans sa résolution du 21 mars

1974,je demeure convaincu qu'une enquêtejudiciairement menéeaurait
pu éclaircir les cheminements des multiples divulgations constatées dans
cette affaire, dont la continuité et l'exactitude laissent penser que la vérité
n'était pas hors de portée de la Cour. Tel est le sens de mon refus de la
résolution du 21 mars 1974 clôturant une investigation entamée avec
hésitation, menéesans persistance et conclue sans raison:

36. Parmi les leçons qu'il faudra tirer de cette affaire où un conflit
d'intérêts politiquesa été paréde la forme d'un différendjuridique, j'en
relèverai une qui appelle une attention particulière. Avant cette instance
l'Acte générald'arbitrage se trouvait, depuis 1939, dans une sorte de
clair-obscur, formellement en vigueur si l'on ne tenait compte que de

dénonciation expresse, plutôt en sommeil:
((A vrai dire il règne au sujet de l'Acte général un climatd'indiffé-
rence ou d'oubli qui fait douter de son maintien en vigueur, tout au

moins de celui de 1928. )) (L'arbitrage obligatoire: une panacée
illusoire, p. 259, par Henri Rolin, 1959.)

Après qu'on eut présentéce traité à la Cour, avec de grands dévelop-

pements, comme une base largement ouverte de juridiction, le comporte-
ment des Etats formellement considéréscomme parties est notable. Le
Gouvernement français est le premier à dénoncer l'Acte généralle 2 jan-
vier 1974, puis le 6 février 1974 le Gouvernement du Royaume-Uni enunmasked. On 21 March 1974 the investigation was stopped, and the
various paths of enquiry and deduction opened up by this analysis as also
by the second report will not be pursued.
1consider that the indications and admissions that had already come

to light opened the path of enquiry instead of closing it. A succession of
mistakes, forgettings, tolerations, failures to react against uncalled-for
overtures or actions, each one of which taken in isolation could have been
considered devoid of particular significance, but which assume such
significance by their accumulation and impunity; unwise conversations at
improper moments, of which no minutes exist: al1this combines to create
a sense of vagueness and embarrassment, as if a refusa1 to acknowledge

and seek to unravel the facts could efface their reality, as if a saddened
silence were the only remedy and the sole solution.
35. The harm was done, and has been noted (report of the Court to the
United Nations 1973-1974, para. 23; debate in the Sixth Committee of
the General Assembly, I October 1974,A/C.6!SR.1466, p. 6; parliamen-
tary answers by the French Minister for Foreign Affairs on 26 January

1974, Journal Oficiel No. 7980, and 20 July 1974, Journal Oficiel No.
11260). Even if it is not, at the present moment, possible to discover more
concerning the origin and development of the process of disclosure, as the
Court has stated in its resolution of 21 March 1974, 1 remain convinced
that a judicially conducted enquiry could have elucidated the channels
followed by the multiple disclosures noted in this case, the continuity and

accuracy of which suggest that the truth of the matter was not beyond the
Court's reach. Such is the meaning of my refusal of the resolution of
21 March 1974 terminating an investigation which was begun with
reluctance, conducted without persistence and concluded without reason.

36. Among the lessons to be learned from this case, in which a conflict
of political interests has been clothed in the form of a legal dispute, 1
would point to one which 1 feel to merit special attention. Before these

proceedings were instituted, the General Act, ever since 1939, had been
dwelling in a kind of chiaroscuro, formally in force if one took account
only of express denunciation, but somewhat dormant:
"So far as the General Act is concerned, there prevails, if truth be

told, a climate of indifference or obliviousness which casts some
doubt on its continuance in force, at least where the Act of 1928 is
concerned." (H. Rolin, L'arbitrage obligatoire: une panacée illusoire,
1959, p. 259.)

After the General Act had, with great elaboration, been presented to
the Court as a wide-open basis of possible jurisdiction, the behaviour of
the States formally considered as parties thereto is noteworthy. The
French Government was the first to denounce the General Act, on
2 January 1974, then on 6 February 1974 the Government of the United297 ESSAISNUCLÉAIRES (OP. IND. GROS)

fait autant. Le Gouvernement de I'lnde, depuis juin 1973,a fait connaître
à la Cour puis aux Nations Unies son opinion sur la caducité de I'Acte

général(voir aussi la nouvelle déclarationde I'lnde acceptant lajuridiction
de la Cour aux termes de l'article 36, paragraphe 2,le 15septembre 1974).
Ainsi la seule constatation par des Etats qui ont une grande habitude de
la justice internationale et de l'arbitrage que I'Acte généralpourrait être
effectivement appliqué au lieu des déclarations d'acceptation de la juri-

diction de la Cour formulées avec plus de réserve leur fait déclarer,les
uns qu'ils y mettent fin officiellement, l'autre qu'il le tient pour caduc.
La cause de la justice internationale n'a pas été avancéeen essayant
d'imposer, apparemment pour une raison fornielle, la compétence de la
Cour à l'encontre d'Etats pour qui, visiblement, l'Acte généraln'était
plus la juste mesure de leur acceptation de lajuridiction internationale.

M. Charles De Visscher avait montré à l'avance que le juge doit se
garder de substituer des vues doctrinales et systématisées à l'examen
indispensable des intentions des Etats, définissant ainsi l'obligation de
réservedu juge international:

((L'homme de droit est assez naturellement porté à se méprendre
sur le caractère des tensions politiques comme sur celui des conflits

qu'elles engendrent. IIest enclin à n'y voir que ((l'objet d'un litig)),
à enfermer dans les termes de la dialectique juridique ce qui est au
premier chef réfractaire au raisonnement, à réduire a l'ordre ce qui
n'est que dynamisme effréné,en un mot à vouloir dépolitiser ce qui
est politique par essence. IIne s'agit pas seulement ici, comme on l'a
trop répétéd , 'une insuffisance du mécanisme de transformation du

droit, non plus que de lacunes dans la réglementation juridique. II
s'agit d'une sphère où a priori le droit ne pénètrequ'exceptionnelle-
ment. Le droit ne peut intervenir que s'il est en présenced'éléments
qui lui sont assimilables, c'est-à-dire de faits ou d'exigences que leur
régularitéet une correspondance minima avec un ordre social donné

permettent de soumettre à une analyse raisonnée, de classer sous
quelque catégorie connue, de ramener à un jugement objectif de
valeur, susceptible à son tour de servir de base à l'application des
normes établies. ))(Théorieset réalitésen droit international public,
1970,p. 96.)

Une certaine tendance à saisir le juge de conflits essentiellement poli-
tiques pour obtenir un début de législationjudiciaire, si elle se confirmait,
aboutirait à l'institution sur le plan international du gouvernement des

juges; une telle notion est si contraireaux réalitésde la communauté inter-
nationale actuelle que le fondement même de la juridiction serait atteint.

(SignéA ). GROS.Kingdom did likewise. The Government of lndia, since June 1973, has
informed the Court and the United Nations of its opinion as to the
General Act's having lapsed (see also the new declaration by which India,
on 15 September 1974, accepted the jurisdiction of the Court under
Article 36, paragraph 2, of the Statute). Thus we see that States with sub-

stantial experience of international adjudication and arbitration have
only to note that there is some possibility of the General Act's being
actually applied, iristead of declarations less unreservedly accepting the
jurisdiction of the Court, ?O announce either (in two cases) that they are
officially putting an end to it or (in the other) that they consider it to
have lapsed. The cause of international adjudication has not been fur-

thered by an atterript to impose the Court's jurisdiction, apparently for a
formal reason, on States in whose eyes the General Act was, quite clearly,
no longer a true yardstick of their acceptance of international jurisdiction.
Mr. Charles De Visscher had alreadv shown that courts should take
care not to substitute doctrinal and systematized views for the indispen-

sable examination of the intentions of States. This is how he defined the
obligation upon the international judge to exercise reserve:
"The man of law, naturally enough, tends to misunderstand the

nature both of political tensions and of the conflicts they engender.
He is inclined to see in them only 'the object of a dispute', to enclose
within the terms of legal dialectic something which is pre-eminently
refractory to reasoning, to reduce to order something wholly con-
sisting of unbridled dynamism, in a word, to try to depoliticize
something which is political of its essence. Here it is not merely a

question, as is al1too often repeated, of a deficiency in the mechanism
of law-transformation, or of gaps in the legal regulation of things.
We are dealing with a sphere into which, a priori, it is only excep-
tionally that law penetrates. Law can only intervene in the presence
of elements it can assimilate, i.e., facts or imperatives possessing a

regularity and at least minimum correspondence with a given social
order that enable them to be subjected to reasoned analysis, clas-
sified within some known category, and reduced to an objective
value-judgment capable of serving in its turn as a basis for the
application of established norrns." (Tlléories et réalitésen droit
international public,1970, p. 96.)

There is a certain tendency to submit essentially political conflicts to
adjudication in the attempt to open a little door to judicial legislation

and, if this tendency were to persist, it would result in the institution, on
the international plane, of government by judges; such a notion is so
opposed to the realities of the present international community that it
would undermine the very foundations of jurisdiction.

(Signed) A. GROS.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Gros

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