Opinion dissidente de M. Basdevant

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047-19621221-JUD-01-06-EN
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047-19621221-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. BASDEVANT

Je regrette de ne pouvoir souscrire à l'arrêt parlequel la,Cour
affirme sa compétencedans l'affaire dont elle a étésaisie par 1'Ethio-
pie et le Libéria contre la Képublique sud-africaine. En particulier
je ne puis souscrire aux motifs que la Cour invoque à l'appui de
cet arrêt.

Dans leurs requêtes introductives d'instance, l'Éthiopie et le
Libéria ont, tout en <se référantà l'article 80, paragraphe 1, de la
'Charte des Nations Unies »,énoncéqu'ils prétendaient ((établir la
compétence de la Cour sur l'article 7 du Mandat sur le Sud-Ouest
africain allemand établi à Genève le 17 décembre 1920 ainsi que
sur l'article 37 du Statut de la Cour internationale de Justice ».
A ces requêtes et aux mémoires des deux États qui leur ont fait
suite, la République sud-africaine a opposé des exceptions pré-
liminaires et énoncédivers motifs tendant àcontester la compétence
de la Cour. La Cour s'est ainsi trouvée devant un «cas de contesta-
tion sur le point de savoir si la Cour est compétente », en présence

duquel l'article 36, paragraphe 6, du Statut énonce que «la Cour
décide ».
Pour décidersur cette contestation, la Cour, « dontla mission est
de réglerconformément au droit international les différendsqui lui
sont soumis »,devait faire état de l'invitation adresséeaux deman-
deurs dans l'article 32, paragraphe 2, du Règlement, d'indiquer
les dipositions sur lesquelles ils prétendaient établir la compétence
de la Cour. Ils l'ont fait. Cela étant, la Cour avait à faire état, en
premier lieu, de ce qui a étéainsi indiqué par les demandeurs.
Sans m'arrêter au silence gardé par les motifs de l'arrêt sur la réfé-
rence faite par les demandeurs à l'article 80, paragraphe 1, de la
Charte, qui ne figure que de façon incidente dans la citation de ce

qu'a dit le représentant de la Belgique participant à la résolution
du 18 avril 1946, je constate que la méthode suivie par la Cour a
au contraire consisté à partir de considérations avancées par le
défendeur à l'appui de la dénégationde compétence par lui présen-
tée.
La «contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente 1)
en l'espèce, contestation sur laquelle la Cour doit décider par le
présent arrêt, a trouvé son expression précise dans les conclusions
présentéespar les Parties. Dans ses conclusions finales, le Gouver-
nement sud-africain, pour divers motifs énoncéspar lui dans ses
écritures et plaidoiries, a conclu à ce que la Cour «n'a pas compé-

tence pour connaître des questions ...soulevées dans les requêtes
144 et les mémoires 1)des demandeurs «ni pour statuer sur ces ques-
tions 1)De leur côté, les Gouvernements de l'Éthiopie et du Li-

béria, dans leurs conclusions finales, ont énoncéqu'il ccplaise à
la Cour 1).. (rejeter les exceptions préliminaires ...et dire et juger
que la Cour est compétente pour connaître des questions ...sou-
levées dans les requêtes et mémoires ...et pour statuer sur ces
questions ».
Pour décidersi la Cour est compétente dans la présente affaire,
la Cour doit appliquer son Stabut, le chapitre II de celui-ci, sous
le titre:((Compétencede la Cour 11spécialementlesarticles 36 et 37.
L'article 36 pose, en son alinéa premier, le principe; viennent

ensuite dans ce mêmearticle et dans l'article 37 des dispositions
particulières et complémentaires. Partant de ce que détermine le
Statut, la Cour n'a à se référerà l'article 7 du Mandat qu'invoquent
les demandeurs que si le Statut conduit lui-même à donner effet à
l'article 7. Il en est bien ainsi dans l'espècemais, pour le moment,
je retiens que la bonne méthode aurait été,en face de l'affirmation
des demandeurs qu'ils invoquent l'article 7 du Mandat et l'article 37
du Statut, de suivre l'ordre inverse.

Néanmoins, la Cour a porté tout d'abord son attention sur le
Mandat et sur l'article 7 de celui-ci. Elle a étéamenée à le faire
par la présentation que le défendeur a faite de ses exceptions pré-
liminaires.
L'examen de la première exception a amenéla Cour à exposer
ses vues sur la nature juridique du ((Mandat pour le Sud-Ouest
africain allemand établi à Genève le 17 décembre 1920 11Mandat
ainsi désignéselon les termes employés dans les requêtes. Sur la
base des données retenues par la Cour, celle-ci a énoncéque ce
Mandat constituait en lui-mêmeun traité: c'est sur cette base que

la Cour a examiné les autres questions qui lui étaient soumises en
l'étatactuel de la procédure et c'est surcette base qu'elle a prononcé
sur sa compétence pour connaître du différend porté devant elle.

La Cour l'a fait ainsi sans faire état du fait qu'aux termes des
requêtes,no 1, ((l'objet du différendrésidedans l'existence persis-
tante du Mandat pour le Sud-Ouest africain ». La Cour l'a fait sans
expliquer si, en statuant sur la compétence, elle entendait ou non
préjuger lefond.

Je regrette de ne pouvoir admettre que le Mandat établi par un
acte du Conseil de la Sociétédes Nationsdu 17 décembre1920, acte
accompli par ce Conseil dans l'exercice des pouvoirs à lui conférés
par l'article 22, no 8, du Pacte de la Société des Nations, ait été
autre chose qu'un acte émanant du Conseil, qu:il ait été un traité
dont je njai pu apercevoir quels ont étéles Etats contractants.
J'aperçois bien que, préalablement à l'acte instituant ce Mandat,
plusieurs accords sont intervenus, des déclarations de volonté

145ont étéémisesdont il est fait état, en particulier l'acceptation par
le Mandataire de la juridiction de la Cour permanente pour con-
naître de certains différends, tout cela a eu sa valeur propre mais
la référencefaite par le Conseil de la Société desNations dans l'acte
constitutif du Mandat, acteémanant delui, n'affecte pas le caractère
propre de cet acte. C'est là un acte émanant d'une autorité inter-
nationale, accompli en vertu des pouvoirs que l'article 22 du
Pacte a conférés à cette autorité internationale, un acte faisant
droit à l'égard des États Membres de la Société desNations; on
aurait pu, le moment venu, ranger cette décisionprise le 17 décem-

bre 1920 par le Conseil de la Société desNations parmi les « actes
internationaux en vigueur auxquels les Membres de l'organisation
peuvent êtreparties »,actes auxquels se réfèrel'article 80, para-
graphe premier, de la Charte; on aurait pu tenter une recherche
dans cette voie; ce n'est pas l'heure de le faire. Je ne saurais faire
mienne la qualification selon laquelle l'acte de Mandat émanant
du Conseil de la Sociétédes Nations ait été,en datedu 17 décembre
1920, un traité.

Ne reconnaissant pas le caractère d'un traité àl'acte de Mandat,
je n'ai pas à suivre la Cour dans la recherche de ce qu'a prescrit
l'article 18 du Pacte de la Sociétédes Nations touchant l'enregistre-
ment des traités et de ce qui a étéfait à cet égard. J'entends encore
moins, dépassant ces préoccupations, rechercher les différences
que comportent l'article 18 du Pacte et l'article 102 de la Chai-te.

Dire que le Mandat est un traité est un point très important
dans les motifs de l'arrêt.Cela conduit à reconnaître aisément la
substitution de la Cour internationale de Justice à la Cour per-

manente, à l'attribution à la Cour internationale, par le jeu de
l'article 37 du Statut, de certaines compétences conféréesantérieure-
ment àla Cour permanente. Cela conduit à substituer, à la référence
que fait l'article 7 du Mandat aux « autres Membres de la Société
des Nations », la référence aux Membres des Nations Unies,
cela, d'ailleurs, non directement mais par voie d'interprétation.
Cela, toutefois, sous réserve de la question de l'accroissement de
la surveillance sur le Mandataire que peut comporter cette substi-
tution.
Je reconnais que considérerle Mandat comme un'traité simplifie
la tâche que la Cour doit accomplir. Si le Mandat est autre chose

qu'un traité, s'il est un acte du Conseil de la Société des Nations
faisant.droit pour tous ses Membres, on pourrait encore se demander
si l'article 37 du Statut de la Cour s'applique en considérant que
l'expression ((traité ou convention en vigueur » serait prise dans
cet article 37 dans un sens large s'étendant aux (actes internatio-
naux en vigueur auxquels les Membres de l'organisation peuvent

146êtreparties » selon l'expression adoptéepar l'article 80 de la Charte.

Comme je l'ai dit, la Cour a cru pouvoir se fonder sur le caractère

de traité reconnu par elle au Mandat établiparla décisiondu Conseil
de la Société des Nations du 17 décembre 1920. Je ne souscris pas
à cette interprétation. Je m'en tiens au caractère de l'acte accompli
par le Conseil de la Société des Nations, le 17 décembre 1920,
donc à ce qui a existé tant qu'ont duré la Société des Nations et
la Cour permanente de Justice internationale. Il ne m'est pas
apparu qu'à cette époque lecaractère propre de cet acte du Conseil
ait étécontesté.
Je m'en tiens donc à ce qu'a énoncéle Mandat et, en conséquence,
à ce qui est dit dans l'article 7.
L'article 7 du Mandat contenant la clause de juridiction qu'in-
voquent ici les demandeurs en trouvant dans l'article 37 du Statut
la substitution à la Cour permanente de la Cour internationale
ne peut fonder la juridiction de la nouvelle Cour qu'en présentant
maintenant quelques explications à cet effet. Ces explications font
défaut dans l'arrêtparce qu'il a entendu le Mandat comme consti-

tuant par lui-même, dès 1920 et donc durant l'existence de la
Sociétédes Nations,un traité. Les explications que j'aurais souhaité
trouver dansl'arrêt peuvent êtrecherchéesdans plusieursdirections.

Tout d'abord, une explication consisterait à faire état de la
terminologie imprécise dans l'emploi de l'expressio~ ((traité ou
convention en vigueur ».Dans un cas concret, deux Etats peuvent
êtred'accord sur l'emploi en ce sens de cette expression. On peut
soutenir que tel est le sens de cette expression dans l'articl37 du
Statut de la Cour internationale de Justice.
D'autre part, si le titre à la compétencede la Cour internationale
est recherchédans l'application de l'article37du Statut à l'article7
du Mandat, on ne devrait pas négligerl'article 36 dans son entier.
Cet article traite avec soin de la faculté pour les États de déclarer
reconnaître comme obligatoire la juridiction de la Cour; l'accepta-
tion de juridiction énoncéepar le Mandataire dans l'article 7 du
Mandat n'est-elle pas analogue et cette analogie n'est-elle pas ren-

forcéepar la similitude d'origine, en 1920, de ces deux dispositions?
Mais alors qu'en faut-il conclure? Est-ce l'application à l'article7
de l'article 36, paragraphe 5, du Statut, est-ce au contraire que
rien n'est venu transmettre à la Cour internationale une compé-
tence que la disparition de la Cour permanentea renduinapplicable?
Autant de questions qui, à mon avis, auraient dû prendre place
dans l'arrêt.
Quelle que soit la voie pouvant conduire à décidersur la compé-
tence ou 1'incompétenc.e de la Cour dans la présente affaire,j'aurais
souhaité voir la ,Cour apporter plus d'attention qu'elle ne l'a fait
à l'examen de la troisième exception. Peut-être mêmeaurait-ellepu le faire sans s'expliquer sur le caractère juridique du Mandat.

Dans l'examen de la troisièmeexception,il y avait lieu derappeler
que l'arrêt no 2 de la Cour permanente de Justice internationale
(affaireMavrommatis) a admis qu'un Etat, se fondant sur la clause

de juridiction d'un Mandat avait qualité pour exercer devant cette
Cour la protection judiciaire de ses ressortissants.
Dans le cas présent il s'agit d'autre chose. Ici les États deman-
deurs invoquent leur qualité de Membres des Nations Unies, leur
participation à l'exercice par les Nations Unies de la surveillance
sur le Mandataire et l'intérêtqu'ils portent à la mission sacrée de
civilisation, base de l'institution du Mandat, finalement leur titre
à protéger les intérêts des populations du territoire contre les
manquements du Mandataire à ses obligations.
La Cour, dans une autre affaire, avait mis en avant et elle avait
consacré le titre des Nations Unies à exercer contre un Etat une
protection fonctionnelle au bénéficede leurs agents, cela sur la voie
diplomatique. La Cour doit-elle reconnaître à un Membre des
Nations Unies un titre àexercer une protection judiciaire au bénéfice
des populations du territoire sous Mandat?

C'est assurément une question nouvelle. Depuis que le Mandat
a étéconféré à l'Afrique du Sud, donc depuis près de quarante ans,
une telle prétention n'a pas étéprésentéeavant les requêtes des
deux Etats. Par ailleurs, des considérations de haute valeur morale
ont étéprésentéesen faveur d'une telle protection judiciaire. Consi-
dérations qui, toutefois, ne peuvent pas faire méconnaître que si
le Mandat repose sur de telles considérations, la meilleure méthode
pour les satisfaire a étécherchéedans le choix du Mandataire avec
surveillance sur celui-ci dans les termes énoncésdans le Mandat
sur la base de l'article22 du Pacte de la Sociétédes Nations.
La Cour est-elle fondée à reconnaitre aux Membres des Nations
Unies demandeurs qualité pour exercer une telle protection judi-
ciaire, protection exercée en invoquant la participation qu'ils
prennent à l'exercice d'un contrôle par l'organe des Nations Unies,
l'Assemblée généraledont ils sont Membres? P a-t-il sur ce point
quelque chose à retenir dans l'ordre interne ou dans l'ordre inter-

national? Doit-on dire que cette ouverture à la protection judiciaire
est nécessaireà l'efficacitédu contrôle auquel le Mandat a entendu
soumettre le Mandataire? En déclarant, par l'article 7 du Mandat,
accepter que tout différend entre lui et un autre Membre de la
Sociétédes Nations soit soumis à la Cour, le Mandataire a-t-il
accepté une application aussi nouvelle du contrôle judiciaire? Une
telle interprétation de l'arti7lest-elle compatible avec le caractère
fréquemment invoqué de la juridiction obligatoire comme fondée
sur le consentement des Etats? Peut-on entrer dans cette voie alors
que, depuis la substitution des organes des, Nations Unies à ceux
de la Société desNations, le nombre des Etats qualifiés pour re-
courir à cette forme de protection judiciaire s'est sensiblement

148accru, sans qu'on puisse faire état d'un accord spécial à cet effet
auquel aurait participé le Mandataire?

Ces points n'ont pas reçu une attention suffisante de la part de
la Cour. Au surplus, si leur examen devait orienter les esprits vers
l'admission de cette protection judiciaire en faveur des populations

du territoire sous Mandat de l'Afrique du Sud, il serait nécessaire,
en présencede la multiplicité et de la diversité des points sur les-
quels les demandeurs mettent en question le comportement du
Mandataire, de n'examiner la question si nouvelle de compétence
judiciaire ici invoquée qu'en se référantà chacun de ces points.
Peut-être serait-il nécessaire de ne pouvoir accepter ou rejeter la
troisième exception, donc de ne pouvoir se prononcer sur la compé-
tence de la Cour, qu'après débats sur le fond du différend soumis
à la Cour.
La troisième exception ne me parait pas avoir étésuffisamment
étudiéeet, bien entendu, il ne m'appartient pas de tracer davantage
l'étudequi aurait dû en êtrefaite.
Les considérations que j'ai énoncées neme permettent pas de
souscrire au dispositif de l'arrêtde la Cour.

(Signé)BASDEVANT.

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OPINION DISSIDENTE DE M. BASDEVANT

Je regrette de ne pouvoir souscrire à l'arrêt parlequel la,Cour
affirme sa compétencedans l'affaire dont elle a étésaisie par 1'Ethio-
pie et le Libéria contre la Képublique sud-africaine. En particulier
je ne puis souscrire aux motifs que la Cour invoque à l'appui de
cet arrêt.

Dans leurs requêtes introductives d'instance, l'Éthiopie et le
Libéria ont, tout en <se référantà l'article 80, paragraphe 1, de la
'Charte des Nations Unies »,énoncéqu'ils prétendaient ((établir la
compétence de la Cour sur l'article 7 du Mandat sur le Sud-Ouest
africain allemand établi à Genève le 17 décembre 1920 ainsi que
sur l'article 37 du Statut de la Cour internationale de Justice ».
A ces requêtes et aux mémoires des deux États qui leur ont fait
suite, la République sud-africaine a opposé des exceptions pré-
liminaires et énoncédivers motifs tendant àcontester la compétence
de la Cour. La Cour s'est ainsi trouvée devant un «cas de contesta-
tion sur le point de savoir si la Cour est compétente », en présence

duquel l'article 36, paragraphe 6, du Statut énonce que «la Cour
décide ».
Pour décidersur cette contestation, la Cour, « dontla mission est
de réglerconformément au droit international les différendsqui lui
sont soumis »,devait faire état de l'invitation adresséeaux deman-
deurs dans l'article 32, paragraphe 2, du Règlement, d'indiquer
les dipositions sur lesquelles ils prétendaient établir la compétence
de la Cour. Ils l'ont fait. Cela étant, la Cour avait à faire état, en
premier lieu, de ce qui a étéainsi indiqué par les demandeurs.
Sans m'arrêter au silence gardé par les motifs de l'arrêt sur la réfé-
rence faite par les demandeurs à l'article 80, paragraphe 1, de la
Charte, qui ne figure que de façon incidente dans la citation de ce

qu'a dit le représentant de la Belgique participant à la résolution
du 18 avril 1946, je constate que la méthode suivie par la Cour a
au contraire consisté à partir de considérations avancées par le
défendeur à l'appui de la dénégationde compétence par lui présen-
tée.
La «contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente 1)
en l'espèce, contestation sur laquelle la Cour doit décider par le
présent arrêt, a trouvé son expression précise dans les conclusions
présentéespar les Parties. Dans ses conclusions finales, le Gouver-
nement sud-africain, pour divers motifs énoncéspar lui dans ses
écritures et plaidoiries, a conclu à ce que la Cour «n'a pas compé-

tence pour connaître des questions ...soulevées dans les requêtes
144 DISSENTING OPINION OF JUDGE BASDEVANT

[Translation]
1regret that 1am unable to subscribe to the Judgment by which
the Court upholds its jurisdiction in the case against the Republic
of South Africa which Ethiopia and Liberia have referred to. it.
In particular 1 am unable to subscribe to the grounds which the
Court has stated in support of that Judgment.
In their Applications instituting. proceedings, Ethiopia and
Liberia stated, "having regard to Article 80, paragraph 1, of the
United Nations Charter", that they found "the jurisdiction of the
Court on Article 7 of the Mandate for German South West Africa
made at Geneva on December 17, 1920, and on Article 37 of the
Statute of the International Court of Justice". To these Applications

and to the ensuing Memorials of these two States, the Republic of
South Africa raised Preliminary Objections, and it put fonvard
various grounds on which it disputed the jurisdiction of the Court.
The Court thus had before it "a dispute as to whether the Court has
jurisdiction", in the event of which, Article36, paragraph 6, of the
Statute provides that "the matter shall be settled by the decision
of the Court".
In order to settle this dispute, the Court, "whose function is to
decide in accordance with international law such disputes as are
submitted to it", should have considered the invitation to the
AppIicants in Article 32, paragraph 2, of the Rules of Court to
indicate the provisions on which they founded the jurisdiction of
the Court. They have done so. This being so, the Court had in the
first place to consider what had thus been indicated by the Appfi-
cants. Without dwelling upon the silence preserved in the reasoning
of the Judgment with regard to the Applicants' reference to Article
80, paragraph 1, of the Charter, which appears only incidentally
as part of a quotation from the statement of the Belgian delegate

during the discussion of the resolution of 18 April 1946, 1 would
observe that the method adopted by the Court consists on the
contrary of taking as a point of departure considerations advanced
by the Respondent in support of its denial of jurisdiction.
The "dispute as to whether the Court has jurisdiction" in the
present case, a matter which is to be settled by the decision of the
Court in the present Judgment, found its precise expression in the
submissions presented by the Parties. In its final submissions, the
Government of South Africa, for various reasons set forth by it in
its pleadings and oral arguments, submitted that the Court "has no
jurisdiction to hear or adjudicate upon the questions ... raised

144 et les mémoires 1)des demandeurs «ni pour statuer sur ces ques-
tions 1)De leur côté, les Gouvernements de l'Éthiopie et du Li-

béria, dans leurs conclusions finales, ont énoncéqu'il ccplaise à
la Cour 1).. (rejeter les exceptions préliminaires ...et dire et juger
que la Cour est compétente pour connaître des questions ...sou-
levées dans les requêtes et mémoires ...et pour statuer sur ces
questions ».
Pour décidersi la Cour est compétente dans la présente affaire,
la Cour doit appliquer son Stabut, le chapitre II de celui-ci, sous
le titre:((Compétencede la Cour 11spécialementlesarticles 36 et 37.
L'article 36 pose, en son alinéa premier, le principe; viennent

ensuite dans ce mêmearticle et dans l'article 37 des dispositions
particulières et complémentaires. Partant de ce que détermine le
Statut, la Cour n'a à se référerà l'article 7 du Mandat qu'invoquent
les demandeurs que si le Statut conduit lui-même à donner effet à
l'article 7. Il en est bien ainsi dans l'espècemais, pour le moment,
je retiens que la bonne méthode aurait été,en face de l'affirmation
des demandeurs qu'ils invoquent l'article 7 du Mandat et l'article 37
du Statut, de suivre l'ordre inverse.

Néanmoins, la Cour a porté tout d'abord son attention sur le
Mandat et sur l'article 7 de celui-ci. Elle a étéamenée à le faire
par la présentation que le défendeur a faite de ses exceptions pré-
liminaires.
L'examen de la première exception a amenéla Cour à exposer
ses vues sur la nature juridique du ((Mandat pour le Sud-Ouest
africain allemand établi à Genève le 17 décembre 1920 11Mandat
ainsi désignéselon les termes employés dans les requêtes. Sur la
base des données retenues par la Cour, celle-ci a énoncéque ce
Mandat constituait en lui-mêmeun traité: c'est sur cette base que

la Cour a examiné les autres questions qui lui étaient soumises en
l'étatactuel de la procédure et c'est surcette base qu'elle a prononcé
sur sa compétence pour connaître du différend porté devant elle.

La Cour l'a fait ainsi sans faire état du fait qu'aux termes des
requêtes,no 1, ((l'objet du différendrésidedans l'existence persis-
tante du Mandat pour le Sud-Ouest africain ». La Cour l'a fait sans
expliquer si, en statuant sur la compétence, elle entendait ou non
préjuger lefond.

Je regrette de ne pouvoir admettre que le Mandat établi par un
acte du Conseil de la Sociétédes Nationsdu 17 décembre1920, acte
accompli par ce Conseil dans l'exercice des pouvoirs à lui conférés
par l'article 22, no 8, du Pacte de la Société des Nations, ait été
autre chose qu'un acte émanant du Conseil, qu:il ait été un traité
dont je njai pu apercevoir quels ont étéles Etats contractants.
J'aperçois bien que, préalablement à l'acte instituant ce Mandat,
plusieurs accords sont intervenus, des déclarations de volonté

145iri the Applications and Memorials" of the Applicants. The Govern-
ments of Ethiopia and Liberia, for their part, in their final sub-
missions, asked that it might "please the Court to dismiss the
Preliminary Objections ...and to adjudge and declare that the
Court has jurisdiction to hear and adjudicate the questions ...
raised in the Applications and Memorials".

In order to decide whether it has jurisdiction in the present case,

the Court must apply its Statute, Chapter II, which is entitled
"Competence of the Court", in particular Articles 36 and 37.
Article 36, in its first paragraph, lays down the principle; there
follow, in that Article and in Article 37, certain particular and
complementary provisions. On the basis of what is laid down by
the Statute, the Court need only consider Article 7of the Mandate,
which has been invoked by the Applicants, if the Statute itself
leads to effect being given to Ar~icle 7. This is so in the present
case but, for the rxoment, 1 am concerned t6 point out that the
proper procedure, in the face of the assertion of the Applicants
that they invoke Article 7 of the Mandate and Article 37 of the
Statute, would have been to cor ider them in the opposite order.
The Court however dirncted itc attention in the first place to the
Mandate and to Article 7 thereof. It was led to do this by the form
in which the Respondent presented its Preliminary Objections.

The examination of the First Objection led the Court to stateits
views as to the legal character of the "Mandate for German South
West Africa made at Geneva on December 17, I~ZO",the Mandate
being thus designated in accordance with the wording of the
Applications. The Court, on the basis of its findings, has stated that
that Mandate was in itself a treaty: it was on that basis that the

Court examined the other questions in issue before it at the present
stage of the proceedings, and itis on that basis that it has reached
its decision as to its jurisdiction to hear and determine the dispute
referred to it.
The Court has done tfiis without reference to the fact that
according to the Applications, paragraph 1, "the subject of the
dispute is the continued existence of the Mandate for South West
Africa". The Court has done so without explaining whether, in
adjudicating upon the issue of jurisdiction, it intended or did not
intend to prejudge the merits.
1 regret that 1 am unable to accept that the Mandate made by
an act of the Council of the League of Nations of 17 December 1920,
an act performed by the Council in the exercise of powers conferred
upon it by Article 22, paragraph 8,of the Covenant of the League
of Nations, was anything other than an instrument issuing from
the Council, that it was a treaty of which1 am unable to see which
were the contracting States. 1 can indeed see that, prior to the
instrument instituting the Mandate, several agreements were

14.5ont étéémisesdont il est fait état, en particulier l'acceptation par
le Mandataire de la juridiction de la Cour permanente pour con-
naître de certains différends, tout cela a eu sa valeur propre mais
la référencefaite par le Conseil de la Société desNations dans l'acte
constitutif du Mandat, acteémanant delui, n'affecte pas le caractère
propre de cet acte. C'est là un acte émanant d'une autorité inter-
nationale, accompli en vertu des pouvoirs que l'article 22 du
Pacte a conférés à cette autorité internationale, un acte faisant
droit à l'égard des États Membres de la Société desNations; on
aurait pu, le moment venu, ranger cette décisionprise le 17 décem-

bre 1920 par le Conseil de la Société desNations parmi les « actes
internationaux en vigueur auxquels les Membres de l'organisation
peuvent êtreparties »,actes auxquels se réfèrel'article 80, para-
graphe premier, de la Charte; on aurait pu tenter une recherche
dans cette voie; ce n'est pas l'heure de le faire. Je ne saurais faire
mienne la qualification selon laquelle l'acte de Mandat émanant
du Conseil de la Sociétédes Nations ait été,en datedu 17 décembre
1920, un traité.

Ne reconnaissant pas le caractère d'un traité àl'acte de Mandat,
je n'ai pas à suivre la Cour dans la recherche de ce qu'a prescrit
l'article 18 du Pacte de la Sociétédes Nations touchant l'enregistre-
ment des traités et de ce qui a étéfait à cet égard. J'entends encore
moins, dépassant ces préoccupations, rechercher les différences
que comportent l'article 18 du Pacte et l'article 102 de la Chai-te.

Dire que le Mandat est un traité est un point très important
dans les motifs de l'arrêt.Cela conduit à reconnaître aisément la
substitution de la Cour internationale de Justice à la Cour per-

manente, à l'attribution à la Cour internationale, par le jeu de
l'article 37 du Statut, de certaines compétences conféréesantérieure-
ment àla Cour permanente. Cela conduit à substituer, à la référence
que fait l'article 7 du Mandat aux « autres Membres de la Société
des Nations », la référence aux Membres des Nations Unies,
cela, d'ailleurs, non directement mais par voie d'interprétation.
Cela, toutefois, sous réserve de la question de l'accroissement de
la surveillance sur le Mandataire que peut comporter cette substi-
tution.
Je reconnais que considérerle Mandat comme un'traité simplifie
la tâche que la Cour doit accomplir. Si le Mandat est autre chose

qu'un traité, s'il est un acte du Conseil de la Société des Nations
faisant.droit pour tous ses Membres, on pourrait encore se demander
si l'article 37 du Statut de la Cour s'applique en considérant que
l'expression ((traité ou convention en vigueur » serait prise dans
cet article 37 dans un sens large s'étendant aux (actes internatio-
naux en vigueur auxquels les Membres de l'organisation peuvent

146reached, declarations of intention were made and are referred to,
in particular the acceptance by the Mandatory of the jurisdiction
of the Permanent Court to hear and determine certain disputes, all
these things were important in their own way, but reference
thereto by the Council of the League of Nations in the instrument
instituting the Mandate, an instrument issuing from the Council,
cannot affect the character of that instrument itself. It is an
instrument issuing from an international authority, an act done in
virtue of powers conferred upon that international authority by
Article 22 of the Covenant, one which lays down the legal rules
binding as between States Members of the League of Nations; that

decision taken on 17 December 1920 by the Council of the League
of Nations might, at the appropriate time, have been regarded as
among the "existing international instruments to which Members
of the United Nations may respectively be parties", instruments
to which reference ismade in Article 80,paragraph 1, ofthe Charter;
exploration of that course might have been attempted; this is not
the time to do it. 1 am quite unable to accept that characterization
according to which the Mandate instrument issuing from the
Councilofthe League of Nations was, on 17 December 1920, a treaty.
Since 1 do not recognize the Mandate instrument as having the
character of a treaty, it is unnecessary for me to follow the Court
inits examination of the requirement laid down by Article 18 of the
Covenant of the League of Nations concerning the registration of
treaties and of what was done in this connection. Still less is it
necessary for me, as going beyond such concerns, to consider the
differences between Article 18 of the Covenant and Article 102 of
the Charter.

The statement that the Mandate is a treaty is a very important
point in the reasoning of the Judgment. It leads easily to a finding
of the substitution of the International Court of Justice for the
Permanent Court, to the attribution to the International Court, by
the operation of Article 37 of the Statute, of certain powers con-
ferred entirely on the Permanent Court. This leads to a replacement
of the reference in Article of the Mandate to "another Member of
the League of Nations" by a reference to Members of the United
Nations; moreover this is effected not directly but by means of
interpretation. This, however, is subject to a reservation with
regard to any increase of supervision over the Mandatory which
may be involved by that replacement.
1recognize that to regard the Mandate as a treaty simplifies the
task before the Court. If the Mandate is something other than a
treaty, if it is an act of the Council of the League of Nations,
legally binding on al1 its Members, the question would still arise
whether Article 37 of the Statute of the Court is applicable to it, on

the ground that the expression "treaty or convention in force" is
to be taken in Article 37 in a broad sense extending to "existing
international instruments to which Members of the United Nationsêtreparties » selon l'expression adoptéepar l'article 80 de la Charte.

Comme je l'ai dit, la Cour a cru pouvoir se fonder sur le caractère

de traité reconnu par elle au Mandat établiparla décisiondu Conseil
de la Société des Nations du 17 décembre 1920. Je ne souscris pas
à cette interprétation. Je m'en tiens au caractère de l'acte accompli
par le Conseil de la Société des Nations, le 17 décembre 1920,
donc à ce qui a existé tant qu'ont duré la Société des Nations et
la Cour permanente de Justice internationale. Il ne m'est pas
apparu qu'à cette époque lecaractère propre de cet acte du Conseil
ait étécontesté.
Je m'en tiens donc à ce qu'a énoncéle Mandat et, en conséquence,
à ce qui est dit dans l'article 7.
L'article 7 du Mandat contenant la clause de juridiction qu'in-
voquent ici les demandeurs en trouvant dans l'article 37 du Statut
la substitution à la Cour permanente de la Cour internationale
ne peut fonder la juridiction de la nouvelle Cour qu'en présentant
maintenant quelques explications à cet effet. Ces explications font
défaut dans l'arrêtparce qu'il a entendu le Mandat comme consti-

tuant par lui-même, dès 1920 et donc durant l'existence de la
Sociétédes Nations,un traité. Les explications que j'aurais souhaité
trouver dansl'arrêt peuvent êtrecherchéesdans plusieursdirections.

Tout d'abord, une explication consisterait à faire état de la
terminologie imprécise dans l'emploi de l'expressio~ ((traité ou
convention en vigueur ».Dans un cas concret, deux Etats peuvent
êtred'accord sur l'emploi en ce sens de cette expression. On peut
soutenir que tel est le sens de cette expression dans l'articl37 du
Statut de la Cour internationale de Justice.
D'autre part, si le titre à la compétencede la Cour internationale
est recherchédans l'application de l'article37du Statut à l'article7
du Mandat, on ne devrait pas négligerl'article 36 dans son entier.
Cet article traite avec soin de la faculté pour les États de déclarer
reconnaître comme obligatoire la juridiction de la Cour; l'accepta-
tion de juridiction énoncéepar le Mandataire dans l'article 7 du
Mandat n'est-elle pas analogue et cette analogie n'est-elle pas ren-

forcéepar la similitude d'origine, en 1920, de ces deux dispositions?
Mais alors qu'en faut-il conclure? Est-ce l'application à l'article7
de l'article 36, paragraphe 5, du Statut, est-ce au contraire que
rien n'est venu transmettre à la Cour internationale une compé-
tence que la disparition de la Cour permanentea renduinapplicable?
Autant de questions qui, à mon avis, auraient dû prendre place
dans l'arrêt.
Quelle que soit la voie pouvant conduire à décidersur la compé-
tence ou 1'incompétenc.e de la Cour dans la présente affaire,j'aurais
souhaité voir la ,Cour apporter plus d'attention qu'elle ne l'a fait
à l'examen de la troisième exception. Peut-être mêmeaurait-elle may respectively be partiesJJ in the wording adopted in Article 80
of the Charter.
As 1have said, the Court has felt able to rely onwhat it recognizes
as the treaty character of the Mandate established by the decision
of the Council of the League of Nations of 17 December 1920. 1do
not subscribe to this interpretation. adhere to the character of the
instrument made by the Council of the League of Nations on 17

December 1920 and thus to what existed during the lifetime of the
League of Nations and the Permanent Court of International
Justice.1 have not found anything to indicate that at that time the
particular character of the Council's instrument was disputed.
1 therefore confine myself to the provisions of the Mandate and
hence to the contents of Article 7.
Article 7 of the Mandate containing the jurisdictional clause,
which the Applicants rely on, deriving the substitution of the
International Court for the Permanent Court from Article 37 of the
Statute, cannot be used to found the jurisdiction of the new Court
unless certain explanations to this effect are now given. These
explanations are not to be found in the Judgment because it has
understood the Mandate as constituting a treaty in itself as of 1920
and hence during the lifetime of the League of Nations. The ex-
planations which 1 would have hoped to find in the Judgment may
be sought in a number of directions.
First of au, one explanation would be to point to the imprecision
of the terminology inthe use of the expression "treaty or convention
in force". In aparticular case two States may be agreed upon the use
. of that expression in this sense. It could be maintained that such
is the meaning of that expression in Article 37 of the Statute of the

International Court of Justice.
Moreover; if the International Court's title to jurisdiction is
sought through the application of Article 37 of the Statute to
Article 7 of the Mandate, Article 36 should not be left aside in its
entirety. That Article makes careful provision for the ability of
States to declare that they recognize as compulsory the jurisdiction
of the Court; is not the acceptance of jurisdiction stated by the
Mandatory in Article 7 of the Mandate similar, and is that similarity
not strengthened by the similarity of origin, in 1920, of these two
provisions? But what is then to be concluded from this? 1s it that
Article 36, paragraph 5,of the Statute is applicable to Article 7;
is it on the contrary that nothing occurred to transfer to the Inter-
national Court jurisdiction rendered inapplicable by the disappear-
ance of the Permanent Court? These are al1questions which in my
view should have been dealt with in the Judgment.
Whatever course might be followed with a view to reaching a
decision on the jurisdiction or lack of jurisdiction of the Court in
the present case, 1 would have wished the Court to give greater
attention than it has done to an examination of the third objection.pu le faire sans s'expliquer sur le caractère juridique du Mandat.

Dans l'examen de la troisièmeexception,il y avait lieu derappeler
que l'arrêt no 2 de la Cour permanente de Justice internationale
(affaireMavrommatis) a admis qu'un Etat, se fondant sur la clause

de juridiction d'un Mandat avait qualité pour exercer devant cette
Cour la protection judiciaire de ses ressortissants.
Dans le cas présent il s'agit d'autre chose. Ici les États deman-
deurs invoquent leur qualité de Membres des Nations Unies, leur
participation à l'exercice par les Nations Unies de la surveillance
sur le Mandataire et l'intérêtqu'ils portent à la mission sacrée de
civilisation, base de l'institution du Mandat, finalement leur titre
à protéger les intérêts des populations du territoire contre les
manquements du Mandataire à ses obligations.
La Cour, dans une autre affaire, avait mis en avant et elle avait
consacré le titre des Nations Unies à exercer contre un Etat une
protection fonctionnelle au bénéficede leurs agents, cela sur la voie
diplomatique. La Cour doit-elle reconnaître à un Membre des
Nations Unies un titre àexercer une protection judiciaire au bénéfice
des populations du territoire sous Mandat?

C'est assurément une question nouvelle. Depuis que le Mandat
a étéconféré à l'Afrique du Sud, donc depuis près de quarante ans,
une telle prétention n'a pas étéprésentéeavant les requêtes des
deux Etats. Par ailleurs, des considérations de haute valeur morale
ont étéprésentéesen faveur d'une telle protection judiciaire. Consi-
dérations qui, toutefois, ne peuvent pas faire méconnaître que si
le Mandat repose sur de telles considérations, la meilleure méthode
pour les satisfaire a étécherchéedans le choix du Mandataire avec
surveillance sur celui-ci dans les termes énoncésdans le Mandat
sur la base de l'article22 du Pacte de la Sociétédes Nations.
La Cour est-elle fondée à reconnaitre aux Membres des Nations
Unies demandeurs qualité pour exercer une telle protection judi-
ciaire, protection exercée en invoquant la participation qu'ils
prennent à l'exercice d'un contrôle par l'organe des Nations Unies,
l'Assemblée généraledont ils sont Membres? P a-t-il sur ce point
quelque chose à retenir dans l'ordre interne ou dans l'ordre inter-

national? Doit-on dire que cette ouverture à la protection judiciaire
est nécessaireà l'efficacitédu contrôle auquel le Mandat a entendu
soumettre le Mandataire? En déclarant, par l'article 7 du Mandat,
accepter que tout différend entre lui et un autre Membre de la
Sociétédes Nations soit soumis à la Cour, le Mandataire a-t-il
accepté une application aussi nouvelle du contrôle judiciaire? Une
telle interprétation de l'arti7lest-elle compatible avec le caractère
fréquemment invoqué de la juridiction obligatoire comme fondée
sur le consentement des Etats? Peut-on entrer dans cette voie alors
que, depuis la substitution des organes des, Nations Unies à ceux
de la Société desNations, le nombre des Etats qualifiés pour re-
courir à cette forme de protection judiciaire s'est sensiblement

148The Court might even have been able to do this without going into
the legal nature of the Mandate.

In examining the third objection, it would have been desirable
to recall that Judgment No. 2 of the Permanent Court of Inter-
national Justice (Mavrommatis case) held that a State, on the basis
of the jurisdictional clause of a Mandate, had capacity to exercise
judicial protection of its nationals before that Court.
It is something else which is involved in the present case. Here
the Applicant States rely on their membership of the United
Nations; their participation in United Nations supervision over
the Mandatory and their interest in the .sacfed trust of civilization
which is the basis of the Mandate institution; and finally, their
right to protect the interests of the populations of the territory
against breaches of its obligations by the Mandatory.
In another case the Court emphasized and set its seal upon the

right of the United Nations to exercise functional protection of its
agents as against a State, by diplomatic means. Should the Court
recognize that a Member of the United Nations has a right to exer-
cise judicial protection for the benefit of the peoples of the mandated
territory ?
This is certainly a new question. Since the Mandate was con-
ferred on South Africa, and thus for almost forty years, no such
claim has been made before the Applications of the present two
States. In addition, considerations of high moral value have been
adduced in favour of such judicial protection. However, such
considerations cannot disguise the fact that if they are at the root
of the Mandate, the best way of satisfying them was sought in the
selection of the Mandatory and in supervision over the Mandatory
in accordance with the provisions of the Mandate on the basis of

Article 22 of the Covenant of the League of Nations.
1s the Court right to recognize that Applicant States Members
of the United Nations are qualified to exercise such judicial pro-
tection, which they seek to do by relying on their participation in
the exercise of supervision by the General Assembly, an organ of
the United Nations of which they are Members? 1sthere anything to
be gleaned on this point from municipal legal systems or inter-
national law? Must it be found that the availability of judicial
protection is necessary for the effectiveness of the supervision to
which it was the intention of the Mandate that the Mandatory
should be subject? Did the Mandatory, by stating in Article 7 of
che Mandate that it agreed that if any dispute should arise between
it and another Member of the League of Nations, it should be sub-

mitted to the Court, thereby accept such a novel application of
judicial supervision? 1ssuch an interpretation of Article7 consistent
with the characteristic of compulsory jurisdiction which is so often
referred to, namely that it is based on State consent? 1s it possible
to embark on such a course, since subsequent to the replacement of
League of Nations by United Nations organs the number of States
148accru, sans qu'on puisse faire état d'un accord spécial à cet effet
auquel aurait participé le Mandataire?

Ces points n'ont pas reçu une attention suffisante de la part de
la Cour. Au surplus, si leur examen devait orienter les esprits vers
l'admission de cette protection judiciaire en faveur des populations

du territoire sous Mandat de l'Afrique du Sud, il serait nécessaire,
en présencede la multiplicité et de la diversité des points sur les-
quels les demandeurs mettent en question le comportement du
Mandataire, de n'examiner la question si nouvelle de compétence
judiciaire ici invoquée qu'en se référantà chacun de ces points.
Peut-être serait-il nécessaire de ne pouvoir accepter ou rejeter la
troisième exception, donc de ne pouvoir se prononcer sur la compé-
tence de la Cour, qu'après débats sur le fond du différend soumis
à la Cour.
La troisième exception ne me parait pas avoir étésuffisamment
étudiéeet, bien entendu, il ne m'appartient pas de tracer davantage
l'étudequi aurait dû en êtrefaite.
Les considérations que j'ai énoncées neme permettent pas de
souscrire au dispositif de l'arrêtde la Cour.

(Signé)BASDEVANT.entitled to have recourse to this form of judicial protection sub-
stantially increased, while no special agreement for this purpose to
which the Mandatory was a party can be advanced.

Al1these points have not been given sufficient attention by the
Court. Moreover, if their examination were to make for acceptance
of such judicial protection on behalf of the peoples of the mandated
territory, then, having regard to the great number and diversity of
the points on which the Applicants cal1 the Mandatory's conduct
in question, the very novel problem of jurisdiction thus raised could
not be examined except by reference to each of those points. It is
possible that the third objection could be upheld or overruled and
hence a decision taken on the jurisdiction of the Court only after
discussion of the merits of the dispute referred to the Court.

The third objection does not seem to me to have been given
adequate study; it is naturally not for me to enter further into
the details of the study which should have been made of it.
The foregoing considerations prevent me from concurring in the

operative part of the Court's Judgment.

(Signed) BASDEVANT.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Basdevant

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