Opinion dissidente de M. Petrén

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055-19740725-JUD-01-09-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. PETRÉN

En regrettant d'avoir eu à voter contre l'arrêt,je dois y joindre la
présente opinion dissidente.
La raison principale pour laquelle je n'ai pas étéà mêmede voter en
faveur de I'arrêtest l'interprétation extensive donnéepar la Cour àl'accord
conclu entre les Parties par leur échangede notes de 1961, lequel cons-
titue le seul fondement de la compétence de la Cour pour connaître de

la présenteaffaire.A cet égard,je suis, ainsi que mon collègM. Ignacio-
Pinto, du mêmeavis que nos collègues MM. Gros et Onyeama dans leurs
opinions dissidentes, auxquelles je puis donc me référer. Qu'ilme suffise
de dire que la seule question sur laquelle l'accord de 1961 autorise la
Cour à se prononcer est celle de savoir si une mesure par laquelle I'lslande
étend sa zone de compétence exclusive en matière de pêcheriesau-delà
d'une distance de 12 milles marins à partir des lignes de base des eaux

territoriales est fondéeen droit international. Certaipassages de I'arrêt
semblent participer de la conception selon laquelle l'élargissement
contesté de la zone de pêchede I'lslande de 12 à 50 milles serait sans
fondement en droit international. Ainsi le paragraphe 53 de I'arrêt,après
avoir fait allusion aux tendances actuelles d'un certain nombre d'Etats
à élargir leurs zones de pêcheau-delà de 12 milles, se termine par la

constatation que «la Cour, en tant que tribunal, ne saurait rendre de
décision sub specieIegisferendue, ni énoncer le droit avant que le législa-
teur l'ait édic)).Plus clairement encore le paragraphe 67 reflète lamême
manière de voir, car il y est dit que ((lesmesures unilatérales adoptées par
l'Islande violent ... le principe consacrépar l'ar2ide la Convention de
Genève de 1958 sur la haute mer D, ce-qui suppose que les eaux situées

entre 12 et 50 milles ne fassent pas partie de la zone islandaise de pêche.
Néanmoins le dispositif de I'arrêtse borne à déclarer, en son premier
alinéa, que le règlement promulgué par le Gouvernement islandais au
sujet des limites de pêche n'estpas opposable au Royaume-Uni et il
résulte des paragraphes qui précèdent immédiatement le dispositif que
cette constatation s'appuie sur des considérations d'un tout autre ordre

que la conformité de l'élargissementde la zone de pêchede I'lslande avec
le droit international. Le raisonnement qui aboutit au dispositif de I'arrêt
consiste à déclarer qu'il existe, au-delà de 12 milles, des droits de pêche
historiques revenant au Royaume-Uni et interdisant à l'lslande de lui
opposer l'extension de sa zone de pêche. A quoi la Cour ajoute que
l'Islande jouit, comme Etat riverain, de droits préférentielsdans les eaux
adjacentes à la limite des 12milles et que les deux Parties ont l'obligation

de négocier pour établir un juste éqiilibre entre ces deux catégories de
droits. Bref le dispositif ne donne aucune réponse à la question primordiale
que pose la première conclusion du Gouvernement britannique et qui est
de savoir si l'extension contestée de la zone de pêchede l'Islande est
fondée en droit international ou non. Le Gouvernement britannique
s'entend seulement dire que le Royaume-Uni possède des droits histori-
ques dans des eaux dont le dispositif de l'arrêt ne précisepas si elles font

partie de la zone de pêchede l'Islande ou lui sont adjacentes. Il me semble
que les Parties étaient d'autant plus fondées à êtreéclairéessur ce point
que, comme la Cour l'admet elle-mêmeau paragraphe 69 de l'arrêt,les
droits historiques dont un Etat non riverain peut se réclamerà l'intérieur
de la zone de pêche d'unEtat riverain sont destinés à avoir la vie moins
longue que ceux qui s'appliquent aux eaux adjacentes. En outre il est

évidentque l'on ne saurait parler des droits préférentielsde 1'Etatriverain
qu'en dehors de la zone de pêcheoù cet Etat jouit d'une compétence en
principe exclusive.

L'absence de réponse à la question de la conformité de l'élargissement
de la zone islandaise de pêche avecle droit international, laisse dans

l'arrêtun vide d'autant plus frappant que c'est la première conclusion du
Royaume-Uni qui pose le problème. II est vrai qu'une question poséepar
un membre de la Cour a amené le conseil du Royaume-Uni à déclarerau
cours de la procédure orale que les deuxième et troisième conclusions du
Royaume-Uni pouvaient être examinées séparément de la première et
qu'il était par conséquent loisible à la Cour de statuer sur les deuxième
et troisième conclusions sans statuer sur la première. Cela ne signifie

toutefois pas que la première conclusion ait été retirée et ne lui enlèveen
rien son caractère primordial pour la présente affaire, vu la position prise
par l'Islande en élargissant sa zone de pêche.
Mêmesi le Royaume-Uni avait retiré sa premièreconclusion au cours
de la procédure orale, cela n'aurait pas dispensé la Cour de se prononcer
sur la conformité de l'élargissement actuel de la zone islandaise de pêche

avec le droit internationalcar l'Islande, qui a constamment fait valoir que
cette mesure est fondéeen droit international, n'a pas consenti à ce que
la Cour n'examine pas la validité de cette thèse. Les deux Parties étaient
donc fondéesà s'attendre à ce que la Cour se prononce là-dessus.

Si la documentation mise à la disposition de la Cour montre que le

différendconcerne la largeur de la zone de pêcheque l'Islande est fondée
à revendiquer, en revanche rien n'indique que les Parties soient en dés-
accord au sujet des principes d'après lesquels ilfaudrait régler,dans des
eaux adjacentes à la zone de pêcheet dans un cadre de mesures agréées
de conservation, les relations entre les droits préférentielsde l'Islande
comme Etat riverain et les droits d'autres Etats dont les navires pêchent

dans la même région.Il n'est aucunement certain que l'intervention de la
Cour soit nécessaire pour aider les Parties à régler leurs relations en
matière de pêcheries une foisque la limite de la zone de pêcherevenant
à l'Islande aura étéfixée.Les difficultésactuelles sont causéespar le récent152 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. DISS. PETRÉN)

élargissementde la zone de pêche etsa contestation par le Royaume-Uni.
Par ailleurs, je considère que l'accord conclu entre les Parties en 1961
ne donne pas compétence à la Cour pour se prononcer sur les droits

préférentielsou historiques pouvant exister dans les eaux adjacentes à la
zone de pêchede l'Islande. Je ne saurais donc me rallier à la manière de
voir développéepar la Cour aux paragraphes 65 et 67 de l'arrêt, selon
lesquels l'accord conclu en 1961entre les Parties aurait reconnu l'existence
des droits historiques du Royaume-Uni, conférant ainsi un titre au
Royaume-Uni et une compétence à la Cour. Au paragraphe 69, la Cour

croit mêmepouvoir attribuer à ces droits une pérennitéégaleà celle des
droits de l'Islande. Or rien n'est dit, dans les parties dispositives de
l'échangede notes de 1961,d'une reconnaisance des droits historiques du
Royaume-Uni dans les eaux adjacentes à la zone de pêchede 12 milles
revenant à l'lslande. Bien qu'il soit permis de supposer, comme le fait
le paragraphe 65 de I'arrêt,que c'est par égard pour les intérêtsdu

Royaume-Uni que l'lslande s'est engagée à lui notifier six mois à l'avance
toute nouvelle mesure d'extension de ses limites de pêche,on ne saurait,
à mes yeux, dire que la reconnaissance des droits historiques du Royaume-
Uni dans la zone aujourd'hui contestée fasse l'objet de l'accord de 1961,
où ils ne sont pas même mentionnés. Qu'enattendant l'arrêtdéfinitifla

Cour ait indiqué des mesures conservatoires limitant les prises britan-
niques dans les eaux contestéesne saurait évidemment signifier qu'elle se
considérait comme compétente pour ordonner aussi de telles mesures
dans son arrêt définitif. Quel autre type de mesures conservatoires
paraîtrait plus naturel en attendant un arrêtfixant la largeur d'une zone
de pêche? L'argument que le paragraphe 46 de l'arrêt chercheà tirer du

paragraphe 12 de l'ordonnance du 17 août 1972 me semble reposer sur
une fausse interprétation de celui-ci. Si la Cour avait trouvé que I'exten-
sion de la zone de pêchede l'Islande étaiten soi conforme au droit inter-
national en vigueur, la question du sort à réserveraux intérêts éventuels
du Royaume-Uni à l'intérieur de cette zone, par exemple sous la forme
d'une période d'adaptation, aurait pu se poser comme une question

annexe demandant une réponse de la Cour. Mais que la Cour, sans
trancher d'abord la question de la limite de la zone islandaise de pêche,
s'attaque à des questions concernant certains droits historiques du
Royaume-Uni et des mesures conservatoires, cela est sans aucun fonde-
ment dans I'accord de 1961.
En ne tranchant pas la question primordiale soumise à la Cour en la

présenteaffaire, I'arrêtpasse égalementà côtéde la question de savoir si
I'accord de 1961 interdit à l'Islande de mettre en vigueur une mesure
d'extension de sa zone de pêchesans attendre l'arrêtde la Cour, une fois
elle-ci saisie par le Royaume-Uni. Dans l'affirmative, il se pourrait que
la mise à exécution d'une mesure d'extension de la zone islandaise de
pêcheconstitue une infraction à l'obligation d'attendre que la Cour se

prononce, sans que la mesure elle-mêmesoit contraire au droit de la mer.
Serait-elle alors tout de même inopposableau Royaume-Uni? Lecontenu
du compte rendu britannique des négociations ayant abouti à I'accord de1961 me semble plutôt indiquer que la seule garantie contre la mise en
application immédiate d'un nouvel élargissementde la zone islandaise de
pêcheque I'accord offre au Royaume-Uni soit le préavis de six mois.

Celui-ci est évidemment destiné à permettre au Royaume-Uni de saisir
la Cour à temps pour qu'elle puisse indiquer des mesures conservatoires
avant l'entréeen vigueur de la mesure d'élargissementcontestée. Ainsi la
protection immédiate des intérêtsdu Royaume-Uni dépendrait de
l'appréciation de la situation par la Cour et de l'effet obligatoire ou non

à attribuer aux mesures conservatoires.
Depuis des années, l'lslande poursuit une politique conséquente visant
à l'élargissement progressif de sa zone de pêche.Cette politique est à
l'unisson des tendances analogues, signaléesau paragraphe 53 de l'arrêt,
qui se sont fait jour un peu partout ces dernières années et dont les
travaux préparatoires de la troisième Conférence sur le droit de la mer,

ainsi que les déclarations déjà faitesau cours de celle-ci par de nombreux
gouvernements, montrent bien l'importance actuelle. L'Islande a cru
pouvoir se prévaloir de l'évolution du droit coutumier vers la recon-
naissance de zones de pêche élargies.Que l'Islande se soit trompée ou
non à cet égard, il reste à savoir si, en appliquant l'extension de sa zone
de pêcheenvers le Royaume-Uni sans attendre un arrêtde la Cour, elle

s'est rendue coupable d'une infraction à I'accord de 1961suffisante en soi
pour rendre la mesure d'élargissement de la zone de pêcheinopposable
au Royaume-Uni. Répondre positivement pourrait aboutir à empêcher
pendant de longues annéesde procédure que l'Islande bénéficieà , l'instar
d'autres Etats riverains, d'une évolution du droit coutumier en sa faveur.
La présenteaffaire en offrirait un exemple, au cas où il faudrait en fin de

compte constater que l'Islande étaitfondéeà élargirsa zone de pêche.

La question de l'étendue,dans le temps, des effets de la clause juridic-
tionnelle de l'accord de 1961 a cependant plusieurs aspects. Ainsi l'on
pourrait se demander si cette clause, conque en vue de la prochaine

étape, déjà attendue, de l'élargissement de la zone islandaise de pêche,
étaitdestinéeà limiter la liberté d'action du Gouvernement islandais tant
que I'accord de 1961 resterait en vigueur et à permettre ainsi des actions
multiples. Les circonstances dans lesquelles I'accord a été conclune me
semblent pas indiquer que telle ait été l'intention du Gouvernement
islandais. Mêmedans l'optique du présentarrêt,le problème de la durée

des effets de la clausejuridictionnelle de I'accord de 1961n'est pas absent.
II se pose notamment a propos des négociations dont l'arrêtimpose
l'obligation aux Parties, car celles-ci me semblent en droit de savoir si la
Cour se considérerait comme compétente pour continuer à connaître de
leur différendau cas où les négociations n'auraient pas lieu ou n'abouti-
raient pas. Quelle sera, par exemple, la situation si le différendn'est pas

régléavant l'expiration de I'accord provisoire entre les Parties (13 no-
vembre 1975)? Est-ce que le présent arrêt aurait alorspour conséquence
d'interdire à l'Islande de procéder, sans attendre un nouvel arrêtde laCour et avec effet envers le Royaume-Uni, à l'élargissement de limites
auquel elle aurait droit en raison de l'évolutiondu droit international?

Une analyse de I'interprétation de l'accord de 1961sur laquelle I'arrêt

est fondé me semble livrer la réponse à la question de savoir si la Cour
pourrait exercer à nouveau sa compétence, au cas ou les négociations
qui doivent se dérouleren vertu de I'arrêtn'aboutiraient pas.
Sans trancher la question de la conformité avec le droit international
du récent élargissementde la zone islandaise de pêche,la Cour déclare
qu'il est inopposable au Royaume-Uni à cause des droits historiques de

celui-ci et qu'il faut établir, dans un cadre de mesures agrééesde conser-
vation, un régime d'équilibreentre ces droits historiques et les droits
préférentielsde l'Islande comme Etat riverain. La Cour se considère
donc comme compétente pour se prononcer sur des questions de droits
préférentielset historiques ainsi que sur des questions de mesures de
conservation dans les eaux contestées, indépendamment de tout examen

du fondement, en droit international, d'un élargissement de la zone de
pêchede l'Islande. En même temps, la Cour crée pour les Parties une
obligation d'engager des négociations sur ces points en tenant compte
d'une sériede recommandations énoncéespar I'arrêt.Or ce sont là des
matières qui, s'il s'agit d'eaux situéesen dehors des zones de pêchedes
Etats riverah, exigent par leur nature même d'être régléessur un plan

multilatéral avec la participation de tous les Etats dont les intérêtssont
en jeu. Des instruments internationaux prévoient des procédures à cet
effet sans envisager la saisine de la Cour. En ce qui concerne l'Atlantique
du nord-est, il n'y a, en dehors du Royaume-Uni, que la République
fédérale d'Allemagnequi ait manifesté le désirde voir la Cour s'occuper
de telles questions mais, en décidantde ne pasjoindre lesaffaires parallèles
introduites par ces deux Etats, la Cour s'est privée de la possibilité

d'ordonner des négociations communes entre eux et l'Islande.

La Cour a constaté, dans son arrêtdu 2 février 1973, que l'accord est
toujours en vigueur. L'Islande sera sans doute portée à maintenir I'élar-
gissement de sa zone de pêche,puisque la Cour ne le déclareillicite qu'à
l'égard du Royaume-Uni, ainsi qu'à l'égard de la République fédérale

par I'arrêtrendu dans l'autre affaire. II faut donc prévoirla possibilitéde
nouveaux différendsentre les Parties au sujet de l'exercice de leurs droits
dans la zone comprise entre 12 et 50 milles. II se peut aussi que des
différends surgissent entre les Parties concernant I'interprétation ou
l'application des directives de la Cour pour les négociations qu'elle
ordonne. Comme I'arrêtmontre que la Cour, en croyant pouvoir laisser
de côté la question de la conformité de l'élargissementde la zone islan-

daise de pêcheavec le droit international, se considère comme compétente
pour connaître des questions de droits de pêcheet de mesures de conser-
vation à l'extérieurde la zone des 12 milles, ilfaut évidemment conclure
que le système de l'arrêtimplique que la Cour pourra être saisie desdifférends en série auxquels la situation crééepar l'arrêt donnerait
naissance.
A la lumière des considérations qui précèdent,j'estime que, par le

présent arrêt,la Cour a largement dépasséla compétence que lui confère
l'accord de 196 1.

Tout en ne se prononçant pas sur les questions précitées, laCour a

consacré une partie considérable de son arrêt aux effets, quant à la
présente procédure, de l'accord provisoire conclu entre les Parties le
13 novembre 1973. Sur ce point encore, je regrette de constater que mon
opinion ne coïncide pas avec celle de la Cour.
L'accord provisoire a été conclu par un échange de notes dont la
première est une communication du ministre des Affaires étrangères

d'Islande à l'ambassadeur du Royaume-Uni à Reykjavik énumérantles
conditions convenues de l'accord, tandis que la deuxième consiste en la
réponse de. l'ambassadeur acceptant le contenu de l'accord au nom du
Royaume-Uni. Le ministre commence par constater que les arrangements
en question ont été élaborésau cours de conversations entre les deux
gouvernements en vue d'un accord provisoire sur les pêcheriesdans la
zone contestée, en attendant un règlement du différend au fond et sans

préjudice de la position juridique ni des droits de l'un ou l'autre gouver-
nement à cet égard. L'attitude négative de l'Islande vis-à-vis de la Cour
interdit de penser que le règlement envisagépar les Parties soit celui qui
résulterait d'un arrêtde la Cour. Cela ressort aussi du paragraphe 7 de
I'accord, selon lequel celui-ci sera valable Ceux ans à partir de la date de
l'échange de notes (13 novembre 1973). Mêmeles plus pessimistes ne

pouvaient supposer que la présente affaire durerait devant la Cour
jusqu'au 13 novembre 1975. Il faut donc penser qu'en fixant ce délailes
Parties ont eu autre chose en vue. Que cela soit la troisième Conférence
diplomatique des Nations Unies sur le droit de la mer devant s'ouvrir le
22 juin 1974 ressort de diverses circonstances. Par exemple, le Royaume-
Uni a soutenu, au paragraphe 297 de son mémoiresur le fond du différend,
que l'Islande, plutôt que de prendre unilatéralement une mesure d'exten-

sion de sa zone de pêche,aurait dû attendre l'issue de la conférence.

Dans ces conditions ilparaît légitime dese demander si la poursuite de
la procédure devant la Cour pendant la période couverte par l'accord
provisoire est compatible avec celui-ci. Au Royaume-Uni, le Premier
ministre a déclaré à la Chambre des Communes que sa position devant

la Cour demeurait exactement la mêmequ'avant la conclusion de l'accord
provisoire et que cet accord avait étéconclu sans préjudicede la cause de
l'une ou l'autre Partie. II est donc évident que le Royaume-Uni n'inter-
prète pas l'accord provisoire comme impliquant que la procédure devant
la Cour doive êtreinterrompue. En Islande, l'accord provisoire a fait

156156 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. DISS. PETRÉN)

l'objet d'un débatà I'Althing le 12novembre 1973.Comme on reprochait

au Premier ministre de n'avoir pas insisté pour que le Royaume-Uni se
désistede son instance devant la Cour, il a fait valoir que cela aurait été
illogique de sa part, étant donné sa position à l'égard de l'échange de
notes de 1961 et à I'égard de laCour. N'aurait-il pas eu l'air de recon-
naître la validitécontinue de l'échangede notes de 1961? (A1,bingistiaindi
Umræaur, 1973, p. 536.) 11en ressort que I'accord provisoire ignore la
procédure devant la Cour et ne saurait constituer un obstacle à ce que le
Royaume-Uni la poursuive. Cela ne veut cependant pas dire que I'accord
ne doive avoir aucun effet sur le prononcé de la Cour.

L'accord provisoire règle pour la période du 13 novembre 1973 au
13 novembre 1975 les conditions auxquelles les navires britanniques ont
le droit de pêcherdans la zone contestée. IIa étédemandé au conseil du
ouv verne bmreannique si cela réglait définitivementles relations des
deux Parties en ce qui concernait les pêcheriesen cause pour la période
indiquée ou si la Cour pouvait remplacer cette réglementation par une
autre. La réponse a étéque I'arrêténoncerait les règles de droit inter-
national coutumier définissant les droits et obligations respectifs des

Parties entre elles. Toutefois cela ne voudrait pas dire que l'arrêt rempla-
cerait complètement et avec effet immédiat I'accord provisoire dans les
relations entre les Parties car, de la façon dont le Gouvernement britan-
nique voyait les choses, I'accord subsisterait comme traité en vigueur. De
toute façon, les Parties auraient l'obligation de régleren tout leurs rela-
tions conformément à l'arrêtdèsque I'accord cesserait d'êtreen vigueur,
c'est-à-dire le 13 novembre 1975 ou à toute date antérieure dont les
Parties pourraient convenir. En revanche I'arrêtprendrait effet immédia-
tement dans la mesure où il aborderait des points laissésen dehors de

I'accord.
Ainsi le Gouvernement britannique a-t-il laisséentrevoir la possibilité
pour la Cour de régler aveceffet immédiat certaines questions laissées en
dehors de I'accord provisoire. Mais iln'a pas indiqué en quoi consiste-
raient ces questions, qui devraient à la fois êtreenglobéesdans la requête
et avoir de l'importance pour la manière dant les navires de pêche
britanniques exercent leur activité dans la zone contestée. On a beau
confronter requêteet accord provisoire, on ne voit pas de quelles ques-

tions il pourrait s'agir.
IIfaut en conciure que I'accord provisoire a définitivement réglé les
conditions auxquelles les navires britanniques ont le droit de pêcher
dans la zone contestée entre les 13 novembre 1973 et 1975. Un arrêttel
que celui que le Gouvernement britannique demande ne saurait donc
trouver d'application avant l'expiration de I'accord provisoire. Ce que le
Royaume-Uni demande a la Cour c'est de se prononcer sur le droit qui
aurait été applicable aux relations entre les Parties au cas où elles n'au-
raient pas conclu cet accord. Or l'essence de la fonction judiciaire est de

dire le droit entre les Parties tel qu'il existe et non de dire ce qu'aurait été
le droit si le droit qui existe n'avait pas existé. La conclusion de I'accordprovisoire a donc eu pour effet de rendre la requête du Royaume-Uni
sans objet pour ce qui est de la période couverte par l'accord.

Quant à la période qui s'ouvrira à I'expiration de l'accord provisoire,

c'est-à-dire le 13 novembre 1975, il me semble évident, surtout après les
précisions obtenues au cours de la procédure orale, que la requête du
Royaume-Uni équivautà une demande à la Courde définirle droit inter-
national coutumier devant régir les conditions dans lesquelles les navires
britanniques pourront alors pêcher dans la zone contestée. La Cour
peut-elle accéderà une telle demande?

Comme tous les domaines du droit, le droit de la mer est sujet àévolu-
tion. De nouvelles conventions internationales multilatérales ou bilaté-
rales voient le jour et le droit coutumier se modifie. On ne saurait nier
que l'un des résultats possibles de la troisième Conférence sur le droit de
la mer, qui se tient en ce moment, soit de voir clarifier ou modifier les

règlesconcernant la compétence des Etats riverains en matière de pêche-
ries. Le Gouvernement britannique a soutenu, au paragraphe 297 de son
mémoire sur le fond du différend, que l'Islande, plutôt que de prendre
unilatéraleinent des mesures précipitées,aurait dû attendre l'issue de la
conférence qui sera saisie de questions comme l'étenduedes zones exclu-
sives de pêche,la conservation des ressources biologiques de la haute

mer ou les droits spéciauxdes Etats riverains. Selon le mémoire,le précé-
dent des Conférencesde Genèvede 1958et 1960ne permet pas à l'Islande
de prétendre qu'on ne pourra aboutir à un accord et à des mesures
concertéesrépondant à ses besoins, besoins que la communauté des Etats
dans son ensemble reconnaît comme justes et dignes d'êtrejuridiquement
protégés.En fait, a poursuivi le Gouvernement britannique, les confé-

rences de 1958et 1960ont jetélesjalons de la reconnaissance généralede la
validité des zones exclusives de pêchejusqu'à 12 milles et sur cette base,
de nombreux Etats ont négociédes accords internationaux, tel l'échange
de notes de 1961 entre l'Islande et le Royaume-Uni. La conférence de
1974 pourrait fort bien aboutir à un accord plus large sur de nouvelles

règles à introduire dans le droit international. Le Gouvernement britan-
nique a cependant souligné,au paragraphe 298 de son mémoire, que les
décisionsqui seraient prises par la conférence quant aux modifications à
apporter au droit actuel étaient en dehors de l'affaire dont la Cour est
saisie.
Au stade de la procédure orale, le Gouvernement britannique s'est

montré beaucoup moins optimiste quant aux résultats à attendre de la
troisième Conférence sur le droit de la mer. Cela ressort de la réponse
écritedonnéepar son conseil à la question de savoir si le fait de demander
à la Cour une décision visantà réglementerles relations de pêcheentre les
Parties en vue d'un avenir non immédiat étaitcompatible avec la position
prise au paragraphe 297 du mémoire. La réponse a étéque I'on s'attend

généralement à ce que la session de 1974 soit suivie d'une deuxième
session dans le courant de 1975 et qu'il semble loin d'êtrecertain que
I'on aboutisse à quelque chose de précis avant l'expiration de l'accord

158provisoire; c'est pourquoi le Gouvernement britannique avait indiqué
au paragraphe 298 de son mémoire que les décisions de la nouvelle
conférencequant aux modifications à apporter au droit actuel étaient hors
du sujet. Dans la mêmeréponse, le Gouvernement britannique a précisé
qu'il avait l'intention d'adopter une attitude positiveà l'égarddes négo-

ciations sur les nombreux points interdépendants dont la conférence est
saisie et de participer à l'élaboration d'une nouvelle convention destinée
à éclaircir un certain nombre de questions en suspens et à contribuer au
développement progressif du droit international. Toutefois, a continué le
Gouvernement britannique, à supposer mêmequ'une convention soit
conclue assez rapidement, il restera à savoir quand elle pourra entrer en

vigueur ou avoir une incidence sur le développement du droit internatio-
nal en influençant la pratique des Etats et il restera à savoir si l'Islande
- qui n'a encoreadhéréà aucune desconventions de Genèvede 1958 -y
adhérera. L'arrêtde la Cour doit donc, selon le Gouvernement britan-
nique, constituer un énoncé autorisédes droits et obligations des Parties
en vertu du droit existant et pourra servir de base pour la négociation

d'arrangements destinésàcompléter l'accord provisoire. Pour ces raisons,
le Gouvernement britannique est convaincu d'avoir agi d'une manière
parfaitement compatible avec l'opinion exprimée au début du para-
graphe 297 du mémoireen sollicitant de la Cour un arrêtsur les conclu-
sions du Royaume-Uni.

Datant du 31 juillet 1973, le mémoire du Royaume-Uni sur le fond
du différend n'avait pu prendre en considération les effets de l'accord
provisoire du 13 novembre de la mêmeannée. Les conditions dans les-
quelles ce mémoire avait étérédigéont subi un profond changement du
fait de l'accord provisoire, car ce n'est qu'a partir du 13 novembre 1975
que le droit international coutumier régirade nouveau les conditions de

pêchedans la zone contestée. Certes le Gouvernement britannique est
maintenant d'avis que, le 13novembre 1975, la troisième Conférence sur
le droit de la mer n'aura probablement encore rien changé. Or, devant
l'impossibilité de prévoir les changements pouvant affecter, mêmedans
un proche avenir, un domaine du droit en pleine évolution, je trouve
que la Cour ne peut fonder son arrêt sur aucune certitude: il est très

possible qu'une revendication actuellement non justifiéeen droit s'avère
demain bien fondée. La Cour doit donc déclinertoute demande tendant
àce qu'elle énonceledroit coutumier de l'avenir.

Je ne saurais me rallier à la manière de voir, développéeau para-

graphe 41 de l'arrêt,selon laquelle l'adoption par la Cour des constations
qui précèdentauraitpour résultatinéluctablede décourager,dans des diffé-
rends futurs, la conclusion d'arrangements temporaires visant à réduireles
frictions et à éviterque la paix et la sécuriténe soient mises en danger.
Cette thèse, appliquée au cas d'espèce, mesemble méconnaître que I'ac-
cord provisoire entre les Parties restera en vigueur après le prononcé de

l'arrêt etque la requêtene demande pas à la Cour d'interpréter un traitéimmuable dans son texte mais de se prononcer sur l'avenir d'un droit
coutumier en pleine évolution. Si I'accord provisoire était destiné à
expirer lejour de l'arrêt,il n'y aurait pas eu de difficultéet si le différend

portait sur I'interprétation d'un traité, un accord provisoire concernant
son application pendant une période déterminée n'empêcheraip t as la
Cour de statuer avant la fin de cette période sur l'interprétation et sur
l'application future du traité.
Cependant, aux sous-paragraphes 3 et4 du dispositif de l'arrêt, laCour
déclare que les Parties ont l'obligation mutuelle d'engager des négocia-

tions concernant leurs droits de pêcherespectifs dans la zone contestée,
négociations dans lesquelles elles devront notamment tenir compte de
droits préférentielsrevenant à l'Islande. Comme la compétence de la
Cour pour connaître de la présente affaire n'est fondéeque sur la clause
juridictionnelle de l'échangede notes de 1961 et comme celle-ci ne con-

cerne que la question de savoir si une extension future, par l'Islande, de
sa zone de compétence exclusive en matière de pêcheriesserait conforme
au droit international, j'estime que la Cour, en imposant aux Parties une
obligation de négocierconcernant autre chose, dépasse les limites de sa
compétence.

Mais tel n'est pas le seul motif pour lequel je considère la Cour comme
sanscompétence pour ordonner des négociations entre les Parties.
II ressort de la réponse écritede l'agent du Gouvernement britannique
à une question à lui poséeque, pour le paragraphe 7 de I'accord provisoire
du 13novembre 1973,les négociateurs britanniques ont d'abord proposé
la rédaction suivante:

((L'accord sera valable deux ans à partir de ce jour. Les Gouver-
nements procéderont à un nouvel examen de la situation avant

l'expiration de ce délai,à moins que, dans l'intervalle, ils ne se soient
mis d'accord sur un règlement du fond du différend. A défaut d'un
tel règlement, l'expiration du présent accord ne modifiera pas la
position juridique de I'un ou l'autre gouvernement en ce qui concerne
le fond du différend.))

Le Gouvernement islandais ayant demandé la suppression de la partie
centrale de ce texte, le paragraphe 7 a finalement étérédigécomme suit:

((L'accord seravalable deux ans à partir de cejour. Son expiration
ne modifiera pas la position juridique de I'un ou l'autre gouverne-

ment. ))
A mes yeux, la suppression, à la demande du Gouvernement islandais,
de la référenceà un nouvel examen de la situation avant l'expiration

de I'accord provisoire et à la possibilitéd'un accord conclu entre-temps
sur le fond du différend prouve sans contredit que I'l.slande n'a accepté
aucune obligation de négocierde nouveau avec le Royaume-Uni tant que
l'accord provisoire restera en vigueur. 11 en résulte que, si l'Islande
préfèrese consacrer à la nouvelle Conférence sur le droit de la mer sans160 COMPÉTENCE PÊCHERIES (OP. DISS.PETRÉN)

négocier en même temps bilatéralement avec le Royaume-Uni, rien ne
l'oblige à s'engager dansde telles négociations.

A mon avis, cette conclusion ne saurait êtreinfirméepar une référence
à l'arrêtsur lePlateau continental dela mer du Nord citéau paragraphe 75
du présentarrêt.LIfaut rappeler que les circonstances en l'affaire actuelle

sont bien différentes de celles du Plateau continental de la mer du Nord
où les Parties avaient, d'un commun accord, demandé à la Cour d'indi-
quer les principes et les règles du droit international applicables à leur
différend et s'étaient obligées à conclure un accord conformément à la
décisionde la Cour. 11me paraît encore moins possible de considérermon
interprétation de l'accord provisoire du 13novembre 1973comme contraire

à la Charte des Nations Unies, invoquée elle aussi au paragraphe 75
de l'arrêt. Quelleque soit l'importance attribuée par la Charteà la négo-
ciation comme moyen pacifique de règlement de différends, les Etats
sont parfaitement libres de choisir d'autres voies pacifiques. Que l'Islande,
à la veille de la nouvelle Conférence sur le droit de la mer, ait refusé

d'accepter une obligation de continuer des négociations avec le Royaume-
Uni au niveau bilatéral n'a rien de surprenant. Quant à la résolution de
1'Althing en date du 15 février 1972, citéeau paragraphe 77 de l'arrêt
comme interdisant mon interprétation de I'accord provisoire, j'estime,
comme mon collègue M. Gros et pour les mêmes raisonsque lui, que la
Cour attribue à la résolution une signification qu'elle n'a pas. Bref,je

pense que la circonspection particulière et l'attention toute spécialepour
l'Islande dont la Cour estime avoir fait preuve (voir paragraphe 17 de
l'arrêt)auraient dû l'amener à ne pas rejeter catégoriquement une inter-
prétation de l'accord sur ce point que ses travaux préparatoires rendent,
à mes yeux, inévitable.

Pour tous ces motifs, j'estime que la requêtedu Royaume-Uni manque

d'objet en ce qui concerne aussi bien la périodedu 13novembre 1973au
13 novembre 1975que la période postérieure.

Reste la période comprise entre la mise en application de la réglemen-
tation islandaise contestée (le' septembre 1972) et l'entrée en vigueurde
I'accord provisoire ( 13 novembre 1973). C'est seulement pour cette

période qu'il s'agit pour moi d'examiner si l'extension par l'lslande de
sa zone de pêchea étédèsle début,et est demeuréepar la suite, contraire
au droit international. C'est aussi uniquement par rapport à la situation
pendant la même périodequ'il m'a fallu examiner les aspects de la
présente affaire dont j'ai traité dans la première partie de la présente

opinion dissidente.161 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. DISS. PETRÉN)

Comme il n'existe entre les deux Etats aucune convention sur laquelle
pourrait être fondéela décision islandaise, celle-ci ne saurait trouver
sa justification que dans le droit international coutumier. Les deux
premières Conférences des Nations Unies sur le droit de la mer ont
amplement démontréqu'il n'existait pas en 1958-1960 de règle générale

de droit international coutumier de cette sorte. Pour que I'lslande puisse
invoquer une règle coutumière générale,il faudrait que celle-ci se soit
forméeaprès 1960.Voyons donc quelle a étél'évolutiondepuis lors.
11est vrai qu'un nombre grandissant d'Etats riverains, soit en procla-
mant ~'exten~ionde leurs eaux territoriales, soit en revendiquant des
zones de pêchesituées devant ces eaux, ont réclaméune compétence

exclusive en matière de pêcheriesallant jusqu'à 50 ou même200 milles.
Néanmoins, mêmesi l'on s'en tient à la zone situéeentre 12et 50 milles,
le nombre d'Etats ayant revendiqué une compétenceexclusive en matière
de pêcheriesne saurait être considérécomme suffisamment élevépour
permettre de conclure à l'application d'une nouvelle règlede droit géné-
ralement acceptée comme valable par la communauté internationale.

Au surplus les Etats dont les intérêtssont menacés par ces prétentions
ont constamment protesté. Un autre élémentnécessaireà la formation
d'une nouvelle règle de droit coutumier manque donc: son acceptation
par les Etats dont elle affecte les intérêts.
Au cours de la procédure devant la Cour, l'attention a étéattirée

sur les récentes résolutions d'organes des Nations Unies concernant la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Par sa résolution
3016 (XXVLI) en date du 18 décembre 1972, l'Assemblée généralea
réaffirméle droit des Etats à la souveraineté permanente sur toutes les
ressources naturelles situéessur terre dans les limites de leurs frontières
internationales, ainsi que sur celles du fond des mers et de leur sous-sol

à l'intérieur des limites de leur juridiction nationale et dans leseaux
surjacentes.Approuvée par 102voix contrezéro avec 22 abstentions, cette
résolution a étésuivie d'une recommandation et d'une résolution sem-
blables, adoptées la première par le Comité des ressources naturelles du
Conseil économique et social et la seconde par le Conseil économique et
social lui-même.Le contenu de ces textes, postérieurs à l'introduction de

la présente instance devant la Cour, diffère sur un point fondamental
de la Convention de Genève sur le plateau continental dont les disposi-
tions sont généralementconsidéréescomme codifiant le droit admis vers
1958: la convention ne réserve à 1'Etat riverain aucun droit de pêche
exclusif en ce qui concerne les poissons nageant dans les eaux surjacentes

au plateau continental.
La résolution de l'Assemblée généralerevêt un intérêt particulier
pour la présente affaire car I'lslande s'est référà la doctrine du plateau
continental comme fondement juridique de l'élargissementcontestéde sa
zone de pêche.II s'agit donc de savoir si l'innovation que représentait la
référenceaux eaux surjacentes dans la résolution de l'Assembléegénérale

a eu eour effet de conférerà I'Etat riverain une comdtence non inhérente
à la conception originelle du plateau continental, ce qui équivaudrait à lacréation soudaine d'une règle nouvelle de droit coutumier. Sans qu'il
soit nécessaire d'aborder le problème généralde la création d'un droit
nouveau par une résolution de l'Assembléegénérale,il y a lieu de cons-
tater que cela exige en tout cas que les Etats votant pour la résolution
aient bel et bien eu l'intention de lui voir acquérir imnîédiatement force

obligatoire. Or les conditions complexes dans lesquelles la résolution 3016
(XXVlI) a été adoptée,les déclarations qui ont accompagné le vote et
l'attitude bien connue de certains Etats au sujet des zones de pêchene
permettent pas de conclure que la résolution ait étévotéepar une grande
majorité d'Etats dans l'intention de créerune nouvelle règle obligatoire
de droit et de préjuger l'éventuelle décisionde la troisième Conférence

sur le droit de la mer. Aussi significative que la résolution puisse être
d'un courant d'opinion favorable aux revendications de I'lslande et
d'autres Etats, son adoption par l'Assembléegénéralene saurait avoir
suffi à transformer le droit existant ea donner naissance à une nouvelle
règle généralede droit coutumier conférant à I'Etat riverain une compé-
tence exclusive sur la pêchedans les eaux surjacentes à son plateau conti-

nental. Cette observation s'applique à plus forte raison aux diverses
manifestations de thèses et d'opinions auxquelles on a pu assister de la
part des Etats au cours de la préparation de la Conférence.

Pour les raisons ainsi développées,je considère que les conclusions
formulées et maintenues par le Royaume-Uni auraient dû êtrerejetées
comme manquant d'objet, sauf en ce qui concerne la période comprise

entre la mise en application, par l'lslande, de l'extension de sa zone de
compétence exclusive en matière de pêcheriesjusqu'à 50 milles (le' sep-
tembre 1972)et l'entrée en vigueurde l'accord provisoire entre les Parties
(13 novembre 1973). Estimant que la mesure décidéepar I'lslande a été
sans fondementen droit international, je trouve que son application aux
navires de pêchebritanniques pendant la période susdite a constitué

une infraction au droit international à l'encontre du Royaume-Uni. A la
lumière de ce qui a été développé pluh saut, cette constatation ne veut
pas dire que, à l'expiration de l'accord provisoire conclu entre lesParties
le 13novembre 1973,l'extension de la zone islandaise de pêchedoive être
automatiquement considéréecomme toujours non conforme au droit
international.

L'économiede l'arrêt neme permet pas d'émettre un vote exprimant
ma position en ce qui concerne la période du le' septembre 1972 au
13 novembre 1973. La raison en est double: aucune distinction n'est
faite entre les différentespériodes d'application de la mesure islandaise et,
en déclarant celle-ci inopposable au Royaume-Uni, la Cour s'appuie uni-

quement sur desconsidérations visant les droits historiques du Royaume-
163Uni et évitesoigneusement de se prononcer sur la seule question pour
laquelle l'accord de 1961 lui confère compétence,celle de la conformité
avec le droit international de l'extension de la zone de pêchede l'Islande.

Il ne m'est donc plus restéqu'à voter contre l'arrêttout entier.

(SignéS ). PETREN.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. PETRÉN

En regrettant d'avoir eu à voter contre l'arrêt,je dois y joindre la
présente opinion dissidente.
La raison principale pour laquelle je n'ai pas étéà mêmede voter en
faveur de I'arrêtest l'interprétation extensive donnéepar la Cour àl'accord
conclu entre les Parties par leur échangede notes de 1961, lequel cons-
titue le seul fondement de la compétence de la Cour pour connaître de

la présenteaffaire.A cet égard,je suis, ainsi que mon collègM. Ignacio-
Pinto, du mêmeavis que nos collègues MM. Gros et Onyeama dans leurs
opinions dissidentes, auxquelles je puis donc me référer. Qu'ilme suffise
de dire que la seule question sur laquelle l'accord de 1961 autorise la
Cour à se prononcer est celle de savoir si une mesure par laquelle I'lslande
étend sa zone de compétence exclusive en matière de pêcheriesau-delà
d'une distance de 12 milles marins à partir des lignes de base des eaux

territoriales est fondéeen droit international. Certaipassages de I'arrêt
semblent participer de la conception selon laquelle l'élargissement
contesté de la zone de pêchede I'lslande de 12 à 50 milles serait sans
fondement en droit international. Ainsi le paragraphe 53 de I'arrêt,après
avoir fait allusion aux tendances actuelles d'un certain nombre d'Etats
à élargir leurs zones de pêcheau-delà de 12 milles, se termine par la

constatation que «la Cour, en tant que tribunal, ne saurait rendre de
décision sub specieIegisferendue, ni énoncer le droit avant que le législa-
teur l'ait édic)).Plus clairement encore le paragraphe 67 reflète lamême
manière de voir, car il y est dit que ((lesmesures unilatérales adoptées par
l'Islande violent ... le principe consacrépar l'ar2ide la Convention de
Genève de 1958 sur la haute mer D, ce-qui suppose que les eaux situées

entre 12 et 50 milles ne fassent pas partie de la zone islandaise de pêche.
Néanmoins le dispositif de I'arrêtse borne à déclarer, en son premier
alinéa, que le règlement promulgué par le Gouvernement islandais au
sujet des limites de pêche n'estpas opposable au Royaume-Uni et il
résulte des paragraphes qui précèdent immédiatement le dispositif que
cette constatation s'appuie sur des considérations d'un tout autre ordre

que la conformité de l'élargissementde la zone de pêchede I'lslande avec
le droit international. Le raisonnement qui aboutit au dispositif de I'arrêt
consiste à déclarer qu'il existe, au-delà de 12 milles, des droits de pêche
historiques revenant au Royaume-Uni et interdisant à l'lslande de lui
opposer l'extension de sa zone de pêche. A quoi la Cour ajoute que
l'Islande jouit, comme Etat riverain, de droits préférentielsdans les eaux
adjacentes à la limite des 12milles et que les deux Parties ont l'obligation

de négocier pour établir un juste éqiilibre entre ces deux catégories de
droits. DISSENTING OPINION OF JUDGE PETRÉN
[Translation]

To my regret, 1 have felt obliged to vote against the Judgment and to
append this dissenting opinion.
The main reason why L felt unable to vote for the Judgment lay in the

broad constructiori placed by the Court on the agreement concluded
between the Parties by their 1961 Exchange of Notes, which constitutes
the sole basis of the Court's jurisdiction to deal with the present case. In
that respect 1, like my colleague Judge Ignacio-Pinto, share the view
expressed by our colleagues Judges Gros and Onyeama in their dissenting
opinions, to which 1 may therefore refer the reader. 1 need here Say no

more than that the only question upon which the 1961agreement entitles
the Court to adjudikate is whether a measure whereby Iceland extends its
zone of exclusive fisheries jurisdiction beyond a distance of 12 nautical
miles froni the bas~clinesof its territorial waters is well founded in inter-
national law. Certain passages of the Judgment appear to partake of the
notion that the disputed extension by lceland of its fishery zone from the

12-mile to the 50-rnile limit is without foundation in international law.
Thus paragraph 53 of the Judgment, after alluding to the contemporary
tendencies of a nunlber of States to extend their fishery zones beyond the
12-mile limit, concludes by observing that "the Court, as a court of law,
cannot render judgment sub sperie Iegis,ferendae, or anticipate the law
before the legislator has laid it down". Paragraph 67 reflects the same
attitude even more iclearly,for it Statesthat "lceland's unilateral ac...n

constitutes an infringement of the principle enshrined in Article 2 of the
1938 Geneva Convention on the High Seas", and that presupposes that
the waters lying between the 12-mile and the 50-mile limit do not form
part of Iceland's fishery zone. This notwithstanding, the operative
paragraph of the Jludgment confines itself in subparagraph 1to finding
that the Reçulationis on fishery limits promulgated by the Government of

lceland are not opposable to the United Kingdom, and it appears from
the paragraphs imrnediately preceding the operative part that this finding
is based on considerations which are wholly different in nature from the
question whether tlheextension of [celand's fishery zone is in conformity
with international law. In the reasoning which leads up to the operative
paragraph of the Judgment the Court notes the existence, beyond the

12-mile limit, of historie British fishing rights which debar tceland from
opposing to the United Kingdom the extension of its fishery zone. TO
this the Court adds that, as a coastal State, lceland enjoys preferential
rights in the waters adjacent to the 12-mile limit and that the two Parties
are under an obligation to negotiate with a view to striking a just
balance between these two categories of right.

151 Bref le dispositif ne donne aucune réponse à la question primordiale
que pose la première conclusion du Gouvernement britannique et qui est
de savoir si l'extension contestée de la zone de pêchede l'Islande est
fondée en droit international ou non. Le Gouvernement britannique
s'entend seulement dire que le Royaume-Uni possède des droits histori-
ques dans des eaux dont le dispositif de l'arrêt ne précisepas si elles font

partie de la zone de pêchede l'Islande ou lui sont adjacentes. Il me semble
que les Parties étaient d'autant plus fondées à êtreéclairéessur ce point
que, comme la Cour l'admet elle-mêmeau paragraphe 69 de l'arrêt,les
droits historiques dont un Etat non riverain peut se réclamerà l'intérieur
de la zone de pêche d'unEtat riverain sont destinés à avoir la vie moins
longue que ceux qui s'appliquent aux eaux adjacentes. En outre il est

évidentque l'on ne saurait parler des droits préférentielsde 1'Etatriverain
qu'en dehors de la zone de pêcheoù cet Etat jouit d'une compétence en
principe exclusive.

L'absence de réponse à la question de la conformité de l'élargissement
de la zone islandaise de pêche avecle droit international, laisse dans

l'arrêtun vide d'autant plus frappant que c'est la première conclusion du
Royaume-Uni qui pose le problème. II est vrai qu'une question poséepar
un membre de la Cour a amené le conseil du Royaume-Uni à déclarerau
cours de la procédure orale que les deuxième et troisième conclusions du
Royaume-Uni pouvaient être examinées séparément de la première et
qu'il était par conséquent loisible à la Cour de statuer sur les deuxième
et troisième conclusions sans statuer sur la première. Cela ne signifie

toutefois pas que la première conclusion ait été retirée et ne lui enlèveen
rien son caractère primordial pour la présente affaire, vu la position prise
par l'Islande en élargissant sa zone de pêche.
Mêmesi le Royaume-Uni avait retiré sa premièreconclusion au cours
de la procédure orale, cela n'aurait pas dispensé la Cour de se prononcer
sur la conformité de l'élargissement actuel de la zone islandaise de pêche

avec le droit internationalcar l'Islande, qui a constamment fait valoir que
cette mesure est fondéeen droit international, n'a pas consenti à ce que
la Cour n'examine pas la validité de cette thèse. Les deux Parties étaient
donc fondéesà s'attendre à ce que la Cour se prononce là-dessus.

Si la documentation mise à la disposition de la Cour montre que le

différendconcerne la largeur de la zone de pêcheque l'Islande est fondée
à revendiquer, en revanche rien n'indique que les Parties soient en dés-
accord au sujet des principes d'après lesquels ilfaudrait régler,dans des
eaux adjacentes à la zone de pêcheet dans un cadre de mesures agréées
de conservation, les relations entre les droits préférentielsde l'Islande
comme Etat riverain et les droits d'autres Etats dont les navires pêchent

dans la même région.Il n'est aucunement certain que l'intervention de la
Cour soit nécessaire pour aider les Parties à régler leurs relations en
matière de pêcheries une foisque la limite de la zone de pêcherevenant
à l'Islande aura étéfixée.Les difficultésactuelles sont causéespar le récent In short,the operative paragraph does not give any reply to the primor-
dial question raisecl by the first submission of the British Government,

namely whether the challenged extension of Iceland's fishery zone has
or has not any foundation in international law. Al1 that the British
Government is told is that the United Kingdom possesses historic rights
in waters concernirig which the operative part of the Judgment fails to
indicate whether thlry form part of Iceland's fishery zone or are adjacent
thereto. It seems to me that the Parties were entitled to receive clarifica-

tion on that point, more especially because, as the Court itself admits in
paragraph 69 of the Judgme~it, the historic rights which a non-coastal
State may assert within the fishery zone of a coastal State have an in-
herently shorter lifespan than those applying to the adjacent waters.
Furthermore, it is obvious that one may speak of the preferential rights of
the coastal State only with reference to waters beyond the fishery zone, an

area within which that State enjoys a jurisdiction that is in principle
exclusive.
The absence of any reply to the question whether the extension by
Iceland of its fishery zone is in conformity with international law leaves
in the Judgment a void which is al1 the more conspicuous for the fact

that the problem is iraisedby the United Kingdom's very first submission.
It is true that counslclfor the United Kingdom was led, by a question put
by a Member of the Court, to state during the oral proceedings that his
Government's second and third submissions could stand without the
first and that it was in its view therefore open to the Court to adjudicate
upon them without adjudicating upon the first. But that does not mean

that the first submiçsion was withdrawn or in any way detract from its
primordial importance in the present case, considering the position
adopted by tceland .inextending its fishery zone.
Even if the United Kingdom had withdrawn its first submission during
the oral proceedings, that would not have dispensed the Court from
adjudicating upon l.he conformity of Iceland's present extension of its

fishery zone with international law, for Iceland, which has constantly
asserted that this measure is well founded in international law, has not
consented to the Court's not examining the validity of that contention.
Both Parties were thierefore entitled to expect the Court to make a finding
upon it.

While the documentation placed at the Court's disposal shows that the
dispute concerns thr: breadth of fishery zone which Iceland is entitled to
claim, there is on the other hand nothing to indicate any disagreement
between the Parties as to the principles which should govern the regula-
tion, in the waters adjacent to the fishery zone and in a framework of
agreed conservation mèasures, of the relationships between the preferen-

tial rights of Iceland as the coastal State and the rights of other States
whose vessels fish in the same region. It is by no means certain that the
Court's intervention will be necessary to help the Parties regulate their
fishery relations once the limit of the fishery zone attributable to Iceland
is fixed. The present difficulties are caused by the recent extension of the152 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. DISS. PETRÉN)

élargissementde la zone de pêche etsa contestation par le Royaume-Uni.
Par ailleurs, je considère que l'accord conclu entre les Parties en 1961
ne donne pas compétence à la Cour pour se prononcer sur les droits

préférentielsou historiques pouvant exister dans les eaux adjacentes à la
zone de pêchede l'Islande. Je ne saurais donc me rallier à la manière de
voir développéepar la Cour aux paragraphes 65 et 67 de l'arrêt, selon
lesquels l'accord conclu en 1961entre les Parties aurait reconnu l'existence
des droits historiques du Royaume-Uni, conférant ainsi un titre au
Royaume-Uni et une compétence à la Cour. Au paragraphe 69, la Cour

croit mêmepouvoir attribuer à ces droits une pérennitéégaleà celle des
droits de l'Islande. Or rien n'est dit, dans les parties dispositives de
l'échangede notes de 1961,d'une reconnaisance des droits historiques du
Royaume-Uni dans les eaux adjacentes à la zone de pêchede 12 milles
revenant à l'lslande. Bien qu'il soit permis de supposer, comme le fait
le paragraphe 65 de I'arrêt,que c'est par égard pour les intérêtsdu

Royaume-Uni que l'lslande s'est engagée à lui notifier six mois à l'avance
toute nouvelle mesure d'extension de ses limites de pêche,on ne saurait,
à mes yeux, dire que la reconnaissance des droits historiques du Royaume-
Uni dans la zone aujourd'hui contestée fasse l'objet de l'accord de 1961,
où ils ne sont pas même mentionnés. Qu'enattendant l'arrêtdéfinitifla

Cour ait indiqué des mesures conservatoires limitant les prises britan-
niques dans les eaux contestéesne saurait évidemment signifier qu'elle se
considérait comme compétente pour ordonner aussi de telles mesures
dans son arrêt définitif. Quel autre type de mesures conservatoires
paraîtrait plus naturel en attendant un arrêtfixant la largeur d'une zone
de pêche? L'argument que le paragraphe 46 de l'arrêt chercheà tirer du

paragraphe 12 de l'ordonnance du 17 août 1972 me semble reposer sur
une fausse interprétation de celui-ci. Si la Cour avait trouvé que I'exten-
sion de la zone de pêchede l'Islande étaiten soi conforme au droit inter-
national en vigueur, la question du sort à réserveraux intérêts éventuels
du Royaume-Uni à l'intérieur de cette zone, par exemple sous la forme
d'une période d'adaptation, aurait pu se poser comme une question

annexe demandant une réponse de la Cour. Mais que la Cour, sans
trancher d'abord la question de la limite de la zone islandaise de pêche,
s'attaque à des questions concernant certains droits historiques du
Royaume-Uni et des mesures conservatoires, cela est sans aucun fonde-
ment dans I'accord de 1961.
En ne tranchant pas la question primordiale soumise à la Cour en la

présenteaffaire, I'arrêtpasse égalementà côtéde la question de savoir si
I'accord de 1961 interdit à l'Islande de mettre en vigueur une mesure
d'extension de sa zone de pêchesans attendre l'arrêtde la Cour, une fois
elle-ci saisie par le Royaume-Uni. Dans l'affirmative, il se pourrait que
la mise à exécution d'une mesure d'extension de la zone islandaise de
pêcheconstitue une infraction à l'obligation d'attendre que la Cour se

prononce, sans que la mesure elle-mêmesoit contraire au droit de la mer.
Serait-elle alors tout de même inopposableau Royaume-Uni? Lecontenu
du compte rendu britannique des négociations ayant abouti à I'accord defishery zone and the challenge brought against it by the United Kingdom.
Furthermore, 1 consider that the 1961 agreement hetween the Parties
does not confer jurisdiction upon the Court to makeany pronouncement

with regard to such preferential or historic rights as may exist within the
waters adjacent to the Icelandic fishery zone. 1 am therefore unable to
concur in the reasoning expounded by the Court in paragraphs 65 and 67
of the Judgment, according to which the agreement concluded between
the Parties in 1961 recognized the existence of the historic rights of the
United Kingdom, thus conferring atitle upon the United Kingdom and

correlative jurisdictionupon the Court. In paragraph 69 the court even
finds it possible to treat these rights as being as perennial as those of
Iceland. Yet the substantive provisions of the 1961 Exchange of Notes
do not contain an)[ reference to recognition of the United Kingdom's
historic rights in the:waters adjacent to the 12-milefishery zone attributed
to Iceland. Althoup,h it is reasonable to suppose, as paragraph 65 of the
Judgment does, that it was out of regard for British interests that Iceland

undertook to give the United Kingdom six months' notice of any new
measure forthe extension of its fishery limits, it is not in my view possible
to say that recognition of the United Kingdom's historic rights in the
areri now in dispute was covered by the agreement of 1961,where they are
not even mentionecl. Ltis true that pending its final judgment the Court
indicated interim rrieasures of protection restricting the British catch in

the disputed waters; but that obviously could not signify that it regarded
itself asconlpetent also to order such measures in its final judgment.
What other type of interim measures would appear more natural, pending
a judgment fixing the breadth of a fishery zone? The argument which
paragraph 46 of the Judgment seeks to draw from paragraph 12 of the
Order of 17 August 1972 is in my view based on a false interpretation

of the latter. If the Court had found that the extension of Iceland's
fishery zone was iri itself consistent with prevailing international law,
the question of the itreatment proper to any interests of the United King-
dom within that zone-whether, for example, they should be dealt with
by means of a period of adjustment-might have arisen as a related
question calling for an answer from the Court. But there is no basis in

the 1961agreement for the Court to broach questions concerning certain
historic rights of the United Kingdom and measures of conservation
without first settling the question of the limits of Iceland's fishery zone.
By not settling the primordial question submitted to the Court in the
present case, the Judgment also sidesteps the question whether the 1961
agreement prohibit:, Iceland from implementing a measure extending its

fishery zone without waitinç for the Court's judgment, once the United
Kingdom has referred the matter to the Court. If Iceland is so prohibited,
the enforcement of a measure extending its fishery zone might constitute
a breach of the obligation to wait forthe Court's pronouncement, without
the measure in itself being contrary to the law of the sea. In such event,
would the measure still be non-opposable to the United Kingdom? The
content of the British record of the negotiations which led up to the 19611961 me semble plutôt indiquer que la seule garantie contre la mise en
application immédiate d'un nouvel élargissementde la zone islandaise de
pêcheque I'accord offre au Royaume-Uni soit le préavis de six mois.

Celui-ci est évidemment destiné à permettre au Royaume-Uni de saisir
la Cour à temps pour qu'elle puisse indiquer des mesures conservatoires
avant l'entréeen vigueur de la mesure d'élargissementcontestée. Ainsi la
protection immédiate des intérêtsdu Royaume-Uni dépendrait de
l'appréciation de la situation par la Cour et de l'effet obligatoire ou non

à attribuer aux mesures conservatoires.
Depuis des années, l'lslande poursuit une politique conséquente visant
à l'élargissement progressif de sa zone de pêche.Cette politique est à
l'unisson des tendances analogues, signaléesau paragraphe 53 de l'arrêt,
qui se sont fait jour un peu partout ces dernières années et dont les
travaux préparatoires de la troisième Conférence sur le droit de la mer,

ainsi que les déclarations déjà faitesau cours de celle-ci par de nombreux
gouvernements, montrent bien l'importance actuelle. L'Islande a cru
pouvoir se prévaloir de l'évolution du droit coutumier vers la recon-
naissance de zones de pêche élargies.Que l'Islande se soit trompée ou
non à cet égard, il reste à savoir si, en appliquant l'extension de sa zone
de pêcheenvers le Royaume-Uni sans attendre un arrêtde la Cour, elle

s'est rendue coupable d'une infraction à I'accord de 1961suffisante en soi
pour rendre la mesure d'élargissement de la zone de pêcheinopposable
au Royaume-Uni. Répondre positivement pourrait aboutir à empêcher
pendant de longues annéesde procédure que l'Islande bénéficieà , l'instar
d'autres Etats riverains, d'une évolution du droit coutumier en sa faveur.
La présenteaffaire en offrirait un exemple, au cas où il faudrait en fin de

compte constater que l'Islande étaitfondéeà élargirsa zone de pêche.

La question de l'étendue,dans le temps, des effets de la clause juridic-
tionnelle de l'accord de 1961 a cependant plusieurs aspects. Ainsi l'on
pourrait se demander si cette clause, conque en vue de la prochaine

étape, déjà attendue, de l'élargissement de la zone islandaise de pêche,
étaitdestinéeà limiter la liberté d'action du Gouvernement islandais tant
que I'accord de 1961 resterait en vigueur et à permettre ainsi des actions
multiples. Les circonstances dans lesquelles I'accord a été conclune me
semblent pas indiquer que telle ait été l'intention du Gouvernement
islandais. Mêmedans l'optique du présentarrêt,le problème de la durée

des effets de la clausejuridictionnelle de I'accord de 1961n'est pas absent.
II se pose notamment a propos des négociations dont l'arrêtimpose
l'obligation aux Parties, car celles-ci me semblent en droit de savoir si la
Cour se considérerait comme compétente pour continuer à connaître de
leur différendau cas où les négociations n'auraient pas lieu ou n'abouti-
raient pas. Quelle sera, par exemple, la situation si le différendn'est pas

régléavant l'expiration de I'accord provisoire entre les Parties (13 no-
vembre 1975)? Est-ce que le présent arrêt aurait alorspour conséquence
d'interdire à l'Islande de procéder, sans attendre un nouvel arrêtde laagreement seems to me rather to indicate that the only guarantee the
agreement offers the United Kingdom against the immediate application
of a further extensiion of the Icelandic fishery zone is the six months'
notice. This is evidently designed to enable the United Kingdom to seise
the Court in time for it to indicate interim measures of protection before

the date fixed for the entry into force of the disputed extension. Thus the
immediate protection of the interests of the United Kingdom would
depend on the Court's appraisal of the situation and the effect, binding
or otherwise, to be attributed to the interim measures.
For years Icelandi has been pursuing a consistent policy aiming at the
gradua1 extension of its fishery zone. This policy is in tune with the similar

trends, referred to in paragraph 53 of the Judgment, which have been
emerging in many parts of the world in recent years and whose impor-
tance at the present time is clear from the preparatory documents of the
Third Conference on the Law of the Sea, as also from the statements
which have already been made at the Conference itself by numerous
governments. Icelarid considered that it could rely upon the rising trend

of customary law towards the recognition of extended fishery zones.
Whether Iceland was or was not mistaken in this, the question remains
whether, by enforcing the extension of its fishery zone vis-à-vis the United
Kingdom without kvaiting for the Court to give judgment, it was guilty
of an infringement of the 1961agreement which was sufficient in itself to
render the measure extending the fishery zone non-opposable to the

United Kingdom. 7'0 answer this question in the affirmative could have
the result of preventing Iceland, through long years of judicial proceed-
ings, from benefitirig like other coastal States from an evolution in its
favour of customary law. The present case itself would afford an example
of this, if Iceland eventually proved to be legally entitled to extend its
fishery zone.

The question of the prolongation of the effects of the jurisdictional
clause of the 1961 agreement has, however, several aspects. One might
for example enquire whether that clause, which was framed with the
next, already foreseen stage of the extension of Iceland's fishery zone in
view, was meant to restrict the Icelandic Government's freedom of action
for so long as the 1961agreement remained in force and thus to open the

door to repeated applications to the Court. The circumstances in which
the agreement was ironcluded do not appear to me to indicate that such
was the intention of'the Icelandic Government. Even from the standpoint
of the present Judginent, the problem of the duration of the effects of the
jurisdictional clause of the 1961 agreement is not absent. It arises, in
particular, in connection with the negotiations which the Parties, the

Judgment stipulates, have an obligation to undertake; for in my view the
Parties are entitled to know whether the Court would consider itself
competent to continue to deal with their dispute in the event that the
negotiations did not take place or were unsuccessful. What, for example,
will be the situation if the dispute is not settled before the expiry of the
interim agreement between the Parties (13 November 1975)?Would theCour et avec effet envers le Royaume-Uni, à l'élargissement de limites
auquel elle aurait droit en raison de l'évolutiondu droit international?

Une analyse de I'interprétation de l'accord de 1961sur laquelle I'arrêt

est fondé me semble livrer la réponse à la question de savoir si la Cour
pourrait exercer à nouveau sa compétence, au cas ou les négociations
qui doivent se dérouleren vertu de I'arrêtn'aboutiraient pas.
Sans trancher la question de la conformité avec le droit international
du récent élargissementde la zone islandaise de pêche,la Cour déclare
qu'il est inopposable au Royaume-Uni à cause des droits historiques de

celui-ci et qu'il faut établir, dans un cadre de mesures agrééesde conser-
vation, un régime d'équilibreentre ces droits historiques et les droits
préférentielsde l'Islande comme Etat riverain. La Cour se considère
donc comme compétente pour se prononcer sur des questions de droits
préférentielset historiques ainsi que sur des questions de mesures de
conservation dans les eaux contestées, indépendamment de tout examen

du fondement, en droit international, d'un élargissement de la zone de
pêchede l'Islande. En même temps, la Cour crée pour les Parties une
obligation d'engager des négociations sur ces points en tenant compte
d'une sériede recommandations énoncéespar I'arrêt.Or ce sont là des
matières qui, s'il s'agit d'eaux situéesen dehors des zones de pêchedes
Etats riverah, exigent par leur nature même d'être régléessur un plan

multilatéral avec la participation de tous les Etats dont les intérêtssont
en jeu. Des instruments internationaux prévoient des procédures à cet
effet sans envisager la saisine de la Cour. En ce qui concerne l'Atlantique
du nord-est, il n'y a, en dehors du Royaume-Uni, que la République
fédérale d'Allemagnequi ait manifesté le désirde voir la Cour s'occuper
de telles questions mais, en décidantde ne pasjoindre lesaffaires parallèles
introduites par ces deux Etats, la Cour s'est privée de la possibilité

d'ordonner des négociations communes entre eux et l'Islande.

La Cour a constaté, dans son arrêtdu 2 février 1973, que l'accord est
toujours en vigueur. L'Islande sera sans doute portée à maintenir I'élar-
gissement de sa zone de pêche,puisque la Cour ne le déclareillicite qu'à
l'égard du Royaume-Uni, ainsi qu'à l'égard de la République fédérale

par I'arrêtrendu dans l'autre affaire. II faut donc prévoirla possibilitéde
nouveaux différendsentre les Parties au sujet de l'exercice de leurs droits
dans la zone comprise entre 12 et 50 milles. II se peut aussi que des
différends surgissent entre les Parties concernant I'interprétation ou
l'application des directives de la Cour pour les négociations qu'elle
ordonne. Comme I'arrêtmontre que la Cour, en croyant pouvoir laisser
de côté la question de la conformité de l'élargissementde la zone islan-

daise de pêcheavec le droit international, se considère comme compétente
pour connaître des questions de droits de pêcheet de mesures de conser-
vation à l'extérieurde la zone des 12 milles, ilfaut évidemment conclure
que le système de l'arrêtimplique que la Cour pourra être saisie des present Judgment then have the effect of prohibiting Iceland from pro-
ceeding, without waiting for a new judgment of the Court, and with

effect vis-à-vis the United Kingdom, to the extension of limits to which it
might be entitled 011account of the evolution of international law?
It appears to me that the question whether the Court could again
exercise jurisdiction if the negotiations which should take place by virtue
of the Judgment came to nothing can be answered by analysing the inter-
pretation of the 1961agreement on which theJudgment is based.

Without settling the question whether the recent extension by lceland
of its fishery zone is in conformity with international law, the Court finds
that it is not opposable to the United Kingdom on account of the latter's
historic rights, and that it is necessary to establish, within a framework
of agreed measures of conservation, a régimewherein these historic rights
will be balanced against the preferential rights of lceland as the coastal

State. The Court thlirefore considers itself competent to pronounce upon
questions of preferential and historic rights and measures of conservation
in the disputed waters independently of any consideration of the basis,
if any, in international law of an extension of Iceland's fishery zone. At
the same time the Court creates an obligation upon the Parties to under-

take negotiations or1these points while taking into consideration a series
of recommendations enunciated in the Judgment. Yet these are matters
which, if they concern waters outside the fishery zones of coastal States,
require by their very nature to be regulated on a multilateral basis with
the participation of al1 those States whose interests are at stake. There
are international instruments which provide procedures to that end

without envisaging reference to the Court. So far as the North-East
Atlantic is concerned, the Federal Republic of Germany is the only
State, apart from the United Kingdom, to have expressed any desire that
the Court should deal with such questions, but the Court, by deciding
not to join the parallel cases instituted by these two States, deprived itself
of the possibility of prescribing joint negotiations between them and

Iceland.
In its Judgment of 2 February 1973 the Court found that the 1961
agreement was still in force. lceland will doubtless be inclined to maintain
the extension of its lishery zone, since the Court has declared it unlawful
only vis-à-vis the Clnited Kingdom and-by its Judgment in the other
case-the Federal F.epublic of Germany. Hence the possibility must be

foreseen of further disputes between the Parties over the exercise of their
rights in the belt between the 12-mile and the 50-mile limit. Lt is also
possible that disputes may arise between the Parties over the interpretation
or application of the guidelines laid down by the Court for the conduct
of the negotiations it has directed them to undertake. As the Judgment

shows that the Court, by considering it could leave aside the question
of the conformity with international law of Iceland's extension of its
fishery zone, regard!; itself as competent to deal with questions of fishing
rights and conservation measures beyond the 12-mile limit, there is no
escaping the conc1u:;ion that, according to the logic of the Judgment, a

155différends en série auxquels la situation crééepar l'arrêt donnerait
naissance.
A la lumière des considérations qui précèdent,j'estime que, par le

présent arrêt,la Cour a largement dépasséla compétence que lui confère
l'accord de 196 1.

Tout en ne se prononçant pas sur les questions précitées, laCour a

consacré une partie considérable de son arrêt aux effets, quant à la
présente procédure, de l'accord provisoire conclu entre les Parties le
13 novembre 1973. Sur ce point encore, je regrette de constater que mon
opinion ne coïncide pas avec celle de la Cour.
L'accord provisoire a été conclu par un échange de notes dont la
première est une communication du ministre des Affaires étrangères

d'Islande à l'ambassadeur du Royaume-Uni à Reykjavik énumérantles
conditions convenues de l'accord, tandis que la deuxième consiste en la
réponse de. l'ambassadeur acceptant le contenu de l'accord au nom du
Royaume-Uni. Le ministre commence par constater que les arrangements
en question ont été élaborésau cours de conversations entre les deux
gouvernements en vue d'un accord provisoire sur les pêcheriesdans la
zone contestée, en attendant un règlement du différend au fond et sans

préjudice de la position juridique ni des droits de l'un ou l'autre gouver-
nement à cet égard. L'attitude négative de l'Islande vis-à-vis de la Cour
interdit de penser que le règlement envisagépar les Parties soit celui qui
résulterait d'un arrêtde la Cour. Cela ressort aussi du paragraphe 7 de
I'accord, selon lequel celui-ci sera valable Ceux ans à partir de la date de
l'échange de notes (13 novembre 1973). Mêmeles plus pessimistes ne

pouvaient supposer que la présente affaire durerait devant la Cour
jusqu'au 13 novembre 1975. Il faut donc penser qu'en fixant ce délailes
Parties ont eu autre chose en vue. Que cela soit la troisième Conférence
diplomatique des Nations Unies sur le droit de la mer devant s'ouvrir le
22 juin 1974 ressort de diverses circonstances. Par exemple, le Royaume-
Uni a soutenu, au paragraphe 297 de son mémoiresur le fond du différend,
que l'Islande, plutôt que de prendre unilatéralement une mesure d'exten-

sion de sa zone de pêche,aurait dû attendre l'issue de la conférence.

Dans ces conditions ilparaît légitime dese demander si la poursuite de
la procédure devant la Cour pendant la période couverte par l'accord
provisoire est compatible avec celui-ci. Au Royaume-Uni, le Premier
ministre a déclaré à la Chambre des Communes que sa position devant

la Cour demeurait exactement la mêmequ'avant la conclusion de l'accord
provisoire et que cet accord avait étéconclu sans préjudicede la cause de
l'une ou l'autre Partie. II est donc évident que le Royaume-Uni n'inter-
prète pas l'accord provisoire comme impliquant que la procédure devant
la Cour doive êtreinterrompue. En Islande, l'accord provisoire a fait

156 FISHERIESJURISDICTION (DISS. OP. PETRÉN) 155

whole series of disputes born of the situation created by the Judgment
would be referable to the Court.
In the light of the foregoingconsiderations,1am of the view that in the
present Judgment the Court has considerably exceeded the jurisdiction

conferred upon it by the 1961agreement.

While not pronouncing upon the above-mentioned questions, the

Court has devoted a considerable part of its Judgment to the effects, for
the present proceedings, of the interim agreement concluded between
the Parties on 13 November 1973.There again, 1regret to have to record
that my opinion doi:s not coincide with that of the Court.
The interim agreement was concluded by an Exchange of Notes, the

first of which was a communication from the Minister for Foreign Affairs
of Iceland to the British Ambassador in Reykjavik, setting out the agreed
terms, while the sectondconsists of the Ambassador's reply accepting the
contents of the agreement on behalf of the United Kingdom. The Minister
begins by noting that the arrangements in question were worked out in
the course of discui;sions between the two Governments with a view to

concluding an intei-im agreement relating to fisheries in the disputed
area, pending a settlement of the substantive dispute and without preju-
dice to the legal position or rights of either Government in relation
thereto. Iceland's negative attitude towards the Court precludes the idea
that the settlement envisaged by the Parties was that which might result

from a judgment of the Court. That is also clear from paragraph 7 of the
Note, according to which the agreement would run for two years from
the date of the Exchange of Notes (13 November 1973). Even the greatest
pessimist could not suppose that the present proceedings before the Court
would last until 13 November 1975. One must therefore conclude that
in fixing this time-liimitthe Parties must have had something else in mind.

Circumstantial evidence suggests that this must have been the third
United Nations diplomatic Conference on the Law of the Sea, which was
to open on 22 June 1974.For example, the United Kingdom, in paragraph
297 of its Memorial on the merits, had held that Iceland, rather than
acting unilaterally to extend its fishery zone, ought to have awaited the
outcome of the Conference.

That being so, onemay, 1consider, legitimately ask whether the pursuit
of the proceedings before the Court during the period covered by the
interim agreement ir compatible with that treaty. In the United Kingdom,
the Prime Minister stated to the House of Commons that the Govern-
ment's position befc~rethe Court remained exactly what it was before the

conclusion of the interim agreement, which had been concluded withoui
prejudice to the case of either Party. It is thus evident that the United
Kingdom does not interpret the interim agreement as implying that the
proceedings before the Court should be interrupted. In Iceland, the156 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. DISS. PETRÉN)

l'objet d'un débatà I'Althing le 12novembre 1973.Comme on reprochait

au Premier ministre de n'avoir pas insisté pour que le Royaume-Uni se
désistede son instance devant la Cour, il a fait valoir que cela aurait été
illogique de sa part, étant donné sa position à l'égard de l'échange de
notes de 1961 et à I'égard de laCour. N'aurait-il pas eu l'air de recon-
naître la validitécontinue de l'échangede notes de 1961? (A1,bingistiaindi
Umræaur, 1973, p. 536.) 11en ressort que I'accord provisoire ignore la
procédure devant la Cour et ne saurait constituer un obstacle à ce que le
Royaume-Uni la poursuive. Cela ne veut cependant pas dire que I'accord
ne doive avoir aucun effet sur le prononcé de la Cour.

L'accord provisoire règle pour la période du 13 novembre 1973 au
13 novembre 1975 les conditions auxquelles les navires britanniques ont
le droit de pêcherdans la zone contestée. IIa étédemandé au conseil du
ouv verne bmreannique si cela réglait définitivementles relations des
deux Parties en ce qui concernait les pêcheriesen cause pour la période
indiquée ou si la Cour pouvait remplacer cette réglementation par une
autre. La réponse a étéque I'arrêténoncerait les règles de droit inter-
national coutumier définissant les droits et obligations respectifs des

Parties entre elles. Toutefois cela ne voudrait pas dire que l'arrêt rempla-
cerait complètement et avec effet immédiat I'accord provisoire dans les
relations entre les Parties car, de la façon dont le Gouvernement britan-
nique voyait les choses, I'accord subsisterait comme traité en vigueur. De
toute façon, les Parties auraient l'obligation de régleren tout leurs rela-
tions conformément à l'arrêtdèsque I'accord cesserait d'êtreen vigueur,
c'est-à-dire le 13 novembre 1975 ou à toute date antérieure dont les
Parties pourraient convenir. En revanche I'arrêtprendrait effet immédia-
tement dans la mesure où il aborderait des points laissésen dehors de

I'accord.
Ainsi le Gouvernement britannique a-t-il laisséentrevoir la possibilité
pour la Cour de régler aveceffet immédiat certaines questions laissées en
dehors de I'accord provisoire. Mais iln'a pas indiqué en quoi consiste-
raient ces questions, qui devraient à la fois êtreenglobéesdans la requête
et avoir de l'importance pour la manière dant les navires de pêche
britanniques exercent leur activité dans la zone contestée. On a beau
confronter requêteet accord provisoire, on ne voit pas de quelles ques-

tions il pourrait s'agir.
IIfaut en conciure que I'accord provisoire a définitivement réglé les
conditions auxquelles les navires britanniques ont le droit de pêcher
dans la zone contestée entre les 13 novembre 1973 et 1975. Un arrêttel
que celui que le Gouvernement britannique demande ne saurait donc
trouver d'application avant l'expiration de I'accord provisoire. Ce que le
Royaume-Uni demande a la Cour c'est de se prononcer sur le droit qui
aurait été applicable aux relations entre les Parties au cas où elles n'au-
raient pas conclu cet accord. Or l'essence de la fonction judiciaire est de

dire le droit entre les Parties tel qu'il existe et non de dire ce qu'aurait été
le droit si le droit qui existe n'avait pas existé. La conclusion de I'accord FISHERIESJURISDICTION (DISS. OP. PETRÉN) 156

interim agreement kvasthe subject of an Althing debate on 12 November
1973. When the Prime Minister was criticized for not having insisted on
the United Kingdom's discontinuing its proceedings before the Court,
he pointed out thal. it would have been illogical of him to do so, given
his position in regard to the 1961 Exchange of Notes and vis-à-vis the

Court: would he not have appeared to be recognizing the continuing,
validity of the 1961 Exchange of Notes? (Aljingistiaindi Umraaur 1973,
p. 536.) It follows that the interim agreement takes no account of the
proceedings before the Court and could not constitute a bar to the United
Kingdom's pursuarice of them. That, however, does not mean that the

agreement should have no effect on the Court's findings.
The interim agreement lays down, in respect of the period from 13
November 1973 to 13 November 1975, the conditions under which
British vessels will have the right to fish in the disputed area. Counsel for
the United Kingdom was asked whether that agreement definitively
regulated, forthe period indicated, the relations of the two Parties, so far

as the fisheries in question were concerned, or whether it would be
possible for the Court to replace that regulation with another. The reply
was that the judgment would state the rules of customary international
law between the Parties, defining their respective rights and obligations.
However, that woilld not mean that the judgment would completely

replace the interimi agreement with immediate effect in the relations
between the Parties, for, as the British Government saw the matter, the
agreement would remain as a treaty in force. Lnany event, the Parties
would be under a duty fully to regulate their relations in accordance with
the terrns of thejudgment as soon as the interim agreement ceased to be
in force,i.e., on 13 November 1975,or at such earlier date as the Parties

might agree. On the other hand, the judgment would have immediate
effect in so far as it dealt with matters not covered in the agreement.
Thus the British Government hinted at the ~ossibiiitv that the Court
might regulate, with immediate effect, certain matters which were left
outside the scoDe of the interim agreement. But it failed to indicate the
"
possible substance of these matters, which must at the same time be
covered by the Application and be relevant to the manner in which
British fishing vessels pursue their activities in the disputed area. Compare
the Application ancl the interim agreement as one may, one still fails to
see what matters these might be.
It must be concluded that the interim agreement definitively regulated

the conditions under which British vessels have the right to fish in the
disputed area between 13 November 1973 and 13 November 1975.
A judgment of the kind sought by the British Government could therefore
not be impleinenteti before the expiry of the interim agreement. What
the United Kingdorn is requesting of the Court is to state the law which
would have been a-pplicable to the relations between the Parties in the

event that they had not concluded that agreement. Yet the essence of
the judicial functiori is to declare the law between the Parties as it exists,
and not to declare what the law would have been if the existing law hadprovisoire a donc eu pour effet de rendre la requête du Royaume-Uni
sans objet pour ce qui est de la période couverte par l'accord.

Quant à la période qui s'ouvrira à I'expiration de l'accord provisoire,

c'est-à-dire le 13 novembre 1975, il me semble évident, surtout après les
précisions obtenues au cours de la procédure orale, que la requête du
Royaume-Uni équivautà une demande à la Courde définirle droit inter-
national coutumier devant régir les conditions dans lesquelles les navires
britanniques pourront alors pêcher dans la zone contestée. La Cour
peut-elle accéderà une telle demande?

Comme tous les domaines du droit, le droit de la mer est sujet àévolu-
tion. De nouvelles conventions internationales multilatérales ou bilaté-
rales voient le jour et le droit coutumier se modifie. On ne saurait nier
que l'un des résultats possibles de la troisième Conférence sur le droit de
la mer, qui se tient en ce moment, soit de voir clarifier ou modifier les

règlesconcernant la compétence des Etats riverains en matière de pêche-
ries. Le Gouvernement britannique a soutenu, au paragraphe 297 de son
mémoire sur le fond du différend, que l'Islande, plutôt que de prendre
unilatéraleinent des mesures précipitées,aurait dû attendre l'issue de la
conférence qui sera saisie de questions comme l'étenduedes zones exclu-
sives de pêche,la conservation des ressources biologiques de la haute

mer ou les droits spéciauxdes Etats riverains. Selon le mémoire,le précé-
dent des Conférencesde Genèvede 1958et 1960ne permet pas à l'Islande
de prétendre qu'on ne pourra aboutir à un accord et à des mesures
concertéesrépondant à ses besoins, besoins que la communauté des Etats
dans son ensemble reconnaît comme justes et dignes d'êtrejuridiquement
protégés.En fait, a poursuivi le Gouvernement britannique, les confé-

rences de 1958et 1960ont jetélesjalons de la reconnaissance généralede la
validité des zones exclusives de pêchejusqu'à 12 milles et sur cette base,
de nombreux Etats ont négociédes accords internationaux, tel l'échange
de notes de 1961 entre l'Islande et le Royaume-Uni. La conférence de
1974 pourrait fort bien aboutir à un accord plus large sur de nouvelles

règles à introduire dans le droit international. Le Gouvernement britan-
nique a cependant souligné,au paragraphe 298 de son mémoire, que les
décisionsqui seraient prises par la conférence quant aux modifications à
apporter au droit actuel étaient en dehors de l'affaire dont la Cour est
saisie.
Au stade de la procédure orale, le Gouvernement britannique s'est

montré beaucoup moins optimiste quant aux résultats à attendre de la
troisième Conférence sur le droit de la mer. Cela ressort de la réponse
écritedonnéepar son conseil à la question de savoir si le fait de demander
à la Cour une décision visantà réglementerles relations de pêcheentre les
Parties en vue d'un avenir non immédiat étaitcompatible avec la position
prise au paragraphe 297 du mémoire. La réponse a étéque I'on s'attend

généralement à ce que la session de 1974 soit suivie d'une deuxième
session dans le courant de 1975 et qu'il semble loin d'êtrecertain que
I'on aboutisse à quelque chose de précis avant l'expiration de l'accord

158not existed. The conclusion of the interim agreement has therefore had
the effect of rendering the Application of the United Kingdom without
object so far as the period covered by the agreement is concerned.
As for the period which will begin on the expiry of the interim agree-
ment, i.e., on 13 November 1975, it is clear to me, above al1 after the
explanations obtained during the oral proceedings, that the Application

of the United Kingdom is tantamount to a request that the Court should
define the customary international law which should govern the condi-
tions under which British vessels will then be able to fish in the disputed
area. 1sit possible for the Court to accede to such a request?
Like al1 domains of law, the law of the sea is subject to evolution.
New multilateral or bilateral international conventions come into being,

and customary law is modified. It is undeniable that one of the possible
results of the Thirdl Conference on the Law of the Sea, which is being
held at this moment, will be a clarification or modification of the rules
governing the fisheries jurisdiction of coastal States. In paragraph 297
of its Memorial on the merits, the British Government argues that Ice-
land, rather than take precipitate and unilateral action, ought properly

to have awaited the outcome of the Conference, which will be considering
such issues as the breadth of exclusive fishery zones, the conservation of
the living resources of the high seas, and the special rights of coastal
States. According t,o the Memorial, the precedent of the 1958 and 1960
Geneva Conferences does not justify Iceland in assuming tbst it wilI be

impossible to reach agreement or decide upon concerted measures to meet
those needs of 1cela.ndwhich the community of States as a whole recog-
nizes to be just and deserving of legal protection. In fact, the British
Government continued, the 1958and 1960Conferences laid the basis for
a general recognition of the validity of exclusive fishery zones up to a
12-mile limit and, on that basis, many States negotiated international

agreements, of which the Anglo-Icelandic Exchange of Notes of 1961was
a case in point. The 1974 Conference might well provide an even greater
measure of agreement over new rules to be incorporated into inter-
national law. The Government of the United Kingdom stressed, however,
in paragraph 298 of its Memorial, that what the Conference might agree
about changes in thleexisting law was irrelevant to the present case before

the Court.

At the stage of the oral proceedings, the British Government showed
much less optimisni with regard to the results which might be expected
from the Third Coriference on the Law of the Sea. This is clear from the
written reply given by counsel for the United Kingdom to the question

whether it was compatible with the position adopted in paragraph 297
of the Memorial to request of the Court a decision intended to regulate
the Parties' relations with regard to fishing in a non-immediate future.
The reply was to the effect that the 1974 session was widely expected to
be followed by a second session in 1975, and that it appeared far from
certain that any clear outcome would have been produced before theprovisoire; c'est pourquoi le Gouvernement britannique avait indiqué
au paragraphe 298 de son mémoire que les décisions de la nouvelle
conférencequant aux modifications à apporter au droit actuel étaient hors
du sujet. Dans la mêmeréponse, le Gouvernement britannique a précisé
qu'il avait l'intention d'adopter une attitude positiveà l'égarddes négo-

ciations sur les nombreux points interdépendants dont la conférence est
saisie et de participer à l'élaboration d'une nouvelle convention destinée
à éclaircir un certain nombre de questions en suspens et à contribuer au
développement progressif du droit international. Toutefois, a continué le
Gouvernement britannique, à supposer mêmequ'une convention soit
conclue assez rapidement, il restera à savoir quand elle pourra entrer en

vigueur ou avoir une incidence sur le développement du droit internatio-
nal en influençant la pratique des Etats et il restera à savoir si l'Islande
- qui n'a encoreadhéréà aucune desconventions de Genèvede 1958 -y
adhérera. L'arrêtde la Cour doit donc, selon le Gouvernement britan-
nique, constituer un énoncé autorisédes droits et obligations des Parties
en vertu du droit existant et pourra servir de base pour la négociation

d'arrangements destinésàcompléter l'accord provisoire. Pour ces raisons,
le Gouvernement britannique est convaincu d'avoir agi d'une manière
parfaitement compatible avec l'opinion exprimée au début du para-
graphe 297 du mémoireen sollicitant de la Cour un arrêtsur les conclu-
sions du Royaume-Uni.

Datant du 31 juillet 1973, le mémoire du Royaume-Uni sur le fond
du différend n'avait pu prendre en considération les effets de l'accord
provisoire du 13 novembre de la mêmeannée. Les conditions dans les-
quelles ce mémoire avait étérédigéont subi un profond changement du
fait de l'accord provisoire, car ce n'est qu'a partir du 13 novembre 1975
que le droit international coutumier régirade nouveau les conditions de

pêchedans la zone contestée. Certes le Gouvernement britannique est
maintenant d'avis que, le 13novembre 1975, la troisième Conférence sur
le droit de la mer n'aura probablement encore rien changé. Or, devant
l'impossibilité de prévoir les changements pouvant affecter, mêmedans
un proche avenir, un domaine du droit en pleine évolution, je trouve
que la Cour ne peut fonder son arrêt sur aucune certitude: il est très

possible qu'une revendication actuellement non justifiéeen droit s'avère
demain bien fondée. La Cour doit donc déclinertoute demande tendant
àce qu'elle énonceledroit coutumier de l'avenir.

Je ne saurais me rallier à la manière de voir, développéeau para-

graphe 41 de l'arrêt,selon laquelle l'adoption par la Cour des constations
qui précèdentauraitpour résultatinéluctablede décourager,dans des diffé-
rends futurs, la conclusion d'arrangements temporaires visant à réduireles
frictions et à éviterque la paix et la sécuriténe soient mises en danger.
Cette thèse, appliquée au cas d'espèce, mesemble méconnaître que I'ac-
cord provisoire entre les Parties restera en vigueur après le prononcé de

l'arrêt etque la requêtene demande pas à la Cour d'interpréter un traitéexpiry of the interirn agreement; that was why the British Government
had indicated in paragraph 298 of its Memorial that whatever a new
Conference might agree about changes in the law was beside the point.
In the same reply the Government of the United Kingdom explained that
it intended to take a positive attitude towards the negotiations on the
many interrelated items with which the Conference would be dealing,

with a view to coniributing to the adoption of a new convention that
might clarify a nurnber of existing issues and further the progressive
development of international law. Nevertheless, the British Government
continued, even if a convention were to be concluded reasonably quickly,
it would remain to be seen how long it would take to enter into force
or have an impact upon the development of international law through

State practice, and it would also remain to be seen whether lceland-
which had not yet adhered to any of the Geneva Conventions of 1958-
would become a party to it. Hence, according to the British Government,
the Court's judgmerit would constitute an authoritative statement of the
rights and obligations of the Parties under existing law and might provide
a basis for the negotiation of arrangements to follow those contained in

the interim agreement. For those reasons, the British Governrnent con-
sidered it quite compatible with the view expressed at the beginning of
paragraph 297 of it:; Memorial that it should seek of the Court a judg-
ment on the United Kingdom's submissions.
Dating as it does from 31 July 1973, the United Kingdom's Memorial
on the merits of the case could not have taken into account the effects

of the interim agreement of 13 November 1973. The circumstances in
which the Memorial was prepared gave way to a profoundly different
stituation once the interim agreement had been signed, for it is only
on 13November 1975that customary international law will again govern
the conditions under which fishing is carried out in the disputed area.

It is true that the British Government is now of the opinion that, in al1
probability, the Third Conference on the Law of the Sea will still not
have changed anything by 13 November 1975. But, given the impossibi-
lity of foreseeing thr: changes which, even in the near future, may affect
an actively evolving field of law1 find that there is no certainty on which
the Court can base its judgment: there is a very real possibility that a

claim which at the present moment has no legal justification may prove
tomorrow to be well founded. The Court ought therefore to decline any
request which in effi'ctcalls upon it to declare the customary law of the
future.
1am unable to agree with the view, expounded in paragraph 41 of the
Judgment, that for the Court to espouse the above conclusions would

inevitably result in discouraging the making of interim arrangements in
future disputes with the object of reducing friction and avoiding risk to
peace and security. 7'0 my mind this argument, applied to the present case,
overlooks the fact that the interim agreement between the Parties will
remain in force after the delivery of the Judgment and that the Appli-
cation does not recluest the Court to interpret a treaty of immutableimmuable dans son texte mais de se prononcer sur l'avenir d'un droit
coutumier en pleine évolution. Si I'accord provisoire était destiné à
expirer lejour de l'arrêt,il n'y aurait pas eu de difficultéet si le différend

portait sur I'interprétation d'un traité, un accord provisoire concernant
son application pendant une période déterminée n'empêcheraip t as la
Cour de statuer avant la fin de cette période sur l'interprétation et sur
l'application future du traité.
Cependant, aux sous-paragraphes 3 et4 du dispositif de l'arrêt, laCour
déclare que les Parties ont l'obligation mutuelle d'engager des négocia-

tions concernant leurs droits de pêcherespectifs dans la zone contestée,
négociations dans lesquelles elles devront notamment tenir compte de
droits préférentielsrevenant à l'Islande. Comme la compétence de la
Cour pour connaître de la présente affaire n'est fondéeque sur la clause
juridictionnelle de l'échangede notes de 1961 et comme celle-ci ne con-

cerne que la question de savoir si une extension future, par l'Islande, de
sa zone de compétence exclusive en matière de pêcheriesserait conforme
au droit international, j'estime que la Cour, en imposant aux Parties une
obligation de négocierconcernant autre chose, dépasse les limites de sa
compétence.

Mais tel n'est pas le seul motif pour lequel je considère la Cour comme
sanscompétence pour ordonner des négociations entre les Parties.
II ressort de la réponse écritede l'agent du Gouvernement britannique
à une question à lui poséeque, pour le paragraphe 7 de I'accord provisoire
du 13novembre 1973,les négociateurs britanniques ont d'abord proposé
la rédaction suivante:

((L'accord sera valable deux ans à partir de ce jour. Les Gouver-
nements procéderont à un nouvel examen de la situation avant

l'expiration de ce délai,à moins que, dans l'intervalle, ils ne se soient
mis d'accord sur un règlement du fond du différend. A défaut d'un
tel règlement, l'expiration du présent accord ne modifiera pas la
position juridique de I'un ou l'autre gouvernement en ce qui concerne
le fond du différend.))

Le Gouvernement islandais ayant demandé la suppression de la partie
centrale de ce texte, le paragraphe 7 a finalement étérédigécomme suit:

((L'accord seravalable deux ans à partir de cejour. Son expiration
ne modifiera pas la position juridique de I'un ou l'autre gouverne-

ment. ))
A mes yeux, la suppression, à la demande du Gouvernement islandais,
de la référenceà un nouvel examen de la situation avant l'expiration

de I'accord provisoire et à la possibilitéd'un accord conclu entre-temps
sur le fond du différend prouve sans contredit que I'l.slande n'a accepté
aucune obligation de négocierde nouveau avec le Royaume-Uni tant que
l'accord provisoire restera en vigueur. 11 en résulte que, si l'Islande
préfèrese consacrer à la nouvelle Conférence sur le droit de la mer sansverbal content but to pronounce upon the future of a customary law in

active evolution. If the interim agreement were destined to expire on the
date of the Judgment, no difficulty would have arisen, and if the dispute
concerned the interpretation of a treaty, an interim agreement concerning
its application overa given period would not hinder the Court from ruling
before the end of that period on the interpretation and future application
of the treaty.

However, in subparagraphs 3 and 4 of the operative part of the
Judgment, theCourt finds that the Parties are under mutual obligations to
undertake negotiations concerning their respective fishery rights in the
disputed area, negotiations in which they must take into account inter
alia certain prefereritial rights attributable to Iceland. As the Court's
jurisdiction to deal with the present case is founded solely on the juris-

dictional clause of the 1961 Exchange of Notes, and as that clause con-
cerns only the question whether a future extension by Iceland of its
zone of exclusive fisheries jurisdiction would be in conformity with inter-
national law, 1 consider that the Court, by imposing on the Parties an
obligation to negotiate in respect of something else, has exceeded the
limits of its jurisdictiion.

But that is not the only reason why 1consider that the Court is not
competent to prescribe negotiations between the Parties.
The written reply to a question put to the Agent of the United Kingdom
reveals that the British negotiators first proposed the following form of
wordsfor paragraph 7 of theinterim agreement of 13November 1973:

"The agreement will run for two years from the present date. The
Governments will reconsider the position before that term expires
unless they have in the meantime agreed to a settlement of the sub-

stantive dispute. In the absence of such asettlement, the termination
of this agreement will not affect the legal position of either Govern-
ment with respect to the substantive dispute."

The Government of Iceland, however, requested the deletion of the
central portion of tliis text, and paragraph 7 was finally drafted in the
following terms:

"The agreement will run for two years from the present date. Its
termination will not affect the legal position of either Government
with respect to the substantive dispute."

To my mind, the deletion, at the request of the Icelandic Government, of
the reference to a reconsideration of the position before the expiry of the
interim agreement and to the possibility of agreeing in the meantime to a
settlement of the substantive dispute constitutes incontrovertibleevidence

that Iceland did not accept any obligation to enter into fresh negotiations
with the United Kingdom for so long as the interim agreement remained
in force. Consequeritly, if Iceland prefers to concentrate upon the new

160160 COMPÉTENCE PÊCHERIES (OP. DISS.PETRÉN)

négocier en même temps bilatéralement avec le Royaume-Uni, rien ne
l'oblige à s'engager dansde telles négociations.

A mon avis, cette conclusion ne saurait êtreinfirméepar une référence
à l'arrêtsur lePlateau continental dela mer du Nord citéau paragraphe 75
du présentarrêt.LIfaut rappeler que les circonstances en l'affaire actuelle

sont bien différentes de celles du Plateau continental de la mer du Nord
où les Parties avaient, d'un commun accord, demandé à la Cour d'indi-
quer les principes et les règles du droit international applicables à leur
différend et s'étaient obligées à conclure un accord conformément à la
décisionde la Cour. 11me paraît encore moins possible de considérermon
interprétation de l'accord provisoire du 13novembre 1973comme contraire

à la Charte des Nations Unies, invoquée elle aussi au paragraphe 75
de l'arrêt. Quelleque soit l'importance attribuée par la Charteà la négo-
ciation comme moyen pacifique de règlement de différends, les Etats
sont parfaitement libres de choisir d'autres voies pacifiques. Que l'Islande,
à la veille de la nouvelle Conférence sur le droit de la mer, ait refusé

d'accepter une obligation de continuer des négociations avec le Royaume-
Uni au niveau bilatéral n'a rien de surprenant. Quant à la résolution de
1'Althing en date du 15 février 1972, citéeau paragraphe 77 de l'arrêt
comme interdisant mon interprétation de I'accord provisoire, j'estime,
comme mon collègue M. Gros et pour les mêmes raisonsque lui, que la
Cour attribue à la résolution une signification qu'elle n'a pas. Bref,je

pense que la circonspection particulière et l'attention toute spécialepour
l'Islande dont la Cour estime avoir fait preuve (voir paragraphe 17 de
l'arrêt)auraient dû l'amener à ne pas rejeter catégoriquement une inter-
prétation de l'accord sur ce point que ses travaux préparatoires rendent,
à mes yeux, inévitable.

Pour tous ces motifs, j'estime que la requêtedu Royaume-Uni manque

d'objet en ce qui concerne aussi bien la périodedu 13novembre 1973au
13 novembre 1975que la période postérieure.

Reste la période comprise entre la mise en application de la réglemen-
tation islandaise contestée (le' septembre 1972) et l'entrée en vigueurde
I'accord provisoire ( 13 novembre 1973). C'est seulement pour cette

période qu'il s'agit pour moi d'examiner si l'extension par l'lslande de
sa zone de pêchea étédèsle début,et est demeuréepar la suite, contraire
au droit international. C'est aussi uniquement par rapport à la situation
pendant la même périodequ'il m'a fallu examiner les aspects de la
présente affaire dont j'ai traité dans la première partie de la présente

opinion dissidente.Conference on the Law of the Sea without at the same time negotiating

bilaterally with the: United Kingdom, there is nothing to oblige it to
enter into such negotiations.
In my view, it is impossible to overthrow this conclusion by quoting the
North Sea Continental Sheif Judgment, as paragraph 75 of the present
Judgment does. It rnust be recalled that the circumstances of the present
case are very different from those of North Sea Continental Shelf, in which
the Parties, by common agreement, had requested the Court to indicate

the principles and rules of international law applicable to their dispute
and had undertaken to conclude an agreement in accordance with the
Court's decision. Neither is it, 1feel, possible to regard my interpretation
of the interim agreement of 13 November 1973as contrary to the Charter
of the United Nations, which also is appealed to in paragraph 75 of the
Judgment. However great the importance ascribed by the Charter to
negotiations as a peaceful means for the settlement of disputes, States

remain perfectly free to choose other peaceful means. There is nothing
surprising in the fact that Iceland, on the eve of the new Conference on
the Law of the Sea, should have refused to accept an obligation to con-
tinue negotiations with the United Kingdom at bilateral level. As for
the Althing resolution of 15 February 1977,cited in paragraph 77 of the
Judgment as ruling out my interpretation of the interim agreement, 1
consider, like my colleague Judge Gros and for the same reasons, that

the Court attributes to this resolution a meaning which it does not possess.
My view, in brief, ilsthat the particular circumspection and special care
with which the Court considers it has acted in regard to Jceland (see
para. 17 of the Judgment) should have precluded its outright rejection
of an interpretatioin of the agreement, on that point, which, given the
prenatal history of that instrument,1personally find inescapable.

For al1 these reasons, 1 consider that the Application of the United
Kingdom is without object with regard both to the period from 13 No-

vember 1973to 13 IVovember 1975and to the subsequent period.

There remains the period between the putting into effect of the lcelan-
dic Regulations which are in dispute (1 September 1972)and the coming
into force of the interim agreement (13 November 1973).In my view, it is
only so far as that period is concerned that is it necessary to consider
whether Jceland's extension of its fishery zone was from the beginning,

and subsequently rtmained, contrary to international law. It was, more-
over, solely in relation to the situation during that period thaJ found it
necessary to consider those aspects of the present case with which 1dealt
in the first part of this dissenting opinion.161 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. DISS. PETRÉN)

Comme il n'existe entre les deux Etats aucune convention sur laquelle
pourrait être fondéela décision islandaise, celle-ci ne saurait trouver
sa justification que dans le droit international coutumier. Les deux
premières Conférences des Nations Unies sur le droit de la mer ont
amplement démontréqu'il n'existait pas en 1958-1960 de règle générale

de droit international coutumier de cette sorte. Pour que I'lslande puisse
invoquer une règle coutumière générale,il faudrait que celle-ci se soit
forméeaprès 1960.Voyons donc quelle a étél'évolutiondepuis lors.
11est vrai qu'un nombre grandissant d'Etats riverains, soit en procla-
mant ~'exten~ionde leurs eaux territoriales, soit en revendiquant des
zones de pêchesituées devant ces eaux, ont réclaméune compétence

exclusive en matière de pêcheriesallant jusqu'à 50 ou même200 milles.
Néanmoins, mêmesi l'on s'en tient à la zone situéeentre 12et 50 milles,
le nombre d'Etats ayant revendiqué une compétenceexclusive en matière
de pêcheriesne saurait être considérécomme suffisamment élevépour
permettre de conclure à l'application d'une nouvelle règlede droit géné-
ralement acceptée comme valable par la communauté internationale.

Au surplus les Etats dont les intérêtssont menacés par ces prétentions
ont constamment protesté. Un autre élémentnécessaireà la formation
d'une nouvelle règle de droit coutumier manque donc: son acceptation
par les Etats dont elle affecte les intérêts.
Au cours de la procédure devant la Cour, l'attention a étéattirée

sur les récentes résolutions d'organes des Nations Unies concernant la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Par sa résolution
3016 (XXVLI) en date du 18 décembre 1972, l'Assemblée généralea
réaffirméle droit des Etats à la souveraineté permanente sur toutes les
ressources naturelles situéessur terre dans les limites de leurs frontières
internationales, ainsi que sur celles du fond des mers et de leur sous-sol

à l'intérieur des limites de leur juridiction nationale et dans leseaux
surjacentes.Approuvée par 102voix contrezéro avec 22 abstentions, cette
résolution a étésuivie d'une recommandation et d'une résolution sem-
blables, adoptées la première par le Comité des ressources naturelles du
Conseil économique et social et la seconde par le Conseil économique et
social lui-même.Le contenu de ces textes, postérieurs à l'introduction de

la présente instance devant la Cour, diffère sur un point fondamental
de la Convention de Genève sur le plateau continental dont les disposi-
tions sont généralementconsidéréescomme codifiant le droit admis vers
1958: la convention ne réserve à 1'Etat riverain aucun droit de pêche
exclusif en ce qui concerne les poissons nageant dans les eaux surjacentes

au plateau continental.
La résolution de l'Assemblée généralerevêt un intérêt particulier
pour la présente affaire car I'lslande s'est référà la doctrine du plateau
continental comme fondement juridique de l'élargissementcontestéde sa
zone de pêche.II s'agit donc de savoir si l'innovation que représentait la
référenceaux eaux surjacentes dans la résolution de l'Assembléegénérale

a eu eour effet de conférerà I'Etat riverain une comdtence non inhérente
à la conception originelle du plateau continental, ce qui équivaudrait à la FISHERIESJURISDICTION (DISS. OP. PETRÉN) 161

As there does not exist between thetwo States any convention on which
the Icelandic decision could be founded, Iceland could seek itsjustification
only in customary international law. The first two United Nations Con-
ferences on the Law of the Sea amply demonstrated that no such general
rule of customary international law existed in 1958-1960. If there is any

general customary rule that Iceland çan rely on, it must have come into
being since 1960. Let us therefore consider what evolution may have
taken place.
It is true that an increasing number of coastal States, whether by pro-
claiming the extension of their territorial waters or by claiming fishery
zones beyond those waters, have claimed an exclusive fisheries juris-

diction extending up to the 50-mile or even the 200-mile limit. Never-
theless, even if one confines one's attention to the zone lying between
the 12-mileand the !jO-milelimits, the number of States that have claimed
exclusive fisheries jiirisdiction therein cannot be considered sufficiently
large to justify the conclusion that a new rule of law, generally accepted
as valid by the international community, is being applied. Furthermore,

the States whose intlrrests are threatened by these claims have constantly
protested. Hence another element which is necessary to the formation of
a new rule of customary law is missing, namely its acceptance by those
States whose interests it affects.
In the course of the proceedings before the Court, attention has been

drawn to the recenit resolutions of United Nations organs concerning
permanent sovereignty over natural resources. In its resolution 3016
(XXVII) of 18 December 1972, the General Assembly reaffirmed the
right of States to permanent sovereignty over al1their natural resources,
on land within their national boundaries as well as those found in the
sea-bed and the subsoil thereof within their nationaljurisdiction and in the

srrperjucentwaters. Approved by 102votes to Owith 22 abstentions, this
resolution was followed by a recommendation and another resolution
in similar terms, the first being adopted by the Committee on Natural
Resources of the Ec:onomic and Social Council, and the second by the
Economic and Social Council itself. The content of these texts. which are
of more recent date than the Application instituting the present proceed-

ings, differs on one fundamental point from the Geneva Convention on
the Continental Shelf, whose provisions are generally regarded as codi-
fying the law accepted around 1958: the Convention does not attribute
to the coastal State a.nyexclusive fishing rights with regard to fish swim-
ming in the waters above the continental shelf.

The General Assembly resolution is of special interest in the present
proceedings, for Iceland has referred to the doctrine of the continental
shelf as being thelegal basis of the contested extension of its fishery zone.
The question is therefore whether the innovation represented by the
reference to superjacent waters in the General Assembly resolution has
had the effect of conferring upon the coastal State a jurisdiction not

inherent in the original concept of the continental shelf, which would becréation soudaine d'une règle nouvelle de droit coutumier. Sans qu'il
soit nécessaire d'aborder le problème généralde la création d'un droit
nouveau par une résolution de l'Assembléegénérale,il y a lieu de cons-
tater que cela exige en tout cas que les Etats votant pour la résolution
aient bel et bien eu l'intention de lui voir acquérir imnîédiatement force

obligatoire. Or les conditions complexes dans lesquelles la résolution 3016
(XXVlI) a été adoptée,les déclarations qui ont accompagné le vote et
l'attitude bien connue de certains Etats au sujet des zones de pêchene
permettent pas de conclure que la résolution ait étévotéepar une grande
majorité d'Etats dans l'intention de créerune nouvelle règle obligatoire
de droit et de préjuger l'éventuelle décisionde la troisième Conférence

sur le droit de la mer. Aussi significative que la résolution puisse être
d'un courant d'opinion favorable aux revendications de I'lslande et
d'autres Etats, son adoption par l'Assembléegénéralene saurait avoir
suffi à transformer le droit existant ea donner naissance à une nouvelle
règle généralede droit coutumier conférant à I'Etat riverain une compé-
tence exclusive sur la pêchedans les eaux surjacentes à son plateau conti-

nental. Cette observation s'applique à plus forte raison aux diverses
manifestations de thèses et d'opinions auxquelles on a pu assister de la
part des Etats au cours de la préparation de la Conférence.

Pour les raisons ainsi développées,je considère que les conclusions
formulées et maintenues par le Royaume-Uni auraient dû êtrerejetées
comme manquant d'objet, sauf en ce qui concerne la période comprise

entre la mise en application, par l'lslande, de l'extension de sa zone de
compétence exclusive en matière de pêcheriesjusqu'à 50 milles (le' sep-
tembre 1972)et l'entrée en vigueurde l'accord provisoire entre les Parties
(13 novembre 1973). Estimant que la mesure décidéepar I'lslande a été
sans fondementen droit international, je trouve que son application aux
navires de pêchebritanniques pendant la période susdite a constitué

une infraction au droit international à l'encontre du Royaume-Uni. A la
lumière de ce qui a été développé pluh saut, cette constatation ne veut
pas dire que, à l'expiration de l'accord provisoire conclu entre lesParties
le 13novembre 1973,l'extension de la zone islandaise de pêchedoive être
automatiquement considéréecomme toujours non conforme au droit
international.

L'économiede l'arrêt neme permet pas d'émettre un vote exprimant
ma position en ce qui concerne la période du le' septembre 1972 au
13 novembre 1973. La raison en est double: aucune distinction n'est
faite entre les différentespériodes d'application de la mesure islandaise et,
en déclarant celle-ci inopposable au Royaume-Uni, la Cour s'appuie uni-

quement sur desconsidérations visant les droits historiques du Royaume-
163Uni et évitesoigneusement de se prononcer sur la seule question pour
laquelle l'accord de 1961 lui confère compétence,celle de la conformité
avec le droit international de l'extension de la zone de pêchede l'Islande.

Il ne m'est donc plus restéqu'à voter contre l'arrêttout entier.

(SignéS ). PETREN.of the United Kingdom and studiously avoids pronouncing upon the
only question in respect of which the 1961 agreement conferred juris-
diction upon it, th;it of the conformity with international law of the
extension of Iceland's fisheryzone.
No other course was therefore left to me but to vote against the Judg-
ment in its entirety.

(Signed) S. PETRÉN.

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Opinion dissidente de M. Petrén

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