Opinion dissidente de M. Badawi

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048-19631202-JUD-01-08-EN
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048-19631202-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. BADA\I7I

Sans s'arrêter aux questions ayant trait à sa juridiction, la Cour
base son arrêt sur les limitations imposéespar sa fonction judiciaire
laquelle exige qu'une action judiciaire ait un but ou un objet, en
un mot qu'elle ait une réalité, ce qui fait défaut dans le procès
actuel par suite de la fin de la tutelle et l'impossibilité reconnue

par le demandeur lui-même de remédier aux prétendues irrégularités
dans l'administration de la tutelle ou dans la conduite du plébiscite.
Dans ces conditions et vu l'adrnission par le demandeur de l'irre-
versibilité de la fin de la tutelle prononcée par l'Assembléegénérale,
le jugement de la Cour n'aurait aucune application pratique.

Le demandeur ayant insisté sur le fait qu'il ne demande qu'un
jugement déclaratoire,c'est-à-diredépourvu d'un exequatur, la Cour,
tout en admettant la notion des jugements déclaratoires, estime

que mêmepour cette catégorie de jugements, tout jugement doit
avoir une applicabilité continue soit en définissant une règle du
droit coutumier, soit en interprétant un traité encore en vigueur.
Mais lorsqu'il s'agit d'interpréter ou d'appliquer un traité qui n'est
plus en vigueur, tel que l'accord de tutelle, il n'y a aucune possibilité
pour une pareille application. La Cour cite les arrêts relatifs à
l'usine de Chorzow et Haya de la Torre pour exclure toute analogie
entre ces affaires et l'affaire actuelle.

La Cour ne cite pas le cas du Détroit de Corfou. Peut-être le
vise-t-elle par laformule «définissant une règle dedroit coutumier »,
mais (cl'applicabilité continue ))peut avoir trait à la règle du droit
international coutumier relative à la souveraineté, mais non pas au
jugement lui-même qui porte sur une action passée et n'a aucune
applicabilité en tant que jugement portant sur cles faits déterminés
et terminés.

Dans cette affaire, la question soumise au jugement de la Cour
était la suivante :

((Le Royaume-Uni a-t-il violé, selon le droit international, la
souverainetéde ...l'Albanie par les actions de la marine de guerre
britannique dans les eaux albanaises le 22 octobre 1946 et les 12
et 13 novembre 1946, et y a-t-il lieu à donner satisfaction? )) Or, la Cour, saisie de cette affaire, a déclaréque
(par les actions de sa marine de guerre ...le Royaume-Uni a violé
la souveraineté de ...l'Albanie, cette constatation par la Cour
constituant en elle-même unesatisfaction appropriée )).

Ce fut un jugement déclaratoire dans le sens accepté en Europe
et reconnu en droit international tant par la justice arbitrale
qu'internationale et le cas presque identique au cas actuel.

Or, en déclarant l'action actuelle inadmissible par suite de la fin
de la tutelle parce qu'elle ne pourrait pas avoir une application

pratique, on postule que l'essence de toute action judiciaire est
d'avoir une application pratique. Ce postulat est incontestable,
lorsqu'il s'agit d'un jugement requis en vue de son exécution, mais
plus que contestable lorsqu'il s'agit de jugements déclaratoires.

En fait, les jugements déclaratoires ont eu dans les systèmes
juridiques anglo-saxon et américain une carrière toute différente
de celle qu'ils connaissent dans la plupart des pays européenset en
droit international.

Ce fut grâce à une réforme de procédure adoptée depuis 1883
dans le système juridique anglais que la notion des jugements
déclaratoires a étéadoptée.
Cette réformetend à ce que
«no action or proceedingshall be open to objection, on the ground
that a merely declaratory judgment or order is sought thereby, and
the Court may make binding declarations of rights whether any
consequential reliefis or could be claimed or not».

Une réforme analogue fut introduite aux États-Unis par une loi
f6déralede 1934 et adoptée dans les législations de presque tous les
Etats.
Cesystème de (declaratoryjudgments »qui a un caractkre préven-
tif et qui a une technique assez particulière est appliqué dans une

vâriétéconsidérable de situations juridiques et il est d'emploi très
fréquent pour les avantages qu'il présente relativement à la procé-
dure ordinaire. Un des traits essentiels de ce système est l'appli-
cabilité effective des jugements déclaratoires, si bien que, lorsque
cet attribut fait défaut, le cas est considéré comme omoot ))ou
inadmissible.
Par contre, en droit continental et en droit international, les
applications des jugements déclaratoires sont peu fréquentes et
toutes différentes de celles du droit anglo-saxon et américain. En

tout cas l'applicabilité effective n'est nullement considérée comme
essentielle. 1.52 ARRÊT 2 XII 63 (OPI~YION DISS.M. BADAWI)
La présente action a pour objet une simple déclaration de faits

et de constatations juridiques relatives à des irrégularitésdans la
gestion de l'autorité administrante pendant toute la durée de la
tutelle ainsi qu'aux irrégularitésrelatives àla conduite du plébiscite.
Elle n'a pour objet rien qui puisse porter atteinte au plébiscite
lui-même ou à la fin de la tutelle proclamée définitivement 1)a.r
l'Assemblée généralepar sa résolution 1608 (XV). Sans avoir à
scruter les motifs qui sont àsa base ou l'utilisation que le demandeur
peut en faire, l'essentiel pour la Cour est de s'assurer que ces faits
et constatations présentent pour le demandeur un intérêtjuridique.

A plus d'une reprise et pour démontrer le défaut d'applicabilité

effective du jugement qui lui est demandé, la Cour constate que le
demandeur ne demande aucune réparation. Si donc celui-ci avait
demandé une réparation, fîit-ce symbolique, son action aurait été
admissible. En fait, le demandeur a dans cette action un double
intérêt,celui de Membre des Nations Unies que l'article 19 de
l'accord de tutelle reconnaît aux firis de protéger les intérêts dela
population du territoire soumis à.la tutelle et son intérêtpersonnel de
réunir les populations camerounaises sous un seul drapeau. Ce
double intérêtne suffirait-il pas, sans l'artifice légal d'une demande
de réparation, pour légitimer son action qui ne tend qu'à établir
l'exacte véritélégale en ce qui concerne la gestion de la tutelle?

Il est évident que ce double intérêt,ou du moins l'intérêtperson-
nel, aurait justifié une action judiciaire par application de I'ar-
ticle 19 de l'accord de tutelle, qu'elle comprenne ou non une
demande de réparation.

En fait,la déclaration de la fin de la tutellequi était, en 1961,une

suite inévitable du plébiscite - à moins qu'on ne recommence une
nouvelle expérience de tutelle avec de nouvelles conditions garan-
tissant une gestion meilleure et pour une duréedifficileàdéterminer,
ce qui aurait étéinadmissible - n'enlève en rien l'intérêtjuridique
que présente l'affaire actuelle pour le demandeur.

Il importe de noter à ce sujet que l'examen et l'appréciation
judiciaires sont les seuls moyens d'arriverà une constatation objec-
tive des irrégularitéscommises dans l'administration de la tutelle
ainsi que celle du plébiscite, lequel étant le terme de la tutelle,
provisoire par sa nature, faitpartic de sa durée.

Or, cette constatation objective, indispensable pour réaliser l'in-
térêtjuridique qui est à la base de la présente action, trouve sa
justification etsa vraisemblance, à la fois dans le premier plébiscitequi a donné une majorité contraire au second plébiscite, et dans la
résolution de l'Assembléegénérale1473 (XIIT)du 12 décembre 1959
par laquelle l'Assembléerecommande que l'autorité administrante
prenne sans retard des mesures pour effectuer la séparation admi-
nistrative du Cameroun septentrional et de la Nigériaet que cette
séparation soit achevéele xeroctobre 1960 - date de l'indépendance
de la Nigériaet de l'inévitable séparation entre la régiondu nordde
la Xigéria et du Cameroun septentrional, et neuf mois à partir de
la résolution elle-même.

Au demeurant, si cette action avait été introduite avant la fin de
la tutelle, etpoiirsuivie pendant la tutelle, elle aurait permis de
corriger les irrégularités et de terminer la tutelle d'une manière
correcte et irréprochable. Introduite avant la fin de la tutelle,
laquelle devait se terminer deux jours après, cette action avait été
valablement introduite et la Cour régulièrement saisie. L'intérêt
juridique ne cessant pas, la Cour ne pourra discontinuer à son
examen.

En fait, l'intérêtjuridique ne cesse pas par la déclaration de la
fin de la tutellecar,en faisant disparaître l'incertitude au sujet des
irrégularitésimputées à l'autorité administrante, la présente action
permettrait au demandeur de se disculper du crime de diffamztion
dont on pourrait légitimement l'accuser, sans compter que l'Assem-
blée générale des Nations Unies serait mieux éclairéeau sujet
d'une question que la nature des débats relatifs à la fin de la tutelle

ne pouvait pas permettre d'approfondir.

Certes, le rapport de causalité entre les irrégularités imputéesà
l'autorité administrante et le résultat du plébiscite demeurera tou-
jours une matière de spéculation et de conjecture, mais l'établisse-
ment de la vérité,en ce qui concerne les irrégularités,ne manquera
pas d'être d'un grand intérêtjuridique tant pour le demandeur
que pour l'Assembléegénérale.

Pour ces motifs, je conclus qu'outre que la Cour est compétente,
en vertu de l'article19 de l'accord de tutelle, l'action est parfaite-
ment admissible.

(Signé A). BADAWI.

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OPINION DISSIDENTE DE M. BADA\I7I

Sans s'arrêter aux questions ayant trait à sa juridiction, la Cour
base son arrêt sur les limitations imposéespar sa fonction judiciaire
laquelle exige qu'une action judiciaire ait un but ou un objet, en
un mot qu'elle ait une réalité, ce qui fait défaut dans le procès
actuel par suite de la fin de la tutelle et l'impossibilité reconnue

par le demandeur lui-même de remédier aux prétendues irrégularités
dans l'administration de la tutelle ou dans la conduite du plébiscite.
Dans ces conditions et vu l'adrnission par le demandeur de l'irre-
versibilité de la fin de la tutelle prononcée par l'Assembléegénérale,
le jugement de la Cour n'aurait aucune application pratique.

Le demandeur ayant insisté sur le fait qu'il ne demande qu'un
jugement déclaratoire,c'est-à-diredépourvu d'un exequatur, la Cour,
tout en admettant la notion des jugements déclaratoires, estime

que mêmepour cette catégorie de jugements, tout jugement doit
avoir une applicabilité continue soit en définissant une règle du
droit coutumier, soit en interprétant un traité encore en vigueur.
Mais lorsqu'il s'agit d'interpréter ou d'appliquer un traité qui n'est
plus en vigueur, tel que l'accord de tutelle, il n'y a aucune possibilité
pour une pareille application. La Cour cite les arrêts relatifs à
l'usine de Chorzow et Haya de la Torre pour exclure toute analogie
entre ces affaires et l'affaire actuelle.

La Cour ne cite pas le cas du Détroit de Corfou. Peut-être le
vise-t-elle par laformule «définissant une règle dedroit coutumier »,
mais (cl'applicabilité continue ))peut avoir trait à la règle du droit
international coutumier relative à la souveraineté, mais non pas au
jugement lui-même qui porte sur une action passée et n'a aucune
applicabilité en tant que jugement portant sur cles faits déterminés
et terminés.

Dans cette affaire, la question soumise au jugement de la Cour
était la suivante :

((Le Royaume-Uni a-t-il violé, selon le droit international, la
souverainetéde ...l'Albanie par les actions de la marine de guerre
britannique dans les eaux albanaises le 22 octobre 1946 et les 12
et 13 novembre 1946, et y a-t-il lieu à donner satisfaction? )) DISSENTING OPINION OF JTjDGE BADAWI

[Translation]
Without directing its consideration to questions concerning its
jurisdiction, the Court bases its Judgment on the limitations that
are imposed by its judicial function which requires that any legal
action must have a definite purpose or object, in a word, that it
must have some real substance, and this is lacking in the present
proceedings as a result of the termination of the trusteeship and of
the fact, which is admitted by the Applicant itself, that it is im-
possible to remedy the alleged irregularities in the administration
of the trusteeship and in the conduct of the plebiscite. In these
circumstances, and having regard to the Applicant's admission

that it is impossible to reverse the termination of the trusteeship
which was pronounced by the General Assembly, the Judgment
of the Court would have no practical application.
The Applicant having emphasized that it is asking only for a
declaratory judgment, that is to Say a judgment not of an execu-
tory character, the Court, whilst admitting the notion of declara-
tory judgments, considers that, even for that category of judg-
ments, every judgment must have continuing applicability either
because it expounds a rule of customary law or because it inter-
prets a treaty which remains in force. But when what is at issue
is the interpretation or the application of a treaty which is no
longer in force, as is the case with the Trusteeship Agreement, there
can be no possibility of any such application. The Court cites the
Judgments in the ChorzdwFactory case and the Haya de la Torre
case in order to show that there is no similarity between those
cases and the present one.
The Court does not cite the Corfu Channel case. Possibly it has
it in mind when it refers to a declaratory judgment that "expounds

a rule of customary international law" but whilst "continuing
applicability" can relate to the rule of customary international
law concerning sovereignty, it cannot relate to the judgment
itself which concerns past action and which is devoid of applica-
bility as being a judgment concerned with particular facts that are
over and done with.
In that case, the question submitted for the judgment of the
Court was as follows:

"Has the United Kingdom under international law violated the
sovereignty of the Albanian People's Republic by reason of the
acts of the Royal Navy in Albanian waters on the zznd October
todgive satisfaction?"3th November 1946 and is there any duty

139 Or, la Cour, saisie de cette affaire, a déclaréque
(par les actions de sa marine de guerre ...le Royaume-Uni a violé
la souveraineté de ...l'Albanie, cette constatation par la Cour
constituant en elle-même unesatisfaction appropriée )).

Ce fut un jugement déclaratoire dans le sens accepté en Europe
et reconnu en droit international tant par la justice arbitrale
qu'internationale et le cas presque identique au cas actuel.

Or, en déclarant l'action actuelle inadmissible par suite de la fin
de la tutelle parce qu'elle ne pourrait pas avoir une application

pratique, on postule que l'essence de toute action judiciaire est
d'avoir une application pratique. Ce postulat est incontestable,
lorsqu'il s'agit d'un jugement requis en vue de son exécution, mais
plus que contestable lorsqu'il s'agit de jugements déclaratoires.

En fait, les jugements déclaratoires ont eu dans les systèmes
juridiques anglo-saxon et américain une carrière toute différente
de celle qu'ils connaissent dans la plupart des pays européenset en
droit international.

Ce fut grâce à une réforme de procédure adoptée depuis 1883
dans le système juridique anglais que la notion des jugements
déclaratoires a étéadoptée.
Cette réformetend à ce que
«no action or proceedingshall be open to objection, on the ground
that a merely declaratory judgment or order is sought thereby, and
the Court may make binding declarations of rights whether any
consequential reliefis or could be claimed or not».

Une réforme analogue fut introduite aux États-Unis par une loi
f6déralede 1934 et adoptée dans les législations de presque tous les
Etats.
Cesystème de (declaratoryjudgments »qui a un caractkre préven-
tif et qui a une technique assez particulière est appliqué dans une

vâriétéconsidérable de situations juridiques et il est d'emploi très
fréquent pour les avantages qu'il présente relativement à la procé-
dure ordinaire. Un des traits essentiels de ce système est l'appli-
cabilité effective des jugements déclaratoires, si bien que, lorsque
cet attribut fait défaut, le cas est considéré comme omoot ))ou
inadmissible.
Par contre, en droit continental et en droit international, les
applications des jugements déclaratoires sont peu fréquentes et
toutes différentes de celles du droit anglo-saxon et américain. En

tout cas l'applicabilité effective n'est nullement considérée comme
essentielle. In its Judgment in this case, the Court found that-
"by reason of the acts of the British Navy ..the United Kingdom
violated the sovereignty of the People's Republic of Albania, and
that this declaration by the Court constitutes in itself appropriate
satisfaction".

This was a declaratory judgment in the sense accepted in Europe
and recognized in international law both in arbitral proceedings
and in proceedings before an international tribunal and the case
is almost identical with the present one.
But to declare that the present case is inadmissible as a result
of the termination of the trusteeship, because it could not lead to
any practical application, is to assume that the essential feature
of any legal action is that it must have a practical application.
This assumption is undeniable where a judgment is souglit for the

DurDoses of execution. but it is more than auestionable in the case
bf declaratory judgments.
In point of fact, declaratory judgmen.ts have undergone a course
of development in the Anglo-saxon and American legal systems
that is quite different from that which they have undergone in
most European countries and in international law.
It was as the result of a procedural reform introduced in 1883
inthe English legal system that the notion ofdeclaratoryjudgments
was adopted.
This reform was to the effect that-
"No action or proceeding shall be open to objection, on the ground
that a merely declaratory judgment or order issoughtthereby, and
the Court may make binding declarations of right whether any
consequentialreliefs,or could beclaimed or not."

A similar reform was introduced in the United States by a Federal
Statute of 1934 and was adopted by almost al1 State legislatures.

This system of declaratory judgments, which is preventive in
character and has somewhat special technical features, has been
applied in a large variety of legal situations and it is frequently
resorted to in view of the advantages it possesses over the ordinary
procedure. The effective applicability of declaratory judgments is
an essential feature of this system, so that when that character is
lacking the case is considered to be moot or inadmissible.

On the other hand, in continental and in international law, the
application of declaratory judgments is somewhat infrequent and
is wholly different from that in Anglo-saxon and American law.
In any case, effective applicability is by no means considered to
be essential. 1.52 ARRÊT 2 XII 63 (OPI~YION DISS.M. BADAWI)
La présente action a pour objet une simple déclaration de faits

et de constatations juridiques relatives à des irrégularitésdans la
gestion de l'autorité administrante pendant toute la durée de la
tutelle ainsi qu'aux irrégularitésrelatives àla conduite du plébiscite.
Elle n'a pour objet rien qui puisse porter atteinte au plébiscite
lui-même ou à la fin de la tutelle proclamée définitivement 1)a.r
l'Assemblée généralepar sa résolution 1608 (XV). Sans avoir à
scruter les motifs qui sont àsa base ou l'utilisation que le demandeur
peut en faire, l'essentiel pour la Cour est de s'assurer que ces faits
et constatations présentent pour le demandeur un intérêtjuridique.

A plus d'une reprise et pour démontrer le défaut d'applicabilité

effective du jugement qui lui est demandé, la Cour constate que le
demandeur ne demande aucune réparation. Si donc celui-ci avait
demandé une réparation, fîit-ce symbolique, son action aurait été
admissible. En fait, le demandeur a dans cette action un double
intérêt,celui de Membre des Nations Unies que l'article 19 de
l'accord de tutelle reconnaît aux firis de protéger les intérêts dela
population du territoire soumis à.la tutelle et son intérêtpersonnel de
réunir les populations camerounaises sous un seul drapeau. Ce
double intérêtne suffirait-il pas, sans l'artifice légal d'une demande
de réparation, pour légitimer son action qui ne tend qu'à établir
l'exacte véritélégale en ce qui concerne la gestion de la tutelle?

Il est évident que ce double intérêt,ou du moins l'intérêtperson-
nel, aurait justifié une action judiciaire par application de I'ar-
ticle 19 de l'accord de tutelle, qu'elle comprenne ou non une
demande de réparation.

En fait,la déclaration de la fin de la tutellequi était, en 1961,une

suite inévitable du plébiscite - à moins qu'on ne recommence une
nouvelle expérience de tutelle avec de nouvelles conditions garan-
tissant une gestion meilleure et pour une duréedifficileàdéterminer,
ce qui aurait étéinadmissible - n'enlève en rien l'intérêtjuridique
que présente l'affaire actuelle pour le demandeur.

Il importe de noter à ce sujet que l'examen et l'appréciation
judiciaires sont les seuls moyens d'arriverà une constatation objec-
tive des irrégularitéscommises dans l'administration de la tutelle
ainsi que celle du plébiscite, lequel étant le terme de la tutelle,
provisoire par sa nature, faitpartic de sa durée.

Or, cette constatation objective, indispensable pour réaliser l'in-
térêtjuridique qui est à la base de la présente action, trouve sa
justification etsa vraisemblance, à la fois dans le premier plébiscite The object of the present action is to obtajn a simple declara-
tion of facts and legal findings concerning irregularities in the
administration of the Administering Authority throughout the
period of trusteeship and irregularities in respect of the conduct
of the plebiscite. Itdoes not seek anything that could affect the
plt~biscite itself or the termination of the trusteeship which \vas
definitively pronounced by the General Assembly in its resolution
1608 (XV). The essential thing for the Court, which is not called
upon to consider the fundamental motives for the Application or
the use to which the Applicant may put the judgment, is to satisfy
itself thatthese facts and findings do present a legal interest for
the Applicant.

More than once, and to show that the judgment requested of
it would lack effective applicability, the Court ineiltions the fact
that the Applicant does not ask for any reparation. If therefore
the Applicant had requested reparation, even of a token nature,
its action would have been admissible. In point of fact, theAppli-
cant has a twofold interest in this case, the interest of a Member
of the United Nations, which Article 19 of the Trusteeship Agree-
ment recognizes for the purposes of protecting the interests of the
people of the Trust Territory, and its own persona1 interest in
reuniting the Cameroonian people under a single flag. \Vould
not this twofold interest, without the legal device of a claim for
reparation, suffice to justify its action, which seelcsonly the estab-
lishment of exact legal truth in regard to the administration of
the trusteeship ?
It is obvious that this twofold interest, or at al1 events the per-
sonal interest, would have supplied a basis for legal action under
Article 19 of the Trusteeship Agreement, whether it embodied

a request for reparation or not.

In fact, the declaration of the ending of the trusteeship, which
in 1961 was an inevitable consequence of the plebiscite-unless
the trusteeship mere to be re-instituted under new conditions
guaranteeing better administration for a period difficult to deter-
mine which would have been unacceptable- does not in any way
deprive the present case of its legal interest for the Applicant.
It should be observed in this connection that a judicial exami-
nation and appreciation constitute the only means of arriving at
an objective determination of the irregularities committed in
the administration of the trusteeship and in the conduct of the
plebiscite which, as the conclusion of the trusteeship, wliich by
its nature is temporary, forms part of its duration.

This objective determination, moreover, which is indispensable
in order to give effect to the legal interest which provides the basis
for the present case, finds its justification and its reason both inqui a donné une majorité contraire au second plébiscite, et dans la
résolution de l'Assembléegénérale1473 (XIIT)du 12 décembre 1959
par laquelle l'Assembléerecommande que l'autorité administrante
prenne sans retard des mesures pour effectuer la séparation admi-
nistrative du Cameroun septentrional et de la Nigériaet que cette
séparation soit achevéele xeroctobre 1960 - date de l'indépendance
de la Nigériaet de l'inévitable séparation entre la régiondu nordde
la Xigéria et du Cameroun septentrional, et neuf mois à partir de
la résolution elle-même.

Au demeurant, si cette action avait été introduite avant la fin de
la tutelle, etpoiirsuivie pendant la tutelle, elle aurait permis de
corriger les irrégularités et de terminer la tutelle d'une manière
correcte et irréprochable. Introduite avant la fin de la tutelle,
laquelle devait se terminer deux jours après, cette action avait été
valablement introduite et la Cour régulièrement saisie. L'intérêt
juridique ne cessant pas, la Cour ne pourra discontinuer à son
examen.

En fait, l'intérêtjuridique ne cesse pas par la déclaration de la
fin de la tutellecar,en faisant disparaître l'incertitude au sujet des
irrégularitésimputées à l'autorité administrante, la présente action
permettrait au demandeur de se disculper du crime de diffamztion
dont on pourrait légitimement l'accuser, sans compter que l'Assem-
blée générale des Nations Unies serait mieux éclairéeau sujet
d'une question que la nature des débats relatifs à la fin de la tutelle

ne pouvait pas permettre d'approfondir.

Certes, le rapport de causalité entre les irrégularités imputéesà
l'autorité administrante et le résultat du plébiscite demeurera tou-
jours une matière de spéculation et de conjecture, mais l'établisse-
ment de la vérité,en ce qui concerne les irrégularités,ne manquera
pas d'être d'un grand intérêtjuridique tant pour le demandeur
que pour l'Assembléegénérale.

Pour ces motifs, je conclus qu'outre que la Cour est compétente,
en vertu de l'article19 de l'accord de tutelle, l'action est parfaite-
ment admissible.

(Signé A). BADAWI.the first plebiscite which produced a majority contrary to that
of the second plebiscite, and also in the General Assembly's re-
solution 1473 (XIV) of 12 December 1959 by which the General
Assembly recommended that the Administering Authority should
initiate without delay the separation of the administration of the
Northern Cameroons from that of Nigeria and that this process
should be completed by I October 1960, the date of the indepen-
dence of Nigeria and of the inevitable separation of the Northern
Region of Nigeria from the Northern Cameroons, and nine months
after the date of the resolution itself.
Furthermore, if this action had been instituted before the end
of the trusteeship and prosecuted during the currency of the trus-

teeship, it would have made it possible to correct the irregularities
and to terminate the trusteeship properly and in a way not open to
criticism. Having been brought before the end of the trusteeship
which was to terminate two days later, this action was validly
instituted and the Court was properly seised. Since the legal
interest has not ceased to exist, the Court cannot discontinue its
examination of it.
In fact, the legalinterest has not ceased through the declaration
of the termination of the trusteeship for, by removing the uncer-
tainty regarding the irregularities of which the Administering
Authority is accused, the present action would enable the Appli-
cant to clear itself of any charge of defamation which might proper-
ly be directed against it, quite apart from the fact that the General
Assembly of the United Nations would be better enlightened in
regard to a question which the nature of the discussions concern-
ing the termination of the trusteeship did not allow it to investi-
gate thoroughly.

The causal relationship between the irregularities imputed to
the Administering Authority and the result of the plebiscite will,
of course, always remain a matter for speculation and conjecture,
but the establishment of the truth in regard to the irregularities
could not fail to be of great legal interest both for the Applicant
and for the General Assembly.

For the reasons given above, 1have reached the conclusion not
only that the Court possesses jurisdiction by virtue of Article 19
of the Trusteeship Agreement, but also that the action is perfectly
admissible.
(Sipned) A. BADAWI.

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