Opinion individuelle collective de MM. Forster, Bengzon, Jiménez de Aréchaga, Nagendra Singh et Ruda (traduction)

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055-19740725-JUD-01-04-EN
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055-19740725-JUD-01-00-EN
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OPINION INDI'VIDUELLE COLLECTIVE DE MM. FORSTER,
BENGZON, JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA,
NAGENDRA SlNGH ET RUDA

[Traduction]

1. Si nous avons.pu souscrireà la décisionde la Cour et à ses motifs
c'est que, tout en affirmant que l'extension parIslande de sa juridiction
en matière de pêcheriesn'est pas opposable au demandeur en raison
de ses droits historiques, l'arrêtne déclare pas,comme le souhaitait le
demandeur, que cette extension est sansfondement en droit international
et dépourvuede validitéergaomnes.En s'abstenant deseprononcer sur la
première conclusion du demandeur et en parvenant à une décision décla-
rant le règlementislandais inopposable au Royaume-Uni, l'arrêt s'appuie

sur des motifs juridiques qui sont expressémentliésaux circonstances et
aux caractéristiques particulières de l'espèceet non sur la thèse juridique
principale du demandeur, à savoir qu'il existerait aujourd'hui une règle
coutumière de droit international qui interdirait d'une façon générale
aux Etats d'étendre leurjuridiction en matière de pêcherie?au-delà de
12milles marins à partir de leurs lignes de base.
2. Selon nous, une conclusion qui affirmerait l'existenceactuelle d'une
règle généralede droit coutumier fixant pour les Etats riverains, en ma-
tière de pêcheries,ne limite obligatoire maximum de 12 milles n'aurait
pas été fondéeI.I n'y a pas aujourd'hui d'usage international ayant un tel
effet, qui soit suffisamment généralet uniforme pour constituer, au sens
du paragraphe 16) de l'articl38 du Statut de la Cour, la ((preuve d'une
pratique générale acceptéecomme étantle droit».

3. 11n'est pas niable que, en dépit des efforts déployéslors de con-
férences successivesde codification du droit de la mer, les Etats n'ont pas
réussià s'entendre sur une règlede droit conventionnel fixant la largeur
maximum de la mer territoriale ou la distance maximum vers le large au-
delà de laquelle les Etats ne sont pas autoriséstendreunilatéralement
leur juridiction en rnatière de pêcheries.Les débatsde la Conférencede
Genèvede 1958sur le droit de la mer ont révélé cet écheq c,i aétécons-
taté dans la résolution VI11que cette conférence a adoptée le 27 avril
1958. En conséquence, l'Assemblée générale deN s ations Unies décida
que ces deux sujets constitueraient l'ordre du jour de la Conférence de
1960 sur le droit de la mer, dont les participants ne parvinrent pas non
plus à se mettre d'accord sur un texte. L'élaboration d'une règlesur ces
deux questions demeure donc inscrite à l'ordre du jour de la troisième
Conférence desNations Unies sur le droit de la mer, réunieen ce moment
même.

4. Le droit relatià la pêche despoissons nectoniques s'est développésans rapport aucun avec la question du plateau continental; ces deux
matières, dissociéesà la conférence de 1958,sont demeurées distinctes. Il
s'ensuit que, si lesdi!jpositionsde la Conventionsur le plateau continental
(ou les principes qu'elle a proclamésen tant qu'élémentsdu droit coutu-

mier) ne peuvent, àelles seules, servir de fondementjuridique à la reven-
dication d'un droit t:n ce qui concerne les poissons nectoniques dans les
eaux recouvrant le plateau continental, elles ne peuvent non plus être
invoquées, par un raisonnement a contrario, pour juger illicite une pré-
tention à un droit exclusif de pêchedans les eaux surjacentes. Pour mon-
trer l'absence de liens entre ces deux questions, il suffit de rappeler que le
demandeur lui-mêmerevendique depuis 1964des droits exclusifs pour ce
qui est de la pêche clespoissons nectoniques dans des eaux adjacentes et
extérieures à sa mer territoriale, c'est-à-dire dans des eaux qui, selon la
définition figurant à l'article premier de la convention, recouvrent une
partie de son plateau continental.
5. On a égalementsoutenu qu'une limite maximum de 12milles pour la

zone de pêche résulte implicitement du fait que l'article 24 de la Conven-
tion sur la mer territoriale fixe 12milles la limite maximum de la zone
contiguë. Il convient cependant de noter que la question de la zone conti-
guë est, elle aussi, dépourvue de tout lien avec les questions concernant
les pêcheries:la pêche,en effet, n'est pas au nombre des fins mention-
néesdans ledit article en vue desquelles cette zone est établie.Il ne semble
donc pas possible de voir dans cette disposition une restriction apportée
aux limites des pêcheries. D'ailleurs,lorsque la notion de zone contiguë
et ses limites ont étéadoptées àla conférencede Genève, nuln'a compris
qu'en convenant de cette disposition d'importance relativement secon-
daire la conférencetranchait implicitement les deux questions fondamen-
tales qui avaient étélaisséesen suspens et qui ont dû en fin de compte

êtrerenvoyées à une deuxièmeconférence:la largeur maximum de la mer
territoriale et lamite maximum de la compétence de 1'Etat riverain en
matière depêcheries.Dans sa résolutionVIII, la conférencea reconnu que
ces deux questions n'avaient pas reçu de solution. Devant une telle con-
clusion, on ne sauraii: maintenant plausiblement soutenir qu'en adoptant
l'article 24 relatifla zone contiguë la conférence a impliqué,mêmepar
inadvertance, qu'il existait une limite maximum à la compétenceen ma-
tière depêcheriesou illa largeur de la mer territoriale.
6. Aucune règle quant aux limites maximum de pêche, qui vaille en
tant que coutume internationale, ne semble encore s'êtredégagéecomme
définitivement établie. Le demandeur a toutefois soutenu qu'une telle
règle s'est cristallisàepartir de la proposition qui n'a pas étéadoptée,

faute d'une voix, à la Conférence de 1960 sur le droit de la mer. II est
exact qu'une pratique générale s'estétablie à partir de cette proposi-
tion et a, en fait,difiéla convention de 1958praeter legem: une zone
exclusive de pêcheau-delà de la mer territoriale est devenue un élément
établidu droit international contemporain. IIest également exactque le
texte conjoint mis aux voix à ladite conférence prévoyait une formule
6 $ 6, c'est-à-dire une zone exclusivede pêched'une largeur de 12milles.II convient toutefois de distinguer entre les deux sens que peut avoir cette
référenceaux 12 milles:

a) l'extension à 12milles est maintenant reconnue au point que mêmeles
Etatspratiquant la pêche lointainene s'opposent plus à ce qu'un Etat
riverain étendeà 12milles sajuridiction exclusive en matière de pêche-
ries; ou bien

6) la règledes 12 milles signifie maintenant que les Etats ne peuvent pas
étendre valablement leur zone exclusive de pêcheau-delà de cette
limite.

7. A notre avis, la1notion de zone de pêcheet la limite de 12 milles se
sont établiesau sens indiqué à l'alinéa6 a) ci-dessus quand, vers le milieu
des années 60, les Etats se livrant à la pêchelointaine ont cesséde con-
tester la validité des mesures prises par un certain nombre d'Etats rive-
rains pour établir une zone de pêcheexclusive de 12 milles. C'est pour

cette raison que l'on peut dire, comme le fait l'arrêt, que la limite de
12 milles ccsemble dé,sormaisgénéralement acceptée )).
8. Cependant, le fait de reconnaître que, sans risquer de contestation
ou d'opposition, les Etats peuvent prétendre à une zone exclusive de
pêchede 12 milles ne peut logiquement entraîner la conclusion énoncéeà
l'alinéa6 b) et défen,duepar le demandeur, à savoir qu'en l'étatactuel du

droit maritime international ce chiffre constitue une limite maximum
obligatoire et qu'un Etat qui dépasse cette limite commet un acte illicite,
dépourvu de validité erga onines. Cette thèsedu demandeur répond à une
question différente,qui doit êtreexaminéeséparément.
9. Cette question est la suivante: existe-t-il une règlededroit coutumier
qui interdise aux Etalts d'étendre au-delà de 12 milles leur juridiction en

matière de pêcheries? Pour pouvoir répondre par l'affirmative à cette
question, il faudrait avoir l'assurance qu'une telle règlerépond auxcondi-
tions requises pour que prenne naissance unecoutume internationale.
10. 11est de fait que des Etats de plus en plus nombreux émettent la
prétention d'étendreou étendent effectivement leurjuridiction en matière
de pêcheriesau-delà (de12milles. Si cettetendance s'est d'abord manifes-

tée enAmérique latine, elle a étésuivie récemment non seulement dans
cette partie du monde mais aussi dans d'autres régions. Des mesures
analogues ont étéprises par un certain noinbre de pays d'Afrique et
d'Asie. Le nombre total des Etats riverains qui ont ainsi agi peut être
maintenant évaluéà un chiffre se situant entre trente et trente-cinq, selon
la façon dont on interprète certaines lois ou certains décrets internes.

11. Si ces prétentions ont généralerilententraîné des protestations ou
des objections de la part d'un certain nombre d'importants Etats mari-
times qui se livrent à la pêchelointaine - si bien qu'il n'estpas permis de
dire qu'elles sont ccgknéralementacceptées)) -, les Etats dans leur majo-
ritén'ont pas formulé de protestations de ce genre et un grand nombre
d'entre eux ont, au contraire, fait des déclarations publiques ou présenté

des propositions formellesqui paraissent incompatibles avec d'éventuelles
protestations de leur part.

48 12. A cet égard, il convient d'attirer l'attention sur les déclarations que
de nombreux Etats ont faites ou les propositions qu'ils ont présentéesà
propos ou en vue de la troisième Conférence sur le droit de la mer. II est
vrai que, comme l'indique l'arrêtde la Cour, les propositions et docu-
ments préparatoires présentés à cette occasion sont de Iegeferenda. Toute-

fois, on ne saurait, selon nous, entièrement écarter ces prises de position
des Etats, ni les considérer comme dénuéesde toute signification juri-
dique. Si, dans le domainedu droit relatif aux pêcheries,il étaitpossible de
se faire une idéeclaire de ce qu'est exactement la règle de droit interna-
tional existante, on aurait pu ne donner aucune portéejuridique à cer-
taines propositions ou déclarations tendant à changer ou à améliorer un

système de droit considérécomme injuste ou inadéquat. Mais telle n'est
pas la situation. IIrègne actuellement une grande incertitude au sujet du
droit coutumier existant en raison des pratiques opposées et discordantes
des Etats. Dèslors qu',onreconnaît lecaractère incertain de la pratique en
la matière, ces déclarations et propositions officielles rendent forcément

plus dificile encore la cristallisation du droit coutumier, encore fluctuant
sur ce point. Qui plus est, le droit relatif aux limites de pêchea toujours
étéet doit, par son essence même,demeurer un compromis entre les reven-
dications et les prétentions contraires des Etats riverains et des Etats
qui se livrent à la pêchelointaine. Dans un domaine où la pratique est
contradictoire et imprécise,est-il possible, est-il raisonnable de considérer

comme dénuéesde toute pertinence les indications relatives à ce que les
Etats sont prêts à revendiquer ou disposés à accepter, telles qu'elles
ressortent des positions qu'ils ont adoptées en vue ou en prévision d'une
conférence visant la codification et le développement progressif du droit
en la matière?
13. Le moins que l'on puisse dire est donc que ces déclarations de

mêmeque les propositions écrites déposéespar les représentants des
Etats ne sont pas sans importance quand il s'agit de déterminer quel est,
selon ces Etats, le droit en ce qui concerne la compétence en matière de
pêcherieset quelle est leur opitliojuris sur un point qui est régipar le droit
coutumier. Certaines positions ainsi adoptées par les Etats dans les cir-
constances décrites plus haut montrent que, si le principe fondamental de

la liberté de la pêcheen haute mer n'est pas inis en cause en tant que tel,
un grand nombre d'Etats riverains contestent ou nient que ce principe
s'applique automatiquement et sans exception aux eaux adjacentes
partout dans le monde dès que la limte de 12 milles est atteinte. Cette
attitude ne découle pas seulement de la constatation évidente que deux
conférences n'ont pas pu aboutir à un accord sur une limite maximum;

elle se fonde aussi sur d'autres éléments quisont apparus dans l'intervalle
entre la deuxième et la troisième Conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer. Or1 fait valoir, par exemple, que la limite de pêchede
12milles confère en réalitéun privilège manifeste et un net avantage aux
quelques Etats outilléspour se livrer à la pêche lointaine,ce qui contribue

à agrandir l'écartentre pays développésetpays en voie dedéveloppement;
un deuxième élémentest que les progrès techniques et l'accroissement de
49la demande en denrées alimentaires qui résulte de l'explosion démogra-
phique comportent un risque grave d'épuisement des ressources biologi-
ques à proximité des côtes de nombreux pays. A ce propos, des études
économiques sur les pêcheriesmontrent que le principe d'un accès illi-

mitéaux eaux côtières provoque inéluctablement un gaspillage physique
et économique, car rien n'incite à ralentir l'effort de pêchepour préserver
les rendements Cuturs: ce qu'on laisse dans les eaux adjacentes pour
demain peut êtrepris aujourd'hui par d'autres. Alors que les Etats mieux
outilléspeuvent sans difficultétransférer leurs navires ailleurs dès que les

opérations de pêchecessent d'être rentables, 1'Etat riverain, dont les
flottilles sont moins mobiles, reste le plus intéresséà protégerde I'épuise-
ment les ressources voisines de ses côtes.
14. Tout en admettant que les propositions et les documents prépa-
ratoires soient de lege ferenda et procèdent du dessein d'aboutir à des
accordsfuturs moyennant des concessions et descompromis, ces prises de

position autorisent niéanmoinsà tirer les conclusionssuivantes:

a) Les Etats qui ont présenté despropositions en vue de l'établissement
d'une zone économique de 200 milles, par exemple, comportant le
contrôle et la réglementation des ressources halieutiques dans cette
zone, ne pourraient pas, sans montrer un certain illogisme, s'opposer
aux prétentions d'autres Etats à une extension analogue, ni protester
contre de telles prétentions. Tel serait notamment le cas des Etats qui,

au Conseil des rninistres de l'organisation de l'unité africaine, ont
votépour la déclaration sur les questions relatives au droit de la mer,
où I'on peut lire (par.6 du dispositif) ce qui suit:

((Les Etats africains reconnaissent le droit de tous les Etats rive-
rains d'établir ail-delà de leur mer territoriale une zone économique
exclusive qui ne s'étendra pas au-delà de 200 milles marins, mesurésà
partir des lignes d!ebase servant à délimiter leurmer territoriale))

On pourrait également citer le cas de la République populaire de
Chine. Ilans le communiqué commun qu'elle a publié avec le Pérou
le2 novembre 15171au sujet de l'établissement de relations diploma-

tiques, la République populaire de Chine reconnaît ((la souveraineté
du Pérousur la zone maritime adjacente à ses côtes, jusqu'à une limite
de 200 milles marins 1).Une déclaration de reconnaissance du même
genre figure dans un communiqué semblable publié avec l'Argentine
le 16février1972.

6) II ne paraît guère justifiéde compter les Etats qui ont fait ou accepté
de telles déclarations ou propositions au nombre de ceux qui admet-
tent l'existence d'une prétendue pratique en faveur de la limite maxi-
mum obligatoire de 12milles.

15. Si, aux trente à trente-cinq Etats qui ont déjà étendu au-delà de
12 milles leur compéitenceen matière de pêcheries,I'on ajoute les vingt à
vingt-cinq Etats qui ont adopté les positions évoquéesau paragraphe
précédent, forceest de conclure qu'à l'heure actuelle plus de la moitiédes Etats maritimes ont manifestépar leur action ou leur comportement qu'ils

refusent leur appui illa prétendue règlede la limite maximum obligatoire
de 12 milles. Dans ces conditions, la pratique limitée de vingt-quatre
Etats maritimes seulement, que le demandeur invoque en faveur de I'exis-
tence de cette règle, ne saurait êtreconsidéréecomme constituant la pra-

tique généralequ'exige l'article 38 du StatutdelaCour.
16. Une autrecondition fondamentale qui doitêtreremplie pour que la
pratique des Etats devienne une règle de droit coutumier est que cette
pratique soit commune, uniforme et concordante. En conséquence, I'exis-
tence d'élémentscon~tradictoiresdans la pratique des Etats ou la manifes-

tation d'un comportement incompatible avec cette pratique, surtout si
elles sont imputable:<aux Etats mêmes quisont censéssuivre la coutume
ou la créer, feraient obstacle à la formation d'une règle de droit coutu-
mier.

17. Certains Etatç, dont on invoque le comportement pour prouver
qu'il existe une règlerelative à la limite maximum de 12 milles, n'ont pas
hésitéà protéger leurs propres intérêtsen matière de pêcheau-delà de
cette limite, lorsqu'ils ont estiméqu'ils devaient le faire dans l'intérêtde

leurs ressortissants parce que d'importantes pêcheriesse trouvaient dans
les eaux adjacentes à leurs côtes. Diverses méthodes ont étéemployées
pour atteindre ce réijultatmais la diversité des moyens ne doit pas dissi-
muler le fait essentiel. On peut noter, par exemple, que les Etats-Unis

d'Amérique et l'URSS ont récemment réussià assurer une protection de
ce genre au moyen, non pas d'une action unilatérale, mais d'accords bila-
térauxconclus entre eux et avec d'autres Etats 1.Toutefois, ces Puissances
commencèrent par adopter des mesures unilatérales, si bien que les Etats

dont les ressortissants pratiquaient la pêchedans les eaux adjacentes
furent obligés, s'ils voulaient que ceux-ci puissent continuer à pêcher
dans ces eaux, de conclure avec elles des accords de pêche.Ayant rendu
la conclusion de tels accords indispensable, ces Puissances n'eurent aucun

mal, du fait qu'elles étaient en mesure d'offrir divers avantages en com-
pensation, à parvenir à des accords leur garantissant une situation préfé-

1 Convention internationale (avec annexe et protocole) concernantles pêcheries
hauturières de I'océan PacifiqueNord, signée le9 mai 1952 par les Etats-Unis d'Amé-
rique, le Canada et le Japon (Nations Unies, Recueil des traités, vol. 205, p. 65); con-
vention concernant les pêcherieshauturièr~s de I'océan Pacifiquedu nord-ouest, signée
le 14mai 1956par le Japon et l'Union des républiques socialistessoviétiques (American
Journal of International Law, 1959, p. 763); accord reàcertaines questions posées
par I'exercice de la pêchedans la partie nord-est du Pacifique au large de la côte des
Etats-Unis d'Amérique, signéle 13 février 1967 par le Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique et le Gouvernement de l'Union des républiques socialistes soviétiques
(Nations Unies, Recuei1,destraités,vol. 688, p. 157);accord ràcertaines questions
poséespar l'exercice de la pêchedans la partie centre-ouest de I'océanAtlantique, sign6
le 25 novembre 1967 par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et le Gouver-
nement de l'Union des républiques socialistes soviétiques (Nations Unies, Recueil des
traités, vol. 701, p. 162); accords conclus par des échanges de notes signésle 23 décem-
bre 1968par les Etats-Uinis et le Jaàpropos de certaines activités de pêcheau large
des côtes des Etats-Unis d'Amérique et de la pêcheau saumon (Etats-Unis, TZAS,
no 6600).rentielle, voire excl~usive,sur les lieux de pêcheadjacents à leurs côtes,
mais se trouvant bien au-delà de 12 milles, qui présentaient pour elles un

intérêt particulier.Cela démontre qu'une zone de 12 milles n'est peut-
être passuffisante, .mêmepour les Etats qui ne peuvent prétendre qu'ils
sont spécialementtributaires de la pêchepour la subsistance de leur popu-
lation ou pour leur développement économique. En présenced'une pra-
tique si divergente, ilne semblerait nijuste ni équitabled'admettre l'exis-

tence d'une règlede droit qui priverait certains pays du moyen de protéger
des intérêtsbeaucoup plus vitaux en matière de pêche,du fait qu'ils n'au-
raient pas les mêmespossibilités d'offrir des conditions attrayantes en
contrepartie d'un engagement de ne pas pêcherdans les eaux adjacentes à
leur territoire.

18. La pratique de la France offre un autre exemple intéressant en ce
qui concerne la question de l'uniformité de la coutume. La France a
porté à 80 milles, en 1972, les limites de la zone de pêchede la Guyane
française. La loi no 72-620 du 5 juillet 1972établit cette zone de 80 milles
((en vue d'assurer la conservation des ressources biologiques ». Néan-

moins, l'article 2de cette loi dispose:
((Dans la partie de la zone définieà l'article premier ci-dessus qui

s'étend au-delà1des eaux territoriales, des mesures sont prises, en
tantquede bes'oin,dans des conditions fixéespar décret,pour limiter
la pêchedes diverses espèces d'animaux marins. L'application de ces
mesures aux navires des Etats étrangersest faite en tenant compte de
la situation géographique de ces Etats et des habitudes de pêchede
leurs ressortissants.

Dans la mêmepartie de la zone, la pêchepeut êtreinterdite par
décret aux navires des Etats qui n'autorisent pas l'exercice de la
pêchepar les navires français dans des conditionscomparables. 1)

La France se réserveainsi le droit d'interdire aux navires étrangers de
pratiquer la pêchedans une zone de 12 à 80 milles au large de la Guyane,
si les navires français ne sont pas autorisés à pêcherdans les zones, ad-
jacentes à un autre pays, qui se trouvent au-delà de 12 milles de la côte.

11ne serait guère possible de ranger la France parmi les Etats dont la
pratique se fonde toujours sur une prétenduelimite maximum de 12milles,
alors qu'elle se réserve le droit, sous certaines conditions, d'interdire
la pêcheaux naviri:~ étrangers à une distance de plus de 12 milles de
la côte de la Guyane française.

19. De même,le!; Etats constituant des archipels, qui ont revendiqué
ou établi des limites de pêcheen fonction des caractéristiques géogra-
phiques de leur territoire, ne peuvent guère êtrecomptés au nombre
des Etats qui admettent l'existence d'une limite maximum obligatoire de
12 milles. On peut en dire autant des Etats qui ont crééunezonede pêche
exclusive bien au-delà de la limite des 12 milles à partir de leurs côtes

en traçant des ctlignes d'interdiction de la pêche »en travers de certaines,
baies.
20. Cela étant, il n'est pas aujourd'hui possible de voir dans la pratiquedes Etats ce que la Cour a qualifié,dans l'affaire du Droit d'asile,de
((coutume constante et uniforme acceptéecomme étant le droit » (C.Z.J.
Recueil 1950,p. 277). La prétenduerègleobligatoire fixant la limite maxi-
mum à 12millesne répondpas àune condition jugée((indispensable)par
la Cour, à savoir que ((dans ce laps de temps, aussi bref qu'il ait été, la

pratique desEt-s, compris ceux qui sont particulièrement intéress,it
été fréquenteet pra~tiquementuniforme »(affaires du Plateau continental
de la mer du Nord, (T.1.J.Recuei1969,p. 43).
21. On peut donc conclure que, en ce qui concerne l'existence d'une
règlede droit cout~imierimposant une limite maximum à la compétence
d'un Etat en matièrede pêcheries,la situation est actuellement incertaine.
Il n'est pas possible de dégagerde la pratique des Etats une règleferme
qui soit suffisamment généraleet uniforme pour êtreacceptéecomme
règlededroit coutumier fixant l'étenduemaximum de la compétenced'un
Etat riverain en matière de pêcheries. Il ne s'ensuit pas qu'il existe en
droit une lacune complète qui justifierait toute réclamation ou rendrait

impossible toute dtcision sur des différendsconcrets. En l'espèce,par
exemple, nous avoris pu souscrireà un arrêtfondésur deux notions que
nous approuvons totalement: les droits préférentielsde 1'Etatriverain et
les droits d'un Etat dont la population et l'industrie dépendent en partie
depuis longtemps siurle plan économique des mêmes ressourceshalieu-
tiques.
22. Certes, un tel étatdu droit n'est pas satisfaisant et peut provoquer
des frictions entre Etats et des différendsinternationaux.faut toutefois
espérerque le droit en la matière pourra être préciségrâce aux efforts
visantà assurer sa codification et son développementprogressif qui sont
actuellement déployés àla conférencede Caracas.

(Signé) 1.FORSTER.
(Signé) C. BENGZON.
(Signé) E. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.

(Signé) NAGENDRS AINGH.
(Signé) J. M. RUDA.

Bilingual Content

JOINT SEPARATE OPINION OF JUDGES FORSTER,
BENGZON, JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA,
NAGENDRA SINGH AND RUDA

1.What has made it possible for us to concur in the reasoning of the
Courtand to subscribe to its decision is that, while the Judgment declares
the Tcelandic extension of its fisheries jurisdiction non-opposable to the
Applicant's historic rights, it does not declare, as requested by the
Applicant, that such an extension is without foundation in international
law and invalid erga omnes. In refraining from pronouncing upon the

Applicant's first submission and in reaching instead a decision of non-
opposability to the United Kingdom of the Lcelandic regulations, the
Judgment is based on legal grounds which are specifically confined to the
circumstances and special characteristics of the present case andis not
based on the Applicant's main legal contention, namely, that a customary
rule of international law exists today imposing a general prohibition on

extensions by States of their exclusive fisheries jurisdiction beyond12
nautical miles from their baselines.
2. In our view, to reach the conclusion that there is at present a general
rule of customary law establishing for coastal States an obligatory
maximum fisherv limit of 12 miles would not have been well founded.
There is not today an international usage to that effect sufficiently wide-
spread and uniform as to constitute, within the meaning of Article 38,

paragraph 1 (b), of the Court's Statute, "evidence of a general practice
accepted as law".
It is an indisputable fact that it has not been possible for States, despite
the efforts made at successive codification conferences on the law of the
sea, to reach an agreement on a rule of conventional law fixing the
maximum breadth of the territorial sea nor the maximum distance sea-

ward beyond which States are not allowed to extend unilaterally their
fisheries jurisdiction. The deliberations of the 1958Geneva Conference on
the Law of the Sea revealed this failure which has been recorded in its
resolution VI11 of 27 April 1958. The General Assembly of the United
Nations consequently laid down that these two subjects would constitute
the agenda for the 1960 Conference on the Law of the Sea, which also
failed to reach agreement on a text. The establishment of a rule on these

two questions thus remains among the topics on the agenda of thecurrent
Third United Nations Conference on the Law of the Sea.

4. The law with respect to free-swimming fishery resources has evolved OPINION INDI'VIDUELLE COLLECTIVE DE MM. FORSTER,
BENGZON, JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA,
NAGENDRA SlNGH ET RUDA

[Traduction]

1. Si nous avons.pu souscrireà la décisionde la Cour et à ses motifs
c'est que, tout en affirmant que l'extension parIslande de sa juridiction
en matière de pêcheriesn'est pas opposable au demandeur en raison
de ses droits historiques, l'arrêtne déclare pas,comme le souhaitait le
demandeur, que cette extension est sansfondement en droit international
et dépourvuede validitéergaomnes.En s'abstenant deseprononcer sur la
première conclusion du demandeur et en parvenant à une décision décla-
rant le règlementislandais inopposable au Royaume-Uni, l'arrêt s'appuie

sur des motifs juridiques qui sont expressémentliésaux circonstances et
aux caractéristiques particulières de l'espèceet non sur la thèse juridique
principale du demandeur, à savoir qu'il existerait aujourd'hui une règle
coutumière de droit international qui interdirait d'une façon générale
aux Etats d'étendre leurjuridiction en matière de pêcherie?au-delà de
12milles marins à partir de leurs lignes de base.
2. Selon nous, une conclusion qui affirmerait l'existenceactuelle d'une
règle généralede droit coutumier fixant pour les Etats riverains, en ma-
tière de pêcheries,ne limite obligatoire maximum de 12 milles n'aurait
pas été fondéeI.I n'y a pas aujourd'hui d'usage international ayant un tel
effet, qui soit suffisamment généralet uniforme pour constituer, au sens
du paragraphe 16) de l'articl38 du Statut de la Cour, la ((preuve d'une
pratique générale acceptéecomme étantle droit».

3. 11n'est pas niable que, en dépit des efforts déployéslors de con-
férences successivesde codification du droit de la mer, les Etats n'ont pas
réussià s'entendre sur une règlede droit conventionnel fixant la largeur
maximum de la mer territoriale ou la distance maximum vers le large au-
delà de laquelle les Etats ne sont pas autoriséstendreunilatéralement
leur juridiction en rnatière de pêcheries.Les débatsde la Conférencede
Genèvede 1958sur le droit de la mer ont révélé cet écheq c,i aétécons-
taté dans la résolution VI11que cette conférence a adoptée le 27 avril
1958. En conséquence, l'Assemblée générale deN s ations Unies décida
que ces deux sujets constitueraient l'ordre du jour de la Conférence de
1960 sur le droit de la mer, dont les participants ne parvinrent pas non
plus à se mettre d'accord sur un texte. L'élaboration d'une règlesur ces
deux questions demeure donc inscrite à l'ordre du jour de la troisième
Conférence desNations Unies sur le droit de la mer, réunieen ce moment
même.

4. Le droit relatià la pêche despoissons nectoniques s'est développéwith complete independence from the question of the continental shelf:
the two subjects, divorced at the 1958 Conference, have remained sepa-
rate. It follows that while the provisions of the Continental Shelf Conven-
tion (or the principles it established as customary law) cannot afford per

se a legal basis to a claim with respect to free-swimming fish in the waters
above the shelf, these provisions cannot either be applied a contrario in
order to rule as unlawful a claim to exclusive fisheries in the superjacent
waters. In order to prove the lack of relationship between the two ques-
tions it is sufficient to recall that the Applicant itself has claimed since

1964 exclusive rights over free-swimming fishery resources in waters
beyond and adjacent to its own territorial sea, that is to say in waters
which, under the terms of Article 1of the Continental Shelf Convention,
are superjacent to part of its continental shelf.

5. It has also been contended that a 12-mile maximum fishery limit
results bd.im~lication from the fact that Article 24 of the Territorial Sea
Convention establishes a maximum 12-mile limit for the contiguous zone.

However, the contiguous zone is also entirely unrelated to fishery ques-
tions: fishing does not find a place among the purposes of the zone
r-ferr~d to in that Article. It does not seem ~ossible therefore to infer
from this provision a restriction with respect to fishery limits. Moreover,
when the contiguous zone concept and its limits were adopted at the

Geneva Conference no-one understood at the time that by agreeing to
this comparatively secondary provision, the Conference was deciding by
implication the two basic questions which had been left in suspense and
had in the end to be referred to a second Conference: the maximum
breadth of the territorial sea and the maximum fisheryjurisdiction of the

coastal State. The Conference recorded in its resolution No. VI11 that
these two auestions had remained unsettled. In the face of that decision.
it does not seem plausible to contend now that the Conference in adopting
Article 24 on the Contiguous Zone implied, even inadvertently, a maxi-

mum limit for fishery jurisdiction or for the territorialsea.

6. No maximum rule on fishery limits, having the force of international

custom, appears to have as yet emerged to be finally established. The
Applicant has however contended that such a rule did crystallize around
the proposal which failed to be adopted by one vote at the 1960 Con-
ference on the Law of the Sea. It is true that a general practice has
developed around that proposal and has in fact amended the 1958Con-

vention praeter legem: an exclusive fishery zone beyond the territorial sea
has become an established feature of contemporary international law. It
is also true that the joint formula voted at that Conference provided for a
6 + 6 formula, i.e., for an exclusive 12-mile fishery zone. It is however
necessary to make a distinction between the two meanings which may besans rapport aucun avec la question du plateau continental; ces deux
matières, dissociéesà la conférence de 1958,sont demeurées distinctes. Il
s'ensuit que, si lesdi!jpositionsde la Conventionsur le plateau continental
(ou les principes qu'elle a proclamésen tant qu'élémentsdu droit coutu-

mier) ne peuvent, àelles seules, servir de fondementjuridique à la reven-
dication d'un droit t:n ce qui concerne les poissons nectoniques dans les
eaux recouvrant le plateau continental, elles ne peuvent non plus être
invoquées, par un raisonnement a contrario, pour juger illicite une pré-
tention à un droit exclusif de pêchedans les eaux surjacentes. Pour mon-
trer l'absence de liens entre ces deux questions, il suffit de rappeler que le
demandeur lui-mêmerevendique depuis 1964des droits exclusifs pour ce
qui est de la pêche clespoissons nectoniques dans des eaux adjacentes et
extérieures à sa mer territoriale, c'est-à-dire dans des eaux qui, selon la
définition figurant à l'article premier de la convention, recouvrent une
partie de son plateau continental.
5. On a égalementsoutenu qu'une limite maximum de 12milles pour la

zone de pêche résulte implicitement du fait que l'article 24 de la Conven-
tion sur la mer territoriale fixe 12milles la limite maximum de la zone
contiguë. Il convient cependant de noter que la question de la zone conti-
guë est, elle aussi, dépourvue de tout lien avec les questions concernant
les pêcheries:la pêche,en effet, n'est pas au nombre des fins mention-
néesdans ledit article en vue desquelles cette zone est établie.Il ne semble
donc pas possible de voir dans cette disposition une restriction apportée
aux limites des pêcheries. D'ailleurs,lorsque la notion de zone contiguë
et ses limites ont étéadoptées àla conférencede Genève, nuln'a compris
qu'en convenant de cette disposition d'importance relativement secon-
daire la conférencetranchait implicitement les deux questions fondamen-
tales qui avaient étélaisséesen suspens et qui ont dû en fin de compte

êtrerenvoyées à une deuxièmeconférence:la largeur maximum de la mer
territoriale et lamite maximum de la compétence de 1'Etat riverain en
matière depêcheries.Dans sa résolutionVIII, la conférencea reconnu que
ces deux questions n'avaient pas reçu de solution. Devant une telle con-
clusion, on ne sauraii: maintenant plausiblement soutenir qu'en adoptant
l'article 24 relatifla zone contiguë la conférence a impliqué,mêmepar
inadvertance, qu'il existait une limite maximum à la compétenceen ma-
tière depêcheriesou illa largeur de la mer territoriale.
6. Aucune règle quant aux limites maximum de pêche, qui vaille en
tant que coutume internationale, ne semble encore s'êtredégagéecomme
définitivement établie. Le demandeur a toutefois soutenu qu'une telle
règle s'est cristallisàepartir de la proposition qui n'a pas étéadoptée,

faute d'une voix, à la Conférence de 1960 sur le droit de la mer. II est
exact qu'une pratique générale s'estétablie à partir de cette proposi-
tion et a, en fait,difiéla convention de 1958praeter legem: une zone
exclusive de pêcheau-delà de la mer territoriale est devenue un élément
établidu droit international contemporain. IIest également exactque le
texte conjoint mis aux voix à ladite conférence prévoyait une formule
6 $ 6, c'est-à-dire une zone exclusivede pêched'une largeur de 12milles.47 FlSHERlES JURISDICTION (JOINT SEP. OP.)

ascribed to that reference to 12miles:

(a) the 12-mile extension has now obtained recognition to the point
that even distant-water fishing States no longer object to a coastal
State extending its exclusive fisheries jurisdiction zone to 12 miles;
or, on the other hand,
(6) the 12-mile rule has come to mean that States cannot validly extend

their exclusive fishery zones beyond that limit.

7. in our view, the concept of the fishery zone and the 12-mile limit
became established with the meaning indicated in 6 (a) above when, in
the middle sixties, distant-water fishing States ceased to challenge the
exclusive fishery zone of 12 miles established by a number of coastal
States. It is for this reason that it may be said. asthe Judgment does, that
the 12-milelimit "appears now to be generally accepted".

8. However, to recognize the possibility that States inight claim without
risk of challenge or objection an exclusive fisheries zone of 12 miles
cannot by any sense of logic necessarily lead to the conclusion contended
for by the Applicant, namely, that such a figure constitutes in the present
stateof maritimeinternational law an obligatory maximum limit and that

a State going beyond such a limit commits an unlawful act, which is
invalid erga omnes. This contention of the Applicant is an answer to a
different question, which must be examined separately.
9. That question is as follows: is there an existing rule ofcustomary law
which forbids States to extend their fisheries jurisdiction beyond 12
miles? In order to reply in the affirmative to this question, it would be

necessary to be satisfied thatsuch a rule meets the conditions required for
the birth of an internationalcustom.
10. 1.tis a fact that a continually increasing number of States have made
claims to extend and have effectively extended their fisheries jurisdiction
beyond 12miles. While such a trend was initiated in Latin America, it has
been lately followed not only in that part of the world, but in other

regions as well. A number of countries in Africa and Asia have also
adopted a sin~ilaraction. The total number adopting that position may
now be estimated to be between 30 to 35 coastal States. depending on the
interpretation to be given to certain national Iaws or decrees.

II. While those claims have generally given rise to protests or objec-

tions by a number of important maritime and distant-water fishing
States, and in this respect they cannot be described as being "generally
accepted", a majority of States have not filed similar protests, and quite a
number have, on the contrary, made public pronouncements or formal
proposais which would appear to be inconsistent with the making of such
protests.II convient toutefois de distinguer entre les deux sens que peut avoir cette
référenceaux 12 milles:

a) l'extension à 12milles est maintenant reconnue au point que mêmeles
Etatspratiquant la pêche lointainene s'opposent plus à ce qu'un Etat
riverain étendeà 12milles sajuridiction exclusive en matière de pêche-
ries; ou bien

6) la règledes 12 milles signifie maintenant que les Etats ne peuvent pas
étendre valablement leur zone exclusive de pêcheau-delà de cette
limite.

7. A notre avis, la1notion de zone de pêcheet la limite de 12 milles se
sont établiesau sens indiqué à l'alinéa6 a) ci-dessus quand, vers le milieu
des années 60, les Etats se livrant à la pêchelointaine ont cesséde con-
tester la validité des mesures prises par un certain nombre d'Etats rive-
rains pour établir une zone de pêcheexclusive de 12 milles. C'est pour

cette raison que l'on peut dire, comme le fait l'arrêt, que la limite de
12 milles ccsemble dé,sormaisgénéralement acceptée )).
8. Cependant, le fait de reconnaître que, sans risquer de contestation
ou d'opposition, les Etats peuvent prétendre à une zone exclusive de
pêchede 12 milles ne peut logiquement entraîner la conclusion énoncéeà
l'alinéa6 b) et défen,duepar le demandeur, à savoir qu'en l'étatactuel du

droit maritime international ce chiffre constitue une limite maximum
obligatoire et qu'un Etat qui dépasse cette limite commet un acte illicite,
dépourvu de validité erga onines. Cette thèsedu demandeur répond à une
question différente,qui doit êtreexaminéeséparément.
9. Cette question est la suivante: existe-t-il une règlededroit coutumier
qui interdise aux Etalts d'étendre au-delà de 12 milles leur juridiction en

matière de pêcheries? Pour pouvoir répondre par l'affirmative à cette
question, il faudrait avoir l'assurance qu'une telle règlerépond auxcondi-
tions requises pour que prenne naissance unecoutume internationale.
10. 11est de fait que des Etats de plus en plus nombreux émettent la
prétention d'étendreou étendent effectivement leurjuridiction en matière
de pêcheriesau-delà (de12milles. Si cettetendance s'est d'abord manifes-

tée enAmérique latine, elle a étésuivie récemment non seulement dans
cette partie du monde mais aussi dans d'autres régions. Des mesures
analogues ont étéprises par un certain noinbre de pays d'Afrique et
d'Asie. Le nombre total des Etats riverains qui ont ainsi agi peut être
maintenant évaluéà un chiffre se situant entre trente et trente-cinq, selon
la façon dont on interprète certaines lois ou certains décrets internes.

11. Si ces prétentions ont généralerilententraîné des protestations ou
des objections de la part d'un certain nombre d'importants Etats mari-
times qui se livrent à la pêchelointaine - si bien qu'il n'estpas permis de
dire qu'elles sont ccgknéralementacceptées)) -, les Etats dans leur majo-
ritén'ont pas formulé de protestations de ce genre et un grand nombre
d'entre eux ont, au contraire, fait des déclarations publiques ou présenté

des propositions formellesqui paraissent incompatibles avec d'éventuelles
protestations de leur part.

48 12. In this respect, attention must be drawn to declarations made, or
proposals filed by a number of States in relation to or in preparation for
the Third Conference on the Law of the Sea. It is true that, as the Court's
Judgment indicates, the proposals and preparatory documents made in
the aforesaid context are de lege,ferenda.However, it is not possible in our
view to brush aside entirely these pronouncements of States and consider
them devoid of al1legal significance. If the law relating to fisheries con-
stituted a subject on which there were clear indications of what precisely
is the rule of international law in existence, it may then have been pos-
sible to disregard altogether the legal significance of certain proposals,

declarations or statements which advocate changes or improvements in a
system of law which is considered to be unjust or inadequate. But this is
not the situation. There is at the moment great uncertainty as to the
existing customary law on account of the conflicting and discordant
practice of States. Once the uncertainty ofsuch a practice is admitted, the
impact of the aforesaid officialpronouncements, declarations and propo-
sais must undoubtedly have an unsettling effect on the crystallization of
a still evolving customary law on the subject. Furthermore, the law on
fisherylimits has always been and must byitsveryessencebeacompromise
between the claims. and counter-claims of coastal and distant-water
fishing States. On a subject whtre practice is contradictory and lacks
precision, is it possible and reasonable to discard entirely as irrelevant
the evidence of what States are prepared to claim and to acquiesce in, as
gathered fromthe positions taken by them in viewof or in preparation for
a conference for the codification and progressive development of the law
on the subject?

13. The least that can be said, therefore, is that such declarations and
statements and the written proposals submitted by representatives of

States are of significance to determine the views of those States as to the
law on fisheries jurisdiction and their opinio iuris on a subject regu-
lated by customary law. A number of pronouncements of States in the
aforesaid circumstances reveals that while the fundamental principle of
freedom of fishing in the high seas is not challenged as such, a large
number of coastal States contest or deny that such a principle applies
automatically and without exception to adjacent waters in al1parts of the
world as soon as the 12-milelimit is reached. Such an attitude is not only
based on the clear consideration that two conferences have failed to
agree on a maximum limit but also because of additional factors which
have emerged in the intervening period between the Second and Third
United Nations Conferences. For exainple, it is contended that the 12-
mile fishery limit ensures, in fact, a clear privilege and a distinct ad-
vantage to the few States equipped to undertake distant-water fishing,
thus widening the gulf between developed and developing States; a
second fact is that technological advances and the pressure on food
supplies resulting from the population explosion have caused a serious
danger of depletion of living resources in the vicinity of the coasts of 12. A cet égard, il convient d'attirer l'attention sur les déclarations que
de nombreux Etats ont faites ou les propositions qu'ils ont présentéesà
propos ou en vue de la troisième Conférence sur le droit de la mer. II est
vrai que, comme l'indique l'arrêtde la Cour, les propositions et docu-
ments préparatoires présentés à cette occasion sont de Iegeferenda. Toute-

fois, on ne saurait, selon nous, entièrement écarter ces prises de position
des Etats, ni les considérer comme dénuéesde toute signification juri-
dique. Si, dans le domainedu droit relatif aux pêcheries,il étaitpossible de
se faire une idéeclaire de ce qu'est exactement la règle de droit interna-
tional existante, on aurait pu ne donner aucune portéejuridique à cer-
taines propositions ou déclarations tendant à changer ou à améliorer un

système de droit considérécomme injuste ou inadéquat. Mais telle n'est
pas la situation. IIrègne actuellement une grande incertitude au sujet du
droit coutumier existant en raison des pratiques opposées et discordantes
des Etats. Dèslors qu',onreconnaît lecaractère incertain de la pratique en
la matière, ces déclarations et propositions officielles rendent forcément

plus dificile encore la cristallisation du droit coutumier, encore fluctuant
sur ce point. Qui plus est, le droit relatif aux limites de pêchea toujours
étéet doit, par son essence même,demeurer un compromis entre les reven-
dications et les prétentions contraires des Etats riverains et des Etats
qui se livrent à la pêchelointaine. Dans un domaine où la pratique est
contradictoire et imprécise,est-il possible, est-il raisonnable de considérer

comme dénuéesde toute pertinence les indications relatives à ce que les
Etats sont prêts à revendiquer ou disposés à accepter, telles qu'elles
ressortent des positions qu'ils ont adoptées en vue ou en prévision d'une
conférence visant la codification et le développement progressif du droit
en la matière?
13. Le moins que l'on puisse dire est donc que ces déclarations de

mêmeque les propositions écrites déposéespar les représentants des
Etats ne sont pas sans importance quand il s'agit de déterminer quel est,
selon ces Etats, le droit en ce qui concerne la compétence en matière de
pêcherieset quelle est leur opitliojuris sur un point qui est régipar le droit
coutumier. Certaines positions ainsi adoptées par les Etats dans les cir-
constances décrites plus haut montrent que, si le principe fondamental de

la liberté de la pêcheen haute mer n'est pas inis en cause en tant que tel,
un grand nombre d'Etats riverains contestent ou nient que ce principe
s'applique automatiquement et sans exception aux eaux adjacentes
partout dans le monde dès que la limte de 12 milles est atteinte. Cette
attitude ne découle pas seulement de la constatation évidente que deux
conférences n'ont pas pu aboutir à un accord sur une limite maximum;

elle se fonde aussi sur d'autres éléments quisont apparus dans l'intervalle
entre la deuxième et la troisième Conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer. Or1 fait valoir, par exemple, que la limite de pêchede
12milles confère en réalitéun privilège manifeste et un net avantage aux
quelques Etats outilléspour se livrer à la pêche lointaine,ce qui contribue

à agrandir l'écartentre pays développésetpays en voie dedéveloppement;
un deuxième élémentest que les progrès techniques et l'accroissement de
49many countries. In this respect, economic studies on fisheries have shown
that the principle of open and unrestricted access to coastal waters
inevitably results in physical and economic waste, since there is no in-
centive for restraint in the interest of future returns: anything left in
adjacent waters for tomorrow may be taken by others today. While the
better-equipped States can freely move their fleets to other grounds as
soon as the fishing operations become uneconomical, the coastal States,
with less mobile fleets, maintain the greatest interest in ensuring that the
resources near their own coasts arenot depleted.

14. While granting that proposals and preparatory documents are de
legeferenda and made with the purpose of reaching future agreements on
the basis of concessions and compromise, the following inferences could,
however, be legitimately drawn from their existence:
(a) States submitting proposals for a 200-mile economic zone, for in-

stance, which includes control and regulation of fishery resources in
that area, would be in a somewhat inconsistent position if they op-
posed or protested against claims of other States for a similar ex-
tension. Such would be the case, in particular, of those States that
have, in the Council of Ministers of the Organization of African
Unity, voted in favour of the declaration on the Issues of the Law of
the Sea, Article 6 of which says:

". ..that the African States recognize the right of each coastal State
to establish an exclusive economic zone beyond their territorial seas
whose limits shall not exceed 200 nautical miles, measured from the
baselines establishing their territorial sea".
Another instance is that of the Peo~le's Re~ublic of China. In the
joint communiqué of establishment of diplomatic relations with Peru

of 2 November 1971, the People's Republic of China recognized
"the sovereignty of Peru over the maritime zone adjacent to her
coasts within the limits of 200 nautical miles". The same reco~nution
was expressed in a similar communiqué with Argentina on 16Febru-
ary 1972.

(b) it would not seem justified to count States which have agreed to or
made such declarations and proposals as figuring in the group of
States concurring in the establishment of an alleged practice in
favour of a 12-milemaximum obligatory limit.

15. If, to the 30 to 35 States which have already extended their fisheries
jurisdiction beyond 12miles, there isadded the further number of 20to 25
States which have taken the attitudes described in the preceding para-
graph, the conclusion would be that, today, more than half the maritimela demande en denrées alimentaires qui résulte de l'explosion démogra-
phique comportent un risque grave d'épuisement des ressources biologi-
ques à proximité des côtes de nombreux pays. A ce propos, des études
économiques sur les pêcheriesmontrent que le principe d'un accès illi-

mitéaux eaux côtières provoque inéluctablement un gaspillage physique
et économique, car rien n'incite à ralentir l'effort de pêchepour préserver
les rendements Cuturs: ce qu'on laisse dans les eaux adjacentes pour
demain peut êtrepris aujourd'hui par d'autres. Alors que les Etats mieux
outilléspeuvent sans difficultétransférer leurs navires ailleurs dès que les

opérations de pêchecessent d'être rentables, 1'Etat riverain, dont les
flottilles sont moins mobiles, reste le plus intéresséà protégerde I'épuise-
ment les ressources voisines de ses côtes.
14. Tout en admettant que les propositions et les documents prépa-
ratoires soient de lege ferenda et procèdent du dessein d'aboutir à des
accordsfuturs moyennant des concessions et descompromis, ces prises de

position autorisent niéanmoinsà tirer les conclusionssuivantes:

a) Les Etats qui ont présenté despropositions en vue de l'établissement
d'une zone économique de 200 milles, par exemple, comportant le
contrôle et la réglementation des ressources halieutiques dans cette
zone, ne pourraient pas, sans montrer un certain illogisme, s'opposer
aux prétentions d'autres Etats à une extension analogue, ni protester
contre de telles prétentions. Tel serait notamment le cas des Etats qui,

au Conseil des rninistres de l'organisation de l'unité africaine, ont
votépour la déclaration sur les questions relatives au droit de la mer,
où I'on peut lire (par.6 du dispositif) ce qui suit:

((Les Etats africains reconnaissent le droit de tous les Etats rive-
rains d'établir ail-delà de leur mer territoriale une zone économique
exclusive qui ne s'étendra pas au-delà de 200 milles marins, mesurésà
partir des lignes d!ebase servant à délimiter leurmer territoriale))

On pourrait également citer le cas de la République populaire de
Chine. Ilans le communiqué commun qu'elle a publié avec le Pérou
le2 novembre 15171au sujet de l'établissement de relations diploma-

tiques, la République populaire de Chine reconnaît ((la souveraineté
du Pérousur la zone maritime adjacente à ses côtes, jusqu'à une limite
de 200 milles marins 1).Une déclaration de reconnaissance du même
genre figure dans un communiqué semblable publié avec l'Argentine
le 16février1972.

6) II ne paraît guère justifiéde compter les Etats qui ont fait ou accepté
de telles déclarations ou propositions au nombre de ceux qui admet-
tent l'existence d'une prétendue pratique en faveur de la limite maxi-
mum obligatoire de 12milles.

15. Si, aux trente à trente-cinq Etats qui ont déjà étendu au-delà de
12 milles leur compéitenceen matière de pêcheries,I'on ajoute les vingt à
vingt-cinq Etats qui ont adopté les positions évoquéesau paragraphe
précédent, forceest de conclure qu'à l'heure actuelle plus de la moitiédesStates are on record as not supporting in fact and by their conduct the

alleged maximum obligatory 12-mile rule. In these circumstances, the
limited State practice confined to some 24 maritime countries cited by
the Applicant in favour of such a rule cannot be considered to meet the
requirement of generality demanded by Article 38 of the Court's Statute.

16. Another essential requirement for the practice of States to acquire
the status of customary law is that such State practice must be common,
consistent and concordant. Thus contradiction in the practice of States or
inconsistent conduct, particularly emanating from these very States

whch are said to be following or establishing the custom, would prevent
the emergence of a rule of customary law.

17. Certain States, whose conduct is invoked as showing the existence
of the 12-mile maximum rule, have not hesitated to protect their own
fishing interests beyond that limit, when they felt that it was required for
the benefit of their nationals by the existence of important fisheries in
waters adjacent to their coasts. Various methods have been utilized to

achieve that result, but the variety of methods should not obscure the
essential fact. It could be observed for instance, that the United States
and the USSR have lately carried out this form of protection not uni-
laterally but through bilateral agreements inter se and with other States '.
However, these Powers began by adopting unilateral measures which
created for the States whose nationals were fishing in adjacent waters the
need to enter into fishery agreements if they wished that their nationals
could continue their fishing activities in those grounds. Once the need for
an agreement was thus created, it was not difficult for these Powers,
because of their possibilities in offering various countervailing advan-

tages, to reach agreements which assured them of a preferential or even
an exclusive position in those fishing grounds in which they had special
interests in areas adjacent to their shores well beyond the 12 miles. This

1International Convention(with annex and Protocol) for the High Seas Fisheries
of the North Pacific Ocean signed on 9 May 1952 by the United States of America,
Canada and Japan (United Nations Treafy Series, Vol. 205, p. 65); Convention con-
cerning the High Seas Fisheries of the North-West Pacific Ocean signed on 14 May
1956 by Japan and the Union of Soviet Socialist Republics(AJIL, 1959, p. 763);
Agreement between the Government of the United States of America and the Govern-
ment of the Union of Soviet Socialist Republics on Certain Fishery Problems in the
signed on 13February 1967 (United Nations Treaty Series, Vol. 688, p. 157);Agreementa,
between the Government of the United States of America and the Government of the
Union of Soviet Socialist Republics on Certain Fishery Problems on the High Seas in
the Western Areas of the Middle Atlantic Ocean, signed on 25 November 1967(United
Nations Treaty Series, Vol. 701, p. 162); Agreements effected by Exchange of Notes
signed on 23 December 1968between the United States and Japan on Certain Fisheries
off the United States Coast and Salmon Fisheries(TIAS of the United States, No.
6600). Etats maritimes ont manifestépar leur action ou leur comportement qu'ils

refusent leur appui illa prétendue règlede la limite maximum obligatoire
de 12 milles. Dans ces conditions, la pratique limitée de vingt-quatre
Etats maritimes seulement, que le demandeur invoque en faveur de I'exis-
tence de cette règle, ne saurait êtreconsidéréecomme constituant la pra-

tique généralequ'exige l'article 38 du StatutdelaCour.
16. Une autrecondition fondamentale qui doitêtreremplie pour que la
pratique des Etats devienne une règle de droit coutumier est que cette
pratique soit commune, uniforme et concordante. En conséquence, I'exis-
tence d'élémentscon~tradictoiresdans la pratique des Etats ou la manifes-

tation d'un comportement incompatible avec cette pratique, surtout si
elles sont imputable:<aux Etats mêmes quisont censéssuivre la coutume
ou la créer, feraient obstacle à la formation d'une règle de droit coutu-
mier.

17. Certains Etatç, dont on invoque le comportement pour prouver
qu'il existe une règlerelative à la limite maximum de 12 milles, n'ont pas
hésitéà protéger leurs propres intérêtsen matière de pêcheau-delà de
cette limite, lorsqu'ils ont estiméqu'ils devaient le faire dans l'intérêtde

leurs ressortissants parce que d'importantes pêcheriesse trouvaient dans
les eaux adjacentes à leurs côtes. Diverses méthodes ont étéemployées
pour atteindre ce réijultatmais la diversité des moyens ne doit pas dissi-
muler le fait essentiel. On peut noter, par exemple, que les Etats-Unis

d'Amérique et l'URSS ont récemment réussià assurer une protection de
ce genre au moyen, non pas d'une action unilatérale, mais d'accords bila-
térauxconclus entre eux et avec d'autres Etats 1.Toutefois, ces Puissances
commencèrent par adopter des mesures unilatérales, si bien que les Etats

dont les ressortissants pratiquaient la pêchedans les eaux adjacentes
furent obligés, s'ils voulaient que ceux-ci puissent continuer à pêcher
dans ces eaux, de conclure avec elles des accords de pêche.Ayant rendu
la conclusion de tels accords indispensable, ces Puissances n'eurent aucun

mal, du fait qu'elles étaient en mesure d'offrir divers avantages en com-
pensation, à parvenir à des accords leur garantissant une situation préfé-

1 Convention internationale (avec annexe et protocole) concernantles pêcheries
hauturières de I'océan PacifiqueNord, signée le9 mai 1952 par les Etats-Unis d'Amé-
rique, le Canada et le Japon (Nations Unies, Recueil des traités, vol. 205, p. 65); con-
vention concernant les pêcherieshauturièr~s de I'océan Pacifiquedu nord-ouest, signée
le 14mai 1956par le Japon et l'Union des républiques socialistessoviétiques (American
Journal of International Law, 1959, p. 763); accord reàcertaines questions posées
par I'exercice de la pêchedans la partie nord-est du Pacifique au large de la côte des
Etats-Unis d'Amérique, signéle 13 février 1967 par le Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique et le Gouvernement de l'Union des républiques socialistes soviétiques
(Nations Unies, Recuei1,destraités,vol. 688, p. 157);accord ràcertaines questions
poséespar l'exercice de la pêchedans la partie centre-ouest de I'océanAtlantique, sign6
le 25 novembre 1967 par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et le Gouver-
nement de l'Union des républiques socialistes soviétiques (Nations Unies, Recueil des
traités, vol. 701, p. 162); accords conclus par des échanges de notes signésle 23 décem-
bre 1968par les Etats-Uinis et le Jaàpropos de certaines activités de pêcheau large
des côtes des Etats-Unis d'Amérique et de la pêcheau saumon (Etats-Unis, TZAS,
no 6600).demonstrates the fact that even for States which cannot claim a special
dependence on their fisheries for their livelihood or economic develop-
ment, 12miles may not be sufficient. It would not seem fair or equitable
to postulate on the basis of such divergent conduct a rule of law which
would deny the power to protect much more vital fishing interests to
countries lacking the same possibilities of offering attractive terms by way
of compensation for abstainingfrom fishing in their adjacent waters.

18. The practice of France offers another interesting example with
aespect to the question of uniformity of custom. France extended its
fishing limits, in 1972,to 80 miles in the French Guiana. Law No. 72-620
of 5July 1972established this zone of 80 miles"with a viewto ensure the
conservation of biological resources". However, Article 2 laid down:

"In that part of the zone defined in Article 1 which extends beyond

territorial waters, measures shall be taken as needed, in accordance
with conditions laid down by decree, for the purpose of limiting the
fishing of the various species of marine animal. The application of
these measures to the vessels of foreign States shall be carried out
with due regard forthe geographical situation of those States and the
fishinghabits of their nationals.
In the same part of the zone, fishing by the vessels of States not
authorizing fishing by French vessels in comparable circumstances
may be prohibited by decree."

Thus France is reserving its right to forbid foreign vesselsto fish in the
zone between the 12 and 80-mile limit off Guiana, if French vessels are
not authorized to fish in zones beyond 12 miles off the Coastadjacent to
another country. It is hardly possible to count France among the States
whose practice invariably supports an alleged 12-mile maximum limit,
when it is reserving the right to forbid foreign fishing outside 12miles off
the shore of the French Guiana, under certain conditions.

19. Likewise, archipelago States which have claimed or established
fishery limits according to the geographical characteristics of their ter-
ritories could hardly be counted as States accepting the existence of a
maximum 12-mileobligatory limit. The same observation could be made
in regard to States which have fixed an exclusive fishing zone far beyond
the 12-mileIimit off their coasts by establishing "fisheries closing lines" in
certain bays.

20. Consequently, it is not possible to find today in the practice ofrentielle, voire excl~usive,sur les lieux de pêcheadjacents à leurs côtes,
mais se trouvant bien au-delà de 12 milles, qui présentaient pour elles un

intérêt particulier.Cela démontre qu'une zone de 12 milles n'est peut-
être passuffisante, .mêmepour les Etats qui ne peuvent prétendre qu'ils
sont spécialementtributaires de la pêchepour la subsistance de leur popu-
lation ou pour leur développement économique. En présenced'une pra-
tique si divergente, ilne semblerait nijuste ni équitabled'admettre l'exis-

tence d'une règlede droit qui priverait certains pays du moyen de protéger
des intérêtsbeaucoup plus vitaux en matière de pêche,du fait qu'ils n'au-
raient pas les mêmespossibilités d'offrir des conditions attrayantes en
contrepartie d'un engagement de ne pas pêcherdans les eaux adjacentes à
leur territoire.

18. La pratique de la France offre un autre exemple intéressant en ce
qui concerne la question de l'uniformité de la coutume. La France a
porté à 80 milles, en 1972, les limites de la zone de pêchede la Guyane
française. La loi no 72-620 du 5 juillet 1972établit cette zone de 80 milles
((en vue d'assurer la conservation des ressources biologiques ». Néan-

moins, l'article 2de cette loi dispose:
((Dans la partie de la zone définieà l'article premier ci-dessus qui

s'étend au-delà1des eaux territoriales, des mesures sont prises, en
tantquede bes'oin,dans des conditions fixéespar décret,pour limiter
la pêchedes diverses espèces d'animaux marins. L'application de ces
mesures aux navires des Etats étrangersest faite en tenant compte de
la situation géographique de ces Etats et des habitudes de pêchede
leurs ressortissants.

Dans la mêmepartie de la zone, la pêchepeut êtreinterdite par
décret aux navires des Etats qui n'autorisent pas l'exercice de la
pêchepar les navires français dans des conditionscomparables. 1)

La France se réserveainsi le droit d'interdire aux navires étrangers de
pratiquer la pêchedans une zone de 12 à 80 milles au large de la Guyane,
si les navires français ne sont pas autorisés à pêcherdans les zones, ad-
jacentes à un autre pays, qui se trouvent au-delà de 12 milles de la côte.

11ne serait guère possible de ranger la France parmi les Etats dont la
pratique se fonde toujours sur une prétenduelimite maximum de 12milles,
alors qu'elle se réserve le droit, sous certaines conditions, d'interdire
la pêcheaux naviri:~ étrangers à une distance de plus de 12 milles de
la côte de la Guyane française.

19. De même,le!; Etats constituant des archipels, qui ont revendiqué
ou établi des limites de pêcheen fonction des caractéristiques géogra-
phiques de leur territoire, ne peuvent guère êtrecomptés au nombre
des Etats qui admettent l'existence d'une limite maximum obligatoire de
12 milles. On peut en dire autant des Etats qui ont crééunezonede pêche
exclusive bien au-delà de la limite des 12 milles à partir de leurs côtes

en traçant des ctlignes d'interdiction de la pêche »en travers de certaines,
baies.
20. Cela étant, il n'est pas aujourd'hui possible de voir dans la pratique52 FISHERIES JURISDICTION (JOINTSEP.OP.)

States what the Court described in the Asylurncase as "a constant and
uniform usage, accepted as law" (I.C.J. Reports 1950,p. 277).The alleged
12-milelimit maximum obligatory rule does not fulfil "an indispensable
requirement", namely, "that within the period in question, short though
it might be, State practice, including that of States whose interests are
speciallyaffected, should have been both extensive and virtually uniform"

(NorthSea ContinentalShelfcases, I.C.J. Reports 1969,p. 43).

21. It could therefore be concluded that there is at present a situation
of uncertainty as to the existence of a customaryule prescribing a maxi-
mum limit of a State'sfisheriesjurisdiction. No firmle could be deduced
from State practice as being sufficientlygeneral and uniform to be accept-
ed as a rule of customary law fixing the maximum extent of the coastal
State'sjurisdiction with regard to fisheries. Thiss not mean that there
is a complete "lacuna" in the law which would authorize any claim or
make it impossible to decide concrete disputes. In the present case, for
instance, we have been able to concur in a Judgment based on two
concepts which we fully support: the preferential rights of the coastal
State and the rights of a State where a part of itspopulation and industry
have a long established economic dependence on the same fishery
resources.

22. Admittedly, this situation ofegal uncertainty is unsatisfactory and

conducive to international friction and disputes. It isto be hoped however
that the law on the subject may be clarified as a result of the efforts
directed to its codification and progressive development which are now
being made at the Caracas conference.

(Signed) 1. FORSTER.
(Signed) C. BENGZON.

(Signed) E. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.
(Signed) NAGENDRA SINGH.
(Signed) J. M. RUDA.des Etats ce que la Cour a qualifié,dans l'affaire du Droit d'asile,de
((coutume constante et uniforme acceptéecomme étant le droit » (C.Z.J.
Recueil 1950,p. 277). La prétenduerègleobligatoire fixant la limite maxi-
mum à 12millesne répondpas àune condition jugée((indispensable)par
la Cour, à savoir que ((dans ce laps de temps, aussi bref qu'il ait été, la

pratique desEt-s, compris ceux qui sont particulièrement intéress,it
été fréquenteet pra~tiquementuniforme »(affaires du Plateau continental
de la mer du Nord, (T.1.J.Recuei1969,p. 43).
21. On peut donc conclure que, en ce qui concerne l'existence d'une
règlede droit cout~imierimposant une limite maximum à la compétence
d'un Etat en matièrede pêcheries,la situation est actuellement incertaine.
Il n'est pas possible de dégagerde la pratique des Etats une règleferme
qui soit suffisamment généraleet uniforme pour êtreacceptéecomme
règlededroit coutumier fixant l'étenduemaximum de la compétenced'un
Etat riverain en matière de pêcheries. Il ne s'ensuit pas qu'il existe en
droit une lacune complète qui justifierait toute réclamation ou rendrait

impossible toute dtcision sur des différendsconcrets. En l'espèce,par
exemple, nous avoris pu souscrireà un arrêtfondésur deux notions que
nous approuvons totalement: les droits préférentielsde 1'Etatriverain et
les droits d'un Etat dont la population et l'industrie dépendent en partie
depuis longtemps siurle plan économique des mêmes ressourceshalieu-
tiques.
22. Certes, un tel étatdu droit n'est pas satisfaisant et peut provoquer
des frictions entre Etats et des différendsinternationaux.faut toutefois
espérerque le droit en la matière pourra être préciségrâce aux efforts
visantà assurer sa codification et son développementprogressif qui sont
actuellement déployés àla conférencede Caracas.

(Signé) 1.FORSTER.
(Signé) C. BENGZON.
(Signé) E. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA.

(Signé) NAGENDRS AINGH.
(Signé) J. M. RUDA.

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Opinion individuelle collective de MM. Forster, Bengzon, Jiménez de Aréchaga, Nagendra Singh et Ruda (traduction)

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