Opinion individuelle de M. Bustamante

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050-19640724-JUD-01-07-EN
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050-19640724-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. BUSTAMbNTE

Cette opinion exprime certaines vues qui diffèrent de celles de la Cour
en cequi concerne la première exception préliminaire. Elle contient aussi
des vues individuelles à l'égard dela troisième exception, bien qu'elles
arrivent à la conclusion adoptée, quant à cette dernière, par la majorité

de la Cour.

Bien que je partage les vues de la Cour en ce qui concerne certains
aspects de doctrine visant la première exception préliminaire, il n'en va

pas de mêmequant aux faits et conclusions. Ceci m'amène à faire état
séparément des mbtifs de mon dissentiment.
Il ne semble pas douteux que les articles 68 et 69 du Règlement de la
Cour, en conformité avec l'article 30 du Statut, ne visent que des aspects
procéduraux du désistement. Suivant sa mission, le Règlement ne statue
pas sur des droits substantiels ; on n'y trouve, par conséquent, aucune
norme relative à la nature du désistement qui caractérise et distingue le

tésistement substantiel ou renonciation au droit, et le désistement d'in-
stance ou renonciation à poursuivre la procédure. Face à cette méthode
légale, il faudra qu'une investigation soit faite, pour chaque cas parti-
culier, des motifs et circonstances du désistement soumis au tribunal
afin d'établir sa vraie portée et de définir ses conséquences juridiques.

Dans le cas d'espèce, lesmotifs de la Belgique pour sedésister de la
première requêtede 1958ont eu leur origine dans une démarche du groupe
belge d'actionnaires de la Barcelona Traction Light and Power Company,
Limited, auprès du Gouvernement belge, ce désistement étant la condi-
tion préalable poséepar M. Jlan March, têtedu groupe espagnol des

actionnaires et des obligataires de ladite compagnie, pour entamer des
négociations privéestendant à trancher le litige par la voie extrajudi-
ciaire. Le groupe belge savait bien que l'exigence de M. March était
d'obtenir un désistement définitif,irrévocable,dont l'intention manifeste
était que l'affaire ne soit plus soumise à la justice internationale.

On avait certes omis de prévoir ce qui se passerait en cas d'échecdes
négociations. De la part de M. March, la seule condition envisagée était
de ne plus saisir la Cour. Néanmoins, rien n'empêchede concevoir que, en
cas d'échec,une autre solution aurait pu êtreadoptée, par exemple un
jugement arbitral.

7679 BrZRCELON.4 TRACTION (OP. IND. BUSTAMANTE)

Cela appartenait au domaine des pourparlers privés. Mais il est hors
de doute qu'à partir de l'instant où la controverse privéeentre les deux
groupes de la Barcelona Traction a étéportée dans le domaine du droit
international par le fait de l'intervention des Etats belge et espagnol

c'était aux Etats et non pas aux groupes privésd'assumer la qualité de
vraies parties intéressées.C'étaità eux, par conséquent, qu'incombait le
rôle de délimiter selon leur propre critère la portée du désistement, soit
en acceptant, soit en modifiant les bases suggéréespar les groupes privés.

Les versions de chaque Etat Partie sont en l'espèce réciproquement
opposées.La Belgique soutient qu'il n'a jamais été dansson intention,
en se désistant de l'instance déjà introduite, de renoncer au droit de
réintroduire une nouvelle instance au cas où les négociations privéesne
réussiraient pas. L'Espagne affirme - de son côté - qu'elle se serait

opposée à un désistement qui ne fût pas définitif, car une réintroduction
de l'instance, outre qu'elle n'aurait pas concordéavec la formule March,
aurait mis le Gouvernement espagnol dans une position morale et juri-
diquement défavorable.
Mais, face à ces versions des Parties, nombre de questions se posent,

lesquelles démontrent la complexité de l'affaire.
a) Si la Belgique a repousséla condition de M. March, pourquoi s'est-elle

formellement désistéeau lieu de négocierofficiellement au préalable
avec le Gouvernement espagnol un amendement de la condition ?

b) Bien que la Belgique ait employé pour opérer son désistement la
formule procédurale de routine appliquée aux désistements unilaté-
raux par l'article69, alinéa 2, du Règlement, le fait que ce procédé
n'ait pas étéaccompagné d'une réserve officielle quant à la portée
du &sistement a-t-il amené l'Espagne à présumer erronkment que la

condition de M. March était purement et simplement acceptée ?

c) D'autre part, les réticences montrées par la Belgique au cours des
démarches préalables au désistement (par exemple :la proposition
tendant à une simple suspension de la procédure, la suggestion que
l'Espagne n'exprime sa (non-opposition » au désistement qu'à la
fin du délai de six semaines à fixer par la Cour, le fait que la lettre
officielle de désistement ne parle que d'un désistement d'instance),

cesréticences,je le répète,auraient-elles dû mener l'Espagne àdeman-
der au préalable à la Belgique des précisionsexplicites au sujet de la
vraie portée du désistement ?

d) L'omission de cette démarche impliquait-elle de la part de l'Espagne
une certitude de bonne foi que la Belgique, malgré ses précautions,
s'en tenait aux accords passésentre les groupes privés? Impliquait-

elle, au contraire, une nCgligence coupable ou bien l'acceptation par
le Gouvernement espagnol d'un désistement simplement procédural
de l'instancedCjà introduite ?e) En résumé,a-t-on affaire à une interprétation erronée de l'Espagne
sur la portée du désistement? Dans l'affirmative, cette erreur, ce
malentendu ont-ils étédus aux actes propres de la Belgique qui a
gardéle silence sur la vraie signification de son désistement, en dés-
accord avec celui que pro~osait M. March ? L'éventuelle erreur de

l'Espagne était-elle due au contraire à la faute de son propre gouver-
nement, à l'interprétation contraire aux terines qui a étédonnée
au texte du désistement de la Belgique ?

Des éléments suffisantset tangibles de preuve pour éluciderces incon-

nues manquent à mon avis dans la procédure. Contrairement à ce que
la Cour a décidé,je ne me sens pas en mesure d'exprimer un jugement
catégorique au sujet de cette exception. J'admets qu'on pourrait peut-
être arriver à une conclusion sur la seule base d'inférencesou de déduc-
tions faisant partie d'un processus logique, mais non pas sur la base de

faits dûment démontrés.Les entretiens entre l'ainbassadeur de Belgique
et leministre des Affaires étrangèresd'Espagne, à la veille du désistement,
n'ont laisséque des traces vagues et incomplètes. Il ne serait pas sur-
prenant que des pièces documentaires plus explicites n'aient pas encore
étéprésentées à la Cour. En outre, il est raisonnable de concevoir que

des contacts plus concrets sur tous ces propos aient pu avoir lieu entre
les deux gouvernements. Il ne me semble donc pas invraisemblable que
si la Cour, en exerçant ses pouvoirs, demande d'office aux Parties de
fournir tout document ou renseignement pertinent - un questionnaire
adéquat serait libellé à ces fins - la possibilité pourrait êtretrouvée

d'éclaircir une ou plusieurs des questions soulevées plus haut. Certes,
j'admets que, dans chaque cas, la charge de la preuve appartient à une
des Parties ; mais il est aussi vrai que les intérêtssupérieursde la justice
donnent à la Cour la faculté de faire tout son possible pour amener les
Parties à préciser lesfaits non suffisamment éclaircis.

Etant donné qu'en vertu d'autres motifs que j'expose par ailleurs, la
première exception ne peut pas à mon avis êtretranchée à ce stade préli-
minaire de la procédure sans comporter le danger de s'immiscer au fond
mêmede l'affaire, j'avais pensé que si la Cour l'avait bien voulu, elle

pouvait profiter de cette circonstance du renvoi de l'exception au fond
pour entreprendre d'office, an second stade du procès, la recherche de
nouveaux élémentsde jugement au sujet des circonstances qui entourè-
rent la négociation du désistement entre Parties. Ainsi, une meilleure
chance existerait peut-être - au moment del'arrêt final - pour rCsoudre

en pleine connaissance de cause la première exception formulée par la
Partie défenderesse.

Au cours de son argumentation, le Gouvernement espagnol a fait étar
du fait que le Gouvernement belge s'est prévalu du désistement poutintroduire dans le texte de la deuxième reauête diverses modifications

par rapport à la première requête,dans le dessein d'améliorer sa posi-
tion juridique après avoir pris connaissance des exceptions préliminaires
soulevées par l'Espagne dans 1: premier procès ; ce procédéaurait eu
pour conséquence une rupture de l'équilibre entre les Parties au détri-
ment dela position espagnole,puisque aucun avertissement au préalable
n'avait étédonnépar la Belgique pour signaler que son désistement com-

portait en lui-mêmeune réserve: son droit de réintroduire ultérieure-
ment l'instance (exceptions préliminaires, première exception, no 107).
Durant les plaidoiries, le conseil de l'Espagne sir Hurnphrey Waldock,
répondant à la question poséepar un des juges de la Cour (audience du
27 avril) a signaléles préjudicesmoraux et matériels que 1'Etat espagnol
croit avoir souffert du fait de la réintroduction de la requête après le

désistement (audience du 4 mai).
C'est sans doute compte'teni de ces considérations que le Gouverne-
ment espagnol, dans l'attendu no 14 des conclusions relatives à la pre-
mière exception, déposéesà la suite de l'audience du 8 mai 1964, soutient
que

(le désistement du Gouvernement belge dans la procédure ouverte
par sa requête du 15 septembre 1958 sans que ce désistement ait
étéassorti d'aucune réserve touchant son droit de réintroduire la
demande qui avait fait l'objet de cette requête, supposait néces-
sairement qu'il renonçait à son argumentation en défensecontre les
exceptions préliminaires espagnoles et qu'il acceptait d'arrêter, in
limine litila procédure qu'il avait introduite ».

De plus, les attendus nos 15 à 17 des conclusions de l'Espagne sur la
mêmeexception contestent qu'une seconde requêtesoit compatible avec
le système de règlement pacifique consacré par le traité hispano-belge de
1927, étant donnC que le premier procès - clos en vertu du désistement

- a épuiséles recours prévuspar ce traité (audience du4 mai). En réalité,
toutes ces allégations impliquent la contestation du droit de la Belgique
d'exercer ànouveau, après son désistement, la protection des actionnaires
qu'elle considérait comme ses ressortissants ; ce qui vient rapprocher le
sujet de cette première exception de celui de la troisième, lequel vise
lejus standi de la Belgique. (Voirles attendus nos 2 à6 des conclusions

du Gouvernement espagnol à l'égardde la troisième exception, audience
du 8 mai.)
Pour que la Cour puisse prendre une décision au sujet de ces points
il faudrait inévitablement définirla question de la naturedu désistement
formulé par la Belgique et, de plus, se prononcer sur des matières qui
touchent le fond de la requête.En effet, pour conclure que l'application

du traité de 1927 doit êtretenue comme définitivement close ou épuisée
à l'égard de la nouvelle requête, il faudrait qu'une déclaration sur la
nature substantielle du désistement fût intervenue au préalable, dans le sens que le désistement dela Belgique implique une renonciation au droit
controversé. Mais une telle déclaration ne saurait être faite, comme je

l'ai déjà dit, tant que des éclaircissements additionnels ne seront pas
trouvés pour établir la preuve encore insuffisante des faits allégués.
D'autre part, la contestation - soutenue par l'Espagne - du droit de
1'Etat belge à invoquer le traité de 1927 pour réintroduire l'instance
après le désistement ne peut êtreséparée dela question du jus standi

de la Belgique, laquelle fait l'objet de la troisième exception. En réalité,
dans cette première exception, on conteste le jus stand; belge pour réin-
troduire l'action à l'égardde laquelle le désistement avait étéformulé.
La Cour ne pourrait donc pas se prononcer au sujet de l'applicabilité
actuelle de l'article 17 (4) du traité de 1927 si elle ne se prononçait pas

auparavant sur la légitimité de l'intervention de la Belgique en tant
quJEtat national de ses actionnaires (jus standi).Mais une telle décision
exige à la fois que d'autres problèmes contenus dans la troisième excep-
tion soient tranchés au préalable, tels que le problème consistant à défi-
nir la position du Gouvernement du Canada et celui de savoir si des

circonstances exceptionnelles ont privé réellement la sociétécanadienne
Barcelona Traction de toute ~ossibiiité d'exercer son droit d'ester en
justice pour défendre les intérêtsdes actionnaires belges. Ces problèmes
touchant le fond même de la reauête.1i,s ne sauraient êtrerésolus au
stade préliminaire de la procédure sans préjuger sur le fond ; et c'est

sans doute pour cela que la Cour s'est prononcéeen faveur de la jonction
de la troisième exception au fond.
Ces liaisons tellement étroites entre la première et la troisième excep-
tion m'ont déterminé à me prononcer pour la jonction de la première
exception au fond, en réservant son examen, ainsi que la recherche de

preuves additionnelles sur les faits, jusqu'au deuxième stade de la procé-
dure, afin de résoudreladite exception dansl'arrêt final. Par conséquent,
j'ai voté contre le rejet de la première exception à ce stade préliminaire
de la procédure.

L'examen de la troisième exception préliminaire a donné à la Cour
la certitude qu'une décision ne saurait être prise à son égard durant ce
stade préliminaire de la procédure parce que l'existence ou la non-
existence du jus standi de la Belgique dans cette affaire ne peut pas être
dûment considéréesans préjuger en mêmetemps le fond de la requête.

Toutefois, je suis d'avis qu'avant d'ordonner la jonction au fond il
aurait fallu s'assurer qu'un autre moyen plus direct existait pour arriver
à résoudre d'emblée la troisième exception au stade préliminaire du
procès. Voici mon raisonnement : les deux Parties se sont montrées d'accord
sur le fait qu'une règle généralede droit international existe en ce qui

concerne la protection diplomatique et judiciaire des sociétés commer-
cialesanonymes lésées par 1'Etat dans lequel ellesréalisent leurs affaires,
cette règle étant que l'exercice du droit de protection appartient de
préférence à 1'Etat national de la société.Etant donnéque dans le cas
présent la Barcelona Traction est une sociétéde statut canadien, sa
protection devrait être exercée, en principe, par 1'Etat du Canada.

Le dossier montre (exceptions préliminaires, troisième exception,
points 4 et8 ; observations belges, no 129)que de 1948 à 1955le Gouver-
nement canadien a exercé dans une certaine mesure cette protection
auprès du Gouvernement espagnol, soit par lui-même, soitpar l'inter-

médiairedu Gouvernement britannique. Mais les interventions officielles
du Gouvernement canadien se sont arrêtées à un certain moment et
n'ont plus étéreprises. Le Canada n'a d'ailleurs eu aucune réaction au
moment de la requêtebelge de 1958ni au moment de la nouvelle requête
de 1962.
Ces circonstances prises en considération, peut-on dire qu'elles suffi-
sent pour conclure que l'intervention du Canada a pris définitivement
fin ?A mon avis non parce qu'à aucun moment une déclaration explicite
ou officielle du Gouvernement canadien n'est intervenue à ce sujet et
parce que la protection de la Barcelona Traction s'est limitée au stade
diplomatique sans qu'il ait étéfait appel à la voie judiciaire interna-
tionale.

Il y a, certes, des motifs pour présumer que le Canada n'aurait peut-
êtrepas eu l'intention de continuer ses démarches auprès de l'Espagne
en faveur de la Barcelona Traction ; mais cette simple présomption ne
suffit pas,à mon avis, pour abandonner la règlegénéralede droit inter-
national dont il a été faitmention et pour reconnaître à un Etat tiers
- la Belgique - un droit de protection supplémentaire au nom des
actionnaires de la société.
Il est vrai que Pendant la procédure orale une question a étéposée
aux Parties par un des magistrats de la Cour pour savoir si elles pour-
raient donner des indications quant à l'attitude observéepar le Gouver-
nement canadien postérieurement à certaines communications qui figu-

rent dans le dossier. Cette enquête, néanmoins, n'a pas eu de résultats
appréciables (audience du 27 avril). Il faudrait, je pense, aller plus loin
en posant aux Parties des questions concrètes et en leur demandant de
fournir tous documents ou renseignements utiles à l'égard dela décision
définitive du Canada. Il me semble que les Parties, en tant qu'Etats
souverains intéressés,peuvent trouver le moyen de se renseigner plus ou
moins directement à ce sujet. L'avantage d'un tel éclaircissement serait
de définirune fois pour toutes si l'application de la règle spécifiquedu
droit internationalsur la protection diplomatique et judiciaire des socié-
tésest ou non possible en l'espèce.En cas derésultat négatifla jonction
de la troisième exception au fond serait inévitable si l'on veut savoirjusqu'à quel point l'intervention de 1'Etat belge, compte tenu des cir-

constances, peut devenir bien fondéeafin de lui reconnaître un jus standi
pour exercer, soit à titre subsidiaire soit - comme la Belgique le pré-
tend - à titre propre, la protection de ses ressortissants actionnaires de
la sociétéétrangère.

Surla base de ces raisons, j'aurais étéd'avis, avant de mettreun terme

àcestade préliminairede la procédure,que la Cour rende une ordonnance
dans laquelle elle aurait soumis certaines questions auxquelles les Parties
auraient eu à répondre, et les aurait invitées à fournir tous documents
ou renseignements utiles pour aider à définirla position de 1'Etat cana-
dien au sujet de la protection diplomatique et judiciaire de la société

canadienne Barcelona Traction dans le futur. Mais étant donné que la '
Cour s'est prononcée à la majorité en faveur de la jonction immédiate
au fond et que l'éclaircissement que je viens de décrire sera toujours
faisable au cours du second stade de la procédure, je me rallie à la déci-
sion .du tribunal en ce qui concerne la jonction de la troisième exception
au fond afin qu'elle soit résolue dans l'arrêt final puisque je partage

l'idéequ'une décisionquelconque au sujet de ladite troisième exception,
prise en son intégrité, nepeut qu'exiger un prononcé sur le fond même
de la controverse.

(Signé)J. L. BUSTAMANT RE.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. BUSTAMbNTE

Cette opinion exprime certaines vues qui diffèrent de celles de la Cour
en cequi concerne la première exception préliminaire. Elle contient aussi
des vues individuelles à l'égard dela troisième exception, bien qu'elles
arrivent à la conclusion adoptée, quant à cette dernière, par la majorité

de la Cour.

Bien que je partage les vues de la Cour en ce qui concerne certains
aspects de doctrine visant la première exception préliminaire, il n'en va

pas de mêmequant aux faits et conclusions. Ceci m'amène à faire état
séparément des mbtifs de mon dissentiment.
Il ne semble pas douteux que les articles 68 et 69 du Règlement de la
Cour, en conformité avec l'article 30 du Statut, ne visent que des aspects
procéduraux du désistement. Suivant sa mission, le Règlement ne statue
pas sur des droits substantiels ; on n'y trouve, par conséquent, aucune
norme relative à la nature du désistement qui caractérise et distingue le

tésistement substantiel ou renonciation au droit, et le désistement d'in-
stance ou renonciation à poursuivre la procédure. Face à cette méthode
légale, il faudra qu'une investigation soit faite, pour chaque cas parti-
culier, des motifs et circonstances du désistement soumis au tribunal
afin d'établir sa vraie portée et de définir ses conséquences juridiques.

Dans le cas d'espèce, lesmotifs de la Belgique pour sedésister de la
première requêtede 1958ont eu leur origine dans une démarche du groupe
belge d'actionnaires de la Barcelona Traction Light and Power Company,
Limited, auprès du Gouvernement belge, ce désistement étant la condi-
tion préalable poséepar M. Jlan March, têtedu groupe espagnol des

actionnaires et des obligataires de ladite compagnie, pour entamer des
négociations privéestendant à trancher le litige par la voie extrajudi-
ciaire. Le groupe belge savait bien que l'exigence de M. March était
d'obtenir un désistement définitif,irrévocable,dont l'intention manifeste
était que l'affaire ne soit plus soumise à la justice internationale.

On avait certes omis de prévoir ce qui se passerait en cas d'échecdes
négociations. De la part de M. March, la seule condition envisagée était
de ne plus saisir la Cour. Néanmoins, rien n'empêchede concevoir que, en
cas d'échec,une autre solution aurait pu êtreadoptée, par exemple un
jugement arbitral.

76 SEPARATE OPIXION OF JUDGE BUST-\MANTE

This opinion expresses -certain views wkich differ from those of the
Court on the first Preliminary Objection. It also contains an expres-
sion of individual views on the third Objection, although the conclusion
reached is that of the majority.

Although 1 share the views of the Court so far as concerns certain
doctrinal aspects relating to the first Preliminary Objection, the same
does not apply to the facts and conclusions. This leads me to state

separately the reasons for my dissent.
There does not seem to be anv doubt that Articles 68 and 6a of the
Rules of Court, in conformity with Article 30 of the Statute, contem-
plate only the procedural aspects of discontinuance. In accordance
with their purpose, the Rules do not decide substantive rights, and
consequently no rule is to be found concerning the nature of discon-

tinuance, so as to characterizing and distinguishing substantive discon-
tinuance or abandonment of the right from discontinuance or aban-
donment of the proceedings. ~avin~ regard to the fact that this is
the juridical framework adopted, an investigation will be necessary in
each particular case into the reasons and ci~cumstances of the discon-
tiriuance submitted to the Court in order to decide its true scope and

to define its legal consequences.
In the present case, Belgium's reasow for discontinuing the first
Application of 1958 had their origin in an approach by the Belgian
group of shareholders in the Barcelona Traction, Light and Power
Company, Limited, to the Belgian Government, such discontinuance
being the prior condition imposed by M. Juan March, the head of the

Spanish group of share- and bondholders in the said Company, for
opening private negotiations intended to settle the dispute by estra-
judicial means. The Belgian group well knew that M. March was
demanding a final and irrevocable discontinuance, the manifest inten-
tion of which was that the case should no longer be a matter for inter-
national adjudication.

Certainly no provision was made for what would happen in the case
of the failure of the negotiations. For M. March's part, the only con-
dition envisaged was that the Court should no longer be seised. Never-
theless, there is no reason not to suppose that, in the event of failure,
some otl-iersolution might have been adopted, for example arbitration.79 BrZRCELON.4 TRACTION (OP. IND. BUSTAMANTE)

Cela appartenait au domaine des pourparlers privés. Mais il est hors
de doute qu'à partir de l'instant où la controverse privéeentre les deux
groupes de la Barcelona Traction a étéportée dans le domaine du droit
international par le fait de l'intervention des Etats belge et espagnol

c'était aux Etats et non pas aux groupes privésd'assumer la qualité de
vraies parties intéressées.C'étaità eux, par conséquent, qu'incombait le
rôle de délimiter selon leur propre critère la portée du désistement, soit
en acceptant, soit en modifiant les bases suggéréespar les groupes privés.

Les versions de chaque Etat Partie sont en l'espèce réciproquement
opposées.La Belgique soutient qu'il n'a jamais été dansson intention,
en se désistant de l'instance déjà introduite, de renoncer au droit de
réintroduire une nouvelle instance au cas où les négociations privéesne
réussiraient pas. L'Espagne affirme - de son côté - qu'elle se serait

opposée à un désistement qui ne fût pas définitif, car une réintroduction
de l'instance, outre qu'elle n'aurait pas concordéavec la formule March,
aurait mis le Gouvernement espagnol dans une position morale et juri-
diquement défavorable.
Mais, face à ces versions des Parties, nombre de questions se posent,

lesquelles démontrent la complexité de l'affaire.
a) Si la Belgique a repousséla condition de M. March, pourquoi s'est-elle

formellement désistéeau lieu de négocierofficiellement au préalable
avec le Gouvernement espagnol un amendement de la condition ?

b) Bien que la Belgique ait employé pour opérer son désistement la
formule procédurale de routine appliquée aux désistements unilaté-
raux par l'article69, alinéa 2, du Règlement, le fait que ce procédé
n'ait pas étéaccompagné d'une réserve officielle quant à la portée
du &sistement a-t-il amené l'Espagne à présumer erronkment que la

condition de M. March était purement et simplement acceptée ?

c) D'autre part, les réticences montrées par la Belgique au cours des
démarches préalables au désistement (par exemple :la proposition
tendant à une simple suspension de la procédure, la suggestion que
l'Espagne n'exprime sa (non-opposition » au désistement qu'à la
fin du délai de six semaines à fixer par la Cour, le fait que la lettre
officielle de désistement ne parle que d'un désistement d'instance),

cesréticences,je le répète,auraient-elles dû mener l'Espagne àdeman-
der au préalable à la Belgique des précisionsexplicites au sujet de la
vraie portée du désistement ?

d) L'omission de cette démarche impliquait-elle de la part de l'Espagne
une certitude de bonne foi que la Belgique, malgré ses précautions,
s'en tenait aux accords passésentre les groupes privés? Impliquait-

elle, au contraire, une nCgligence coupable ou bien l'acceptation par
le Gouvernement espagnol d'un désistement simplement procédural
de l'instancedCjà introduite ? This was a matter forthe private discussions. But there is no doubt
that as from the moment when the private controversy between the
two Barcelona Traction groups was brought into the field of interna-
tional law through the intervention of the Belgian and Spanish States,
it was for the States and not for the private groups to assume the

capacity of the real parties concerned. It was for them, consequently,
to define in accordance with their own judgment the scope of the dis-
continuance by either accepting or modifying the bases proposed by
the private groups.
The versions given by each State Party are in the present case
mutually contradictory. Belgium maintains that it was never its

intention when discontinuing the proceedings already instituted to
abandon the right to reinstitute new proceedings if the private negotia-
tions did not succeed. Spain asserts, for its part, that it would have
opposed a discontinuance which was not final, as the reinstitution of
proceedings, apart from not being in accordance with March's conditions,

would have placed the Spanish Government in an unfavourable position
morally and legally.
But in the face of these versions of the Parties, a number of questions
arise which demonstrate the complexity of the case.

(a) If Belgium had rejected M. March's condition, why did it formalize
its discontinuance instead of first officially negotiating an amend-
ment of that condition with the Spanish Governrnent?

(b) Although Belgium, in effecting its discontinuance, used the normal
procedural formula for unilateral discontinuance contained in
Article69 (2)of the Rules, did the fact that this proceeding was
not accompanied by any officia1reservation as to the scope of the

discontinuance lead Spain wrongly to suppose that M. March's
condition had purely and simply been accepted?

(c) Ought, on the other hand, the hesitations shown by Belgium
during the negotiations prior to the discontinuance (for example,
the proposal for a mere suspension of the proceedings, the sugges-
tion that Spain should not express its "non-objection" to the dis-
continuance until the end of the tirne-limit of six weeks to be fixed
by the Court, the fact that the officia1letter giving notice of discon-

tinuance speaks only of a discontinuance of the proceedings),
ought such hesitations, 1 repeat, to have led Spain to ask Belgium
beforehand for a precise explanation of the true scope of the dis-
continuance?

(d) Did Spain's omission to take this step imply a certainty in good
faith on its part that Belgium, despite its precautions, was abiding
by the agreements reached between the private groups? Or did it
on the contrary imply culpable negligence or, indeed, acceptance

by the Spanish Government of a merely procedural discontinuance
of the proceedings already instituted?e) En résumé,a-t-on affaire à une interprétation erronée de l'Espagne
sur la portée du désistement? Dans l'affirmative, cette erreur, ce
malentendu ont-ils étédus aux actes propres de la Belgique qui a
gardéle silence sur la vraie signification de son désistement, en dés-
accord avec celui que pro~osait M. March ? L'éventuelle erreur de

l'Espagne était-elle due au contraire à la faute de son propre gouver-
nement, à l'interprétation contraire aux terines qui a étédonnée
au texte du désistement de la Belgique ?

Des éléments suffisantset tangibles de preuve pour éluciderces incon-

nues manquent à mon avis dans la procédure. Contrairement à ce que
la Cour a décidé,je ne me sens pas en mesure d'exprimer un jugement
catégorique au sujet de cette exception. J'admets qu'on pourrait peut-
être arriver à une conclusion sur la seule base d'inférencesou de déduc-
tions faisant partie d'un processus logique, mais non pas sur la base de

faits dûment démontrés.Les entretiens entre l'ainbassadeur de Belgique
et leministre des Affaires étrangèresd'Espagne, à la veille du désistement,
n'ont laisséque des traces vagues et incomplètes. Il ne serait pas sur-
prenant que des pièces documentaires plus explicites n'aient pas encore
étéprésentées à la Cour. En outre, il est raisonnable de concevoir que

des contacts plus concrets sur tous ces propos aient pu avoir lieu entre
les deux gouvernements. Il ne me semble donc pas invraisemblable que
si la Cour, en exerçant ses pouvoirs, demande d'office aux Parties de
fournir tout document ou renseignement pertinent - un questionnaire
adéquat serait libellé à ces fins - la possibilité pourrait êtretrouvée

d'éclaircir une ou plusieurs des questions soulevées plus haut. Certes,
j'admets que, dans chaque cas, la charge de la preuve appartient à une
des Parties ; mais il est aussi vrai que les intérêtssupérieursde la justice
donnent à la Cour la faculté de faire tout son possible pour amener les
Parties à préciser lesfaits non suffisamment éclaircis.

Etant donné qu'en vertu d'autres motifs que j'expose par ailleurs, la
première exception ne peut pas à mon avis êtretranchée à ce stade préli-
minaire de la procédure sans comporter le danger de s'immiscer au fond
mêmede l'affaire, j'avais pensé que si la Cour l'avait bien voulu, elle

pouvait profiter de cette circonstance du renvoi de l'exception au fond
pour entreprendre d'office, an second stade du procès, la recherche de
nouveaux élémentsde jugement au sujet des circonstances qui entourè-
rent la négociation du désistement entre Parties. Ainsi, une meilleure
chance existerait peut-être - au moment del'arrêt final - pour rCsoudre

en pleine connaissance de cause la première exception formulée par la
Partie défenderesse.

Au cours de son argumentation, le Gouvernement espagnol a fait étar
du fait que le Gouvernement belge s'est prévalu du désistement pout (e) To sum up, are we confronted with an erroneous interpretation by
Spain of the scope of the discontinuance? If so, was this mistake,

this misunderstanding, due to Belgium's own action in maintaining
silence as to the true meaning of its discontinuance, one not in
accordance with that proposed by M. March?Was any such mistake
by Spain due, on the contrary, to the fault of its own Government,
to an interpretation of the text of Belgium's notice of discon-
tinuance running counter to its actual wording?

Sufficient tangible evidence to elucidate these uncertainties is, in
my view, lacking in these proceedings. Contrary to what the Court
has decided, 1 do not feel able to express any categorical judgment on
this objection. 1 admit that it might perhaps be possible to arrive at
a conclusion on the basis merely of inferences or deductions forming

part of a logical process, but not on the basis of duly proven facts.
The records of the interviews between the Belgian Ambassador and the
Spanish Minister for Foreign Affairs on the eve of the discontinuance
are vague and incomplete. It would not be surprising if there were
more explicit documentary evidence which has not yet been submitted
tothe Court. In addition, it is reasonable to suppose that more definite

representations on al1these matters may have passed between the two
Governments. Accordingly, it does not seem to me to be unlikely
that if the Court, in the exercise of its powers, were proprio motu to
ask the Parties to furnish it with any relevant document or piece of
information-a suiteble questionnaire would be drawn up for this
purpose-it might be found possible to throw light on one or more of

the questions raised above. 1 naturally accept that in each case the
OPÜS of proof is placed on one of the parties, but it is also true that the
overriding interests of justice give the Court the faculty of taking such
steps as are possible to induce the parties to clarify what is not suffi-
cientlv clear.
Seeing that, for other reasons, which 1 shall set out elsewhere, the

first Objection cannot, in my view, be decided at this preliminary stage
of the proceedings without the risk of encroaching on the merits of the
case, 1had thought th+, were the Court so to wish, it could have taken
advantage of a joinder of the objection to the merits to seek proprio
motu at the second stage of the proceedings to obtain further evidence
of the circumstances surrounding the negotiation of the discontinuance

between the Parties. There would thus perhaps be a better chance-
at the time of the final judgment-for deciding the first Objection
raised by the Kespondent Party with full knowledge of the facts.

In the course of its argument the Spanish Govemment referred to
the fact that the Belgian Government had availed itself of the discon-introduire dans le texte de la deuxième reauête diverses modifications

par rapport à la première requête,dans le dessein d'améliorer sa posi-
tion juridique après avoir pris connaissance des exceptions préliminaires
soulevées par l'Espagne dans 1: premier procès ; ce procédéaurait eu
pour conséquence une rupture de l'équilibre entre les Parties au détri-
ment dela position espagnole,puisque aucun avertissement au préalable
n'avait étédonnépar la Belgique pour signaler que son désistement com-

portait en lui-mêmeune réserve: son droit de réintroduire ultérieure-
ment l'instance (exceptions préliminaires, première exception, no 107).
Durant les plaidoiries, le conseil de l'Espagne sir Hurnphrey Waldock,
répondant à la question poséepar un des juges de la Cour (audience du
27 avril) a signaléles préjudicesmoraux et matériels que 1'Etat espagnol
croit avoir souffert du fait de la réintroduction de la requête après le

désistement (audience du 4 mai).
C'est sans doute compte'teni de ces considérations que le Gouverne-
ment espagnol, dans l'attendu no 14 des conclusions relatives à la pre-
mière exception, déposéesà la suite de l'audience du 8 mai 1964, soutient
que

(le désistement du Gouvernement belge dans la procédure ouverte
par sa requête du 15 septembre 1958 sans que ce désistement ait
étéassorti d'aucune réserve touchant son droit de réintroduire la
demande qui avait fait l'objet de cette requête, supposait néces-
sairement qu'il renonçait à son argumentation en défensecontre les
exceptions préliminaires espagnoles et qu'il acceptait d'arrêter, in
limine litila procédure qu'il avait introduite ».

De plus, les attendus nos 15 à 17 des conclusions de l'Espagne sur la
mêmeexception contestent qu'une seconde requêtesoit compatible avec
le système de règlement pacifique consacré par le traité hispano-belge de
1927, étant donnC que le premier procès - clos en vertu du désistement

- a épuiséles recours prévuspar ce traité (audience du4 mai). En réalité,
toutes ces allégations impliquent la contestation du droit de la Belgique
d'exercer ànouveau, après son désistement, la protection des actionnaires
qu'elle considérait comme ses ressortissants ; ce qui vient rapprocher le
sujet de cette première exception de celui de la troisième, lequel vise
lejus standi de la Belgique. (Voirles attendus nos 2 à6 des conclusions

du Gouvernement espagnol à l'égardde la troisième exception, audience
du 8 mai.)
Pour que la Cour puisse prendre une décision au sujet de ces points
il faudrait inévitablement définirla question de la naturedu désistement
formulé par la Belgique et, de plus, se prononcer sur des matières qui
touchent le fond de la requête.En effet, pour conclure que l'application

du traité de 1927 doit êtretenue comme définitivement close ou épuisée
à l'égard de la nouvelle requête, il faudrait qu'une déclaration sur la
nature substantielle du désistement fût intervenue au préalable, dans letinuance in order to introduce various changes in the text of its second
Application by comparison with the first one, with a view to improving
its legal position, after studying the Preliminary Objections raised by
Spain in the first proceedings ; the result of this being to upset the
balance between the Parties to the detriment of the position of Spain,

since no prior notice was given by Belgium that its discontinuance of
itself signified reservation, that of its right subsequently to reinstitute
proceedings (Preliminary Objections, first Objection, para. 107).

During the hearings, Sir Humphrey Waldock, Counsel for Spain,
replying to a question put by one of the Judges of the Court (hearing

of 27 April) referred to the moral and material prejudice which the
Spanish State felt that it had suffered through the reinstitution of the
Application after the discontinuance (hearing of 4 May).
It was no doubt with such considerations in mind that the Spanish
Government, in the 14th recital concerning the first Objection in the
Submissionswhich it filed at the closure of the hearing on 8 May 1964,

maintained that-

"the discontinuance of the Belgian Government in the proceedings
started by its Application of 15 September 1958, without that dis-
continuance having been accompanied by any reservation con-
cerning its right to reinstitute the claim which had been the subject

of that Application, necessarily supposed that it waived its argu-
ments in defence against the Spanish Preliminary Objections and
agreed to arrest in limine litis the proceedings which it had
instituted".

Moreover, recitals 15 to 17 of the Spanish Submissions on the first
Objection deny that a second application is compatible with the system

of peaceful settlement stipulated by the Hispano-Belgian Treaty of
1927, the first proceedings-closed by virtue of the discontinuance-
having exhausted the remedies provided for in that Treaty (hearing of
4 May). In reality, al1 these allegations imply a denial of Belgium's
right after its discontinuance again to take up the protection of the
shareholders whom it considers as its nationals ; this brings the subject

of the first Preliminary Objection close to that of the third, which
concerns Belgium's jus stand;. (See recitals2 to 6 of the Submissions
of the Spanish Government on the third Objection, hearing of 8 May.)

In order for the Court to be able to reach a decision on these points
the nature of the Belgian discontinuance would inevitably have to be

defined and, moreover, certain matters would have to be passed upon
which touch on the merits. In fact, in order to conclude that the
application of the Treaty of 1927 must be held as finally closed or
exhausted with regard to the new Application, a finding with respect
to the substantivenature of the discontinuance would first be necessary, sens que le désistement dela Belgique implique une renonciation au droit
controversé. Mais une telle déclaration ne saurait être faite, comme je

l'ai déjà dit, tant que des éclaircissements additionnels ne seront pas
trouvés pour établir la preuve encore insuffisante des faits allégués.
D'autre part, la contestation - soutenue par l'Espagne - du droit de
1'Etat belge à invoquer le traité de 1927 pour réintroduire l'instance
après le désistement ne peut êtreséparée dela question du jus standi

de la Belgique, laquelle fait l'objet de la troisième exception. En réalité,
dans cette première exception, on conteste le jus stand; belge pour réin-
troduire l'action à l'égardde laquelle le désistement avait étéformulé.
La Cour ne pourrait donc pas se prononcer au sujet de l'applicabilité
actuelle de l'article 17 (4) du traité de 1927 si elle ne se prononçait pas

auparavant sur la légitimité de l'intervention de la Belgique en tant
quJEtat national de ses actionnaires (jus standi).Mais une telle décision
exige à la fois que d'autres problèmes contenus dans la troisième excep-
tion soient tranchés au préalable, tels que le problème consistant à défi-
nir la position du Gouvernement du Canada et celui de savoir si des

circonstances exceptionnelles ont privé réellement la sociétécanadienne
Barcelona Traction de toute ~ossibiiité d'exercer son droit d'ester en
justice pour défendre les intérêtsdes actionnaires belges. Ces problèmes
touchant le fond même de la reauête.1i,s ne sauraient êtrerésolus au
stade préliminaire de la procédure sans préjuger sur le fond ; et c'est

sans doute pour cela que la Cour s'est prononcéeen faveur de la jonction
de la troisième exception au fond.
Ces liaisons tellement étroites entre la première et la troisième excep-
tion m'ont déterminé à me prononcer pour la jonction de la première
exception au fond, en réservant son examen, ainsi que la recherche de

preuves additionnelles sur les faits, jusqu'au deuxième stade de la procé-
dure, afin de résoudreladite exception dansl'arrêt final. Par conséquent,
j'ai voté contre le rejet de la première exception à ce stade préliminaire
de la procédure.

L'examen de la troisième exception préliminaire a donné à la Cour
la certitude qu'une décision ne saurait être prise à son égard durant ce
stade préliminaire de la procédure parce que l'existence ou la non-
existence du jus standi de la Belgique dans cette affaire ne peut pas être
dûment considéréesans préjuger en mêmetemps le fond de la requête.

Toutefois, je suis d'avis qu'avant d'ordonner la jonction au fond il
aurait fallu s'assurer qu'un autre moyen plus direct existait pour arriver
à résoudre d'emblée la troisième exception au stade préliminaire du
procès. in the sense that the discontinuance by Belgium involved an abandon-
ment of the dispute6 right. But such a finding could not be made at
the moment, as 1 have already said, so long as sufficient additional
information has not been gathered to supplement the so far insufficient

evidence of the facts alleged. Moreover, the denial by Spain of the
right of the Belgian Stateto rely on the 1927Treaty in order to reinstitute
proceedings after the discontinuance cannot be separated from the
question of Belgium's jus standi, which forms the subject of the third
Objection. In reality, in this first Objection Belgium's jus startdi to
reintroduce the action in regard to which the discontinuance was filed
"
is denied. The Court cannot consequently pass on the present appli-
cability of Article 17(4) of the 1927 Treaty without first passing on the
legitimacy of Belgium's intervention as the national State of its share-
holders (jus standi). But such a decision also requires that other
questions contained in the third Objection be settGd first, such as
that of the precise position of the Canadian Government and that of

whether exceptional circumstances really deprived the Canadian
Barcelona Traction Company of al possibility of exercising its right of
taking legal action to defend the interests of the Belgian shareholders.
As these problems touch upon the very merits of the Application,
they could not be settled at a preliminary stage of the proceedings

without prejudging the merits ; and it is no doubt for this reason that
the Court has decided in favour of joining the third Objection to the
merits.
This very close relationship between the first and the third Objections
decided me to take the view that the first Objection should be joined
to the merits. its examination and an endeavour to obtain additional

evidence on the facts being reserved for the second stage of the pro-
ceedings, with a view to a decision on this objectionin the final judgment.
Consequently 1 voted against the rejection of the first Objection at
this preliminary stage of the proceedings.

The examination of the third Preliminary Objection made it clear

to the Court that a decision could not be taken in respect of it during
this preliminary stage of the proceedings because the existence or non-
existence of Belgium's jus standi in this case cannot be properly con-
sidered without at the same time prejudging the merits of the Applica-
tion.

Nevertheless, 1 am of the opinion that before deciding to join the
objection to the merits it should have been ascertained that no more
direct means existed for resolving the third Objection straight away
at the preliminary stage of the proceedings.

80 Voici mon raisonnement : les deux Parties se sont montrées d'accord
sur le fait qu'une règle généralede droit international existe en ce qui

concerne la protection diplomatique et judiciaire des sociétés commer-
cialesanonymes lésées par 1'Etat dans lequel ellesréalisent leurs affaires,
cette règle étant que l'exercice du droit de protection appartient de
préférence à 1'Etat national de la société.Etant donnéque dans le cas
présent la Barcelona Traction est une sociétéde statut canadien, sa
protection devrait être exercée, en principe, par 1'Etat du Canada.

Le dossier montre (exceptions préliminaires, troisième exception,
points 4 et8 ; observations belges, no 129)que de 1948 à 1955le Gouver-
nement canadien a exercé dans une certaine mesure cette protection
auprès du Gouvernement espagnol, soit par lui-même, soitpar l'inter-

médiairedu Gouvernement britannique. Mais les interventions officielles
du Gouvernement canadien se sont arrêtées à un certain moment et
n'ont plus étéreprises. Le Canada n'a d'ailleurs eu aucune réaction au
moment de la requêtebelge de 1958ni au moment de la nouvelle requête
de 1962.
Ces circonstances prises en considération, peut-on dire qu'elles suffi-
sent pour conclure que l'intervention du Canada a pris définitivement
fin ?A mon avis non parce qu'à aucun moment une déclaration explicite
ou officielle du Gouvernement canadien n'est intervenue à ce sujet et
parce que la protection de la Barcelona Traction s'est limitée au stade
diplomatique sans qu'il ait étéfait appel à la voie judiciaire interna-
tionale.

Il y a, certes, des motifs pour présumer que le Canada n'aurait peut-
êtrepas eu l'intention de continuer ses démarches auprès de l'Espagne
en faveur de la Barcelona Traction ; mais cette simple présomption ne
suffit pas,à mon avis, pour abandonner la règlegénéralede droit inter-
national dont il a été faitmention et pour reconnaître à un Etat tiers
- la Belgique - un droit de protection supplémentaire au nom des
actionnaires de la société.
Il est vrai que Pendant la procédure orale une question a étéposée
aux Parties par un des magistrats de la Cour pour savoir si elles pour-
raient donner des indications quant à l'attitude observéepar le Gouver-
nement canadien postérieurement à certaines communications qui figu-

rent dans le dossier. Cette enquête, néanmoins, n'a pas eu de résultats
appréciables (audience du 27 avril). Il faudrait, je pense, aller plus loin
en posant aux Parties des questions concrètes et en leur demandant de
fournir tous documents ou renseignements utiles à l'égard dela décision
définitive du Canada. Il me semble que les Parties, en tant qu'Etats
souverains intéressés,peuvent trouver le moyen de se renseigner plus ou
moins directement à ce sujet. L'avantage d'un tel éclaircissement serait
de définirune fois pour toutes si l'application de la règle spécifiquedu
droit internationalsur la protection diplomatique et judiciaire des socié-
tésest ou non possible en l'espèce.En cas derésultat négatifla jonction
de la troisième exception au fond serait inévitable si l'on veut savoir The following is my reasoning : the two Parties have shown that they
agree on the fact that a general rule of international law exists with
regard to the diplomatic and judicial protection of commercial limited
liability companies which have been injured by the State in which they
conduct their business, this rule being that the exercise of the right of

protection belongs preferentially to the national State of the company.
Since in the present caseBarcelona Traction is a company incorporated
under Canadian law, its protection ought in principle to be exercised
by the State of Canada.
The record shows (Preliminary Objections, Preliminary Objection

No. 3, heads 4 and 8 ; Belgian Observations, para. 129) that from 1948
to 1955 the Canadian Govemment to a certain extent exercised such
protection as against the Spanish Government, either independently
or through the British Government. But officia1 interventions by
the Canadian Government ceaçed at a certain moment and were not
thereafter resumed. Moreover, Canada did not react in any way at

the tirne of the Belgian Ap--ication of 1958 nor at the tirne of the new
Application of 1~621
Taking these circumstances into account, can it be said that they
are sufficient to conclude that intervention by Canada has definitely
come to an end? In my view, no ; because at no time was there any

explicit or officia1statement by the Canadian Government in this con-
nection and. because its protection of Barcelona Traction was limited
to the diplomatic field and international judicial meanç were not
resorted to.
There are, certainly, reasons for presuming that Canada might not

perhaps have had the intention of continuing its representations to
Spain on behalf of Barcelona Traction ; but this mere presumption is
not in my view sufficient grounds for abandoning the general rule of
international law which has been mentioned and holding that a third
State-Belgium-has a supplementary right of protection on behalf

of the shareholders in the comDa1 ,
It is true that during the hearings a question was put to the Parties
by one of the Judges of the Court as to whether they could supply any
information concerning the attitude of the Canadian Government sub-
sequent to the dates of certain communications which appear in the
record. However, this enquiry produced no appreciable result (heanng

of 27 Apnl). 1 think that further steps should be taken and concrete
questions put to the Parties, who should be asked to supply any relevant
document or information concerning Canada's final decision. It seems
to me that the Parties, as the sovereign States concemed, can find
means to inform themselves more or less directly on this subject. The

advantage" of such further clarification would be to ~rovide a ha1
answer tothe question of whether or not the specific rule of international
law concerning the diplomatic and judicial protection of companies is
susceptible of application in the present case. In the event of a nega-
tive result, the joinder of the third Objection to the merits would bejusqu'à quel point l'intervention de 1'Etat belge, compte tenu des cir-

constances, peut devenir bien fondéeafin de lui reconnaître un jus standi
pour exercer, soit à titre subsidiaire soit - comme la Belgique le pré-
tend - à titre propre, la protection de ses ressortissants actionnaires de
la sociétéétrangère.

Surla base de ces raisons, j'aurais étéd'avis, avant de mettreun terme

àcestade préliminairede la procédure,que la Cour rende une ordonnance
dans laquelle elle aurait soumis certaines questions auxquelles les Parties
auraient eu à répondre, et les aurait invitées à fournir tous documents
ou renseignements utiles pour aider à définirla position de 1'Etat cana-
dien au sujet de la protection diplomatique et judiciaire de la société

canadienne Barcelona Traction dans le futur. Mais étant donné que la '
Cour s'est prononcée à la majorité en faveur de la jonction immédiate
au fond et que l'éclaircissement que je viens de décrire sera toujours
faisable au cours du second stade de la procédure, je me rallie à la déci-
sion .du tribunal en ce qui concerne la jonction de la troisième exception
au fond afin qu'elle soit résolue dans l'arrêt final puisque je partage

l'idéequ'une décisionquelconque au sujet de ladite troisième exception,
prise en son intégrité, nepeut qu'exiger un prononcé sur le fond même
de la controverse.

(Signé)J. L. BUSTAMANT RE.inevitable in order to ascertain to what extent the intervention of the
Belgian State, taking the circurnstances into account, may emerge as
well-founded. with a view to the establishment of its ius standi to
exercise, either in an alternative capacity or-as Belgium claims-

independently in its own right, the protection of its national shareholders
in a foreignCompany.
On the basis of the foregoing, 1 would have been in favour, before
this preliminary stage of the proceedings was closed, of the Court's
making an order putting certain questions, to which the Parties would
have had to reply, in which they would have been asked to supply

the Court with any relevant document or information which would help
to establish the position of the Canadian State with regard tothe judicial
and diplomatic protection of the Canadian Barcelona Traction Com-
pany in the future. But since the majority of the Court has decided
in favour of irnrnediate joinder to the merits and since the further clari-
fication to which 1 have referred will still be possible in the course of

the second stage of the proceedings, 1 subscribe to the decision of the
Court so far as concerns the joinder of the third Objection to the merits
in order that it may be resolved in the final judgment, since 1share the
view that any decision with regard to the third Objection, taken as a
whole, must involve passing on the actual merits of the dispute.

(Signed) J. L. BUSTAMANT RE.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Bustamante

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