Opinion dissidente de M. Winiarski, Président

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047-19621221-JUD-01-05-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. WINIARSKI, PRÉSID~NT

L'objet de la troisième exception peut être analysé de deux
manières. Il est possible de nier l'existence du différendcomme tel

entre les demandeurs et le défendeuret de conclure à l'irrecevabilité
de la demande sur la base du Statut de la Cour. On peut également,
en admettant que l'article 7 de l'instrument de Mandat est toujours
en vigueur, comme l'a fait l'avis de la Cour du II juillet 1950,
prouver que cet article ne s'applique pas à l'action portéedevant la
Cour par les demandeurs et que, par conséquent, la Cour -'est Das
compétente pour connaître de la présente affaire.
On a fait observer que la question de la recevabilité vient après
celle de la compétence; examiner la question de la recevabilité
présuppose la compétence reconnue. Assurément, il y a des cas où
cette observation est justifiée; mais ylen a d'autres où pour décla-
rer la requêteirrecevable il n'est pas nécessaired'avoir affirméla
compétence. La Cour permanente de Justice internationale a eu à
cet égard une position pragmatique. Dans un cas elle a dit que la
distinction entre l'incompétence et l'irrecevabilité, claire dans des
ordres juridiques internes, n'a pas la mêmesignification en droit

international. Dans un autre cas elle a exprimé la mêmeopinion. .
« Que cette conclusion se qualifie d'«exception »,ou qu'elle prenne
le nom de « fin de non-recevoir »,il est certain que rien, ni dans le
Statut et dans le Règlement qui la régissent, ni dans les principes
générauxdu droit, n'empêchela Cour de s'en occuper dès à présent,
et préalablement à tout débat sur le fond, puisque c'est de sa
non-admission que dépendra la possibilitéd'un tel débat. » (Haute-
Silésie$olonaise, C. P.J. I.,sérieA no 6,p. 19.)

L'aspect indique en second lieu tient du droit matériel aussi
bien que du droit de la procédure: il s'agit de savoir si la Cour est
compétente pour connaître de l'affaire dans laquelle les demandeurs
n'ont pas d'intérêtjuridique personnel qui est pour eux en cause
ainsi qu'il résulte desfaits constatéspar les demandeurs eux-mêmes.
Pour le besoin de la démonstration on voudra supposer que le

sens de l'article7 après examen reste douteux; en réalitéil ne l'est
point, ainsi qu'il sera montré tout à l'heure. La première question
qui se pose dans ce cas hypothétique est celle de savoir quelle était
la pratique de la Société des Nations à cet égard, quelle indication
nous a étélaisséeen cequiconcerne soninterprétationet application.
Or, à l'époquede la Sociétédes Nations, quatorze Mandats ont été
en vigueur pendant vingt-cinq ans. Sur toute cette périodeon ne
trouve qu'une seule affaire relative aux Mandats qui ait étjugéepar la Cour permanente de Justice internationale, l'affaire de Mavrom-
matis, et ce fait seul est significatif; elle a fait l'objet de trois arrêts
(SérieA, nos 2,5 et II).
La Cour a portéson examen, entre autres, sur le point principal
suivant: «Violation des obligations internationales contractéespar
le Mandataire et le'préjudice en découlantau détriment de M. Ma-
vrommatis » (SérieA, n" 5, p. 28, II). Il y étaitquestion deplusieurs
concessions: dans un de ces cas la Cour demande (ibd., p. 38):
«Ceseul fait a-t-il constituéun manquement aux obligations inter-
nationales viséespar l'article II du Mandat? » Elle a pu constater
(ibd., no II, p. 18), en vertu de la compétencequ'«elle tient de
l'article 26 du Mandat » (cet article correspond à notre article 7)
une violation del'articleII du Mandat au détrimentdu ressortissant
grec. Dans un autre cas (ibid., no 5,p. 51) la Gour a décidéet jugé
nqu'aucun préjudicerésultant de ce fait au détriment de M. Ma-
vrommatis n'a été prouvé » et débouté le demandeur desa demande
sur ce point. C'étaitun cas classique.

Les auteurs de quelques opinions dissidentes étaient d'avis qu'il
ne s'agissait pas d'un différendentre États, qu'en réalité c'étaiutn
différendentre la Grande-Bretagne et M. Mavrommatis.
La Cour était à ses débutset elle a jugénécessairede répondre à
ces arguments en énonçant, d'une manière définitive, le principe
indiscutable (ibid.,no2, p. 12):« Du moment qu'un État prend fait
et cause pour un de ses nationaux devant une juridiction interna-
tionale, cette juridiction ne connaît comme plaideur que le seul
État ...En prenant fait et cause pour un des siens ...cet État fait,à
vrai dire, valoir son droit propre.))
Mais à côtéde cette divergenced'opinions il y en avait une autre
beaucoup plus importante. Le juge Bustamante dans son opinion
dissidente (Série A, no 2, p. 81) a écrit: ((Comme la Société des
Nations ne pouvait pas comparaître en qualité de partie dans un
litige relatià l'application ou à l'interprétation du Mandat, étant
donnéles termes restrictifs de l'article34 du Statut de la Cour, ce
sont lesMembresdela Sociétéqui ont été autorisés,enleurcondition
de Membres, à porter devant la Courles questionsrelatives à l'inter-
prétation et à l'application du Mandat. » Et plus loin (ibid., p. 8:)
« Quand le Mandataire agit ..en face desindividus ou des associa-
tions privéesnousnesommes pas en présencede relations juridiques
entre le Mandataire et les Membresde la Sociétémandante, mais en
présencedesrelations juridiques entre des tiers quin'ont rien à faire
avec le Mandat même. ))
L'opinion du juge Oda paraît se rapprocher de la précédente
(iW., p. 86) : « Un droit de surveillance indirecte est donné à la
Cour, à la condition qu'il puisse êtreexercéseulement à la demande
d'un Membre de la Sociétédes Nations.La requêtede celui-ci doitêtre présentée exclusivement en vue de sauvegarder un intérêt
...
général. ))
Ni lord Finlay, ni J. B. Moore, tous deux de la minorité pour
d'autres raisons, n'ont pu partager ces idées.Lord Finlay indique
(ibid.,p. 42), au contraire, que dans le Mandat pour la Palestine
(plus développé que pour le Sud-Ouest africain) il existe toute une
série de dispositions qui peuvent êtrevioléespar le Mandataire au
détriment d'un autre Membre de la Société des Nations (to its
prejudice; art. 5-21): fonctionnement du système judiciaire, liberté
descommunications et dutransit, égalitédetraitement, même enma-
tière d'antiquités et de fouilles, possibilité de discrimination d'une
nation sans motif, etc. (p. 43) : «Toutes ces clauses, dit-il, offrent
d'infinies possibilités de conflits entre le Mandataire et les autres

Membres de la Sociétédes Nations et il était au plus haut point
nécessairequ'un tribunal fût prévu pour réglerces conflits. » Moore
écrit de même(p. 61) : «II doit y avoir un différend dans ce sens:
le gouvernement qui se plaint d'avoir subi un préjudice doit avoir
exposél'objet de sa réclamation »,etc. L'opinion des juges Busta-
mante et Oda est restée isolée. En 1950, deux juges, sir Arnold
McNair et M. Read, ont exprimé des opinions analogues, mais, ici
encore, la Cour n'a pu partager ces vues.

Le Conseil, l'organe de surveillance de la Sociéte des Nations,
a eu à s'occuper constamment des problèmes juridiques importants;

dans aucun cas il n'a demandéun avis consultatif de la Cour malgré
quelques suggestions de la Commission permanente des Mandats;
jamais, sauf erreur, il n'a envisagé la possibilité pour un Membre
de la Sociétédes Nations de porter devant la Cour une question
touchant à la surveillance générale de l'administration mandataire
qui était de la compétence exclusive du Conseil et dans une certaine
mesure de l'Assemblée. Lesdeux rapports Hymans au Conseil (du
5 août et 26 octobre 1920) et le rapport présentépar le Conseil à
l'Assembléede la Société des Nations le 6 décembre 1920 sur « Les
responsabilités qui incombent à la Société des Nations en vertu
de l'art. 22 (Mandats) » ignorent un tel problème.

Les demandeursinvoquent quelques opinions dejuristes en faveur
d'un contrôle général auquel tout Membre de la Sociétédes Nations
pouvait soumettre tout Mandataire en le citant devant la Cour per-
manente de Justice internationale.
Et pourtant M. van Rees, l'un des membres les plus actifs et le
vice-président dela Commission permanente des Mandats, dans son
livreeles Mandats internationaux, tome premier: Le contrôle inter-
national de l'administration mandataire (Paris, 1gz7), ne dit mot
sur le prétendu contrôlejudiciaire de la Cour permanente de Justice
internationale pouvant êtremis en mouvement par n'importe quel
Membre de la Société des Nations. Mieux encore, la publication
officielle Le systèmedes Mandats, origine, principes et application,

que la Sociétédes Nations a fait paraître en 1945, avec préfacedu
136Secrétaire générap lar intérim,M. Sean Lester, est aussi muette sur
ceprétendurôle de la Cour,bien qu'ellecontienne un motenpassant
pour signaler la clause juridictionnelle; et pourtant un rôle pareil,
s'ilavait étéprévu,n'aurait pu échapper àl'attention desesauteurs.
Si dans les milieux de la Société des Nations:Conseil, Secrétariat,
Commission permanente des Mandats, on envisageait le contrôle
judiciaire, ne fût-ce que comme une possibilité prévue pour lesca
extrêmespar les accords internationaux, le fait que nous n'en trou.
vons aucune mention dans ces deux livres'est inexplicable. Si à
l'époque dela SociétédesNations,quand les auteurs du Pacte et des
Mandats et leurs collaborateurs étaient encore en vie, un contrôle
judiciaire tel que les demandeurs le proposent n'a pas étéenvisagé
avec autorité, cela peut êtreconsidéré comme preuve que l'on ne le
comprenait pas ainsi.
La caractéristique de ce prétendu contrôle était qu'il pouvait
êtremis en mouvement par tout Membre de la Sociétédes Nations
qui estimerait qu'il existait entre lui et l'administration mandataire
un (désaccordsur un point de droit ou de fait, une contradiction,
une oppositiondethèsesjuridiques ))sur la façon dont leMandataire
s'acquittait de son Mandat. On a invoqué à cette occasionune insti-
tution du vieux droit pénal romain appeléeactio popularis, qui
cependant paraît étrangèreaux systèmes juridiques modernes de
1919-1920et au droit international. Est-il possible que telle ait été
l'intention commune des auteurs des textes de Mandats? Rien
ne le prouve; on l'affirmesans avoir essayéde le démontrer; bien au
contraire, il semble que les circonstances dans lesquelles le Mandat
a étécréé excluent une telle possibilité.

Ala finde la premièreguerre mondiale deux nouvellesinstitutions
ont étéintroduites dans le droit international: les traités de mino-
rités et les Mandats. Les premiers ont étéimposés aux uÉtats
nouveaux )et à quelques autres États par les PrincipalesPuissances
alliéeset associées.Cestraitésprévoyaient, comme garantie de leur
correcte observation, la juridiction de la Cour, obligatoire pour les
États soumis à ce regime; mais les Principales Puissances ont
voulu partager la responsabilité decette nouveautéet desinstances
pouvaient êtreintroduites par tout Membre représentéau Conseil
de la Société des Nations, donc audébutpar les quatre Principales
Puissances et par les quatre autres Membres non permanents.
Les Mandats ont étél'Œuvre des Principales Ppissances alliées
et associéesqui ont partagé entre elles (exceptéles Etats-Unis, mais
y compris la Belgique) les territoires conquis et étaient tombées
d'accord sur les termes desMandats. Celaressort clairement notam-
ment du rapport fait par levicomte Ishii au Conseille26février1922
(S. d. N., J. O. no 8, 1922,p. 850): ((En généralp, ar conséquent,IL
rôle du Conseil pourra se borner à la ratification des propositions
faites par les Puissances mandataires »;ce qui fut fait avec quelquesmodifications dont une seule nous intéresse ici.

Ces Puissances étaient réalistes; on connaît leurs résistances à
l'idéedu Mandat. Ilest difficile d'admettre qu'elles aient assumé,
comme Mandataires, la charge de leur responsabilité judiciaire,
lourde, nouvelle et imprévisible dans ses implications, envers tout
Membre de la Sociétédes Nations qui soulèverait des objections à
leur administration mandataire. Cette actio +o+ularisaurait cons-
titué uce telle nouveauté dans les rapports internationaux, nou-
veautédépassant dans ses conséquencesla nouveauté de l'institution
des Mandats elle-même,que, si les auteurs de ces textes avaient été
tous d'accord pour s'imposer à eux-mêmesune pareille charge, ils
n'auraient pas manqué de le dire expressément, comme ils l'ont fait

à l'endroit de quelques Etats soumis au régime desminorités.
On ne saurait déduire une telle obligation comme impliquée,
sous-entendue ou résultant d'un accord tacite, et ceci d'autant
qu'il s'agissait d'un engagement en faveur des tiers futurs et in-
connus. La nécessitéd'une stipulation expresse et claire s'imposait
plus que jamais. 11est difficile de voir dans le paragraphe2 de l'ar-
ticle 7 autre chose q'une simple clause juridictionnelle correspon-
dant à l'époque,car pour apprécier le caractère et la portée d'un
acte juridique il faut se placer au moment de sa confection. La seule
remarque qui puisse être faite concerne le caractère unilatéral de
cette clause, d'ailleurs assez naturel dans un pareil acte.
Le 17 décembre 1920, lord Balfour avait soumis à l'approbation
du Conseil, entre autres, l'instrument de Mandat pour le Sud-Ouest
africain. L'alinéa 2 de l'article7 de ce texte était ainsi libellé:

((Tout différend, quel qu'il soit, qui viendrait à s'éleverentre les
Membres de la Société desNations ...sera soumis à la Cour Per-
manente »,etc. Le Conseil a modifiécet alinéa en lui donnant la
forme actuelle: «Le mandataire accepte que tout différend ...soit
soumis à la Cour Permanente D, etc. L'explication se trouve dans le
rapport Ishii susmentionné (ibip d..854). En proposant une modi-
fication de la clause juridictionnelle des instrumentsde Mandats qui
allaient êtreapprouvés le 20 juillet 1922,le rapporteur a soumis une
formule identique à celle de l'articl7, alinéa2, en question: «Une
modification semblable a étéapportée par le Conseil aux projets
des Mandats C. Elle fut inspirée par la pensée que des Membres
de la Société desNations, autres que le Mandataire, ne pourraient
pas êtreobligésde soumettre leurs différends à la Cour permanente

de Justice internationale sans leur approbation. 1)
Si les Puissances représentées au Conseil étaient tellement
attentives au droit des États Membres de ne pas êtreliéssans leur
consentement exprès, il est difficile d'admettre qu'elles aient
introduit ce prétendu droit d'action sans le dire expressément.
Il n'est pas possible de voir un appui de la thèse des demandeurs
dans ce que l'on appelle la Tanganyika claztse.454 AFF. S.-0.AFRICAIN (OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI)

L'article 13 du Mandat britannique sur l'Est africain contient,
à côté de l'alinéa premierqui correspond exactement à la clause
juridictionnelle de l'articl7 du Mandat sur le Sud-Ouest africain,
un autre alinéa ainsi libellé:
«Les États Membresde la Société des Nations pourront égale-
ment soumettre au jugement de ladite Cour,au nom de leurs natio-
naux, toutes plaintes émanant de ces derniers et signalant une
atteinte portéeà leurs droits tels qu'ils sontdéfinispar le présent
mandat. ))

On a dit que puisque cet alinéa autorise spécialement tout État
Membre de la Société des Nations à soumettre à la Cour tout cas
d'atteinte portée aux droits de ses ressortissants, le premier alinéa,

et par conséquent l'article 7 de notre Mandat autorise l'action en
contrôle judiciaire général. Cette conclusion n'est pas fondée: si
cet instrument, unique parmi les quatorzeinstruments de Mandat, a
consacréun alinéa spécialaux cas d'atteinte portée aux droits des
nationaux d'un État Membre, l'alinéa premier vise simplement les
cas d'atteinte portée aux droits propres de l'État. L'énonciation
de la Cour de 1924 ,itéeci-dessus, a mis de l'ordre dans ces pro-
blèmes.
Personne n'a pu expliquer comment cet alinéa, qui paraît
parfaitement inutile, a pu se trouver dans le seul Mandat pour le
Tanganyika, mais cela n'a pas la moindre importance. La Commis-
sion permanente des Mandats a abordé cette question en 1925 et
a vite renoncéà en poursuivre la discussion.
Dans la pratique de la Société des Nationsil n'y avait pas deux

mécanismes decontrôle: judiciaire et administratif. La surveillance
exercée par le Conseil (assisté de la Commission permanente des
Mandats) n'était pas un contrôle administratif, ni par le caractère
de l'organe qui n'étaitpas un organe administratif, ni par son objet.
Le Conseil était un organe politique; il exerçait la surveillance du
point de vue de la conformité de l'administration mandataire
avec les termes du Mandat, donc du point de vue de la légalité;
par conséquent il avait à décider des questions de droit et il le
faisait en s'entourant de compétences qualifiées; mais, la matière
étant éminemment politique, il agissait avec toute la souplesse
nécessaire; il n'avait jamais fait usage de la faculté de s'adresser
à la Cour permanente de Justice internationale pour avis. D'un
autre côté, tout Membre de la Société des Nations qui se croyait
lésépar la façon dont le mandataire exerçait ses fonctions avait

le droit de porter normalement le différend devant la Cour. Il
n'y a eu qu'une affaire de ce genre, l'affaire Mavrommatisc ,as
classique.

En ce qui concerne la doctrine, qu'il suffise de citer l'opinion
du professeur Feinberg dans son cours fait à l'Académiede droit
international de La Haye. Il résume bien l'état de cette question

139455 AFF. S.-O. AFRICAIN (OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI)

en 1937, donc peu avant la deuxième guerre mondiale.

((D'accord avec la plupart des auteurs qui se sont, dans leurs
travaux, prononcéssur la question posée,nous croyons que la clause
judiciaire ne confère aux Membres de la Sociétédes Nations la
faculté de citer unilatéralement une Puissance mandataire devant
la Cour que dans les seuls cas où ils peuvent 'alléguerla violation
d'un droit qui leur est propre ou un préjudiceportéaux intérêtsde
leurs nationaux. Il nous semble que cette interprétation est touà
fait fondée et conforme à l'économie générale du système des
mandats. Il est difficilede concevoir, en effet, que, par l'insertion
de la clause judiciaire dans les textes de mandat, on ait voulu
accorder à chaque Membre de la Sociétédes Nations un pouvoir
tellement étendu qu'il lui permette de s'érigeren censeur de la
gestion mandataire. Le but poursuivi étaitsansdoute plus restreint;
il s'agissait de renvoyer obligatoirement devant la Cour tous les
conflits pouvant surgirpar suite de la non-exécutiondes obligations
assuméespar un mandataire, aux termes du mandat, vis-à-vis des
autres Membres de la Société desNations. ))

Les demandeurs invoquent la clause juridictionnelle de l'articl7

du Mandat qui, d'après l'avis de 1950, « est encore en vigueur »,et
d'après laquelle l'Union sud-africaine est tenue de reconnaître
comme obligatoire la juridiction de la Cour «pour tout différend,
quel qu'il soit )),relatif à l'interprétation ou à l'application des
dispositions du Mandat.
Ces mots évidemment ne signifient nullement n'importe quel
différend et encore moins n'importe quelle divergence d'opinion
qu'un État se plairait à porter devant la Cour. Un principe du droit
international veut que toute disposition conventionnelle soit in-
terprétée sur le fond du droit international commun. Ces mots
de l'article 7 ne sauraient être interprétés en contradiction avec

la règle généralede procédure d'après laquelle l'État demandeur
doit avoir qualité pour introduire l'instance, c'est-à-dire un droit
subjectif, un intérêtindividuel, réel, actuel et juridiquement pro-
tégé. (Pas d'intérêt, pas d'action »: ce vieux brocard exprime,
dans une forme simplifiée mais somme toute exacte, la règle de
tout droit interne mais aussi du droit international. Nous l'avons
vu dans l'affaire Mavrommatis. Dans l'affaire du Wimbledon la
Cour permanente de Justice internationale a répondu à l'objection
de l'Allemagne (Série A no 1, p. 20) que « chacune des Puissances
demanderesses a un intérêtévident à l'exécution des stipulations
qui concernent le canal de Kiel, puisqu'elles ont toutes des flottes

et des navires marchands battant leur pavillon P.
Le Statut de la Cour est expressément dans le même sens,puisque
son article 62 exige que,la demande d'intervention soit formée
par 1'Etat qualifié; cet Etat doit justifier «d'un intérêt d'ordrejuridique. qui est pour lui en cause »,et c'est la Cour qui décidesi
cette condition est remplie. M. O. Hudson, dans la deuxièmeédition
de son livre sur la Cour (1943, p. 420), dit: (Sur la nature précise
de l'intérêtd'ordre juridique dont, aux termes de l'article 62,

l'intervenant doit justifier l'existence, il existe quelque incertitude;
cet article paraît exiger un intérêtspécialà côté del'intérêg t énéral
porté par un Etat au développement du droit international. »
Ailleurs (p. zog) il constate : (Le Comitéde juristes de 1920 désirait
exclure l'intervention politique D; il faut croire que les mêmes
motifs valent pour l'exclusion de l'action politique.

Dans la discussion du Règlement de Ia Cour en 1922 (SérieD

no 2, p. 87) le juge Max Huber dit qu'il ((ne croit pas que l'inter-
vention, aux termes de l'article 62, puisse êtreadmise dans les
cas où un droit positif, concret, n'est pas en jeu ». Et le juge Anzi-
lotti (p. go) ne croit pas que l'article 62 vise les cas présentant un
intérêt aupoint de vue du droit international; il faut avoir un
véritable droit dans la question litigieuse. Un ouvrage hollandais
récent constate que le droit international public exige aussi du

demandeur qu'il ait un intérêtà sa demande. ((Pourquoi, en effet,
le précepte vaudrait-il uniquement pour l'intervenant et non pour
le demandeur? 1)C'est un principe du droit international qui lui
est commun avec les ordres juridiques nationaux.

Les demandeurs reconnaissent le principe, puisqu'ils répètent
souvent qu'ils ont un ((intérêtjuridique )); mais quel intérêt?

Celui de veiller à ce que les charges du Mandat soient fidèlement
exécutéespar les mandataires? Ou encore celui de défendre les
intérêtsfondamentaux de la communauté internationale organisée
à la réalisation de la paix et de la sécuritéinternationales? Les
demandeurs opposent les intérêtsqu'ils qualifient de « matériels »,
((pécuniaires », (étroits ))aux intérêtsjuridiques supérieurs.
Il n'est pas nécessairede s'étendresur les conceptionsde l'action
et de l'intérêt.Dans la doctrine les constructions et les formules

abondent. Mais on peut considérer comme classique la définition
de Chiovenda: ((L'intérêtest une condition de l'action et consiste
en ce que sans l'intervention des organes judiciaires le demandeur
subirait un préjudice injuste. 1)L'intérêt estdonc personnel et
direct.
La Cour n'avait pas à examiner le point de savoir si dans lespré-
sentes affaires les demandeurs ontun tel intérêt,puisqu'ils déclarent

eux-mêmesqu'ils ne l'entendent pas ainsi. Pour intenter la présente
action ils affirment qu'ils ont un intérêtjuridique suffisant (Mé-
moire, pp. 62-63): ((intérêtjuridique à s'assurer par une pro-
cédure juridique que la mission sacrée de civilisation crééepar
le Mandat n'est pas violée 1).Mais un tel intérêtjuridiquement
protégé neleur a étéconféré par aucun acteinternational; l'article 7
ne connaît pas une telle action. Ils n'ont pas la qualité pour agir

141en justice. L'élémentdécisif pour l'interprétation de l'article 7,
alinéa 2, se trouve dans la formule mêmede la disposition si âpre-
ment contestée.

L'alinéa 2 de l'article7 dit: (différendqui ne soit pas susceptible
d'êtreréglépar des négociations ». Les demandeurs affirment et
l'Assembléegénérale décide (résolution1565 (XV) du 18 décembre
1960): (Le différendqui oppose l'Éthiopie et le Libériaet d'autres
États Membres à l'Union sud-africaine n'a pas été etne peut pas
êtreréglé par la négociation. )Le défendeurconteste quele différend
ne puisse pas êtreréglépar la négociation. Il y a là un malentendu.
11ne s'agit pas de savoir si des négociations avaient réellement eu

lieu et si elles ont aboutià un point mort.

Quand l'article 7 met une condition: (qui ne soit pas susceptible
d'êtreréglépar la négociation »,il reste dans la ligne traditionnelle
des clauses arbitrales. Il vise un différend qui par sa nature se
prêteà êtreréglépar la négociation, mais dans ce cas particulier
ne pouvait l'être pour une raison ou pour une autre, donc, un
différenddans un sens classique, admis il y a plus de 40 ans par le
droit international commun. Dans l'affaire relative aux Ressortis-

sants des Etats-Unis d'Amériqueau Maroc (Recueil 1952, p. 189),
la Cour a dit: ((Il est nécessaire ...de tenir compte du sens du
terme ((différend ))à l'époqueoù les traités furent conclus. »

Mais par des négociations entre États ne peuvent être réglés
que des différends où les parties disposent librement de leurs droits
et de leurs intérêts.La condition de l'article 7 prouve de manière
décisive que cet article n'envisage que des affaires judiciaires
dans le vrai sens du mot et le seul universellement accepté, d'après

lequel des États qui se croient titulaires des droits et des intérêts
juridiquement protégés et qui n'ont pu régler leur différend par
voie de négociations demandent au juge de les départager.
Dans les affaires soumises à la Cour, les trois Etats ne peuvent
pas réglerpar la négociationentre eux lesproblèmes quifont l'objet
des conclusions des demandeurs parce qu'il ne s'agit pas de leurs
droits et intérêts.
Il suffit de se reporter aux neuf demandes des mémoires qui
constituent le fond de l'affaire pour voir que des problèmes tels

que la qualification de l'Assemblée générale pour exercer les
fonctionsde contrôle, ou ledevoir de présenter des rapports annuels,
ou celui de préparer des habitants à l'autonomie, ne pouvaient
être régléspar la négociation entre le mandataire et un autre
Membre de la Société des Nations. Ils ne sont pas maîtres de ces
problèmes, de ces devoirs et de ces intérêts.Cette condition interdit
l'interprétation de l'article 7 avancéepar les demandeurs; par con-
séquent, il est inutile d'examiner l'impossible situation dans la-
quelle se serait trouvé le Conseil si ces problèmes avaient dû être458 MF. S.-0.AFRICAIN (OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI)

régléspar les négociations entre États Membres à leur manière
et à leur convenance; ou si un problème réglépar le Conseil d'ac-
cord avec le mandataire pouvait être portédevant la Cour par
n'importe quel Membre de la Société des Nations.
L'arrêt admetcommeun fait indéniable que le contrôlejudiciaire
général à la portée detous les Membres de la Sociétédes Nations a
étédès le début considérécomme une garantie indispensable du
système des Mandats: le Conseil en définitive était impuissant
devant le refus d'un mandataire de se conformer à ses décisions ou
recommandations; impuissante l'Assemblée,qui d'ailleurs n'était
appelée normalement à exercer dans ce domaine qu'une !influence
morale; les avis éventuels dela Cour permanente de Justice inter-
nationale n'étaientpas obligatoire;restait doncl'action individuelle
ou collective des Membres de la Société des Nationspar voie con-
tentieuse, puisque ni le Conseilni la Société des Nationsn'avaient
le droit d'ester en justice.

Cette hypothèse est invraisemblable; elle n'a pu et ne peut être
prouvée. L'article 22, paragraphe 1, du Pacte dispose in fine:
«Le bien-êtreet le développement de ces peuples forment une
mission sacrée dela civilisation, et il convient d'incorporer dans le
présent Pacte des garanties pour I'accomplissement de cette
mission. »Cesgarantiessont énoncéed sans lesparagraphes suivants
de l'article22. Le régimedes Mandats se passait assez bien de la
« garantie» admise maintenant par la Cour et dont le Conseiln'é-
prouvait probablement aucun besoin, comme il n'éprouvait aucun
besoin de l'exécutionforcée, lesdispositionsduPacte et de l'accord
de Mandat ayant été jugées suffisantes par les auteurs de ces
instruments.
Sil'Assembléegénérale et la Républiquesua-aincaine seheurtent
à une très sérieuse difficulpour trouver une solution satisfaisante
dans cette situation incontestablement anormale, la Cour, qui
n'est pas appelée à se prononcer ex aequo etbono,malgrétout son
désirde contribuer au règlement du conflit ne peut le faire sans
se trouver en désaccord avecles dispositions de droit qui régissent
la matière. Et la compétence dela Cour doit êtrebien établie dans
l'intérêdt e la communautéinternationale.

[Signé) B. WINIARSKI.

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OPINION DISSIDENTE DE M. WINIARSKI, PRÉSID~NT

L'objet de la troisième exception peut être analysé de deux
manières. Il est possible de nier l'existence du différendcomme tel

entre les demandeurs et le défendeuret de conclure à l'irrecevabilité
de la demande sur la base du Statut de la Cour. On peut également,
en admettant que l'article 7 de l'instrument de Mandat est toujours
en vigueur, comme l'a fait l'avis de la Cour du II juillet 1950,
prouver que cet article ne s'applique pas à l'action portéedevant la
Cour par les demandeurs et que, par conséquent, la Cour -'est Das
compétente pour connaître de la présente affaire.
On a fait observer que la question de la recevabilité vient après
celle de la compétence; examiner la question de la recevabilité
présuppose la compétence reconnue. Assurément, il y a des cas où
cette observation est justifiée; mais ylen a d'autres où pour décla-
rer la requêteirrecevable il n'est pas nécessaired'avoir affirméla
compétence. La Cour permanente de Justice internationale a eu à
cet égard une position pragmatique. Dans un cas elle a dit que la
distinction entre l'incompétence et l'irrecevabilité, claire dans des
ordres juridiques internes, n'a pas la mêmesignification en droit

international. Dans un autre cas elle a exprimé la mêmeopinion. .
« Que cette conclusion se qualifie d'«exception »,ou qu'elle prenne
le nom de « fin de non-recevoir »,il est certain que rien, ni dans le
Statut et dans le Règlement qui la régissent, ni dans les principes
générauxdu droit, n'empêchela Cour de s'en occuper dès à présent,
et préalablement à tout débat sur le fond, puisque c'est de sa
non-admission que dépendra la possibilitéd'un tel débat. » (Haute-
Silésie$olonaise, C. P.J. I.,sérieA no 6,p. 19.)

L'aspect indique en second lieu tient du droit matériel aussi
bien que du droit de la procédure: il s'agit de savoir si la Cour est
compétente pour connaître de l'affaire dans laquelle les demandeurs
n'ont pas d'intérêtjuridique personnel qui est pour eux en cause
ainsi qu'il résulte desfaits constatéspar les demandeurs eux-mêmes.
Pour le besoin de la démonstration on voudra supposer que le

sens de l'article7 après examen reste douteux; en réalitéil ne l'est
point, ainsi qu'il sera montré tout à l'heure. La première question
qui se pose dans ce cas hypothétique est celle de savoir quelle était
la pratique de la Société des Nations à cet égard, quelle indication
nous a étélaisséeen cequiconcerne soninterprétationet application.
Or, à l'époquede la Sociétédes Nations, quatorze Mandats ont été
en vigueur pendant vingt-cinq ans. Sur toute cette périodeon ne
trouve qu'une seule affaire relative aux Mandats qui ait étjugéepar DISSENTING OPINION OF PRESIDENT WINIARSKI

[Trn~zslation]
The çubject 01the third objection can be analysed in two ways.
It is possible to deny the existence of a dispute as such between the
Applicants and the Respondent and to find that the claim is in-
admissible on the basis of theStatute of the Court. It is alsopossible,
supposing Article j of the Mandate instrument to be still in force as
did the Court's Opinion of II July 1950, to show thatthat Article is
not applicable to the case brought before the Court by the Appli-
cants and that the Court therefore has no jurisdiction to hear the
present case.

It has been observed that the question of admissibility is one
which cornes after that of jurisdiction; the consideration of a ques-
tion ofadmissibility assumes a finding of jurisdiction.Certainly, there
are cases where the observation would be justified; but there are
others in which it is not necessary that there should have been a
finding of competence before an Application can be held to be in-
admissible. The Permanent Court of International Justice adopted
a pragmatic position in this connection. In one case it said that the
distinction between lack of jurisdiction and inadmissibility, while
clear in municipal legal systems, has not the same significance in
international law. In another case it expressed the same opinion:
"Whether this submission should be classified as an 'objection' oras
a fin denon-recevoir,it is certain that nothing,either inthe Statute or

Rules which govern the Court's activities, or in the general principles
of law, prevents the Court from dealing with it at once, and before
entering upon the merits of the case ;for there can be no proceedings
on the merits unless this submission is overniled." (Polish UBber
Silesia, P.C.I.J., Series A, No. 6, p. 19.)
The second aspect involves both substantive and procedural law :
it is a question of whether the Court has jurisdiction to hear a case
in which the Applicants have no individual legal interest which is in
issue for them, as appears from the facts placed on record by the
Applicants themselves
For the purpose of the argument it will be assumed that after
examination the meaning of Article 7 remains doubtful; in fact it

is not, as will shortly be shown. The first question that anses in this
hypothetical case is what was the practice of the League of Nations
in this respect and what may be learned from it concerning the
interpretation and application of the provision. In the League of
Nations period fourteen Mandates were in force over twenty-five
years. During that whole period only one case concerning Mandates
came before the Permanent Court of International Justice, the
124 la Cour permanente de Justice internationale, l'affaire de Mavrom-
matis, et ce fait seul est significatif; elle a fait l'objet de trois arrêts
(SérieA, nos 2,5 et II).
La Cour a portéson examen, entre autres, sur le point principal
suivant: «Violation des obligations internationales contractéespar
le Mandataire et le'préjudice en découlantau détriment de M. Ma-
vrommatis » (SérieA, n" 5, p. 28, II). Il y étaitquestion deplusieurs
concessions: dans un de ces cas la Cour demande (ibd., p. 38):
«Ceseul fait a-t-il constituéun manquement aux obligations inter-
nationales viséespar l'article II du Mandat? » Elle a pu constater
(ibd., no II, p. 18), en vertu de la compétencequ'«elle tient de
l'article 26 du Mandat » (cet article correspond à notre article 7)
une violation del'articleII du Mandat au détrimentdu ressortissant
grec. Dans un autre cas (ibid., no 5,p. 51) la Gour a décidéet jugé
nqu'aucun préjudicerésultant de ce fait au détriment de M. Ma-
vrommatis n'a été prouvé » et débouté le demandeur desa demande
sur ce point. C'étaitun cas classique.

Les auteurs de quelques opinions dissidentes étaient d'avis qu'il
ne s'agissait pas d'un différendentre États, qu'en réalité c'étaiutn
différendentre la Grande-Bretagne et M. Mavrommatis.
La Cour était à ses débutset elle a jugénécessairede répondre à
ces arguments en énonçant, d'une manière définitive, le principe
indiscutable (ibid.,no2, p. 12):« Du moment qu'un État prend fait
et cause pour un de ses nationaux devant une juridiction interna-
tionale, cette juridiction ne connaît comme plaideur que le seul
État ...En prenant fait et cause pour un des siens ...cet État fait,à
vrai dire, valoir son droit propre.))
Mais à côtéde cette divergenced'opinions il y en avait une autre
beaucoup plus importante. Le juge Bustamante dans son opinion
dissidente (Série A, no 2, p. 81) a écrit: ((Comme la Société des
Nations ne pouvait pas comparaître en qualité de partie dans un
litige relatià l'application ou à l'interprétation du Mandat, étant
donnéles termes restrictifs de l'article34 du Statut de la Cour, ce
sont lesMembresdela Sociétéqui ont été autorisés,enleurcondition
de Membres, à porter devant la Courles questionsrelatives à l'inter-
prétation et à l'application du Mandat. » Et plus loin (ibid., p. 8:)
« Quand le Mandataire agit ..en face desindividus ou des associa-
tions privéesnousnesommes pas en présencede relations juridiques
entre le Mandataire et les Membresde la Sociétémandante, mais en
présencedesrelations juridiques entre des tiers quin'ont rien à faire
avec le Mandat même. ))
L'opinion du juge Oda paraît se rapprocher de la précédente
(iW., p. 86) : « Un droit de surveillance indirecte est donné à la
Cour, à la condition qu'il puisse êtreexercéseulement à la demande
d'un Membre de la Sociétédes Nations.La requêtede celui-ci doitMavrommatis case, and this fact alone is significant. It was the
subject of three Judgments (Series A, Nos. 2, j and II).

The Court directed its attention, inter alia, to the following main
point: "violation of international obligations accepted by the
Mandatory and damage to M. Mavrommatis' interests resulting
therefrom" (SeriesA, No. 5, p. 28,II).There were several concessions
involved; in one of the cases the Court asked "whether this fact

alone constituted a violation of the international obligations con-
templated in Article II of the Mandate" (ibid., p. 38). It was able
to find (SeriesA, No. II, p. 18), in virtue of the jurisdiction "which
it derives under Article 26 of the Mandate" (the corresponding
article to Article 7 in the present case), that there had been a
breach of Article II of the Mandate to the detriment of the Greek
national. In another case (Series A, No. 5, p. 51) the Court gave
judgment "that no loss to M. Mavrommatis, resulting from this
circumstance, has been proved and dismissed the Applicant's claim
on this point. This was a classic case.
The authors of a number of dissenting opinions took the view
that the dispute was not one between States, but was in fact a dis-
pute between Great Britain and M. Mavrommatis.
The Court was at the outset of its activities and thought it
necessary to reply to these arguments by stating, with finality, the
unquestionable principle that (Series A, No. 2, p. 12): "Once a
State has taken up a case on behalf of one of its subjects before an
international tribunal, in the eyes of the latter the State is sole
claimant.. .By taking up the case of one of its subjects ...a State is,
in reality, asserting its own rights."
But in addition to this difference of view there was another which

was much more important. In his dissenting opinion Judge Busta-
mante wrote (Series A, No. 2, p. 81): "As the latter [the League of
Nations] could not appear as a party to a dispute conceming the ap-
plication or interpretation of the Mandate, having regard to the re-
strictive terms of Article 34 of the Court's Statute, it is the Members
of the League who have been authorized,in their capacity as Mem-
bers, to bring before the Court questionsregarding the interpretation
or application of the Mandate." And later (ibid.,pp. 81-82): "When
[the Mandatory] takes action ...in respect of individuals and pnvate
companies ...there is no question of juridical relations between the
Mandatory and the Members of the League from which she holds
the Mandate, but of legal relations between third parties whohave
nothing to do with the Mandate itself."
The opinion of Judge Oda appears to be on similar lines (ibid.,
p. 86): "provision is made for indirect supervision by the Court ;but
the latter may only be exercised at the request of a Member of the
League of Nations ... an application by such a Member must beêtre présentée exclusivement en vue de sauvegarder un intérêt
...
général. ))
Ni lord Finlay, ni J. B. Moore, tous deux de la minorité pour
d'autres raisons, n'ont pu partager ces idées.Lord Finlay indique
(ibid.,p. 42), au contraire, que dans le Mandat pour la Palestine
(plus développé que pour le Sud-Ouest africain) il existe toute une
série de dispositions qui peuvent êtrevioléespar le Mandataire au
détriment d'un autre Membre de la Société des Nations (to its
prejudice; art. 5-21): fonctionnement du système judiciaire, liberté
descommunications et dutransit, égalitédetraitement, même enma-
tière d'antiquités et de fouilles, possibilité de discrimination d'une
nation sans motif, etc. (p. 43) : «Toutes ces clauses, dit-il, offrent
d'infinies possibilités de conflits entre le Mandataire et les autres

Membres de la Sociétédes Nations et il était au plus haut point
nécessairequ'un tribunal fût prévu pour réglerces conflits. » Moore
écrit de même(p. 61) : «II doit y avoir un différend dans ce sens:
le gouvernement qui se plaint d'avoir subi un préjudice doit avoir
exposél'objet de sa réclamation »,etc. L'opinion des juges Busta-
mante et Oda est restée isolée. En 1950, deux juges, sir Arnold
McNair et M. Read, ont exprimé des opinions analogues, mais, ici
encore, la Cour n'a pu partager ces vues.

Le Conseil, l'organe de surveillance de la Sociéte des Nations,
a eu à s'occuper constamment des problèmes juridiques importants;

dans aucun cas il n'a demandéun avis consultatif de la Cour malgré
quelques suggestions de la Commission permanente des Mandats;
jamais, sauf erreur, il n'a envisagé la possibilité pour un Membre
de la Sociétédes Nations de porter devant la Cour une question
touchant à la surveillance générale de l'administration mandataire
qui était de la compétence exclusive du Conseil et dans une certaine
mesure de l'Assemblée. Lesdeux rapports Hymans au Conseil (du
5 août et 26 octobre 1920) et le rapport présentépar le Conseil à
l'Assembléede la Société des Nations le 6 décembre 1920 sur « Les
responsabilités qui incombent à la Société des Nations en vertu
de l'art. 22 (Mandats) » ignorent un tel problème.

Les demandeursinvoquent quelques opinions dejuristes en faveur
d'un contrôle général auquel tout Membre de la Sociétédes Nations
pouvait soumettre tout Mandataire en le citant devant la Cour per-
manente de Justice internationale.
Et pourtant M. van Rees, l'un des membres les plus actifs et le
vice-président dela Commission permanente des Mandats, dans son
livreeles Mandats internationaux, tome premier: Le contrôle inter-
national de l'administration mandataire (Paris, 1gz7), ne dit mot
sur le prétendu contrôlejudiciaire de la Cour permanente de Justice
internationale pouvant êtremis en mouvement par n'importe quel
Membre de la Société des Nations. Mieux encore, la publication
officielle Le systèmedes Mandats, origine, principes et application,

que la Sociétédes Nations a fait paraître en 1945, avec préfacedu
136made exclusively with a view to the protection of generalinterests".

Neither Lord Finlay nor J. B. Moore, both in the minority for
other reasons, were able to concur in these views. Lord Finlay, on
the contrary, points out (ibid., p. 42) that in the Palestine Mandate
(which was more detailed than the Mandate for South West Africa),
there were a whole series of provisions which could be violated by the
Mandatory to the prejudice of another Member of the League of
Nations (Articles 5-21):the operation of the judicial system, freedom
ofcommunication and transit, equality of treatment, even questions
of antiquities and excavations, the possibility of discrimination
against a country without reasonable grounds, etc. "Under al1these
heads", he wrote (p. 13), "there are endless possibilities of dispute
between the Mandatory and other Members of the League of Nations,
and it Ras highly necessary that a Tribunal should be provided for
the settlement of such disputes." In the same way Judge Moore
wrote (p. 61): "There must be a difference ..in the sense ..that the
government which professes to have been aggrieved should have
stated its claims", etc. The view taken by Judges Bustamante and
Oda remained isolated. In 1950 two judges, Judge Sir Arnold
McKair and Judge Read, expressed similar views, but here again
the Court was unable to subscribe to them.
The Council, the League supervisory organ, had constantly to
deal \rith important legal problems; in no case did it request an
advisory opinion of the Court, in spite of suggestions by the Per-

manent Mandates Commission; never, if 1 am not mistaken, did it
envisage the possibility of a Member of the League of Nations
bringing before the Court a question relating to the general super-
vision of the administration of the Mandate, which was within the
exclusive cornpetence of the Council and, to a certain extent, of the
Assembly. The two Hymans reports to the Council (of 5 August
and 26 October 1920) and the Council's report to the Assembly
of the League of Nations of 6 December 1920 on "Responsibilities
of the League arising out of Article 22 (Mandates)" are unaware
of any such problem.
The Applicants rely on the views of certain jurists in favcur of
a general supervision to which any Member of the League could
subject any Mandatory by bringing it before the Permanent Court
of International Justice.
And yet Mr. van Rees, one of the most active members, and Vice-
Chairman of the Permanent Mandates Commission, says nothing in
his book Les Mandats internationaux, Vol. 1, Le contrôleinternational
de l'ad~.ltinistrationmandataire (Paris, 1927) about this judicial
supervision by the Permanent Court of International Justice claimed
to be able to be brought into operation by any Member of the
League. Even more significant, the officia1publication The filandates
Sj'stew-Origisz-Principles-Applw icictiothe League put
out in 1945 with a preface by the Acting Secretary-General, Mr.

136Secrétaire générap lar intérim,M. Sean Lester, est aussi muette sur
ceprétendurôle de la Cour,bien qu'ellecontienne un motenpassant
pour signaler la clause juridictionnelle; et pourtant un rôle pareil,
s'ilavait étéprévu,n'aurait pu échapper àl'attention desesauteurs.
Si dans les milieux de la Société des Nations:Conseil, Secrétariat,
Commission permanente des Mandats, on envisageait le contrôle
judiciaire, ne fût-ce que comme une possibilité prévue pour lesca
extrêmespar les accords internationaux, le fait que nous n'en trou.
vons aucune mention dans ces deux livres'est inexplicable. Si à
l'époque dela SociétédesNations,quand les auteurs du Pacte et des
Mandats et leurs collaborateurs étaient encore en vie, un contrôle
judiciaire tel que les demandeurs le proposent n'a pas étéenvisagé
avec autorité, cela peut êtreconsidéré comme preuve que l'on ne le
comprenait pas ainsi.
La caractéristique de ce prétendu contrôle était qu'il pouvait
êtremis en mouvement par tout Membre de la Sociétédes Nations
qui estimerait qu'il existait entre lui et l'administration mandataire
un (désaccordsur un point de droit ou de fait, une contradiction,
une oppositiondethèsesjuridiques ))sur la façon dont leMandataire
s'acquittait de son Mandat. On a invoqué à cette occasionune insti-
tution du vieux droit pénal romain appeléeactio popularis, qui
cependant paraît étrangèreaux systèmes juridiques modernes de
1919-1920et au droit international. Est-il possible que telle ait été
l'intention commune des auteurs des textes de Mandats? Rien
ne le prouve; on l'affirmesans avoir essayéde le démontrer; bien au
contraire, il semble que les circonstances dans lesquelles le Mandat
a étécréé excluent une telle possibilité.

Ala finde la premièreguerre mondiale deux nouvellesinstitutions
ont étéintroduites dans le droit international: les traités de mino-
rités et les Mandats. Les premiers ont étéimposés aux uÉtats
nouveaux )et à quelques autres États par les PrincipalesPuissances
alliéeset associées.Cestraitésprévoyaient, comme garantie de leur
correcte observation, la juridiction de la Cour, obligatoire pour les
États soumis à ce regime; mais les Principales Puissances ont
voulu partager la responsabilité decette nouveautéet desinstances
pouvaient êtreintroduites par tout Membre représentéau Conseil
de la Société des Nations, donc audébutpar les quatre Principales
Puissances et par les quatre autres Membres non permanents.
Les Mandats ont étél'Œuvre des Principales Ppissances alliées
et associéesqui ont partagé entre elles (exceptéles Etats-Unis, mais
y compris la Belgique) les territoires conquis et étaient tombées
d'accord sur les termes desMandats. Celaressort clairement notam-
ment du rapport fait par levicomte Ishii au Conseille26février1922
(S. d. N., J. O. no 8, 1922,p. 850): ((En généralp, ar conséquent,IL
rôle du Conseil pourra se borner à la ratification des propositions
faites par les Puissances mandataires »;ce qui fut fait avec quelques Sean Lester, is also silent on the subject of this alleged role of the

Court, although it contains a passing reference to the jurisdictional
clause; yet such a role, if provided for, could not have escaped the
attention of the authors. If in League quarters such as the Council,
Secretariat and Permanent Mandates Commission judicial super-
vision was contemplated even only as a possibility provided for in
extreme cases by the international agreements, the fact that we
find no mention of it in these two books is inexplicable. If inthe time
of the League, when the framers of the Covenant and the Mandates,
and their associates, were stilllive, judicial supervision such as the
Applicants put forward found no authoritative proponent, it may
be taken as evidence that matters were not seen in this light.

The characteristic feature of this alleged supervision was that it
could be brought into operation by any Member of the League which
considered that there existed between it and the mandatory admin-
istration "a disagreementon a point of law or fact, a confict of legal

views" on the way in which the Mandatory was exercising its Man-
date. Reference has been made in this connection to an institution
under the old Roman penal law known as "actio poPuZarisJ'which,
however, seems alien tothe modern legal systems of 1919-1920 and
to international law. 1s it possible that such can have been the
common intent of the framers of the Mandate instruments? There
is no evidence for it, it has been asserted without any attempt to
show that it was so; on the contrary, it would seem that the circum-
stances in which the Mandate was established exclude such an
eventuality.
At the end of the First World War two new institutions were
introduced into international law: the minorities treaties and the
Mandates. The former were imposed on the "new States" and some
other States by the Principal Allied and Associated Powers. These
treaties, as a security for their proper observance, provided for the
jurisdiction of the Court as compulsory for the States subject to

such a régime;but the Principal Powers desired to share the respon-
sibilities of this innovation and proceedings could be instituted by
any Member represented on the Council of the League, that is to Say
in the beginning by the four Principal Powers and the four other
non-permanent Members.
The Mandates were the work ofthe Principal Alliedand Associated
Powers, which shared among themselves (apart from the United
States but with Belgium) the conquered territories, and agreed on
the terms of the Mandates. This is clearly apparent from, inter alia,
the report of Viscount Ishii to the Council on 26 February 1922
(L. o. N.,Oficial Journal, No. 8, 1922, p. 850), which contains the
following passage: "In general, therefore, the role of the Council
may be limited merely to ratification of the proposals made by themodifications dont une seule nous intéresse ici.

Ces Puissances étaient réalistes; on connaît leurs résistances à
l'idéedu Mandat. Ilest difficile d'admettre qu'elles aient assumé,
comme Mandataires, la charge de leur responsabilité judiciaire,
lourde, nouvelle et imprévisible dans ses implications, envers tout
Membre de la Sociétédes Nations qui soulèverait des objections à
leur administration mandataire. Cette actio +o+ularisaurait cons-
titué uce telle nouveauté dans les rapports internationaux, nou-
veautédépassant dans ses conséquencesla nouveauté de l'institution
des Mandats elle-même,que, si les auteurs de ces textes avaient été
tous d'accord pour s'imposer à eux-mêmesune pareille charge, ils
n'auraient pas manqué de le dire expressément, comme ils l'ont fait

à l'endroit de quelques Etats soumis au régime desminorités.
On ne saurait déduire une telle obligation comme impliquée,
sous-entendue ou résultant d'un accord tacite, et ceci d'autant
qu'il s'agissait d'un engagement en faveur des tiers futurs et in-
connus. La nécessitéd'une stipulation expresse et claire s'imposait
plus que jamais. 11est difficile de voir dans le paragraphe2 de l'ar-
ticle 7 autre chose q'une simple clause juridictionnelle correspon-
dant à l'époque,car pour apprécier le caractère et la portée d'un
acte juridique il faut se placer au moment de sa confection. La seule
remarque qui puisse être faite concerne le caractère unilatéral de
cette clause, d'ailleurs assez naturel dans un pareil acte.
Le 17 décembre 1920, lord Balfour avait soumis à l'approbation
du Conseil, entre autres, l'instrument de Mandat pour le Sud-Ouest
africain. L'alinéa 2 de l'article7 de ce texte était ainsi libellé:

((Tout différend, quel qu'il soit, qui viendrait à s'éleverentre les
Membres de la Société desNations ...sera soumis à la Cour Per-
manente »,etc. Le Conseil a modifiécet alinéa en lui donnant la
forme actuelle: «Le mandataire accepte que tout différend ...soit
soumis à la Cour Permanente D, etc. L'explication se trouve dans le
rapport Ishii susmentionné (ibip d..854). En proposant une modi-
fication de la clause juridictionnelle des instrumentsde Mandats qui
allaient êtreapprouvés le 20 juillet 1922,le rapporteur a soumis une
formule identique à celle de l'articl7, alinéa2, en question: «Une
modification semblable a étéapportée par le Conseil aux projets
des Mandats C. Elle fut inspirée par la pensée que des Membres
de la Société desNations, autres que le Mandataire, ne pourraient
pas êtreobligésde soumettre leurs différends à la Cour permanente

de Justice internationale sans leur approbation. 1)
Si les Puissances représentées au Conseil étaient tellement
attentives au droit des États Membres de ne pas êtreliéssans leur
consentement exprès, il est difficile d'admettre qu'elles aient
introduit ce prétendu droit d'action sans le dire expressément.
Il n'est pas possible de voir un appui de la thèse des demandeurs
dans ce que l'on appelle la Tanganyika claztse. mandatory Powers"; which is what was done, with a few changes

of which only one is here relevant.
These Powers were realistic; their resistance to the Mandate idea
is known. It is difficult to believe that they should have, as Manda-
tories, accepted the heavy new burden of judicial accountability,
with al1its iinforeseeable implicatio,ns, towards any Member of the
League which might take exception to their administration of the
Mandate. This actio fiopularis would have been such a novelty in
international relations, going far beyond the novelty of the Mandates
system itself in its implications, that, if the drafters of these in-
struments had al1agreed on the self-imposition of such a responsi-
bility, they would not have failed to Say so explicitly, asthey did in
the case of certain States subiected to the minorities régime.

It is not possible to infer such an obligation as implied, understood
or resulting from tacit agreement, since it would have been an
undertaking in favour of future and unknown third parties. The

need for an explicit and clear provision was more than ever obvious.
It is difficult to see in the second paragraph of Article 7 anything
other than a simple jurisdictional clause of that period, for in order
to form an opinion as to the character and scope of a legal instrument
it is necessary to consider it from the point of view of the period
when it was drawn up.
On 17 December 1920 Lord Balfour had submitted for approval
by the Council, inter alia, the Mandate for South West Africa. The
. second paragraph of Article 7 of that text read as follows: "If any
dispute whatever should arise between the Members of the League
of Nations ...this dispute shall be submitted to the Permanent
Court", etc. The Counci! modified the paragraph, putting it into its
present form : "The Mandatory agrees that ...any dispute ..shall
be submitted to the Permanent Court", etc. The explanation is to
be found in the Ishii report referred to above (ibid., p.854). In pro-
posing a modification of the jurisdictional clause of the Mandate in-
struments to be approved on 20 July 1922, the Rapporteur proposed

a wording identical with that of the second paragraph of Article 7,
which is now in question: "A sirnilar alteration has been made by
the Council in the draft C mandates. It was inspired by the con-
sideration that Members of the League other than the Mandatory
could not be forced against their will to subrnit their difierences to
the Permanent Court of International Justice."

If the Powers represented on the Council were so scrupulous of
the right of Member States not to be bound without their express
consent, it is difficult to believe that they would have introduced
this alleged right of action without saying so expressly.
Itis not possible to find any support for the Applicants' conten-
tion in what has been called the "Tanganyika clause"454 AFF. S.-0.AFRICAIN (OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI)

L'article 13 du Mandat britannique sur l'Est africain contient,
à côté de l'alinéa premierqui correspond exactement à la clause
juridictionnelle de l'articl7 du Mandat sur le Sud-Ouest africain,
un autre alinéa ainsi libellé:
«Les États Membresde la Société des Nations pourront égale-
ment soumettre au jugement de ladite Cour,au nom de leurs natio-
naux, toutes plaintes émanant de ces derniers et signalant une
atteinte portéeà leurs droits tels qu'ils sontdéfinispar le présent
mandat. ))

On a dit que puisque cet alinéa autorise spécialement tout État
Membre de la Société des Nations à soumettre à la Cour tout cas
d'atteinte portée aux droits de ses ressortissants, le premier alinéa,

et par conséquent l'article 7 de notre Mandat autorise l'action en
contrôle judiciaire général. Cette conclusion n'est pas fondée: si
cet instrument, unique parmi les quatorzeinstruments de Mandat, a
consacréun alinéa spécialaux cas d'atteinte portée aux droits des
nationaux d'un État Membre, l'alinéa premier vise simplement les
cas d'atteinte portée aux droits propres de l'État. L'énonciation
de la Cour de 1924 ,itéeci-dessus, a mis de l'ordre dans ces pro-
blèmes.
Personne n'a pu expliquer comment cet alinéa, qui paraît
parfaitement inutile, a pu se trouver dans le seul Mandat pour le
Tanganyika, mais cela n'a pas la moindre importance. La Commis-
sion permanente des Mandats a abordé cette question en 1925 et
a vite renoncéà en poursuivre la discussion.
Dans la pratique de la Société des Nationsil n'y avait pas deux

mécanismes decontrôle: judiciaire et administratif. La surveillance
exercée par le Conseil (assisté de la Commission permanente des
Mandats) n'était pas un contrôle administratif, ni par le caractère
de l'organe qui n'étaitpas un organe administratif, ni par son objet.
Le Conseil était un organe politique; il exerçait la surveillance du
point de vue de la conformité de l'administration mandataire
avec les termes du Mandat, donc du point de vue de la légalité;
par conséquent il avait à décider des questions de droit et il le
faisait en s'entourant de compétences qualifiées; mais, la matière
étant éminemment politique, il agissait avec toute la souplesse
nécessaire; il n'avait jamais fait usage de la faculté de s'adresser
à la Cour permanente de Justice internationale pour avis. D'un
autre côté, tout Membre de la Société des Nations qui se croyait
lésépar la façon dont le mandataire exerçait ses fonctions avait

le droit de porter normalement le différend devant la Cour. Il
n'y a eu qu'une affaire de ce genre, l'affaire Mavrommatisc ,as
classique.

En ce qui concerne la doctrine, qu'il suffise de citer l'opinion
du professeur Feinberg dans son cours fait à l'Académiede droit
international de La Haye. Il résume bien l'état de cette question

139 Article 13 of the British Mandate for East Afriça contains, in

addition to the first paragraph which is identical to the jurisdic-
tional clause in Article 7 of the Mandate for South West Africa, a
further paragraph worded as follows:
"States Members of the League ofNations may Likewisebring
any claims on behalf of their nationals forinfractionsoftheirrights
under this mandate before the said Court for decision."

It has been said that since this paragraph specifically empowers
any hlember of the League of Nations to submit to the Court
any case of infractions of the rights of its nationals, the first para-
graph, and hence Article 7 of the Mandate we are concerned with,
authorizes proceedings with a view to general judicial supervision.
This conclusion is unfounded: while that instrument, alone among
the fourteen Mandate instruments, devoted a special paragraph to
the case of infractions of the rights of nationals of a State Member,

the first paragraph relates merely to cases of infractions of nghts
which are the State's own rights. What was said by the Court in
1924, which is quoted above, has cleared up these questions.
No one has been able to explain how this paragraph, which seems
completely unnecessary, got into the Mandate for Tanganyika and
that Mandate alone, but this is not of the slightest importance.
The Permanent Mandates Commission turned to that question
in 1925 but quickly decided not to pursue its discussion.
In the practice of the League of Nations there were not two
types of supervisory machinery, one judicial and the.other admini-
strative. The supervision of the Council (assisted by the Permanent
Mandates Commission) was not administrative, either by virtue
of the character of the organ which was not an administrative organ,
or by its object. The Council was a political organ; it exercised
supervision from the point of view of the conformity of the admini-
stration by the Mandatory with the terms of the Mandate, thus

from the point of view of legality; it consequently had to decide
questions of law and it did so by making available to itself suitably
qualified assistance; but,ihe matters with which it was concerned
being eminently of a political character, it acted with al1 the ne-
cessary flexibility; it never availed itself of its right to refer to
the Permanent Court of International Justice for an opinion. On
the other hand, any Member of the League of Nations which con-
sidered itself to have suffered injury as a result of the way in which
the Mandatory had exercised its functions, had the right to refer
the dispute in the ordinary way to the Court. There was only one
case of this kind, the Mavrommatis case, the classic case.
So far as scholarly authority is concerned it will sufficeto cite the
opinion expressed by Professor Feinberg in his course at The
Hague Academy of International Law. He gave a summary of the

139455 AFF. S.-O. AFRICAIN (OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI)

en 1937, donc peu avant la deuxième guerre mondiale.

((D'accord avec la plupart des auteurs qui se sont, dans leurs
travaux, prononcéssur la question posée,nous croyons que la clause
judiciaire ne confère aux Membres de la Sociétédes Nations la
faculté de citer unilatéralement une Puissance mandataire devant
la Cour que dans les seuls cas où ils peuvent 'alléguerla violation
d'un droit qui leur est propre ou un préjudiceportéaux intérêtsde
leurs nationaux. Il nous semble que cette interprétation est touà
fait fondée et conforme à l'économie générale du système des
mandats. Il est difficilede concevoir, en effet, que, par l'insertion
de la clause judiciaire dans les textes de mandat, on ait voulu
accorder à chaque Membre de la Sociétédes Nations un pouvoir
tellement étendu qu'il lui permette de s'érigeren censeur de la
gestion mandataire. Le but poursuivi étaitsansdoute plus restreint;
il s'agissait de renvoyer obligatoirement devant la Cour tous les
conflits pouvant surgirpar suite de la non-exécutiondes obligations
assuméespar un mandataire, aux termes du mandat, vis-à-vis des
autres Membres de la Société desNations. ))

Les demandeurs invoquent la clause juridictionnelle de l'articl7

du Mandat qui, d'après l'avis de 1950, « est encore en vigueur »,et
d'après laquelle l'Union sud-africaine est tenue de reconnaître
comme obligatoire la juridiction de la Cour «pour tout différend,
quel qu'il soit )),relatif à l'interprétation ou à l'application des
dispositions du Mandat.
Ces mots évidemment ne signifient nullement n'importe quel
différend et encore moins n'importe quelle divergence d'opinion
qu'un État se plairait à porter devant la Cour. Un principe du droit
international veut que toute disposition conventionnelle soit in-
terprétée sur le fond du droit international commun. Ces mots
de l'article 7 ne sauraient être interprétés en contradiction avec

la règle généralede procédure d'après laquelle l'État demandeur
doit avoir qualité pour introduire l'instance, c'est-à-dire un droit
subjectif, un intérêtindividuel, réel, actuel et juridiquement pro-
tégé. (Pas d'intérêt, pas d'action »: ce vieux brocard exprime,
dans une forme simplifiée mais somme toute exacte, la règle de
tout droit interne mais aussi du droit international. Nous l'avons
vu dans l'affaire Mavrommatis. Dans l'affaire du Wimbledon la
Cour permanente de Justice internationale a répondu à l'objection
de l'Allemagne (Série A no 1, p. 20) que « chacune des Puissances
demanderesses a un intérêtévident à l'exécution des stipulations
qui concernent le canal de Kiel, puisqu'elles ont toutes des flottes

et des navires marchands battant leur pavillon P.
Le Statut de la Cour est expressément dans le même sens,puisque
son article 62 exige que,la demande d'intervention soit formée
par 1'Etat qualifié; cet Etat doit justifier «d'un intérêt d'ordre S. W. AFRICS CASES (DISS. OP. PRESIDENT WINIARSKI) 455
position in this connection in 1937 hus shortly before the Second
World War :

"Like most of the writers who have, in their works, expressed
a view on the question, 1 consider that the judicial settlement
clause does not confer on Members of the League of Nations the
right unilaterally to bring a Mandatory Power before the Court
except in cases where they can allege the violation of some right
of their own or some injury to the interests of their nationals.
This interpretation would seem to me to be entirely correct and
It is indeed difficult to imagine that, by the inclusion of the judicial
settlement clause in the text of the Mandates, it was intended
to give each Member of the League of Nations a power so extensive
that it wouldenable it to set itself upeasa censor of the Mandatory's
administration. The aim pursued was certainly a more limited
one; it was desired to secure compulsory reference to the Court of
al1conflicts which might arise as a result of the non-performance of
obligations assumed by the Mandatory, under the Mandate, in
relation to other Members of the League of Nations."

The Applicants rely upon the jurisdictional clause in Article 7
of the Mandate which, according to the Opinion of 1950 is still in
force" and according to which the Cnion of South Africa is under an
obligation to recognize as compulsory the jurisdiction of the Court
for "any dispute whatever" relative to the interpretation or the
application of the provisions of the Mandate.
These words clearly do not mean any dispute whatsoever and
still less any divergence of opinion whatsoever which a State
might see fit to bnng before the Court. It is a principle of interna-
tional law that every conventional provision must be interpreted
on the basis of general international law. The relevant words of
Article 7 cannot be interpreted in such a way as to conflict with the
general rule of procedure according to which the Applicant State
must have the capacity to institute the proceedings, that is to
Say, a subjective right, a real and existing individual interest
which is legally protected. "No interest, no action": this old tag

expresses in a simplified, but, on the whole, correct form the rule
of al1 municipal law, but also of international law. We have seen it
in the Mavrommatis case. In the Wimbledon case the Permanent
Court of International Justice met the objection raised by Germany
by saying (Series A, No. 1, p. 20) that "each of the four Applicant
Powers has a clear interest in the execution of the provisions relating
to the Kiel Canal, since they al1possess fleets and merchant vessels
flying their respective flags".
The Statute of the Court is expressly to the same effect, since
Article 62 thereof requires that a request to intervene must be
made by a State which is qualified to do so; such a State must showjuridique. qui est pour lui en cause »,et c'est la Cour qui décidesi
cette condition est remplie. M. O. Hudson, dans la deuxièmeédition
de son livre sur la Cour (1943, p. 420), dit: (Sur la nature précise
de l'intérêtd'ordre juridique dont, aux termes de l'article 62,

l'intervenant doit justifier l'existence, il existe quelque incertitude;
cet article paraît exiger un intérêtspécialà côté del'intérêg t énéral
porté par un Etat au développement du droit international. »
Ailleurs (p. zog) il constate : (Le Comitéde juristes de 1920 désirait
exclure l'intervention politique D; il faut croire que les mêmes
motifs valent pour l'exclusion de l'action politique.

Dans la discussion du Règlement de Ia Cour en 1922 (SérieD

no 2, p. 87) le juge Max Huber dit qu'il ((ne croit pas que l'inter-
vention, aux termes de l'article 62, puisse êtreadmise dans les
cas où un droit positif, concret, n'est pas en jeu ». Et le juge Anzi-
lotti (p. go) ne croit pas que l'article 62 vise les cas présentant un
intérêt aupoint de vue du droit international; il faut avoir un
véritable droit dans la question litigieuse. Un ouvrage hollandais
récent constate que le droit international public exige aussi du

demandeur qu'il ait un intérêtà sa demande. ((Pourquoi, en effet,
le précepte vaudrait-il uniquement pour l'intervenant et non pour
le demandeur? 1)C'est un principe du droit international qui lui
est commun avec les ordres juridiques nationaux.

Les demandeurs reconnaissent le principe, puisqu'ils répètent
souvent qu'ils ont un ((intérêtjuridique )); mais quel intérêt?

Celui de veiller à ce que les charges du Mandat soient fidèlement
exécutéespar les mandataires? Ou encore celui de défendre les
intérêtsfondamentaux de la communauté internationale organisée
à la réalisation de la paix et de la sécuritéinternationales? Les
demandeurs opposent les intérêtsqu'ils qualifient de « matériels »,
((pécuniaires », (étroits ))aux intérêtsjuridiques supérieurs.
Il n'est pas nécessairede s'étendresur les conceptionsde l'action
et de l'intérêt.Dans la doctrine les constructions et les formules

abondent. Mais on peut considérer comme classique la définition
de Chiovenda: ((L'intérêtest une condition de l'action et consiste
en ce que sans l'intervention des organes judiciaires le demandeur
subirait un préjudice injuste. 1)L'intérêt estdonc personnel et
direct.
La Cour n'avait pas à examiner le point de savoir si dans lespré-
sentes affaires les demandeurs ontun tel intérêt,puisqu'ils déclarent

eux-mêmesqu'ils ne l'entendent pas ainsi. Pour intenter la présente
action ils affirment qu'ils ont un intérêtjuridique suffisant (Mé-
moire, pp. 62-63): ((intérêtjuridique à s'assurer par une pro-
cédure juridique que la mission sacrée de civilisation crééepar
le Mandat n'est pas violée 1).Mais un tel intérêtjuridiquement
protégé neleur a étéconféré par aucun acteinternational; l'article 7
ne connaît pas une telle action. Ils n'ont pas la qualité pour agir

141 that it has "an interest of a legal nature which may be affected by
the decision in the case", and it is for the Court to decide whether

that condition is satisfied. M. O. Hudson in the second edition of
his work on the Court (1943,p. 420) says: "The precise character of
the 'interest of a legal nature' to be established for intervention
under Article 62 is uncertain; it would seem to require a special
interest, in addition to a State's general interest in the development
of international law." Elsewhere (p. 209) he states: "The 1920
Committee of Jurists ...wished to exclude 'political intervention' " ;
the same reasons must be thought to hold good for the exclusion
of a political action.
In the discussion of the Rules of Court in 1922 (Series D, No. 2,
p. 87) Judge Max Huber said that he "did not think that interven-
tion under the terms of Article 62 should be admitted in cases
where no actual concreteright was at stake". And Judge Anzilotti
(p. go) did not think that Article 62 referred to cases which were
ofinterest from the point of view of international law; it was neces-
rary to have "an actual legal interest in the dispute". A recent

Dutch work has pointed out that public international law also
requires that an applicant should have an interest in the claim
which it advances. "Why, indeed, should the requirement apply
solely to an intervening party and not to the applicant?" It is
a principle ofinternational lawwhich that law shareswith municipal
legal systems.
The Applicants recognize this principle, since they have fre-
quently repeated that they have "a legal interest"; but what
interest?That ofensuring that the burdens of the Mandate should
be faithfully performed by the Mandatory? Or perhaps that of
defending the fundamental interests of the organized international
community in the realization of international peace and security?
The Applicants contrast those interests which they describe as
"material", "pecuniary", "narrow", with higher legal interests.
It is unnecessary to dwell at length upon the concepts of action
and interest. In the works of writers there is an abundance of
interpretations and .formulae. But the classic definition may

be taken to be that of Chiovenda: "An interest is a pre-condition
of an action and is to be understood in this way, that without the
intervention of judicial organs, the plaintiff would suffer some
unjust prejudice." An interest is therefore personal and direct.
It was not necessaryfor the Court to examine the question whe-
ther, in the present cases, the Applicants have such an interest since
they themselves Say that this is not the way in which they under-
stand it. They assert that they have a sufficient legal interest to in-
stitute the present proceedings (Memorial, pp. 62-63) : "a legd in-
terest in seeing to it through judicial process that the sacred trust of
civilization created by the Mandate is not violated". But such a
legally protected interest has not been conferred on them by any
international instrument; such an action is not within the contem-

141en justice. L'élémentdécisif pour l'interprétation de l'article 7,
alinéa 2, se trouve dans la formule mêmede la disposition si âpre-
ment contestée.

L'alinéa 2 de l'article7 dit: (différendqui ne soit pas susceptible
d'êtreréglépar des négociations ». Les demandeurs affirment et
l'Assembléegénérale décide (résolution1565 (XV) du 18 décembre
1960): (Le différendqui oppose l'Éthiopie et le Libériaet d'autres
États Membres à l'Union sud-africaine n'a pas été etne peut pas
êtreréglé par la négociation. )Le défendeurconteste quele différend
ne puisse pas êtreréglépar la négociation. Il y a là un malentendu.
11ne s'agit pas de savoir si des négociations avaient réellement eu

lieu et si elles ont aboutià un point mort.

Quand l'article 7 met une condition: (qui ne soit pas susceptible
d'êtreréglépar la négociation »,il reste dans la ligne traditionnelle
des clauses arbitrales. Il vise un différend qui par sa nature se
prêteà êtreréglépar la négociation, mais dans ce cas particulier
ne pouvait l'être pour une raison ou pour une autre, donc, un
différenddans un sens classique, admis il y a plus de 40 ans par le
droit international commun. Dans l'affaire relative aux Ressortis-

sants des Etats-Unis d'Amériqueau Maroc (Recueil 1952, p. 189),
la Cour a dit: ((Il est nécessaire ...de tenir compte du sens du
terme ((différend ))à l'époqueoù les traités furent conclus. »

Mais par des négociations entre États ne peuvent être réglés
que des différends où les parties disposent librement de leurs droits
et de leurs intérêts.La condition de l'article 7 prouve de manière
décisive que cet article n'envisage que des affaires judiciaires
dans le vrai sens du mot et le seul universellement accepté, d'après

lequel des États qui se croient titulaires des droits et des intérêts
juridiquement protégés et qui n'ont pu régler leur différend par
voie de négociations demandent au juge de les départager.
Dans les affaires soumises à la Cour, les trois Etats ne peuvent
pas réglerpar la négociationentre eux lesproblèmes quifont l'objet
des conclusions des demandeurs parce qu'il ne s'agit pas de leurs
droits et intérêts.
Il suffit de se reporter aux neuf demandes des mémoires qui
constituent le fond de l'affaire pour voir que des problèmes tels

que la qualification de l'Assemblée générale pour exercer les
fonctionsde contrôle, ou ledevoir de présenter des rapports annuels,
ou celui de préparer des habitants à l'autonomie, ne pouvaient
être régléspar la négociation entre le mandataire et un autre
Membre de la Société des Nations. Ils ne sont pas maîtres de ces
problèmes, de ces devoirs et de ces intérêts.Cette condition interdit
l'interprétation de l'article 7 avancéepar les demandeurs; par con-
séquent, il est inutile d'examiner l'impossible situation dans la-
quelle se serait trouvé le Conseil si ces problèmes avaient dû être S.W. AFRICA CASES (DISS. OP. PRESIDENT WINIARSKI) 457

plation of Article 7. They lack the capacity to take legal action.
The decisive element for the interpr.etation of the second paragraph
of Article 7 is to be found in the very form of words used in that
hotly contested provision.
The second paragraph of Article 7 refers to a dispute which
"cannot be settled by negotiation". The Applicants assert, and
the General Assembly has decided (resolution 1565(XV) of 18 De-
cember 1960): "The dispute which has arisen between Ethiopia,
Liberia and other Member States on the one hand, and the Union
of South Africa on the other ...has not and cannot be settled by
negotiation." The Respondent denies that the dispute cannot be
settled by negotiation. There is here a misunderstanding. The
issue is not whether there have really been negotiations and whether
they have reached a deadlock.
When Article 7 lays down the condition "if it cannot be iettled
by negotiation", it is following the example of the traditional
aibitration clause. It refers to a dispute which by its nature lends
itself to settlement by negotiation but which in a particular case

cannot be so settled for one reason or another, that is, a dispute in
the classic sence, recognized by general international law for more
than forty years. In the case concerning Rights of hTationalsof the
United States of rlmerica iltMorocco (I.C.J. Reports 1952, p. 189)
the Court said: "It is necessary to take into account the meaning
of the word 'dispute' at the times when the ..treaties were con-
cluded .''
By negotiations between States, however, it can only be possible
to settle disputes in which the parties can deal freely with their
rights and their interests. The condition laid dswn in Article 7
decisively proves that that Article envisages only legal cases in the
true, the only universally accepted sense of the expression, where
States, believing themselves to possess legally protected rights and
interests, and which have been unable to settle their dispute by
negotiation, ask the Court to decide as between them.
In the cases referred to the Court the three States are unable to
settle by negotiation between themselves the questions which are

the subject-matter of the submissions of the Applicants because they
do not involve their rights and interests.
Itis sufficient to refer to the nine claims in the Memorials which
constitute the merits of the case to see that questions such as the
qualification of the General Assembly to exercise the supervisory
functions, or the duty to render annual reports, or that of preparing
the inhabitants for self-government, could not be settled by ne-
gotiation between the Mandatory and another Member of the League
ofNations. They do not have control over these problems, over these
duties and these interests. This condition forbids the construction
of Article 7 put forward by the Applicants; consequently it is
unnecessary to examine the impossible situation in which the Coun-
cil u70uldhave found itself if these problems had had to be settledby

142458 MF. S.-0.AFRICAIN (OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI)

régléspar les négociations entre États Membres à leur manière
et à leur convenance; ou si un problème réglépar le Conseil d'ac-
cord avec le mandataire pouvait être portédevant la Cour par
n'importe quel Membre de la Société des Nations.
L'arrêt admetcommeun fait indéniable que le contrôlejudiciaire
général à la portée detous les Membres de la Sociétédes Nations a
étédès le début considérécomme une garantie indispensable du
système des Mandats: le Conseil en définitive était impuissant
devant le refus d'un mandataire de se conformer à ses décisions ou
recommandations; impuissante l'Assemblée,qui d'ailleurs n'était
appelée normalement à exercer dans ce domaine qu'une !influence
morale; les avis éventuels dela Cour permanente de Justice inter-
nationale n'étaientpas obligatoire;restait doncl'action individuelle
ou collective des Membres de la Société des Nationspar voie con-
tentieuse, puisque ni le Conseilni la Société des Nationsn'avaient
le droit d'ester en justice.

Cette hypothèse est invraisemblable; elle n'a pu et ne peut être
prouvée. L'article 22, paragraphe 1, du Pacte dispose in fine:
«Le bien-êtreet le développement de ces peuples forment une
mission sacrée dela civilisation, et il convient d'incorporer dans le
présent Pacte des garanties pour I'accomplissement de cette
mission. »Cesgarantiessont énoncéed sans lesparagraphes suivants
de l'article22. Le régimedes Mandats se passait assez bien de la
« garantie» admise maintenant par la Cour et dont le Conseiln'é-
prouvait probablement aucun besoin, comme il n'éprouvait aucun
besoin de l'exécutionforcée, lesdispositionsduPacte et de l'accord
de Mandat ayant été jugées suffisantes par les auteurs de ces
instruments.
Sil'Assembléegénérale et la Républiquesua-aincaine seheurtent
à une très sérieuse difficulpour trouver une solution satisfaisante
dans cette situation incontestablement anormale, la Cour, qui
n'est pas appelée à se prononcer ex aequo etbono,malgrétout son
désirde contribuer au règlement du conflit ne peut le faire sans
se trouver en désaccord avecles dispositions de droit qui régissent
la matière. Et la compétence dela Cour doit êtrebien établie dans
l'intérêdt e la communautéinternationale.

[Signé) B. WINIARSKI. S.W. AFRICA C4SES (DISS. OP. PRESIDENT WINIARSKI) 4j8

negotiations between States Members in their own way and to suit
their own convenience; or if a problem which had been settled by
the Council in agreement with the Mandatory could be brought be-
fore the Court by no matter what Member of the League of Nations.
The Judgment recognizes as an undeniable fact that a general
judicial supervision, available to al1the Members of the League of
Nations, was from the beginning regarded as an essential security
in the Mandates System: the Councilinthe last resort was powerlesc

in the face of the refusa1of a Mandatory to complywith its decisions
and recommendations; the Assembly, which in.any event was nor-
mally called upon to exercise no more than a moral influence in this
domain being likewise impotent; any opinion filhichthe Permanent
Court of International Justice might give vas not binding; there
remainedtherefore individual or collective action by Members of the
League of Nations by means of contentious proceedings, since neither
the Council nor the League of Nations was entitled to appear as a
party before the Court.
This hypothesis is quite improbable; it is not and cannot be

supported by any evidence.Article 22,paragraph 1,of the Covenant
provided infine "that the well-being and development ofsuch peoples
form a sacred trust of civilization and that securities for the per-
formance of thistrust should be embodied in this Covenant". These
securities are set out in the following paragraphs of Article 22.
The Mandates System was perfectly well able to do withvut that
"secunty" now recognized by the Court and for which the Council
probably felt no need, just as it felt no need for any enforcement
action, the provisions of the Covenant and of the Mandate Agree-
ment being considered sufficient by the authors of those instruments.

If the General Assembly and the Republic of South Africa en-
counter very serious difficulties in finding a satisfactory solution to
what is unquestionably an abnormal situation, the Court, which is
not called upon to decide ex aeqztoet b~rto,notwithstanding its desire
to contribute to a settlement of the conflict, cannot do so without
infringing the legal provisionsgoverning the matter, and the Court's
jurisdiction must be clearly established in the interest of the
international community.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Winiarski, Président

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