Opinion dissidente de M. Beb a Don

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048-19631202-JUD-01-10-EN
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185 ARRÊT 2 XII 63 (OP. DISS. M. BEB A DON)

1Article 3. - L'Autorité chargée de l'administration s'engage à
administrer le Territoire de manière à réaliser les fins essentielles
du Régime international de tutelle énoncéesà l'article 76 de la
Charte des Nations Unies. L'Autorité chargée de l'administration
s'engage, en outre, à collaborer pleinement avec l'Assemblée générale
des Xations Unies et le Conseil de tutelle dans l'accomplissement
de toutes les fonctions définiesà l'articl87 de la Charte des Nations
Unies et à faciliter les visites périodiques au Territoire qu'ils
jugeraient nécessaires, à des dates déterminées de concert avec
1'A4utoritéchargée de l'administration. »

((Article5. - Pour la réalisation des buts précitéset à toutes les
fins nécessaires du présent Accord, l'Autorité chargée de l'ad-
ministration :

a) Aura pleins pouvoirs de législation, d'administration et de
juridiction sur le Territoire et l'administrera conformément
à sa propre législation, comme partie intégrante de son
territoire, avec les modifications que pourraient exiger les
conditions locales et sous réserve des dispositions de la Charte
des Nations Unies et du présent Accord;
b) Sera autorisée à faire entrer le Territoire dans une union ou
fédération douanière,fiscale ou administrative constituéeavec
les territoiresadjacents placés sous sa souveraineté ou sa

régie et à établir des services administratifs communs à ces
territoires et au Territoire quand ces mesures seront compati-
bles avec les fins essentielles du Régime international de
tutelle et avec les clauses du présent Accord;
c) Et sera autorisée à établir des bases navales, militaires et
aériennes,à construire des fortifications, à poster et à employer
ses propres forces dans le Territoire et à prendre toutes autres
mesures qui, à son avis, seraient nécessairespour la défensedu
Territoire et pour assurer qu'il apporte sa contribution au

maintien de la paix et de la sécuritéinternationales. A cette
fin, l'Autorité chargée de l'administration pourra utiliser des
contingents de volontaires, les facilités et l'aide du Territoire
pour remplir les obligations qu'elle a contractées à cet égard
envers le Conseil de sécurité, ainsique pour assurer la défense
locale et le maintien de l'ordre à l'intérieur du Territoire.))

((Article 6.- L'Autorité chargée de l'administration favorisera
le développement d'institutions politiques libres convenant au
Territoire. A cette fin, elle assurera à ses habitants une part pro-
gressivement croissante dans les services administratifs et autres
du Territoire; elle élargira leur représentation dans les corps consul-
tatifs et législatifs et leur participation au gouvernement du Terri-
toire, aussi bien central que local, compte tenu des conditions
particulières au Territoire et à ses populations; et prendra toutes
autres mesures appropriées en vue d'assurer l'évolution politique
des habitants du Territoire conformément à l'Article 76 b) de la

Charte des Nations Unies. Lors de l'étude desmesures à prendre en
vertu de cet Article, l'Autorité chargée de l'administration tiendra
particulièrement compte, dans l'intérêt deshabitants, des dis-
positions de l'Article 5 a) du présent Accord. )) ((Article 7.- L'Autorité chargée del'administration s'engage à
appliquer au Territoire les stipulations des conventions internatio-
nales et des recommandations existant actuellement ou qui seront
arrêtéespar les Nations Unies ou par les institutions spécialisées
dont il est question à l'Article 57 de la Charte, qui pourraient
convenir aux conditions particulières du Territoire et qui contri-
bueraient àla réalisation desfinsessentiellesdu Régimeinternational
de tutelle))

L'article 19 de cet accord chargeait spécialement la Cour inter-
nationale de Justice de la protection judiciaire du système de
tutelle.

Par requête du 30 mai 1961, la République du Cameroun a intro-
duit devant la Cour une instance contre le Royaume-Uni, relative à
l'interprétation et àl'application de l'accord de tutelle du 13 décem-

bre 1946 concernant le Cameroun sous administrationbritannique.
La requête faisait également état de la non-application de la
résolution 1473 adoptée le 12 décembre 1959 par l'Assemblée
généraledes Nations Unies au sujet de l'avenir de la partie septen-
trionale du Cameroun sous tutelle britannique.

Les points de ce document visés par la requête sont les para-
graphes 4, 6 et 7 où l'Assemblée générale:

((Paragraphe 4. - Recommande que le plébiscite ait lieu au
suffrage universel des adultes, toutes les personnes âgéesde plus de
vingt et un ans et résidanthabituellement au Cameroun septentrional
pouvant participer au plébiscite; 1)

((Paragraphe 6. - Recommande que les mesures voulues soient
prises sans retard en vue d'une plus ample décentralisation des
pouvoirs administratifs et de la démocratisation effective du
système d'administration locale dans la partie septentrionale du
territoire sous tutelle;
Paragraphe 7. - Recommande que l'Autorité administrante
prenne sanstarder des mesures pour effectuer la séparation adminis-
trative du Cameroun septentrional et de la Nigéria, et que cette
séparation soit achevéele I~~octobre 1960. »

Sansdoute à la date du dépôt de la requête de la République du
Cameroun, la résolution 1608 (XV) adoptée le 21 avril 1961 par
l'Assemblée générale(voir l'arrêt, pp. 23 et 24) existait déjà, mais
elle ne devait entrer en vigueur qu'à compter du ler juin 1961
en ce qui concerne le Cameroun septentrional.

Il ressort de ce fait que, au moment du dépôt de la requête au
Greffe de la Cour par l'agent de la République du Cameroun,
l'accord de tutelle du 13 décembre 1946 était en vigueur et, par
conséquent, le régime de tutelle que cet accord régissait. Selon les termes de l'article19 de cet accord, qui fixait le droit applicable
à la requête, celle-ci a été introduite dans les délais normaux et la
Cour valablement saisie, conformément aux dispositions des
articlesqo du Statut et 32 du Règlement de la Cour.

L'accord et le régime de tutelle ont pris fin le lerjuin 1961, en
vertu de la résolution 1608 (XT7). Il est certain qu'une requête
déposéeau Greffe de la C.ouraprèscette date ne saisirait pas valable-
ment celle-ci: en effet, l'article9 de l'accord de tutelle qui consti-
tuait la base de la compétence de la Cour ayant disparu et son
application n'étant plus, de ce fait, possible, une telle requête
manquerait de toute base juridique et serait irrecevable.

Dans la présente affaire, la situation est différente. Ici,l'expiration
de l'accord de tutelle n'est intervenue qu'après la saisine régulière
de la Cour.
Aucun fait postérieur à cette saisine, en particulier la circonstance
que l'accord de tutelle a pris fin au cours de la procédure, ne saurait

êtrede nature à remettre en cause une compétence aussi régulière-
ment établie.
Dans l'affaire Notfebolzm (arrêt du 18 novembre 1953), la Cour
internationale de Justice a eu à trancher un problème semblable à
celui qui est examiné ici.
En effet, le17 décembre 1951, le Gouvernement de la principauté
de Liechtenstein avait déposéune requête introduisant devant la
Cour une instance contre la République du Guatemala, au sujet du
conlportement des autorités guatémaltèques àl'égard de M. Notte-
bohm considérépar le demandeur comme citoyen de Liechtenstein.
Le Gouvernement du Guatemala souleva l'exception préliminaire
contre la compétence de la Cour, pour le motif que la déclaration
faite le27 janvier 1947 p,ar laquelle le Gouvernement guatémaltè-

que reconnaissait comme obligatoire de plein droit et sans conven-
tion spéciale la compétence de la Cour, avait expiré le 26 janvier
1a.72 l,et que de ce fait la Cour n'avait plus aucune compétence
pour connaître des affaires affectant le Guatemala.
L'affaire se présentait de la manière suivante:
Au moment du dépôt de la requête par le Liechtenstein, la
déclaration guatémaltèque était en vigueur. RTais, quelques se-
maines plus tard, cette déclaration devenait caduque.
La Cour a donc eu à rechercher et à décider

((si la caducité, survenue le26 janvier 1952, de la déclaration
portant acceptation pour le Guatemala de la juridiction obligatoire
de la Cour a eu pour effet de retirerà la Cour compétence pour
connaître de la demande faisant l'objet de la requête dont elle
a étésaisie, le 17décembre1951,par le Gouvernement de Liechten-
stein».
l Cette déclaration avait étéfaite pour une période de cinq ans et ne prévoyait
pas son renouvellemepar tacitreconduction.
176 Le raisonnement tenu par la Cour à ce sujet est particulièrement
intéressant pour la présente affaire, et c'est pourquoi il me paraît

nécessaire d'en reproduire ici les passages essentiels:

aLa requête a étédéposéeau Greffe de la Cour le 17 décembre
1951. Au moment de ce dépôt, les déclarations d'acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour émanant du Guatemala et du
Liechtenstein étaient, l'une et l'autre, en vigueur. L'article 36 du
Statut et les déclarations fixaient le droit applicable à ladite requête.
Selon ces déclarations, la requêteétait déposée entemps utile pour
effectuer valablement la saisine de la Cour par application des
articles 36 et 40 du Statut et 32 du Règlement. » (C. I. J. Recueil
des arrêts1953, p. 120.)

IILa saisine de la Cour est une chose, l'administration de la justice
en est ilne autre ... Une fois la Cour régulièrement saisie, la Cour doit
exercer ses pouvoirs tels qu'ils sont définis par le Statut. Après
cela,l'échéancedu terme fixépour l'une des déclarations sur lesquel-
les se fonde la requête est un événementsans rapport avec l'exer-
cice des pouvoirs que le Statut confère à la Cour et que celle-ci
doit exercer lorsqu'elle a étérégulièrement saisie...))

11La caducité ultérieure de la déclaration du Guatemala par
l'échéancedu terme pour lequel elle a étésouscrite ne saurait
invalider la requêtesi celle-ci était régulièr».(C. I. J.Recueil 1953,
pp. 122-123.)

(1Un fait extérieur tel que la caducité ultérieure de la déclaration
par échéancedu terme ou par dénonciation ne saurait retirer à la
Cour une compétence déjà établie. » (C. I. J.Recueil 1953, p. 123.)

De ce raisonnement, la C,our a tiré la conclusion que

1l'expiration, survenue le 26 janvier 1952, du délai decinq ans pour
lequel le Gouvernement du Guatemala avait souscrit une déclaration
acceptant la juridiction obligatoire de la Cour conformément à
l'article 36, paragraphe 2, du Statut, n'affecte pas la compétence
qui peut appartenir à la Cour pour connaître de la demande faisant
l'objet de la requêtedont elle a étésaisie le 17 décembre 1951 par
le Gouvernement de Liechtenstein; » (C.1.J. Recueil I953, p. 124.)

A la suite de cet arrêt, rendu à l'unanimité, le juge Klaestad

déclara qu'il avait voté en faveur du rejet de l'exception prélimi-
naire du Guatemala pour le motif que la compétence de la Cour

' La déclaration du Liechtenstein esdu IO mars 1950. Elle a étéfaite pour
une période indéterminée. Mais elle peut êtreogée2 par le signataire moyennant
un préavis d'unan.existait au moment où la reauête du Liechtenstein fut déuosée.II
ajouta que l'expiration, quelque temps après le dépôt de cette
requête, de la déclaration par laquelle le Guatemala avait accepté
la compétence de la Cour, ne saurait avoir d'effet sur la conlpétence

de la Cour pour connaitre du différendsur le fond, cette compétence
ayant étédéfinitivement établie par le dépôtde la requête.

I,a décisionde la Cour en cette affaire est en parfaite conformité
avec la notionincontestée du droit procédural qui exige que le droit
à l'action et la juridiction soient établis à la date de la requête.

En raison de l'identité des circonstances de la saisine de la Cour
qui existe entre les deux affaires, je pense que la solution qui a
légitimement prévalu dans l'affaire Nottebohmest également valable
pour la présente.
C'est pourquoi on comprend mal que la Cour puisse prendre en
considération les événements survenus après la date du I~~ juin

1961 pour estimer que
((les circonstances qui se sont produites depuis le rer juin 1961
rendent toute décisionjudiciaire sans objet.

Sans doute la Cour n'est pas et ne peut pas être contrainte
d'exercer dans tous les cas sa compétence. Mais la Cour, qui cons-
titue un ultime recours pour le règlement des différends inter-

nationaux, ne peut renoncer à cet exercice que lorsqu'il s'avère
d'une façon indiscutable qu'un tel exercice, s'il avait lieu, altérerait
le caractère judiciaire de la Cour. Or, dans la présente affaire, rien
n'est denature à empêcherla Cour d'exercer sa compétence.

Les circonstances qui sont survenues depuis le ~e* juin 1961 ne
sont pas, à mon avis, de nature à empêcherla Cour de connaître au
fond de la requête de la République fédéraledu Cameroun. Un
examen rapide de ces circonstances permettra, je l'espère, ,de dé-
montrer que l'arrêt que le Cameroun demande à la Cour de rendre
n'est pas en dehors de sa fonction judiciaire.
Que la résolution 1608 (XV) du 21 avril 1961 ait eu un effet
juridique définitif n'est pas contesté. En vertu de cette résolution,
l'accord de tutelle a pris définitivement fin; leRoyaume-mi n'est
plus l'autorité administrante du Cameroun septentrional; celui-ci

a étéuni à la Féderation de la Nigéria; le droit de saisir la Cour sur
la base de l'article9 de l'accord de tutelle a disparu. Mais ceci dit,
il convient d'envisager d'une part le domaine propre de la résolution
1608 et, de l'autre, l'objet de la requêtedu Cameroun. La résolution du 21 avril 1961a réglé deux problèmes. En premier
lieu, elle a entérinéle résultat du plébiscite; en deuxième lieu, elle
a mis fin à l'accord de tutelle. Dans l'un comme dans l'autre cas il
s'agit de décision prisess dans le domaine politique. Les débats qui
ont eu lieu à l'Assembléegénéralen'ont porté que sur la fin de la
tutelle.A aucun moment, on n'a envisagé l'examen de l'interpré-
tation ou de l'application de l'accord de tutelle. Bien au contraire,

ainsi qu'il ressort de la lecture du compte rendu de ces débats, de
nombreux déléguép sarmi ceux qui étaient favorables à la résolution
ont déclaré qu'ilsne voulaient pas s'occuper du point de savoir si
l'accord de tutelle avait étécorrectement interprétéet appliqué par
le Royaume-Uni, mais qu'ils intervenaient uniquement sur la
question de la fin de tutelle. Du reste, ladite résolution ne contient
aucune disposition concernant la manière dont le Royaume-Uni a
interprété et appliqué l'accord de tutelle.
Il est évident que cette résolution, malgré son objet et la nature
de l'Organe qui l'a adoptée, a eu un effet juridique. Mais il me
paraît difficiled'affirmer que par cet effet juridique, elle a mis fin au
différendqui oppose la République du Cameroun au Royaume-Uni.

La République du Cameroun demande à la Cour de

((Dire et juger que le Royaume-Uni, dans l'interprétation et
nistration britannique, n'a pas respecté certaines obligations qui
découlentdirectement ouindirectement dudit Accord,et notamment
de ses articles,5, 6 et 7))

D'après ces conclusions, le Cameroun a entendu saisir la Cour
d'un différend juridique. L'existence de ce différend n'est pas con-
testée par la Cour. Ce qui est demandé à la Cour, c'est d'appré-

cier, du point de vue judiciaire (et non politique), la manière
dont le Royaume-Uni a administré le Cameroun sous tutelle bri-
tannique. Statuer sur une telle demande relève bien de la fonction
de la Cour.
Celle-ci ne doit pas refuser de connaître au fond de la requête
pour le motif que sa décisionrisquerait d'aboutir à des conclusions
contraires aux dispositions de la résolution 1608 (XV). Cette ré-
solution, ainsi qu'il a déjà étédit, a régléun problème tout à fait
différent de celui qui est présentement devant la Cour. Elle n'a
pas et ne pouvait pas trancher un différendportant sur l'interpré-
tation et l'application de l'accord de tutelle.
La Cour a, dans le passé, plus d'une fois souligné que son rôle
et celui des autres organes des Nations Unies étaient d'ordre diffé-

rent. Il suffira de citer à ce sujet lJexem,-le de l'affaire des Ecoles minoritaires en Haztte-Silésie. Dans cette affaire, l'agent polonais
soutenait que le différend soumis à la Cour par le Gouvernement
allemand avait déjà étéréglépar le Conseil de la Sociétédes Na-

tions, en vertu de la Convention de Genève, et qu'il ne fallait pas
entamer devant la Cour une autre procédure pour la même af-
faire.Il affirmait:

((J'ai donc le droit de considérer que l'affaire a étérégléepar
le Conseil de la Sociétédes Nations qui est souverain dans l'appli-
cation des mesures à prendre et qu'il serait dangereux de vouloir
établir une autre procédure qui pourrait porter atteinte à celle
qui s'est déjàdéroulée. )(Citépar le conseil du Cameroun.)
La Cour permanente de Justice internationale n'a pas accepté

ce raisonnement de l'agent polonais. Elle a déclaré:
«Les rapports découlant de la coexistence de ses pouvoirs [ceux
du Conseil de la Sociétédes Nations] et de la juridiction attribuée
à la Cour par l'article 72, no3, n'ont pas étédéfinisdans la Con-
vention. Mais, en l'absence de tout règlement spécial à ce sujet,
la Cour estime devoir rappeler son observation antérieure, savoir
que les deux juridictions sont d'ordre différent. En tout cas il
ressort clairement des discussions qui ont eu lieu devant le Conseil
que celui-ci n'a pas voulu trancher la question de droit soulevée
par le délégué allemand et dont la solution est demandée par la
requête quiest àla base de la présente procédure. »

Auparavant, la Cour avait affirmé qu'ccil n'y a aucun différend
que les Etats admis à ester en justice ne puissent lui soumettre ».
Invoquant l'article 36, paragraphe I~~, de son Statut selon le-

quel
((La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les
parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les casspécialementprévus...
dans les traités et conventions en vigueur»,

la Cour a préciséque le principe contenu dans ce texte ne pouvait

être tenu en échec que dans les cas exceptionnels où le différend
que les Etats voudraient lui soumettre rentreraient dans la com-
pétence exclusive, réservée à un autre organe.
A la suite de ce raisonnement la Cour s'est déclaréecompétente
pour examiner au fond la requête allemande. Elle n'a donc pas
admis les arguments avancés par I'agent polonais. Pourtant il
s'agissait bien d'un litige pour lequel la dualité de compétence
existait entre le Conseil et la Cour et où on pouvait craindre que
la décision de la Cour soit en contradiction avec celle du Conseil.
Dans la présente espèce, une telle situation n'existe pas. La
Cour n'est pas appelée à décider, comme l'Assemblée générale,

de la fin de l'accord de tutelle. La résolution 1608 (XV) a réglé
un problème politique. La Cour, organe judiciaire, est invitée à
180régler, avec autorité de chose jugée, la question d'interprétation
et d'application de l'accord de tutelle dont elle a étésaisie.

La requête de la République fédéraledu Cameroun invoquait,
pour fonder la compétence de la Cour, l'article 19 de l'accord de
tutelle, aux termes duquel :

adrticle19. - Tout différend,quel qu'il soit, qui viendrait à
s'éleverentre l'Autorité chargée de l'administration et un autre
Membre des Nations Unies relativement à l'interprétation ou à
l'application des dispositions du présent Accord,sera, s'il ne peut
êtreréglépar négociationsou un autre moyen, soumis à la Cour
internationale de Justice, prévue auChapitre XIV de la Charte des
Nations Unies.))

Cet article ne prévoit pas de dualité de compétence entre la
Cour et l'Assembléegénérale ouun autre organe des Nations Vnies,
en ce qui concerne les conflits nésde l'interprétation ou de l'appli-
cation de l'accord de tutelle. De nombreuses voies de recours
avaient étéprévues pour la protection du régime de tutelle: mis-
sions de visite, pétitions (individuelles ou collectives), rapports
annuels et discussions au Conseil de tutelle, réponses aux question-
naires, débats de l'Assemblée générale et, enfin, le recours à la

Cour sur la base de l'article 19. Si les auteurs de l'accord avaient
voulu ajouter à cette liste une autre voie de recours, en confiant à
l'Assemblée générale, en mêmetemps qu'à la Cour, la connais-
sance des différends de l'article19, ils l'auraient fait d'une façon
nette et claire. Or, ils ne l'ont pas fait; dès lors, on est bien obligé
d'admettre que les différends visés à cet article relèvent de la seule
compétence de la Cour.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, ainsi qu'il a étésou-
ligné, au cours des débatsdevant l'Assembléegénéraleau sujet de
la résolution 1608 (XV) un grand nombre de déléguésp , armi ceux
qui étaient favorables à cette résolution, ont nettement précisé

que la seule question qui était en discussion devant l'Assemblée
généraleétait la question de la levéede la tutelle et qu'il n'entrait
pas dans l'intention de 1'Assembléèd'aborder le problème juridi-
que de savoir si le Royaume-Uni a administré le Cameroun sep-
tentrional conformément aux dispositions de l'accord de tutelle.
L'Assemblée a sans doute estimé par là que cette question était
en dehors de son domaine de contrôle et de surveillance adminis-
tratifs, et qu'elle ne pouvait êtretranchée que par la Cour, chargée
de la protection judiciaire.
Il en résulte que le jugement que le Cameroun demande à la
Cour de rendre dans un domaine ainsi réservé à sa seule juridic-

181193 XRRÊT 2 XII 63 (or. DISS. nf. BEB A DON)

tion ne saurait être considéré comme pouvant aller à l'encontre
des coriclusions auxquelles l'Assemblée générale a abouti dans
sa résolution 1608 (XV).
Dans les écritures comme au cours des débats oraux, la distinc-
tion entre le rôle de l'Assemblée généraleet celui de la Cour a été
longuement développée par le conseil du demandeur. Il a étédit,
notamment, que

La distinction entre le politique et le judiciaire est unennke
rnajeure de la vie internationale))

La Cour a reconnu depuis longtemps cette vérité et dans la

présente espèce, elle devrait en tirer les conséquences logiques qui
s'imposent. Affirmer d'un côté que « Le rôle de la Cour n'est pas
celui de l'Assemblée générale 1et déclarer, de l'autre, que cles dé-
cisions de l'Assembléegénéralene sauraient être infirmées par l'ar-
rêtde la Cour »,alors qu'il ne s'agit dans les deux cas, ni du même
domaine de compétence, ni de mêmes questions, est difficileà
comprendre.
En saisissant la Cour, la République fédéraledu Cameroun a,

sans doute, exercéun droit qui lui appartenait en sa qualité d'Etat
Membre des Nations Cnies, mais elle avait aussi un autre intérêt
à le faire: l'intérêtétatique qui lui est personnel et que ne pos-
sède aucun autre Membre des Nations Unies. Ainsi le Cameroun,
plus que tout autre Membre des Nations Lnies, était en droit de
critiquer la manière dont la tutelle sur le Cameroun septentrional
fonctionnait. Ce double intérêtn'a pas pu disparaître avec la fin
de l'accord de tutelle intervenue alors que le mécanisme de pro-

tection judiciaire était déjà déclenché. Cet intérêtsubsiste sans
qu'il soit besoin d'une demande en réparation de la part du de-
mandeur.
A toutes les phases de la procédure, le Cameroun a déclaré
qu'il ((entend seulement demander à la Cour de dire le droit sans
plus )).
C'est donc un jugement déclaratoire que le demandeur cherche
à obtenir de la Cour. Un tel jugement, dans le sens admis par la

Cour elle-même, est

((Destiné à faire connaître une situation une fois pour tontes et
a\.ec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation
juridique ainsi fixée nepuisse plus êtreremise en discussion.))

La décision demandée à la Cour dans la présente instance cor-
respond parfaitement à cette définition. En effet, le Royaume-Uni,
par l'accord de tutelle, a contracté certains engagements; il s'est
engagé à administrer, conformément aux termes dudit accord, le
Cameroun sous tutelle britannique. La République fédérale du
Camerounsoutient que, en ce qui concerne le Cameroun septentrio-

nal, par son comportement le Royaume-Vni, au cours de l'exercice
182 de la tutelle, n'a pas respecté les prescriptions de l'accord de 1946,
ce que le défendeur conteste. Il y a donc un différend d'ordre juri-

dique portant sur l'interprétation et l'application de l'accord en
cause. Le Cameroun a porté ce différend devant la Cour. Quelle
que soit l'importance des événements survenus après la saisine
de la Cour, il demeure qu'entre les Parties il subsiste un conflit
juridique, une incertitude que la Cour doit trancher. La nature
de la contestation n'exige pas qu'un préjudice matériel soit subi.
La simple opposition de points de vues concernant l'interprétation
d'une convention suffit. Le jugement dans un pareil cas ne peut
êtreque déclaratoire et les exemples de tels jugements ne manquent

pas dans la jurisprudence de la Cour permanente de Justice inter-
nationale comme dans celle de la présente Cour.
Dans l'affaire de la Haute-Silésie bolonaise (arrêt no I/' la Cour
permanente, à propos de jugement déclaratoire, s'est exprimée
de la manière suivante:

((Desstipulations nombreuses prévoient la juridiction obligatoire
de la Cour pour les questions d'interprétation et d'application d'un
traité et ces clauses, parmi lesquelles se trouve l'article 23 de la
Convention de Genève, semblent viser aussi des interprétations
ifidépendantesd'apfilications concrètesl.Il ne manque d'ailleurs pas
de clauses qui parlent uniquement de l'interprétation d'un traité;
c'est le cas, par exemple, de la lettre a) de l'alin-2) de l'article 36
du Statut de la Cour. On ne voit pas pourquoi lesEtats ne pourraient
pas demander à la Cour de donner une interprétation abstvaite
d'une convention. Il semble plutôt que c'est une des fonctions les
plus importantes qu'elle peut remplir. »(Arrêtno 7, pp. 18-19.)

Plus loin, la Cour ajoute:

((Il y a lieu, par contre, de rappeler que la possibilitéde jugements
ayant effet purement déclaratoire est prévue, à part l'article 36
déjà mentionné, à l'article 63 du Statut.» (Mêmearrêt,p. 19.)

Dans cette affaire la Cour, se référant aux dispositions de son
Statut -les mêmesarticles 36 et 63 qui existent toujours -, a

rendu un jugement déclaratoire, sans exiger la condition de l'ef-
fectivité d'application.
Un autre exemple de jugement purement déclaratoire est cons-
titué par l'affaire de l'Interprétation du Statut du territoire de
Memel (C. P. J.I., arrêt no 47).
Ici les États demandeurs (Royaume-Uni, France, Italie et Japon)
demandaient à la Cour permanente de dire:

I.Si le gouverneur du territoire de Memela le droit de révoquer
le président du Directoire;

l C'est nous qui soulignons.

183 2. dans le casdel'affirmative, si cedroit n'existe que souscertaines
conditions ou dans certaines circonstances, et quelles sont cescondi-
tions ou circonstances;

3. dans le cas où le droit de révoquer le président du Directoire
serait reconnu, si la révocation de celui-ci entraîne la cessation des
fonctions des autres membres du Directoire;
4. dans le cas où le droit de révoquerle président du Directoire
n'existerait que sous certaines conditions ou dans certaines circons-
tances, si la révocation de M. Bottcher effectuéele 6 février 1932,
est régulièredans les circonstances où elle s'est produite;
5. si, dans les circonstances où elle s'est produite, la constitution
du Directoire présidépar M. Simaïtis est régulière;

6. si la dissolution de la Chambre des Représentants qui a été
effectuéele 22 mars 1932 par le gouverneur du Territoire de Memel,
alors que le Directoire présidépar M. Simaïtis n'avait pas obtenu
la confiance de la Chambre des Représentants, est régulière. ))

En dépit de la forme interrogative des questions posées, la Cour
n'en a pas moins, à une forte majorité, statué au fond sur les six
questions sans, ici non plus, exiger que son arrêt soit susceptible
d'application pratique.
Un troisième exemple de jugement déclaratoire est à citer:

c'est celui de l'affaire du Détroit de Corfou, tranchée par la présente
Cour.
Le point qui intéresse la présente espèce est celui de la violation
par le Royaume-Uni de la souveraineté albanaise. Au cours des
plaidoiries concernant ce différend, le conseil du Gouvernement
albanais a déclaréformellement que l'Albanie ne demandait pas
de réparation matérielle, «ne demandait pas une somme d'ar-
gent B.
Et il a conclu:

«Ceque nous voulons, c'est lasanction de la Cour du point de vue
du droit...)(C. I. J.Reczteil1949, p. 26.)

Cette demande n'a pas été rejetée par la Cour comme étant
théorique. Au contraire, à l'unanimité, elle a
«dit que, par les actions de sa marine de guerre dans les eaux
albanaises au cours de l'opération des 12 et 13 novembre 1946,
le Royaume-Uni a violéla souveraineté de la République populaire
d'Albanie, cette constatation par la Cour constituant en elle-même
une satisfaction appropriée 1)(C.I. J. Recueil 1949, p. 36.)

Les trois exemples de jugement déclaratoire donnés ci-dessus
ont ceci de commun que dans chaque cas:

- la Cour se borne à énoncer la vérité juridique, à constater
un manquement au droit ;
- il n'y a pas de demande en réparation matérielle;

- il n'y a pas d'application pratique.
184 Il ne faudrait cependant pas en conclure que le jugement dé-
claratoire n'a pas d'effet pratique. D'abord il met définitivement
fin au différend avec force de chose jugée; il est obligatoire pour
les parties, qui ne peuvent plus soulever la mêmequestion devant
la Cour; un jugement déclaratoire, une simple déclaration de droit

peut constituer en elle-mêmeune satisfaction appropriée (affaire
du Détroitde Corfozt);enfin il peut servir de base à une négociation
diplomatique.
C'est bien un arrêt doué des effets énumérésci-dessus que le
Cameroun demande à la Cour de rendre et la condition d'applica-
tion effective et pratique que la Cour impose en l'espècen'est pas
justifiée.
La Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies, a reçu
de l'article 38 de son Statut la mission de régler conformément
au droit international les différends qui lui sont soumis D. Elle
doit agir de manière à éviter d'introduire dans sa jurisprudence
des élémentsde contradiction. L'harmonie et la constance de la
jurisprudence de la Cour sont les bases fondamentales de l'autorité
de ses arrêts. La Cour doit éviter de laisser croire, à propos de

l'arrêten cette affaire, à un cas de dénide justice.

Pour les raisons développées ci-dessus,je conclus que la requête
de la République du Cameroun est recevable et que la Cour est
compétente pour l'examiner au fond.

(SiggréP)hilémon L. B. BEB A DON.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE BEB A DON
[Translation]

As 1 cannot subscribe to the Judgment of the Court in this case,
1 wish to avail myself of the right conferred by Article 57 of the
Statute of the Court to set out here the reasons for my dissent.
In the following statement, 1 shall not examine al1the objections
raised by the United Kingdom. 1 shall merely endeavour to show
that the grounds adopted by the Court for saying that "it cannot
adjudicate upon the merits of the claim of the Federal Republic
of Cameroon" are not conclusive. It seems clear to me, however,
that my reasoning will be better understood if certain events are
briefly recalled at the outset.
Before the First World War the Northern Cameroons in issue in
this case were part of the territory of Kamerun under German
protectorate.
After the war, Germany having renounced her rights and titles
over her "oversea possessions" under the Treaty of Versailles,
Kamerun was divided into two mandated territories,one being
entrusted to France and the other to Great Rritain.

The aim of the Mandates System was to ensure the well-being
and development of the peoples of the territories concerned and
securities for the protection of their rights were embodied in the
system. It was thus conceived primarily in the interests of these
peoples and for that reason it was stated that a "sacred trust of
civilization" was laid on the hlandatories.
As was rightly emphasized by the Court inthe South West Alrica
cases (I.C.J. Reports 1962, p. 329) :

"The rights of the Mandatory in relation to the mandated ter-
ritory and the inhabitants have their foundation in the obligations
of the Mandatory and they are, so to speak, mere tools given to
enable it to fulfil its obligations."

In 1946, the United Nations having replaced the League of
Nations, the Mandates System was transformed into the Trustee-
ship System and the two parts of the Cameroons were placed under
this new system, but under the administration of the same Powers.
Under the TrusteeshipSystem the safeguards for the rights of the
peoples of the trust territories were substantially increased and
supervision by international bodies was strengthened and its
organization improved.
Thus in the Trusteeship Agreement for the Territory of the Cam-
eroons under British Administration, approved by the General
13 December 1946,the following
Assembly of the United Nations on
provisioiis are to be found:
175185 ARRÊT 2 XII 63 (OP. DISS. M. BEB A DON)

1Article 3. - L'Autorité chargée de l'administration s'engage à
administrer le Territoire de manière à réaliser les fins essentielles
du Régime international de tutelle énoncéesà l'article 76 de la
Charte des Nations Unies. L'Autorité chargée de l'administration
s'engage, en outre, à collaborer pleinement avec l'Assemblée générale
des Xations Unies et le Conseil de tutelle dans l'accomplissement
de toutes les fonctions définiesà l'articl87 de la Charte des Nations
Unies et à faciliter les visites périodiques au Territoire qu'ils
jugeraient nécessaires, à des dates déterminées de concert avec
1'A4utoritéchargée de l'administration. »

((Article5. - Pour la réalisation des buts précitéset à toutes les
fins nécessaires du présent Accord, l'Autorité chargée de l'ad-
ministration :

a) Aura pleins pouvoirs de législation, d'administration et de
juridiction sur le Territoire et l'administrera conformément
à sa propre législation, comme partie intégrante de son
territoire, avec les modifications que pourraient exiger les
conditions locales et sous réserve des dispositions de la Charte
des Nations Unies et du présent Accord;
b) Sera autorisée à faire entrer le Territoire dans une union ou
fédération douanière,fiscale ou administrative constituéeavec
les territoiresadjacents placés sous sa souveraineté ou sa

régie et à établir des services administratifs communs à ces
territoires et au Territoire quand ces mesures seront compati-
bles avec les fins essentielles du Régime international de
tutelle et avec les clauses du présent Accord;
c) Et sera autorisée à établir des bases navales, militaires et
aériennes,à construire des fortifications, à poster et à employer
ses propres forces dans le Territoire et à prendre toutes autres
mesures qui, à son avis, seraient nécessairespour la défensedu
Territoire et pour assurer qu'il apporte sa contribution au

maintien de la paix et de la sécuritéinternationales. A cette
fin, l'Autorité chargée de l'administration pourra utiliser des
contingents de volontaires, les facilités et l'aide du Territoire
pour remplir les obligations qu'elle a contractées à cet égard
envers le Conseil de sécurité, ainsique pour assurer la défense
locale et le maintien de l'ordre à l'intérieur du Territoire.))

((Article 6.- L'Autorité chargée de l'administration favorisera
le développement d'institutions politiques libres convenant au
Territoire. A cette fin, elle assurera à ses habitants une part pro-
gressivement croissante dans les services administratifs et autres
du Territoire; elle élargira leur représentation dans les corps consul-
tatifs et législatifs et leur participation au gouvernement du Terri-
toire, aussi bien central que local, compte tenu des conditions
particulières au Territoire et à ses populations; et prendra toutes
autres mesures appropriées en vue d'assurer l'évolution politique
des habitants du Territoire conformément à l'Article 76 b) de la

Charte des Nations Unies. Lors de l'étude desmesures à prendre en
vertu de cet Article, l'Autorité chargée de l'administration tiendra
particulièrement compte, dans l'intérêt deshabitants, des dis-
positions de l'Article 5 a) du présent Accord. )) "Article 3.-The Administering Authority undertaltes to adminis-
ter the Temtory in such a manner as to achieve the basic objec-
tives of the International Tmsteeship System laid down in Article
76 of the United Nations Charter. The Administering Authority
further undertakes to collaborate fully with the General Assembly
of the United Nations and the Trusteeship Council in the discharge
of al1their functions as defined in Article 87 of the United Nations
Charter, and to facilitate any periodic visits to the Territory which
they may deem necessary, at times to be agreed upon with the ad-
ministering Authority.

Article 5.-For the above-mentioned purposes and for al1 pur-
poses of this Agreement, as may be necessary, the Administering
Authority :
(a) Shall have full powers of legislation, administration and
jurisdiction in the Territory and shall administer it in accor-

dance with the authority's own laws as an integral part of its
territory witl: such modification as may be required by local
conditions and subject to the provisions of the United Nations
Charter and of this Agreement;
(b) Shall be entitled to constitute the Territory into a customs,
fiscal or administrative union or federation with adjacent terri-
tories under its sovereignty or control, and to establish
common services between such territories andthe Territory
tvhere such measures are not inconsistent with the basic
objectives of the International Trusteeship System and with
the terms of this Agreement;
(c) And shall be entitled to establish naval, military and air

bases, to erect fortifications, to station and employ his ownfor-
ces in the Territory and to take al1such other measures as are in
his opinion necessary for the defence of the Territory and for
ensuring that it plays its part in the maintenance of inter-
national peace and security. To this end the Administering
Authority may make use of volunteer forces, facilities and
assistance from the Territory in carrying out the obligations
towards the Security Council undertaken in this regard by the
.4dministering Authority, as well as for local defence and the
maintenance of law and order within the Territory.

-Article6.-The Administering Authority shall promote the de-
velopment of free political institutions suited to the Territory. To
this end the Administering Authorit y shall assure tothe inhabitants
ofthe Territory a progressively increasing share in the administrative
and other services of theTerritory; shalldevelop the participation of
the inhabitants of the Territory in advisory and legislative bodies
and in the government of the Territory, both central and local,
as may be appropriate to the particular circumstances of the
Territory and its people; and shall take al1 other appropriate
measures with a view to the political advancement of the in-
habitants of the Territory in accordance with Article 76 (b) of the

Vnited Nations Charter. In considering the measures to be taken
under this article the Administering Authority shall, in the interests
of the inhabitants, have special regard to the provisions of Article
j (a) of this Agreement.
174 ((Article 7.- L'Autorité chargée del'administration s'engage à
appliquer au Territoire les stipulations des conventions internatio-
nales et des recommandations existant actuellement ou qui seront
arrêtéespar les Nations Unies ou par les institutions spécialisées
dont il est question à l'Article 57 de la Charte, qui pourraient
convenir aux conditions particulières du Territoire et qui contri-
bueraient àla réalisation desfinsessentiellesdu Régimeinternational
de tutelle))

L'article 19 de cet accord chargeait spécialement la Cour inter-
nationale de Justice de la protection judiciaire du système de
tutelle.

Par requête du 30 mai 1961, la République du Cameroun a intro-
duit devant la Cour une instance contre le Royaume-Uni, relative à
l'interprétation et àl'application de l'accord de tutelle du 13 décem-

bre 1946 concernant le Cameroun sous administrationbritannique.
La requête faisait également état de la non-application de la
résolution 1473 adoptée le 12 décembre 1959 par l'Assemblée
généraledes Nations Unies au sujet de l'avenir de la partie septen-
trionale du Cameroun sous tutelle britannique.

Les points de ce document visés par la requête sont les para-
graphes 4, 6 et 7 où l'Assemblée générale:

((Paragraphe 4. - Recommande que le plébiscite ait lieu au
suffrage universel des adultes, toutes les personnes âgéesde plus de
vingt et un ans et résidanthabituellement au Cameroun septentrional
pouvant participer au plébiscite; 1)

((Paragraphe 6. - Recommande que les mesures voulues soient
prises sans retard en vue d'une plus ample décentralisation des
pouvoirs administratifs et de la démocratisation effective du
système d'administration locale dans la partie septentrionale du
territoire sous tutelle;
Paragraphe 7. - Recommande que l'Autorité administrante
prenne sanstarder des mesures pour effectuer la séparation adminis-
trative du Cameroun septentrional et de la Nigéria, et que cette
séparation soit achevéele I~~octobre 1960. »

Sansdoute à la date du dépôt de la requête de la République du
Cameroun, la résolution 1608 (XV) adoptée le 21 avril 1961 par
l'Assemblée générale(voir l'arrêt, pp. 23 et 24) existait déjà, mais
elle ne devait entrer en vigueur qu'à compter du ler juin 1961
en ce qui concerne le Cameroun septentrional.

Il ressort de ce fait que, au moment du dépôt de la requête au
Greffe de la Cour par l'agent de la République du Cameroun,
l'accord de tutelle du 13 décembre 1946 était en vigueur et, par
conséquent, le régime de tutelle que cet accord régissait. Selon les Article 7.-The Administering Authority undertakes to apply in
the Territory the provisions of any international conventions and
recommendations already existing or hereafter drawn up by the
United Nations or by the specialized agencies referred to in Ar-
ticle 57 of the Charter, which may be appropriate to the particu-
lar circumstances of the Territory and which would conduce to
the achievement of the basic objectives of the International Trus-
teeship System."

Article 19 of this Agreement entrusted the International Court
of Justice specially with the judicial protection of the trusteeship
system.

By an Application of 30 May 1961 the Republic of Cameroon
instituted before the Court proceedings against the United Kingdom
relating to the interpretation and application of the Trusteeship
Agreement of 13 December 1946 for the Cameroons under British
administration. The Application also referred to the failure to
implement resolution 1473 adopted by the United Nations General
Assembly on 12 December 1959 concerning the future of the
northern part of the Cameroons under United Kingdom adminis-
tration.

The provisions of this text referred to in the Application are
paragraphs 4, 6 and 7 in which the General Assembly :
"4. Recomme~zds that the plebiscite be conducted on the basis
of universal adult suffrage, al1 those over the age of twenty-one
and ordinarily resident in the Northern Cameroons being qualified
to vote;"

"6. Recommends that the necessary measures should be taken
without delay for the further decentralization of governmental
functions and the effective democratization of the system of local
government in the northern part of the Trust Territory;

7. Recommends that the Administering Authority should ini-
tiate without delay the separation of the administration of the
Northern Cameroons from that of Nigeria and that this process
should be completed by I October 1960."

Certainly at the date of the filing of the i *,,plication of the
Republic of Cameroon resolution 1608 (XV) acl pted on 21 April
1961by the General Assembly (see Judgment, pp. ,4344) was already
in existence, but it was to enter into force in respect of the Northern
Cameroons only from I June 1961.
It follows from this that when the Appli -ation was filed in the
Registry of the Court by the Agent for the Republic of Cameroon
the Trusteeship Agreement of 13 December 1946 was in force and so

was the trusteeship regime governed by that Agreement. Under
175 termes de l'article19 de cet accord, qui fixait le droit applicable
à la requête, celle-ci a été introduite dans les délais normaux et la
Cour valablement saisie, conformément aux dispositions des
articlesqo du Statut et 32 du Règlement de la Cour.

L'accord et le régime de tutelle ont pris fin le lerjuin 1961, en
vertu de la résolution 1608 (XT7). Il est certain qu'une requête
déposéeau Greffe de la C.ouraprèscette date ne saisirait pas valable-
ment celle-ci: en effet, l'article9 de l'accord de tutelle qui consti-
tuait la base de la compétence de la Cour ayant disparu et son
application n'étant plus, de ce fait, possible, une telle requête
manquerait de toute base juridique et serait irrecevable.

Dans la présente affaire, la situation est différente. Ici,l'expiration
de l'accord de tutelle n'est intervenue qu'après la saisine régulière
de la Cour.
Aucun fait postérieur à cette saisine, en particulier la circonstance
que l'accord de tutelle a pris fin au cours de la procédure, ne saurait

êtrede nature à remettre en cause une compétence aussi régulière-
ment établie.
Dans l'affaire Notfebolzm (arrêt du 18 novembre 1953), la Cour
internationale de Justice a eu à trancher un problème semblable à
celui qui est examiné ici.
En effet, le17 décembre 1951, le Gouvernement de la principauté
de Liechtenstein avait déposéune requête introduisant devant la
Cour une instance contre la République du Guatemala, au sujet du
conlportement des autorités guatémaltèques àl'égard de M. Notte-
bohm considérépar le demandeur comme citoyen de Liechtenstein.
Le Gouvernement du Guatemala souleva l'exception préliminaire
contre la compétence de la Cour, pour le motif que la déclaration
faite le27 janvier 1947 p,ar laquelle le Gouvernement guatémaltè-

que reconnaissait comme obligatoire de plein droit et sans conven-
tion spéciale la compétence de la Cour, avait expiré le 26 janvier
1a.72 l,et que de ce fait la Cour n'avait plus aucune compétence
pour connaître des affaires affectant le Guatemala.
L'affaire se présentait de la manière suivante:
Au moment du dépôt de la requête par le Liechtenstein, la
déclaration guatémaltèque était en vigueur. RTais, quelques se-
maines plus tard, cette déclaration devenait caduque.
La Cour a donc eu à rechercher et à décider

((si la caducité, survenue le26 janvier 1952, de la déclaration
portant acceptation pour le Guatemala de la juridiction obligatoire
de la Cour a eu pour effet de retirerà la Cour compétence pour
connaître de la demande faisant l'objet de la requête dont elle
a étésaisie, le 17décembre1951,par le Gouvernement de Liechten-
stein».
l Cette déclaration avait étéfaite pour une période de cinq ans et ne prévoyait
pas son renouvellemepar tacitreconduction.
176the terms of Article 19 of the Agreement, which constituted the
law applicable to the Application, proceedings were instituted
tvithin the proper time-limits and the Court was validly seised in
accordance with the provisions of Article 40 of the Statute and
Article 32 of the Rules of Court.
The Agreement and the trusteeship were terminated on I June

1961 by virtue of resolution 1608 (XV). There can be no doubt that
an application filed in the Registry of the Court after that date
would not validly seise the Court, for Article 19 of the Trusteeship
Agreement which constituted the basis for the Court's jurisdiction
having disappeared and hence its implementation being no longer
possible, such an application would lack any legal basis and would
be inadmissible.
In the present case the situation is different. Here, the expiry
of the Trusteeship Agreement occurred only after the Court had
been properly seised.
No fact subçequent to the seisin of the Court, in particular the

circumstance that the Trusteeship Agreement terminated during
the proceedings, could be capable of re-opening the issue of such
properly established jurisdiction.
In the Nottebohnz case (Judgment of 18 November 1953)~ the
International Court of Justice had to settle a question similar to
that under consideration here.
On 17 December 1951 the Government of the Principality of
Liechtenstein filed an Application instituting proceedingsbefore the
Court against the Republic of Guatemala, concerning the conduct of
the Guatemalan authorities in respect of M.Nottebohm, who was
regarded bythe Applicant as a national of Liechtenstein.
The Government of Guatemala raised a preliminary objection

to the jurisdiction of the Court on the ground that the declaration
made on 27 January 1947 by which the Guatemalan Government
recognized as compulsory, ipso facto and without specialagreement,
the jurisdiction of the Court, had expired on 26 January 1952 l,and
that therefore the Court no longer had jurisdiction to hear and
determine cases affecting Guatemala.
The circumstances of the case urere as follou~s.
At the time of the filing of the Application by Liechtenstein,
the Guatemalan declaration was in force; however, it lapsed a few
weeks later.
The Court consequently had to ascertain and decide-

"whether the expiry on January 26th, 1952,of the Declaration by
which Guatemala accepted the compulsory jurisdiction of the Court
has had the effect of deprivingthe Court of its jurisdiction to ad-
judicate on the' claim stated in the Application, of which it was
seised on Decernber 17th, 1951, by the Government of Liechten-
stein".
l Thisdeclaration had been made forperiod of five years and did not provide
foritstacit renewal.

176 Le raisonnement tenu par la Cour à ce sujet est particulièrement
intéressant pour la présente affaire, et c'est pourquoi il me paraît

nécessaire d'en reproduire ici les passages essentiels:

aLa requête a étédéposéeau Greffe de la Cour le 17 décembre
1951. Au moment de ce dépôt, les déclarations d'acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour émanant du Guatemala et du
Liechtenstein étaient, l'une et l'autre, en vigueur. L'article 36 du
Statut et les déclarations fixaient le droit applicable à ladite requête.
Selon ces déclarations, la requêteétait déposée entemps utile pour
effectuer valablement la saisine de la Cour par application des
articles 36 et 40 du Statut et 32 du Règlement. » (C. I. J. Recueil
des arrêts1953, p. 120.)

IILa saisine de la Cour est une chose, l'administration de la justice
en est ilne autre ... Une fois la Cour régulièrement saisie, la Cour doit
exercer ses pouvoirs tels qu'ils sont définis par le Statut. Après
cela,l'échéancedu terme fixépour l'une des déclarations sur lesquel-
les se fonde la requête est un événementsans rapport avec l'exer-
cice des pouvoirs que le Statut confère à la Cour et que celle-ci
doit exercer lorsqu'elle a étérégulièrement saisie...))

11La caducité ultérieure de la déclaration du Guatemala par
l'échéancedu terme pour lequel elle a étésouscrite ne saurait
invalider la requêtesi celle-ci était régulièr».(C. I. J.Recueil 1953,
pp. 122-123.)

(1Un fait extérieur tel que la caducité ultérieure de la déclaration
par échéancedu terme ou par dénonciation ne saurait retirer à la
Cour une compétence déjà établie. » (C. I. J.Recueil 1953, p. 123.)

De ce raisonnement, la C,our a tiré la conclusion que

1l'expiration, survenue le 26 janvier 1952, du délai decinq ans pour
lequel le Gouvernement du Guatemala avait souscrit une déclaration
acceptant la juridiction obligatoire de la Cour conformément à
l'article 36, paragraphe 2, du Statut, n'affecte pas la compétence
qui peut appartenir à la Cour pour connaître de la demande faisant
l'objet de la requêtedont elle a étésaisie le 17 décembre 1951 par
le Gouvernement de Liechtenstein; » (C.1.J. Recueil I953, p. 124.)

A la suite de cet arrêt, rendu à l'unanimité, le juge Klaestad

déclara qu'il avait voté en faveur du rejet de l'exception prélimi-
naire du Guatemala pour le motif que la compétence de la Cour

' La déclaration du Liechtenstein esdu IO mars 1950. Elle a étéfaite pour
une période indéterminée. Mais elle peut êtreogée2 par le signataire moyennant
un préavis d'unan. The Court's reasoning in this connection is of particular interest
for the present case and it therefore seems to me necessary to
reproduce the essential passages here :

"The Application was filed in the Registry of the Court on De-
cember 17th, 1951. At the time of its filing, the Declarations of

acceptance of the compulsoryjurisdiction of the Court by Guatemala
and by Liechtenstein were both in force. Article 36 of the Statute
and these Declarations determined the law governing the Appli-
cation. In accordance with these Declarations, the Application was
filed in sufficient time validly to effect the seisin of the Courtunder
-4rticles 36 and 40 of the Statute and Article 32 of the Rules."
(I.C.J. Reports 1953, p. 120.)

"The seising of the Court is one thing, the administration of
justice is another ... Once the Court has been regularly seised, the

Court must exercise its powers, as these are defined in the Statute.
After that, the expiry of the period fixed for one of the Declarations
on which the Application was founded is an event which is unre-
lated to the exercise of the powers conferred on the Court by the
Statute, which the Court must exercisewhenever it has been regu-
larly seised..."

"The subsequent lapse of the Declaration of Guatemala, by
reason of the expiry of the period for which it was subscribed,
cannot invalidate the Application if the latter was regular ..."
(I.C.J. Reports 1953, pp. 122-123.)

"An extrinsic fact such as the subsequent lapse of the Declara-
tion, by reason of the expiry of the period or by denunciation, can-
not deprive the Court of the jurisdiction already established."
(I.C.J. Reports 1953, p. 123.)

From this reasoning the Court drew the conclusion that-

"the expiry on January 26th, 1952, of the five-year period for which
the Government of Guatemala subscribed to a Declaration accept-
ing the compulsory jurisdiction of the Court in accordance with
Article 36, paragraph 2, of the Statute, does not affect any jurisdic-
tion which the Court may have to deal with the claim presented in
the Application of which it was seised on December 17th, 19j1, by
the Government of the Principality of Liechtenstein ..." (I.C.J.
Reports 19j3, p. 124.)

Follo~ving this Judgment, which was unanimous, Judge Klaestad
declared that he had voted for the rejection of the Preliminary
Objection of Guatemala on the ground that the jurisdiction of the

Liechtenstein's declaratiowas dated IO March 1950. It was for an indefinite
period, but could be "revoked"subject to one year's notice.existait au moment où la reauête du Liechtenstein fut déuosée.II
ajouta que l'expiration, quelque temps après le dépôt de cette
requête, de la déclaration par laquelle le Guatemala avait accepté
la compétence de la Cour, ne saurait avoir d'effet sur la conlpétence

de la Cour pour connaitre du différendsur le fond, cette compétence
ayant étédéfinitivement établie par le dépôtde la requête.

I,a décisionde la Cour en cette affaire est en parfaite conformité
avec la notionincontestée du droit procédural qui exige que le droit
à l'action et la juridiction soient établis à la date de la requête.

En raison de l'identité des circonstances de la saisine de la Cour
qui existe entre les deux affaires, je pense que la solution qui a
légitimement prévalu dans l'affaire Nottebohmest également valable
pour la présente.
C'est pourquoi on comprend mal que la Cour puisse prendre en
considération les événements survenus après la date du I~~ juin

1961 pour estimer que
((les circonstances qui se sont produites depuis le rer juin 1961
rendent toute décisionjudiciaire sans objet.

Sans doute la Cour n'est pas et ne peut pas être contrainte
d'exercer dans tous les cas sa compétence. Mais la Cour, qui cons-
titue un ultime recours pour le règlement des différends inter-

nationaux, ne peut renoncer à cet exercice que lorsqu'il s'avère
d'une façon indiscutable qu'un tel exercice, s'il avait lieu, altérerait
le caractère judiciaire de la Cour. Or, dans la présente affaire, rien
n'est denature à empêcherla Cour d'exercer sa compétence.

Les circonstances qui sont survenues depuis le ~e* juin 1961 ne
sont pas, à mon avis, de nature à empêcherla Cour de connaître au
fond de la requête de la République fédéraledu Cameroun. Un
examen rapide de ces circonstances permettra, je l'espère, ,de dé-
montrer que l'arrêt que le Cameroun demande à la Cour de rendre
n'est pas en dehors de sa fonction judiciaire.
Que la résolution 1608 (XV) du 21 avril 1961 ait eu un effet
juridique définitif n'est pas contesté. En vertu de cette résolution,
l'accord de tutelle a pris définitivement fin; leRoyaume-mi n'est
plus l'autorité administrante du Cameroun septentrional; celui-ci

a étéuni à la Féderation de la Nigéria; le droit de saisir la Cour sur
la base de l'article9 de l'accord de tutelle a disparu. Mais ceci dit,
il convient d'envisager d'une part le domaine propre de la résolution
1608 et, de l'autre, l'objet de la requêtedu Cameroun.Court existed at the moment when the Application of Liechtenstein
was filed. He added that the fact that the Declaration by which
Guatemala had accepted the compulsory jurisdiction of the Court
had expired some time after the filing of that Application could have
no effect as regards the Court's jurisdiction to deal with the merits
of the dispute, that jurisdiction having been definitively established
by the filing of the Application.
The Court's decision in this case is completely in accordance
with the undisputed concept of procedural law which requires that

the right of action and the jurisdiction should be established at the
date of the Application.
Because of the identity of the circumstances surrounding the
seisin of the Court in the two cases, 1 believe that the approach
which properly prevailed in the Nottebohm case is equally valid in
the present case.
For this reason it is difficult to understand how the Court can
take into account events which occurred after 1 June 1961 to
arrive at the conclusion that-

"circumstances that have since arisen render any adjudication
devoid of purpose".

Undoubtedly the Court neither is nor can be compelled to exercise
its jurisdiction inal1cases. But the Court, which is a final tribunal
for the settlement of international disputes, may refrain from
exercising its jurisdiction only where it is clear beyond doubt that
to exercise it would impair the Court's judicial character. In the
present case, however, there is nothing to prevent the Court exer-
cising its jurisdiction.

The circumstances which have occurred since I June 1961 are not
in my view of such a kind as to prevent the Court from dealing

with the merits of the Application of the Federal Republic of
Cameroon. A brief review of these circumstances will 1 hope make it
possible to show that the judgment asked of the Court by Cameroon
does not lie outside its judicial function.
It is not disputed that resolution 1608 (XV) of 21 April 1961
had a final legal effect. By virtue of that resolution the Trusteeship
Agreement was finally terminated; the United Kingdom is no
longer the Administering Authority for the Northern Cameroons ;
the latter has been joined to the Federation of Nigeria; the right to
seise the Court on the basis of Article 19 ofthe Trusteeship Agree-
ment has disappeared. But having said this it is necessary to
consider on the one hand the proper scope of resolution 1608 and
on the other the subject of Cameroon's Application.

178 La résolution du 21 avril 1961a réglé deux problèmes. En premier
lieu, elle a entérinéle résultat du plébiscite; en deuxième lieu, elle
a mis fin à l'accord de tutelle. Dans l'un comme dans l'autre cas il
s'agit de décision prisess dans le domaine politique. Les débats qui
ont eu lieu à l'Assembléegénéralen'ont porté que sur la fin de la
tutelle.A aucun moment, on n'a envisagé l'examen de l'interpré-
tation ou de l'application de l'accord de tutelle. Bien au contraire,

ainsi qu'il ressort de la lecture du compte rendu de ces débats, de
nombreux déléguép sarmi ceux qui étaient favorables à la résolution
ont déclaré qu'ilsne voulaient pas s'occuper du point de savoir si
l'accord de tutelle avait étécorrectement interprétéet appliqué par
le Royaume-Uni, mais qu'ils intervenaient uniquement sur la
question de la fin de tutelle. Du reste, ladite résolution ne contient
aucune disposition concernant la manière dont le Royaume-Uni a
interprété et appliqué l'accord de tutelle.
Il est évident que cette résolution, malgré son objet et la nature
de l'Organe qui l'a adoptée, a eu un effet juridique. Mais il me
paraît difficiled'affirmer que par cet effet juridique, elle a mis fin au
différendqui oppose la République du Cameroun au Royaume-Uni.

La République du Cameroun demande à la Cour de

((Dire et juger que le Royaume-Uni, dans l'interprétation et
nistration britannique, n'a pas respecté certaines obligations qui
découlentdirectement ouindirectement dudit Accord,et notamment
de ses articles,5, 6 et 7))

D'après ces conclusions, le Cameroun a entendu saisir la Cour
d'un différend juridique. L'existence de ce différend n'est pas con-
testée par la Cour. Ce qui est demandé à la Cour, c'est d'appré-

cier, du point de vue judiciaire (et non politique), la manière
dont le Royaume-Uni a administré le Cameroun sous tutelle bri-
tannique. Statuer sur une telle demande relève bien de la fonction
de la Cour.
Celle-ci ne doit pas refuser de connaître au fond de la requête
pour le motif que sa décisionrisquerait d'aboutir à des conclusions
contraires aux dispositions de la résolution 1608 (XV). Cette ré-
solution, ainsi qu'il a déjà étédit, a régléun problème tout à fait
différent de celui qui est présentement devant la Cour. Elle n'a
pas et ne pouvait pas trancher un différendportant sur l'interpré-
tation et l'application de l'accord de tutelle.
La Cour a, dans le passé, plus d'une fois souligné que son rôle
et celui des autres organes des Nations Unies étaient d'ordre diffé-

rent. Il suffira de citer à ce sujet lJexem,-le de l'affaire des Ecoles The resolution of 21 April 1961 settled two questions. In the
first place it endorsed the result of the plebiscite; in the second
place it terminated the Trusteeship Agreement. In both cases these
are decisions taken in the political field. The debates in the General
Assembly related only to the termination of the Trusteeship.
At no time was the question of the interpretation or application of
the Trusteeship Agreement considered. On the contrary, as the
record of the discussion shows, many delegates among those who
were in favour of the resolution stated that they did not intend to
concern themselves with the question of whether the Trusteeship
,4greement had been correctly interpreted and applied by the
Gnited Kingdom, but were speaking only on the question of the
termination of the Trusteeship. hloreover, the resolution contains
no provision referring to the way in which the United Kingdom

interpreted and applied the Trusteeship Agreement.
It is clear that this resolution,espite its subject and the nature
of the organ which adopted it, had a legal effect. But it seems to
nie difficult to affirm that by that legal effect it terminated the
dispute between the Federal Republic of Cameroon and the Vnited
Kingdom.

The Republic of Cameroon asks the Court-

"To adjudge and declare that the United Kingdom has, in the
interpretation and application of the Trusteeship Agreement for
the Territory of the Cameroons under British administration,
failed to respect certain obligations directly or indirectly flowing
from the said Agreement, and in particular from Articles 3,5,6 and 7
thereof."

According to this submission Cameroon sought to refer a legal
dispute to the Court. The existence of this dispute is not denied
by the Court. What is requested of the Court is to appraise, from
the judicial (and not the political) standpoint, the way in which the
United Kingdom administered the Cameroons under British ad-
ministration. To hear and determine such a claim is definitely
within the Court's function.
The Court should not decline to deal with the merits of the claim
on the ground that its decision might lead to conclusions contrary
to the provisions of resolution 1608 (XT.'). This resolution, as has
already been said, settled a question which is quite different from
the question now before the Court. It did not and could not settle
a dispute relating to the interpretation and application of the
Trusteeship Agreement.
Onmore that one occasion in the past the Court has stressed that
its role and that of the other organs of the United Nations were differ-
ent in character. In this connection it will suffice to cite the example minoritaires en Haztte-Silésie. Dans cette affaire, l'agent polonais
soutenait que le différend soumis à la Cour par le Gouvernement
allemand avait déjà étéréglépar le Conseil de la Sociétédes Na-

tions, en vertu de la Convention de Genève, et qu'il ne fallait pas
entamer devant la Cour une autre procédure pour la même af-
faire.Il affirmait:

((J'ai donc le droit de considérer que l'affaire a étérégléepar
le Conseil de la Sociétédes Nations qui est souverain dans l'appli-
cation des mesures à prendre et qu'il serait dangereux de vouloir
établir une autre procédure qui pourrait porter atteinte à celle
qui s'est déjàdéroulée. )(Citépar le conseil du Cameroun.)
La Cour permanente de Justice internationale n'a pas accepté

ce raisonnement de l'agent polonais. Elle a déclaré:
«Les rapports découlant de la coexistence de ses pouvoirs [ceux
du Conseil de la Sociétédes Nations] et de la juridiction attribuée
à la Cour par l'article 72, no3, n'ont pas étédéfinisdans la Con-
vention. Mais, en l'absence de tout règlement spécial à ce sujet,
la Cour estime devoir rappeler son observation antérieure, savoir
que les deux juridictions sont d'ordre différent. En tout cas il
ressort clairement des discussions qui ont eu lieu devant le Conseil
que celui-ci n'a pas voulu trancher la question de droit soulevée
par le délégué allemand et dont la solution est demandée par la
requête quiest àla base de la présente procédure. »

Auparavant, la Cour avait affirmé qu'ccil n'y a aucun différend
que les Etats admis à ester en justice ne puissent lui soumettre ».
Invoquant l'article 36, paragraphe I~~, de son Statut selon le-

quel
((La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les
parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les casspécialementprévus...
dans les traités et conventions en vigueur»,

la Cour a préciséque le principe contenu dans ce texte ne pouvait

être tenu en échec que dans les cas exceptionnels où le différend
que les Etats voudraient lui soumettre rentreraient dans la com-
pétence exclusive, réservée à un autre organe.
A la suite de ce raisonnement la Cour s'est déclaréecompétente
pour examiner au fond la requête allemande. Elle n'a donc pas
admis les arguments avancés par I'agent polonais. Pourtant il
s'agissait bien d'un litige pour lequel la dualité de compétence
existait entre le Conseil et la Cour et où on pouvait craindre que
la décision de la Cour soit en contradiction avec celle du Conseil.
Dans la présente espèce, une telle situation n'existe pas. La
Cour n'est pas appelée à décider, comme l'Assemblée générale,

de la fin de l'accord de tutelle. La résolution 1608 (XV) a réglé
un problème politique. La Cour, organe judiciaire, est invitée à
180of the Upper Silesiu (Minority Schoabs)case. In this case, the Polish
Agent maintained that the dispute submitted to the Court by the
German Goverriment had already been settled by the Council of the
League of Nations by virtue of the Geneva Convention and that
further proceedings in the same case should not be instituted before
the Court. The Polish Agent declared:

"1 am therefore entitled to consider that the matter was settled
by the Council of the League of Nations, which is the final author-
ity as regards measures to be taken, and that it would be dangerous
to seek to establish another procedure which might impair that
which has already been followed."

The Permanent Court of International Justice did not accept this
argument by the Polish Agent. It stated:

"The situation arising from the CO-existenceof these powers
ferred upon the Court by Article 72, paragraphe jur3,has not been
defined by the Convention. But in the absence of any special regu-
lation in this respect, the Court thinks it appropriate to recall its
earlier observation, namely, that the two jurisdictions are different
in character. In any case, it is clear from the discussions suhich
took place before the Council that the latter did not wish to settle
the question of law raised by the Gerinan representative and a
solution to which is requested by the Application which gave rise
to the present proceedings."

Earlier, the Court had declared that "there is no dispute which
States entitled to appear before the Court cannot refer to it".
Referring to the first paragraph of Article 36 of its Statute
according to svhich :

"The jurisdiction of the Court comprises al1 cases which the
Parties refer to it and al1matters specially provided for in treaties
and conventions in force",

the Court added that the principle contained in this provision only
becanle inoperative in those exceptional cases in which the dispute
which States might desire to refer to it would fa11within the ex-
clusive jurisdiction reserved to some other authority.
After this reasoning the Court declared that it liad jurisdiction
to examine the merits of the Ger~nan claim. It thus overruled the
arguments put forward by the Polish Agent. This howes~er was
indeed a dispute in which there was a duality of jurisdiction as

between the Council and the Court and in which it might be feared
that the Court's decision would be in contradiction with the Council's
decision.
In the present case tliere is no such situation. The Court is not
called upon, as the General Assembly was, to decide on the termi-
nation of the Trusteeship Agreement. Resolution 1608 (XI7)dealt
180régler, avec autorité de chose jugée, la question d'interprétation
et d'application de l'accord de tutelle dont elle a étésaisie.

La requête de la République fédéraledu Cameroun invoquait,
pour fonder la compétence de la Cour, l'article 19 de l'accord de
tutelle, aux termes duquel :

adrticle19. - Tout différend,quel qu'il soit, qui viendrait à
s'éleverentre l'Autorité chargée de l'administration et un autre
Membre des Nations Unies relativement à l'interprétation ou à
l'application des dispositions du présent Accord,sera, s'il ne peut
êtreréglépar négociationsou un autre moyen, soumis à la Cour
internationale de Justice, prévue auChapitre XIV de la Charte des
Nations Unies.))

Cet article ne prévoit pas de dualité de compétence entre la
Cour et l'Assembléegénérale ouun autre organe des Nations Vnies,
en ce qui concerne les conflits nésde l'interprétation ou de l'appli-
cation de l'accord de tutelle. De nombreuses voies de recours
avaient étéprévues pour la protection du régime de tutelle: mis-
sions de visite, pétitions (individuelles ou collectives), rapports
annuels et discussions au Conseil de tutelle, réponses aux question-
naires, débats de l'Assemblée générale et, enfin, le recours à la

Cour sur la base de l'article 19. Si les auteurs de l'accord avaient
voulu ajouter à cette liste une autre voie de recours, en confiant à
l'Assemblée générale, en mêmetemps qu'à la Cour, la connais-
sance des différends de l'article19, ils l'auraient fait d'une façon
nette et claire. Or, ils ne l'ont pas fait; dès lors, on est bien obligé
d'admettre que les différends visés à cet article relèvent de la seule
compétence de la Cour.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, ainsi qu'il a étésou-
ligné, au cours des débatsdevant l'Assembléegénéraleau sujet de
la résolution 1608 (XV) un grand nombre de déléguésp , armi ceux
qui étaient favorables à cette résolution, ont nettement précisé

que la seule question qui était en discussion devant l'Assemblée
généraleétait la question de la levéede la tutelle et qu'il n'entrait
pas dans l'intention de 1'Assembléèd'aborder le problème juridi-
que de savoir si le Royaume-Uni a administré le Cameroun sep-
tentrional conformément aux dispositions de l'accord de tutelle.
L'Assemblée a sans doute estimé par là que cette question était
en dehors de son domaine de contrôle et de surveillance adminis-
tratifs, et qu'elle ne pouvait êtretranchée que par la Cour, chargée
de la protection judiciaire.
Il en résulte que le jugement que le Cameroun demande à la
Cour de rendre dans un domaine ainsi réservé à sa seule juridic-

181with a political problem. The Court, the judicial organ, is requested
to settle, with authority of res ~udicata, the question of interpre-
tation and application of the Trusteeship Agreement of which it
has been seised.

The Application of the Federal Republic of Cameroon, in order
to establish the jurisdiction of the Court, relied upon Article 19 of
the Trusteeship Agreement which reads as follows:

"Article19.If any dispute whatever should arise between the
Administering Authority and another Member of the United
Nations relating to the interpretation or application of the provi-
sions of this Agreement, such dispute, if it cannot be settled by
negotiation or other means, shall be submitted to the Inter-
national Court of Justice, provided for in Chapter XIV of the
United Nations Charter."

This Article makes no provision for duality of jurisdiction as
between the Court and the GeneralAssembly or another organ of the
United Nations in respect of conflicts arising from the interpretation
or application of the Trusteeship Agreement. Many means were
provided for the protection of the Trusteeship System: visiting
missions, individual or collective petitions,annual reports and dis-
cussions in the Trusteeship Council, replies to questionnaires, de-
bates in the General Assembly and, finally, recourse to the Court
on the basis of Article 19. If the framers of the Agreement had
intended to add another means of redress to this list, by empowering
the General Assembly, at the same time as the Court, to deal with
disputes under Article 19, they would have done so clearly and in

terms. But they did not do so and it must therefore be concluded
that the disputes referred to in that Article come within the juris-
diction of the Court alone.
Moreover, it must not be forgotten, as has been stressed, that
during the debates in the General Assembly on resolution 1608 (XV)
a large number of delegates among those who were in favour of that
resolution made it quite clear that the only subject under dis-
cussion in the General Assembly was the question of the termi-
nation of the Trusteeship andthat it was no part of the Assembly's
intention to deal with the legal question of whether the United
Kingdom had administered the Northern Cameroons in accordance
with the provisions of the Trusteeship Agreement. In so doing the
Assembly no doubt considered that this question was outside the
scope of its administrative supervision and could be settled only
by the Court which had been entrusted with judicial protection.

It follows therefore that the judgment which Cameroon asks the
Court to give in a fieldthus reserved to its jurisdiction alone cannot
181193 XRRÊT 2 XII 63 (or. DISS. nf. BEB A DON)

tion ne saurait être considéré comme pouvant aller à l'encontre
des coriclusions auxquelles l'Assemblée générale a abouti dans
sa résolution 1608 (XV).
Dans les écritures comme au cours des débats oraux, la distinc-
tion entre le rôle de l'Assemblée généraleet celui de la Cour a été
longuement développée par le conseil du demandeur. Il a étédit,
notamment, que

La distinction entre le politique et le judiciaire est unennke
rnajeure de la vie internationale))

La Cour a reconnu depuis longtemps cette vérité et dans la

présente espèce, elle devrait en tirer les conséquences logiques qui
s'imposent. Affirmer d'un côté que « Le rôle de la Cour n'est pas
celui de l'Assemblée générale 1et déclarer, de l'autre, que cles dé-
cisions de l'Assembléegénéralene sauraient être infirmées par l'ar-
rêtde la Cour »,alors qu'il ne s'agit dans les deux cas, ni du même
domaine de compétence, ni de mêmes questions, est difficileà
comprendre.
En saisissant la Cour, la République fédéraledu Cameroun a,

sans doute, exercéun droit qui lui appartenait en sa qualité d'Etat
Membre des Nations Cnies, mais elle avait aussi un autre intérêt
à le faire: l'intérêtétatique qui lui est personnel et que ne pos-
sède aucun autre Membre des Nations Unies. Ainsi le Cameroun,
plus que tout autre Membre des Nations Lnies, était en droit de
critiquer la manière dont la tutelle sur le Cameroun septentrional
fonctionnait. Ce double intérêtn'a pas pu disparaître avec la fin
de l'accord de tutelle intervenue alors que le mécanisme de pro-

tection judiciaire était déjà déclenché. Cet intérêtsubsiste sans
qu'il soit besoin d'une demande en réparation de la part du de-
mandeur.
A toutes les phases de la procédure, le Cameroun a déclaré
qu'il ((entend seulement demander à la Cour de dire le droit sans
plus )).
C'est donc un jugement déclaratoire que le demandeur cherche
à obtenir de la Cour. Un tel jugement, dans le sens admis par la

Cour elle-même, est

((Destiné à faire connaître une situation une fois pour tontes et
a\.ec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation
juridique ainsi fixée nepuisse plus êtreremise en discussion.))

La décision demandée à la Cour dans la présente instance cor-
respond parfaitement à cette définition. En effet, le Royaume-Uni,
par l'accord de tutelle, a contracté certains engagements; il s'est
engagé à administrer, conformément aux termes dudit accord, le
Cameroun sous tutelle britannique. La République fédérale du
Camerounsoutient que, en ce qui concerne le Cameroun septentrio-

nal, par son comportement le Royaume-Vni, au cours de l'exercice
182be regarded as capable of contradicting the conclusions arrived
at by the General Assembly in its resolution 1608 (XV).
In the pleadings and during the oral arguments the distinction
between the General Assembly's role and that of the Court was
de~eloped at length by Counsel for the Applicant. It was said in
particular that-

"the distinction between the political and judicial isa major factor
in international affairs".

The Court has long recognized this truth and in the present case
it should draw the inevitable logical conclusions from it. To main-
tain on the one hand that "the role of the Court is not the same as
that of the General Assembly" and on the other that "the decisions
of the General Assembly would not be reversed by the Judgment
of the Court", whereas in neither case are the same field of compe-
tence or even the same questions involved, is difficult to understand.

Ry seising the Court the Federal Republic of Cameroon certainly
made use of a right which belonged to it in its capacity as a State
Member of the United Nations, but it had also another interest in
doing so: its persona1 State interest which is not possessed by any
other Member of the United Nations. Thus Cameroon, more than
any other Member of the United Nations, was entitled to criticize
the way in which the Trusteeship for the Northern Cameroons
operated. This twofold interest could not disappear with the termi-

nation of the Trusteeship Agreement which occurred when the
machinery of judicial protection had already been set in motion.
This interest persists without need for a claim for reparation by the
Applicant .
At al1 stages of the proceedings Cameroon maintained that it
proposed "simply to ask the Court to state the law, and no more".

It is thus a declaratory judgment that the Applicant is seeking
to obtain from the Court. Such a judgment, as recognized by the
Court itself,is intended-

"to ensure recognition of a situation at law, once and for al1and
with binding forceas between the Parties; so that the legal position
thus established cannot again be called in question".

The decision asked of the Court in the present proceedings is
completely in accord with this definition. In fact, by the Trusteeship
Agreement, the Vnited Kingdom undertook certain obligations;
it undertook to administer the Cameroons under British adminis-
tration in accordance with the terms of that Agreement. The
Federal Republic of Cameroon niaintains that, in respect of the
Northern Cameroons, the United Kingdom, by its conduct during
182 de la tutelle, n'a pas respecté les prescriptions de l'accord de 1946,
ce que le défendeur conteste. Il y a donc un différend d'ordre juri-

dique portant sur l'interprétation et l'application de l'accord en
cause. Le Cameroun a porté ce différend devant la Cour. Quelle
que soit l'importance des événements survenus après la saisine
de la Cour, il demeure qu'entre les Parties il subsiste un conflit
juridique, une incertitude que la Cour doit trancher. La nature
de la contestation n'exige pas qu'un préjudice matériel soit subi.
La simple opposition de points de vues concernant l'interprétation
d'une convention suffit. Le jugement dans un pareil cas ne peut
êtreque déclaratoire et les exemples de tels jugements ne manquent

pas dans la jurisprudence de la Cour permanente de Justice inter-
nationale comme dans celle de la présente Cour.
Dans l'affaire de la Haute-Silésie bolonaise (arrêt no I/' la Cour
permanente, à propos de jugement déclaratoire, s'est exprimée
de la manière suivante:

((Desstipulations nombreuses prévoient la juridiction obligatoire
de la Cour pour les questions d'interprétation et d'application d'un
traité et ces clauses, parmi lesquelles se trouve l'article 23 de la
Convention de Genève, semblent viser aussi des interprétations
ifidépendantesd'apfilications concrètesl.Il ne manque d'ailleurs pas
de clauses qui parlent uniquement de l'interprétation d'un traité;
c'est le cas, par exemple, de la lettre a) de l'alin-2) de l'article 36
du Statut de la Cour. On ne voit pas pourquoi lesEtats ne pourraient
pas demander à la Cour de donner une interprétation abstvaite
d'une convention. Il semble plutôt que c'est une des fonctions les
plus importantes qu'elle peut remplir. »(Arrêtno 7, pp. 18-19.)

Plus loin, la Cour ajoute:

((Il y a lieu, par contre, de rappeler que la possibilitéde jugements
ayant effet purement déclaratoire est prévue, à part l'article 36
déjà mentionné, à l'article 63 du Statut.» (Mêmearrêt,p. 19.)

Dans cette affaire la Cour, se référant aux dispositions de son
Statut -les mêmesarticles 36 et 63 qui existent toujours -, a

rendu un jugement déclaratoire, sans exiger la condition de l'ef-
fectivité d'application.
Un autre exemple de jugement purement déclaratoire est cons-
titué par l'affaire de l'Interprétation du Statut du territoire de
Memel (C. P. J.I., arrêt no 47).
Ici les États demandeurs (Royaume-Uni, France, Italie et Japon)
demandaient à la Cour permanente de dire:

I.Si le gouverneur du territoire de Memela le droit de révoquer
le président du Directoire;

l C'est nous qui soulignons.

183the exercise of the Trusteeship, failed to respect the stipulations of
the 1946 Agreement, and this is denied hy the Respondent. There
isthus a dispute of a legal character relating to the interpretation
and application of the Agreement. Cameroon has broupht this diç-
pute before the Cour:. However import.ant the developments which

occurred after the seisin of the Court, there persists between the
Parties a legal conflict, anuncertaintg7 which the Court must resolve.
The nature of the dispute is not such as to require a material preju-
dice. The mere conflict of points of view concerning the interpre-
tation of an agreement suffices. The judgmen: in such a case cannot
be anything but declaratory, and examples 01 such judgments are
not lacking in the jurisprudence of the Permanent Court of Inter-
national Justice and this Court.
In the Polish Uppe?SiLesiacase (Judgment No. 7\,the Permanent
Court made the following statement concerning declaratory judg-
ments :

"There are numerous clauses giving the Court compulsory juris-
diction in questions of the interpretation and application of a
treaty, and these clauses, amongst which is included Article 23 of
the Geneva Convention, appear also to cover interpretatio~zusncon-
nected with concretecases of application l.Moreover,there is no
lack of clauses which refer solely to the interpretation of a treaty;
for example, letter a of paragraph 2 of Article 36 of the Court's
Statute. There seems to be no reason why States should not be
able to ask the Court to give an abstractigzterpretationof a treaty;
rather would it appear that this is one of the nlost important func-
tions which it can fulfil."

Further on, the Court added :

"It should also be noted that the possibility of a judgment having
a purely declaratory effect has been foreseen in Article 63 of the
Statute, as well as in Article 36 already mentioned." (P.C.I.J.,
Series A, No. 7, pp. 18-19,)

In this case the Court, referring to the provisions of its Statute

-the same Articles 36 and 63that exist today-delivered a declara-
tory judgment without insisting on the requirement of effective
application.
Another example of a purely declaratory judgment is provided by
the case concerning the Interpretation of tlzeStatute of the Memel
Terrifory (P.C.I.J., Series A;B, No. 3;).
In tliis case the Applicant States (United Kingdom, France,
Italy and Japan) asked the Permanent Court to decide:

"(1) whether the Governor of the Memel Territory has the right
to dismiss the President of the Directorate;
--
l Empliasisadded.

183 2. dans le casdel'affirmative, si cedroit n'existe que souscertaines
conditions ou dans certaines circonstances, et quelles sont cescondi-
tions ou circonstances;

3. dans le cas où le droit de révoquer le président du Directoire
serait reconnu, si la révocation de celui-ci entraîne la cessation des
fonctions des autres membres du Directoire;
4. dans le cas où le droit de révoquerle président du Directoire
n'existerait que sous certaines conditions ou dans certaines circons-
tances, si la révocation de M. Bottcher effectuéele 6 février 1932,
est régulièredans les circonstances où elle s'est produite;
5. si, dans les circonstances où elle s'est produite, la constitution
du Directoire présidépar M. Simaïtis est régulière;

6. si la dissolution de la Chambre des Représentants qui a été
effectuéele 22 mars 1932 par le gouverneur du Territoire de Memel,
alors que le Directoire présidépar M. Simaïtis n'avait pas obtenu
la confiance de la Chambre des Représentants, est régulière. ))

En dépit de la forme interrogative des questions posées, la Cour
n'en a pas moins, à une forte majorité, statué au fond sur les six
questions sans, ici non plus, exiger que son arrêt soit susceptible
d'application pratique.
Un troisième exemple de jugement déclaratoire est à citer:

c'est celui de l'affaire du Détroit de Corfou, tranchée par la présente
Cour.
Le point qui intéresse la présente espèce est celui de la violation
par le Royaume-Uni de la souveraineté albanaise. Au cours des
plaidoiries concernant ce différend, le conseil du Gouvernement
albanais a déclaréformellement que l'Albanie ne demandait pas
de réparation matérielle, «ne demandait pas une somme d'ar-
gent B.
Et il a conclu:

«Ceque nous voulons, c'est lasanction de la Cour du point de vue
du droit...)(C. I. J.Reczteil1949, p. 26.)

Cette demande n'a pas été rejetée par la Cour comme étant
théorique. Au contraire, à l'unanimité, elle a
«dit que, par les actions de sa marine de guerre dans les eaux
albanaises au cours de l'opération des 12 et 13 novembre 1946,
le Royaume-Uni a violéla souveraineté de la République populaire
d'Albanie, cette constatation par la Cour constituant en elle-même
une satisfaction appropriée 1)(C.I. J. Recueil 1949, p. 36.)

Les trois exemples de jugement déclaratoire donnés ci-dessus
ont ceci de commun que dans chaque cas:

- la Cour se borne à énoncer la vérité juridique, à constater
un manquement au droit ;
- il n'y a pas de demande en réparation matérielle;

- il n'y a pas d'application pratique.
184 (2)in the case of an affirmative decision, whether this right only
exists under certain conditions or in certain circumstances, and
what those conditions or circumstances are;
(3) if the right to dismiss the President of the Directorate is
admitted, whether such dismissal involves the termination of the
appointments of the other members of the Directorate;
(4) if the right to dismiss the President of the Directorate only
exists under certain conditions or in certain circumstances, whether
the dismissal of M. Bottcher, carried out on February 6th, 1932, is
in order in the circumstances in rvhich it took place;
(5)whether, in the circumstances in which it took place, the ap-
pointment of the Directorate presided over by M. Simaitis is in
order;
(6)whether the dissolution of the Diet, carried out by the Gover-
nor of the Memel Territory on March zznd, 1932, when the Direc-
torate presided over by M. Simaitis had not received the confidence
of the Diet, is in order."
Despite the interrogative form of the questions put, the Court
none the less, by a large majority, gave judgment on the merits of

the sixquestions without requiring in this case either that its judg-
ment should be capable of practical application.
A third example of a declaratory judgment should be ciied, that
of the Co~juChnn~leLcase, decided by the present Court.

The relevant question in that case concerned violation by the
United Kingdom of Albanian sovereignty. During the oral argu-
ments co~icerning this dispute Counsel for the Albanian Government
formally declared that Albania was not asking for material repar-
ation, rilas not claiming "any sum of money".

He concluded

point of view...(I.C.J. Reports 1949, p. 26.)ourt from a legal

This claim was not dismissed by the Court as theoretical. On
the contrary, it unanimously gave judgment-

"that by reason of the acts of the British Navy inAlbanian waters
in the course of the Operation of November12th and 13th, 1946,the
United Kingdom violated the sovereignty of the Peoples Repub-
lic of Albania, and that this declaration by the Court constitutes
in itself appropriate satisfaction". (I.C.J. Reports 1949, p. 36.)
The three above examples of declaratory judgments have this in
common: in each case-

the Court confined itself to stating legal truth, to finding a
breach of the law ;
there was no claim for material reparation;
there was no practical application.

IS~ Il ne faudrait cependant pas en conclure que le jugement dé-
claratoire n'a pas d'effet pratique. D'abord il met définitivement
fin au différend avec force de chose jugée; il est obligatoire pour
les parties, qui ne peuvent plus soulever la mêmequestion devant
la Cour; un jugement déclaratoire, une simple déclaration de droit

peut constituer en elle-mêmeune satisfaction appropriée (affaire
du Détroitde Corfozt);enfin il peut servir de base à une négociation
diplomatique.
C'est bien un arrêt doué des effets énumérésci-dessus que le
Cameroun demande à la Cour de rendre et la condition d'applica-
tion effective et pratique que la Cour impose en l'espècen'est pas
justifiée.
La Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies, a reçu
de l'article 38 de son Statut la mission de régler conformément
au droit international les différends qui lui sont soumis D. Elle
doit agir de manière à éviter d'introduire dans sa jurisprudence
des élémentsde contradiction. L'harmonie et la constance de la
jurisprudence de la Cour sont les bases fondamentales de l'autorité
de ses arrêts. La Cour doit éviter de laisser croire, à propos de

l'arrêten cette affaire, à un cas de dénide justice.

Pour les raisons développées ci-dessus,je conclus que la requête
de la République du Cameroun est recevable et que la Cour est
compétente pour l'examiner au fond.

(SiggréP)hilémon L. B. BEB A DON. It should not however be concluded that a declaratory judgment
has no practical effect. In the first place it puts a final end to the
dispute with force of res judicatn; it is binding on the Parties,
which can never again raise the same question before the Court; a
declaratory judgment, a mere declaration of the law inay in itself
constitute appropriate satisfaction (CorfzhChannd case) ; finally it
may provide the basis for diplomatic negotiations.

It is in fact a judgment having the effects listed above that
Cameroon asked the Court to give, and the requirement of effective
and practical application imposed by the Court in this case is not
warranted.
The function conferred by Article 38 of its Statute on the Court,
the principal judicial organ of the LTnitedNations. is "to decide in
accordance with international law such disputes as are submitted
to it". It must act in such a way as to avoid introducing into its

jurisprudence contradictory elements. The harmony and consistency
of the Court's jurisprudence are the basic foundations for the
authority of its judgments. The Court must also avoid gisring the
impression, in connection with its present Judgment, of a case of
denial of justice.

For the reasons developed above, 1 conclude that the claim of the
Republic of Cameroon is admissible and that the Court has juris-
diction to examine it on the merits.

(Signed) Philémon L. B. BEB A DON.

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Opinion dissidente de M. Beb a Don

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