Opinion individuelle de M. Sir Humphrey Waldock (traduction)

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055-19740725-JUD-01-07-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE SIR HUMPHREY WALDOCK

[Traduction]

1. Je souscris à l'ensemble du dispositif et des motifs sur lesquels se

fonde l'arrêtde la Cour. Toutefois, comme certains aspects de l'affaire
auraient dû, à mons avis, être davantage mis en relief dans l'arrêt, jecrois
devoir en traiter dans une opinion individuelle.

2. L'arrêtse réfèreà I'échangede notes du 11 mars 1961 et en tire
certaines conclusions concernant la reconnaissance par le Royaume-Uni
de la dépendance exceptionnelle de l'lslande à l'égard de ses pêcheries
côtières et la reconnaissance par l'Islande de l'activitétraditionnelle de

pêchedu Royaume-Uni dans les eaux proches de l'lslande. L'arrêtne
donne cependant pas à I'échangede notes.de 1961 l'importance que me
paraît revêtir nécessairement cetaccord en tant que traité instituant un
régimejuridique particulier régissant les relations entre les Parties en ce
qui concerne la pêchedans les eaux en question. L'échangede notes de
1961, qui avait étériégociéet conclu juste après que la deuxième Confé-

rence des hations Unies sur le droit de la iner eut échouédans sa tentative
pour résoudre le problème des limites de pêche,avait expressément pour
objet de régler undifférendqui opposait l'Islande et le Royaume-Uni au
sujet des pêcheries.A cette fin, l'accord contenait des dispositions qui
énonçaient des règles précisespour tenir compte de l'éventualitéoù I'ls-
lande prétendrait plus tard élargir sa zone de pêcheau-delà de la limite

des 12 milles que le Royaume-Uni lui reconnaissait dans cet accord. A
mon avis, il s'ensuit qu'il faut prendre comme point de départ pour déter-
miner les droits et obligations des Parties en la présenteespèce I'échange
de notes de 1961 que la Cour, dans son arrêtdu 2 février 1973, a consi-
déré commevalable, en vigueur et applicable à la question de I'élargisse-
ment par l'Islande de sa compétence sur les pêcheriesqui est maintenant

soumise à la Cour.
3. L'échange de notes de 1961 doit être considérédans le contexte
du différend sur les pêcheriesqu'il avait pour objet de régler. Dans des
limites qui ont variésuivant les époques, desnavires du Royaume-Uni ont
pêché dans les eaux environnant l'Islande pendant plusieurs sièclesavant
la conclusion de la Convention anglo-danoise du 24juin 1901.En vertu de
cette convention, le Danemark, qui avait alors la responsabilité des rela-

tions extérieures de l'lslande, acceptait en fait d'appliquer dans les eauxentourant l'Islande les dispositions de la convention de 1882relative à la
pêchedans la mer du Nord qui concernaient les limites des pêcherieset la

réglementation de la pêche. L'article 2de la convention de 1901 stipulait
notamment:
((Les sujets deSa Majestéle Roi du Danemark jouiront du droit de

pêcheexclusif sur une distance de 3 milles à partir de la ligne de basse
mer, tout le long des côtes desdites îles ainsi que des îlots, rochers et
bancs qui en dépendent.
En ce qui concerne les baies, la distance de 3 milles sera mesurée à
partir d'une ligne droite, tracéeau travers de la baie, dans la partie la

plus voisine de l'entrée,au premier point ou la largeur n'excèdepas
10milles. ))
Cette convention, qui pouvait prendre fin moyennant un préavis de

deux ans donné par l'une ou l'autre partie, est restéeen vigueurjusqu'au
3 octobre 1951 et a régi lesrelations du Royaume-Uni et de I'lslande en
matière de pêchejusqu'à cette date. Entre-temps, la personnalité interna-
tionale de l'Islande étaitde plus en plus largement reconnue et l'Islande a
eu sa propre représei~tationà la conférence de La Haye réunie en 1930

pour codifier notamment le droit en matière d'eaux territoriales. A cette
conférence, le représentant de l'Islande a préconiséune limite de 4 milles
pour l'Islande, affirmant que cette limite avait un fondement historique et
qu'elle constituait (culnelimite équitable, à'condition qu'il soit possible de
posséderune réglementation sur la protection des pêcheriesdans certains
territoires en dehors des eaux territoriales)). Comme la conférence n'a pas

réussi à s'entendre s,ur la largeur de la mer territoriale, les navires de
pêchebritanniques ont poursuivi leur activité dans les eaux avoisinant
l'lslande jusqu'à la limite des 3 milles fixéedans la convention de 1901,
activité qui a étécependant très réduitependant la guerre de 1939-1945et
immédiatement après celle-ci.
4. La fin de la seconde guerre mondiale a marqué néanmoins un tour-

nant dans l'histoire clespêcheries islandaises.Le 17 juin 1944 1'Althing a
proclamé la République d'Islande et l'Islande a pleinement accédéà I'in-
dépendance. L'année suivante, le président Truman a publié, le 28 sep-
tembre 1945,deux proclamations qui revendiquaient pour les Etats-Unis
d'Amérique, d'une part la compétence sur les ressources naturelles du

sous-sol et du lit de I,amer du plateau continental contigu aux Etats-Unis
et d'autre part le droit de créer, soit indépendamment soit de concert
avec d'autres Etats .intéressés,des zones de conservation des pêcheries
dans des régionsde la haute mer contiguës aux côtes des Etats-Unis. Les
nouvelles doctrines avancées dans ces proclamations, et notamment le
fait que l'on s'y référaitau plateau continental en tant que notion juri-

dique, ont suscité nombre de revendications maritimes nouvelles dans
différents pays, y coinpris l'Islande, dont la population s'inquiétait déjà
de l'activitédes navires de pêcheétrangersjusqu'à 3 milles de sescôtes.
5. C'est dans ces conditions que I'Althing a adopté en 1948 une loi in-
titulée((Loi concernant la conservation scientifique des pêcheriesdu pla- COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 107

teau continental », qui contenait notamment les dispositions suivantes:

cArticle premier. Le ministère des Pêcheriesétablira par voie de
règlement, dans leslimites du plateau continental islandais, des zones
de conservation définiesdans lesquelles les pêcheriesseront intégra-
lement réglementéeset contrôlées par l'Islande, étant entendu toute-

fois que les mesures de conservation actuellement en vigueur ne
seront en aucune façon réduites. Le ministère prendra en outre les
règlements nécessaires afinde protéger les lieux de pêcheà l'intérieur
desdites zones...
Article2. Les règlementspris en vertu de l'article premier de la pré-

sente loi ne seront mis en application quedans la mesure compatible
avec les accords avec d'autres pays auxquels l'Islande est ou pourrait
devenir partie. ))

Si ces dispositions s'inspiraient peut-êtreen partie des deux proclama-
tionsdes Etats-Unis, elles ne reposaient pas sur le mêmeprincipe. Dans la
proclamation du présidentTruman concernant le plateau continental, les
Etats-Unis ne prétendaient exercer leurjuridiction et leur contrôle que sur
les ressources naturelles du sous-sol et du lit de la mer du plateau conti-

nental, déclarant expressément que le caractère de mer libre des eaux
situéesau-dessus du plateau continental n'en était nullement affecté. En
revanche, dans sa loi de 1948, l'Islande revendiquait le droit de créerdes
zones de coriservatioil des vêcheriesdans les eaux de la haute mer situées
au-dessus de son plaiteau continental et prétendait y exercer une juridic-
tion etun contrôle dt: nature exclusive. En fait, ce n'est qu'en 1969et par

une loi tout à fait distincte que l'Islande a proclamé ses droits souverains
sur les ressources riaturelles du plateau continental proprement dit
(United Nations Legislutive Series, STILEGISER.BjI5, p. 364). On peut
noter aussi que la proclamation du président Truman sur les pêcheries,
par contraste avec la loi islandaise de 1948,ne se rattachait pas au plateau
continental et prévoyait expressément que d'autres Etats participeraient

aux mesures de conservation.
6. Au surplus, l'exposédes motifs qui accompagnait la loi de 1948in-
diquait clairement que, quoique présentéeessentiellement comme une
mesure de conservation, la loi visait à habiliter le ministère des Pêcheriesà
élargir la juridiction ,del'Islande sur les pêcheriesdans les zones situées

au-dessus du plateau continental lorsqu'il le jugerait approprié (United
Nations Legis1crtii.eSeries, ST/LEGiSER.B/6, p. 514-515). Or l'année
suivante, le 3 octobre 1949, leGouvernement islandais a notifiéson inten-
tion de dénoncer la Convention anglo-danoise de 1901, si bien que celle-
ci, conforménient à ses dispositions, a cesséd'être envigueur deux ans
plus tard, soit le 3 octobre 1951. Entre-temps, pendant l'affaire des

Pêcheriesentre le Royaume-Uni et la Norvège, le Royaume-Uni avait
reconnu la prétention historique de la Norvège à une mer territoriale de
4 milles et la Cour elle-mêmeavait confirmé la validité du système de
lignes de base droites que la Norvège appliquait le long des baies et des
îlots au large de ses côtes(C.I.J.Recueil 1951,p. 126et 132-139).Connais-sant sansaucundoute cetteévolution, l'Islande a informé le Royaume-Uni
au début de 1952 de son intention d'adopter une nouvelle réglementation
de la pêche,conforniément à la loi de 1948; le 9 mars de la mêmeannée,

elle a promulgué un règlement qui prévoyait une zone de pêchedont la
limite extérieure était constituée par une ligne tracée à 4 milles au large
des lignes de base d.roites joignant les points extrêmes des côtes, îles et
rochers, et les points situésà l'ouverture des baies, avec pour effet d'inter-
dire toute pêche auxnavires étrangersdans cette zone.
7. Le règlement sur la pêcheadopté par l'Islande en 1952a soulevéles

protestations du Royaume-Uni contre la prétention de l'Islande à une
limite de 4 milles et contre certaines des lignes de base droites, dont la
compatibilité avec les principes énoncéspar la Cour dans l'affaire des
Pêcherieslui paraissait douteuse. L'industrie britannique de la pêchea
réagiaussi contre ce nouveau règlement en essayant d'empêcher les na-

vires islandais de décharger leurs prises au Royaume-Uni. Après l'échec
de plusieurs tentatives visant à résoudre ce différend, un modus vivendi a
étéréaliséen 1956, sous les auspices de l'organisation européenne de
coopération écononlique. En vertu de cet accord, l'Islande ne devait
procéder à aucun élargissementdesa zone de pêcheavant que l'Assemblée
générale desNations Unies n'examine le rapport de la Commission du

droit international sur le droit de la mer. Les débats de l'Assemblée
généraleont abouti à la convocation, à Genève, en 1958, de la première
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.
8. Bien que la conférence ait réussià adopter quatre grandes conven-
tions sur le droit de: la mer, elle n'a pu parvenir à un accord ni sur la
largeur de la mer territoriale ni sur l'étendue desdroits de pêche exclusifs

des Etats. Elle a dii se borner à recommander la convocation d'une
deuxième Conférence sur le droit de la mer qui devait êtrespécialement
chargéed'essayer de résoudre ces questions. Il n'en reste pas moins que la
Conférence de Genève de 1958 n'a pas été sansincidences sur les limites
de pêchede l'Islande. Ainsi, aux termes de l'article premier et de l'article 2
de la Convention surla haute mer, la conférence a admis que la haute mer

comprend ((toutes les parties de la mer n'appartenant pas à la mer ter-
ritoriale ou aux eaux intérieures d'un Etat )),et que la liberté de la haute
mer comporte ((notamment,pour les Etats riverains ou non de la mer ...
la liberté de la pêcheD:.Selon les deux premiers articles de la Convention
sur le plateau continental, la conférence a en outre reconnu que les droits

d'un Etat riverain sur son plateau continental adjacent ne concernent
que les ressources naturelles du lit de la mer et du sous-sol, ainsi que les
organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, et que ces
droits de 1'Etat riverain ((ne portent pas atteinte au régimedes eaux sur-
jacentes en tant que haute mer ». Il est manifeste que le droit revendiqué
par l'Islande dans sa loi de 1948 d'établir sajuridiction sur les pêcheries

dans les eaux situéesau-dessus de l'ensemble de son plateau continental
ne trouve aucune jutification dans ces dispositions des Conventions sur
la haute mer et sur le plateau continental adoptées par la Conférence de
Genève de 1958. (.O\!P~TENCE PÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 109

I)L.iiiCiiic.1iiConvention sur la pêcheet la conservation des res-
\I~LIILL t.\ic~logicluedse la haute mer envisage autrement que la loi de 1948

1.1i1i1~.\11~iic la conservation des ressources halieutiques en dehors de la
iiic.icsriioriale. La conférencede Genève, qui reflète davantage la doc-
IIiiic cloriis'inhpirela.proclamation du présidentTruman sur les pêcheries
Icicoriccption de la loi islandaise, reconnaît que ((tout Etat riverain a
LIIIiriiCrct spécial au maintien de la productivité des ressources biolo-

giclue.rdiiris toute pa.rtiede la haute mer adjacente à sa mer territoriale)),
rii,iin'attribue aux Etats riverains aucune compétence exclusive au-delà
de leur iller territoriale. Au lieu de cela, elle impose aux Etats non riverains
l'obligation généraled'engager des négociations avec 1'Etat riverain, à la

dciiiaride de ce dernier, ((en vue de prendre, d'un commun accord, les
iiicsures nécessairespour la conservation des ressources biologiques de la
Iiiiutc mer dans cette région))(les italiques sont de nous). Certes, si ces
iiCgociations étaient engagéesà la demanded'un Etat riverain et n'abou-
tissaient pas à un accord dans un délaide six mois, la convention habilite

I'Ltat riverain à adopter unilatéralement des mesures de conservation,
niais uniquement dans des conditions très précises et en attendant le
rcglement de tout ditrérendconcernant leur validité par une commission
spéciale. Ainsi,dans cette convention, la conférencede 1958a prévuque la

conservation des pêcheriessituéesen dehors de la mer territoriale relève
essentiellement d'un accord entre 1'Etat riverain et tous les autres Etats
intéresséset que, eri cas de désaccord, cette question doit faire l'objet
d'une décision par une commision indépendante. En conséquence, la loi
islandaise de 1948ne pourrait pas non plus trouver sa justification dansla

Convention sur la ptche et la conservation des ressources biologiques de
la haute mer.
10. Dans la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë, la
conférence de 1958 a fixéles règles appljcables à la détermination des

lignes de base permettant de délimiter la largeur de la mer territoriale et
elle a repris, avec de:légèresmodifications, le système des lignes de base
droites consacré par la Cour dans l'affaire des Pêcheries . lle a aussi re-
connu qu'un Etat riverain a pleine souveraineté sur sa mer territoriale et
possède donc implicitement des droits de pêcheexclusifs dans cette zone.

La conférence n'a pli aboutir à un accord sur la largeur de la mer territo-
riale, mais en disposant que la zone contiguë ne peut s'étendre au-delà de
12 milles à partir de:la ligne de base, elle implique à fortiori que la mer
territoriale ne peut pas dépasser cette limite. Il s'ensuit que cette conven-
tion, pas plus que les autres conventions adoptées à la conférence de

1958, ne donne à I'lslande une base juridique sur laquelle appuyer la pré-
tention qu'elle a énoncéedans sa loi de 1948en ce qui concerne les pêche-
ries du plateau continental.
II. II y a lieu de relever deux autres faits nouveaux survenus au cours

de la conférence de 1958 car ils ont contribué à orienter l'évolution du
présentdifférend. On constate en premier lieu qu'est apparue lors de cette
conférence la notiori de situation préférentielled'un Etat riverain dont la
population est spécialementtributaire de ses pêcheries côtières.Comme le

110rappelle le paragraphe 56 de l'arrêt, uneproposition islandaise concréti-
sant cette notion n'a pas obtenu la majorité nécessaire,mais la conférence
a adopté une résolution visant ((la situation des pays ou territoires dont la
population est essentiellement tributaire des pêcheriescôtières pour sa
subsistance ou son développement économique)). Cette résolution inti-

tulée ctRésolution sur les situations spéciales touchant les pêcheries
côtières))reconnaissait que ((ces situations exigent des mesures exception-
nelles adaptées aux nécessitésparticulières)) et formulait les recommanda-
tions qui sont mentionnées dans ce paragraphe de l'arrêt.Dans le cas de
ces ((situations spéciales)), la résolution préconisait en fait que,orsqu'il
devient nécessaire de limiter les prises, dans l'intérêt dela conservation,

les Etats non riverains collaborent avec 1'Etat riverain pour établir d'un
commun accord des mesures de conservation qui reconnaissent les
besoins prioritaires de I'Etat riverain résultant de sa dépendance à l'égard
de la pêcherie encause. Ainsi, mêmedans le cas d'un Etat qui est particu-
lièrement tributaire de ses pêcheriescôtières, comme l'Islande, la résolu-
tion ne prévoyait pas que 1'Etat riverain puisse s'arroger unilatéralement
des droits exclusifs. En revanche, elle envisageait clairement que les

Etats riverains devraient bénéficierd'une certaine priorité dans I'exploi-
tation des pêcheries situéesdans des zones adjacentes à la haute mer.
12. L'autre fait nouveau survenu au cours de la conférence de 1958qui
mérite d'êtrerelevé est celui-ci: l'idée d'une zone contiguë de pêche
exclusive a été lancée par le Canada d'abord, par les Etats-Unis ensuite,
comme offrant un compromis possible entre ceux qui préconisaient une

mer territoriale de 3 milles et ceux qui estimaient que 1'Etat riverain
devait êtrelibre de fixer la largeur de sa mer territoriale jusqu'à 12milles.
A la conférence, la formule de compromis qui a reçu le plus large appui a
étécelle des Etats-Unis qui prévoyait une mer territoriale de 6 milles,
plus une zone contig,uë de pêche exclusivelarge de 6 milles, la condition
étant poséeque les ressortissants des Etats qui avaient régulièrementpra-

tiquéla pêchedans la zone contiguë pendant les cinq dernières annéesau-
raient le droit d'y poursuivre leur activité. Mais la proposition des Etats-
Unis n'a pas recueilli la majorité nécessaire des deux tiers des voix et,
comme je l'ai déjàsignalé plus haut, la conférence n'a pu parvenir à un
accord ni sur la largeur de la mer territoriale ni sur l'étenduede droits de
pêche exclusifs desE:tats.

13. Peu après la conférence, comme l'indique l'arrêt,l'Islande a an-
noncé son intention de réserver exclusivement aux pêcheurs islandais le
droit de pêcherdans une zone s'étendant jusqu'à 12 milles des lignes de
base et d'élargir aussi sazone de pêche exclusive enmodifiant ces lignes
de base; elle a donné effet à cette intention en promulguant le 30juin 1958
un nouveau ((Règlement relatif aux limites de pêcheau large de 1'1s-

lande)). L'article premier de ce règlement portait la limite de pêcheau
large de l'Islande à 12 milles à partir de nouvelles lignes de base et I'ar-
ticle 2interdisait toute pêcheaux navires étrangersàl'intérieur decettenou-
velle limite. Ce règlement précisait expressément qu'ilétaitpromulgué en
vertu des pouvoirs conféréspar I'Althing au ministère des Pêcheriesdans

111 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 111

la loi de 1948 ((concernant la conservation scientifique des pêcheriesdu

plateau continental D. 11 paraissait toutefois s'inspirer directement de la
tendance qui s'était manifestéeà la conférence de 1958 et qui était de
reconnaître une zone contiguë de pêche exclusivejusqu'à 12 milles à titre
decompromis en vue de résoudreles divergences concernant la largeur de

la mer territoriale.
14. La validitéde cenouveau règlement a été immédiatementcontestée
par le Royaume-Uni et diverses tentatives ont étéfaites pour régler le
différendqui en est résultépar voie de négociations; celles-ci n'ont toute-
fois pas permis d'aboutir à une solution avant la deuxième Conférence des

Nations Unies sur le droit de la mer qui s'est ouverte en mars 1960.
Pendant que se déroulaient ces négociations, le 5 mai 1959, 1'Althing a
adopté une résolution qui mérite d'être mentionnée ici car elle est devenue
par la suite un élémentde l'échangede notes de 1961. Cette résolution

disposait notamment:
((I'Althing proclame qu'il considère que l'Islande a incontesta-

blement le droit de fixer les limites des pêcheriesà une distance de
12 milles, que Ifedroit de l'Islande sur toute la zone du plateau conti-
nental doit être reconnuconformémentà lapolitique consacrée par la loi
de 1948concernant laconserr~ationscientifique despêcheriesduplateau
continental, et qu'il n'est pas question de fixer les limites des pêche-

ries à une distance de moins de 12 milles des lignes de base tracées
autour de I'Islainde))(les italiques sont de nous).

L'Althing a donc clairement indiqué que le règlement de 1958 par lequel
l'Islande revendiquait une limite de pêchede 12milles n'impliquait aucu-
nement de la part de I'lslande une modification de son objectif qui était
d'étendre sa zone di: pêche exclusive à ((toute la zone du plateau conti-

nental )).
15. Dans la périoldequi s'est écouléeentre les conférencesde 1958et de
1960, une Convention sur la conservation des pêcheriesa étéconclue
entre les quatorze Etats qu'intéressent les pêcheriesde l'Atlantique du
nord-est. II s'agit de la Convention du 24janvier 1959sur les pêcheriesde

l'Atlantique du nord-est qui concerne notamment la zone islandaise, et à
laquelle l'Islande et le Royaume-Uni sont parties 1.Cette convention crée
pour la zone de 1'A.tlantique du nord-est un régime de conservation et
d'exploitation des pecheries, mis en Œuvrepar une commission des pêche-

ries ainsi que par des comités régionaux, analogue au régimeétabli une
dizaine d'annéesauparavant pour l'Atlantique du nord-ouest, en vertu de
la Convention du 8 février 1949 pour les pêcheriesde l'Atlantique Nord-
Ouest. La Convention de 1959doit s'appliquer à toutes les eaux situéesà
l'intérieur de la zone de l'Atlantique du nord-est, mais l'article 2 stipule:

((Aucune disposition de la présente convention ne doit être interprétée

1 De même quela Rkpubliquefédérald e'Allemagne, qui est 1'Etatdemandeur dans
l'autre affairerelatàvla Compétenceen matière de pêcheriesdont la Cour est actuel-
lement saisie.comme portant atteinte aux droits, revendications ou points de vue de
tout Etat contractarit concernant l'étendue de la compétence en matière
de pêcheries.))
16. La deuxième Conférence sur le droit de la mer, qui a eu lieu à
Genève en mars et avril 1960,n'a pas permis d'aboutir à un accord sur les
deux questions, devenuesjumelles, de la largeur de la mer territoriale et de

la limite de la zone de pêche exclusive.Au cours de cette conférence, I'at-
tention des participants s'est de nouveau essentiellement portée sur la
possibilité de régler ces questions sur la base d'une mer territoriale de
6 milles, plus unezone contiguë de pêche exclusivede 6 milles, sous réserve
d'une courte période:d'adaptation pour les Etats qui pêchent déjàà I'in-
térieur de la zone de pêchecontiguë de 6 milles. Au reste, c'est une pro-
position commune faite en ce sens par les Etats-Unis et le Canada, qui

prévoyait une période d'adaptation de dix ans et des droits de pêche
préférentielsen faveur de 1'Etatriverain se trouvant dans une situation de
dépendance spéciale à l'égard des pêcheriesadjacentes à son territoire,
dont le paragraphe 52 de l'arrêt indiquequ'elle n'a pas étéadoptée à une
voix près.

*
* *

17. Entre-temps, le différendentre le Royaume-Uni et l'Islande concer-
nant à la fois la limite des 12 milles et les nouvelles lignes de base pro-
mulguées dans le règlement de 1958 n'étaittoujours pas vidéet les deux
pays ont entamé le le=octobre 1960 une série de négociations qui ont
duréjusqu'à la fin de l'année, en vuede parvenir à une solution. Ces négo-

ciations, comme il fallait s'y attendre, ont étémenées par les parties
compte tenu non seulement des antécédentsdu différend mais aussi de la
vaste révision du droit de la mer qui venait de s'opérer aux première et
deuxièmeConférencesde Genève sur le droit de la mer.
18. Aussi, à la première réunion qui s'est tenue le ler octobre 1960, le
représentant de l'Islande a-t-il rappelé l'opinion exprimée par son pays
pendant ces conférences. II a soulignéque l'Islande se trouvait dans une

position exceptionnelle du fait que sa population était entièrement tribu-
taire de ses pêcherie:;côtières, qu'il étaitessentiel pour elle de protéger ses
pêcheriescôtières, qu'elle n'estimait pas que des mesures de conserva-
tion seraient suffisarites et que sa politique consistait donc à s'assurer une
juridiction exclusive ((conformément au droit international )).Il a aussi
rappelé qu'une soluition 6 + 6, avec une périoded'adaptation de dix ans,
avait presque été acceptéeà la deuxième conférence. II a en outre déclaré

que deux propositions déposées par la délégation islandaise avaient
recueilli un appui considérable, à savoir que les pays se trouvant dans une
situation spécialedevraient bénéficierd'un traitement préférentiel même
au-delà de 12 milles, et qu'une période transitoire ne devrait pas s'appli-
querdans le cas des pays placésdans une situation spéciale.
19. Le représentant du Royaume-Uni, dans sa déclaration liminaire, a
aussi rappelé la proposition de compromis formulée par les Etats-Unis

113 et le Canada et visant à instaurer une limite de pêchede 12 milles, sous
réserve d'une période de transition de dix ans pour les Etats qui prati-
quent déjàla pêcheentre les limites de 6 et 12milles. II a fait observer que
le Royaume-Uni et la Norvège venaient de conclure un accord bilatéral
reposant sur cette piroposition de compromis et applicable sous réserve

d'une période de transition de dix ans pour les navires de pêche du
Royaume-Uni. En miême temps, le Royaume-Uni a réaffirméqu'il recon-
naissait la situation spéciale de l'lslande en tant que pays dont l'écono-
mie dépend essentiellement de la pêcheet admis que la formule proposée
par les Etats-Unis et le Canada devrait,pour cette raison, êtremodifiéede
façon à tenir compte de ce facteur. II a suggéréque cette modification

consiste à ramener de dix à cinq ans la période transitoire prévuepour les
navires de pêchedu Royaume-Uni.
20. Les négociatio,nsse sont poursuivies et les deux parties ont présenté
des propositions et descontrepropositions. Les représentants de l'Islande
ont vivement insistépour que certaines régions, même au-delà de la limite
des 12milles, soient réservéesaux pêcheurs islandais, ce qui étaitessentiel
à leur avis pour résoudre le problème des régions où la pêcheétait inten-

sive. La délégationdu Royaume-Uni a contesté cette opinion avec une
égale vigueur et fait valoir que, compte tenu des données scientifiques
disponibles au sujet des pêcheries, des raisons de conservation ne jus-
tifieraient pas que des zones soient réservéesen dehors de la limite des
12milles. Elle n'en a pas moins oftèrt d'examiner avec la délégation islan-
daise toute proposition concernant l'adoption de mesures de conservation

dans certaines régions ou de mesures de police propres à éviter des dif-
ficultés dans les zones où la pêche estplus intensive, mais elle a refusé
d'accepter 1:1demande de I'lslande tendant à ce que certaines zones lui
soient réservéesau-delà de la limite des 12milles.
21. Le compromis par lequel le diErend a étéfinalement réglédans
l'échange de notes de 1961 est énoncéau paragraphe 26 de l'arrêt.Pour

l'essentiel, les P~irtie:.sont convenues de réglerleur différend sur les bases
suivantes: une zone de pêchede 12milles autour de I'lslande: les lignes de
base définiesdans le règlement de 1958 sous réservede quatre modifica-
tions; une période transitoire de trois ans pendant laquelle les navires du
Royaume-LJni pourront pêcherentre 6 et 12 milles; interdiction aux na-
vires britanniques de pêcherdans sept secteurs déterminés situés entre
6 et 12 milles; une clause prévoyant l'éventualitéd'une nouvelle initiative

de I'lslande tendant à élargir sa juridiction sur les pêcheriesen applica-
tion de la résolution de I'Althing en date du 5 mai 1959. Ainsi, tout en
acceptant une nouvelle réduction de la période transitoire, ramenée de
cinq à trois ans, et tout en admettant des restrictions à l'intérieur de la
zone transitoire mêrriependant cette période, le Royaume-Uni n'a recon-
nu à I'lslande aucun droit de juridiction en dehors de la limite des 12

milles. Au contraire, il a subordonné son acceptation du règlement global
à l'acceptation par l'Islande elle-mêmed'une clause régissant la situation
entre les Parties au cas où l'lslande prendrait une nouvelle initiative pour
élargir sa juridiction en application de la résolution de I'Althing du5 mai 1959. Le Royaume-Uni a en outre souligné qu'il avait accepté le règle-
ment étantdonnéque la nation islandaise est exceptionnellement tributaire
despêcheries cotièrep sour sasubsistance et son développement économique.

22. Cela étant, qiielles qu'aient pu êtreles divergences entre les deux
pays au sujet de la règle de droit international général applicable, 1'1s-
lande et le Royaume-Unisont convenus en 1961que la limite des 12niilles
- seule limite de pêche qui ait été presque généralement acceptéà e
la Conférence de Genève de 1960 - devrait désormaisconstituer,pour ce
qui les concernait, la limite de la compétence islandaise en matière de

pêche.Ils ont en outre reconnu que cette limite des 12milles devrait rester
en vigueur entre eux jusqu'à ce qu'un élargissement de la juridiction de
l'Islande sur ses pêcheriesdevienne opposable au Royaume-Uni confor-
mémentà la dernière clause de l'échangede notes qui stipule:

((Le Gouverniement islandais continuera de s'employer à mettre en
Œuvre la résolution de 1'Althing en date du 5 mai 1959 relative à
l'élargissement'delajuridiction sur les pêcheriesautour de I'lslande,
mais notifiera six mois àl'avance au Gouvernement du Royaume-Uni
toute mesure en ce sens; au cas où surgirait un différenden la matière,

la question sera portée à la demande de l'une ou de l'autre partie,
devant la Cour internationale de Justice.»
Cette clause, comme la Cour l'a soulignédans son arrêtsur sa compé-
tence (C.I.J. Recueir'1973, p. 3), n'est pas une simple clause compromis-

soire subordonnée aux principales dispositions de l'accord. Il s'agit d'une
condition fondamentale du règlement par lequel l'Islande obtenait du
Royaume-Uni la reconnaissance de sa juridiction jusqu'à 12 milles, des
lignes de base élargies,une brèvepériode transitoire de trois ans et I'inter-
diction aux navires de pêchedu Royaume-Uni de pêcherdans sept sec-

teurs, même pendant la période transitoire.
23. Dans cet arrêt,la Cour a rappelél'origine de la clause compromis-
soire pendant les négociations qui ont abouti à la conclusion de l'échange
de notes de 1961 (par. 18) :

((11ressort des comptes rendus de ces négociations qui ont été
établiset portés à la connaissance de la Courpar le demandeur ainsi
que de certains documents échangésentre les deux gouvernements
que, dèsle 5octobre 1960,il apparaissait clairement que le Royaume-
Uni accepterait en principe le droit de I'lslande d'étendresa zone de
compétence exc:lusive sur les pêcheriesjusqu'à 12 milles à I'expira-

tion d'une période transitoire. Toutefois le Gouvernement du
Royaume-Uni désirait êtreassuré qu'il ne serait procédé, après
cela, en application de la résolution de I'Althing, à aucune nouvelle
extension de la compétence de l'Islande en matière de pêcheries
ayant pour effet d'exclure les navires britanniques, à moins qu'une
telle extension ne soit faite en conforn~itéavec le droit international.

Au cours des pourparlers qui se sont dérouléssur ce point, les deux
parties ont admis que les différends suscitéspar de nouvelles exten-
sionsdevraient i3tretranchéspar un tiers. » (Lesitaliques sont de nous.)Après avoir fait 1'h:istoriquede la rédaction de cette clause, la Cour a
conclu (par. 21-23):

((Le déroulernent des négociations révèledonc les intentions des
parties et explique en outre pourquoi il étaitprévuque le Gouverne-
ment islandais devrait donner au Gouvernment du Royaume-Uni un
préavis desix mois; en effet, le 2 décembre 1960,les représentants du
Royaume-Uniontdéclaréque les assurancesqu'ilscherchaient à obtenir
devraientnotamment spéciJierque, ((dansl'attente de ladécision dela
Cour, toute mesure prise pour donner efet à une telle règle ne appli-

querapas aux riaviresbritanniques)). Le ministre des Affaires étran-
gères d'Islande a répondu le mêmejour, suivant les documents
fournis, que l'aspect le plus difficile du problème des assurances
concernait les dispositions à prévoir pour garantir ((qu'en cas de
différendaucun,?mesure tendant à élargir leslimites depêchene serait
prise sans que10Cour internationaleensoit saisie».
L'idéed'un préavisde six mois à donner par l'Islande a étédiscu-
téepour la première fois le 3 décembre 1960 et reprise dans la for-

mule proposée le mêmejour par la délégation islandaise (voir ci-
dessus paragraphe 19). Les parties ont accepté cette obligation de
préavis. On peut supposer que, dans leur esprit, ce délai devait
suffire pour permettre de réglerla question par voie de négociations
ou, à défaut,pour saisirla Courdel'ensembleduproblème, y compris,
conformémentaux pouvoirs quelui reconnaît leStatut, leproblèmede
l'applicabilitéaux navires britanniques desmesures d'exclusion pen-
dente lit...

Cet historique renforce la thèse selon laquelle la Cour est compé-
tente en l'espèce et fait ressortir quI'intention i~éritabees parties
était de donner au Gouvernement duRoyaume-Uni des assurances
réellesqui constituaient une conditionsine qua non et non pas sim-
plement une condition dissociable dle'ensemblede l'accord, et consis-
taient dans le droit de contester devant la Cour la valadité de tout
nouvel élargissement de la compétence de l'Islande en matière de
pêcheriesdans les eaux recouvrant son plateau continental au-delà

de la limite des 12milles» (Les italiques sont de nous.)
Cette interprétation de la clause compromissoire, que je partage, est
largement justifiée par le contexte dans lequel la clause a été acceptée
dans le règlement que consacre l'échange de notes de 1961 et par les

comptes rendus des négociations.
24. Il s'ensuit qu'à mon avis, aux termes mêmesde l'échangede notes
de 1961, tout nouvlrl élargissement par l'lslande de sa juridiction sur les
pêcheriesau-delà de la limite de 12 milles convenue dans ce traité n'est
pas opposable au Royaume-Uni si cet élargissement n'est pas conforme
aux conditions définiesdans la clause compromissoire. 25. Les principau:~ faits relatifs à la décision prise ultérieurement par
l'Islande d'élargir sa compétence sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles sont
résumésaux paragraphes 27 à 34 de l'arrêt. Lorsque l'Islande a fait
connaître publiquement son intention de porter les limites de sa zone de
pêcheà 50 milles à partir de ses lignes de base, elle a en mêmetemps an-

noncéqu'elle considiirait I'échangede notes de 1961comme (caduc )>.Le
Royaume-Uni ayant objecté qu'il considérait que l'élargissement de la
limite de pêche à laquelle l'Islande se proposait de procéder n'avait
aucun fondement en droit international et lui ayant rappelé la clause
compromissoire de I'échangede notes de 1961, l'Islande a répétéqu'elle
estimait que la clause compromissoire n'était plusen vigueur. De même

lorsque, dans un aide-mémoire du 24 février 1972, l'Islande a fait con-
naître officiellemenl: au Royaume-Uni son intention de procéder à
l'élargissement de se:slimites de pêchele ler septembre suivant au plus
tard, elle a réaffirmiique les dispositions de I'échangede notes ne sont
((plus applicables» et sont ((donc devenues caduques ».Lorsque le 14avril

1972 le Royaume-Uni a déposé une requête portant la présente af-
faire devant la Cour, l'Islande a de nouveau fait savoir à la Cour, dans
une lettre du 29 mai 1972, que l'accord du 11 mars 1961 n'avait pas un
caractère permanent., qu'il avait entièrement atteint son but et son objet,
qu'il n'était plusapplicable et qu'il avait pris fin; qu'à la date du 14avril
1972 la Cour ne pouvait trouver dans son Statut aucun fondement pour

l'exercice de sa compétence en l'affaire; et que l'Islande n'était pas dis-
poséeà attribuer compétence à la Cour et ne désignerait pas d'agent. En
outre, alors que la Cour ne s'étaitpas encore prononcée sur sa compé-
tence, l'Islande a promulgué le 14juillet 1972un nouveau règlement qui
portait ses limites de pêcheà 50 milles à compter du 1.1 septembre

suivant.
26. Lorsque à la suite de la promulgation de ce nouveau règlement le
Royaume-Uni a déposé une demande en indication de mesures conserva-
toires, l'Islande a réaffirmédans un télégrammequ'elle a adressé à la
Cour le 29juillet 19'72que la Cour n'étaitpas fondée à exercer sa compé-

tente en l'espèceet la demande en indication de mesures conserva-
toires étaitégalementsans fondement et elle n'a pas pris part à l'instance.
Le 17août 1972la Cour a rendu une ordonnance en indication de mesures
conservatoires où elle indiquait notamment qu'en attendant son arrêt
définitif en l'affaire l'Islande devait s'abstenir de toute mesure visant à
appliquer le règlement du 14juillet 1972 à l'encontre des navires imma-

triculés au Royaume-Uni et pêchantdans les eaux environnant l'Islande
au-delà de la zone de pêche de 12 milles. Malgré I'ordonnance de la
Cour, l'Islande a commencéàappliquer le nouveau règlement à l'encontre
des navires du Royaume-Uni dès son entrée en vigueur le lerseptembre
1972. Dans une note du 28 août 1972adresséeau Royaume-Uni, l'Islande

a expliqué qu'elle ne considérait pas I'ordonnance comme ayant un effet
obligatoire à son kgard puisque ((la Cour n'était pas compétente en
l'espèce)).
27. Aussi longtemps que la prétention de l'Islande suivant laquelleI'échangede notes de 1961 n'était plus applicable entre I'Islande et le

Royaume-Uni n'avait pas fait l'objet d'une décision, il pouvait peut-être
subsister un doute siurle point de savoir si la mise en Œuvre par l'Islande
de ce nouveau règlement à l'encontre du Royaume-Uni violait cet
accord. Dans son arrêtdu 2 février 1973, la Cour a rejeté I'une après
I'autre toutes les objections soulevéespar I'Islande contre l'application de
I'échangede notes de 1961 au présent différendet s'est déclaréecompé-

tente pour statuer sur le fond. Cet arrêt, comme I'Islande ne saurait
l'ignorer, a un effet obligatoirà son égarden vertu de l'article 36, para-
graphe 6, du Statut de la Cour et a autorité de chose jugéeaux fins de la
présente espèce. Pourtant, même aprèsque la Cour eut rendu cet arrêt,
l'Islande a poursuivi ses efforts en vue d'appliquer la nouvelle limite des
50 milles à I'encont.re des navires britanniques et elle a continué, ainsi

qu'il ressort du télégramme adresséà la Cour le 14janvier 1974,de nier la
compétencede la Courpour connaître du différend. Quellesque soient les
considérations qui ont amené l'Islande à écarter les obligations que la
clause compromissoire de l'échange de notes de 1961 lui imposait, on
peut déduire nettement de l'arrêtde la Cour du 2 février1973 que sa ten-
tative pour révoquerlesassurances qu'elle avait donnéesau Royaume-Uni

dans cet accord manquait de toute justification juridique.

28. Le rejet par l'Islande des assurances qu'elle avait fournies dans

I'échangede notes die 1961a un caractère global sur lequel il est inutile de
s'étendre vu les faits relatés précédemment.En niant que la Cour soit
compétente pour statuer sur le différend relatif à l'élargissement de ses
limites de pêche, endéniant à la Cour le pouvoir d'indiquer des mesures
conservatoires et en faisant fi de l'ordonnance de la Cour tendant à ce
qu'elle s'abstiennede prendre des mesures pendant l'instance pour mettre

en Œuvre cet élargissementà l'encontre des navires britanniques, l'Islande
a, de fait, reniéles assurances qu'elle avait données en 1961et tentéd'im-
poser le nouvel élargissement au Royaume-Uni par un acte unilatéral. II
s'ensuit que I'exterision par l'Islande de sa compétence en matière de
pêcheries,promulguée en 1972, ne satisfait pas aux conditions définies
par la clause compromissoire de l'échangede notes de 1961.Il s'ensuit de

plus, à mon avis, q,ue cette extension n'est pas opposable au Royaume-
Uni dans la préseniteinstance.
29. 11est vrai que la clause compromissoire avait pour objet d'habiliter
I'une ou l'autre partie, et plus spécialement le Royaume-Uni, à soumettre
à la décisionde la Cour la question de la validitéde toute nouvelle exten-
sion de la compétencede l'Islande en matière de pêcheries,et que, comme

il ressort des comptes rendus des négociations, la clause prévoyait la
possibilité d'une évolution future du droit international maritime. 11est
non moins vrai que le Royaume-Uni a invoqué la clause, qu'il a demandé
que la nullité du nouvel élargissement soit prononcée en vertu du droitinternational de la mer et que la Cour s'est déclaréecompétente pour
statuer sur le fond. Cependant, à mon avis, le rejet par l'Islande de la
clause compromissoire et des assurances qu'elle avait ainsi données

dans l'échangede niotes de 1961 constitue une cause initiale et détermi-
nante de la nullité de l'extension vis-à-vis du Royaume-Uni. Statuer
autrement serait permettre à I'lslande de tirer profit de sa propre faute en
laissant la question1 du défaut de validité en suspens devant la Cour.
D'autre part, en donnant effet à cette cause initiale de nullité,qui résulte
des principes généraux du droit international, la Cour atteindrait aussi

sûrement le but de la clause compromissoire qu'en statuant sur la validité
de l'élargissement de la zone de pêchedu point de vue du droit interna-
tional maritime.
30. En conséquence, il serait, me semble-t-il, inexact d'estimer que le
refus total de l'Islande de se soumettre à la compétence de la Cour a pour
seul effet de l'exposer à une décisionpar défauten vertu de l'article 53 du

Statut. Attribuer uri effet aussi limitéà ce refus serait, je pense, incompa-
tible avec l'objet dt: la clause compromissoire ou avec ce qu'a décidé la
Cour quand elle a jugé que les assurances données au Royaume-Uni par
cette clause constituaient non pas simplement une ((condition dissociable )),
mais (tune condition sine qua non ...de l'ensemble de l'accord)). La
clause compromissoire - cela résulte de cette constatation - fait partie

intégrante du droit applicable, dans les rapports de l'Islande et du
Royaume-Uni, à l'extension de la compétence islandaise en matière de
pêcherieset, à ce titre, elle fait aussi partie du droit que la Cour doit
appliquer pour statuersur la validitéd'une telle extension.
31. Le rejet total par l'Islande des assurances qu'elle a données dans
l'échangede notes de 1961 constitue donc, à mon avis, un motif supplé-

mentaire et tout à fait essentiel de décider que l'élargissement par 1'1s-
lande de sa compétence en matière de pêcheries en 1972 n'est pas op-
posable au Royaume-Uni dans la présenteinstance. Cela seul suffirait, je
pense, pour justifier la Cour à accueillir les deuxième et troisième conclu-
sions du Royaume-Uni. A la différence de la première conclusion, qui

demande à la Cour de déclarer que l'extension est sans fondement en
droit international et nulle erga omnes, ces deux conclusions contestent
expressément le droit de l'Islande de revendiquer une compétence exclu-
sive en matière de pêcheriesà l'encontre du Royaume-Uni au-delà des
limites convenuesdons l'échange denotes de 1961.A l'audience publique du
29 mars 1974,en réponse à une question poséepar un membre de la Cour,

le conseil du Royaume-Uni a expliquéque les trois premières conclusions
britanniques ne sont pas à ce point interdépendantes que la deuxième et la
troisième ne puissent êtreisoléesde la première et qu'il est donc loisible à
la Cour de statuer sur les deuxième et troisième conclusions sans statiier
sur la première. L,e conseil ne semble pas avoir voulu modifier cette
déclaration quand ila ajouté: ((étantévidemment entendu et acceptéque

les conclusions b) et c) sont fondées sur le droit international général
et, bien sûr, ne concernent pas uniquement les effets de l'échange de
notes)). Le droit international général estassurément un élémentdesdeuxièmeet troisiènneconclusions, car le Royaume-Uni soutient que la
limite de 12 milles convenue en 1961est en mêmetemps la limite géné-
ralement acceptéepour la compétenceexclusive en matière de pêcheries.
Mais ces conclusions se distinguent de la première en ce qu'elles se
fondent expressémentsur l'accord conclu entre les Parties dans l'échange
de notes de 1961 ail sujet d'une limite de pêchede 12 milles autour de
l'Islande.
32. J'estime donc qu'en plus des motifs énoncésdans l'arrêtle rejet,
par l'Islande, des obligations quilui incombent en vertu de l'échangede

notes de 1961 suffirait à lui seulà motiver les sous-paragraphes 1 et 2
du dispositif, qui ont pour effet d'accueillir les deuxième et troisième
conclusions finales du Royaume-Uni.

33. En ce qui co,ncerne la première conclusion, il résulte de ce qui
précèdeque, comme la Cour, je n'estime pas à strictement parler néces-
saire, aux fins du présent arrêt,de statuer sur la question posée, cellede
savoir si l'extension portant la limite de pêcheislandaiseà 50 milles est
sansfondement en droit international et n'est pas valable. Ainsi formulée,
cette conclusion semble demander à la Cour dejuger que l'élargissement
était ipsojure contraire au droit et donc nul erga omnes; une telle inter-
prétation est confirnnéepar ce qu'a déclaré le conseil du Royaume-Uni à
l'audience publique du 25 mars 1974,notamment quand il a dit: ((Cela

répond à la questioin de savoir si l'élargissementde la zone exclusive de
pêcheau-delà de l;! milles serait illicite; la réponse est)>.Bien que
j'estime que l'extension par l'Islande de sa zone de pêcheau-delà de la
limite de 12 milles fixéed'un commun accord en 1961 ne puisse être
opposable au Royaume-Uni ni en vertu du droit international général,
ni en vertu de l'échangede notes, j'hésiteraisdavantage à déclarer fondée
la proposition énoncéedans la premièreconclusion. La raison en est que
celle-ci ne me sembliepas définirla question dans les termes ou elle se
présentedans le droit international maritime d'aujourd'hui.
34. Après l'échecenregistré par la Conférence de codification de La
Haye de 1930dans ses tentatives pour érigerla limite de 3 milles en règle
universelle fixant obligatoirement la largeur de la mer territoriale, on s'est
demandé s'il existait une règlede droit international régissant lalargeur
de la mer territoriale et si oui en quoi elleconsistait. L'opinion dominante
a étéque, après l'échecde la conférence,on pouvait toujours considérer la
limite de 3 milles comme généralement reconnueet par suite comme ipso

jure valable et opposable a tout autre Etat mais que l'on ne pouvait plus
dire de toute prétmtion dépassant cette limite qu'elle était ipso jure
contraire audroit international et nulle ergaomnes;une telle revendication
serait ou non valable vis-à-vis d'un autre Etat selon que celui-ci l'aurait
acceptéeou y aurait acquiescé (voirG. Gidel, Droit international publicde
la mer, 1934,tome :3,p. 134-135). 35. Devuis 1930. un nombre considérable de nouvelles revendications
de compétence maritime ont étéformuléep sar des Etats riverains, portant
soit sur un élargissennentde la mer territoriale soit sur d'autres aspects de
la compétence maritime. A défautde règlegénérale clairement établie,le
problèmejuridique a continué à se poser du point de vue de l'opposabilité
de la prétention àtel ou tel autre Etat plutôt que du point de vue de la

légalitéou de l'illégalitéabsolue, envisagéerga omnes; autrement dit, il
s'est posédans la perspective de l'acceptation ou de l'acquiescement des
autres Etats. Lors des deux conférencesde Genèvesur ledroit de la mer de
1958et 1960, la limite des 12 milles a étéau premier plan des débats
consacréstant àla largeur de la mer territoriale qu'à l'étenduede la zone
de pêche exclusive,:maisces conférencesne l'ont adoptée ni d'un point
de vue, ni de l'autre. En matière de pêche,comme le paragraphe 52 de
l'arrêtl'indique, l'évolutiondu droit s'est poursuivie par la pratique des
Etats et le droit de pêche exclusifde1'Etat riverain dans une zone attei-
gnant 12milles àpairtirde ses lignes de base semble désormaisgénérale-
ment accepté.Des prétentions plus étendues ont été formulées par des
Etats pris individuellement et la troisième Conférencedes Nations Unies
sur le droit de la mer est déjàen cours. Cependant si certains Etats accep-

tent ces prétentions plus étendues, d'autres les rejettent et, au-delà de la
limite des 12 milles, il n'existe pas d'assentiment général; comme lefait
observer le paragraphe 53 de l'arrêt,la Cour ne saurait énoncerle droit
avant que le 1égislatr:url'ait édicté.L'élargissementde la compétenceen
matière de pêcherie:;au-delà de 12 milles n'est donc pas, à mon avis,
opposable à d'autres Etats, saufà établirque ceux-ci l'ont acceptéou y
ont acquiescé.
36. Dans la présenteaffaire, l'extension unilatéraleparl'Islande de sa
zone de pêche exclusive,qui a été portée de12 à 50 millesà compter du
le1 septembre 1972, a sucité des objections immédiates de la part du
Royaume-Uni. S'il fallait motiver l'arrêtde ce point de vue, j'estimerais
que la Cour est fondée à dire que l'élargissementpar l'Islande de sa com-
pétence enmatière depêcheriesau-delà de la limite de 12millesconvenue

dans l'échangede notes de 1961n'est pas opposable au Royaume-Uni en
vertu du droit international général.

37. L'arrêtsouligne I'obligation qu'a l'Islande de respecter les droits
existants du Royaume-Uni en matière de pêche, l'obligationqu'a le
Royaume-Uni, à son tour, de respecter les droits préférentielsde l'Islande
en tant qu7Etat riverain spécialementtributaire de la pêchedans les eaux
adjacentes àsescôte!;,I'obligation quien découlepour lesdeux pays d'en-
gager des négociationsdebonne foi pour aboutir à la solution équitablede
leurs divergences coincernant leurs droits de pêche respectifs, ainsique le

devoir qui leurincornbe d'examiner ensemble les mesures qu'imposent la
conservation, le développementet l'exploitation équitabledes ressources COMP'ETENCEPÊCHERIES(OP. IND. WALDOCK) 121

halieutiques dans les eaux contestées. S'agissant de cet aspect de l'affaire,

je n'ai que quelques observations à ajouter sur la question de la compé-
tence que possède la Cour en vertu de la clause compromissoire pour
statuer sur cesmatiè.res,question qui est exposéeaux paragraphes 43 à 48
de l'arrêt.Je souscris pleinement au raisonnement qui est exposédans ces
paragraphes et qui, à mon avis, est étayétant par les comptes rendus des

négociations qui orit abouti a la conclusion de l'accord consacré par
l'échangede notes die 1961 que par les pièces relatives au différend néde
l'élargissement par I'lslande de sa juridiction sur les pêcheriesjusqu'à
50 milles de ses côtes.
38. Si bref soit-il, l'exposédes négociations de 1960 que j'ai fait aux

paragraphes 18à 22 de la présente opinion suffit à montrer que les droits
préférentiels,les questions de conservation et les droits de pêchetradi-
tionnels du Royaumie-Uni faisaient bel et bien l'objet de divergences de
vues entre les parties au cours de ces négociations. Les déclaration limi-
naires des deux parties, faites leleroctobre 1960, ont fixéle cadre des né-

gociations et il est clair que, dès l'abord, I'l.slande a invoqué sa dépen-
dance exceptionnelli: à l'égardde ses pêcheriescôtières, ayant expressé-
ment rappelé qu'à la conférence de 1960 elle avait proposé que les pays
qui se trouvent dans des situations spéciales bénéficientd'un traitel?zent
prc;fi;rentiel tn&nlc>au-delà d12 milles.Le Royaume-Uni, de son côté, tout

en admettant que l'lslande pouvait prétendre êtreun pays danç une ((situa-
tion spéciale )),envisageait d'une tout autre manière le traitement préfé-
rentiel auquel I'lslaride avait droit en vertu de sa situation spéciale: il a
soutenu, en effet, que cela pouvait tout au plus autoriser l'Islande à ré-
duire la duréede la période de retrait progressif des navires britanniques.
Au cours des réunioi~squi ont suivi, la délégationislandaise a vigoureuse-

ment lutté pour obtenir que des zones situées au-delà de la limite des
12milles soient complètement réservéesaux pêcheursislandais; la preuve
en est qu'à la réunion du 5 octobre 1960 on a parlé de ces zones, disant
au'elles constitueraient une ceinture maritime ~lus ou moins continue
autour des côtes isl,andaises. La délégationislandaise a mêmedonné à

entendre. semble-t-ill.,a#e cela reviendrait c eut-être.en réalité.à établir
une nouvelle ceinture de 12 milles dont serait exclue toute activité de
pêchebritannique. La délégationdu Royaume-Uni a alors déclaréqu'un
tel arrangement ne pourrait êtrejustifiéni par des motifs de conservation
ni par des considéra.tionsd'ordre pratique liéesau caractère intensif de la

pêche.
39. Bref, tout au long des négociations, ont étéprésentésdes argu-
ments concernant le traitement préférentieldes zones réservéesau-delà
de la limite des 12 niilles, la conservation et la densité de la pêche. C'est
dans ce contexte et face aux pressions constamment exercéespar la délé-

gation islandaise pour obtenir des zones réservéesau-delà de la limite des
12milles, c'est compte tenu aussi de la politique déclaréede I'lslande de
s'employer à étendre sa compétence en matière de pêcheries à tout le
plateau continental, que la délégation du Royaume-Uni a soulevé la
question de l'obtention d'une garantie contre un nouvel élargissement dela juridiction de l'Islande sur les pêcheries,sauf en conformité du droit
international. De fait, lorsque la question de la garantie a étésoulevée
pour la première fois à la réunion du 5 octobre 1960,c'étaitdans le cadre

d'une discussion sur ce que serait la situation, à l'expiration de la période
transitoire, en ce qui concerne les zones réservéesau-delà de la limite des
12 milles que l'lslaride avait réclamées.
40. 11est vrai qulz la question de la garantie a très vite pris une large
place dans les entretiens et le Royaume-Uni a alors demandé des assu-

rances contre I'excliision de ses navires de toute zone situéeau-delà de la
limite des 12milles, sauf conformément à une règlegénéralementacceptée
du droit international. Selon d'autres formules, il s'agissait d'obtenir des
assurances contre toute extension des ((limitesde la zone de pêche ))islan-

daise, mais, dans la version finale, la demande était expriméeen termes
très généraux, savoir, ctl'élargissement de la juridiction sur les pêcheries
autour de l'lslande 1)et la garantie était liéeà la résolution de I'Althing du
5 mai 1959concernant la nolitiaue de l'Islande visant à obtenir la recon-

naissance de son ((droit ))sur tout le plateau continental. Cette résolution
étaitelle-mêmeliéeà la ((Loi concernant la conservation scientifique des
pêcheriesdu plateau continental ))que I'lslande avait adoptée en 1948et
qui, bien que présentéecomme une simple mesure de conservation, était

pour ainsi dire une ((loi d'habilitation ))puisqu'elle autorisait le ministère
des Pêcheries à élargirlajuridiction de l'lslande sur les pêcheriesdans des
zones situées au-dessus du plateau continental lorsqu'il le jugerait ap-
propriéetaux dates qu'il fixerait (voir les paragraphes 5et 6 ci-dessus).

41. 11est indubitable que l'objectif principal de l'Islande étaitd'étendre
ses droits exclusifs clepêcheà un nombre de plus en plus grand de zones
du plateau continental, mais je ne crois pas que l'on soit fondé à consi-
dérer que la loi de 1'348ou la résolution de 1'Althingde 1959,qui visaient
l'une et l'autre uniquement l'extension des limites de la zone de pêche

exclusive de l'lslande, étaient le moyen d'étendrela prétention de I'lslande
aux ressources halieutiques de tout le plateau continental. lndépendam-
ment du fait que la ((conservation )) est expressément indiquée comme
étant le motif de la loi de 1948, il résulteclairement non seulement des

actes des conférencesde 1958et de 1960mais aussi descomptes rendusdes
négociations de 1960 que l'Islande était prêteà faire appel à n'importe
quelle notion, en particulier àcelles de ((droits préférentiels ))etde ((zones
de conservation 1)nour favoriser la réalisation de ses obiectifs en matière
,.
de pêche.Cela étant, on interpréterait à mon avis de façon beaucoup trop
étroite la clause cornpromissoire si on voyait dans la référencequi y est
faite à la résolution de 1'Althing de 1959 une limitation de la compétence
de la Cour aux seuls différends qui pourraient surgir au sujet de I'élar-

gissement par l'Islande de sajuridiction sur les pêcheries.La clause com-
nromissoire elle-mêmementionne non Das l'extension des limites de la
zone de pêche, mais l'élargissementde la juridiction sur les pêcheries;
cette dernière expression est de nature à s'appliquer à toute tentative,
sousquelqueforme que ce soit, faite par l'Islande pour étendre son auto-

ritéà des pêcheries situéesau-delà de la limite des 12milles. 42. En outre, unle interprétation aussi étroite ne me parait pas com-
patible, comme je I"ai déjà indiqué,avec les travaux préparatoires de la
clause compromissciire. Je ne pense pas non plus qu'elle soit conciliable
avec la conclusion ci-après, à laquelle la Cour est parvenue dans son

arrêtdu 2 février 19173:
((l'intention véritable des parties était de donner au Gouvernement

du Royaume-1Jni des assurances réellesqui ...consistaient dans le
droit de contester devant la Cour la validitéde tout nouvel élargisse-
ment de la conipétencede l'Islande en matière de pêcheriesdans les
eaux recouvrant son plateau continental ))(C.I.J. Recueil 1973, p. 13,

par. 23). (Les italiques sont de nous.)
A supposer qu'au liieud'étendre purement et simplement la limite de sa

zone de pêche exclusiveI'lslande ait pris, en application d'un régime
((préférentiel))ou ((de conservation )),des mesures limitant considérable-
ment la pêcheétrarigèreou sa rentabilité, on rendrait parfaitement illu-
soires les ccassurances réelles ))données - et qui constituaient la ctcon-

dition sine qua non ,del'ensemble de l'accord ))consacré par l'échangede
notes - si on les interprétait comme ne s'appliquant pas à de telles
mesures. On ne doit pas oublier non plus que ((l'élargissement de la
juridiction sur les pêcheries))opérépar le règlement islandais de 1972 a

étéprésentédans ce texte comme une mise en Œuvre de la loi de 1948
concernant la ccconservation scientifique des pêcheries du plateau
continental)). En conséquence, il me semble évident que l'on doit con-
sidérer la compéterice de la Cour comme portant sur les questions de

droits préférentielset de conservation, plus spécialement quand elles se
posent en liaison avec un différend né à propos de l'extension par
l'Islande de sa zone de pêcheexclusive.

43. Reste toutefois la question de savoir si des questions de droits pré-
férentielset de conservation sont liéesau ((différend ))soumis à la Cour.
Je pense, comme la Cour,que le différendrésulte certes de l'élargissement

unilatéral par I'lslaride de sajuridiction sur les pêcheries,mais que, mani-
festement, ilenglobe en mêmetemps des désaccords sur ces questions.
Cela me paraît suffisamment établi par l'exposédu différendqu'a fait le
Royaume-Uni aux paragraphes 17à 29 de son mémoiresur le fond et qui

montre que les divergences de vues entre les Parties portaient non pas
seulement sur la question de la validitéde l'extension proprement dite de
la zone de pêche exclusivede I'lslande, mais aussi sur les prétentions de
celle-ci à une zone clepêche exclusiveen vertu de son droit à un traitement

préférentielet sur sa prétention à êtreautorisée à prendre unilatéralement
des mesures de conijervation.
44. On constate en effet que, dès la première explication donnée au
sujet de I'élargissemientdans un aide-mémoire du 31 août 1971(annexe 3

au mémoire sur le fond), le Gouvernement islandais a cherché àjustifier COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 124

la mesure par la niicessitéd'assurer la conservation des ressources de la
mer et celle de renForcer ((les mesures de protection essentielles pour la
préservation des intérêts vitauxdu peuple islandais dans les mers qui en-
tourent ses côtes ».Il a répétéles mêmesarguments dans un aide-mémoire

du 24 février 1972:,en y joignant le texte d'un mémorandum intitulé
Juridiction sur les pêcheriesen Islande)) qui contenait des élémentsà
l'appui de cette justification. Le Royaume-Uni, rétorquant qu'il n'était
pas indispensable d'élargir la zone de pêcheexclusive pour assurer la con-
servation, a offert 'd'examiner avec l'Islande la possibilité de s'entendre
surdes systèmesde limitation des prises qui seraient applicables dans des

zones situées au-delà de la limite des 12 milles. L'Islande a contesté l'ef-
ficacité des mesures de conservation multilatérales, faisant alors valoir
qu'il s'agissait non d'un problème de conservation, mais d'un problème
de répartition des sitocks. Le Royaume-Uni a répondu qu'il avait dans les
eaux environnant l'Islande des droits de pêchequi étaient solidement

fondéssur un usage traditionnel, sur un accord préciset sur le droit cou-
tumier. Il a réitérésa proposition touchant les systèmesde limitation des
prises, mentionnant: à ce propos la possibilitéde recourir à la Commis-
siondes pêcheriesde l'Atlantique du nord-est et rappelant à l'Islande que,
conformément à la résolution du 26 avril 1958sur les situations spéciales,
tout arrangement de ce genre limitant les prises devrait reconnaître tous

besoins prioritaires de 1'Etat riverain résultant de sa dépendance à
l'égardde la pêcherieen cause. Quant à la question des droits préféren-
tiels, il est vrai que l'Islande s'est montrée encline à invoquer une ten-
dance en faveur de l'octroi de droits prioritaires aux Etats riverains en
généralet non seulement à ceux qui se trouveraient dans des situations

spéciales.Quoi qu'iilen soit, la preuve que le différendenglobait la pré-
tention de l'Islande à desdroits préférentielsest fournie aussi par la note
que le Gouvernement islandais a adressée au Royaume-Uni le II août
1972 (annexe 10 au mémoire sur le fond), où le Gouvernement islandais
rappelait ce qui suit:

((Au cours des entretiens sur la question des limites des pêcheries

qui se sont déroulés enjuillet 1972entre des représentants des Gou-
vernements islandais et britannique, l'Islande a montré clairement
qu'elle étaitdisposée à poursuivre les discussions.
Les représentants de l'Islande ont souligné avant tout qu'ils
attacheraient de l'importance à recevoir, du côté britannique, des
réponses positilves sur deux points fondamentaux:

1. La reconnaissance de droits préférentielsaux navires islandais
pour ce qui est de la pêcheau-delà de la limite des 12 milles:

2. Le fait que les autorités islandaises devraient avoir pleinement
le droit et êtreen mesure d'appliquer le règlement pris en ce qui
concerne la pêcheà l'intérieurde la limite des 50 milles))

Dans cette note, 1'I:slandeenvisageait, il est vrai, uniquement un accord
provisoire concernant l'activité de pêchedu Royaume-Uni, mais ellemontre que les ((droits préférentiels))étaient bel et bien au nombre des

arguments juridique:$ que l'lslande faisait valoir à l'occasion du différend.
45. Un ((différend D, comme l'ont si souvent dit tant la Cour perma-
nente de Justice internationale que la Cour actuelle 1,est (cun désaccord
sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de
thèses juridiques ou d'intérêtsentre deux personnes)). Dans la présente

affaire, ilme parait évidentque le ((désaccord sur un point de droit ))et
((la contradiction, l'opposition de thèses juridiques ou d'intérêts)),bien
que résultant de l'extension par l'lslande de la limite de sa zone de pêche,
comprenaient des d6:saccords et des oppositions sur le point de savoir si

le droit de I'lslande à un traitement préférentiell'autorise à revendiquer
des droits de pêche exclusive,s'il est permis de prétendre à des droits ex-
clusifs au nom de la conservation ou de prendre unilatéralement des
mesures de conservation et si les prétentions de I'lslande doivent I'em-
porter sur les droits traditionnels du Royaume-Uni dans les eaux con-

testées. En conséquence, j'estime que la Cour était pleinement fondée à
conclure que ces questions faisaient partie intégrante du différend en
matière d'élargissrnl(wt de lajuridiction sur lespêcl~rriesautour de l'Islande
au sens de la clause compromissoire.

46. Quant à la question de la compétence de la Cour au cas où les
Parties ne parviendraient pas à résoudre le différendpar voie de négo-
ciation ou par un autre moyen de leur choix,j'admets avec la Cour que
c'est là une question hypothétique qui n'appelle pas un exayen dans le
cadre de la présente instance. Aux termes de l'article 60 du Statut, l'arrêt

est ((définitifet sans recours )).IItranche donc de façon définitivel'affaire
portée devant la Couirpar la requêtedu 14avril 1972,sous la seule réserve
du droit qu'a toute partie de prier la Cour d'interpréter l'arrêt,en cas de
contestation sur son sens et sa portée. Par suite, si un autre litige entre

les Parties concernant leurs droits de pêche respectifs dans les eaux
proches de I'lslande était soumis à la Cour unilatéralement par l'une ou
l'autre, il appartiendrait à la Cour, compte tenu des circonstances propres
à ce différend, de se pononcer alors sur sa compétence pour connaître de
l'affaire et sur la validité de toute exception qui pourrait être soulevée

contre l'exercice de sa compétence.

(Signé) H. WALDOCK.

1 Par exemple dans il'affaire des Concessions Mavrommafis en Palestine, C.P.J.I.
sérieA no 2,p. 11, ou dans l'affaire du Droit de passage sur le territoire indien, C.I.J.
Recueil 1960, p. 34.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SIR HUMPHREY WALDOCK

1. 1am in general agreement with both the operative part and the rea-

soning of theJudgment of the Court. As, however, there are some aspects
of the case which 1consider should have received more prominence in the
Judgment, 1 feel it incumbent on me to deal with them in this separate
opinion.

2. The Judgment refers to the Exchange of Notes of 1I March 1961
and draws certain conclusions from it regarding the United Kingdom's
recognition of Iceland's exceptional dependence on coastal fisheries and
regarding Iceland's recognition of the United Kingdom's traditional

fisheries in the waters around Iceland. It does not, however, give the 1961
Exchange of Notes the importance which, in my opinion, that agreement
necessarily has as a treaty establishinga particulalegal régimegoverning
the relations between the parties with respect to fishing inthose waters.
The 1961Exchange of Notes, which was negotiated and concluded imme-
diately afterthe Second United Nations Conference on the Law of the Sea

had failed to resolve the problem of fishery limits, had as its express
object the settlement of an existing fishery dispute between Iceland and
the United Kingdom. This it did upon terms which lay down specific
rules to cover the case of a subsequent claim by Iceland to extend her
fishery jurisdiction beyond the 12-mile limit assented to by the United
Kingdom in that agreement. The result, in my view, is that the starting

point for determining the rights and obligations of the Parties in the
present case has to be the 1961Exchange of Notes which, by its Judgment
of 2 February 1973,the Court has held to be valid, in force and applicable
to the extension of Iceland's fishery jurisdiction now in question before
the Court.

3. The 1961Exchange of Notes has to be read in the light of the fisliery
dispute which it was designed to settle. Under varying Icelandic fishery
limits, United Kingdom fishing vessels had fished in the waters around
Iceland for some centuries, before the conclusion of the Anglo-Danish
Fishery Convention of 24 June 1901. By that Convention Denmark,
which was then internationally responsible for the foreign relations of

Iceland, in effect agreed to apply to the waters around Iceland the pro- OPINION INDIVIDUELLE DE SIR HUMPHREY WALDOCK

[Traduction]

1. Je souscris à l'ensemble du dispositif et des motifs sur lesquels se

fonde l'arrêtde la Cour. Toutefois, comme certains aspects de l'affaire
auraient dû, à mons avis, être davantage mis en relief dans l'arrêt, jecrois
devoir en traiter dans une opinion individuelle.

2. L'arrêtse réfèreà I'échangede notes du 11 mars 1961 et en tire
certaines conclusions concernant la reconnaissance par le Royaume-Uni
de la dépendance exceptionnelle de l'lslande à l'égard de ses pêcheries
côtières et la reconnaissance par l'Islande de l'activitétraditionnelle de

pêchedu Royaume-Uni dans les eaux proches de l'lslande. L'arrêtne
donne cependant pas à I'échangede notes.de 1961 l'importance que me
paraît revêtir nécessairement cetaccord en tant que traité instituant un
régimejuridique particulier régissant les relations entre les Parties en ce
qui concerne la pêchedans les eaux en question. L'échangede notes de
1961, qui avait étériégociéet conclu juste après que la deuxième Confé-

rence des hations Unies sur le droit de la iner eut échouédans sa tentative
pour résoudre le problème des limites de pêche,avait expressément pour
objet de régler undifférendqui opposait l'Islande et le Royaume-Uni au
sujet des pêcheries.A cette fin, l'accord contenait des dispositions qui
énonçaient des règles précisespour tenir compte de l'éventualitéoù I'ls-
lande prétendrait plus tard élargir sa zone de pêcheau-delà de la limite

des 12 milles que le Royaume-Uni lui reconnaissait dans cet accord. A
mon avis, il s'ensuit qu'il faut prendre comme point de départ pour déter-
miner les droits et obligations des Parties en la présenteespèce I'échange
de notes de 1961 que la Cour, dans son arrêtdu 2 février 1973, a consi-
déré commevalable, en vigueur et applicable à la question de I'élargisse-
ment par l'Islande de sa compétence sur les pêcheriesqui est maintenant

soumise à la Cour.
3. L'échange de notes de 1961 doit être considérédans le contexte
du différend sur les pêcheriesqu'il avait pour objet de régler. Dans des
limites qui ont variésuivant les époques, desnavires du Royaume-Uni ont
pêché dans les eaux environnant l'Islande pendant plusieurs sièclesavant
la conclusion de la Convention anglo-danoise du 24juin 1901.En vertu de
cette convention, le Danemark, qui avait alors la responsabilité des rela-

tions extérieures de l'lslande, acceptait en fait d'appliquer dans les eauxvisions of the North Sea Fisheries Convention of 1882 regarding fishery
limits and the regulation of fisheries. In particular, Article2 of the 1901
Convention provided :

"The subjects of His Majesty the King of Denmark shall enjoy the
exclusive right of fishery within the distance of 3 miles from low-

water mark along the whole extent of the coasts of the said islands,
as well as of the dependent islets, rocks and banks.
As regards bays, the distance of 3 miles shall be measured from
a straight line drawn across the bay, in the part nearest the entrance,
at the first point where the width does not exceed 10 miles."

The Convention, which was subject to termination by either party on
giving two years' notice, remained in force until3 October 1951,governing
the fishery relations between the United Kingdom and Iceland until that

date. Meanwhile, Iceland's separate international personality was being
increasingly recognized and she was separately represented at The Hague
Codification Conference of 1930convened to codify, inter aliathe law of
territorial waters. At that Conference her delegate argued in favour of a
4-mile limit for Iceland as having a historical basis and being "a fair limit,
provided it were possible to have some rules for protecting the fisheries

in certain areas outside the territorial waters". The Conference having
failed to reach any agreement on the limit of the territorial sea, British
fishing vessels continued to fish in the waters around Iceland up to the
3-mile limit under the 1901 Convention, even if at a very reduced rate
during the 1939-1945 War and immediately thereafter.

4. The end of the Second World War, however, proved to be a turning
point in the history of Icelandic fisheries. On 17 June 1944 the Althing
proclaimed the establishment of the Republic of Iceland and Iceland
became fully independent. The following year saw the issue by President

Truman, on 28 September 1945, of two Proclamations claiming for the
United States, respectively, jurisdiction over the natural resources of the
subsoil and sea-bed of the continental shelf contiguous to the United
States and the right, either alone or together with other interested States,
to establish fishery conservationzones in areas of the high seas contiguous
to its coasts. The new doctrines advanced in these Proclamations, and
especially the invocation of the continental shelf as a legal concept, pro-

vided the stimulus for a variety of new maritime claims in different
countries, including Iceland, where the public were already restive about
the fishing of foreign vessels up to three miles from their shores.

5. So it was that in 1948 the Althing passed a law entitled "Law
Concerning the Scientific Conservation of the Continental Shelf Fisher-entourant l'Islande les dispositions de la convention de 1882relative à la
pêchedans la mer du Nord qui concernaient les limites des pêcherieset la

réglementation de la pêche. L'article 2de la convention de 1901 stipulait
notamment:
((Les sujets deSa Majestéle Roi du Danemark jouiront du droit de

pêcheexclusif sur une distance de 3 milles à partir de la ligne de basse
mer, tout le long des côtes desdites îles ainsi que des îlots, rochers et
bancs qui en dépendent.
En ce qui concerne les baies, la distance de 3 milles sera mesurée à
partir d'une ligne droite, tracéeau travers de la baie, dans la partie la

plus voisine de l'entrée,au premier point ou la largeur n'excèdepas
10milles. ))
Cette convention, qui pouvait prendre fin moyennant un préavis de

deux ans donné par l'une ou l'autre partie, est restéeen vigueurjusqu'au
3 octobre 1951 et a régi lesrelations du Royaume-Uni et de I'lslande en
matière de pêchejusqu'à cette date. Entre-temps, la personnalité interna-
tionale de l'Islande étaitde plus en plus largement reconnue et l'Islande a
eu sa propre représei~tationà la conférence de La Haye réunie en 1930

pour codifier notamment le droit en matière d'eaux territoriales. A cette
conférence, le représentant de l'Islande a préconiséune limite de 4 milles
pour l'Islande, affirmant que cette limite avait un fondement historique et
qu'elle constituait (culnelimite équitable, à'condition qu'il soit possible de
posséderune réglementation sur la protection des pêcheriesdans certains
territoires en dehors des eaux territoriales)). Comme la conférence n'a pas

réussi à s'entendre s,ur la largeur de la mer territoriale, les navires de
pêchebritanniques ont poursuivi leur activité dans les eaux avoisinant
l'lslande jusqu'à la limite des 3 milles fixéedans la convention de 1901,
activité qui a étécependant très réduitependant la guerre de 1939-1945et
immédiatement après celle-ci.
4. La fin de la seconde guerre mondiale a marqué néanmoins un tour-

nant dans l'histoire clespêcheries islandaises.Le 17 juin 1944 1'Althing a
proclamé la République d'Islande et l'Islande a pleinement accédéà I'in-
dépendance. L'année suivante, le président Truman a publié, le 28 sep-
tembre 1945,deux proclamations qui revendiquaient pour les Etats-Unis
d'Amérique, d'une part la compétence sur les ressources naturelles du

sous-sol et du lit de I,amer du plateau continental contigu aux Etats-Unis
et d'autre part le droit de créer, soit indépendamment soit de concert
avec d'autres Etats .intéressés,des zones de conservation des pêcheries
dans des régionsde la haute mer contiguës aux côtes des Etats-Unis. Les
nouvelles doctrines avancées dans ces proclamations, et notamment le
fait que l'on s'y référaitau plateau continental en tant que notion juri-

dique, ont suscité nombre de revendications maritimes nouvelles dans
différents pays, y coinpris l'Islande, dont la population s'inquiétait déjà
de l'activitédes navires de pêcheétrangersjusqu'à 3 milles de sescôtes.
5. C'est dans ces conditions que I'Althing a adopté en 1948 une loi in-
titulée((Loi concernant la conservation scientifique des pêcheriesdu pla-107 FISHERlESJURiSDlCTION (SEP. OP. WALDOCK)

ies", which included the following provisions:

"Article 1. The Ministry of Fisheries shall issue regulations
establishing explicitly bounded conservation zones within the limits
of the continental shelf of Iceland; wherein al1fisheries shall be sub-
ject to Icelandic rules and control; Provided that the conservation
measures now in effect shall in no way be reduced. The Ministry shall
further issue the necessary regulations for the protection of the
fishing grounds within the said zones ...

Article 2. The regulations promulgated under Article 1 of the pre-
sent law shall be enforced only to the extent compatible with agree-
ments with other countries to which Iceland is or may become a
party."

These provisions, if they may have owed some of their inspiration to
the two United States Proclamations, were not based on the same
principle as either of those Proclamations. The continental shelf Procla-
mation issued by President Truman asserted a claim to jurisdiction and
control over the natural resources only of the subsoil and sea-bed of the

continental shelf, expressly declaring that it in no way affected the char-
acter as high seas of the waters above it. Iceland's Law of 1948, on the
otherhand, asserted a claim to be entitled to establish fishery conservation
zones in the waters of the high seas above her continental shelf and to
exclusive jurisdiction and control therein. Indeed, it was not until 1969
and by a quite separate law that Iceland proclaimed her sovereign rights
in respect of the natural resources of the continental shelf itself (United

Nations Legislutive Series, ST/LEG/SER.B/ 15, p. 364). Again, President
Truman's fishery Proclamation, unlike Iceland's Law of 1948, was not
related to the continental shelf and made ex~licit ~rovision for the Dar-
ticipation of other States in the conservation measures.

6. Moreover, the Exposé des Motifs accompanying the Law of 1948

made it plain that, although expressed as essentially a conservation
measure, the Law was intended to be an enabling Act authorizing the
Fisheries Ministry to extend [.celand'sfisheries jurisdiction over areas of
the continental shelf as and when the Ministry judged it appropriate
(United Nations Legislutive Series, ST/LEG/SER.B/6, pp. 514-515). In
the following year, on 3 October 1949, the Government of lceland gave

notice of her denunciation of the Anglo-Danish Convention of 1901,with
the result that the Convention, in accordance with its terms, ceased to
be in force two years later, i.e., o3 October 1951.During that interval,
in the course of the Anglo-Norwegian Fislzeriescase, the United Kingdom
had recognized Norway's historic claim to a 4-mile territorial sea and the
Court itself had endorsed the validity of the system of straight baselines
applied by Norway along the bays and islets off the Norwegian Coast
(Z.C.J. Reports 1951, pp. 126 and 132-139). Aware, no doubt, of these COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 107

teau continental », qui contenait notamment les dispositions suivantes:

cArticle premier. Le ministère des Pêcheriesétablira par voie de
règlement, dans leslimites du plateau continental islandais, des zones
de conservation définiesdans lesquelles les pêcheriesseront intégra-
lement réglementéeset contrôlées par l'Islande, étant entendu toute-

fois que les mesures de conservation actuellement en vigueur ne
seront en aucune façon réduites. Le ministère prendra en outre les
règlements nécessaires afinde protéger les lieux de pêcheà l'intérieur
desdites zones...
Article2. Les règlementspris en vertu de l'article premier de la pré-

sente loi ne seront mis en application quedans la mesure compatible
avec les accords avec d'autres pays auxquels l'Islande est ou pourrait
devenir partie. ))

Si ces dispositions s'inspiraient peut-êtreen partie des deux proclama-
tionsdes Etats-Unis, elles ne reposaient pas sur le mêmeprincipe. Dans la
proclamation du présidentTruman concernant le plateau continental, les
Etats-Unis ne prétendaient exercer leurjuridiction et leur contrôle que sur
les ressources naturelles du sous-sol et du lit de la mer du plateau conti-

nental, déclarant expressément que le caractère de mer libre des eaux
situéesau-dessus du plateau continental n'en était nullement affecté. En
revanche, dans sa loi de 1948, l'Islande revendiquait le droit de créerdes
zones de coriservatioil des vêcheriesdans les eaux de la haute mer situées
au-dessus de son plaiteau continental et prétendait y exercer une juridic-
tion etun contrôle dt: nature exclusive. En fait, ce n'est qu'en 1969et par

une loi tout à fait distincte que l'Islande a proclamé ses droits souverains
sur les ressources riaturelles du plateau continental proprement dit
(United Nations Legislutive Series, STILEGISER.BjI5, p. 364). On peut
noter aussi que la proclamation du président Truman sur les pêcheries,
par contraste avec la loi islandaise de 1948,ne se rattachait pas au plateau
continental et prévoyait expressément que d'autres Etats participeraient

aux mesures de conservation.
6. Au surplus, l'exposédes motifs qui accompagnait la loi de 1948in-
diquait clairement que, quoique présentéeessentiellement comme une
mesure de conservation, la loi visait à habiliter le ministère des Pêcheriesà
élargir la juridiction ,del'Islande sur les pêcheriesdans les zones situées

au-dessus du plateau continental lorsqu'il le jugerait approprié (United
Nations Legis1crtii.eSeries, ST/LEGiSER.B/6, p. 514-515). Or l'année
suivante, le 3 octobre 1949, leGouvernement islandais a notifiéson inten-
tion de dénoncer la Convention anglo-danoise de 1901, si bien que celle-
ci, conforménient à ses dispositions, a cesséd'être envigueur deux ans
plus tard, soit le 3 octobre 1951. Entre-temps, pendant l'affaire des

Pêcheriesentre le Royaume-Uni et la Norvège, le Royaume-Uni avait
reconnu la prétention historique de la Norvège à une mer territoriale de
4 milles et la Cour elle-mêmeavait confirmé la validité du système de
lignes de base droites que la Norvège appliquait le long des baies et des
îlots au large de ses côtes(C.I.J.Recueil 1951,p. 126et 132-139).Connais-developments, Iceland early in 1952informed the United Kingdom of her
intention to issue new fishery regulations in pursuance of the, Law of
1948; and on 19 March of that year promulgated regulati~s which

provided for a fishery zone extending four miles to seaward of straight
baselines drawn along the outermost points of the coasts, islands and
rocks and across the openings of bays, and prohibited al1foreign fishing
activities within that zone.

7. Iceland's 1952 Fisheries Regulations encountered protests from the

United Kingdom with respect to the 4-mile claim and certain of the
straight baselines, the compatibility of which with the principles laid
down in the Anglo-Norwegian Fislieries case it called into question. The
fishing industry in the United Kingdom also reacted against the new
Regulations by trying to prevent Icelandic vessels from landing their
catches in the United Kingdom. After various abortive attempts to solve

the dispute, a modus vivendi was reached in 1956, under the auspices of
the Organization for European Economic Co-operation. Under it there
was to be no further extension of Iceland's fishery limits pending the
General Assembly's discussion of the International Law Commission's
report on the law of the sea, a discussion which resulted in the convening
at Geneva in 1958of the first United Nations Conference on the Law of

the Sea.

8. The Conference, although it succeeded in adopting four major
Conventions on the Law of the Sea, failed to reach agreement either on
the limit of the territorial sea or on the extent of a State's exclusive
fishery rights. On these questions it had to content itself with recom-
mending the convening of a second Law of the Sea Conference specifi-

cally for the purpose of trying to settle them. Even so, the Geneva Con-
ference of 1958 was not without its implications with regard to Iceland's
fishery limits.Thus, by Articles I and 2 of the High Seas Convention,the
Conference agreed that the high seas comprise "al1 parts of the sea that
are not included in the territorial sea or in the interna1 waters of a State",
and that the freedom of the high seas comprises "inter alia, both for

coastal and non-coastal States . .. Freedom of fishing". By Articles 1
and 2 of the Continental Shelf Convention it further agreed that the
rights attaching to a coastal State in virtue of its adjacent continental
shelf relate solely to the natural resources of the sea-bed and subsoil,
including only such living resources as belong to sedentary species; and
that these rights of the coastal State "do not affect the legal status of the

superjacent waters as high seas". Clearly, Iceland's claim in her Law of
1948 to be entitled to establish her fishery jurisdiction over the waters of
al1her continental shelf did not find any justification in these provisions
of the High Seas and Continental Shelf Conventions adopted by the
1958 Geneva Conference.sant sansaucundoute cetteévolution, l'Islande a informé le Royaume-Uni
au début de 1952 de son intention d'adopter une nouvelle réglementation
de la pêche,conforniément à la loi de 1948; le 9 mars de la mêmeannée,

elle a promulgué un règlement qui prévoyait une zone de pêchedont la
limite extérieure était constituée par une ligne tracée à 4 milles au large
des lignes de base d.roites joignant les points extrêmes des côtes, îles et
rochers, et les points situésà l'ouverture des baies, avec pour effet d'inter-
dire toute pêche auxnavires étrangersdans cette zone.
7. Le règlement sur la pêcheadopté par l'Islande en 1952a soulevéles

protestations du Royaume-Uni contre la prétention de l'Islande à une
limite de 4 milles et contre certaines des lignes de base droites, dont la
compatibilité avec les principes énoncéspar la Cour dans l'affaire des
Pêcherieslui paraissait douteuse. L'industrie britannique de la pêchea
réagiaussi contre ce nouveau règlement en essayant d'empêcher les na-

vires islandais de décharger leurs prises au Royaume-Uni. Après l'échec
de plusieurs tentatives visant à résoudre ce différend, un modus vivendi a
étéréaliséen 1956, sous les auspices de l'organisation européenne de
coopération écononlique. En vertu de cet accord, l'Islande ne devait
procéder à aucun élargissementdesa zone de pêcheavant que l'Assemblée
générale desNations Unies n'examine le rapport de la Commission du

droit international sur le droit de la mer. Les débats de l'Assemblée
généraleont abouti à la convocation, à Genève, en 1958, de la première
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.
8. Bien que la conférence ait réussià adopter quatre grandes conven-
tions sur le droit de: la mer, elle n'a pu parvenir à un accord ni sur la
largeur de la mer territoriale ni sur l'étendue desdroits de pêche exclusifs

des Etats. Elle a dii se borner à recommander la convocation d'une
deuxième Conférence sur le droit de la mer qui devait êtrespécialement
chargéed'essayer de résoudre ces questions. Il n'en reste pas moins que la
Conférence de Genève de 1958 n'a pas été sansincidences sur les limites
de pêchede l'Islande. Ainsi, aux termes de l'article premier et de l'article 2
de la Convention surla haute mer, la conférence a admis que la haute mer

comprend ((toutes les parties de la mer n'appartenant pas à la mer ter-
ritoriale ou aux eaux intérieures d'un Etat )),et que la liberté de la haute
mer comporte ((notamment,pour les Etats riverains ou non de la mer ...
la liberté de la pêcheD:.Selon les deux premiers articles de la Convention
sur le plateau continental, la conférence a en outre reconnu que les droits

d'un Etat riverain sur son plateau continental adjacent ne concernent
que les ressources naturelles du lit de la mer et du sous-sol, ainsi que les
organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, et que ces
droits de 1'Etat riverain ((ne portent pas atteinte au régimedes eaux sur-
jacentes en tant que haute mer ». Il est manifeste que le droit revendiqué
par l'Islande dans sa loi de 1948 d'établir sajuridiction sur les pêcheries

dans les eaux situéesau-dessus de l'ensemble de son plateau continental
ne trouve aucune jutification dans ces dispositions des Conventions sur
la haute mer et sur le plateau continental adoptées par la Conférence de
Genève de 1958. 9. Similarly, the Convention on Fishing and Conservation of the
Living Resources of the High Seas took a different approach to the con-

servation of fishery resources outside the territorial sea from that of the
Law of 1948. Reflecting the approach of President Truman's fishery
Proclamation rather than of the Lcelandic Law, the Ceneva Conference
recognized that "a coastal State has a special interest in the maintenance
of the productivity of the living resources in any area of the high seas
adjacent to its territorial sea", but did not allow any exclusive rights of

jurisdiction to coastal States outside their territorial sea. Instead, it
placed a general obligation on non-coastal States to enter into negotia-
tions with the coastal State, at the latter's request, "with a view to pres-
cribing by agreement the measures necessary for the conservation of the
living resources of the high seas in that area" (emphasis added). True, if

such negotiations were requested by a coastal State and had not led to
an agreement within six months, the Convention empowered the coastal
State to adopt unilateral measures of conservation; but it did so only
under strictly circumscribed conditions and pending the settlement of any
disagreement as to their validity by a special commission. Thus, in this
Convention the 1958 Conference left fishery conservation in waters out-

side the territorial sea essentially a matter to be agreed between the coastal
State and any other States concerned and, in the event of disagreement,
to be decided by an independent commission. In consequence, Iceland's
Law of 1948could equally not find itsjustification in the Convention on
Fishing and Conservation of the Living Resources of the High Seas.

10. In the Territorial Sea and Contiguous Zone Convention, the 1958
Conference settled the rules governing the baselines for delimiting the
territorial sea, and incorporated in them, subject to minor variations, the
straight baseline system sanctioned by the Court ir; the Anglo-Norwegian

Fisl~eriescase. It also recognized that a coastal State has full sovereignty
and so, by implication, exclusive fishery rights within its territorial sea.
But it failed to reach agreement on the extent of the territorial sea, though
in prescribing that the contiguous zone may not extend beyond 12 miles
from the baseline, it implied that a fortiori the territorial sea may not
extend beyond that limit. It follows that this Convention, like the others

adopted at the 1958 Conference, did not provide lceland with a legal
basis for the continental shelf fisheries claim enunciated in her Law of
1948.

11. Two other developments at the 1958 Conference require to be

noticed, since they contributed to shaping the course of the present
dispute. The first is the emergence at the Conference of the concept of the
preferential position of a coastal State whose people are specially de-
pendent upon coastal fisheries. As paragraph 56 of the Judgment recalls, (.O\!P~TENCE PÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 109

I)L.iiiCiiic.1iiConvention sur la pêcheet la conservation des res-
\I~LIILL t.\ic~logicluedse la haute mer envisage autrement que la loi de 1948

1.1i1i1~.\11~iic la conservation des ressources halieutiques en dehors de la
iiic.icsriioriale. La conférencede Genève, qui reflète davantage la doc-
IIiiic cloriis'inhpirela.proclamation du présidentTruman sur les pêcheries
Icicoriccption de la loi islandaise, reconnaît que ((tout Etat riverain a
LIIIiriiCrct spécial au maintien de la productivité des ressources biolo-

giclue.rdiiris toute pa.rtiede la haute mer adjacente à sa mer territoriale)),
rii,iin'attribue aux Etats riverains aucune compétence exclusive au-delà
de leur iller territoriale. Au lieu de cela, elle impose aux Etats non riverains
l'obligation généraled'engager des négociations avec 1'Etat riverain, à la

dciiiaride de ce dernier, ((en vue de prendre, d'un commun accord, les
iiicsures nécessairespour la conservation des ressources biologiques de la
Iiiiutc mer dans cette région))(les italiques sont de nous). Certes, si ces
iiCgociations étaient engagéesà la demanded'un Etat riverain et n'abou-
tissaient pas à un accord dans un délaide six mois, la convention habilite

I'Ltat riverain à adopter unilatéralement des mesures de conservation,
niais uniquement dans des conditions très précises et en attendant le
rcglement de tout ditrérendconcernant leur validité par une commission
spéciale. Ainsi,dans cette convention, la conférencede 1958a prévuque la

conservation des pêcheriessituéesen dehors de la mer territoriale relève
essentiellement d'un accord entre 1'Etat riverain et tous les autres Etats
intéresséset que, eri cas de désaccord, cette question doit faire l'objet
d'une décision par une commision indépendante. En conséquence, la loi
islandaise de 1948ne pourrait pas non plus trouver sa justification dansla

Convention sur la ptche et la conservation des ressources biologiques de
la haute mer.
10. Dans la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë, la
conférence de 1958 a fixéles règles appljcables à la détermination des

lignes de base permettant de délimiter la largeur de la mer territoriale et
elle a repris, avec de:légèresmodifications, le système des lignes de base
droites consacré par la Cour dans l'affaire des Pêcheries . lle a aussi re-
connu qu'un Etat riverain a pleine souveraineté sur sa mer territoriale et
possède donc implicitement des droits de pêcheexclusifs dans cette zone.

La conférence n'a pli aboutir à un accord sur la largeur de la mer territo-
riale, mais en disposant que la zone contiguë ne peut s'étendre au-delà de
12 milles à partir de:la ligne de base, elle implique à fortiori que la mer
territoriale ne peut pas dépasser cette limite. Il s'ensuit que cette conven-
tion, pas plus que les autres conventions adoptées à la conférence de

1958, ne donne à I'lslande une base juridique sur laquelle appuyer la pré-
tention qu'elle a énoncéedans sa loi de 1948en ce qui concerne les pêche-
ries du plateau continental.
II. II y a lieu de relever deux autres faits nouveaux survenus au cours

de la conférence de 1958 car ils ont contribué à orienter l'évolution du
présentdifférend. On constate en premier lieu qu'est apparue lors de cette
conférence la notiori de situation préférentielled'un Etat riverain dont la
population est spécialementtributaire de ses pêcheries côtières.Comme le

110although an Scelandicproposal embodying this concept failed to obtain
the necessary majority, the Conference adopted a resolution concerning
"the situation of countries or territories whose people are overwhel-
mingly dependent on coastal fisheries for their livelihood or economic
development". This resolution, entitled "Special Situations relating to
Coastal Fisheries", recognized that "such situations cal1for exceptional
measures befitting particular needs", and made the recommendations
which are set out in that paragraph of the Judgment. In such "special
situations" the resolution in effect advocated that, if catch-limitation
becomes necessary for the purpose of conservation, non-coastal States
should collaborate with the coastal State to establish agreed conservation
measures which recognize such preferential requirements of the latter as

result from its dependence on the fishery in question. Thus, even in the
case of a State specially dependent on coastal fisheries, like Iceland, the
resolution did not envisage the unilateral assumption of exclusive rights
by the coastal State. On the other hand, it clearly did envisage that they
should have a certain preference in the exploitation of the fisheries in
adjacent areas of the high seas.

12. The other development of the 1958 Conference requiring to be
noticed is the ventilation first by Canada, and then by the United States,
of the concept of a contiguous zone of exclusive fisheries as a possible
means of compromising the differences between those who advocated a
3-mileterritorial sea and those who considered that a coastal Stateshould
be at liberty to choose any breadth for the territorial sea up to 12miles.
At this Conference the version of the compromise to attract most support
was that of the United States which provided for a 6-mile territorial sea
and a further 6-mile contiguous zone of exclusivefisheries, subject to the

proviso that States, the nationals of which had fished in the fishery zone
regularly for the past fiveyears should have the right to continue to do so.
But the United States' proposal did not obtain the necessary two-thirds
majority in the voting and,as already indicated, no agreement was reached
at the Conference on the questions of the breadth of the territorial sea or
of the extent of a State's exclusivefishery rights.

13. Soon after the conclusion of the Conference, as the Judgment
relates, Iceland announced her intention to reserve exclusively for Ice-
landic fishermen the right of fishingwithin 12milesfrom her baselines and
further to expand her exclusive fishing zone by modifying those base-
lines; and to this intention she gave effect by the issue on 30June 1958of
new "Regulations concerning the Fisheries Limits off Iceland". Article 1
of these Regulations proclaimed a 12-mile fishery limit around Iceland
drawn from new baselines and Article 2 prohibited al1fishing activities
by foreign vessels within the new fishery limit. The Regulations, as they
expressly stated, were issued under the power conferred on the Ministry
of Fisheries by the Althing in the Law of 1948"Concerning the Scientificrappelle le paragraphe 56 de l'arrêt, uneproposition islandaise concréti-
sant cette notion n'a pas obtenu la majorité nécessaire,mais la conférence
a adopté une résolution visant ((la situation des pays ou territoires dont la
population est essentiellement tributaire des pêcheriescôtières pour sa
subsistance ou son développement économique)). Cette résolution inti-

tulée ctRésolution sur les situations spéciales touchant les pêcheries
côtières))reconnaissait que ((ces situations exigent des mesures exception-
nelles adaptées aux nécessitésparticulières)) et formulait les recommanda-
tions qui sont mentionnées dans ce paragraphe de l'arrêt.Dans le cas de
ces ((situations spéciales)), la résolution préconisait en fait que,orsqu'il
devient nécessaire de limiter les prises, dans l'intérêt dela conservation,

les Etats non riverains collaborent avec 1'Etat riverain pour établir d'un
commun accord des mesures de conservation qui reconnaissent les
besoins prioritaires de I'Etat riverain résultant de sa dépendance à l'égard
de la pêcherie encause. Ainsi, mêmedans le cas d'un Etat qui est particu-
lièrement tributaire de ses pêcheriescôtières, comme l'Islande, la résolu-
tion ne prévoyait pas que 1'Etat riverain puisse s'arroger unilatéralement
des droits exclusifs. En revanche, elle envisageait clairement que les

Etats riverains devraient bénéficierd'une certaine priorité dans I'exploi-
tation des pêcheries situéesdans des zones adjacentes à la haute mer.
12. L'autre fait nouveau survenu au cours de la conférence de 1958qui
mérite d'êtrerelevé est celui-ci: l'idée d'une zone contiguë de pêche
exclusive a été lancée par le Canada d'abord, par les Etats-Unis ensuite,
comme offrant un compromis possible entre ceux qui préconisaient une

mer territoriale de 3 milles et ceux qui estimaient que 1'Etat riverain
devait êtrelibre de fixer la largeur de sa mer territoriale jusqu'à 12milles.
A la conférence, la formule de compromis qui a reçu le plus large appui a
étécelle des Etats-Unis qui prévoyait une mer territoriale de 6 milles,
plus une zone contig,uë de pêche exclusivelarge de 6 milles, la condition
étant poséeque les ressortissants des Etats qui avaient régulièrementpra-

tiquéla pêchedans la zone contiguë pendant les cinq dernières annéesau-
raient le droit d'y poursuivre leur activité. Mais la proposition des Etats-
Unis n'a pas recueilli la majorité nécessaire des deux tiers des voix et,
comme je l'ai déjàsignalé plus haut, la conférence n'a pu parvenir à un
accord ni sur la largeur de la mer territoriale ni sur l'étenduede droits de
pêche exclusifs desE:tats.

13. Peu après la conférence, comme l'indique l'arrêt,l'Islande a an-
noncé son intention de réserver exclusivement aux pêcheurs islandais le
droit de pêcherdans une zone s'étendant jusqu'à 12 milles des lignes de
base et d'élargir aussi sazone de pêche exclusive enmodifiant ces lignes
de base; elle a donné effet à cette intention en promulguant le 30juin 1958
un nouveau ((Règlement relatif aux limites de pêcheau large de 1'1s-

lande)). L'article premier de ce règlement portait la limite de pêcheau
large de l'Islande à 12 milles à partir de nouvelles lignes de base et I'ar-
ticle 2interdisait toute pêcheaux navires étrangersàl'intérieur decettenou-
velle limite. Ce règlement précisait expressément qu'ilétaitpromulgué en
vertu des pouvoirs conféréspar I'Althing au ministère des Pêcheriesdans

111111 FISHERIES JURISDICTION (SEP. OP. WALDOCK)

Conservation of the Continental Shelf Fisheries". Their immediate in-
spiration, however, seems to have been the trend at the 1958Conference
towards allowing a 12-mile contiguous zone of exclusive fisheries as a
compromise to resolve the differences regarding the breadth of the terri-

torialsea.

14. The validity of the new Regulations was immediately challenged
by the United Kingdom and various attempts were made to settle the
resulting dispute by negotiation which, however, failed to produce any
solution before the second United Nations Conference on the Law of the

Sea began in March 1960. During the course of these negotiations, on
5 May 1959, the Althing passed a resolution which requires mention as
it later became an element in the 1961 Exchange of Notes. This resolu-
tion, inter aliastated:

". .. the Althing declares that it considers that Iceland has an
indisputable right to fishery limits of 12miles;tl~atrecognitionshould
be obtainedof its rights to the entire continentalshelfarea in confor-
mity w~itlithe policy adopted by the Law of 1948, concerning the

scientrfic conservation of the continental shelf Jîsheries, and that
fishery limits of less than 12miles from baselines around thecountry
are out of the question". (Emphasis added.)

The Althing thus made it clear that the 1958 Regulations asserting a
claim to a 12-mile fishery limit in no way implied any modification by
lceland of her objective of extending her exclusive fishery zone over "the
entire continental shelf area".

15. The period between the 1958 and 1960 Conferences also saw the
conclusion of a fishery conservation convention by 14 States interested
in the fisheries of the North-East Atlantic. This was the North-East
Atlantic Fisheries Convention of 24 January 1959, which embraced the
lcelandic area and to which Iceland and the United Kingdom are par-
ties1.The Convention set up for the North-East Atlantic Area a régime

for the conservation and exploitation of fisheries, operated by a Fishery
Commission and by Regional Committees and similar to the régime
created a decade earlier for the North-West Atlantic by the North-West
Atlantic Fishery Convention of 8 February 1949.The 1959Convention is
expressed to apply to al1 the waters situated within the North-East
Atlantic area, but under Article 2 nothing in the Convention is to be
"deemed to affect the rights, claims or views of any contracting State in

regard to the extent of jurisdiction over fisheries".

1 Asalso is the Federal Republic of Germany, Applicant in the other FisheviesJuris-
diction case now before the Court.

112 COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 111

la loi de 1948 ((concernant la conservation scientifique des pêcheriesdu

plateau continental D. 11 paraissait toutefois s'inspirer directement de la
tendance qui s'était manifestéeà la conférence de 1958 et qui était de
reconnaître une zone contiguë de pêche exclusivejusqu'à 12 milles à titre
decompromis en vue de résoudreles divergences concernant la largeur de

la mer territoriale.
14. La validitéde cenouveau règlement a été immédiatementcontestée
par le Royaume-Uni et diverses tentatives ont étéfaites pour régler le
différendqui en est résultépar voie de négociations; celles-ci n'ont toute-
fois pas permis d'aboutir à une solution avant la deuxième Conférence des

Nations Unies sur le droit de la mer qui s'est ouverte en mars 1960.
Pendant que se déroulaient ces négociations, le 5 mai 1959, 1'Althing a
adopté une résolution qui mérite d'être mentionnée ici car elle est devenue
par la suite un élémentde l'échangede notes de 1961. Cette résolution

disposait notamment:
((I'Althing proclame qu'il considère que l'Islande a incontesta-

blement le droit de fixer les limites des pêcheriesà une distance de
12 milles, que Ifedroit de l'Islande sur toute la zone du plateau conti-
nental doit être reconnuconformémentà lapolitique consacrée par la loi
de 1948concernant laconserr~ationscientifique despêcheriesduplateau
continental, et qu'il n'est pas question de fixer les limites des pêche-

ries à une distance de moins de 12 milles des lignes de base tracées
autour de I'Islainde))(les italiques sont de nous).

L'Althing a donc clairement indiqué que le règlement de 1958 par lequel
l'Islande revendiquait une limite de pêchede 12milles n'impliquait aucu-
nement de la part de I'lslande une modification de son objectif qui était
d'étendre sa zone di: pêche exclusive à ((toute la zone du plateau conti-

nental )).
15. Dans la périoldequi s'est écouléeentre les conférencesde 1958et de
1960, une Convention sur la conservation des pêcheriesa étéconclue
entre les quatorze Etats qu'intéressent les pêcheriesde l'Atlantique du
nord-est. II s'agit de la Convention du 24janvier 1959sur les pêcheriesde

l'Atlantique du nord-est qui concerne notamment la zone islandaise, et à
laquelle l'Islande et le Royaume-Uni sont parties 1.Cette convention crée
pour la zone de 1'A.tlantique du nord-est un régime de conservation et
d'exploitation des pecheries, mis en Œuvrepar une commission des pêche-

ries ainsi que par des comités régionaux, analogue au régimeétabli une
dizaine d'annéesauparavant pour l'Atlantique du nord-ouest, en vertu de
la Convention du 8 février 1949 pour les pêcheriesde l'Atlantique Nord-
Ouest. La Convention de 1959doit s'appliquer à toutes les eaux situéesà
l'intérieur de la zone de l'Atlantique du nord-est, mais l'article 2 stipule:

((Aucune disposition de la présente convention ne doit être interprétée

1 De même quela Rkpubliquefédérald e'Allemagne, qui est 1'Etatdemandeur dans
l'autre affairerelatàvla Compétenceen matière de pêcheriesdont la Cour est actuel-
lement saisie. 16. The Second Conference on the Law of the Sea, held in Geneva in
March and April 1960,failed to reach agreement on what had become the
twin questions of the breadth of the territorial sea and the extent of
exclusive fisheries. At the Conference, attention again centred on the

possibility of solving these questions on the basis of a 6-mile territorial
sea plus a further 6-mile contiguous zone of exclusive fisheries subject to
a short phase-out period for States having existing fisheries within the
6-mile contiguous fishery zone. Moreover, it was a joint United States-
Canadian proposal in that form, providing for a IO-year phase-out
period and also for preferential fishing rights for a coastal State in a
situation of special dependence on adjacent fisheries, which was the text

that paragraph 52 of the Judgment refers to as having failed of adoption
by only one vote.

17. Meanwhile, the dispute between the United Kingdom and Iceland
concerning both the 12-mile limit and the new baselines promulgated in
the 1958 Regulations still subsisted; and they undertook a series of
negotiations from 1 October 1960 until the end of that year with a view
to its settlement. These negotiations, as was only to be expected, were
conducted by the Parties in the context not only of the previous history
of the dispute but of the comprehensive review of the law of the sea which

had just taken place at the first and second Geneva Conferences on the
Law of the Sea.
18. Thus, at the opening meeting on 1 October 1960 the Icelandic
delegate recalled the views expressed by Iceland at those Conferences.
He stressed that Iceland is in a unique position in that her people are
dependent entirely upon the coastal fisheries; that it was essential for her
to safeguard her coastal fisheries; that she did notonsider conservation

measures alone ,to be sufficient and that it was therefore her policy to
secure exclusive jurisdiction "in accordance with international law". He
also referred to the factthat a + 6 solution, with an adjustment period
of IOyears, had nearly been reached at the second Conference. He further
said that two proposais tabled by the Icelandic delegation had received
considerable support: namely, that countries in special situations should
receive preferential treatment even beyond 12 miles; and that a tran-

sitional period should not apply to special situation countries.

19. The United Kingdom, in its opening statement, also recalled the
compromise proposal of the United States and Canada for a 12-milecomme portant atteinte aux droits, revendications ou points de vue de
tout Etat contractarit concernant l'étendue de la compétence en matière
de pêcheries.))
16. La deuxième Conférence sur le droit de la mer, qui a eu lieu à
Genève en mars et avril 1960,n'a pas permis d'aboutir à un accord sur les
deux questions, devenuesjumelles, de la largeur de la mer territoriale et de

la limite de la zone de pêche exclusive.Au cours de cette conférence, I'at-
tention des participants s'est de nouveau essentiellement portée sur la
possibilité de régler ces questions sur la base d'une mer territoriale de
6 milles, plus unezone contiguë de pêche exclusivede 6 milles, sous réserve
d'une courte période:d'adaptation pour les Etats qui pêchent déjàà I'in-
térieur de la zone de pêchecontiguë de 6 milles. Au reste, c'est une pro-
position commune faite en ce sens par les Etats-Unis et le Canada, qui

prévoyait une période d'adaptation de dix ans et des droits de pêche
préférentielsen faveur de 1'Etatriverain se trouvant dans une situation de
dépendance spéciale à l'égard des pêcheriesadjacentes à son territoire,
dont le paragraphe 52 de l'arrêt indiquequ'elle n'a pas étéadoptée à une
voix près.

*
* *

17. Entre-temps, le différendentre le Royaume-Uni et l'Islande concer-
nant à la fois la limite des 12 milles et les nouvelles lignes de base pro-
mulguées dans le règlement de 1958 n'étaittoujours pas vidéet les deux
pays ont entamé le le=octobre 1960 une série de négociations qui ont
duréjusqu'à la fin de l'année, en vuede parvenir à une solution. Ces négo-

ciations, comme il fallait s'y attendre, ont étémenées par les parties
compte tenu non seulement des antécédentsdu différend mais aussi de la
vaste révision du droit de la mer qui venait de s'opérer aux première et
deuxièmeConférencesde Genève sur le droit de la mer.
18. Aussi, à la première réunion qui s'est tenue le ler octobre 1960, le
représentant de l'Islande a-t-il rappelé l'opinion exprimée par son pays
pendant ces conférences. II a soulignéque l'Islande se trouvait dans une

position exceptionnelle du fait que sa population était entièrement tribu-
taire de ses pêcherie:;côtières, qu'il étaitessentiel pour elle de protéger ses
pêcheriescôtières, qu'elle n'estimait pas que des mesures de conserva-
tion seraient suffisarites et que sa politique consistait donc à s'assurer une
juridiction exclusive ((conformément au droit international )).Il a aussi
rappelé qu'une soluition 6 + 6, avec une périoded'adaptation de dix ans,
avait presque été acceptéeà la deuxième conférence. II a en outre déclaré

que deux propositions déposées par la délégation islandaise avaient
recueilli un appui considérable, à savoir que les pays se trouvant dans une
situation spécialedevraient bénéficierd'un traitement préférentiel même
au-delà de 12 milles, et qu'une période transitoire ne devrait pas s'appli-
querdans le cas des pays placésdans une situation spéciale.
19. Le représentant du Royaume-Uni, dans sa déclaration liminaire, a
aussi rappelé la proposition de compromis formulée par les Etats-Unis

113113 FISHERIESJURISDICTION (SEP. OP. WALDOCK)

fishery limit, subject to a IO-year transitional period for States having
existing fisheries between the 6 and 12-mile limits. It observed that a
bilateral agreement had just been concluded between the United Kingdom
and Norway based upon that compromise proposal and subject to a 10-
year transitional period for United Kingdom fishing vessels. At the same
time, the United Kingdom reaffirmed its recognition of Iceland's special

situation as a country whose economy depends mainly upon its fisheries
and conceded that the United States-Canada formula would, for this
reason, need to be modified to take account of that factor. That modi-
fication, it suggested, should be the reduction of the transitional period of
United Kingdom fishing from ten to five years.

20. The negotiations continued with proposals and counter-proposals
from each side. The Icelandic delegates insistently pressed for the re-
servation to Icelandic fishermen of certain areas even outside the 12-mile
limit as being essential,in their view, to solve the problem of densely
fished areas. The United Kingdom delegation no less insistently contested
that view and objected that in the light of the scientific evidence con-

cerning the fisheries, the reservation of areas outside the 12-mile limit
could not be justified on grounds of conservation; while offering to
examine together with the Icelandic delegation any proposals for con-
servation measures in particular areas or for policing regulations to
avoid difficulties in any areas of more dense fishing, they declined to
accede to Iceland's demand for reserved areas outside the 12-mile limit.

21. The compromise by which the dispute was ultimately settled in the
1961Exchange of Notes is set out in paragraph 26 of the Judgment. Ln
substance, the Parties agreed to settle the dispute on the basis of:a 12-

mile fishery zone around Iceland; baselines as promulgated in the 1958
Regulations subject to four modifications; a 3-year transitional period
for United Kingdom fishing between the 6-mile and 12-mile limits;
exclusion of United Kingdom fishing vessels from seven specified areas
between the 6-mile and 12-mile limits; a clause providing for the con-
tingency of any further initiative taken by Iceland to extend her fishery
jurisdiction in implementation of the Althing Resolution of 5 May 1959.

Thus, while acceptingthe reduction of the transitional period still further
from five to three years as well as restrictions within the transitional zone
even during that period, the United Kingdom did not accept any Ice-
landic rights of jurisdiction outside the 12-mile limit. On the contrary it
made its whole acceptance of the package settlement conditional upon
Iceland's acceptance of a provision regulating the position between the

Parties in the event of any future initiative taken by lceland under the
Althing Resolution of 5 May 1959 to extend her jurisdiction. lt further
emphasized that its acceptance of the settlement was "in viewof the et le Canada et visant à instaurer une limite de pêchede 12 milles, sous
réserve d'une période de transition de dix ans pour les Etats qui prati-
quent déjàla pêcheentre les limites de 6 et 12milles. II a fait observer que
le Royaume-Uni et la Norvège venaient de conclure un accord bilatéral
reposant sur cette piroposition de compromis et applicable sous réserve

d'une période de transition de dix ans pour les navires de pêche du
Royaume-Uni. En miême temps, le Royaume-Uni a réaffirméqu'il recon-
naissait la situation spéciale de l'lslande en tant que pays dont l'écono-
mie dépend essentiellement de la pêcheet admis que la formule proposée
par les Etats-Unis et le Canada devrait,pour cette raison, êtremodifiéede
façon à tenir compte de ce facteur. II a suggéréque cette modification

consiste à ramener de dix à cinq ans la période transitoire prévuepour les
navires de pêchedu Royaume-Uni.
20. Les négociatio,nsse sont poursuivies et les deux parties ont présenté
des propositions et descontrepropositions. Les représentants de l'Islande
ont vivement insistépour que certaines régions, même au-delà de la limite
des 12milles, soient réservéesaux pêcheurs islandais, ce qui étaitessentiel
à leur avis pour résoudre le problème des régions où la pêcheétait inten-

sive. La délégationdu Royaume-Uni a contesté cette opinion avec une
égale vigueur et fait valoir que, compte tenu des données scientifiques
disponibles au sujet des pêcheries, des raisons de conservation ne jus-
tifieraient pas que des zones soient réservéesen dehors de la limite des
12milles. Elle n'en a pas moins oftèrt d'examiner avec la délégation islan-
daise toute proposition concernant l'adoption de mesures de conservation

dans certaines régions ou de mesures de police propres à éviter des dif-
ficultés dans les zones où la pêche estplus intensive, mais elle a refusé
d'accepter 1:1demande de I'lslande tendant à ce que certaines zones lui
soient réservéesau-delà de la limite des 12milles.
21. Le compromis par lequel le diErend a étéfinalement réglédans
l'échange de notes de 1961 est énoncéau paragraphe 26 de l'arrêt.Pour

l'essentiel, les P~irtie:.sont convenues de réglerleur différend sur les bases
suivantes: une zone de pêchede 12milles autour de I'lslande: les lignes de
base définiesdans le règlement de 1958 sous réservede quatre modifica-
tions; une période transitoire de trois ans pendant laquelle les navires du
Royaume-LJni pourront pêcherentre 6 et 12 milles; interdiction aux na-
vires britanniques de pêcherdans sept secteurs déterminés situés entre
6 et 12 milles; une clause prévoyant l'éventualitéd'une nouvelle initiative

de I'lslande tendant à élargir sa juridiction sur les pêcheriesen applica-
tion de la résolution de I'Althing en date du 5 mai 1959. Ainsi, tout en
acceptant une nouvelle réduction de la période transitoire, ramenée de
cinq à trois ans, et tout en admettant des restrictions à l'intérieur de la
zone transitoire mêrriependant cette période, le Royaume-Uni n'a recon-
nu à I'lslande aucun droit de juridiction en dehors de la limite des 12

milles. Au contraire, il a subordonné son acceptation du règlement global
à l'acceptation par l'Islande elle-mêmed'une clause régissant la situation
entre les Parties au cas où l'lslande prendrait une nouvelle initiative pour
élargir sa juridiction en application de la résolution de I'Althing du5 mai114 FISHERIESJURlSDICTlON (SEP.OP. WALDOCK)

exceptional dependence of the Icelandic nation upon coastalfisheries for
their livelihood and economidcevelopment".

22. Thus, whatever differences there may have been in the views of the
two countries regarding the applicable rule of general international law,
Iceland and the United Kingdom agreed in 1961 that the 12-mile limit,
which was the only fishery limit that hadcome near to general acceptance

at the 1960Conference, should thereafter constitute the limit of Iceland's
fishery jurisdiction as between themselves. They further agreed that this
12-mile limit should remaiti in force between them unless and until an
extension of Iceland's fishery jurisdiction should become opposable to the
United Kingdom in accordance with the final clause in the Exchange of
Notes which provided :

"The Icelandic Government will continue to work for the im-
plementation of the Althing Resolution of 5 May 1959regarding the
extension of fisheriesjurisdiction around Iceland, but shall giveto the

United Kingdom Government six months' notice of such extension
and, in case of a dispute in relation to such extension, the matter
shall, at the request of either Party, be referred to the International
Court of Justice."

This clause, as the Court stressed in its Judgment on the jurisdiction of
the Court (I.C.J. Reports 1973, p. 3),is not a mere compromissory clause
ancillary to the main provisions of the agreement. It was a basic con-
dition of the settlement by which lceland obtained the United Kingdom's
recognition of Iceland's 12-mile limit, her enlarged baselines, the brief
three-year transitionalperiod and the exclusion of United Kingdom ves-

sels from seven areas even during the transitional period.

23. In that Judgment the Court traced the origins of the compromis-
sory clause in the negotiations leading up to the conclusion of the 1961
Exchange of Notes (para. 18):

"The records of these negotiations which were drawn up by and
have been brought to the Court's attention by the Appplicant, as well
as certain documents exchanged between the two Governments,
show that, as early as 5October 1960, it had become apparent that
the United Kingdom would accept in principle Iceland's right to
exclusive fisheries jurisdiction within the 12-mile limit following

the end of a transitional period. However, the Government of the
United Kingdom sought an assurance that there would be no further
extensions of Icelandic fisheriesjurisdiction excluding British vessels,
in implementation of the Althing resolution, except in conformity
with internationallaw. ln the course of the discussions concerning
this point both parties accepted the notion that disputes arising from

such further extensionsshould be submitted to third-party decision."
(Emphasis added.) 1959. Le Royaume-Uni a en outre souligné qu'il avait accepté le règle-
ment étantdonnéque la nation islandaise est exceptionnellement tributaire
despêcheries cotièrep sour sasubsistance et son développement économique.

22. Cela étant, qiielles qu'aient pu êtreles divergences entre les deux
pays au sujet de la règle de droit international général applicable, 1'1s-
lande et le Royaume-Unisont convenus en 1961que la limite des 12niilles
- seule limite de pêche qui ait été presque généralement acceptéà e
la Conférence de Genève de 1960 - devrait désormaisconstituer,pour ce
qui les concernait, la limite de la compétence islandaise en matière de

pêche.Ils ont en outre reconnu que cette limite des 12milles devrait rester
en vigueur entre eux jusqu'à ce qu'un élargissement de la juridiction de
l'Islande sur ses pêcheriesdevienne opposable au Royaume-Uni confor-
mémentà la dernière clause de l'échangede notes qui stipule:

((Le Gouverniement islandais continuera de s'employer à mettre en
Œuvre la résolution de 1'Althing en date du 5 mai 1959 relative à
l'élargissement'delajuridiction sur les pêcheriesautour de I'lslande,
mais notifiera six mois àl'avance au Gouvernement du Royaume-Uni
toute mesure en ce sens; au cas où surgirait un différenden la matière,

la question sera portée à la demande de l'une ou de l'autre partie,
devant la Cour internationale de Justice.»
Cette clause, comme la Cour l'a soulignédans son arrêtsur sa compé-
tence (C.I.J. Recueir'1973, p. 3), n'est pas une simple clause compromis-

soire subordonnée aux principales dispositions de l'accord. Il s'agit d'une
condition fondamentale du règlement par lequel l'Islande obtenait du
Royaume-Uni la reconnaissance de sa juridiction jusqu'à 12 milles, des
lignes de base élargies,une brèvepériode transitoire de trois ans et I'inter-
diction aux navires de pêchedu Royaume-Uni de pêcherdans sept sec-

teurs, même pendant la période transitoire.
23. Dans cet arrêt,la Cour a rappelél'origine de la clause compromis-
soire pendant les négociations qui ont abouti à la conclusion de l'échange
de notes de 1961 (par. 18) :

((11ressort des comptes rendus de ces négociations qui ont été
établiset portés à la connaissance de la Courpar le demandeur ainsi
que de certains documents échangésentre les deux gouvernements
que, dèsle 5octobre 1960,il apparaissait clairement que le Royaume-
Uni accepterait en principe le droit de I'lslande d'étendresa zone de
compétence exc:lusive sur les pêcheriesjusqu'à 12 milles à I'expira-

tion d'une période transitoire. Toutefois le Gouvernement du
Royaume-Uni désirait êtreassuré qu'il ne serait procédé, après
cela, en application de la résolution de I'Althing, à aucune nouvelle
extension de la compétence de l'Islande en matière de pêcheries
ayant pour effet d'exclure les navires britanniques, à moins qu'une
telle extension ne soit faite en conforn~itéavec le droit international.

Au cours des pourparlers qui se sont dérouléssur ce point, les deux
parties ont admis que les différends suscitéspar de nouvelles exten-
sionsdevraient i3tretranchéspar un tiers. » (Lesitaliques sont de nous.)Having then traced the history of the drafting of the clause, the Court
concluded (paras. 2 1-23):

"The history of the negotiations not only shows the intentions of
the parties but also explains the significance of the six months'
notice required to be given by the Government of Iceland to the
United Kingdom Government, for on 2 December 1960 the United
Kingdom representatives stated tliat the assurance they were seeking
sliould provide, inter alia, that, 'pending the Court's decision, any

measure taken to give effect to such a rule will not apply to British
vessels'.The Foreign Minister of Iceland is recorded as having replied
on the same datethat the most difficult feature of the problem of the
assurance was how to deal with the point that 'ifthere was a dispute,
no measure to apply an extension on Jishery limits would be taken
pending reference to the International Court'.

The idea of a six months' nocice to be given by Iceland was first
discussed on 3 December 1960 and was embodied in the formula
advanced by the lcelandic delegation on that same date, which is
transcribed in paragraph 19 above. This requirement of notice was
agreed to by the parties. It may be assumed that they considered that
such a period would allow sufficient time to settle the question
through negotiations or, if no settlement were reached, to submit the

whole issue to the Court, including, in accordance with the statutory
powers possessed by the Court, the applicability of the measures of
exclusion to British vesselspendente lite ...
This history reinforces the view that the Court has jurisdiction in
this case, and adds emphasis to the point that the real intention of the
parties uras to give the United Kingdom Government an effective
assurance wl~ichconstituted a sine qua non and not merely a severable

condition of the whole agreement: namely, the right to challenge
before the Court the validity of any further extension of lcelandic
fisheries jurisdiction in the waters above its continental shelf beyond
the 12-milelimit." (Emphasis added.)

This view of the compromissory clause, which 1 share, is amply justified
by the context of the clause in the settlement embodied in the 1961
Exchange of Notes and by the record of the negotiations.

24. It follows, in my opinion, that under the very terms of the 1961

Exchange of Notes a subsequent extension by lceland of her fishery
jurisdiction beyond the 12-milelimit agreed to in that treaty is not oppo-
sable to the United Kingdom if that extension does not comply with the
conditions laid down in the compromissory clause.Après avoir fait 1'h:istoriquede la rédaction de cette clause, la Cour a
conclu (par. 21-23):

((Le déroulernent des négociations révèledonc les intentions des
parties et explique en outre pourquoi il étaitprévuque le Gouverne-
ment islandais devrait donner au Gouvernment du Royaume-Uni un
préavis desix mois; en effet, le 2 décembre 1960,les représentants du
Royaume-Uniontdéclaréque les assurancesqu'ilscherchaient à obtenir
devraientnotamment spéciJierque, ((dansl'attente de ladécision dela
Cour, toute mesure prise pour donner efet à une telle règle ne appli-

querapas aux riaviresbritanniques)). Le ministre des Affaires étran-
gères d'Islande a répondu le mêmejour, suivant les documents
fournis, que l'aspect le plus difficile du problème des assurances
concernait les dispositions à prévoir pour garantir ((qu'en cas de
différendaucun,?mesure tendant à élargir leslimites depêchene serait
prise sans que10Cour internationaleensoit saisie».
L'idéed'un préavisde six mois à donner par l'Islande a étédiscu-
téepour la première fois le 3 décembre 1960 et reprise dans la for-

mule proposée le mêmejour par la délégation islandaise (voir ci-
dessus paragraphe 19). Les parties ont accepté cette obligation de
préavis. On peut supposer que, dans leur esprit, ce délai devait
suffire pour permettre de réglerla question par voie de négociations
ou, à défaut,pour saisirla Courdel'ensembleduproblème, y compris,
conformémentaux pouvoirs quelui reconnaît leStatut, leproblèmede
l'applicabilitéaux navires britanniques desmesures d'exclusion pen-
dente lit...

Cet historique renforce la thèse selon laquelle la Cour est compé-
tente en l'espèce et fait ressortir quI'intention i~éritabees parties
était de donner au Gouvernement duRoyaume-Uni des assurances
réellesqui constituaient une conditionsine qua non et non pas sim-
plement une condition dissociable dle'ensemblede l'accord, et consis-
taient dans le droit de contester devant la Cour la valadité de tout
nouvel élargissement de la compétence de l'Islande en matière de
pêcheriesdans les eaux recouvrant son plateau continental au-delà

de la limite des 12milles» (Les italiques sont de nous.)
Cette interprétation de la clause compromissoire, que je partage, est
largement justifiée par le contexte dans lequel la clause a été acceptée
dans le règlement que consacre l'échange de notes de 1961 et par les

comptes rendus des négociations.
24. Il s'ensuit qu'à mon avis, aux termes mêmesde l'échangede notes
de 1961, tout nouvlrl élargissement par l'lslande de sa juridiction sur les
pêcheriesau-delà de la limite de 12 milles convenue dans ce traité n'est
pas opposable au Royaume-Uni si cet élargissement n'est pas conforme
aux conditions définiesdans la clause compromissoire.116 FISHER~ESJURISDICTION (SEP. OP. WALDOCK)

25. The principal facts relating to Iceland's subsequent extension of
her fishery jurisdiction to 50 miles are summarized in paragraphs 27-34
of the Judgment. When Iceland made a public announcement of her
intention to extend her fishery limit to 50 miles from her baselines, she at

the same time announced that she considered the 1961 Exchange of
Notes as "terminated". On the United Kingdom's objecting that it
considered Iceland's intended extension of her fishery limit to have no
basis in international law and reminding her of the compromissory
clause in the 1961Exchange of Notes, lceland repeated her claim that the
compromissory clause was no longer in force. Similarly, when in an aide-

mémoire of 24 February 1972 Zceland gave to the United Kingdom for-
mal notice of her intention to proceed to the extension of her fishery
limit not later than 1September of that year, she reasserted her thesis that
the provisions of the Exchange of Notes were "no longer applicable" and
"consequently terminated". Again, when on 14 April 1972 the United
Kingdom filed an Application bringing the present case before the Court,

Icelandinformed the Court, ina letter of 29 May 1972,that the Agreement
of II March 1961 was not of a permanent nature, that its object and
purpose had been fully achieved, and that it was no longer applicable
and had terminated; that there was on 14April 1972 no basis under the
Statute for the Court to exercise jurisdiction; and that she was not willing

to confer jurisdiction on the Court and would not appoint an agent.
Furthermore, although the Court had not yet pronounced on its juris-
diction, Iceland proceeded, on 14 July 1972, to issue new Regulations
extending her fishery limit to 50 miles as from 1 September of that year.

26. When the issue of the new Regulations led the United Kingdom
to file a request for the indication of interim measures of protection,
Iceland in a telegram to the Court of 29 July 1972 reiterated her view
that there was no basis for the exercise of the Court's jurisdiction in the
case, asserted that there was consequently no basis either for the request
for an indication of interim measures and took no part in the proceedings.

On 17 August 1972 the Court made its Order for interim measures in
which, inter alia,it indicated that, pending its final decision in the pro-
ceedings, lceland should refrain from taking any measures to enforce the
Regulations of 14 July 1972 against vessels registered in the United
Kingdom and engaged in fishing activities in the waters around Iceland
outside the 12-mile fishery zone. Notwithstanding this Order of the

Court, however, Iceland proceeded to enforce her new Regulations
against United Kingdom vessels as soon as they came into effect on 1
September 1972. In a Note of 28 August 1972 to the United Kingdom,
Iceland explained that she did not consider the Order to be binding upon
her "since the Court has no jurisdiction in the matter".

27. So long as Iceland's claim, that the 1961 Exchange of Notes was 25. Les principau:~ faits relatifs à la décision prise ultérieurement par
l'Islande d'élargir sa compétence sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles sont
résumésaux paragraphes 27 à 34 de l'arrêt. Lorsque l'Islande a fait
connaître publiquement son intention de porter les limites de sa zone de
pêcheà 50 milles à partir de ses lignes de base, elle a en mêmetemps an-

noncéqu'elle considiirait I'échangede notes de 1961comme (caduc )>.Le
Royaume-Uni ayant objecté qu'il considérait que l'élargissement de la
limite de pêche à laquelle l'Islande se proposait de procéder n'avait
aucun fondement en droit international et lui ayant rappelé la clause
compromissoire de I'échangede notes de 1961, l'Islande a répétéqu'elle
estimait que la clause compromissoire n'était plusen vigueur. De même

lorsque, dans un aide-mémoire du 24 février 1972, l'Islande a fait con-
naître officiellemenl: au Royaume-Uni son intention de procéder à
l'élargissement de se:slimites de pêchele ler septembre suivant au plus
tard, elle a réaffirmiique les dispositions de I'échangede notes ne sont
((plus applicables» et sont ((donc devenues caduques ».Lorsque le 14avril

1972 le Royaume-Uni a déposé une requête portant la présente af-
faire devant la Cour, l'Islande a de nouveau fait savoir à la Cour, dans
une lettre du 29 mai 1972, que l'accord du 11 mars 1961 n'avait pas un
caractère permanent., qu'il avait entièrement atteint son but et son objet,
qu'il n'était plusapplicable et qu'il avait pris fin; qu'à la date du 14avril
1972 la Cour ne pouvait trouver dans son Statut aucun fondement pour

l'exercice de sa compétence en l'affaire; et que l'Islande n'était pas dis-
poséeà attribuer compétence à la Cour et ne désignerait pas d'agent. En
outre, alors que la Cour ne s'étaitpas encore prononcée sur sa compé-
tence, l'Islande a promulgué le 14juillet 1972un nouveau règlement qui
portait ses limites de pêcheà 50 milles à compter du 1.1 septembre

suivant.
26. Lorsque à la suite de la promulgation de ce nouveau règlement le
Royaume-Uni a déposé une demande en indication de mesures conserva-
toires, l'Islande a réaffirmédans un télégrammequ'elle a adressé à la
Cour le 29juillet 19'72que la Cour n'étaitpas fondée à exercer sa compé-

tente en l'espèceet la demande en indication de mesures conserva-
toires étaitégalementsans fondement et elle n'a pas pris part à l'instance.
Le 17août 1972la Cour a rendu une ordonnance en indication de mesures
conservatoires où elle indiquait notamment qu'en attendant son arrêt
définitif en l'affaire l'Islande devait s'abstenir de toute mesure visant à
appliquer le règlement du 14juillet 1972 à l'encontre des navires imma-

triculés au Royaume-Uni et pêchantdans les eaux environnant l'Islande
au-delà de la zone de pêche de 12 milles. Malgré I'ordonnance de la
Cour, l'Islande a commencéàappliquer le nouveau règlement à l'encontre
des navires du Royaume-Uni dès son entrée en vigueur le lerseptembre
1972. Dans une note du 28 août 1972adresséeau Royaume-Uni, l'Islande

a expliqué qu'elle ne considérait pas I'ordonnance comme ayant un effet
obligatoire à son kgard puisque ((la Cour n'était pas compétente en
l'espèce)).
27. Aussi longtemps que la prétention de l'Islande suivant laquelleno longer applicable between her and the United Kingdom, remained
undecided, the question whether the enforcement of her new Regulations
against the United Kingdom violated that agreement could perhaps be

considered as being in doubt. In its Judgment of 2 February 1973,
however, the Court rejected seriafimal1Iceland's objections to the appli-
cation of the 1961Exchange of Notes to the present dispute and upheld its
jurisdiction to pronounce upon the merits. That Judgment, as Lceland
could not fail to be aware, was binding upon her under Article 36, para-
graph 6, of the Statute of the Court and res judicafafor the purposes of

the present case. Yet, even after the handing down of that Judgment,
Lceland persisted in her efforts to enforce the new 50-mile limit against
United Kingdom vessels and, as is evidenced by her telegram to the
Court of 14 January 1974, in denying the Court's competence to adju-
dicate upon the dispute. Whatever may have been the considerations that
led Iceland to repudiate her obligationsunder the compromissory clause

of the 1961 Exchange of Notes, the clear implication of the Court's
Judgment of 2 February 1973is that she lacked any legaljustification for
thus attempting to revoke the assurance which she had given to the United
Kingdom in that Agreement.

28. The comprehensive character of Iceland's repudiation of the assur-
ance which she had given in the 1961 Exchange of Notes needs little
emphasis in the light of the facts recited above. By denying the Court's

competence to decide the dispute in relation to the extension of her
fishery jurisdiction, by denying the Court's power to indicate interim
measures and by disregarding the Court's Order indicating that she
should refrain from taking measures to enforce the extension against
United Kingdom vessels pendente lite, tceland in effect tore up the

assurance which she had given in 1961and sought unilaterally to impose
the new extension upon the United Kingdom. It follows that Iceland's
extension of her fishery jurisdiction promulgated in 1972does not comply
with the conditions laid down in the compromissory clause of the 1961
Exchange of Notes. 1.tfurther follows, in my opinion, that the extension
is not opposable to the United Kingdom in the present proceedings.

29. It is true that the object of the compromissory clause was to enable
either Party, and more especially the United Kingdom, to have the
question of the validity of any further extension of Iceland's fishery
jurisdiction determined by the Court; and that, as the records of the
negotiations show, the clause was directed to the possibility of some
future development in maritime international law. It is also true that the

United Kingdom has invoked the clause and asked for a determination
of the invalidity of the new extension under maritime international law;I'échangede notes de 1961 n'était plus applicable entre I'Islande et le

Royaume-Uni n'avait pas fait l'objet d'une décision, il pouvait peut-être
subsister un doute siurle point de savoir si la mise en Œuvre par l'Islande
de ce nouveau règlement à l'encontre du Royaume-Uni violait cet
accord. Dans son arrêtdu 2 février 1973, la Cour a rejeté I'une après
I'autre toutes les objections soulevéespar I'Islande contre l'application de
I'échangede notes de 1961 au présent différendet s'est déclaréecompé-

tente pour statuer sur le fond. Cet arrêt, comme I'Islande ne saurait
l'ignorer, a un effet obligatoirà son égarden vertu de l'article 36, para-
graphe 6, du Statut de la Cour et a autorité de chose jugéeaux fins de la
présente espèce. Pourtant, même aprèsque la Cour eut rendu cet arrêt,
l'Islande a poursuivi ses efforts en vue d'appliquer la nouvelle limite des
50 milles à I'encont.re des navires britanniques et elle a continué, ainsi

qu'il ressort du télégramme adresséà la Cour le 14janvier 1974,de nier la
compétencede la Courpour connaître du différend. Quellesque soient les
considérations qui ont amené l'Islande à écarter les obligations que la
clause compromissoire de l'échange de notes de 1961 lui imposait, on
peut déduire nettement de l'arrêtde la Cour du 2 février1973 que sa ten-
tative pour révoquerlesassurances qu'elle avait donnéesau Royaume-Uni

dans cet accord manquait de toute justification juridique.

28. Le rejet par l'Islande des assurances qu'elle avait fournies dans

I'échangede notes die 1961a un caractère global sur lequel il est inutile de
s'étendre vu les faits relatés précédemment.En niant que la Cour soit
compétente pour statuer sur le différend relatif à l'élargissement de ses
limites de pêche, endéniant à la Cour le pouvoir d'indiquer des mesures
conservatoires et en faisant fi de l'ordonnance de la Cour tendant à ce
qu'elle s'abstiennede prendre des mesures pendant l'instance pour mettre

en Œuvre cet élargissementà l'encontre des navires britanniques, l'Islande
a, de fait, reniéles assurances qu'elle avait données en 1961et tentéd'im-
poser le nouvel élargissement au Royaume-Uni par un acte unilatéral. II
s'ensuit que I'exterision par l'Islande de sa compétence en matière de
pêcheries,promulguée en 1972, ne satisfait pas aux conditions définies
par la clause compromissoire de l'échangede notes de 1961.Il s'ensuit de

plus, à mon avis, q,ue cette extension n'est pas opposable au Royaume-
Uni dans la préseniteinstance.
29. 11est vrai que la clause compromissoire avait pour objet d'habiliter
I'une ou l'autre partie, et plus spécialement le Royaume-Uni, à soumettre
à la décisionde la Cour la question de la validitéde toute nouvelle exten-
sion de la compétencede l'Islande en matière de pêcheries,et que, comme

il ressort des comptes rendus des négociations, la clause prévoyait la
possibilité d'une évolution future du droit international maritime. 11est
non moins vrai que le Royaume-Uni a invoqué la clause, qu'il a demandé
que la nullité du nouvel élargissement soit prononcée en vertu du droitand that the Court has upheld its jurisdiction to pronounce upon the
merits. In my opinion, however, Iceland's repudiation of the compro-
missory clause, and of the assurance which she thereby gave in the 1961
Exchange of Notes, constitutes an initial and conclusive ground of the

invalidity of the extension as against the United Kingdom. To decide
otherwise would be to give lceland the benefit of her own wrong by
leaving the question of invalidity open before the Court. At the same
time, by giving effect to this initial ground of invalidity, which derives
from general principles of international law, the Court would be ful-
filling the object of the compromissory clause, no less than by pronoun-

cing upon the validity of the extension under maritime international law.

30. Consequently, 1 do not think that it would be correct to regard
Iceland's total refusal of the Court's jurisdiction as having the effect only
of exposing her to a judgment in default of appearance under Article 53
of the Statute. To attribute to it so limited an effect would not, in my

view, be consistent with the object of the compromissory clause or
compatible with the Court's finding that the assurance given to the United
Kingdom in the clause was intended to be not merely a "severable
condition" but a "sine qua non of the whole agreement". The compromis-
sory clause, it follows from that finding, is an integral part of the law
applicable between Iceland and the United Kingdom with regard to an

extension of Iceland's fisheryjurisdiction, and, as such, is also part of the
law to be applied by the Court in deciding upon the validity of such an
extension.
31. Accordingly, in my opinion, Iceland's total repudiation of the
assurance which she gave in the 1961 Exchange of Notes constitutes an
additional, and quite fundamental, ground for finding that Iceland's

extension of the fisheryjurisdiction in 1972isnot opposable to the United
Kingdom in the present proceedings. That in itself would, 1think, suffice
to justify the Court in upholding the second and third submissions of the
United Kingdom. Unlike the first submission which asks the Court to
declare the extension to be without foundation in international law and
invalid erga omnes, these two submissions specifically challenge Iceland's

right to assert an exclusive fisheries jurisdiction, as against the United,
Kingdom, beyond the limits agreed to in the Exchange of Notes of 1961. At
the public sitting of 29 March 1974, in reply to a question from a Member
of the Court, counsel forthe United Kingdom explained that the first three
submissionsof the United Kingdom are not so connected that the second
and third cannot stand without the first, and that it is therefore open to the

Court to adjudicate on the second and third without adjudicating upon
the first. Nor does counsel seem to have intended to modify that statement
when he added: "it being, of course, understood and accepted that
submissions (b) and (c) are based on general international law and are,
of course, not confined merely to the effect of the Exchange of Notes".
General international law, no doubt, forms an element in the second and

third submissions since it is the United Kingdom's thesis that the 12-mileinternational de la mer et que la Cour s'est déclaréecompétente pour
statuer sur le fond. Cependant, à mon avis, le rejet par l'Islande de la
clause compromissoire et des assurances qu'elle avait ainsi données

dans l'échangede niotes de 1961 constitue une cause initiale et détermi-
nante de la nullité de l'extension vis-à-vis du Royaume-Uni. Statuer
autrement serait permettre à I'lslande de tirer profit de sa propre faute en
laissant la question1 du défaut de validité en suspens devant la Cour.
D'autre part, en donnant effet à cette cause initiale de nullité,qui résulte
des principes généraux du droit international, la Cour atteindrait aussi

sûrement le but de la clause compromissoire qu'en statuant sur la validité
de l'élargissement de la zone de pêchedu point de vue du droit interna-
tional maritime.
30. En conséquence, il serait, me semble-t-il, inexact d'estimer que le
refus total de l'Islande de se soumettre à la compétence de la Cour a pour
seul effet de l'exposer à une décisionpar défauten vertu de l'article 53 du

Statut. Attribuer uri effet aussi limitéà ce refus serait, je pense, incompa-
tible avec l'objet dt: la clause compromissoire ou avec ce qu'a décidé la
Cour quand elle a jugé que les assurances données au Royaume-Uni par
cette clause constituaient non pas simplement une ((condition dissociable )),
mais (tune condition sine qua non ...de l'ensemble de l'accord)). La
clause compromissoire - cela résulte de cette constatation - fait partie

intégrante du droit applicable, dans les rapports de l'Islande et du
Royaume-Uni, à l'extension de la compétence islandaise en matière de
pêcherieset, à ce titre, elle fait aussi partie du droit que la Cour doit
appliquer pour statuersur la validitéd'une telle extension.
31. Le rejet total par l'Islande des assurances qu'elle a données dans
l'échangede notes de 1961 constitue donc, à mon avis, un motif supplé-

mentaire et tout à fait essentiel de décider que l'élargissement par 1'1s-
lande de sa compétence en matière de pêcheries en 1972 n'est pas op-
posable au Royaume-Uni dans la présenteinstance. Cela seul suffirait, je
pense, pour justifier la Cour à accueillir les deuxième et troisième conclu-
sions du Royaume-Uni. A la différence de la première conclusion, qui

demande à la Cour de déclarer que l'extension est sans fondement en
droit international et nulle erga omnes, ces deux conclusions contestent
expressément le droit de l'Islande de revendiquer une compétence exclu-
sive en matière de pêcheriesà l'encontre du Royaume-Uni au-delà des
limites convenuesdons l'échange denotes de 1961.A l'audience publique du
29 mars 1974,en réponse à une question poséepar un membre de la Cour,

le conseil du Royaume-Uni a expliquéque les trois premières conclusions
britanniques ne sont pas à ce point interdépendantes que la deuxième et la
troisième ne puissent êtreisoléesde la première et qu'il est donc loisible à
la Cour de statuer sur les deuxième et troisième conclusions sans statiier
sur la première. L,e conseil ne semble pas avoir voulu modifier cette
déclaration quand ila ajouté: ((étantévidemment entendu et acceptéque

les conclusions b) et c) sont fondées sur le droit international général
et, bien sûr, ne concernent pas uniquement les effets de l'échange de
notes)). Le droit international général estassurément un élémentdes119 FlSHERlESJURISDICTION (SEP. OP. WALDOCK)

limit agreed to in 1961is at the same time the generally accepted limit of

exclusive fishery jurisdiction. But what differentiates these submissions
from the first submission is the express reliance which they place on the
agreement between the Parties in the 1961 Exchange of Notes regarding
a 12-mile fishery limit around Iceland.

32. My view therefore is that, in addition to the reasons given in the
Judgment, Lceland's repudiation of her obligations under the 1961
Exchange of Notes would in itself sufficeto justify subparagraphs 1and 2
of the operative part of the Judgment which in effect upheld the second
and third of the United Kingdom's final submissions.

33. As to the first submission, it follows that 1agreewith the Courtthat
for the purposes of the present Judgment it is not, strictly speaking, neces-
sary to pronounce upon the question raised by that submission, namely,
whether the extension of Iceland's fishery limit t50 miles is without foun-

dation in international law and is invalid. Framed in that way, the sub-
mission appears to ask the Court to hold that the extension was ipsojure
illegal and therefore invalid erga omnes; and this view of the submission
is confirmed by the statement of counsel at the public sitting on25 March
1974 when, inter alia, he said: "This answers the question whether an
extension of an exclusive fisheries zone beyond 12miles would be illegal,

it would." Although 1 consider that Iceland's extension of her fishery
limit beyond the 12-milelimit agreed to in 1961would not be opposable to
the United Kingdom under general international law as well as under the
Exchanges of Notes, 1 should have more hesitation in upholding the
proposition advanced in the first submission. The reason is that it does
not seem to me to formulate the issue in the manner in which it presents
itself in modern maritime international law.

34. After the failure of The Hague Codification Conference of 1930to
establish the 3-mile limit as a universal rule and obligatory limit for the
breadth of the territorial sea, the question arose as to what, if any, is the
rule of international law concerningthe breadth of the territorial sea. The
prevailing opinion was that, after the failure of the Conference,the 3-mile

limit remained a limit which could be said to be generally accepted and,
therefore, ipso jure, valid and enforceable against any other State; but
that a claim in excess of that limit could no longer be said to be ipsojure
contrary to international law and invalid erga omnes; and that the validity
of such a claim as against another State would depend on whether it was
accepted or acquiesced in by that State (cf. G. Gidel, Droit international
public de lamer, 1934, Vol. 3, pp. 134-135).deuxièmeet troisiènneconclusions, car le Royaume-Uni soutient que la
limite de 12 milles convenue en 1961est en mêmetemps la limite géné-
ralement acceptéepour la compétenceexclusive en matière de pêcheries.
Mais ces conclusions se distinguent de la première en ce qu'elles se
fondent expressémentsur l'accord conclu entre les Parties dans l'échange
de notes de 1961 ail sujet d'une limite de pêchede 12 milles autour de
l'Islande.
32. J'estime donc qu'en plus des motifs énoncésdans l'arrêtle rejet,
par l'Islande, des obligations quilui incombent en vertu de l'échangede

notes de 1961 suffirait à lui seulà motiver les sous-paragraphes 1 et 2
du dispositif, qui ont pour effet d'accueillir les deuxième et troisième
conclusions finales du Royaume-Uni.

33. En ce qui co,ncerne la première conclusion, il résulte de ce qui
précèdeque, comme la Cour, je n'estime pas à strictement parler néces-
saire, aux fins du présent arrêt,de statuer sur la question posée, cellede
savoir si l'extension portant la limite de pêcheislandaiseà 50 milles est
sansfondement en droit international et n'est pas valable. Ainsi formulée,
cette conclusion semble demander à la Cour dejuger que l'élargissement
était ipsojure contraire au droit et donc nul erga omnes; une telle inter-
prétation est confirnnéepar ce qu'a déclaré le conseil du Royaume-Uni à
l'audience publique du 25 mars 1974,notamment quand il a dit: ((Cela

répond à la questioin de savoir si l'élargissementde la zone exclusive de
pêcheau-delà de l;! milles serait illicite; la réponse est)>.Bien que
j'estime que l'extension par l'Islande de sa zone de pêcheau-delà de la
limite de 12 milles fixéed'un commun accord en 1961 ne puisse être
opposable au Royaume-Uni ni en vertu du droit international général,
ni en vertu de l'échangede notes, j'hésiteraisdavantage à déclarer fondée
la proposition énoncéedans la premièreconclusion. La raison en est que
celle-ci ne me sembliepas définirla question dans les termes ou elle se
présentedans le droit international maritime d'aujourd'hui.
34. Après l'échecenregistré par la Conférence de codification de La
Haye de 1930dans ses tentatives pour érigerla limite de 3 milles en règle
universelle fixant obligatoirement la largeur de la mer territoriale, on s'est
demandé s'il existait une règlede droit international régissant lalargeur
de la mer territoriale et si oui en quoi elleconsistait. L'opinion dominante
a étéque, après l'échecde la conférence,on pouvait toujours considérer la
limite de 3 milles comme généralement reconnueet par suite comme ipso

jure valable et opposable a tout autre Etat mais que l'on ne pouvait plus
dire de toute prétmtion dépassant cette limite qu'elle était ipso jure
contraire audroit international et nulle ergaomnes;une telle revendication
serait ou non valable vis-à-vis d'un autre Etat selon que celui-ci l'aurait
acceptéeou y aurait acquiescé (voirG. Gidel, Droit international publicde
la mer, 1934,tome :3,p. 134-135). 120 FISHERIESJURISDICTION (SEP. OP. WALDOCK)

35. Since 1930a considerable number of new claims to maritime juris-
diction have been advanced by coastal States, whether to a larger terri-
torial sea or to other forms of maritime jurisdiction. In the absence of
clearly established general rules, the legal issue has continued to present

itself in terms of the opposability of the claim to each other State rather
than of the absolute legality or illegality of the claim eromnes; in other
words, in terms of the acceptance or acquiescence of other States. At the
two Geneva Conferences on the Law of the Sea of 1958 and 1960 the
12-mile limit figured prominently in the debates both with respect to the
breadth of the territorial sea and the extent of the exclusive fishery zone,

though adopted at those Conferences in regard to neither. In fisheries, as
paragraph 52 of the Judgment relates, the law evolved through State
practice and a coastal State's right to an exclusive fishery zone up to 12
miles from its baselines appears to have beconie generally accepted.
Larger claims have certainly been advanced by individual States and the
third United Nations Law of the Sea Conference is alreadv in session.

But tliese larger claims, while accepted by some States, are rejected by
others and beyond the 12-mile limit general acceptance does not exist,
nor, as paragraph 53 of the Judgment observes, can the Court anticipate
the law before the legislator has laid it down. Therefore, an extension of
fisheries jurisdiction beyond 12 miles is not, in my opinion, opposable to
another State unless shown to have been accepted or acquiesced in by

that State.

36. In the present instance, Iceland's unilateral extension of her ex-
clusive fishery limits from 12 to 50 miles as from 1 September 1972 was

at once objected to by the United Kingdom. Consequently, if it were
necessary to rest the Judgment on this point, Iwould consider the Court
justified in holding that Iceland's extension of her fishery jurisdiction
beyond the 12-mile limit agreed to in the 1961 Exchange of Notes is also
not opposable to the United Kingdom under general international law.

37. The Judgment, however, lays the emphasis on Cceland'sobligation
to respect the United Kingdom's existing fishing rights, the United
Kingdom's obligation, in turn, to respect Cceland'spreferential rights as a

coastal State specially dependent on the fisileries in adjacent waters, the
resulting obligation of both countries to undertake negotiations in good
faith for the equitable solution of their differences regarding their respec-
tive fishing rights and their duty to examine together such measures as
may be required for the conservation and development and equitable
exploitation of the fishery resources in the disputed waters. On this aspect 35. Devuis 1930. un nombre considérable de nouvelles revendications
de compétence maritime ont étéformuléep sar des Etats riverains, portant
soit sur un élargissennentde la mer territoriale soit sur d'autres aspects de
la compétence maritime. A défautde règlegénérale clairement établie,le
problèmejuridique a continué à se poser du point de vue de l'opposabilité
de la prétention àtel ou tel autre Etat plutôt que du point de vue de la

légalitéou de l'illégalitéabsolue, envisagéerga omnes; autrement dit, il
s'est posédans la perspective de l'acceptation ou de l'acquiescement des
autres Etats. Lors des deux conférencesde Genèvesur ledroit de la mer de
1958et 1960, la limite des 12 milles a étéau premier plan des débats
consacréstant àla largeur de la mer territoriale qu'à l'étenduede la zone
de pêche exclusive,:maisces conférencesne l'ont adoptée ni d'un point
de vue, ni de l'autre. En matière de pêche,comme le paragraphe 52 de
l'arrêtl'indique, l'évolutiondu droit s'est poursuivie par la pratique des
Etats et le droit de pêche exclusifde1'Etat riverain dans une zone attei-
gnant 12milles àpairtirde ses lignes de base semble désormaisgénérale-
ment accepté.Des prétentions plus étendues ont été formulées par des
Etats pris individuellement et la troisième Conférencedes Nations Unies
sur le droit de la mer est déjàen cours. Cependant si certains Etats accep-

tent ces prétentions plus étendues, d'autres les rejettent et, au-delà de la
limite des 12 milles, il n'existe pas d'assentiment général; comme lefait
observer le paragraphe 53 de l'arrêt,la Cour ne saurait énoncerle droit
avant que le 1égislatr:url'ait édicté.L'élargissementde la compétenceen
matière de pêcherie:;au-delà de 12 milles n'est donc pas, à mon avis,
opposable à d'autres Etats, saufà établirque ceux-ci l'ont acceptéou y
ont acquiescé.
36. Dans la présenteaffaire, l'extension unilatéraleparl'Islande de sa
zone de pêche exclusive,qui a été portée de12 à 50 millesà compter du
le1 septembre 1972, a sucité des objections immédiates de la part du
Royaume-Uni. S'il fallait motiver l'arrêtde ce point de vue, j'estimerais
que la Cour est fondée à dire que l'élargissementpar l'Islande de sa com-
pétence enmatière depêcheriesau-delà de la limite de 12millesconvenue

dans l'échangede notes de 1961n'est pas opposable au Royaume-Uni en
vertu du droit international général.

37. L'arrêtsouligne I'obligation qu'a l'Islande de respecter les droits
existants du Royaume-Uni en matière de pêche, l'obligationqu'a le
Royaume-Uni, à son tour, de respecter les droits préférentielsde l'Islande
en tant qu7Etat riverain spécialementtributaire de la pêchedans les eaux
adjacentes àsescôte!;,I'obligation quien découlepour lesdeux pays d'en-
gager des négociationsdebonne foi pour aboutir à la solution équitablede
leurs divergences coincernant leurs droits de pêche respectifs, ainsique le

devoir qui leurincornbe d'examiner ensemble les mesures qu'imposent la
conservation, le développementet l'exploitation équitabledes ressources 121 FISHERIES JURISDICTION (SEP. OP. WALDOCK)

of the case Cneed only add a few observations regarding the competence
of the Court under the compromissory clause to adjudicate upon these
issues, a question which is examined in paragraphs 43-48 of the Judgment.
1 fully subscribe to the reasoning developed in those paragraphs which I

believe to be borne out by the records of both the negotiations leading to
the conclusion of the 1961 Exchange of Notes and of the dispute con-
cerning Iceland's extension of her fishery jurisdiction to 50 miles.

38. Even the brief account of the 1960negotiations given in paragraphs

18-22of this opinion shows that preferential rights, conservation and the
traditional fishing rights of the United Kingdom were very much a sub-
ject of the difrerences between the Parties in those negotiations. The
opening statements of either side on 1 October 1960 set the framework
for the negotiations, and it is clear that from the outset lceland invoked
her exceptional dependence on her coastal fisheries, referring specifically

to her proposal at the 1960Conference that countries in special situations
should receive preferential treatil7enteixen bej~oi~12 miles. The United
Kingdom, on the other hand, while acceding to Iceland's claim to be a
"special situation" country, took a quite different view of the preferential
treatment to which Iceland was entitled in virtue of her special situation;
for it took the position that this might entitle lceland merely to a reduc-

tion of the phase-out period for British vessels. In subsequent meetings
the Icelandic delegation fought hard for areas to be entirely reserved to
Icelandic fishermen outside the 12-milelimit; so much so that those areas
were referred toat the meeting of 5October 1960as a more or lesscontin-
uous belt of water around the lcelandic Coast. Indeed, the Icelandic delega-
tion seems to have suggested that this might actually amount to a further

belt of 12 miles from which al1 United Kingdom fishing should be ex-
cluded. The response of the United Kingdom delegation was that this
could not conceivably bejustified either on grounds of conservation oron
practical grounds of density of fishing.

39. In short, running through the negotiations were arguments con-
cerning preferential treatment, reserved areas outside the 12-milelimit,
conservation and dense fishing. lt was in this context and in face of the
constant pressure of the lcelandic delegation for reserved areas outside

the 12-mile limit, as well as in the context of Iceland's declared policy of
seeking to extend her fisheryjurisdiction over the whole continental shelf,
that the United Kingdom delegation raised the question of a guarantee
against a further extension of lceland's fishery jurisdiction except in
conformity with international law. Indeed, when the question of a gua- COMP'ETENCEPÊCHERIES(OP. IND. WALDOCK) 121

halieutiques dans les eaux contestées. S'agissant de cet aspect de l'affaire,

je n'ai que quelques observations à ajouter sur la question de la compé-
tence que possède la Cour en vertu de la clause compromissoire pour
statuer sur cesmatiè.res,question qui est exposéeaux paragraphes 43 à 48
de l'arrêt.Je souscris pleinement au raisonnement qui est exposédans ces
paragraphes et qui, à mon avis, est étayétant par les comptes rendus des

négociations qui orit abouti a la conclusion de l'accord consacré par
l'échangede notes die 1961 que par les pièces relatives au différend néde
l'élargissement par I'lslande de sa juridiction sur les pêcheriesjusqu'à
50 milles de ses côtes.
38. Si bref soit-il, l'exposédes négociations de 1960 que j'ai fait aux

paragraphes 18à 22 de la présente opinion suffit à montrer que les droits
préférentiels,les questions de conservation et les droits de pêchetradi-
tionnels du Royaumie-Uni faisaient bel et bien l'objet de divergences de
vues entre les parties au cours de ces négociations. Les déclaration limi-
naires des deux parties, faites leleroctobre 1960, ont fixéle cadre des né-

gociations et il est clair que, dès l'abord, I'l.slande a invoqué sa dépen-
dance exceptionnelli: à l'égardde ses pêcheriescôtières, ayant expressé-
ment rappelé qu'à la conférence de 1960 elle avait proposé que les pays
qui se trouvent dans des situations spéciales bénéficientd'un traitel?zent
prc;fi;rentiel tn&nlc>au-delà d12 milles.Le Royaume-Uni, de son côté, tout

en admettant que l'lslande pouvait prétendre êtreun pays danç une ((situa-
tion spéciale )),envisageait d'une tout autre manière le traitement préfé-
rentiel auquel I'lslaride avait droit en vertu de sa situation spéciale: il a
soutenu, en effet, que cela pouvait tout au plus autoriser l'Islande à ré-
duire la duréede la période de retrait progressif des navires britanniques.
Au cours des réunioi~squi ont suivi, la délégationislandaise a vigoureuse-

ment lutté pour obtenir que des zones situées au-delà de la limite des
12milles soient complètement réservéesaux pêcheursislandais; la preuve
en est qu'à la réunion du 5 octobre 1960 on a parlé de ces zones, disant
au'elles constitueraient une ceinture maritime ~lus ou moins continue
autour des côtes isl,andaises. La délégationislandaise a mêmedonné à

entendre. semble-t-ill.,a#e cela reviendrait c eut-être.en réalité.à établir
une nouvelle ceinture de 12 milles dont serait exclue toute activité de
pêchebritannique. La délégationdu Royaume-Uni a alors déclaréqu'un
tel arrangement ne pourrait êtrejustifiéni par des motifs de conservation
ni par des considéra.tionsd'ordre pratique liéesau caractère intensif de la

pêche.
39. Bref, tout au long des négociations, ont étéprésentésdes argu-
ments concernant le traitement préférentieldes zones réservéesau-delà
de la limite des 12 niilles, la conservation et la densité de la pêche. C'est
dans ce contexte et face aux pressions constamment exercéespar la délé-

gation islandaise pour obtenir des zones réservéesau-delà de la limite des
12milles, c'est compte tenu aussi de la politique déclaréede I'lslande de
s'employer à étendre sa compétence en matière de pêcheries à tout le
plateau continental, que la délégation du Royaume-Uni a soulevé la
question de l'obtention d'une garantie contre un nouvel élargissement derantee was first raised at the meeting of 5 October 1960,it was inthe con-
text of a discussion asto what would be the position afterthe transitional
period in regard to the reserved areas outside the 12-milelimit which had
been demanded by Iceland.

40. It is true that the guarantee soon assumed a broader aspect in the
discussions and was then expressed to provide an assurance against the
exclusion of United Kingdom vessels from any area outside the 12-mile
limit except in conformity with a generally accepted rule of international
law. In other formulations it was referred to as an assurance against any
extension of Iceland's "fishery limits", but in its final version it wasex-
pressed in the entirely general form "extension of jîsheries jurisdiction
around Iceland" and linked to the Althing Resolution of 5 May 1959
concerning Iceland's policy of seeking recognition of her "rights" to the
whole continental shelf. That Resolution was itself linked to Iceland's
1948 "Law concerning the Scientific Conservation of the Continental
Shelf Fisheries" which, although expressed simply as a conservation
measure, was an "enabling" Act authorizing the fisheries minister to ex-
tend Iceland's fisheries jurisdiction over areas of the continental shelf as
and when hejudged it appropriate (see paras. 5 and 6 of this opinion).

41. Although Iceland's primary objective has, no doubt, been to
extend her exclusive fishery rights over more and more areas of the con-
tinental shelf, it does not seem to me justifiable to regard either the Law
of 1948or the Althing Resolution of 1959as relating only to extensions
of Iceland's exclusive fishery limits as the means for expanding her claims
to the fishery resources of the continental shelf. Quite apart from the
express reference to "conservation" as the motiffor the Law of 1948, it
is clear not only from the proceedings of the 1958and 1960Conferences
but also from the records of the 1960negotiations that Iceland was ready
to make use of any concept, and especially those of "preferential rights"
and "conservation zonesw-asa means offurthering herfisheriesobjectives.
Consequently, in my opinion, it would be altogether too narrow an inter-
pretation of the compromissory clause to interpret the reference in it to
the Althing Resolution of 1959as confining the Court's competence to a
dispute in relation to an extension of Iceland's exclusive fishery limits and

nothing else. The compromissory clause itself does not refer to an ex-
tension of fishery limits but to an extension of fisheryjurisdiction, a term
apt to cover any form of an attempt by lceland to extend her authority
over fisheries outside the 12-mile limit.la juridiction de l'Islande sur les pêcheries,sauf en conformité du droit
international. De fait, lorsque la question de la garantie a étésoulevée
pour la première fois à la réunion du 5 octobre 1960,c'étaitdans le cadre

d'une discussion sur ce que serait la situation, à l'expiration de la période
transitoire, en ce qui concerne les zones réservéesau-delà de la limite des
12 milles que l'lslaride avait réclamées.
40. 11est vrai qulz la question de la garantie a très vite pris une large
place dans les entretiens et le Royaume-Uni a alors demandé des assu-

rances contre I'excliision de ses navires de toute zone situéeau-delà de la
limite des 12milles, sauf conformément à une règlegénéralementacceptée
du droit international. Selon d'autres formules, il s'agissait d'obtenir des
assurances contre toute extension des ((limitesde la zone de pêche ))islan-

daise, mais, dans la version finale, la demande était expriméeen termes
très généraux, savoir, ctl'élargissement de la juridiction sur les pêcheries
autour de l'lslande 1)et la garantie était liéeà la résolution de I'Althing du
5 mai 1959concernant la nolitiaue de l'Islande visant à obtenir la recon-

naissance de son ((droit ))sur tout le plateau continental. Cette résolution
étaitelle-mêmeliéeà la ((Loi concernant la conservation scientifique des
pêcheriesdu plateau continental ))que I'lslande avait adoptée en 1948et
qui, bien que présentéecomme une simple mesure de conservation, était

pour ainsi dire une ((loi d'habilitation ))puisqu'elle autorisait le ministère
des Pêcheries à élargirlajuridiction de l'lslande sur les pêcheriesdans des
zones situées au-dessus du plateau continental lorsqu'il le jugerait ap-
propriéetaux dates qu'il fixerait (voir les paragraphes 5et 6 ci-dessus).

41. 11est indubitable que l'objectif principal de l'Islande étaitd'étendre
ses droits exclusifs clepêcheà un nombre de plus en plus grand de zones
du plateau continental, mais je ne crois pas que l'on soit fondé à consi-
dérer que la loi de 1'348ou la résolution de 1'Althingde 1959,qui visaient
l'une et l'autre uniquement l'extension des limites de la zone de pêche

exclusive de l'lslande, étaient le moyen d'étendrela prétention de I'lslande
aux ressources halieutiques de tout le plateau continental. lndépendam-
ment du fait que la ((conservation )) est expressément indiquée comme
étant le motif de la loi de 1948, il résulteclairement non seulement des

actes des conférencesde 1958et de 1960mais aussi descomptes rendusdes
négociations de 1960 que l'Islande était prêteà faire appel à n'importe
quelle notion, en particulier àcelles de ((droits préférentiels ))etde ((zones
de conservation 1)nour favoriser la réalisation de ses obiectifs en matière
,.
de pêche.Cela étant, on interpréterait à mon avis de façon beaucoup trop
étroite la clause cornpromissoire si on voyait dans la référencequi y est
faite à la résolution de 1'Althing de 1959 une limitation de la compétence
de la Cour aux seuls différends qui pourraient surgir au sujet de I'élar-

gissement par l'Islande de sajuridiction sur les pêcheries.La clause com-
nromissoire elle-mêmementionne non Das l'extension des limites de la
zone de pêche, mais l'élargissementde la juridiction sur les pêcheries;
cette dernière expression est de nature à s'appliquer à toute tentative,
sousquelqueforme que ce soit, faite par l'Islande pour étendre son auto-

ritéà des pêcheries situéesau-delà de la limite des 12milles. 42. In addition, as 1have indicated, such a narrow interpretation does
not seem consistent with the travaux préparatoires of the compromissory

clause. Equally, it does not seem to me consistent with the Court's
conclusion, in its Judgment of 2 February 1973,that:

". ..the real intention of the parties was to give the United Kingdom
Government an effectiveassurance ... :namely, the right to challenge
before the Court the validity of any further extension of Icelandic
jîsheries jurisdictionin the waters above its continental shelf ..."
(I.C.J.Reports 1973,p. 13, para. 23; emphasis added).

If, instead of extending her exclusive fishery limit pure and simple, Ice-
land had introduced measures greatly to restrict, or render unprofitable,

foreign fishing but in the guise of a "preferential" or "conservation"
régime,it would make nonsense of the "effective assurancew-the "sine
qua non of the whole agreement" in the Exchange of Notes-to interpret
it as not covering such measures. Nor should it be overlooked that the
"extension of fisheriesjurisdiction" effected by Iceland's 1972Regulations

was in fact expressed in those Regulations to be an application of the
Law of 1948concerning "Scientijc Conservation of the Continental Shelf
Fisheries". Consequently, it seems to me evident that the Court's compe-
tence must be understood as covering questions of preferential rights and
conservation, and more especially when raised in direct connection with
a dispute in relation to an extension of Iceland's zone of exclusive

fisheries.

43. There remains, however, the question whether the present "dis-
pute" does involve the questions of preferential rights and conservation. 1
share the view of the Court that, although occasioned by Iceland's uni-
lateral extension of her fishery jurisdiction, the present dispute at the
same time clearly includes differences regarding those matters. This seems

to me sufficiently established by the account of the dispute given in para-
graphs 17-29 of the United Kingdom's Memorial on the merits which
show that the differences between the Parties were not limited to the
question of the validity of the extension of the exclusive fishery zone, as
such, but involved Iceland's claims to exclusive fishery limits by reason of
her right to preferential treatment and her claims to be entitled to take

unilateral conservation measures.

44. Thus, in the very first explanation of the extension offered by the
Icelandic Government, in an aide-mémoire of 31 August 1971 (Annex
3 of the Memorial on the merits), it justified the measure by reference to 42. En outre, unle interprétation aussi étroite ne me parait pas com-
patible, comme je I"ai déjà indiqué,avec les travaux préparatoires de la
clause compromissciire. Je ne pense pas non plus qu'elle soit conciliable
avec la conclusion ci-après, à laquelle la Cour est parvenue dans son

arrêtdu 2 février 19173:
((l'intention véritable des parties était de donner au Gouvernement

du Royaume-1Jni des assurances réellesqui ...consistaient dans le
droit de contester devant la Cour la validitéde tout nouvel élargisse-
ment de la conipétencede l'Islande en matière de pêcheriesdans les
eaux recouvrant son plateau continental ))(C.I.J. Recueil 1973, p. 13,

par. 23). (Les italiques sont de nous.)
A supposer qu'au liieud'étendre purement et simplement la limite de sa

zone de pêche exclusiveI'lslande ait pris, en application d'un régime
((préférentiel))ou ((de conservation )),des mesures limitant considérable-
ment la pêcheétrarigèreou sa rentabilité, on rendrait parfaitement illu-
soires les ccassurances réelles ))données - et qui constituaient la ctcon-

dition sine qua non ,del'ensemble de l'accord ))consacré par l'échangede
notes - si on les interprétait comme ne s'appliquant pas à de telles
mesures. On ne doit pas oublier non plus que ((l'élargissement de la
juridiction sur les pêcheries))opérépar le règlement islandais de 1972 a

étéprésentédans ce texte comme une mise en Œuvre de la loi de 1948
concernant la ccconservation scientifique des pêcheries du plateau
continental)). En conséquence, il me semble évident que l'on doit con-
sidérer la compéterice de la Cour comme portant sur les questions de

droits préférentielset de conservation, plus spécialement quand elles se
posent en liaison avec un différend né à propos de l'extension par
l'Islande de sa zone de pêcheexclusive.

43. Reste toutefois la question de savoir si des questions de droits pré-
férentielset de conservation sont liéesau ((différend ))soumis à la Cour.
Je pense, comme la Cour,que le différendrésulte certes de l'élargissement

unilatéral par I'lslaride de sajuridiction sur les pêcheries,mais que, mani-
festement, ilenglobe en mêmetemps des désaccords sur ces questions.
Cela me paraît suffisamment établi par l'exposédu différendqu'a fait le
Royaume-Uni aux paragraphes 17à 29 de son mémoiresur le fond et qui

montre que les divergences de vues entre les Parties portaient non pas
seulement sur la question de la validitéde l'extension proprement dite de
la zone de pêche exclusivede I'lslande, mais aussi sur les prétentions de
celle-ci à une zone clepêche exclusiveen vertu de son droit à un traitement

préférentielet sur sa prétention à êtreautorisée à prendre unilatéralement
des mesures de conijervation.
44. On constate en effet que, dès la première explication donnée au
sujet de I'élargissemientdans un aide-mémoire du 31 août 1971(annexe 3

au mémoire sur le fond), le Gouvernement islandais a cherché àjustifierits need to maintain the resources of the sea and to "measures of pro-
tection essential to safeguard the vital interests of the Icelandic people
in theseas surrounding its coasts". Moreover it reiterated thisjustification
in an aide-mémoire of 24 February 1972, enclosing a Memorandum
entitledFisheries Jurisdiction in Icelandand containing material designed
to support that justification. The United Kingdom objected that an
extension of the exclusive fishery limit was not a necessary means of
achievingconservation and offered to examine with Iceland agreed catch-
limitation schemes in areas outside the 12-milezone. Iceland disputed the
efficacyof multilateral conservation measures, now arguing that the pro-
blem was not one of conservation but of division of stocks. The United

Kingdom objected that it had fishing rights in the waters around Iceland
which were firmly based on traditional use, specificagreement and cus-
tomary law. It repeated its catch-limitation proposal, referring in this
connection to the North-East Atlantic Fisheries Commission and re-
minding Iceland that under the Special Situations Resolution of 26 April
1958any such catch-limitation arrangement would have to recognize any
preferentialrights of the coastal State resulting from its dependence on the
fisheries concerned. As to the question of preferential rights, it is true
that Iceland showed some tendency to invoke a trend in favour of ac-
cording priority rights to coastal States in general and not merely in
special situations. But, that the dispute involved Iceland's claim to pre-
ferential rights is further evidenced by her Note of 11August 1972to the
United Kingdom (Annex 10 of the Memorial on the merits); for the
Icelandic Government there recalled:

"In the discussions between representatives of the Icelandic and
British Governments in July 1972on the question of fisheries limits
the Icelandic side made quite clear its willingness to continue the
discussions.
The Icelandic representatives laid main emphasis on receiving
from the British side positive repliesto two fundamental points:

1. Recognition of preferential rights for Icelandic vessels as to
fishingoutside the 12-milelimit.
2. That Icelandic authorities should have full rights and be in a
position to enforce the regulations established with regard to fishing
inside the 50-mile limit."

In that Note, it istrue, Iceland was thinking in terms only of an interim
agreement regarding United Kingdom fishing, but it shows that "pre- COMPÉTENCEPÊCHERIES (OP. IND. WALDOCK) 124

la mesure par la niicessitéd'assurer la conservation des ressources de la
mer et celle de renForcer ((les mesures de protection essentielles pour la
préservation des intérêts vitauxdu peuple islandais dans les mers qui en-
tourent ses côtes ».Il a répétéles mêmesarguments dans un aide-mémoire

du 24 février 1972:,en y joignant le texte d'un mémorandum intitulé
Juridiction sur les pêcheriesen Islande)) qui contenait des élémentsà
l'appui de cette justification. Le Royaume-Uni, rétorquant qu'il n'était
pas indispensable d'élargir la zone de pêcheexclusive pour assurer la con-
servation, a offert 'd'examiner avec l'Islande la possibilité de s'entendre
surdes systèmesde limitation des prises qui seraient applicables dans des

zones situées au-delà de la limite des 12 milles. L'Islande a contesté l'ef-
ficacité des mesures de conservation multilatérales, faisant alors valoir
qu'il s'agissait non d'un problème de conservation, mais d'un problème
de répartition des sitocks. Le Royaume-Uni a répondu qu'il avait dans les
eaux environnant l'Islande des droits de pêchequi étaient solidement

fondéssur un usage traditionnel, sur un accord préciset sur le droit cou-
tumier. Il a réitérésa proposition touchant les systèmesde limitation des
prises, mentionnant: à ce propos la possibilitéde recourir à la Commis-
siondes pêcheriesde l'Atlantique du nord-est et rappelant à l'Islande que,
conformément à la résolution du 26 avril 1958sur les situations spéciales,
tout arrangement de ce genre limitant les prises devrait reconnaître tous

besoins prioritaires de 1'Etat riverain résultant de sa dépendance à
l'égardde la pêcherieen cause. Quant à la question des droits préféren-
tiels, il est vrai que l'Islande s'est montrée encline à invoquer une ten-
dance en faveur de l'octroi de droits prioritaires aux Etats riverains en
généralet non seulement à ceux qui se trouveraient dans des situations

spéciales.Quoi qu'iilen soit, la preuve que le différendenglobait la pré-
tention de l'Islande à desdroits préférentielsest fournie aussi par la note
que le Gouvernement islandais a adressée au Royaume-Uni le II août
1972 (annexe 10 au mémoire sur le fond), où le Gouvernement islandais
rappelait ce qui suit:

((Au cours des entretiens sur la question des limites des pêcheries

qui se sont déroulés enjuillet 1972entre des représentants des Gou-
vernements islandais et britannique, l'Islande a montré clairement
qu'elle étaitdisposée à poursuivre les discussions.
Les représentants de l'Islande ont souligné avant tout qu'ils
attacheraient de l'importance à recevoir, du côté britannique, des
réponses positilves sur deux points fondamentaux:

1. La reconnaissance de droits préférentielsaux navires islandais
pour ce qui est de la pêcheau-delà de la limite des 12 milles:

2. Le fait que les autorités islandaises devraient avoir pleinement
le droit et êtreen mesure d'appliquer le règlement pris en ce qui
concerne la pêcheà l'intérieurde la limite des 50 milles))

Dans cette note, 1'I:slandeenvisageait, il est vrai, uniquement un accord
provisoire concernant l'activité de pêchedu Royaume-Uni, mais ellemontre que les ((droits préférentiels))étaient bel et bien au nombre des

arguments juridique:$ que l'lslande faisait valoir à l'occasion du différend.
45. Un ((différend D, comme l'ont si souvent dit tant la Cour perma-
nente de Justice internationale que la Cour actuelle 1,est (cun désaccord
sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de
thèses juridiques ou d'intérêtsentre deux personnes)). Dans la présente

affaire, ilme parait évidentque le ((désaccord sur un point de droit ))et
((la contradiction, l'opposition de thèses juridiques ou d'intérêts)),bien
que résultant de l'extension par l'lslande de la limite de sa zone de pêche,
comprenaient des d6:saccords et des oppositions sur le point de savoir si

le droit de I'lslande à un traitement préférentiell'autorise à revendiquer
des droits de pêche exclusive,s'il est permis de prétendre à des droits ex-
clusifs au nom de la conservation ou de prendre unilatéralement des
mesures de conservation et si les prétentions de I'lslande doivent I'em-
porter sur les droits traditionnels du Royaume-Uni dans les eaux con-

testées. En conséquence, j'estime que la Cour était pleinement fondée à
conclure que ces questions faisaient partie intégrante du différend en
matière d'élargissrnl(wt de lajuridiction sur lespêcl~rriesautour de l'Islande
au sens de la clause compromissoire.

46. Quant à la question de la compétence de la Cour au cas où les
Parties ne parviendraient pas à résoudre le différendpar voie de négo-
ciation ou par un autre moyen de leur choix,j'admets avec la Cour que
c'est là une question hypothétique qui n'appelle pas un exayen dans le
cadre de la présente instance. Aux termes de l'article 60 du Statut, l'arrêt

est ((définitifet sans recours )).IItranche donc de façon définitivel'affaire
portée devant la Couirpar la requêtedu 14avril 1972,sous la seule réserve
du droit qu'a toute partie de prier la Cour d'interpréter l'arrêt,en cas de
contestation sur son sens et sa portée. Par suite, si un autre litige entre

les Parties concernant leurs droits de pêche respectifs dans les eaux
proches de I'lslande était soumis à la Cour unilatéralement par l'une ou
l'autre, il appartiendrait à la Cour, compte tenu des circonstances propres
à ce différend, de se pononcer alors sur sa compétence pour connaître de
l'affaire et sur la validité de toute exception qui pourrait être soulevée

contre l'exercice de sa compétence.

(Signé) H. WALDOCK.

1 Par exemple dans il'affaire des Concessions Mavrommafis en Palestine, C.P.J.I.
sérieA no 2,p. 11, ou dans l'affaire du Droit de passage sur le territoire indien, C.I.J.
Recueil 1960, p. 34.

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Opinion individuelle de M. Sir Humphrey Waldock (traduction)

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