Opinion dissidente de M. Jessup (traduction)

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047-19660718-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. JESSUP
[Traduction ]
SECTION 1.INTRODUCTION

Etant donné le très grand respect que j'ai pour la Cour, je regrette
profondément de devoir faire connaître que je considère comme dénué

de tout fondement en droit l'arrêt que,par la voix prépondérantedu
Président,la Cour vient de rendre dans l'affaire du Sud-Ouest africain l.
A mon avis,la Cour n'est pas juridiquement fondée às'arrêterau seuil de
l'affaire et à esquiver une décision sur la question fondamentale de
savoir si la politique et la pratique de l'apartheiddans le territoire sous
Mandat du Sud-Ouest africain sont compatibles avec l'accomplissement
de la ccmission sacrée de civilisation)) confiée à la République sud-

africaine en tant aue Mandataire.
Comme je suis arrivé à la conclusion que la Cour est compétente et
que les demandeurs - 1'Ethiopieet le Libéria - ont qualitépour porter
leurs requêtesdevant la Cour et obtenir jugement, je pense qu'il est de
mon devoir de juge d'examiner les problèmes juridiques soulevéspar la
présente affaire,dont la Cour est saisie depuis six années,et sur la phase
préliminaire de laquelle elle s'est prononcée en 1962. Cet examen ex-
haustif est d'autant plus indispensable que je suis en désaccord avec la

Cour non seulement sur les motifs juridiques et les interprétations de
faits exposésdans l'arrêt,mais aussi sur la manière générale dont elle a
réglél'affaire. En ce qui concerne la nature et la valeur des opinions
dissidentes, je souscris entièrement aux vues d'un grand juge, ancien
membre de la Cour, sir Hersch Lauterpacht, qui a si souvent et si brillam-
ment servi la cause du droit international et de la justice internationale
grâce aux opinions individuelles ou dissidentes qu'il a émises.Je me

réfère à la section 23 de son ouvrage, The Development of International
Law by the International Court, 1958.Il y cite, en l'approuvant de toute
évidence(dans la note 10, page 66), la ((claire définition ))donnée par
Charles Evans Hughes qui a été membre de laCour permanente de Justice
internationale et, ultérieurement, Chief Justice des Etats-Unis: ccUne
opinion dissidente expriméedans un tribunal de dernier ressort est un

A mon sens, toutes les fois que la Cour rend un arrêtconformément à son
Statut, cet arrêtconstitue un arrêtla Cour et pas seulement un faisceau d'opi-
nions émanant des divers juges. Cette observation vaut également lorsque, con-
formément à l'article 55 du Statut, l'arrêtest adoptégrâce à la voix prépondérante
du Président. Je ne pense pas qu'il soit justifiable ni opportun de discréditer des
avis ou des arrêtsde la Cour en insistant sur l'importance de la majorité.Si la Cour
pratiquait le système prédominant en Europe, le nombre de juges composant la
à l'arrêtde la Cour et non pas à l'opinion de sept de ses membres. Je ne veuxpasi
dire par là, bien entendu, qu'il y ait la moindre inopportunitéu'un membre
de la Cour commente des vues expriméesdans les opinions individuelles ou dissi-
dentes de membres présentsou passésde la Cour. SUD-OUESTAFRICAIN(OP. DISS. JESSUP) 326
appel àl'esprit toujours présentdu droit, à l'intelligence d'un jour futur
où une décisionultérieurerectifiera peut-être l'erreurdans laquelle lejuge
qui émetcette opinion croit que le tribunal est tombé. )Ce n'est pas par

manque de respect pour la Cour, mais bien au contraire par respect pour
l'une de ses grandes et précieusestraditions, que j'exprime mon désac-
cord avec ses conclusions lorsque cela est nécessaire. C'estla première
fois, depuisque je siègeà laCour,que j'estime nécessairede formuler une
o~inion dissidente.
L'arrêtde la Cour est fondé,comme il convient, surune interprétation
des faits historiques qui ont marqué l'origine et le fonctionnement du
systèmedes Mandats de la Société desNations, replacés à leur époque.
Comme l'étude quej'ai faite du dossier historique depuis l'époque dela

conférencedela paix de Paris jusqu'à 1939m'a amené à penser quel'arrêt
méconnaîtla nature des règlementsintervenus lorsdela conclusion de la
paix à la fin de la première guerre mondiale, la nature et le fonctionne-
ment dela Sociétédes Nations, ainsi quela nature et le fonctionnement du
systèmedesMandats, il me faut exposer mes conclusions sur ces points.
Dans son arrêt, laCour affirmequ'elle ((doit refuser [de] donner suite 1)
aux demandes; cette affirmation dérivenaturellement de l'analyse, faite
par la Cour, de ce quesont ces demandes. Comme j'interprète autrement
la nature des demandes et conclusions des demandeurs, il m'incombe de

démontrer en quoi mon interprétation diffère,compte tenu de leur nature
et deleur contexte. Cen'est qu'aprèsavoir bien précisé celaqueje serai en
mesure de me prononcer, sous l'angle judiciaire, sur la question de savoir
si les demandeurs ont le droit ou intérêjturidique qu'il fautpour obtenir
dela Cour, en tout ou en partie, ce qu'ils demandent.
L'arrêtest fondésur un motif qui n'est pas énoncédans les conclusions
finales du défendeur, à savoir que les demandeurs n'ont aucun ((droitou
intérêt juridiqueau regard de l'objet des présentes demandes ». On dit
qu'il s'agit en l'occurrence d'une question portant sur le ((fond )de la
demande et c'est par conséquent eu égard au ((fond ))qu'il convient

d'analyser la nature du droit ou intérêjturidique nécessaire.
Aux termes de l'arrêt,

((qu'ils'agissede l'existenceet dela nature des obligations du défen-
deur, relativement au Mandat ou bien de l'existence et de la nature
du droit ou intérêjturidique des demandeurs à cet égard,ce sont les
mêmestextes qui sont pertinents. On a soutenu aussi que certains
principes humanitaires qui auraient une influence sur la nature des
obligations du Mandataire concernant les habitants du territoire,

seraientà la base du droit des demandeurs d'exiger àtitre individuel
l'exécutionde ces obligations. Les conséquencesdu premier alinéa de
l'article7 du Mandat ...doivent êtreexaminéesnon seulement par
rapport à la conclusion finale no 9 des demandeurs et à certains
éléments dela conclusion no2, mais encore, comme on le verra plus
loin, par rapport à la question de la qualité des demandeurs au
regard du fond. La situation consécutive à la dissolution de la
Sociétédes Nations en 1946soulève elle aussi un problème revêtant un double aspect, et il en est de même pour d'autres points. »

Si, comme c'est le cas, mon analyse de ces ((mêmestextes », de ces
((principes» et de «la situation consécutiveà la dissolution de la Société
des Nations)) me conduit à une conclusion différente de celle qu'a
adoptée la Cour,il m'incombe, je me permets de le dire, d'expliquer mon
raisonnement et d'exposer pourquoi ilme porte à conclure que les deman-
deurs ont le ((droit ou intérêt juridiqu» nécessaire.
D'autre part, il convient d'indiquer que certains aspectsdes multiples
questions, tant de procédure que de fond, qui ont étésoulevéesdans la

présente affaire, ne sauraient êtretranchés dans le cadre d'une opinion
dissidente; il en va ainsi, par exemple, de l'appréciation détaillée dela
pertinence et de la valeur des dépositionsfaMs par les quatorze témoins.
Comme la Cour ne se prononce pas sur des questions de ce genre, qui
n'ont pas étéet ne pouvaient pas êtredéfinitivementrésoluesau cours de
la procédureorale, le dossier ne saurait êtreconsidéré commeconstituant
un précédent.
C'est la cinquième fois que la Cour examine des problèmes juridiques
relatifsà i'administration, par la République sud-africaine, du terri-
toire sous Mandat du Sud-Ouest africain. Ni dans ses trois avis consul-
tatifs, rendus respectivement en 1950, 1955et 1956,ni dans son arrêt du

21 décembre1962,la Cour ne s'estjamais écartéede sa conclusion selon
laquelle le Mandat a survécu à la dissolution dela SociétédesNations et
selon laquelle le Sud-Ouest africain demeure un territoire soumis au
Mandat. Or, par son arrêtd'aujourd'hui, la Cour décide en réalitéque
les demandeurs n'ont pas mêmequalitépour luidemander dedéclarer que
le territoire reste soumis au Mandat.
L'affaire que la Cour vient de trancher lui a été soumisele4 novembre
1960 par des requêtesde lYEthiopieet du Libéria. La Cour a joint les
deux instances par ordonnance en date du 20 mai 1961.
Le 30novembre 1961,le défendeur -le Gouvernement sud-africain -
a déposé des exceptions préliminaires. Lesdemandeurs ont nommé un

juge ad hoc et le défendeur a fait de même.La procédure orale s'est
dérouléedu 2 au 5, du 8 au 11, du 15 au 17 octobre, ainsi que les 19 et
22 octobre 1962.
Par arrêt du 21 décembre 1962, la Cour a décidé qu'((elle est com-
pétentepour statuer sur le fond du différend 1).
L'adoption de cette conclusion exigeait que la Cour rejette les quatre
exceptions préliminaires formuléespar le défendeur. Elle les a effective-
ment rejetéeset, ce faisant, elle a affirméen substance:

1) que le Mandat pour le Sud-Ouest africain constitue «un traitéou une
convention en vigueur )au sens de l'article 37 du Statut de la Cour;
2) qu'en dépitde la dissolution de la Société desNations, 1'Ethiopie et
le Libéria avaient, envertu du deuxièmealinéadel'article7duMandat,
qualitépour invoquer la juridiction de la Cour;
3) queledifférendentre lesdemandeurs etledéfendeurétaitun ((différend))
ainsi qu'il est prévu au deuxième alinéa de l'article 7 du Mandat;

3254) que la confrontation prolongée de thèses divergentes à l'Assemblée
généraledes Nations Unies constituait des ((négociations »au sens du
deuxième alinéa de l'article 7 du Mandat et démontrait que le dif-
férenden question étaitbien un différendqui n'étaitpas susceptible
d'être réglpéar des négociations au sens de la mêmedisposition du
Mandat.

En vertu de l'article 60 du Statut de la Cour, cet arrêt de 1962 est
((définitifet sans recours».En vertu de l'article 94, paragraphe 1, de la
Charte des Nations Unies, les deux Parties à l'affaire avaient l'obligation
de se conformer à cette décisionde la Cour.
Après l'arrêt de1962, le défendeur a déposéson contre-mémoire
qui comprenait dix volumes plus un volume supplémentaire. Les deman-
deurs ont à leur tour déposé leurréplique; le défendeury a répondu par

sa duplique qui consistait en deux volumes, complétés par d'autres
documents et notamment par ce que l'on appelle le rapport Odendaal
(557 pages impriméesgrand format).
A partir du 15 mars 1965 la Cour a consacré quatre-vingt-dix-neuf
audiences publiques à la procédure orale, au cours de laquelle elle a
entendu les agents et conseils des deux Parties dans leurs plaidoiries,
ainsi que les dépositionsde quatorze témoins.
La Cour a étudié le volumineux dossier de l'affaire et son délibéré
a durésix mois environ.
Or voici que la Cour écartece dossier de seize annéeset, sur la base
d'une thèse que le défendeur n'a pas avancée dans ses conclusionsfinales

en date du 5 novembre 1965, décide qu'ilconvient de rejeter la demande
sous prétexteque les demandeurs n'ont aucun droit ni intérêt juridique.
Les demandeurs n'ont sollicité ni dommages-intérêtsni une autre
compensation matériellepour eux-mêmes.Ils ont en réalité et en partie
sollicitéun jugement déclaratoire qui interpréterait certaines dispositions
du Mandat pour le Sud-Ouest africain. Comme la Cour a décidéen
1962 qu'ils avaient qualité (locus standi) pour intenter l'action, ils
sont maintenant fondés à obtenir un jugement déclaratoire sans avoir
à prouver l'existence d'un autre intérêt.
Compte tenu de différencestenant aux faits, le passage suivant de

l'opinion individuelle formulée par sir Gerald Fitzmaurice dans l'affaire
du Camerounseptentrional(C.I.J. Recueil 1963,p. 99) est en l'occurrence
pertinent:
(En ne réclamant aucune indemnisation. 1'Etat demandeur s'est
placédans une situation telle que, si la Cour avait statuéau fond,

il aurait pu obtenir une décision ensa faveur en établissant simple-
ment que des violations de l'accord de tutelle avaient été commises;
il n'aurait pas eu à établir - ce qu'il aurait dû faire s'il avait
demandé une réparation - que ces violations étaient la cause
réelleet directe du préjudice allégué,àsavoir l'union du Cameroun
septentrional avec la Fédérationde Nigeria et non avec la Répu-
blique du Cameroun; il n'aurait pas eu en somme à établir la
responsabilitéinternationale du Royaume-Uni à raison de ce fait.)) Et l'éminent juge de conclure ainsi ses observations sur ce point:

((11n'appartient pas à un tribunal international de prononcer
un blâme dans le vide ou de déclarerun Etat coupable d'illégalités,
si ce n'est dans le cadre età propos d'une décision précisantque
ces illégalitéssont la cause des conséquences incriminées etque
1'Etat viséen est par suite responsable sur le plan internaXional,
si ce n'est encoreen liaison avec une situation juridique qui doit
dureret ausujet de laquelle ilpeutêtrjuridiquement utile etpertinent
de dire que des illégaliosnt étécommises. »(Loc. cit., p. 100.)

Lestermes quej'ai misen italiques illustrent la situation dans la présente
affaire du Sud-Ouest africain.
Le deuxième alinéa de l'article7 du Mandat conférait à tout Membre
de la Société desNations le droit de saisir la Cour d'un différend relatif
à l'interprétation des dispositions du Mandat, si le différend nepouvait
êtreréglépar des négociations. Comme je le montrerai plus loin de
manière plus détaillée,la Cour a reconnu en 1962 aux demandeurs la
qualitéde «Membres de la Société desNations ». Cela est chose jugée

et l'arrêtque la Cour rend aujourd'hui ne vise pas à remettre en cause
cette conclusion. En 1962,la Cour a égalementaffirméque la présente
affaire porte sur un différendqui ne peut êtreréglépar des négociations.
Cette double conclusion a le même poidset la décisiond'aujourd'hui
ne vise pasà la remettre en cause. On ne nie pas, je crois, que le différend
porte sur l'interprétation des dispositions du Mandat. Je ne vois pas
comment on peut brouiller un tableau aussi clair en disant que les de-
mandes présentées exigentla mise en Œuvreou l'exécution d'obligations
contractéespar le défendeur àl'égard desdemandeurs.Il se peut qu'effec-
tivement les conclusions comportent aussi cet élément,comme on le
notera, mais cela n'exclut pas pour autant les demandes touchant à

l'interprétation du Mandat, formulées en même temps.
Il est fort possible de considérer comme toute différentela question
de savoir si les demandeurs doivent justifier d'un autre droit, titre ou
intérêtpour étayer les demandes présentées en l'espèce et tendant à
obtenir de la Cour qu'elle enjoigne au défendeur de renoncer à un
certain comportement qui violerait, prétend-on, les obligations juridi-
ques lui incombant en tant que Mandataire - mais l'arrêtde la Cour
refuse aux demandeurs jusqu'au jugement déclaratoire. On pourra
cependant dire que, si la Cour, dûment saisie, constate que le défendeur
viole ses obligations juridiques dans l'administration du Mandat, rien

dans son Statut ni dans les principes générauxde droit ne l'empêche
d'enjoindre au défendeur derenoncer à une telle attitude. Mais la Cour
permanente et la Cour actuelle n'ont pas en généralconçu leurs arrêts
de cette manière. En vertu du Statut de la Cour internationale, un arrêt
est (définitifet sans recours», comme nous l'avons déjà signalé.AUX
termes de l'article 94 de la Charte, ((chaque Membre des Nations Unies
s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de
Justice dans tout litige auquel il est part».Si dans son arrêt la Cour

327 affirme qu'un certain comportement constitue une violation des obli-
gations juridiques d'un Etat, cet Etat est tenu de se conformer à la
décision dela Cour en s'abstenant de ce comportement illicite. La Cour
ne doit pas partir de l'hypothèse qu'un Etat Membre des Nations
Unies peut violer l'obligation que lui impose l'article. On serappellera
que, dans le tout premier arrêt que la Cour permanente de Justice inter-
nationale a rendu, elle a refuséde faire droitla requêtedes demandeurs
et d'allouer des ((intérêtsmoratoires plus élevéspour le cas où l'arrêt
resterait inexécutéaprès expiration du délai fixépour son exécution.
La Cour ne peut ni ne doit envisager une telle éventualité. ))(Vapeur
Wimbledon, 1923, C.P.J.I. sérieA no1, p. 32.)

Comme une opinion dissidente ne représente pas l'avis de la Cour,
il est inutile que j'examine de façon détailléela question distincte de
savoir si, au cas où la Cour aurait statué sur ce qui est véritablement le
fond de l'affaire, elle aurait dû accueillir des demandes tendant à ce
qu'il soit enjoint au défendeur defaire ou de s'abstenir de faire certaines
choses qui sont mentionnées dans les conclusions des demandeurs. Si
la Cour s'étaitoccupéede telles questions, il lui aurait fallu étudier un
grand nombre de donnéesde fait. L'un des points de fait les plus évidents
avait traità la conclusion no 6 selon laquelle le défendeur aurait établi
des bases militaires sur le territoire. La déposition de l'un des témoins
du défendeurm'a convaincu aue ce grief était dénué de tout fondement.
Dans leur conclusion no 4, les demandeurs incriminent d'une manière
généraleles ((principes économiques, politiques, sociaux et éducatifs

appliqués dans le territoire ...les lois et règlements et ...les méthodes
et actes officiels décrits dans les écritures...)) Pour apprécier cette
conclusion, et au cas où elle aurait envisagé de rendre une ordonnance
enjoignant au dkjendeur de cesser certains agissementset de s'en abstenir
dansl'avenir, la Cour aurait dû déterminer si le défendeuravait apporté
certaines modifications depuis la date du dépôtdes requêtes,le 4 novem-
bre 1960.Sans prétendredégagerune conclusion des éléments de preuve,
je crois que la Cour aurait alors probablement constaté que le défendeur,
sensible peut-êtreà la condamnation généraleencourue par son adminis-
tration du Sud-Ouest africain, y avait apporté de nombreuses améliora-
tions. Cela ne veut pas dire qu'il a abandonné la politique d'apartheid
qui fait l'objet de la conclusion no 3 des demandeurs et ne signifie pas
non plus que la Cour, en se prononçant sur le point de savoir sicertaines

politiques ou mesures étaient conformes aux obligations du Mandataire,
aurait pu négligerla ((date critiquen qui était la date du dépôt des
requêtes.
L'arrêtque la Cour rend aujourd'hui n'est pas une décisionjudiciaire
définitive et obligatoire sur ce qui est vraiment le fond du litige soulevé
en l'espèce. En fait, infirmant son arrêt du 21 décembre 1962, la Cour
rejette les requêtes desdemandeurs in limineet s'abstient de se prononcer
sur le véritablefond de l'affaire. La Cour n'a par conséquent pas décidé,
comme l'a soutenu le défendeur, «que le Mandat pour le Sud-Ouest
africain dans son ensemble est devenu caduc lors de la dissolution de la
Société desNations et que le défendeur n'est plus en conséquence soumis à aucune des obligations juridiques découlant du Mandat ».
En outre la Cour n'a pas décidé,comme le défendeur l'a affirmé

subsidiairement, que les obligations incombant antérieurement au
Mandataire et consistant à faire rapport et à rendre compte ont pris
fin lors de la dissolution de la Société desNations.
La Cour n'a pas rendu de décisioncontraire aux conclusions juri-
diques fondamentales que contient son avis consultatif de 1950, com-
plétépar les avis consultatifs de 1955et 1956et réaffirmé ensubstance
dans l'arrêtde 1962.

Qui plus est, la Cour n'a pas décidéque les demandeurs ont tort
d'affirmer que le Mandataire - la République sud-africaine - a violé
les obligations énoncéesdans le Mandat et l'article 22 du Pacte de la
Société desNations. En d'autres termes, la décisionde la Cour n'a ni
réfuté ni rejeté, sur le plan judiciaire,les griefs des demandeurs d'après
lesquels la mission sacréede civilisation que le Mandat imposait à

l'Afrique du Sud a étéviolée.
Néanmoins, vu les motifs de la Cour et les conclusions qu'elle a
adoptées sur certaines questions fondamentales de fait et de droit,
il importe d'examiner l'ensemble de ces questions sous divers aspects,
comme le montrera la présente opinion.

SECTION II.CARACTÈR DEÉFINITIFDES PRONONCÉSANTÉRIEURS DE LA COUR

Arrêt de1962

Il ne serait pas approprié, je crois, de s'appuyer uniquement sur les
éléments de l'arrêt renduen 1962par la Cour qui présentent un caractère

définitif.Mais j'indiquerai brièvement les principes juridiques qui exi-
gent que l'on attribue aux décisionset avis antérieurs dela présenteCour
plus d'autorité que l'actuelledécisionne parait le faire.
Pour dissiper l'erreur qui consiste à dire qu'aucune décisionsur une
exceptionpréliminairene peut avoir de caractère définitifet pour préciser
d'abord la terminologie, on notera que le paragraphe 1 de l'article 94 de
la Charte des Nations Unies utilise en français le mot ((décision ))et en

anglais decision. Au paragraphe 2 de cet article 94, on parle d'«arrêt »
(judgment) l. A l'article 41, paragraphe 2, du Statut, le mot ((arrêt))
est traduit en anglais par decisioneà l'article 63,paragraphe 2, du Statut,
judgment correspond à (sentence ». Dans le Règlementde la Cour, l'ar-
ticle 64, paragraphe 6, dit que «La Cour statue ...par un arrêt » (The
Court willgive its decisionin theform of ajudgment). Ontrouve lesmêmes

Article 94 de la Charte:
1. Chaque Membre des Nations Unies s'engage à se conformer à la décision
de la Cour internationalede Justice dans tout litige auquelest partie.
2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux oblitations qui lui incombent en
vertud'un arrêtrendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité
et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire des recommanou décider des
mesures à prendre pour faire exécuter l'arr)).expressions dans les deux langues à l'article 81 du Règlement. A l'ar-
ticle62,paragraphe 5,qui serapporte aux exceptionspréliminaires,letexte
français utilise de nouveau le mot (statue »,tandis que le texte anglais
parle d'une decision. La decision (pour utiliser le terme figurant à l'ar-
ticle 62, paragraphe 5, du Règlement)du 21 décembre1962est intitulée
«arrêt » (Judgmentj et commence par les termes (p. 321) : «La Cour ...

rend l'arrêt suivan t (The Court ... delivers the following Judgment).
La Cour a utiliséle terme d'((arrê t (judgment) dans chacune de ses
décisions relatives aux exceptions préliminaires, de l'affaire du Détroit
de Corfou (C.I.J. Recueil 1947-1948,p. 15) jusqu'à celle de la Barcelona
Traction, Light and Power Company,Limited (C.Z.J. Recueil 1964,p. 6).
Après avoir analysé certains passages de l'affaire du Droit d'asile,

Rosenne écrit (The Law and Practice of the International Court, 1965,
vol. II, p. 627):

((11faudrait donc en conclure que le mot ((décision » (decision)
à l'article 59 du Statut a le même sensquele mot (arrêt))(judgment)
à l'article 60 et se rapporte non seulement au dispositif mais aussi
aux motifs de l'arrêt.Il est clair que c'est aussi le sens à donner au
mot (sentence ))(judgment) à l'article 63.»

Il n'y a pas de distinction bien marquée entre ((décision )et ((arrêt»,
ces termes pouvant êtreutilisés l'unpour l'autre. Par conséquent, depuis

le 21 décembre1962,en vertu de l'article 94, paragraphe 1,de la Charte,
une certaine obligation incombe aux demandeurs et au défendeur du
fait de l'arrêtrendu à cette date. Je traiterai plus loin de ce à quoi les
deux Parties sont maintenant obligéesde (cse conformer ))(to comply).
Aux termes de l'article 60 du Statut, l'arrêtdu 21 décembre 1962 est
((définitifet sans recours ))bien que, selon l'article 59, il ne soit((obliga-

toire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». Au
sens de l'article 59, la présente instance relève bien du ((cas qui a été
décidé)).11ne fait pas de doute qu'à l'article 60 l'expression «sans
recours ))s'applique seulement aux parties; si l'arrêt neles satisfait pas,
elles peuvent en demander une revision aux termes de l'article 61 du
Statut, à condition qu'elles satisfassent aux conditions énoncéespar

cet article.A l'article 60, le mot définiti» peut avoir une signification
plus large et viser tant la Cour que les parties. Etant donné que ledéfen-
deur n'a pas appliqué la procédure définieaux articles 78 et suivants
du Règlement et n'a pas cherché ouvertement à obtenir une (revision 1)
de l'arrêtde 1962,j'estime que la Cour ne se trouve pas dans une situa-
tion correspondant à celle qui est décriteà l'article 61 du Statut, malgré

les ((faitsnouveaux 1invoquéspar le défendeur (etdont je traiterai plus
tard).
En énonçant à l'article 60 que ((L'arrêtest définitifet sans recours »,
ce qui doit êtreliéau membre de phrase de l'article 59 ((dansle cas qui
a été décidé ))le Statut a en fait adopté la règle - ou principe - de
l'autoritéde la chose jugée,qui avait été citéd eans les débatsdu Comité SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 333

consultatif de juristes ayant rédigéle Statut de la Cour permanente de
Justice internationale en 1920comme un exemplemanifeste de ((principe
généralde droit reconnu par les nations civilisées ».Cette règles'appuie
sur la maxime Interest reipublicaeut sitfinis litium ou interestreipublicae
resjudicatas non rescindi.Anzilotti, dans ce que Rosenne appelle (1965,

vol. II, p. 624) «un énoncé classiquedu droit »,estime que les éléments
suivants sont essentiels pour l'application du principe de l'autorité de
la chosejugée:identitédes parties, identitéde cause et indentitéd'objet
de la procédure subséquente: personu, petitum, causa petendi. (Inter-
prétation des arrêts no" et 8 (usine de Chorzow), arrêtno 11, 1927,
C.P.J.I. sérieA no13, p. 23-27.) Je crois que ces éléments essentiels sont

présents en l'espèce. Celanous amène de nouveau à la conclusion que
quelque chosea dû êtredécidéde façon définitivepar l'arrêtde 1962.
Pourtant, la règle énoncée à l'article 60 du Statut ((ne peut ... être
considérée commeinterdisant au tribunal de reviser lui-mêmeun juge-
ment, dans des circonstances particulières, lorsque des faits nouveaux
d'importance décisiveont été découverts ...» (EfSet de jugements du

Tribunal administratif des Nations Unies accordant indemnité, C.I.J.
Recueil 1954,p. 55). En outre, la Cour a toujours la facultéd'examiner
de son propre chef si elle est compétenteou non.
On ne trouve ni dans la jurisprudence des deux Cours, ni dans les
opinions individuelles, ni dans ((ladoctrine des publicistes les plus quali-
fiés» de critères permettant de déterminer automatiquement ce qui

relèveou non de la règlede la chose jugée.Je partage l'avis d'Anzilotti
dans son opinion dissidente (affaire citée,p. 24):
«En disant que seul le dispositif de l'arrêtest obligatoire, je

n'entends pas dire que seulement ce qui est matériellement écrit
dans le dispositif constitue la décision dela Cour. 11est certain,
par contre, qu'il est presque toujours nécessaire d'avoir recours
aux motifs pour bien comprendre le dispositif et surtout pour déter-
miner la causa petendi. ))

Dans la mêmeaffaire, la Cour a clairement indiqué(p. 20) que les
((constatations » sur lesquellesrepose la (conclusion, qui est maintenant,
sans conteste, passée en forcede chose jugée » - ((constatations qui

constituent une condition absolue de la décision dela Cour» - font
partie des points (tranchés avec force obligatoire aux termes de l'ar-
ticle 59 du Statut ))l.

l Voici le texte entier du passage pertinenNAinsi qu'il a étérappelé ci-dessus,
la Cour a, par ledit arrêt, dit et jugé que l'attitude du Gouvernement polonais
vis-à-vis de1'Oberschlesische n'était pas conforme aux dispositions de la Con-
vention de Genève. Cette conclusion, qui est maintenant, sans conteste, passée
en force de chose jugée, reposait, entre autres,d'une part, sur la constatation
qu'au point de vue du droit international, le Gouvernement allemand avait bien
le droit d'aliéner l'usine de Chorzow, et, d'autre part, sur constatation qu'au
point de vue du droit civil, I'Oberschlesische avait valablement acquis le droit
de propriété sur l'usine constatations qui constituent une condition absolue de la
décisionde la Cour. La constatation suivant laquelle, au point de vue du droit civil,
l'usine appartenaità I'Oberschlesische fait, par conséquent, partie des points que La Cour permanente a signalé,dans une autre affaire, que les motifs
qui ne dépassentpas la portéedu dispositif ont force obligatoire (Ser-
vicepostal polonais à Dantzig, C.P.J.I. sérieB no II, p. 29). Toutefois
il est clair que les motifs ou arguments invoquéspar la Cour à l'appui
de la décision ne relèvent pastous de la chose jugée.
Le paragraphe 3 de l'article 62 du Règlement stipule: «Dès récep-
tion par le Greffier de l'acte introductif de l'exception,la procédure sur

le fond est suspendue ...» On soutient sur la base de cette disposition
que si, en statuant sur une exception préliminaire d'incompétenceou
d'irrecevabilité,la Cour effleureune question qui se rapporte ou appar-
tient au fond, ce qu'elle dit n'a qu'un caractère incident. Cet argument
est fondé surune conception erronée de l'article du Règlement,comme
le montre l'historique de celui-ci. C'estlors de la revision du Règlement
par la Cour permanente de Justice internationale en 1936qu'a été insé-
réela disposition: «la procédure sur le fond est suspendue ».Aupara-

vant le Règlement ne contenait rien de tel. L'examen de la question à
la Cour montre que tout l'intérêt était centré sluer problème des délais
que la Cour avait déjàfixéspour l'instance principale. Il a éténoté
que de nouveaux délais devraient probablement être accordés si la
Cour rejetait l'exception préliminaire. C'est ainsique M. Fromageot
a proposé d'ajouter au paragraphe 3 les mots «les délais primitivement
fixéspour la procédure au fond sont suspendus » (C.P.J.I. série D,

3Qddendum au no2, p. 706). Lorsqu'un autre membre de la Cour a fait
observer «que c'est à partir de la présentation de l'exception que la
procédure du fond est suspendue », M. Fromageot a suggéré de modifier
son texte comme suit: (cDès ce moment, les délais primitivement fixés
pour la procédureau fond sont suspendus. )Plus loin on lit: «Le Gref-
fier relèvequ'il ne s'agit pas strictement parlant d'une suspension de
délais.Ce qui est suspendu, c'est l'obligationpour les parties de déposer
à date$xe telle ou telle pièceécrite. »(Ibid., p. 707 - les italiques sont

de nous.) M. Fromageot a alors aussitôt proposé le libellésuivant, qui
a été finalementadopté: ((La procédure sur le fond est suspendue. ))

Il est parfaitement clair que la disposition dont il s'agit était une
simple question de procédure administrative portant sur la fixation de
délaiset n'étaitpas censéeavoir les incidences quant au fond qu'on cher-
che actuellement à lui prêter. L'arrêt rendu aujourd'huipar la Cour

pousse cette nouvelle théorieplus loin qu'on ne l'a jamais fait; elle va
trop loin et il convient de rappeler l'historique de l'article.

l'Arrêtno 7 a tranchésavec force obligatoire aux termes de l'article 59 du Statut.
Le contexte dans lequel se trouve le passage dont il s'agit sert précisémentà établir
le droit de propriété deI'Oberschlesische au point de vue du droit civil.
L'Arrêtno 7 de la Cour est de la nature d'un jugement déclaratoire qui, selon
son idée, est destinéfaire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes
et avec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation jainsique
fixéene puisse plus êtremise en discussion, pour ce qui est des conséquences juri-
diques qui en découlent.(C.P.J.I. sérieA no13, op. cit., p- 2les italiques sont
de nous.) SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 335

Au stade des exceptions préliminaires, le rôle des parties est inversé.
Le défendeur qui soulève l'exception préliminaire est invitéen premier
par la Cour à exposer sa thèse; le demandeur répond, le défendeur
réplique et la procédure orale se termine par la duplique orale du de-
mandeur. Dans la procédure sur le fond, c'est le demandeur qui com-
mence et c'est ledéfendeurqui parle en dernier. C'est pourquoi on dit:

«La procédure sur l'exception préliminaire ...prend maintenant
la forme d'une affaire en soi, qui se greffe sur la procédure sur le
fond (et dans laquelle 1'Etat ayant présenté l'exception devient
demandeur: In excipiendo reus jît actor)» (Rosenne, 1965, vol. 1,
p. 464.)

Le principe est bien connu. Voir Ballantine, Law Dictionary, 1930,
page 1138 : ((Reusexcipiendo jît actor. Le défendeur, en présentant une
exception, peut se muer en demandeur »;The CyclopedicLaw Dictionary,
3eédition, 1940,page 975: «Le défendeur, enprésentant une exception,
devient demandeur; ))Bell, South African Legal Dictionary, 3e édition,
1951,page 21 : «celuiqui fait valoir une exception est considéré comme
demandeur; en ce qui concerne son exception, le défendeur est deman-

deur )).
Dans cette phase préliminaire, la Cour statue, non pas sur les préten-
tions du demandeur, mais sur les conclusions déposéespar le défendeur.

Dans l'affaire qui nous occupe, au stade des exceptions préliminaires,
l'agent du défendeur a lu d'abord les conclusions suivantes le 11 oc-
tobre 1962:

«le Mandat pour le Sud-Ouest africain [n'a jamais été,ou en tout
cas n'est plus depuis la dissolution de la Société desNations]
«un traité ou une convention en vigueur » au sens de l'article 37
du Statut de la Cour, la présente conclusion visant:

a) ledit accord de Mandat dans son ensemble, y compris l'article 7,
et
b) en tout cas l'article 7 même l.))

La Cour était donc invitée à se prononcer sur ce point de droit en
choisissant l'une des deux solutions. Elle a rendu un arrêt où elle a
prononcé que le Mandat, en dépit de la dissolution de la Société des
Nations, était ((untraitéou une convention en vigueur » au sens de I'ar-
ticle 37 du Statut, et que la validité del'article 7 n'étaitpas affectéepar
cette dissolution (affaires du Sud-Ouest africain, C.I.J. Recueil 1962,
p. 330 et suiv.).
Ces premières conclusions du défendeur mettaient directement en

question la compétence de la Cour du fait qu'elles contestaient la vali-
dité de la disposition conventionnelle (article 7) par laquelle le défen-
deur avait accepté la juridiction de la Cour.

Les mots placés entre crochets ont étéinsérésdans la conclusion reviséele
22 octobre, à la suite d'une question posée aux Parties par sir Percy Spender.
Voir arrêt de1962,p. 330.
333 Je ne parviens pas à comprendre comment la Cour peut dire que la
décision qu'ellea prise sur ces premières conclusions dans son arrêt
de 1962 étaient simplement fondéesur une hypothèse ou reposait sur
une sorte de base provisoire. Aucune pensée dé ce genre n'a étéex-
primée dans l'arrêtde 1962.
La deuxième conclusion contestait la qualité des demandeurs pour
agir:

((Deuxièmement,nile Gouvernement de 1'Ethiopieni le Gouver-
nement du Libéria nesont ((un autre Membre de la Société des
Nations ))ainsi que l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest afri-
cain l'exige pour qu'il y ait locus standi.1)
Pour plusieurs motifs, la Cour a rejeté cette exception (p. 342). Elle

a donc clairement prononcé que les demandeurs ont qualitépour agir
et cela est passéen force de chose jugée.
La troisième conclusion énonçait qu'il n'y a pas de ((différend » au
sensdel'article7,caraucun intérêtconcred tesdemandeurs n'étaitenjeu:
((Troisièmement,le conflit ou désaccord que les gouvernements
de 17Ethiopieet du Libériaprétendent exister entre eux et le Gou-

vernement de la République sud-africaine n'est pas, eu égard à
sa nature et à sa teneur, un ((différend» comme il est prévu à l'ar-
ticle 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain, et cela plus particu-
lièrement en tant qu'aucun intérêt concret desgouvernements de
1'Ethiopieet/ou du Libériaou de leurs ressortissants n'est en cause
ou n'est affecté en I'espèce.))

La Cour (p. 344) a expressément rejetécette exception, considérant
qu'ily avait un différendau sens de l'article 7. La décision selonlaquelle
le différendpeut avoir trait«au bien-êtreet au développement des habi-
tants)) et n'a pas besoin de porter sur des intérêts concretsdes deman-
deurs a force de chose jugée.
Selon la quatrième conclusion, les négociations collectivesqui ont eu
lieu au sein des organes des Nations Unies ou par leur intermédiaire
n'étaientpas du genre envisagé à l'article 7:

((Quatrièmement,le prétendu conflit ou désaccord n'est pas,eu
égard à son état d'avancement, un !(différend ...qui ne soit pas
susceptible d'être réglpéar des négociations » au sens de l'article 7
du Mandat pour le Sud-Ouest africain. ))

La Cour a décidé (p. 346)que cette quatrièmeexception devait également
êtrerejetée puisqu'ily avait eu des négociations collectivesau plein sens
du terme par l'un des ((moyensétablisde conduire des négociationsin-
ternationales ».La décision selon laquellece mode de négociation satis-
fait aux prescriptions de l'article7 a égalementforce de chose jugée.
L'arrêtrendu aujourd'hui conclut que toutes ces exceptions doivent
êtretenues pour des exceptions d'incompétence.Comme le précise l'ar-
rêtde 1962 et comme le souligne l'opinion dissidente de M. Morelli,
certaines de ces exceptions concernaient l'irrecevabilité dela demande.
La distinction est bien établiedans la jurisprudence de la Cour.

334 Les décisions qui ont étéprises sur ces quatre points dans l'arrêt
du 21 décembre 1962 sont définitivesau sens de l'article 60 du Statut

et de l'article 94, paragraphe 1, de la Charte. On soutient cependant
qu'il n'y a rienà quoi une partie puisse «se conformer » dans des déci-
sions de cette nature. Si l'on devait considérer que l'article 60et l'ar-
ticle 94, paragraphe 1, ne s'appliquent en réalitéqu'aux arrêts appelant
l'adoption d'une mesure positive, la portée de ces articles serait très
diminuée.
Dans l'affaire du Détroitde Corfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 35), la
Cour a décidé qu'il y avait eu ((violation par l'action de la marine de
guerre britannique de la souveraineté de l'Albanie 1)C'étaitlà un arrêt
ou une décision à caractère définitifrelevant del'article 94, paragraphe 1,
bien qu'aucune mesure d'exécutionn'ait éténécessaire.
Dans l'affaire relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis

d'Amérique auMaroc (C.I.J. Recueil 1952, p. 213), la Cour a décidé
que les ressortissants américains n'étaient pas exemptés de certains
impôts. C'était là une décision définitivequi n'appelait aucune mesure
d'exécution si ce n'estun acquiescement, lequel est également requis
pour les arrêtsaffirmant la compétence.
La décision de la Cour en l'affaire du Cameroun septentrional était
définitive (C.I.J. Recueil 1963, p. 38) mais n'appelait aucune mesure
de mise en Œuvre hormis un acquiescement. En tout cas, lorsque des
exceptions préliminaires sont soulevées(comme dans l'affaire relative à
Certains empruntsnorvégiens(C.I.J. Recueil 1957,p. 27),aucune mesure
d'application n'est exigée des parties. Pourtant, on n'est nullement

justifiéà dire que l'article 94, paragraphe 1, ne s'applique pas aux
diverses affaires que nous venons de citer.
Il convient égalementde noter qu'en vertu del'article 61, paragraphe 3,
du Statut, la Cour peut subordonner la procédure de revision àl'exécu-
tion préalable de l'arrêt, mêmesi l'obligation d'exécuter peut dispa-
raître une fois l'arrêtrevisé.
L'obligation qui incombait au défendeur en application de l'article 94,
paragraphe 1, de la Charte quant à l'arrêtdu 21 décembre 1962 était
d'acquiescer aux conclusions de la Cour et d'y conformer son compor-
tement. En plaidant au fond, le défendeur a reconnu et rempli son
obligation. Dès lors que la Cour s'est déclaréecompétente, 1'Etat qui

contesterait le bien-fondé de la décision, s'abstiendrait de plaider au
fond et soutiendrait qu'un arrêtdéfavorable rendu ultérieurement sur
le fond ne serait pas valable violerait l'obligation que lui impose l'ar-
ticle 94. Quant au point de savoir si la première conclusion du défen-
deur d'après laquelle «le Mandat pour le Sud-Ouest africain dans son
ensemble est devenu caduc lors dela dissolution dela SociétédesNations )>
est en contradiction avec l'arrêtdu 21 décembre 1962, on peut y voir
une question d'interprétation dont il peut êtrelégitime de discuter.

Avis consultatifs sur le Sud-Ouest africain
On a également beaucoup parlé des trois avis consultatifs rendus

335par la Cour au sujet du Sud-Ouest africain. La Cour les a invoqués
dans l'arrêtde 1962 et le défendeurleur a consacré une longue étude.

Bien qu'un avis consultatif ou une séried'avis consultatifs n'ait pas
force obligatoire pour un Etat Membre des Nations Unies, et cela que
l'avis soit accepté par l'Assemblée généralo eu non, je partage l'opi-
nion de M. John Bassett Moore reprise par M. Winiarski dans son opi-
nion dissidente en l'affaire des Traités depaix (C.I.J. Recueil 1950,
p. 89 et 91):

((Siles avis sont traités comme de simples opinions dont il est
permis de ne tenir aucun compte, il ne peut manquer d'en résul-
ter du discrédit pour la Cour ...Vu la nature de sa mission, la
Cour doit leur attribuer la plus grande valeur juridique et une
autorité morale. »

M. Azevedo a dit dans la même affaireque les effetsde la chose jugée
ne découlentpas de simples avis mais que ((cetteconstatation ne suffit

pas pour refuser à un avis toutes les conséquences morales, inhérentes
à la dignité de l'organequi le rend, et même juridiques ))(p. 80).

A la question fondamentale de savoir si le Mandat ou l'article 7
du Mandat en tant que clause d'une convention en vigueur a survécu
à la dissolutiqn de la Société desNations, la Cour a unanimement
répondu par l'affi?m-n 1950 et aucun juge n'a expriméd'opinion

contraire dans les avis consuleifs de 1955 et 1956. La Cour ayant
expressément réaffirmé cette conclusion en 1962 (p. 334), elle aurait
certainement risqué le ((discrédit ))en n'attribuant ensuite aucunè auto-
rité à ses propres opinions.

((Onpeut dire que dans la pratique il n'y a pas vraiment de diffé-
rence entre la force obligatoire d'un arrêt,qui découle,outre l'auc-

toritas de la Cour, de dispositions expresses de la Charte et du
Statut, et l'autorité d'un avis consultatif revêtu decette même
auctoritas.))(Rosenne, op. cit., vol. II, p. 747.)
«En invoquant des décisions judiciaires comme ((source du
droit ))au sens de l'article 38 (1) d) du Statut, on ne fait aucune
distinction entre celles qui ont pris la forme d'arrêts etcelles qui
ont pris la forme d'avis consultatifs. On a pareillement recours

à ces deux types de prononcé judiciaire. ))(Ibid., p. 745, note 1.)

M. de Visscher, tout en indiquant clairement que le principe de
l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas aux avis consultatifs,
ajoute: (Dans leplan deleur autoritédoctrinale, iln'ya guèrede distinc-
tion à faire entre arrêtset avis. ))(Aspects récentsdu droit procédural de
la Cour internationale de Justice, 1966, p. 195.)
Comme on l'a déjànoté, leprésentarrêt de la Courne décidepas que

le Mandat ou l'article 7 du Mandat est devenu caduc et les prononcés
antérieurs de la Cour sur ce sujet conservent toute leur force. SECTIO1 N11.« FAITS NOUVEAUX» ALLÉGUÉSPAR LE DÉFENDEUR

Le défendeur insiste beaucoup sur ce qu'il présente comme des
((faitsnouveaux)) tellement importants que, si la Cour en avait eu con-
naissance à l'époque, elle aurait adopté des conclusions différentes
de celles qu'elle a énoncéesdans son avis consultatif de 1950.Indépen-
damment de la question de savoir si l'argumentation ainsi formulée
est contraire aux dispositions du Statut et du Règlement de la Cour

relativesà la revision d'une décisionantérieure, on peut examiner les
faits dits nouveaux »car, s'ils constituaient des ((faits nouveaux d'une
importance décisive »,la Cour devrait sans aucun doute en tenir compte,
dût-elle pour cela modifier quelque peu ses conclusions antérieures.
Certains de ces faits touchent de très près la question du maintien en
vigueur du Mandat, question que je ne saurais passer sous silence dans
la présente opinion. Après examen du problème, je ne pense pas qu'il
soit nécessaire de reviser la déclaration faite par la Cour dans son
arrêt de 1962 (p. 334): ((Tous les faits importants ont étéexposésou
citésdans la procédure devant la Cour en 1950. »Un nouvel examen de
certains de ces faits renforce les conclusions antérieures de la Cour.
Mutatis mutandis la situation et les conclusions sont les mêmesque
celles que la Cour permanente de Justice internationale a exposées en
l'affaire du Monastère de Saint-Naoum à propos d'une proposition

tendant à la revision d'une décision dela conférence desambassadeurs:
((Cette décisiona encore étécritiquée comme étant fondée sur
des données erronéesou comme ayant étéprise sans tenir compte
de certains faits essentie...
En présence deces arguments, la Cour est obligéede rechercher
si, en dehors de l'ensemble des circonstances ayant provoqué la

décision, ilse trouve des faits soit nouveaux, soit ignorés au jour
où cette décision est intervenue; en d'autres mots si, comme le
prétendent 1'Etat serbe-croate-slovène et la Grèce, la Conférence
des Ambassadeurs, en attribuant le Monastère à l'Albanie, l'a fait
uniquement pour cette raison qu'elle ne connaissait pas de faits
nouveaux ou qu'elle ignorait des faits antérieurs qui, s'ils avaient
été pris enconsidération, auraient amené une décision contraire.
Des faits nouveaux, il n'en existe pas en l'espèce. Il est vrai
que ...la Conférence [n'a pas]eu connaissance des documents
envoyéspar l'Etat serbe-croate-slovènà l'appui de sa demande de
révision...Mais, dans l'opinion delaCour, des documents nouvelle-
ment produits ne constituent pas par eux-mêmes defaits nouveaux;
aucun fait nouveau, dans le sens propre du mot, n'a étéinvoqué.
Quant aux faits ignorés ...[il1est...difficile d'admettre que les

membres de la Conférence aient ignoré ces documents, qui n'ont
nullement un caractère secret. » (C.P.J.I. sérieB no 9, p. 21-22.)

Dans les exceptions préliminaires (p. 345-346),les afaits nouveaux »

337sont au nombre de quatre. Dans les C.R. 6517du 30 mars 1965(p. 44-
45) et 65/16 du 12 avril 1965 (p. 43 et suiv.), le premier de ces quatre
((faits nouveaux » est omis l.
Le premier afait nouveau » énoncédans les exceptions préliminaires

est la ((réserveexpresse»que M. Smit, représentantde l'Afrique du Sud,
aurait formulée le 11mai 1945 à San Francisco. A la page 114des Mé-
moires, plaidoiries et documents de 1950, on trouve, dans l'exposé
écrit des Etats-Unis, le texte intégral de la déclaration de M. Smit,
exception faite du paragraphe supplémentaire qui, au dire du défendeur,
ne figure pas dans le procès-verbal officiel mais dont M. Smit aurait
dit, avant son décès,qu'il avait fait partie de sa déclaration. On peut
se demander si ce paragraphe supplémentaire aurait beaucoup ajouté

à ce qui est dit dans les trois derniers paragraphes du texte reproduit
dans l'exposé desEtats-Unis. Ledit exposé contient une référence:
Nations Unies, Documents oficiels de l'Assembléegénérale, deuxième
partie de la première session, Quatrième Commission, Ire partie, 1946,
page 200, annexe 13. Dans cette annexe figure un document A1123qui
est une lettre adresséeau Secrétaire générap lar la légation de l'Union
sud-africaine en date du 17octobre 1946.A cette lettre estjoint un long
mémorandum sur l'administration du Sud-Ouest africain commençant

par ces mots: 1. Le 7 mai 1945,la délégation de l'Union sud-africaine
a communiqué à la Conférence desNations Unies sur l'organisation
internationale tenue à San Francisco les renseignements suivants ...»
Vient ensuite la déclaration qui figure dans les exceptions préliminaires
(p. 237-238), mais sans le paragraphe supplémentaire.
Selon le procès-verbalintégralde la séanceà laquelle il a fait sa décla-
ration (par. 33), le représentant sud-africain aurait dit, après avoir lu
ce qu'il avait préparé:((C'esttout ce que j'ai à dire.» Rien n'indique

que le paragraphe supplémentaire ait été prononcé et on est donc amené
à conclure que la mémoirede M. Smit l'a peut-êtretrompé *.

L'exposé écrit soumis par les Etats-Unis à la Cour en 1950constate
que le représentantde l'Afrique du Sud a par la suite qualifiéde «réser-
ve »l'intervention de M. Smit. Il relèveque M. Smit avait distribué des
copies de sa déclarationle 7 mai, avant de la lire en séance. mentionne
ensuite un discours prononcé à la deuxième sessionde l'Assembléegéné-

rale par le représentantsud-africain au sujet de cette ((réservela réfé-
rence est la suivante: Nations Unies, AlP.-V. 105, séances plénières,
1947,p. 187-190(citation finale, 10Seséance plénière, p6 .35). L'exposé
des Etats-Unis dit également(p. 116):
((L'effetde la ((réserv» a étésimplement d'avertir que l'Union
sud-africaine soulèverait, ultérieurement,devant un organe com-
pétent, la question de l'avenir du Sud-Ouest africain aux fins

d'incorporation de ce territoire dans l'Union. ))
l Les références aC.R. que l'on trouvera dans la présente opinion renvoient
aux comptes rendus établis au fur etesure des audiences; le numérotage et la
pagination seront différentsdans le dossier impriméde VaRaire (C.Z.J. Mémoires).
Dans l'opinion dissidente commune de 1962 (p533), on a peut-être trop
facilement fait confiancela mémoire de M. Smit. M. Ingles (Philippines) a fait lui aussi état d'une ((réserve))sud-
africaine (C.I.J. Mémoires,1950,p. 251 et suiv.). Comme je l'ai dit plus
haut, le défendeur a abandonné ce ((fait nouveau)).
Le deuxième((faitnouveau ))est le rejet par la Commission prépara-

toire des Nations Unies d'une proposition tendant à créer un comité
temporaire de tutelle. Ce fait ne saurait êtrequalifié denouveau, car
M. Kerno, représentant du Secrétairegénéral l,l'a longuement examiné
(C.I.J. Mémoires,1950,p. 161et suiv.). Il a expliquépourquoi la propo-
sition avait étérepoussée,mais la question a étési longuement débattue
au cours dela présentephase del'affaire qu'ilserautile d'exposerles faits.
Le défendeur sembleattribuer de I'im~ortance à ce rét tendu«fait
nouveau )dans le cadre de son argumentation selon laquelle le Mandat
serait devenu caduc à la dissolution de la Société desNations et selon
laquelle les Nations Unies auraient refusé toutes responsabilités et

tous pouvoirs eu égard aux territoires sous Mandat. C'est probable-
ment l'opinion dissidente commune de 1962 (p. 536-537)qui a encou-
ragé le défendeur à formuler cette argumentation.
Par décisionde la conférence de San Francisco, une Commission
préparatoire s'est réunie à Londres le 24 novembre 1945. Cette Com-
mission a élaboré unrapport qui a été examiné au cours de la première
partie de la première session de l'Assembléegénéraledes Nations
Unies, tenue également à Londres à partir du 10janvier 1946. Parmi
les questions débattues figure la mise en place des mécanismesnéces-

saires pour l'instauration du régime detutelle des Nations Unies. Le
déroulementet les causes des événementssont exposésdans les procès-
verbaux officiels ainsi que dans les comptes rendus contemporains
dignes de foi.
La situation a étérésuméedans les observations que le secrétaire
d'Etat aux Affaires étrangères a faites devantle Parlement de Londres
sur le rapport de la Commission préparatoire:

rl'article 85 de la Charte ..fait au Conseil de tutelle obligation
d'informer l'Assemblée générald ees termes des accords de tutelle
proposéspour les zones non stratégiques.Par ailleurs l'article 86,
qui définit la composition du Conseil de tutelle, dispose que ses
membres doivent êtrepour moitiéles Etats chargés d'administrer
des territoires sous tutelle, ce qui suppose que les termes des ac-

cords de tutelle afférant à de tels territoires doivent avoir déjà
été approuvésP .our résoudre cette contradiction, le Comitéexécutif
a recommandé la création, en vertu de l'article 22 de la Charte,
d'un comité temporaire de tutelle ...Certaines délégationsse sont
opposées à cette solution, qu'ils jugeaient inconstitutionnelle, mais
cela ne l'a pas empêchéd ee réunirla majoritédes deux tiers néces-
saire au sein du Comité exécutif. La Commission préparatoire
n'a toutefois pas étéen mesure de parvenir à un accord à ce sujet

l En 1946 M. Kerno avait étérapporteur de la Quatrième Commission de l'As-
semblée généralseur le chapitre IV (le régimede tutelle) du rapport de la Com-
mission préparatoire.

339 et la recommandation qu'elle formule à l'intention de l'Assemblée
est presque entièrement consacrée à la question des dispositions
que les Etats Membres doivent prendre pour élaborer les termes
des accords de tutelle. En ce quiconcerne la question desmécanismes
des Nations Unies, le projet de résolution tend uniquementajour-

ner toute solution jusqu'à la réunion del'Assembléegénéraleelle-
même ...»(Cmd. 6734, Misc. no 5, 1946, p. 8.)
On retrouve une analyse identique de la situation dans le rapport
que la délégationdes Etats-Unis a soumis au président des Etats-Unis:
ce) Comme la créationdu Conseil de tutelle était subordonnée
à la négociation préalable d'accordsde tutelle et risquait par con-

séquent d'être ajournée pour quelque temps, les Etats-Unis se
sont ralliésà une proposition aux termes de laquelle un comité
temporaire de tutelle de l'Assembléepourrait fonctionner jusqu'à
la création du Conseil. D'autres pays ont au contraire estimé
qu'un tel comité risquerait de retarder la création du Conseil de
tutelle et ne serait mêmepeut-être pas constitutionnel. Tout en
doutant de la valeur de ce dernier argument, les Etats-Unis ont
reconnu qu'un comité temporaire n'était pas essentiel et qu'il
conviendrait d'encourager la conclusion, à une date prochaine,
des accords de tutelle indispensables à la création du Conseil
de tutelle. Ce point de vue l'a finalement emporté.»(Department

of State Publication 2484, 1946, p. 4.)
Le défendeur prétend voir dans le rejet de la proposition tendant
à instituer un comité temporaire de tutelle la preuve qu'il a été reconnu
que les Nations Unies n'avaient aucune responsabilité quant aux terri-
toires sous Mandat. Comme il ressort des deux citations ci-dessus, les
délégations du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont expliquéce rejet
par le fait que l'on avait objecté quela proposition était inconstitution-
nelle et que la création d'un comité temporaire risquerait de retarder

la conclusion des accords de tutelle au lieu de la hâter. En raison de
l'importance de ce point, on notera que l'Annuaire des Nations Unies
de 1946-1947(p. 36) a expliquéde la mêmemanièrele rejet de la propo-
sition tendant à l'établissementd'un comité temporaire de tutelle.

Le point de vue de la délégation desEtats-Unis se reflète en outre
dans un amendement que celle-ci a proposé le 4 décembre 1945 à la
Commission préparatoire (doc. PC/TC/l 1) :

«1. Le rapport du Comitéexécutif necontient aucune disposition
prévoyant qu'un organedes Nations Unies exercera les fonctions
de la Commission permanente des Mandats. Dans la partie III,
chapitre IX, qui traite de la Sociétédes Nations, on trouve la
déclaration suivante:«Etant donné que les questions soulevéespar
la terminaison du régime desMandats sont traitéesau chapitre IV
de la partie III, on ne trouvera ici aucune recommandation à
cet égard.» (Section 3, paragraphe 5, page 110.) Au chapitre IV
de la partie III relative au régimede tutelle, on ne trouve cependant

340 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 343

aucune référence préciseaux fonctions de la Commission per-
manente des Mandats. La section 2, paragraphe 4, de ce chapitre
(p. 56) assigne seulement au comité temporaire de tutelle une
fonction consultative généraledans ce domaine: «iv) donner des
avis à l'Assemblée généralseur les questions que pourrait soulever
le transfertà l'organisation des Nations Unies de toutes fonctions

ou responsabilitésassuméesjusqu'ici envertu du régime desMan-
dats.»
2. Afin d'assurer une certaine continuité entre le régime des
Mandats et le régimede tutelle, de permettre aux Puissances man-
dataires de remplir leurs obligations et de faciliter la mise sous
tutelle des territoires sous Mandat, le comité temporaire de tutelle
(ou tout comité de ce genre créépour exercer ces fonctions), et
par la suite le Conseil de tutelle, doivent êtreexpressémenthabilités
à recevoir les rapports que les Puissances mandataires sont main-
tenant obligées de présenter à la Commission permanente des
Mandats. Les obligations et les droits des parties liésau système

des Mandats, en ce qui concernetout territoiresous Mandat, restent
en vigueurjusqu'à ce que ce territoire soitplacé soustutelle en vertu
d'un accord de tutelleparticulier oujusqu'à ce qu'unautre arrange-
ment international intervienne.our évitertoute coupure qui pour-
rait se produire entre la cessation du systèmedes Mandats et l'éta-
blissement du régime de tutelle, il semblerait approprié que les
fonctions de surveillance de la Commission permanente des Man-
dats soient exercéesprovisoirement par l'organe des Nations Unies
qui sera chargé des questions de tutelle.
3. En conséquence,afin que le rapport de la Commission pré-
paratoire soit complet à cet égard, l'amendement suivant est

proposé.
4. Amendement
Ajouter au paragraphe 4 (partie III, chapitre IV, section 2) un

nouvel alinéa v) ainsi conçu:
((v) assumer la tâche, aprèsla dissolution de la Sociétédes
Nations et de la Commission permanente des Mandats, de rece-
voir et d'examiner les rapports présentéspar les Puissances man-

dataires en ce qui concerne les territoires sous Mandat qui n'ont
pas encore étéplacés sousle régimede tutelle au moyen d'accords
de tutelle, et cela jusqu'au moment de la constitution du Conseil
de tutelle qui exercera alors une fonction analogue.Lesitaliques
sont de nous.)

A ce stade des débats.de la Commission préparatoire, le représentant
de la Yougoslavie a soumis une proposition de rechange tendant à
nommer un comité spécialde l'Assemblée générale d,ont les fonctions
auraient été analogues à cellesqui avaient étéenvisagéespour le comité
temporaire de tutelle. Le représentant des Etats-Unis a présentédes
observations sur cette proposition yougoslave au Comité 4 dela Com-

341mission préparatoire le 8 décembre 1945. Dans son exposé, dont le
texte a étédistribué (doc. PC/TC/30), on relèvenotamment la déclara-
tion suivante:

cMa délégationcontinue à penser qu'il n'y a rien de critiquable
dans le rapport du Comité exécutif où la création d'un Comité

Temporaire de Tutelle est proposée, il nous semble toujours que
c'estlà une procédure parfaitement constitutionnelle, une procédure
parfaitement pratique et nous sommes disposés à accepter cette
proposition si nous ne pouvons nous mettre d'accord sur une autre;
nous sommes tout prêts à étudier une autre solution et nous
sommes tout prêts,comme je l'ai dit, àaccepter les propositions de
la délégation yougoslavedans les conditions que j'ai précisées.

Le 10 décembre cependant, le représentant de l'union soviétique a
soulevé les mêmes objections qu'auparavant, faisant valoir qu'un
comité spécialde l'Assemblée générale seraittout aussi peu constitu-

tionnel et entraînerait les mêmespertes de temps qu'un comitétemporaire
de tutelle. Dans ces conditions, M. Wellington Koo, représentant
de la Chine, a proposé de renvoyer le problème à un sous-comité. Le
sous-comité a élaboréun rapport où il n'était plus question de comité
temporaire ni de comitéspécial. Cerapport a étéadopté à l'unanimité
des vingt-huit votants (doc. PC/TC/32; cf. Vernon McKay, ((Inter-
national Trusteeship-Role of United Nations in the Colonial World »,
Foreign Policy Reports, XXII, no 5, 15 mai 1946, p. 54).

11 semble donc que, si la Commission préparatoire, contrairement
aux vŒux du Comité exécutif,s'est abstenue de recommander la créa-
tion d'un organe temporaire qui aurait été chargé desMandats avant

la mise en place du Conseil de tutelle des Nations Unies, c'est qu'il
a été impossiblede concilier le point de vue fermement défendu par
le Royaume-Uni, les Etats-Unis et d'autres Etats et le point de vue
radicalement opposé des délégationsde l'Union soviétique et d'autres
pays. Il convient de se souvenir que c'étaitla première fois qu'un organe
représentatif des Nations Unies se réunissait depuis l'entréeen vigueur
de la Charte et que l'on répugnaitde toute évidence à imposer une so-
lution faisant l'objet d'une forte opposition.
Les débatsqui se sont ensuivis à la Quatrième Commission de l'As-
semblée généralea ,u cours de la première partie de sa première session

tenue à Londres, ont toutefois révéléque l'on s'accordait largement sur
deux points, à savoir, en premier lieu, que la dissolution de la Société
des Nations ne mettrait pas fin aux Mandats et, en deuxième lieu, que
les Nations Unies avaient des responsabilités en matière de Mandats.
Certains délégués, convaincus que les territoires sousMandat relevaient
du chapitre XI de la Charte, préconisaient la création d'un mécanisme
pour l'exécution des obligations des Nations Unies àcet égard. Toute-
fois l'opinion dominante a été, à ce stade et ultérieurement, qu'il était
souhaitable de faire passer dèsque possible tous les territoires sousdat sous le régimede tutelle. Les citations suivantes résumentles opi-
nions expriméesau cours des débatsde la Quatrième Commissionlors
de la première session de l'Assembléegénérale:

[M. van Asbeck, Pays-Bas, p. 121
((L'attentionde la Commission est alors appeléesur la solution
de continuité qui se produira dans l'administration des territoires
sous Mandat entre la liquidation de la Société desNations et le
moment où ils seront placés sousle système de tutelle. Il devra

êtrenettement entendu que le Conseil de tutelle aura le pouvoir
de s'occuper de ces territoires pendant la période intérimaire. 1)
[M. Makin, Australie, p. 131
«les travaux du comité vont se scinder en deux parties distinctes:
d'une part l'examen des questions traitant des arrangements de
tutelle, et de l'autre l'étude desquestions soulevéespar le Cha-

pitreXI de la Charte. L'Australie croit que ces deux fonctions de-
vraient êtreassumées séparément ...
Elle devra examiner également lesfonctions des Nations Unies
définiesau Chapitre XI de la Charte ...
L'importance du Chapitre XI résidedans le fait qu'il est déjà
en application et ne dépend pas de l'organisation du rkgime de
tutelle.l s'applique à tous les territoires qui ne sont pas complète-
ment autonomes et ne demande ni délibérations nidécisions.
Mr. Makin attire ensuite l'attention de la Commission sur l'en-

gagement précis expriméau paragraphe e) de l'article 73. Il prie
instamment la Commission de donner son avis à l'Assemblée
généralesur les dispositions à prendre pour s'acquitter de ses
fonctions conformément au Chapitre XI de la Charte.
[Il déclareque la délégationaustralienne soumettra une résolu-
tion reconnaissant la mission sacrée.] Il convient de mettre sur
pied un mécanisme pour l'accomplissement des fonctions qui
incombent aux Nations Unies dans l'exécutionde cette obligation. ))

Le 6 février,M. Ivan Kerno, rapporteur, a fourni les explications sui-
vantes au sujet du rapport qu'il avait soumis:
«Dans le rapport, il n'a pas étéfait mention de la suggestion
relativeà l'examen, par la Commission, des procédures d'appro-
bation des accords de tutelle, y compris la possibilité de créer

pour ces fins un mécanisme intérimaire. Eneffet, cette suggestion
n'a pas étésoumise par écrit. La sous-commission qui a discuté
la question très à fond, a décidé qu'ilappartiendra à l'Assemblée
générale seule deprendre une décision ultérieurement. » (P. 37.)
Le représentant du Royaume-Uni a soulevéune objection au sujet
de l'omission

l Les conseils des demandeurs accordent une importancexagérée(C.R. 6513
du 19mars 1965,p. 30 et suiv.) à la déclaration faiM. Nicholls (Afrique du
Sud). Je ne reproduis ni cette déclaration ni certainesqui figurentéjàau
dossier de l'affaire. «de toute mention relative à la procédure à suivre pour l'examen
des questions de tutelle pendant la période compriseentre la pré-
sente session et le moment où sera crééle Conseil de tutelle.
[Il donne lecture d'une déclaration]La délégationdu Royaume-
Uni, pendant toute la durée des travaux du Comité exécutif,de
la Commission préparatoire et de la Quatrième Commission, a
insistésur la nécessité deprendre de telles dispositions pour éviter
tout retard dans la mise en vigueur du systèmede tutelle..la délé-
gation du Royaume-Uni désirerait rappeler à la Commission que

lorsqu'ellea renoncé à insister pour faire insérer un passage sur
cette question dans le projet de résolution,elle l'a faiteinement
convaincue que la Commission avait pris cette décisionen pleine
connaissance de cause...
Malheureusement, il semble que les efforts pour supprimer tout
retard parfaitement évitable,en créant un organisme qui assure-
rait l'intérimentre les deux sessions, ne soient pas partout pleine-
ment appréciés.» (P. 37.)

Le représentant de l'Union soviétiquea déclaréque sa délégation
était ((toujours d'avis que l'établissementd'un régimetemporaire de
tutelle entraverait plutôtu'il ne faciliterait la mise en application du
régimepermanent » (p. 39).
Le représentant des Etats-Unis a suggéréd'amender comme suit un
texte soumis par la délégationdu Royaume-Uni:
«La Commission a également examinéla question de savoir
s'il conviendrait, comme suite au projet de résolution préparé
par la Commission préparatoire, de transmettre à l'Assemblée

générale desrecommandations au sujet d'un organisme provisoire
qui serait chargé detraiter les questions de tutelle pendant la pé-
riode qui s'écouleraentre Ia première et la deuxième partie de la
première session de l'Assembléegénérale.La Commission a décidé
de ne faire aucune recommandation à ce sujet» (P. 40.)
Le représentantde l'Union soviétiques'est opposé à cette proposition
parce que ale rapport de la Commission préparatoire ne faisait nulle-
ment mention d'un organisme provisoire de tutelle » et parce que la

proposition n'avait pas étésoumise par écrit(p. 40).
Le représentant de la Biélorussiea égalementélevédes objections,
parce que la proposition des Etats-Unis impliquait«que la Commission,
loin d'être opposéeà la créationd'un organisme provisoire, s'était sim-
plement abstenue de formuler une recommandation à ce sujet ».La
difficultéa étésurmontéegrâce à l'adoption d'un texte neutre proposé
par M. Ralph Bunche (Etats-Unis). Dans une déclaration ultérieure,
M. Bunche, qui était alors chef par intérim de la division des affaires
des territoires dépendants au département d'Etat des Etats-Unis, a
soulignéque la difficultéqui vient d'être décriteétaitune difficultéde
procédure plutôt que de fond » (Department of State Bulletin, XIII,
1945, p. 1037 et 1043). Si, comme le défendeur l'affirme en l'espèce,
la question avait vraiment été de savoirsi les Mandats survivraient à

344la dissolution de la Société desNations et si les Nations Unies avaient
des responsabilités en matière de Mandats, cela aurait certainement
étéune question de fond.
Le troisième ((fait nouveau 1invoqué par le défendeur a également

été mentionnédans l'opinion dissidente commune de 1962. Le fait
qu'ont signalé les auteurs de l'opinion dissidente commune s'est pro-
duit àla sessiondel'Assembléede la Société desNations tenue à Genève
en avril 1946, donc peu après la première partie de la première session
de l'Assembléegénérale desNations Unies. L'incident ainsi survenu
à la session de l'Assembléede la Société desNations a suivi celui dont
je viens de faire état.. Liang, représentant de la Chine, a présentéun
projet de résolution ainsi conçu:

(L'Assemblée,
Considérant que le conseil de tutelle n'a pas encore été consti-
tuéet que tous les territoires sousmandat de la Société desNations
n'ont pas encore été transformésen territoires sous tutelle;
Considérant qu'il y aurait lieu, afin d'évitertoute interruption

dans la surveillance du régime des mandats dans ces territoires,
detransféreràl'organisation desNations Unieslesfonctions assumées
à cet égard par la Société desNations;
Recommande que les Puissances mandataires ainsi que les Puis-
sances administrant des territoires sous mandat ex-ennemi conti-
nuent à présenteraux Nations Unies des rapports annuels et accep-
tent que ces territoires soient inspectéspar l'organisation, jusqu'au
moment où le conseil de tutelle aura été constitué. ))

Cette proposition n'a pas receuilli un appui généralet, à l'instar de
ce qui s'étaitproduit à la Commission préparatoire des Nations Unies
et lors de la première sessionde l'Assemblée générale deNsations Unies,
un texte neutre a été finalementadopté. Le voici:

«L'Assemblée:
Rappelant que l'article 22 du Pacte applique à certains territoires
placéssous mandat le principe que le bien-êtreet le développement
des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmesdans les
conditions particulièrement difficiles du monde moderne forment
une mission sacréede civilisation;

1. Exprime sa satisfaction pour la manière dont les divers or-
ganes de la Société desNations ont rempli les fonctions qui leur
étaientconfiéespour l'application du système des Mandats et rend
tout particulièrement hommage à l'Œuvre accomplie par la Com-
mission des Mandats;
2. Rappelle que la Société desNations a aidé l'Irak à passer
de son statut de territoire sous mandat A à l'entièreindépendance;
se félicite que, depuis la dernière session del'Assemblée,la Syrie,

le Liban et la Transjordanie aient cesséd'êtredes territoires SOUS
mandat pour devenir des membres indépendants de la commu-
nauté internationale; 3. Reconnaît que la dissolution de la Société desNations mettra
finà ses fonctions en ce qui concerne les territoires sous mandat.
mais note que des principes correspondant à ceux que déclare
l'article2 du Pacte sont incorporés dans les chapitres XI, XII
et XII1 de la Charte des Nations Unies;
4. Note que les Membres de la Sociétéadministrant actuelle-
ment des territoires sous mandat ont exprimé leur intention de

continuer à les administrer, en vue du bien-êtreet du développe-
ment des peuples intéressés,conformément aux obligations conte-
nues dans les divers mandats, jusqu'à ce que de nouveaux arrange-
ments soient pris entre les Nations Unies et les diverses Puis-
sances mandataires. ))
Il n'est pas surprenant que les conseils du défendeur fassent valoir
le contraste entre ces deux résolutions, à l'appui de la thèse suivant
laquelle l'abandon de la résolution chinoise originale prouverait que

les Nations Unies n'ont pas reconnu avoir des responsabilités quant
au système des Mandats qui avait fonctionné au temps de la Société
des Nations. Toutefois, comme s'en rendra compte quiconque est ac-
coutumé aux débats des Nations Unies, il est toujours dangereux
de tirer des conclusions hâtives du fait qu'une réschiion n'a pas été
adoptée ou que son auteur l'a retirée. Des délégations peuventavoir
de nombreuses raisons de ne pas voter en faveur d'une proposition
qui n'a peut-êtreétéprésentéeque comme un ballon d'essai ou pour
d'autres motifs. Dans le cas de la dernière Assemblée dela Sociétédes
Nations, il n'est pas absurde de suppcser que, si l'on avait présenté
un projet de résolution tendant à mettre fin à tous les Mandats à la

dissolution de la Société desNations, ce projet n'aurait pas non plus
recueilli l'appui nécessaire.
Il est à noter que la résolution chinoise originale faisait état de la
nécessité d'évite(r(toute interruption dans la surveillance du régimedes
Mandats ». A ce propos, M. Bailey (Australie) a attiré l'attention dans
une déclaration ultérieure du 11 avril 1946à l'Assembléede la Société
des Nations sur l'applicabilité immédiatedu chapitre XI de la Charte
des Nations Unies aux territoires sousMandat, disant: (Il n'y aura donc
aucun vide, aucun interrègne àcombler. » (La déclaration de M. Bailey
est citéedans le contre-mémoire, livre II, p. 48-49.)
Bien que cet incident ne soit pas réellement denatureà étayerla thèse

à l'appui de laquelle on l'invoque, il reste vrai que l'historique com-
plet des deux résolutions n'a pas été soumis à la Cour en 1950. Il faut
cependant tenir compte de ce que la Cour internationale de Justice
ne se borne pas à examiner les documents qui lui sont effectivement
présentéspar les conseils ou, comme dans le cas de l'avis consultatif
de 1950,par les représentants des gouvernements ou des Nations Unies.
M. Kerno ayant mentionné la résolution finale de l'Assembléede la
Société desNations que je viens de citer, il serait surprenant que la
Cour n'ait pas étudiéle dossier intégral de la dernière session de l'As-
sembléede la Société desNations évoquéepar M. Kerno (C.I.J. Mé-
moires1 ,950, p. 164).

346 Le quatrième fait nouveau ))se rapporteà diverses déclarations pro-
noncéesau cours des débatssur la question de la Palestine et, d'après
les plaidoiries du défendeur,à d'autres déclarations faites aux Nations
Unies. On n'a pas présenté à la Cour en 1950le genre d'arguments que
les conseils de l'Afrique du Sud présentent aujourd'hui au sujet de la
question palestinienne. Mais les relations entre 1'Etat d'Israël et les
Etats arabes, qui figuraient en première page dans la presse mondiale,

créaientune situation politique extrêmement délicateQ . ue l'on songe
à la prudence observéepar 17Assembleegénéraledans la résolutionpar
laquelle elle a demandé à la Cour un avis consultatif en l'affaire de la
Réparationdes dommages subis au service des Nations Unieset à la
prudence égaledont la Cour a fait preuve dans son avis de 1949en la
mêmeaffaire (C.I.J. Recueil 1949, p. 174).
Les faits réelsconcernant la situation palestinienne sont tout à fait
différentsde ce que pourraient faire croire les plaidoiries des conseils
du défendeur. On notera cependant que la déclaration égyptienne
faite le 18 avril 1946 la septième séance plénièrdee l'Assemblée géné-

rale se trouvait dans le dossier soumisà la Cour en 1950par le Secré-
taire général.De son côté, M. Kerno a parlé de la question de la
Palestine (C.I.J. Mémoires,1950, p. 213-214).
Cette affaire palestinienne montre surtout que,l'exception desEgyp-
tiens dont la position et les motifs étaient bien connus, chacun, y com-
pris la Commission pour la Palestine, se fondait sur l'idéeque le Man-
dat avait continué d'exister aprèsla dissolution dela SociétédNations
survenue en avril 1946.
Le Royaume-Uni a reconnu que le Mandat avait survécu à la disso-
lution de la Société desNations et a admis qu'il devait rendre compte
aux Nations Unies. Dans une lettre qu'il a adressée le 2 avril 1947
au Secrétairegénéral,on lit:

((Le Gouvernement de Sa Majestéprésentera à l'Assembléeun
compte rendu de la manière dont il a exécutéle Mandat que lui a
confiéla SociétédeNations,et demandera à l'Assembléedeformuler,
conformément à l'article 10 de la Charte, des recommandations

sur le régimefutur de la Palestine. 1(Procès-verbauxoficiels du
Conseil de sécurité,1eséance,19mars 1948,p. 165.)
Le 7 février1947,la délégationbritannique à une conférenceanglo-
arabe de Londres a soumis une nouvelle proposition tendant à établir
une tutelle britannique sur la Palestine pour cinq ans comme prépa-

ration à l'indépendance.Devant l'impossibilitéde concilier des points
de vue divergents, le Gouvernement britannique a laisséaux Nations
Unies la tâche de trouver une solution. La Commission spéciale des
Nations Unies pour la Palestine a recommandé qu'il soit mis fin aussi
rapidement que possible au Mandat pour la Palestine. Par sa résolu-
tion 181 (II) A du 29 novembre 1947, l'Assemblée générala e adopté
un plan de partage avec union économique qui commençait en ces
termes: ((LeMandat pour la Palestine prendra fin aussitôt que possible,
et en tout cas le ler août 1948 au plus tard. )Le 11 septembre 1947,

347M. Creech-Jones a annoncé à la Chambre des communes, au nom

de son Gouvernement, que le Mandat prendrait fin le 15 mai 1958
(Hansard, Communes, Il décembre1947,col. 1218).En d'autres termes,
le Mandat allait rester en vigueur jusqu'à l'expiration d'un délai d'en-
viron deux ans à partir de la dissolution de la Sociétédes Nations. Les
Nations Unies ont pleinement accepté la responsabilité de s'occuper
du problème et se sont mêmeattribué des pouvoirs qui, selon certains,
ne leur revenaient pas. Il y a eu de sérieuxefforts en vue d'établirune
tutelle des Nations Unies. Tout cela a abouti le 14mai 1948 à l'établisse-
ment de 1'Etat d'Israël, que les Nations Unies ont sanctionné en ad-

mettant ce pays comme Membre de l'organisation.
Quelques extraits des débats du Conseil de sécurité (Procès-verbaux
officielsdu Conseilde sécurité,271eséance,19mars 1948,p. 154)montre-
ront quelle était la situation. Le Conseil examinait le rapport de la
Commission pour la Palestine. Le sénateur Austin (Etats-Unis), qui
avait dit au cours de la matinéeque quatre des membres permanents
du Conseil de sécurité s'étaient consultée st que le Royaume-Uni,
absent de ces délibérations,leur avait fourni des renseignements, a
donnéles explications suivantes (p. 163):

((Dans la déclaration qu'ila faite devant le Conseil de sécurité,le
24 février1948 [253eséance],le représentant du Royaume-Uni a dit:
((Actuellement, mon Gouvernement se prépare à mettre fin
à l'exercice des fonctions dont il a la charge au sujet de la

Palestine, telles qu'elles découlentdu Mandat, et laisse le souci
de l'avenir de ce pays à l'autoritéinternationale.))
Le 2 mars 1948, le représentant du Royaume-Uni a déclaré
notamment devant le Conseil de sécurité [260eséance]:

((quelle que soit la procédure que l'organisation des Nations
Unies pourra décider d'adopter afin d'assumer, le 15 mai, la
responsabilitéde l'administration de la Palestine ..))
Puis il a conclu:

((Enfin,je dois répéterque le Royaume-Uni ne peut accepter
aucun engagementnouveau ni étendre aucun engagementexistant
en ce qui concerne la Palestine. Nous avons déjàfourni notre
contribution pendant des années,et la date à laquelle nos respon-
sabilitésprendront fin est fixéed'une manière irrévocable. 1)

Bien qu'il ait admis que l'organisation des Nations Unies n'avait
pas repris le systèmedes Mandats, M. Austin a déclaré: ((D'aprèsles
faits rapportés par les membres permanents du Conseil, la Palestine
est un pays tombant mus l'application du chapitre XI de la Charte
des Nations Unies, c'est-à-dire un territoire non autonome. ))
Au cas où l'on penserait que la Cour ne reçoit pas dans une procédure
consultative des exposésécritset oraux aussi complets que dans une
procédure contentieuse, on notera que les. Mémoires, Plaidoiries et
Documents de 1950 sur l'affaire du Statut international du Sud-Ouest

348africain comprennent 350 pages. M. Steyn, représentant de l'Union
sud-africaine, a parlépour sa part durant quatre audiences de la Cour.

En résumé,dans l'affaire dela Palestine, le Gouvernement britannique
a reconnu et fréquemment affirméque le Mandat pour la Palestine
avait survécu à la dissolution de la Société desNations. Il a accepté
de rendre compte de son administration du Mandat aux Nations Unies
et, en soumettant la question de l'avenir de la Palestineà l'Assemblée
générale,il a admis le pouvoir des Nations Unies d'apporter une
modification au statut d'un Mandat.
On établiraune comparaison avec la position prise par le Gouverne-
ment britannique à l'égard du Mandat pour la Transjordanie. Le
représentant du Royaume-Uni a annoncé à l'Assemblée générale des
Nations Unies, lors de la séance du 17 janvier 1946, l'intention de

son gouvernement ((de prendre, à bref délai, des mesures en vue de
faire de ce territoire un Etat indépendant et souverai1).
Par sa résolution XI du 9 novembre 1946, l'Assemblée généralea
accueilli favorablement cette déclarationet, par sa résolution du 18avril
1946citéeplus haut, l'Assembléede la Société desNations s'est félicitée
de l'indépendancetransjordanienne.
Toutefois, le représentant de la Pologne a contesté par la suite le
fait que le Mandat ait pris fin en droit et a affirméles ((droits et obli-
gations 1des Nations Unies. Le 29 août 1946, à l'occasion de l'examen
de la question de l'admission de la Transjordanie comme Membre
des Nations Unies, le représentant du Royaume-Uni au Conseil de
sécuritéa donnéla réponse suivante:

((Vous avez exprimé un doute quant au statut de la Trans-
jordanie, du fait que cet Etat avait étésous mandat. Vous avez
dit queles Nations Uniesonthérité de la Société des Nationscertains
droits et certaines responsabilitésen matière de mandat. Cela est
parfaitement exact. La Société desNations a récemment, à son lit

de mort, déclaré formellementque la Transjordanie était libérée
du statut de territoire sous mandat. C'est pourquoi sur le point de
savoir si l'on s'estconformésuffisamment aux formalités juridiques,
je ne vois vraiment pas comment ces formalités n'auraient pas
été rempliespar la Transjordanie dans la mêmemesure que pour
les deux autres Etats qui ont été acceptés sans aucune objection
au sein des Nations Unies. » [C'est-à-dire la Syrie et le Liban.]
(Nations Unies, Procès-verbaux ofJiciels du Conseil de sécurité,
première année, 2e série,56e et 57e séances, p. 101- les italiques
sont de nous.)

Il est évident qu'on ne trouve rien dans l'argumentation relative à
l'un quelconque des ((faits nouveaux))qui soit de nature à induire la
Cour à modifier les décisions qu'elle a prises en l'affaire du Statut
international du Sud-Ouest africain, après avoir lu et entendu tous les
exposés écrits etoraux et après avoir épuisétoute discussion à leur
sujet. L'historique de la rédaction des actes de Mandat a étéexaminé
dans la présente espèce à propos notamment de l'important problème
soulevépar l'interprétation du deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat
pour le Sud-Ouest africain. J'ai déjà évoqué les principauxfaits histo-

riques dans mon opinion individuelle de 1962,mais l'opinion dissidente
commune de 1962, les arguments développéspar les Parties dans la
phase ultérieure de l'instance et le présent arrêt de laCour m'obligent
maintenant à en exposer certains aspects defaçon plus détaillée.
Il sera plus commode de ne pas s'entenir strictement àla chronologie.
Je traiterai d'abord de l'interprétation du deuxièmealinéade l'article 7
du Mandat parce que l'interprétation normale de ce texte a étécontestée
au point d'exiger un recours aux travaux préparatoires et à la pratique
ultérieure et parce que l'arrêt de la Cour est fondé, à mon avis, sur

une analyse incomplète et inexacte des données. Cette analyse erronée
conduit la Cour àconclure que le deuxièmealinéadel'article 7du Mandat
ne conférait pas aux Membres de la Société desNations le droit de
s'adresser à la Cour pour veiller d'une manière générale à la bonne
administration du Mandat conformément aux obligations résultant de
la mission sacréede civilisation. Après avoir examinéle contexte histo-
rique et les autres élémentsde preuve nécessaires à l'interprétation du
deuxième alinéa de l'article7 du Mandat, on devra revenir àl'historique
à propos d'autres questions.

Interprétation destraités
Je ne crois pas que, comme certaines déclarations des deux Cours
internationales pourraient le laisser supposer, on doive s'excuser de
recourir aux travaux préparatoires aux fins de l'interprétation. Très
souvent, le dossier fournit des éléments de preuve précieux dont il faut

tenir compte pour interpréter un traité. C'est la tradition plutôt que
le droit ou la logique qui a parfois amenéles tribunaux à dire qu'ils
utilisaient ces moyens de preuve simplement pour confirmer une inter-
prétation qui était censéeavoir déjàététiréedu libellé mêmedu texte,
voire de sa place dans son contexte. L'attitude qu'il convient d'adopter
à l'égard des «règles» d'interprétation des traités est bien indiquée
dans l'affaire République italiennec. République fédérale d'Allemagne
(Commission arbitrale sur les biens, droits et intérêtsen Allemagne,
deuxième chambre - Sauser-Hall, Schwandt, Sperduti - 1959, Inter-

nationalLaw Reports, vol. 29, p. 449, 459et suiv- pagination originale:
p. 443-444et p. 452 et suiv.).
L'interprétation, en l'espèce, exigeque la Cour s'assure du sens qui

voir notamment le contre-mémoire, livre II, chapitre V. Le présent arrêt de la
Cour ne semble pas s'écarter des arguments exposés dans l'opinion dissidente
commune à cet égard.doit êtredonné à certaines dispositions importantes du Pacte de la
Société des Nations et du Mandat pour le Sud-Ouest africain.
Tout d'abord,
«il faut se souvenir ...que l'interprétation d'un grand acte consti-
tutionnel international comme la Charte des Nations Unies ne
saurait s'inspirer des conceptions individualistes qui prévalent

généralementdans l'interprétation des traités oridinaires l.(Opinion
dissidente de M. de Visscher, Statut international du Sud-Ouest
africain,C.I.J. Recueil 1950, p. 189.)
En particulier, il est vrai que l'on ne saurait comprendre ou analyser
les travaux de grandes conférences internationales comme celles de

Paris ou de San Francisco si on les considère comme essentiellement
semblables à un rendez-vous entre Dupont et Durand en vue de signer
un contrat pour la vente de briques.
« Mais les juristes formés aux méthodesd'interprétation qu'appli-
quent les tribunaux anglais doivent se souvenir que le style anglais
de rédaction législativefait aux détails une place plus grande que

le stylecontinentalet qu'il reçoitet peut-êtreexigeuneinterprétation
plus littérale. De mêmeles documents diplomatiques, y compris les
traités,n'appellent pas d'ordinaire le recours aux méthodes d'inter-
prétation très strictes que les tribunaux anglais appliquent par
exemple aux lois du Parlement. »(J. L. Brierly, TheLaw of Nations,
6eéd.,par sir Humphrey Waldock, 1963,p. 325.)

On peut admettre qu'il y a quelque danger à considérerles traités
multilatéraux comme une ((législationinternationale)) mais, si l'on
invoque en matière d'interprétation les précédentsdu droit interne,
l'interprétation des constitutions ou des lois offrira vraisemblablement
des précédentsplus pertinents que l'interprétation des contrats 2.
Lorsqu'elle interprète un traité bilatéral, la Cour peut, mais elle n'y
est pas tenue, se contenter d'examiner les vues des deux parties. Il n'en

va pas de mêmedans le cas d'un traité multilatéral.Ainsi, dans l'affaire
relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amériqueau Maroc
(France c. Etats-Unis), la Cour, examinant l'acte d'Algésiras, est arrivée
à la conclusion que l'article dont il s'agissaitappelai(une interprétation
plus souple qu'aucune de celles avancéespar l'une et l'autre desParties
en litige» (C.I.J. Recueil 1952, p. 211). De mêmedans l'affaire relative
à l'Applicationde la conventionde 1902pour réglerla tutelle des mineurs,
M. Cordova a déclaré:

«Si la convention de 1902avait étéun traité bilatéral, leur inter-
prétation commune [celle des Parties] de l'un de ces articles ...

faireMcCullochic.tMaryland (4 Wheat. 407): «Nous ne devons jamais oublier que'af-
c'est une constitution que nous interprétons.
La Cour suprême des Etats-Unis s'appuie sur les éléments historiques pour
interpréter la constitution des Etats-Unis (par exemple dansrry c. Sanders,
84 S. Ct. 526, 1964) et les lois du Congrès (par exemple dans BrotherhoodofLoco-
motive Engineers c. ChicagoR.Z.& P.R. Co., 86 S. Ct. 594, 1966).
351 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 354
m'aurait suffipour considérer cetteinterprétation comme définitive;
mais comme la convention de 1902 est un traité multilatéral, je
crois qu'il est possible d'avoir une opinion différente de cellesdes

deux Parties en cause sur l'application de ses articles. » (C.I.J.
Recueil 1958,p. 143.)
Dans l'affaire de la Juridiction territoriale de laCommission inter-
nationale de l'Oder, la Cour permanente n'a pas estimé satisfaisants les
arguments juridiques proposés par les Parties pour l'interprétation du
traité de Versailles; en conséquence, elle a remonté aux principes qui
régissentle droit fluvial international en général(1929,C.P.J.I. série A
no 23, p. 26).
Mêmequand elle avait à connaître d'untraitébilatéral,la Cour perma-

nente a affirmésa liberté judiciaire en déclarantdans I'affairedesZones
franches deHaute-Savoie et dupays de Gex:
«A un point de vue général,on ne saurait facilement admettre
que la Cour, dont la fonction est de dire le droit, soit appelée à
choisir entre deux ou plusieursinterprétations, déterminéesd'avance
par les Parties et dont il se pourrait qu'aucune ne correspondît à
l'opinion qu'elle se serait formée. En l'absence d'une disposition
explicite prévoyant le contraire, il faut présumerque la Cour doit
jouir de la libertéqui lui revient normalement et doit êtreen mesure,

si telle est son opinion, non seulement d'accepter l'une ou l'autre
des deux propositions, mais de rejeter les deux.»(C.P.J.I. sérieA/B
no46, p. 138.) .
Plus particulièrement, lorsqu'ils ont eu la tâche d'interpréter judiciaire-
ment les Mandats, les tribunaux nationaux ont déclaré:

((Dans toute analyse du fondement juridique et constitutionnel
du gouvernement du territoire sous Mandat, les tribunaux anglais
ont pour tâche principale de prendre en considération les objets
et les finsdu systèmedes Mandats, d'éviter àla fois ((l'interprétation
par voie d'arguties verbales»et «la fidélittout simplementpédante
à des mots déterminés », de cdécouvrir et de mettre en Œuvre
toutes les intentions bienfaisantes)) contenues dans l'acte...))
(M. Evatt,juge à laHaute Cour d'Australie, dans Ffrost c. Stevenson,
1937, CommonwealthLaw Reports, vol. 58, p. 579.)

Et dans le mêmesens:
«Je suis d'avis qu'en cherchant la signification des expressions
employéesdans le Pacte de la S.d.N. et dans le Mandat on ne doit
pas perdre de vue la nature de ces actes ni se laisser égarerpar les

termes techniques dont ils se servent. »(M. van der Heever dans
l'affaireex c. Offen, 1934,South African Law Reports, South West
Africa, p. 84.)
Je rappelle également un passage de l'opinion de M. de Villiers, J.A.,
dans l'affaireRex c. Christian (1923, South African Law Reports, 1924,
Appellate Division,p. 121) que sir Arnold McNair a citédans son opi-
nionindividuellede 1950sur le Statut internationaldu Sud-Ouest africain:

352 «Les termes juridiques employés à l'article 2- trust, tutelle,
mandat - nepeuvent êtrelittéralemenc tonsidérés comme exprimant

les conceptions précises qu'ils rep~ésententen droit. Il faut les
comprendre plutôt comme une indication de l'esprit dans lequel la
nation développée, à qui l'on a fait l'honneur de confier un mandat,
doit administrer le territoire confiéses soins et s'acquitter de ses
devoirs àl'égard deshabitants du Territoire, plus particulièrement
à l'égard despopulations indigènes. Je ne prendrai pas sur moi
d'indiquer dans quelles mesures les principes juridiques de ces
institutions nationales analogues doivent être appliqués à ces
rapports internationaux. Mais peut-être mepermettra-t-on de dire
qu'à mon avis l'usage qui a étéfait de ces termes démontre que,

dans la mesure où ces principes juridiques sont raisonnablement
applicables à ces institutions nouvelles, ils doivent êtreappliqués
loyalement. Sans aucun doute, des questions [des] plus complexes
se présenteront.»(C. I..Recueil 1950,p. 151.)
Un adage beaucoup plus ancien enseignait que la lettre tue mais
l'esprit donne la vie.
J'approuve avec la plus grande conviction ce que sir Hersch Lauter-

pacht a dit dans son opinion individuelle de 1955 à propos de la règle
dite du (sens clair»,qui selon moi sert souventà couvrir une conclusion
obtenue d'une autre manière et non à orienter vers une conclusion
exacte. Sir Hersch Lauterpacht a déclaré:
((Cette diversitéde vue fournit un exemple de ce danger de se
fonder sur ce qui est supposé être lesens ordinaire et naturel des
mots.
Enfin, eu égard à l'intégritéde la fonction interprétative, il n'est

pas souhaitable d'encourager l'application d'une méthodequi, par
voie d'interprétation, pourrait amener à traiter sommairement la
principale question soumise àla Cour ou à ne pas en tenir compte.))
(C.I.J.Recueil 1955,p. 93 - les italiques sont de nous.)
Je suis d'accord aussi avec l'examen que sirPercy Spender a consacré
à la règle du (sens ordinaire et naturel1)dans son opinion individuelle
en l'affaire relativeà Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17,

paragraphe 2, de la Charte) (C.I.J. Recueil 1962, p. 184):
((.Cetteinjonction est parfois un conseil de perfection. Le sens
ordinaire et naturel des mots peut être à l'occasion très difficile
à déterminer. Ce qui peut êtrele sens ordinaire et naturel pour un
interprète peut ne pas l'êtrepour un autre. Il n'est pas rare que
l'interprèteait ce que l'on a appeléun sentiment personnelà l'égard

de certains mots et de certaines phrases. Ce qui a un sens pour l'un
peut n'en pas avoir pour un autre. L'ambiguïté peutse cacher sous
les mots les plus ordinaires et les plus simples, mêmepris dans leur
sens naturel et ordinaire.Il n'est pas toujours évident,non plus,
selon quel critère juridique on peut considérer que les mots, lus
dans leurs sens naturel et ordinaire, conduisent à un résultat dé-
raisonnable.»

353 Ayant ces observations présentes à l'esprit, j'insiste à nouveau sur

l'opinion expriméeplus haut quant àla valeur des travaux préparatoires.

CommissioaMilner

La Commission Milner créée par le Conseil des Quatre dela conférence
de la paix le27juin 1919pour s'occuper desMandats a tenu sa première
réunion le lendemain 28 juin. La Commission était saisie d'un projet
de texte pour les Mandats de la catégorie C, établi par lord Milner.
Le représentantdu Japon a notél'absence d'une clause que l'on appelle
maintenant la (clause de la porte ouverte 1prévoyantl'égalité commer-

ciale de tous les Membres de la Société desNations; l'absence d'une
telle clause devait appeler longtemps les critiques du Japon. Bien que
le compte rendu l ne mentionne pas qu'un projet de texte pour les
Mandats de la catégorieB ait été distribué à ce moment-là, le vicomte
Chinda se réfère à un projet de Mandat B, et le projet américain de
Mandat B du 8juillet est précédéd'une note indiquant que les modifica-
tions introduites dans letexte de lord Milner sont impriméesen italiques;

il est donc évidentqu'un projet de Mandat B rédigépar lord Milner
avait déjàété distribué.
Le premier projet de Mandat C établipar lord Milner contenait des
dispositions relativesà l'esclavage, au travail forcé, au trafic d'armes,
aux boissons alcoolisées,au service militaire et aux fortifications, mais
il ne disait rien de la nécessitéd'obtenir le consentement du Conseil de
la Sociétédes Nations pour modifierlestermes du Mandat et necontenait
aucune clause juridictionnelle du genre de celle qui a finalement été

consacrée à l'article 7.
La Commission a tenu sa deuxième réunion le 8 juillet. Elle était
saisie d'un projet de Mandat B présentépar la France et d'un projet
de Mandat B présentépar les Etats-Unis. Le projet français avait été
envoyé à lord Milner le 5 juillet. Il se peut que l'apparition tardive du
projet américain ait été dueau fait que M. Beer représentait seul les
Etats-Unis àla premièreréunion, le28juin, alors que le colonel House

étaitégalement présentle 8juillet etlors des réunionssuivantes. J'estime
que rien nejustifie la position prise dans l'arrêtde la Cour selon laquelle
ce projet américain n'étaitpas au nombre des premiers projets. La
Commission a poursuivi l'examen du projet de Mandat C mais ses
membres se référaient aussiaux nouveaux projets de Mandat B. Ainsi,
le colonel House a proposé d'incorporer au projet de Mandat C l'ar-
ticle 14 de son projet de Mandat B qui, sous une forme détaillée,

Le seul compte rendu détaillédont on dispoesun document officielfrançais
imprimé commedocument confidentiel en 1934mais qui n'apubliéque longtemps
après: Conférencedelpaix1919-1920, Recueil des actes de la conférence,partie VI A,
Paris, 1934,confidentiel. Telleest la source à laquelle je me se référedans les pages
suivantes,sauf indication contraire.
Qualifiéà tort dans mon opinion individuelle de 1962 de projecommun
franco-britanniqu».
354 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS. JESSUP) 357

prévoyaitque le Conseil de la Sociétédes Nations devait donner son
consentement à toute modification du Mandat, ce qui est indiqué

maintenant au premier alinéa de l'article 7 du Mandat C pour le Sud-
Ouest africain l. La décision sur la proposition du colonel House a
étédifféréeL . e colonel House a suggéré desadjonctions à ce que l'on
a fini par appeler la ((clause des missionnaires»qui, sous une forme ou
sous une autre, se trouvait dans les trois premiers projets de Mandat B
et qui figuremaintenant à l'article 5des Mandats C. Dans un télégramme
adressé de Londres au président Wilson le 9 juillet, le colonel House
a indiqué i propos de l'examen des Mandats C: «J'ai proposéd'insérer

une disposition relativeà la protection des missionnaires qui a été ap-
prouvéequant au fond et dont le texte sera mis au point demain = )
Le colonel House n'a pas proposé alors d'incorporer au Mandat C
la clause juridictionnelle qui figuraità l'article 15 du projet de Man-
dat B présentépar les Etats-Unis, parce que la Commission est passée
à ce moment à l'étudedu projet de Mandat B. A cette fin, elle a pris
comme base de discussion le projet français. Elle a discutéune dispo-

sition du préambuledu texte américain.Comme cela devait être souvent
lecaspar la suite, la réunions'est terminéesur un désaccorddû à l'atti-
tude dela délégation française quantà l'enrôlementdestroupes indigènes.
Le 9 juillet, la troisième séancede la Commission s'est ouverte par
une reprise du débat surle projet français de Mandat B et le problème
du recrutement de troupes indigènes. A chaque étape de la discussion,
le représentant des Etats-Unis a demandé l'insertion de dispositions du

projet américain, qui contenait une description beaucoup plus détaillée
des droits commerciaux et autres droits économiques,alors que le pro-
jet français traitait de la plupart de ces droits en termes généraux.Le
représentant de la France, M. Simon, a émisdes doutes quant à la né-
cessitéde ces stipulations détaillées.C'est alors, et avant que le colonel
House ne parle de la clausejuridictionnelle du projet américain,que lord
Robert Cecil a fait la déclaration dont un passage, isolédu contexte,

est citédans l'opinion dissidente commune de 1962 (p. 556):
((Lord Robert Cecil (Empire britannique) pense que cette ques-
tion est liée au droit d'appel devant la Cour internationale. Si
cet appel est autorisé,il est préférablede poser seulement le prin-

cipe d'égalitéet de laisser à la Cour le soin de l'appliquer aux
cas particuliers.l pense néanmoins qu'ily aurait lieu de rem~la-
cer les mots: ((égalitécommerciale))[qui figurent dans le projet

Le consentement de la Société desNations est nécessaire pour toute modification4.
des stipulations du présent Mandat et Conseil devra en recommanderà tout
moment un nouvel examen, si ces dispositions,on avis, ne correspondent plus
aux conditions présentes.
Voir Miller, Diary, vol. XX, p. 348, et Foreign Relations of the United States,
Paris Peace Conference,919, vol. XI, p. 647.
Des représentations au nom des intérêtsmissionnaires avaient étéfaites auprès
de la délégationaméricaineà la conférence de la paix dès le mois d'avril 1919;
voir Miller,iary, vol. 1, p. 218 et vol. VII, p. 398. français] par: (égalitécommerciale et industrielle».Si, au contraire,
aucun appel devant la Cour internationale n'est autorisé, il sera

nécessaired'élaborerdes stipulations détaillées. 1)

Comme le disent fort justement les auteurs de l'opinion dissidente com-
mune: «La séancedu matin s'est terminée sur cette observation. ))Il
n'y a pas eu de discussion.

11n'y avait rien d'étonnant à ce que lord Robert Cecil mentionne
la Cour internationale, puisqu'à la conférencede la paix il en avait
étéle champion et que c'étaiten grande partie en raison de son insis-
tance que l'on avait hi par inclure dans le Pacte l'article 14 qui char-
geait le Conseil de préparerla créationd'une telleCour (voir Temperley,
A History of the Peace Conferenceof Paris, vol. VI, 1924,p. 486; Hud-
son, Permanent Court of International Justice, 1920-1942, 1943,p. 95).
En revanche, M. Simon, qui représentait la France à la Commission

Milner, s'était montréhostile à Paris à l'idéemêmed'un contrôle inter-
national des anciens territoires ennemis qui ont étéfinalement placés
sous Mandat; il préconisait ((l'annexion pure et simple)) (voir Lloyd
George, Memoirs of the Peace Conference, 1939,vol. 1, p. 350). La
remarque de lord Robert Cecil citéeplus haut est sans lien avec l'inten-
tion qui animait les représentants des Etats-Unis lorsqu'ils ont proposé
une clause juridictionnelle qui - on le montrera - faisait une distinc-
tion entre le recours judiciaire destiné à sauvegarder certains droits

économiques individuels spéciaux et lerecours en justice devant la
Cour en vue de protégerle droit généraldes Etats Membres à la bonne
exécutiondu Mandat. Rien dans les comptes rendus ne justifie la con-
clusion des auteurs de l'opinion dissidente commune (p. 556) selon
laquelle il ressort des débats de cetteséance - à un moment où les Amé-
ricains ne préconisaient pas encore l'insertion de la clause juridiction-
nelle - que (le seul contextedans lequel [ladite clause] a étéexaminée,
était la protection des droits commerciaux et autres qu'on avait l'in-
tention de conférerdans les actes de Mandat aux Etats Membres de

la Sociétéet à leurs ressortissants 1).
Il est exact qu'à la quatrième séance,qui s'est tenue plus tard dans
lajournéedu 9juillet, le colonel House a proposé à la Commission d'exa-
miner l'article 15 du projet américain - la clause juridictionnelle. Le
débat qui a suivi a porté sur la question de procédure que voici: les
particuliers pouvaient-ils intenter une action devant la Cour interna-
tionale - comme le suggèrele deuxièmealinéadu texte américain -
ou devait-on laisser à l'Etat, conformément à la pratique diplomatique

traditionnelle en matière de réclamations, le soin de prendre fait et
cause pour ses ressortissants et de saisir la Cour en leur nom?
Le texte des deux alinéasde la clausejuridictionnelle am5icaine était
le suivant:
((Article 15

Si un différends'élève entre les Membresde la SociétédeN s ations
en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de la présente
356 Convention et que ce différendne puisse êtreréglépar les négo-
ciations, il sera porté devant la Cour permanente de Justice inter-
nationale qui doit être établiepar la Société desNations.
Les sujets ou citoyens des Etats Membres de la Société des'Na-
tions peuvent égalementporter des réclamationsen ce qui concerne

des infractions aux droits qui leur sont conféréspar les articles 5,
6, 7, 7a) et 7b) de ce Mandat devant ladite Cour pour dé%ion.
Le jugement rendu par cette Cour sera sans appel dans lt ,bdeux
cas précédentset aura le mêmeeffet qu'une sentence arbitrale
rendue en application de l'article 13 du Pacte. »

M. Simon a déclaré n'avoiraucune objection à formuler à l'encontre
du principe de l'appel devant une cour internationale, mais il estimait
que, si des particuliers pouvaient avoir recours à cette procédure, toute
administration deviendrait impossible. Lord Milner était également
d'avis que ce droit d'appel rendrait toute administration difficile. Il

a ajouté: ((Laquestion de l'exécutionou de la non-exécutiondes termes
du Mandat est très grave et ne devra êtremise en avant que sous la
responsabilitéd'un Gouvernement,autrement des difficultéssurgiraient
qui pourraient entraîner la liquidation de la Société des Nations. ))Cette
importante déclaration n'est pas mentionnée dans l'opinion dissidente
commune de 1962.
Il est clair que le membre de phrase l'exécutionou ..la non-exécu-
tion ...du Mandat )concerne toutes les dispositions relatives au bien-
êtredes populations indigèneset ne vise pas seulement les droits com-
merciaux des ressortissants des Membres de la Sociétédes Nations.
Il étaitpeu probable que ce dernier type de réclamationpuisse entraîner
((laliquidation de la Société des Nations ».C'est donc après avoir ainsi

soulignéque les gouvernements eux-mêmesdevaient prendre la respon-
sabilité de porter devant la Cour les réclamations concernant la ((non-
exécution ))du Mandat que lord Milner a dit, comme l'indique l'opinion
dissidente commune, qu'il y aurait certainement avantage à faire pas-
ser de la sphèrepolitique dans la sphèrejuridique le règlementde ques-
tions comme celle du droit de propriété - mais il a demandé que le
gouvernement qui décideraitsi la réclamationdevait être portée devant
la Cour en assume la responsabilité. Il convient de noter que cette der-
nièredéclaration de lord Milner suivait une observation de lord Robert
Cecil indiquant que rien n'avait occasionnéplus d'embarras au minis-
tère des Affaires étrangèresde son pays que la question des griefs per-

sonnels de ses nationaux et qu'ily aurait avantage à ce que ces questions
ne fussent plus du domaine de la diplomatie.
L'expression droit de propriété n'était pas apparuejusque-là dans le
débat surles droits commerciaux et économiquesdes ressortissants des
autres Membres de la Sociétédes Nations, mais la Commission avait
déjà examiné longuementet en détaille mêmejour, 9 juillet, les dispo-
sitions du projet Milner et des projets français et américainqui traitaient
des transferts de propriétéfoncière indigène. M. Beer, représentant des
Etats-Unis, avait préconiséinstamment l'adjonction d'une clause tirée

357du projet américain stipulant qu'aucun transfert de propriété de ce
genre ne serait valable sans l'autorisation des autorités publiques dési-
gnées à cet effet. Lord Milner avait estiméque cette stipulation devait
êtrelimitéeau transfert de terres par un indigène à un non-indigène.
Il craignait que cette proposition ne conduise à des interventions inu-

tiles. Mais lord Robert Cecil avait appuyé le point de vue américain
en signalant qu'il avait entendu dire que, dans la pratique, de nom-
breux abus étaientcommis dans l'achat de terres à des indigènes.Après
une longue discussion, la Commission avait adopté un texte relatif à
la propriétéfoncière indigèneet aux biens fonciers indigènes. C'était
là indéniablement une disposition visant la protection des indigènes

et non celle des droits économiquesdes ressortissants des autres Mem-
bres de la Société desNations. L'interprétation la plus naturelle de
l'observation de lord Milner est au'&lle se référait à des auestions con-
cernant les droits de propriétéfoncière indigène - question que, selon
lui, on pourrait bien faire passer dans la sphèrejuridique et qui pourrait
donc êtresoumise à la Cour permanente.

Lord Robert Cecil a proposéensuite de remplacer le deuxièmealinéa
de la clause juridictionnelle contenue dans le projet américainpar la
formule suivante :
«Les Membres de la Sociétédes Nations pourront également,
pour le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des réclamations

pour infractions à leurs droits11,etc.
Le mot ((égalemen t)montre que l'on songeait à deux différents types
d'actions pouvant être intentées devant la Cour. M. Beer, représentant
des Etats-Unis, a acceptéce texte, qui fut alors adopté.
Les auteurs de l'opinion dissidente commune disent ensuite fort

justement @. 557) qu'il a étédécidéde supprimer la dernièrephrase du
deuxième alinéa du projet américain de clause juridictionnelle, dont
le libellé étaitle suivant:
((Lejugement rendu par cette Cour sera sans appel dans les deux

cas précédentset aura le même effetqu'une sentence arbitrale
rendue en application de l'article 13 du Pacte l.))(Les italiques
sont de nous.)
Mais les auteurs de l'opinion dissidente commune concluent à tort que
((cettephrase devenait superflue si toutes les réclamationsdevaient être

l Le texte de l'article 13 du Pacte est en partie le suivant:
«Article 13.1. Les Membres de la Société conviennentque s'il s'élèveentre
eux un différend susceptible,à leur avis, d'une solution arbitrale oujudiciaire,
et si ce différendne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplo-
matique, la question sera soumise intégralement à un règlementarbitral ou
judiciaire.
...........................
4. Les Membres de la Société s'engagentà exécuterde bonne foi les sen-
tencesrendues et à ne pas recourir à la guerre contre tout Membre dela Société
qui .s'y conformera. Faute d'exécution dela sentence, le Conseil propose les
mesures qui doivent en assurer l'effe11 présentées à la Cour par les gouvernements,qu'il s'agît de leurs propres

droits découlant des Mandats ou de ceux de leurs ressortissants ».
Si cette phrase était superflue en ce qui concerne les réclamationsdes
gouvernements, pourquoi prévoyait-elle expressément,dans la première
version, qu'elles'appliquait aux((deux )cas, c'est-à-direauxréclamations
des gouvernements viséesau premier alinéa et aux réclamations des
particuliers viséesau second alinéa?Le procès-verbal (et il ne faut pas
oublier que ce n'est pas un compte rendu complet) n'indique pas les

raisons invoquées à l'appui de la suppression l.
L'opinion dissidente commune affirme également@. 555):
((En bref, le fait est qu'il semble que personne n'ait pensé à
introduire une disposition touchant le règlement judiciaire obliga-
toire avant que les Etats-Unis n'eussent fait des propositions détail-
léestouchant certains droits, commerciaux et autres, des Etats

Membres de la Sociétéet de leurs ressortissants ...»
Le fait est, comme je l'ai souligné plushaut, que le projet américaina
été présentéà la deuxième séance de la Commission,le 8juillet, en même
temps que le projet français. Le projet américaincontenait un certain

nombre de points nouveaux qui ne figuraient pas dans les projets britan-
niques antérieurs de Mandats C et B, à savoir:
i) une description détailléedu contenu du rapport annuel;
ii) une description détailléedes droits commerciaux et économiques;
iii) la clause relative au consentement du Conseil pour les modifica-
tions au Mandat;
iv) la clause juridictionnelle.

La clause juridictionnelle n'étaitpas plus limitéeaux dispositions con-
cernant les droits économiqueset commerciaux et dispositions analo-
gues des Mandats, que la clause relative à la nécessitéd'obtenir le con-
sentement du Conseil pour les modifications aux Mandats. Toutes deux
étaientapplicables à toutes les dispositions des Mandats et toutes deux

ont été proposées à un stade précoce des travaux de la Commission.
Le 10juillet, lors de la cinquième séancede la Commission, une dis-
cussion a eu lieu sur l'article 11 du projet français qui exigeait l'envoi
d'un rapport par le Mandataire au Conseil. Le projet américain, là
encore, était fort détailléquant au contenu du rapport. Lord Milner
ayant étéd'avis que le Mandataire fournisse les renseignements qu'il
jugerait bon et que le Conseil lui demande des informations complémen-

taires s'il ledésirait, il a étédécidéde remplacer la formule discutée
par celle qui se trouve maintenant à l'article 6 du Mandat pour le Sud-
Ouest africain, à savoir ((un rapport annuel satisfaisant le Conseil)).

l On peut noter qu'à I'article 17 de la convention de 1924 relative à Memel
qui est citédans un passage ultérieur de la présente opinion, un alinéa dela clause
juridictionnelle qui traite uniquement des différends pouvant l'éleverentre la Lithu-
anie et l'une quelconque des Principales Puissances alliées, memdu Conseil
de la SociétédesNations, ajoute, après la mention du recoursCour permanente
de Justice internationale:a décision de la Cour permanente sera sans appe! et
aura la force et la valeur d'une décisionrendue en vertu de l'articleacte»
359 Cela ne signifiaitpas et ne signifiepas que le Conseil devait être satisfait
des mesures effectivement prises par le Mandataire pour s'acquitter
de ses obligations; cela signifie que le Conseil devait être satisfaitdu
volume des informations fournies. Toute la pratique ultérieure de la
Commission permanente des Mandats et du Conseil de la Société des
Nations codrme cette interprétation.

C'està la cinquième séanceque les textes modifiés desarticles 14et 15
du projet américainont été adoptés.
A la mêmeséance, la Commission a repris l'examen d'un projet
modifiéde Mandat Ctenant compte des débatsprécédents. 11comprenait
la clause relative aux missionnaires suggéréepar le colonel House
et les propositions américainesqui exigeaient le consentement du Conseil
pour toute modification au Mandat et prévoyaient la possibilité de
faire appel à la Cour internationale. MAIS le Mandat C ne se référait
pas aux droits économiqueset commerciaux spécifiéd sans le Mandat B

ET il ne comprenait pas le deuxièmealinéa dela clausejuridictionnelle
permettant ((également 1)à un gouvernement de porter devant la Cour
desréclamationsau nom de ses sujets ou citoyens. Sil'on avait considéré
par exemple que l'article 5 - clause des missionnaires - visait le
genre de droits reconnus aux particuliers dans les dispositions écono-
miques et commercialesdes Mandats B, il y a tout lieu de croire que le
deuxième alinéa de la clause juridictionnelle aurait été incorporé,car
il a continué à figurer dans les projets de Mandat B. En fait, la clause
des missionnaires telle qu'elle se présentait à l'origine dans les trois

projets de Mandat B ne faisait étatni de la nationalité des missionnaires
ni, à cet égard, des Membres de la Société des Nations. Le colonel
House avait proposé le 8 juillet d'attribuer aux missionnaires dans le
projet de Mandat C les mêmesdroits que dans les projets de Mandat B.
Cette proposition avait étéacceptée.Dans le projet reviséde Mandat
C du 10 juillet, il est brusquement fait mention des Membres de la
Sociétép ,our limiter les catégories de missionnairesvisées,mais la Com-
mission Milner n'a pas inscrit cette précisiondans les projets de Mandat
B.IIest donc clair que Son considéraitla clause des missionnairescomme

inséréedans l'intérêt des indigènee st non des Etats Membres l. Elle
étaitliéeà la libertéde conscience et de religion. Cela ressort nettement
aussi des articles à 10du Mandat A pour la Syrieet le Liban. 11semble
évident quela clause juridictionnelle tendait à couvrir, pour citer lord
Milner, toute critique formuléepar un Membre de la SociétédesNations
sur ((l'exécution ou la non-exécution des termes du Mandat)) par le
Mandataire. C'est pourquoi la clause juridictionnelle se référait à
ctout différend » concernant l'interprétation ou l'application des dis-
positions du Mandat, expression rendue plus nette encore par la suite

dans le texte définitif:((tout différend,quel qu'il soi))11convient de
noter que, sile deuxièmealinéa, relatif aux réclamations des particuliers,

Mais les Membres de la Société desNations pouvaient aussi l'invoquer dans
l'intérêtde leurs ressortissants, comme je l'ai montré dans mon opinion individu-
elle de 1962 (p. 410 et suiv.).faisait état des infractions aux droits qui leur étaient conférés,le pre-
mier alinéa ne mentionnait pas de tels ((droits ».
A sa cinquièmeséanceégalementl,a Commission a poursuivi l'examen
du projet de Mandat B et adopté la clause de règlement judiciaire en

conservant les deux alinéas tels qu'ilsavaient étérevisés.A la sixième
séance,tenue le 10juillet au soir, les textes de Mandats B et C ont été
à nouveau reviséset adoptés.
Le 15juillet, lord Milner a adresséles textes des projets de Mandats
B et C au secrétaire générad le la conférencede la paix. Pour faire ap-
paraître les différencesde rédaction, il est utile de reproduire le texte
des clauses juridictionnelles des projets de Mandats C et B tels qu'ils
ont étéenvoyés :

L'article VI du projet de Mandat C stipulait:
((Encas de différendentre les membres de la Société des Nations,
relatif l'interprétationou à l'application des présentesdispositions,
et que ce différendne soit pas susceptible d'êtreréglépar des négo-
ciations, il sera soumis à la Cour permanente de Justice interna-
tionale à établir par la Sociétédes Nations. »

L'article XII du projet de Mandat B étaitlibeUécomme suit:
« 1. Si un différend s'élevaitntre les membres de la Société des
Nations, en ce qui concerne l'interprétation ou l'application du
présentMandat, et que ce différendne pût êtreréglépar négocia-
tions, il serait soumàsla Cour permanente de Justice internationale,
qui doit être instituéepar la Société desNations.

2. Les Etats Membres de la Société des Nations pourront égale-
ment, pour le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des réclama-
tions devant ladite Cour pour décisionen ce qui concerne les in-
fractions aux droits qui leur sont conféréspar le présent Mandat. »
A sa neuvième séance,le 5 août, la Commission a étésaisie d'un

projet de Mandat A présentépar les Etats-Unis, qui contenait l'ar-
ticleXVIII suivant :
«Au cas oh s'élèverait,entre les Etats Membres de la Société
des Nations, au sujet de l'interprétation ou de l'application de ce
Mandat, une contestation qui ne pourrait êtreréglée par des négo-
ciations directes, la question sera soumise à la Cour permanente
de Justice internationale, qui sera établiepar la Sociédes Nations.

Les Etats Membres de la Sociétédes Nations pourront porter
les revendications de leurs ressortissants devant la Cour permanente
de Justice internationale pour infraction à leurs droitsl.»
Un télégramme adressé au président et au secrétaired'Etat, le 9 août
1919,par le colonel House contient ce que celui-cia décritcomme étant

le texte du modèlede Mandat A présenté par lui. Dans ce texte, la clause

l D'après lDiary de Hunter Miller (voXX, p. 383), ce texte a étérédigépar
M. Beer et approuvé dans l'ensemble par lord Robert Cecil.juridictionnelle se trouvaità l'article XV- non à l'article XVIII- et
se lisait comme suit:
((Article quinze, paragraphe 1. Si un différend, quel qu'il soit,
s'élevaitentre Etats Membres de la Société desNations en ce qui
concerne l'interprétation ou l'application du présent Mandat et

que ce différendne pût êtreréglépar négociation, il serait soumis
à la Cour permanente de Justice internationale, qui doit êtreins-
tituéepar la Société desNations.
Paragraphe 2.LesEtats Membresdela Société desNations pourront
également,pour le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des
réclamationsdevantladite Courpour décisionence qui concerne les
infractions auxdroitsqui leurs sont conférésar leprésent Mandat1.))
A ce moment-là, il y avait deux précédents:la clause juridictionnelle
en deux alinéas des deuxMandats B et la clause juridictionnelle en un

seul alinéa du Mandat C. En rédigeant le Mandat A les rédacteurs
américains avaientle choix entre l'une ou l'autre de ces formules. Ils
ont opté pour la formule des deux alinéas,car les autres articles du
projet comprenaient des dispositions détailléessur les droits écono-
miques, commerciaux, archéologiqueset autres. Mais lord Milner a in-
forméle secrétaire générad le la conférence dela paix, par une lettre
du 14août, que le représentant de la France s'opposait à un examen des
Mandats A à ce stade et que le projet américainétaitpar suite retiré.
Le document français cité plus haut contient une note indiquant
que lestextes des Mandats Bet C ont été envoyésau comité de rédaction
de la conférencede la paix qui n'en a pas discutéle fond mais les a mis

sous forme de traités.Le texte des Mandats B britannique et belge sur
l'Est africain a alors étéimprimé; lelibellé de l'article 15 la clause
juridictionnelle en deux alinéas- est identique dans les deux Mandats.
Les textes des Mandats C pour le Sud-Ouest africain, Nauru, Samoa,
pour les possessions au sud de l'équateurautres que Samoa et Nauru
et pour les îles situéesau nord de l'équateur ont été imprimés aussi,
la clause juridictionnelle étant la mêmedans tous ces Mandats, bien
que dans certains elle figure à l'article 8 et dans d'autreà l'article 9.
Ces textes sont identiquesà ceuxque reproduisent en anglais lesvolumes
relatifsà la conférencede la paix de l'ouvrage ForeignRelations of the
UnitedStates.Dans le volume IX (appendices B, C et D, p. 649et suiv.),

on trouve ce qui suit:
Article 15 du Mandat B britannique sur l'Est africain:
(15. Au cas où quelque contestation s'élèveraietntre les Membres
de la Société desNations sur l'interprétation ou l'application de ce

Mandat, qui ne paumait êtrerésolue par des négociations, cette
contestation sera soumise à la Cour permanente de Justice inter-
nationale qui doit êtrecrééepar la Société desNations.
Les Etats Membres de la Société des Nations pourront également
porter devant ladite Cour à fin de jugement toutes réclamationsau

Miller, Diary. voXX, p. 383, 388 [traduction du Greffe].
362 nom de leurs sujets ou citoyens pour des violations de leurs droits,

tels qu'ils sont garantis par le Mandat. ))
L'appendice C reproduit les paragraphes introductifs du Mandat B
belge sur l'Est africain puis indique que les articles suivants sont iden-
tiquesmutatis mutandis à ceux du Mandat britannique.

Dans l'appendice D, l'article 8 du Mandat C pour le Sud-Ouest
africain est libellécomme suit:
«Article 8
Toute modificationauxtermes de ce Mandat devra être approuvée

au préalable par le Conseil de la Sociétédes Nations.Si une diver-
gence d'interprétation quelconque s'élevaitentre les Membres de la
Société des Nations au sujet de l'application de ces (those) disposi-
tions et que cette divergencenepuisseêtre tranchéepar des négocia-
tions, celle-ci devra être portée devant leTribunal permanent de
Justice internationale qui doit être constitué par la Ligue des
Nations. ))

Le libellédu Mandat C pour Nauru est identique mais dans le texte
anglais du Mandat pour Samoa, le mot those - signalédans le texte
précité - est corrigé en these. Une note préciseque pour les autres
Mandats C concernant les îles, le texte est identique; il n'est pas re-
produit l.
Il convient de noter en outre que, dans les mêmesdocuments, le texte

français de I'article 14des deux Mandats B sur l'Est africain correspond
au texte anglais mais que, dans le Mandat C pour le Sud-Ouest africain,
la première phrase est légèrementdifférente: ((Toute modification aux
termes de ce Mandat devra êtreapprouvéeau préalablepar le Conseilde
la SociétédesNations. » Dans la version anglaise, on a rendu cette phrase
conforme au texte des Mandats Bsur l'Est africain. Dans letexte français
finalement adopté, c'est cette version qui a été maintenuedans les
Mandats C, tandis que le texte anglais, comme c'est le cas pour le

premier alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain, suit
le texte anglais donné dansle volume cité desForeignRelations.

Clausedite du Tanganyika

Il est impossible d'accepter l'explication donnée dans l'arrêtde la
Cour pour justifier l'existence de la clause dite du Tanganyika, qui
constitue le second alinéa dela clause juridictionnelle proposée par les
Etats-Unis le 9 juillet et adoptée ultérieurementavec des modifications.
Cette clause concerne les droits des particuliers.

L'opinion dissidente commune de 1962a abouti à la conclusion que,
dans le Mandat pour le Tanganyika, «on a simplement négligé d'omettre
la seconde partie, comme superflue » (p. 560; voir aussi note en bas de
page). M. Winiarski, dans son opinion dissidente de 1962, déclareque

Dans les documents français,le Mandatpour le Sud-Ouest africainse réfère
à la ((Ligue(sic)des Nations ))cette erreurest rectifiée dansle texte des autres
Mandats C où l'on trouve i'expression((Sociédes Nations».cpersonne n'a pu expliquer comment cet alinéa ...a pu se trouver dans
le seul Mandat pour le Tanganyika ...»(p. 454).Le présent exposé éclaire
un peu le problème.
Comme je l'ai montré,il semble que l'on ait eu àl'origine l'intention
de viser dans ce second alinéa les réclamations relatives aux droits
économiques et commerciaux, qui normalement devaient émaner de
citoyens alléguant une atteinte portée à un droit définipar le Mandat.
Une telle situation s'estproduite plus tard aveclesaffairesdes Concessions

Mavrommatis au sujet du Mandat pour la Palestine. En revanche, le
premier alinéade la clausejuridictionrielle prévoyaitle renvoiàla Cour,
à la demande detout Membre dela Sociétédes Nations, detoute question
relative à l'interprétation ouà l'application du Mandat; c'étaitdonc
une disposition beaucoup plus large. On a fait remarquer que, les clauses
généralesde ((porte ouverte» ne figurant pas dans les Mandats C, le
second alinéade la clause juridictionnelle, relatif aux droits individuels,
n'yfigurait pas non plus. L'insertion dans les Mandats C de la clause des
missionnaires traduit un intérêt d'ordregénéralquant au bien-être des
populations indigènes.Conformément aux dispositions de l'article 5 du
Mandat pour le Sud-Ouest africain, elle imposait au Mandataire l'obliga-
tion générale d'assurerla liberté de conscience et le ((libre exercice
de tous les cultes». Elle accordait en outre à ((tout les missionnaires,
sujets ou citoyens de tout Membre de la Société des Nations »la faculté

de pénétrerdans le territoire et d'y exercerleur ministère.
Or au moment où lord Milner a envoyé à Paris les projets de Mandat,
les seuls Mandats B qui avaient recueilli l'approbation généraleétaient
les Mandats conférés à la Grande-Bretagne et à la Belgique sur l'Est
africain. Le second alinéa de la clause juridictionnelle figurait dans
l'un et l'autre de ces Mandats. Il y figurait de mêmeaprèsl'examen de
ces deux projets par le Comitéde rédactionde la conférence dela paix
- ce sont les textes citésci-dessus qui sont extraits de la sérieForeign
Relations of the United States. Au cours d'un remaniement ultérieur,
le second alinéaa étésupprimédu Mandat belge sur l'Est africain. Le
vicomte Ishii, rapporteur au Conseil de la Société desNations, déclare
dans son rapport de février1921 (Société desNations, Journal oficiel,
août 1922,annexe 374 b, p. 849), que le Mandat britannique pour l'Est
africain reproduit le plus fidèlementle type des projets de Mandat B éla-

boréspar la Commission Milner. Pourtant, dans le Mandat belgesur l'Est
africain, qui étaitl'un des textes présentésau Conseil et que celui-ci a
approuvés, le second alinéade la clause juridictionnelle ne figurait pas.
Dans ses observations relatives au Mandat belge sur l'Est africain, le
vicomte Ishii seréfèreàunelettre transmise par M. Hymans,représentant
dela Belgique,dans laquelle il étaitprécisquele projet de Mandat belge
avait étérédigésur la base du texte des projets de Mandats français et
britannique sur le Togo et le Cameroun, afin de donner ((au Mandat
belge un peu plus d'élasticitépour l'administration du territoire ...»
(loc. cit., p. 860). Or ces deux projets de Mandats français et britannique
n'ont pas étérédigéspar la Commission Milner; ils ont étéétablis
ultérieurement, après que les Gouvernements français et britannique

364 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS. JESSUP) 367
furent tombés d'accordsur la répartition des territoires et eurent décidé
de les placer sous Mandat. Ces Mandats n'avaient pas étéattribués en

mêmetemps que les autres le 7 mai 1919.Les Mandats sur le Togo et le
Cameroun ne contenaient tous deux qu'une clause juridictionnelle d'un
alinéaet il en a étéde mêmepour le Mandat belge sur l'Est africain.
Le vicomte Ishii avait pris note du fait que les projets de Mandats sur
leTogo et le Cameroun comportaient une clausejuridictionnelle «rédigée
en termes identiques au premier paragraphe de l'article 13 du projet
britannique pour l'Est africain»(ibid., p. 857). Mais il n'a fait aucun
commentaire sur l'omission du second alinéaet, en traitant de la même
clause contenue dans le projet de Mandat belge, il s'estbornéà se référer
aux observations qu'il avait faites pour le Togo et le Cameroun (ibid.,

p. 861)l.
On s'est dit probablement qu'une Puissance mandataire risquait
davantage d'êtretraduite en justice devant la Cour à raison de réclama-
tions diplomatiques du genre habituel, présentéespar un gouvernement
au nom de ses ressortissants, qu'à raison de réclamations d'origine
gouvernementale concernant le traitement des indigènes.On a pu penser,
comme l'ont fait plus tard certains desjuges ayant formulé une opinion
dissidenteà propos des ConcessionsMavrommatis,que la suppression du
second alinéaportant sur les réclamationsdiplomatiques de type habituel

laisserait plus de liberté au Mandataire. Puisque, dans la mesure où
l'arrêtde la Cour essaie d'analyser les mobiles des rédacteursdu Pacte
et des Mandats en 1919-1920,il se fonde à plusieurs reprises sur ce que
laCour estimeavoirétévraisemblable, probable ou plausible,je m'estime
libre d'indiquer ce qui me semble être uneexplication raisonnable des
motifs pour lesquels les auteurs des projets de Mandats sur le Togo, le
Cameroun et l'Est africain belge ont omis une clause qui avait été
acceptée à la Commission Milner et que le Gouvernement britannique
avait plus de difficulté abandonner.
La Cour permanente de Justice internationale a étéappelée à examiner

une question concernant le Mandat pour la Palestine dans les affaires des
ConcessionsMavrommatis; le premier arrêta été rendu le 30 août 1924.
Le Mandat pour la Palestine comportait une clause de règlement judi-
ciaire d'un alinéaqui correspondait à la clause des Mandats C. La Cour
a confirméet appliquéla règle habituelle dela protection diplomatique
et autorisé le Gouvernementgrec àsoutenir cette réclamationau nom de
son ressortissant. Trois des juges ayant formuléune opinion dissidente
ont signaléque, dans le Mandat britannique sur l'Est africain, la clause
juridictionnelle contenait le second aliné- ((laclause du Tanganyika ».

Deuxjuges dissidents ont estiméque l'omission dece second alinéaavait
une grande signification. Commentant ce point, M. de Bustamante a
déclaré:
((La Grande-Bretagne n'est pas le souverain de la Palestine,
mais tout simplement le Mandataire de la Société desNations et

du Togo et du Cameroun. Les dispositions prévuespour ces Mandats sont décrites
dans mon opinion individuelle d1962 (p. 395 et 396). elle est soumise à la Cour permanente pour tout différend qui
s'élèventre elle, comme Mandataire, et un Membre quelconque de
la Sociétmandante. Comme celle-cine pouvait pas comparaître en
qualité de partie dans un litige relatifl'application ouà l'inter-

prétationdu Mandat, étantdonnélestermesrestrictifsde l'article 34
du Statut de la Cour, ce sont les Membres de la Sociétéqui ont
été autorisés, en leur condition deMembres, à porter devant la
Cour les questions relatives l'interprétation ouàl'application du
Mandat.
Chaque fois que la Grande-Bretagne, comme Mandataire, agit
dans la Palestine en vertu du Mandat d'une façon généraleet
au point de vue de l'intérêtpublic, les Membres de la Société
mandante ont le droit, toutes les autres conditions remplies, de
demander l'intervention de la Cour permanente. » (C.P.J.I. sérieA
no2, p. 81.)

M. Oda s'est expriméen ces termes dans son opinion dissidente:
((Suivant le Mandat, outre le droit de surveillance directe du
Conseil de la Société desNations (art. 24 et25), un droit de sur-
veillance indirecte est donné la Cour, à la condition qu'il puisse

êtreexercéseulement à la demande d'un Membre de la Société des
Nations (art. 26).l faut donc considérerque la requête decelui-ci
doit êtreprésentéeexclusivement en vue de sauvegarder un intérêt
généralet que la simple subrogation de 1'Etat à un individu pour
faire valoir un intérêtprivé, est inadmissible. Cela est clair, si l'on
réfèreàl'article 13du Mandat de l'Est africain, dans lequel la sub-
stitution d'un Membre de la Société desNations à un de ses res-
sortissants, pour faire valoir des intérêtsprivés, est spécialement
autorisée.On ne peut pas savoir pourquoi l'insertion de la stipula-
tion spécialefut faite seulement dans le Mandat de l'Est africain;
mais comme il semble que dans tous les projets du Mandat « B» il

y avait la mêmestipulation, qui fut supprimée dans les textes
définitifs,sauf dans le cas du Mandat de l'Est africain, il est clair
tout au moins quel'on a voulu faire une différenceentre les Mandats
cB »et les Mandats ((A»,dont fait partie le Mandat pour la Pales-
tine.» (Ibid., p. 86-87.)
Le Gouvernementbritannique lui-même,dans les piècesde procédure
écritequ'ila présentées, sembléadopter la thèsesuivant laquellelaclause
de règlement judiciaire figurant dans le Mandat pour la Palestine con-
féraità tout Membre de la Société desNations le droit de porter devant

la Courtoute questionimpliquant une violation prétenduedes obligations
imposéesau Mandataire par le Mandat. Dans l'exception d'incompé-
tence qu'ila soumiseon trouve, aprèsla citation deI'articleu Mandat
ayant trait aux concessions, la déclaration suivante:
«Le Mandat pour la Palestine est exercépar S.M. britannique
au nom de la Société desNations et celle-ci s'engage à ce que
soient respectés divers principes salutaires comme la liberté de
transit et de communication, l'égalité decommerce pour tous les

366 Membres de la Société desNations, la suppression du trafic
d'armes, etc. C'est là le type d'engagement international que le

Mandataire a acceptéet que toute concession accordéeen applica-
tion de l'article 11du Mandat doit respecter.
Les concessions accordées à M. Rutenberg en septembre 1921
pour la mise en valeur de l'énergieélectriqueet hydraulique en
Palestine ...devaient respecter cet article 11 et il aurait été loisible
à tout Membre de la Société desNations de remettre en question
les dispositions de ces concessions qui violaient les obligations
internationales que S.M. britannique a acceptéesen tant que Man-
dataire pour la Palestine.
Il n'y a rien dans cet articlequi puisse concerner l'affaireMavrom-

matis.1)(C.P.J.I. sérieC no 54, p. 445.)
La Commission permanente des Mandats a naturellement notécette
première affairede Mandat portée devantla Cour permanente. Dans le
premier discours qu'il a prononcé en qualité de directeur dela section
des Mandats du Secrétariatde la Sociétédes Nations, le23 octobre 1924,
M. Rappard a évoquéla différencede rédaction du Mandat sur le
Tanganyika qui avait étécommentéepar des juges ayant formulé une
opinion dissidente dans l'affaire des Concessions Mavrommatis. Il a

déclaré:((Orj'ai tout lieu de penser que cette divergence résulted'un
pur accident survenu au cours de la rédaction duMandat sur le Tanga-
nyika. »Il a suggéré que la Commission permanente des Mandats signale
cettequestion à l'attention du Conseil. On trouve dans la suite desdébat:
«Sir F. Lugard (Grande-Bretagne) a fait remarquer qu'en supposant
que cette clause ait été introduite intentionnellement dans le Mandat,
la Commission pourrait demander au Conseil pourquoi elle ne figure
que dans le Mandat pour le Tanganyika ...))
A la sixièmesession de la Commission, le 29juin 1925,M. Rappard

et M. van Rees ont tous deux présentédes mémorandumssur le sujet,
en des sens opposés l. M. Rappard a encore insisté sur le caractère
accidentel de la divergence. M. van Rees a étéd'avis que le second
alinéa ((acréé unegarantie spéciale » dans le Mandat sur le Tanganyika.
Il a déclaré queles droits des nationaux protégéspar le Mandat sont
ceux qui découlentde l'article 7 où il est fait mention, dans le dernier
alinéa, de droits conférés » par le présent article et où il est dit que ces
droits s'étendent ((égalementauxsociétéset associations ». Selon lui,
la suppression du deuxièmealinéa entraînerait «une conséquencejuri-
dique des plus graves, puisqu'elle priverait, par rapport au Tanganyika,

les nationaux des Etats Membres de la Sociétéd'un moyen de défense
de leurs droits en question, qu'ils possèdent actuellement».Il préférerait
ajouter une clause à tous les autres Mandats. Mais M. Rappard a
soutenu que la décision dela Cour dans l'affaire desConcessionsMavrom-
matis avait démontréque ce droit existait, mêmeen l'absence du second
alinéa. Il en résulterait que le premier alinéapourrait s'appliqueraux

Commission permanente des Mandats, Procès-verbaux de la sixième session,
annexes 5 a) et 5 b). réclamationsviséespar le second alinéa (laclause du Tanganyika) mais

il n'en resterait pas moins que ce premier alinéa viseraitégalementd'au-
tres types d'affaires, commel'indique son libellétrès général. S'oppo-
santà la thèse((accidentelle» de M. Rappard, sir F. Lugard a dit avoir
(demandé à son Gouvernement [celuide la Grande-Bretagne] s'ilexistait
quelque raison pour ou contre un amendement du texte. Son Gouver-
nement a réponduqu'il ne faisait pas d'objection à ce que l'on modifiât
le texte, mais qu'il semblerait toutefois incorrect d'affirmer que cette
clause a étéréservéefortuitement. ))
La Commission a décidéde ne rien faire à cet égard, maisM. van Rees
a relevéqu'il y avait d'autres divergences dans le Mandat sur le Tanga-

nyika. La cause de ces divergences a été notée.
L'opinion dissidente commune de 1962 se borne à citer, pour étayer
sa thèse, endoctrine, le cours de M. Feinberg àl'Académiede La Haye,
auquel s'est référé égalemeM nt. Winiarski dans son opinion dissidente
de 1962.Mais M. Feinberg lui-même signaleque le professeur McNair
(tel était alors son titre) et le professeur Quincy Wright avaient des
opinions différentes.M. Charles de Visscher déclare, dans son ouvrage
Aspects récentsdu droit procéduralde la Cour internationalede Justice,
1966, page 73, que la doctrine est complètement diviséesur ce point.
On pourrait citer de nombreux avis dans les deux sens. Je me bornerai

aux suivants.
Dans son magistral traité sur les Mandats, M. Wright conclut, à
propos de la clause du Tanganyika (p. 158), que la Cour, dans l'affaire
des Concessions Mavrommatis, a confirmé qu'une plainte peut être
présentéepar un Etat au nom d'un ressortissant, lorsque les droits du
ressortissant prévuspar le Mandat sont violés.Arrivé à ce point de son
argumentation, M. Wright dit qu'il n'a pas été décid(é vraisemblable-
ment par la Cour) si un Membre de la Société desNations pouvait
invoquer la compétence de la Cour pour faire respecter un Mandat
c(lorsqu7aucun de ses ressortissants ni aucun intérêt concret propre

n'est en cause ». Mais à la page 475 il conclut nettement:
(Tout Membre de la Société desNations peut considérer que
ses droits sont léséspar toute violation par le Mandataire des
devoirs qu'impose le Mandat, mêmede ceux qui doivent essentielle-

ment bénéficier aux indigènes,et peut faire des représentations qui,
si elles n'aboutissent pas, hâteront l'éclosiond'un différend, lequel
pourra êtreporté devant la Cour permanente de Justice interna-
tionale, au cas où il ne pourrait êtreréglpar voie de négociation.))

L'historique de la rédaction et la logique confirment la justesse de
cette conclusion.
Le professeur McNair a fait en 1928 deux déclarations que MM.
Feinberg et de Visscheront tous deuxinterprétées,fort justement, comme
indiquant que l'auteur approuvait, du moins provisoirement, le point
de vue de M. Quincy Wright. Dans l'article de M. McNair paru dans le
Cambridge Law Journal en avril 1928et qui porte sur les Mandats, on
peut lireà la page 6 (note 8):

368 ((Aucune disposition ne prévoit le renvoi d'une pétition devant
la Cour permanente, mais on a dit que ce renvoi pourrait avoir lieu
si un autre Membre de la Sociétédes Nations était disposé à se
saisir de la question, qui pourrait alors devenir un différendentre
ce Membre et le Mandataire. ))

Et à la page 11 (note 8):
((Tous les Mandats contiennent une clause qui prévoit qu'un
différend s'élevantntre un Mandataire et un Membre de la Société
des Nations qui ne peut pas êtreréglépar voie de négociationsera
déféréà la Cour permanente de Justice internationale: voir l'affaire

des Concessions Mavrommatis en Palestine ...Est-ce que ce droit
de porter devant la Cour un différend avecun Mandataire ne peut
êtreexercéque lorsque les intérêts de l'autre partie ou de ses res-
sortissants sont lésé, u bien peut-il êtreexercéenun sens altruiste
par un Membre de la Société desNations qui n'a pas de tels in-
térêtsà protéger mais cherche simplement à ce que l'on respecte
fidèlementles termes d'un Mandat? ))
Vingt-deux ans plus tard, quand il fut devenu juge à la Cour inter-

nationale de Justice, sir Arnold McNair (tel étaitdevenu son titre) a
répondu à sa propre question dans l'opinion individuelle qu'il a jointe
à l'avis consultatif de la Cour du 11juillet 1950 sur le Statut interna-
tional du Sud-Ouest africain. Il a déclaré:
«Que reste-t-il donc aujourd'hui des obligations et autres effets
juridiques découlantdu Mandat? Le Mandataire étaitgénéralement
tenu, vis-à-vis de la Société desNations et de ses Membres, d'ap-
pliquer les termes du Mandat et d'observer également certaines
obligations particulières, par exemple de présenterun rapport an-

nuel au Conseil de la Société(art. 6). Les obligations contractées
envers la Société elle-mêmseont éteintes. Les obligations contrac-
téesenvers les anciens Membres de la Société, tout au moins envers
les Etats qui étaientMembres de la Société à la date où celle-ci a
été dissoute,subsistent, sauf dans la mesure où leur exécution im-
plique la coopération effectivede la Société desNations, ce qui est
maintenant impossible. (Je m'occuperai plus loin de l'article 6 et
du premier paragraphe de l'article 7.) En outre, le statut internatio-
nal créépour le Sud-Ouest africain, savoir celui d'un territoire
gouvernépar un Etat en vertu d'un titre limité,tel que ce titre est
définidans un Mandat, subsiste.

Bien qu'il n'existe plus de Société desNations pour surveiller
l'exercice du Mandat, ce serait une erreur de croire que le Man-
dataire n'est soumis à aucun contrôle. Tous les Etats qui faisaient
partie de la Société des Nationsl'époque desa dissolutionont encore
un intérêtjuridiqueà ce que le Mandat soit exercé commeil convient.
Le Mandat prévoit,pour cette surveillance, deux sortes de méca-
nisme - un mécanismejudiciaire, résultan dtu droit que l'article7ré-
serveà toutMembre delaSociétédes Nations de citer obligatoirement
le Mandataire devant la Courpermanente, et un mécanismeadminis-

369 tratif, comprenant des rapports annuels et l'examen de ces der-
niers par la Commission permanente des Mandats de la Société
des Nations. » (C.I.J. Recueil 1950, p. 158 - les italiques sont de

nous, sauf pour les mots judiciaire et 'administratif.)
M. Read partageait ce point de vue, d'après l'opinion individuelle
qu'il a formulée en la même affaireet où l'on peut lire:
«Les premières, les plus importantes des obligations internatio-
nales du Mandataire, étaient les obligations tendant à assurer et
à défendrele bien-être deshabitants. Elles ne bénéficiaientpas aux

Membres de la Société desNations, encore que chacundes Membres
individuellement eûtle droit d'en négligerl'exécution...Chacun des
Membres de la Sociétédes Nations est juridiquement intéressév,is-
à-vis de la Puissancemandataire, aux questions «relativesà I'inter-
prétation ou à l'application des dispositionsdu Mandat » et jouit
du droit d'afJirmerson intérêt contrle'Union en invoquant lajuridic-
tion obligatoirede la Courpermanente (article 7 de l'accord de Man-
dat).» (Loc. cit., p. 164-165- les italiques sont de nous.)

Norman Bentwich conclut en ces termes le cours qu'il a fait à 1'Aca-
démiede La Haye en 1929:
(Jusqu'à présent la Cour n'a pas prononcé sur l'application ou
l'interprétation des autres articles concernant les droits publics,
l'égalitééconomique, ou les autres obligations internationales
assuméespar le Mandataire. Mais elle est toujours, au-dessus de
la Commission des Mandats et au-dessus du Conseil, le gardien

suprême desdroits des nations dans l'exercice de la mission inter-
nationale qui est confiéeaux Mandataires. Si la Commission per-
manente est l'aréopage international, la Cour est le palladium
international de la Justice dans toutes les activités de la Société
des Nations, dont le systèmedesMandats est une partie importante. ))
(Recueil, 1929, vol. 29, p. 180.)
Comme la clause du Tanganyika se trouve dans un Mandat britan-

nique et que le représentant britannique à la Commission permanente
des Mandats était sir Frederick Lugard, lequel, je l'ai mentionné plus
haut, soutenait que l'insertion du deuxième alinéa dela clause juridic-
tionnelle n'était pas fortuite, il convient de rappeler une déclaration
faite par lui dans un mémorandum présentéen 1924 à la cinquième
session de la Commission permanente des Mandats, où il expose sa
conception du rôle vital que la Cour peut jouer à propos des Mandats.
Dans ce mémorandum, il traite des hésitations des détenteurs de capi-
taux à investir dans lesterritoires sous Mandat et il écrit(Procès-verbaux

de la cinquième session,p. 177):
[(Dans tous les cas où existe la faculté de révocation (comme
suite à une rupture de contrat pour mauvaise administration) il
est certain que, dans cette éventualité presque inconcevable, la
Cour de Justice internationale (sic) serait l'autorité choisie et
qu'elle assurerait un recours entier à tous les droits et revendica-
tions justifiés))

370 Finalement, il convient de noter l'opinion dissidente de M. Nyholm
dans une phase ultérieure de l'affaire des Concessions Mavrommatis.
Esquissant l'historique de l'établissement desMandats, il dit que les

Puissances désiraient avoir
«une garantie que les administrations agissent selon les principes
adoptésdans l'intérêt dlea communauté des nations par le Pacte.

La garantie qui se présentait comme possible consistait à sou-
mettre àla compétencede la Cour, nouvelle institution internatio-
nale, le soin de trancher toutes questions concernant l'interprétation

et l'application du Mandat.
Les Mandataires ne devaient léser ni lesdroits des Etats ni ceux
des particuliers. Chaque Etat a donc un droit de contrôle, qu'il
peut exercer devant la Cour. Il est vrai qu'aucune stipulation de
compétencen'existe pour les particuliers dans leurs rapports avec
le Mandataire, mais il està supposer que, si un sujet se trouvait
lésé,son gouvernement prendrait, le cas échéant,fait et cause pour
lui. Quand une affaire se déroule entre un Mandataire et un autre

Membre de la Société desNations, concernant une interprétation
ou une application - ce qui est précisémentle cas en l'espèce-,
la compétencede la Cour est reconnue par l'article 26 du Mandat. ))
(ConcessionsMavrommatis àJérusalem(réadaptation)1927,C.P.J.I.
sérieA no 10, p. 26.)

SECTION V. MOTIFS ET APPLICATION DE CERTAINS DES RÈGLEMENTS
INTERVENUS EN 1919-1920 LORS DE LA CONCLUSION DE LA PAIX -
RECONNAISSAN JURIDIQUE DE L'«INTÉRÊT GÉNÉRAL ))

A l'appui des arguments qui font fi du texte mêmede la clause juri-
dictionnelle énoncéeau deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat pour
le Sud-Ouest africain, on soutient d'une manière généralequ'il est
inconcevable que leshommes d'Etat de 1919aient pu vouloir reconnaître

aux Etats un intérêgt énéral-justiciable de la Cour internationale-
au maintien d'un régimeinternational adopté pour le bien commun
dela sociétéinternationale. C'est ne pas tenir compte d'un fait historique,
la vague d'idéalismequi, après les souffrances prolongées desannées
de guerre, a fait échoaux visions d'avenir du président Wilson.Comme
l'écrivait en1928lord McNair, qui portait alors le titre de professeur:

((11n'est peut-êtrepas de chapitre du Pacte qui ait été plus raillé
par les cyniques et les blasésque l'article 22 où est définile système
des Mandats ..Avec lesystèmedesMandats, l'idéalistefaitirruption
dans l'un de ces règlements internationaux périodiques qui jus-
qu'alors dépendaientpar trop des esprits dits pratiques.» (Préface
à l'ouvrage de Stoyanovsky, The Mandate for Palestine, 1928.)

S'il y avait bien du cynisme chez certains de ces hommes politiques,
de grandes chartes concernant les libertés humainesn'en ont pas moins
371 étésignées, ratifiéeset sont devenues obligatoires pour les Etats.
J'ai étudiéces faits de manière assez détailléedans mon opinion
individuelle de 1962relative aux affaires du Sud-Ouest africain (p. 425-

433). J'ai rappeléalors que, par son article 11, le Pacte de la Société
des Nations, qui faisait partie du traité de Versailles, reconnaissait le
caractère indivisible de la paix. J'ai cité desextraits de la Constitution
de l'Organisation internationale du Travail, elle aussi intégréeaudit
traité,pour montrer que l'on était d'accordsur l'intérêq tu'ont tous les
Etats à l'adoption d'un régime de travail réellement humain dans le
monde entier. J'ai relevé,dans ces instruments, les dispositions de renvoi
à la Cour permanente de Justice internationale et signalé lesinstances
judiciaires qui ont par la suite traduit dans les faits cette préoccupation
commune à l'égard des problèmesdu travail l.

J'ai rappelé aussi que l'on avait de mêmeattribué à la Cour perma-
nente - en partie par les traités de paix et en partie par les accords
internationaux conclus ensuite - un rôle dans les systèmes créés pour
la protection des minorités. Il étaitdonc conforme à l'étatd'esprit qui
régnait à l'époque de la conférence dela paix de Paris de 1919de voir
figurer dans le Pacte de la Société desNations le célèbre article22, par
lequelilest reconnuque ((lebien-êtreetledéveloppement)d )e peuples ((non
encore capables de se diriger eux-mêmesdans les conditions particulière-
ment difficilesdu monde moderne forment une mission sacréede civilisa-

tion ». Il était donc tout naturel, voire inévitable, qu'au moment de
l'élaboration des Mandats l'on prévoieque tout Membre de la Société
des Nations pourrait se pourvoir devant la Cour permanente de Justice
internationale.
Sans doute, à chaque domaine d'intérêtgénéraldéfinidans les règle-
ments intervenus lors de la conclusion de la paix, correspondait un
systèmeparticulier et le rôle dévoluà la Cour étaitdifférentdans chaque
cas. Mais ce qui ressort nettement, c'est que l'on reconnaissait aux Etats
le droit, dans l'intérêt générsa, s qu'il leur fût nécessaired'arguer d'un
préjudice directement subi par eux ou par leurs ressortissants, de de-

mander à la Cour une interprétation autorisée desobligations que les
Etats avaient assumées afin que les travailleurs, les minorités et les
peuples dépendants bénéficientd'une protection internationale. Il est
vrai que les seules affaires relatives aux Mandats qui aient étéportées
devant la Cour internationale ont étéles affaires des ConcessionsMa-
vrommatisenPalestine; la raison du phénomènepeut prêter àconjecture
mais quelques éléments d'explicationseront apportés plus loin. Pour le
moment, il convient d'étayerla proposition générale présentée ci-dessus
d'aprèslaquelle, à l'époque destraitésde paix de Paris, il était reconnu

que les Etats pouvaient saisir la Cour dans l'intérêitnternational général
alors mêmeque leurs intérêts propresn'étaientpas en cause.

J'ai exposé l'affaireGhana-Portugal; depuis cette date, l'organisation interna-
tionale du Travail a procédéà une autre enquêtejudiciaire et a pris une décision
le travail forcé-l-voir Bureau international du Travail, Bulletin Oficiel, vol.
XLVI, no 2, avril 1963.

372 Sur ce point, l'affaire relatiàel'Interprétationdu statut du territoire
de Memel (C.P.J.I. sérieAIBno47, p. 243) est instructive. L'article 17de

la convention du 8 mai 1924relative à Memel est ainsi conçu:
((Les Hautes Parties contractantes déclarent que tout Membre
du Conseil de la Société desNations aura le droit de signaler à
l'attention de ce Conseil toute infraction aux dispositions de la
présente convention.
En cas de divergence d'opinions sur des questions de droit ou

de faitconcernant ces dispositions, entreleGouvernementlithuanien
et l'une quelconque des Principales Puissances alliées, membres du
Conseil de la Société desNations, cette divergence sera considérée
comme un différend ayant un caractère international selon les
termes de l'article 14du Pacte dela SociétédesNations. Le Gouver-
nement lithuanien agrée que tout différend de ce genre sera, si
l'autre partie le demande, déféré à la Cour permanente de Justice
internationale. La décisionde la Cour permanente sera sans appel
et aura la force et la valeur d'une décision rendue en vertu de
l'article3du Pacte. ))

L'Allemagne, en application du premier alinéa de cet article 17, a
saisi le Conseil d'une plaintà l'encontre de certains actes dela Lithuanie
à Memel. M. Colban, rapporteur du Conseil, a constatéque Ies membres
du Conseil ne seraient certainement pas unanimes à demander à la Cour
permanente un avis consultatif mais il a rappeléaux quatre Principales

Puissances qu'elles avaient le droit de saisir la Cour en application du
deuxième alinéade l'article 17. Le représentant du Royaume-Uni au
Conseil, le marquis de Londonderry, a déclaréregretter lui aussi qu'il
ne fût pas possible de demander à la Cour un avis consultatif, ce qui
aurait constitué, selon lui, le moyen normal d'obtenir une réponseaux
questions de droit qui se posaient, mais la Grande-Bretagne, la France,
l'Italie et le Japon n'en ont pas moins introduit une instance par voie
de requêtedevant la Cour. La Lithuanie a opposé une exception pré-
liminaire à la compétence de la Cour relativement à deux questions
évoquéesdans la plainte des quatre Puissances, car ces deux questions

n'avaient pas étéd'abord soumises au Conseil, ce que la Lithuanie
estimait indispensable aux termes du traité. Dans leurs observations
relativesàl'exception de la Lithuanie, les quatres Puissances ont souligné
que la procédure devant le Conseil et la procédure devant la Cour
étaient parfaitement distinctes et non tributaires l'une de l'autre. Les
demandeurs ont déclaré(C.P.J.I. série C no 59, 1932, p. 135):

«La procédure devant le Conseil a pour objet l'examen d'une
((infraction aux dispositions de la conventia.La procéduredevant
la Cour a pour objet une ((divergenced'opinions sur des questions
de droit ou de fait».Cette divergence d'opinions peut très bien se

tatifà la simple majorité de ses membres; voir Hudson, The Permanent Court ofl-
International Justice, 1920-1942, 1943, sect. 469.

373 produire sans qu'aucune infraction ne soit relevée; ellepeut appa-
raître au cours de négociationstouchant l'exacte interprétation de
la Convention de 1924, et la Cour peut êtreappelée à prononcer
un arrêtdéclaratoire. 1)

Au cours de sa plaidoirie, sir William Malkin, agent du Gouvernement
britannique, a dit:
[Traduction] «En l'espèce,les Etats requérants ne sont pas ici

pour défendreleurs intérêts particuliersou des droits propres, à la
suite d'infractions commises àleurs dépens.Leur seul intérêe tst de
veillerà ce que la Convention àlaquelle ils sont parties soit exécutée
par la Lithuanie conformément à ce qu'ils estiment êtrela bonne
interprétation...» (Ibid., p. 173.)

Dans ses observations relatives à l'exception préliminaire de la
Lithuanie, M. Pilotti, agent du Gouvernement italien, a déclarélui
aussi qu'aucune des puissances requérantes n'avait d'intérêtpropre
à faire valoir contre la Lithuanie. A son avis, elles avaient «un droit de
caractère international à ce que l'autonomie du Territoire ...soit res-

pectée)) (Zoc. cit., p. 190). (Comme tout cela ressemble au droit des
demandeurs à voir respecter le caractère de Mandat du Sud-Ouest
africain!)
La Cour, en rejetant l'exception de la Lithuanie, a suivi de près
les observations des quatre Puissances. En reconnaissant que l'on
pouvait s'adresser àelle en cas de divergence d'opinions mêmelorsqu'il
n'y avait pas d'infraction aux dispositions de la convention, la Cour

s'est également rangée à l'avis de sir William Malkin et, dans l'arrêt
qu'elle a rendu ensuite sur le fond (sérieAIB no49, p. 337), elle a tenu
compte du fait qu'apparemment les quatre Puissances avaient simple-
ment pour intention «d'obtenir une interprétation du Statut qui puisse
à l'avenir servirde guide ».
Sans doute les observations ci-dessus concernaient-elles une conven-

tion à laquelie les quatre Etats demandeurs étaient parties; cependant
l'essentiel n'était pas de savoir s'ils étaient parties à la convention,
mais s'ils avaient qualitéen vertu de ladite convention pour saisir la

Dans son arrêt sur l'exception préliminaire (p. 248-249), la Cour a dit:
«La procédure devant le Conseil a pour objet l'examen d'une ((infraction
aux dispositions de la convention)ce qui présuppose un fait déjà accompli,
tandis quela procédure devant laCour a pour objet uneivergence d'opinions
sur des questions de droit ou de faits.te divergence d'opinionspeut se pro-
peut donner lieuàun recours soit devant le Conseil en vertu du premier alinéa,
soit devant la Cour en vertu du second; mais cela ne sera pas forcément tou-
jours le cas, et cette constatatsuffit démontrer que les deux procédures
ne sont pas nécessairement liéesl'unel'autr..Si l'on devait admettre l'uni-
té de procédure, il en résulterait qu'une affaire ne pourrait être suivie devant
la Cour en vertu de l'alinéade l'article 17, si elle avait été,en vertu de l'ali-
néa 1, portée devant le Conse..» (Les italiques sont de nous.) SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 377

Cour. Or, cette qualité découlait dela clause juridictionnelle et non
pas d'un droit touchant au fond qui leur aurait été conférpéar ailleurs.
La Cour actuelle a décidéque le Mandat étaitun traité; du point de
vue purement historique, les Principales Puissances étaienttout autant

les auteurs du Mandat pour le Sud-Ouest africain qu'elles étaient les
auteurs du statut du territoire de Memel annexé à la convention du
8 mai 1924.Dans le cas du territoire de Memel, les obligations étaient
toutes d'un seul côté - la Lithuanie -, tandis que des droits et des
intérêts étaient attribués aux PrincipaleP suissances. Dans le cas du
Sud-Ouest africain, les obligations sont toutes d'un seul côté - le
Mandataire, l'Afrique du Sud -, tandis que des droits et des intérêts
sont conférés à tous les Etats Membres. Le système des Mandats in-
téressait non pas simplement les Principales Puissances mais tous les
Membres de la Société desNations et c'est pour cette raison que l'ar-
ticle7 du Mandat a reconnu àtous les Membres de la Sociétédes Nations

le droit de porter devant la Cour tout différend,quel qu'il soit, relatif
à l'interprétation ou à l'application du Mandat. Il en va de même à
l'organisation internationale du Travail: selon les termes mêmesde
l'article 411 (devenu plus tard l'article 26) de la Constitution de l'Or-
ganisation,
((Chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau
international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis,

n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une
convention que l'un et l'autre aurait ratifiée envertu des articles
précédents.»
Ainsi qu'il a été indiqué plushaut, une telle plainte peut donner lieu
à poursuite judiciaire, comme cela s'est produit pour les affaires Ghana-
Portugalet Portugal-Libéria,et l'on peut en dernier ressort saisir la Cour;
mais l'Etat demandeur n'est à aucun stade tenu de prouver qu'il a subi
un préjudicedirect dans ses intérêts propres.

On constate que, dans les traités de minoritésaussi, les hommes
d'Etat de 1919reconnaissaient aux Etats le droit de saisir la Cour dans
l'intérêtde certains groupes particuliers mêmelorsque leurs intérêts
propres n'étaient pas en cause. C'est ce que M. Huber fait ressortir
très clairement dans son opinion dissidente en l'affaire des Droits de
minoritésen Haute-Silésie (écoles minoritaires) (1928, C.P.J.I. sérieA
no15, p. 50):

((L'article 72, alinéa3 [de la Convention de Genève]est la re-
production littéralede l'article 12du Traitédes Minorités du28juin
1919 et de dispositions analogues d'autres traités. La juridiction
prévue par cette clause présente à tous égards un caractère très
particulier et exorbitant du droit international général;car l'ar-
ticle 72, alinéa reconnaît à toute Puissance membre du Conseil,
même sielle n'est pas partie contractantedu Traité desminorités
ou de la Convention de Genève,le droit de s'adresser à la Cour,
et cette action judiciaire vise des stipulationsqui ont traià des
droits de I'Etat demandeur ou de ceux de ses ressortissantspour les-

375 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 378

quelsilprendrait fait et cause, mais bienà des rapports entre 1'Etat
défendeuretsespropres ressortissants. »(Les italiques sont de nous.)
Le principe qui veut que les Etats soient fondés à porter devant la

Cour des affaires ne concernant pas directement des intérêts propres
gardetoute sa valeur alors mêmeque ce droit de recours, dans les traités
de minorités, était limité auxmembres du Conceil de la Sociétédes
Nations. Si, dans l'affaire relative'Interprétationdu statut du territoire
de Memel, les Puissances habilitéesà saisir la Cour étaient toutes parties
à la convention, dans plusieurs des affaires relatives aux minorités ce
droit de recours existait non seulement chez les membres permanents
du Conseil, éventuellementparties au traité en cause, mais aussi chez
lesmembres non permanents éluspériodiquement,qui, comme M. Huber

l'a fait observer, n'étaient pas nécessairement,t souvent n'étaient pas,
parties aux traités de minorités leur donnant le droit de saisir la Cour.
La qualitédes Etats en question pour saisirla Cour découlaitde laclause
juridictionnelle et non pas d'un droit touchant au fond qui leur aurait
étéconférépar ailleurs l.
Les traitésde minorités présentent un autre aspect qui donne encore
plus de reliefà la conclusion précédente. Ainsi,dans le traitédu 10sep-
tembre 1919 conclu avec la Tchécoslovaquie (Hudson, International

Legislation, vol. 1, p. 298), l'article 14 est une clause juridictionnelle
habilitant tout membre du Conseil de la Société desNations à déférer
à la Cour permanente de Justice internationale toute divergence d'opi-
nions sur des questions de droit ou de fait concernant les articlesdudit
traité qui contiennent les stipulations garantissant la protection des
minorités. A la suitede cet article 14,figureun chapitre III où l'on trouve
des dispositions précises conférant certains droits économiques et
commerciaux aux Puissances alliéeset associées; mais la clause juri-
dictionnellene s'appliquepas aux articles du chapitre III. Les traitésde

minoritésconclus avec la Yougoslavie (ibid.,p. 312)et avecla Roumanie
(ibid., p. 426) se présentent de la mêmemanière. Cette présentation
s'explique car, normalement, une clause juridictionnelle n'aurait pas
figuré dans un traité ordinaire stipulant des droits commerciaux et
économiques auquel correspondaient précisémentles chapitres des
traités de minoritésrelatifs aux relations économiques. En revanche,
les dispositions ayant trait aux minorités étaient une caractéristique
des traités conclus après la guerre avec certains Etats et le système,

dans ce cas-là, était placé sous le double contrôle du Conseil de la
Sociétédes Nations et de la Cour. Dans les Mandats, les dispositions
d'ordre économique - on le verra sous peu - faisaient partie inté-
grante du systèmequi prévoyaitla ((porte ouverte»et comme le Manda-
taire n'avait pasla souverainetésur le territoire sous Mandat, le pourvoi
devant la Cour était un élémentdu contrôle qui s'exerçait sur tous les
aspects de l'administration du Mandataire. Tout comme dans les traités

l L'existence de ce précédentest l'une des raisons pour lesquelles je n'estime
pas indispensable d'étudierla question de savoir si les Membres de la Société des
Nations étaient ou non ((partsaux Mandats.

376de minorités,les dispositions assurant la protection de certains peuples
qui, dans le cas des Mandats, étaientjugésencore incapablesde se diriger

eux-mêmes,relevaient de la clause de juridiction obligatoire. Si l'on
veut arguer que les Membres de la Société des Nations n'étaient pastous
((parties»aux Mandats, on ne doit pas oublier quela protection judiciaire
des minorités pouvait êtreassuréesur l'initiative d'Etats qui n'étaient
pas parties aux traitésvisésmais qui étaientsimplement élusau Conseil
à titre non permanent.
J'ai égalementsignaléd , ans mon opinion individuelle de1962(p. 426),
que plus récemment,aux fins de l'interprétation, de l'application ou de
l'exécution d'un traité présentant un intérêt humanitaire de portée

globale, on a reconnu, sur le plan général, ledroit de s'adresser à la
Cour internationale de Justice, par exemple dans
«la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, qui est entrée en vigueur le 12 janvier 1951, après le
dépôt du vingtième instrument de ratification. [Cette convention]
prévoiten son article IX:

((Lesdifférendsentre les Parties contractantes relatifs l'inter-
prétation,l'application ou l'exécutionde la présenteConvention,
y compris ceux relatifs à la responsabilitéd'un Etat en matière
de génocideou de l'un quelconque des autres actes énumérés
à l'article III, seront soumià la Cour internationale de Justice,
à la requêted'une Partie au différend. » (Nations Unies, Recueil
des traité vol. 78, p. 283.)

Comme la présenteCour l'a dit au sujet de la convention sur
le génocide: ((Dans une telle convention, les Etats contractants
n'ont pas d'intérêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un
intérêt commun,celui de préserverles fins supérieuresqui sont la
raison d'être de la convention. Il en résulte que l'on ne saurait,
pour une convention de ce type, parler d'avantages ou de désavan-
tages individuels des Etats, non plus que d'un exact équilibre
contractuelà maintenir entre les droits et les charges. La considéra-
tion des fins supérieuresdela conventionest, en vertu de la volonté

commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les
dispositions qu'elle renferme.(C.I.J. Recueil1951,p. 23.)
MM. Guerrero, McNair, Read, et Hsu Mo ont présenté dans cette
affaire une opinion dissidente collective. Ils ne se sont pas trouvés en
désaccord avec ce que je viens de citer. Ils ont dit en effet (p. 46):

QIl estindéniablequetoutes les activitésinternationales ont tendu
dans la périoderécente à la réalisation du bien-être communde la
communauté internationale, en limitant de ce fait la compétence
souveraine des Etats particuliers. Par conséquent, devant un effort
commun en vue de réaliserun objectif d'une haute valeur huma-
nitaire, tel que la convention sur le génocide,tout Etat intéressé
attend naturellement des autres qu'ilsn'y cherchent pas un avantage
ou une commodité personnels, mais qu'ils mettent en Œuvre les
mesures adoptées d'uncommun accord. ))

377 Il est divers autreç cas reconnus en droit où la qualitépour intenter
une action et obtenir une décision est accordéepar une clause juridic-
tionnelle à ceux qui ont un intérêt à ce que soient assurésle bien-être

général etle bon fonctionnement de la communauté internationale et
à ce que soit évitétout ce qui peut menacer la paix ou la mettre en
danger et à ceux qui ont un intérêu t n peu plus direct. Ainsi, tout Etat
maritime, ou possédantune flotte, peut, aux termes d'un traitéou d'un
autre instrument international, avoir le droit de demander à la Cour
d'interpréter une disposition relativeau passage dans une voie d'eau
navigable, mêmesi ses propres bâtiments n'ont pas fait l'objet d'une
accusation d'infraction. C'est ainsi que, dans l'affaire duVapeurWim-
bledon (C.P.J.I. sérieA no I, p. 7), les Gouvernements de la Grande-
Bretagne, de la France, de l'Italie et du Japon ont ensemble fait appel
à la Cour, conformément au traité de Versailles, dont l'article 386
donne droit derecours à ((toutePuissanceintéressée» en cas de((violation

d'une des dispositions des articles 380 à 386, ou en cas de désaccord
sur l'interprétation de ces articles.Le traité de Versailles ne précisait
pas que le droit de saisir la Cour fût limitéaux Etats parties au traité.
L'affaire concernait un navire britannique, affrétépar une société
française, qui s'étaitvu refuser par l'Allemagne le droit de transiter
par le canal de Kiel. L'Allemagne ayant contesté aux demandeurs le
droit d'intenter une action, ceux-ci ont répliqué:
((lesquatre Puissances de qui émanela requêtesont intéressées au
respect du principe du libre passage dans le canal de Kiel et à

l'exacte exécution des clausesdu traité de Versaille» (sérieC no3,
vol. suppl., p. 6- les italiques sont de nous).
Tel est donc l'intérêdtont ellesfaisaient état.La requête en indemnité
présentéepar la France représentait une question distincteet en quelque
sorte incidente.La Cour est allée plusloin. Elle a déclaréque les quatre
Puissances demanderesses avaient cun intérêtévident » puisqu'elles
possédaient

((toutes des flottes et des navires marchand...Elles rentrent donc,
sans qu'ilsoit besoinpour elles de justiJer d'un intérêt pécuniaire
léséd, ans les prévisionsde l'article 38...»(C.P.J.I. sérieA no I,
p. 20 et 33- les italiques sont de nous).
Il y a lieu de noter que l'article 386 étaitune clause juridictionnelle et
que l'article 380 ne conféraitpas en termes exprèsde droits touchant au
fond aux «Puissance[s] intéressée[s». L'article 380 imposait purement
et simplement une obligation à l'Allemagne et il faut déduireimplicite-
ment del'article386le droit defond dont jouit toute Puissance maritime.

La Cour pourrait donc êtresaisie de la mêmefaçon par n'importe
lequel des très nombreux Etats qui sont parties au statut sur le régime
des voies navigables d'intérêitnternational annexé à la convention de
Barcelone de 1921et entréen vigueur le 31 octobre 1922,qui fait ((partie
intégrante de ladite convention ».L'article 22 dudit statut stipule que:
((àdéfautd'entente directe entre les Etats, tous différendsqui sur-
giraient entre eux relativementà l'interprétation ou à l'application

378 du présent Statut, seront portés devant la Cour permanente de
Justice internationale,à moins que, par application d'une conven-
tion spécialeou d'une clause générale d'arbitrage, il ne soit procédé
à un règlement du différend,soit par arbitrage, soit de toute autre

manière)). (Hudson, International Legislution, vol. 1, p. 658. Voir
la disposition analogue qui figure dans le statut sur la liberté du
transit annexé à la convention de Barcelone sur la liberté du
transit, portant la mêmedate, ibid., p. 631.)
Les obligations imposéespar la convention sont à la charge des
Etats riverains d'une voie d'eau navigable d'intérêitnternational, mais
un grand nombre d'Etats ont le droit de saisir la Cour le cas échéant.

((Les Etats qui ont des droits conventionnels relativement à la voie
d'eau navigable, n'ont pas besoin d'alléguer l'utilisation de la voie
pour porter plainte contre des mesures de discrimination ou d'exclu-
sion.» (Baxter, The Law of International Waterways, 1964, p. 183.
L'auteur se réfèreplus particulièrement au canal de Suez, mais ses ob-
servations sont valables égalementdans un contexte plus large.)
La qualitédes demandeurs pour agir dans les présentes affairesdécoule
nettement du droit qui est reconnu au deuxième alinéade l'article 7 du
Mandat pour le Sud-Ouest africain et que possèdent denombreux Etats.
Mais on doit admettre aussi que les demandeurs, en tant qu7Etats afri-
cains, ont en outre un intérêt particulierquant à la situation actuelle
et future du territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain et de ses habi-
tants. Cet intérêt particulier est plus grandpeut-êtreque celui d'un Etat
maritime au droit de passage dans le canal de Kiel. La ((contiguïté

géographique »est, d'après le paragraphe 6 de l'article 22 du Pacte de
la Société desNations, l'un des éléments sur la base desquels les Man-
dats C ont été attribués. Il est banal de rappeler que les moyens mo-
dernes de transport et de communication ont raccourci les distances; on
peut très réellementdire que tous les Etats d'Afrique au sud du Sahara
sont contigus et que l'interdépendance deleurs intérêts,géographiques
ou autres, est indéniable.Bien que l'arrêt rendu aujourd'huipar la Cour
ne cherche pas à examiner ce point, la conclusion à laquelle il aboutit
nie l'existence d'un droit ou intérêtparticulier chez les demandeurs,
ce qui devrait êtreétayépar une argumentation solide au lieu d'être
donné pour implicite.
Les conflits raciaux et la pratique de l'apartheid au Sud-Ouest afri-
cain pourraient avoir - et ont - des répercussions aussiimportantes

sinon plus importantes sur les autres Etats d'Afrique au sud du Sahara
que certains facteurs dont le défendeurreconnaît les effets. Il est dit
dans le contre-mémoire (livreII, p. 177):
«Les actes de Mandat cmtenaient également d'autres disposi-
tions destinées surtout à bénéficieraux habitants mais dont la
non-observation pouvait aussi toucher les intérêts concretsdes
Membres de la Société desNations envisagés individuellement.

On peut citer comme exemples les dispositions relatives à la traite
des esclaves et les dispositions concernant le trafic des spiritueux
379 SUD-OUESTAFRICAIN(OP. DISS. JESSUP) 382
dont la violation par un Mandataire pouvait affecter un Etat voi-
sin ou mêmed'autres Etats lesquels, étant Membres de la Société
des Nations, auraient alorseu le droit d'élever des objections.S'agis-

sant de cesdispositions, les Etats Membres de la SociétédesNations
auraient possédé desdroits ou des intérêts juridiques, soit parce
que les accords indiquaient l'intention d'attribuer de tels droits
aux Etats Membres àtitre individuel soit parce que, vu l'effetqu'une
violation des termes du Mandat aurait eu sur les intérêts concrets
des Membres pris individuellement, on a dû vouloir conférer à
ceux-ci le droit de résisterà une violation de ce genre. »

Le défendeuradmet ici un principe niépar l'arrêtde la Cour, à savoir
que, dans certaines circonstances, les Etats Membres de la Société des
Nations avaient le droit de se plaindre des violations des dispositions
du Mandat quel'arrêtdénomme dispositionsrelatives à la gestion, c'est-
à-dire des dispositions ayant traità l'accomplissement de la mission
sacréede civilisation. C'est alors une question de fait que d'apprécier
si la politique de discrimination raciale au Sud-Ouest africain a des ré-
percussions sur des Etats comme les Etats demandeurs. En formulant
une allégation qui concerne la discrimination raciale, ils ont le droit,
en vertu du deuxième alinéade l'article 7, de voir la Cour se prononcer
sur leur demande au fond, tout comme s'ils alléguaient l'existencede

la traite des esclaves ou du trafic des spiritueux. Cela ne va d'ailleurs
pas à l'encontre des autres conclusions énoncéesdans la présenteopi-
nion sur l'origine et la nature du droit des demandeurs à ce qu'il soit
statué sur les requêtes qu'ilsont déposéesconformément au deuxième
alinéa de l'article 7. Celamontre que les demandeurs ont qualitépour
obtenir que la Cour se prononce sur leurs conclusions, que ce soit en
un sens favorable ou défavorable.
L'arrêt delaCour sefonde sur cette assertion que, mêmesiles deman-
deurs ont qualitépour introduire une action en l'espèce - ce que la
Cour a décidéen 1962 - il n'en résulte pas qu'ils aient un intérêt
juridique leur permettant d'obtenir unjugement au fond. Aucune autorité
n'est citéeàl'appui de cette assertion, qui paraît inviàeune procédure

parfaitement vaine. Pourquoi un Etat introduirait-il une instance, alors
qu'il n'a pas qualitépour obtenir qu'un jugement soitrendu en sa faveur
mêmesi les thèsesqu'il soutient en fait et en droit sont établiesau fond?
Pourquoi la Cour tolérerait-elleune situation dans laquelle les parties
prennent à grands frais la peine d'étudierle fond en détail,pour s'en-
tendre dire plus tard que la Cour ne tiendra compte ni des plaidoiries
ni des dépositions parce qu'une décisionde rejet est adoptée du chef
d'une question préliminaire qui empêchetout examen au fond?

Egalitééconomique

Comme l'arrêtde la Cour entreprend l'analyse du système desMan-
dats dans son ensemble et non pas seulement celle des Mandats C, il
convient de connaître, aux fins du problème général soulevé par cette
analyse, les intentions que les auteurs ont eues en 1919 lorsqu'ils ont prévule pourvoi devant la Cour relativement aux dispositions des Man-
dats autres que les dispositions déjàconsidérées.On sait que le système
des Mandats ne se bornait pas à traduire des préoccupations idéalistes

quant au bien-être des peuplesautochtones non. encore capables de se
diriger eux-mêmes;non seulement il rejetait l'idéeque lescolonies appar-
tenant auparavant à l'ennemi vaincu seraient prises comme butin de
guerre par les conquérants, dans l'intérête ceux-ci, mais encore il se
fondait sur la proposition de caractère pratique d'après laquelle les
territoires sous Mandat, du moins ceux qui relevaient des catégories A
et B, devraient offrir des possibilités économiqueségaleàtous lesMem-
bres de la Société desNations; c'étaitle principe de la porte ouverte.
Il était inscritdans les Mandats A et B et le retard avec lequel les Man-
dats C ont été approuvés tienà ce que le Japon s'est efforcés,ans succès,
de le faire appliquer aux Mandats C pour la régiondu Pacifique. Le
représentant du Japon à la conférence dela paix a pu invoquer un ar-

gument que l'on a continué à avancer au cours des années suivantes.
Au Conseil des chefs de délégation, à Paris, en décembre1919,il a dé-
claré: (Leprincipe del'égalité dteraitement dans ledomaineéconomique
doit être l'une des garanties prévues...dans l'intérêdte la population
indigène » (United States Foreign Relations, Paris Peace Conference
1919, vol. IX, p. 642). Il a soutenu en outre que, parmi les garanties
mentionnées à l'article 22, paragraphe 6, on doit compter l'égalité de
traitement prévueau paragraphe 5, puisque ((cette égalitéde traitement
favorise tout autant les intérêtde la population indigèneque ceux des
ressortissants étrangers»(ibid., p. 645). Le point de vue du Japon ne
l'a pas emportéen matière de Mandats C mais, pour ce qui est du sys-

tème dans son ensemble, la question a été nettementposée.
((Dans la conception que s'en faisaient à l'origine le général
Smuts et le président Wilson,les Mandats comportaient nécessaire-
ment la condition de la porte ouverte et les Etats Unis ont souli-
gné ensuiteque c'est seulement lorsque l'on se fut entendu à la
Conférence de la Paix sur cette condition qu'ils«ont cru pouvoir

considérer que l'attribution de certains territoires ennemis par les
Puissances victorieuses serait conforme à l'intérêtdu monde. »
(Quincy Wright, Mandates under the League of Nations, 1930,
p. 260; voir aussiibid., p. 475, 477 et 479.)
L'un des principaux spécialistesfrançais de la Société desNations

a souligné avec forceque c'est en dernière analyse l'intérêdte la popu-
lation indigènequi justifiait les dispositions concernant l'égalittrai-
tement sur le plan économique (Ray, CommentaireduPacte dela Société
des Nations, 1930, p. 625-626). Il partageait l'avis du représentant du
Japon selon lequel les garanties stipuléesau paragraphe 5 de l'article
s'étendaient aussiaux Mandats régispar le paragraphe 6, c'est-à-dire
aux Mandats C.
La Commission permanente des Mandats a inscrit à son questionnaire,
mêmepour les Mandats C, une question sur l'égalitééconomiqueet les
rapports adresséspar elle au Conseil mentionnent souvent ce sujet. Il

381est donc exact de dire que les droits économiquesqui, d'après l'arrêt
de la Cour, appartenaient aux Membres de la Société desNations à
titre individuel, intéressaient la Société desNations elle-même. C'est
ainsi que la question de l'égaliéconomiquea été discutée asselz ongue-
ment le 29 octobre 1927, à la douzième session dela Commission per-
manente des Mandats. On y a souligné àplusieurs reprises l'importance
du principe de l'égalitéconomiqueet insistésur le fait que les garanties
de cette égalitéétaient prévuesdans l'intérêt des habitants et non pas
seulement dans l'intérêd tes Etats Membres de la Société desNations.
Au cours de la discussion, M. Rappard a déclaré:

aLa clause de l'égalitééconomique a, en effet, été inscriteau
Pacte,à la fois dans l'intérêtu territoire et dans l'intértes Etats
Membres de la Société desNations. D'ailleurs, à son avis, ces inté-
rêtsse confondent. Mais il peut s'éleverun conflit entre l'intérêt
de la Puissance mandataire et l'intérêd t u territoire sous Mandat,
et c'est alors qu'il appartientla Commission des mandats d'inter-
venir pour obtenir une solution favorable au territoire sousMandat.))
(Commissionpermanente des Mandats, Procès-verbaldela douzième
session, p.66.)

De même,le marquis Thecdoli, président de la Commission, a fait
observer :
«il s'est fait jour dans le public, ainsi qu'au sein de la Commission
des Mandats, l'opinion suivant laquelle le système des Mandats
a étéétablidans l'intérêt des indigèneest que les règles imposées
aux Puissances mandataires dans ce but constituent un progrès
pour accroître le bien-êtreet le développement des populations
autochtones de certains territoires dont la civilisation est arriérée.
Le président partage cette opinion ...1)

Il a poursuivi en soulignant que ((àla base de tout le système ily a, en
outre, un autre principe de toute importance, le principe de l'égalité
économique »(ibid., p. 168).
Puisqu'il est admis dans l'arrêtde la Cour que les Membres de la
Société desNations pouvaient invoquer les clauses juridictionnelles
des Mandats pour assurer le respect des dispositions relatives au main-
tien de l'égalité économique et puisque ces dispositions avaient aussi
pour objet l'intérêt des populations autochtones, on doit manifeste-
ment tenir pour mal fondéet inacceptable l'argument qui tend à mini-

miser la portée des clauses juridictionnelles en partant de cette idée
que les Mandataires n'auraient jamais consenti à un systèmequi aurait
pu les exposerà de constants procès.Il est peut-êtreopportun de rappeler
ici ce quia étéindiquéplus haut, à savoir que la clause dite des mission-
naires ressemblait plus par sa nature à une garantie en faveur des
autochtones qu'a une garantie en faveur des ressortissants des Etats
Membres de la Société desNations.
On lit dans une étude trèsrécente des originesdu systèmedesMandats
le passage suivant:
«Le principe de la porte ouverte, en particulier tel qu'il a été

382 interprétéà la fin du XIXe siècle,participe du caractère dualiste

du Mandat [obligations envers les populations sous tutelle et envers
la famille des nations] en ce qu'il repose implicitement sur l'hypo-
thèse que le meilleur moyen de favoriser les intérêtséconomiques
d'une population dépendante est de n'exclure personne des avan-
tages du commerce colonial. ))(Twitchett, (The Intellectual Genesis
of theLeague of Nations Mandate System »,InternationalRelations,
III, no 13, avril 1966,p. 18.)

Il est ainsi établi qu'en prévoyant l'accèsà la Cour internationale,
grâce à la reconnaissance de droits générauxdans une clause juridic-
tionnelle, les Mandats ne seheurtaient à aucune impossibilitéjuridique
et à aucune improbabilité inhérente eu égard aux pratiques inter-
nationales suivies au cours de la période postérieure à la première
guerre mondiale. La prétendueimpossibilitéou tout au moins la préten-
due innovation juridique que constituait la reconnaissance de droits
touchant au fond, liés à un intérêtgénéral, peuventêtreégalement

étudiéescompte tenu de certains principes et de certaines pratiques de
droit interne.
Problème dela qualitépour agir («standing ») en droit interne

Dans son opinion dissidente de 1962 (p. 452), M. Winiarski a dit,
à propos de l'argument relatif à l'exercice d'un droit d'action dans un
intérêt général:

«On a invoqué à cette occasion une institution du vieux droit
pénal romain appelée actio popularis, qui cependant paraît étran-
gère aux systèmesjuridiques modernes de 1919-1920et au droit
international.
Je laisse à d'autres le soin de parler des préceptes anciens du droit
pénalmais je voudrais dire qu'il existe au moins un systèmejuridique
moderne où il est tout à fait courant que l'on tienne pour valables

des actions en justice engagéesalors que le demandeur n'établit aucun
préjudice individueldirect.
Le problème de la qualité pour agir est bien connu dans le droit
des Etats-Unis. Envisagénotamment au regard du droit constitutionnel
américainou du droit de la compétencefédérale,il se pose à propos
des contestations dont l'action des pouvoirs publics peut faire l'objet.
En droit international,ontrouve un parallèledans le droit de sepourvoir
contre une organisation internationale ou l'un de ses organes. La ques-
tion a étéexaminéepar l'Institut de droit international en 1957 mais

n'est pas en cause ici. Le droit des Membres de la Sociétédes Nations
à se pourvoir individuellement devant la Cour permanente de Justice
internationale dans le cas où surviendraient certains différendsavec le
Mandataire au sujet de l'interprétation ou de l'application du Mandat,
comme il était prévu au deuxième alinéa de l'article 7 du Mandat,
pouvait aboutir à une situation où une décision judiciaire de la Cour
aurait contredit une décisionpolitique du Conseil de la Sociétédes
Nations. Mais, mêmedans une situation de ce genre, l'action de la

383Cour n'aurait pas étédirigéecontre la Société desNations, l'un de ses
organes ou l'un de ses fonctionnaires. Elle n'aurait pas davantage
constituéune attaque contre la validité dela décisiondu Conseil consi-
dérée commeentachéed'excèsde pouvoir. Nul ne songe à suggérerici
qu'il existait dans le systèmejudiciaire international un recours compa-

rable à celui qu'offre le droit des Etats-Unis sous la forme du writ
of mandamus, qui peut obliger un agent ou un organe du gouvernement
à s'abstenir deprendre une mesure dont l'inconstitutionnalitéestalléguée.
Le droit applicable aux Etats-Unis, s'agissant de la qualité pour agir,
présente de l'intérêt el'espècedans la mesure où il concerne la question
de savoir si, dans certains systèmesjuridiques, une partie ((intéressée
et ((subissant en fait un préjudice»ou, comme le disent certaines lois,
((toute partie lésé» a qualité pour agir, autrement dit possèdeun droit
protégépar les tribunaux.

Le problème de la qualité permettant de se pourvoir en justice
(((Standing toSecure Judicial Review »)l comporte maints aspects sans
équivalent à la Cour internationale de Justice. Mais l'argumentation
de l'arrêt dela Cour dans la présente affaire du Sud-Ouest africain,
en contestant à tout Etat le droit d'obtenir de la Cour une décision
lorsqu'un traité confère un droit de recours judiciaire mais que YEtat
demandeur n'allèguepas un intérêt juridique propre touchantau fond,
aboutirait, si elle était exacte, la conclusion que le vaste ensemble
constituépar la commonlawet la législation des Etats-Unis enla matière
est une quasi-impossibilitéjuridique. Il est dans la jurisprudence amé-

ricaine des cas où le demandeur doit montrer qu'un préjudice direct
a étécausé à ses intérêts;cela se produit par exemple pour certaines
affaires intentéespar des contribuables. Mais c'est loin d'être unerègle
universelle. Un ((contribuable, ou un citoyen et électeur,a un tel intérêt
à la forme de gouvernement qui le régitqu'il est fondé à engager une
action en vue d'obtenir un jugement déclaratoireau sujet de questions
y relatives)), c'est-à-dire de questions relativeà ((toute modification
de la charte municipale pour ce qui est de l'électiondes conseillers »
(Corpus Juris Secundum, vol. 26, p. 271 - les italiques sont de nous).
Un Etat membre de la communauté internationale a un intérêt plus

fort et mêmeplus direct à des questions concernant l'exécution d'obli-
gations conventionnelles fondamentales contenues dans un traité ayant
ce qu'on peut appeler à juste titre des caractéristiquesconstitutionnelles.
Bien que le droit anglais n'ait pas évoluédans ce domaine comme
celui des Etats-Unis, il n'en reste pas moins que, dès 1898, la Court
of Queen's Bench a dit que le curé d'une paroisse ca manifestement
un intérêtsuffisant» pour solliciterun mandamus àl'encontre d'autorités
chargéesd'accorder des licences pour la vente de spiritueux (The Queen
c. Cotham [1898]1Q.B. 802).Aux Etats-Unis, on reconnaît aux citoyens

le droit de s'adresser aux tribunaux pour qu'ils remédientaux abus
dont le public se plaint. ((L'actionpublique - action intentée par un

Tel est le titre de deux articles publiés par M. Louis L. Jaffe dans Harvard
Law Reviewv ,ol. 74, 1961, p. 1265, et vol. 75, 1961, p. 255.
384particulier essentiellement pour défendre l'intérêt qu'a le publi c ce
que les obligations qui lui sont dues soient exécutées - est depuis
longtemps l'une des caractéristiques de notre droit anglais et améri-
cain. » (Jaffe, op. cit., p. 302.) Le deuxième alinéa de l'article 7 du

Mandat reconnaissait à tout Membre de la Société des Nations un droit
semblable, lié à l'intérêq t u'il avaità l'accomplissement de la mission
sacrée de civilisation.
Il importe peu, aux fins de mon argumentation, que le droit puisse
êtredifférent enItalie et dans d'autres pays (voir Galeotti, The Judicial
Control of Public Authorities in England and in Italy, 1954), car je ne

cherche pas à établir un ((principe général dedroit » par des méthodes
de droit comparé. J'admets aussi qu'ily a «plus de rhétorique que de
raisonnement ))(Jaffe, op. cit., p. 1289)dans la déclarationpar laquelle
un tribunal de l'Ohio a dit qu'en autorisant les citoyens à obtenir
l'application des lois sur le repos dominical on permettrait «à tout
fanatique en mal de croisade de parcourir I'Etat en tous sensen obligeant

la police ou les tribunaux municipaux à arrêter desgens pour de pré-
tendues infractions dont il n'avait aucune raison légitime de s'occuper ».
Ce n'est pas pour donner libre cours à ce zèledésordonnéque le droit
d'agir a été conféré aux Membred se la Société desNations par le
deuxièmealinéa de l'article 7 du Mandat.

J'accepte la proposition d'après laquelle
((la reconnaissance mêmedu droit d'action du demandeur est la
meilleure preuve qu'il existe un droit touchant au fond. C'est au-

trement dit un cerclevicieuxque de chercher un droitsur lequelrepo-
serait la qualitépour agir car l'attribution mêmede la qualité pour
agir traduit l'existence d'un droit ...l'attribution du droit procédu-
ralpermettant d'agir confère ipsofacto des droits touchant au fond
desorte que la qualitépour agir va toujours de pair avecun droit l.))

((Quand la législature a reconnu qu'un certain ((intérê »t doit
êtrepris en considération,c'est cet ((intérêt juridiquement protég )é
qui justifie que l'on ait qualitépour se plaindre lorsqu'il y a mécon-
naissance 2.1)

Dans le cas des Mandats, la conférence dela paix de 1919-1920a
joué le rôle de ((législatur», pour recourir à une analogie en un sens
restreint et limité. Si «le demandeur a qualité pour agir, son intérêt
est un intérêt juridiquement protégé et c'est ce que l'on entend par un

droit »3.
Je tiensà redire ce que j'ai déjà indiqué plushaut, à savoir que l'ana-
logie tirée dudroit interne que je viens d'examiner estloin d'être absolue
et qu'ilimporte de voir nettement les différences avec la situation en droit
international 4. Il n'y a pas d'actio popularis généralementétablie en

l Jaffe, opcit. ,. 256; on doit noter que sa conception est différente.
Davis, Administrative Law Treaties, 1958, sect. 22.04, p. 217.
Je n'ai pas étudiéla condition, exigéeen droit constitutionaméricain, qui
porte sur l'existence d'uneaffair»ou d'une (controverse».droit international. Mais le droit international a accepté et créé des

situations telles que les Etats ont un droit d'action sans avoirrouver
un préjudice individuelou à démontrer un intérêtindividuel touchant
au fond, distinct de l'intérêt général.

SECTION VI. NATURE ET STRUCTURE DE LA SOCIÉT É ES NATIONS -
SON RÔLE DANS LE SYSTÈME DES MANDATS

Dans l'avis consultatif qu'elle a rendu en 1950 sur leStatut du Sud-

Ouest africain, la Cour est parvenue à la conclusion que les fonctions
de surveillance de la Société desNations n'avaient pas pris fin avec
la dissolution de cette organisation, que l'Assemblée générale des
Nations Unies pouvait désormais exercerces fonctions de surveillance
et que l'Union sud-africaine avait ((l'obligationde se prêtàla surveil-
lance de l'Assemblée généraleet de lui soumettre des rapports annuels))
(C.I.J. Recueil 1950, p. 137). Lorsqu'elle a examiné en1955et en 1956

des questions connexes, la Cour n'a pas modifiéson point de vue à ce
sujet. De son arrêtde 1962,il faut déduirequ'elle restait fidèle cette
conclusion. Dansl'arrêtqu'ellerend aujourd'hui, la Cour ne seprononce
pas sur la question du maintien en vigueur du Mandat ou de son article 6
qui contient la disposition relativeà l'envoi de rapports annuels au
Conseil de la Société desNations. L'autorité des énonciations anté-
rieures demeure donc inchangée, commeje l'ai déjàdit à un autre

propos. J'estime en conséquence inutile d'examinerla longue argumen-
tation présentéepar le défendeur sur la disparition des pouvoirs de
surveillancede la Sociétédes Nations. J'estime inutile auie m'attarder
dans la présenteopinion sur lesconclusions nos2,7 et 8des demandeurs.
Il est tout aussi évidentque la conclusion antérieurede la Cour d'a-
près laquelle rien n'aentaméla validitédu premier alinéade l'article 7
du Mandat demeure toujours. En d'autres termes, le Mandataire ne

pouvait pas modifier le Mandat sans en avoir préalablement obtenu
l'autorisation. Cette autorisation qui devait initialement êtreaccordée
par le Conseil de la Société desNations doit l'êtredésormaispar l'As-
semblée générale deN s ations Unies. Bien entendu, on peut, lorsqu'on
modifie,aller jusqu'à mettrejn. Le défendeura reconnu qu'une autori-
sation serait, éventuellementtout au moins, indispensable pour intro-
duire des changements. Le conseil du défendeura expliquénotamment,
le 7 avril 1965(C.R. 65/13, p.6), que l'Assemblée législatived'Afrique

du Sud avait ((envisagé ))que l'Assemblée générala evait compétence
pour accéder àla crequête » sud-africaine en vue de l'incorporation du
territoire. Ce point de vue correspondrait à celui du Royaume-Uni,
qui avait reconnu la nécessitd'obtenir l'autorisation des Nations Unies
pour toute modification du Mandat pour la Palestine. Mais le conseil
du défendeur a estiméque la compétencevoulue pour faire droit à
une (requête »tendant à ce qu'il soit mis finau Mandat est «une question

sans aucun rapport avec celled'un pouvoir de surveillance». La conclu-
sion qui s'impose, au contraire, est que semblable ((compétence » est
l'une des manifestations les plus parfaites du pouvoir de surveillance.
386Une autre fois, le défendeura sembléadmettre qu'il n'était pas besoin
d'obtenir, pour modifierleMandat oupour ymettre fin,l'accord d'un or-
gane des Nations Unies, mais qu'uneautorisation prenantla forme d'une
résolutiondel'Assemblée généralé etaiten quelque sorte un ((raccourci))
commode pour s'assurer l'agrément de diversEtats. Mais le premier
alinéadel'article7 n'envisagepas la nécessitéd'obtenir l'autorisation de
divers Etats comme tels; il envisage la nécessitéd'obtenir l'autorisation
de l'organe de surveillance,qui étaitinitialement le Conseil de la Société
des Nations et qui est désormaisl'AssembléegénéraledeN s ations Unies.
L'arrêtque la Cour rend aujourd'hui insiste beaucoup sur la nature
de la surveillance exercéesur les Mandats. Il souligne que le Conseil

de la Société desNations était le principal organe de surveillance.
Tout en reconnaissant que l'Assembléede la Société desNations pou-
vait prendre intérêt aux Mandats,il conclut que les Membres de l'or-
ganisation ne jouaient à titre individuel aucun rôle si ce n'est comme
membres du Conseil ou de l'Assemblée. L'arrêt semble soulignelra
personnalité distincte non seulement de la Société desNations elle-
même maisaussi du Conseil. Il souligne aussi les dispositions de l'ar-
ticle22, paragraphe 1, du Pacte aux termes desquelles il faut appliquer
aux régions placéessous Mandat le principe que

«le bien-êtreet le développementde ces peuples forment une mis-
sion sacrée de civilisation, il convient d'incorporer danlse présent
Pacte des garantiespour l'accomplissement decette mission ».

Je reviendrai sur l'importance des mots que j'ai mis en italiques. L'ar-
rêtrendu aujourd'hui par la Cour reconnaît aussi, bien sûr, le rôle
imparti à la Commission permanente des Mandats qui examinait de
près les rapports annuels transmis par les Mandataires et donnait des
avis au Conseil. Il minimise le rôle de la Cour permanente de Justice
internationale. C'est par le filde cette analyse qu'il enarrivene inter-
prétation du deuxième alinéade l'article 7 du Mandat, à laquelle je
ne puis souscrire.
Dans son argumentation, le défendeura fait étatégalementdu rôle
du Conseil et de la Commission permanente des Mandats comme or-
ganes exclusifsde surveillance. Selon lui, ces organes étaientpar avance
connus du Mandataire et acceptés par le Mandataire, lequel devait

se prêternon pas généralement à n'importe quelgenre de surveillance
internationale,mais uniquement à cellede ceConseil etde cette Commis-
sion déterminés.
Ces prises de position et ces thèsesqui se répondent l'une l'autre se
fondent sur une interprétation de certains événements historiqueset
de certains instruments internationaux aui est différente dela mienne:
je vais donc exposer comment je comprends les choses après avoir étu-
diéles donnéespertinentes. Je m'efforcerai de suivre la ligne que l'arrêt
semble indiquer, en examinant les circonstances dans lesquelles le
Pacte a étéélaboréet la Société desNations crééeet les circons-
tances dans lesquelles le système des Mandats a fonctionné ensuite. Il n'est pas toujours facile de faire le départ entre l'action de la So-
ciété desNations ou de ses organes en tant qu'entités collectiveset l'ac-
tion des Etats qui constituaient l'organis,ation. Je ne cherche pas icià
formuler de conclusion sur le point de savoir si la Société desNations

avait une personnalité juridique internationale distincte. je cherche à
apprécier defaçon réaliste l'activité qu'elle exerçait etant qu'organisa-
tion. Pour l'étude des problèmesqui nous intéressent ici,les vues expri-
mées et les attitudes adoptées par les gouvernements et leurs porte-
parole vers 1920présentent de l'importance. Il y a lieu d'évoquertout
d'abord certaines déclarations qui ont été faites en1923et en 1924par
l'un des grands avocats de la Société desNations, lord Robert Cecil:
«Au point de vue constitutionnel, la Société desNations est

l'ensemble des gouvernements qui la composent et rien de plus. »
(Société desNations, Journal officiel, 1923, p. 938.)
((La Sociétén'est pas une organisation supranationale, elle n'est
rien en dehors des gouvernements représentés à son Conseil et à
son Assemblée ...on peut donc utilement exercer de l'influence non
pas sur la Société desNations en tant qu'organisme mais seulement
sur les gouvernements qui la composent. )(Ibid., 1924,p. 329-330.)
((Lord Robert n'est pas sans redouter des propositions qui pour-
raient avoir pour résultat de transformer le Conseil en une institu-

tion essayant, par ses propres forces, de supprimer l'esclavage.
Le Conseil n'a été institué que pour permettre aux gouvernements
de coopérer et pour leur prêterson concours toutes les fois que
cela est nécessaire.))(Ibid., p. 331.)
On voit donc par cette appréciation réaliste que, au moins durant
les premières années d'existencede la Société desNations, ce sont les
gouvernements des Etats Membres qui ont été les vraisacteurs; cela

est encore soulignépar la façon dont on a donnésuite au paragraphe 8
de l'article 22 du Pacte, lequel se lit comme suit:
((Sile degréd'autorité,de contrôle ou d'administration à exercer
par le Mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention antérieure
entre les Membres de la Société, il sera expressémensttatuésur ces
points par le Conseil. »

La section IV de la présenteopinion retrace l'historique de la rédac-
tion des Mandats à la Commission Milner jusqu'au moment où lestextes
ont été transmis,en août 1919, à la conférence de la paix. Comme
on l'a déjà signalé,ces Mandats n'ont étéen définitiveconfirméspar le
Conseil de la Société desNations que le 17décembre1920.Dans l'inter-
valle, ont eu lieu des négociations avec les Etats-Unis et des débats
occasionnés par l'insistance du Japon à faire inscrire la clause de la
((porte ouverte1)dans les Mandats C; d'autre part, on a élaboréles Man-
dats A et les Mandats pour le Togo et le Cameroun qui n'avaient pas

été rédigé psar la Commission Milner. L'Assemblée dela Société des
Nations a manifestéune certaine impatience devant ces retards et l'opi-
nion a réclamé lapublication du texte des Mandats l.
Je crois devoir reprendre ici, à quelques modifications et additions près, une
partie de mon opinion individuelle de 1962(p. 390 et suiv.).

388 «Le 5 août 1920le Conseil de la Société desNations a adopté
le rapport préparépar M. Hymans, représentant de la Belgique,
sur les ((Obligationsincombant àla Société des Nations aux termes
de l'article22 du Pacte (Mandats) ))Le but de ce rapport étaitde

clarifier les rôles respectifs du Conseil et de l'Assembléede la So-
ciété desNations à l'égard desMandats, mais il constitue aussi
le document de base relatif aux rôles respectifs du Conseil de la
Société d'une part et des Principales Puissances alliéesd'autre part.
On se souviendra que la France, la Grande-Bretagne, le Japon et
la Belgique, c'est-à-dire les quatre Etats qui avaient accepté des
Mandats - la Grande-Bretagne agissant à plusieurs titres -,
faisaient alors partie du Conseil de la Société. Enadoptant le
rapport Hymans, le Conseil de la Sociétéapprouvait inter alia
les conclusions suivantes :
........................

3. A la question (Qui doit déterminer lestermes des Mandats? 1)
le rapport répond:
((On n'a pas assez remarqué quela question n'est résolueque
partiellement par le paragraphe 8 de l'article 22 suivant lequel,
si le degréd'autorité, de contrôle ou d'administration n'est pas

déterminépar une convention antérieure, le Conseil doit statuer
sur ces points. »
Le rapport indique ensuite que la plupart des Mandats contien-
dront bien d'autres prescriptions que celles qui sont relatives au
degréd'autorité. Il préciseque les Mandats B et C devront être

soumis ((àl'approbation du Conseil)). Eu égardau paragraphe 6
de l'article 22 du Pacte, il conclut qu'((iln'est donc pas indispen-
sable que les Mandats ...C contiennent des dispositions quelcon-
ques en ce qui concerne le degréd'autorité ou d'administration ».
4. Le rapport traite du sens de l'expression ((Membres de la
Société))figurantdans le paragraphe 8 de l'article 22. Il conclut
qu'elle ne smrait êtreprise au pied de la lettre, car il en résulterait
que le soin de déterminer lestermes des Mandats reviendrait à
l'Assembléede la Société,qui seule réunit tous les Membres; si
les rédacteurs avaient voulu désigner l'Assemblée, «ils auraient
employéce terme et n'auraient pas eu recours à une périphrase

obscure ».Le rapport conclut que, lorsque l'article a étérédigé,
on croyait que les conventions relatives aux Mandats seraient insé-
réesdans le traité de paix et que seules les Puissances alliéeset as-
sociées seraient Membres fondateurs de la Société desNations.
Le terme ((Membresde la Société ))voulait désignerdans le para-
graphe 8 de l'article 22 tous les signataires du traité de Versailles,
sauf l'Allemagne. Enpratique, le rapport recommandait au Conseil
de demander aux Puissances de lui faire connaître leurs proposi-
tions quant aux termes des Mandats.
Le 26 octobre, le Conseil a adopté un second rapport présenté
par M. Hymans sur la question des Mandats.

389 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 392

Ce rapport déclare :
En ce qui concerne les Mandats B ou C, il apparaît que l'ac-
cord est établi entre les Principales Puissances sur de nombreux

points, mais que des divergences subsistent sur l'interprétation
de certaines dispositions de l'article 22 et que les négociations
ne sont pas arrivées à leur terme.
Assurément, il est hautement désirable que les Principales
Puissances puissent réaliserune pleine entente et soumettre des
conventions au Conseil. A défautde cette entente si souhaitable,
le Pacte prévoit l'intervention du Conseil à l'effet de statuer
sur le degréd'autorité, de contrôle ou d'administration à exer-
cer par les mandataires. »

...((Aussi espérons-nous vivement que, avant que l'Assemblée
ne se sépare, les Principales Puissances auront arrêté de concert
les formules de mandats destinées à êtresoumises au Conseil. ))
(Les italiques sont de nous.)
Les divergences dont le rapport fait état dans le cas des Man-

dats C tiennent à la réserveformuléepar le Japon sur la clause de
la porte ouverte.»
Les Principales Puissances ont en définitiveabouti à un accord.
Il existe encore d'autres documents qui témoignent de la façon dont
était conçu à l'époque le rôle respectif des Puissances membres du
Conseil de la Société desNations dans l'établissement des Mandats.

Le premier ministre de Grande-Bretagne a déclaré à la Chambre
des communes le 26juillet 1920(en réponse à la question: ((Lesgrandes
Puissances soumettent-elles les Mandats à la Société des Nations?
Est-ce là leur position véritable? »): Les grandes Puissances sont
Membres de la Société desNations et ne soumettent les Mandats qu'à
elles-mêmes. )A nouveau, le 8 novembre 1920,lorsqu'on lui a demandé
si les représentants envoyés la SociétédesNations pouvaient ((modifier,
amender et rejeter un Mandat », le premier ministre a répondu:

((Les grandes Puissances sont naturellement représentées au
Conseil de la Sociétéet ces Mandats doivent êtresoumis au Conseil
de la Société. Ils ne peuventêtrerejetés que de l'accord unanime
du Conseil de la Société...Rien ne peut se faire sans une décision
unanime du Conseil. C'est dire que rien ne peut sefaire sans l'accord
des Puissances intéressées.

Le 14 décembre 1920, la question a de nouveau été posée de savoirsi
des projets de Mandats avaient été présentés à l'Assemblée dela Société
des Nations ((et, dans la négative,pourquoi tel n'avait pas étéle cas,
puisque l'obligation de définirle degréd'autorité, de contrôle ou d'ad-
ministration à exercer par le Mandataire incombe au premier chef aux
Membres de la Société? ))Le sous-secrétaire dYEtataux Affaires étran-
gères à fait publier une réponse impriméedans laquelle il disait:

((le Conseil de la Sociétédes Nations a décidéle 5 août 1920 que,
d'après le Pacte, l'obligation de définirle degréd'autorité, deon-
390 trôle ou d'administration à exercer par le Mandataire n'incombe
pas au premier chefà l'Assembléede la Sociétédes Nations. Confor-

mémentau paragraphe 8 de l'article 22 du Pacte, c'est le Conseil
qui doit expressémentstatuer sur le degré d'autorité, de contrôle
ou d'administration si cela «n'a pas fait l'objet d'une convention
antérieure entre les Membres de la Société ». Le Conseil a estimé
que, lorsqu'ils parlent des ((Membres de la Société », les auteurs
du Pacte veulent désigner dans ce contexte les Membres de la
Société intéressé aux Mandats, c'est-à-dire les grandes Puissances
réunies à la conférence dela paix, entre lesquelles les Mandats
doivent être répartis. Onconsidère donc que, d'après le texte du
Pacte, la Sociétédes Nations n'est censéeintervenir dans la mise

au point définitivedes dispositions des Mandats que par l'inter-
médiairedu Conseil, et cela uniquement en cas de désaccordentre
les Puissances intéressées.Ces Puissances ont toutefois décidéde
donner au libellédu Pacte une interprétation plus large et d'ad-
mettre qu'il prévoitimplicitement que le Conseil doit agir non pas
seulement en cas de désaccord,mais dans tous les cas, pour confir-
mer les décisionsprises.On procède actuellement à des négociations
pour résoudre certaines difficultésqui subsistent encore et, si l'on
peut aboutir à un accord, il faut espérer quela Société desNations
approuvera les projets de Mandat avant que la présentesession ne

prenne fin àGenève. ))
C'est égalementle point de vue qui ressort du rapport Ishii présenté
au Conseil le 20 février1921, dans lequel le rapporteur déclarait: (En
général ...le rôle du Conseil pourra se borner à la ratification des pro-
positions faites par les Puissances mandataires.))

Six années plustard le Gouvernement britannique analysait toujours
la situation de la mêmemanière. Le 21 février1927, en réponse à la
question: «Qui a conféréle Mandat pour le Tanganyika à S.M. britan-
nique? n,le secrétairedYEtataux colonies a répondu:
«Par l'article 119 du traité de Versailles, l'Allemagne a renoncé
à ses anciennes possessions africaines en faveur des Principales
Puissances alliéeset associéesqui sont convenues, selon l'article 22

du traité [c'est-à-dire du Pacte], que les Mandats relatifs l'admi-
nistration de ces territoires seraient confiés aux gouvernements
intéresséset ont proposé les termes dans lesquels les Mandats
devaient être énoncés. S'étant entendussur l'attribution et la
délimitation de ces territoires, les gouvernements intéressésont
accepté leurs mandats respectifs et ont également accepté deles
exerceraunom dela SociétédeN s ations etconformémentauxtermes
proposés. Les Mandats ont alors étéconfirméspar le Conseil. ))

Outre ces documents qui montrent clairement comment la Grande-
Bretagne interprétaitla façon dont devaient être appliquées les disposi-
tions du paragraphe 8 de l'article 22du Pacte, on peut noter encore qu'à
la séancenon publique tenue par le Conseil le 4 août 1920,M. Bourgeois

391(France) a souligné: Les ((Puissancesalüéeset associées,en usant, lors
de la rédaction du Pacte, des mots ((Membres de la Société » ont bien

entendu voulu se désignerelles-mêmes. ))Le 10décembre1920,au cours
de la discussion des projets de Mandat au sein du Conseil de la Société
des Nations, le représentantde l'Italie a déclaré qu'aux termesdu para-
graphe 8 de l'article 22 du Pacte le Conseil ne se trouvait pas encore
saisi à proprement parler de projets de Mandat A parce qu'aucun de
ces projets n'avait encore été communiqué à l'Italie et que «par consé-
quent, il n'y [avait]pas encore à leur égard accord entre les Principales
Puissances alliées ».11s'est référé à la ((nécessitéde l'accord des Prin-

cipalesPuissancesalliées,visée par I'article2 » (lesitaliques sont de nous).
Compte tenu de tous les éléments ci-dessus,on est inévitablement
amené à une autre observation que j'ai formulée dans mon opinion
individuelle de 1962et que l'arrêt dela Cour ne semble pas pleinement
accepter. Il s'agit de la question de savoir si le quatrième alinéadu
préambule du Mandat pour le Sud-Ouest africain contredit en fait la
conclusion énoncée ci-dessus et prouve que les Puissances n'étaient pas
convenues des termes du Mandat et que c'est leConseil qui a en réalité

(statué1).
Quand, le 14 décembre 1920, M. Balfour a présentéau Conseil de
la Sociétédes Nations les projets types de Mandat C, le Conseil les a
immédiatementrenvoyésau Sécretariatpour être soumis auxexperts.
Il ressort des rapports ultérieursdu vicomte Ishii que le Secrétariats'est
efforcéde faire en sorte que les termes prévus fussent conformes à l'ar-
ticle 22 du Pacte et que le rôle de la Sociétéfût dûment reconnu. Le
vicomte Ishii signalait que le texte qui forme à présent le quatrième
alinéa du préambule avaitpour but

(de définirclairement les relations qui, aux termes du Pacte, doivent
exister entre la Sociétédes Nations et le Conseil, d'une part, et la
Puissance mandataire de l'autre ».

C'est dans le mêmeesprit que les mots qui suivaient le préambule
dans le projet Balfour ([le Conseil]«par la présente, approuveles termes
du Mandat comme suit: »)ont étéremplacéspar la phrase figurant dans
le texte définitif,à savoir: «Par la présente, confirmant le mandat, a

statué surses termes comme suit: ))
Le quatrième alinéa du préambule, insérépar le Secrétariat de la
Société desNations, est sujet à malentendu. Le texte anglais, tel qu'il
apparaît dans la version définitivedu Mandat, est le suivant:

« Whereas, by the aforementioned Article 22, paragraph 8, it is
provided that the degree of authority, control or administration
to be exercised by the Mandatory not having been previously
agreed upon by the Members of the League, shall be explicitly
defined by the Council of the League of Nations: ))

On notera que ce texte paraphrase plus ou moins le texte du paragraphe
8 de l'article 22 du Pacte. Mais le texte français suit plus exactement
le texte du paragraphe 8 de l'article 22 et, ce faisant, indique plus
392 clairement la condition à laquelle le Conseil était autoriséà agir. Le
texte français est le suivant:

((Considérantque, aux termes de l'Article22 ci-dessusmentionné,
paragraphe 8, il est prévuque si le degréd'autorité,de contrôle ou
d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet
d'une Convention antérieureentrelesMembres de la Sociétéi,l sera
expressémentstatué sur ces points par le Conseil: » (Les italiques

sont de nous.)
En outre, dans le texte anglais du rapport Ishii, le membre de phrase
ccnothaving been previously agreed upon by Members of the League »
est placé entredeux virgules, construction qui, en anglais, peut indiquer

aussi une condition. La virgule qui figiire après le mot aMandatory »
seretrouve dans lesMandatspour la Syrieet leLiban etpour la Palestine,
le Mandat belge sur l'Est africain, le Mandat britannique sur l'Est
africain et les Mandats pour les îles du Pacifique situéesau nord de
l'équateur, maiselle ne figure pas dans le texte des Mandats pour les
îles du Pacifique au sud de l'équateur,ni dans les Mandats pour Samoa,
pour Nauru et pour le Sud-Ouest africain.
Si l'on estime que le quatrième alinéadu préambule affirme que les
Membres de la Société desNations n'ont pas statué antérieurement sur
les termes du Mandat, étant donnél'interprétation que le Conseil et

ses Membres donnaient couramment à l'expression ((Membres de la
Société desNations »,cette affirmation ne serait pas seulement contraire
aux faits historiques mais encore à l'énoncé deces faits au deuxième
et au troisième alinéa du préambule.Au reste, il ressortàl'évidencedu
dossier que ce sont les Principales Puissances et non le Conseil qui ont
statué)sur les termes du Mandat, y compris les termes que seul, dans
les conditions indiquées, le Conseil était autorisé définir envertu du
paragraphe 8 de l'article 22.
Ce quatrième alinéa du préambule est tout entier omis dans les
quatre Mandats sur le Togo et le Cameroun, dont l'élaboration a été

différente, commeje l'ai déjàfait observer. A la séancedu 7 mai 1919
du Conseil des Quatre, lorsque la décisiona étéprise de distribuer
les Mandats, il a été convenu queles Gouvernements britannique et
français soumettraient une recommandation conjointe à la Société
quant au sort des anciennescolonies du Togo et du Cameroun; il n'avait
pas encore été décidé de placec res territoires sous Mandat. Mais la
recommandation concertée présentée à la Société desNations par les
deux gouvernementsle 17 décembre1920proposait le partage des deux
colonies entrela France et la Grande-Bretagneet prévoyait, dans l'esprit
de l'article 22, qu'ellesseraient placéessous Mandat. Les deux gouverne-

ments ont en conséquence soumisau Conseil quatre projets de Mandat
analogues aux autres Mandats B. Cette recommandation concertée
énonce que les deux Gouvernements cosent espérer que le Conseil,
après avoir pris note des projets, considérera qu'ils ont été préparés
conformémentauxprincipes énoncéa su mêmearticle 22et lesapprouvera
en conséquence P. En approuvant ces quatre projets le ler août 1922, le Conseil de la

Société desNations n'y a pas introduit le nouveau quatrième alinéadu
préambule, bien qu'il ait inséréla phrase d'une ligne qui le suit. S'il
était convenu qu'aux termes de l'article 22 du Pacte le Conseil avait
à statuer sur tous les termes des Mandats en l'absence d'un accord
antérieur entre tous les Membres de la Société desNations, et si le
quatrième alinéadu préambule tel qu'il figure, entre autres, dans le
Mandat pour le Sud-Ouest africain doit être entendu ainsi, il serait
impossible d'expliquer pourquoi ces quatre Mandats sont régispar des
règles différentes. Le deuxième alinéa du préambule de ces quatre
Mandats énonce que les Principales Puissances alliéeset associées ((sont

tombées d'accord » que la France et la Grande-Bretagne feraient une
recommandation concertée concernant ces anciennes colonies et cela
a étéévidemmentconsidérécomme un accord conclu à l'avance entre
les Puissances en vue d'accepter toute recommandation que les deux
gouvernementspourraient faire. Cette conclusion est confirméepar les
traités du 13 février1923 entre les Etats-Unis et la France relatifs aux
droits des Etats-Unis dans le Togo et le Cameroun français; ils se réfè-
rent à l'accord des quatre Puissances sur les Mandats, tout comme le
traité du 11 février 1922 entre les Etats-Unis et le Japon concernant

certains droits dans les îles placéessous Mandat japonais rappelle
l'accord antérieur des quatre mêmesPuissances sur l'attribution du
Mandat et sur ses termes.
Ainsi, le 24 juillet 1922, discutant des Mandats A, le Conseil, en
sa treizième session,a approuvé une délaration très nette qui constate:

((Aprèsles déclarations qui viennent d'être faiteset vu l'accord
de tous les membres du Conseil, les articles des Mandats pour la
Palestine et la Syrie sont approuvés.))

Il importe ici de s'arrêterbrièvement à un autre point de détail inté-
ressant l'interprétation de l'article 22 du Pacte. J'ai cité plus haut le
paragraphe 1 de l'article 22 en soulignant particulièrement le membre
de phrase: ((etil convientd'incorporer dansleprésentPacte des garanties
pour l'accomplissementde cette mission ». Comme il est question, dans
les autres paragraphes de l'article 22, du Conseil de la Société des
Nations et aussi d'une ((commission permanente » mais qu'il n'est fait
aucune mention de la Cour permanente de Justice internationale, on
a soutenu que le renvoi devant la Cour tel qu'il est en définitiveprévu

au deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat ne constitue pas l'une des
((garanties pour l'accomplissement de cette mission )et doit par consé-
quent jouer un rôle moindre ou différent. Je n'adopte pas ce point de
vue et tiens à faire.observerqu'au paragraphe 1 de l'article 22, le mem-
bre de phrase citéne dit pas ((toutes les garantie» ni même((lesgaran-
ties», ce qui aurait le mêmesens. Cela ressort avec une particulière
clarté dela version française: «il convient d'incorporer dans le présent
Pacte des garanties pour l'accomplissem,entde cette mission ».Ce n'était
certainement pas un excèsde pouvoir de la part du Conseil que de con- SUD-OUEST AFRICAlN (OP.DISS.JESSUP) 397

firmer l'inclusion dans le Mandat de l'article 7 qui énonçaitdeux garan-
ties: la nécessitd'une autorisation du Conseil pour toute modification
du Mandat et le recours à la Cour permanente de Justice internationale.

Il y a lieuà présent de revenirsur l'argument du défendeur évoqué
ci-dessus d'aprèslequel le défendeur,en tant que Mandataire, n'avait
consenti qu'à une surveillance d'un genre parfaitement déterminé, à
savoir celle qui étaitdéfinieà l'article 22 du Pacte où l'on se référait
au Conseil de la Société desNations et à la commission devenue depuis
lors la Commission permanente des Mandats. On soutient que le dé-
fendeur connaissait ces organismes d'avance et savait donc avec pré-
cision à quel genre de surveillance il acceptait de se prêter.
Le conseil du défendeura fait grand cas de l'argument selon lequel
le système desMandats dans son ensemble a étéadopté à titre de com-

promis de sorte que l'on doit, en interprétantles Mandats, tenir compte
du point de vue des Puissances mandataires, parfois nettement opposé
aux idéesdont le président Wilsonétait en grande partie l'auteur. Il
est évidemment exact que deux points de vue ont été exposés à la
conférence dela paix de Paris. Les uns préconisaient l'annexion des
possessions coloniales des Puissances ennemies. Certaines Puissances
victorieuses qui partageaient cette opinion attachaient, suivant leurs
intérêtsu,neimportance variable au Moyen-Orient et à 17A3rique.Le pré-
sident Wilson étaitfermement opposé à toute idée d'annexion mais ila

acceptéle fameux projet du général Smuts (Afriquedu Sud), sur lequel
a étéfondé en fin de compte le système des Mandats l.
En ce qui concerne plus spécialement lesdominions britanniques et
notamment l'Union sud-africaine, on doit tenir compte de certains fac-
teurs particuliers, si l'on veut bien comprendre les circonstances dans
lesquelles les((négociations))du Mandat pour le Sud-Ouest africain
se sont déroulées.Il n'est nullement nécessairede s'attarder sur les inci-
dents connus qui sont survenus à la conférencede la paix de Paris au
cours des tout derniers jours dejanvier 1919,mais on se souviendra qu'à

ce stade le président Wilsonavait réussi s'assurer l'appui deM. Lloyd
George touchant le principe de non-annexion et l'etablissement du
système desMandats. Les autres membres du groupe des cinq grandes
Puissances ne s'opposaient plus à cette solution. Le «compromis ))dé-
finitif, fondé sur le mémorandum présentéau Conseil des Dix par
M. Lloyd George le 30janvier (dmt le texte légèrement modifié est de-
venu l'article22 du Pacte), a étéune question d'ordre interne relative
à l'organisation intérieurede l'Empire britannique. Du point de vue
international, la Grande-Bretagne n'avait pas subordonné son accep-
tation du système desMandats ou du rôle du Mandataire à l'adoption

du texte qui est devenu l'article2 du Pacte et qui contenait pour les
Mandats C un plan conférant de larges pouvoirs à l'Afrique du Sudet
à l'Australie quanà leurs Mandats respectifs pour le Sud-Ouest africain,
la Nouvelle-Guinée etla partie de l'océan Pacifique située au sud de

Le plan Smuts excluait cependant du système des Mandats les colonies alle-
mandes d'Afrique.

395 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS.JESSUP) 398
l'équateur.De fait, M. Lloyd George a fait appel aux autres membres

du Conseil des Dix pour leur demander de l'aider à résoudre les pro-
blèmesintérieursde l'Empire britannique (voir Lloyd George, The Truth
About the Peace Treaties, 1938, vol. 1, p. 541). D'après Hunter Miller
(((The Origin of the Mandates System)), Foreign Affairs, vol. 6, 1927.
p. 277-280),
((Londres souhaitait bien entendu maintenir la paix dans ce que
j'appellerai la famille du Commonwealth. Abstraction faite de ce

désir,on se souciait fort peu de choisir entre annexion et mise sous
Mandat, soit en Afrique, soit dans le Pacifique; à vrai dire, tenus
d'appuyer la réclamation japonaise touchant les îles situées au
nord de l'équateur,les Britanniques préféraient vraisemblablement
dans les deux régionsle système des Mandats à l'annexion.))
Selon un éminent juge sud-africain :

«Une certaine confusion a été occasionnée sans aucun doute
par la fissiparité deEmpire ...Les signataires du Pacte se souciaient
aussi peu de la question purement interne des rapports inter-impé-
riaux que de cette autre question purement interne, celle de savoir
comment se répartiraient entre les organes de l'Union l'exercicedu
pouvoir exécutifet celui du pouvoir législatifsur le territoire sous
Mandat. » (J. van der Heever, dans l'affaire Rex c. Offen, op. cit.,
p. 84-85.)

((Sile systèmedesMandats n'a pas constituéun compromis entre
impérialistes,il a joué commeun principe très utile pour concilier
les aspirations contradictoires des différents éléments de l'Empire
britannique. Les hommes d'Etat britanniques avaient grandement
besoin d'une formule leur permettant de concilier les revendications
de l'Australie, de la Nouvelle-Zélandeet de l'Afrique du Sud en
faveur de l'annexion pure et simple et la tendance contraire à ne
pas étendre l'Empire davantage. On a trouvéla réponsedans l'in-
génieuseinstitution qu'on a appeléele Mandat C. $(Ernest B.Haas,

«The Reconciliation of Conflicting Colonial Policy Aims: Accep-
tance of the League of Nations Mandate Systemn, International
Organization, vol. VI, 1952, p. 532.)
Il importe de rappeler qu'avant la première guerre mondiale les do-
minions britanniques et l'Inde ne s'étaientpas encore vu reconnaître une
personnalité internationale distincte: ils n'étaientque des éléments de
l'Empire britannique. Vu leur admirable participation militaire à la

guerre, les dirigeants des Principales Puissances alliées et associées
étaientdisposés à leur accorder un statut spécialà la conférence dela
paix et, finalement, à les admettre comme Membres originaires de la
Société desNations (voir en général H. Duncan Hall, The British Com-
monweaIthof Nations, 1920,p. 180 et suiv.).
De longues discussions ont précédé l'accord sur la représentation
distincte des dominions. Diverses formules de compromis ont étéadop-
tées.Au Conseil des Vingt-Cinq, les dominions, en tant que membres
de la délégationde l'Empire britannique, ont étéautorisés à occuper

396des siègesparmi les cinq qui étaient attribuéà l'Empire. Le règlement
de la conférence,tel qu'il a étécommuniqué à la presse le 15 janvier
1919, prévoyaitdans le premier groupe les cinq grandes Puissances et
toutes les ((Puissances belligérantes intérêtsparticulier»,c'est-à-dire
la Belgique, les dominions britanniques,'Inde et quelques autres. Lors-

que le Conseil des Dix, composé des chefs de gouvernements et des
ministres des Affaires étrangères descinq grandes Puissances, a discuté
de l'avenir des colonies allemandes, «les représentants de l'Australie,
de la Nouvelle-Zélandeet de l'Afrique du Sud étaient autorisés à être
présentset à exprimer leurs opinion..» (contre-mémoire, livreII, p. 11).
En ce qui concerne l'argument selon lequel l'Union sud-africaine
connaissait en détaille genre de systèmede surveillance prévuà l'égard
du Mandat pour le Sud-Ouest africain qu'elle allait accepter,l importe
de noter que le projet britannique présentépar M. Lloyd George le
30 janvier 1919 ne comportait pas de clause relative à la Commission
permanente des Mandats, cette clause ayant été inséréeà une date ulté-

rieure pour former le paragraphe 9 de l'article22 du Pacte. II ressort
du dossier que l'Union sud-africaine était bien décidée à exercer un
contrôle sur le territoire limitrophe du Sud-Ouest africain et, lorsqu'il
est devenu manifeste qu'une annexion pure et simple n'étaitpas poli-
tiquement possible, le Gouvernement sud-africain s'est montré prêt
à accepter le Mandat C pour le Sud-Ouest africain avec le degréde
contrôle envisagéau paragraphe 6 de l'article 22 du Pacte. M. Lloyd
George n'aurait pas pu présenter son projet le 30 janvier s'il n'avait
pas déjàétéévidentque ce projet permettrait à l'Afrique du Sud de réa-
liser ses ambitionsà l'égarddu Sud-Ouest africain, à condition que le
président Wilson donne son agrément.
D'après Hunter Miller (The Drafting of the Covenant, vol. 1, p. 114),

il y avait déjàun consentement tacite »quant à la répartition des Man-
dats le 30janvier 1919.Il est certain que l'Afrique du Sud avait consenti
au Mandat lorsque l'attribution officiellea été faitepar le Conseil des
Quatre le 7 mai 1919.
A ce stade, il convient de noter certains autres faits qui indiquent
que l'Afrique du Sud avait accepté-le Mandat avant sa mise au point
détaillée. En septembre1919, le Parlement sud-africain a adopté la loi
no 49, intitulée South West Africa Mandate Act (Oficial Yearbook of
the Union of South Africa 1910-1920,p. 113 et 905-906). Cette loi, qui
devait êtreen vigueur pendant une année mais pouvait êtreprorogée
par résolution des deux chambres du Parlement, comprenait notam-

ment les paragraphes suivants :
((Considérant qu'un traité de paix, dont copie a étédéposée
devant le Parlement, a étésignéau nom de Sa Majesté à Versailles,
le 28 juin 1919,et qu'il convient que le Gouverneur généralait le
pouvoir d'accomplir tout ce qui peut êtreapproprié et utile pour
donner effet,en ce qui concerne l'Union, au traitéouà tout Mandat
conféré en applicationdu traitésur le territoiredu Sud-Ouest africain,

aécide...

397 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS.JESSUP) 400
1. Le Gouverneur généralpeut procéder à toutes les nomina-

tions, installer tous les services, faire toutes les proclamations,
prescrire tous les règlements et accomplir tous les actes qui lui
paraîtront nécessairespour donner effet,en ce qui concerne'Union,
à l'une quelconque des dispositions dudit traité ouà tout Mandat,
conféréà l'Union en application du traitésur le territoire du Sud-
Ouest africain.» (Les italiques sont de nous.)
Le généralSmuts, premier ministre, a hâté l'adoption de la loi en fai-
sant remarquer que le projet de Mandat pour le Sud-Ouest africain
risquait de recevoir sa forme définitive la conférencede la paix à un
moment où le Parlement ne siégeraitpas et qu'il fallait, par conséquent,
octroyer des pouvoirs intérimairesau Gouvernement afin de lui permet-

tre d'une manière générale de prendre toutes les mesures commandées
par les circonstances. Le premier ministre a fourni au Parlement des
renseignements sur l'élaboration du système des Mandats envisagéet
a donnécertaines précisionsau sujet des Mandats C qui devaient notam-
ment viser le Sud-Ouest africain.Il a ajouté queles membres du Parle-
ment trouveraient le procès-verbal de la Commission chargée de la
rédactiondes Mandats dans un Livre bleu qui avait été publiet qu'ils
pourraient constater que le Mandat pour le Sud-Ouest africain était
rédigéen termes presque identiques à ceux de l'article 22 du Pacte.
La loi intitulée South West Africa Mandate Act a étérenouvelée
enjuillet 1920et ultérieurement (Oficial Yearbook of the Unionof South
Africa 1924, p. 111).
Sil'on se rappelle les dates qui marquent l'acceptation par le Gouver-
nement de l'Union sud-africaine du Mandatpour le Sud-Ouestafricain -
à Paris probablement pas après le 30janvier et, en tout cas, en mai 1919

au plus tard, et, au Parlement sud-africain, en septembre 1919 -, on
peut se reporter aux dates correspondantes qui ont jalonné, plustard,
la rédactiondu Pacte et des Mandats àla conférencede la paix. Certes
l'Union sud-africaine n'a pas étéliéejuridiquement avant l'entrée en
vigueur du Pacte dans le cadre des traitésde paix, le 10janvier 1920,
et avant l'approbation officielledu Mandat pour le Sud-Ouest africain
par le Conseil de la Société desNations le 17 décembre1920. Ce qui
est important, c'est qu'il y a eu acceptation de principe. ((Ayàtoutes
les époques pertinentes consentiàaccepter ce Mandat ..le défendeur..1)
(opinion dissidente de M. van Wyk, C.I.J. Recueil 1962, p. 594). Cette
acceptation de principe n'a pas été assortie de réserves sur tel ou tel
point de détail;ellemontre que l'Afriquedu Sud a abouti à la conclusion
que l'acceptation du Mandat C, tel qu'il pourrait êtrerédigé,étaitle
seul moyen d'obtenir le contrôle souhaité sur le Sud-Ouest africain.

Lorsque les grandes lignes de l'article 22du Pacte ont été provisoire-
ment acceptéesau Conseil des Dix, à la séancedu 5janvier 1919,on n'a
fait que mentionner la présentation de rapports annuels; aucune pré-
cision n'a étédonnéesur la nature de ces rapports. Les deux derniers
paragraphes de l'article 22 ont étéajoutés à la sixième séance dela
Commission de la Société desNations, tenue le 8 février1919(Miller,
op. cit., p. 110-111).Ces deux paragraphes étaient rédigés comms euit:
398 «8. Si le degré d'autorité, de contrôle ou d'administration à
exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention
antérieure entre les Membres de la Société,il sera expressément
statué surces points par le Conseil.
9. Une Commission permanente sera chargée de recevoir et

d'examiner les rapports annuels des Mandataires et de donner
au Conseil son avis sur toutes questions relatives à l'exécution
des Mandats. ))
Le texte de l'article 22 comprenant ces deux paragraphes a étéadoptéle
13février1919(ibid., vol. II, p. 438, 441, 484-486).
A ce stade, la nature de la Commission permanente des Mandats
n'étaitpas encore connue; on ne s'est misd'accord sur sa constitution
que le 29 novembre 1920.

En fait, la composition de la Commission permanente des Mandats
a été débattueau Conseil de la Société desNations entre le 4 août et
le 29 novembre 1920.Tout d'abord, les participants ne sont pas arrivés
à s'entendre sur le point de savoir si les Puissances mandataires seraient
ou non représentées à la Commission ou, dans toute éventualité,si la
majorité de la Commission devrait êtrecomposéede représentants de
Puissances non mandataires. Alors que l'ensemble de la question était
encore àl'étude,M. Balfour (Grande-Bretagne)a déclaré, à la quatrième
séancede la dixième sessiondu Conseil, tenue le 23 octobre 1920,qu'il
désirait prendre l'avis des représentants des dominions qui arriveraient
prochainement en Angleterre. A la première séancede la onzième
session du Conseil, le 14novembre 1920,M. Fisher (Grande-Bretagne)

a signalé que les représentants des dominions britanniques étaient
d'avis de fixer le nombre des membres de la Commission à cinq au
maximum. M. Fisher a ajouté:
«Etant donné quela Commission des Mandats peut être appelée
à reviser les conditions dans lesquelles les Puissances mandataires
auront exercéleurs Mandats, il serait peut-être préférable queces
Puissances ne fissent pas partie de la Commission ainsi réduite. ))

Tels sont les deux seuls passages des procès-verbaux indiquant de la
part des dominions britanniques un intérêt a l'égard dela composition
de la Commission permanente des Mandats. Le Conseil a poursuivi le
débat et, à sa réuniondu 26 novembre, il a décidéque la Commission
permanente des Mandats comprendrait neuf membres et que la majorité
de ces membres seraient des ressortissants d'Etats non mandataires.

Il a étéégalementconvenu que l'organisation internationale du Travail
pourrait adjoindreà la Commission permanente un expert de son choix.
La procédure que devait suivre en fait la Commission permanente
des Mandats n'était certainement pas connue quand l'Afrique du Sud
a accepté le Mandat. Le questionnaire régulièrement envoyé à chaque
Mandataire n'a été préparé qu'en 1922. Le Conseil n'a approuvé
les procédures applicables à l'examen des pétitions que le 31 janvier
1923. En outre, la composition de la Commission a varié. En 1925,
M. Rappard, qui avait étéchef de la section des Mandats au Secrétariat

399 de la Société desNations, a été désigné comme membr extraordinaire
de la Commission, ce qui portait à dix le nombre de ses membres. En
1927, on a porté ce nombre à onze en ajoutant un membre allemand.
La Commission est restée composéeen majorité de ressortissants de
Puissances non mandataires.

Le paragraphe 9 de l'article 22du Pacte ne fournissait guère d'indica-
tions sur la façon dont la Commission permanente des Mandats allait
fonctionner; il prévoyait simplementque la Commission serait chargée
de recevoir et d'examiner les rapports annuels des Mandataires » et
«de donner au Conseil son avis ».On ne trouve dans cet article aucune
allusion à la pratique qui s'est établieet en vertu de laquelle les repré-
sentants des Mandataires se présentaient régulièremend tevant la Com-
mission à Genèveet y étaient souvent soumis à un interrogatoire serré,
encore qu'en général, à l'époquede la Société des Nations, la courtoisie
de rigueur dans les échanges diplomatiquesfût observéede façon beau-
coup plus stricte que de nos jours à l'organisation des Nations Unies.

A Genève, on s'exprimait rarement en termes rudes et violents, la
rédaction des résolutions s'inspiraitdu style diplomatique le plus pré-
cautionneux et d'une manière généralo en évitaitde placer un membre
dans une situation gênante. Il n'en est que plus frappant de relever la
vigueur de certaines des critiques formulées à la Commission et à
l'Assemblée,par exemple à propos de la rébelliondes Bondelswarts qui
a fait l'objet de débatsen 1922, 1923et 1924.En 1928,lors de la quator-
zième sessionde la Commission, l'Afrique du Sud étaitreprésentéepar
M. Werth. Il a parlédes critiques formuléesdans une pétition provenant
de Rehoboth et s'est référé à ((la gravité desimputations formulées))
par la Commission. Il a dit qu'il avait ((surp...une nuance d'impa-

tience,je pourrais presque dire une note de mécontentement etde déplai-
sir» (p. 60). Lord Lugard a répondu à M. Werth (p. 98). M. Merlin a
déclaré:«Le rapport dont il s'agit était si décousu que la lecture en
était impossible» (p. 67). M. Rappard a dit ne pas connaître
((de lecture plus déprimante que celle des pages 29 et suivantes

du rapport de 1927,non pas seulement à cause des situations dé-
peintes, mais parce qu'il semble en résulter dela part des auteurs
du rapport, des commissaires des districts et des magistrats, un
certain manque de sympathie humaine ...Les auteurs du rapport
paraissent toujours se placer au point de vue des intérses blancs,
même entraitant de la question des indigènes. )(P. 101-102).

Sans êtrecaractéristiquesde toutes les sessions de la Commission, de
telles critiques ne sont pas des exemples isolés.
Il est exact que les membres de la Commission permanente des Man-
dats étaientdes experts choisis à titre personnel mais cela n'a pas em-
pêché certains d'entre eux de participer, comme déléguéd se leur pays,
à l'Assembléede la Société desNations, où en qualitéde représentants
nationaux ils prenaient une part active aux débats politiques sur les
événements survenusdans les territoires sous Mandat.
Indépendamment des modifications que la Commission permanente

400des Mandats allait connaître dans sa nature et son fonctionnemant,
l'Afrique du Sud en tant que Puissance mandataire ne pouvait pas
savoir comment les organes de la Sociétédes Nations évolueraient. Le
Conseil devait bien être le principal organe desurveillance, mais c'était
un organe dont la composition changeait sans cesse. Aux termes de

l'article 4 du Pacte, il devait être composé de représentants des cinq
Principales Puissances alliéeset associées,ainsi que de représentants de
quatre membres non permanents désignés par l'Assemblée.Comme les
Etats-Unis d'Amériquesont restéshors de la Sociétédes Nations, les
grandes Puissances, mêmeau départ, n'avaient pas la majorité. Deux
autres petites Puissances ont été ajoutéesen 1922, et, à partir de ce
moment, les petites Puissances ont toujours eu la majorité;à partir de
1926,il y a eu neuf membres non permanents1.
Ni l'article 22 du Pacte, ni le texte du Mandat n'indiquaient que l'As-
sembléede la Société desNations dût jouer un rôle quelconque. On ne
prévoyait pas alors comment l'activitéde l'Assembléeévoluerait dans

le cadre de l'article 3, paragraphe 3, du Pacte, bien que cet article 3
régit,au mêmetitre que l'article 22, la répartition desattributions entre
les organes de la Société. L'Assemblée est devenue ((l'organe central
de la Société»(Walters, op. citvol. 1,p. 127)et, dèssa premièresession,
a insistéchaque annéepour procéder à un examen du fonctionnement
du systèmedes Mandats.
A sapremière session, l'Assembléea décidéquela SixièmeCommission
s'occuperait de la partie du rapport du Conseil relativeaux Mandats
(Burton, The Assemblyof the League of Nations, 1941,p. 79-80). Lord
Robert Cecil a défendu vigoureusement les droits que l'Assemblée
tenait de l'article 3 (ibid.,p. 214-220).A chaque Assemblée,la délégation
norvégienne soulevaitla question de l'examen desMandats et l'examen

annuel auquel procédait la SixièmeCommission était loin d'êtretou-
jours une simple formalité. En 1922,ce qu'on a appeléla rébellion des
Bondelswarts au Sud-Ouest africain a vivement ému les membres de
l'Assemblée. M.Bellegarde (Haïti) est intervenu énergiquement et
l'Assembléea adopté une résolution à l'unanimité. La Commission
permanente des Mandats a établi un rapport (Annexes aux procès-
verbaux de la troisième session,p. 290 et suiv.) qui constituait en réalité
un blâme à l'adresse de l'Afrique du Sud et elle a critiqué sévèrement
celle-cipour n'avoir pas tenu la promesse qu'elleavaitfaite'Assemblée
de procéder à une enquêteofficielle.A la quatrième session de l'Assem-

blée,tenue en 1923, le représentant sud-africain a protesté et défendu
son gouvernement mais l'Assembléea adoptéune résolution exprimant
son regret de ce que la Commission permanente des Mandats n'ait pas
pu faire étatdans son rapport d'une situation satisfaisante au Sud-Ouest
africain et elle a formulél'espoir qu'à l'avenir les rapports de l'Afrique
du Sud apaiseraient les inquiétudes.Dans son rapport annuel suivant,
l'Afrique du Sud a déclaré quedes modifications avaient été faites
(Commission permanente des Mandats, Procès-verbauxde la quatrième
session,p. 42, 46, 59, 78, 112et 119).

l La règle de l'unanimité n'était pas toujours appliquée.
401 On trouve aussi un exemple frappant de l'intérêt quel'Assemblée
a porté aux problèmes de l'administration des Mandats dans les actes
de la septième session ordinaire de l'Assemblée(Société desNations,
Journal ofJiciel,supplément spécianlo 50, procès-verbauxde la Sixième
Commission, 1926, p. 16-26).A cette occasion, il y a eu une discussion
très vive au sujet de deux propositions que la Commission permanente
des Mandats avait faites au Conseil et qui avaient suscitéune certaine
opposition parmi les membres du Conseil. Les propositions portaient
sur l'élaborationd'un questionnaire plus détaillé etsur le point de savoir
s'il étaitpossible la Commission de procéder à des auditions de péti-

tionnaires. M. van Rees, vice-président dela Commission permanente
des Mandats, a exposéà l'Assembléelesmesuresprisespar la Commission,
puis deux membres de la Commission, présents enqualitéde représen-
tants de leur pays à l'Assemblée,Mme Bugge-Wicksell (Suède) et le
général Freired'Andrade (Portugal), lui ont succédé àla tribune.
Le représentantde l'Afrique du Sud a pris part aux débatsde17Assem-
bléequi viennent d'êtreévoqués mais il est arrivé , de nombreuses
reprises, que des dispositions importantes touchant l'administration
des Mandats aient étéprises sans que l'Afrique du Sud, Puissance
mandataire, se sente apparemment suffisamment intéresséepour se
faire représenter. La situation a été exposéà la Cour dans le dossier
transmis par le Secrétaire général des ations Unies,à propos de l'avis
consultatif de la Cour du7juin 1955sur la Procédurede vote applicable

aux questions touchantles rapports et pétitionsrelatifs au Territoire du
Sud-Ouest africain:
((Ence qui concerne la participation au Conseil des Mandataires
qui ne faisaient pas partie de cet organe, on note un évolution
graduelle de la'pratique. Lorsque la Sociététaità ses débuts,tous
les Mandataires étaient membres du Conseil, à l'exception destrois
dominions :l'Australie, la Nouvelle-Zélandeet l'Afrique du Sud.
Un représentant de l'((Empire britannique)) siégeait au Conseil
en qualitéde membre permanent, mais pendant les trois premières
annéesde la Sociétéa ,ucun représentant spéciald'un dominion ne

fut jamais délégué au Conseil. Au cours de ces trois années, des
décisions très importantes furent prises, telles par exemple la
créationde la Commission permanente des Mandats, l'approbation
des termes du Mandat en vertu duquel les dominions devraient
administrer les Territoires mandatés, l'invitation faite aux Manda-
taires de fournir des rapports, l'adoption du règlement intérieur
de la Commission permanente des Mandats, ainsi que l'examen
des deux premiers rapports de la Commission. Cette absence des
dominions n'est cependant pas imputable àla pratique en vigueur
au sein du Conseil, mais plutôt à des arrangements propres au
Commonwealth britannique concernant la représentation diplo-
matique de ses membres.
La première fois que des représentants spéciaux desdominions
assistèrentaux discussions du Conseil sur des questions de Mandat

fut le 20 avril 1923, dateà laquelle on examina le statut national
402 des habitants des Mandats B et C. A cette occasion, le représentant
de l'Union sud-africaine fut désignépour faire partie d'un comité
de rédaction chargé d'élaborer une résolution à soumettre au
Conseil.
........................
Les Mandataires avaient indubitablement le droit de siégerau

Conseil chaque fois que l'on y discutait des rapports de la Com-
mission permanente des Mandats concernant leurs Mandats res-
pectifs ou que 1'01y discutait de questions intéressant les Mandats
en général,que ces questions aient étésoulevéespar la Commission
des Mandats ou non. Par contre, jamais aucun Mandataire qui
n'étaitpas membre du Conseil ne prit part à l'élection des mem-
bres de la Commission permanente des Mandats. Les Mandataires
qui n'étaient pas membres du Conseil ne participèrent pas aux
décisionsinitiales de caractère généralqui furent prises entre 1920
et 1922concernant l'organisation générale du système desMandats,
probablement pour des raisons qui n'intéressentpas notre sujet.
Trois de ces Mandataires siégèrentcependant au Conseil en 1927,
au moment où il fut décidéde créerun siègesupplémentaire à la

Commission des Mandats, afin de permettre la nomination d'un
représentant allemand. ))(C.I.J. Mémoires,1955, p. 45 et suiv. -
les notes sont omises.)
Il ne serait pas exact non plus de dire que la Commission permanente
des Mandats ne discutait du Mandat pour le Sud-Ouest africain qu'en
présence d'un représentant du Mandataire. M. Lauterpacht a relevé
sept cas où l'Afrique du Sud n'étaitpas représentée à des séancesdu
Conseil consacréesaux affaires du Sud-Ouest africain (opinion indivi-
duelle,C.I.J. Recueil 1955, p. 103). Mêmelorsque des représentants de
l'Afriquedu Sudparticipaient àune sessiondela Commissionpermanente

des Mandats, celle-ci avait généralementcoutume de débattre les pro-
blèmesduMandat à titre privé,avant l'arrivéedu représentant du Man-
dataire et, le cas échéant,après son départ.
Le rôle du secrétariatde la Société desNations dans l'administration
du systèmede surveillance des Mandats était lui aussi important. Les
renseignements contenus dans les rapports émanant des Mandataires

((étaientcomplétésnon seulement par l'audition annuelle des repré-
sentants accrédités, maisaussi par un grand nombre d'autres docu-
ments utilisables: monographies publiéespour les Gouvernements
mandataires et par eux, résultats d'enquêtestechniques anthropo-
logiques ou autres, coupures de journaux ou autres périodiques,
comptes rendus des débats des organismes consultatifs locaux ou
des parlements des Etats mandataires, pétitionsémanantdes terri-
toires ou les concernant, etc. Toute cette documentation était
soigneusement triée par la section des Mandats du Secrétariat
de la Société desNations et chacun de ses éléments faisait l'objet
d'un examen attentif par certains au moins des membres de la
Commission. On peut donc admettre qu'aucun événementde

403 quelque importance qui sesoitproduit dansl'un quelconque dester-
ritoires sous Mandat n'a échappé à l'attention de l'organisme de

surveillanc..» [Le Japon constituait une exception.] (Rappard,
((The Mandates and the International Trusteeship Systems)),
Political Science Quarterly, vol. LXI, 1946; reproduit dans ses
Varia Politica, 195-,p. 183.)
L'évolutionet les changements survenus dans le fonctionnement du
systèmede la Sociétédes Nations enmatièrede surveillancedes Mandats,
systèmequi est décrit plushaut, ont été acceptés par l'Union sud-afri-
caine ou ont fait l'objet d'un acquiescement de sa part. Le. dossier ne

permet pas d'affirmer qu'en acceptant les obligations définiesdans le
Mandat l'Union sud-africaine n'ait donné son acquiescement qu'à
certaines modalités précises de surveillance qu'elleconnaissait au préa-
lable. Ce n'est pas parcel'Afrique du Sud a consenti à se soumettre à
la compétence de la Cour permanente de Justice internationale, sans
faire très attentionla nature de cette compétence,que l'on doit contes-
ter le droit ou intérêt juridique quees demandeurs ont invoquéavec
pertinence en l'espèce.

SECTION VII. ABSENCE DE PRÉCÉDENTS JUDICIAIRES CONCERNANT DES
REQUÊTES COMME CELLES QUI ONT ÉTÉ DÉPOSÉES EN L'ESPECE
On peut demander pourquoi aucun Etat n'a, durant l'existence de

la Sociétédes Nations, fait appelàla juridiction de la Cour dans l'inté-
rêt généradle la bonne administration du Mandat, s'il est vrai que le
deuxièmealinéa de l'article7 donnait bien ce droit aux Etats. De nom-
breuses explications sont possibles. On pourrait tout d'abord, en guise
de réponse, demander aussi pourquoi, durant toute l'existence de la
Société des Nations, la Cour ne s'est vue saisie,relativementes Man-
dats, que des réclamationsprésentéespar la Grèce, pour le compte de
Mavrommatis, dans l'exercice du droit concédé auxEtats de porter
devant la Cour les griefs de leurs ressortissants?

En 1929,levice-présidentde la Commissionpermanente des Mandats,
M. van Rees, a présentépar écrit àla Commission certaines réflexions
que lui avaient inspirées des articles parus dans la pressela suite de
plaintes visant des pratiques appliquées dans certains territoires sous
Mandat. Il a dit qu'on oubliait que:
«lesMandats eux-mêmess ,ansexception,offrentauxgouvernements
[des] auteurs un moyen beaucoup plus efficace pour remédier à

l'état dechoses signaléque ne l'est l'intervention invoquée, soit de
la Commission des Mandats, soit de l'opinion publique.
Ce moyen est fourni par la disposition figurant dans tous les
Mandats et aux termes de laquelle la Puissance mandataire est
tenue d'accepter que tout différend,quel qu'il soit, qui viendrait
à s'éleverentre elle et un autre Membre de la Sociétédes Nations,
relatifà l'interprétation ou à l'application des dispositions du
Mandat et qui ne serait pas susceptible d'êtreréglépar des négo-
ciations,soitsoumis àla Cour permanentedeJusticeinternationale. » (L'expérienceprouve que les inconvénients dus aux divergences
de vues qui existent quantàl'interprétation d'une convention inter-
nationale générale de caractère technique revêtent rarement assez
de gravité, de l'avis des responsables de la politique étrangère

d'un Etat, pour les inciter à endosser la responsabilité politique
d'une action contentieuse contre un autre Eta))(C. Wilfred Jenks,
dans Annuaire de l'Institut de droit international,vol. 45. 1954,
Ire partie, p. 378.)
Cette attitude des gouvernements explique peut-être la rareté des

affaires portées devant la Cour en matière de Mandats, mais on ne
saurait, s'agissant d'interpréter le deuxième alinéa de l'article 7 du
Mandat pour le Sud-Ouest africain, arguer de cette rareté pour écarter
une affaire quand il en est déféré unà la Cour, ce qui s'est maintenant
produit. Il y a égalementlieu de noter que, si le Conseil de la Société
des Nations n'a jamais demandé àla Cour permanente de Justice inter-
nationale d'avis consultatif sur un Mandat - alors qu'il en avait indé-
niablement le droit en vertu de l'article 14 du Pacte -, l'Assemblée
générale desNations Unies a demandé à la Cour internationale de Jus-

tice trois avis consultatifs sur le Mandat pour le Sud-Ouest africain.

SECTION VIII. RÉDACTIO NES ACCORDS DE TUTELLE DES NATIONU SNIES

Pour étayer son interprétation du deuxième alinéa de l'article 7 du
.Mandat pour le Sud-Ouest africain, la Cour invoque, dans son arrêt,
les accords de tutelle conclus dans le cadre des Nations Unies. L'argu-
ment a été développé dans l'opinion individuelle de sir Percy Spender
en l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 84 et
suiv.). Le fait est que des clauses juridictionnelles très semblablesle
qui figure au deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest
africain ont été inscrites danstous les accords de tutelle sauf ceux qui
concernaient la zone stratégique des îles du Pacifique relevant des

Etats-Unis et les deux tutelles dont l'Australie était chargée, savoir
la Nouvelle-Guinée et Nauru.
Les accords de tutelle ont éténégociésaux Nations Unies à partir de
1946dans des conditions totalement différentesde celles dans lesquelles
les accords de Mandat avaient éténégociésen 1919 et pendant les
années suivantes. Comme on l'a vu, l'accord s'est d'abord réaliséen
1919 sur les territoiresà placer sous Mandat, après quoi les termes
des Mandats ont étémis au point par 4a Commission Milner en 1919
puis approuvés par le Conseil des chefs de délégation à la conférence

de la paix. Bien que l'Assembléede la Société desNations ait insisté
plus tard pour connaître le texte des projets, les Principales Puissances
alliéeset associéesont établi d'un commun accord le libellé desMandats
que le Conseil de la Société desNations a ensuite confirmé; les Puis-
sances ne se sont pas prêtées à un débat contradictoire à l'Assemblée.
Mais l'Union sud-africaine n'avait aucun droit à continuer d'adminis-
trer le territoire du Sud-Ouest africain tant qu'elle n'acceptait pas l'ac-

406cord de Mandat (j'ai indiqué le détailde ces opérations dans mon
opinion individuelle de 1962,pages 387-401je reviens sur certainspoints
dans la présente opinion).
Au contraire, la Cour a dit dans son avis consultatif de 1950queles
dispositions du chapitre XII de la Charte n'imposent paà l'Union sud-
africaine l'obligation juridique de placer le territoire sous le régimede
tutelle (C.I.J. Recueil1950,p. 144).Tous les Etats détenteurs deMandat
ayant ainsi la liberté deplacer ou de ne pas placer sous le régimede tu-

telle leur territoire sous Mandat, ils avaient beau jeu de dicter les dispo-
sitions qui devaientêtre inscritesdansles accords de tutelle, ce qui n'em-
pêched'ailleurs que les projets ont été longuement discutésà la Sous-
Commission 1 de la Quatrième Commission de l'Assemblée générale,
à laquelle il incombait d'approuver les accords en vertu de l'article 85
de la Charte.
Conformément aux articles 82 et 83 de la Charte, les Etats-Unis
ont présenté un projet relatif une tutelle de caractère stratégiquesur
les îles du Pacifique antérieurement placées sous Mandat japonais
et le texte en a été examiné non pas à l'Assemblée généralm e ais au
Conseil de sécurité.Les Etats-Unis n'ont pas opté pour l'introduction
d'une clause juridictionnelle dans cet accord de tutelle concernant une

zone stratégique, où les droits d'inspection peuvent aussi êtrelimités.
Ils ont adresséce projet aux autres membres du Conseil de sécurité,
ainsi qu'à la Nouvelle-Zélandeet aux Philippines, quelques mois avant
d'en saisirle Conseil lui-même (voirArmstrong et Cargo, ((TheInaugu-
ration of the Trusteeship System of the United Nations »,Department
of State Bulletin, vol. XVI, 23 mars 1947, p. 521). D'autres gouverne-
ments ont suivi une pratique semblable pour les accords de tutelle et
les Etats-Unis ont fait de nombreuses observations et suggestions sur
les projets qui leur étaient transmis avant d'êtreofficiellementdiscutés
l'Assemblée générale D.ans les débats qui ont eu lieu ultérieuremenà
la Quatrième Commission de l'Assemblée générale , . Thomas, porte-
parole du Royaume-Uni, a dit que le Gouvernement des Etats-Unis
avait étéle seulà proposer des amendements aux projets britanniques.

Ces amendements
«ont étédiscutéslonguement; certains ont été adoptés tels quels,
d'autres avec des modifications, tandis que d'autres étaient retirés
d'un commun accord; un seul a étéréservépour être soumis à
l'Assemblée généra ».e(Nations Unies, Documents officielsde I'As-
sembléegénérale,secondepartie de la première session, Quatrième

Commission,premièrepartie, p. 160.)
S'il est vrai que les débats qui ont eu lieu dans les commissions de
l'Assemblée généraloent été approfondis, iln'en reste pas moins qu'un
Etat ne pouvait êtrecontraint en aucun cas d'accepter une disposition
dont il ne voulait pas.
L'accord de tutelle pour la Nouvelle-Guinée,qui intéressait l'Austra-
lie, a été approuvé par l'Assemblée générallee 13 décembre1946 avec

sept autres accords de tutelle. Le projet d'accord concernant Nauru a
407étéprésentéconjointement par l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le
Royaume-Uni le 27 septembre 1947.
SirPercy Spender a noté à juste titre dans son opinion individuelle
en l'affaire du Cameroun septentrional(p. 85) que la Sous-Commission
de la Quatrième Commission de l'Assembléegénéralea commencé
par étudierle projet d'accord de tutelle proposépar la Nouvelle-Zélande
pour le Samoa occidental et que ce texte a servi de base aux débats
dont les autres tutelles ont ensuite fait l'objet. Mais d'autres projets
ont été discutésà part. Pour ce qui est du projet australien concernant
la tutelle sur la Nouvelle-Guinée,les Etats-Unis ont proposé de nom-
breuses modifications (Nations Unies, Documents oflciels de I'Assem-

bléegénérales ,econdepartie de la première session, QuatrièmeCommis-
sion, deuxièmepartie, annexe 5 b), p. 242).
L'opinion individuelle dont il s'agit donneà penser que la question
était desavoir sile projet d'accord de tutelle relatifNouvelle-Guinée
était acceptable pour la Sous-Commission de la Quatrième Commis-
sion. Or, en fait, le problème qui s'est poséétaitde savoir si les sugges-
tions émanant de la Sous-Commission ou de ses membres étaientaccep-
tables pour l'Australie. Tout au long de ces débats, l'Australie a eu
pour représentant le professeur Kenneth Bailey (tel était alors son
titre), qui avait jouéun rôle éminentdans la préparation de la Charte
à la conférencede San Francisco. Il a précisétrès nettement la position
du Gouvernement australien, ainsi que cela ressort des passages sui-
vants de ses déclarations qui sont extraits des procès-verbaux de la
Sous-Commission :

«[M. Bailey] est..étonné quel'on suggèreque la décision prise
pour le Samoa occidental pourrait servir d'indication en vue des
décisions à prendre au sujet d'autres projets d'accords.»(P. 121.)

«la tâche de la Sous-Commission consiste essentiellement à négo-
cier avec les gouvernements qui présentent les textes» (p.141).
«M. Bailey (Australie) déclareque l'examen de l'accord par la
Sous-Commission n'a pas pour objet l'élaboration d'un nouveau
texte. La tâche de la Sous-Commissionconsiste à négocier,au nom
de l'Assembléegénérale,avec les autorités chargéesde l'adminis-
tration, età leur proposer les modifications qui lui paraîtraient né-
cessaires.Il appartientà ces autoritésde dire si elles sont d'accord
ou non avec les modifications proposées. »(P. 192.)
((Annexe 5 f). Délégationde l'Australie. Commentaires sur les

propositions de modification au projet d'accord de tutelle pour
le territoire sous Mandat de la Nouvelle-Guinée [p. 246 à 2481.
1. A la lumière des discussions qui ont eu lieu au sein de la
Sous-Commission, tant au sujet du projet d'accord pour le Samoa
occidental qu'à l'occasion de la premièrelecture du projet d'accord
pour la Nouvelle-Guinée, la délégationde l'Australie a examiné
attentivement les modifications proposéespar d'autres délégations.
En exposant son point de vue à l'égarddesdites propositions, la
délégationaustralienne recherchera la concision au risque de s'ex-

408 primer avec une certaine brusquerie qui, elle l'espère,ne sera pas
mal interprétée.

Préambule ...Les dispositions nouvelles proposées ne semblent
pas nécessaires ...
Article 2 ...La délégationde l'Australie croit savoir que cette
proposition a été retirée ...
Article 3...La délégationdel'Australie croit savoir que ces modi-
fications ont été retirées...
Article 4. Première propositionde modijication.
La partie a) de la proposition ne peut êtreacceptée ...
La proposition b) ne semble pas nécessaire ...

Deuxième proposition de modijication. Cette proposition ne
semble pas nécessaire.
Troisième proposition de modijication ...cette proposition ne
semble pas nécessaire.
Quatrième propositionde modzjïcation.Cette proposition ne peut
êtreacceptée.
Article 5. Première proposition de modijication.La suppression
proposée ne semble pas nécessaire.
Deuxièmeproposition de modijication.La proposition tendant à
supprimer cet article ne peut êtreacceptée ...
Troisièmeproposition de modijication ...cette proposition ...ne
peut être acceptée ...
Article 7 ... Trois modifications sont proposées à cet article.
Elles ne peuvent êtreacceptéespar la délégation de l'Australie ..1)

Un rapport complémentaire dela délégation australienne (annexe5h)),
p. 248)contient un résuméde certains des points sur lesquels,selon cette
délégation, ilse dégageait à la Sous-Commission un ((avisgénéral))et
c'est compte tenu de cet avis qu'elle présentait «à l'approbation de la
Sous-Commission)) un nouveau projet d'article 8 (([sous] réservede
l'approbationen dernier ressortdu gouvernement[australien] ))(p. 250-
les italiques sont de nous).
Les interventions de M. Bailey à la Quatrième Commission elle-même
ne traduisent pas une attitude différente (voir par exemple Nations
Unies, Documents oficiels de l'Assembléegénérale, seconde partie dle a
première session, QuatrièmeCommission,premièrepartie, procès-verbaux
des séances, ler novembre-12 décembre1946,p. 150et 163).
Un projet d'accord de tutelle pour Nauru a été présenté plutsard
par l'Australie, la Nouvelle-Zélandeet le Royaume-Uni. Sesdispositions
étaient très proches decelles qui figuraient dans l'accord pour la Nou-
velle-Guinée. Il ressort du rapport de la Sous-Commission qui a examiné
et approuvé le projet d'accord que personne n'a suggérél'adjonction
d'une clausejuridictionnelle (Nations Unies, doc. AlC.41127,21 octobre
1947). A la Quatrième Commission, le représentant de l'Australie, M.
Forsyth, a commentéles propositions d'amendements ou d'adjonctions
409qui avaient étéfaites. Il n'en a acceptéaucune et le projet d'accord a
étéapprouvé par la Commission (Nations Unies, Documents officiels
de l'Assemblég eénéraled,euxièmesession,QuatrièmeCommission,Tutelle,
comptes rendusanalytiques, 16 septembre-6 novembre 1947, p. 98-104).

C'est dans cette perspective qu'il faut interpréter la déclaration faite
à la Sous-Commission par M. Bailey le 29 novembre 1946sur la non-
inclusion dans leprojet d'accord detutelle pour laNouvelle-Guinéed'une
clause juridictionnelle comparable à celle que contient l'article XVIdu
projet relatif au Samoa occidental:
«M. Bailey (Australie) précise qu'aucun article comparable à
l'article XVI n'a étinsérédans le projet d'accord pour la Nouvelle-
Guinéeparce que l'obligation de soumettre un différend à la Cour
internationale de Justice semble implicitement contenue dans l'en-

gagement pris par l'Australie aux termes de l'article 36 du Statut
de la Cour internationale de Justice, de se soumettre la juridiction
obligatoire dela Cour. On n'a pas incorporécette clause au Mandat
parce qu'au moment de sa publication, la Cour permanente de
Justice internationale n'étaitpas encore installéeet l'on n'avait pas
encore acceptéla clause facultative.)(Op. cit., p. 86.)
Il est vain de chercherà écarterl'explication officielleque l'Australie
a donnée à l'époquesur l'omission d'une clause juridictionnelle et de

s'efforcer de montrer que, l'obligation qui incombait à l'Australie en
vertu de l'article 6 étantlimitéedans sa teneur et dans sa durée,la Sous-
Commission n'aurait pu considérerqu'il y avait là une raison de ne pas
inclure une clause juridictionnelle spéciale dans l'accord de tutelle.
Soutenir quela clausejuridictionnelle a été omise desaccords relatifs aux
tutelles australiennes en raison de l'absence de dispositions conférant
certains droits aux ressortissantsd'Etats tiers, c'est créer rétrospective-
ment, pour étayer une thèse déterminéesans rapport avec la tutelle
pour la Nouvelle-Guinée,une théoriequi peut, tout au plus, se prévaloir
d'uncrrtain parallélismepurement accidentel. Dans l'opinion individuelle
qu'il a déposéeen l'affaire du Camerounseptentrional, sir Percy Spender

a soulignéque le représentant des Etats-Unis
((aretirésa proposition concernant l'adjonction de certains articles
au projet relatif à la Nouvelle-Guinée et, plus précisément,la
proposition tendant à ajouter un article sur ((laprocédure à suivre
en cas de contestations sur l'interprétation et l'application des
dispositions du projet d'accorde. (C.I.J. Recueil963, p. 94, où un
renvoi est fait aux pages 163-164des procès-verbaux de la Sous-

Commission.)
Mais il a tout aussi ((précisémen )t retiré ses propositions concernant
l'adjonction d'«articles relatifs aux organisations régionales,a présen-
tation de rapports annuels et aux fonctions du Conseil de tutelle » en
d'autres termes toutes les propositions que l'Australie ne semblait
pas disposée à accepter. Rien dans le dossier ne justifie la théorieselon
laquelle les Etats-Unis ont retiré leur proposition ayant traitne clause

juridictionnelle parce que leur délégations'est aperçue que la tutelle
410 pourlaNouvelle-Guinéeneprévoyaitl'attributiond'aucun droit individuel
à des ressortissants étrangers, au contraire de la tutelle pour le Samoa
occidental.Rien non plus nejustifielaconclusiondel'opinion individuelle

d'après laquelle la clause juridictionnelle a étéomise de l'accord de
tutelle pour la Nouvelle-Guinéeparceque (l'Assembléeneconsidéraitpas
qu'elleprésentait une utilité quelconque))(C.I.J. Recueil 1963, p. 95).

SECTION IX. INTÉRÊT DE L'ASSEMBL ÉÉNÉRALEET PRÉTENDUE
MANOEUVRE EN VUE DE TOURNER L'ARTICLE 34 DU STATUT

On a aussi contesté la qualité des demandeurs pour agir en l'espèce
en alléguantqu'ils agissaient en tant qu'agents de l'Assembléegénérale

des Nations Unies et non pas dans leur intérêtpropre. Il est vrai que
la requête de l'Ethiopie- àla page 19 - (et mutatis mutandis celle du
Libéria) déclareque l'instance a été introduite((Afinde protéger l'inté-
rêt juridique que l7Ethiopie prend au juste exercice du Mandat, ainsi
que celui d'autres Etats dont la position est la même ..» Le conseil des
demandeurs a mis l'accent par la suite sur les intérêts desautres Etats
et de l'Assembléegénérale desNations Unies. On a soutenu que c'était
abuser des procédures de la Cour, car cela constituait une manŒuvre
en vue de tourner le paragraphe 1de l'article 34 du Statut qui, en stipu-

lant que ((Seulsles Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour»,
empêchel'organisation des Nations Unies ou un de ses organes d'intro-
duire une instance contentieuse pouvant aboutir à un arrêt assorti de
la force obligatoire.
Le défendeuraffirmedans le contre-mémoire (livreIV, p. 448) qu'en
l'espèce lesdemandeurs ne sont à la vérité que des prête-nome sn vue de
l'instance engagée,les véritables parties étant les Etats africains indé-
pendants ...)Mais les demandeurs sont eux-mêmesdeux des Etats afri-
cains indépendants et le fait que d'autres Etats aient le mêmeintérêt ne
les disqualifie pas.

Dans l'affaire relative aux Appelscontre certainsjugements du tribunal
arbitral mixte hungaro-tchécoslovaquel,e Gouvernement tchécoslovaque,
demandeur, a invoquéla nécessité de consulter les Gouvernements rou-
main et yougoslave, parties au traitéen cause dans cette affaire,lorsqu'il
a sollicitéuneprorogation du délaiqui lui avait étéfixépar la Cour per-
manente deJusticeinternationale pour présentersesobservations (C.P.J.I.
sérieC no68, p. 266). La Cour a chargéleGreffierd'informer le Gouver-
nement tchécoslovaque (qu'en tout état decause,lesobservations dont il
s'agit nesauraient êtreenvisagéespar la Cour autrement quecommedesob-

servations présentéesau nom du seul Gouvernement tchécoslovaque ..»
La Cour adéclaré que, sid'autres gouvernementsdésiraientprésenterleurs
propres vuesenleur propre nom,ilsdevraientchercher à intervenir au pro-
cès,comme le prévoit l'article63duStatut (Ioc.cit., p. 272).Mais la Cour
n'a pas dit que le fait pour la Tchécoslovaquied'avoirles mêmesintérêts
que d'autres pays lui ôtait qualité pour déposer une requête devantla
Cour. Aurait-elle décidé qu'iln &ait ainsi, au cas où la Tchécoslovaquie
aurait émisle désirde consulter un plus grand nombre dYEtats?Deux

411 Etats Membres de l'organisation des Nations Unies ont déposé une
requêtedans la présente affaire; quatre Etats Membres de la Société
des Nations ont introduit une instance dans l'affaire du VapeurWimble-

don et celle de l'Interprétationdustatut duerriteire de Memel. Dans l'af-
faire relative la Juridiction territoriale de la Commissioninternationale
del'Oder,ily avait six demandeurs (1929, C.P.J.I. sérieA no23).Lorsque
plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent que pour une
seule (voir l'article 31, paragraphe du Statut). Dans la présente affaire,
les deux requêtesont étéjointes; cela serait également possibles'il y
avait vingt demandeurs, ou plus.
On se souviendra que dans l'affaire de Memel,le rapporteur du Con-
seil de la Société desNations, déplorant qu'un vote unanime ne puisse

être obtenuen vue de demander un avis consultatif, a pressé lesquatre
Puissances principales d'intenter une action contre la Lithuanie devant
la Cour permanente surla base de l'article 17dela Convention du 8mai
1924. Le représentant de la Lithuanie a dit que le Conseil tout entier
étaitpartie au différend (Société deNs ations, Journaloficiel, 13 février
1932, p. 540). Les quatre Puissances ont effectivement intenté l'action
et la Cour permanente a jugé l'affairesans donner à entendre que la
requête étaitabusive ou qu'elle tournait l'article 34 du Statut, qui était
analogue en substance à cet égard à l'article 34 du Statut de la Cour

internationale de Justice. La situation pourrait êtrela mêmeen ce qui
concerne l'une quelconque des nombreuses organisations internatio-
nales qui ont maintenant le droit de demander à la Cour un avis consul-
tatif (voir leur liste dansC.I.J. Annuaire 1964-1965,p. 34-35), lorsque
l'acte constitutif de l'organisation permet égalementaux membres de
demander à la Cour d'interpréter ses dispositions l.
Quand on reconnaît ainsi aux membres d'une organisation le droit de
prier la Cour d'interpréterles dispositions d'un acte constitutif ou d'un
autre traité fondamental, la clause leur donnant ce droit est le seul
titre dont ils ont besoin pour obtenir jugement; ils n'ont pas invoquer

une autre disposition de droit leur reconnaissant spécifiquementun
« intérêtjuridique».

Le défendeura égalementaffirméque l'instance actuellement engagée
contre lui doit êtreconsidérée commefaisant partie d'une campagne
politique (contre-mémoire, livre IV, p. 446 notamment). Qu'il y ait eu
et qu'il continue d'y avoir une opposition vigoureuse à la pratique de la
politique d'apartheiddans leterritoire sousMandatdu Sud-Ouestafricain,
cela est évident.Cette opposition s'étend à la pratique de l'apartheid

Voir l'Acte constitutif de l'organisation des Nations Unies pour l'Alimentation
et l'Agriculture, 1945, amendéen 1957, article XVII; Peaslee, International Govern-
mental Organizations, Constitutional Documents, vol. 1, p. 672; Statut de l'Agence
internationale de l'énergieatomique, 1956, article XVII, ibrd., vol. II, p. 938;
Convention créant l'Unesco, 1945, article XIV (prévoyant également une autre
p. 1809; Constitution de l'organisation mondiale de la Santé, 1948, amendée en,
1959, article 75, ibid., p. 1891. dans la République sud-africaineelle-mêmem , ais la Cour ne s'intéresse
pas à ce qui se passe en dehors du territoire sous Mandat. Le rôle de la
Cour - tel que je le conçois- est de trancher un différendrelatifàl'in-
terprétation ou à l'application des dispositions du Mandat etportant sur
la question suivante: la politique et la pratique de l'apartheid dans le
Sud-Ouest africain violent-elles ou non le devoir imposé au Manda-
taire par l'article 2«d'accroître, par tous les moyens en son pouvoir,
le bien-êtrematériel et moral ainsi que le progrès social des habitants

du territoire»?La Cour n'a pas compétencepour examiner la légalité,
en droit international, des pratiques suivies par la République sud-afri-
caine sur son propre territoire.
Toutefois, comme le défendeur a cherché à nier que les demandeurs
aient un intérêt juridiquelégitimedans la présente instance, en préten-
dant qu'elle s'inscrit dans une campagne des Etats africains contre le
défendeur(voir la plaidoirie du conseil du défendeur,26 octobre 1965,
C.R. 65/87, p. 45 et suiv.), il convient de dire un mot à ce sujet. A
certains moments, le conseil du défendeur aparu suggérerque la (cam-

pagne ))était menéeuniquement par d'autres Etats africains, mais il a
reconnu que les critiques avaient commencé bien plus tôt et que des
Etats non africainseux aussiavaient appuyé des résolutions condamnant
la pratique del'apartheid (C.R. 65/87,p. 47; des exemplesde déclarations
émanant de gouvernements non africains sont citésdans la réplique,
p. 76-83).Pour situer l'affairedans unejuste perspective, il est nécessaire
de rappeler que la question de la discrimination raciale en Afrique du
Sud a étésoulevéepour la première fois devant l'Assembléegénérale
par l'Inde en 1946.Le représentant de l'Inde s'est référé auxefforts de

Gandhi en Afrique du Sud en 1907et 1913. Il a proposé une résolution
invitant l'Assembléegénérale à décider que «la manière discriminatoire
dont le gouvernement de l'Union traite les Asiatiques en général,et
les Indiens en particulier, pour des motifs d'ordre racial, constitue un
dénides droits et des libertés fondamentales de l'homme et est contraire
à la Charte ))(Yearbook of the United Nations, 1946-1947,p. 145). De
longues discussions ont eu lieu tous les ans au sujet de la compétence
de l'Assembléegénéralecompte tenu de l'article 2, paragraphe 7, de la

Charteet le problème a reparu à chaque nouvelle session de l'Assemblée.
En 1950, la résolution adoptéepar l'Assemblée généralc eonsidérait
que toute politique de (ségrégationraciale ))(apartheid) repose forcé-
ment sur les doctrines de discrimination raciale)). Ce sont les Etats
d'Asie qui ont soulevédevant l'Assembléele problème plus général de
l'apartheid (ibid., 1950, p. 407). En 1956, par exemple, il y a eu des
résolutions distinctessur les Indiensen Afrique du Sud et sur leproblème
général dela discrimination raciale dans ce pays. Cette seconde résolu-
tion, effectivementadoptée enjanvier 1957,est intervenue à un moment

où quatre Etats africains seulement, en plus de l'Afrique du Sud, étaient
Membres des Nations Unies (ibid., 1956,p. 144; voir la résolution 820
(IX) de l'Assembléegénérale endate du 14 décembre1954).Le conseil
du défendeur a insistésurune participation active « au coursdesdernières
années 1)(C.R. 65/87, p. 48). Il a peut-êtrevoulri dire: après novembre

413 1960,((date critiqu1)à laquelle des requêtesont étédéposéesen l'espèce.
Il n'est pas hors de propos de rappeler que, dans la période qui a
suivi la fin de la première guerre mondiale, la Cour permanente de
Justice internationale et le Conseil de la Société desNations ont été
appelés à maintes reprises à traiter de problèmes juridiques liésà I'an-
tagonisme germano-polonais, qui provoquait de temps à autre des
divergencesd'opinions trèsacerbes (voir Walters,AHistory oftheLeague
of Nations, 1952,vol. 1,p. 406-408).A l'Assemblée générale dN esations
Unies et au Conseil de sécurité, il est malheureusement arrivé souvent

qu'on s'exprime sans modération et sans mesure sur divers points. Il
serait désobligeant de citer des exemples précis,mais la violence avec
laquelle les Membres de l'organisation des Nations Unies ont condamné
la politique et les pratiques d'autres Membres dans des régionssituées
en dehors aussi bien qu'à l'intérieur du continent africain a fréquem-
ment retenu l'attention du public depuis 1946.
Tant la Cour actuelle que la Cour permanente de Justice internatio-
nale ont dû résisteraux effortsquecertainsdéployaientpour lesdétourner

de leur devoir judiciaire enalléguantles motivations politiques de ceux
qui avaient cherché à mettre en mouvement le mécanismejudiciaire
soit en demandant à la Cour un avis consultatif, soit en introduisant
une instance contentieuse. La Cour permanente a été critiquéeau sujet
de l'avis rendu dans l'affaire du Régimedouanier entre l'Allemagne et
l'Autriche(voir Hudson, AmericanJournal of International Law, vol. 26,
1932, p. 1, 9). A l'occasion de cette affaire, MM.Adatci, Kellogg, Rolin-
Jaequemyns, sir Cecil Hurst, MM. Schücking, van Eysinga et Wang

ont fait, dans une opinion dissidente commune, une déclaration digne
d'être notée:
cLes soussignésconsidèrent cGmme nécessaired'indiquer tout
d'abord ce qu'ils croient êtrela mission assignéeà la Cour dans la

présente affaire.La Cour n'a pas à se préoccuper de considérations
politiques ni de conséquencespolitiques. Celles-ci échappent à sa
compétence.
Le Conseil a demandél'avisde la Cour sur une questionjuridique.
[Suit l'énoncéde la question.] Et cette question est, en effet, pure-
mentjuridique, ence sensqu'ellea trait à l'interprétation detraité».
(1931, C.P.J.I. sérieAIB no41, p. 75.)

Telle est la situation dans l'instance contentieuse en cours
Ce point est bien précisépar la Commission judiciaire instituée en
vertu de l'article 26 de la Constitution de l'organisation internationale
du Travail, pour examiner la plainte déposéepar le Gouvernement du
Portugal au sujet de l'observation par le Gouvernement du Libériade

la Convention no 29 de 1930sur le travail forcé:

introduit une instance dans un intérêtgénéral, commeon l'a noté plus haut, ses
mobiles n'intéressentpas le tribunal, mêmesi l'on démontre qu'il intente l'action
à seule fin de se venger du défendeur, par dépit ou malveillance. Voir Corpus
Juris Secundum, vol. 1, p. 1064-1065.

414 ((Dans ces conditions,la Commission ne peut non plus considérer

la plainte comme devant être sommairement rejetée par suite
de son prétendu caractère politique. La Commission n'a pas à
connaître de tel ou tel aspect politique que la question peut avoir;
la tâche qui lui est confiéeest d'examiner judiciairement si, oui
ou non, il y a eu ou il y a de la part du Libéria manquement à
assurer d'une manière satisfaisante l'exécutiondes dispositions de
la Convention (no 29) concernant le travail forcé, 1930, ratifiée
par le Libériale lermai 1931.Pour prendre cette position, la Com-
mission s'estinspiréed'une série dedécisions renduespar la Cour

internationale de Justice dans des affaires où il était soutenu devant
la Cour que celle-ci devait s'abstenir de donner un avis consultatif
en raison de la nature politique des questions sur lesquelles un
avis lui était demandéet notamment des décisionsde la Cour dans
l'affaire relative aux Conditions de l'admission d'un Etat comme
Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte)l et dans l'affaire
relativeà 'Certainesdépensesdes Nations Unies 2. Comme il a été
déclarépar la Cour dans l'affaire relative aux Conditions de I'ad-

mission d'un Etatl, la Commission ((n'apoint à s'arrêteraux mo-
biles qui ont pu inspirer cette demande D; il n'entre pas dans ses
fonctions de les accepter ou de les rejeter; alors que l'on pourrait
peut-être dire, pour reprendre les termes employéspar la Cour
dans l'affaire relativeà Certaines dépenses 3,que la question dont
la Commissionest saisie ((touche à des questionsd'ordre politique »,
la tâche de la Commission est d'examiner judiciairement, sans
égard à de telles considérations,si les obligations de la Constitution
et de la Convention sont exécutéesou ne le sont pas. ))(Bureau

international du Travail, Bulletinosciel, vol. XLVI, no2, suppl. II,
avril1963, p. 171. La Commission se composait de M. Armand-
Ugon, membre de la Cour internationale de Justice de 1952 à 1961,
d'un ancien juge de Ceylan, M. Goonetilleke et du professeur
Castrén (Finlande), qui a une vaste expérience entant que juge
dans les affaires d'arbitrage international, etc.)

Comme la Cour l'a déclarédans l'affaire du Camerounseptentrional
(C.I.J. Recueil 1963,p. 27) :
(La Cour n'a pas à sepréoccuperde savoir siun différendportant

sur le mêmeobjet a existéou non entre la Républiquedu Cameroun
et les Nations Unies ou l'AssembléegénéraleD . e l'avis de la Cour,
il suffit de constater que, eu égardaux faits déjàexposésdans le
présent arrêt,les positions opposées desParties pour ce qui con-
cerne l'interprétation et l'application des articles pertinents de
l'accord de tutelle révèlentl'existence entre la République du
Cameroun et le Royaume-Uni, à la date de la requête, d'undiffé-

C.Z.J. Recueil 1947-1948, p. 61.
* Ibid., 1962, p. 155-156.
Zbid., p. 155. rend au sens admis par la jurisprudence de la Cour actuelle et de
l'ancienne Cour.))
Il est égalementvrai dans la présente affaireque la Cour n'a pas
à se préoccuper de savoir si un différendportant sur le mêmeobjet a
existéou non entre la République sud-africaine et l'organisation des
Nations Unies ou l'Assembléegénérale.

On a avancéun autre argument qui, s'il étaitbien fondé, prouverait
l'existence du droit des demandeurs à intenter une action en vertu du
deuxième alinéade l'article 7 du Mandat. Dans la première des con-
clusions finales que son agent a luesà la Cour, le 5 novembre 1965,le

défendeura affirmé:
((Que le Mandat pour le Sud-Ouest africain dans son ensemble
est devenu caduc lors de la dissolution de la Société desNations et
que le défendeurn'est plus en conséquence soumis à aucune des
obligationsjuridiques découlant du Mandat. ))

Il a déjàétésignalé qu'aucun des soi-disant «faits nouveaux » pré-
sentéspar le défendeurn'amènerait la Cour à reconsidérer lepoint de
vue qui est le sien depuis 1950, savoir que le Mandat n'est pas devenu
caduc lors de la dissolution de la Sociétédes Nations. Sur ce point, la
Cour a étéunanime en1950et aucuneopinion contraire n'a été exprimée
en 1955ni en 1956.En outre, il demeure, comme la Cour l'a précisédans
son avis consultatif de 1950 et rappelé dans son arrêt de 1962, que

«Sile Mandat avait cesséd'exister,commele prétendle Gouverne-
ment de l'Union, l'autorité decelle-ciaurait égalementcessé d'exis-
ter. Rien ne permet de conserver les droits dérivésdu Mandat
tout en répudiant les obligations qui en découlent.(C.I.J. Recueil
1962,p. 333.)

Au cours de la présentephase de l'affaire, le défendeura cherché à
surmonter cette difficultéen faisant valoir qu'il avait, eu égard au Sud-
Ouest africain, un titre fondé sur la conquête.Le 27 mai 1965,le con-
seil du défendeura déclaré (C.R.65/39, p. 37): «Le défendeurprétend
que la nature juridique de son droit est celle qui est reconnue en droit
international comme découlant d'une conquête militaire.Il est douteux
que le défendeurait attaché beaucoup de prix à cet argument qui est, de
toute manière, dénuéde tout fondement juridique.
C'est une banalité de dire que le droit international ne reconnaît
pas detitre fondé surla conquêtemilitaire.l suffirade citer un passage de

l'ouvrage Oppenheim(par Lauterpacht, 8e éd. vol.1, p. 567):
«La conquêten'est un mode d'acquisition que si le conquérant,
après l'avoir établie fermement, annexe officiellementle territoire.
Une telle annexion a pour effet que l'Etat ennemi cesse d'exister;
eile met donc fin à la guerre. Cette manière de finir la guerre
s'appelant la subjugation, c'est la conquêtesuivie de la subjugation

416 et non la conquêteseule qui créeun titre et constitue un mode

d'acquisition territoriale. Pourtant, il est toutà fait habituel de
parler du titre fondé sur la conquête, ettout le monde comprend
par là la subjugation après la conquête. Mais ilfaut préciserque, si
un belligérantconquiert une partie du territoire ennemi et oblige
par la suite dans le traité depaix 1'Etatvaincu à lui céder leterri-
toire ainsi conquis, le mode d'acquisition n'est pas la subjugation,
mais la cession.))

Or, il est bien connu que l'Allemagne n'a pas cédéle Sud-Ouest
africain à l'llfrique du Sud et que l'Afrique du Sud n'a pas conquis
la totalitédu territoire allemand.
Je ne pense pas qu'en dehors des précisionsqui ont été donnéec si-
dessus au sujet de la question de Palestine, il soit nécessaired'ajouter
grand-chose aux déclarationsfaites par la Cour, ainsique par sirArnold,
McNair et M. Read dans leurs opinions individuelles, en 1950,puis de

nouveau par la Cour en 1962 sur le fait que le Mandat a survécu à la
dissolution de la Société desNations. Il est intéressant toutefois de
prendre note d'un mémorandum que le Secrétariatdes Nations Unies
a préparéen 1950 à la demande du Conseil économiqueet social sur la
question du statut juridique qu'avait à l'époquele régimeétablipar la
Société desNations et sous son égidepour la protection des minorités.
Ce mémorandumest en grande partie pertinent eu égardaux Mandats l.
Il étudie les principes générauxrégissant l'extinction des obligations
juridiques internationales et les divers facteurs ou circonstances justi-

fiant un changement qui doivent être examinés. Dans les premières
pages, le mémorandum affirme:
«Une obligation internationale conserve sa valeur tant qu'elle
n'est pas affectéepar un fait qui constitue une cause d'extinction
de ladite obligation. De là il découleque l'extinction de l'obliga-

tion ne se présume pas. Il faut établir le fait, tel que l'arrivéedu
terme, la disparition de l'objet de l'obligation, qui a mis fin à
l'obligation» (P. 8.)
Et le mémorandum de préciser que la deuxième guerre mondiale
((comme telle n'a pas constitué une cause d'extinction des engagements
en matière de minorités » (p.14).

A la page 16 figure un paragraphe intitulé ((Thèse selon laquelle
les déclarations seraient devenues caduques » où il est préciséqu'«à
l'appui de cette thèse, on fait valoir les arguments suivant». C'estdans
la présentation de ces arguments que le mémorandum indique: «La
disparition de la Sociétédes Nations a entraînél'extinction de l'obliga-
tion.» Un autre argument encore est avancé, à savoir que ((juridique-
ment les Nations Unies ne sont pas les csuccesseurs » de la Société des

l 11 s'agit du document ElCN.41367, du 7 avril 1950; il est complétépar le
document E/CN.4/367/Add. 1, du 27 mars 1951,où le Secrétariatrépondàcertaines
des critiques dirigées contre le premier mémorandum et examine divers faits
nouveaux. Nations ». Le Secrétariat formule à propos de ces arguments les obser-
vations suivantes:
«Sans doute, comme on l'a dit plus haut (p. 16)les Nations Unies
ne sontpas juridiquement les successeursdela Sociétédes Nations ...
Mais les Nations Unies comme la Société des Nations sont l'organe

représentatif dela communauté internationale et à ce titre elles
possèdent une vocation à reprendre les fonctions exercéespar la
Société desNations et à tenir la place que tenait la Sociétédes
Nations vis-à-vis des Etats qui avaient souscrit des engagements
devant les organes de la Société desNations. » (P.20.)
Puis, après avoir cité des extraits de résolutions des Nations Unies,
notamment de la résolution 24 (1) de l'Assembléegénéraleen date du
12 février 1946, le Secrétariat poursuit:

«Sans doute jusqu'à présentl'Assembléegénéralen'a pas décidé
que les Nations Unies reprendraient les fonctions qu'exerçait la
Société desNations en matière de protection des minorités,mais
du moment que la section c) de la résolutionprévoitla possibilité
du transfert aux Nations Unies des fonctions et pouvoirs dévolus
à la Société desNations en vertu de traités, conventions, accords
et autres instruments internationaux de caractère politique, on en
conclura que l'Assembléegénéralea [admis] que la dissolution de
la Société desNations n'a pas eu pour effet de mettre ipsofacto

fin aux obligations résultant de ces divers instruments...

11est intéressant de relever le cas des Mandats internationaux
qui présentebeaucoup d'analogie avec celui de la protection des
minorités. Les Puissances ((mandataires)) étaient liéespar un ac-
cord avec la Société desNations. Or, la Charte des Nations Unies
(art. 77) a expressément décidé que le régimede tutelle s'applique-
rait aux (territoires actuellement sous Mandat. »(P. 21-22.)

Le mémorandum contient en outre un examen de l'argument selon
lequel la disparition de la garantie que la Société desNations offrait
au régime desminoritésaurait entraîné un déséquilibredu système. A
cela le mémorandum répond:
((Cette considération présente certes de l'intérêt.Cependant
elle n'est pas décisive:il ne faut pas oublier que les Nations Unies
ont pris la place que tenait la Société desNations et remplissent
les fonctions généralesque remplissait cette dernière. » (P. 23.)

Il poursuit en ces termes:
«On semble donc fondé à conclure que du point de vue des
causes ordinaires d'extinction desobligationsinternationales, la sup-
pression de la garantie qui assortissait les engagements en matière
de minoritén'a pas eu pour effet d'éteindreces engagements. ))

Dans les chapitres suivants du mémorandum, divers accords relatifs
aux minoritéssont successivement examinés.On trouve là une analyse

418 détailléedes changements de circonstancesayant un caractère « profond
et général»comme ceux qui ont eulieuen Pologneet en Tchécoslovaquie.
Toutefois,en ce qui concernela Turquie, cas dans lequelaucun nouveau
traitén'est intervenu depuis le traité de Lausanne de 1923,le mémoran-
dum conclut que les facteurs de changement, et notamment la dissolu-
tion de la SociétédesNations, n'ont pasune importance suffisante pour

entraîner une modification des obligations de ce pays:
((Amoins que l'on estime que tous les engagements concernant
le traitement des minorités ne sont plus valides, les engagements
pris par la Turquie ont conservéleur validité. »(P. 68.)
En conclusion, le mémorandum affirme:

«En considérant le tableau d'ensemble, on est donc amené à
conclure que de 1939 à 1947l'ensemble des circonstances a changé
dans une telle mesure que le système d'une façon généraledoit
être considéré comme ayantcesséd'être envigueur. » (P. 83.)
Toutefois, pour répondre à certaines critiques et traiter de certains
faits nouveaux, le Secrétariata publiéle 27 mars 1951un additif. Dans
cet additif, il signale l'avisconsultatif rendu par la Cour en 1950au sujet

du Statut internationaldu Sud-Ouest africain.Après avoir cité des ex-
traits des pages 133 et 136 de cet avis, il aboutit aux conclusions sui-
vantes :
«Si nous citons à propos de la valeur des engagements en ma-
tière de minorités l'avis de la Cour au sujet du Sud-Ouest africain,
c'est parce que la Cour y pose le principe que la dissolution de la
Société desNations n'entraîne pas ipso facto la disparition d'un
régimeétabli sous son égide.On ne peut guère pousser plus loin
l'analogie entre le régimedes mandats et le systèmede protection

des minorités. Il n'y a pas lieu d'énumérerici les différencesqui
existent entre ces deux systèmes et qui sont trop nombreuses et
trop bien connues.
Il convient enfindesignalerque le Secrétariat,pour déclarerquele
régime deprotection des minorités avaitcesséd'exister, ne s'est pas
fondé uniquement sur la disparition de la Sociétédes Nations,
qui ne constituait qu'un des élémentsde son argumentation. 1)

Absencede droits de réversion au profid tes Principales Puissances
alliéeset associées
Au cours de la procédure orale (C.R. 65/31, p. 54),l'un desMembres

de la Cour a demandé aux conseils des deux Parties s'ils étaient d'avis
que les Principales Puissances alliéeset associéesavaient un droit rési-
duel quelconque leur permettant de traiter des problèmes afférentsaux
Mandats après la dissolution de la Société desNations. Le conseil du
défendeura refuséde ((donner un avis »sur cette question (C.R. 65/39,
p. 40),refus dont, en vertu de l'article 49 de son Statut, la Cour est tenue
de prendre « acte». Mais l'argument selon lequel les Principales Puis-
sances alliéeset associéesauraient desdroits résiduelsou desdroits de
réversionde ce genre est sans fondement. Il ne trouve pour ainsi dire

419 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 422

aucun appui en doctrine (cf. Duncan Hall, «The Trusteeship System )),
British Year Book of International Law, vol. XXIV, 1947,p. 33 et 50).
Je pense qu'on peut admettre sans pousser la démonstration que l'ar-
ticle 119 du traité deVersailles ne comportait aucune cession de terri-
toires aux Alliés; l'idéed'une cession impliquant l'attribution, même
momentanée ou purement formelle, de la souverainetésur les anciennes
colonies aurait ététout à fait contraire au règlement dont on était
convenu pour ce problèmecolonial. D'après Innes, Chief Justice dans
l'affaireRex c. Christian (1923, South African Law Reports, 1924, Ap-
pellate Division, p. 108-109):

((L'expressionrenoncer au profit de est utiliséequelquefois dans
le traité au sens de céderà..Il n'en va pas de mêmedes possessions
d'outre-mer; ou du moins de celles d'entre elles qui entrent dans
le champ d'application de l'article 22. Elles n'ont étécédéesni à
l'ensemble des Principales Puissances ni à l'une quelconque d'entre

elles par l'article 199, pas plus que la citéde Dantzig ne leur a
étécédéepar l'article 100. s
Les Alliésavaient acquis le droit de répartir les Mandats et là s'était
arrêté leur rôle. Les Mandataires exerçaient leur Mandat pour le compte
de la Société desNations et non pour celui des Puissances. Le Mandat
pour le Sud-Ouest africain subordonne toute modification à l'autori-
sation du Conseil de la Société desNations et non pas simplement à
celle des Puissances. En 1946l'Assembléea entrepris d'exercer lespou-

voirs du Conseil; les Puissances, comme telles, n'ont nullement préten-
du exercer des droits de disposition ou decontrôle, sauf dans la mesure
où elles auraient tenu de la Charte de nouveaux droits de disposition
se rattachant au régimede tutelle.
Si l'on supposait que les Principales Puissances alliéeset associéesdé-
tenaient des droits résiduelsou des droits de réversion,cela obligerait
à prendre en considération un certain nombre d'autres facteurs. On
sait que la situation des Etats-Unis était spéciale: ilsont revendiqué à
l'égardde l'Allemagne, en vertu d'un traité séparét,ous les droits qu'a-

vaient les Etats parties au traité de Versailles et ils ont fait reconnaître
par d'autres Etats, en vertu de traités bilatéraux,leurs droits dans cer-
tains territoires sous Mandat; ils n'ont cependant conclu aucun traité
relativement au Sud-Ouest africain, quoiqu'ils aient conclu un traité
avecle Japon au sujet des droits découlantdu Mandat C pour les îlesde
l'océanPacifique situéesau nord de l'équateur. Reste à savoir s'ilspou-
vaientêtre considéréesn 1945comme ayant exactementles mêmesdroits
que la France et la Grande-Bretagne, à supposerque cesdroits aient bien
existé(voirtoutefoisWhiteman, Digestof InternationalLaw, vol. 1,p. 602).
Si1'Italieet le Japon ont jamais détenude tels droits, ils les ont aban-

donnés dansle cadre des traités depaix de 1947et 1951,qui contiennent
les dispositions suivantes:
Article 40 du traité de paix conclu avec l'Italie en 1947:
((L'Italierenonce à tous droits,à tous titres età toutes réclama-
tions résultant du régimedu Mandat ou des engagements de tout

420 ordre résultantdecerégime,ainsi qu'à tous droits spéciaux del'Etat
italien concernant l'un quelconque des territoires sous Mandat. ))

Article 2 du traité de paix conclu avec le Japon en 1951:
(cd) Le Japon renonce à tous droits, titres et revendications résul-
tant du régime desMandats instituépar la SociétédesNations
et il accepte la décisiondu Conseil de Sécurité desNations
Unies, en date du 2 avril 1947, étendant le régimede tutelle

aux îles du Pacifique antérieurement sous Mandat japonais. ))
Il serait curieux d'arriverà la conclusion que seules la France et la
Grande-Bretagne ont le droit d'assumer ànouveau le contrôle du terri-
toire ou de se plaindre de violations. Je ne sache pas qu'aucune des
((Puissances» ait affirmé l'existenced'un tel droit pendant la conférence

de San Francisco ou à aucun autre moment. L'historique du Mandat
pour la Palestine et des mesures prises par la Grande-Bretagne au
sujet de la cessation de ce Mandat ne confirme nullement la thèse fondée
sur les droits résiduels ou les droits de réversion.
Mêmesi l'on affirmait l'existence de droits résiduels ou de droits
de réversion, celapourrait difficilementavoir une incidence sur le droit
que les Membres de la Société desNations en général tenaient de l'ar-
ticle 7 du Mandat de se plaindre des violations des clauses du Mandat.

Si, quidnonl, es Principales Puissancesalliéeset associéesou cellesd'entre
elles qui étaient Membres dela SociétédesNations avaient un titre sup-
plémentaireleur permettant de porter plainte, cela ne changerait rien à
la situation.

SECTIOX NI. APPRÉCIATION DU DROIT OU INTÉRÊT JURIDIQUE DES
DEMANDEURS COMPTETENU DE LA NATURE JURIDIQUE
DE CE QUI EST ~ÉRITABLEMENTLE FOND DE L'AFFAIRE

Bien que l'arrêt dela Cour reconnaisse que, par certaines de leurs
conclusions finales, les demandeurs sollicitentdes«déclarations» et que
les conclusionsnos 1 et 2 sont de celles-là, il n'en affirme pas moins que

«la question à résoudre est de savoirsi..les Membres de la Société
des Nations, y compris les demandeurs en la présente affaire,
avaient à titre individuel et indépendant un droit ou intérêjturi-
dique - ce qui diffèred'un intérêt politique- leur permettant de
réclamer l'exécution desdispositions des Mandats relatives à la
gestion ».

Mais la question est aussi de savoir si les demandeurs avaient à titre
individuel le droit de solliciterde la Cour une interprétation du Mandat
qui 1eu.rpermît, par exemple, de décider s'ils devaient employer des
voiespolitiquespour amenerle Mandataire à agir d'une certaine manière.
Les règlements intervenus lors de la conclusion de la paix au len-
demain de la première guerre mondiale ont fréquemment mis en

lumière l'existence d'une corrélation entre les rôles. respectifs de la
Cour permanente de Justice internationale et des organespolitiques de
421 la Société desNations. C'est ainsi qu'à l'article 11 du Pacte il est «dé-

claré quetout Membre de la Société a le droit,à titre amical, d'appeler
l'attention de l'Assembléeou du Conseil sur toute circonstance de
nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite
de troubler la paix ou la bonne entente entre nations, dont la paix
dépend)).Aux termes de l'article 35, paragraphe 1, de la Charte des
Nations Unies, les Membres de l'organisation ont un droit comparable
dans une ((situation qui pourrait entraîner un désaccordentre nations 1).
Supposons maintenant qu'un Etat Membre de la Sociétédes Nations
(ou des Nations Unies) ait considéré quela pratique de l'apartheid
dans le territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain constituait une

violation du Mandat et risquait de troubler cla bonne entente entre
nations » - ce qui s'est effectivement produit - ou d'«entraîner un
désaccordentre nations )- ce qui est un fait. Supposons qu'avant de
saisir l'Assemblée(ou l'Assemblée générale d)e cette question un telEtat
Membre aitsouhaitéobtenirdela Cour internationale un prononcéfaisant
autorité quant à l'exactitude de son interprétation du Mandat. Cet Etat
Membre aurait eu alors assurément un intérêtjuridique eu égara du deu-
xièmealinéa del'article 7 du Mandat. Mêmeune intention virtuelle d'agir
conformément à l'article 11 du Pacte (ou à l'article 35de la Charte) jus-

tifierait la présentationd'une requêteà la Cour et, du point de vue juri-
dique, rien n'obligeun demandeur à préciser lesraisons pour lesquelles il
désireobtenir ce renseignement. Comme la Cour l'a dit dans l'affaire de
l'Interprétationdu statut du territoire de Memel, il se peut qu'il souhaite
simplement une interprétation qui puisse «à l'avenir servir de guide».
L'arrêtaccepte ou rejette certaines conclusions sur la base du critère
du caractère raisonnable. Or l'application de ce critère m'interdit d'ad-
mettre que, parce que les droits conférésaux «missionnaires » par l'ar-
ticle 5 peuvent constituer, comme le dit l'arrêt, desdroits touchant à
des « intérêts particulie»sou peuvent avoir cequ'il dénommeun((double

aspect », on doive reconnaître aux demandeurs un droit ou intérêt
juridique leur permettant d'introduire une requête eu égard aux mission-
naires, tout en leur déniant un teldroit ou intérêt eu égard àla pratique
de l'apartheid. A mon avis, c'est là une distinction parfaitement artifi-
cielleque, commeje l'ai montré, l'historique dela rédaction du Mandat
ne vient nullement confirmer. Parce que les demandeurs n'ont pas ex-
pressément invoqué l'article 5 dans leurs requêtes, l'arrêt leur dénie
le droit d'obtenir un prononcé sur le point de savoir si le Mandat -
dont tout droit de ce genre découlerait - est toujours en vigueur. Les
demandeurs fondent en réalité leur conclusion no9 sur le premier alinéa

de l'article7, aux termes duquel les dispositions du Mandat ne peuvent
êtremodifiéessans l'autorisation du Conseil de la Sociétédes Nations;
or l'arrêtleur déniele droit de savoir si l'action unilatérale du Manda-
taire suffirait pour mettre fin mêmeaux droits que leur reconnaît l'ar-
ticle5, encore qu'il affirme qu'«il n'y a pas lieu de rechercher » si l'as-
sentiment des Etats Membres intéressésaurait éténécessaire.L'arrêt
ne précisepas si l'assentiment dechacun des Membres serait nécessaire
pour qu'il soit mis fin à une clause de procédure. Lorsqu'on considère

422 l'historique de la rédaction du Mandat et i'intime corrélation qui existe
entre les deux alinéas de l'article 7, il semble à nouveau tout à fait

artificiel d'adopter la position que voici: on accepte la décisionrendue
par la Cour en 1962quant au maintien en vigueur, sous une forme ou
sous une autre, du deuxième alinéa de l'article 7; mais le droit, qui
subsiste, de se pourvoir devant la Cour n'autorise pas les demandeurs à
savoir si, d'après la Cour, le premier alinéa de l'article 7 est toujours
en vigueur; pourtant, s'il ne l'est plus, le Mandataire pourrait égale-
ment dénoncerle deuxièmealinéadel'article 7 et refuser auxdemandeurs
jusqu'aux maigres droits, que leur reconnaît l'arrêt de la Cour,d'intro-
duire leurs requêtes etd'apprendre que la Cour est compétente. Mais

compétente pour quoi faire? Compétente, selon l'arrêt,pour affirmer
que la Cour ne peut pas donner suite aux demandes, parce que les de-
mandeurs n'ont aucun droit ou intérêt juridique.
Lorsque l'arrêt donne à entendre que l'intérêtdes demandeurs eu
égard, par exemple, à la pratique de l'apartheid dans le territoire sous
Mandat du Sud-Ouest africain est uniquement politique et non pas
juridique, il fait échoà l'opinion dissidente commune de 1962. A la
page 466 de cette opinion, il est affirméqu'en traitant d'une questionde
compétenceun tribunal doit, d'une manière générale, « écarter desacon-
sidération toutes les questionstouchant au fond de l'affaire»,mais que :

«Une cour peut toutefois légitimement,en examinant les aspects
juridictionnels d'une affaire, tenir compte d'un facteur qui est fon-
damental pour la compétence d'untribunal quel qu'il soit, à savoir
si les questions qui se posent au fond sont de nature à pouvoir
faire l'objet d'une décisionjuridique objective.))

Les auteurs affirment ensuite que la principale question quant au
fond consisterait à savoir si le Mandataire a violé lesobligations que
lui impose l'article2 du Mandat. Ils concluent - à titre provisoire,
il est vrai- que les problèmes soumis à la Cour demandent à être

appréciésdans un forum technique ou politique, mais que la tâche
((n'apparaît guère comme une tâche judiciaire ))Dire que l'interpré-
tation de l'article2 du Mandat constitue une tâche plus politique que
juridique est en réalitéune autre manière d'affirmer, comme le fait le
présentarrêt, queles demandeurs ont un intérêtpolitique et non juri-
dique en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de l'article2.
Vue sous cet angle, la question touche à la possibilitéd'intenter un
recoursjudiciaire-(«justiciabilité)et appelle par conséquentun examen
des critères que la Cour peut appliquer pour s'acquitter de cette tâche.

A supposer qu'il ne relèvepas du juge de déterminersi la pratique de
l'apartheid dans le territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain accroît
«le bien-être matériee lt moral ainsi que le progrès social des habitants
du territoire »,il conviendrait pour le moins de rejeter la conclusion
no3 des demandeurs. Tel est leproblèmequejevaisexaminermaintenant.
Il présente deux aspects: a) l'identification des personnes pouvant
êtrequalifiéesde bénéficiaires du Mandat; b) la possibilitéd'examiner
judiciairement les demandes et le ((standard »à appliquer.a) IdentzJîcation des personnes pouvantêtrequaliJiéesde béne3ciaires
du Mandat

Sur ce point, la terminologie utilisée dans l'article 22 et dans le
Mandat lui-mêmen'est pas uniforme. Le paragraphe 1 de l'article 22
se réfèreaux territoires ((habitéspar des peuples non encore capables de
se diriger eux-mêmesdans les conditions particulièrement difficilesdu
monde moderne ». Il est fait une autre fois mention de ((cespeuples »

au paragraphe 1 et les mêmestermes se retrouvent au paragraphe 2.
Le paragraphe 3 évoquele ((peuple ». Le paragraphe 5 mentionne les
((peuples ))et les «indigènes »,alors que le paragraphe 6, expressément
consacréaux Mandats C, parle de la ((population indigène 1).

Le deuxièmealinéa del'article2 du Mandat pour le Sud-Ouest africain
se réfèreaux ((habitants »,alors que le troisième alinéade l'article 3
mentionne, tout comme l'article 4, les ((indigènes ».
Ce problème revêt de l'importancecar, lorsque le territoire a été
placé sous Mandat, en 1919, il comptait une population d'environ

194000 africains non blancs, 6000 (Basters ))(personnes de sang mêlé)
auxquels venaient s'ajouter 3500 personnes classéesdans la catégorie
des métis )et environ 20 000 blancs ou (européens ))dont la majorité
était d'origine allemande, mais parmi lesquels il y avait «un grand

nombre 1)de Sud-Africains l.Sienvertu dela (mission sacréede civilisa-
tion ))le Mandataire avait l'obligation d'accroître, (par tous les moyens
en son pouvoir, le bien-être matériel etmoral ainsi que le progrès
social))de tous les habitants du territoire, c'est-à-dire tant des blancs
d'origine européenneque des non-blancs, il pourrait légitimer certaines

mesures spécialement conçuesen vue du bien-êtrede la fraction blanche
de la population. Mais si le devoir lui incombant était d'accroître le
bien-être etle progrèsde l'élémenn ton blanc de la population, d'autres
critères s'appliqueraient. Commela terminologie incertaine mentionnée
ci-dessus n'offre pas de réponse évidente, il convientde recourir à

d'autres moyens d'interprétation.
La bonne conclusion serait, semble-t-il, que dans les Mandats C les
dispositions protectrices étaient censées s'appliquer aux populations
indigèneset non aux colons blancs. Il est inconcevable que les repré-

sentants des Alliésqui ont rédigéen 1919le traité de paix avec l'Alle-
magne - dont le Pacte faisait partie - et les Mandats se soient souciés
du développen~ent,du bien-êtreet du progrès des colons allemands au
Sud-Ouest africain, voire des agriculteurs blancs venus d'Afrique du
Sud. C'est leparagraphe 6 de l'article 22qui s'applique et ce paragraphe

mentionne explicitement (la population indigène D.
Dans l'affaire Rex c. Christian,citée plushaut, M. de Villiers a parlé
des ((obligations [du Mandataire] à l'égard deshabitants du territoire,
plus particulièrement à l'égard despopulations indigènes ».

Ces nombres, arrondis, sont extraits du tableau XVI du rapport officiel de
l'organisme appelé Commission Odendaal (1963, p. 37); ils concernent 1921,
année où, selon le rapport, on a pour la première fois disposéde statistiques sûres.
Dans le contre-mémoire (livre III, p. 379, par. 87), il est préciséque la population
((européenne ))était de 14 830 âmes en 1913; les indications relatives aux éléments
allemands et sud-africains proviennent également de cette source. L'opinion n'était pas unanime à la Commission permanente des
Mandats. Au cours de la sixièmesession, en 1925,après que M. Smit,

représentant de l'Afrique du Sud, eut déclaré à la Commission que le
jour viendrait où le Sud-Ouest africain serait indépendant, M. Rappard
a précisé:
(ciln'est pas donné à la minoritéblanche, établie dansun territoire
sous Mandat, de déclarer quand ce moment est arrivé.On a eu

recours au systèmedu mandat pour assurer le bien-être desindi-
gèneset c'estcet objet que les auteurs de ce systèmeont eu en vue. ))
(Commission permanente des Mandats, Procès-verbauxdela sixième
session, p. 60.)
A la septièmesession, en 1925,la question a été très discutée.M. van

Rees, vice-président,a soumis une note qui constitue l'annexe 4 aux
procès-verbaux (p. 151). Il a dit dans cette ((Analysedes dispositions
régissant l'application du régime des Mandats)) que les dispositions
du Pacte et des chartes des Mandats
((manquent en partie de clarté et de précision,parfois à tel point
qu'elles paraissent se prêter à des interprétations divergentes, ou
bien, prisesà la lettre, conduiraientà des illogismes».

Il a ajouté:
ctout commentaire officiel pouvant faire connaître leurs origines
nous fait défaut.Dans ces conditions, il appartientà la Commission

de les étudieret de les interpréter à son intention toutes les fois
qu'elle setrouve en présenced'une stipulation diffuse afin de se
créer ainsi un ensemble de directives propres à guider son appré-
ciation de la gestion des Puissances mandataires. » (P. 152.)
M. van Rees a continué,dans l'annexe 4 a), par une étude particulière
du trafic de l'alcool; il a sévèrementcritiqué la rédaction de l'ar-

ticle 22.Il a cité un passaged'un article de M. Henri Rolin, qui avait dit
de l'article 22:
((l'imprécisionde certaines formules, les circonlocutions embarras-
sées,l'absence d'un je ne sais quoi de simple et de direct où se
reconnaît, dans l'expression, une pensée bien venue,causent dès
la premièrelecture un malaise certain ...Il est visible que ces para-
graphes,alambiqués,contournés, n'ont pas étéécritsen français. ))

Dans l'annexe 12,M. Freire d'Andrade a interprété l'article22 comme
s'appliquant non pas seulement aux populations indigènes,mais à tous
les habitants. Sir F. Lugard a exprimé son désaccordavec l'interpré-
tation de M. Freire d'Andrade (voir annexe 12 a), p. 206):

((l'expressioncces peuples », au premier alinéa de l'article 22 du
Pacte, vise explicitement lespeuples » qui viennent d'être mention-
nés, c'est-à-direles peuples non encore capables de se diriger eux-
mêmes » et non pas tous les habitants du territoire sous Mandat;
mais je reconnais que le Mandataire a charge de l'ensemble des
habitants».
425 M. Freire d'Andrade a répondu à son tour (annexe 12b)) qu'il ne son-
geait pas à favoriser les blancs, mais que son point de vue étaitle sui-
vant @. 208):

((Ainsi, en Afrique, je crois que noirs et blancs doivent mar-
cher ensemble, sur un pied d'égalité individuelle. Et cela n'existera
pas si l'on parque les noirs dans leurs terres, sous la surveillance
de leurs guides, jusqu'au moment où ils pourront se diriger eux-
mêmeset former ainsi autant de petits peuples indépendants. Et
ce moment arrivera-t-il jamais? ))

A la neuvième session,en 1926,alors que M. Srnit étaitlà pour repré-
senter l'Union sud-africaine, M. Rappard a dit (p. 35):
((Le Sud-Ouest africain est administré par une petite minorité
de blancs, et personne ne doute que cette minorité ne doive être
bientôt capable d'administrer le pays indépendamment de l'Union
de l'Afrique du Sud. Mais cela ne signifienullement que les habi-
tants, c'est-à-dire la majoritéindigène,soient capables de se diriger

eux-mêmes. ))
A la vingt-deuxièmesession,en1932,M. Te Water, représentant l'Union
sud-africaine, a dit à propos d'un discours du premier ministre
(p. 24):
«Il n'est pas douteux que, lorsque le premier ministre dit que

l'avenir du Sud-Ouestafricain se trouve dans les mains de sa propre
population, il songe à ceux qui sont douésde pensée - c'est-à-dire
aux blancs. 1)
Au cours de la vingt-sixième session, en 1934,M. Rappard a déclaré,
dans un échange devues avec M. Louw, représentant de l'Afrique du
Sud :

«le Mandat est temporaire en ce sens qu'il donne la mission d'ad-
ministrer les indigènesjusqu'au moment où ceux-ci pourront s'ad-
ministrer eux-mêmes.Or la population blanche est parfaitement
capable de s'administrer elle-même,mais ce n'est évidemmentpas
elle que vise l'article 22 du Pacte.»(P. 52.)
M. Louw n'a pas contesté cette déclaration. M. Palacios, autre membre
de la Commission, a souscrit à l'avis de M. Rappard:

Il ne suffit pas d'invoquer uniquement les « dispositions» du
Mandat; on doit penser surtout à l'«institution» du Mandat lui-
même,selon la lettre et l'esprit de l'article 22 du Pacte. Il est évi-
dent que c'est de cet article qu'émanentles dispositions tutélaires
du Mandat, mais ce qui en émane avanttout, c'est le statut spécial
et fondamental du territoire et de ses habitants. 1)(P. 52.)

L'année suivante, à la vingt-septièmesession, M. Rappard azdéclaré:

((Le Mandat n'a jamais eu pour objet de protéger les intérêts
particuliers de telle ou telle fraction de la population blanche ...
La politique du Mandat consiste, au contraire, àaméliorerlasitua- tion desindigènes,fût-cemême auxdépensdescolonsblancs. »(P.158
et 161.)
Lord Lugard s'est, d'une manière générale, associé aux observations de

M. Rappard mais a demandé
«si, depuis quinze annéesque s'exercel'administration mandataire,
on netrouve pas encore d'indigènes suffisammentinstruits etdévelop-
péspour pouvoir exprimer un avis sur les questions courantes ou
pour siégerdans des conseils ou des tribunaux indigènes,ou même
à l'Assembléelégislativeou au Conseil consultatif?)) (P. 162.)
M. Conradie (Afrique du Sud) a regretté de devoir reconnaître qu'il

n'y avait pas d'indigènesremplissant ces conditions.
Cesdivers exemplesne sont nullement déterminants,mais ils montrent
comment la Commission permanente des Mandats s'est préoccupée
de la question de l'interprétation de l'article2 et des Mandats. Voilà
encore une situation dans laquelle une interprétation purement littérale,
fondéesur la règle du csens clair», n'aurait en réalitéaucun sens. Il
ressort del'ensemble des circonstancesdans lesquellesa évolué le système
des Mandats, comme de la préparation du texte, tout à fait inhabituel,
de l'article 22, qu'on envisageait desdispositions applicables aux peuples
considéréscomme «non encore capables de se diriger eux-mêmes))
faute d'avoir assimilé lescoutumes, les mŒurs et le mode de vie et de

gouvernement des occidentaux (voir la déclaration de M. Te Water,
représentantde l'Afrique du Sud, à la vingt-deuxièmesessionde la Com-
mission permanente des Mandats, Procès-verbal,p. 25). Les colons et
les exploitants agricoles européens(allemands) et sud-africains n'entrent
pas dans cette catégorie.D'aprèsce que j'ai pu voir, rien n'indique que
les rédacteursde Paris ni ceux de la Commission des Mandats de Lon-
dres aient su qu'il y avait au Sud-Ouest africain des métisou des Basters,
relativement peu nombreux. En imaginant qu'on se soit aviséde deman-
der aux représentants de l'Afrique du Sud à la conférencede la paix
à qui les métiset les Basters étaientplutôt comparables - aux «indi-
gènes », c'est-à-dire aux africains autochtones, ou aux européens du

territoire-, on se serait peut-être bienentendu répondre: plutôt aux
premiers. Cela étant,je pense que ces deux groupes restreints auraient ,
étéconsidéréscomme viséspar les dispositions protectrices.
Bien entendu, le Mandataire ne doit pas se désintéresserdu bien-être
des habitants blancs, mais ce devoir procède des responsabilités incom-
bant à toute autorité administrante, sans constituer une obligation dé-
terminée imposéeau Mandataire.

b) Possibilité d'examiner judiciairementles demandes («justiciabili»)
et « standard» à appliquer

L'arrêtde la Cour semble se fonder sur l'hypothèseque les demandes
présentéessont parfaitement claires et n'appellent pas d'analyse. Mais
le dossier témoigned'un désaccord persistant sur la nature de ces de-
mandes et la question de leur contenu et de leur sens a été expressément
réservée,pour faire l'objet d'une décisionultérieure de la Cour. Etant SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 430

donnéla nature de l'arrêtde la Cour, cette décision n'estpas intervenue.
Sans doute est-ce un truisme de dire qu'un tribunal international,

qui n'est liépar aucune règle technique relative à la procédure ou aux
moyens de preuve, doit chercher le sens des conclusions dans l'intention
de la partie qui les a présentées l.Ce sens doit êtreétablid'aprèsl'en-
semble du dossier, y compris les déclarations faites avant et après le
dépôt des conclusions. ((L'arrêt dela Cour doit attacher aux conclu-
sions des Parties une intention, sinon forcémentun effet, que les Parties

elles-mêmes leur attribuent.» (Opinion individuelle de sir Hersch Lauter-
pacht dans l'opinion relative à Certains Emprunts norvégiens,C.I.J.
Recueil 1957, p. 35.)
S'il est malaisé de définirle sens des conclusions des demandeurs-
c'est essentiellement parce qu'ils emploient l'expression « une norme

et/ou des ((standards » pour désignerle critère que l'on doit appliquer
en vue de déterminersi la pratique de l'apartheid estou non compatible
avec les obligations du Mandat. Ce problème est crucial et le meilleur
moyen de l'éluciderest de se reporter à la procédure orale.
Le premier témoincitépar le défendeura étéentendu le 21 juin 1965
(C.R. 65/49). A partir de cette date, et presquejusqu'à la fin de la procé-

dure orale, l'agent desdemandeurs a objectéque les thèsesde ces der-
niers étaient déforméeset constituaient de ce fait un fondement inad-
missible pour la déposition des témoins.Le 22 juin (C.R. 65/50, p. 18
et suiv.)l'agent desdemandeursa formuléune «objection fondamentale )),
affirmant que les conseils du défendeuravaient donné«une formulation
ambiguë et erronée » de la thèse des demandeurs. Selon le conseil, ce

fondement inadmissible [était]par sa nature mêmeun élément decon-
fusion pour les témoins,les demandeurs et la Cour elle-même, puisqu'il
[tendait] à faire porter le témoignagesur une attitude faussement attri-
buéeaux demandeurs ...»l'agent a dit ensuite que ce ((fondement inad-
missible [provenait] du fait que le témoignage [était]fondé sur une

présentation inintelligible et erronéede la théorieet de la position des
demandeurs ». Le Président de la Cour a assurél'agent que ses droits

Les conseils plaidant devant la Cour ne savent pas toujours que les règles
techniques de procédure applicables dans de nombreux systèmes de droit interne
ne s'appliquent pas devant la présente Cour, qui ne peut jamais êtreréduite au
rôle d'arbitre ou de surarbitredans unejoute ou un débat oratoire. La jurisprudence
de la Cour et la doctrine sont bien établiessur ce pUnntancien premier secré-
taireà la Cour a pu dire avec raison:
«Les juristes (conseils et avocats) des Parties se présentent devant la Cour
Cour avec le bagage de leur culture juridique nationaleont souvent beau-
coup de peine à faire abstraction de leurs règles propres de procédure et à
tenir compte de conditions et des besoins particuliers de la justice inter-
nationale11(Jean-Flavien LaliveuQuelques remarques sur la preuve devant
la Cour permanente et la Cour internationale de Justice., 1950, vol. VII,
Annuaire suisse de droit international, p. 92.)
Le 22 juin 1965,la Cour a posé aux Parties une série dequestions concernant la
mesure dans laquelle la Cour pouvait donner sa propre interprétation du deuxième
alinéa de l'article 2 du Mandat, quels qu'aient étéen fait les arguments des Parties
(C.R. 65/50, p. 68-69). Les Parties ont su ainsi que la Cour se préoccupait du
problème.seraient pleinement protégéset qu'il appartiendraità la Cour de prendre
une décisionsur tous les aspects des témoignageset sur les objections
formuléespar lui.

Plus tard, le mêmejour (voir p. 28 et suiv.), le conseil du défendeur
a commentéles observations de l'agent des demandeurs. A la suite de
quoi, l'agent desdemandeurs (voirp. 33)a denouveau exposél'ensemble
de la thèse des demandeurs en ces termes:

((Les demandeurs sont d'avis que leur thèse n'est pas exposée
de façon exacte ou impartiale dans l'aperçu ou la description
qu'en a donnés le défendeur et par rapport auxquels il présente
des témoignages. L'expression qui est employéeet attribuée aux
demandeurs et qui a été répété meaintes fois par le défendeurau
cours de la procédure orale (les demandeurs, si la Cour le leur per-
met ou les y invite, seront heureux de citer les passages en question)

ne correspond pas aux arguments fondamentaux de la thèse des
demandeurs.
La thèsedesdemandeurscomprend deuxparties principales. L'une
a trait à des ((standards »d'interprétation appliqués parles orga-
nisations internationales compétentes dans la contexture du Man-
dat. Cela recouvre le « standard »d'interprétation, dont les deman-
deurs ont décrit la teneur, et qui est applicable relativement à
l'organe chargéde la surveillance du Mandat et cela met en jeu
aussi les rapports entre l'organisme d'administration et la Cour.
Cet aspect de leur thèsea pour fondement - et traduit- une théo-
rie juridique qui exprime tant la doctrine en matière de Mandats,

que les décisions et jugements clairs, explicites et pratiquement
unanimes rendus par l'organe international compétent, décisions
et jugements que les demandeurs, pour des raisons qui ont déjà
étéexposéesen détail, estiment devoir être considérés par la Cour
comme des interprétations du Mandat faisant autorité. C'est de
l'apartheid que nous parlons. Si le présent témoin outout autre
témoin traitait, en tant qu'expert ouà un autre titre, des questions
de discrimination et de séparation qu'impliquent et traduisent les
faits non contestés du dossier, aucune question ne se poserait
quant a la recevabilitédes dépositions ainsi faites en connaissance
de cause au sujet de cet aspect de la thèse des demandeurs.
J'en viens en second lieu à la norme, à la règle de droit inter-

national dont les demandeurs affient l'existence, en vertu de
l'article38 du Statut; cet argument, la Cour s'en souviendra, a
étéprésenté commeun argument supplémentaire ou complémen-
taire fondé sur le fait que la pratique des Etats et l'opinion des
organes internationaux compétents sont si claires, si explicites et
si unanimes en ce qui concerne la politique de lutte contre la dis-
crimination que ces « standards »sont devenus une véritable règle
de droit international, conclusion juridique fondée sur l'applica-
tion de l'article38.
Telles sont les deux parties de la thèse des demandeurs. Quand

429 une dépositionest faite inconsidérément surla base de la formule
« une norme etlou des «standards » invoqués par les demandeurs »,
correspondant à une définitiondonnée au cours de la procédure
orale qui est sans rapport avec celle qu'en donnent les demandeurs,
soit en tant que cstandard » d'interprétation soit en tant que règle

de droit international, les demandeurs disent, avec tout le respect
dû à la Cour, qu'une déclaration fondéesur une telle prémisse
est incompréhensible - le mot employé, Monsieur le Président,
est «inintelligibl»,mais elle peut n'être pas cinintelligent» - en
ce qu'il est impossible de comprendre à quoi tend véritablement
la dépositiondu présent témoin,ou de tout autre témoin, lorsqu'on
demande un témoignagesur la base d'une telle proposition. ))

Les demandeurs n'ont cesséd'insister sur le double aspect que leur
thèse présentait; d'une part, ils ont affirmé l'existenced'une norme
constituant une règlede droit et, d'autre part, ils ont invoquéun « stan-
dard» d'interprétation auquel ils n'attribuaient pas l'effet normatif
d'une règlejuridique.
Le malentendu entre les conseils a persistéet l'agent desdemandeurs

a formulédes objections à maintes reprises l.On a dit parfois - c'est
du défendeurqu'il s'agit - que la question était celle-ci: quelle a été
la «thèse » sur laquelle les demandeurs ont clos leur argumentation?
Comme l'a déclaré lePrésident, «la Cour devra définirla thèseque vous
aurez présentée ..» (20 octobre 1965, C.R. 65/85, p. 57). Si la Cour, au
lieu de rejeter les demandes, avait examiné l'affaireau fond, elle aurait
dû trancher la question de la nature des conclusions ou de la ((thès»

des demandeurs. On a peine à croire que la Cour, étudiantle problème
en détail,aurait pu ne pas admettre le double aspect de l'argumentation
des demandeurs, fondée, d'une part, sur une norme juridique inter-
nationale, et, d'autre part, sur un «standard» international invoqué
pour faciliter l'interprétation. La Cour aurait dû alors dégagerla thèse
fondamentale du marécage verbal dans lequel les plaidoiries se sont
fréquemmentenlisées.

L'importance de la question résidedans le fait que l'argumentation
des demandeurs a parfois semblé suggérerque la norme dite de non-
discrimination était devenue une règle de droit international, à force
d'avoir étéréaffirméedans des résolutions de 17Assembleegénérale des
Nations Unies, de l'Organisation internationale du Travail et d'autres
organismes internationaux. Un tel argument appelle deux sortes de
critiques: d'une part, ces organismes internationaux n'ayant pas véri-
tablement un caractère législatif,leurs résolutions à elles seules ne peu-

vent créerle droit 2;d'autre part, si la thèse des demandeurs reposait
sur l'argument selon lequel l'apartheid devrait êtredéclaré illégal parce
qu'il est contraireà une règlegénéralede droit international, on pour-
rait contester que la demande relèvebien du deuxième alinéa de l'ar-

l Dans une déclaration du 9 novembre 196(C.R. 65/96), il a rappelé en détail,
des objections.ur des citations précises,les occasions dan'slesquellesil avait formulé
La doctrine est abondante sur ce point.

430 ticle 7,lequelviselesdifférendsrelatifs àl'interprétation ou àl'application
des dispositions du Mandat. Si la Cour avait décidéque la pratique
de l'apartheid constituait une violation d'une règle (norme) générale
du droit international, elle aurait pu donner l'impression de statuer
sur la légalitédes actes accomplis dans la République sud-africaine

elle-même,ce qui, on l'a déjà noté,aurait outrepassé sa compétence.
En revanche, si la Cour avait examinéla question de l'existence d'un
standard » ou d'un critère international aux fins de l'interprétation
du Mandat, elle aurait procédéd'une manière qui n'aurait pu appeler
de critique. A mon avis, un tel ((standard ))existe et la Cour aurait pu
et aurait dû l'utiliser pour accomplir ce qui aurait alors étéconsidéré

comme la fonction purement judiciaire consistant à apprécier, d'après
un standard ))objectif, si la pratique .de l'apartheid dans le territoire
sous Mandat du Sud-Ouest africain constituait ou non une violation
de l'obligation faite au Mandataire d'accroître, «par tous les moyens
en son pouvoir, le bien-êtrematériel etmoral ainsi que le progrès social

des habitants du territoire ».
La faculté quele premier alinéade l'article 2 accorde au Mandataire
de traiter s'il le désire leterritoire sous Mandat ((comme partie inté-
grante de son territoire )à certaines fins administratives est limitéepar
l'obligation de s'efforcer par tous lesmoyens ensonpouvoir 1d'atteindre
le but ultime qui est clairement indiqué par le Pacte de la Sociétédes

Nations. La prescription contenue au deuxièmealinéa de l'article2 du
Mandat: (Le Mandataire accroîtra, par tous les moyens en son pouvoir,
le bien-êtrematérielet moral ainsi que le progrès social des habitants »,
n'indique pas non plus en elle-mêmele but ultime; elle est, elle aussi,
un moyen au service d'une fin et c'est un moyen nécessaire,puisque
le paragraphe 6 de l'article 22 du Pacte subordonne expressément
l'exercice de cette faculté aux garanties prévues dans le système des

Mandats.

Il appartenait toujours nécessairement au Mandataire au premier
chef de choisir les moyens propres à atteindre le résultatvisé.Pourtant
son choix était soumis à un examen d'abord par la Commission perma-
nente des Mandats, ensuite par le Conseil de la Société desNations,

puis par l'Assemblée,lorsque celle-ci étudiait le rapport du Conseil.
On pouvait aussi, comme c'est le cas maintenant, s'adresser à la Cour.
Tout cela vient de ce que le Mandataire était tenu de rendre compte l.
Si l'on avait entendu s'en remettre pour toutes les décisions,pour

l «Tout pouvoir politique imposé aux hommes et ..tout privilège revendiqué
ou exercépour les exclure étant entièrement artsciels et dece fait dérogeant à
l'égaliténaturelle des hommes entreeux, doivent d'une manière ou d'une autre,
êtreexercésultimement dans leur intérêt..Ces droits ou privilèges, quelque nom
qu'on leur donne, correspondent tous au sens le plus strict à un trust or il est
de l'essence mêmede tout trust qu'il s'accompagne d'une obligation de rendre
compte...)(Discours d'Edrnund Burke sur l'East ZndiaBill de Fox, lerdécembre
1783.)le choix de tous les objectifs et de toutes les méthodes, au pouvoir
discrétionnaire du Mandataire sans que son exercice soit ou puisse
être soumis à un examen l,pourquoi aurait-on prévu ces dispositions

minutieuses obligeant à rendre compte et créantun organisme composé
d'experts pour procéderaux enquêteset aux contre-enquêtes,soumettre
des rapports et faire des recommandations? Pourquoi le deuxième
alinéa del'article 7 aurait-il étéinclus dans le Mandat?
Il n'est pas nécessaireici de s'attaquer aux mobiles de l'Afrique du
Sud et je n'ai nulle intention de le faire; ils ne sont pas en cause. En ce

qui concerne cette partie-ci del'analyse,on peut admettre que les mobiles
ne sont pas pertinents. Atteindre les objectifs de la mission sacréede
civilisation présentaitet continue à présenterd'énormesdifficultésqu'il
ne faut pas sous-estimer; les voies qu'on peut suivre pour parvenir
au but sont multiples. Chaque Mandataire a employé des méthodes

différentes de celles des autres. Cependant, si le choix de mesures
adoptées par un Mandataire est soumis à un examen, il ne s'ensuit
pas que chaque membre de la Cour doive décider subjectivement si,
d'après lui, leMandataire a fait un choix sage ou bien fondé.Le droit
abonde en exemples de ((standards » ou de critères appliqués par les
tribunaux pour apprécier le comportement humain. Comme pour la

plupart des aspects du processus judiciaire, l'application ne saurait
etre purement mécanique, à la différence des machines capables de
mesurer des variations infinitésimalesdans l'épaisseurd'une feuille de
métal 2.M. Kaeckenbeek, président de1922 à 1937du tribunal arbitral
de Haute-Silésieprévu par la convention de Genève, s'estattaqué avec

succès à de nombreux problèmes,par exemple la manièrede déterminer
l'existence d'une discrimination illicite résultant de l'exercice de pou-
voirs discrétionnaires. Ainsi a-t-ilrappelé:

«la pression de l'opinion publique, que 1'Etat façonne dans une
large mesure, peut êtretout aussi tyrannique que la discrimination
appliquée systématiquementpar les autorités. Il est parfois très
difficilede tracer la ligne de démarcation entrel'une etl'autre, bien

l Impossibilité de le soumettre à un examen, sauf possibilité d'enquêtersur une
accusation de mauvaise foi. Aucune accusation de ce genre contre un Mandataire
n'a fait, je crois, l'objet d'un examen, mais il est fréquent que des actes et des
mesures déterminésintéressantle Sud-Ouest africain aient été critiquésà la Com-
mission permanente des Mandats.
«NOUSpouvons essayer de voir les choses aussi objectivement quenous voulons.
Néanmoins, nous ne les verrons jamais avec d'autres yeux que le* nôtres. Tout est
soumis à ce critèr- un acte de procédure comme une loi du parlementles abus
dont souffrent les indigents comme les droits des princes, un arrêtémunicipal
comme la charte d'une nation. (Cardozo, The Nature of the Judicial Process,
1921,p. 13, et p90 où il cite Brütt, Die Künst der Rechtsanwendung,p.uCelui
qui interprète un texte doit par-dessus tout faire abstraction de son appréciation
des valeurs politiques et législativeset s'efforcer de déterminer dans un esprit
purement objectif quelle est l'organisation de la vie sociale de la communauté
.qui s'accorde le mieux avec les buts de la loi dont il s'agit dans les circonstances
de l'espèce)))
432 que la protection internationale [en vertu de la Convention de

Genève] s'étende à la seconde et non pas à la première. » (The
Infernational Experiment on Upper Silesia, 1942,p. 261.)
La Cour permanente a eu l'occasion de dire au sujet du droit des
minorités: «Il faut qu'il y ait égalitéde fait et non seulement égalité

formelle en droit en ce sens que les termes de la loi évitent d'établir
un traitement différentiel. (1923,sérieB no6, p. 24)(Cf. 1932,sérieA/B
no 44, p. 28.) Je cite ces exemples pour montrer le type de problèmes
juridiques qu'un tribunal international peut résoudre l.
Les tribunaux internes ont une expérienceencore plus vaste. Les
tribunaux anglais ont élaboré à partir de 1837des ((standards »objectifs

en ce qui concerne la provocation en tant que moyen de défensecontre
une accusation de meurtre mais le critère de 17homme raisonnable 1)
qui s'étaitformé dans le milieu anglais a dû êtrerectifiélorsque, par
exemple, il a fallu prononcer des décisionsdans le sous-continent indo-
pakistanais où l'on trouve une ((structure complexe de classes » et une
(cextraordinaire diversité d'intérêtsraciaux, religieux, culturels et éco-
nomiques ...» (Brown, «The ((Ordinary Man » in Provocation: Anglo-

Saxon Attitudes and «Unreasonable Non-Englishmen »,International
and ComparativeLaw Quarterly, vol. 13,1964,p. 203.)Dans de nombreux
domaines, on peut suivre les applications jurisprudentielles des critères
utiliséspour interpréterles constitutions ou les lois: le dueprocess of law
(régularitéde la procédure), lesatteintes déraisonnables à la libertédu
commerce, la concurrence déloyale, l'égale protection des lois, les per-
quisitions et les saisies déraisonnables,la bonne réputation morale, etc.

Un éminent juriste américainde ce siècle, M. Hand, a expliqué
comment la cour à laquelle il appartenait dégageaitet appliquait un
critère destiné à préciserune disposition juridique:
((Trèsrécemmentnous [la Cour fédérale]avons eu à statuer sur

i'expression((bonneréputation morale )>qui figure dans la loi sur la
nationalité; nous avons déclaréqu'elle érigeaiten critère non pas
les « standards » que nous approuverions nous-mêmes, mais c(les
sentiments moraux courants dans notre pays ))qui seraient «ou-
tragés »par le comportement en question: nous recherchons donc si
ce comportement est conforme aux ((conventions morales généra-

lement acceptéesqui ont cours à un moment donné. » (Repouille
c. United States, 1947, 165 F. 2d. 152, 153.)
Dans une circonsiance différente,la Cour suprême desEtats-Unis,
statuant en 1957 sur la constitutionnalité d'une loi relative aux publi-

cations obscènes, a retenu comme critère la question de savoir
« si pour l'individu moyen qui applique les (standards » collectifs

l Les tribunaux internationaux sont depuis longtemps habitués, quand ilsjugent
des affaires de réclamations,à appliquer un ((st»international comme critère
de la responsabilité étatique à raison de dommages causés à des étrangers. Les
conseils des deux Parties ont traité de ce point d'une manière extrêmementpeu
satisfaisante, mais il est inutile de s'y attarder ici. contemporains, le thème dominant du texte pris dans son ensem-

ble fait appelà la lubricit». (Roth c. United States, 1957, 354U.S.
476, 489 l.)
Dans le droit des Etats-Unis en matière de trust, les critères princi-
paux du comportement d'un trustee sont ceux de l'«homme raisonna-
ble »ou de l'(chomme prudent ».11n'est pas nécessaired'établirl'exis-
tence de motifs blâmables, bien que cela aussi puisse entrer en ligne

de compte. cEn statuant sur la question de savoir si le trustee exerce
l'un de ses pouvoirs pour un motif répréhensible, il y a lieu de tenir
compte du fait qu'il existe un conflit d'intérêtsentre le trustee et le
bénéficiaire.»(American Law Institute, Restatement of the Law, Trusts
2d., 1959, p. 404.) Le Restatement donne une illustration d'un conflit
d'intérêts qu'il esptossible d'appliquer mutatis mutandis au Mandataire
pour le Sud-Ouest africain :

«A cède Blackacre à B en trust à charge de vendre la propriété
siB estime que la vente servirait au mieux les intérêtsdes bénéfi-
ciaires. Il apparaît clairement que la vente serait très avantageuse
pour les bénéficiaires,mais B refuse de vendre la propriétépour
la seule raison que l'acquéreur s'en servirait probablement d'une
manière qui risquerait de déprécierle valeur d'un terrain voisin
qui appartient 4 B lui-même. Letribunal peut ordonner la vente. 1)
(Loc. cit.)

Le Restatement fait observer que, si le trustee dispose ou est censé
disposer de facilités particulières,comme c'est le cas pour une banque
ou une sociétéd'administration de trusts, il peut êtretenu de satisfaire
à un critère plus élevéque le critère applicable à un autre trustee (op.
cit., p. 530). Or, on remarquera qu'un Mandataire est une nation
développée ((qui, en raison de [ses] ressources, de [son] expérienceou

de [sa] position géographique)), est choisie pour s'acquitter d'une
mission sacréede civilisation. Enfin on peut noter que «si le trustee
est autorisé à effectuer discrétionnairement des placements dans des
valeurs ou dans des catégories de valeurs déterminéesm , ais que les
circonstances soient telles qu'un placement ne serait pas raisonnable,
la responsabilité du trustee est engagée s'il y procède))(ibid., p. 539).
Naturellement, c'est au tribunal de dire ce qui est ccraisonnable ».
L'expérience judiciaire en matière de protection des droits de

l'homme, des droits de la personne, est pertinente elle aussi quand il
s'agit de statuer sur le respect par un Mandataire des obligations de la
((mission sacrée de civilisation ».La Cour suprêmedes Etats-Unis a
dit que, si
((normalement, on laisse la plus large discrétionau législateurpour
ce qui est de juger s'ily a lieu de s'attaquer à certaines seulement

des manifestations du mal qu'on veutatteindre et non à toutes et si
normalement on tient compte de toutes les circonstances permet-

l Voir Lloyd, Public Policy-A Comparative Study in English and FrenchLaw,
1953,p. 124et suiv., p. 143et suiv.
434 tant de qualifier ce jugement de raisonnable plutôt que d'arbitraire
et d'odieux [néanmoins quand un Etat adopte des mesures con-

duisant à la ségrégationraciale], mêmeaux fins d'un intérêt éta-
tique valable, il doit pour se justifier satisfaire des exigences très
lourdes ...et on ne lui donnera raison que si ces mesures sont
nécessairesà l'application d'une politiqueétatique légitimeet non pas
simplement liéessur le plan rationnelà l'application d'une telle poli-
tique.))(McLoughIin c. FIorida, 1964, 379 U.S. 184,p. 191 et 196l.)
D'autre part, dans une affaire récenteoù elle a déclaréinconstitution-

nelle la loi du Connecticut sur lecontrôle des naissances, la Cour a aussi
déclaréqu'elle n'étaitpas ((une super-législature chargéede statuer sur
la sagesse, la nécessitéet l'opportunité des lois intéressant les problè-
mes économiques, les affaires ou la situation sociale 1(Griswold c. State
of Connecticut, 1965, 58 Supreme Court, p. 1680). En la mêmeaffaire,
dans l'opinion commune émise dans le sens de la décision par M.
Goldberg, le Chief Justice et M. Brennan, il étaitdit que, si l'on pouvait
admettre avec M. Brandeis qu'un Etat pût ((servirde laboratoire et
faire des expériences sociales et économiques nouvelles », ce pouvoir

ne comprenait pas ((celui de procéder à des expériencesportant sur les
libertés fondamentales des citoyensu. Les juges ont décidéque le
Connecticut n'avait pas apporté la preuve que la loi en question servît
quelque « intérêt étatiquesouverain déterminant » ou fût «nécessaire
...à l'application d'une politique étatique légitime ».
On peut ajouter deux citations concernant une autre question, celle
du pouvoir administratif discréti8nnaire du gouvernement en vue de
prendre des mesures jugées nécessairesau maintien de l'ordre public,
question à certains égards comparable à celle du choix des mesures
par le Mandataire:

«il convient que l'exécutifsoit investi du pouvoir discrétionnaire
de décider s'il existeun état d'urgence nécessitant l'aide desforces
armées. Sa décision sur ce point est déterminante ...La nature
de ce pouvoir implique aussi nécessaireme~tqu'il existeune marge
autorisée à l'intérieur de laquelle un jugement peut s'exercer hon-
nêtement quant au choix des mesures à prendre pour répondre
à la force par la force ...
De ce que l'exécutif dispose de cette marge discrétionnaire,

considéréecomme un élémentindispensable à son pouvoir de
réprimer le désordre, il ne résulte pas que toute mesure prise par
le Gouverneur, alors que l'état denécessiténe la légitimepas ou
qu'elle porte atteinte aux droits des particuliers età la juridiction
des tribunaux, par ailleurs accessibles, puisse trouver sa complète
justification dans la simple volonté de l'exécutif. C'est lecontraire
qui est fermement établi. Quant à savoir quelles sont les bornes

Voir les vues exprimées sur la discrimination raciale et la Charte des Nations
opinions émisesdans lesens de la décisionpar MM. Black, Douglasurphy danst dans les
l'affaireyama c. California, 332 U.S. 633.

435 légitimesdeladiscrétiondu pouvoir militaire et siellesont étounon
franchies dans un cas d'esprit, c'estaujuge deledire1(ChiefJustice

Hughes, dans l'affaire Sterling c. Constantin, 1932,287 U.S. 378.)
Dans l'affaire Lawless, la Cour européenne des droits et l'homme
a dit en 1961:
((l'existencà cette époque d'un danger public menaçant la vie

de la nation a pu être raisonnablement déduitepar le Gouverne-
ment irlandais dela conjonction de plusieurs élémentconstitutifs..»
(cela en vertu de l'article 15du traité- le droit de dérogation).
A l'évidence,la Cour devait apprécierle caractère raisonnable de l'ac-
tion du gouvernement et statuer à ce sujet.
Des exemples tels que les précédents - sans parler de ceux qu'on

pourrait encore donner - sont à retenir eu égard au doute formulé
dans l'opinion dissidente commune de 1962 sur le point de savoir si
les questions se posant à propos du deuxième alinéade l'article 2 sont
«de nature à pouvoir faire l'objet d'une décisionjuridique objective ».
Certes le problème qui se pose à la Cour en l'espècea une très grande
importance mais, si la tâche judiciaire qui lui incombe diffèrepar son
ampleur de la tâche impartie à d'autres tribunaux, tels ceux dont je
viens de faire état, elle n'est pas d'une autre nature. Si le Conseil de
la Société desNations avait demandé à la Cour permanente de Justice
internationale un avis consultatif sur une question comportant l'in-
terprétation du deuxième alinéade l'article 2 du Mandat, il me semble

impossible d'imaginer que la Cour aurait répondu quela tâche dépas-
sait ses moyens. La tâche semblable que la Cour doit, selon moi, af-
fronter ne dépassepas ses moyens. Un procédé facilepour sortir de
la difficultéconsisteraitdire que le Mandataire disposait d'un pouvoir
discrétionnaire excluant tout examen mais, comme je crois que cette
conclusion ne serait pas justifiable en droit, il me serait impossible de
me joindre à une décision ence sens.
J'aimerais faire une hypothèse. Supposons que la Société desNations
n'ait pas étéliquidéeet qu'elle ait continué d'exister. Supposons que
la Commission permanente des Mandats ait continué à fonctionner
avec le mêmegenre de personnel composé de techniciens. Supposons

que, à la suite soit de la réception d'une demande d'avis consultatif
émanant du Conseil, soit d'une requêteintroduite par un Membre de
la Société desNations, la Cour internationale se soit trouvée saisiede
la question de savoir si la politique d'apartheid pratiquée au Sud-Ouest
africain en 1960tendait à accroître le progrès etlebien-être, etc.,detous
les habitants du territoire. Supposons que la Cour, en vertu de l'ar-
ticle 50 de son Statut, ait confié à la Commission permanente des
Mandats une enquêteet une expertise sur cette question. La Commis-
sion aurait sans doute répondu qu'en 1925 elle n'aurait peut-êtrepas
considéréla politique d'apartheid comme incompatible avec les obli-
gations du Mandataire, vu la situation et les circonstances, mais qu'en

1960elle concluait à l'incompatibilité.La Cour aurait dit, je pense, que
cette opinion était bien fondée. Le droit ne saurait ignorer les changements qui interviennent dans

la vie, la situation et les ((standards » collectifs par rapport auxquels
il joue. Les traités, en particulier les traités multilatéraux d'ordre cons-
titutionnel ou législatif, ne peuvent avoir un caractère rigoureusement
immuable. Comme l'a dit sir Percy Spender dans son opinion individuelle
en l'affaire relativeà Certaines dépenses desNations Unies (article 17,
paragraphe 2, de la Charte) (C.I.J. Recueil 1962, p. 186):
((La règle générale est qu'ondoit donner aux mots employés
dans une convention le sens qu'ils y avaient quand celle-ci a été
établie. Mais ce sens doit être compatible avec les buts recherchés
... comme c'est le cas pour la Charte ... la règle généralecitée
plus haut ne signifie pas que les termes de la Charte ne peuvent

viser que les situations, les événementset les manifestations dont
l'objet était présent aux esprits des auteurs de la Charte ...Aucun
instrument comparable, de conception humaine, ni en 1945 ni de
nos jours, ne pourrait prévoir toutes les éventualitésque l'avenir
nous réserve. ))
Le défendeur a reconnu qu'il fallait s'adapter aux changements mais
il s'est efforcé,ce qui est inacceptable, d'axer son argument sur une
distinction entre l'interprétation et l'application des traités. Il a dit
dans la duplique (vol. 1, p. 150):

((Mais la nature de l'obligation interprétéeest telle que le défen-
deur doit nécessairement tenir compte des changements survenus
ou survenant dans les circonstances lorsqu'il s'acquitte de ladite
obligation. En d'autres termes, l'application des termes du Mandat
à la situation existant en 1960 peut aboutir à un résultat pratique
différentde celui auquel aurait abouti une semblable application
en 1920 ...Le Mandat quel que soit le moment auquel on I'inter-
prète, implique pour le Mandataire le devoir de tenir compte de
tous les faits pertinents lorsqu'il détermine sa politique, comme
d'un élémentconstitutif nécessairede son obligation de poursuivre
de bonne foi les objectifs prescrits. Parmi les élémentsqu'il faut
ainsi examiner figurent les opinions philosophiques généralesqui
prévalent dans le monde et leur influence sur les habitants du ter-
))
ritoire.
Les opinions philosophiques généralesqui prévalent dans le monde 1)
incluent certainement les articles 1, 55 et 73 de la Charte des Nations
Unies ainsi que la condamnation universelle de l'apartheid.
En plaidoirie également, le conseil du défendeur a pleinement recon-
nu que l'administration du Mandat devait tenir compte des transfor-
mations intervenues dans le monde, encore que je ne puisse accepter le
cadre dans lequel il a traitédes pouvoirs discrétionnaires et de la bonne
ou mauvaise foi lorsqu'il a dit:

((Nous n'avons pas dit que la Cour, en appliquant la norme aux
faits, doive mettre des Œillèreset se contenter d'examiner les faits
uniquement comme ils se présentaient en 1920; cette assertion
aurait évidemmentétéridicule. Nous n'avons pas donné non plus à entendre que, en remplissant ses fonctions discrétionnaires dé-
coulant du Mandat, lesquelles consistent à accroître par tous les
moyens en son pouvoir le bien-êtreet le progrès, et enélaborantdes
politiques à cette fin, le Mandataire doive ne tenir compte que
des faits, des conceptions et des attitudes tels qu'ils se présen-
taient en 1920. Cela aurait été égalemenatbsurde ..étant donné
la nouvelle situation crééaprèsla deuxièmeguerre mondiale ...le
Mandataire ne pouvait conserver la mêmeattitude qu'en 1920

en appliquant le droit aux faits et en élaborant une politique en
vue de remplir ses obligations, il devait tenir compte des change-
ments intervenus dans les attitudes et les conceptions, afin de
s'acquitter comme il convenait de ses fonctions discrétionnaires. 1)
(C.R. 65/21, p. 21-22.)

La ((missionsacrée de civilisation mentionnée à l'article 22du Pacte
a pour but le développement decertains peuples déterminés afin qu'ils
parviennent à «se diriger eux-mêmesdans les conditions particulière-
ment difficiles du monde moderne ». Le (monde moderne »,dans les

((conditions particulièrement difficil»sduquel les peuples sous Mandat
n'étaient pas ((encore [en 19201capables de se diriger eux-mêmes)),
est un monde multiracial. C'est un monde où'des Etats de composition
ethnique différente,ayant atteint des niveaux d'évolutionéconomique
et politique différents,se trouvent désormaisassociésau sein des Na-
tions Unies sur la base de ((l'égalité souveraine » (Charte, article 2,
paragraphe 1). A l'évidence,le ((monde moderne » n'est pas un concept
statique et les auteurs du Pacte de la Société desNations ne peuvent
pas l'avoir envisagé ainsi. Même si leur vision d'un monde d'où la
guerre serait exclue ne s'est pas réalisée,ce n'est pasune raison pour
méconnaître les buts sur lesquels ils s'étaient mis d'accordet que l'on

peut encore atteindre. Comme le tribunal de Nuremberg l'a déclaré
dans son jugement du ler octobre 1946, à propos d'une autre partie du
droit international, en interprétant une grande convention multilaté-
rale: Ce droit n'est pas immuable, il s'adapte sans cesse aux besoins
d'un monde changeant. » (Le texte se trouve dans I'AmericanJournal
of International Law, vol. 41, 1947,p. 172.) Depuis 1945 au moins, les
Mandataires ont eu l'obligation de préparer les peuples sous Mandat
à se diriger eux-mêmesdans le monde qui est celui de la réalitécontem-
poraine. A mesure que la diversité desEtats s'est accrue, l'obligation
de former les peuples pour qu'ils puissent se diriger eux-mêmesau sein
d'une telle diversité s'est élargie aussi. L'objectifatteindre n'est pas

imaginaire ou illusoire; des Etats qui étaient antérieurement sous Man-
dat sont maintenant Membres des Nations Unies et sont désormais
les égaux,en tant qu'Etats souverains, des anciennes Puissances man-
dataires.
La Charte des Nations Unies contient une description, presque
universellement acceptée, desautres caractéristiques juridiquesdu monde
moderne qui est le nôtre. C'est un monde où les ((relations amicales ))
entre les nations doivent être((fondéessur le respect de l'égalde droits

43 8 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 44 1

des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes 1)et où il doit exister
une coopération internationale à la fois pour résoudre les ((problèmes
internationaux d'ordre économique, social, intellectuel et humanitaire 1)
et pour développer et encourager le ((respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion » (voir les articles 1, 55,56, 73et 76).

Puisque, comme je l'ai exposé,la Cour doit, pour s'acquitter de sa
tâche judiciaire d'interprétation de l'article 2 du Mandat, appliquer
des ccstandards » objectifs appropriés - comme des tribunaux, tant
internationaux que nationaux, l'ont fait dans d'autres circonstances -,
il n'est pas nécessaire que je m'étende icisur ce qu'est une ((norme 1)
juridique, soit dans le sens où ce terme semble avoir été utilisé dans la

procédure en l'espèce, soit dans le ou les sens où l'on se réfère à ce
terme en doctrine l. Dans la présente section de mon opinion, j'ai
montré que le ((standard)) à appliquer par la Cour doit tenir compte
des vues et des attitudes de la communautéinternationalecontemporaine.
Ce n'est pas le mêmeproblème que de prouver l'existence d'une règle
de droit international coutumier; j'ai déjà expliquéque je n'accepte

pas la thèse subsidiaire des demandeurs tendant à érigeren critère de
la politique d'apartheid une règle supposée de droit international, une
((norme ».Je n'ai donc pas à examiner si l'unanimité estune condition
essentielle de la communis opiniojuris. J'ai aussi nettement indiqué dans
la présente opinion que ma conclusion n'est pas fondée sur la thèse
selon laquelle les résolutions de l'Assemblée généraleauraient un

caractère législatif généralet créeraient par elles-mêmesde nouvelles
règles de droit. Mais les condamnations accumuléesdont l'apartheid a
fait l'objet,coi~damnations reproduites en l'espèce dans la procédure
des demandeurs et coiisignéesnotamment dans les résolutions de l'As-
sembléegénéraledes Nations Unies, prouvent l'existence en la matière
d'un «standard » de la communauté internationale contemporaine. Le

conseil du défendeur a reconnu, à un autre propos, que cen obtenant
le consentement d'une organisation comme les Nations Unies, on
obtiendrait pratiquement le mêmerésultat que si l'on obtenait le con-
sentement de tous les Membres séparément,et cela aurait probablement
une importance pratique décisive )),car aux Nations Unies sont re-
présentésla plupart des Etats civilisésdu monde » (C.R. 65/15, p. 28).

Il est également vrai que la désapprobation ou la condamnation des
Nations Unies revêtune importance pratique - et juridique - décisive
s'agissant de définir le standard ))applicable. La Cour doit tenir compte
d'un accord général dece genre, car il fournit le ((standard » à utiliser
pour l'interprétation del'article 2 du Mandat. L'arrêt d'aujourd'huine
fait fi ni des considérations humanitaires ni de l'((idéalmoral » de la

mission sacrée de civilisation, mais il s'efforce de déterminer où et
comment on leur a conféré ((une expression et une forme juridiques )).
J'ai étudiéaussi ces questions mais je me permets de dire que ma recher-

Recueil des cours de l'Académiede droit internationalde La Haye, 1957,vol. 91,p. 449.

439che de 1'«expression et [de la] forme juridique1m'a amené à des con-
clusions juridiques différentesde celles auxquelles la Cour est parvenue.
Dans ces conditions, il faut conclure que la tâche consistantstatuer
sur la conclusion no 3 des demandeurs d'aprèslaquelle la pratique de
l'apartheid constitue une violation des obligations du Mandataire, telles
qu'elles figurent l'article 2 du Mandat et à l'article 22 du Pacte de la

Société desNations, relèvedu domaine de la justice et non pas simple-
ment du domaine de la politique. Les demandeurs ont donc eu raison
d'invoquer, dans leurs requêtesdu 4 novembre 1960,l'intérêt juridique
qu'ils avaientàla bonne administration du Mandat que j'ai exposédans
d'autres passages de la présenteopinion; àmon sens, la Cour aurait dû
se prononcer sur ce qui constitue véritablementle fond de l'affaire.

(Signé)Philip C. JESSUP.

Bilingual Content

DISSENTING OPINlON OF JUDGE JESSUP

Having very great respect for the Court, it is for me a matter of pro-
found regret to find it necessary to record the fact that 1 consider the
Judgment which the Court has just rendered by the casting vote of the
President in the South West Africa case, completely unfounded in law l.
In my opinion, the Court is not legallyjustified in stopping at the thres-
hold of the case, avoiding a decision on the fundamental question
whether the policy and practice of apartheid in the mandated territory
of South West Africa is compatible with the discharge of the "sacred

trust" confided to the Republic of South Africa as Mandatory.

Since it is my finding that the Court has jurisdiction, that the Appli-
cants, Ethiopia and Liberia, have standing to press their claims in this
Court and to recoverjudgment, 1consider it myjudicial duty to examine
the legal issuesin this case whichhas been before the Court for sixyears
and on the preliminary phases of which the Court passed judgment in
1962.This full examination is the more necessary because 1 dissent not

only from the legal reasoning and factual interpretations in the Court's
Judgment but also from its entire disposition of the case. In regard to
the nature and value of dissenting opinions, 1am in completeagreement
with the views of a great judge, a former member of this Court-the
late Sir Hersch Lauterpacht-who so often and so brilliantlycontributed
to the cause of international law and justice his own concurring or
dissenting opinions; 1 refer to section 23 of his book, The Development
of InternationalLaw by the InternationalCourt, 1958. He quotes, with
evident approval (in note 10on p. 66),the "clear expression" of Charles

Evans Hughes who was a member of the Permanent Court of Inter-
national Justice and later Chief Justice of the United States: "A dissent
in a court of last resortis an appeal to the brooding spirit of the law, to
the intelligence of a future day, when a later decision may possibly
correct the error into which the dissenting judge believes the court to

l In my view, whenever the Court renders judgment in accordance with its
Statute, the judgment is the judgment of the Court and not merely a bundle of opin-
ions of individual judges. This js equally true when, in accordance with Article 55
of the Statute, the judgment results from the casting vote of the President. 1do not
bynstressing the size of the majority. If the Court followed the prevailing European
system, the size of the majority would not be known. Throughout this opinion 1
shall refer to the judgment of the Court, and not to the opinion of seven of its
members. Of course this is not to say that there is any impropriety in comments
by a member of theCourt on viewsexpressed in the separate concurring or dissenting
opinions of present or past members of the Court. OPINION DISSIDENTE DE M. JESSUP
[Traduction ]
SECTION 1.INTRODUCTION

Etant donné le très grand respect que j'ai pour la Cour, je regrette
profondément de devoir faire connaître que je considère comme dénué

de tout fondement en droit l'arrêt que,par la voix prépondérantedu
Président,la Cour vient de rendre dans l'affaire du Sud-Ouest africain l.
A mon avis,la Cour n'est pas juridiquement fondée às'arrêterau seuil de
l'affaire et à esquiver une décision sur la question fondamentale de
savoir si la politique et la pratique de l'apartheiddans le territoire sous
Mandat du Sud-Ouest africain sont compatibles avec l'accomplissement
de la ccmission sacrée de civilisation)) confiée à la République sud-

africaine en tant aue Mandataire.
Comme je suis arrivé à la conclusion que la Cour est compétente et
que les demandeurs - 1'Ethiopieet le Libéria - ont qualitépour porter
leurs requêtesdevant la Cour et obtenir jugement, je pense qu'il est de
mon devoir de juge d'examiner les problèmes juridiques soulevéspar la
présente affaire,dont la Cour est saisie depuis six années,et sur la phase
préliminaire de laquelle elle s'est prononcée en 1962. Cet examen ex-
haustif est d'autant plus indispensable que je suis en désaccord avec la

Cour non seulement sur les motifs juridiques et les interprétations de
faits exposésdans l'arrêt,mais aussi sur la manière générale dont elle a
réglél'affaire. En ce qui concerne la nature et la valeur des opinions
dissidentes, je souscris entièrement aux vues d'un grand juge, ancien
membre de la Cour, sir Hersch Lauterpacht, qui a si souvent et si brillam-
ment servi la cause du droit international et de la justice internationale
grâce aux opinions individuelles ou dissidentes qu'il a émises.Je me

réfère à la section 23 de son ouvrage, The Development of International
Law by the International Court, 1958.Il y cite, en l'approuvant de toute
évidence(dans la note 10, page 66), la ((claire définition ))donnée par
Charles Evans Hughes qui a été membre de laCour permanente de Justice
internationale et, ultérieurement, Chief Justice des Etats-Unis: ccUne
opinion dissidente expriméedans un tribunal de dernier ressort est un

A mon sens, toutes les fois que la Cour rend un arrêtconformément à son
Statut, cet arrêtconstitue un arrêtla Cour et pas seulement un faisceau d'opi-
nions émanant des divers juges. Cette observation vaut également lorsque, con-
formément à l'article 55 du Statut, l'arrêtest adoptégrâce à la voix prépondérante
du Président. Je ne pense pas qu'il soit justifiable ni opportun de discréditer des
avis ou des arrêtsde la Cour en insistant sur l'importance de la majorité.Si la Cour
pratiquait le système prédominant en Europe, le nombre de juges composant la
à l'arrêtde la Cour et non pas à l'opinion de sept de ses membres. Je ne veuxpasi
dire par là, bien entendu, qu'il y ait la moindre inopportunitéu'un membre
de la Cour commente des vues expriméesdans les opinions individuelles ou dissi-
dentes de membres présentsou passésde la Cour.have been betrayed." It is not out of disrespect for the Court, but out of
respect for one of its great and important traditions, that, when neces-
sary, 1 express my disagreement with its conclusions. It is the first time
since 1have been a member of the Court that 1have found it necessary
to dissent.

The Court's Judgment rests, as it must, on an interpretation of histori-
cal facts involved in the origin and in the operation of the mandates
system of the League of Nations, in the setting of their period.Since my
own study of the historical record, both of the time of the Paris Peace
Conference and subsequentlythrough the years up to 1939,leads me to
believethat the Judgment misconceivesthe nature ofthe peace settlements
at the close of World War 1,the nature and functioning of the League of
Nations, and the nature and functioning of the mandates system, 1must
expound my conclusions on these matters.
The Court's Judgment says that it "must decline to give effect" to
the claims of the Applicants; this conclusion naturally rests on the
Court's analysis of what those claims are. Since 1 interpret differently
the nature of Applicants' claims and submissions, 1must show wherein
my interpretation differs, having regard to their character and context.
Only when those matters are properly understood, is it possible for me
to reach a judicial conclusion whether Applicants have the legal right
or interest to entitle them to receive from the Court what they request,
or any part of what they request.
The Judgment bases itself on a reason not advanced in the final
submissions of the Respondent-namely on Applicants' lack of "any
legal right orinterest appertaining to them in the subject-matter of the
present claims". This is said to be a question of the "merits" of the
claim and it is therefore in connection with the "merits" that the nature
of the requisite legal right ornterest must be analysed.
The Judgment states that the-

".. .same instruments are relevant to the existence and character
of the Respondent's obligations concerning the Mandate as are
also relevant to the existence and character of the Applicants'
legal right ornterest in that regard. Certain humanitarian principles

alleged to affect the character of the Mandatory's obligations in
respect of the inhabitants of the mandated territory were also
pleadedasafoundation for the right oftheApplicants to claimintheir
own individualcapacitiesthe performance of those same obligations.
The implications of Article 7, paragraph 1, of the Mandate .. .
require to bt considered not only in connection with paragraph 9
and certain aspects of paragraph 2 of the Applicants' final sub-
missions, but also, as will be seen in due course, in connection
with that of the Applicants' standing relative to the merits of the
case.The question of the position following upon the dissolution of
324 SUD-OUESTAFRICAIN(OP. DISS. JESSUP) 326
appel àl'esprit toujours présentdu droit, à l'intelligence d'un jour futur
où une décisionultérieurerectifiera peut-être l'erreurdans laquelle lejuge
qui émetcette opinion croit que le tribunal est tombé. )Ce n'est pas par

manque de respect pour la Cour, mais bien au contraire par respect pour
l'une de ses grandes et précieusestraditions, que j'exprime mon désac-
cord avec ses conclusions lorsque cela est nécessaire. C'estla première
fois, depuisque je siègeà laCour,que j'estime nécessairede formuler une
o~inion dissidente.
L'arrêtde la Cour est fondé,comme il convient, surune interprétation
des faits historiques qui ont marqué l'origine et le fonctionnement du
systèmedes Mandats de la Société desNations, replacés à leur époque.
Comme l'étude quej'ai faite du dossier historique depuis l'époque dela

conférencedela paix de Paris jusqu'à 1939m'a amené à penser quel'arrêt
méconnaîtla nature des règlementsintervenus lorsdela conclusion de la
paix à la fin de la première guerre mondiale, la nature et le fonctionne-
ment dela Sociétédes Nations, ainsi quela nature et le fonctionnement du
systèmedesMandats, il me faut exposer mes conclusions sur ces points.
Dans son arrêt, laCour affirmequ'elle ((doit refuser [de] donner suite 1)
aux demandes; cette affirmation dérivenaturellement de l'analyse, faite
par la Cour, de ce quesont ces demandes. Comme j'interprète autrement
la nature des demandes et conclusions des demandeurs, il m'incombe de

démontrer en quoi mon interprétation diffère,compte tenu de leur nature
et deleur contexte. Cen'est qu'aprèsavoir bien précisé celaqueje serai en
mesure de me prononcer, sous l'angle judiciaire, sur la question de savoir
si les demandeurs ont le droit ou intérêjturidique qu'il fautpour obtenir
dela Cour, en tout ou en partie, ce qu'ils demandent.
L'arrêtest fondésur un motif qui n'est pas énoncédans les conclusions
finales du défendeur, à savoir que les demandeurs n'ont aucun ((droitou
intérêt juridiqueau regard de l'objet des présentes demandes ». On dit
qu'il s'agit en l'occurrence d'une question portant sur le ((fond )de la
demande et c'est par conséquent eu égard au ((fond ))qu'il convient

d'analyser la nature du droit ou intérêjturidique nécessaire.
Aux termes de l'arrêt,

((qu'ils'agissede l'existenceet dela nature des obligations du défen-
deur, relativement au Mandat ou bien de l'existence et de la nature
du droit ou intérêjturidique des demandeurs à cet égard,ce sont les
mêmestextes qui sont pertinents. On a soutenu aussi que certains
principes humanitaires qui auraient une influence sur la nature des
obligations du Mandataire concernant les habitants du territoire,

seraientà la base du droit des demandeurs d'exiger àtitre individuel
l'exécutionde ces obligations. Les conséquencesdu premier alinéa de
l'article7 du Mandat ...doivent êtreexaminéesnon seulement par
rapport à la conclusion finale no 9 des demandeurs et à certains
éléments dela conclusion no2, mais encore, comme on le verra plus
loin, par rapport à la question de la qualité des demandeurs au
regard du fond. La situation consécutive à la dissolution de la
Sociétédes Nations en 1946soulève elle aussi un problème revêtant the League of Nations in 1946has the same kind of double aspect,
and so do other matters."
If-as is the case-my analysis of these "same instruments", "principles"
and "the position following upon the dissolution of the League of

Nations", leads me to a conclusion different from that reached by the
Court, 1 must, with al1respect, explain my chain of reasoning and why
it leads me to the conclusion that the Applicants do have the requisite
"legal right or interest".
At the sarnetime it must be stated that there are aspects of the manifold
issues, both procedural and substantive, presented in this case, which
cannot be disposed of in a dissentingopinion, as, for example,a detailed
appraisal of the relevance and materiality of al1of the testimony of the
14 witnesses. Since the Court does not reach such issues as these, which
were not and could not be definitively resolved during the course of
the oral proceedings, the record cannot be taken as having precedental
authority.

This is the fifth time the Court has givenconsideration to legal matters
arising out of the administration by the Republic of South Africa of
the mandated territory of South West Africa. In the course of three
Advisory Opinions rendered in 1950, 1955and 1956,and in its Judgment
of 21 Decernber 1962, the Court never deviated from its conclusion
that the Mandate survived the dissolution of the League of Nations

and that South West Africa is still a territory subject to the Mandate.
By its judgment of today, the Court in effect decides that Applicants
have no standing to ask the Court evenfor a declaration that the territory
is still subject to the Mandate.
The case now decided by the Court was brought before the Court
by Applications of Ethiopia and Liberia on 4 November 1960. The
Court joined the two actions by an Order of 20 May 1961.
On 30 November 1961 the Respondent-the Government of South
Africa-filed preliminary objections. The Applicants designated an
ad hoc Judge and the Respondent did likewise. Oral arguments were
heard on 2-5, 8-11, 15-17and 19and 22 October 1962.

In its Judgment of 21 December 1962 the Court decided that "it
has jurisdiction to adjudicate upon the merits of the dispute".
In reaching that conclusion the Court had to reject the four prelimi-
nary objections filed bythe Respondent. It did reject the four objections
and thereby substantially held:

(1) that the Mandate for South West Africa is a "treaty or convention
in force" within themeaning of Article 37 of the Statute ofthe Court;
(2) that despite the dissolution of the League, Ethiopia and Liberia had
locusstandiunder Article 7,paragraph 2, of the Mandate, to invoke
the jurisdiction of the Court;
(3) that the dispute between the Applicants and the Respondent was a
"dispute" as envisagedinArticle 7,paragraph 2, of the Mandate; and

325 un double aspect, et il en est de même pour d'autres points. »

Si, comme c'est le cas, mon analyse de ces ((mêmestextes », de ces
((principes» et de «la situation consécutiveà la dissolution de la Société
des Nations)) me conduit à une conclusion différente de celle qu'a
adoptée la Cour,il m'incombe, je me permets de le dire, d'expliquer mon
raisonnement et d'exposer pourquoi ilme porte à conclure que les deman-
deurs ont le ((droit ou intérêt juridiqu» nécessaire.
D'autre part, il convient d'indiquer que certains aspectsdes multiples
questions, tant de procédure que de fond, qui ont étésoulevéesdans la

présente affaire, ne sauraient êtretranchés dans le cadre d'une opinion
dissidente; il en va ainsi, par exemple, de l'appréciation détaillée dela
pertinence et de la valeur des dépositionsfaMs par les quatorze témoins.
Comme la Cour ne se prononce pas sur des questions de ce genre, qui
n'ont pas étéet ne pouvaient pas êtredéfinitivementrésoluesau cours de
la procédureorale, le dossier ne saurait êtreconsidéré commeconstituant
un précédent.
C'est la cinquième fois que la Cour examine des problèmes juridiques
relatifsà i'administration, par la République sud-africaine, du terri-
toire sous Mandat du Sud-Ouest africain. Ni dans ses trois avis consul-
tatifs, rendus respectivement en 1950, 1955et 1956,ni dans son arrêt du

21 décembre1962,la Cour ne s'estjamais écartéede sa conclusion selon
laquelle le Mandat a survécu à la dissolution dela SociétédesNations et
selon laquelle le Sud-Ouest africain demeure un territoire soumis au
Mandat. Or, par son arrêtd'aujourd'hui, la Cour décide en réalitéque
les demandeurs n'ont pas mêmequalitépour luidemander dedéclarer que
le territoire reste soumis au Mandat.
L'affaire que la Cour vient de trancher lui a été soumisele4 novembre
1960 par des requêtesde lYEthiopieet du Libéria. La Cour a joint les
deux instances par ordonnance en date du 20 mai 1961.
Le 30novembre 1961,le défendeur -le Gouvernement sud-africain -
a déposé des exceptions préliminaires. Lesdemandeurs ont nommé un

juge ad hoc et le défendeur a fait de même.La procédure orale s'est
dérouléedu 2 au 5, du 8 au 11, du 15 au 17 octobre, ainsi que les 19 et
22 octobre 1962.
Par arrêt du 21 décembre 1962, la Cour a décidé qu'((elle est com-
pétentepour statuer sur le fond du différend 1).
L'adoption de cette conclusion exigeait que la Cour rejette les quatre
exceptions préliminaires formuléespar le défendeur. Elle les a effective-
ment rejetéeset, ce faisant, elle a affirméen substance:

1) que le Mandat pour le Sud-Ouest africain constitue «un traitéou une
convention en vigueur )au sens de l'article 37 du Statut de la Cour;
2) qu'en dépitde la dissolution de la Société desNations, 1'Ethiopie et
le Libéria avaient, envertu du deuxièmealinéadel'article7duMandat,
qualitépour invoquer la juridiction de la Cour;
3) queledifférendentre lesdemandeurs etledéfendeurétaitun ((différend))
ainsi qu'il est prévu au deuxième alinéa de l'article 7 du Mandat;

325(4) that the prolonged exchanges of differing views in the General
Assembly of the United Nations constituted a "negotiation" within
the meaning of Article 7, paragraph 2, of the Mandateand revealed
that the dispute was one which could not be settled by negotiation
within the meaning of that same provision of the Mandate.

Under Article 60 of the Statute of the Court, this Judgment of 1962
is "final and without appeal". Under Article 94, paragraph 1, of the
Charter of the United Nations, both parties to the case were under
a duty to comply with this decision of the Court.
After the 1962Judgment, the Respondent filed its Counter-Mernorial
in ten volumes plus one supplementary volume. The Applicants in
turn filed their Reply and the Respondent filed its Rejoinder in two
volumes supplemented by other materials, including the so-called
Odendaal Report of 557printed foolscap pages.

Beginning on 15 March 1965, the Court devoted 99 public sessions
to oral hearings which included the arguments of Agents and Counsel
for both Parties and the testimony of 14witnesses.

The voluminous record was studied by the Court and its deliberations

were held over a period of some six months.
The Court now in effect sweeps away this record of 16 years and,
on a theory not advanced by the Respondent in its jînal submissions of
5 November 1965, decides that the claim must be rejected on the ground
that the Applicants have no legal right or interest.
The Applicants have not asked for an award of damages or for any
other material amend for their own individual benefit. They have in
effect, and in part, asked for a declaratory judgment interpreting certain
provisions of the Mandate for South West Africa. The Court having
decided in 1962 that they had standing (locus standi) îo bring the
action, they are now entitled to a declaratory judgment without any
further showing of interest.
Allowing for the factual differences, the following passage from the
separate opinion of Judge Sir Gerald Fitzmaurice in Northern Cameroons
(I.C.J. Reports 1963,p. 99) is apt here:

"By not claiming any compensation, the Applicant State placed
itself in a position in which, had the Court proceeded to the merits,
the Applicant could have obtained a judgment in its favour merely
by establishing that breaches of the Trust Agreement had been
committed, without having to establish, as it would otherwise have
had to do (i.e., if reparation had been claimed) that these breaches
were the actual and proximate cause of the damage alleged to have
been suffered-that isthe incorporation of theNorthern Cameroons
in the Federation of Nigeria rather than in the Republic of Came-
roon; without, in short, having to establish the international
responsibility of the United Kingdom for this outcome."

3264) que la confrontation prolongée de thèses divergentes à l'Assemblée
généraledes Nations Unies constituait des ((négociations »au sens du
deuxième alinéa de l'article 7 du Mandat et démontrait que le dif-
férenden question étaitbien un différendqui n'étaitpas susceptible
d'être réglpéar des négociations au sens de la mêmedisposition du
Mandat.

En vertu de l'article 60 du Statut de la Cour, cet arrêt de 1962 est
((définitifet sans recours».En vertu de l'article 94, paragraphe 1, de la
Charte des Nations Unies, les deux Parties à l'affaire avaient l'obligation
de se conformer à cette décisionde la Cour.
Après l'arrêt de1962, le défendeur a déposéson contre-mémoire
qui comprenait dix volumes plus un volume supplémentaire. Les deman-
deurs ont à leur tour déposé leurréplique; le défendeury a répondu par

sa duplique qui consistait en deux volumes, complétés par d'autres
documents et notamment par ce que l'on appelle le rapport Odendaal
(557 pages impriméesgrand format).
A partir du 15 mars 1965 la Cour a consacré quatre-vingt-dix-neuf
audiences publiques à la procédure orale, au cours de laquelle elle a
entendu les agents et conseils des deux Parties dans leurs plaidoiries,
ainsi que les dépositionsde quatorze témoins.
La Cour a étudié le volumineux dossier de l'affaire et son délibéré
a durésix mois environ.
Or voici que la Cour écartece dossier de seize annéeset, sur la base
d'une thèse que le défendeur n'a pas avancée dans ses conclusionsfinales

en date du 5 novembre 1965, décide qu'ilconvient de rejeter la demande
sous prétexteque les demandeurs n'ont aucun droit ni intérêt juridique.
Les demandeurs n'ont sollicité ni dommages-intérêtsni une autre
compensation matériellepour eux-mêmes.Ils ont en réalité et en partie
sollicitéun jugement déclaratoire qui interpréterait certaines dispositions
du Mandat pour le Sud-Ouest africain. Comme la Cour a décidéen
1962 qu'ils avaient qualité (locus standi) pour intenter l'action, ils
sont maintenant fondés à obtenir un jugement déclaratoire sans avoir
à prouver l'existence d'un autre intérêt.
Compte tenu de différencestenant aux faits, le passage suivant de

l'opinion individuelle formulée par sir Gerald Fitzmaurice dans l'affaire
du Camerounseptentrional(C.I.J. Recueil 1963,p. 99) est en l'occurrence
pertinent:
(En ne réclamant aucune indemnisation. 1'Etat demandeur s'est
placédans une situation telle que, si la Cour avait statuéau fond,

il aurait pu obtenir une décision ensa faveur en établissant simple-
ment que des violations de l'accord de tutelle avaient été commises;
il n'aurait pas eu à établir - ce qu'il aurait dû faire s'il avait
demandé une réparation - que ces violations étaient la cause
réelleet directe du préjudice allégué,àsavoir l'union du Cameroun
septentrional avec la Fédérationde Nigeria et non avec la Répu-
blique du Cameroun; il n'aurait pas eu en somme à établir la
responsabilitéinternationale du Royaume-Uni à raison de ce fait.)) The learned Judge concluded his remarks on this particular point
by saying :

"It is not the task of an international tribunal to apportion
blame in vacuo, or to find States guilty of illegalities except as a
function of, and relative to a decision that these have been the
cause of the consequences complained of, for which the State
concerned is accordingly internationally responsible; or except in
relation to astill continuing legalituation inwhich a pronouncement
that illegalitieshave occurredmay be legallymaterialand relevant."
(Loc. cit., p. 100.)

The words which 1have emphasized describe the situation in the instant
South WestAfrica case.
Paragraph 2 of Article 7 of the Mandate gave a member of the League
the right to submit to the Court a dispute relating to the interpretation
of the provisions of the Mandate if the dispute cannot be settled by
negotiation. As 1 shall show in more detail later, the Court in 1962
decided that the Applicants qualify in the category "Member of the
League"; this is resjudicata and the Court's Judgment of today does

not purport to reverse that finding. The Court in 1962 equally held
that the present case involves a dispute which cannot be settled by
negotiation; this doublefindinghas the sameweight and today's decision
does not purport to reverse that finding. 1 do not understand that it
is denied that the dispute refers to the interpretation of provisions of
the Mandate. 1 do not see how this clear picture can be clouded by
describing the claims as demands for the performance or enforcement
of obligations owed by the Respondent to the Applicants. The submis-
sions may indeed involve that element also, as will be noted, but this
element does not exclude the concurrent requests for interpretation of
the Mandate.

Whether any further right, title or interest is requisite to support
Applicants' requests in this case for orders by the Court directing
Respondent to desist from certain conduct alleged to be violative of
its legal obligations as Mandatory, may well be a separate question,
but the Judgment of the Court denies them even the declaratory judg-

ment. It may however be said that if the Court, properly seised, finds
and declares that Respondent is violating its legal obligations in the
administration of the Mandate, there is no reason in the Court's Statute
or in generaljuridical principles, which would prevent it from ordering
the Respondent to desist. But the Permanent Court and this Court
have not usually framed their judgments in this fashion. Under the
Statute of this Court, as already noted, the Court's judgment "is final
and without appeal". By Article 94 of the Charter, "each Member of
the United Nations undertakes to comply with the decision of the
International Court of Justice in any case to which it is aparty". If the
Court in its judgment holds that a certain line of conduct is in violation
of a State's legal obligations, that State isder a duty to comply with

327 Et l'éminent juge de conclure ainsi ses observations sur ce point:

((11n'appartient pas à un tribunal international de prononcer
un blâme dans le vide ou de déclarerun Etat coupable d'illégalités,
si ce n'est dans le cadre età propos d'une décision précisantque
ces illégalitéssont la cause des conséquences incriminées etque
1'Etat viséen est par suite responsable sur le plan internaXional,
si ce n'est encoreen liaison avec une situation juridique qui doit
dureret ausujet de laquelle ilpeutêtrjuridiquement utile etpertinent
de dire que des illégaliosnt étécommises. »(Loc. cit., p. 100.)

Lestermes quej'ai misen italiques illustrent la situation dans la présente
affaire du Sud-Ouest africain.
Le deuxième alinéa de l'article7 du Mandat conférait à tout Membre
de la Société desNations le droit de saisir la Cour d'un différend relatif
à l'interprétation des dispositions du Mandat, si le différend nepouvait
êtreréglépar des négociations. Comme je le montrerai plus loin de
manière plus détaillée,la Cour a reconnu en 1962 aux demandeurs la
qualitéde «Membres de la Société desNations ». Cela est chose jugée

et l'arrêtque la Cour rend aujourd'hui ne vise pas à remettre en cause
cette conclusion. En 1962,la Cour a égalementaffirméque la présente
affaire porte sur un différendqui ne peut êtreréglépar des négociations.
Cette double conclusion a le même poidset la décisiond'aujourd'hui
ne vise pasà la remettre en cause. On ne nie pas, je crois, que le différend
porte sur l'interprétation des dispositions du Mandat. Je ne vois pas
comment on peut brouiller un tableau aussi clair en disant que les de-
mandes présentées exigentla mise en Œuvreou l'exécution d'obligations
contractéespar le défendeur àl'égard desdemandeurs.Il se peut qu'effec-
tivement les conclusions comportent aussi cet élément,comme on le
notera, mais cela n'exclut pas pour autant les demandes touchant à

l'interprétation du Mandat, formulées en même temps.
Il est fort possible de considérer comme toute différentela question
de savoir si les demandeurs doivent justifier d'un autre droit, titre ou
intérêtpour étayer les demandes présentées en l'espèce et tendant à
obtenir de la Cour qu'elle enjoigne au défendeur de renoncer à un
certain comportement qui violerait, prétend-on, les obligations juridi-
ques lui incombant en tant que Mandataire - mais l'arrêtde la Cour
refuse aux demandeurs jusqu'au jugement déclaratoire. On pourra
cependant dire que, si la Cour, dûment saisie, constate que le défendeur
viole ses obligations juridiques dans l'administration du Mandat, rien

dans son Statut ni dans les principes générauxde droit ne l'empêche
d'enjoindre au défendeur derenoncer à une telle attitude. Mais la Cour
permanente et la Cour actuelle n'ont pas en généralconçu leurs arrêts
de cette manière. En vertu du Statut de la Cour internationale, un arrêt
est (définitifet sans recours», comme nous l'avons déjà signalé.AUX
termes de l'article 94 de la Charte, ((chaque Membre des Nations Unies
s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de
Justice dans tout litige auquel il est part».Si dans son arrêt la Cour

327 the decision by desisting from the illegal conduct. The Court should
not act upon an assumption that a State Member of the United Nations
would violate its obligation under Article 94. It may be recalled that
in the very first judgment rendered by the Permanent Court of Inter-
national Justice, it refused Applicants' request that it award "interim
interest at a higher rate in the event of the judgment not being complied
with at the expiration of the time fixed for compliance. The Court

neither can nor should contemplate such a contingency." (S.S. Wimble-
don, P.C.I.J., Series A, No. 1 (1923),p. 32.)

Since a dissenting opinion does not speak for the Court, there is no
need for me to explore in detail the separate issue whether the Court,
if it had reached the real merits of the case, should have granted requests
to order Respondent to do or to cease to do certain things indicated
in the submissions of the Applicants. Had the Court dealt with those
matters, it would have had to consider a great deal of factual material.
One of the clearest factual issues related to thesixth submission which
alleged that Respondent had established military bases within the
Territory; the testimony of one of Respondent's witnessesproved to my
satisfaction that this charge of the Applicants was completely without
foundation. In the fourth submission, Applicants make general reference
to "economic, political, social and educational policies applied within
the Territory by means of laws and regulations, and officia1methods
and measures, which are set outin the pleadingsherein ...". In appraising
this submission, the Court would, if it were considering issuingan order
to cease and desist, have had to determine whether any changes had been
introduced by the Respondent since the Applications in this case were
filed with the Court on 4 November 1960. 1 do not pretend to make a
finding on the evidence, but it appears to me probable that the Court

would have found that Respondent, perhaps responsive to the general
condemnation of its administration of South West Africa, has introduced
numerous improvements and ameliorations. This does not mean that
it has abandoned the policy of apartheid (which is covered by Appli-
cants' Submission No. 3), nor does it mean that the Court, in a finding
whether certain policies or measures were in conformity with the obli-
gations of the Mandatory, could have overlooked the "critical date"
which was the date of the filing of the Applications.

The Judgment of the Court today does not constitute a final binding
judicial decision on the real merits of the controversy litigated in this
case. In effect reversing its Judgment of 21 December 1962,it rejects the
Applicants' claims in limine and precludes itself from passing on the
real merits. The Court therefore has not decided, as Respondent sub-
mitted, "that the whole Mandate for South West Africa lapsed on the
dissolution of the League of Nations and that Respondent is, in conse-
quence thereof, no longer subject to any legal obligations thereunder".

328 affirme qu'un certain comportement constitue une violation des obli-
gations juridiques d'un Etat, cet Etat est tenu de se conformer à la
décision dela Cour en s'abstenant de ce comportement illicite. La Cour
ne doit pas partir de l'hypothèse qu'un Etat Membre des Nations
Unies peut violer l'obligation que lui impose l'article. On serappellera
que, dans le tout premier arrêt que la Cour permanente de Justice inter-
nationale a rendu, elle a refuséde faire droitla requêtedes demandeurs
et d'allouer des ((intérêtsmoratoires plus élevéspour le cas où l'arrêt
resterait inexécutéaprès expiration du délai fixépour son exécution.
La Cour ne peut ni ne doit envisager une telle éventualité. ))(Vapeur
Wimbledon, 1923, C.P.J.I. sérieA no1, p. 32.)

Comme une opinion dissidente ne représente pas l'avis de la Cour,
il est inutile que j'examine de façon détailléela question distincte de
savoir si, au cas où la Cour aurait statué sur ce qui est véritablement le
fond de l'affaire, elle aurait dû accueillir des demandes tendant à ce
qu'il soit enjoint au défendeur defaire ou de s'abstenir de faire certaines
choses qui sont mentionnées dans les conclusions des demandeurs. Si
la Cour s'étaitoccupéede telles questions, il lui aurait fallu étudier un
grand nombre de donnéesde fait. L'un des points de fait les plus évidents
avait traità la conclusion no 6 selon laquelle le défendeur aurait établi
des bases militaires sur le territoire. La déposition de l'un des témoins
du défendeurm'a convaincu aue ce grief était dénué de tout fondement.
Dans leur conclusion no 4, les demandeurs incriminent d'une manière
généraleles ((principes économiques, politiques, sociaux et éducatifs

appliqués dans le territoire ...les lois et règlements et ...les méthodes
et actes officiels décrits dans les écritures...)) Pour apprécier cette
conclusion, et au cas où elle aurait envisagé de rendre une ordonnance
enjoignant au dkjendeur de cesser certains agissementset de s'en abstenir
dansl'avenir, la Cour aurait dû déterminer si le défendeuravait apporté
certaines modifications depuis la date du dépôtdes requêtes,le 4 novem-
bre 1960.Sans prétendredégagerune conclusion des éléments de preuve,
je crois que la Cour aurait alors probablement constaté que le défendeur,
sensible peut-êtreà la condamnation généraleencourue par son adminis-
tration du Sud-Ouest africain, y avait apporté de nombreuses améliora-
tions. Cela ne veut pas dire qu'il a abandonné la politique d'apartheid
qui fait l'objet de la conclusion no 3 des demandeurs et ne signifie pas
non plus que la Cour, en se prononçant sur le point de savoir sicertaines

politiques ou mesures étaient conformes aux obligations du Mandataire,
aurait pu négligerla ((date critiquen qui était la date du dépôt des
requêtes.
L'arrêtque la Cour rend aujourd'hui n'est pas une décisionjudiciaire
définitive et obligatoire sur ce qui est vraiment le fond du litige soulevé
en l'espèce. En fait, infirmant son arrêt du 21 décembre 1962, la Cour
rejette les requêtes desdemandeurs in limineet s'abstient de se prononcer
sur le véritablefond de l'affaire. La Cour n'a par conséquent pas décidé,
comme l'a soutenu le défendeur, «que le Mandat pour le Sud-Ouest
africain dans son ensemble est devenu caduc lors de la dissolution de la
Société desNations et que le défendeur n'est plus en conséquence331 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P. JESSUP)

Further, the Court has not decided, as submitted by the Respondent
in the alternative, that the Mandatory's former obligations to report,
to account and to submit to supervision had lapsed upon the dissolution
of the League of Nations.
The Court has not rendered a decision contrary to the fundamental
legal conclusions embodied in its Advisory Opinion of 1950 supple-

mented by its Advisory Opinions of 1955 and 1956 and substantially
reaffirmed in its Judgment of 1962.
Even more important is the fact that the Court has not decided that
the Applicants are in error in asserting that the Mandatory, thepublic
of South Africa, has violated its obligations as stated in the Mandate
and in Article 22 of the Covenant of the League of Nations. In other
words, the charges by the Applicants of breaches of the sacred trust
which the Mandate imposed on South Africa are not judicially refuted
or rejected by the Court's decision.
Nevertheless, the reasoning of the Court and its conclusions on

certain underlying questions of fact and of law, require an examination
into aspects of al1of these questions, as this opinion will demonstrate.

SECTION II. THEFINALITY OF THE COURT'P SREVIOU PRONOUNCEMENTS

The Judgment of 1962

1do not think it would be adequate to rest on the finalities of the 1962

Judgment of this Court. But 1shall briefly indicate the legal principles
which dictate attributing more authority to the prior decisions and
opinions of this Court than the Court's present decision seems to reveal.

To dispel the fallacy that nodecision on a preliminary objection can
have finality, and as a preliminary matter of clarifyingterminology, one
may note that Article 94 (1) of the United Nations Charter uses the
word "decision" in English and "décision"in French. In Article 94 (2)
the terms are "judgment" and "arrêt"l.In Article 63 (2) of the Court's

Statute one finds "judgment" rendered in French as "sentence" and in
Article 41 (2) of the Statute, "decision" is "arrêt"in French. In the
Rules of Court, No. 64 (6) speaks of a "decision ... in the form of a
judgment" (la Courstatue sur la requête par un arrêt).The same expres-
sionsin both languages are found in Article 81oftheRules. In Rule 62(5),

' Article 94 of the Charter:
"1. Each Member of the United Nations undertakes to comply with the decision
of the International Couof Justice in any case to which it is a party.
2. If any party to a case fails to perform the obligations incupon it
under a judgment rendered by the Court, the other party may have recourse to the
Security Council, which may, if it deems necessary, make recommendatiors
decide upon measures to be taken to give effect to the judgment."
329 soumis à aucune des obligations juridiques découlant du Mandat ».
En outre la Cour n'a pas décidé,comme le défendeur l'a affirmé

subsidiairement, que les obligations incombant antérieurement au
Mandataire et consistant à faire rapport et à rendre compte ont pris
fin lors de la dissolution de la Société desNations.
La Cour n'a pas rendu de décisioncontraire aux conclusions juri-
diques fondamentales que contient son avis consultatif de 1950, com-
plétépar les avis consultatifs de 1955et 1956et réaffirmé ensubstance
dans l'arrêtde 1962.

Qui plus est, la Cour n'a pas décidéque les demandeurs ont tort
d'affirmer que le Mandataire - la République sud-africaine - a violé
les obligations énoncéesdans le Mandat et l'article 22 du Pacte de la
Société desNations. En d'autres termes, la décisionde la Cour n'a ni
réfuté ni rejeté, sur le plan judiciaire,les griefs des demandeurs d'après
lesquels la mission sacréede civilisation que le Mandat imposait à

l'Afrique du Sud a étéviolée.
Néanmoins, vu les motifs de la Cour et les conclusions qu'elle a
adoptées sur certaines questions fondamentales de fait et de droit,
il importe d'examiner l'ensemble de ces questions sous divers aspects,
comme le montrera la présente opinion.

SECTION II.CARACTÈR DEÉFINITIFDES PRONONCÉSANTÉRIEURS DE LA COUR

Arrêt de1962

Il ne serait pas approprié, je crois, de s'appuyer uniquement sur les
éléments de l'arrêt renduen 1962par la Cour qui présentent un caractère

définitif.Mais j'indiquerai brièvement les principes juridiques qui exi-
gent que l'on attribue aux décisionset avis antérieurs dela présenteCour
plus d'autorité que l'actuelledécisionne parait le faire.
Pour dissiper l'erreur qui consiste à dire qu'aucune décisionsur une
exceptionpréliminairene peut avoir de caractère définitifet pour préciser
d'abord la terminologie, on notera que le paragraphe 1 de l'article 94 de
la Charte des Nations Unies utilise en français le mot ((décision ))et en

anglais decision. Au paragraphe 2 de cet article 94, on parle d'«arrêt »
(judgment) l. A l'article 41, paragraphe 2, du Statut, le mot ((arrêt))
est traduit en anglais par decisioneà l'article 63,paragraphe 2, du Statut,
judgment correspond à (sentence ». Dans le Règlementde la Cour, l'ar-
ticle 64, paragraphe 6, dit que «La Cour statue ...par un arrêt » (The
Court willgive its decisionin theform of ajudgment). Ontrouve lesmêmes

Article 94 de la Charte:
1. Chaque Membre des Nations Unies s'engage à se conformer à la décision
de la Cour internationalede Justice dans tout litige auquelest partie.
2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux oblitations qui lui incombent en
vertud'un arrêtrendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité
et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire des recommanou décider des
mesures à prendre pour faire exécuter l'arr)). dealing with preliminary objections, the English text speaks of a "deci-
sion" andthe French text again uses "statue". The "decision" (to use the
term in Article 26 (5) of the Rules), of 21 December 1962is labelled a
"judgment" and recites at the outset (p. 321)that the Court "delivers the
following Judgment"("arrêt").Thisuse of the term "judgment" ("arrêt")

is found in every ruling of the Court on a preliminary objection, be-
ginning with the Corfu Channel case (I.C.J. Reports 1947-1948,p. 15)
down through Barcelona Traction (I.C.J. Reports 1964, p. 6). After
analysing passages in the Asylum case, Rosenne writes (The Law and
Practice of the International Court, 1965, Vol. II, p. 627):

"This, it is subrnitted, leads to the conclusion that the word
'decision'(décision)appearing in Article 59ofthe Statute isidentical
in meaning with the word 'judgment' (arrêt)appearing in Article 60,
and refers not merely to the operative clause (dispositifl of the
judgment, but to its reasons as well. This is clearly the case as
regards the meaning of the word 'judgment' (sentence) appearing in
Article 63."

There is no clear distinction between "decision" and "judgment"-
the terms can be used interchangeably. Accordingly, after 21 December
1962,some obligation with respect to thejudgrnent ofthat date must have
rested upon Applicants and Respondent under Article 94 (1) of the
Charter. 1shall consider below with what either Party was now obliged
"to comply" (à se conformer). Under Article 60 of the Statute, the
Judgment of 21December 1962was "final and without appeal" although
(under Article 59)it "has no binding force exceptbetweenthe parties and
in respect of that particular case". Within the meaning of Article 59, the
present proceedings are in "that particular case". The words in Article 60
"without appeal" clearly refer only to theparties; if they are dissatisfied
with the judgment, they may seek a revision under Article 61 of the
Statute if they are able to satisfy the conditions stated in that Article.
The word in Article 60, "final", may have a broader significanceand may
address itself to the Court as wellas to the parties.nce Respondent has

not proceeded in accordance with Article 78ff.ofthe Rules of Court, and
has not avowedly sought a "revision" of the 1962 Judgment 1 do not
consider that there is before the Court a case under Article 61 of the
Statute, despite Respondent's arguments about "new facts" (with which
1shall deal later).

The statement in Article 60 of the Statute that "the judgment is final
and without appeal", taken in conjunction with the reference in Article
59 to "that particular case", constitutes a practical adoption in the
Statute ofthe rule ofresjudicata, a rule, or principle, cited inthe proceed-

330expressions dans les deux langues à l'article 81 du Règlement. A l'ar-
ticle62,paragraphe 5,qui serapporte aux exceptionspréliminaires,letexte
français utilise de nouveau le mot (statue »,tandis que le texte anglais
parle d'une decision. La decision (pour utiliser le terme figurant à l'ar-
ticle 62, paragraphe 5, du Règlement)du 21 décembre1962est intitulée
«arrêt » (Judgmentj et commence par les termes (p. 321) : «La Cour ...

rend l'arrêt suivan t (The Court ... delivers the following Judgment).
La Cour a utiliséle terme d'((arrê t (judgment) dans chacune de ses
décisions relatives aux exceptions préliminaires, de l'affaire du Détroit
de Corfou (C.I.J. Recueil 1947-1948,p. 15) jusqu'à celle de la Barcelona
Traction, Light and Power Company,Limited (C.Z.J. Recueil 1964,p. 6).
Après avoir analysé certains passages de l'affaire du Droit d'asile,

Rosenne écrit (The Law and Practice of the International Court, 1965,
vol. II, p. 627):

((11faudrait donc en conclure que le mot ((décision » (decision)
à l'article 59 du Statut a le même sensquele mot (arrêt))(judgment)
à l'article 60 et se rapporte non seulement au dispositif mais aussi
aux motifs de l'arrêt.Il est clair que c'est aussi le sens à donner au
mot (sentence ))(judgment) à l'article 63.»

Il n'y a pas de distinction bien marquée entre ((décision )et ((arrêt»,
ces termes pouvant êtreutilisés l'unpour l'autre. Par conséquent, depuis

le 21 décembre1962,en vertu de l'article 94, paragraphe 1,de la Charte,
une certaine obligation incombe aux demandeurs et au défendeur du
fait de l'arrêtrendu à cette date. Je traiterai plus loin de ce à quoi les
deux Parties sont maintenant obligéesde (cse conformer ))(to comply).
Aux termes de l'article 60 du Statut, l'arrêtdu 21 décembre 1962 est
((définitifet sans recours ))bien que, selon l'article 59, il ne soit((obliga-

toire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». Au
sens de l'article 59, la présente instance relève bien du ((cas qui a été
décidé)).11ne fait pas de doute qu'à l'article 60 l'expression «sans
recours ))s'applique seulement aux parties; si l'arrêt neles satisfait pas,
elles peuvent en demander une revision aux termes de l'article 61 du
Statut, à condition qu'elles satisfassent aux conditions énoncéespar

cet article.A l'article 60, le mot définiti» peut avoir une signification
plus large et viser tant la Cour que les parties. Etant donné que ledéfen-
deur n'a pas appliqué la procédure définieaux articles 78 et suivants
du Règlement et n'a pas cherché ouvertement à obtenir une (revision 1)
de l'arrêtde 1962,j'estime que la Cour ne se trouve pas dans une situa-
tion correspondant à celle qui est décriteà l'article 61 du Statut, malgré

les ((faitsnouveaux 1invoquéspar le défendeur (etdont je traiterai plus
tard).
En énonçant à l'article 60 que ((L'arrêtest définitifet sans recours »,
ce qui doit êtreliéau membre de phrase de l'article 59 ((dansle cas qui
a été décidé ))le Statut a en fait adopté la règle - ou principe - de
l'autoritéde la chose jugée,qui avait été citéd eans les débatsdu Comité333 SOUTH WEST AFRICA (DISS . P.JESSUP)

ings of the Commission of Jurists which drafted the Statute of the
Permanent Court of International Justice in 1920,as a clear example of
"a general principle of law recognizedby civilizednations". It rests upon
the maxim interest reipublicae ut sitjinis litium, or in an alternate form,
interestreipublicae resjudicatas non rescindi.Judge Anzilotti, in what has
been called "the classicenunciation of the law" (Rosenne, op. cit., p. 624)
listed as the essentials for the application of the resjudicata principle,
identity ofparties,identity ofcauseand identity ofobjectinthe subsequent
proceedings-'>ersona, petitum, causapetendi". (Interpretation of Judg-
mentsNos. 7and8 (Factoryat Chorzbw), JudgmentNo. II, 1927,P.C.I.J.,
Series A, No. I3, pp. 23-27.) These essentials are found in the matter

before us. This leads again to the conclusion that something must have
been finally decided by the 1962Judgment.
But the rule in Article 60 of the Statute "cannot ... be considered
as excluding the tribunal from itself revising a judgment in special
circumstances when new facts of decisive importance have been dis-
covered ...".(EfSect of Awards of Compensation Made by the United
Nations Administrative Tribunal,Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1954,
p. 47at p. 55.)Moreover,the Court isalways free, sua sponte,to examine
into its ownjurisdiction.
Various pronouncements in the jurisprudence of the two Courts, in
various separate opinions and in the "teachings of the most highly

qualified publicists" do not provide an automatic test to determine
what is within and what is without the res judicata rule. 1 agree with
Anzilotti in the opinion already cited (at p. 24):
"When 1 Saythat only the terms of a judgment (le dispositif de
l'arrêt)are binding, 1 do not mean that only what is actually

written in the operative part (dispositifl constitutes the Court's
decision. On the contrary, it is certain that it is almost always
necessary to refer to the statement of reasons to understand clearly
the operative part and above al1to ascertain the causapetendi."
The Court itself in the same case clearly held (at p. 20) that the

"findings" on which was based the "conclusion, which has now indis-
putably acquiredthe force of resjudicata9'-"findings" which "constitute
a condition essential to the Court's decision"-were among the points
"possessing binding force in accordance with the terms of Article 59 of
the Statute" l.

The complete applicable passage is as follows: "As has been recalled above,
the Court, by that judgment, decided that the attitude of the Polish Government
in regard to the Oberschlesische was not in conformity with the provisions of the
Geneva Convention. This conclusion, which has now indisputably acquiredthe
force ofresjudicata, was based, amongst other things, firstly, on the finding by the
was perfectly entitled to alienate the Chorzow factory, and, secondly, on the finding
that, from the standpoint of municipal the Oberschlesische had validly acquired
the right of ownership to the factory-and these findings constitute a condition
essential to the Court's decision. The finding that, in municipal law, the factory did
belong to the Oberschlesische is consequently included amongst the points decided
331 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 333

consultatif de juristes ayant rédigéle Statut de la Cour permanente de
Justice internationale en 1920comme un exemplemanifeste de ((principe
généralde droit reconnu par les nations civilisées ».Cette règles'appuie
sur la maxime Interest reipublicaeut sitfinis litium ou interestreipublicae
resjudicatas non rescindi.Anzilotti, dans ce que Rosenne appelle (1965,

vol. II, p. 624) «un énoncé classiquedu droit »,estime que les éléments
suivants sont essentiels pour l'application du principe de l'autorité de
la chosejugée:identitédes parties, identitéde cause et indentitéd'objet
de la procédure subséquente: personu, petitum, causa petendi. (Inter-
prétation des arrêts no" et 8 (usine de Chorzow), arrêtno 11, 1927,
C.P.J.I. sérieA no13, p. 23-27.) Je crois que ces éléments essentiels sont

présents en l'espèce. Celanous amène de nouveau à la conclusion que
quelque chosea dû êtredécidéde façon définitivepar l'arrêtde 1962.
Pourtant, la règle énoncée à l'article 60 du Statut ((ne peut ... être
considérée commeinterdisant au tribunal de reviser lui-mêmeun juge-
ment, dans des circonstances particulières, lorsque des faits nouveaux
d'importance décisiveont été découverts ...» (EfSet de jugements du

Tribunal administratif des Nations Unies accordant indemnité, C.I.J.
Recueil 1954,p. 55). En outre, la Cour a toujours la facultéd'examiner
de son propre chef si elle est compétenteou non.
On ne trouve ni dans la jurisprudence des deux Cours, ni dans les
opinions individuelles, ni dans ((ladoctrine des publicistes les plus quali-
fiés» de critères permettant de déterminer automatiquement ce qui

relèveou non de la règlede la chose jugée.Je partage l'avis d'Anzilotti
dans son opinion dissidente (affaire citée,p. 24):
«En disant que seul le dispositif de l'arrêtest obligatoire, je

n'entends pas dire que seulement ce qui est matériellement écrit
dans le dispositif constitue la décision dela Cour. 11est certain,
par contre, qu'il est presque toujours nécessaire d'avoir recours
aux motifs pour bien comprendre le dispositif et surtout pour déter-
miner la causa petendi. ))

Dans la mêmeaffaire, la Cour a clairement indiqué(p. 20) que les
((constatations » sur lesquellesrepose la (conclusion, qui est maintenant,
sans conteste, passée en forcede chose jugée » - ((constatations qui

constituent une condition absolue de la décision dela Cour» - font
partie des points (tranchés avec force obligatoire aux termes de l'ar-
ticle 59 du Statut ))l.

l Voici le texte entier du passage pertinenNAinsi qu'il a étérappelé ci-dessus,
la Cour a, par ledit arrêt, dit et jugé que l'attitude du Gouvernement polonais
vis-à-vis de1'Oberschlesische n'était pas conforme aux dispositions de la Con-
vention de Genève. Cette conclusion, qui est maintenant, sans conteste, passée
en force de chose jugée, reposait, entre autres,d'une part, sur la constatation
qu'au point de vue du droit international, le Gouvernement allemand avait bien
le droit d'aliéner l'usine de Chorzow, et, d'autre part, sur constatation qu'au
point de vue du droit civil, I'Oberschlesische avait valablement acquis le droit
de propriété sur l'usine constatations qui constituent une condition absolue de la
décisionde la Cour. La constatation suivant laquelle, au point de vue du droit civil,
l'usine appartenaità I'Oberschlesische fait, par conséquent, partie des points que La Cour permanente a signalé,dans une autre affaire, que les motifs
qui ne dépassentpas la portéedu dispositif ont force obligatoire (Ser-
vicepostal polonais à Dantzig, C.P.J.I. sérieB no II, p. 29). Toutefois
il est clair que les motifs ou arguments invoquéspar la Cour à l'appui
de la décision ne relèvent pastous de la chose jugée.
Le paragraphe 3 de l'article 62 du Règlement stipule: «Dès récep-
tion par le Greffier de l'acte introductif de l'exception,la procédure sur

le fond est suspendue ...» On soutient sur la base de cette disposition
que si, en statuant sur une exception préliminaire d'incompétenceou
d'irrecevabilité,la Cour effleureune question qui se rapporte ou appar-
tient au fond, ce qu'elle dit n'a qu'un caractère incident. Cet argument
est fondé surune conception erronée de l'article du Règlement,comme
le montre l'historique de celui-ci. C'estlors de la revision du Règlement
par la Cour permanente de Justice internationale en 1936qu'a été insé-
réela disposition: «la procédure sur le fond est suspendue ».Aupara-

vant le Règlement ne contenait rien de tel. L'examen de la question à
la Cour montre que tout l'intérêt était centré sluer problème des délais
que la Cour avait déjàfixéspour l'instance principale. Il a éténoté
que de nouveaux délais devraient probablement être accordés si la
Cour rejetait l'exception préliminaire. C'est ainsique M. Fromageot
a proposé d'ajouter au paragraphe 3 les mots «les délais primitivement
fixéspour la procédure au fond sont suspendus » (C.P.J.I. série D,

3Qddendum au no2, p. 706). Lorsqu'un autre membre de la Cour a fait
observer «que c'est à partir de la présentation de l'exception que la
procédure du fond est suspendue », M. Fromageot a suggéré de modifier
son texte comme suit: (cDès ce moment, les délais primitivement fixés
pour la procédureau fond sont suspendus. )Plus loin on lit: «Le Gref-
fier relèvequ'il ne s'agit pas strictement parlant d'une suspension de
délais.Ce qui est suspendu, c'est l'obligationpour les parties de déposer
à date$xe telle ou telle pièceécrite. »(Ibid., p. 707 - les italiques sont

de nous.) M. Fromageot a alors aussitôt proposé le libellésuivant, qui
a été finalementadopté: ((La procédure sur le fond est suspendue. ))

Il est parfaitement clair que la disposition dont il s'agit était une
simple question de procédure administrative portant sur la fixation de
délaiset n'étaitpas censéeavoir les incidences quant au fond qu'on cher-
che actuellement à lui prêter. L'arrêt rendu aujourd'huipar la Cour

pousse cette nouvelle théorieplus loin qu'on ne l'a jamais fait; elle va
trop loin et il convient de rappeler l'historique de l'article.

l'Arrêtno 7 a tranchésavec force obligatoire aux termes de l'article 59 du Statut.
Le contexte dans lequel se trouve le passage dont il s'agit sert précisémentà établir
le droit de propriété deI'Oberschlesische au point de vue du droit civil.
L'Arrêtno 7 de la Cour est de la nature d'un jugement déclaratoire qui, selon
son idée, est destinéfaire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes
et avec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation jainsique
fixéene puisse plus êtremise en discussion, pour ce qui est des conséquences juri-
diques qui en découlent.(C.P.J.I. sérieA no13, op. cit., p- 2les italiques sont
de nous.) In proceedings on preliminary objections, the situation of the parties
is reversed. The Respondent, who advances the preliminary objection,
is called on first by the Court to state his case; the Applicant then res-
ponds, the Respondent repliesandtheoral proceedings closewith the oral
rejoinder of the Applicant. On the merits, it is the Applicant who begins
and it is the Respondent who has the last word. That is why it is said:
"Preliminary objection proceedings ... now take the form of
a self-contained case (in which the objecting State appears as
applicant :In excipiendoreusjît actor) incidental to the proceedings
on the merits ..." (Rosenne, loc. cit., Vol. 1,p. 464.)

The principle is a familiar one: Ballantine's Law Dictionary (1930),
page 1138-"Reus excipiendofit actor. The defendant by his plea may
make himself a plaintiff ".The CyclopedicLaw Dictionary, 3rd ed. (1940),
page 975-"The defendant, by a plea, becomes plaintiff". Bell's South
African Legal Dictionary, 3rd ed. (1951),page 21-". .. he who avails
himself of an exception is considered a plaintiff; for in respect of his
exception, a defendant is a plaintiff".

The Judgment of the Court in this preliminary phase is pronounced,
not on the claims of the Applicant, but on the submissions of the
Respondent .
In this case,inthe stage ofthe preliminary objections, the Respondent's
Agent on 11October 1962first read these submissions:

"the Mandate for South West Africa [has never been, or, at any
rate, is, sincethe dissolution of the League of Nations] is no longer
a 'treaty or convention in force' within the meaning of Article 37
of the Statute of the Court, this submission being advanced-
(a) with respect to the said Mandate as a whole, including Art-
icle 7 thereof, and
(b) in any event, with respect to Article 7 itsell."

These submissions required the Court to render judgment on this
point of law in one or the other alternative forms. The Court did render
judgment, finding that the Mandate, despite the dissolution of the
League, was a "treaty or convention in force" within the meaning
of Article 37 of the Statute, and that the validity of Article 7 was not
affected by that dissolution. (See South WestAfrica cases, I.C.J. Reports
1962, pp. 330 ff.)
These first submissions of Respondent were a direct challenge to the
jurisdiction of the Court by their impeachment of the validity of the
treaty clause (Article 7) by which Respondent had consented to the
jurisdiction of the Court.

The bracketed words were inserted in a revised submission of 22 October,
as a result ofquestion posed to the Parties by Judge Sir Percy Spender. Cf. the
1962Judgment at p. 330.
333 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 335

Au stade des exceptions préliminaires, le rôle des parties est inversé.
Le défendeur qui soulève l'exception préliminaire est invitéen premier
par la Cour à exposer sa thèse; le demandeur répond, le défendeur
réplique et la procédure orale se termine par la duplique orale du de-
mandeur. Dans la procédure sur le fond, c'est le demandeur qui com-
mence et c'est ledéfendeurqui parle en dernier. C'est pourquoi on dit:

«La procédure sur l'exception préliminaire ...prend maintenant
la forme d'une affaire en soi, qui se greffe sur la procédure sur le
fond (et dans laquelle 1'Etat ayant présenté l'exception devient
demandeur: In excipiendo reus jît actor)» (Rosenne, 1965, vol. 1,
p. 464.)

Le principe est bien connu. Voir Ballantine, Law Dictionary, 1930,
page 1138 : ((Reusexcipiendo jît actor. Le défendeur, en présentant une
exception, peut se muer en demandeur »;The CyclopedicLaw Dictionary,
3eédition, 1940,page 975: «Le défendeur, enprésentant une exception,
devient demandeur; ))Bell, South African Legal Dictionary, 3e édition,
1951,page 21 : «celuiqui fait valoir une exception est considéré comme
demandeur; en ce qui concerne son exception, le défendeur est deman-

deur )).
Dans cette phase préliminaire, la Cour statue, non pas sur les préten-
tions du demandeur, mais sur les conclusions déposéespar le défendeur.

Dans l'affaire qui nous occupe, au stade des exceptions préliminaires,
l'agent du défendeur a lu d'abord les conclusions suivantes le 11 oc-
tobre 1962:

«le Mandat pour le Sud-Ouest africain [n'a jamais été,ou en tout
cas n'est plus depuis la dissolution de la Société desNations]
«un traité ou une convention en vigueur » au sens de l'article 37
du Statut de la Cour, la présente conclusion visant:

a) ledit accord de Mandat dans son ensemble, y compris l'article 7,
et
b) en tout cas l'article 7 même l.))

La Cour était donc invitée à se prononcer sur ce point de droit en
choisissant l'une des deux solutions. Elle a rendu un arrêt où elle a
prononcé que le Mandat, en dépit de la dissolution de la Société des
Nations, était ((untraitéou une convention en vigueur » au sens de I'ar-
ticle 37 du Statut, et que la validité del'article 7 n'étaitpas affectéepar
cette dissolution (affaires du Sud-Ouest africain, C.I.J. Recueil 1962,
p. 330 et suiv.).
Ces premières conclusions du défendeur mettaient directement en

question la compétence de la Cour du fait qu'elles contestaient la vali-
dité de la disposition conventionnelle (article 7) par laquelle le défen-
deur avait accepté la juridiction de la Cour.

Les mots placés entre crochets ont étéinsérésdans la conclusion reviséele
22 octobre, à la suite d'une question posée aux Parties par sir Percy Spender.
Voir arrêt de1962,p. 330.
333336 SOUTH WEST AFRICA (DES. OP. JESSUP)

1 am at a loss to understand how the Court can Saythat the Court's
disposa1 of these first submissions in its 1962 Judgment was merely
basing itself upon an hypothesis or some sort of provisional basis. No
such thought is expressed in the Court's 1962Judgment.

The second submission denied the locus standi of Applicants:

"Secondly, neither the Government of Ethiopia nor the Govern-
ment of Liberia is 'another Member of the League of Nations',
as required for locus standi by Article 7 of the Mandate for South
West Africa."

On the basis of several different reasons, the Court dismissed this
objection (p. 342). This is a clear decision that Applicants have locus
standi and the point is resjudicata.
The third submission argued that there was no "dispute" in the sense
ofArticle 7because no material interests of the Applicants were involved:

"Thirdly, the conflict or disagreement alleged bythe Governments
of Ethiopia and Liberia to exist between them and the Government
of the Republic of South Africa, is by reason of its nature and
content not a 'dispute' as envisaged in Article 7 of the Mandate
for South West Africa, more particularly in thatno material interests
of the Governments of Ethiopia and/or Liberia or of their nationals
are involved therein or affected thereby."

The Court (p. 344)expresslydecided thatthe objection must be dismissed
because there was a dispute within the meaning of Article 7. This
decision thatthe dispute could concern "the well-being and development
of the inhabitants" and need not include materialinterests of the Appli-
cants, is resjudicata.
The fourth submission in effect argued that collective negotiations in
and through organs of the United Nations were not the kind of negotia-
tions contemplated in Article 7:

"Fourthly, the alleged conflict or disagreement is as regards
its state of development not a 'dispute' which'cannot be settled by
negotiation' within the meaning of Article 7 of the Mandate for
South West Africa."
The Court decided (p.346) that there having been full collective nego-
tiation by one of the "established modes of international negotiation",

this fourth objection must also be dismissed. The decision that this
type of negotiation satisfies the requirements of Article 7 is also res
judicata.
The Judgrnent of the Court today concludes that al1of these objections
are to be considered as objections to the jurisdiction. As explained in
the 1962Judgment and as emphasized in the dissenting opinion of Judge
Morelli, they include objections to the admissibility of the claim. The
distinction is well established in the jurisprudence of the Court.
334 Je ne parviens pas à comprendre comment la Cour peut dire que la
décision qu'ellea prise sur ces premières conclusions dans son arrêt
de 1962 étaient simplement fondéesur une hypothèse ou reposait sur
une sorte de base provisoire. Aucune pensée dé ce genre n'a étéex-
primée dans l'arrêtde 1962.
La deuxième conclusion contestait la qualité des demandeurs pour
agir:

((Deuxièmement,nile Gouvernement de 1'Ethiopieni le Gouver-
nement du Libéria nesont ((un autre Membre de la Société des
Nations ))ainsi que l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest afri-
cain l'exige pour qu'il y ait locus standi.1)
Pour plusieurs motifs, la Cour a rejeté cette exception (p. 342). Elle

a donc clairement prononcé que les demandeurs ont qualitépour agir
et cela est passéen force de chose jugée.
La troisième conclusion énonçait qu'il n'y a pas de ((différend » au
sensdel'article7,caraucun intérêtconcred tesdemandeurs n'étaitenjeu:
((Troisièmement,le conflit ou désaccord que les gouvernements
de 17Ethiopieet du Libériaprétendent exister entre eux et le Gou-

vernement de la République sud-africaine n'est pas, eu égard à
sa nature et à sa teneur, un ((différend» comme il est prévu à l'ar-
ticle 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain, et cela plus particu-
lièrement en tant qu'aucun intérêt concret desgouvernements de
1'Ethiopieet/ou du Libériaou de leurs ressortissants n'est en cause
ou n'est affecté en I'espèce.))

La Cour (p. 344) a expressément rejetécette exception, considérant
qu'ily avait un différendau sens de l'article 7. La décision selonlaquelle
le différendpeut avoir trait«au bien-êtreet au développement des habi-
tants)) et n'a pas besoin de porter sur des intérêts concretsdes deman-
deurs a force de chose jugée.
Selon la quatrième conclusion, les négociations collectivesqui ont eu
lieu au sein des organes des Nations Unies ou par leur intermédiaire
n'étaientpas du genre envisagé à l'article 7:

((Quatrièmement,le prétendu conflit ou désaccord n'est pas,eu
égard à son état d'avancement, un !(différend ...qui ne soit pas
susceptible d'être réglpéar des négociations » au sens de l'article 7
du Mandat pour le Sud-Ouest africain. ))

La Cour a décidé (p. 346)que cette quatrièmeexception devait également
êtrerejetée puisqu'ily avait eu des négociations collectivesau plein sens
du terme par l'un des ((moyensétablisde conduire des négociationsin-
ternationales ».La décision selon laquellece mode de négociation satis-
fait aux prescriptions de l'article7 a égalementforce de chose jugée.
L'arrêtrendu aujourd'hui conclut que toutes ces exceptions doivent
êtretenues pour des exceptions d'incompétence.Comme le précise l'ar-
rêtde 1962 et comme le souligne l'opinion dissidente de M. Morelli,
certaines de ces exceptions concernaient l'irrecevabilité dela demande.
La distinction est bien établiedans la jurisprudence de la Cour.

334 The decisions on these four points in the Judgment of 21 December
1962 are fical under the provisions of Article 60 of the Statute and
Article 94 (1) of the Charter. It is argued, however, that there is nothing
with which a party can "comply" in decisions of this character. If
Article 60 and Article 94 (1) were indeed to be interpreted as applying
onlytojudgments calling for some affirmative step, the Articles would be
largely emasculated.

In Corfu Channel (I.C.J. Reports 1949, at p. 33, the Court decided
"that the action of the British Navy constituted a violation of Albanian
sovereignty". This was a final judgment or decision and Article 94 (1)
applies to it although no action in implementation was required.

In United States Nationals in Morotco (I.C.J. Reports 1952, at p. 213)
the Court decidedthat American nationals were not exempt from certain
taxes. This was a finalecision and required no action in implementation
except acquiescencewhich is similarly required for judgments upholding
jurisdiction.

The decision of the Court in Northern Cameroons was final (I.C.J.
Reports 1963,p. 38)but required no implementation except acquiescence.
In any case, indeed, when preliminary objections are sustained (as in
Norwegian Loans (I.C.J. Reports 1957, p. 27)) no implementation by
the parties is required. But there is no basis for saying that Article 94 (1)
excludes al1of these cases.

It should also be noted that by Article 61 (3) of the Statute, com-
pliance may be required by the Court before a revision is considered
even though this duty to comply may later be terminated if the judgment

is revised.
The Respondent's duty of compliance under Article 94 (1) of the
Charter with respect to the judgment of 21 December 1962,was a duty
to acquiesce in the findings of the Court and to conduct itself ac-
cordingly. By pleading to the merits, Respondent recognized and ful-
filIed its duty. When the Court decides that it has jurisdiction, a State
which denied the correctness of the Court's decision, failed to plead
to the merits and maintained that a subsequent adverse judgment on
the merits was invalid, would violate its obligation under Article 94.
It may be arguable that Respondent's first subrnission "that the whole
Mandate for South West Africa lapsed on the dissolution of the League
of Nations", was inconsistent with the Judgment of 21 December 1962,
but this could be a matter of interpretation on which argument was
justifiable.

The Advisory Opinions onSouth West Africa
There has also been much discussion of the three Advisory Opinions

335 Les décisions qui ont étéprises sur ces quatre points dans l'arrêt
du 21 décembre 1962 sont définitivesau sens de l'article 60 du Statut

et de l'article 94, paragraphe 1, de la Charte. On soutient cependant
qu'il n'y a rienà quoi une partie puisse «se conformer » dans des déci-
sions de cette nature. Si l'on devait considérer que l'article 60et l'ar-
ticle 94, paragraphe 1, ne s'appliquent en réalitéqu'aux arrêts appelant
l'adoption d'une mesure positive, la portée de ces articles serait très
diminuée.
Dans l'affaire du Détroitde Corfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 35), la
Cour a décidé qu'il y avait eu ((violation par l'action de la marine de
guerre britannique de la souveraineté de l'Albanie 1)C'étaitlà un arrêt
ou une décision à caractère définitifrelevant del'article 94, paragraphe 1,
bien qu'aucune mesure d'exécutionn'ait éténécessaire.
Dans l'affaire relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis

d'Amérique auMaroc (C.I.J. Recueil 1952, p. 213), la Cour a décidé
que les ressortissants américains n'étaient pas exemptés de certains
impôts. C'était là une décision définitivequi n'appelait aucune mesure
d'exécution si ce n'estun acquiescement, lequel est également requis
pour les arrêtsaffirmant la compétence.
La décision de la Cour en l'affaire du Cameroun septentrional était
définitive (C.I.J. Recueil 1963, p. 38) mais n'appelait aucune mesure
de mise en Œuvre hormis un acquiescement. En tout cas, lorsque des
exceptions préliminaires sont soulevées(comme dans l'affaire relative à
Certains empruntsnorvégiens(C.I.J. Recueil 1957,p. 27),aucune mesure
d'application n'est exigée des parties. Pourtant, on n'est nullement

justifiéà dire que l'article 94, paragraphe 1, ne s'applique pas aux
diverses affaires que nous venons de citer.
Il convient égalementde noter qu'en vertu del'article 61, paragraphe 3,
du Statut, la Cour peut subordonner la procédure de revision àl'exécu-
tion préalable de l'arrêt, mêmesi l'obligation d'exécuter peut dispa-
raître une fois l'arrêtrevisé.
L'obligation qui incombait au défendeur en application de l'article 94,
paragraphe 1, de la Charte quant à l'arrêtdu 21 décembre 1962 était
d'acquiescer aux conclusions de la Cour et d'y conformer son compor-
tement. En plaidant au fond, le défendeur a reconnu et rempli son
obligation. Dès lors que la Cour s'est déclaréecompétente, 1'Etat qui

contesterait le bien-fondé de la décision, s'abstiendrait de plaider au
fond et soutiendrait qu'un arrêtdéfavorable rendu ultérieurement sur
le fond ne serait pas valable violerait l'obligation que lui impose l'ar-
ticle 94. Quant au point de savoir si la première conclusion du défen-
deur d'après laquelle «le Mandat pour le Sud-Ouest africain dans son
ensemble est devenu caduc lors dela dissolution dela SociétédesNations )>
est en contradiction avec l'arrêtdu 21 décembre 1962, on peut y voir
une question d'interprétation dont il peut êtrelégitime de discuter.

Avis consultatifs sur le Sud-Ouest africain
On a également beaucoup parlé des trois avis consultatifs rendus

335 given by the Court in regard to South West Africa. The Court invoked
them in 1962 and Respondent devoted considerable attention to them.
Although an Advisory Opinion or a series of such opinions, is not or
arenot legallybinding ona State Member ofthe United Nations, whether
or not the opinion is accepted and endorsed by the General Assembly,
1 share the view stated by Judge John Bassett Moore and recalled with
approval by Judge Winiarski in his dissenting opinion in Peace Treaties
(I.C.J. Reports 1950,pp. 89 and 91) :

"If the opinions are treated as mere utterances and freely dis-
carded, they will inevitably bring the Court into disrepute: ... the
Court must, in view of its high mission, attribute to them great
legal value and a moral authority."

So Judge Azevedo in the same case said that although an ordinary
advisory opinion did not produce the effects of resjudicata, "that fact
is not sufficient to deprive an advisory opinion of al1 the moral con-
sequences which are inherent in the dignity of the organ delivering the
opinion, or even of its legal consequences" (p. 80).
On the basic point that the dissolution of the League did not terminate

the Mandate or Article 7 thereof as a provision of a convention in force,
the Court was unanimous in 1950 and no judge expressed a contrary
view in the giving of the Advisory Opinions of 1955 and 1956. The
Court having expressly reaffirmed this finding in 1962 (at p. 334), it
would indeed have been brought "into disrepute" if it should now have
attributed no weight to those prior views.

"It may be stated that the practical differencebetweenthe binding
force of a judgment, which derives from specificprovisions of the
Charter and Statute apart from the auctoritas of the Court, and the
authoritative nature of an advisory opinion possessed of that same
auctoritas, are not significant." (Rosenne, op. cit., Vol. II, p. 747.)
"In using judicial decisions as a 'source of law' by virtue of Ar-
ticle 38 (1)(d) of the Statute, no distinction at al1is made between
judicial decisions givenin the form of ajudgment, and judicial decis-
ions given in the form of an advisory opinion. Recourse is equally
had to both types ofjudicial pronouncement." (Ibid.,p. 745,note 1.)

Judge de Visscher, while stating clearly that advisory opinions do
not involve the doctrine of chose jugée,adds: "Dans le plan de leur
autorité doctrinale,il n'y a guère de distinction à faire entre arrêtset

avis." (Aspects récentsdu droit procéduralde la Cour internationale de
Justice, 1966,p. 195.)
As already noted, the Court's present judgment does not decide
that the Mandate or Article 7 thereof has lapsed and the authority of
the Court's prior utterances on that subject remains unimpaired.
336par la Cour au sujet du Sud-Ouest africain. La Cour les a invoqués
dans l'arrêtde 1962 et le défendeurleur a consacré une longue étude.

Bien qu'un avis consultatif ou une séried'avis consultatifs n'ait pas
force obligatoire pour un Etat Membre des Nations Unies, et cela que
l'avis soit accepté par l'Assemblée généralo eu non, je partage l'opi-
nion de M. John Bassett Moore reprise par M. Winiarski dans son opi-
nion dissidente en l'affaire des Traités depaix (C.I.J. Recueil 1950,
p. 89 et 91):

((Siles avis sont traités comme de simples opinions dont il est
permis de ne tenir aucun compte, il ne peut manquer d'en résul-
ter du discrédit pour la Cour ...Vu la nature de sa mission, la
Cour doit leur attribuer la plus grande valeur juridique et une
autorité morale. »

M. Azevedo a dit dans la même affaireque les effetsde la chose jugée
ne découlentpas de simples avis mais que ((cetteconstatation ne suffit

pas pour refuser à un avis toutes les conséquences morales, inhérentes
à la dignité de l'organequi le rend, et même juridiques ))(p. 80).

A la question fondamentale de savoir si le Mandat ou l'article 7
du Mandat en tant que clause d'une convention en vigueur a survécu
à la dissolutiqn de la Société desNations, la Cour a unanimement
répondu par l'affi?m-n 1950 et aucun juge n'a expriméd'opinion

contraire dans les avis consuleifs de 1955 et 1956. La Cour ayant
expressément réaffirmé cette conclusion en 1962 (p. 334), elle aurait
certainement risqué le ((discrédit ))en n'attribuant ensuite aucunè auto-
rité à ses propres opinions.

((Onpeut dire que dans la pratique il n'y a pas vraiment de diffé-
rence entre la force obligatoire d'un arrêt,qui découle,outre l'auc-

toritas de la Cour, de dispositions expresses de la Charte et du
Statut, et l'autorité d'un avis consultatif revêtu decette même
auctoritas.))(Rosenne, op. cit., vol. II, p. 747.)
«En invoquant des décisions judiciaires comme ((source du
droit ))au sens de l'article 38 (1) d) du Statut, on ne fait aucune
distinction entre celles qui ont pris la forme d'arrêts etcelles qui
ont pris la forme d'avis consultatifs. On a pareillement recours

à ces deux types de prononcé judiciaire. ))(Ibid., p. 745, note 1.)

M. de Visscher, tout en indiquant clairement que le principe de
l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas aux avis consultatifs,
ajoute: (Dans leplan deleur autoritédoctrinale, iln'ya guèrede distinc-
tion à faire entre arrêtset avis. ))(Aspects récentsdu droit procédural de
la Cour internationale de Justice, 1966, p. 195.)
Comme on l'a déjànoté, leprésentarrêt de la Courne décidepas que

le Mandat ou l'article 7 du Mandat est devenu caduc et les prononcés
antérieurs de la Cour sur ce sujet conservent toute leur force. SECTION III. RESPONDENTA 'SLLEGATION OS "NEW FACTS"

Respondent laid great stress on what were allegedto be certain "new
facts" which, it was argued, were so important that had they been known
to the Court in 1950, the Court would have reached conclusions dif-

ferent from those actually pronounced in the Advisory Opinion which
it gave in that year. Waiving the question whether this argument, as
advanced, evaded the provisions of the Statute and of the Rules of Court
concerning the revision of a prior decision, the so-called "new facts"
may be examined, since, if they were"new facts of decisiveimportance",
the Court would certainly need to take them into account even if this
required some modification of conclusions previously reached. Some
of them bear on the issue of the survival of the Mandate, an issue which
cannot be ignored in this opinion. My examination does not lead me
to believeany revision of the statement in the Court's Judgment of 1962
Op. 334) is called for: "Al1important facts were stated or referred to in
the proceedings before the Court in 1950." The re-examination of some
of these facts reinforces previous conclusions.

Mutatis mutandis, the situation and conclusion are the same as those
stated by the Permanent Court of International Justice in the Monastery
of St. Naoum case with reference to proposed revision of a decision of
the Conference of Ambassadors :

"This decision has also been criticised on the ground that it
was based on erroneous information or adopted without regard
to certain essential facts .
These arguments make it iiecessary for the Court to ascertain
whether, over and above the group of circumstances which led to
that decision, there exist new facts or facts unknown at the time
when the decision was taken; in other words, whether, as alleged
by the Serb-Croat-Slovene State and Greece, the Conference of
Ambassadors allocated the Monastery to Albania simply because
it was unacquainted with new facts, or unaware of facts already
in existence, which, ifaken into consideration, would have led to
a contrary decision.
As concerns new facts, there are none in the present case. It is
true that... the Conference was unacquainted with the documents
sent by the Serb-Croat-Slovene State in support of its claim for
revision... But in the opinion of the Court fresh documents do
not in themselves amount to fresh facts. No new fact-properly
so-called-has been alleged.
As regards facts not known ... [i]t i...difficultto believe that
the members of the Conference of Ambassadors were unacquainted
with these documents, which are in no sense secret." (P.C.I.J.,
Series B, No. 9, pp. 21-22.)

The "new facts" are listed as four in number in the Respondent's
337 SECTIO1 N11.« FAITS NOUVEAUX» ALLÉGUÉSPAR LE DÉFENDEUR

Le défendeur insiste beaucoup sur ce qu'il présente comme des
((faitsnouveaux)) tellement importants que, si la Cour en avait eu con-
naissance à l'époque, elle aurait adopté des conclusions différentes
de celles qu'elle a énoncéesdans son avis consultatif de 1950.Indépen-
damment de la question de savoir si l'argumentation ainsi formulée
est contraire aux dispositions du Statut et du Règlement de la Cour

relativesà la revision d'une décisionantérieure, on peut examiner les
faits dits nouveaux »car, s'ils constituaient des ((faits nouveaux d'une
importance décisive »,la Cour devrait sans aucun doute en tenir compte,
dût-elle pour cela modifier quelque peu ses conclusions antérieures.
Certains de ces faits touchent de très près la question du maintien en
vigueur du Mandat, question que je ne saurais passer sous silence dans
la présente opinion. Après examen du problème, je ne pense pas qu'il
soit nécessaire de reviser la déclaration faite par la Cour dans son
arrêt de 1962 (p. 334): ((Tous les faits importants ont étéexposésou
citésdans la procédure devant la Cour en 1950. »Un nouvel examen de
certains de ces faits renforce les conclusions antérieures de la Cour.
Mutatis mutandis la situation et les conclusions sont les mêmesque
celles que la Cour permanente de Justice internationale a exposées en
l'affaire du Monastère de Saint-Naoum à propos d'une proposition

tendant à la revision d'une décision dela conférence desambassadeurs:
((Cette décisiona encore étécritiquée comme étant fondée sur
des données erronéesou comme ayant étéprise sans tenir compte
de certains faits essentie...
En présence deces arguments, la Cour est obligéede rechercher
si, en dehors de l'ensemble des circonstances ayant provoqué la

décision, ilse trouve des faits soit nouveaux, soit ignorés au jour
où cette décision est intervenue; en d'autres mots si, comme le
prétendent 1'Etat serbe-croate-slovène et la Grèce, la Conférence
des Ambassadeurs, en attribuant le Monastère à l'Albanie, l'a fait
uniquement pour cette raison qu'elle ne connaissait pas de faits
nouveaux ou qu'elle ignorait des faits antérieurs qui, s'ils avaient
été pris enconsidération, auraient amené une décision contraire.
Des faits nouveaux, il n'en existe pas en l'espèce. Il est vrai
que ...la Conférence [n'a pas]eu connaissance des documents
envoyéspar l'Etat serbe-croate-slovènà l'appui de sa demande de
révision...Mais, dans l'opinion delaCour, des documents nouvelle-
ment produits ne constituent pas par eux-mêmes defaits nouveaux;
aucun fait nouveau, dans le sens propre du mot, n'a étéinvoqué.
Quant aux faits ignorés ...[il1est...difficile d'admettre que les

membres de la Conférence aient ignoré ces documents, qui n'ont
nullement un caractère secret. » (C.P.J.I. sérieB no 9, p. 21-22.)

Dans les exceptions préliminaires (p. 345-346),les afaits nouveaux »

337Preliminary Objections at pages 345-346.In C.R. 6517,30 March 1965,
at pages 44 and 45, and C.R. 65/16, 12 April 1965,at pages 43 ff., the
first of the four "new facts" is omitted l.
The first "new fact" as listed in the Preliminary Objections is the so-
called express reservations made by the South African representative,
Mr. Smit, at San Francisco on 11May 1945.In the Court's 1950volume
of Pleadings, etc., at page 114, the United States in its statement set

forth the entire text of the declaration by Mr. Smit except for the extra
paragraph which Respondent says is not in the official transcript but
which, before his death, Mr. Smit said was part of his statement. It is
doubtful whether this extra paragraph adds much to what is said in the
last three paragraphs of what is printed in the United States statement.
The United States statement adds a referenceto United Nations, Oficial
Records,GeneralAssembly,First Session,SecondPart, Fourth Committee,
Part 1(1946),200, Annex 13. Doc. Al123 in this annex is a letter dated
17 October 1946 from the Legation of the Union of South Africa to
the Secretary-General. It contains a long memorandum on the admini-
stration of South West Africa which begins: "1. On 7 May 1945, the

delegation for the Union of South Africa informed the United Nations
Conference on International Organization, San Francisco, as follows :
. .." Here follows the statement as set out inthe Preliminary Objections
(at pp. 237-238)but the extra paragraph is not included.

According to the verbatim transcript of the meeting at which the
South African delegate made his statement, Running Number 33, the
delegate at the end of the prepared statement said: "That is al11 have
to say." There is no indication that the extra paragraph waspronounced,

and one is therefore led to conclude that Mr. Smit's memory may have
been faulty 2.
The United States statement to the Court in 1950noted that the re-
presentative of South Africa had subsequently referred to Mr. Smit's
declaration as a "reservation". It was said that he had circulated copies
of the statement on 7May before reading itto the meeting. The statement
continues by referring to a speech by the South African representative
about this "reservation" at the second session of the General Assembly,
citing United Nations, A1P.V. 105Plenary, 1947, 187-190(final citation
105th Plenary, p. 635). The United States statement also said (p. 116):

"The effect of the 'reservation' was simply to give notice that
the Union of South Africa would later raise in a competent forum
the question of the future of South West Africa, with a view to
incorporation of that Territory in the Union."

The "C.R." references in this opinion are to the daily verbatim transcripts,
the numbering and pagination of which will not be identical in the final printed
recoThe acceptance of Mr. Smit's recollection in the 1962joint dissent at p. 533,
was perhaps too facile.

338sont au nombre de quatre. Dans les C.R. 6517du 30 mars 1965(p. 44-
45) et 65/16 du 12 avril 1965 (p. 43 et suiv.), le premier de ces quatre
((faits nouveaux » est omis l.
Le premier afait nouveau » énoncédans les exceptions préliminaires

est la ((réserveexpresse»que M. Smit, représentantde l'Afrique du Sud,
aurait formulée le 11mai 1945 à San Francisco. A la page 114des Mé-
moires, plaidoiries et documents de 1950, on trouve, dans l'exposé
écrit des Etats-Unis, le texte intégral de la déclaration de M. Smit,
exception faite du paragraphe supplémentaire qui, au dire du défendeur,
ne figure pas dans le procès-verbal officiel mais dont M. Smit aurait
dit, avant son décès,qu'il avait fait partie de sa déclaration. On peut
se demander si ce paragraphe supplémentaire aurait beaucoup ajouté

à ce qui est dit dans les trois derniers paragraphes du texte reproduit
dans l'exposé desEtats-Unis. Ledit exposé contient une référence:
Nations Unies, Documents oficiels de l'Assembléegénérale, deuxième
partie de la première session, Quatrième Commission, Ire partie, 1946,
page 200, annexe 13. Dans cette annexe figure un document A1123qui
est une lettre adresséeau Secrétaire générap lar la légation de l'Union
sud-africaine en date du 17octobre 1946.A cette lettre estjoint un long
mémorandum sur l'administration du Sud-Ouest africain commençant

par ces mots: 1. Le 7 mai 1945,la délégation de l'Union sud-africaine
a communiqué à la Conférence desNations Unies sur l'organisation
internationale tenue à San Francisco les renseignements suivants ...»
Vient ensuite la déclaration qui figure dans les exceptions préliminaires
(p. 237-238), mais sans le paragraphe supplémentaire.
Selon le procès-verbalintégralde la séanceà laquelle il a fait sa décla-
ration (par. 33), le représentant sud-africain aurait dit, après avoir lu
ce qu'il avait préparé:((C'esttout ce que j'ai à dire.» Rien n'indique

que le paragraphe supplémentaire ait été prononcé et on est donc amené
à conclure que la mémoirede M. Smit l'a peut-êtretrompé *.

L'exposé écrit soumis par les Etats-Unis à la Cour en 1950constate
que le représentantde l'Afrique du Sud a par la suite qualifiéde «réser-
ve »l'intervention de M. Smit. Il relèveque M. Smit avait distribué des
copies de sa déclarationle 7 mai, avant de la lire en séance. mentionne
ensuite un discours prononcé à la deuxième sessionde l'Assembléegéné-

rale par le représentantsud-africain au sujet de cette ((réservela réfé-
rence est la suivante: Nations Unies, AlP.-V. 105, séances plénières,
1947,p. 187-190(citation finale, 10Seséance plénière, p6 .35). L'exposé
des Etats-Unis dit également(p. 116):
((L'effetde la ((réserv» a étésimplement d'avertir que l'Union
sud-africaine soulèverait, ultérieurement,devant un organe com-
pétent, la question de l'avenir du Sud-Ouest africain aux fins

d'incorporation de ce territoire dans l'Union. ))
l Les références aC.R. que l'on trouvera dans la présente opinion renvoient
aux comptes rendus établis au fur etesure des audiences; le numérotage et la
pagination seront différentsdans le dossier impriméde VaRaire (C.Z.J. Mémoires).
Dans l'opinion dissidente commune de 1962 (p533), on a peut-être trop
facilement fait confiancela mémoire de M. Smit. This so-called South African reservation was also discussed by Judge
Ingles of the Philippines at pages 251 ff. of the 1950Pleadings.As stated
above, Respondent abandoned this "new fact".
The second "new fact" is the rejection by the Preparatory Commission
of the United Nations of a proposal for a temporary trusteeship com-
mittee. This event cannot be called "new" since it was discussed at
length by Dr. Kerno, representative of the Secretary-General l,in the
1950 Pleadingsbefore this Court at pages 161 ff. He gave explanations
why the proposa1 was rejected but the matter was argued at such length
in the present phase of the case that it is well to state the facts.
The Respondent seemed to attach importance to this alleged "new

fact" in connection with its arguments that the Mandate lapsed on the
termination or dissolution of the League of Nations andthat the United
Nations refused to accept any responsibilities or authority in connection
with the territories which had been administered as mandates. Respon-
dent was presumably stimulated by the 1962joint dissent, pages 536-
537,to make this argument.
By decision of the San Francisco Conference, a Preparatory Com-
mission met in London on 24 November 1945.It made a report which
was considered in the First Part of the First Session of the General
Assembly of the United Nations, which also met in London, beginning
on 10 January 1946. One of the matters considered was the establish-
ment of the machinery necessary to inaugurate the United Nations
trusteeship system. The account of what happened and the reasons
whyithappenedare to befound in the officia1records andin authoritative

contemporary reports.

The situation in the Preparatory Commission is summarized in the
commentary on its report as presented by the Secretary of State for
Foreign Affairs to the Parliament in London:
"Article 85 of the Charter. .. requires that the Trusteeship

Council shall advise the General Assembly on the terms of trustee-
shipproposed for non-strategic areas. On the other hand Article 86,
which defines the composition of the Trusteeship Council, lays
down that one-half of the members of the Council are to be the
States administering trust territories, and this presupposes that
the terms of trusteeship forsuch territories have already been ap-
proved. To resolve this dilemma the Executive Committee recom-
mended the creation, under Article 22 of the Charter, of a tempo-
rary Trusteeship Committee ... Certain Delegations opposed this
solutian on the grounds that it was unconstitutional, but it never-
theless secured the necessary two-thirds majority in the Executive
Committee. The Preparatory Commission, however, was unable
to reach agreement on this matter and its recornrnendation to the

Dr. Kerno, in 1946, had been Rapporteur for the Fourth Committee of the
Generai Assembly on ChapterIV (The Trusteeship System) of the Report of the
Preparatory Commission.
339 M. Ingles (Philippines) a fait lui aussi état d'une ((réserve))sud-
africaine (C.I.J. Mémoires,1950,p. 251 et suiv.). Comme je l'ai dit plus
haut, le défendeur a abandonné ce ((fait nouveau)).
Le deuxième((faitnouveau ))est le rejet par la Commission prépara-

toire des Nations Unies d'une proposition tendant à créer un comité
temporaire de tutelle. Ce fait ne saurait êtrequalifié denouveau, car
M. Kerno, représentant du Secrétairegénéral l,l'a longuement examiné
(C.I.J. Mémoires,1950,p. 161et suiv.). Il a expliquépourquoi la propo-
sition avait étérepoussée,mais la question a étési longuement débattue
au cours dela présentephase del'affaire qu'ilserautile d'exposerles faits.
Le défendeur sembleattribuer de I'im~ortance à ce rét tendu«fait
nouveau )dans le cadre de son argumentation selon laquelle le Mandat
serait devenu caduc à la dissolution de la Société desNations et selon
laquelle les Nations Unies auraient refusé toutes responsabilités et

tous pouvoirs eu égard aux territoires sous Mandat. C'est probable-
ment l'opinion dissidente commune de 1962 (p. 536-537)qui a encou-
ragé le défendeur à formuler cette argumentation.
Par décisionde la conférence de San Francisco, une Commission
préparatoire s'est réunie à Londres le 24 novembre 1945. Cette Com-
mission a élaboré unrapport qui a été examiné au cours de la première
partie de la première session de l'Assembléegénéraledes Nations
Unies, tenue également à Londres à partir du 10janvier 1946. Parmi
les questions débattues figure la mise en place des mécanismesnéces-

saires pour l'instauration du régime detutelle des Nations Unies. Le
déroulementet les causes des événementssont exposésdans les procès-
verbaux officiels ainsi que dans les comptes rendus contemporains
dignes de foi.
La situation a étérésuméedans les observations que le secrétaire
d'Etat aux Affaires étrangères a faites devantle Parlement de Londres
sur le rapport de la Commission préparatoire:

rl'article 85 de la Charte ..fait au Conseil de tutelle obligation
d'informer l'Assemblée générald ees termes des accords de tutelle
proposéspour les zones non stratégiques.Par ailleurs l'article 86,
qui définit la composition du Conseil de tutelle, dispose que ses
membres doivent êtrepour moitiéles Etats chargés d'administrer
des territoires sous tutelle, ce qui suppose que les termes des ac-

cords de tutelle afférant à de tels territoires doivent avoir déjà
été approuvésP .our résoudre cette contradiction, le Comitéexécutif
a recommandé la création, en vertu de l'article 22 de la Charte,
d'un comité temporaire de tutelle ...Certaines délégationsse sont
opposées à cette solution, qu'ils jugeaient inconstitutionnelle, mais
cela ne l'a pas empêchéd ee réunirla majoritédes deux tiers néces-
saire au sein du Comité exécutif. La Commission préparatoire
n'a toutefois pas étéen mesure de parvenir à un accord à ce sujet

l En 1946 M. Kerno avait étérapporteur de la Quatrième Commission de l'As-
semblée généralseur le chapitre IV (le régimede tutelle) du rapport de la Com-
mission préparatoire.

339 Assembly is devoted almost entirely to the question of the action
to be taken by individual Member States to prepare terms of trustee-
ship. With regard to the question of United Nations machinery
the effect of the draft resolution is merely to defer any solution
until the meeting of the General Assembly itself. .." (Cmd. 6734,
Misc. No. 5, 1946,p. 8.)

The same analysis of the situation is presented in the report of the
United States Delegation to the President of the United States:
"(e) Since establishment of the Trusteeship Council was de-
pendent upon prior negotiation of trusteeship agreements and

was therefore likely to be delayed for some time, the United States
concurred in a suggestion that a temporary trusteeship committee
of the Assembly might be instituted pending establishment of the
Council. Some others believed, on the contrary, that such a com-
mittee might tend to delay establishment of the TrusteeshipCouncil
and might not even be constitutional. The United States, while
questioningthe validity of the latter point, agreed that a temporary
committee was not essential and that the early conclusion of the
necessary trusteeship agreements to enable the Trusteeship Council
to be established should be encouraged. This view was finally
adopted." (Department of State Publication 2484, 1946,p. 4.)

The thrust of Respondent's argument about the non-inclusion of

the proposa1for a temporary trusteeship committee is that this omission
proved that it was agreed that the United Nations had no responsibility
in regard to mandated territories. As indicated in the two foregoing
quotations, the British and United States Delegationsreported that the
non-inclusion was due to argumentsbased upon the unconstitutionality
of the proposa1 and on the argument that the establishment of a tem-
porary committee might delay instead of expediting the conclusion of
trusteeship agreements. Since this point is important, it may be noted
that the Yearbook of the UnitedNations 1946-1947,at page 36, gives the
same explanation for the non-inclusion of the provision for a tem-
porary trusteeship cornmittee.
The point of view of the United States delegation is further revealed
in an amendment which it proposed in the Preparatory Commission
on 4 December 1945 (Doc. PC/TC/11):

"1. The Report by the Executive Cornmittee makes no provision
for any organ of the United Nations to carry out the functions of
the Permanent Mandates Commission. In Part III, Chapter IX,
dealing with the League of Nations there occurs the followingtate-
ment: 'Sincethe questionsarisingfrom the winding up of the Man-
dates system are dealt with in Part III, ChapterIV,no recommen-
dation on this subject is included here.' (Section 3, paragraph 5,
page 110.)No specific reference to the functions of the Permanent
Mandates Commission is to be found, however, in Part III, Chap-
340 et la recommandation qu'elle formule à l'intention de l'Assemblée
est presque entièrement consacrée à la question des dispositions
que les Etats Membres doivent prendre pour élaborer les termes
des accords de tutelle. En ce quiconcerne la question desmécanismes
des Nations Unies, le projet de résolution tend uniquementajour-

ner toute solution jusqu'à la réunion del'Assembléegénéraleelle-
même ...»(Cmd. 6734, Misc. no 5, 1946, p. 8.)
On retrouve une analyse identique de la situation dans le rapport
que la délégationdes Etats-Unis a soumis au président des Etats-Unis:
ce) Comme la créationdu Conseil de tutelle était subordonnée
à la négociation préalable d'accordsde tutelle et risquait par con-

séquent d'être ajournée pour quelque temps, les Etats-Unis se
sont ralliésà une proposition aux termes de laquelle un comité
temporaire de tutelle de l'Assembléepourrait fonctionner jusqu'à
la création du Conseil. D'autres pays ont au contraire estimé
qu'un tel comité risquerait de retarder la création du Conseil de
tutelle et ne serait mêmepeut-être pas constitutionnel. Tout en
doutant de la valeur de ce dernier argument, les Etats-Unis ont
reconnu qu'un comité temporaire n'était pas essentiel et qu'il
conviendrait d'encourager la conclusion, à une date prochaine,
des accords de tutelle indispensables à la création du Conseil
de tutelle. Ce point de vue l'a finalement emporté.»(Department

of State Publication 2484, 1946, p. 4.)
Le défendeur prétend voir dans le rejet de la proposition tendant
à instituer un comité temporaire de tutelle la preuve qu'il a été reconnu
que les Nations Unies n'avaient aucune responsabilité quant aux terri-
toires sous Mandat. Comme il ressort des deux citations ci-dessus, les
délégations du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont expliquéce rejet
par le fait que l'on avait objecté quela proposition était inconstitution-
nelle et que la création d'un comité temporaire risquerait de retarder

la conclusion des accords de tutelle au lieu de la hâter. En raison de
l'importance de ce point, on notera que l'Annuaire des Nations Unies
de 1946-1947(p. 36) a expliquéde la mêmemanièrele rejet de la propo-
sition tendant à l'établissementd'un comité temporaire de tutelle.

Le point de vue de la délégation desEtats-Unis se reflète en outre
dans un amendement que celle-ci a proposé le 4 décembre 1945 à la
Commission préparatoire (doc. PC/TC/l 1) :

«1. Le rapport du Comitéexécutif necontient aucune disposition
prévoyant qu'un organedes Nations Unies exercera les fonctions
de la Commission permanente des Mandats. Dans la partie III,
chapitre IX, qui traite de la Sociétédes Nations, on trouve la
déclaration suivante:«Etant donné que les questions soulevéespar
la terminaison du régime desMandats sont traitéesau chapitre IV
de la partie III, on ne trouvera ici aucune recommandation à
cet égard.» (Section 3, paragraphe 5, page 110.) Au chapitre IV
de la partie III relative au régimede tutelle, on ne trouve cependant

340 ter IV, relating to the trusteeship system. Section 2, paragraph 4,
of that Chapter (page 56)merely assigns to the Temporary Trustee-
ship Committee a general advisory function in this field: '(iv)
advise the General Assembly on any matters that might arise with
regard to the transfer to the United Nations of any functions and
responsibilities hitherto exercised under the Mandates system.'

2. In order to provide a degree of continuity between the man-
dates system and the trusteeship system, to permit the mandatory
powers to discharge their obligations, and to further the transfer
of mandated territories to trusteeship, the Temporary Trusteeship

Committee (or such a committee as is established to perform
its functions) and, later, the Trusteeship Council should be speci-
fically empowered to receive the reports which the mandatory
powers are now obligated to make to the Permanent Mandates
Commission. The existing obligations and rights of the parties
involved under the mandates system with respect to any mandated
territory continue inforce untilch territory isplaced under trustee-
ship by an individual trusteeship agreement oruntil some other
international arrangement is made. To bridge any possible gap
which might exist between the termination of the mandates system
and the establishment of the trusteeship system, it would appear
appropriate that the supervisory functions of the Permanent Man-
dates Commission should be carried on temporarily by the organ
of the United Nations which is to handle trusteeship matters.
3. In order, therefore, that the report of the Preparatory Com-

mission may be complete in this respect the following amendment
is proposed.

Add a new subparagraph (v) to paragraph 4 of Part III, Chap-
ter IV [Trusteeship System], Section 2, to be worded as follows:
'(v) undertake, following the dissolution of the League of
Nations and of the Permanent Mandates Commission, to receive
and examine reports submitted by Mandatory Powers with
respect to such territories under mandates as have not been

placed under the trusteeship system by means of trusteeship
agreements, and until such time as the Trusteeship Council
is established, whereupon the Council will perform a similar
function'." (Italics added.)

At this stage of the debates in the Preparatory Commission, the
representative of Yugoslavia introduced a substitute proposa1 for the
appointment of an ad hoc committee of the General Assembly which
would have functionslike those which it had been proposed the Tempo-
ras. TrusteeshipCommitteeshould discharge. The representative of the
United States commented on the Yugoslav proposa1 in Committee 4
341 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 343

aucune référence préciseaux fonctions de la Commission per-
manente des Mandats. La section 2, paragraphe 4, de ce chapitre
(p. 56) assigne seulement au comité temporaire de tutelle une
fonction consultative généraledans ce domaine: «iv) donner des
avis à l'Assemblée généralseur les questions que pourrait soulever
le transfertà l'organisation des Nations Unies de toutes fonctions

ou responsabilitésassuméesjusqu'ici envertu du régime desMan-
dats.»
2. Afin d'assurer une certaine continuité entre le régime des
Mandats et le régimede tutelle, de permettre aux Puissances man-
dataires de remplir leurs obligations et de faciliter la mise sous
tutelle des territoires sous Mandat, le comité temporaire de tutelle
(ou tout comité de ce genre créépour exercer ces fonctions), et
par la suite le Conseil de tutelle, doivent êtreexpressémenthabilités
à recevoir les rapports que les Puissances mandataires sont main-
tenant obligées de présenter à la Commission permanente des
Mandats. Les obligations et les droits des parties liésau système

des Mandats, en ce qui concernetout territoiresous Mandat, restent
en vigueurjusqu'à ce que ce territoire soitplacé soustutelle en vertu
d'un accord de tutelleparticulier oujusqu'à ce qu'unautre arrange-
ment international intervienne.our évitertoute coupure qui pour-
rait se produire entre la cessation du systèmedes Mandats et l'éta-
blissement du régime de tutelle, il semblerait approprié que les
fonctions de surveillance de la Commission permanente des Man-
dats soient exercéesprovisoirement par l'organe des Nations Unies
qui sera chargé des questions de tutelle.
3. En conséquence,afin que le rapport de la Commission pré-
paratoire soit complet à cet égard, l'amendement suivant est

proposé.
4. Amendement
Ajouter au paragraphe 4 (partie III, chapitre IV, section 2) un

nouvel alinéa v) ainsi conçu:
((v) assumer la tâche, aprèsla dissolution de la Sociétédes
Nations et de la Commission permanente des Mandats, de rece-
voir et d'examiner les rapports présentéspar les Puissances man-

dataires en ce qui concerne les territoires sous Mandat qui n'ont
pas encore étéplacés sousle régimede tutelle au moyen d'accords
de tutelle, et cela jusqu'au moment de la constitution du Conseil
de tutelle qui exercera alors une fonction analogue.Lesitaliques
sont de nous.)

A ce stade des débats.de la Commission préparatoire, le représentant
de la Yougoslavie a soumis une proposition de rechange tendant à
nommer un comité spécialde l'Assemblée générale d,ont les fonctions
auraient été analogues à cellesqui avaient étéenvisagéespour le comité
temporaire de tutelle. Le représentant des Etats-Unis a présentédes
observations sur cette proposition yougoslave au Comité 4 dela Com-

341of the Preparatory Commission on 8 December 1945. The text of this
speech was circulated. (Doc. PC/TC/30.) The speech includes the fol-
lowing statement :

"My Delegation still feels that there is nothing objectionable
whatever in the Report of the Executive Committee proposing
the establishment of a Temporary Trusteeship Committee; it still
seemsto usthatthat isaperfectlyconstitutional method ofprocedure
and a perfectly practical method of procedure, and we are willing
to agree to that proposal if we cannot agree on any alternative;
but we are quite willing to explore any other alternative arrange-
ment and are quite willing, as 1 indicated, to accept the proposals
of the Yugoslav Delegation on the lines which 1 have indicated."

However, on 10 December the representative of the Soviet Union
again objected on the same grounds as before, namely that the proposed
ad hoc comrnittee of the General Assembly would be just as unconsti-
tutional and would involve the same delays as would the suggested
Temporary Trusteeship Committee. In view ofthis situation, the Chinese

representative, Mr. Wellington Koo, proposed that the matter be re-
ferred to a sub-committee. The sub-committee brought in a report
which made no mention of a temporary or ad hoccornmittee. This report
was adopted by 28 votes to none. (Doc. PC/TC/32; see also Vernon
McKay, "International Trusteeship-Role of United Nations in the
Colonial World", XXII, Foreign Policy Reports, No. 5, 15 May 1946,
p. 54.)
It thus appears that the reason why the Preparatory Commission did
not recommend-as had its Executive Cornmitteethe establishment of
any temporary body to deal with the mandates prior to the creation of
the United Nations TrusteeshipCouncil, wasthe impossibility ofreaching
an agreement between the point of view staunchly supported by the
United Kingdom and the United States and others on the one hand,
and strongly opposed by the delegation of the Soviet Union and other
delegations on the other hand. It must be borne in mind that this was
the first meeting of a representative United Nations body after the
Charter entered into force and there was evident reluctance to force an
issue over important opposition.

However, the ensuing debates in the Fourth Committee of the General
Assembly at the First Part of its First Session in London, revealed that
there was wide agreement on two points: first, that the dissolution of
the League of Nations would not terminate the mandates; and second,
that the United Nations had responsibilities in connection with the
mandates. Someof the delegateswereconvincedthat mandated territories
wereincludedwithin the scope of Chapter XI ofthe Charter and therefore
favoured settin'gup machinery to carry out the obligations of the United
Nations under this Chapter. However, at this stage, and later, the
prevailing opinion concentrated on urging the desirability of placing
al1mandated territories under the trusteeship system as soonas possible.
342mission préparatoire le 8 décembre 1945. Dans son exposé, dont le
texte a étédistribué (doc. PC/TC/30), on relèvenotamment la déclara-
tion suivante:

cMa délégationcontinue à penser qu'il n'y a rien de critiquable
dans le rapport du Comité exécutif où la création d'un Comité

Temporaire de Tutelle est proposée, il nous semble toujours que
c'estlà une procédure parfaitement constitutionnelle, une procédure
parfaitement pratique et nous sommes disposés à accepter cette
proposition si nous ne pouvons nous mettre d'accord sur une autre;
nous sommes tout prêts à étudier une autre solution et nous
sommes tout prêts,comme je l'ai dit, àaccepter les propositions de
la délégation yougoslavedans les conditions que j'ai précisées.

Le 10 décembre cependant, le représentant de l'union soviétique a
soulevé les mêmes objections qu'auparavant, faisant valoir qu'un
comité spécialde l'Assemblée générale seraittout aussi peu constitu-

tionnel et entraînerait les mêmespertes de temps qu'un comitétemporaire
de tutelle. Dans ces conditions, M. Wellington Koo, représentant
de la Chine, a proposé de renvoyer le problème à un sous-comité. Le
sous-comité a élaboréun rapport où il n'était plus question de comité
temporaire ni de comitéspécial. Cerapport a étéadopté à l'unanimité
des vingt-huit votants (doc. PC/TC/32; cf. Vernon McKay, ((Inter-
national Trusteeship-Role of United Nations in the Colonial World »,
Foreign Policy Reports, XXII, no 5, 15 mai 1946, p. 54).

11 semble donc que, si la Commission préparatoire, contrairement
aux vŒux du Comité exécutif,s'est abstenue de recommander la créa-
tion d'un organe temporaire qui aurait été chargé desMandats avant

la mise en place du Conseil de tutelle des Nations Unies, c'est qu'il
a été impossiblede concilier le point de vue fermement défendu par
le Royaume-Uni, les Etats-Unis et d'autres Etats et le point de vue
radicalement opposé des délégationsde l'Union soviétique et d'autres
pays. Il convient de se souvenir que c'étaitla première fois qu'un organe
représentatif des Nations Unies se réunissait depuis l'entréeen vigueur
de la Charte et que l'on répugnaitde toute évidence à imposer une so-
lution faisant l'objet d'une forte opposition.
Les débatsqui se sont ensuivis à la Quatrième Commission de l'As-
semblée généralea ,u cours de la première partie de sa première session

tenue à Londres, ont toutefois révéléque l'on s'accordait largement sur
deux points, à savoir, en premier lieu, que la dissolution de la Société
des Nations ne mettrait pas fin aux Mandats et, en deuxième lieu, que
les Nations Unies avaient des responsabilités en matière de Mandats.
Certains délégués, convaincus que les territoires sousMandat relevaient
du chapitre XI de la Charte, préconisaient la création d'un mécanisme
pour l'exécution des obligations des Nations Unies àcet égard. Toute-
fois l'opinion dominante a été, à ce stade et ultérieurement, qu'il était
souhaitable de faire passer dèsque possible tous les territoires sousVarious points of viewexpressedin the debates in the Fourth Committee

ofthe General Assemblyat this First Sessionare revealedby the following
extracts l:
[van Asbeck, Netherlands, p. 121
"The attention of the Committee was then called to the gap
in the administration of the territoriesunder mandate between the
winding up of the League of Nations and their coming under the
trusteeship system. It should be made clear that the Trusteeship
Council should have the power to deal with such territories in

the interim period."
[Mr. Makin, Australia, p. 131
"... that the work of the Committee fell into two distinct parts,
the consideration of items pertaining to trusteeship arrangements,
and of matters arising under Chapter XI of the Charter. Australia
believed thatthese two functions should be taken up separately ...

It should consider also the functions of the United Nations
under Chapter XI of the Charter ...
The importance of Chapter XI was that ie was already in effect,
and did not dependupon the establishment of the trusteeship system.

It applied to al1 territories which were not fully self-governing,
and required no negotiations or decisions.
Mr. Makin then drew the attention of the Committee to the
specific undertaking in paragraph e of Article 73. He urged that
the Committee should advise the General Assembly as to what
arrangements were appropriate for discharging its functions under
Chapter XI of the Charter.
[He said they would introduce a resolution recognizing the
sacred trust.] The machinery should be devised for carrying out
the functions of the United Nations which pertained to the ful-
filment of this obligation."

On 6 February, Dr. Ivan Kerno, as Rapporteur, made the following
explanation about the report which he had submitted:
"The suggestion that the Committee should consider the pro-
cedures for approving trusteeship agreements, including the possi-
bility of providing some interim machinery for this purpose, had
not been referred to in the report,ecause it had not been submitted
in written form. The sub-committee which had fully discussed the
matter, had agreed that it should be left completely open for the
General Assemblyto decide later." (P. 37.)

The representative of the United Kingdom objected to the omission-

p. 30 and subsequently) to the staternent by Mr. Nicholls of South Africa. 1 do not
reproduce this or certain other staternents already spread on tof the case.dat sous le régimede tutelle. Les citations suivantes résumentles opi-
nions expriméesau cours des débatsde la Quatrième Commissionlors
de la première session de l'Assembléegénérale:

[M. van Asbeck, Pays-Bas, p. 121
((L'attentionde la Commission est alors appeléesur la solution
de continuité qui se produira dans l'administration des territoires
sous Mandat entre la liquidation de la Société desNations et le
moment où ils seront placés sousle système de tutelle. Il devra

êtrenettement entendu que le Conseil de tutelle aura le pouvoir
de s'occuper de ces territoires pendant la période intérimaire. 1)
[M. Makin, Australie, p. 131
«les travaux du comité vont se scinder en deux parties distinctes:
d'une part l'examen des questions traitant des arrangements de
tutelle, et de l'autre l'étude desquestions soulevéespar le Cha-

pitreXI de la Charte. L'Australie croit que ces deux fonctions de-
vraient êtreassumées séparément ...
Elle devra examiner également lesfonctions des Nations Unies
définiesau Chapitre XI de la Charte ...
L'importance du Chapitre XI résidedans le fait qu'il est déjà
en application et ne dépend pas de l'organisation du rkgime de
tutelle.l s'applique à tous les territoires qui ne sont pas complète-
ment autonomes et ne demande ni délibérations nidécisions.
Mr. Makin attire ensuite l'attention de la Commission sur l'en-

gagement précis expriméau paragraphe e) de l'article 73. Il prie
instamment la Commission de donner son avis à l'Assemblée
généralesur les dispositions à prendre pour s'acquitter de ses
fonctions conformément au Chapitre XI de la Charte.
[Il déclareque la délégationaustralienne soumettra une résolu-
tion reconnaissant la mission sacrée.] Il convient de mettre sur
pied un mécanisme pour l'accomplissement des fonctions qui
incombent aux Nations Unies dans l'exécutionde cette obligation. ))

Le 6 février,M. Ivan Kerno, rapporteur, a fourni les explications sui-
vantes au sujet du rapport qu'il avait soumis:
«Dans le rapport, il n'a pas étéfait mention de la suggestion
relativeà l'examen, par la Commission, des procédures d'appro-
bation des accords de tutelle, y compris la possibilité de créer

pour ces fins un mécanisme intérimaire. Eneffet, cette suggestion
n'a pas étésoumise par écrit. La sous-commission qui a discuté
la question très à fond, a décidé qu'ilappartiendra à l'Assemblée
générale seule deprendre une décision ultérieurement. » (P. 37.)
Le représentant du Royaume-Uni a soulevéune objection au sujet
de l'omission

l Les conseils des demandeurs accordent une importancexagérée(C.R. 6513
du 19mars 1965,p. 30 et suiv.) à la déclaration faiM. Nicholls (Afrique du
Sud). Je ne reproduis ni cette déclaration ni certainesqui figurentéjàau
dossier de l'affaire. "... of any reference to the question of the procedure for dealing
with trusteeship matters in the period between this session and the
establishment of the Trusteeship Council ...
[He read a statement]: 'The United Kingdom delegation has,
throughout the Executive Committee, the Preparatory Commission
and this Committee, emphasized the need for such arrangements
if delay in bringing the trusteeship system into operation is to be
avoided ... the United Kingdom delegation would like to remind
the Committee that when wewithdrew Ourpressure for the inclusion
of something on this point in the draft resolution we did so ... on

the clear understanding that the Committee had reached this
decision with its eyes open as to the implications ...

There is, unfortunately, some evidence that Oureffortsto prevent
unavoidable delay, by the creation of machinery for bridging the
gap between sessions, are even now not fully appreciated in al1
quarters.'" (P. 37.)
The Soviet representative stated that his delegation "still maintained
the view that the establishment of temporary trusteeship machinery
would hamper rather than facilitate the coming into operation of the
permanent system" (p. 39).
The representative of the United States suggested an amendment
to a proposa1 advanced by the British delegation as follows:

"The Committee also considered whether it would be desirable
to follow up the draft resolution prepared by the Preparatory
Commission, by making recommendations to the General Assembly
for an interim body to deal with trusteeship matters between the
first and second parts of the first session of the General Assembly.
The Committee decided to make no recommendation on this
subject."(P. 40.)

This proposa1 was opposed by the Soviet representative because
"there was no mention of any interim trusteeship body in the Preparatory
Commission's Report", and becausethe proposa1had not been submitted
in written form (p. 40).
The representative of Byelo-Russia also objected because the United
States proposa1 implied "that the Committee was not opposed to the
creation of an interim body, but merely had not made any recommen-
dation on this subject". The difficultywas overcome by the adoption of
a neutral statement submitted by Mr. Ralph Bunche of the United
States. In a later statement Mr. Bunche, who was then Acting Chief of
the Division of Dependent Area Affairs ofthe United StatesDepartment
of State, said that this difficulty (which has just been described) "was
one of procedure rather than substance". (XII1 Dept. of State Bulletin,
1945, pp. 1037, 1043.)If the issue had really been, as contended by
the Respondent in this case, whether the mandates would survive the
dissolution of the League of Nations and whether the United Nations

344 «de toute mention relative à la procédure à suivre pour l'examen
des questions de tutelle pendant la période compriseentre la pré-
sente session et le moment où sera crééle Conseil de tutelle.
[Il donne lecture d'une déclaration]La délégationdu Royaume-
Uni, pendant toute la durée des travaux du Comité exécutif,de
la Commission préparatoire et de la Quatrième Commission, a
insistésur la nécessité deprendre de telles dispositions pour éviter
tout retard dans la mise en vigueur du systèmede tutelle..la délé-
gation du Royaume-Uni désirerait rappeler à la Commission que

lorsqu'ellea renoncé à insister pour faire insérer un passage sur
cette question dans le projet de résolution,elle l'a faiteinement
convaincue que la Commission avait pris cette décisionen pleine
connaissance de cause...
Malheureusement, il semble que les efforts pour supprimer tout
retard parfaitement évitable,en créant un organisme qui assure-
rait l'intérimentre les deux sessions, ne soient pas partout pleine-
ment appréciés.» (P. 37.)

Le représentant de l'Union soviétiquea déclaréque sa délégation
était ((toujours d'avis que l'établissementd'un régimetemporaire de
tutelle entraverait plutôtu'il ne faciliterait la mise en application du
régimepermanent » (p. 39).
Le représentant des Etats-Unis a suggéréd'amender comme suit un
texte soumis par la délégationdu Royaume-Uni:
«La Commission a également examinéla question de savoir
s'il conviendrait, comme suite au projet de résolution préparé
par la Commission préparatoire, de transmettre à l'Assemblée

générale desrecommandations au sujet d'un organisme provisoire
qui serait chargé detraiter les questions de tutelle pendant la pé-
riode qui s'écouleraentre Ia première et la deuxième partie de la
première session de l'Assembléegénérale.La Commission a décidé
de ne faire aucune recommandation à ce sujet» (P. 40.)
Le représentantde l'Union soviétiques'est opposé à cette proposition
parce que ale rapport de la Commission préparatoire ne faisait nulle-
ment mention d'un organisme provisoire de tutelle » et parce que la

proposition n'avait pas étésoumise par écrit(p. 40).
Le représentant de la Biélorussiea égalementélevédes objections,
parce que la proposition des Etats-Unis impliquait«que la Commission,
loin d'être opposéeà la créationd'un organisme provisoire, s'était sim-
plement abstenue de formuler une recommandation à ce sujet ».La
difficultéa étésurmontéegrâce à l'adoption d'un texte neutre proposé
par M. Ralph Bunche (Etats-Unis). Dans une déclaration ultérieure,
M. Bunche, qui était alors chef par intérim de la division des affaires
des territoires dépendants au département d'Etat des Etats-Unis, a
soulignéque la difficultéqui vient d'être décriteétaitune difficultéde
procédure plutôt que de fond » (Department of State Bulletin, XIII,
1945, p. 1037 et 1043). Si, comme le défendeur l'affirme en l'espèce,
la question avait vraiment été de savoirsi les Mandats survivraient à

344had any responsibilities in regard to mandates, the question certainly
would have been one of substance.

The third "new fact" on which Respondent relied, is another matter
which was developed in the joint dissenting opinion of 1962.The matter
to which the joint dissenting opinion called attention occurred at the
meeting of the Assembly of the League of Nations at Geneva in April
1946,in other words, shortly after the First Part of the First Session of
the General Assembly of the United Nations. The events in question
at the meeting of the League Assembly follow in sequence those which
have just been described. The Chinese representative, Mr. Liang, intro-

duced a resolution which read as follows:
"The Assembly,
Considering that the Trusteeship Council has not yet been
constituted and that al1 mandated territories under the League
have not been transferred into territories trusteeship;
Considering that the League's function of supervising mandated
territories should be transferred to the United Nations, in order to

avoid a period of interregmm in the supervision of the mandatory
regime in these territories;
Recommends that the mandatory powers as well as those ad-
ministering ex-enemy mandated territories shall continue to submit
annual reports to the United Nations and to submit to inspection
by the same until the Trusteeship Council shall have been con-
stituted."
This proposal did not gain general support and, precisely as happened
in the Preparatory Commission of the United Nations and in the first

meeting of the General Assembly of the United Nations, a neutral text
was finally adopted. This text was as follows:
"The Assembly :
Recalling that Article 22 of the Covenant applies to certain terri-
tories placed under mandate the principle that the well-being and
development of peoples not yet able to stand alone in the strenuous
conditions of the modern world form a sacred trust of civilisation:

1. Expresses its satisfaction with the manner in which the organs
of the League have performed the functions entrusted to them
with respect to the mandates system and in particular pays tribute
to the work accomplished by the Mandates Commission;

2. Recalls the role of the League in assisting Iraq to progress
from its status under an 'A' Mandate to a condition of complete

independence, welcomes the termination of the mandated status of
Syria, the Lebanon, and Transjordan, which have, since the last
session of the Assembly, become independent members of the
world community ;
345la dissolution de la Société desNations et si les Nations Unies avaient
des responsabilités en matière de Mandats, cela aurait certainement
étéune question de fond.
Le troisième ((fait nouveau 1invoqué par le défendeur a également

été mentionnédans l'opinion dissidente commune de 1962. Le fait
qu'ont signalé les auteurs de l'opinion dissidente commune s'est pro-
duit àla sessiondel'Assembléede la Société desNations tenue à Genève
en avril 1946, donc peu après la première partie de la première session
de l'Assembléegénérale desNations Unies. L'incident ainsi survenu
à la session de l'Assembléede la Société desNations a suivi celui dont
je viens de faire état.. Liang, représentant de la Chine, a présentéun
projet de résolution ainsi conçu:

(L'Assemblée,
Considérant que le conseil de tutelle n'a pas encore été consti-
tuéet que tous les territoires sousmandat de la Société desNations
n'ont pas encore été transformésen territoires sous tutelle;
Considérant qu'il y aurait lieu, afin d'évitertoute interruption

dans la surveillance du régime des mandats dans ces territoires,
detransféreràl'organisation desNations Unieslesfonctions assumées
à cet égard par la Société desNations;
Recommande que les Puissances mandataires ainsi que les Puis-
sances administrant des territoires sous mandat ex-ennemi conti-
nuent à présenteraux Nations Unies des rapports annuels et accep-
tent que ces territoires soient inspectéspar l'organisation, jusqu'au
moment où le conseil de tutelle aura été constitué. ))

Cette proposition n'a pas receuilli un appui généralet, à l'instar de
ce qui s'étaitproduit à la Commission préparatoire des Nations Unies
et lors de la première sessionde l'Assemblée générale deNsations Unies,
un texte neutre a été finalementadopté. Le voici:

«L'Assemblée:
Rappelant que l'article 22 du Pacte applique à certains territoires
placéssous mandat le principe que le bien-êtreet le développement
des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmesdans les
conditions particulièrement difficiles du monde moderne forment
une mission sacréede civilisation;

1. Exprime sa satisfaction pour la manière dont les divers or-
ganes de la Société desNations ont rempli les fonctions qui leur
étaientconfiéespour l'application du système des Mandats et rend
tout particulièrement hommage à l'Œuvre accomplie par la Com-
mission des Mandats;
2. Rappelle que la Société desNations a aidé l'Irak à passer
de son statut de territoire sous mandat A à l'entièreindépendance;
se félicite que, depuis la dernière session del'Assemblée,la Syrie,

le Liban et la Transjordanie aient cesséd'êtredes territoires SOUS
mandat pour devenir des membres indépendants de la commu-
nauté internationale; 348 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P. JESSUP)

3. Recognises that, on the termination of the League's existence,
its functions with respect to the mandated territories willcome to
an end, but notes that Chapters XI, XII and XII1 of the Charter of
the United Nations embody principles corresponding to those
declared in Article 22 of the Covenant of the League;
4. Takes note of the expressed intentions of the Members of the
League now administering territories under mandate to continue
to administer them for the well-being and development of the
peoples concerned in accordance with the obligations contained
in the respective Mandates until other arrangements have been
agreed between the United Nations and the respective mandatory

Powers."
It is not surprising that counsel for Respondent should hit upon the
contrast between these two resolutions to support the argument that the
rejection of the original Chinese resolution proved that the United
Nations did not agree that it had any responsibilities in regard to the
mandatory régimewhich had functioned under the League of Nations.
However, as anyone familiar with proceedings in the United Nations
would know, it is always dangerous to draw inferences from the fact
that a particular resolution is nat adopted or that its sponsor withdraws
it. Many reasons may enter into the unwillingness of delegations to vote
for a particular proposition which may have been introduced as a ballon

d'essai, or for other reasons. In the actual case of the Final Assembly of
the League of Nations, it would not be an unreasonable supposition
that if a resolution had been introduced saying that on the dissolution of
the League al1mandates would be terminated, that resolution also would
have failed to secure the necessary support.

It is worth noting that the original Chinese resolution suggested the
necessity of avoiding "a period of interregnum in the supervision of the
mandatory régime".On this point, Professor Bailey of Australia, in his
subsequent statement in the League Assembly on 11 April 1946,called
attention to the immediate applicability of Chapter XI of the United
Nations Charter to mandated territories and said: "There will be no
gap, no interregnum, to be provided for." (Professor Bailey'sstatementis
quoted in the Counter-Memorial, Book II, pp. 48-49.)

Although this incident is of no significant weight to support the
argument for which it was invoked, it is true that the full story of the
two resolutions was not presented to the Court in 1950. One must be
aware, however, that the International Court of Justice does not limit
itself to considering documents actually presented to it by counsel or,
as in the case of the 1950 Advisory Opinion, by representatives of
Governments or of the United Nations. Dr. Kerno did mention the
final resolution of the League Assembly as quoted above, and it would
be surprising if the Court did not examine the entire record of that
Final Session of the League Assembly which was cited by Dr. Kerno.
(I.C.J. Pleadings 1950,p. 164.) 3. Reconnaît que la dissolution de la Société desNations mettra
finà ses fonctions en ce qui concerne les territoires sous mandat.
mais note que des principes correspondant à ceux que déclare
l'article2 du Pacte sont incorporés dans les chapitres XI, XII
et XII1 de la Charte des Nations Unies;
4. Note que les Membres de la Sociétéadministrant actuelle-
ment des territoires sous mandat ont exprimé leur intention de

continuer à les administrer, en vue du bien-êtreet du développe-
ment des peuples intéressés,conformément aux obligations conte-
nues dans les divers mandats, jusqu'à ce que de nouveaux arrange-
ments soient pris entre les Nations Unies et les diverses Puis-
sances mandataires. ))
Il n'est pas surprenant que les conseils du défendeur fassent valoir
le contraste entre ces deux résolutions, à l'appui de la thèse suivant
laquelle l'abandon de la résolution chinoise originale prouverait que

les Nations Unies n'ont pas reconnu avoir des responsabilités quant
au système des Mandats qui avait fonctionné au temps de la Société
des Nations. Toutefois, comme s'en rendra compte quiconque est ac-
coutumé aux débats des Nations Unies, il est toujours dangereux
de tirer des conclusions hâtives du fait qu'une réschiion n'a pas été
adoptée ou que son auteur l'a retirée. Des délégations peuventavoir
de nombreuses raisons de ne pas voter en faveur d'une proposition
qui n'a peut-êtreétéprésentéeque comme un ballon d'essai ou pour
d'autres motifs. Dans le cas de la dernière Assemblée dela Sociétédes
Nations, il n'est pas absurde de suppcser que, si l'on avait présenté
un projet de résolution tendant à mettre fin à tous les Mandats à la

dissolution de la Société desNations, ce projet n'aurait pas non plus
recueilli l'appui nécessaire.
Il est à noter que la résolution chinoise originale faisait état de la
nécessité d'évite(r(toute interruption dans la surveillance du régimedes
Mandats ». A ce propos, M. Bailey (Australie) a attiré l'attention dans
une déclaration ultérieure du 11 avril 1946à l'Assembléede la Société
des Nations sur l'applicabilité immédiatedu chapitre XI de la Charte
des Nations Unies aux territoires sousMandat, disant: (Il n'y aura donc
aucun vide, aucun interrègne àcombler. » (La déclaration de M. Bailey
est citéedans le contre-mémoire, livre II, p. 48-49.)
Bien que cet incident ne soit pas réellement denatureà étayerla thèse

à l'appui de laquelle on l'invoque, il reste vrai que l'historique com-
plet des deux résolutions n'a pas été soumis à la Cour en 1950. Il faut
cependant tenir compte de ce que la Cour internationale de Justice
ne se borne pas à examiner les documents qui lui sont effectivement
présentéspar les conseils ou, comme dans le cas de l'avis consultatif
de 1950,par les représentants des gouvernements ou des Nations Unies.
M. Kerno ayant mentionné la résolution finale de l'Assembléede la
Société desNations que je viens de citer, il serait surprenant que la
Cour n'ait pas étudiéle dossier intégral de la dernière session de l'As-
sembléede la Société desNations évoquéepar M. Kerno (C.I.J. Mé-
moires1 ,950, p. 164).

346 The fourth "new fact" includes various statements made in debates
on the Palestine question and, according to Respondent's oral argument,
other statementsin debates in the United Nations. The kind of argument
which counsel for South Africa makes in connection with the Palestine
question was not presented to the Court in 1950.However, the relations
between the State of Israel and the Arab States, which were matters of
front-page news in the world press, presented politically highly sensitive
issues. One may note the reticence in the General Assembly resolution
requesting the opinion of the Court in the Injuries question, and the
like reticence in the Court's Opinion on that question in 1949. (I.C.J.
Reports 1949,p. 174.)

The actualities of the Palestine situation areuite different from what
one would suppose solely on the basis of the statements by counsel for
Respondent. It should be noted, however, that the Egyptian statement of
18April 1946at the Seventh Plenary Meeting of the General Assembly
was in the dossier submitted to the Court in 1950 by the Secretary-

General. Moreover, Dr. Kerno discussed the Palestine question (pp.
213-214of the 1950Pleadings).
The most important bit of evidence to be derived from the Palestine
caseisthefact that, exceptfor the Egyptian position which was based on
familiargrounds, everyone,includingthe Palestine Commission, operated
on the assumption that the Mandate continued to exist after the disso-
lution of the League in April 1946.
The United Kingdom recognized that the Mandate survived the
dissolution of the League and admitted its accountability to the United
Nations. In a letter of 2 April 1947to the Secretary-Generalthe United
Kingdom said:

"It will submit to the Assembly an account of its administration
of the League of Nations Mandate and will ask the Assembly to
make recommendations under Article 10 of the Charter concerning
the future government of Palestine." (This quotation is from the
Security Council Oficial Records, 271st meeting, 19 March 1948
at p. 165.)

On 7 February 1947,the British delegation to the Anglo-Arab confer-
ence in London submitted a new proposa1 for a five-yearBritish trustee-
ship over Palestine as a preparation for independence. But due to the
impossibility of reconciling conflicting views, the British Government
relegated the solution to the United Nations. The United Nations Special
Cornmittee on Palestine recommended that "The Mandate for Palestine
shall be terminated at the earliest practicable date". The General As-
sembly resolution of 29 November 1947 (181(II) A) adopting the plan
for partition with economic union, provided that "the Mandate for
Palestine shall terminate as soon as possible but in any case not later
than 1 August 1948". But on 11 December 1947Mr. Creech Jones, for
the Government, told the House of Commons that the Mandate would
347 Le quatrième fait nouveau ))se rapporteà diverses déclarations pro-
noncéesau cours des débatssur la question de la Palestine et, d'après
les plaidoiries du défendeur,à d'autres déclarations faites aux Nations
Unies. On n'a pas présenté à la Cour en 1950le genre d'arguments que
les conseils de l'Afrique du Sud présentent aujourd'hui au sujet de la
question palestinienne. Mais les relations entre 1'Etat d'Israël et les
Etats arabes, qui figuraient en première page dans la presse mondiale,

créaientune situation politique extrêmement délicateQ . ue l'on songe
à la prudence observéepar 17Assembleegénéraledans la résolutionpar
laquelle elle a demandé à la Cour un avis consultatif en l'affaire de la
Réparationdes dommages subis au service des Nations Unieset à la
prudence égaledont la Cour a fait preuve dans son avis de 1949en la
mêmeaffaire (C.I.J. Recueil 1949, p. 174).
Les faits réelsconcernant la situation palestinienne sont tout à fait
différentsde ce que pourraient faire croire les plaidoiries des conseils
du défendeur. On notera cependant que la déclaration égyptienne
faite le 18 avril 1946 la septième séance plénièrdee l'Assemblée géné-

rale se trouvait dans le dossier soumisà la Cour en 1950par le Secré-
taire général.De son côté, M. Kerno a parlé de la question de la
Palestine (C.I.J. Mémoires,1950, p. 213-214).
Cette affaire palestinienne montre surtout que,l'exception desEgyp-
tiens dont la position et les motifs étaient bien connus, chacun, y com-
pris la Commission pour la Palestine, se fondait sur l'idéeque le Man-
dat avait continué d'exister aprèsla dissolution dela SociétédNations
survenue en avril 1946.
Le Royaume-Uni a reconnu que le Mandat avait survécu à la disso-
lution de la Société desNations et a admis qu'il devait rendre compte
aux Nations Unies. Dans une lettre qu'il a adressée le 2 avril 1947
au Secrétairegénéral,on lit:

((Le Gouvernement de Sa Majestéprésentera à l'Assembléeun
compte rendu de la manière dont il a exécutéle Mandat que lui a
confiéla SociétédeNations,et demandera à l'Assembléedeformuler,
conformément à l'article 10 de la Charte, des recommandations

sur le régimefutur de la Palestine. 1(Procès-verbauxoficiels du
Conseil de sécurité,1eséance,19mars 1948,p. 165.)
Le 7 février1947,la délégationbritannique à une conférenceanglo-
arabe de Londres a soumis une nouvelle proposition tendant à établir
une tutelle britannique sur la Palestine pour cinq ans comme prépa-

ration à l'indépendance.Devant l'impossibilitéde concilier des points
de vue divergents, le Gouvernement britannique a laisséaux Nations
Unies la tâche de trouver une solution. La Commission spéciale des
Nations Unies pour la Palestine a recommandé qu'il soit mis fin aussi
rapidement que possible au Mandat pour la Palestine. Par sa résolu-
tion 181 (II) A du 29 novembre 1947, l'Assemblée générala e adopté
un plan de partage avec union économique qui commençait en ces
termes: ((LeMandat pour la Palestine prendra fin aussitôt que possible,
et en tout cas le ler août 1948 au plus tard. )Le 11 septembre 1947,

347be terminated on 15May 1948.(Hansard, Commons, 11December 1947,
col. 1218.)Put differently,the Mandate would continue in force for some
two years after the dissolution of the League. The United Nations fully
accepted its responsibility to deal with the problem and even asserted
powers which some thought it did not possess. There was a vigorous
effort to establish a United Nations trusteeship. This effort ended with
the establishment of the State of Israel on 14 May 1948 which, by
Israel's admission to the United Nations, was sanctioned by the Organ-
ization.

The following notes from the Security Council debates are indicative
of the actual situation(271stmeeting of Security Council 19March 1948
(S.C., O.R., p. 154)). The Council was discussing the report of the
Palestine Commission. Senator Austin (United States) had said that in
the morning four of the Permanent Members of the Security Council
had been consulting and that the United Kingdom had not participated

in the consultations but had furnished information. He continued (at
p. 163):
"In his statement to the Security Council on 24 February 1948
[253rd meeting], the representative of the United Kingdom said:
'My Government is bringing to an end the discharge of its
responsibilities towards Palestine under the Mandate and is
leaving the future of that country to international authority.'

On 2 March 1948 [260th meeting], the representative of the
United Kingdom referred in his statement to the Security Council
to-

'... whatever procedure the United Nations may decide to
adopt with a view to assuming responsibility for the government
of Palestine on May 15th ...'.

He concluded with the statement:
'Finally,1 must repeat that the United Kingdom cannot enter
into any new or extended commitment in regard to Palestine.
Our contribution has already been made over the years and the
date of termination of Our responsibility is irrevocably fixed.'"

Althougli Senator Austin did agree that the United Nations was not
taking over the mandates system, he asserted: "On the facts reported
by the permanent Members, Palestine is a land falling under Chapter XI
of the United Nations Charter, a non-self-governing territory".

If it be thought that in advisory proceedings the Court does not receive
asfull a statement or argument as ispresentedin contentious proceedings,
it may be noted that in 1950 the volume of Pleadings, Oral Arguments
and Documents on the question of the International Status of South

348M. Creech-Jones a annoncé à la Chambre des communes, au nom

de son Gouvernement, que le Mandat prendrait fin le 15 mai 1958
(Hansard, Communes, Il décembre1947,col. 1218).En d'autres termes,
le Mandat allait rester en vigueur jusqu'à l'expiration d'un délai d'en-
viron deux ans à partir de la dissolution de la Sociétédes Nations. Les
Nations Unies ont pleinement accepté la responsabilité de s'occuper
du problème et se sont mêmeattribué des pouvoirs qui, selon certains,
ne leur revenaient pas. Il y a eu de sérieuxefforts en vue d'établirune
tutelle des Nations Unies. Tout cela a abouti le 14mai 1948 à l'établisse-
ment de 1'Etat d'Israël, que les Nations Unies ont sanctionné en ad-

mettant ce pays comme Membre de l'organisation.
Quelques extraits des débats du Conseil de sécurité (Procès-verbaux
officielsdu Conseilde sécurité,271eséance,19mars 1948,p. 154)montre-
ront quelle était la situation. Le Conseil examinait le rapport de la
Commission pour la Palestine. Le sénateur Austin (Etats-Unis), qui
avait dit au cours de la matinéeque quatre des membres permanents
du Conseil de sécurité s'étaient consultée st que le Royaume-Uni,
absent de ces délibérations,leur avait fourni des renseignements, a
donnéles explications suivantes (p. 163):

((Dans la déclaration qu'ila faite devant le Conseil de sécurité,le
24 février1948 [253eséance],le représentant du Royaume-Uni a dit:
((Actuellement, mon Gouvernement se prépare à mettre fin
à l'exercice des fonctions dont il a la charge au sujet de la

Palestine, telles qu'elles découlentdu Mandat, et laisse le souci
de l'avenir de ce pays à l'autoritéinternationale.))
Le 2 mars 1948, le représentant du Royaume-Uni a déclaré
notamment devant le Conseil de sécurité [260eséance]:

((quelle que soit la procédure que l'organisation des Nations
Unies pourra décider d'adopter afin d'assumer, le 15 mai, la
responsabilitéde l'administration de la Palestine ..))
Puis il a conclu:

((Enfin,je dois répéterque le Royaume-Uni ne peut accepter
aucun engagementnouveau ni étendre aucun engagementexistant
en ce qui concerne la Palestine. Nous avons déjàfourni notre
contribution pendant des années,et la date à laquelle nos respon-
sabilitésprendront fin est fixéed'une manière irrévocable. 1)

Bien qu'il ait admis que l'organisation des Nations Unies n'avait
pas repris le systèmedes Mandats, M. Austin a déclaré: ((D'aprèsles
faits rapportés par les membres permanents du Conseil, la Palestine
est un pays tombant mus l'application du chapitre XI de la Charte
des Nations Unies, c'est-à-dire un territoire non autonome. ))
Au cas où l'on penserait que la Cour ne reçoit pas dans une procédure
consultative des exposésécritset oraux aussi complets que dans une
procédure contentieuse, on notera que les. Mémoires, Plaidoiries et
Documents de 1950 sur l'affaire du Statut international du Sud-Ouest

348West Africa, contains 350 pages. In the course of the presentation,
Dr. Steyn, representative of the Union of South Africa, spoke at four
separate sessions of the Court.
In summary, in the Palestine case the British Government recognized
and frequently asserted that the Palestine mandate survived the disso-
lution of the League. It agreed to account to the United Nations for its
administration of the Mandate and, by submitting thefuture of Palestine
to the General Assembly,recognized the authority of the United Nations
to bring about a change in the status of a mandate.

One may compare the position taken by the British Government
in regard to the Transjordan Mandate. The representative of Great
Britain informed the United Nations General Assembly on 17 January
1946that it was the intention of his Government "to take steps in the
near future for establishing this territory as a sovereign independent
State". The General Assembly in resolution XI of 9 November 1946
welcomed this declaration, and the Assembly of the League of Nations
in its resolution of 18April 1946,quoted above, welcomed Transjordan
independence.

However, the Polish representative subsequently denied that the
Mandate had been legally terminated and asserted the "rights and
obligations" of the United Nations. On 29 August 1946, when the
question of the admission of Transjordan as a Member of the United
Nations was being discussed, the British representative in the Security
Council remarked in response :

"You expressed a doubt as to the status of Transjordan, in view
of the fact that it was formerly under mandate. You said that the
United Nations inherited certain rights and responsibilities inthe
matter of mandates,from the League of Nations. That is quite true.
The League of Nations, recently, on its deathbed, formally declared
Transjordan free from the mandate. Therefore on the question of
whether the legal formalities have been sufficientlycomplied with,
1fail to see in what way those formalities have not been fulfilledin

the case of Transjordan as much as they have been fulfilled in
regard to two other States which have been accepted without
question as Members of the United Nations." [i.e., Syria and
Lebanon.] (See U.N., S.C., O.R., 1st Year, 2nd Series, report of
56th and 57th Meetings at p. 101.Italics added.)

It is apparent that there is nothing in the argument about any "new

facts" to induce the Court to alter decisions about the International
Status of South West Africa which it had reached after full argument
and full deliberation.africain comprennent 350 pages. M. Steyn, représentant de l'Union
sud-africaine, a parlépour sa part durant quatre audiences de la Cour.

En résumé,dans l'affaire dela Palestine, le Gouvernement britannique
a reconnu et fréquemment affirméque le Mandat pour la Palestine
avait survécu à la dissolution de la Société desNations. Il a accepté
de rendre compte de son administration du Mandat aux Nations Unies
et, en soumettant la question de l'avenir de la Palestineà l'Assemblée
générale,il a admis le pouvoir des Nations Unies d'apporter une
modification au statut d'un Mandat.
On établiraune comparaison avec la position prise par le Gouverne-
ment britannique à l'égard du Mandat pour la Transjordanie. Le
représentant du Royaume-Uni a annoncé à l'Assemblée générale des
Nations Unies, lors de la séance du 17 janvier 1946, l'intention de

son gouvernement ((de prendre, à bref délai, des mesures en vue de
faire de ce territoire un Etat indépendant et souverai1).
Par sa résolution XI du 9 novembre 1946, l'Assemblée généralea
accueilli favorablement cette déclarationet, par sa résolution du 18avril
1946citéeplus haut, l'Assembléede la Société desNations s'est félicitée
de l'indépendancetransjordanienne.
Toutefois, le représentant de la Pologne a contesté par la suite le
fait que le Mandat ait pris fin en droit et a affirméles ((droits et obli-
gations 1des Nations Unies. Le 29 août 1946, à l'occasion de l'examen
de la question de l'admission de la Transjordanie comme Membre
des Nations Unies, le représentant du Royaume-Uni au Conseil de
sécuritéa donnéla réponse suivante:

((Vous avez exprimé un doute quant au statut de la Trans-
jordanie, du fait que cet Etat avait étésous mandat. Vous avez
dit queles Nations Uniesonthérité de la Société des Nationscertains
droits et certaines responsabilitésen matière de mandat. Cela est
parfaitement exact. La Société desNations a récemment, à son lit

de mort, déclaré formellementque la Transjordanie était libérée
du statut de territoire sous mandat. C'est pourquoi sur le point de
savoir si l'on s'estconformésuffisamment aux formalités juridiques,
je ne vois vraiment pas comment ces formalités n'auraient pas
été rempliespar la Transjordanie dans la mêmemesure que pour
les deux autres Etats qui ont été acceptés sans aucune objection
au sein des Nations Unies. » [C'est-à-dire la Syrie et le Liban.]
(Nations Unies, Procès-verbaux ofJiciels du Conseil de sécurité,
première année, 2e série,56e et 57e séances, p. 101- les italiques
sont de nous.)

Il est évident qu'on ne trouve rien dans l'argumentation relative à
l'un quelconque des ((faits nouveaux))qui soit de nature à induire la
Cour à modifier les décisions qu'elle a prises en l'affaire du Statut
international du Sud-Ouest africain, après avoir lu et entendu tous les
exposés écrits etoraux et après avoir épuisétoute discussion à leur
sujet. SECTION IV. THEHISTORICAB LACKGROUN OF THE DRAFTING OF THE
MANDATE

The history of the drafting of the mandate instruments has been
discussed in these cases with particular reference to the important
problem of interpreting Article 7, paragraph 2, of the Mandate for
South West Africa. Although 1 touched on the principal historical facts
in my separate opinion in 1962, the joint dissenting opinion of 1962,
the arguments of the Parties in the subsequent phasel,and the present
Judgment of the Court, now require a more detailed exposition of

certain aspects of the historical record.
It will be more convenient not to follow a strictly chronological
scheme. 1 shall deal first with the interpretation of paragraph 2 of
Article 7 of the Mandate because the normal interpretation of its text
has been challenged in such a way as to necessitate a resort to the
travaux préparatoiresand subsequent practice, and because the Judgment
of the Court, in my view, rests upon an incomplete, inaccurate analysis
of the data. This erroneous analysisleads the Court to the conclusion
that paragraph 2 of Article 7 of the Mandate did not confer upon
Members of the League a right to rely upon the Court for the general
purpose of ensuring the proper administration of the Mandate in fulfil-

ment of the obligations of the sacred trust. After dealing with the
historical background and other evidence needed for the interpretation
of paragraph 2 of Article 7 of the Mandate, it will be necessaryto return
to the historical background in connection with other issues.

Treaty Interpretation

In my opinion it is not necessary-as some utterances of the two
international courts might suggest-to apologize for resorting toavaux
préparatoiresas an aid to interpretation. In many instances the historical
record is valuable evidence to be taken into account in interpreting
a treaty. Its tradition, rather than law or logic, which has at times led
to judicial statements that this evidence is used merely to confirm an
interpretation which is supposed to have been alreadyderived from the
bare words of the text or even of the text in its context. The appropriate
position on these "rules" of treaty interpretation is well stated in Italian
Republic v. Federal Republic of Germany, Arbitral Commission on

Property, Rights and Interests in Germany, Second Chamber-Sauser-
Hall, Schwandt, Sperduti-(1959) 29 International LawReports, 442, at
449 and 459 ff., for original pagination 260 and 268ff.

Thetask ofinterpretation inthiscaserequirestheCourt to ascertainwhat

The Respondent relied heavily on the joint dissenting opinion of 1962; see
especially Counter-Memorial, Book II, Chapter V. The present Judgment of the
respect.es not seem to depart from the arguments of the joint dissent in this

350 L'historique de la rédaction des actes de Mandat a étéexaminé
dans la présente espèce à propos notamment de l'important problème
soulevépar l'interprétation du deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat
pour le Sud-Ouest africain. J'ai déjà évoqué les principauxfaits histo-

riques dans mon opinion individuelle de 1962,mais l'opinion dissidente
commune de 1962, les arguments développéspar les Parties dans la
phase ultérieure de l'instance et le présent arrêt de laCour m'obligent
maintenant à en exposer certains aspects defaçon plus détaillée.
Il sera plus commode de ne pas s'entenir strictement àla chronologie.
Je traiterai d'abord de l'interprétation du deuxièmealinéade l'article 7
du Mandat parce que l'interprétation normale de ce texte a étécontestée
au point d'exiger un recours aux travaux préparatoires et à la pratique
ultérieure et parce que l'arrêt de la Cour est fondé, à mon avis, sur

une analyse incomplète et inexacte des données. Cette analyse erronée
conduit la Cour àconclure que le deuxièmealinéadel'article 7du Mandat
ne conférait pas aux Membres de la Société desNations le droit de
s'adresser à la Cour pour veiller d'une manière générale à la bonne
administration du Mandat conformément aux obligations résultant de
la mission sacréede civilisation. Après avoir examinéle contexte histo-
rique et les autres élémentsde preuve nécessaires à l'interprétation du
deuxième alinéa de l'article7 du Mandat, on devra revenir àl'historique
à propos d'autres questions.

Interprétation destraités
Je ne crois pas que, comme certaines déclarations des deux Cours
internationales pourraient le laisser supposer, on doive s'excuser de
recourir aux travaux préparatoires aux fins de l'interprétation. Très
souvent, le dossier fournit des éléments de preuve précieux dont il faut

tenir compte pour interpréter un traité. C'est la tradition plutôt que
le droit ou la logique qui a parfois amenéles tribunaux à dire qu'ils
utilisaient ces moyens de preuve simplement pour confirmer une inter-
prétation qui était censéeavoir déjàététiréedu libellé mêmedu texte,
voire de sa place dans son contexte. L'attitude qu'il convient d'adopter
à l'égard des «règles» d'interprétation des traités est bien indiquée
dans l'affaire République italiennec. République fédérale d'Allemagne
(Commission arbitrale sur les biens, droits et intérêtsen Allemagne,
deuxième chambre - Sauser-Hall, Schwandt, Sperduti - 1959, Inter-

nationalLaw Reports, vol. 29, p. 449, 459et suiv- pagination originale:
p. 443-444et p. 452 et suiv.).
L'interprétation, en l'espèce, exigeque la Cour s'assure du sens qui

voir notamment le contre-mémoire, livre II, chapitre V. Le présent arrêt de la
Cour ne semble pas s'écarter des arguments exposés dans l'opinion dissidente
commune à cet égard.meaning must be given to certain important provisions of the Covenant
of the League of Nations, and of the Mandate for South West Africa.
At the outset :
". .. one must bear in mind that in the interpretation of a great
international constitutional instrument, like the United Nations
Charter, the individualistic concepts which are generally adequate
in the interpretation of ordinary treaties do not sufficel". (Separate

opinion of Judge de Visscher, Status of South West Africa, I.C.J.
Reports 1950, p. 189.)
In particular it is true that one cannot understand or analyse the
proceedings of a great international conference like those at Paris or
San Francisco if one regards it as essentially the same as a meeting
between John Doe and Richard Roe for the purpose of signinga contract
for the sale of bricks.

"But lawyers who are trained in the methods of interpretation
applied by an English court should bear in mind that English
draftsmanship tends to be more detailed than continental, and it
receives, and perhaps demands a more literal interpretation. Simi-
larly, diplomatic documents, including treaties, do not as a rule
invite the very strict methods of interpretation that an English court
applies, for example, to an Act of Parliament." (The Law of Nations
by J. L. Brierly, 6th ed., 1963,by Sir Humphrey Waldock, p. 325.)

It may be agreed that there are dangers in dealing with multipartite
treaties as "international legislation", but if municipal law precedents

are invoked in the interpretative process, those precedents dealing with
constitutional or statutory construction are more likely to be in point
than ones dealing with the interpretation of contracts 2.
In interpreting a bilateral treaty, the Court may, but need not, content
itself with examining the views of the two parties. In the case of a
multipartite treaty, the situation is different. Thus in the Rights of
Nationals of the United States of America in Morocco case between
France and the United States, in considering the Act of Algeciras, the
Court concluded that the article in question "requires an interpretation
which is more flexible than either of those which are respectively con-
tended for by the Parties in this case". (I.C.J. Reports 1952, p. 211.)
Sointhe Application ofthe Convention of 1902 Governing the Guardianship
of Infants case, Judge Cordova said:

"If the 1902 Convention had been a bilateral treaty, their [the
Parties']commoninterpretation with regard to one of its Articles ...

One recalls the farnous apothegrn of Chief Justice MarshainMcCuZiochv.
Maryland (4 Wheat. 407): "We must never forget that it is a constitution we are
expounding."
The Supreme Court of the United States resorts to the historical background
for aid in interpreting the Constitution of the United States (e.g., in Wesberry v.
hood of Locomotive Engineers v. Chicago R.I. &P.R.cCo., 86 S. Ct. 594 (1966)).other-doit êtredonné à certaines dispositions importantes du Pacte de la
Société des Nations et du Mandat pour le Sud-Ouest africain.
Tout d'abord,
«il faut se souvenir ...que l'interprétation d'un grand acte consti-
tutionnel international comme la Charte des Nations Unies ne
saurait s'inspirer des conceptions individualistes qui prévalent

généralementdans l'interprétation des traités oridinaires l.(Opinion
dissidente de M. de Visscher, Statut international du Sud-Ouest
africain,C.I.J. Recueil 1950, p. 189.)
En particulier, il est vrai que l'on ne saurait comprendre ou analyser
les travaux de grandes conférences internationales comme celles de

Paris ou de San Francisco si on les considère comme essentiellement
semblables à un rendez-vous entre Dupont et Durand en vue de signer
un contrat pour la vente de briques.
« Mais les juristes formés aux méthodesd'interprétation qu'appli-
quent les tribunaux anglais doivent se souvenir que le style anglais
de rédaction législativefait aux détails une place plus grande que

le stylecontinentalet qu'il reçoitet peut-êtreexigeuneinterprétation
plus littérale. De mêmeles documents diplomatiques, y compris les
traités,n'appellent pas d'ordinaire le recours aux méthodes d'inter-
prétation très strictes que les tribunaux anglais appliquent par
exemple aux lois du Parlement. »(J. L. Brierly, TheLaw of Nations,
6eéd.,par sir Humphrey Waldock, 1963,p. 325.)

On peut admettre qu'il y a quelque danger à considérerles traités
multilatéraux comme une ((législationinternationale)) mais, si l'on
invoque en matière d'interprétation les précédentsdu droit interne,
l'interprétation des constitutions ou des lois offrira vraisemblablement
des précédentsplus pertinents que l'interprétation des contrats 2.
Lorsqu'elle interprète un traité bilatéral, la Cour peut, mais elle n'y
est pas tenue, se contenter d'examiner les vues des deux parties. Il n'en

va pas de mêmedans le cas d'un traité multilatéral.Ainsi, dans l'affaire
relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amériqueau Maroc
(France c. Etats-Unis), la Cour, examinant l'acte d'Algésiras, est arrivée
à la conclusion que l'article dont il s'agissaitappelai(une interprétation
plus souple qu'aucune de celles avancéespar l'une et l'autre desParties
en litige» (C.I.J. Recueil 1952, p. 211). De mêmedans l'affaire relative
à l'Applicationde la conventionde 1902pour réglerla tutelle des mineurs,
M. Cordova a déclaré:

«Si la convention de 1902avait étéun traité bilatéral, leur inter-
prétation commune [celle des Parties] de l'un de ces articles ...

faireMcCullochic.tMaryland (4 Wheat. 407): «Nous ne devons jamais oublier que'af-
c'est une constitution que nous interprétons.
La Cour suprême des Etats-Unis s'appuie sur les éléments historiques pour
interpréter la constitution des Etats-Unis (par exemple dansrry c. Sanders,
84 S. Ct. 526, 1964) et les lois du Congrès (par exemple dans BrotherhoodofLoco-
motive Engineers c. ChicagoR.Z.& P.R. Co., 86 S. Ct. 594, 1966).
351 would have been enough for me to consider such a construction
as final; but the 1902 Convention being a multilateral treaty, it is
possible, 1believe, to hold a different opinion from that of the two
Parties before the Court with reference to the applicability of its
Articles."(I.C.J. Reports 1958, p. 143.)
In the Territorial Jurisdictionof the International Commissionof the
River Oder case, the Permanent Court was not satisfiedwith the various
technical arguments advanced by the parties for the interpretation of
the Treaty of Versaiilesand accordingly fell back on principles governing

international fluvial law in general (P.C.I.J., Series A, No. 23, 1929,
p. 26).
Even when dealing with a bilateral treaty, the Permanent Court
asserted its judicial freedom insaying in the FreeZones of Upper Savoy
and the District ofGex case:
"From a general point of view, it cannot lightly be admitted
that the Court, whose function it is to declare the law, can be
calledupon to choose betweentwo or moreconstructionsdetermined
beforehand by the Parties none of which may correspond to the
opinion at which it may arrive. Unless othenvise expresslyprovided,
it must be presumed that the Court enjoys the freedom which
normally appertains to it, and that it is able, ifuch is its opinion,
not only to accept one or other of the two propositions, but also

to reject them both." (P.C.I.J., Series AIB, No. 46, p. 138.)

More especially, when the judicial task has been that of interpreting
Mandates, national courts have declared:
"In any analysis of the legal and constitutional basis of the
government of the Mandated Territory the primary duty of English
courts is to attend to the objects and purposes of the mandates

system, to avoid 'a quibbling interpretation' and 'a merely pedantic
adherence to particular words', 'to discover and to give effect to
al1the beneficentintentions' embodied in the instrument ..." (Evatt,
J., High Court of Australia, in Ffrost v. Stevenson, 1937,Vol. 58,
Commonwealth Law Reports, p. 528 at 579.)

And to the same effect :

"1am of opinion that in seeking the meaning of expressions used
in the Covenant of the League and in the Mandate one should not
overlook the nature of those documents or be led astray by the
terms of art used therein." (van den Heever, J., in Rex v. Offen,
1934,South African LawReports, South West Africa, p. 73 at 84.)

1 repeat also an extract from the opinion of de Villiers, J.A., in
Rex v. Christian(1923),The South AfricanLawReports 119241 Appellate
Division, 101 at 121, which Judge sir Arnold McNair quoted in his
separate opinion on the Status of South West Africa in 1950:

352 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 354
m'aurait suffipour considérer cetteinterprétation comme définitive;
mais comme la convention de 1902 est un traité multilatéral, je
crois qu'il est possible d'avoir une opinion différente de cellesdes

deux Parties en cause sur l'application de ses articles. » (C.I.J.
Recueil 1958,p. 143.)
Dans l'affaire de la Juridiction territoriale de laCommission inter-
nationale de l'Oder, la Cour permanente n'a pas estimé satisfaisants les
arguments juridiques proposés par les Parties pour l'interprétation du
traité de Versailles; en conséquence, elle a remonté aux principes qui
régissentle droit fluvial international en général(1929,C.P.J.I. série A
no 23, p. 26).
Mêmequand elle avait à connaître d'untraitébilatéral,la Cour perma-

nente a affirmésa liberté judiciaire en déclarantdans I'affairedesZones
franches deHaute-Savoie et dupays de Gex:
«A un point de vue général,on ne saurait facilement admettre
que la Cour, dont la fonction est de dire le droit, soit appelée à
choisir entre deux ou plusieursinterprétations, déterminéesd'avance
par les Parties et dont il se pourrait qu'aucune ne correspondît à
l'opinion qu'elle se serait formée. En l'absence d'une disposition
explicite prévoyant le contraire, il faut présumerque la Cour doit
jouir de la libertéqui lui revient normalement et doit êtreen mesure,

si telle est son opinion, non seulement d'accepter l'une ou l'autre
des deux propositions, mais de rejeter les deux.»(C.P.J.I. sérieA/B
no46, p. 138.) .
Plus particulièrement, lorsqu'ils ont eu la tâche d'interpréter judiciaire-
ment les Mandats, les tribunaux nationaux ont déclaré:

((Dans toute analyse du fondement juridique et constitutionnel
du gouvernement du territoire sous Mandat, les tribunaux anglais
ont pour tâche principale de prendre en considération les objets
et les finsdu systèmedes Mandats, d'éviter àla fois ((l'interprétation
par voie d'arguties verbales»et «la fidélittout simplementpédante
à des mots déterminés », de cdécouvrir et de mettre en Œuvre
toutes les intentions bienfaisantes)) contenues dans l'acte...))
(M. Evatt,juge à laHaute Cour d'Australie, dans Ffrost c. Stevenson,
1937, CommonwealthLaw Reports, vol. 58, p. 579.)

Et dans le mêmesens:
«Je suis d'avis qu'en cherchant la signification des expressions
employéesdans le Pacte de la S.d.N. et dans le Mandat on ne doit
pas perdre de vue la nature de ces actes ni se laisser égarerpar les

termes techniques dont ils se servent. »(M. van der Heever dans
l'affaireex c. Offen, 1934,South African Law Reports, South West
Africa, p. 84.)
Je rappelle également un passage de l'opinion de M. de Villiers, J.A.,
dans l'affaireRex c. Christian (1923, South African Law Reports, 1924,
Appellate Division,p. 121) que sir Arnold McNair a citédans son opi-
nionindividuellede 1950sur le Statut internationaldu Sud-Ouest africain:

352 "The legalterms employedin Article 22-trust, tutelage,mandate,
cannot be taken literally as expressing the definite conceptions for
which they stand in law. They are to be understood as indicating
rather the spirit in which the advanced nation who is honoured
with a mandate should administer the territory entrusted to its care
and discharge its duties to the inhabitants of the territory, more
especiallytowards the indigenous populations. In how far the legal
principles of these analogous municipal institutions should be
applied in these international relations 1 shall not take upon myself
to pronounce. But 1 rnay be permitted to say that in my opinion
the use of the term shows that in so far asthose legal principles are
reasonably applicable to these novel institutions, they should
loyally be applied. No doubt most difficult questions will arise."
(I.C.J. Reports 1950, p. 151.)

A much earlier admonition taught that "the letter killeth but the
spirit givethlife".
1 adopt with emphatic approval what Judge Lauterpacht said in his
separate opinion in 1955 on South West Africa about the so-called
"clear meaning" rule which to my mind is often a cloak for a conclusion
reached in other ways and not a guide to a correct conclusion. Judge
Lauterpacht said :
"This diversity of construction provides some illustration of the
unreliability of reliance on the supposed ordinary and natural
meaning of words.

Neither having regard to the integrity of the function of inter-
pretation, is it desirable that countenance be given to a method
which by way ofconstruction rnay result in a summarytreatment or
disregard of the principal issue before the Court." (I.C.J. Reports
1955,p. 93.) (Italics added.)
1 also agree with Judge Sir Percy Spender's discussion of the rule
about "ordinary and natural sense" in his separate opinion in the
question of Certain Expenses of the United Nations (Article 17, para-
graph 2, of the Charter) (I.C.J. Reports 1962,p. 184):

"This injuction is sometimes a counsel of perfection. The ordinary
and natural senseof words rnay at times be a matter of considerable
difficulty to determine. What is their ordinary and natural sense
to one rnay not be so to another. The interpreter not uncommonly
has, what has been described as, a persona1feeling towards certain
words and phrases. What makes sense to one rnay not make sense
to another. Ambiguity rnay lie hidden in the plainest and most
simple of words even in their natural and ordinary meaning. Nor
is it always evident by what legal yardstick words read in their
natural and ordinary sense rnay be judged to produce an unreason-
able result." «Les termes juridiques employés à l'article 2- trust, tutelle,
mandat - nepeuvent êtrelittéralemenc tonsidérés comme exprimant

les conceptions précises qu'ils rep~ésententen droit. Il faut les
comprendre plutôt comme une indication de l'esprit dans lequel la
nation développée, à qui l'on a fait l'honneur de confier un mandat,
doit administrer le territoire confiéses soins et s'acquitter de ses
devoirs àl'égard deshabitants du Territoire, plus particulièrement
à l'égard despopulations indigènes. Je ne prendrai pas sur moi
d'indiquer dans quelles mesures les principes juridiques de ces
institutions nationales analogues doivent être appliqués à ces
rapports internationaux. Mais peut-être mepermettra-t-on de dire
qu'à mon avis l'usage qui a étéfait de ces termes démontre que,

dans la mesure où ces principes juridiques sont raisonnablement
applicables à ces institutions nouvelles, ils doivent êtreappliqués
loyalement. Sans aucun doute, des questions [des] plus complexes
se présenteront.»(C. I..Recueil 1950,p. 151.)
Un adage beaucoup plus ancien enseignait que la lettre tue mais
l'esprit donne la vie.
J'approuve avec la plus grande conviction ce que sir Hersch Lauter-

pacht a dit dans son opinion individuelle de 1955 à propos de la règle
dite du (sens clair»,qui selon moi sert souventà couvrir une conclusion
obtenue d'une autre manière et non à orienter vers une conclusion
exacte. Sir Hersch Lauterpacht a déclaré:
((Cette diversitéde vue fournit un exemple de ce danger de se
fonder sur ce qui est supposé être lesens ordinaire et naturel des
mots.
Enfin, eu égard à l'intégritéde la fonction interprétative, il n'est

pas souhaitable d'encourager l'application d'une méthodequi, par
voie d'interprétation, pourrait amener à traiter sommairement la
principale question soumise àla Cour ou à ne pas en tenir compte.))
(C.I.J.Recueil 1955,p. 93 - les italiques sont de nous.)
Je suis d'accord aussi avec l'examen que sirPercy Spender a consacré
à la règle du (sens ordinaire et naturel1)dans son opinion individuelle
en l'affaire relativeà Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17,

paragraphe 2, de la Charte) (C.I.J. Recueil 1962, p. 184):
((.Cetteinjonction est parfois un conseil de perfection. Le sens
ordinaire et naturel des mots peut être à l'occasion très difficile
à déterminer. Ce qui peut êtrele sens ordinaire et naturel pour un
interprète peut ne pas l'êtrepour un autre. Il n'est pas rare que
l'interprèteait ce que l'on a appeléun sentiment personnelà l'égard

de certains mots et de certaines phrases. Ce qui a un sens pour l'un
peut n'en pas avoir pour un autre. L'ambiguïté peutse cacher sous
les mots les plus ordinaires et les plus simples, mêmepris dans leur
sens naturel et ordinaire.Il n'est pas toujours évident,non plus,
selon quel critère juridique on peut considérer que les mots, lus
dans leurs sens naturel et ordinaire, conduisent à un résultat dé-
raisonnable.»

353 With these observations in mind, 1 re-emphasize the view expressed
above about the value of travauxpréparatoires.

TheMilner Commission

The Milner Commission, established by the Council of Four of the
Peace Conference on 27 June 1919to deal with the Mandates, held its
first meeting on the following day, 28 June. The Commission had

before it a draft for 'C'mandates, prepared by Lord Milner. The Japanese
representativenoted the absence of what is now referred to as an "open-
door" clause for equal commercial opportunities for all Members
of the League; this was to remain a Japanese objection over a long
period of time. Although the record makes no reference to the distri-
bution of a draft for a 'B'mandate at this time, Viscount Chinda referred
to the text of such a 'B' draft, and the American 'B'draft of 8 July
has a headnote saying that the modificationsin Lord Milner's draft are
printed in italics, so it is evident that a Milner 'B'draft had already been

circulated.

The original Milner draft for 'C' mandates contained provisions
about slavery,forced labour, control of arms traffic, alcoholic beverages,
military service and fortifications, but nothing on the requisite consent
of the Council of the League for modification of the terms of the mandate
and no adjudication clause as in the eventual Article 7.

The secondmeetingofthe Commissionwas on 8July.It then had before
it a French draft of a 'B' mandate 2, and an American draft of a 'B'
mandate. The French draft had been sent to Lord Milner on 5 July.
The later appearance of the American draft may have been due to the fact
that only Mr. Beer represented the United States at the first meeting on
28 June whereas Colonel House was also present on 8 July and subse-
quently.Ifindno justificationfortheposition taken intheCourt's Judgment
that this American draft was not one of the "original" drafts. The Com-
mission continued its discussion of the draft of the 'C' mandate but
members made cross-references to the new 'B' drafts. Thus Colonel

House suggested inserting in the 'C' draft, Article 14 of his 'B' draft
which, in expanded form, deals with the necessityfor the consent of the
Council to any changes, as is now recordedin paragraph 1of Article 7 of

The only detailed availablerecord is an officia1French document printed as a
1919-1920, Recueil des Acts de lcConférence,Partie VI A, Paris, 1934,Confidentiel.
This is the source referred to in the following pages unless otherwise noted.

ErroneousIy identifiein my separate opinion in 1962 as a "British-French
draft".
354 Ayant ces observations présentes à l'esprit, j'insiste à nouveau sur

l'opinion expriméeplus haut quant àla valeur des travaux préparatoires.

CommissioaMilner

La Commission Milner créée par le Conseil des Quatre dela conférence
de la paix le27juin 1919pour s'occuper desMandats a tenu sa première
réunion le lendemain 28 juin. La Commission était saisie d'un projet
de texte pour les Mandats de la catégorie C, établi par lord Milner.
Le représentantdu Japon a notél'absence d'une clause que l'on appelle
maintenant la (clause de la porte ouverte 1prévoyantl'égalité commer-

ciale de tous les Membres de la Société desNations; l'absence d'une
telle clause devait appeler longtemps les critiques du Japon. Bien que
le compte rendu l ne mentionne pas qu'un projet de texte pour les
Mandats de la catégorieB ait été distribué à ce moment-là, le vicomte
Chinda se réfère à un projet de Mandat B, et le projet américain de
Mandat B du 8juillet est précédéd'une note indiquant que les modifica-
tions introduites dans letexte de lord Milner sont impriméesen italiques;

il est donc évidentqu'un projet de Mandat B rédigépar lord Milner
avait déjàété distribué.
Le premier projet de Mandat C établipar lord Milner contenait des
dispositions relativesà l'esclavage, au travail forcé, au trafic d'armes,
aux boissons alcoolisées,au service militaire et aux fortifications, mais
il ne disait rien de la nécessitéd'obtenir le consentement du Conseil de
la Sociétédes Nations pour modifierlestermes du Mandat et necontenait
aucune clause juridictionnelle du genre de celle qui a finalement été

consacrée à l'article 7.
La Commission a tenu sa deuxième réunion le 8 juillet. Elle était
saisie d'un projet de Mandat B présentépar la France et d'un projet
de Mandat B présentépar les Etats-Unis. Le projet français avait été
envoyé à lord Milner le 5 juillet. Il se peut que l'apparition tardive du
projet américain ait été dueau fait que M. Beer représentait seul les
Etats-Unis àla premièreréunion, le28juin, alors que le colonel House

étaitégalement présentle 8juillet etlors des réunionssuivantes. J'estime
que rien nejustifie la position prise dans l'arrêtde la Cour selon laquelle
ce projet américain n'étaitpas au nombre des premiers projets. La
Commission a poursuivi l'examen du projet de Mandat C mais ses
membres se référaient aussiaux nouveaux projets de Mandat B. Ainsi,
le colonel House a proposé d'incorporer au projet de Mandat C l'ar-
ticle 14 de son projet de Mandat B qui, sous une forme détaillée,

Le seul compte rendu détaillédont on dispoesun document officielfrançais
imprimé commedocument confidentiel en 1934mais qui n'apubliéque longtemps
après: Conférencedelpaix1919-1920, Recueil des actes de la conférence,partie VI A,
Paris, 1934,confidentiel. Telleest la source à laquelle je me se référedans les pages
suivantes,sauf indication contraire.
Qualifiéà tort dans mon opinion individuelle de 1962 de projecommun
franco-britanniqu».
354the South West Africa 'C'mandate l.The decision on Colonel House's
suggestion was deferred. Colonel House suggested additions to what has
come to be called the "missionary clause" which in some form was in al1
three original drafts of the 'B'mandate and whichnowfiguresinArticle 5
of the 'C' mandates. Colonel House telegraphed President Wilson from
London on 9 July that in discussingthe 'C'mandates "1 offered a clause

for the protection of missionaries which was agreed to in substance and
the form will be drafted tomorrow" 2.

Colonel House did not at this point suggest the inclusion in the 'C'
mandate of the adjudication clause which figured in Article 15 of the

American 'B' draft since the Commission at this point passed to a
consideration of the draft of 'B'mandates. For this purpose, they took
the French draft as a basis for discussion. A clausein the preamble of the
American text was discussed.As was to be true during many subsequent
discussions, the meeting ended on disagreement over the French view
about the recruitment of Native troops.
On 9 July, the third session of the Commissionopened with a further
discussion of the French text of a 'B'mandate and the problem of re-

cruitment. However, from point to point, the United States represen-
tatives asked for the inclusion of provisions from the American draft,
which was much more detailed in specifications of commercial and other
economicrights, although most of these were covered in generalterms in
the French draft. The French representative, M. Simon, questioned
whether the detailed specifications were necessary. It was at this point,
and before any referenceby ColonelHouse to theadjudicationclauseinthe
American draft, that Lord Robert Cecil made the statement which is

quoted out of context in the 1962joint dissenting opinion at page 556
(and 1adopt their translation) :
"Lord Robert Cecil (British Empire) thought that that question
was linked with the right of recourse to the International Court.
If the right of recourse were to be granted, it would be preferable

merely to lay down the principle of equality and leave it to the
Court to apply the principle to particular cases. He thought however
it would be desirable to replace the words 'commercial equality'

The consent of the League of Nations is required for any modification of the terms.
of this mandate and the Council shall at any time recommend their reconsideration
if, ints opinion, these provisions are no longer appropriate in the existing circum-
stances.''
See Miller,iary, Vol.XX, p. 348 and Foreign Relations of the United States,
Paris Peace Conference,1919, Vol. XI, p. 647.
Representations on behalf of missionary interests had been made to the Amencan
delegation to the Peace Conference as early as April 1919;see Miller, Diary, Vol. 1,
p. 218, and Vol. VII, p. 398.
355 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS. JESSUP) 357

prévoyaitque le Conseil de la Sociétédes Nations devait donner son
consentement à toute modification du Mandat, ce qui est indiqué

maintenant au premier alinéa de l'article 7 du Mandat C pour le Sud-
Ouest africain l. La décision sur la proposition du colonel House a
étédifféréeL . e colonel House a suggéré desadjonctions à ce que l'on
a fini par appeler la ((clause des missionnaires»qui, sous une forme ou
sous une autre, se trouvait dans les trois premiers projets de Mandat B
et qui figuremaintenant à l'article 5des Mandats C. Dans un télégramme
adressé de Londres au président Wilson le 9 juillet, le colonel House
a indiqué i propos de l'examen des Mandats C: «J'ai proposéd'insérer

une disposition relativeà la protection des missionnaires qui a été ap-
prouvéequant au fond et dont le texte sera mis au point demain = )
Le colonel House n'a pas proposé alors d'incorporer au Mandat C
la clause juridictionnelle qui figuraità l'article 15 du projet de Man-
dat B présentépar les Etats-Unis, parce que la Commission est passée
à ce moment à l'étudedu projet de Mandat B. A cette fin, elle a pris
comme base de discussion le projet français. Elle a discutéune dispo-

sition du préambuledu texte américain.Comme cela devait être souvent
lecaspar la suite, la réunions'est terminéesur un désaccorddû à l'atti-
tude dela délégation française quantà l'enrôlementdestroupes indigènes.
Le 9 juillet, la troisième séancede la Commission s'est ouverte par
une reprise du débat surle projet français de Mandat B et le problème
du recrutement de troupes indigènes. A chaque étape de la discussion,
le représentant des Etats-Unis a demandé l'insertion de dispositions du

projet américain, qui contenait une description beaucoup plus détaillée
des droits commerciaux et autres droits économiques,alors que le pro-
jet français traitait de la plupart de ces droits en termes généraux.Le
représentant de la France, M. Simon, a émisdes doutes quant à la né-
cessitéde ces stipulations détaillées.C'est alors, et avant que le colonel
House ne parle de la clausejuridictionnelle du projet américain,que lord
Robert Cecil a fait la déclaration dont un passage, isolédu contexte,

est citédans l'opinion dissidente commune de 1962 (p. 556):
((Lord Robert Cecil (Empire britannique) pense que cette ques-
tion est liée au droit d'appel devant la Cour internationale. Si
cet appel est autorisé,il est préférablede poser seulement le prin-

cipe d'égalitéet de laisser à la Cour le soin de l'appliquer aux
cas particuliers.l pense néanmoins qu'ily aurait lieu de rem~la-
cer les mots: ((égalitécommerciale))[qui figurent dans le projet

Le consentement de la Société desNations est nécessaire pour toute modification4.
des stipulations du présent Mandat et Conseil devra en recommanderà tout
moment un nouvel examen, si ces dispositions,on avis, ne correspondent plus
aux conditions présentes.
Voir Miller, Diary, vol. XX, p. 348, et Foreign Relations of the United States,
Paris Peace Conference,919, vol. XI, p. 647.
Des représentations au nom des intérêtsmissionnaires avaient étéfaites auprès
de la délégationaméricaineà la conférence de la paix dès le mois d'avril 1919;
voir Miller,iary, vol. 1, p. 218 et vol. VII, p. 398. ('égalitécommerciale')-which appeared in the French draft-by
the words 'commercial and industrial equality'. Ifon the other hand,

no right of recourse to the Court was to be given, it would be
necessary to elaborate stipulations inetail."
As the joint dissent correctly States: "The morning session concluded
with this observation." It was not discussed.

It was not unnatural for Lord Robert Cecilto refer to the International
Court since at the Peace Conference he had been the champion of the
Court and it was largely his insistence that finally led to the inclusion in
the Covenant of Article 14 which placed upon the Council the duty of
providing for such a Court. (See Temperley, A History of the Peace
Conferenceof Paris, Vol. VI,'1924,p. 486; Hudson, Permanent Court of

International Justice,1920-1942, 1943, p. 95.) On the other hand, M.
Simon, who was the French representative on the Milner Commission,
had opposed at Paris the whole idea of international supervision of the
former enemy territories which eventually were placed under mandates;
he advocated "annexations pure and simple". (See Lloyd George,
Memoirs of the Peace Conference, 1939,Vol. 1,p. 350.) The observation
of Lord Robert Ceciljust quoted above had no relevanceto the intention
of the United States representativesin proposing an adjudication clause
which-as will be shown-distinguished betweenjudicial recourse to
safeguardspecialindividualeconomicrights, and recourse to the Court to
protect the generalrights of member Statesin the proper carrying out of
the mandate. There is nothing in the record to support the conclusionin
the joint dissenting opinion (at p. 556)that the debate at thiseeting-
when the adjudication clause wasnot yet beingadvocated by itsAmerican
proponents-shows that the "sole context in which it [the adjudication
clause]was considered" "was the protection of the commercial and other
rights of the States Members of the League, and those of their nationals,

as intended to be conferred on them by the mandate instruments".

At the fourth session, later on 9 July, it is correct that Colonel House
suggested that they consider Article 15 of the American draft-the
adjudication clause. The ensuing debate was on the procedural ques-
tion whether suits in the International Court could be initiated by
individual citizens-as suggestedin the secondparagraph ofthe American
text-or whether it should, in accordance with traditional diplomatic
practice in claims cases, be left to the State to espouse the claims of its
citizens and act as plaintiff on their behalf.

The text of the two paragraphs of the American adjudication clause
was as follows [translation]:

"Article15
If a dispute should arise between the Members of the League of
Nationsrelating to the interpretation or the application ofthepresent
356 français] par: (égalitécommerciale et industrielle».Si, au contraire,
aucun appel devant la Cour internationale n'est autorisé, il sera

nécessaired'élaborerdes stipulations détaillées. 1)

Comme le disent fort justement les auteurs de l'opinion dissidente com-
mune: «La séancedu matin s'est terminée sur cette observation. ))Il
n'y a pas eu de discussion.

11n'y avait rien d'étonnant à ce que lord Robert Cecil mentionne
la Cour internationale, puisqu'à la conférencede la paix il en avait
étéle champion et que c'étaiten grande partie en raison de son insis-
tance que l'on avait hi par inclure dans le Pacte l'article 14 qui char-
geait le Conseil de préparerla créationd'une telleCour (voir Temperley,
A History of the Peace Conferenceof Paris, vol. VI, 1924,p. 486; Hud-
son, Permanent Court of International Justice, 1920-1942, 1943,p. 95).
En revanche, M. Simon, qui représentait la France à la Commission

Milner, s'était montréhostile à Paris à l'idéemêmed'un contrôle inter-
national des anciens territoires ennemis qui ont étéfinalement placés
sous Mandat; il préconisait ((l'annexion pure et simple)) (voir Lloyd
George, Memoirs of the Peace Conference, 1939,vol. 1, p. 350). La
remarque de lord Robert Cecil citéeplus haut est sans lien avec l'inten-
tion qui animait les représentants des Etats-Unis lorsqu'ils ont proposé
une clause juridictionnelle qui - on le montrera - faisait une distinc-
tion entre le recours judiciaire destiné à sauvegarder certains droits

économiques individuels spéciaux et lerecours en justice devant la
Cour en vue de protégerle droit généraldes Etats Membres à la bonne
exécutiondu Mandat. Rien dans les comptes rendus ne justifie la con-
clusion des auteurs de l'opinion dissidente commune (p. 556) selon
laquelle il ressort des débats de cetteséance - à un moment où les Amé-
ricains ne préconisaient pas encore l'insertion de la clause juridiction-
nelle - que (le seul contextedans lequel [ladite clause] a étéexaminée,
était la protection des droits commerciaux et autres qu'on avait l'in-
tention de conférerdans les actes de Mandat aux Etats Membres de

la Sociétéet à leurs ressortissants 1).
Il est exact qu'à la quatrième séance,qui s'est tenue plus tard dans
lajournéedu 9juillet, le colonel House a proposé à la Commission d'exa-
miner l'article 15 du projet américain - la clause juridictionnelle. Le
débat qui a suivi a porté sur la question de procédure que voici: les
particuliers pouvaient-ils intenter une action devant la Cour interna-
tionale - comme le suggèrele deuxièmealinéadu texte américain -
ou devait-on laisser à l'Etat, conformément à la pratique diplomatique

traditionnelle en matière de réclamations, le soin de prendre fait et
cause pour ses ressortissants et de saisir la Cour en leur nom?
Le texte des deux alinéasde la clausejuridictionnelle am5icaine était
le suivant:
((Article 15

Si un différends'élève entre les Membresde la SociétédeN s ations
en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de la présente
356 Convention and if this dispute cannot be settled by negotiation, it

willbereferredtothePermanent Court of International Justice which
is to be established by the League of Nations.
The subjects or citizens of States Members of the League of
Nations may likewise bring claims concerning infractions of the
rights conferred on them by Articles 5, 6, 7, 7a and 7b of this Man-
date before the said Court for decision. The judgment rendered by
this Court willbe without appeal in both the preceding casesand will
have the same effect as an arbitral decision rendered according to
Article 13of the Covenant."

M. Simon had no objection to the principle of a resort to an inter-
national court but he thought that if individuals could utilize that
procedure any administration would become impossible. Lord Milner
also thought that this individual right of appeal to the Court would make
any administration difficult.He added: "The question of theperformance
or ofthe non-performance ofthe terms ofthe Mandate, was a very serious
one and should only be put forward under the responsibility of a Govern-

ment, otherwise difficultieswould arise which might entai1the liquidation
of the League of Nations." [Translation.] This important statement is
not mentioned in the joint dissent of 1962.

Clearly "the prrformance or non-performance of the Mandate" is an
expression which includes all the provisions for the welfare of the native
peoples and not merely commercial rights of citizens of members of the
League. It was scarcely the latter type of claims which might involve
"the liquidation of the League of Nations". It was after having thus
emphasized that governments themselvesmust take the responsibility for
bringing to the Court cornplaints about the "non-performance" of the
mandate, that Lord Milner went on to say (as indicated in the joint
dissent) that there would certainly be some advantage in transferring
from the political plane to the legal plane the settlement of questions
such as those concerning property rights (droit de propriété),but he
asked that the government which would decide whether the claim should
be brought before the Court should take the responsibility for that

decision. It should be noted that this last statement by Lord Milner was
preceded by a comment by Lord Robert Cecil to the effect that the
Foreign Officehad often been embarrassed by the question of claims of
citizens and it would be helpful ifthese questions no longer remained in
the diplomatic spliere.

Now the discussion of the commercial or economic rights of nationals
of other members of the League up to this point had not used the term
"droit depropriété"but i11this session of9July, there had been a long and
detailed discussion of provisions of the Milner, French and American
drafts which dealt with transfers of title to property rights (propriété
foncière) of native peoples. Mr. Beer (United States) urged the addition
of a provision from the American draft which would state that no such Convention et que ce différendne puisse êtreréglépar les négo-
ciations, il sera porté devant la Cour permanente de Justice inter-
nationale qui doit être établiepar la Société desNations.
Les sujets ou citoyens des Etats Membres de la Société des'Na-
tions peuvent égalementporter des réclamationsen ce qui concerne

des infractions aux droits qui leur sont conféréspar les articles 5,
6, 7, 7a) et 7b) de ce Mandat devant ladite Cour pour dé%ion.
Le jugement rendu par cette Cour sera sans appel dans lt ,bdeux
cas précédentset aura le mêmeeffet qu'une sentence arbitrale
rendue en application de l'article 13 du Pacte. »

M. Simon a déclaré n'avoiraucune objection à formuler à l'encontre
du principe de l'appel devant une cour internationale, mais il estimait
que, si des particuliers pouvaient avoir recours à cette procédure, toute
administration deviendrait impossible. Lord Milner était également
d'avis que ce droit d'appel rendrait toute administration difficile. Il

a ajouté: ((Laquestion de l'exécutionou de la non-exécutiondes termes
du Mandat est très grave et ne devra êtremise en avant que sous la
responsabilitéd'un Gouvernement,autrement des difficultéssurgiraient
qui pourraient entraîner la liquidation de la Société des Nations. ))Cette
importante déclaration n'est pas mentionnée dans l'opinion dissidente
commune de 1962.
Il est clair que le membre de phrase l'exécutionou ..la non-exécu-
tion ...du Mandat )concerne toutes les dispositions relatives au bien-
êtredes populations indigèneset ne vise pas seulement les droits com-
merciaux des ressortissants des Membres de la Sociétédes Nations.
Il étaitpeu probable que ce dernier type de réclamationpuisse entraîner
((laliquidation de la Société des Nations ».C'est donc après avoir ainsi

soulignéque les gouvernements eux-mêmesdevaient prendre la respon-
sabilité de porter devant la Cour les réclamations concernant la ((non-
exécution ))du Mandat que lord Milner a dit, comme l'indique l'opinion
dissidente commune, qu'il y aurait certainement avantage à faire pas-
ser de la sphèrepolitique dans la sphèrejuridique le règlementde ques-
tions comme celle du droit de propriété - mais il a demandé que le
gouvernement qui décideraitsi la réclamationdevait être portée devant
la Cour en assume la responsabilité. Il convient de noter que cette der-
nièredéclaration de lord Milner suivait une observation de lord Robert
Cecil indiquant que rien n'avait occasionnéplus d'embarras au minis-
tère des Affaires étrangèresde son pays que la question des griefs per-

sonnels de ses nationaux et qu'ily aurait avantage à ce que ces questions
ne fussent plus du domaine de la diplomatie.
L'expression droit de propriété n'était pas apparuejusque-là dans le
débat surles droits commerciaux et économiquesdes ressortissants des
autres Membres de la Sociétédes Nations, mais la Commission avait
déjà examiné longuementet en détaille mêmejour, 9 juillet, les dispo-
sitions du projet Milner et des projets français et américainqui traitaient
des transferts de propriétéfoncière indigène. M. Beer, représentant des
Etats-Unis, avait préconiséinstamment l'adjonction d'une clause tirée

357transfer of property would be valid without the authorization of public
authorities designated for that purpose. Lord Milner thought that this
stipulation should be limited to transfers of land from a native to a
non-native. He thought the American proposa1 might lead to useless
interventions. But Lord Robert Cecil supported the American point of
viewnoting that he had heard of many abuses in practice in the purchase

of nativelands. After a long discussionthey agreed on a text dealing with
propriété foncière indigè and bienfoncier indigèneT .his was distinctly a
provision for the protection of the natives, not of the economicrights of
nationals of other members of the League. The most natural interpreta-
tion of Lord Milner's remark is that it referred to questions concerning
native real property rights-a matter which he thought might well be
transferred to the legal plane, that is to say, be capable of submission to
the Permanent Court.

Lord Robert Cecil then proposed his substitute for the second para-
graph of the American draft adjudication clause:

"The Members of the League of Nations will likewise [égale-
ment] be entitled on behalf of their subjects or citizens to refer
claims for breaches of their rights, etc." [Translation.]

The word "likewise" shows that they had in mind two different types of
actionsin the Court. Mr. Beerfor the United Statesacceptedthis text and
it was adopted.
The joint dissent (at p. 557)then correctly Statesthat it was agreed to
omit the last sentence of the second paragraph of the American draft
adjudication clause which read as follows:

"The judgment given by the Court will be without appeal in the
two above mentioned cases and will have the same effectas an arbi-
tral award rendered pursuant to Article 13 of the Covenant l."
(Italics added.)
But the joint dissent draws the wrong conclusion when it says "this

sentence became superfluous if al1claims had to be referred to the Court

The text of Article 13 of the Covenant isin part as follows:
"Art.13.1. The Members of the League agree that whenever any dispute
shall arise between them which they recognise to be suitable for submission
to arbitration orjudicial settlement, and which cannot be satisfactorily settled
judicial settlement.ill subrnit the whole subject-matter to arbitration or
...........................
4. The Members of the League agree that they will carry out in full good
faith any award or decision that may be rendered, and that they will not resort
to war against a Member of the League which complies therewithIn the event
of any failure to carry outch anaward or decision, the Council shall propose
what steps should be taken to give effect thereto."du projet américain stipulant qu'aucun transfert de propriété de ce
genre ne serait valable sans l'autorisation des autorités publiques dési-
gnées à cet effet. Lord Milner avait estiméque cette stipulation devait
êtrelimitéeau transfert de terres par un indigène à un non-indigène.
Il craignait que cette proposition ne conduise à des interventions inu-

tiles. Mais lord Robert Cecil avait appuyé le point de vue américain
en signalant qu'il avait entendu dire que, dans la pratique, de nom-
breux abus étaientcommis dans l'achat de terres à des indigènes.Après
une longue discussion, la Commission avait adopté un texte relatif à
la propriétéfoncière indigèneet aux biens fonciers indigènes. C'était
là indéniablement une disposition visant la protection des indigènes

et non celle des droits économiquesdes ressortissants des autres Mem-
bres de la Société desNations. L'interprétation la plus naturelle de
l'observation de lord Milner est au'&lle se référait à des auestions con-
cernant les droits de propriétéfoncière indigène - question que, selon
lui, on pourrait bien faire passer dans la sphèrejuridique et qui pourrait
donc êtresoumise à la Cour permanente.

Lord Robert Cecil a proposéensuite de remplacer le deuxièmealinéa
de la clause juridictionnelle contenue dans le projet américainpar la
formule suivante :
«Les Membres de la Sociétédes Nations pourront également,
pour le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des réclamations

pour infractions à leurs droits11,etc.
Le mot ((égalemen t)montre que l'on songeait à deux différents types
d'actions pouvant être intentées devant la Cour. M. Beer, représentant
des Etats-Unis, a acceptéce texte, qui fut alors adopté.
Les auteurs de l'opinion dissidente commune disent ensuite fort

justement @. 557) qu'il a étédécidéde supprimer la dernièrephrase du
deuxième alinéa du projet américain de clause juridictionnelle, dont
le libellé étaitle suivant:
((Lejugement rendu par cette Cour sera sans appel dans les deux

cas précédentset aura le même effetqu'une sentence arbitrale
rendue en application de l'article 13 du Pacte l.))(Les italiques
sont de nous.)
Mais les auteurs de l'opinion dissidente commune concluent à tort que
((cettephrase devenait superflue si toutes les réclamationsdevaient être

l Le texte de l'article 13 du Pacte est en partie le suivant:
«Article 13.1. Les Membres de la Société conviennentque s'il s'élèveentre
eux un différend susceptible,à leur avis, d'une solution arbitrale oujudiciaire,
et si ce différendne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplo-
matique, la question sera soumise intégralement à un règlementarbitral ou
judiciaire.
...........................
4. Les Membres de la Société s'engagentà exécuterde bonne foi les sen-
tencesrendues et à ne pas recourir à la guerre contre tout Membre dela Société
qui .s'y conformera. Faute d'exécution dela sentence, le Conseil propose les
mesures qui doivent en assurer l'effe11by Governments,whether in respect of their own rights under the Man-
dates, or of those of their nationals".
If this sentence was superfluous in regard to governmental claims, why
did it expressly provide, in the originaltext, that it applied to the "two"
situations, that is to governmental claims in paragraph one, and indivi-
dual claims under paragraph two? The summary record (and it must al-
ways be remembered that this is not a verbatim record) does not state
any reason offered for the deletion l.

Thejoint dissent also asserts (p. 555):

"Briefly, the position appears to have been that no one thought
of having a provision for compulsoryadjudication until the United
States made detailed proposals for commercial and other State
rights for Members of the League and their nationals ..."

Thefact is, aspointed out above, that the American draft was introduced
at the second session of the Commission on 8 July, at the same time that
the Frenchdraft wasproposed.The American draft included a number of
new points not appearing in the earlier British drafts of 'C' and 'B'
mandates, namely :
(i) detailed specifications of the contents of the annual report;
(ii) the detailed specification of commercial and economic rights;
(iii) the clause concerning Council consent to changes in the mandate;

and
(iv) the adjudication clause.
The adjudication clause was no more limited to the economic and
commercial and similar clauses of the mandates than was the clause
concerning the necessityfor Council consent to changes in the mandates.
Both were applicable to al1provisions of the mandates and both were
introduced at a very early stage in the Commission's work.

On 10July, at the fifth session of the Commission, there was a discus-
sion of Article 11 of the French draft which required a report by the
mandatory to the Council. The American draft had again included
numerous details concerning the contents of the report. After Lord
Milner suggestedthe mandatory would supply the information it thought
appropriate and that the Council could then ask for more details if it
wished them, it was agreed to substitute the expression which is now
found in Article 6 of the South West Africa Mandate, namely "an annual
report to thesatisfactionof the Council".Thisdid not and does not mean

It may be noted thain Article 17 of the Memel Convention of 1924, which is
solely with disputes which might arise between Lithuania and any one of the Prin-
cipal Allied Powers Members of the Council, after providing for recourse to the
Permanent Court adds the sentence: "There shall be no appeal from the Permanent
Court's decision, which shall have the force and value of a decision rendered in
virtue of Article 13 of the Covenant." présentées à la Cour par les gouvernements,qu'il s'agît de leurs propres

droits découlant des Mandats ou de ceux de leurs ressortissants ».
Si cette phrase était superflue en ce qui concerne les réclamationsdes
gouvernements, pourquoi prévoyait-elle expressément,dans la première
version, qu'elles'appliquait aux((deux )cas, c'est-à-direauxréclamations
des gouvernements viséesau premier alinéa et aux réclamations des
particuliers viséesau second alinéa?Le procès-verbal (et il ne faut pas
oublier que ce n'est pas un compte rendu complet) n'indique pas les

raisons invoquées à l'appui de la suppression l.
L'opinion dissidente commune affirme également@. 555):
((En bref, le fait est qu'il semble que personne n'ait pensé à
introduire une disposition touchant le règlement judiciaire obliga-
toire avant que les Etats-Unis n'eussent fait des propositions détail-
léestouchant certains droits, commerciaux et autres, des Etats

Membres de la Sociétéet de leurs ressortissants ...»
Le fait est, comme je l'ai souligné plushaut, que le projet américaina
été présentéà la deuxième séance de la Commission,le 8juillet, en même
temps que le projet français. Le projet américaincontenait un certain

nombre de points nouveaux qui ne figuraient pas dans les projets britan-
niques antérieurs de Mandats C et B, à savoir:
i) une description détailléedu contenu du rapport annuel;
ii) une description détailléedes droits commerciaux et économiques;
iii) la clause relative au consentement du Conseil pour les modifica-
tions au Mandat;
iv) la clause juridictionnelle.

La clause juridictionnelle n'étaitpas plus limitéeaux dispositions con-
cernant les droits économiqueset commerciaux et dispositions analo-
gues des Mandats, que la clause relative à la nécessitéd'obtenir le con-
sentement du Conseil pour les modifications aux Mandats. Toutes deux
étaientapplicables à toutes les dispositions des Mandats et toutes deux

ont été proposées à un stade précoce des travaux de la Commission.
Le 10juillet, lors de la cinquième séancede la Commission, une dis-
cussion a eu lieu sur l'article 11 du projet français qui exigeait l'envoi
d'un rapport par le Mandataire au Conseil. Le projet américain, là
encore, était fort détailléquant au contenu du rapport. Lord Milner
ayant étéd'avis que le Mandataire fournisse les renseignements qu'il
jugerait bon et que le Conseil lui demande des informations complémen-

taires s'il ledésirait, il a étédécidéde remplacer la formule discutée
par celle qui se trouve maintenant à l'article 6 du Mandat pour le Sud-
Ouest africain, à savoir ((un rapport annuel satisfaisant le Conseil)).

l On peut noter qu'à I'article 17 de la convention de 1924 relative à Memel
qui est citédans un passage ultérieur de la présente opinion, un alinéa dela clause
juridictionnelle qui traite uniquement des différends pouvant l'éleverentre la Lithu-
anie et l'une quelconque des Principales Puissances alliées, memdu Conseil
de la SociétédesNations, ajoute, après la mention du recoursCour permanente
de Justice internationale:a décision de la Cour permanente sera sans appe! et
aura la force et la valeur d'une décisionrendue en vertu de l'articleacte»
359that the Council must be satisfied with the actual measures taken to
carry out the obligations of the mandatory; it means satisfied with the
amount of information supplied. The whole subsequent practice of the
Permanent Mandates Commission and of the Council of the League
confirms this interpretation.

It was at thisth session that the amendedtexts of Articles 14and 15
of the American draft were adopted.

At thesame sessionthey took up an amended draft of the 'C'mandate
which reflected the preceding discussions. It included Colonel House's
missionary clause, and the American proposals requiring Council
consent to changes and providing for appeals to the International Court.
BUT, the 'C' mandate did not provide for the various economic and
commercialrights specifiedin the 'B'mandate AND it did not includethe
second paragraph of the adjudication clause permitting a government
"likewise" to refer to the Court claims on behalf of its subjects or
citizens. If Article 5, whichcontains the "missionary clause" was, for
example, considered to involve the kind of rights of individuals which
were specifiedin the economic and commercial sections of the 'B'man-

date, presumably the second paragraph of the adjudication clause
would have been included because it was continued in the subsequent
drafts of the 'B'mandates. Actually the 'cmissionaryclause" as it origi-
nally appeared in al1three 'B'drafts contained no reference to the natio-
nality of the missionaries-no mention in this connection of the members
of the League. Colonel House on 8 July suggested inserting in the 'C'
draft the same rights which were provided in the 'B' drafts for mis-
sionaries.This wasagreed. In the revised 'C'draft of 10July,the reference
to members of the League, as a limiting description of missionaries sud-
denly appears, but it was not put in the 'B'drafts by the Milner Com-
mission. It isthus clear that the missionary clause was considered one
for the benefit of the Natives-not for the benefit of League members l.

It goes with freedom of conscience and religion. This is clear also from
Articles 8-10 of the 'A' Mandate for Syria and the Lebanon. It seems
clear that the adjudication clause was intended tocover, in the words of
Lord Milner, any objection raised by a member of the League against the
Mandatory's "execution or non-execution of the Mandate". That is why
the adjudication clause refers to "any dispute" concerninginterpretation
or application of the mandate-an expression made more emphatic
later in the final text by saying "any dispute whatever". It is to be noted
that while paragraph two, dealing with individual claims, refers to
breaches of their rights (infracti aunsdroitst) here is no equivalent
mention of "rights" in the first paragraph.

l But members of the League could also invoke itin the interest of their nationals
as 1 showed inmy separate opinion in 1962, pp. 410 ff. Cela ne signifiaitpas et ne signifiepas que le Conseil devait être satisfait
des mesures effectivement prises par le Mandataire pour s'acquitter
de ses obligations; cela signifie que le Conseil devait être satisfaitdu
volume des informations fournies. Toute la pratique ultérieure de la
Commission permanente des Mandats et du Conseil de la Société des
Nations codrme cette interprétation.

C'està la cinquième séanceque les textes modifiés desarticles 14et 15
du projet américainont été adoptés.
A la mêmeséance, la Commission a repris l'examen d'un projet
modifiéde Mandat Ctenant compte des débatsprécédents. 11comprenait
la clause relative aux missionnaires suggéréepar le colonel House
et les propositions américainesqui exigeaient le consentement du Conseil
pour toute modification au Mandat et prévoyaient la possibilité de
faire appel à la Cour internationale. MAIS le Mandat C ne se référait
pas aux droits économiqueset commerciaux spécifiéd sans le Mandat B

ET il ne comprenait pas le deuxièmealinéa dela clausejuridictionnelle
permettant ((également 1)à un gouvernement de porter devant la Cour
desréclamationsau nom de ses sujets ou citoyens. Sil'on avait considéré
par exemple que l'article 5 - clause des missionnaires - visait le
genre de droits reconnus aux particuliers dans les dispositions écono-
miques et commercialesdes Mandats B, il y a tout lieu de croire que le
deuxième alinéa de la clause juridictionnelle aurait été incorporé,car
il a continué à figurer dans les projets de Mandat B. En fait, la clause
des missionnaires telle qu'elle se présentait à l'origine dans les trois

projets de Mandat B ne faisait étatni de la nationalité des missionnaires
ni, à cet égard, des Membres de la Société des Nations. Le colonel
House avait proposé le 8 juillet d'attribuer aux missionnaires dans le
projet de Mandat C les mêmesdroits que dans les projets de Mandat B.
Cette proposition avait étéacceptée.Dans le projet reviséde Mandat
C du 10 juillet, il est brusquement fait mention des Membres de la
Sociétép ,our limiter les catégories de missionnairesvisées,mais la Com-
mission Milner n'a pas inscrit cette précisiondans les projets de Mandat
B.IIest donc clair que Son considéraitla clause des missionnairescomme

inséréedans l'intérêt des indigènee st non des Etats Membres l. Elle
étaitliéeà la libertéde conscience et de religion. Cela ressort nettement
aussi des articles à 10du Mandat A pour la Syrieet le Liban. 11semble
évident quela clause juridictionnelle tendait à couvrir, pour citer lord
Milner, toute critique formuléepar un Membre de la SociétédesNations
sur ((l'exécution ou la non-exécution des termes du Mandat)) par le
Mandataire. C'est pourquoi la clause juridictionnelle se référait à
ctout différend » concernant l'interprétation ou l'application des dis-
positions du Mandat, expression rendue plus nette encore par la suite

dans le texte définitif:((tout différend,quel qu'il soi))11convient de
noter que, sile deuxièmealinéa, relatif aux réclamations des particuliers,

Mais les Membres de la Société desNations pouvaient aussi l'invoquer dans
l'intérêtde leurs ressortissants, comme je l'ai montré dans mon opinion individu-
elle de 1962 (p. 410 et suiv.). Also at the fifth session they continued the discussion of the 'B'draft
and in adopting the adjudication clause, kept in the two paragraphs as
revised. At the sixth session on the evening of 10July, the full texts of
'B'and 'C' were again reviewed and adopted.

On 15July, Lord Milner sent the texts of the 'B'and 'C'drafts to the
Secretary-General of the Peace Conference. To show the drafting
differences, it is advisable to reproduce the texts of the 'C' and 'B'
jurisdictional clauses as thus despatched :

Article VI of the 'C'draft reads:
[Translation]"In theeventofa dispute betweenthe Members ofthe
League of Nations, relating to the interpretation or the application
ofthese provisions, and ifthisdisputeshould not be capable of being
settled by negotiations,it shall be submitted to the Permanent Court
of International Justice to be established by the League of Nations."
Article XII of the 'B'draft reads as follows:

[Translation] "1. If a dispute should arise between the Members
of the League of Nations, with regard to the interpretation or the
application of this Mandate, which cannot be settled by negotia-
tions, it shall be submitted to the Permanent Court of International
Justice, which is to be established by the League of Nations.
2. The States Members of the League of Nations may likewise
bring claims on behalf of their subjects or citizens before the said
Court for decision in respect of infractions of the rights conferred
on them by this Mandate."

At the ninth session of the Commission on 5 August, there was sub-
mitted an American draft for 'A'mandates which contained the follow-
ing Article XVIII:
[Translation] "Should any dispute arise between the States
Members of the League of Nations concerning the interpretation
or the application of this Mandate, which cannot be settled by
direct negotiations, the matter shall be referred to the Permanent

Court of International Justice, which is to be established by the
League of Nations.
The States Members of the League of Nations may bring the
claims of their nationals before the Permanent Court of Inter-
national Justice for infractions of their rights l."
In a telegram from Colonel House to the President and Secretary of
State on 9 August 1919there is what he describes as the text of the form
of mandate 'A' which he had introduced. In this text the adjudica-

According to Hunter Miller'sDiary(Vol. XX, p. 383)this text was drafted
by Beer and agreedto generallyby LordRobert Cecil.faisait état des infractions aux droits qui leur étaient conférés,le pre-
mier alinéa ne mentionnait pas de tels ((droits ».
A sa cinquièmeséanceégalementl,a Commission a poursuivi l'examen
du projet de Mandat B et adopté la clause de règlement judiciaire en

conservant les deux alinéas tels qu'ilsavaient étérevisés.A la sixième
séance,tenue le 10juillet au soir, les textes de Mandats B et C ont été
à nouveau reviséset adoptés.
Le 15juillet, lord Milner a adresséles textes des projets de Mandats
B et C au secrétaire générad le la conférencede la paix. Pour faire ap-
paraître les différencesde rédaction, il est utile de reproduire le texte
des clauses juridictionnelles des projets de Mandats C et B tels qu'ils
ont étéenvoyés :

L'article VI du projet de Mandat C stipulait:
((Encas de différendentre les membres de la Société des Nations,
relatif l'interprétationou à l'application des présentesdispositions,
et que ce différendne soit pas susceptible d'êtreréglépar des négo-
ciations, il sera soumis à la Cour permanente de Justice interna-
tionale à établir par la Sociétédes Nations. »

L'article XII du projet de Mandat B étaitlibeUécomme suit:
« 1. Si un différend s'élevaitntre les membres de la Société des
Nations, en ce qui concerne l'interprétation ou l'application du
présentMandat, et que ce différendne pût êtreréglépar négocia-
tions, il serait soumàsla Cour permanente de Justice internationale,
qui doit être instituéepar la Société desNations.

2. Les Etats Membres de la Société des Nations pourront égale-
ment, pour le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des réclama-
tions devant ladite Cour pour décisionen ce qui concerne les in-
fractions aux droits qui leur sont conféréspar le présent Mandat. »
A sa neuvième séance,le 5 août, la Commission a étésaisie d'un

projet de Mandat A présentépar les Etats-Unis, qui contenait l'ar-
ticleXVIII suivant :
«Au cas oh s'élèverait,entre les Etats Membres de la Société
des Nations, au sujet de l'interprétation ou de l'application de ce
Mandat, une contestation qui ne pourrait êtreréglée par des négo-
ciations directes, la question sera soumise à la Cour permanente
de Justice internationale, qui sera établiepar la Sociédes Nations.

Les Etats Membres de la Sociétédes Nations pourront porter
les revendications de leurs ressortissants devant la Cour permanente
de Justice internationale pour infraction à leurs droitsl.»
Un télégramme adressé au président et au secrétaired'Etat, le 9 août
1919,par le colonel House contient ce que celui-cia décritcomme étant

le texte du modèlede Mandat A présenté par lui. Dans ce texte, la clause

l D'après lDiary de Hunter Miller (voXX, p. 383), ce texte a étérédigépar
M. Beer et approuvé dans l'ensemble par lord Robert Cecil.tion clause is in Article XV-not Article XVIII-and reads as follows:

"Article Fifteen, paragraph one. If any dispute whatever should
arise between States,members of the League of Nations, relating to
the interpretation of (sic) the application of this mandate which
cannot be settled by negotiation this dispute shall be admitted to the

Permanent Court of International Justice to be established by the
League of Nations.
Two. States, members of the League of Nations, may likewise
bring any claims on behalf of their subjects or citizensfor infractions
of their rights under this mandate before this said court for deci-
sion l."
At this time, there were available the two precedents, the adjudication
clause in two paragraphs in the two 'B'mandates, and the adjudication
clause in one paragraph in the 'C'mandate. In drafting the 'A'mandate

the American draftsmen could have chosen either one of these formulæ.
They chose to take the formula containing the two paragraphs since the
other articles of the draft included detailed specifivation of economic,
commercial,archaeologicaland other rights. But Lord Milner informed
the Secretary-General of the Peace Conference by a letter of 14 August
that sincethe French representative was opposed to dealingwith 'A'man-
dates at that time, the American draft was withdrawn.
The French document cited above contains a note to the effectthat the
texts of the 'B' and 'C' mandates had been referred to the drafting
committee of the Peace Conference which had not discussed the merits
but had put them in the form of treaties. The texts of the 'B'Mandates to
Great Britain and to Belgiumfor East Africa are then printed; the text of

Article 15-the adjudication provision in two paragraphs-is identical
in the two Mandates. The text of the 'C' Mandates for South West
Africa, for Nauru, for Samoa, for possessions south of the Equator
except Samoa and Nauru, and for islands north of the Equator, are
printed and the adjudication clause is the same in each one although in
some mandates it is No. 8 and in others No. 9. These texts are the same
as those given in English in the Peace Conference volumes of Foreign
Relations of the UnitedStates. From Volume 9, Appendices B, C and D,
pages 649 ff., the following appears :

Article 15 of the 'B' Mandate to Great Britain for East Africa:
"15. If any dispute whatever should arise between the members
of the League of Nations relating to the interpretation or application
of this mandate, which cannot be settled by negotiations, this
dispute shall be submitted to the Permanent Court of International

Justice to be established by the League of Nations.
States, members of the League of Nations, may likewise bring
any claims on behalf of their subjects or citizens for infractions

l Miller, DiaryVol. XX, pp. 383, 388.
362juridictionnelle se trouvaità l'article XV- non à l'article XVIII- et
se lisait comme suit:
((Article quinze, paragraphe 1. Si un différend, quel qu'il soit,
s'élevaitentre Etats Membres de la Société desNations en ce qui
concerne l'interprétation ou l'application du présent Mandat et

que ce différendne pût êtreréglépar négociation, il serait soumis
à la Cour permanente de Justice internationale, qui doit êtreins-
tituéepar la Société desNations.
Paragraphe 2.LesEtats Membresdela Société desNations pourront
également,pour le compte de leurs sujets ou citoyens, porter des
réclamationsdevantladite Courpour décisionence qui concerne les
infractions auxdroitsqui leurs sont conférésar leprésent Mandat1.))
A ce moment-là, il y avait deux précédents:la clause juridictionnelle
en deux alinéas des deuxMandats B et la clause juridictionnelle en un

seul alinéa du Mandat C. En rédigeant le Mandat A les rédacteurs
américains avaientle choix entre l'une ou l'autre de ces formules. Ils
ont opté pour la formule des deux alinéas,car les autres articles du
projet comprenaient des dispositions détailléessur les droits écono-
miques, commerciaux, archéologiqueset autres. Mais lord Milner a in-
forméle secrétaire générad le la conférence dela paix, par une lettre
du 14août, que le représentant de la France s'opposait à un examen des
Mandats A à ce stade et que le projet américainétaitpar suite retiré.
Le document français cité plus haut contient une note indiquant
que lestextes des Mandats Bet C ont été envoyésau comité de rédaction
de la conférencede la paix qui n'en a pas discutéle fond mais les a mis

sous forme de traités.Le texte des Mandats B britannique et belge sur
l'Est africain a alors étéimprimé; lelibellé de l'article 15 la clause
juridictionnelle en deux alinéas- est identique dans les deux Mandats.
Les textes des Mandats C pour le Sud-Ouest africain, Nauru, Samoa,
pour les possessions au sud de l'équateurautres que Samoa et Nauru
et pour les îles situéesau nord de l'équateur ont été imprimés aussi,
la clause juridictionnelle étant la mêmedans tous ces Mandats, bien
que dans certains elle figure à l'article 8 et dans d'autreà l'article 9.
Ces textes sont identiquesà ceuxque reproduisent en anglais lesvolumes
relatifsà la conférencede la paix de l'ouvrage ForeignRelations of the
UnitedStates.Dans le volume IX (appendices B, C et D, p. 649et suiv.),

on trouve ce qui suit:
Article 15 du Mandat B britannique sur l'Est africain:
(15. Au cas où quelque contestation s'élèveraietntre les Membres
de la Société desNations sur l'interprétation ou l'application de ce

Mandat, qui ne paumait êtrerésolue par des négociations, cette
contestation sera soumise à la Cour permanente de Justice inter-
nationale qui doit êtrecrééepar la Société desNations.
Les Etats Membres de la Société des Nations pourront également
porter devant ladite Cour à fin de jugement toutes réclamationsau

Miller, Diary. voXX, p. 383, 388 [traduction du Greffe].
362 365 SOUTH WEST AFRICA (DISS. OP. JESSUP)

of their rights under this mandate before the said Court for de-
cision."
In Appendix C the forma1 introductory paragraphs of the Belgian 'B'
Mandate for East Africa are printed and it is then stated that the ensuing

articles are theame as in the British Mandate, mutatis mutandis.
In Appendix D, Article 8 of the 'C' Mandate for South West Africa
is as follows:
"Article 8
The consent of the Council of the League of Nations is required
for any modification of the terms of this mandate. If any dispute
whatever should arisebetweenthemembers of the Leagueof Nations

relating to the interpretation or the application of those (sic)
provisions which cannot be settled by negotiation, this dispute shall
be submitted to the Permanent Court of International Justice to be
established by the League of Nations."

The text for the 'C'Mandate for Nauru is identical but in the Mandate

for Samoa the word "those"-signalled in the text just quoted-is
corrected to "these". It is noted that for the other 'C'mandates for the
islands the text is the same; the actual texts are not duplicated l.

It may be noted also that in the same documents, the French text
of Article 14 of the two East African 'B'Mandates corresponds to the
English text but that in the South West Africa 'C' Mandate, the first
sentence has a slight variation: "Toute modification aux termes de ce
Mandat devra être approuvéeau préable par le Conseil de la Société
des Nations". In the English versions, this sentence has been made
identical with the text used in the East Africa 'B' Mandates. In the
French text finallyadopted, it is this French version which is maintained
in 'C'mandates, whilethe English text as in the kst paragraph of Article
7 of the South West Africa Mandate, follows the English text given in
the Foreign Relationsvolume.

The So-Called "Tanganyika Clause"
It is impossibleto accept the explanationin the Judgment of the Court
of the existenceofthe so-called"Tanganyika clause", whichis the second

paragraph of the adjudication clause as introduced by the United States
on 9 July and subsequently adopted in amended form. This is the clause
which relates to the rights of individuals.
The joint dissent of 1962concluded that in the Tanganyika Mandate
"there was simplya failure to dropthe second part as being superfluous"
(p. 560, and see the footnote on that page). President Winiarski, in his
dissenting opinion in 1962states that: "No one has been able to explain

In the French documents, the text of the Mandate for South West Africa
refers to the "Ligue (sic) des Nations"; this error is corrected to "Société des
Nations" in the ensuing texts of the other 'C' mandates.
363 nom de leurs sujets ou citoyens pour des violations de leurs droits,

tels qu'ils sont garantis par le Mandat. ))
L'appendice C reproduit les paragraphes introductifs du Mandat B
belge sur l'Est africain puis indique que les articles suivants sont iden-
tiquesmutatis mutandis à ceux du Mandat britannique.

Dans l'appendice D, l'article 8 du Mandat C pour le Sud-Ouest
africain est libellécomme suit:
«Article 8
Toute modificationauxtermes de ce Mandat devra être approuvée

au préalable par le Conseil de la Sociétédes Nations.Si une diver-
gence d'interprétation quelconque s'élevaitentre les Membres de la
Société des Nations au sujet de l'application de ces (those) disposi-
tions et que cette divergencenepuisseêtre tranchéepar des négocia-
tions, celle-ci devra être portée devant leTribunal permanent de
Justice internationale qui doit être constitué par la Ligue des
Nations. ))

Le libellédu Mandat C pour Nauru est identique mais dans le texte
anglais du Mandat pour Samoa, le mot those - signalédans le texte
précité - est corrigé en these. Une note préciseque pour les autres
Mandats C concernant les îles, le texte est identique; il n'est pas re-
produit l.
Il convient de noter en outre que, dans les mêmesdocuments, le texte

français de I'article 14des deux Mandats B sur l'Est africain correspond
au texte anglais mais que, dans le Mandat C pour le Sud-Ouest africain,
la première phrase est légèrementdifférente: ((Toute modification aux
termes de ce Mandat devra êtreapprouvéeau préalablepar le Conseilde
la SociétédesNations. » Dans la version anglaise, on a rendu cette phrase
conforme au texte des Mandats Bsur l'Est africain. Dans letexte français
finalement adopté, c'est cette version qui a été maintenuedans les
Mandats C, tandis que le texte anglais, comme c'est le cas pour le

premier alinéa de l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest africain, suit
le texte anglais donné dansle volume cité desForeignRelations.

Clausedite du Tanganyika

Il est impossible d'accepter l'explication donnée dans l'arrêtde la
Cour pour justifier l'existence de la clause dite du Tanganyika, qui
constitue le second alinéa dela clause juridictionnelle proposée par les
Etats-Unis le 9 juillet et adoptée ultérieurementavec des modifications.
Cette clause concerne les droits des particuliers.

L'opinion dissidente commune de 1962a abouti à la conclusion que,
dans le Mandat pour le Tanganyika, «on a simplement négligé d'omettre
la seconde partie, comme superflue » (p. 560; voir aussi note en bas de
page). M. Winiarski, dans son opinion dissidente de 1962, déclareque

Dans les documents français,le Mandatpour le Sud-Ouest africainse réfère
à la ((Ligue(sic)des Nations ))cette erreurest rectifiée dansle texte des autres
Mandats C où l'on trouve i'expression((Sociédes Nations». how this paragraph ... got into the Mandate for Tanganyika and that
Mandate alone ..." @. 454). The present account sheds some light
on the problem.
As has been shown, it seems to have been the original intent that this
second paragraph would cover claims arising out of economic and
commercial rights which normally would be claims on behalf of citizens
who asserted a denial of some right covered by the terms of the mandate.
This was later illustrated in the Mavrommatis cases arising under the
Palestine Mandate. On the other hand, the first paragraph of the adjudi-
cation clause provided for Court review at the request of any member
of the League of any question whatever concerning the interpretation or
application of the mandate-a much broader provision. It has been
pointed out that sincethe general "open-door" clauses were not included
in the 'C' mandates, the second paragraph of the adjudication clause,
coveringindividual rights, wassimilarlynot included in the 'C'mandates.
The inclusion in the 'C' mandates of the "missionary" clause is a re-
flection of a general interest in the welfare of the indigenous peoples.
As stated in Article 5 of the South West Africa Mandate, it imposes

on the Mandatory a general duty in regard to freedom of conscience
and the "free exercise of al1forms of worship". It provides further for
the entry and activity ofal1missionaries, nationals of any State Member
of the League of Nations".

Now when the drafts were sent by Lord Milner to Paris, the only 'B'
mandates about which agreement had been reached were the East
African Mandates for Great Britain and Belgium. In both of these
Mandates, the secondparagraph of the adjudication clause was included.
It was similarly included when those two drafts had been dealt with by
the drafting committee of the Peace Conference; these are the texts
quoted above from the Foreign Relations of the United States. In the
subsequent processes of redrafting, the second paragraph was left out of
the Belgian Mandate for East Africa. Viscount Ishii, as Rapporteur for
the Council of the League, said in his report of February 1921 (Annex
374 b of League of Nations, OfJicialJournal of August 1922, p. 849)
that the British Mandate for East Africa reproduced most faithfully the
type of the drafts for 'B'mandates drawn up by the Milner Commission.
Yet in the texts presented to and approved by the Council at that time,
the second paragraph of the adjudication clause is not contained in the
Belgian Mandate for East Africa.
In his comments on the Belgian Mandate for East Africa, Viscount
Ishii referred to a letter of transmittal from M. Hymans, the Belgian
representative, in which it was explained that the Belgian draft had been
based on the wording used in the French and British drafts for Togo and
the Cameroons, in order to give "the Belgian mandate a little more
elasticity as regards the administration of the territory.. ." (loc. cit.,
p. 860). Now those two French and British drafts were not prepared in
the Milner Commission but were drafted subsequently after the French
and British Governments had agreed on the division of the territories

364cpersonne n'a pu expliquer comment cet alinéa ...a pu se trouver dans
le seul Mandat pour le Tanganyika ...»(p. 454).Le présent exposé éclaire
un peu le problème.
Comme je l'ai montré,il semble que l'on ait eu àl'origine l'intention
de viser dans ce second alinéa les réclamations relatives aux droits
économiques et commerciaux, qui normalement devaient émaner de
citoyens alléguant une atteinte portée à un droit définipar le Mandat.
Une telle situation s'estproduite plus tard aveclesaffairesdes Concessions

Mavrommatis au sujet du Mandat pour la Palestine. En revanche, le
premier alinéade la clausejuridictionrielle prévoyaitle renvoiàla Cour,
à la demande detout Membre dela Sociétédes Nations, detoute question
relative à l'interprétation ouà l'application du Mandat; c'étaitdonc
une disposition beaucoup plus large. On a fait remarquer que, les clauses
généralesde ((porte ouverte» ne figurant pas dans les Mandats C, le
second alinéade la clause juridictionnelle, relatif aux droits individuels,
n'yfigurait pas non plus. L'insertion dans les Mandats C de la clause des
missionnaires traduit un intérêt d'ordregénéralquant au bien-être des
populations indigènes.Conformément aux dispositions de l'article 5 du
Mandat pour le Sud-Ouest africain, elle imposait au Mandataire l'obliga-
tion générale d'assurerla liberté de conscience et le ((libre exercice
de tous les cultes». Elle accordait en outre à ((tout les missionnaires,
sujets ou citoyens de tout Membre de la Société des Nations »la faculté

de pénétrerdans le territoire et d'y exercerleur ministère.
Or au moment où lord Milner a envoyé à Paris les projets de Mandat,
les seuls Mandats B qui avaient recueilli l'approbation généraleétaient
les Mandats conférés à la Grande-Bretagne et à la Belgique sur l'Est
africain. Le second alinéa de la clause juridictionnelle figurait dans
l'un et l'autre de ces Mandats. Il y figurait de mêmeaprèsl'examen de
ces deux projets par le Comitéde rédactionde la conférence dela paix
- ce sont les textes citésci-dessus qui sont extraits de la sérieForeign
Relations of the United States. Au cours d'un remaniement ultérieur,
le second alinéaa étésupprimédu Mandat belge sur l'Est africain. Le
vicomte Ishii, rapporteur au Conseil de la Société desNations, déclare
dans son rapport de février1921 (Société desNations, Journal oficiel,
août 1922,annexe 374 b, p. 849), que le Mandat britannique pour l'Est
africain reproduit le plus fidèlementle type des projets de Mandat B éla-

boréspar la Commission Milner. Pourtant, dans le Mandat belgesur l'Est
africain, qui étaitl'un des textes présentésau Conseil et que celui-ci a
approuvés, le second alinéade la clause juridictionnelle ne figurait pas.
Dans ses observations relatives au Mandat belge sur l'Est africain, le
vicomte Ishii seréfèreàunelettre transmise par M. Hymans,représentant
dela Belgique,dans laquelle il étaitprécisquele projet de Mandat belge
avait étérédigésur la base du texte des projets de Mandats français et
britannique sur le Togo et le Cameroun, afin de donner ((au Mandat
belge un peu plus d'élasticitépour l'administration du territoire ...»
(loc. cit., p. 860). Or ces deux projets de Mandats français et britannique
n'ont pas étérédigéspar la Commission Milner; ils ont étéétablis
ultérieurement, après que les Gouvernements français et britannique

364and had decided to place them under mandates. These mandates had
not been allocated with the others on 7 May 1919.The Togo and Came-
roon Mandates al1had just the one paragraph in the adjudication clause,
and revised Belgian Mandate for East Africa followed suit. Viscount
Ishii had taken note of the fact that the Togoland and Cameroons
drafts had an adjudication clause which was "identical with the first
paragraph of Article 13of the British Mandate for East Africa" (ibid.,
p. 857). But he made no comment on the omission of the second para-
graph and in dealing with the same clause in the draft Belgian Mandate
he merely referred back to his observations on the drafts for Togoland

and Cameroons (ibid., p. 861) l.

It may wellhave been thought that a mandatory Power was more likely
to be brought to Court on the usual type of diplomatic claims advanced
by a government on behalf of its nationals than on governmental com-
plaints about the treatment of the Native inhabitants. The elimination
of the second paragraph covering the usual type of diplomatic claims,
it may have been thought (as some dissenting judges later thought in
the Mavrommatis cases) would therefore leave to the Mandatory a
freer hand. Since the Judgment of the Court in the attempted analysis
of motives of those responsible for the drafting of the Covenant and the
mandates in 1919-1920,in several places rests on what the Court thinks

might have been likely or probable or plausible, 1feel free to offer what
seems a reasonable speculation about the reasons why the drafters of
the Togo, Cameroons and Belgian East African Mandates left out a
provision agreed upon in the Milner Commission and from which it was
less easy for the British Government to withdraw.

The Permanent Court of International Justice was called upon to
deal with a case arising under the Palestine Mandate in the Mavrommatis
cases; the first judgment inthese cases was handed down on 30 August
1924. The Palestine Mandate contained an adjudication clause in one
paragraph corresponding to the clause in the 'C' mandates. The Court
upheld and applied the usual rule of diplomatic protection and allowed

the Greek Government to maintain this claim on behalf of its national.
Three ofthe dissentingjudges calledattention to thefact that in the British
Mandate for East Africa the adjudication clause contained the second
paragraph-the "Tanganyika" clause. Two of the dissenting judges
considered that the omission of this second paragraph was of significant
importance. In commenting upon this point Judge de Bustamante said:

"Great Britain is not a sovereign of Palestine but simply the
Mandatory of the League of Nations and she has accepted the

Great Britain and France made an agreement in 1916about the division between
described in my 1962 separate opinion, pp. 395-396.for these Mandates are

365 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS. JESSUP) 367
furent tombés d'accordsur la répartition des territoires et eurent décidé
de les placer sous Mandat. Ces Mandats n'avaient pas étéattribués en

mêmetemps que les autres le 7 mai 1919.Les Mandats sur le Togo et le
Cameroun ne contenaient tous deux qu'une clause juridictionnelle d'un
alinéaet il en a étéde mêmepour le Mandat belge sur l'Est africain.
Le vicomte Ishii avait pris note du fait que les projets de Mandats sur
leTogo et le Cameroun comportaient une clausejuridictionnelle «rédigée
en termes identiques au premier paragraphe de l'article 13 du projet
britannique pour l'Est africain»(ibid., p. 857). Mais il n'a fait aucun
commentaire sur l'omission du second alinéaet, en traitant de la même
clause contenue dans le projet de Mandat belge, il s'estbornéà se référer
aux observations qu'il avait faites pour le Togo et le Cameroun (ibid.,

p. 861)l.
On s'est dit probablement qu'une Puissance mandataire risquait
davantage d'êtretraduite en justice devant la Cour à raison de réclama-
tions diplomatiques du genre habituel, présentéespar un gouvernement
au nom de ses ressortissants, qu'à raison de réclamations d'origine
gouvernementale concernant le traitement des indigènes.On a pu penser,
comme l'ont fait plus tard certains desjuges ayant formulé une opinion
dissidenteà propos des ConcessionsMavrommatis,que la suppression du
second alinéaportant sur les réclamationsdiplomatiques de type habituel

laisserait plus de liberté au Mandataire. Puisque, dans la mesure où
l'arrêtde la Cour essaie d'analyser les mobiles des rédacteursdu Pacte
et des Mandats en 1919-1920,il se fonde à plusieurs reprises sur ce que
laCour estimeavoirétévraisemblable, probable ou plausible,je m'estime
libre d'indiquer ce qui me semble être uneexplication raisonnable des
motifs pour lesquels les auteurs des projets de Mandats sur le Togo, le
Cameroun et l'Est africain belge ont omis une clause qui avait été
acceptée à la Commission Milner et que le Gouvernement britannique
avait plus de difficulté abandonner.
La Cour permanente de Justice internationale a étéappelée à examiner

une question concernant le Mandat pour la Palestine dans les affaires des
ConcessionsMavrommatis; le premier arrêta été rendu le 30 août 1924.
Le Mandat pour la Palestine comportait une clause de règlement judi-
ciaire d'un alinéaqui correspondait à la clause des Mandats C. La Cour
a confirméet appliquéla règle habituelle dela protection diplomatique
et autorisé le Gouvernementgrec àsoutenir cette réclamationau nom de
son ressortissant. Trois des juges ayant formuléune opinion dissidente
ont signaléque, dans le Mandat britannique sur l'Est africain, la clause
juridictionnelle contenait le second aliné- ((laclause du Tanganyika ».

Deuxjuges dissidents ont estiméque l'omission dece second alinéaavait
une grande signification. Commentant ce point, M. de Bustamante a
déclaré:
((La Grande-Bretagne n'est pas le souverain de la Palestine,
mais tout simplement le Mandataire de la Société desNations et

du Togo et du Cameroun. Les dispositions prévuespour ces Mandats sont décrites
dans mon opinion individuelle d1962 (p. 395 et 396). 368 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P. JESSUP)

Permanent Court's jurisdiction for any dispute arising between her,
as Mandatory, and any Member of the League from which she
holds the Mandate. As the latter could not appear as a party to a
disputeconcerning the application or interpretation of the Mandate,
having regard to the restrictive terms of Article 34 of the Court's
Statute, it is the Members of the League who have been authorized,
in their capacity as Members, to bring before the Court questions

regardingthe interpretation or application of the Mandate.

Whenever Great Britain as Mandatory performs in Palestine
under the Mandate acts of a general nature affecting the public
interest, the Members of the League-from which she holds the
Mandate-are entitled, provided that al1 other conditions are
fulfilled, to have recourse to the Permanent Court." (P.C.I.J.,
Series A, No. 2, p. 81.)
Dissenting Judge Oda expressed his opinion as follows:

"Under the Mandate, in addition to the direct supervision of
the Council of the League of Nations (Articles 24 and 25) provision
is made for indirect supervision by the Court; but the latter may
only be exercised at the request of a Member of the League of
Nations (Article26).It istherefore to be supposedthat an application
by such a Member must be made exclusively with a view to the
protection of general interests and that it is not admissible for a
State simply to substitute itself for a private person in order to
assert his private claims. That this is the case is clearly shown by
a reference to Article 13 of the Mandate for East Africa, in which

Members of the League of Nations are specially authorized to
bring claims on behalf of their nationals. Itis impossible to ascer-
tain why this special provision was only inserted in the East African
Mandate; but, as it appears that in al1the drafts of 'B' Mandates
thesame provision was inserted, but deleted in the final documents,
except in the case of the Mandate for East Africa, itis at al1events
clear thatit was intended to establish a difference between 'B'and
'A' Mandates to which latter category the Palestine Mandate
belongs." (Ibid., pp. 86-87.)
The pleading of the British Government itself seemed to take the
position that the adjudication clause in the Palestine Mandate gave a

broad right to any member of the League to raise before the Court any
question involving an alleged breach of the Mandatory's obligations
under the Mandate. In its plea to the jurisdiction, after quoting Article
11 of the Mandate dealing with concessions, the following statement
was made:

"The Mandate over Palestine is exercised by His Britannic
Majesty on behalf of the League, and the League of Nations is
pledged to the maintenance of various beneficent principles, such
as freedom of transit and communications, equality of commercial elle est soumise à la Cour permanente pour tout différend qui
s'élèventre elle, comme Mandataire, et un Membre quelconque de
la Sociétmandante. Comme celle-cine pouvait pas comparaître en
qualité de partie dans un litige relatifl'application ouà l'inter-

prétationdu Mandat, étantdonnélestermesrestrictifsde l'article 34
du Statut de la Cour, ce sont les Membres de la Sociétéqui ont
été autorisés, en leur condition deMembres, à porter devant la
Cour les questions relatives l'interprétation ouàl'application du
Mandat.
Chaque fois que la Grande-Bretagne, comme Mandataire, agit
dans la Palestine en vertu du Mandat d'une façon généraleet
au point de vue de l'intérêtpublic, les Membres de la Société
mandante ont le droit, toutes les autres conditions remplies, de
demander l'intervention de la Cour permanente. » (C.P.J.I. sérieA
no2, p. 81.)

M. Oda s'est expriméen ces termes dans son opinion dissidente:
((Suivant le Mandat, outre le droit de surveillance directe du
Conseil de la Société desNations (art. 24 et25), un droit de sur-
veillance indirecte est donné la Cour, à la condition qu'il puisse

êtreexercéseulement à la demande d'un Membre de la Société des
Nations (art. 26).l faut donc considérerque la requête decelui-ci
doit êtreprésentéeexclusivement en vue de sauvegarder un intérêt
généralet que la simple subrogation de 1'Etat à un individu pour
faire valoir un intérêtprivé, est inadmissible. Cela est clair, si l'on
réfèreàl'article 13du Mandat de l'Est africain, dans lequel la sub-
stitution d'un Membre de la Société desNations à un de ses res-
sortissants, pour faire valoir des intérêtsprivés, est spécialement
autorisée.On ne peut pas savoir pourquoi l'insertion de la stipula-
tion spécialefut faite seulement dans le Mandat de l'Est africain;
mais comme il semble que dans tous les projets du Mandat « B» il

y avait la mêmestipulation, qui fut supprimée dans les textes
définitifs,sauf dans le cas du Mandat de l'Est africain, il est clair
tout au moins quel'on a voulu faire une différenceentre les Mandats
cB »et les Mandats ((A»,dont fait partie le Mandat pour la Pales-
tine.» (Ibid., p. 86-87.)
Le Gouvernementbritannique lui-même,dans les piècesde procédure
écritequ'ila présentées, sembléadopter la thèsesuivant laquellelaclause
de règlement judiciaire figurant dans le Mandat pour la Palestine con-
féraità tout Membre de la Société desNations le droit de porter devant

la Courtoute questionimpliquant une violation prétenduedes obligations
imposéesau Mandataire par le Mandat. Dans l'exception d'incompé-
tence qu'ila soumiseon trouve, aprèsla citation deI'articleu Mandat
ayant trait aux concessions, la déclaration suivante:
«Le Mandat pour la Palestine est exercépar S.M. britannique
au nom de la Société desNations et celle-ci s'engage à ce que
soient respectés divers principes salutaires comme la liberté de
transit et de communication, l'égalité decommerce pour tous les

366 opportunity for al1 Members of the League, suppression of the
arms traffic, and so forth. This is the type of international obligation
which the Mandatory has accepted and to which any concessions
granted under Article 11ofthe Mandate must conform.
The concessions granted to Mr. Rutenberg in September, 1921,
for the development of electrical energy and water-power in Pa-

lestine.. .were obliged to conform to this Article 11,and it would
have been open to any Member of the League to question provisions
in those concessions which infringed the international obligations
which His Britannic Majesty as Mandatory for Palestine had
accepted.
There is nothing in this article which affects the Mavrommatis
case." (P.C.I.J., Series C, No. 5-1, p. 445.)

The Permanent Mandates Commission of course remarked this first
case in the Permanent Court involving a mandate. In hisopening state-
ment as Director of the Mandates Section of the League Secretariat
on 23 October 1924, M. Rappard called attention to the difference in
wording in the Tanganyika Mandate which had been the subject of

comment by dissenting judges in the Mavrommatiscase. He said: "Now
1 have every reason to believe that this difference is entirely due to an
accident in the drafting of the Tanganyika mandate." He suggested
that the Permanent Mandates Commission should draw the matter to
the attention of the Council. In the subsequent discussion: "Sir F.
Lugard (Great Britain) observed that on the assumption that this clause
had been introduced into the mandate intentionally, the Commission

might ask the Council why it appeared in the Tanganyika mandate
only ...".

At the sixth session of the Commission, on 29 June 1925,M. Rappard
and M. van Rees both submitted memoranda on the subject, taking
opposing positions l.M. Rappard still insisted that the discrepancy
was accidental. M. van Rees considered that the second paragraph of

Article 13 in the Tanganyika Mandate "created a special guarantee".
He said that the rights of nationals secured to them by the Mandate
are those arising out of Article 7 which in its last paragraph speaks of
"rights conferred" by this Article and says they extend "equally to com-
panies and associations". He believed that the deletion of the second
paragraph would "entai1 legal consequences of the gravest nature,
since it would deprive nationals of the States Members of the League, in

their relations with Tanganyika, of a means, which they at present
possess, of defending the rights in question". He would prefer to add
z '!mise to al1 the other mandates. But M. Rappard maintained that
_,&-L~~ibionof the Court in the Mavrommatiscase had shown that the
same right existed without the inclusion of the second paragraph. This
view would mean that paragraph one could include the claims cases
--

.Annexes 5a and 5b to the Permanent Mandates Commission Minutes, 6th
session. Membres de la Société desNations, la suppression du trafic
d'armes, etc. C'est là le type d'engagement international que le

Mandataire a acceptéet que toute concession accordéeen applica-
tion de l'article 11du Mandat doit respecter.
Les concessions accordées à M. Rutenberg en septembre 1921
pour la mise en valeur de l'énergieélectriqueet hydraulique en
Palestine ...devaient respecter cet article 11 et il aurait été loisible
à tout Membre de la Société desNations de remettre en question
les dispositions de ces concessions qui violaient les obligations
internationales que S.M. britannique a acceptéesen tant que Man-
dataire pour la Palestine.
Il n'y a rien dans cet articlequi puisse concerner l'affaireMavrom-

matis.1)(C.P.J.I. sérieC no 54, p. 445.)
La Commission permanente des Mandats a naturellement notécette
première affairede Mandat portée devantla Cour permanente. Dans le
premier discours qu'il a prononcé en qualité de directeur dela section
des Mandats du Secrétariatde la Sociétédes Nations, le23 octobre 1924,
M. Rappard a évoquéla différencede rédaction du Mandat sur le
Tanganyika qui avait étécommentéepar des juges ayant formulé une
opinion dissidente dans l'affaire des Concessions Mavrommatis. Il a

déclaré:((Orj'ai tout lieu de penser que cette divergence résulted'un
pur accident survenu au cours de la rédaction duMandat sur le Tanga-
nyika. »Il a suggéré que la Commission permanente des Mandats signale
cettequestion à l'attention du Conseil. On trouve dans la suite desdébat:
«Sir F. Lugard (Grande-Bretagne) a fait remarquer qu'en supposant
que cette clause ait été introduite intentionnellement dans le Mandat,
la Commission pourrait demander au Conseil pourquoi elle ne figure
que dans le Mandat pour le Tanganyika ...))
A la sixièmesession de la Commission, le 29juin 1925,M. Rappard

et M. van Rees ont tous deux présentédes mémorandumssur le sujet,
en des sens opposés l. M. Rappard a encore insisté sur le caractère
accidentel de la divergence. M. van Rees a étéd'avis que le second
alinéa ((acréé unegarantie spéciale » dans le Mandat sur le Tanganyika.
Il a déclaré queles droits des nationaux protégéspar le Mandat sont
ceux qui découlentde l'article 7 où il est fait mention, dans le dernier
alinéa, de droits conférés » par le présent article et où il est dit que ces
droits s'étendent ((égalementauxsociétéset associations ». Selon lui,
la suppression du deuxièmealinéa entraînerait «une conséquencejuri-
dique des plus graves, puisqu'elle priverait, par rapport au Tanganyika,

les nationaux des Etats Membres de la Sociétéd'un moyen de défense
de leurs droits en question, qu'ils possèdent actuellement».Il préférerait
ajouter une clause à tous les autres Mandats. Mais M. Rappard a
soutenu que la décision dela Cour dans l'affaire desConcessionsMavrom-
matis avait démontréque ce droit existait, mêmeen l'absence du second
alinéa. Il en résulterait que le premier alinéapourrait s'appliqueraux

Commission permanente des Mandats, Procès-verbaux de la sixième session,
annexes 5 a) et 5 b).covered by paragraph two (the Tanganyika clause) but it would still be
true that paragraph one must cover also other types of cases as its
broad language indicates. As against the "accidental" thesis of M.
Rappard, Sir F. Lugard said that "he had asked his Government [Great
Britain]whether it was aware of any reason for or against an amendment
of the text. His Government had replied that it had no objection to the
text being altered, but at the same time it appeared incorrect to assert
that the clause was accidental".

The Commission decided to do nothing about the matter but M. van
Rees noted that there were other differencesin the Tanganyika Mandate.
The reason for the differences has been noted.
For doctrinal support, the joint dissent of 1962cites only the Hague

Lectures of Mr. Feinberg which were also relied on in 1962in the dis-
senting opinion of Judge Winiarski. But Mr. Feinberg himself refers to
the fact that Professor (as he then was) McNair and Professor Quincy
Wright held views differing from his. Judge Charles de Visscher in his
Aspects récentsdu droit procéduralde la Cour internationalede Justice,
1966,page 73, states that the doctrine was completely divided on the
question. One can cite many views on each side of the question. 1 cal1
attention merely to the following.

Wright, in his magistral treatise on the mandates, in discussing the
Tanganyika clause at page 158concludes that the Court in Mavrommatis
did hold that a claim may be brought by a State on behalf of a citizen
when the citizen's rights in the mandate are violated. At this point he
says it had not been decided (sembleby the Court) whether any member
of the League could invoke the Court's jurisdiction in connection with
observance of the mandate "where no citizen and no material interest of
its own is involved". But at page 475 he states his own conclusionflatly:

"Every member of the League can regard its rights as infringed
by everyviolation by the mandatory of its duties under the mandate,
even those primarily for the benefit of natives, and can make repre-
sentations which if not effective willprecipitate a dispute referable
to the Permanent Court of International Justice if negotiation fails
to settle it."

The history of the drafting and sound reasoning sustain the correctness
ofthis conclusion.
Professor McNair writing in 1928made two statements which Feinberg
and de Visscher both interpreted-quite properly-as indicating the
author's at least tentative agreement with Professor Quincy Wright's
view. In McNair's article in the Cambridge Law Journal,April 1928,
entitled "Mandates", at page 6, note 8, one reads: réclamationsviséespar le second alinéa (laclause du Tanganyika) mais

il n'en resterait pas moins que ce premier alinéa viseraitégalementd'au-
tres types d'affaires, commel'indique son libellétrès général. S'oppo-
santà la thèse((accidentelle» de M. Rappard, sir F. Lugard a dit avoir
(demandé à son Gouvernement [celuide la Grande-Bretagne] s'ilexistait
quelque raison pour ou contre un amendement du texte. Son Gouver-
nement a réponduqu'il ne faisait pas d'objection à ce que l'on modifiât
le texte, mais qu'il semblerait toutefois incorrect d'affirmer que cette
clause a étéréservéefortuitement. ))
La Commission a décidéde ne rien faire à cet égard, maisM. van Rees
a relevéqu'il y avait d'autres divergences dans le Mandat sur le Tanga-

nyika. La cause de ces divergences a été notée.
L'opinion dissidente commune de 1962 se borne à citer, pour étayer
sa thèse, endoctrine, le cours de M. Feinberg àl'Académiede La Haye,
auquel s'est référé égalemeM nt. Winiarski dans son opinion dissidente
de 1962.Mais M. Feinberg lui-même signaleque le professeur McNair
(tel était alors son titre) et le professeur Quincy Wright avaient des
opinions différentes.M. Charles de Visscher déclare, dans son ouvrage
Aspects récentsdu droit procéduralde la Cour internationalede Justice,
1966, page 73, que la doctrine est complètement diviséesur ce point.
On pourrait citer de nombreux avis dans les deux sens. Je me bornerai

aux suivants.
Dans son magistral traité sur les Mandats, M. Wright conclut, à
propos de la clause du Tanganyika (p. 158), que la Cour, dans l'affaire
des Concessions Mavrommatis, a confirmé qu'une plainte peut être
présentéepar un Etat au nom d'un ressortissant, lorsque les droits du
ressortissant prévuspar le Mandat sont violés.Arrivé à ce point de son
argumentation, M. Wright dit qu'il n'a pas été décid(é vraisemblable-
ment par la Cour) si un Membre de la Société desNations pouvait
invoquer la compétence de la Cour pour faire respecter un Mandat
c(lorsqu7aucun de ses ressortissants ni aucun intérêt concret propre

n'est en cause ». Mais à la page 475 il conclut nettement:
(Tout Membre de la Société desNations peut considérer que
ses droits sont léséspar toute violation par le Mandataire des
devoirs qu'impose le Mandat, mêmede ceux qui doivent essentielle-

ment bénéficier aux indigènes,et peut faire des représentations qui,
si elles n'aboutissent pas, hâteront l'éclosiond'un différend, lequel
pourra êtreporté devant la Cour permanente de Justice interna-
tionale, au cas où il ne pourrait êtreréglpar voie de négociation.))

L'historique de la rédaction et la logique confirment la justesse de
cette conclusion.
Le professeur McNair a fait en 1928 deux déclarations que MM.
Feinberg et de Visscheront tous deuxinterprétées,fort justement, comme
indiquant que l'auteur approuvait, du moins provisoirement, le point
de vue de M. Quincy Wright. Dans l'article de M. McNair paru dans le
Cambridge Law Journal en avril 1928et qui porte sur les Mandats, on
peut lireà la page 6 (note 8):

368 371 SOUTH WEST AFRICA (DISS. OP.JESSUP)

"There is no provision for the reference of a petition tothePerma-
nent Court, but it has been suggested that this could occur if some
other member of the League were prepared to take up the question,
which might then become a dispute between that member and the
mandatory."

And at page 11,note 8:
"Al1 the mandates contain a clause which provides that any
dispute between a mandatory and a member of the League which
cannot be settled by negotiation shall be referred to the Permanent
Court of International Justice : see the Mavrommatis Palestine
Concessionscase ...1sthis right of bringing a dispute with a manda-
tory before the Court only available when the interests of the other
party or its nationals are affected, or can it be used altruistically
by a member of the League having no such interests to protect, but
merely seeking the faithful observance of the terms of a mandate?"

Twenty-two years later, as a judge on the International Court of
Justice, Sir Arnold McNair (as he then was) answered his own question
in his separate opinion attached to the Court's Advisory Opinion of
11July 1950,on the International Status of South West Africa. He said:

"Which then of the obligations and other legal effects resulting
from the Mandate remain to-day? The Mandatory owed to the
League and to its Members a general obligation to carry out the
terms of the Mandate and also certain specificobligations, such as
the obligation of Article6 to make an annual report to the Council
of the League. The obligations owed to the League itself have come
to an end. The obligations owedtoformer Members of the League,
at any rate, those who were Members at the date of its dissolution,
subsist, except in so far as their performance involves the actual
CO-operationof the League, which is now impossible. (1shall deal
with Article 6 and the first paragraph of Article 7 later.) Moreover,
the international status created for South-West Africa, namely
that of a territory governed by a State in pursuance of a limited
title asehed in a mandate, subsists.

Although there is no longer any League to supervise the exercise
of the Mandate, itwould be an error to think that there is no control
over the Mandatory. Every State whichwasa Member of theLeague
ut the time of its dissolution still has a legal interest in the proper
exercise of the Mandate. The Mandate provides two kinds of ma-
chiner~for its supervison-judicial, by means of the right of any
Member of the League under Article 7 to bring the Mandatory com-
pulsorily before the Permanent Court, and administrative, by means
of annual reports and their examination by the Permanent Mandates

369 ((Aucune disposition ne prévoit le renvoi d'une pétition devant
la Cour permanente, mais on a dit que ce renvoi pourrait avoir lieu
si un autre Membre de la Sociétédes Nations était disposé à se
saisir de la question, qui pourrait alors devenir un différendentre
ce Membre et le Mandataire. ))

Et à la page 11 (note 8):
((Tous les Mandats contiennent une clause qui prévoit qu'un
différend s'élevantntre un Mandataire et un Membre de la Société
des Nations qui ne peut pas êtreréglépar voie de négociationsera
déféréà la Cour permanente de Justice internationale: voir l'affaire

des Concessions Mavrommatis en Palestine ...Est-ce que ce droit
de porter devant la Cour un différend avecun Mandataire ne peut
êtreexercéque lorsque les intérêts de l'autre partie ou de ses res-
sortissants sont lésé, u bien peut-il êtreexercéenun sens altruiste
par un Membre de la Société desNations qui n'a pas de tels in-
térêtsà protéger mais cherche simplement à ce que l'on respecte
fidèlementles termes d'un Mandat? ))
Vingt-deux ans plus tard, quand il fut devenu juge à la Cour inter-

nationale de Justice, sir Arnold McNair (tel étaitdevenu son titre) a
répondu à sa propre question dans l'opinion individuelle qu'il a jointe
à l'avis consultatif de la Cour du 11juillet 1950 sur le Statut interna-
tional du Sud-Ouest africain. Il a déclaré:
«Que reste-t-il donc aujourd'hui des obligations et autres effets
juridiques découlantdu Mandat? Le Mandataire étaitgénéralement
tenu, vis-à-vis de la Société desNations et de ses Membres, d'ap-
pliquer les termes du Mandat et d'observer également certaines
obligations particulières, par exemple de présenterun rapport an-

nuel au Conseil de la Société(art. 6). Les obligations contractées
envers la Société elle-mêmseont éteintes. Les obligations contrac-
téesenvers les anciens Membres de la Société, tout au moins envers
les Etats qui étaientMembres de la Société à la date où celle-ci a
été dissoute,subsistent, sauf dans la mesure où leur exécution im-
plique la coopération effectivede la Société desNations, ce qui est
maintenant impossible. (Je m'occuperai plus loin de l'article 6 et
du premier paragraphe de l'article 7.) En outre, le statut internatio-
nal créépour le Sud-Ouest africain, savoir celui d'un territoire
gouvernépar un Etat en vertu d'un titre limité,tel que ce titre est
définidans un Mandat, subsiste.

Bien qu'il n'existe plus de Société desNations pour surveiller
l'exercice du Mandat, ce serait une erreur de croire que le Man-
dataire n'est soumis à aucun contrôle. Tous les Etats qui faisaient
partie de la Société des Nationsl'époque desa dissolutionont encore
un intérêtjuridiqueà ce que le Mandat soit exercé commeil convient.
Le Mandat prévoit,pour cette surveillance, deux sortes de méca-
nisme - un mécanismejudiciaire, résultan dtu droit que l'article7ré-
serveà toutMembre delaSociétédes Nations de citer obligatoirement
le Mandataire devant la Courpermanente, et un mécanismeadminis-

369372 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P.JESSUP)

Commission of the League." (I.C.J. Reports 1950, p. 158.)(Italics
added, except for the words "judicial" and "administrative".)

Judge Read in his separate opinion on the same matter shared this
view, saying :

"The first, andthe most important [ofthe international obligations
of the mandatory], were obligations designed to secure and protect
the well-being of the inhabitants. They did not enure to the benefit
of the Members of the League, although each and every Member
had a Iegal right to insist upon their dischar... Each Member of
the League had a legalinterest, vis-à-vis the Mandatory Power, in
matters 'relating to the interpretation or the application of the pro-
visions of the Mandate'; and had a legal rightto assert its interest
against the Union by invoking the compulsory jurisdiction of the
Permanent Court (Article 7 of the Mandate Agreement)." (Loc. cit.,
pp. 164, 165.)(Italics added.)

Norman Bentwich concluded his Hague lectures in 1929 as follows:

[Translation] "The Court has not as yet been called upon to
deal with the application or interpretation of the other articles
concerning public rights, economic equality, or the other inter-
national obligations undertaken by the Mandatory. But, above the
Mandates Commission and above the Council of the League, it
remainsthe supremeguardian oftherights of nations in the fulfilment
of the international trust which is conferred on the Mandatory.
If the Permanent Commission constitutes the international Areo-
pagus, the Court is the international Palladium of justice in al1

the activities of the League of Nations, of which the mandates
system forms an important part." (29 Recueil, 1929,p. 119 at 180.)
Since the Tanganyika clause is in a British mandate and since the
British representative on the Permanent Mandates Commission was
Sir Frederick Lugard who has already been quoted on the fact that the
inclusion of the second paragraph of the jurisdictional article was not
accidental, one may also recall a statement he made in a memorandum
submitted at the fifth session of the Permanent Mandates Commission
in 1924,which shows his conception of the vital role which the Court
might play in connection withthe mandates. Hismemorandum discussed
the hesitancy of capital to invest in mandates and he wrote (at p.77of
the Minutes of the Fifth Session):

"Wherever the power of revocation (in consequence of breach of
contract by mal-administration) may exist, there can be no doubt
that in this almost inconceivable contingency the International
Court of Justice (sic) would be the agency employed and that it
would make full provision for al1 legitimate claims and rights." tratif, comprenant des rapports annuels et l'examen de ces der-
niers par la Commission permanente des Mandats de la Société
des Nations. » (C.I.J. Recueil 1950, p. 158 - les italiques sont de

nous, sauf pour les mots judiciaire et 'administratif.)
M. Read partageait ce point de vue, d'après l'opinion individuelle
qu'il a formulée en la même affaireet où l'on peut lire:
«Les premières, les plus importantes des obligations internatio-
nales du Mandataire, étaient les obligations tendant à assurer et
à défendrele bien-être deshabitants. Elles ne bénéficiaientpas aux

Membres de la Société desNations, encore que chacundes Membres
individuellement eûtle droit d'en négligerl'exécution...Chacun des
Membres de la Sociétédes Nations est juridiquement intéressév,is-
à-vis de la Puissancemandataire, aux questions «relativesà I'inter-
prétation ou à l'application des dispositionsdu Mandat » et jouit
du droit d'afJirmerson intérêt contrle'Union en invoquant lajuridic-
tion obligatoirede la Courpermanente (article 7 de l'accord de Man-
dat).» (Loc. cit., p. 164-165- les italiques sont de nous.)

Norman Bentwich conclut en ces termes le cours qu'il a fait à 1'Aca-
démiede La Haye en 1929:
(Jusqu'à présent la Cour n'a pas prononcé sur l'application ou
l'interprétation des autres articles concernant les droits publics,
l'égalitééconomique, ou les autres obligations internationales
assuméespar le Mandataire. Mais elle est toujours, au-dessus de
la Commission des Mandats et au-dessus du Conseil, le gardien

suprême desdroits des nations dans l'exercice de la mission inter-
nationale qui est confiéeaux Mandataires. Si la Commission per-
manente est l'aréopage international, la Cour est le palladium
international de la Justice dans toutes les activités de la Société
des Nations, dont le systèmedesMandats est une partie importante. ))
(Recueil, 1929, vol. 29, p. 180.)
Comme la clause du Tanganyika se trouve dans un Mandat britan-

nique et que le représentant britannique à la Commission permanente
des Mandats était sir Frederick Lugard, lequel, je l'ai mentionné plus
haut, soutenait que l'insertion du deuxième alinéa dela clause juridic-
tionnelle n'était pas fortuite, il convient de rappeler une déclaration
faite par lui dans un mémorandum présentéen 1924 à la cinquième
session de la Commission permanente des Mandats, où il expose sa
conception du rôle vital que la Cour peut jouer à propos des Mandats.
Dans ce mémorandum, il traite des hésitations des détenteurs de capi-
taux à investir dans lesterritoires sous Mandat et il écrit(Procès-verbaux

de la cinquième session,p. 177):
[(Dans tous les cas où existe la faculté de révocation (comme
suite à une rupture de contrat pour mauvaise administration) il
est certain que, dans cette éventualité presque inconcevable, la
Cour de Justice internationale (sic) serait l'autorité choisie et
qu'elle assurerait un recours entier à tous les droits et revendica-
tions justifiés))

370373 SOUTH WEST AFRICA (DISS.P.JESSUP)

Finally, one may note the dissenting opinion of Judge Nyholm in a
further phase of the Mavrommatis case. In sketching the history of the
establishment of the mandates, he saysthe Powersnted-

"...a guarantee that the administrations should act in accordance
with the principles adopted in the interests of the community of
nations by the Covenant.

The guarantee which offered itself consisted in conferring on
the Court-a new internationalinstitution-jurisdictito decide
any questions regarding the interpretation and application of the
Mandate.
Mandatories were not to infringe the rights either of States or of
individuals. Each State therefore has a right of control which it
may exercise by applying to the Court. Its true that there is no
provision giving the Court jurisdiction as regards the relations
between individuals and the mandatory, but itis to be presumed
that, if a subject of a certain State suffered injury, his government
would, if necessary, take action on his behalf. When a suit is

ducted between a mandatory and another Member of the League
of Nations, regarding a question of interpretation or application
-which is precisely the case in the present suit-Art26 of the
mandate gives the Court jurisdiction." (Case of the Readaptation
of the Mavrommatis Jerusalem Concession (Jurisdiction),ries A,
No. 10, 1927,p. 26.)

SECTION V. THEMOTIVATIO AND OPERATIO OF CERTAIN OFTHE PEACE
SETTLEMEN TS1919-1920-THE LEGAL RECOGNITIO OF
"GENERAL INTEREST"

Arguments which avoid the actual text of the jurisdictional clause
in paragraph 2 of Article of the Mandate for South West Africa have
been supported by a general assertion that it is inconceivable that the
statesmen of 1919would have had in mind the possibility of recognizing
that States may have a general interest-cognizable in the International
Court-in the maintenance of an international régimeadopted for the
common benefit of the internationalociety.This argument ignores the
historical fact of the wave of idealistic aspiration which responded after

the long agony of the war years to the vision proclaimed by President
Wilson. As Lord (then Professor) McNair wrote in 1928:
"There was perhaps no part of the Covenant that called forth
more derision from the cynical and the worldly-wise than the
Mandates System contained in Article XXII ... The Mandates
System represents the irruption of the idealist into one of the
periodical world settlements which have in the pastin too much
in the hands of so-called 'practical men'." (Editor's Preface to
Stoyanovsky, The Mandate for Palestine, 1928.)

No doubt some statesmen were cynical but great charters of human
liberties were signed and ratified and became binding on States.
371 Finalement, il convient de noter l'opinion dissidente de M. Nyholm
dans une phase ultérieure de l'affaire des Concessions Mavrommatis.
Esquissant l'historique de l'établissement desMandats, il dit que les

Puissances désiraient avoir
«une garantie que les administrations agissent selon les principes
adoptésdans l'intérêt dlea communauté des nations par le Pacte.

La garantie qui se présentait comme possible consistait à sou-
mettre àla compétencede la Cour, nouvelle institution internatio-
nale, le soin de trancher toutes questions concernant l'interprétation

et l'application du Mandat.
Les Mandataires ne devaient léser ni lesdroits des Etats ni ceux
des particuliers. Chaque Etat a donc un droit de contrôle, qu'il
peut exercer devant la Cour. Il est vrai qu'aucune stipulation de
compétencen'existe pour les particuliers dans leurs rapports avec
le Mandataire, mais il està supposer que, si un sujet se trouvait
lésé,son gouvernement prendrait, le cas échéant,fait et cause pour
lui. Quand une affaire se déroule entre un Mandataire et un autre

Membre de la Société desNations, concernant une interprétation
ou une application - ce qui est précisémentle cas en l'espèce-,
la compétencede la Cour est reconnue par l'article 26 du Mandat. ))
(ConcessionsMavrommatis àJérusalem(réadaptation)1927,C.P.J.I.
sérieA no 10, p. 26.)

SECTION V. MOTIFS ET APPLICATION DE CERTAINS DES RÈGLEMENTS
INTERVENUS EN 1919-1920 LORS DE LA CONCLUSION DE LA PAIX -
RECONNAISSAN JURIDIQUE DE L'«INTÉRÊT GÉNÉRAL ))

A l'appui des arguments qui font fi du texte mêmede la clause juri-
dictionnelle énoncéeau deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat pour
le Sud-Ouest africain, on soutient d'une manière généralequ'il est
inconcevable que leshommes d'Etat de 1919aient pu vouloir reconnaître

aux Etats un intérêgt énéral-justiciable de la Cour internationale-
au maintien d'un régimeinternational adopté pour le bien commun
dela sociétéinternationale. C'est ne pas tenir compte d'un fait historique,
la vague d'idéalismequi, après les souffrances prolongées desannées
de guerre, a fait échoaux visions d'avenir du président Wilson.Comme
l'écrivait en1928lord McNair, qui portait alors le titre de professeur:

((11n'est peut-êtrepas de chapitre du Pacte qui ait été plus raillé
par les cyniques et les blasésque l'article 22 où est définile système
des Mandats ..Avec lesystèmedesMandats, l'idéalistefaitirruption
dans l'un de ces règlements internationaux périodiques qui jus-
qu'alors dépendaientpar trop des esprits dits pratiques.» (Préface
à l'ouvrage de Stoyanovsky, The Mandate for Palestine, 1928.)

S'il y avait bien du cynisme chez certains de ces hommes politiques,
de grandes chartes concernant les libertés humainesn'en ont pas moins
371 The facts are dealt with rather fully in my separate opinion in the
South West Africa cases in 1962 (at pp. 425 to 433). It is there recalled

that Article 11of the Covenant of the League of Nations which formed
part of the Treaty of Versailles, recognized that peace was indivisible.
From the Constitution of the International Labour Organisation, which
was also part of the same treaty, passages were quoted which reveal
agreement upon the common interest of al1States in humane conditions
of labour throughout the world. The provisions for appeal to the Perma-
nent Court of International Justice and subsequent judicial proceedings
to give effectto this common concern in labour problems, were noted l.

Attention was also called to the fact that the Permanent Court was

likewise given a role in systems established-partly in the peace treaties
and partly by subsequent international agreements-for the protection
of minorities. It was in keeping with the same spirit and action of the
time, of the Paris Peace Conference of 1919, that the Covenant of the
League contained its famous Article 22 which recognized that the
"well-being and development" of "peoples not yet able to stand by
themselves under the strenuous conditions of the modern world" "form
a sacred trust of civilisation". It was therefore natural one may even
say inevitable, that when the mandates were drafted, provision was made
for resort to the Permanent Court of International Justice by any member
of the League.

To be sure, each area of general interest in the Peace Settlements
had its own system and the role of the Court was different as suited
the needs of each case. But the point which stands out is the recognition
of the right of States in the general interest, and without needing to
assert direct injury suffered by them or their nationals, to resort to the
Courtfor an authoritativeinterpretation ofthe meaning ofthe obligations
which States had assumed in order that labour, and minorities and
dependent peoples might enjoy international protection. It is true that
the onlycasesinvolvingmandates whichwerereferred to theInternational
Court were the Mavrommatis Palestine Concessioncases; why this was

true may be a matter of speculation but some evidence relativethereto
will be adduced later in this opinion. At the moment, it is pertinent to
cite authority for the broad proposition asserted above, that in the era
of the Paris Peace Treaties, States could invoke the Court in the general
international interest when their own particular interests were not
involved.

l The case of Ghanav. Portugal was described; since then the I.L.O. has had a
further judicial inquiry and decision in the case of Portugal v. Liberia, which also
involved the question of a contract labour convention; see International Labour
Office, Oficial Bulletin, Vol. XLVI, No. 2,.April 1963. étésignées, ratifiéeset sont devenues obligatoires pour les Etats.
J'ai étudiéces faits de manière assez détailléedans mon opinion
individuelle de 1962relative aux affaires du Sud-Ouest africain (p. 425-

433). J'ai rappeléalors que, par son article 11, le Pacte de la Société
des Nations, qui faisait partie du traité de Versailles, reconnaissait le
caractère indivisible de la paix. J'ai cité desextraits de la Constitution
de l'Organisation internationale du Travail, elle aussi intégréeaudit
traité,pour montrer que l'on était d'accordsur l'intérêq tu'ont tous les
Etats à l'adoption d'un régime de travail réellement humain dans le
monde entier. J'ai relevé,dans ces instruments, les dispositions de renvoi
à la Cour permanente de Justice internationale et signalé lesinstances
judiciaires qui ont par la suite traduit dans les faits cette préoccupation
commune à l'égard des problèmesdu travail l.

J'ai rappelé aussi que l'on avait de mêmeattribué à la Cour perma-
nente - en partie par les traités de paix et en partie par les accords
internationaux conclus ensuite - un rôle dans les systèmes créés pour
la protection des minorités. Il étaitdonc conforme à l'étatd'esprit qui
régnait à l'époque de la conférence dela paix de Paris de 1919de voir
figurer dans le Pacte de la Société desNations le célèbre article22, par
lequelilest reconnuque ((lebien-êtreetledéveloppement)d )e peuples ((non
encore capables de se diriger eux-mêmesdans les conditions particulière-
ment difficilesdu monde moderne forment une mission sacréede civilisa-

tion ». Il était donc tout naturel, voire inévitable, qu'au moment de
l'élaboration des Mandats l'on prévoieque tout Membre de la Société
des Nations pourrait se pourvoir devant la Cour permanente de Justice
internationale.
Sans doute, à chaque domaine d'intérêtgénéraldéfinidans les règle-
ments intervenus lors de la conclusion de la paix, correspondait un
systèmeparticulier et le rôle dévoluà la Cour étaitdifférentdans chaque
cas. Mais ce qui ressort nettement, c'est que l'on reconnaissait aux Etats
le droit, dans l'intérêt générsa, s qu'il leur fût nécessaired'arguer d'un
préjudice directement subi par eux ou par leurs ressortissants, de de-

mander à la Cour une interprétation autorisée desobligations que les
Etats avaient assumées afin que les travailleurs, les minorités et les
peuples dépendants bénéficientd'une protection internationale. Il est
vrai que les seules affaires relatives aux Mandats qui aient étéportées
devant la Cour internationale ont étéles affaires des ConcessionsMa-
vrommatisenPalestine; la raison du phénomènepeut prêter àconjecture
mais quelques éléments d'explicationseront apportés plus loin. Pour le
moment, il convient d'étayerla proposition générale présentée ci-dessus
d'aprèslaquelle, à l'époque destraitésde paix de Paris, il était reconnu

que les Etats pouvaient saisir la Cour dans l'intérêitnternational général
alors mêmeque leurs intérêts propresn'étaientpas en cause.

J'ai exposé l'affaireGhana-Portugal; depuis cette date, l'organisation interna-
tionale du Travail a procédéà une autre enquêtejudiciaire et a pris une décision
le travail forcé-l-voir Bureau international du Travail, Bulletin Oficiel, vol.
XLVI, no 2, avril 1963.

372 The case of the Interpretation of theStatute of the Memel Territory
(P.C.I.J., Series AIB, No. 47, p. 243) is instructive. Article 17 of the
Convention of 8 May 1924,concerning Memel, reads as follows:
"The High Contracting Parties declare that any Member of the
Council of the League of Nations shall be entitled to draw the
attention of the Council to any infraction of the provisions of the
present Convention.
In the event of any difference of opinion in regard to questions

of lawor of fact concerning theseprovisions between the Lithuanian
Government and any of the Principal Allied Powers members of
the Council of the League of Nations, such difference shall be
regarded as a dispute of an international character under the
terms of Article 14 of the Covenant of the League of Nations.
The Lithuanian Government agrees that al1 disputes of this kind
shall, if the other Party so requests, be referred to the Permanent
Court of International Justice. There shall be no appeal from the
Permanent Court's decision, which shall have the force and value
of a decision rendered in virtue of Article 13 of the Covenant."

Germanybrought to the Council under the firstparagraph of Article 17
a complaint against certain actions of Lithuania in Memel. M. Colban,
as Rapporteur of the Council, said it was apparent that there would not
be a unanimous vote to ask the Permanent Court for an advisory
opinion but he reminded the four Principal Powers of their right to
bring a case to the Court under paragraph 2 of Article 17. Although
the British representative on the Council, the Marquess of Londonderry,
also regretted the objection to asking for an advisory opinion "which,
in his view, was the natural method of obtaining an answer to those
questions" of law which were involved, Great Britain, France, Italy
and Japan instituted proceedings by filing an application in the Court.
Lithuania filed an objection to the jurisdiction in respect of two points

in the case of the four Powers since those two matters had not been
previously submitted to the Council, a step which Lithuania considered
was a prerequisite under the treaty. In their observations on the Lithua-
nian objection, the four Powers insisted that the procedure before the
Council and the procedure in the Court were two separate and distinct
actions and one was not dependent on the other. They said (Series C,
No. 59, 1932,p. 135):

[Translation] "The object of the procedure before the Council
is the examination of an 'infraction of the provisions of the Con-
vention'. The procedure before the Court is concerned with 'any
difference of opinion in regard to questions of law or fact'. Such

l There was at the time some uncertainty as to whether the Council caskd
for an advisory opinion by a majority vote; see Hudson, The Permanent Court
of International Justice,0-1942, 1943, sec. 469. Sur ce point, l'affaire relatiàel'Interprétationdu statut du territoire
de Memel (C.P.J.I. sérieAIBno47, p. 243) est instructive. L'article 17de

la convention du 8 mai 1924relative à Memel est ainsi conçu:
((Les Hautes Parties contractantes déclarent que tout Membre
du Conseil de la Société desNations aura le droit de signaler à
l'attention de ce Conseil toute infraction aux dispositions de la
présente convention.
En cas de divergence d'opinions sur des questions de droit ou

de faitconcernant ces dispositions, entreleGouvernementlithuanien
et l'une quelconque des Principales Puissances alliées, membres du
Conseil de la Société desNations, cette divergence sera considérée
comme un différend ayant un caractère international selon les
termes de l'article 14du Pacte dela SociétédesNations. Le Gouver-
nement lithuanien agrée que tout différend de ce genre sera, si
l'autre partie le demande, déféré à la Cour permanente de Justice
internationale. La décisionde la Cour permanente sera sans appel
et aura la force et la valeur d'une décision rendue en vertu de
l'article3du Pacte. ))

L'Allemagne, en application du premier alinéa de cet article 17, a
saisi le Conseil d'une plaintà l'encontre de certains actes dela Lithuanie
à Memel. M. Colban, rapporteur du Conseil, a constatéque Ies membres
du Conseil ne seraient certainement pas unanimes à demander à la Cour
permanente un avis consultatif mais il a rappeléaux quatre Principales

Puissances qu'elles avaient le droit de saisir la Cour en application du
deuxième alinéade l'article 17. Le représentant du Royaume-Uni au
Conseil, le marquis de Londonderry, a déclaréregretter lui aussi qu'il
ne fût pas possible de demander à la Cour un avis consultatif, ce qui
aurait constitué, selon lui, le moyen normal d'obtenir une réponseaux
questions de droit qui se posaient, mais la Grande-Bretagne, la France,
l'Italie et le Japon n'en ont pas moins introduit une instance par voie
de requêtedevant la Cour. La Lithuanie a opposé une exception pré-
liminaire à la compétence de la Cour relativement à deux questions
évoquéesdans la plainte des quatre Puissances, car ces deux questions

n'avaient pas étéd'abord soumises au Conseil, ce que la Lithuanie
estimait indispensable aux termes du traité. Dans leurs observations
relativesàl'exception de la Lithuanie, les quatres Puissances ont souligné
que la procédure devant le Conseil et la procédure devant la Cour
étaient parfaitement distinctes et non tributaires l'une de l'autre. Les
demandeurs ont déclaré(C.P.J.I. série C no 59, 1932, p. 135):

«La procédure devant le Conseil a pour objet l'examen d'une
((infraction aux dispositions de la conventia.La procéduredevant
la Cour a pour objet une ((divergenced'opinions sur des questions
de droit ou de fait».Cette divergence d'opinions peut très bien se

tatifà la simple majorité de ses membres; voir Hudson, The Permanent Court ofl-
International Justice, 1920-1942, 1943, sect. 469.

373 difference of opinion may well arise without any infraction having
been noted; it may become apparent in the course of nego-
tiations with regard to the correct construction of the 1924 Con-
vention, and the Court may be called upon to give a declaratory
judgment."

In his oral argument, Sir William Malkin, as Agent for the British
Government, said:
"In this case the Applicant Powers are not here to defend their
particular interests, nor to maintain any rights of their ownwhich

they allege to have been infringed. Their only interest to is to see
that the Convention to which they are Parties is carried out by
Lithuania in accordance with what they conceive to be its proper
interpretation ..." (Ibid., p. 173.)
In his observations on the preliminary objection of Lithuania, M. Pi-
lotti, Agent for the Italian Government, also stated that no one of the
Applicant Powers had any individual interest which it wished to have
established against Lithuania. He said that they had "un droit de

caractère international à ce que l'autonomie du Territoire ... soit
respectée" (loc.cit.p,. 190).(How similar this is to Applicants' right to
have respected the mandate character of South West Africa!)

The Court, in rejecting the Lithuanian objection, closely followed
the observations of the four Powers. In agreeing that a case could be
brought in the Court where there was a difference ofopinion even when
there had been no infraction of the treaty, the Court in effect agreed
also with the position of Sir William Malkin and, in its later judgment
on the merits (Series AIB, No. 49, 1932,p. 294 at 337), took account
of the apparent fact that the four Powers merely wanted "to obtain

an interpretation of the Statute which would serve as a guide for the
future" l.
It is, to be sure, true that the above observations were made with
reference to a treaty to which the four Applicant States were parties, but
the point was not whether they were parties, but whether they had
standing under the treaty to resort to the Court. Their standing derived

In its judgment on the preliminary objections at pages 248-249,the Court said:
"The object of the procedure before the Council is the examination of an
already committed, whereas the procedure before the Court is concerned with
'any differenceof opinionin regard to questions of law or fact'. Such differ-
ence of opinion may arise without any infraction having been noted. It is true
that one and the sarne situation may give rise to proceedings either before the
Council under the first paragraph, or before the Court under the second; but
that will not always be the case, and this sufficesto prove that the two proce-
dures are not necessarily connected with one anothe...If the principle of
could not be proceeded with before the Court, under paragraph 2 of Ar-a case
ticle 17, if it had been brought before the Council, under paragrap..."
(Italics added.)

374 produire sans qu'aucune infraction ne soit relevée; ellepeut appa-
raître au cours de négociationstouchant l'exacte interprétation de
la Convention de 1924, et la Cour peut êtreappelée à prononcer
un arrêtdéclaratoire. 1)

Au cours de sa plaidoirie, sir William Malkin, agent du Gouvernement
britannique, a dit:
[Traduction] «En l'espèce,les Etats requérants ne sont pas ici

pour défendreleurs intérêts particuliersou des droits propres, à la
suite d'infractions commises àleurs dépens.Leur seul intérêe tst de
veillerà ce que la Convention àlaquelle ils sont parties soit exécutée
par la Lithuanie conformément à ce qu'ils estiment êtrela bonne
interprétation...» (Ibid., p. 173.)

Dans ses observations relatives à l'exception préliminaire de la
Lithuanie, M. Pilotti, agent du Gouvernement italien, a déclarélui
aussi qu'aucune des puissances requérantes n'avait d'intérêtpropre
à faire valoir contre la Lithuanie. A son avis, elles avaient «un droit de
caractère international à ce que l'autonomie du Territoire ...soit res-

pectée)) (Zoc. cit., p. 190). (Comme tout cela ressemble au droit des
demandeurs à voir respecter le caractère de Mandat du Sud-Ouest
africain!)
La Cour, en rejetant l'exception de la Lithuanie, a suivi de près
les observations des quatre Puissances. En reconnaissant que l'on
pouvait s'adresser àelle en cas de divergence d'opinions mêmelorsqu'il
n'y avait pas d'infraction aux dispositions de la convention, la Cour

s'est également rangée à l'avis de sir William Malkin et, dans l'arrêt
qu'elle a rendu ensuite sur le fond (sérieAIB no49, p. 337), elle a tenu
compte du fait qu'apparemment les quatre Puissances avaient simple-
ment pour intention «d'obtenir une interprétation du Statut qui puisse
à l'avenir servirde guide ».
Sans doute les observations ci-dessus concernaient-elles une conven-

tion à laquelie les quatre Etats demandeurs étaient parties; cependant
l'essentiel n'était pas de savoir s'ils étaient parties à la convention,
mais s'ils avaient qualitéen vertu de ladite convention pour saisir la

Dans son arrêt sur l'exception préliminaire (p. 248-249), la Cour a dit:
«La procédure devant le Conseil a pour objet l'examen d'une ((infraction
aux dispositions de la convention)ce qui présuppose un fait déjà accompli,
tandis quela procédure devant laCour a pour objet uneivergence d'opinions
sur des questions de droit ou de faits.te divergence d'opinionspeut se pro-
peut donner lieuàun recours soit devant le Conseil en vertu du premier alinéa,
soit devant la Cour en vertu du second; mais cela ne sera pas forcément tou-
jours le cas, et cette constatatsuffit démontrer que les deux procédures
ne sont pas nécessairement liéesl'unel'autr..Si l'on devait admettre l'uni-
té de procédure, il en résulterait qu'une affaire ne pourrait être suivie devant
la Cour en vertu de l'alinéade l'article 17, si elle avait été,en vertu de l'ali-
néa 1, portée devant le Conse..» (Les italiques sont de nous.) from the adjudication clause, not from some other conferment of a
substantive right. This Court has held that the Mandate is a treaty and
as a matter of historical fact, the Principal Powers were just as much
the authors of the Mandate for South West Africa as they were of the
Statute of the Memel Territory which was annexed to the Treaty of
8 May 1924. In the Memel case the burden of obligations was on a
single State-Lithuania-while the Principal Powers were given rights
and interests. In the South West Africa case, the burden of obligations
is on a single State-the Mandatory, South Africa-while al1member
States were given rights and interests. The mandates system was of
concern, not just to the Principal Powers, but to al1 Members of the
League and it was for that reason that Article 7 of the Mandate re-
cognizes theright of al1Members of the Leagueto referto the Courtany
dispute whatever concerning the interpretation or application of the
Mandate. It is the same situation in the International Labour Organisa-
tion, where, according to Article 411 (later renumbered Article 26) of
the Constitution :

"Any of the Members shall have the right to file a coniplaint
with the International Labour Office ifit is not satisfied that any
other Member is securingthe effectiveobservance of any Convention
which both have ratified in accordance with the foregoing articles."

As has been explained above, such a complaint may lead to a judicial
proceeding as in the cases of Ghanav. Portugal and Portugal v. Liberia
and there may be ultimate resort to this Court; but at no stage is the
applicant State required to prove a direct injury to its own individual
interests.
In the minority treaties, one sees a further illustration of the fact
that the statesmen of 1919recognized the right of States to invoke the
jurisdiction of the Court in the interest of special groups even when
their individual interests were not affected. This is brought out very
clearly in the dissenting opinion of Judge Muber in the case of Minority
Schools in Upper Silesia (P.C.I.J., Series A, No. 15 (1928), at p. 50):

"Article 72, paragraph 3 [of the Geneva Convention] is the literal
reproduction of Article 12 of the Minorities Treaty of June 28th,
1919,and of analogousprovisions of other treaties. Thejurisdiction
conferred by this clause is in every respect very particular inarac-
ter and goes beyond the province of general international law;
for Article 72,paragraph 3, confers on everyPower being a Member
of the Council, even ifit is not a contractingParty to the Minority
Treaties or to the Geneva Convention, the right of appealing to the
Court, and suchjudicial action is based upon stipulations which re-
late not to rights of the applicant State or tothose of its nationals

375 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 377

Cour. Or, cette qualité découlait dela clause juridictionnelle et non
pas d'un droit touchant au fond qui leur aurait été conférpéar ailleurs.
La Cour actuelle a décidéque le Mandat étaitun traité; du point de
vue purement historique, les Principales Puissances étaienttout autant

les auteurs du Mandat pour le Sud-Ouest africain qu'elles étaient les
auteurs du statut du territoire de Memel annexé à la convention du
8 mai 1924.Dans le cas du territoire de Memel, les obligations étaient
toutes d'un seul côté - la Lithuanie -, tandis que des droits et des
intérêts étaient attribués aux PrincipaleP suissances. Dans le cas du
Sud-Ouest africain, les obligations sont toutes d'un seul côté - le
Mandataire, l'Afrique du Sud -, tandis que des droits et des intérêts
sont conférés à tous les Etats Membres. Le système des Mandats in-
téressait non pas simplement les Principales Puissances mais tous les
Membres de la Société desNations et c'est pour cette raison que l'ar-
ticle7 du Mandat a reconnu àtous les Membres de la Sociétédes Nations

le droit de porter devant la Cour tout différend,quel qu'il soit, relatif
à l'interprétation ou à l'application du Mandat. Il en va de même à
l'organisation internationale du Travail: selon les termes mêmesde
l'article 411 (devenu plus tard l'article 26) de la Constitution de l'Or-
ganisation,
((Chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau
international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis,

n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une
convention que l'un et l'autre aurait ratifiée envertu des articles
précédents.»
Ainsi qu'il a été indiqué plushaut, une telle plainte peut donner lieu
à poursuite judiciaire, comme cela s'est produit pour les affaires Ghana-
Portugalet Portugal-Libéria,et l'on peut en dernier ressort saisir la Cour;
mais l'Etat demandeur n'est à aucun stade tenu de prouver qu'il a subi
un préjudicedirect dans ses intérêts propres.

On constate que, dans les traités de minoritésaussi, les hommes
d'Etat de 1919reconnaissaient aux Etats le droit de saisir la Cour dans
l'intérêtde certains groupes particuliers mêmelorsque leurs intérêts
propres n'étaient pas en cause. C'est ce que M. Huber fait ressortir
très clairement dans son opinion dissidente en l'affaire des Droits de
minoritésen Haute-Silésie (écoles minoritaires) (1928, C.P.J.I. sérieA
no15, p. 50):

((L'article 72, alinéa3 [de la Convention de Genève]est la re-
production littéralede l'article 12du Traitédes Minorités du28juin
1919 et de dispositions analogues d'autres traités. La juridiction
prévue par cette clause présente à tous égards un caractère très
particulier et exorbitant du droit international général;car l'ar-
ticle 72, alinéa reconnaît à toute Puissance membre du Conseil,
même sielle n'est pas partie contractantedu Traité desminorités
ou de la Convention de Genève,le droit de s'adresser à la Cour,
et cette action judiciaire vise des stipulationsqui ont traià des
droits de I'Etat demandeur ou de ceux de ses ressortissantspour les-

375 378 SOUTH WEST AFRICA (DISS . P.JESSUP)

on whosebehalf it might take action, but to the relations between
the respondent State and its own nationals." (Italics added.)

The principle that States were entitled to bring to the Court cases
which did not involve their own direct interests is not affected by the
fact that the right of recourse in the minority treaties was limited to
Members of the Council of the League. Although in the Memel case,
the Powers who could resort to the Court were al1parties to the treaty,
in several of the minority cases, the right of recourse belonged not only
to the Permanent Members of the Council who may have been parties,
but also to the non-permanent Members who were elected from time
to time and who, as Judge Huber pointed out, did not need to be, and
often were not, parties to the minority treaties which gave theni the
right toinvokethe Court l.The Statesin question derivedtheir "standing"

before the Court from the adjudication clause, not from some other
conferment of a substantiveright.

The point which has been made is underscored by another aspect of
the minorities treaties. Forexample, the Treaty with Czechoslovakia of
10 September 1919 (1. Hudson, International Legislation, p. 298) has an
Article14which is an adjudication clause giving to any Member of the
Council of the League the nght to submit to the Permanent Court of
International Justice any difference of opinion as to questions of law
or fact arising out of the articles whichcontain the stipulations for the

protection of the minorities. Thereafter, the Treaty includes a third
chapter which contains specific clauses assuring certain economic and
commercial rights to the Allied and Associated Powers; but the adjudica-
tion clause does not apply to the articles in this Chapter. The same con-
struction isfound in the minoritiestreaties with Yugoslavia (ibid.,p. 312)
and with Romania (ibid., p. 426). This structure of the treaty was a
natural one sincenormaiiy an adjudication clause would not be included
in the usual treaty of commercial and economic rights to which the
economic chapters of the minorities treaties corresponded. But the
minorities provisions themselves were a special feature of the post-war
treaties with certain States and here the system was controlled by both

the Council of the League and the Court. In the mandates, the economic
clauses-as will be demonstrated shortly-were an integral part of the
whole system which includedthe "open door" and sincemandatories did
not have sovereignty over the mandated territories, submission to the
Court's jurisdiction was part of the control of al1aspects of mandatory
administration. Just as in the minorities treaties, the provisions for the
protection of certain peoples who, in the case of the mandates, were
considered not yet able to stand by themselves, were also covered by
the compulsory adjudication clause. If it be thought that al1 Members

l This precedent is one of the reasons why 1 do not find it necessary to discuss
the issue whether the Members of the League were "parties" to the Mandates. SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 378

quelsilprendrait fait et cause, mais bienà des rapports entre 1'Etat
défendeuretsespropres ressortissants. »(Les italiques sont de nous.)
Le principe qui veut que les Etats soient fondés à porter devant la

Cour des affaires ne concernant pas directement des intérêts propres
gardetoute sa valeur alors mêmeque ce droit de recours, dans les traités
de minorités, était limité auxmembres du Conceil de la Sociétédes
Nations. Si, dans l'affaire relative'Interprétationdu statut du territoire
de Memel, les Puissances habilitéesà saisir la Cour étaient toutes parties
à la convention, dans plusieurs des affaires relatives aux minorités ce
droit de recours existait non seulement chez les membres permanents
du Conseil, éventuellementparties au traité en cause, mais aussi chez
lesmembres non permanents éluspériodiquement,qui, comme M. Huber

l'a fait observer, n'étaient pas nécessairement,t souvent n'étaient pas,
parties aux traités de minorités leur donnant le droit de saisir la Cour.
La qualitédes Etats en question pour saisirla Cour découlaitde laclause
juridictionnelle et non pas d'un droit touchant au fond qui leur aurait
étéconférépar ailleurs l.
Les traitésde minorités présentent un autre aspect qui donne encore
plus de reliefà la conclusion précédente. Ainsi,dans le traitédu 10sep-
tembre 1919 conclu avec la Tchécoslovaquie (Hudson, International

Legislation, vol. 1, p. 298), l'article 14 est une clause juridictionnelle
habilitant tout membre du Conseil de la Société desNations à déférer
à la Cour permanente de Justice internationale toute divergence d'opi-
nions sur des questions de droit ou de fait concernant les articlesdudit
traité qui contiennent les stipulations garantissant la protection des
minorités. A la suitede cet article 14,figureun chapitre III où l'on trouve
des dispositions précises conférant certains droits économiques et
commerciaux aux Puissances alliéeset associées; mais la clause juri-
dictionnellene s'appliquepas aux articles du chapitre III. Les traitésde

minoritésconclus avec la Yougoslavie (ibid.,p. 312)et avecla Roumanie
(ibid., p. 426) se présentent de la mêmemanière. Cette présentation
s'explique car, normalement, une clause juridictionnelle n'aurait pas
figuré dans un traité ordinaire stipulant des droits commerciaux et
économiques auquel correspondaient précisémentles chapitres des
traités de minoritésrelatifs aux relations économiques. En revanche,
les dispositions ayant trait aux minorités étaient une caractéristique
des traités conclus après la guerre avec certains Etats et le système,

dans ce cas-là, était placé sous le double contrôle du Conseil de la
Sociétédes Nations et de la Cour. Dans les Mandats, les dispositions
d'ordre économique - on le verra sous peu - faisaient partie inté-
grante du systèmequi prévoyaitla ((porte ouverte»et comme le Manda-
taire n'avait pasla souverainetésur le territoire sous Mandat, le pourvoi
devant la Cour était un élémentdu contrôle qui s'exerçait sur tous les
aspects de l'administration du Mandataire. Tout comme dans les traités

l L'existence de ce précédentest l'une des raisons pour lesquelles je n'estime
pas indispensable d'étudierla question de savoir si les Membres de la Société des
Nations étaient ou non ((partsaux Mandats.

376of the League were not "parties" to the mandates, then one must re-
member that the judicial protection of the minorities could be set in
motion by States which were not parties to the treaties but who were
elected non-permanent members of the Council.

My separate opinion in 1962also called attention (at p. 426) to the
fact that in more recent times, the same general appreciation of a right
to turn to the International Court of Justice for interpretation, applica-
tion or fulfilment of a treaty having a broad humanitarian interest, is
recognized in-

"the Genocide Convention, which came into force on 12 January
1951 on the deposit of the twentieth ratification. [It] provides in
Article IX:

'Disputes between the Contracting Parties relating to the
interpretation, application or fulfilmentof the present Convention,
including those relating to the responsibility of a State for geno-
cide or for any of the other acts enumerated in article III, shall
be submitted to the International Court of Justice at the request
of any of the parties to the dispute'. (Vol. 78, United Nations
Treaty Series, pp. 278 at 282).

As this Court said of the Genocide Convention: 'In such a
convention the contracting States do not have any interests of their
own; they merely have, one and all, a common interest, namely
the accomplishment of those high purposes which are the raison
d'êtreof the convention. Consequently, in a convention of this type
one cannot speak of individual advantages or disadvantages to
States, or of the maintenance of a perfect contractual balance
between rights and duties. The high ideals which inspired the
Convention provide, by virtue of the common will of the parties,
the foundation and measure of al1 its provisions.' (I.C.J. Reports
1951, at p. 23.)"
In this case there was a joint dissent of Judges Guerrero, McNair,

Read and Hsu Mo. They expressed no disagreement with the passage
just quoted. At page 46 they said:
"It is an undeniable fact that the tendency of al1 international
activities in recent times has been towards the promotion of the
common welfare of the international community with a corres-
ponding restriction of the sovereign power of individual States.
So, when a common effort is made to promote a great humanitarian
object, as in the case of the Genocide Convention, every interested
State naturally expects every other interested State not to seek any
individual advantage or convenience, but to carry out the measures
resolved upon by common accord."

377de minorités,les dispositions assurant la protection de certains peuples
qui, dans le cas des Mandats, étaientjugésencore incapablesde se diriger

eux-mêmes,relevaient de la clause de juridiction obligatoire. Si l'on
veut arguer que les Membres de la Société des Nations n'étaient pastous
((parties»aux Mandats, on ne doit pas oublier quela protection judiciaire
des minorités pouvait êtreassuréesur l'initiative d'Etats qui n'étaient
pas parties aux traitésvisésmais qui étaientsimplement élusau Conseil
à titre non permanent.
J'ai égalementsignaléd , ans mon opinion individuelle de1962(p. 426),
que plus récemment,aux fins de l'interprétation, de l'application ou de
l'exécution d'un traité présentant un intérêt humanitaire de portée

globale, on a reconnu, sur le plan général, ledroit de s'adresser à la
Cour internationale de Justice, par exemple dans
«la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, qui est entrée en vigueur le 12 janvier 1951, après le
dépôt du vingtième instrument de ratification. [Cette convention]
prévoiten son article IX:

((Lesdifférendsentre les Parties contractantes relatifs l'inter-
prétation,l'application ou l'exécutionde la présenteConvention,
y compris ceux relatifs à la responsabilitéd'un Etat en matière
de génocideou de l'un quelconque des autres actes énumérés
à l'article III, seront soumià la Cour internationale de Justice,
à la requêted'une Partie au différend. » (Nations Unies, Recueil
des traité vol. 78, p. 283.)

Comme la présenteCour l'a dit au sujet de la convention sur
le génocide: ((Dans une telle convention, les Etats contractants
n'ont pas d'intérêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un
intérêt commun,celui de préserverles fins supérieuresqui sont la
raison d'être de la convention. Il en résulte que l'on ne saurait,
pour une convention de ce type, parler d'avantages ou de désavan-
tages individuels des Etats, non plus que d'un exact équilibre
contractuelà maintenir entre les droits et les charges. La considéra-
tion des fins supérieuresdela conventionest, en vertu de la volonté

commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les
dispositions qu'elle renferme.(C.I.J. Recueil1951,p. 23.)
MM. Guerrero, McNair, Read, et Hsu Mo ont présenté dans cette
affaire une opinion dissidente collective. Ils ne se sont pas trouvés en
désaccord avec ce que je viens de citer. Ils ont dit en effet (p. 46):

QIl estindéniablequetoutes les activitésinternationales ont tendu
dans la périoderécente à la réalisation du bien-être communde la
communauté internationale, en limitant de ce fait la compétence
souveraine des Etats particuliers. Par conséquent, devant un effort
commun en vue de réaliserun objectif d'une haute valeur huma-
nitaire, tel que la convention sur le génocide,tout Etat intéressé
attend naturellement des autres qu'ilsn'y cherchent pas un avantage
ou une commodité personnels, mais qu'ils mettent en Œuvre les
mesures adoptées d'uncommun accord. ))

377 There are various other situations recognized in law where standing
to sue and to recover judgment is accorded by an adjudication clause
to those who have a somewhat more direct interest than that which
appertains to those whose concern is based upon the general welfare,
the orderly operation of the international community and the avoidance
of threats or dangers to the peace. For example, any maritime or ship-
owning State may have a right under a treaty or other international
instrument to ask the Court for an interpretation of a provision for
passage in a waterway even though its own ships have not been involved
in any allegedinfraction.Thus in the Wimbledoncase (P.C.I.J., SeriesA,
No. 1, at p. 7), the Governments of Great Britain, France, Italy and
Japan joined in an application to the Court under Article 386 of the
Treaty of Versailles which gave to "any interested Power" a right of
appeal to the Court "in the event of violation of any of the conditions
of Articles 380 to 386,or of disputes as to the interpretation of these
Articles". It did not specify that this right of appeal was confined to
States parties to the treaty. The case was one in which a British ship,
chartered to a French Company,was denied by Germany passage through
the Kiel Canal. Germanyhaving challengedtheir right to bring the action,
the Applicants said that-

"... les quatre Puissances de qui émanela requêtesont intéressées
au respect du principe du libre passage dans le canal de Kiel et
à l'exact exécutiondes clauses du traité de Versailles". (Series C,
No. 3, Add. Vol., p. 65.) (Italics added.)

This was the interest they avowed. The French claim for damages was
a separate and rather incidental point. The Court went further. It said
that al1four Powers had a "clear interest"-

"... since they al1possess fleets and merchant vessels ... They are
therefore, even though they may be unable to adduce a prejudice
to any pecuniary interest, covered by the terms of Article 386 ..."
(P.C.I.J., Series A, No. 1, pp. 20 and 33.) (Italics added.)
It must be noted that Article 386 was an adjudication clause and
Article 380 did not specificallyconfer a substantive right on "interested
Powers". Article 380 merely imposed an obligation on Germany and
the substantive right of a maritime Power needs to be implied from
Article 386.
Similar applications to the Court might be made by any of the large
number of States parties to the Statute on the Régimeof Navigable
Waterways of International Concern annexed to the Barcelona Con-
vention in 1921, in force on 31 October 1922, of which convention it
forms "an integral part". Under Article 22-

". ..any dispute between States as to the interpretation or appli-
cation of this Statute which is not settled directly between them
378 Il est divers autreç cas reconnus en droit où la qualitépour intenter
une action et obtenir une décision est accordéepar une clause juridic-
tionnelle à ceux qui ont un intérêt à ce que soient assurésle bien-être

général etle bon fonctionnement de la communauté internationale et
à ce que soit évitétout ce qui peut menacer la paix ou la mettre en
danger et à ceux qui ont un intérêu t n peu plus direct. Ainsi, tout Etat
maritime, ou possédantune flotte, peut, aux termes d'un traitéou d'un
autre instrument international, avoir le droit de demander à la Cour
d'interpréter une disposition relativeau passage dans une voie d'eau
navigable, mêmesi ses propres bâtiments n'ont pas fait l'objet d'une
accusation d'infraction. C'est ainsi que, dans l'affaire duVapeurWim-
bledon (C.P.J.I. sérieA no I, p. 7), les Gouvernements de la Grande-
Bretagne, de la France, de l'Italie et du Japon ont ensemble fait appel
à la Cour, conformément au traité de Versailles, dont l'article 386
donne droit derecours à ((toutePuissanceintéressée» en cas de((violation

d'une des dispositions des articles 380 à 386, ou en cas de désaccord
sur l'interprétation de ces articles.Le traité de Versailles ne précisait
pas que le droit de saisir la Cour fût limitéaux Etats parties au traité.
L'affaire concernait un navire britannique, affrétépar une société
française, qui s'étaitvu refuser par l'Allemagne le droit de transiter
par le canal de Kiel. L'Allemagne ayant contesté aux demandeurs le
droit d'intenter une action, ceux-ci ont répliqué:
((lesquatre Puissances de qui émanela requêtesont intéressées au
respect du principe du libre passage dans le canal de Kiel et à

l'exacte exécution des clausesdu traité de Versaille» (sérieC no3,
vol. suppl., p. 6- les italiques sont de nous).
Tel est donc l'intérêdtont ellesfaisaient état.La requête en indemnité
présentéepar la France représentait une question distincteet en quelque
sorte incidente.La Cour est allée plusloin. Elle a déclaréque les quatre
Puissances demanderesses avaient cun intérêtévident » puisqu'elles
possédaient

((toutes des flottes et des navires marchand...Elles rentrent donc,
sans qu'ilsoit besoinpour elles de justiJer d'un intérêt pécuniaire
léséd, ans les prévisionsde l'article 38...»(C.P.J.I. sérieA no I,
p. 20 et 33- les italiques sont de nous).
Il y a lieu de noter que l'article 386 étaitune clause juridictionnelle et
que l'article 380 ne conféraitpas en termes exprèsde droits touchant au
fond aux «Puissance[s] intéressée[s». L'article 380 imposait purement
et simplement une obligation à l'Allemagne et il faut déduireimplicite-
ment del'article386le droit defond dont jouit toute Puissance maritime.

La Cour pourrait donc êtresaisie de la mêmefaçon par n'importe
lequel des très nombreux Etats qui sont parties au statut sur le régime
des voies navigables d'intérêitnternational annexé à la convention de
Barcelone de 1921et entréen vigueur le 31 octobre 1922,qui fait ((partie
intégrante de ladite convention ».L'article 22 dudit statut stipule que:
((àdéfautd'entente directe entre les Etats, tous différendsqui sur-
giraient entre eux relativementà l'interprétation ou à l'application

378 shall be brought before the Permanent Court of International
Justice, unless under a special agreement or a general arbitration
provision steps are taken for the settlement of the dispute by arbi-
tration or some other means". (1.Hudson, International Legislation,
p. 658. See comparable provision in the Statute on Freedom of
Transit annexed to the Barcelona Convention on Freedom of Tran-
sit of thesame date; ibid., p. 631.)

The burden of the obligations of this Convention would fa11on States
controlling a waterway of international concern, but a larger number
of States have the right to appeal to the Court. "In the case of States
having treaty rights in the waterway, no reliance on the use of the high-
way is needed as a basis for a complaint of discrimination or exclusion."
(Baxter, TheLaw ofInternational Waterways,1964,p. 183,withparticular
reference to the Suez Canal but equally applicablein a broader context.)

The standing of Applicants in the present cases rests squarely on the
right recognized in paragraph 2 of Article 7 of the Mandate for South
West Africa, which is a right appertaining to many States. But it must
also be recognized that Applicants as African States, do in addition
have a special interest in the present and future of the mandated terri-
tory of South West Africa and its inhabitants. This special interest
is perhaps even greater than that of some maritime State in the right

of passage through the Kiel Canal. "Geographical contiguity" is re-
cognized in paragraph 6 of Article 22 of the Covenant of the League as
one of the bases for the allocation of the 'C' mandates. It is trite to
refer to the shrinkage of territorial spaceby modernmeans oftransporta-
tion and communication, but in a very real sense al1 African States
south of the Sahara are contiguous to each other, and their interrelated
interests-geographical and other-cannot be denied. Although the
Court's Judgrnent of today does not seek to explore this point, the con-
clusion which it reaches denies the existence of any special right or
interest of the Applicants, a finding which would need to be fully but-
tressed by argument and not left to implication.

The impact on other African States south of the Sahara of racial
conflict and the practice of apartheid in South West Africa could be,
and is, just as great if not greater than certain impacts which Res-
pondent concedes. In the Counter-Memorial, Book II, page 177, it is
stated:

"Then there were also contained in the Mandate instruments
other provisions, primarily intended for the benefit of the inhabi-
tants, the non-observance of which could, however, affect also
the material interests of individual League Members. Examples
would be the provisions with regard to the slave trade, and provi-
sions with regard to traffic in liquor which, if violated by a Man-

379 du présent Statut, seront portés devant la Cour permanente de
Justice internationale,à moins que, par application d'une conven-
tion spécialeou d'une clause générale d'arbitrage, il ne soit procédé
à un règlement du différend,soit par arbitrage, soit de toute autre

manière)). (Hudson, International Legislution, vol. 1, p. 658. Voir
la disposition analogue qui figure dans le statut sur la liberté du
transit annexé à la convention de Barcelone sur la liberté du
transit, portant la mêmedate, ibid., p. 631.)
Les obligations imposéespar la convention sont à la charge des
Etats riverains d'une voie d'eau navigable d'intérêitnternational, mais
un grand nombre d'Etats ont le droit de saisir la Cour le cas échéant.

((Les Etats qui ont des droits conventionnels relativement à la voie
d'eau navigable, n'ont pas besoin d'alléguer l'utilisation de la voie
pour porter plainte contre des mesures de discrimination ou d'exclu-
sion.» (Baxter, The Law of International Waterways, 1964, p. 183.
L'auteur se réfèreplus particulièrement au canal de Suez, mais ses ob-
servations sont valables égalementdans un contexte plus large.)
La qualitédes demandeurs pour agir dans les présentes affairesdécoule
nettement du droit qui est reconnu au deuxième alinéade l'article 7 du
Mandat pour le Sud-Ouest africain et que possèdent denombreux Etats.
Mais on doit admettre aussi que les demandeurs, en tant qu7Etats afri-
cains, ont en outre un intérêt particulierquant à la situation actuelle
et future du territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain et de ses habi-
tants. Cet intérêt particulier est plus grandpeut-êtreque celui d'un Etat
maritime au droit de passage dans le canal de Kiel. La ((contiguïté

géographique »est, d'après le paragraphe 6 de l'article 22 du Pacte de
la Société desNations, l'un des éléments sur la base desquels les Man-
dats C ont été attribués. Il est banal de rappeler que les moyens mo-
dernes de transport et de communication ont raccourci les distances; on
peut très réellementdire que tous les Etats d'Afrique au sud du Sahara
sont contigus et que l'interdépendance deleurs intérêts,géographiques
ou autres, est indéniable.Bien que l'arrêt rendu aujourd'huipar la Cour
ne cherche pas à examiner ce point, la conclusion à laquelle il aboutit
nie l'existence d'un droit ou intérêtparticulier chez les demandeurs,
ce qui devrait êtreétayépar une argumentation solide au lieu d'être
donné pour implicite.
Les conflits raciaux et la pratique de l'apartheid au Sud-Ouest afri-
cain pourraient avoir - et ont - des répercussions aussiimportantes

sinon plus importantes sur les autres Etats d'Afrique au sud du Sahara
que certains facteurs dont le défendeurreconnaît les effets. Il est dit
dans le contre-mémoire (livreII, p. 177):
«Les actes de Mandat cmtenaient également d'autres disposi-
tions destinées surtout à bénéficieraux habitants mais dont la
non-observation pouvait aussi toucher les intérêts concretsdes
Membres de la Société desNations envisagés individuellement.

On peut citer comme exemples les dispositions relatives à la traite
des esclaves et les dispositions concernant le trafic des spiritueux
379 datory, could possibly affect neighbouring or even other States,
which, being Members of the League, would then have a legal
right to object. In respect of these provisions, individual League
Members would have been vested with rights or legal interests
either because the instruments clearly indicated an intention that
such rights should vest in Members individually, or because the
impact of a violation of the terms of the Mandate on the material
interests of individual Members suggests that it was intended
that such Members would be entitled as of right to resist such a
violation."

Respondent here concedes a principle which the Judgment of the
Court denies, that is that under certain circumstances, Members of the
League did have a legal right to complain about violations of those
clauses of the Mandate which the Judgment calls "conduct" clauses,
Le., clauses for the performance of the sacred trust. It then becomes a
question of factual appraisal whether policies of racial discrimination
in South West Africa have an impact on States such as the Applicants.
An allegation of racial discrimination, like allegations of the existence
of the slave trade or traffic in liquor gives them,under paragraph 2 of
Article 7, a right to have the Court pronounce upon the merits of their
claim. But this approach does not negative other conclusions in this
opinion concerning the origin and nature of Applicants' right to judg-
ment on their Applications filed under paragraph 2 of Article 7. It does

show that Applicants have standing to secure from the Court judgment
on their submissions, whether the judgrnent be favourable or not.

The Judgment of the Court rests upon the assertion that even though-
as the Court decided in 1962-the Applicants had locus standti o insti-
tute the actions in this case, this does not mean that they have the legal
interest which would entitle them to a judgment on the merits. No
authority is produced in support of this assertion which suggests a
procedure of utter futility. Why should any State institute any pro-
ceeding if it lacked standing to have judgment rendered in its favour
if it succeeded in establishing its legal or factual contentions on the
merits? Why would the Court tolerate a situation in which the parties
would be put to great trouble and expense to explore al1the details of
the merits, and only thereafter be told that the Court would pay no
heed to al1their arguments and evidence because the case was dismissed

on a preliminary ground which precluded any investigation of the merits?

EconomicEquality
Since the Judgment of the Court undertakes to analysethe whole man-
dates system and not only the 'C'mandates, the intention of the drafters
of 1919in providing for recourse to the Court in relation to provisions

of the mandates other than those already considered, is relevant to the
380 SUD-OUESTAFRICAIN(OP. DISS. JESSUP) 382
dont la violation par un Mandataire pouvait affecter un Etat voi-
sin ou mêmed'autres Etats lesquels, étant Membres de la Société
des Nations, auraient alorseu le droit d'élever des objections.S'agis-

sant de cesdispositions, les Etats Membres de la SociétédesNations
auraient possédé desdroits ou des intérêts juridiques, soit parce
que les accords indiquaient l'intention d'attribuer de tels droits
aux Etats Membres àtitre individuel soit parce que, vu l'effetqu'une
violation des termes du Mandat aurait eu sur les intérêts concrets
des Membres pris individuellement, on a dû vouloir conférer à
ceux-ci le droit de résisterà une violation de ce genre. »

Le défendeuradmet ici un principe niépar l'arrêtde la Cour, à savoir
que, dans certaines circonstances, les Etats Membres de la Société des
Nations avaient le droit de se plaindre des violations des dispositions
du Mandat quel'arrêtdénomme dispositionsrelatives à la gestion, c'est-
à-dire des dispositions ayant traità l'accomplissement de la mission
sacréede civilisation. C'est alors une question de fait que d'apprécier
si la politique de discrimination raciale au Sud-Ouest africain a des ré-
percussions sur des Etats comme les Etats demandeurs. En formulant
une allégation qui concerne la discrimination raciale, ils ont le droit,
en vertu du deuxième alinéade l'article 7, de voir la Cour se prononcer
sur leur demande au fond, tout comme s'ils alléguaient l'existencede

la traite des esclaves ou du trafic des spiritueux. Cela ne va d'ailleurs
pas à l'encontre des autres conclusions énoncéesdans la présenteopi-
nion sur l'origine et la nature du droit des demandeurs à ce qu'il soit
statué sur les requêtes qu'ilsont déposéesconformément au deuxième
alinéa de l'article 7. Celamontre que les demandeurs ont qualitépour
obtenir que la Cour se prononce sur leurs conclusions, que ce soit en
un sens favorable ou défavorable.
L'arrêt delaCour sefonde sur cette assertion que, mêmesiles deman-
deurs ont qualitépour introduire une action en l'espèce - ce que la
Cour a décidéen 1962 - il n'en résulte pas qu'ils aient un intérêt
juridique leur permettant d'obtenir unjugement au fond. Aucune autorité
n'est citéeàl'appui de cette assertion, qui paraît inviàeune procédure

parfaitement vaine. Pourquoi un Etat introduirait-il une instance, alors
qu'il n'a pas qualitépour obtenir qu'un jugement soitrendu en sa faveur
mêmesi les thèsesqu'il soutient en fait et en droit sont établiesau fond?
Pourquoi la Cour tolérerait-elleune situation dans laquelle les parties
prennent à grands frais la peine d'étudierle fond en détail,pour s'en-
tendre dire plus tard que la Cour ne tiendra compte ni des plaidoiries
ni des dépositions parce qu'une décisionde rejet est adoptée du chef
d'une question préliminaire qui empêchetout examen au fond?

Egalitééconomique

Comme l'arrêtde la Cour entreprend l'analyse du système desMan-
dats dans son ensemble et non pas seulement celle des Mandats C, il
convient de connaître, aux fins du problème général soulevé par cette
analyse, les intentions que les auteurs ont eues en 1919 lorsqu'ils ontgeneral problem of this analysis. It is well known that in addition to
the idealistic concern for the welfare of the indigenous peoples who
were not yet able to stand by themselves, the mandates system, in
rejecting the idea that colonies formerly belonging to the defeated enemy
would be appropriated as part of the spoils of war and for the benefit
ofthe conquerors,built upon the practicalproposition that the mandated
areas-at least those under the 'A' and 'B' categories-should offer
equal economic opportunities to al1 Members of the League; this was
the principle of the "open door". It was incorporated in the 'A'and 'B'
mandates and the long delay in approving the 'C' mandates was due
to unsuccessful Japanese insistence on having it applied to 'C'mandates
in the Pacific area. The Japanese representative at the Peace Conference
was able to invoke an argument which continued to be advanced in
ensuing years. In the Council of the Heads of Delegations at Paris
in December 1919, he said that "the principle of equality of treatment

in the economic sphere must be understood among the guarantees
provided ... in the interest of the native population". (United States
Foreign Relations, Paris Peace Conference1919, Vol. IX, p. 642.) He
argued further that the guaranteesin paragraph 6 of Article 22 included
the equality of treatment mentioned in paragraph 5 since "that equality
of treatment too was as much in the interests of the native population
as in that of foreign nationals". (Ibid., p. 645.) The Japanese view did
not prevail in regard to the 'C' mandates but in regard to the system
as a whole the point was clearly made.

"The Mandates conception as first set forth by General Smuts
and President Wilson did carry a general requirement of the open
door, and the United States subsequently insisted that it was only
after this requirement had become an 'understanding' of the Peace
Conference that it 'felt itself able and willing to agree that the
assignment of certain enemy territory by the victorious powers
would be consistent with the best interests of the world'." (Quincy
Wright, Mandates under the League of Nations, 1930, p. 260; see
also,ibid., pp. 475, 477 and 479.)

One of the leading French commentators on the League of Nations
(Ray, Commentaire du Pacte de la Société des Nations,1930, pp. 625-
626) is emphatic in saying that the provisions for equality of economic
treatment found their justification in the last analysis in the interests of
the indigenous population. He agreeswith the contention of the Japanese
representative that theguarantees stipulated in-para--aph 5 of Article 22
extend equally to the mandates covered by paragraph 6, that is, to
the 'C'mandates.
The Permanent Mandates Commissionincluded in its questionnaire-
even for the 'C' mandates-a question about economic equality and
its reports to the Council frequently refer to these matters. It is, there- prévule pourvoi devant la Cour relativement aux dispositions des Man-
dats autres que les dispositions déjàconsidérées.On sait que le système
des Mandats ne se bornait pas à traduire des préoccupations idéalistes

quant au bien-être des peuplesautochtones non. encore capables de se
diriger eux-mêmes;non seulement il rejetait l'idéeque lescolonies appar-
tenant auparavant à l'ennemi vaincu seraient prises comme butin de
guerre par les conquérants, dans l'intérête ceux-ci, mais encore il se
fondait sur la proposition de caractère pratique d'après laquelle les
territoires sous Mandat, du moins ceux qui relevaient des catégories A
et B, devraient offrir des possibilités économiqueségaleàtous lesMem-
bres de la Société desNations; c'étaitle principe de la porte ouverte.
Il était inscritdans les Mandats A et B et le retard avec lequel les Man-
dats C ont été approuvés tienà ce que le Japon s'est efforcés,ans succès,
de le faire appliquer aux Mandats C pour la régiondu Pacifique. Le
représentant du Japon à la conférence dela paix a pu invoquer un ar-

gument que l'on a continué à avancer au cours des années suivantes.
Au Conseil des chefs de délégation, à Paris, en décembre1919,il a dé-
claré: (Leprincipe del'égalité dteraitement dans ledomaineéconomique
doit être l'une des garanties prévues...dans l'intérêdte la population
indigène » (United States Foreign Relations, Paris Peace Conference
1919, vol. IX, p. 642). Il a soutenu en outre que, parmi les garanties
mentionnées à l'article 22, paragraphe 6, on doit compter l'égalité de
traitement prévueau paragraphe 5, puisque ((cette égalitéde traitement
favorise tout autant les intérêtde la population indigèneque ceux des
ressortissants étrangers»(ibid., p. 645). Le point de vue du Japon ne
l'a pas emportéen matière de Mandats C mais, pour ce qui est du sys-

tème dans son ensemble, la question a été nettementposée.
((Dans la conception que s'en faisaient à l'origine le général
Smuts et le président Wilson,les Mandats comportaient nécessaire-
ment la condition de la porte ouverte et les Etats Unis ont souli-
gné ensuiteque c'est seulement lorsque l'on se fut entendu à la
Conférence de la Paix sur cette condition qu'ils«ont cru pouvoir

considérer que l'attribution de certains territoires ennemis par les
Puissances victorieuses serait conforme à l'intérêtdu monde. »
(Quincy Wright, Mandates under the League of Nations, 1930,
p. 260; voir aussiibid., p. 475, 477 et 479.)
L'un des principaux spécialistesfrançais de la Société desNations

a souligné avec forceque c'est en dernière analyse l'intérêdte la popu-
lation indigènequi justifiait les dispositions concernant l'égalittrai-
tement sur le plan économique (Ray, CommentaireduPacte dela Société
des Nations, 1930, p. 625-626). Il partageait l'avis du représentant du
Japon selon lequel les garanties stipuléesau paragraphe 5 de l'article
s'étendaient aussiaux Mandats régispar le paragraphe 6, c'est-à-dire
aux Mandats C.
La Commission permanente des Mandats a inscrit à son questionnaire,
mêmepour les Mandats C, une question sur l'égalitééconomiqueet les
rapports adresséspar elle au Conseil mentionnent souvent ce sujet. Il

381fore, correct to Saythat the economic rights which the Judgment of the

Court concedes belong to individual Members of the League, were of
concern to the League itself. The question of economic equality was
for example discussed at some length at the 12th Session of the Perma-
nent Mandates Commission on 29 October 1927. There was frequent
emphasis upon the importance of the principle of economic equality
and upon the fact that the safeguards of this equality were inserted for
the advantage of the inhabitants and not merely for the benefit of indi-
vidual Members of the League. In the discussion M. Rappard stated:

"The clause prescribing economic equality had been inserted
in the Covenant both in the interests of the territory and in the
interests of the States Members of the League. In his opinion,
those interests were one and the same. There might, however,
arise a contradiction between the interests of the mandatory power
and the interests of the mandated territory, and in that case it was
for the Mandates Commission to intervene in order to obtain
a solution favourable to the mandated territory." (Minutes of the
12th Session,p. 66.)

Similarly, the Marquis Theodoli, Chairman of the Commission, em-
phasized that-
"the opinion had been formed in the public mind and in the Man-
dates Commission that the mandates system had been established
in the interests of the natives, and that the rules imposed on the
mandatory Powers with that object in view indicated a progress
toward increasing the welfare and development of the indigenous
populations of certain territories whose civilisation was backward.
He shared that opinion ..."

He continued, however, to emphasize that "there lay at the basis of the
whole system another principle of the highest importance, namely, the
principle of economic equality" (ibid., p. 168).
Since it is agreed in the Judgment of the Court that Members of the
League might invoke the adjudication clauses of the mandates in order
to assure observance of the provisions directed to the maintenance of
economic equality, and since these same provisions were designed also
for the benefit of the indigenous populations, it is clear that arguments
which seek to dilute the reach of the adjudication clause by the theory
that the mandatories would never have agreed to a system which might
subject them to litigious harassment, is ill-founded and cannot be
accepted. It may be well to recall at this point what has been described
above, namely that the so-called "missionary" clause was more in the
nature of a guarantee for the welfare of the indigenous populations than
for the benefit of nationals of Members of the League.

In a very recent study of the origins of the mandates system one
reads :

"The open door principle, especially as understood in the lateest donc exact de dire que les droits économiquesqui, d'après l'arrêt
de la Cour, appartenaient aux Membres de la Société desNations à
titre individuel, intéressaient la Société desNations elle-même. C'est
ainsi que la question de l'égaliéconomiquea été discutée asselz ongue-
ment le 29 octobre 1927, à la douzième session dela Commission per-
manente des Mandats. On y a souligné àplusieurs reprises l'importance
du principe de l'égalitéconomiqueet insistésur le fait que les garanties
de cette égalitéétaient prévuesdans l'intérêt des habitants et non pas
seulement dans l'intérêd tes Etats Membres de la Société desNations.
Au cours de la discussion, M. Rappard a déclaré:

aLa clause de l'égalitééconomique a, en effet, été inscriteau
Pacte,à la fois dans l'intérêtu territoire et dans l'intértes Etats
Membres de la Société desNations. D'ailleurs, à son avis, ces inté-
rêtsse confondent. Mais il peut s'éleverun conflit entre l'intérêt
de la Puissance mandataire et l'intérêd t u territoire sous Mandat,
et c'est alors qu'il appartientla Commission des mandats d'inter-
venir pour obtenir une solution favorable au territoire sousMandat.))
(Commissionpermanente des Mandats, Procès-verbaldela douzième
session, p.66.)

De même,le marquis Thecdoli, président de la Commission, a fait
observer :
«il s'est fait jour dans le public, ainsi qu'au sein de la Commission
des Mandats, l'opinion suivant laquelle le système des Mandats
a étéétablidans l'intérêt des indigèneest que les règles imposées
aux Puissances mandataires dans ce but constituent un progrès
pour accroître le bien-êtreet le développement des populations
autochtones de certains territoires dont la civilisation est arriérée.
Le président partage cette opinion ...1)

Il a poursuivi en soulignant que ((àla base de tout le système ily a, en
outre, un autre principe de toute importance, le principe de l'égalité
économique »(ibid., p. 168).
Puisqu'il est admis dans l'arrêtde la Cour que les Membres de la
Société desNations pouvaient invoquer les clauses juridictionnelles
des Mandats pour assurer le respect des dispositions relatives au main-
tien de l'égalité économique et puisque ces dispositions avaient aussi
pour objet l'intérêt des populations autochtones, on doit manifeste-
ment tenir pour mal fondéet inacceptable l'argument qui tend à mini-

miser la portée des clauses juridictionnelles en partant de cette idée
que les Mandataires n'auraient jamais consenti à un systèmequi aurait
pu les exposerà de constants procès.Il est peut-êtreopportun de rappeler
ici ce quia étéindiquéplus haut, à savoir que la clause dite des mission-
naires ressemblait plus par sa nature à une garantie en faveur des
autochtones qu'a une garantie en faveur des ressortissants des Etats
Membres de la Société desNations.
On lit dans une étude trèsrécente des originesdu systèmedesMandats
le passage suivant:
«Le principe de la porte ouverte, en particulier tel qu'il a été

382 nineteenth century, is an integral part of the dual mandate [i.e.,
obligations owed both to the peoples under trust and to the family
ofnations]in that it rests on the implicitassurnption that a dependent
people's economic interests are best served when the benefits of
colonial trade are open to all." Twitchett, "The Intellectual Genesis
of the League of Nations Mandate System", III International Rela-
tions, No. 13,April 1966,p. 16at p. 18.

It has now been shown that the mandates, in providing, through
recognition of general rights in an adjudication clause, access to the
International Court, present no juridical impossibility and no inherent
improbability so far as the international practices of the periodllowiiig
the end of the First World War are concerned. The alleged juridical
impossibility or at least legal novelty, of the recognition of substantive
legal rights in a generalinterest may also be examined in the light of
certain municipal legal principles and practices.

TheProblem of "Standing" in MunicipalLaw
In his dissenting opinion of 1962(at p. 452)Judge Winiarskispeaking
of the argument about a right of action in a generalinterest, said that-

"... reference has been made in this connection to an institution
under the old Roman penal law known as 'actio popularis'which,
however, seems alien to the modern legal systems of 1919-1920and
to international law".
1 would leave to others explanations of ancient precepts of penal law,
but at least one modern legal system is entirely familiar with court
actions which are allowed when the plaintiff shows no direct individual

injury.

The problem of "standing" (locus standi) is familiar in the law of the
United States. The law of standing particularly in terms of American
constitutional law, or the law of federal jurisdiction, has to do with
challenges of governmentalaction. The parallel situation in international
law might be considered to be the right of recourse against an inter-
national organization or one of its organs. That subject was explored
by the Institut de droit international in 1957,but is not involved here.
The right of individual Members of the League of Nations to resort to
the Permanent Court of International Justice in case of certain disputes
with a mandatory over the interpretation or application of the mandate,
as provided in paragraph 2, Article 7, of the Mandate, could involve
a situation in which a judicial decision of the Court might conflict with
a political decision of the Council of the League. But even in those
situations, the Court action would not be against the League or one of
its organs or officers,nor need it be an attack on the validity of the

383 interprétéà la fin du XIXe siècle,participe du caractère dualiste

du Mandat [obligations envers les populations sous tutelle et envers
la famille des nations] en ce qu'il repose implicitement sur l'hypo-
thèse que le meilleur moyen de favoriser les intérêtséconomiques
d'une population dépendante est de n'exclure personne des avan-
tages du commerce colonial. ))(Twitchett, (The Intellectual Genesis
of theLeague of Nations Mandate System »,InternationalRelations,
III, no 13, avril 1966,p. 18.)

Il est ainsi établi qu'en prévoyant l'accèsà la Cour internationale,
grâce à la reconnaissance de droits générauxdans une clause juridic-
tionnelle, les Mandats ne seheurtaient à aucune impossibilitéjuridique
et à aucune improbabilité inhérente eu égard aux pratiques inter-
nationales suivies au cours de la période postérieure à la première
guerre mondiale. La prétendueimpossibilitéou tout au moins la préten-
due innovation juridique que constituait la reconnaissance de droits
touchant au fond, liés à un intérêtgénéral, peuventêtreégalement

étudiéescompte tenu de certains principes et de certaines pratiques de
droit interne.
Problème dela qualitépour agir («standing ») en droit interne

Dans son opinion dissidente de 1962 (p. 452), M. Winiarski a dit,
à propos de l'argument relatif à l'exercice d'un droit d'action dans un
intérêt général:

«On a invoqué à cette occasion une institution du vieux droit
pénal romain appelée actio popularis, qui cependant paraît étran-
gère aux systèmesjuridiques modernes de 1919-1920et au droit
international.
Je laisse à d'autres le soin de parler des préceptes anciens du droit
pénalmais je voudrais dire qu'il existe au moins un systèmejuridique
moderne où il est tout à fait courant que l'on tienne pour valables

des actions en justice engagéesalors que le demandeur n'établit aucun
préjudice individueldirect.
Le problème de la qualité pour agir est bien connu dans le droit
des Etats-Unis. Envisagénotamment au regard du droit constitutionnel
américainou du droit de la compétencefédérale,il se pose à propos
des contestations dont l'action des pouvoirs publics peut faire l'objet.
En droit international,ontrouve un parallèledans le droit de sepourvoir
contre une organisation internationale ou l'un de ses organes. La ques-
tion a étéexaminéepar l'Institut de droit international en 1957 mais

n'est pas en cause ici. Le droit des Membres de la Sociétédes Nations
à se pourvoir individuellement devant la Cour permanente de Justice
internationale dans le cas où surviendraient certains différendsavec le
Mandataire au sujet de l'interprétation ou de l'application du Mandat,
comme il était prévu au deuxième alinéa de l'article 7 du Mandat,
pouvait aboutir à une situation où une décision judiciaire de la Cour
aurait contredit une décisionpolitique du Conseil de la Sociétédes
Nations. Mais, mêmedans une situation de ce genre, l'action de la

383 Council's decision as if such decision were ultra vires. No suggestion
is made here that there existed in the international judicial system a
remedy comparable to a writ of mandamus under the law in the United
States to compel an officer or organ of the United States Government
to desist from taking some action alleged to be unconstitutional. The
interest which the American law of standing has for the present case lies
in the question whether in some legal systems a party "interested" and
"adversely affected in fact", or as expressed in some statutes, "any
part aggrieved", has standing, that is, a legal right which the courts
willprotect.

Many aspects of theproblem of "Standing to SecureJudicial Review"
have no parallelsin the International Court ofJustice. Butthe argumenta-
tion in the Judgment of this Court in this South West Africa case, in
challenging the right of any State to secure a judgment of this Court
in cases wherethe right ofjudicial recourse is granted by treatybut where
the applicant State does not allege a particular substantive legal interest
would-if it were correct-lead to the conclusion that the large body
of United States common and statutory law on the matter is almost a
juridical impossibility. In the American jurisprudence there are cases

which insist that the plaintiff should show a direct injury to his interest,
as in some of the taxpayers' suits. But this is by no means a universal
rule. A "taxpayer, or citizen and voter, has such an interest in the form
of government under which he lives as to be entitled to maintain the
action for a declaratory judgment with respect to matters relating
thereto", e.g., matters "relating to an amendment of the city charter
with respect to the election of councilmen" (26 Corpus Juris Secundum,
p. 271.Italics added). A State, a member of the international community,
has a stronger and even more direct interest in matters relating to the
fulfilment of fundamental treaty obligations contained in a treaty which
has what may fairly be called constitutional characteristics.

Although the law of England has not developed on this matter as
has that in the United States, as far back as 1898,the Court of Queens
Bench held that a parish vicar "clearly has sufficient interest" to seek
mandamus against liquor licensing authorities. (The Queen v. Cotham,
[1898]1 Q.B. 802.)Citizensin the United States are recognized to have
a right to resort to the courts to seekto have public grievancesremedied.
The "public action-an action brought by a private person primarily
to vindicatethe public interest in the enforcement of public obligations-

Review, Vol. 74, 1961,p. 1265, and Vol. 75, 1961, p. 255.inthe Harvard Law

384Cour n'aurait pas étédirigéecontre la Société desNations, l'un de ses
organes ou l'un de ses fonctionnaires. Elle n'aurait pas davantage
constituéune attaque contre la validité dela décisiondu Conseil consi-
dérée commeentachéed'excèsde pouvoir. Nul ne songe à suggérerici
qu'il existait dans le systèmejudiciaire international un recours compa-

rable à celui qu'offre le droit des Etats-Unis sous la forme du writ
of mandamus, qui peut obliger un agent ou un organe du gouvernement
à s'abstenir deprendre une mesure dont l'inconstitutionnalitéestalléguée.
Le droit applicable aux Etats-Unis, s'agissant de la qualité pour agir,
présente de l'intérêt el'espècedans la mesure où il concerne la question
de savoir si, dans certains systèmesjuridiques, une partie ((intéressée
et ((subissant en fait un préjudice»ou, comme le disent certaines lois,
((toute partie lésé» a qualité pour agir, autrement dit possèdeun droit
protégépar les tribunaux.

Le problème de la qualité permettant de se pourvoir en justice
(((Standing toSecure Judicial Review »)l comporte maints aspects sans
équivalent à la Cour internationale de Justice. Mais l'argumentation
de l'arrêt dela Cour dans la présente affaire du Sud-Ouest africain,
en contestant à tout Etat le droit d'obtenir de la Cour une décision
lorsqu'un traité confère un droit de recours judiciaire mais que YEtat
demandeur n'allèguepas un intérêt juridique propre touchantau fond,
aboutirait, si elle était exacte, la conclusion que le vaste ensemble
constituépar la commonlawet la législation des Etats-Unis enla matière
est une quasi-impossibilitéjuridique. Il est dans la jurisprudence amé-

ricaine des cas où le demandeur doit montrer qu'un préjudice direct
a étécausé à ses intérêts;cela se produit par exemple pour certaines
affaires intentéespar des contribuables. Mais c'est loin d'être unerègle
universelle. Un ((contribuable, ou un citoyen et électeur,a un tel intérêt
à la forme de gouvernement qui le régitqu'il est fondé à engager une
action en vue d'obtenir un jugement déclaratoireau sujet de questions
y relatives)), c'est-à-dire de questions relativeà ((toute modification
de la charte municipale pour ce qui est de l'électiondes conseillers »
(Corpus Juris Secundum, vol. 26, p. 271 - les italiques sont de nous).
Un Etat membre de la communauté internationale a un intérêt plus

fort et mêmeplus direct à des questions concernant l'exécution d'obli-
gations conventionnelles fondamentales contenues dans un traité ayant
ce qu'on peut appeler à juste titre des caractéristiquesconstitutionnelles.
Bien que le droit anglais n'ait pas évoluédans ce domaine comme
celui des Etats-Unis, il n'en reste pas moins que, dès 1898, la Court
of Queen's Bench a dit que le curé d'une paroisse ca manifestement
un intérêtsuffisant» pour solliciterun mandamus àl'encontre d'autorités
chargéesd'accorder des licences pour la vente de spiritueux (The Queen
c. Cotham [1898]1Q.B. 802).Aux Etats-Unis, on reconnaît aux citoyens

le droit de s'adresser aux tribunaux pour qu'ils remédientaux abus
dont le public se plaint. ((L'actionpublique - action intentée par un

Tel est le titre de deux articles publiés par M. Louis L. Jaffe dans Harvard
Law Reviewv ,ol. 74, 1961, p. 1265, et vol. 75, 1961, p. 255.
384has long been a feature of OurEnglish and American law". (Jaffe,op. cit.,
p. 302.) Article 7 (2) of the Mandate recognized that any Member of
the League of Nations had a similar right in the interest of upholding
the "sacred trust".

That the law in Italy and in other countries may be different (cf.
Galeotti, The Judicial Control of Public Authorities in England and in
Italy, 1954)is not relevant to my argument since 1 am not seeking by
the methods of comparative law to establish a "general principle of
law". 1 agree with the observation that it was "rhetorical abuse rather
than reasoning" (Jaffe, op. cit., p. 1289)when an Ohio court said that to
allow a citizen to secure enforcement of Sunday laws would be to permit
"any crusading zealot to ride off, helter-skelter, throughout the state
compelling police or municipal courts to arrest persons for alleged
offences in which the relator has no legitimate concern". The right of

action given to Members of the League by Article 7 (2) of the Mandate,
was not granted as a concession to helter-skelter zeal.

1accept the proposition that-

"... the very recognition of the plaintiff's right to sue is the law's
best testimony to the existence of a substantive right. To put it
another way: the quest for a legalright on which to ground standing
is a tautology, since the grant of standing itself manifests a legal
right ... the grant of the procedural right of standing confers ipso
facto substantive rights so that in al1cases where there is standing
there is also a legal rightl."
"Where the legislature has recognized a certain 'interest' asone
which must be heeded, it is such a 'legally protected interest' as

warrants standing to complain of its disregard 2."

In the case of the mandates, the Peace Conference of 1919-1920
played the role of the "1egislature"-using this analogy in a restricted

and qualified sense. If "the plaintiff has standing his interest is a legally
protected interest, and that is what is meant by a legal right 3".

1 must repeat, as indicated above, that the municipal law analogy
which 1 have been discussing is far from perfect and the differences in
the international law situation must be clearly noted 4. 1agree that there
is no generally established actio popularis in international law. But

l See Jaffe, op. cit., 256,but his approach is different.
Zbid..D. 264.
~avis,^~dministratiYeLaw Treaties, 1958, sec. 22.04 at p. 217.
" 1 have not dealt with the American constitutional requirement concerning the
existence of a "case" or "controversy".
385particulier essentiellement pour défendre l'intérêt qu'a le publi c ce
que les obligations qui lui sont dues soient exécutées - est depuis
longtemps l'une des caractéristiques de notre droit anglais et améri-
cain. » (Jaffe, op. cit., p. 302.) Le deuxième alinéa de l'article 7 du

Mandat reconnaissait à tout Membre de la Société des Nations un droit
semblable, lié à l'intérêq t u'il avaità l'accomplissement de la mission
sacrée de civilisation.
Il importe peu, aux fins de mon argumentation, que le droit puisse
êtredifférent enItalie et dans d'autres pays (voir Galeotti, The Judicial
Control of Public Authorities in England and in Italy, 1954), car je ne

cherche pas à établir un ((principe général dedroit » par des méthodes
de droit comparé. J'admets aussi qu'ily a «plus de rhétorique que de
raisonnement ))(Jaffe, op. cit., p. 1289)dans la déclarationpar laquelle
un tribunal de l'Ohio a dit qu'en autorisant les citoyens à obtenir
l'application des lois sur le repos dominical on permettrait «à tout
fanatique en mal de croisade de parcourir I'Etat en tous sensen obligeant

la police ou les tribunaux municipaux à arrêter desgens pour de pré-
tendues infractions dont il n'avait aucune raison légitime de s'occuper ».
Ce n'est pas pour donner libre cours à ce zèledésordonnéque le droit
d'agir a été conféré aux Membred se la Société desNations par le
deuxièmealinéa de l'article 7 du Mandat.

J'accepte la proposition d'après laquelle
((la reconnaissance mêmedu droit d'action du demandeur est la
meilleure preuve qu'il existe un droit touchant au fond. C'est au-

trement dit un cerclevicieuxque de chercher un droitsur lequelrepo-
serait la qualitépour agir car l'attribution mêmede la qualité pour
agir traduit l'existence d'un droit ...l'attribution du droit procédu-
ralpermettant d'agir confère ipsofacto des droits touchant au fond
desorte que la qualitépour agir va toujours de pair avecun droit l.))

((Quand la législature a reconnu qu'un certain ((intérê »t doit
êtrepris en considération,c'est cet ((intérêt juridiquement protég )é
qui justifie que l'on ait qualitépour se plaindre lorsqu'il y a mécon-
naissance 2.1)

Dans le cas des Mandats, la conférence dela paix de 1919-1920a
joué le rôle de ((législatur», pour recourir à une analogie en un sens
restreint et limité. Si «le demandeur a qualité pour agir, son intérêt
est un intérêt juridiquement protégé et c'est ce que l'on entend par un

droit »3.
Je tiensà redire ce que j'ai déjà indiqué plushaut, à savoir que l'ana-
logie tirée dudroit interne que je viens d'examiner estloin d'être absolue
et qu'ilimporte de voir nettement les différences avec la situation en droit
international 4. Il n'y a pas d'actio popularis généralementétablie en

l Jaffe, opcit. ,. 256; on doit noter que sa conception est différente.
Davis, Administrative Law Treaties, 1958, sect. 22.04, p. 217.
Je n'ai pas étudiéla condition, exigéeen droit constitutionaméricain, qui
porte sur l'existence d'uneaffair»ou d'une (controverse».international law has accepted and established situations in which States
are given a right of action without any showing of individual prejudice
or individual substantive interest as distinguished from the general
interest.

SECTIONVI. THECHARACTER AND STRUCTUR OEF THELEAGUE OF
NATION SND ITSROLE IN THE MANDATES SYSTEM

In its Advisory Opinion of 1950 on theStatus of South West Africa,

this Court reached the conclusion that the supervisory functions of the
League of Nations had not faded away with the dissolution of the
League but rather that the General Assembly of the United Nations
could now exercise those supervisory functions and that the Union of
South Africa "is under an obligation to submit to supervision and
control of the General Assembly and to render annual reports to it".
(P. 137of the Opinion.) In dealing with related issues in 1955and 1956,
the Court did not modify this view. The Judgment of the Court in 1962
reveals continued agreement with the same conclusion. The Court's
Judgment today does not pass upon the question of the survival of the
Mandate or its Article 6 which contains the provision requiring annual

reports to the League Council. The authority of the earlier pronounce-
ments therefore rests-as already stated in another connection-un-
impaired. Accordingly I do not find it necessaryto deal with the extensive
argumentation of Respondent about the lapse of the League's supervisory
powers. Similarly,1 find it unnecessary to deal further in this opinion
with Applicants' Submissions 2, 7 and 8.

It is equally clear that the Court's earlier conclusion that nothing
has sapped the vitality of Article 7 (1) of the Mandate, stands on the
same footing. In other words, the Mandatory could not modify the
Mandate without consent. The consent originally was to be given by

the Council of the League and now by the General Assembly of the
United Nations. "Modification" of course includes "termination".
Respondent admitted that some consent would be, or at least might be,
required in order to make changes. Inter alia, counsel for Respondent
on 7 April 1965 (C.R. 65/13, p. 6) explained that the South African
LegislativeAssembly had "contemplated" the competence of the General
Assembly to grant a South African "request" for the incorporation of
the Territory. This position would be in line with the British position
which recognized that United Nations consent should be secured for
any change in the Palestine Mandate. But counsel for Respondent
considered that a competency to grant a "request" for the ending of

the Mandate "is totally unrelated to the subject of a supervisory power".
Per contra, the correct conclusion is that such a "competency" is one
of the highest manifestations of supervisorypower. On another occasion,
the argument of Respondent seemed to be that an agreement to change
or terminate the Mandate did not need to be reached with an organ of
the United Nations but an agreement expressed through a resolution
386droit international. Mais le droit international a accepté et créé des

situations telles que les Etats ont un droit d'action sans avoirrouver
un préjudice individuelou à démontrer un intérêtindividuel touchant
au fond, distinct de l'intérêt général.

SECTION VI. NATURE ET STRUCTURE DE LA SOCIÉT É ES NATIONS -
SON RÔLE DANS LE SYSTÈME DES MANDATS

Dans l'avis consultatif qu'elle a rendu en 1950 sur leStatut du Sud-

Ouest africain, la Cour est parvenue à la conclusion que les fonctions
de surveillance de la Société desNations n'avaient pas pris fin avec
la dissolution de cette organisation, que l'Assemblée générale des
Nations Unies pouvait désormais exercerces fonctions de surveillance
et que l'Union sud-africaine avait ((l'obligationde se prêtàla surveil-
lance de l'Assemblée généraleet de lui soumettre des rapports annuels))
(C.I.J. Recueil 1950, p. 137). Lorsqu'elle a examiné en1955et en 1956

des questions connexes, la Cour n'a pas modifiéson point de vue à ce
sujet. De son arrêtde 1962,il faut déduirequ'elle restait fidèle cette
conclusion. Dansl'arrêtqu'ellerend aujourd'hui, la Cour ne seprononce
pas sur la question du maintien en vigueur du Mandat ou de son article 6
qui contient la disposition relativeà l'envoi de rapports annuels au
Conseil de la Société desNations. L'autorité des énonciations anté-
rieures demeure donc inchangée, commeje l'ai déjàdit à un autre

propos. J'estime en conséquence inutile d'examinerla longue argumen-
tation présentéepar le défendeur sur la disparition des pouvoirs de
surveillancede la Sociétédes Nations. J'estime inutile auie m'attarder
dans la présenteopinion sur lesconclusions nos2,7 et 8des demandeurs.
Il est tout aussi évidentque la conclusion antérieurede la Cour d'a-
près laquelle rien n'aentaméla validitédu premier alinéade l'article 7
du Mandat demeure toujours. En d'autres termes, le Mandataire ne

pouvait pas modifier le Mandat sans en avoir préalablement obtenu
l'autorisation. Cette autorisation qui devait initialement êtreaccordée
par le Conseil de la Société desNations doit l'êtredésormaispar l'As-
semblée générale deN s ations Unies. Bien entendu, on peut, lorsqu'on
modifie,aller jusqu'à mettrejn. Le défendeura reconnu qu'une autori-
sation serait, éventuellementtout au moins, indispensable pour intro-
duire des changements. Le conseil du défendeura expliquénotamment,
le 7 avril 1965(C.R. 65/13, p.6), que l'Assemblée législatived'Afrique

du Sud avait ((envisagé ))que l'Assemblée générala evait compétence
pour accéder àla crequête » sud-africaine en vue de l'incorporation du
territoire. Ce point de vue correspondrait à celui du Royaume-Uni,
qui avait reconnu la nécessitd'obtenir l'autorisation des Nations Unies
pour toute modification du Mandat pour la Palestine. Mais le conseil
du défendeur a estiméque la compétencevoulue pour faire droit à
une (requête »tendant à ce qu'il soit mis finau Mandat est «une question

sans aucun rapport avec celled'un pouvoir de surveillance». La conclu-
sion qui s'impose, au contraire, est que semblable ((compétence » est
l'une des manifestations les plus parfaites du pouvoir de surveillance.
386 of the General Assemblywould be a convenient "short-cut", so to speak,
tosecuring the agreement of various States. But Article 7 (1) does not

contemplate the need for consent of various States as such; it contem-
plates the need for the consent of the supervisoryorgan which originally
was the Council of the League and now is the General Assembly of the
United Nations.

The Court's Judgment today lays considerable stress on the nature
of the supervision of the mandates. It points to the Council as the
principal supervisory body. It recognizes that the Assembly of the
League could interest itself in the mandates but concludes that individual
members of the Leagueplayed no part except as members of the Council
or Assembly.The Judgment seemsto emphasize the persona, the separate
personality, not only of the League of Nations itself, but also of the
Council. It emphasizes also the provision of paragraph 1 of Article 22
of the Covenant which says that to the areas which are under man-
date,

"there should be applied the principle that the well-being and
development of such peoples form a sacred trust of civilization
and that securitiesfor theperformance of this trustshould be embodied
in this Covenant".

1 shall return later to the significanceof the words which 1have empha-
sized. The Court's Judgment today of course also recognizes the role of
the Permanent Mandates Commission which screened the annual reports
of the Mandatories and advised the Council. It minimizes the role of
the Permanent Court of International Justice. By this progression it
reaches the interpretation of paragraph 2 of Article 7 of the Mandate,
from which 1have to dissent.

The argument of Respondent also stressed the role of the Council
and of the Permanent Mandates Commissionas exclusive instrumentali-
ties, of supervision. These instrumentalities, so the argument ran, were
ones known in advance to the Mandatory and accepted by the Manda-

tory, not in terms of a general submission to any type of interna-
tional supervision, but solely in terms of that Council and that Com-
mission.
These inter-related positions and contentions are based upon an
interpretation of historical events and of international instruments
different from my own and 1 shall therefore state the understanding
which 1 have derived from a study of the relevant data. 1 shall seek to
follow the course to which the Judgrnent itself points, by examining
the scene contemporary to the drafting of the Covenant, to the in-
auguration of the League, and to the ensuing operation of the mandates
system.

387Une autre fois, le défendeura sembléadmettre qu'il n'était pas besoin
d'obtenir, pour modifierleMandat oupour ymettre fin,l'accord d'un or-
gane des Nations Unies, mais qu'uneautorisation prenantla forme d'une
résolutiondel'Assemblée généralé etaiten quelque sorte un ((raccourci))
commode pour s'assurer l'agrément de diversEtats. Mais le premier
alinéadel'article7 n'envisagepas la nécessitéd'obtenir l'autorisation de
divers Etats comme tels; il envisage la nécessitéd'obtenir l'autorisation
de l'organe de surveillance,qui étaitinitialement le Conseil de la Société
des Nations et qui est désormaisl'AssembléegénéraledeN s ations Unies.
L'arrêtque la Cour rend aujourd'hui insiste beaucoup sur la nature
de la surveillance exercéesur les Mandats. Il souligne que le Conseil

de la Société desNations était le principal organe de surveillance.
Tout en reconnaissant que l'Assembléede la Société desNations pou-
vait prendre intérêt aux Mandats,il conclut que les Membres de l'or-
ganisation ne jouaient à titre individuel aucun rôle si ce n'est comme
membres du Conseil ou de l'Assemblée. L'arrêt semble soulignelra
personnalité distincte non seulement de la Société desNations elle-
même maisaussi du Conseil. Il souligne aussi les dispositions de l'ar-
ticle22, paragraphe 1, du Pacte aux termes desquelles il faut appliquer
aux régions placéessous Mandat le principe que

«le bien-êtreet le développementde ces peuples forment une mis-
sion sacrée de civilisation, il convient d'incorporer danlse présent
Pacte des garantiespour l'accomplissement decette mission ».

Je reviendrai sur l'importance des mots que j'ai mis en italiques. L'ar-
rêtrendu aujourd'hui par la Cour reconnaît aussi, bien sûr, le rôle
imparti à la Commission permanente des Mandats qui examinait de
près les rapports annuels transmis par les Mandataires et donnait des
avis au Conseil. Il minimise le rôle de la Cour permanente de Justice
internationale. C'est par le filde cette analyse qu'il enarrivene inter-
prétation du deuxième alinéade l'article 7 du Mandat, à laquelle je
ne puis souscrire.
Dans son argumentation, le défendeura fait étatégalementdu rôle
du Conseil et de la Commission permanente des Mandats comme or-
ganes exclusifsde surveillance. Selon lui, ces organes étaientpar avance
connus du Mandataire et acceptés par le Mandataire, lequel devait

se prêternon pas généralement à n'importe quelgenre de surveillance
internationale,mais uniquement à cellede ceConseil etde cette Commis-
sion déterminés.
Ces prises de position et ces thèsesqui se répondent l'une l'autre se
fondent sur une interprétation de certains événements historiqueset
de certains instruments internationaux aui est différente dela mienne:
je vais donc exposer comment je comprends les choses après avoir étu-
diéles donnéespertinentes. Je m'efforcerai de suivre la ligne que l'arrêt
semble indiquer, en examinant les circonstances dans lesquelles le
Pacte a étéélaboréet la Société desNations crééeet les circons-
tances dans lesquelles le système des Mandats a fonctionné ensuite. It is not always easy to distinguish between actions of the League
or its organs as corporate bodies and actions of the States which com-
posed the League. 1am not concerned here to reach a conclusion whether
the League of Nations had separate international juridical personality
but 1am concerned with a realisticappraisal of its activities as an organi-
zation. In connection with the problems here under discussion, impor-
tance must be attached to the views and attitudes of Governments and
their spokesmen in the nineteen-twenties. One may take as a back-drop
certain statements in 1923and 1924 by one of the great proponents of
the League, Lord Robert Cecil:

"From a constitutional point of view, the League of Nations
was nothing but the Governments which composed it." (League of
Nations, Oficial Journal, 1923,p. 938.)
"The League was not a super-national organization; it was
nothing more than the Governments represented in its Council and
at its Assembly ... Influence could therefore never be usefully
exerted on the League as a corporate body, but only on the indi-
vidual Governments which composed it." (Ibid., 1924,pp. 329-330.)
"... he was a little afraid of any proposals which might have the
effect of transforming the Council into a body seeking to achieve
the suppression of slavery by its own initiative. The Council had
been created solely for the purpose of enabling Governments to

CO-operateand to assist them whenever necessary." (Ibid., p. 331.)

This realistic appreciation of the fact that, at least in the years when
the League began to function, the Governments of the member States
were the real actors, is underscored by the history of the action
taken under paragraph 8 of Article 22 of the Covenant which reads as
follows :
"The degree of authority, control, or administration to be
exercised by the Mandatory shall, if not previously agreed upon by

the Members of the League, be explicitly dehed in each case by
the Council."
Section IV of this opinion traced the history of the drafting of the
mandates in the Milner Commission up to their transmission to the
PeaceConferenceinAugust 1919.As already noted, they were not finally
confirmed by the Council of the League until 17December 1920.In the
interval, there were negotiations with the United States, discussions of
the Japanese insistence on "open-door" clauses in the 'C' mandates,
and the preparation of the 'A'mandates and the mandates for the Togos
and Cameroons which had not been drafted by the Milner Commission.
The League Assembly becameimpatient at the delay,and there waspublic

demand for the publication of the text of the mandates l.

l At this point, it is convenient to repeat, with some modifications and additions,
a portion of my separate opinion of 1962-at pp. 390 ff. Il n'est pas toujours facile de faire le départ entre l'action de la So-
ciété desNations ou de ses organes en tant qu'entités collectiveset l'ac-
tion des Etats qui constituaient l'organis,ation. Je ne cherche pas icià
formuler de conclusion sur le point de savoir si la Société desNations

avait une personnalité juridique internationale distincte. je cherche à
apprécier defaçon réaliste l'activité qu'elle exerçait etant qu'organisa-
tion. Pour l'étude des problèmesqui nous intéressent ici,les vues expri-
mées et les attitudes adoptées par les gouvernements et leurs porte-
parole vers 1920présentent de l'importance. Il y a lieu d'évoquertout
d'abord certaines déclarations qui ont été faites en1923et en 1924par
l'un des grands avocats de la Société desNations, lord Robert Cecil:
«Au point de vue constitutionnel, la Société desNations est

l'ensemble des gouvernements qui la composent et rien de plus. »
(Société desNations, Journal officiel, 1923, p. 938.)
((La Sociétén'est pas une organisation supranationale, elle n'est
rien en dehors des gouvernements représentés à son Conseil et à
son Assemblée ...on peut donc utilement exercer de l'influence non
pas sur la Société desNations en tant qu'organisme mais seulement
sur les gouvernements qui la composent. )(Ibid., 1924,p. 329-330.)
((Lord Robert n'est pas sans redouter des propositions qui pour-
raient avoir pour résultat de transformer le Conseil en une institu-

tion essayant, par ses propres forces, de supprimer l'esclavage.
Le Conseil n'a été institué que pour permettre aux gouvernements
de coopérer et pour leur prêterson concours toutes les fois que
cela est nécessaire.))(Ibid., p. 331.)
On voit donc par cette appréciation réaliste que, au moins durant
les premières années d'existencede la Société desNations, ce sont les
gouvernements des Etats Membres qui ont été les vraisacteurs; cela

est encore soulignépar la façon dont on a donnésuite au paragraphe 8
de l'article 22 du Pacte, lequel se lit comme suit:
((Sile degréd'autorité,de contrôle ou d'administration à exercer
par le Mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention antérieure
entre les Membres de la Société, il sera expressémensttatuésur ces
points par le Conseil. »

La section IV de la présenteopinion retrace l'historique de la rédac-
tion des Mandats à la Commission Milner jusqu'au moment où lestextes
ont été transmis,en août 1919, à la conférence de la paix. Comme
on l'a déjà signalé,ces Mandats n'ont étéen définitiveconfirméspar le
Conseil de la Société desNations que le 17décembre1920.Dans l'inter-
valle, ont eu lieu des négociations avec les Etats-Unis et des débats
occasionnés par l'insistance du Japon à faire inscrire la clause de la
((porte ouverte1)dans les Mandats C; d'autre part, on a élaboréles Man-
dats A et les Mandats pour le Togo et le Cameroun qui n'avaient pas

été rédigé psar la Commission Milner. L'Assemblée dela Société des
Nations a manifestéune certaine impatience devant ces retards et l'opi-
nion a réclamé lapublication du texte des Mandats l.
Je crois devoir reprendre ici, à quelques modifications et additions près, une
partie de mon opinion individuelle de 1962(p. 390 et suiv.).

388 "The Council of the League of Nations on 5August 1920adopted

the report prepared by M. Hymans of Belgium on 'The Obligations
of the League of Nations under Article 22 of the Covenant (Man-
dates)'. This report was designed in part to clarify the respective
roles of the Council and the Assembly of the League in regard to
Mandates, but it constitutes the basic document concerning the
respective roles of the Council of the League on the one hand and
the PrincipalAllied Powers on the other. It will be recalled tliat
France, Great Britain, Japan and Belgium, namely the four States
which accepted Mandates-Great Britain acting in several capaci-
ties-were at this time Members of the Council of the League. In
adopting the Hymans Report, the Council of the League approved,
inte rlia,the following conclusions:

........................

3. On the question 'By whom shall the terms of the Mandates
be determined?'the report said:
'It has not been sufficiently noted that the question is only
partially solved by paragraph 8 of Article 22, according to which
the degree of authority, control or administration to be exercised
by the Mandatory, if not defined by a previous convention, shall
be explicitly definedby the Council.'

The report continued that most Mandates would contain many
provisions other than those relating to the degree of authority.
Itsaid that the B and C Mandates must be submitted 'for the
approval of the Council'. In the light of paragraph6 of Article 22
of the Covenant, it concluded that 'it is not indispensable that
C Mandates should contain any stipulation whatever regarding
the degree of authority or administration'.
4. The report discussed the meaning of 'Members of the League'
as used in paragraph 8 of Article 22. It concluded that this term
could not be taken literally because if it were it would mean that
the Assembly of the League would have to detennine the terms of
the Mandates since only the Assembly brought al1 the Members
together; if the drafters had meant to refer to the Assembly, they
'would have mentioned it by name, rather than used an obscure

periphrasis'. The report concluded that when the Article was
drafted it was supposed that conventions dealing with Mandates
would be included in the Peace Treaty and that only the Allied and
Associated Powers would be original Members of the League.
The term 'Members of the League'in paragraph 8 of Article 22 was
thus intended to refer to al1the signatories, except Germany, of the
Treaty of Versailles. Practically, the report recommended that
the Council ask the Powers to inform the Council of the terms
they proposed for the Mandates.
On 26 October the Council adopted a second report by M.
Hymans on the question of Mandates.
389 «Le 5 août 1920le Conseil de la Société desNations a adopté
le rapport préparépar M. Hymans, représentant de la Belgique,
sur les ((Obligationsincombant àla Société des Nations aux termes
de l'article22 du Pacte (Mandats) ))Le but de ce rapport étaitde

clarifier les rôles respectifs du Conseil et de l'Assembléede la So-
ciété desNations à l'égard desMandats, mais il constitue aussi
le document de base relatif aux rôles respectifs du Conseil de la
Société d'une part et des Principales Puissances alliéesd'autre part.
On se souviendra que la France, la Grande-Bretagne, le Japon et
la Belgique, c'est-à-dire les quatre Etats qui avaient accepté des
Mandats - la Grande-Bretagne agissant à plusieurs titres -,
faisaient alors partie du Conseil de la Société. Enadoptant le
rapport Hymans, le Conseil de la Sociétéapprouvait inter alia
les conclusions suivantes :
........................

3. A la question (Qui doit déterminer lestermes des Mandats? 1)
le rapport répond:
((On n'a pas assez remarqué quela question n'est résolueque
partiellement par le paragraphe 8 de l'article 22 suivant lequel,
si le degréd'autorité, de contrôle ou d'administration n'est pas

déterminépar une convention antérieure, le Conseil doit statuer
sur ces points. »
Le rapport indique ensuite que la plupart des Mandats contien-
dront bien d'autres prescriptions que celles qui sont relatives au
degréd'autorité. Il préciseque les Mandats B et C devront être

soumis ((àl'approbation du Conseil)). Eu égardau paragraphe 6
de l'article 22 du Pacte, il conclut qu'((iln'est donc pas indispen-
sable que les Mandats ...C contiennent des dispositions quelcon-
ques en ce qui concerne le degréd'autorité ou d'administration ».
4. Le rapport traite du sens de l'expression ((Membres de la
Société))figurantdans le paragraphe 8 de l'article 22. Il conclut
qu'elle ne smrait êtreprise au pied de la lettre, car il en résulterait
que le soin de déterminer lestermes des Mandats reviendrait à
l'Assembléede la Société,qui seule réunit tous les Membres; si
les rédacteurs avaient voulu désigner l'Assemblée, «ils auraient
employéce terme et n'auraient pas eu recours à une périphrase

obscure ».Le rapport conclut que, lorsque l'article a étérédigé,
on croyait que les conventions relatives aux Mandats seraient insé-
réesdans le traité de paix et que seules les Puissances alliéeset as-
sociées seraient Membres fondateurs de la Société desNations.
Le terme ((Membresde la Société ))voulait désignerdans le para-
graphe 8 de l'article 22 tous les signataires du traité de Versailles,
sauf l'Allemagne. Enpratique, le rapport recommandait au Conseil
de demander aux Puissances de lui faire connaître leurs proposi-
tions quant aux termes des Mandats.
Le 26 octobre, le Conseil a adopté un second rapport présenté
par M. Hymans sur la question des Mandats.

389 This Report stated:
'With regard to Mandates B and C, it appears that the Prin-
cipal Powers are in agreement on many points, but that there
are differences of opinion as to the interpretation of certain of
the provisions of Article 22, and that the negotiations have not
yet been concluded.
Beyond doubt, it is in every way desirable that the Principal
Powers should be able to arrive at a complete understandingand
to submit agreements to the League. Failing this very desirable
agreement however, the Covenant provides for the intervention
of the Council with a view to determiningthe degree of authority,
ofcontrol or ofadministration to be exercisedbythe Mandatories.'
... 'We sincerely hope therefore that before the end of the
Assembly the Principal Powers will have succeeded in settling
by common agreement the terms of the Mandates which they

wish to submit to the Council.' (Italics added.)
The difference of opinion to which the Report referred, in the
case of the C Mandates, was the Japanese reservation on the Open
Door."

The Principal Powers did reach agreement.
There is further evidence of the contemporary understanding of the
respective roles of the member powers and of the League Council in
establishing the Mandates.
The Prime Minister of Great Britain said in the House of Commons
on 26 July 1920(when asked "Do the Great Powers submit Mandates
to the League of Nations? 1ssubmissionthe real attitude?'): "The Great
Powers are on the League of Nations, and they are only submitting to
themselves." Again on 8 November 1920, when asked whether dele-
gates at the League can "alter, amend and reject a mandate?', the
Prime Minister replied :

"The great Powers are represented, of course, on the Council
of the League, and these Mandates have to be submitted to the
Council of the League. It will require the unanimous consent of
the Council of the League to reject them ... Nothing can be done

except by a unanimous decision of the Council. That means that
nothing can be done without the consent of the Powersconcerned."
Further, on 14December 1920,a question was put asking whether any
draft mandates had been submitted to the Assembly of the League
"and, if not, why not, seeingthe duty ofehing the degree of authority,
control, or administration to be exercised by the mandatory falls in
the first place on the Members of the League?' The Under-Secretary
of State for Foreign Affairs made a printed reply in which he said:

"... the Council of the League of Nations decided on 5 August
1920,that the duty of defining the degree of authority, control, or
390 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS.JESSUP) 392

Ce rapport déclare :
En ce qui concerne les Mandats B ou C, il apparaît que l'ac-
cord est établi entre les Principales Puissances sur de nombreux

points, mais que des divergences subsistent sur l'interprétation
de certaines dispositions de l'article 22 et que les négociations
ne sont pas arrivées à leur terme.
Assurément, il est hautement désirable que les Principales
Puissances puissent réaliserune pleine entente et soumettre des
conventions au Conseil. A défautde cette entente si souhaitable,
le Pacte prévoit l'intervention du Conseil à l'effet de statuer
sur le degréd'autorité, de contrôle ou d'administration à exer-
cer par les mandataires. »

...((Aussi espérons-nous vivement que, avant que l'Assemblée
ne se sépare, les Principales Puissances auront arrêté de concert
les formules de mandats destinées à êtresoumises au Conseil. ))
(Les italiques sont de nous.)
Les divergences dont le rapport fait état dans le cas des Man-

dats C tiennent à la réserveformuléepar le Japon sur la clause de
la porte ouverte.»
Les Principales Puissances ont en définitiveabouti à un accord.
Il existe encore d'autres documents qui témoignent de la façon dont
était conçu à l'époque le rôle respectif des Puissances membres du
Conseil de la Société desNations dans l'établissement des Mandats.

Le premier ministre de Grande-Bretagne a déclaré à la Chambre
des communes le 26juillet 1920(en réponse à la question: ((Lesgrandes
Puissances soumettent-elles les Mandats à la Société des Nations?
Est-ce là leur position véritable? »): Les grandes Puissances sont
Membres de la Société desNations et ne soumettent les Mandats qu'à
elles-mêmes. )A nouveau, le 8 novembre 1920,lorsqu'on lui a demandé
si les représentants envoyés la SociétédesNations pouvaient ((modifier,
amender et rejeter un Mandat », le premier ministre a répondu:

((Les grandes Puissances sont naturellement représentées au
Conseil de la Sociétéet ces Mandats doivent êtresoumis au Conseil
de la Société. Ils ne peuventêtrerejetés que de l'accord unanime
du Conseil de la Société...Rien ne peut se faire sans une décision
unanime du Conseil. C'est dire que rien ne peut sefaire sans l'accord
des Puissances intéressées.

Le 14 décembre 1920, la question a de nouveau été posée de savoirsi
des projets de Mandats avaient été présentés à l'Assemblée dela Société
des Nations ((et, dans la négative,pourquoi tel n'avait pas étéle cas,
puisque l'obligation de définirle degréd'autorité, de contrôle ou d'ad-
ministration à exercer par le Mandataire incombe au premier chef aux
Membres de la Société? ))Le sous-secrétaire dYEtataux Affaires étran-
gères à fait publier une réponse impriméedans laquelle il disait:

((le Conseil de la Sociétédes Nations a décidéle 5 août 1920 que,
d'après le Pacte, l'obligation de définirle degréd'autorité, deon-
390 administration to be exercised by the mandatory does not under
the Covenant in the first place fa11upon the Assembly of the League
of Nations. According to clause 8 of Article 22 of the Covenant,
the degree of authority, control, or administrations to be explicitly
dehed in each case by the Council 'if not previously agreed upon
by the Members of the League'. The Council considered that the
words 'Members of the League' in this context were intended
by the framers of the Covenant to designate the Members of the
League concerned, i.e., the great Powers assembled at the Peace
Conference among whom the mandates were to be distributed. The
text of the Covenant is thus held to provide for the intervention
of the League of Nations as regards the settling of the terms of
the mandates, only through the organ of the Council of the League,
and that only in case of disagreementamong the Powers concerned.
The Powers have, however, decided to give to the words of the
Covenant a wider interpretation and to take them as implying
that the Council shall act not merely in case of disagreement, but
in al1cases as a confirming authority. Negotiations for overcoming

certain outstanding difficulties are in progress and if agreement
can be reached it is hoped that the approval of the League will be
given to the draft mandates before the close of the present session
at Geneva."

This was also the point of view set forth in the Ishii Report to the
Council of 20 February 1921 where the Rapporteur said that: "In
general ... the role of the Council may be limited merely to ratification
of the proposais made by the mandatory powers."
Six years later the British Government's analysis of the situation
had not been changed. On 21February 1927,in response to the question:
"Who conferredthe Mandate for Tanganyika territory on His Britannic

Majesty?', the Secretary of State for the Coloniesreplied:
"Under Article 119of the Treaty of Versaillesthe former German
territories in Africa were surrendered to the Principal Allied and
Associated Powers who, in accordarice with Article 22 of the
Treaty [scilicit the Covenant], agreed that the mandates to ad-
minister these territories should be conferred upon the Govern-
ments concerned; and proposed the terms in which the mandates
should be formulated. Having arranged the allocation and delimi-
tation of these territories as between themselves, the Governments
concerned agreed to accept their respective Mandates and to exer-
cisethis on behalf of the League of Nations on the proposed tenns,
and the Mandates were then confirmed by the Council of the
League."

In addition to this clear evidence of the British interpretation of the
actual application of paragraph 8 of Article 22 of the Covenant, one may
note that at the private session of the Council on 4 August 1920,
M. Bourgeois (France) pointed outthat :"the Principal Alliedand Asso-
391 trôle ou d'administration à exercer par le Mandataire n'incombe
pas au premier chefà l'Assembléede la Sociétédes Nations. Confor-

mémentau paragraphe 8 de l'article 22 du Pacte, c'est le Conseil
qui doit expressémentstatuer sur le degré d'autorité, de contrôle
ou d'administration si cela «n'a pas fait l'objet d'une convention
antérieure entre les Membres de la Société ». Le Conseil a estimé
que, lorsqu'ils parlent des ((Membres de la Société », les auteurs
du Pacte veulent désigner dans ce contexte les Membres de la
Société intéressé aux Mandats, c'est-à-dire les grandes Puissances
réunies à la conférence dela paix, entre lesquelles les Mandats
doivent être répartis. Onconsidère donc que, d'après le texte du
Pacte, la Sociétédes Nations n'est censéeintervenir dans la mise

au point définitivedes dispositions des Mandats que par l'inter-
médiairedu Conseil, et cela uniquement en cas de désaccordentre
les Puissances intéressées.Ces Puissances ont toutefois décidéde
donner au libellédu Pacte une interprétation plus large et d'ad-
mettre qu'il prévoitimplicitement que le Conseil doit agir non pas
seulement en cas de désaccord,mais dans tous les cas, pour confir-
mer les décisionsprises.On procède actuellement à des négociations
pour résoudre certaines difficultésqui subsistent encore et, si l'on
peut aboutir à un accord, il faut espérer quela Société desNations
approuvera les projets de Mandat avant que la présentesession ne

prenne fin àGenève. ))
C'est égalementle point de vue qui ressort du rapport Ishii présenté
au Conseil le 20 février1921, dans lequel le rapporteur déclarait: (En
général ...le rôle du Conseil pourra se borner à la ratification des pro-
positions faites par les Puissances mandataires.))

Six années plustard le Gouvernement britannique analysait toujours
la situation de la mêmemanière. Le 21 février1927, en réponse à la
question: «Qui a conféréle Mandat pour le Tanganyika à S.M. britan-
nique? n,le secrétairedYEtataux colonies a répondu:
«Par l'article 119 du traité de Versailles, l'Allemagne a renoncé
à ses anciennes possessions africaines en faveur des Principales
Puissances alliéeset associéesqui sont convenues, selon l'article 22

du traité [c'est-à-dire du Pacte], que les Mandats relatifs l'admi-
nistration de ces territoires seraient confiés aux gouvernements
intéresséset ont proposé les termes dans lesquels les Mandats
devaient être énoncés. S'étant entendussur l'attribution et la
délimitation de ces territoires, les gouvernements intéressésont
accepté leurs mandats respectifs et ont également accepté deles
exerceraunom dela SociétédeN s ations etconformémentauxtermes
proposés. Les Mandats ont alors étéconfirméspar le Conseil. ))

Outre ces documents qui montrent clairement comment la Grande-
Bretagne interprétaitla façon dont devaient être appliquées les disposi-
tions du paragraphe 8 de l'article 22du Pacte, on peut noter encore qu'à
la séancenon publique tenue par le Conseil le 4 août 1920,M. Bourgeois

391 ciated Powers, at the moment when the Covenant was drafted, had,
in using the phrase 'Members of the League', ineffectintended to refer
to themselves." In a discussion on the mandate drafts in the Council
of the League on 10 December 1920, the Representative of Italy said
that, strictly speaking, by the terms of Article 22 (8) of the Covenant,
no drafts of 'A'mandates had been brought to the notice of the Council
since they had not yet been communicated to Italy "and, consequently,
there was, as yet, no agreement in regard to the matter between the
PrincipalAllied Powers". He referred to the "necessity of an agreement
betweenthePrincipalAllied Powers,asprovidedfor by Article 22". (Italics
added.)
In the light of this record there is no escape from a further point
noted in my separate opinion of 1962 which apparently is not fully
accepted in the Court's Judgment. The point is whether the fourth
paragraph of the preamble of the Mandate for South West Africa is
evidence contradicting the conclusion just set forth above and proves
that the Powers had not agreed upon the terms of the Mandate and that

they were actually "defined" by the Council.

When on 14 December 1920,Mr. Balfour handed in to the Council
drafts of the 'C' mandates, the Council immediately referred these
drafts to the Secretariat to be studied by the experts. As appears from
subsequent reports by Viscount Ishii, the Secretariat was concerned
to make sure that the proposed terms conformed to Article 22 of the
Covenant and that the role of the Council of the League should be
appropriately recognized. As stated by Viscount Ishii, what is now the
fourth paragraph of the preamble was inserted-

"to define clearly the relations which, under the terms of the
Covenant, should exist between the League of Nations and the
Council on the one hand, and the Mandatory Power on the other".
Along the same lines, the words followingthe preamble in the Balfour
draft (the Council "approves the terms of the Mandate as follows"),
were replaced by the phrase which appears in the final text, namely:
"Confirming the said Mandate, definesits terms as follows:"

The fourth paragraph of the preamble, as inserted by the League
Secretariat, is capable of misconstruction.The Englishtext, as it appears
in the final version of the Mandate, reads as follows:
"Whereas, by the aforementioned Article 22, paragraph 8, it
is provided that the degree of authority, control or administration
to be exercised by the Mandatory not having been previously
agreed upon by the Members of the League, shall be explicitly

defined by the Council of the League of Nations:"
It willbeseenthat this text slightly paraphrases the text of paragraph 8
of Article 22 of the Covenant. On the other hand, the French text
follows the text of paragraph 8 of Article 22 more closely and, in doing

392(France) a souligné: Les ((Puissancesalüéeset associées,en usant, lors
de la rédaction du Pacte, des mots ((Membres de la Société » ont bien

entendu voulu se désignerelles-mêmes. ))Le 10décembre1920,au cours
de la discussion des projets de Mandat au sein du Conseil de la Société
des Nations, le représentantde l'Italie a déclaré qu'aux termesdu para-
graphe 8 de l'article 22 du Pacte le Conseil ne se trouvait pas encore
saisi à proprement parler de projets de Mandat A parce qu'aucun de
ces projets n'avait encore été communiqué à l'Italie et que «par consé-
quent, il n'y [avait]pas encore à leur égard accord entre les Principales
Puissances alliées ».11s'est référé à la ((nécessitéde l'accord des Prin-

cipalesPuissancesalliées,visée par I'article2 » (lesitaliques sont de nous).
Compte tenu de tous les éléments ci-dessus,on est inévitablement
amené à une autre observation que j'ai formulée dans mon opinion
individuelle de 1962et que l'arrêt dela Cour ne semble pas pleinement
accepter. Il s'agit de la question de savoir si le quatrième alinéadu
préambule du Mandat pour le Sud-Ouest africain contredit en fait la
conclusion énoncée ci-dessus et prouve que les Puissances n'étaient pas
convenues des termes du Mandat et que c'est leConseil qui a en réalité

(statué1).
Quand, le 14 décembre 1920, M. Balfour a présentéau Conseil de
la Sociétédes Nations les projets types de Mandat C, le Conseil les a
immédiatementrenvoyésau Sécretariatpour être soumis auxexperts.
Il ressort des rapports ultérieursdu vicomte Ishii que le Secrétariats'est
efforcéde faire en sorte que les termes prévus fussent conformes à l'ar-
ticle 22 du Pacte et que le rôle de la Sociétéfût dûment reconnu. Le
vicomte Ishii signalait que le texte qui forme à présent le quatrième
alinéa du préambule avaitpour but

(de définirclairement les relations qui, aux termes du Pacte, doivent
exister entre la Sociétédes Nations et le Conseil, d'une part, et la
Puissance mandataire de l'autre ».

C'est dans le mêmeesprit que les mots qui suivaient le préambule
dans le projet Balfour ([le Conseil]«par la présente, approuveles termes
du Mandat comme suit: »)ont étéremplacéspar la phrase figurant dans
le texte définitif,à savoir: «Par la présente, confirmant le mandat, a

statué surses termes comme suit: ))
Le quatrième alinéa du préambule, insérépar le Secrétariat de la
Société desNations, est sujet à malentendu. Le texte anglais, tel qu'il
apparaît dans la version définitivedu Mandat, est le suivant:

« Whereas, by the aforementioned Article 22, paragraph 8, it is
provided that the degree of authority, control or administration
to be exercised by the Mandatory not having been previously
agreed upon by the Members of the League, shall be explicitly
defined by the Council of the League of Nations: ))

On notera que ce texte paraphrase plus ou moins le texte du paragraphe
8 de l'article 22 du Pacte. Mais le texte français suit plus exactement
le texte du paragraphe 8 de l'article 22 et, ce faisant, indique plus
392so, brings out more clearly the condition subject to which the Council
was authorized to act. The French text reads as follows:
"Considérant que, aux termes de l'Article22ci-dessusmentionné,
paragraphe 8, il est prévu que si le degréd'autorité, de contrôle
ou d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet
d'une Convention antérieure entre les Membres de la Société,il
sera expressémentstatué sur ces points par le Conseil:" (Italics
added.)

Moreover, in the English text of the Ishii report, the phrase "not having
been previously agreed upon by Members of the League" is set off by
commas, thus affording a construction which, in English, may also
be conditional. The use of the comma after the word "Mandatory"
is to be found in the Mandates for Syria, Lebanon, Palestine, Belgian
East Africa, British East Africa, and the Pacific Islands north of the
Equator, but it has dropped out in the texts of the Mandates for the
Pacific Islandssouth of the Equator, for Samoa and for Nauru and for
South West Africa.

If thefourth paragraph of the Preamble is read as an assertion that
the Members of the League had not previously agreed upon the terms
of the Mandate, given the interpretation which the Council and its
Members were currently giving to the expression "Members of the
League", the assertion would be not only contrary to the historical
facts but to the recital ofthose facts in paragraphs two and three of
the Preamble. Moreover, it is perfectly clear from the record that it
was the Principal Powers and not the Council which "explicitly defined"
the terms of the Mandate, including those terms which alone the Council,
under stated conditions, was authorized by paragraph 8 of Article 22
to define.
This whole fourth paragraph of the Preamble is omitted entirely from
the four Mandates for Togo and the Cameroons which as already noted
had a different development. At the meeting of the Council of Four
on 7 May 1919,when the decision was taken to allocate the Mandates,
it was agreed that the British and French Governments would make a
joint recommendation to the League as to the future of the former

colonies of Togo andthe Cameroons; at this point there was no decision
to place these territories under mandate. But the Joint Recommendation
of the two Governments to the League on 17December 1920proposed
a division of the two colonies between France and Great Britain and, in
accordance with the spirit of Article 22, that they be placed under
mandates. The two Governments accordingly sent to the Council four
draft mandates which are similar to the other 'B'mandates. The Joint
Recommendation says that the two Governments "venture to hope that
when the Councilhas taken note of them it will consider that the drafts
have been prepared in conformity with the principles laid down in the
said Article 22, and will approve them accordingly". clairement la condition à laquelle le Conseil était autoriséà agir. Le
texte français est le suivant:

((Considérantque, aux termes de l'Article22 ci-dessusmentionné,
paragraphe 8, il est prévuque si le degréd'autorité,de contrôle ou
d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet
d'une Convention antérieureentrelesMembres de la Sociétéi,l sera
expressémentstatué sur ces points par le Conseil: » (Les italiques

sont de nous.)
En outre, dans le texte anglais du rapport Ishii, le membre de phrase
ccnothaving been previously agreed upon by Members of the League »
est placé entredeux virgules, construction qui, en anglais, peut indiquer

aussi une condition. La virgule qui figiire après le mot aMandatory »
seretrouve dans lesMandatspour la Syrieet leLiban etpour la Palestine,
le Mandat belge sur l'Est africain, le Mandat britannique sur l'Est
africain et les Mandats pour les îles du Pacifique situéesau nord de
l'équateur, maiselle ne figure pas dans le texte des Mandats pour les
îles du Pacifique au sud de l'équateur,ni dans les Mandats pour Samoa,
pour Nauru et pour le Sud-Ouest africain.
Si l'on estime que le quatrième alinéadu préambule affirme que les
Membres de la Société desNations n'ont pas statué antérieurement sur
les termes du Mandat, étant donnél'interprétation que le Conseil et

ses Membres donnaient couramment à l'expression ((Membres de la
Société desNations »,cette affirmation ne serait pas seulement contraire
aux faits historiques mais encore à l'énoncé deces faits au deuxième
et au troisième alinéa du préambule.Au reste, il ressortàl'évidencedu
dossier que ce sont les Principales Puissances et non le Conseil qui ont
statué)sur les termes du Mandat, y compris les termes que seul, dans
les conditions indiquées, le Conseil était autorisé définir envertu du
paragraphe 8 de l'article 22.
Ce quatrième alinéa du préambule est tout entier omis dans les
quatre Mandats sur le Togo et le Cameroun, dont l'élaboration a été

différente, commeje l'ai déjàfait observer. A la séancedu 7 mai 1919
du Conseil des Quatre, lorsque la décisiona étéprise de distribuer
les Mandats, il a été convenu queles Gouvernements britannique et
français soumettraient une recommandation conjointe à la Société
quant au sort des anciennescolonies du Togo et du Cameroun; il n'avait
pas encore été décidé de placec res territoires sous Mandat. Mais la
recommandation concertée présentée à la Société desNations par les
deux gouvernementsle 17 décembre1920proposait le partage des deux
colonies entrela France et la Grande-Bretagneet prévoyait, dans l'esprit
de l'article 22, qu'ellesseraient placéessous Mandat. Les deux gouverne-

ments ont en conséquence soumisau Conseil quatre projets de Mandat
analogues aux autres Mandats B. Cette recommandation concertée
énonce que les deux Gouvernements cosent espérer que le Conseil,
après avoir pris note des projets, considérera qu'ils ont été préparés
conformémentauxprincipes énoncéa su mêmearticle 22et lesapprouvera
en conséquence P. When the Council of the League approved these four drafts on
1August 1922,it didnot insertthe new fourth paragraph of the Preamble
although it did insert the linal one-line phrase. If it had been the
understanding that under Article 22 of the Covenant the Council
actually had to define al1the terms of the Mandates in the absence of
prior agreement by al1the Members of the League, and if the fourth

paragraph of the Preamble as it appears, inter alia, in the Mandate for
South West Africa, is to be so understood, it would be impossible to
explain why these four Mandates were subject to a different rule. The
second paragraph of the Preamble of these four Mandates recites that
the Principal Allied and Associated Powers had "agreed" that France
and Great Britain should make a joint recommendation concerning
these former colonies and this was evidently treated as an agreement of
the Powers in advance to accept whatever recommendation the two
governments might make. This conclusion is borne out by the treaties
of 13 February 1923between the United States and France concerning
the rights of the former in French Cameroons and Togo; they refer
to the agreement of the four Powers upon these Mandates, just as the
treaty of 11 February 1922between the United States and Japan con-
cerning rights in the islands under Japanese mandate recites the prior
agreement of the same four Powers on the allocation of the Mandate
and on its terms.

Soin dealingwith 'A'mandates, the Council, at its Thirteenth Meeting
on 24 July 1922approved a frank declaration which says:

"In view of the declarations which have just been made, and of
the agreement reachedby al1the Members of the Council,the articles
of the Mandates for Palestine and Syria are approved."

It is necessary at this point to deal briefly with another detail of the
interpretation of Article 22 of the Covenant. Paragraph 1 of Article 22
has been quoted above with particular emphasis upon the words "and
that securitiesfor the performance of this trust should be embodied in
this Covenant". Since there is reference in the further paragraphs of
Article 22 to the Council of the League and also to "a permanent com-
mission" but no mention whatever of the Permanent Court of Inter-
national Justice,it has been argued that resort to the Court asltimately
provided for in paragraph 2 of Article 7 of the Mandate is not one of
the "securities for the performance of this trust" and therefore must
have some lesser or different role. In rejecting this point of view, it
must be noted that the quoted text of paragraph 1 of Article 22 does
not say "al1the securities" or even "the securities", which would have
the same meaning. This is made the more clear by the French text which
says ".. . il convient d'incorperer dans le présent Pacte des garanties
pour I'accomplissement de cette mission". It surely was not ultra vires
the Council to conkm the inclusion in the Mandate of Article 7 with its
two safeguards-one requiringthe Council'sconsent to any modification En approuvant ces quatre projets le ler août 1922, le Conseil de la

Société desNations n'y a pas introduit le nouveau quatrième alinéadu
préambule, bien qu'il ait inséréla phrase d'une ligne qui le suit. S'il
était convenu qu'aux termes de l'article 22 du Pacte le Conseil avait
à statuer sur tous les termes des Mandats en l'absence d'un accord
antérieur entre tous les Membres de la Société desNations, et si le
quatrième alinéadu préambule tel qu'il figure, entre autres, dans le
Mandat pour le Sud-Ouest africain doit être entendu ainsi, il serait
impossible d'expliquer pourquoi ces quatre Mandats sont régispar des
règles différentes. Le deuxième alinéa du préambule de ces quatre
Mandats énonce que les Principales Puissances alliéeset associées ((sont

tombées d'accord » que la France et la Grande-Bretagne feraient une
recommandation concertée concernant ces anciennes colonies et cela
a étéévidemmentconsidérécomme un accord conclu à l'avance entre
les Puissances en vue d'accepter toute recommandation que les deux
gouvernementspourraient faire. Cette conclusion est confirméepar les
traités du 13 février1923 entre les Etats-Unis et la France relatifs aux
droits des Etats-Unis dans le Togo et le Cameroun français; ils se réfè-
rent à l'accord des quatre Puissances sur les Mandats, tout comme le
traité du 11 février 1922 entre les Etats-Unis et le Japon concernant

certains droits dans les îles placéessous Mandat japonais rappelle
l'accord antérieur des quatre mêmesPuissances sur l'attribution du
Mandat et sur ses termes.
Ainsi, le 24 juillet 1922, discutant des Mandats A, le Conseil, en
sa treizième session,a approuvé une délaration très nette qui constate:

((Aprèsles déclarations qui viennent d'être faiteset vu l'accord
de tous les membres du Conseil, les articles des Mandats pour la
Palestine et la Syrie sont approuvés.))

Il importe ici de s'arrêterbrièvement à un autre point de détail inté-
ressant l'interprétation de l'article 22 du Pacte. J'ai cité plus haut le
paragraphe 1 de l'article 22 en soulignant particulièrement le membre
de phrase: ((etil convientd'incorporer dansleprésentPacte des garanties
pour l'accomplissementde cette mission ». Comme il est question, dans
les autres paragraphes de l'article 22, du Conseil de la Société des
Nations et aussi d'une ((commission permanente » mais qu'il n'est fait
aucune mention de la Cour permanente de Justice internationale, on
a soutenu que le renvoi devant la Cour tel qu'il est en définitiveprévu

au deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat ne constitue pas l'une des
((garanties pour l'accomplissement de cette mission )et doit par consé-
quent jouer un rôle moindre ou différent. Je n'adopte pas ce point de
vue et tiens à faire.observerqu'au paragraphe 1 de l'article 22, le mem-
bre de phrase citéne dit pas ((toutes les garantie» ni même((lesgaran-
ties», ce qui aurait le mêmesens. Cela ressort avec une particulière
clarté dela version française: «il convient d'incorporer dans le présent
Pacte des garanties pour l'accomplissem,entde cette mission ».Ce n'était
certainement pas un excèsde pouvoir de la part du Conseil que de con-and the other providing for recourse to the Permanent Court of Inter-
national Justice.

It is nownecessaryto turn to the argument of Respondentnoted above
to the effect that Respondent as Mandatory had agreed to accept only
acertain veryspecifickind ofsupervisionnamelythat specifiedin Article22
of the Covenant when it referred to the Council of the League and to
the commission which actually became the Permanent Mandates Com-
mission. These bodies, so the argument runs, were known in advance
to the Respondent which accordingly knew precisely what kind of
supervision it was agreeing to accept.

Counsel for Respondent relied heavily on the proposition that the
whole mandates system was adopted as a compromise and that, ac-
cordiiigly, one must bear in mind in interpreting the mandates the point
of view of the Mandatory Powers which, at times, was strongly opposed
to the ideas advanced largely by President Wilson. It is of course true,
that two points of view were aired at the Paris Peace Conference. On
the one hand there were those who advocated the annexation of the
colonial possessions of the enemy powers. The interests of some of the
victorious Powers which advocated this point of view attached differing
importance to the Middle Eastern area and to the African area. President
Wilson was vigorously opposed to the idea of annexation, but it was
the famous project of General Smuts of South Africa which he accepted
and upon which the ultimate mandates system was based

With particular reference to the British Dominions and especially to
the Union of South Africa, certain particular factors must be borne in
mind if the circumstances attending the "negotiations" of the Mandate
for South West Africa are to be properly understood. There is no need
here to dwell upon the familiar incidents at the Paris Peace Conference
in the last few days of January 1919,but it may be recalled that at this
stage President Wilson had succeeded in gaining the support of Mr.
Lloyd George for the principle of non-annexation and the establishment
of the mandates system. The other members of the "Big Five" were no
longer in opposition.The final "compromise" based on thememorandum
presented to the Council of Ten by Lloyd George on 30 January (the
text of which with only some modifications became Article 22 of the
Covenant) was a domestic matter concerning the internal arrangements

of the British Empire. From the international point of view Great
Britain had not conditioned her acceptance of the mandates system or
the role of mandatory, on the adoption of the draft of what became
Article 22 of the Covenant including the plan for the 'C' mandates
which entrusted wide powers to South Africa and to Australia in their
mandates respectively in South West Africa and in New Guinea and
the PacificOcean south of the Equator. In effect,Lloyd George appealed
to the other members of the Council of Ten to help him meet the internal

inhishmandate scheme.owsver, had not included the German coloniesin Africa

395 SUD-OUEST AFRICAlN (OP.DISS.JESSUP) 397

firmer l'inclusion dans le Mandat de l'article 7 qui énonçaitdeux garan-
ties: la nécessitd'une autorisation du Conseil pour toute modification
du Mandat et le recours à la Cour permanente de Justice internationale.

Il y a lieuà présent de revenirsur l'argument du défendeur évoqué
ci-dessus d'aprèslequel le défendeur,en tant que Mandataire, n'avait
consenti qu'à une surveillance d'un genre parfaitement déterminé, à
savoir celle qui étaitdéfinieà l'article 22 du Pacte où l'on se référait
au Conseil de la Société desNations et à la commission devenue depuis
lors la Commission permanente des Mandats. On soutient que le dé-
fendeur connaissait ces organismes d'avance et savait donc avec pré-
cision à quel genre de surveillance il acceptait de se prêter.
Le conseil du défendeura fait grand cas de l'argument selon lequel
le système desMandats dans son ensemble a étéadopté à titre de com-

promis de sorte que l'on doit, en interprétantles Mandats, tenir compte
du point de vue des Puissances mandataires, parfois nettement opposé
aux idéesdont le président Wilsonétait en grande partie l'auteur. Il
est évidemment exact que deux points de vue ont été exposés à la
conférence dela paix de Paris. Les uns préconisaient l'annexion des
possessions coloniales des Puissances ennemies. Certaines Puissances
victorieuses qui partageaient cette opinion attachaient, suivant leurs
intérêtsu,neimportance variable au Moyen-Orient et à 17A3rique.Le pré-
sident Wilson étaitfermement opposé à toute idée d'annexion mais ila

acceptéle fameux projet du général Smuts (Afriquedu Sud), sur lequel
a étéfondé en fin de compte le système des Mandats l.
En ce qui concerne plus spécialement lesdominions britanniques et
notamment l'Union sud-africaine, on doit tenir compte de certains fac-
teurs particuliers, si l'on veut bien comprendre les circonstances dans
lesquelles les((négociations))du Mandat pour le Sud-Ouest africain
se sont déroulées.Il n'est nullement nécessairede s'attarder sur les inci-
dents connus qui sont survenus à la conférencede la paix de Paris au
cours des tout derniers jours dejanvier 1919,mais on se souviendra qu'à

ce stade le président Wilsonavait réussi s'assurer l'appui deM. Lloyd
George touchant le principe de non-annexion et l'etablissement du
système desMandats. Les autres membres du groupe des cinq grandes
Puissances ne s'opposaient plus à cette solution. Le «compromis ))dé-
finitif, fondé sur le mémorandum présentéau Conseil des Dix par
M. Lloyd George le 30janvier (dmt le texte légèrement modifié est de-
venu l'article22 du Pacte), a étéune question d'ordre interne relative
à l'organisation intérieurede l'Empire britannique. Du point de vue
international, la Grande-Bretagne n'avait pas subordonné son accep-
tation du système desMandats ou du rôle du Mandataire à l'adoption

du texte qui est devenu l'article2 du Pacte et qui contenait pour les
Mandats C un plan conférant de larges pouvoirs à l'Afrique du Sudet
à l'Australie quanà leurs Mandats respectifs pour le Sud-Ouest africain,
la Nouvelle-Guinée etla partie de l'océan Pacifique située au sud de

Le plan Smuts excluait cependant du système des Mandats les colonies alle-
mandes d'Afrique.

395 problem of the British Empire. (See Lloyd George, The Truth About the
Peace Treaties, 1938,Vol. 1,p. 541.) According to Hunter Miller ("The
Origin of the Mandates System", Foreign Affairs, Vol. 6, 1927, pp. 277-
280):

"Of course London wanted to keep peace in what 1 may cal1
the Commonwealth family. Aside from that desire it cared very
little about annexation as distinguished from mandates either in
Africa or in the Pacific; indeed, while committed to the Japanese
claimfor islands north ofthe Equator, the Britishprobably preferred
the mandate system to annexation in either locality."

According to a learned South African judge:
"A certain amount of confusion was no doubt occasioned by
the fissiparturienceofthe Empire ...The signatories ofthe Covenant
were as little concerned about the purely domestic question as to
the relationship of His Majesty's various capacities to each other
as they were with the purely domestic question as to which organs
within the Union would exercise the executive and which the
legislativefunction over the mandated Territory." (van der Heever,
J., in Rex v. Offen,op. cit., at pp. 84 and 85.)

"If the mandate system did not serve as an inter-imperialist
compromise, it functioned as a most useful principle for reconciling
the clashing aspirations of various units of the British Empire.
British statesmen sorely needed a formula which would meet the
demands for outright annexation put forward by Australia, New
Zealand and South Africa and the opposing demand that the
Empire refrain from further expansion. The answer, of course, was
found in that ingenious device called the 'C' mandate." (Haas,
Ernest B., "The Reconciliation of ConflictingColonial Policy Aims :
Acceptance of the League of Nations Mandate System", VI Inter-
national Organization, 1952,p. 521, at p. 532.)

It must be remembered that prior to World War 1,the British Do-
minions and India had no recognized separate international personality;
they were merely parts of the British Empire. Due to their magnificent
military contributions during the war, the leaders of the Principal
Allied and Associated Powers were prepared to give the Dominions
and India a special status at the Peace Conference and, ultimately, to
admit them as original members of the League of Nations (see generally
H. Duncan Hall, TheBritish Commonwealthof Nations, 1920,pp. 180ff).

There were long arguments before agreement was reached about
separate representation of the Dominions. Various compromise formulæ
were adopted. In the Council of Twenty-five, the Dominions were
entitled, as members of the British Empire Delegation, to places amongst

396 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS.JESSUP) 398
l'équateur.De fait, M. Lloyd George a fait appel aux autres membres

du Conseil des Dix pour leur demander de l'aider à résoudre les pro-
blèmesintérieursde l'Empire britannique (voir Lloyd George, The Truth
About the Peace Treaties, 1938, vol. 1, p. 541). D'après Hunter Miller
(((The Origin of the Mandates System)), Foreign Affairs, vol. 6, 1927.
p. 277-280),
((Londres souhaitait bien entendu maintenir la paix dans ce que
j'appellerai la famille du Commonwealth. Abstraction faite de ce

désir,on se souciait fort peu de choisir entre annexion et mise sous
Mandat, soit en Afrique, soit dans le Pacifique; à vrai dire, tenus
d'appuyer la réclamation japonaise touchant les îles situées au
nord de l'équateur,les Britanniques préféraient vraisemblablement
dans les deux régionsle système des Mandats à l'annexion.))
Selon un éminent juge sud-africain :

«Une certaine confusion a été occasionnée sans aucun doute
par la fissiparité deEmpire ...Les signataires du Pacte se souciaient
aussi peu de la question purement interne des rapports inter-impé-
riaux que de cette autre question purement interne, celle de savoir
comment se répartiraient entre les organes de l'Union l'exercicedu
pouvoir exécutifet celui du pouvoir législatifsur le territoire sous
Mandat. » (J. van der Heever, dans l'affaire Rex c. Offen, op. cit.,
p. 84-85.)

((Sile systèmedesMandats n'a pas constituéun compromis entre
impérialistes,il a joué commeun principe très utile pour concilier
les aspirations contradictoires des différents éléments de l'Empire
britannique. Les hommes d'Etat britanniques avaient grandement
besoin d'une formule leur permettant de concilier les revendications
de l'Australie, de la Nouvelle-Zélandeet de l'Afrique du Sud en
faveur de l'annexion pure et simple et la tendance contraire à ne
pas étendre l'Empire davantage. On a trouvéla réponsedans l'in-
génieuseinstitution qu'on a appeléele Mandat C. $(Ernest B.Haas,

«The Reconciliation of Conflicting Colonial Policy Aims: Accep-
tance of the League of Nations Mandate Systemn, International
Organization, vol. VI, 1952, p. 532.)
Il importe de rappeler qu'avant la première guerre mondiale les do-
minions britanniques et l'Inde ne s'étaientpas encore vu reconnaître une
personnalité internationale distincte: ils n'étaientque des éléments de
l'Empire britannique. Vu leur admirable participation militaire à la

guerre, les dirigeants des Principales Puissances alliées et associées
étaientdisposés à leur accorder un statut spécialà la conférence dela
paix et, finalement, à les admettre comme Membres originaires de la
Société desNations (voir en général H. Duncan Hall, The British Com-
monweaIthof Nations, 1920,p. 180 et suiv.).
De longues discussions ont précédé l'accord sur la représentation
distincte des dominions. Diverses formules de compromis ont étéadop-
tées.Au Conseil des Vingt-Cinq, les dominions, en tant que membres
de la délégationde l'Empire britannique, ont étéautorisés à occuper

396the five members allotted to the Empire. The Rules of the Conference,
as issued to the Press on 15 January 1919,included in the first group
the Big Five and any "belligerent Powers with special interests7'-
these Powers included Belgium,Brazil, the British Dominions, India and
some others. When the future of the German colonies was discussed
in the Council of Ten (consistingof the heads of governments and foreign
ministers of the Big Five) "representatives of Australia, New Zealand
and South Africa were allowed to be present and to express their
views .." (Counter-Memorial, Book II, p. 11).

From the point of view of the argument that the Union of South
Africa knew in detail what kind of supervisory system was being pro-
vided for the Mandate over South West Africa which it was accepting,

it is important to note that the British draft project submitted by Lloyd
George on 30 January 1919 did not include any provision for the
Permanent Mandates Commission which was inserted later and exists
asparagraph 9 of Article 22 of the Covenant. The record shows that the
Union of South Africa was intent upon controlling the territory of
South West Africa which was adjacent to its borders and that when it
became apparent that outright annexation was not politically possible,
the Government of South Africa was ready to accept the 'C' Mandate
for South West Africa with that measure of control which paragraph 6
of Article 22 of the Covenant envisaged. Lloyd George could not have
presented his project on 30 January had it not already been clear that
if President Wilson agreed to the draft this would be the basis on which
South Africa's ambitions in regard to South West Africa would be
realized.
According to Hunter Miller (The Drafting of the Covenant, Vol. 1,
p. 114)there was already "tacit consent" as to the distribution of the
mandates as of 30 January 1919.Certainly South Africa had agreed to

the Mandate by the time the forma1allocation was made by the Council
of Four on 7 May 1919.
Certain other data indicative of South African acceptance of the
Mandate before al1 of the details were agreed upon should be noted
at this point. In September 1919the South African Parliament passed
the South West Africa Mandate Act, Act No. 49, 1919 (Oflcial Yearbook
of the Unionof South Africa 1910-1920,pp. 113 and 905-906).The Act,
which was to be in effect for one year but subject to be extended by
resolution by both Houses of Parliament, contained, inter alia, the
following paragraphs :
"Whereas at Versailles on the 28th of June, 1919, a Treaty of
Peace, a copy of which has been laid before Parliament, was signed
on behalf of His Majesty and it is expedient that the Governor-

General should have power to do al1such things as may be proper
and expedient for giving effectinsofar as concerns the Union to the
Treaty, or to any Mandate issued in pzrsuance of the Treaty with
reference tothe territory of South-West Africa:
Be it enacted...
397des siègesparmi les cinq qui étaient attribuéà l'Empire. Le règlement
de la conférence,tel qu'il a étécommuniqué à la presse le 15 janvier
1919, prévoyaitdans le premier groupe les cinq grandes Puissances et
toutes les ((Puissances belligérantes intérêtsparticulier»,c'est-à-dire
la Belgique, les dominions britanniques,'Inde et quelques autres. Lors-

que le Conseil des Dix, composé des chefs de gouvernements et des
ministres des Affaires étrangères descinq grandes Puissances, a discuté
de l'avenir des colonies allemandes, «les représentants de l'Australie,
de la Nouvelle-Zélandeet de l'Afrique du Sud étaient autorisés à être
présentset à exprimer leurs opinion..» (contre-mémoire, livreII, p. 11).
En ce qui concerne l'argument selon lequel l'Union sud-africaine
connaissait en détaille genre de systèmede surveillance prévuà l'égard
du Mandat pour le Sud-Ouest africain qu'elle allait accepter,l importe
de noter que le projet britannique présentépar M. Lloyd George le
30 janvier 1919 ne comportait pas de clause relative à la Commission
permanente des Mandats, cette clause ayant été inséréeà une date ulté-

rieure pour former le paragraphe 9 de l'article22 du Pacte. II ressort
du dossier que l'Union sud-africaine était bien décidée à exercer un
contrôle sur le territoire limitrophe du Sud-Ouest africain et, lorsqu'il
est devenu manifeste qu'une annexion pure et simple n'étaitpas poli-
tiquement possible, le Gouvernement sud-africain s'est montré prêt
à accepter le Mandat C pour le Sud-Ouest africain avec le degréde
contrôle envisagéau paragraphe 6 de l'article 22 du Pacte. M. Lloyd
George n'aurait pas pu présenter son projet le 30 janvier s'il n'avait
pas déjàétéévidentque ce projet permettrait à l'Afrique du Sud de réa-
liser ses ambitionsà l'égarddu Sud-Ouest africain, à condition que le
président Wilson donne son agrément.
D'après Hunter Miller (The Drafting of the Covenant, vol. 1, p. 114),

il y avait déjàun consentement tacite »quant à la répartition des Man-
dats le 30janvier 1919.Il est certain que l'Afrique du Sud avait consenti
au Mandat lorsque l'attribution officiellea été faitepar le Conseil des
Quatre le 7 mai 1919.
A ce stade, il convient de noter certains autres faits qui indiquent
que l'Afrique du Sud avait accepté-le Mandat avant sa mise au point
détaillée. En septembre1919, le Parlement sud-africain a adopté la loi
no 49, intitulée South West Africa Mandate Act (Oficial Yearbook of
the Union of South Africa 1910-1920,p. 113 et 905-906). Cette loi, qui
devait êtreen vigueur pendant une année mais pouvait êtreprorogée
par résolution des deux chambres du Parlement, comprenait notam-

ment les paragraphes suivants :
((Considérant qu'un traité de paix, dont copie a étédéposée
devant le Parlement, a étésignéau nom de Sa Majesté à Versailles,
le 28 juin 1919,et qu'il convient que le Gouverneur généralait le
pouvoir d'accomplir tout ce qui peut êtreapproprié et utile pour
donner effet,en ce qui concerne l'Union, au traitéouà tout Mandat
conféré en applicationdu traitésur le territoiredu Sud-Ouest africain,

aécide...

397 1. The Governor-General may make such appointments, establish
such offices,issue such proclamations and regulations and do such
things as appear to hirn to be necessary for giving effect, so far as

concerns the Union, to any of the provisions of the said Treaty
or to any Mandate issued in pursuance of the Treaty to the Union
with reference to the territory of South-West Africa ..." (Italics
added.)
General Smuts as Prime Minister urged the passage of the Act in-
dicating that the proposed Mandate for Sauth West Africa might take
its ha1 form at the Peace Conference while Parliament was not in
session and that accordingly interimpowers should be provided to enable
the Government generally to take such actions as might be necessary
in the circumstances. Prime Minister Smuts informed the Parliament
about the elaboration of the proposed mandates system with particular
explanations about the 'C' mandates which would include South West
Africa. He said that the members of Parliament would find the report
of the Commission which had drafted the mandates in a blue book
which had been issued and they would find that the Mandate for South
West Africa wasin termsalmostidentical with Article 22ofthe Covenant.

It appears that this South West Africa Mandate Act was renewed in
July 1920 and subsequently. (OfJicial Yearbook of the Union of South
Africa 1924,p. 111.)
Having in mind these dates indicating the acceptance of the Mandate
for South West Africa by the Government of the Union of South Africa,
at Paris probably by 30 January and at least by May 1919,and in the
South African Parliament in September 1919, one may return to the
relevant dates involved in the further drafting of the Covenant and of
the mandates at the Peace Conference. Of course the Union of South
Africa was not legally bound until the Covenant entered into force as
part ofthe Peace Treaties on 10January 1920,and the subsequent formal
approval of the Mandate for South West Africa by the Council of the
League on 17 December 1920. The significant fact is that there was
acceptance in principle. "Respondent was at al1material times willing
to accept such Mandate ..." (Dissenting opinion of Judge van Wyk,
1962,p. 594.) This acceptance in principle was not qualified by reserva-
tions concerningthis or that detail but evidencedthe conclusion by South
Africa that the acceptance of the 'C' mandate, as it might be worked
out, was the only way in which the desired control of South West Africa
could be obtained.
When the general outline of Article 22 of the Covenant was provision-

ally accepted in the Council of Ten on 30 January 1919there was a bare
reference to the rendering of an annual report; nothing was said about
the nature of the report. The last two paragraphs of Article 22 were
added at the Sixth Meeting of the Commission of the League of Nations
on 8February 1919(Miller, op. cit., pp. 110-111).These two paragraphs
read as follows:
398 SUD-OUEST AFRICAIN (OP.DISS.JESSUP) 400
1. Le Gouverneur généralpeut procéder à toutes les nomina-

tions, installer tous les services, faire toutes les proclamations,
prescrire tous les règlements et accomplir tous les actes qui lui
paraîtront nécessairespour donner effet,en ce qui concerne'Union,
à l'une quelconque des dispositions dudit traité ouà tout Mandat,
conféréà l'Union en application du traitésur le territoire du Sud-
Ouest africain.» (Les italiques sont de nous.)
Le généralSmuts, premier ministre, a hâté l'adoption de la loi en fai-
sant remarquer que le projet de Mandat pour le Sud-Ouest africain
risquait de recevoir sa forme définitive la conférencede la paix à un
moment où le Parlement ne siégeraitpas et qu'il fallait, par conséquent,
octroyer des pouvoirs intérimairesau Gouvernement afin de lui permet-

tre d'une manière générale de prendre toutes les mesures commandées
par les circonstances. Le premier ministre a fourni au Parlement des
renseignements sur l'élaboration du système des Mandats envisagéet
a donnécertaines précisionsau sujet des Mandats C qui devaient notam-
ment viser le Sud-Ouest africain.Il a ajouté queles membres du Parle-
ment trouveraient le procès-verbal de la Commission chargée de la
rédactiondes Mandats dans un Livre bleu qui avait été publiet qu'ils
pourraient constater que le Mandat pour le Sud-Ouest africain était
rédigéen termes presque identiques à ceux de l'article 22 du Pacte.
La loi intitulée South West Africa Mandate Act a étérenouvelée
enjuillet 1920et ultérieurement (Oficial Yearbook of the Unionof South
Africa 1924, p. 111).
Sil'on se rappelle les dates qui marquent l'acceptation par le Gouver-
nement de l'Union sud-africaine du Mandatpour le Sud-Ouestafricain -
à Paris probablement pas après le 30janvier et, en tout cas, en mai 1919

au plus tard, et, au Parlement sud-africain, en septembre 1919 -, on
peut se reporter aux dates correspondantes qui ont jalonné, plustard,
la rédactiondu Pacte et des Mandats àla conférencede la paix. Certes
l'Union sud-africaine n'a pas étéliéejuridiquement avant l'entrée en
vigueur du Pacte dans le cadre des traitésde paix, le 10janvier 1920,
et avant l'approbation officielledu Mandat pour le Sud-Ouest africain
par le Conseil de la Société desNations le 17 décembre1920. Ce qui
est important, c'est qu'il y a eu acceptation de principe. ((Ayàtoutes
les époques pertinentes consentiàaccepter ce Mandat ..le défendeur..1)
(opinion dissidente de M. van Wyk, C.I.J. Recueil 1962, p. 594). Cette
acceptation de principe n'a pas été assortie de réserves sur tel ou tel
point de détail;ellemontre que l'Afriquedu Sud a abouti à la conclusion
que l'acceptation du Mandat C, tel qu'il pourrait êtrerédigé,étaitle
seul moyen d'obtenir le contrôle souhaité sur le Sud-Ouest africain.

Lorsque les grandes lignes de l'article 22du Pacte ont été provisoire-
ment acceptéesau Conseil des Dix, à la séancedu 5janvier 1919,on n'a
fait que mentionner la présentation de rapports annuels; aucune pré-
cision n'a étédonnéesur la nature de ces rapports. Les deux derniers
paragraphes de l'article 22 ont étéajoutés à la sixième séance dela
Commission de la Société desNations, tenue le 8 février1919(Miller,
op. cit., p. 110-111).Ces deux paragraphes étaient rédigés comms euit:
398 "(8) The degree of authority, control, or administration to be
exercised by the Mandatory shall, if not provisionally agreed upon
by the Members of the League, be explicitly defined in each case
by the Council.
(9) A Permanent Commission shall be constituted to receive and
examine the annual reports of the Mandatories and to advise the
Council on al1matters relating to the observance of the Mandates."

The text of Article 22 including these two paragraphs was adopted on
13 February 1919(ibid., Vol. II, pp. 438, 441, 484-486).
At this stage the nature of the Permanent Mandates Commission
was still unknown; its constitution was not actually agreed upon until
29 November 1920.
The composition ofthe Permanent Mandates Commission was actually
discussed in the Council of the League of Nations between 4 August
and 29 November 1920.At first there was no agreement as to whether
the Mandatory Powers were to be represented on the Mandates Com-
mission at all, or in any event, whether theajority of the Commission
should be composed of representatives of non-Mandatory Powers. While
this whole question was still under debate, at the Fourth Meeting of
the Tenth Session of the Council on 23 October 1920, Mr. Balfour
(Great Britain) stated that he would like to consult the representatives
of the Dominions who were about to arrive in England. At the First

Meeting of the Eleventh Session of the Council on 14 November 1920,
Mr. Fisher (Great Britain) reported that the representatives of the
British Dominions wereinclined to the viewthat the number of members
of the Commission should not exceed five.Mr. Fisher continued:

"In view of the fact that the Commission on Mandates might be
called upon to revise the conditions of administration of the man-
dates by the Mandatory Powers, it would perhaps be better if these
Powers were not represented on the reduced Commission."

These are the only two indications in the record of an expression of
British Dominions' interest in the composition of the Permanent Man-
dates Commission. The debates in the Council continued and at the
meeting of 26 November it was agreed there should be nine members
with a majority from non-Mandatory States. It was also agreed that the
International Labour Organisation could select an expert who would be
attached to the Commission.

The actual procedures later to be followedby the Permanent Mandates
Commission were certainly not known when South Africa accepted the
Mandates. The questionnaire whichwasregularlysentto each Mandatory
wasnot elaborated until1922. The Council ofthe League did not approve
the procedures for examining petitions until 31January 1923.Moreover,

the composition of the Commission changed. In 1925M. Rappard, who
had been chief of the Mandates Section of the League Secretariat, was
399 «8. Si le degré d'autorité, de contrôle ou d'administration à
exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention
antérieure entre les Membres de la Société,il sera expressément
statué surces points par le Conseil.
9. Une Commission permanente sera chargée de recevoir et

d'examiner les rapports annuels des Mandataires et de donner
au Conseil son avis sur toutes questions relatives à l'exécution
des Mandats. ))
Le texte de l'article 22 comprenant ces deux paragraphes a étéadoptéle
13février1919(ibid., vol. II, p. 438, 441, 484-486).
A ce stade, la nature de la Commission permanente des Mandats
n'étaitpas encore connue; on ne s'est misd'accord sur sa constitution
que le 29 novembre 1920.

En fait, la composition de la Commission permanente des Mandats
a été débattueau Conseil de la Société desNations entre le 4 août et
le 29 novembre 1920.Tout d'abord, les participants ne sont pas arrivés
à s'entendre sur le point de savoir si les Puissances mandataires seraient
ou non représentées à la Commission ou, dans toute éventualité,si la
majorité de la Commission devrait êtrecomposéede représentants de
Puissances non mandataires. Alors que l'ensemble de la question était
encore àl'étude,M. Balfour (Grande-Bretagne)a déclaré, à la quatrième
séancede la dixième sessiondu Conseil, tenue le 23 octobre 1920,qu'il
désirait prendre l'avis des représentants des dominions qui arriveraient
prochainement en Angleterre. A la première séancede la onzième
session du Conseil, le 14novembre 1920,M. Fisher (Grande-Bretagne)

a signalé que les représentants des dominions britanniques étaient
d'avis de fixer le nombre des membres de la Commission à cinq au
maximum. M. Fisher a ajouté:
«Etant donné quela Commission des Mandats peut être appelée
à reviser les conditions dans lesquelles les Puissances mandataires
auront exercéleurs Mandats, il serait peut-être préférable queces
Puissances ne fissent pas partie de la Commission ainsi réduite. ))

Tels sont les deux seuls passages des procès-verbaux indiquant de la
part des dominions britanniques un intérêt a l'égard dela composition
de la Commission permanente des Mandats. Le Conseil a poursuivi le
débat et, à sa réuniondu 26 novembre, il a décidéque la Commission
permanente des Mandats comprendrait neuf membres et que la majorité
de ces membres seraient des ressortissants d'Etats non mandataires.

Il a étéégalementconvenu que l'organisation internationale du Travail
pourrait adjoindreà la Commission permanente un expert de son choix.
La procédure que devait suivre en fait la Commission permanente
des Mandats n'était certainement pas connue quand l'Afrique du Sud
a accepté le Mandat. Le questionnaire régulièrement envoyé à chaque
Mandataire n'a été préparé qu'en 1922. Le Conseil n'a approuvé
les procédures applicables à l'examen des pétitions que le 31 janvier
1923. En outre, la composition de la Commission a varié. En 1925,
M. Rappard, qui avait étéchef de la section des Mandats au Secrétariat

399 made extraordinary member of the Commission raising the number to
ten. In 1927the number wasincreasedto 11by adding a German member.
The majority remained nationals of non-Mandatory Powers.

Paragraph 9 of Article 22 of the Covenant hardly gave any indication
of the way in which the Permanent Mandates Commission would
function; it merely said that it would "receive and examine the annual
reports of the Mandatories" and would "advise the Council". There was
no hint here of the practiceestablished under which representatives of the
Mandatories appeared regularly before the Commission at Geneva and
were often subjected to severe cross-examination although in general
during the days of the League of Nations the amenities of diplomatic
interchange were much more rigorously observed than they have come
to be in the United Nations. Harsh and violent language was rare at
Geneva, resolutions were couched with extreme diplomatic indirection
and the general tendency was to avoid putting a Member "on the spot".
It is the more striking to note the vigour of certain criticisms in the
Permanent Mandates Commission and in the Assembly, for example in
connection with the Bondelzwarts rebellion which wasdiscussedin 1922,
1923and 1924.At the Fourteenth Session of the Permanent Mandates
Commission in 1928, South Africa was represented by Mr. Werth. He
spoke of the criticisms of a Rehoboth petition and referred to "the

gravityofthe chargeslaid" bythe Commission. He said he "detected ...a
note of impatience-1 might almost Saya note of displeasure and annoy-
ance" (p. 60). Lord Lugard replied to Mr. Werth (p. 98). M. Merlin
said that the "report under review was so fragmentary as to be quite
unreadable" (p.67). M. Rappard said:

"he did not know of any more depressing reading than pages 29
and following of the annual report for 1927, not only because of
the conditions depicted but because the authors of the report, the

district commissioners and magistrates, seemed to be lacking in
human sympathy for the Natives ... The authors of the report
always seemed to consider the interests of the Whites, even when
dealing with the question of the Natives." (Pp. 101, 102.)
Suchcriticismswerenot typical of al1sessionsofthe Permanent Mandates
Commission but these are not unique examples.
It was true that the Members of the Permanent Mandates Commission
were selected as individual experts but this did not prevent some of the
members from serving as their countries' delegates to the Assembly
of the League where as national representatives they took an active

part in political discussionsconcerning eventsin the mandated territories.

Aside from the evolution of the character and operation of the Per-
400 de la Société desNations, a été désigné comme membr extraordinaire
de la Commission, ce qui portait à dix le nombre de ses membres. En
1927, on a porté ce nombre à onze en ajoutant un membre allemand.
La Commission est restée composéeen majorité de ressortissants de
Puissances non mandataires.

Le paragraphe 9 de l'article 22du Pacte ne fournissait guère d'indica-
tions sur la façon dont la Commission permanente des Mandats allait
fonctionner; il prévoyait simplementque la Commission serait chargée
de recevoir et d'examiner les rapports annuels des Mandataires » et
«de donner au Conseil son avis ».On ne trouve dans cet article aucune
allusion à la pratique qui s'est établieet en vertu de laquelle les repré-
sentants des Mandataires se présentaient régulièremend tevant la Com-
mission à Genèveet y étaient souvent soumis à un interrogatoire serré,
encore qu'en général, à l'époquede la Société des Nations, la courtoisie
de rigueur dans les échanges diplomatiquesfût observéede façon beau-
coup plus stricte que de nos jours à l'organisation des Nations Unies.

A Genève, on s'exprimait rarement en termes rudes et violents, la
rédaction des résolutions s'inspiraitdu style diplomatique le plus pré-
cautionneux et d'une manière généralo en évitaitde placer un membre
dans une situation gênante. Il n'en est que plus frappant de relever la
vigueur de certaines des critiques formulées à la Commission et à
l'Assemblée,par exemple à propos de la rébelliondes Bondelswarts qui
a fait l'objet de débatsen 1922, 1923et 1924.En 1928,lors de la quator-
zième sessionde la Commission, l'Afrique du Sud étaitreprésentéepar
M. Werth. Il a parlédes critiques formuléesdans une pétition provenant
de Rehoboth et s'est référé à ((la gravité desimputations formulées))
par la Commission. Il a dit qu'il avait ((surp...une nuance d'impa-

tience,je pourrais presque dire une note de mécontentement etde déplai-
sir» (p. 60). Lord Lugard a répondu à M. Werth (p. 98). M. Merlin a
déclaré:«Le rapport dont il s'agit était si décousu que la lecture en
était impossible» (p. 67). M. Rappard a dit ne pas connaître
((de lecture plus déprimante que celle des pages 29 et suivantes

du rapport de 1927,non pas seulement à cause des situations dé-
peintes, mais parce qu'il semble en résulter dela part des auteurs
du rapport, des commissaires des districts et des magistrats, un
certain manque de sympathie humaine ...Les auteurs du rapport
paraissent toujours se placer au point de vue des intérses blancs,
même entraitant de la question des indigènes. )(P. 101-102).

Sans êtrecaractéristiquesde toutes les sessions de la Commission, de
telles critiques ne sont pas des exemples isolés.
Il est exact que les membres de la Commission permanente des Man-
dats étaientdes experts choisis à titre personnel mais cela n'a pas em-
pêché certains d'entre eux de participer, comme déléguéd se leur pays,
à l'Assembléede la Société desNations, où en qualitéde représentants
nationaux ils prenaient une part active aux débats politiques sur les
événements survenusdans les territoires sous Mandat.
Indépendamment des modifications que la Commission permanente

400manent Mandates Commission, South Africa as a Mandatory Power
could not have known how the organs of the League of Nations would
develop. The Council was indeed to be the chief supervisory body,
but it was a body of shiftingcomposit,ion.According to Article 4 of the
Covenant, the Council would have been composed of the five Principal
AlliedandAssociated Powersand four non-permanent members selected
by the Assembly. Since the United States did not participate in the
League, even at the outset the large Powers did not have a majority.
Two more small Powers were added in 1922and from then on the small

Powers were always in the majority; after 1926 there were nine non-
permanent members l.

Neither Article 22 of the Covenant nor the text of the Mandate
refers to any role for the Assembly of the League of Nations. The
evolution of Assembly activity under Article 3 (3) of the Covenant was
not them foreseen, but Article 3 of the Covenant is CO-equalwith
Article 22 in the allocation of functions between organs of the League.
The Assembly became "the central organ of the League" (Walters, op.
cit.V ,ol. 1, p. 127), and from the First Session insisted annually on

reviewing the operation of the mandate system.

In its First Sessionthe Assembly decided that mandates, as dealt with
in the annual report from the Council to the Assembly, should be
referred to the Assembly's Sixth Committee (Burton, The Assembly of
the League of Nations, 1941,pp. 79-80). Lord Robert Cecil vigorously
argued for the right of the Assemblyunder Article 3 (ibid., pp. 214-220).
The request for consideration of the mandates was brought up at each
Assembly by the Norwegian Delegation and the annual consideration
by the Sixth Comrnittee was by no means always perfunctory. In 1922
members of the Assembly were aroused by the so-called Bondelzwart's

rebellion in South West Africa. M. Bellegarde of Haiti made a strong
speech and the Assembly unanimously passed a resolution. The Perma-
nent Mandates Commission (Annexes to Minutes of Third Session,
pp. 290 and following) made a report which was in effect a rebuke to
South Africa and severely criticized its failure to carry out its promise
to the Assembly that an officia1investigation would be made. In the
Fourth Assembly in 1923 the South African Delegate protested and
defended his Government's action but the Assemblyadopted a resolution
expressing regret that the Permanent Mandates Commission had been
unable to report that satisfactory conditions had been established in
South West Africa; the resolution expressedthe hope that future reports

fromtheMandatory would allay misgivings.The next annual report from
South Africa stated that adjustments had been made (Permanent Man-
dates Commission, Fourth Session,pp. 42, 46, 59, 78, 112and 119).

l The unmirnity rulwasnot alwayscontrolling.

401des Mandats allait connaître dans sa nature et son fonctionnemant,
l'Afrique du Sud en tant que Puissance mandataire ne pouvait pas
savoir comment les organes de la Sociétédes Nations évolueraient. Le
Conseil devait bien être le principal organe desurveillance, mais c'était
un organe dont la composition changeait sans cesse. Aux termes de

l'article 4 du Pacte, il devait être composé de représentants des cinq
Principales Puissances alliéeset associées,ainsi que de représentants de
quatre membres non permanents désignés par l'Assemblée.Comme les
Etats-Unis d'Amériquesont restéshors de la Sociétédes Nations, les
grandes Puissances, mêmeau départ, n'avaient pas la majorité. Deux
autres petites Puissances ont été ajoutéesen 1922, et, à partir de ce
moment, les petites Puissances ont toujours eu la majorité;à partir de
1926,il y a eu neuf membres non permanents1.
Ni l'article 22 du Pacte, ni le texte du Mandat n'indiquaient que l'As-
sembléede la Société desNations dût jouer un rôle quelconque. On ne
prévoyait pas alors comment l'activitéde l'Assembléeévoluerait dans

le cadre de l'article 3, paragraphe 3, du Pacte, bien que cet article 3
régit,au mêmetitre que l'article 22, la répartition desattributions entre
les organes de la Société. L'Assemblée est devenue ((l'organe central
de la Société»(Walters, op. citvol. 1,p. 127)et, dèssa premièresession,
a insistéchaque annéepour procéder à un examen du fonctionnement
du systèmedes Mandats.
A sapremière session, l'Assembléea décidéquela SixièmeCommission
s'occuperait de la partie du rapport du Conseil relativeaux Mandats
(Burton, The Assemblyof the League of Nations, 1941,p. 79-80). Lord
Robert Cecil a défendu vigoureusement les droits que l'Assemblée
tenait de l'article 3 (ibid.,p. 214-220).A chaque Assemblée,la délégation
norvégienne soulevaitla question de l'examen desMandats et l'examen

annuel auquel procédait la SixièmeCommission était loin d'êtretou-
jours une simple formalité. En 1922,ce qu'on a appeléla rébellion des
Bondelswarts au Sud-Ouest africain a vivement ému les membres de
l'Assemblée. M.Bellegarde (Haïti) est intervenu énergiquement et
l'Assembléea adopté une résolution à l'unanimité. La Commission
permanente des Mandats a établi un rapport (Annexes aux procès-
verbaux de la troisième session,p. 290 et suiv.) qui constituait en réalité
un blâme à l'adresse de l'Afrique du Sud et elle a critiqué sévèrement
celle-cipour n'avoir pas tenu la promesse qu'elleavaitfaite'Assemblée
de procéder à une enquêteofficielle.A la quatrième session de l'Assem-

blée,tenue en 1923, le représentant sud-africain a protesté et défendu
son gouvernement mais l'Assembléea adoptéune résolution exprimant
son regret de ce que la Commission permanente des Mandats n'ait pas
pu faire étatdans son rapport d'une situation satisfaisante au Sud-Ouest
africain et elle a formulél'espoir qu'à l'avenir les rapports de l'Afrique
du Sud apaiseraient les inquiétudes.Dans son rapport annuel suivant,
l'Afrique du Sud a déclaré quedes modifications avaient été faites
(Commission permanente des Mandats, Procès-verbauxde la quatrième
session,p. 42, 46, 59, 78, 112et 119).

l La règle de l'unanimité n'était pas toujours appliquée.
401 A further striking example of the interest which the Assembly took

in the problems of mandate administration is afforded by the records
of the Seventh Ordinary Session of the Assembly (League of Nations,
Oficial Journal, Special Supplement No. 50, Minutes of'the Sixth Com-
mittee, 1926,pp. 16-26).On this occasion there was a vigorous discussion
of two proposals which the Permanent Mandates Commission had made
to the Council and which had aroused some opposition among the
members of the Council. The proposals had to do with a more elaborate
questionnaire and with the question whether the Commission could con-
ductoral hearings for petitioners. M. van Rees,Vice-Chairman ofthe ,Per-
manent Mandates Commission, explained the Commission'sactions tothe
Assembly and was followed by two members of the Commission who
were present as delegates of their countries to the Assembly-Madame
Bugge-Wicksell (Sweden) and General Freire d'Andrade (Portugal).

Although the representative of South Africa took part in this debate
in the Assembly, there were many occasions when important action
was taken concerning the administration of the mandates system when

South Africa as a Mandatory Power apparently did not feel sufficiently
concerned to send a representative. The situation was described to the
Court in the dossier transmitted by the Secretary-General of the United
Nations in connection with the Court's Advisory Opinion of 7June 1955
on Voting Procedure on QuestionsRelating to Reports and Petitions con-
cerning the Territory of South-West Africa:

"As for the participation in the Council of Mandatories which
were not members of that body, there was a gradua1 development
of practice. In the early days of the League,al1of the Mandatories
were members of the Council except for the three Dominions
Australia, New Zealand and South Africa. A representative of the
'British Empire' sat as a permanent member of the Council, but

during the first three years of the League no special representative
of a Dominion ever came to the Council. During those three years
such important decisionsweretaken as theadoption of a constitution
of the Permanent Mandates Commission, the approval of the terms
of the Mandates under which the Dominions were to administer
the Mandated territories, the invitation to Mandatories to furnish
reports, the adoption of the rules of procedure of the Permanent
Mandates Commission and the consideration of the first two reports
of the Commission. This absence of the Dominions may, however,
not be the result of the practice of the Council, but rather of the
arrangements within the British Commonwealth regarding diplo-
matic representation of its members.

The first occasion on which special representatives of the DO-
minions sat in the Council during its discussion of Mandates

questions was on 20 April 1923, when the national status of in-
402 On trouve aussi un exemple frappant de l'intérêt quel'Assemblée
a porté aux problèmes de l'administration des Mandats dans les actes
de la septième session ordinaire de l'Assemblée(Société desNations,
Journal ofJiciel,supplément spécianlo 50, procès-verbauxde la Sixième
Commission, 1926, p. 16-26).A cette occasion, il y a eu une discussion
très vive au sujet de deux propositions que la Commission permanente
des Mandats avait faites au Conseil et qui avaient suscitéune certaine
opposition parmi les membres du Conseil. Les propositions portaient
sur l'élaborationd'un questionnaire plus détaillé etsur le point de savoir
s'il étaitpossible la Commission de procéder à des auditions de péti-

tionnaires. M. van Rees, vice-président dela Commission permanente
des Mandats, a exposéà l'Assembléelesmesuresprisespar la Commission,
puis deux membres de la Commission, présents enqualitéde représen-
tants de leur pays à l'Assemblée,Mme Bugge-Wicksell (Suède) et le
général Freired'Andrade (Portugal), lui ont succédé àla tribune.
Le représentantde l'Afrique du Sud a pris part aux débatsde17Assem-
bléequi viennent d'êtreévoqués mais il est arrivé , de nombreuses
reprises, que des dispositions importantes touchant l'administration
des Mandats aient étéprises sans que l'Afrique du Sud, Puissance
mandataire, se sente apparemment suffisamment intéresséepour se
faire représenter. La situation a été exposéà la Cour dans le dossier
transmis par le Secrétaire général des ations Unies,à propos de l'avis
consultatif de la Cour du7juin 1955sur la Procédurede vote applicable

aux questions touchantles rapports et pétitionsrelatifs au Territoire du
Sud-Ouest africain:
((Ence qui concerne la participation au Conseil des Mandataires
qui ne faisaient pas partie de cet organe, on note un évolution
graduelle de la'pratique. Lorsque la Sociététaità ses débuts,tous
les Mandataires étaient membres du Conseil, à l'exception destrois
dominions :l'Australie, la Nouvelle-Zélandeet l'Afrique du Sud.
Un représentant de l'((Empire britannique)) siégeait au Conseil
en qualitéde membre permanent, mais pendant les trois premières
annéesde la Sociétéa ,ucun représentant spéciald'un dominion ne

fut jamais délégué au Conseil. Au cours de ces trois années, des
décisions très importantes furent prises, telles par exemple la
créationde la Commission permanente des Mandats, l'approbation
des termes du Mandat en vertu duquel les dominions devraient
administrer les Territoires mandatés, l'invitation faite aux Manda-
taires de fournir des rapports, l'adoption du règlement intérieur
de la Commission permanente des Mandats, ainsi que l'examen
des deux premiers rapports de la Commission. Cette absence des
dominions n'est cependant pas imputable àla pratique en vigueur
au sein du Conseil, mais plutôt à des arrangements propres au
Commonwealth britannique concernant la représentation diplo-
matique de ses membres.
La première fois que des représentants spéciaux desdominions
assistèrentaux discussions du Conseil sur des questions de Mandat

fut le 20 avril 1923, dateà laquelle on examina le statut national
402 habitants of B and C Mandates was under consideration. On that
occasion the representative of the Union of South Africa was
appointed to a drafting committee to prepare a resolution for
adoption by the Council.
........................
The right of Mandatories to sit in the Council certainly extended
to al1timeswhenthereports of the PermanentMandates Commission
concerning their respective Mandates were under discussion, and
also to the discussions of questions raised by the Mandates Com-
mission or othenvise, which concerned conditions in al1Mandates
generally. On the other hand, no Mandatory not a member of the
Council ever was present at the election of members of the Perma-
nent Mandates Commission. As to discussions of the general
organization of the Mandates system, Mandatories not members

of the Council did not participate in the broad initial decisions of
1920 to 1922 concerning that system, perhaps for reasons which
have no relevance here. However, three such Mandatories were
present in the Council in 1927when it was decided to create another
post on the Permanent Mandates Commission in order to permit
the appointment of a German national." (I.C.J. Pleadings,etc.,
1955,pp. 45 ff.) (The footnotes are omitted.)

Nor would it be correct to assume that the Mandate for South West
Africa was not discussed in the Permanent Mandates Commission
except when a representative of the Mandatory was present. Judge
Lauterpachtlists sevenoccasionswhen South Africa was not represented
at meetings of the Council when South West African affairs were dis-

cussed (separate opinion 1955, p. 103). Even when representatives of
South Africa attended a sessionofthe PermanentMandates Commission,
it was the regular practice of the Commission to discuss the problems
of the Mandate privately, either before the representative of the Manda-
tory was called in or after he had left or both.
The role of the Secretariat of the League in the administration of the
system for supervising the mandates was also an important one. The
information in the reports from the Mandatories-
"was supplemented not onlyby the annual hearings of the accredited

representatives, but also by much other available documentary
material-special studies published for and by the Mandatory
Governments, the results of anthropological and other technical
inquiries, clippings from newspapers and other periodicals, accounts
ofdebates in the local consultative bodies or in the parliaments of
the administering States, petitions from or about the territories,
etc.Al1 of this literature was carefully sifted by the Mandates
Section of the Secretariat of the League, and each of its elernents
was thoughtfully considered by at least some of the members of the
Commission. As a consequence, it can be admitted that no event
of any importance taking place in any of the mandated territories
403 des habitants des Mandats B et C. A cette occasion, le représentant
de l'Union sud-africaine fut désignépour faire partie d'un comité
de rédaction chargé d'élaborer une résolution à soumettre au
Conseil.
........................
Les Mandataires avaient indubitablement le droit de siégerau

Conseil chaque fois que l'on y discutait des rapports de la Com-
mission permanente des Mandats concernant leurs Mandats res-
pectifs ou que 1'01y discutait de questions intéressant les Mandats
en général,que ces questions aient étésoulevéespar la Commission
des Mandats ou non. Par contre, jamais aucun Mandataire qui
n'étaitpas membre du Conseil ne prit part à l'élection des mem-
bres de la Commission permanente des Mandats. Les Mandataires
qui n'étaient pas membres du Conseil ne participèrent pas aux
décisionsinitiales de caractère généralqui furent prises entre 1920
et 1922concernant l'organisation générale du système desMandats,
probablement pour des raisons qui n'intéressentpas notre sujet.
Trois de ces Mandataires siégèrentcependant au Conseil en 1927,
au moment où il fut décidéde créerun siègesupplémentaire à la

Commission des Mandats, afin de permettre la nomination d'un
représentant allemand. ))(C.I.J. Mémoires,1955, p. 45 et suiv. -
les notes sont omises.)
Il ne serait pas exact non plus de dire que la Commission permanente
des Mandats ne discutait du Mandat pour le Sud-Ouest africain qu'en
présence d'un représentant du Mandataire. M. Lauterpacht a relevé
sept cas où l'Afrique du Sud n'étaitpas représentée à des séancesdu
Conseil consacréesaux affaires du Sud-Ouest africain (opinion indivi-
duelle,C.I.J. Recueil 1955, p. 103). Mêmelorsque des représentants de
l'Afriquedu Sudparticipaient àune sessiondela Commissionpermanente

des Mandats, celle-ci avait généralementcoutume de débattre les pro-
blèmesduMandat à titre privé,avant l'arrivéedu représentant du Man-
dataire et, le cas échéant,après son départ.
Le rôle du secrétariatde la Société desNations dans l'administration
du systèmede surveillance des Mandats était lui aussi important. Les
renseignements contenus dans les rapports émanant des Mandataires

((étaientcomplétésnon seulement par l'audition annuelle des repré-
sentants accrédités, maisaussi par un grand nombre d'autres docu-
ments utilisables: monographies publiéespour les Gouvernements
mandataires et par eux, résultats d'enquêtestechniques anthropo-
logiques ou autres, coupures de journaux ou autres périodiques,
comptes rendus des débats des organismes consultatifs locaux ou
des parlements des Etats mandataires, pétitionsémanantdes terri-
toires ou les concernant, etc. Toute cette documentation était
soigneusement triée par la section des Mandats du Secrétariat
de la Société desNations et chacun de ses éléments faisait l'objet
d'un examen attentif par certains au moins des membres de la
Commission. On peut donc admettre qu'aucun événementde

403 escaped the attention of the supervisory organ ..." (Japan an
exception.) (Rappard, "The Mandates and the International

Tsusteeship Systems", 61, Political Science Quarterly, 1946, re-
printed in his Varia Politica, 1953, at p. 183.)

The various developments and changes in the operation of the League
systemfor supervision of the mandates as describedve, were accepted
or acquiesced in by the Union of South Africa. The record does not
sustain the contention that South Africa's acceptance of obligations
under the Mandate was limited to acquiescing in certain precise kinds
of supervision known to it invance of its acceptance. If South Africa
agreed to submit to the jurisdiction of the Permanent Court of Inter-
national Justice without devotingh thought to the nature ofthat juris-
diction, that fact would not supply any basis for denying the right or
juridical interest which Applicantsproperly asserted in this case.

SECTION VII. THEABSENCE OF JUDICIAL PRECEDENT FSR
APPLICATION LIKETHOSE IN THE PRESENC TASE
The question can be asked why no State during the period of the
League of Nations invoked the jurisdiction of the Court in the general
interest of the good administration of the mandate if it was true that
paragraph 2 of Article 7 gave them that right. Many explanationscould
be given. One might first ask in response why,ring the whole League

period, were the Greek claims on behalf of Mavrommatis the only
mandate cases brought to the Court in exercise of the conceded right
of States to bring to the Court the claims of their nationals?

In 1929 the Vice-Chairman of the Mandates Commission, M. van
Rees, submitted to the Commission in writing some thoughts which had
been inspired by press reports of complaints about practices in certain
mandates. He said that people overlook that-

"...themandates themselves, without exception, offer the Govern-
ments of the States ofwhich they are nationals a much more effective
means of remedying this state of affairs than any appeal for inter-
vention, whether by the Mandates Commission or public opinion.
Thismeans is furnished by the stipulation, which is included in

al1 the Mandates, whereby the mandatory Power agrees that any
dispute whatever which may arise between it and another Member
of the League of Nations relating to the interpretation or the appli-
cation of the provisions of the mandate, and which cannot be settled
by negotiation can be submitted to the Permanent Court of Inter-
national Justice."
404 quelque importance qui sesoitproduit dansl'un quelconque dester-
ritoires sous Mandat n'a échappé à l'attention de l'organisme de

surveillanc..» [Le Japon constituait une exception.] (Rappard,
((The Mandates and the International Trusteeship Systems)),
Political Science Quarterly, vol. LXI, 1946; reproduit dans ses
Varia Politica, 195-,p. 183.)
L'évolutionet les changements survenus dans le fonctionnement du
systèmede la Sociétédes Nations enmatièrede surveillancedes Mandats,
systèmequi est décrit plushaut, ont été acceptés par l'Union sud-afri-
caine ou ont fait l'objet d'un acquiescement de sa part. Le. dossier ne

permet pas d'affirmer qu'en acceptant les obligations définiesdans le
Mandat l'Union sud-africaine n'ait donné son acquiescement qu'à
certaines modalités précises de surveillance qu'elleconnaissait au préa-
lable. Ce n'est pas parcel'Afrique du Sud a consenti à se soumettre à
la compétence de la Cour permanente de Justice internationale, sans
faire très attentionla nature de cette compétence,que l'on doit contes-
ter le droit ou intérêt juridique quees demandeurs ont invoquéavec
pertinence en l'espèce.

SECTION VII. ABSENCE DE PRÉCÉDENTS JUDICIAIRES CONCERNANT DES
REQUÊTES COMME CELLES QUI ONT ÉTÉ DÉPOSÉES EN L'ESPECE
On peut demander pourquoi aucun Etat n'a, durant l'existence de

la Sociétédes Nations, fait appelàla juridiction de la Cour dans l'inté-
rêt généradle la bonne administration du Mandat, s'il est vrai que le
deuxièmealinéa de l'article7 donnait bien ce droit aux Etats. De nom-
breuses explications sont possibles. On pourrait tout d'abord, en guise
de réponse, demander aussi pourquoi, durant toute l'existence de la
Société des Nations, la Cour ne s'est vue saisie,relativementes Man-
dats, que des réclamationsprésentéespar la Grèce, pour le compte de
Mavrommatis, dans l'exercice du droit concédé auxEtats de porter
devant la Cour les griefs de leurs ressortissants?

En 1929,levice-présidentde la Commissionpermanente des Mandats,
M. van Rees, a présentépar écrit àla Commission certaines réflexions
que lui avaient inspirées des articles parus dans la pressela suite de
plaintes visant des pratiques appliquées dans certains territoires sous
Mandat. Il a dit qu'on oubliait que:
«lesMandats eux-mêmess ,ansexception,offrentauxgouvernements
[des] auteurs un moyen beaucoup plus efficace pour remédier à

l'état dechoses signaléque ne l'est l'intervention invoquée, soit de
la Commission des Mandats, soit de l'opinion publique.
Ce moyen est fourni par la disposition figurant dans tous les
Mandats et aux termes de laquelle la Puissance mandataire est
tenue d'accepter que tout différend,quel qu'il soit, qui viendrait
à s'éleverentre elle et un autre Membre de la Sociétédes Nations,
relatifà l'interprétation ou à l'application des dispositions du
Mandat et qui ne serait pas susceptible d'êtreréglépar des négo-
ciations,soitsoumis àla Cour permanentedeJusticeinternationale. »He wanted to bring this situation to public notice by incorporating
it in the Minutes. (P.M.C., Minutes, XVI Session, 1929, p. 152.)

M. Rappard said there was little chance for merchants to get that
help from their governments-
"Very strong arguments would be necessary to induce a Govern-
ment to submit to the Permanent Court of International Justice
amatter which would put it in conflictwith a foreign Government."
(Ibid p..153.)
But the Commission agreed to include the statement by M. van Rees
in the Minutes.
In their report to the Council in thesame year, in commenting on the
status of non-native inhabitants of South West Africa in the light of
a nationality act, the Commission advised the Council "this question
appeared to be one which might merit reference to the Permanent Court
of International Justice" (ibid., p. 203). No action followed these dé-
marches.

In 1930in a report by M. Palacios, as Rapporteur, on a petition from
a mining Companyin South West Africa about the application of a law,
the Rapporteur said :

".. .the Commission might ... advise the petitioners, if they were
not nationals of the Union, to come to an arrangement with their
Government. Perhaps, in this way, Article 7 of the Mandate might
even be brought into play and, in order to settle the matter, it
might be referred to the Permanent Court of International Justice
at The Hague in order to ascertain whether, in the interpretation
of the mandate, some fundamental right had really been infringed
in the present case."
This suggestion was not pressed. (P.M.C., Minutes, XVIZZ Session,
1930,p. 155.)
In 1934, Lord Lugard, in a discussion on the question of the incor-
poration of South West Africa in the Union as a Fifth Province, said:

".. .if the proposa1 should be thought to be of doubtful legality
under the mandate system, the Council could, if it so desired, refer
the question to the Permanent Court of International Justice,
provided for by Article 14 of the Covenant, and referred to in
Article7 of the mandate. The article in the mandate only referred
to a dispute between two Members of the League, but Article 14
of the Covenant stipulated that the Council might ask the advisory
opinion of the Court on any question." (P.M.C., Minutes, XXVZ
Session, 1934,pp. 163-164.)

No such action wastaken.
M. Rappard's comment in 1929is supported by an opinion based on
long experience :
405408 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P.JESSUP)

"Experience has shown that the disadvantages of the existence
of divergent views regarding the interpretation of a general inter-
national convention of a technical character are rarely regarded
by those responsible for the foreign policy of a State as a sufficient
reason for accepting the political responsibility involved in insti-
tuting contentious proceedings against another State." (C. Wilfred
Jenksin 45 Annuaire de l'Institut de droit international, 1954,Part 1,
p. 378.)
This attitude of governments may be the explanation of the scarcity

of mandate casesin the Court but that scarcity cannot be prayed in aid
of an interpretation of paragraph 2 of Article 7 of the Mandate for
South West Africa in order to bar such a case when it is submitted to
this Court as has now been done. It is also noteworthy that while the
Council of the League of Nations never asked the Permanent Court of
International Justice for an advisory opinion concerning a mandate-as
it had an unquestioned right to donder Article 14of the Covenant-the
General Assembly of the United Nations has asked the International
Court of Justice for three advisory opinions on the Mandate for South
WestAfrica.

SECTION VIII. THE DRAFTING OF THE U.N. TRUSTEESHIPS

The Judgment of the Court supports its interpretation of paragraph2
of Article 7 of the Mandate for South West Africa by a reference to the
trusteeship agreements concluded under the United Nations. The argu-
ment waselaborated in the separate opinion ofJudge Sir Percy Spenderin
the Northern Cameroons case. (I.C.J. Reports 1963, pp. 15, 65, 84 ff.)
The fact is that adjudication clauses, closely resembling that inara-
graph 2 ofArticle 7ofthe South WestAfricaMandate, wereinserted in al1
the trusteeship agreements except the strategic trusteeship of the Pacific
Islands under the United States and the two trusteeships in which
Australia assumed responsibility, namely New Guinea and Nauru.

The negotiation of trusteeship agreements was entirely different in
the United Nations in 1946 and subsequently from the negotiation of
the mandate agreements in 1919 and the ensuing years. As has been
seen, in 1919 agreement was first reached on which territories were to
be placed under mandate. Thereafter the terms of the mandates were
drafted in the Milner Commission in 1919 and then approved by the
Council of Heads of Delegations at the Peace Conference. Although
there was a later clamour from the League Assembly to learn the texts of
the drafts,the texts of the mandates were agreed by the Principalllied
and Associated Powers and then confirmedby the Council ofthe League;
the Powers did not submit themselves to cross-examination in the
Assembly. But the Union of South Africa had no right to continued
administration of the territory of South West Africa until it accepted
mandate agreement. etai ai ofsthese steps are given in my separate (L'expérienceprouve que les inconvénients dus aux divergences
de vues qui existent quantàl'interprétation d'une convention inter-
nationale générale de caractère technique revêtent rarement assez
de gravité, de l'avis des responsables de la politique étrangère

d'un Etat, pour les inciter à endosser la responsabilité politique
d'une action contentieuse contre un autre Eta))(C. Wilfred Jenks,
dans Annuaire de l'Institut de droit international,vol. 45. 1954,
Ire partie, p. 378.)
Cette attitude des gouvernements explique peut-être la rareté des

affaires portées devant la Cour en matière de Mandats, mais on ne
saurait, s'agissant d'interpréter le deuxième alinéa de l'article 7 du
Mandat pour le Sud-Ouest africain, arguer de cette rareté pour écarter
une affaire quand il en est déféré unà la Cour, ce qui s'est maintenant
produit. Il y a égalementlieu de noter que, si le Conseil de la Société
des Nations n'a jamais demandé àla Cour permanente de Justice inter-
nationale d'avis consultatif sur un Mandat - alors qu'il en avait indé-
niablement le droit en vertu de l'article 14 du Pacte -, l'Assemblée
générale desNations Unies a demandé à la Cour internationale de Jus-

tice trois avis consultatifs sur le Mandat pour le Sud-Ouest africain.

SECTION VIII. RÉDACTIO NES ACCORDS DE TUTELLE DES NATIONU SNIES

Pour étayer son interprétation du deuxième alinéa de l'article 7 du
.Mandat pour le Sud-Ouest africain, la Cour invoque, dans son arrêt,
les accords de tutelle conclus dans le cadre des Nations Unies. L'argu-
ment a été développé dans l'opinion individuelle de sir Percy Spender
en l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 84 et
suiv.). Le fait est que des clauses juridictionnelles très semblablesle
qui figure au deuxièmealinéade l'article 7 du Mandat pour le Sud-Ouest
africain ont été inscrites danstous les accords de tutelle sauf ceux qui
concernaient la zone stratégique des îles du Pacifique relevant des

Etats-Unis et les deux tutelles dont l'Australie était chargée, savoir
la Nouvelle-Guinée et Nauru.
Les accords de tutelle ont éténégociésaux Nations Unies à partir de
1946dans des conditions totalement différentesde celles dans lesquelles
les accords de Mandat avaient éténégociésen 1919 et pendant les
années suivantes. Comme on l'a vu, l'accord s'est d'abord réaliséen
1919 sur les territoiresà placer sous Mandat, après quoi les termes
des Mandats ont étémis au point par 4a Commission Milner en 1919
puis approuvés par le Conseil des chefs de délégation à la conférence

de la paix. Bien que l'Assembléede la Société desNations ait insisté
plus tard pour connaître le texte des projets, les Principales Puissances
alliéeset associéesont établi d'un commun accord le libellé desMandats
que le Conseil de la Société desNations a ensuite confirmé; les Puis-
sances ne se sont pas prêtées à un débat contradictoire à l'Assemblée.
Mais l'Union sud-africaine n'avait aucun droit à continuer d'adminis-
trer le territoire du Sud-Ouest africain tant qu'elle n'acceptait pas l'ac-

406 opinion of 1962at pp. 387-401; some parts of them are described in the
present opinion.)

In contrast, as this Court held in itsdvtsory Opinion of 1950, "the
provisions of Chapter XII of the Charter do not impose on the Union
of South Africa a legal obligation to place the Territory under the
Trusteeship System". (I.C.J. Reports 1950, pp. 128, 144.) Since al1
States holding mandates werethus free to place their mandated territories
under trusteeship or not to do so, they had the whip hand in deciding
what provisions should be inserted in the trusteeship agreements, even
though it was true that there were extensive discussions of the drafts in
Sub-Committee 1 of the Fourth Committee of the General Assembly,
which, under Article 85 of the Charter, was to approve the agreements.

Under Articles 82 and 83 of the Charter, the United States submitted

a draft for a strategic trust of thePacific islands formerly held under
Japanese mandate and this draft was considered in the Security Council,
not in the General Assembly. The United States did not choose to
include an adjudication clause in its strategic trusteeship where rights
of inspection may also be limited. But it sent its draft agreement to the
other members of the Security Council and to New Zealand and the
Philippines some months before the draft was submitted to the Security
Council. (See Armstrong and Cargo, "The Inauguration of the Trustee-
ship System of the United Nations", XVI Department of State Bulletin,
March 23, 1947,pp. 511, 521.) A similar practice was followed by other
governments regarding other trusteeship agreements and the United
States made numerous comments and suggestions on drafts transrnitted
to it before theforma1discussions in the General Assembly. In the later
debates in the Fourth Committee of the General Assembly, Mr. Thomas,
speaking for the United Kingdom, said that the United States was the
only Government to submit amendments to the British drafts. The
United States amendments-

"... had been discussedfully,with the result that somewereadopted
as they stood, others adopted in modified form, others were with-
drawn by mutual agreement and one left over to be raised before the
General Assembly". (G.A., O.R., 2nd Part, Ist Session, Fourth
Committee,p. 160.)

Although it is true that the debates in the committees of the General
Assembly were detailed,in no case could a State be compelled to accept
any provision to which it objected.

The Australian trusteeship for New Guinea. was approved by the
General Assembly on 13December 1946along with seven other trustee-
ship agreements. The draft trusteeship for Nauru was submitted jointly

407cord de Mandat (j'ai indiqué le détailde ces opérations dans mon
opinion individuelle de 1962,pages 387-401je reviens sur certainspoints
dans la présente opinion).
Au contraire, la Cour a dit dans son avis consultatif de 1950queles
dispositions du chapitre XII de la Charte n'imposent paà l'Union sud-
africaine l'obligation juridique de placer le territoire sous le régimede
tutelle (C.I.J. Recueil1950,p. 144).Tous les Etats détenteurs deMandat
ayant ainsi la liberté deplacer ou de ne pas placer sous le régimede tu-

telle leur territoire sous Mandat, ils avaient beau jeu de dicter les dispo-
sitions qui devaientêtre inscritesdansles accords de tutelle, ce qui n'em-
pêched'ailleurs que les projets ont été longuement discutésà la Sous-
Commission 1 de la Quatrième Commission de l'Assemblée générale,
à laquelle il incombait d'approuver les accords en vertu de l'article 85
de la Charte.
Conformément aux articles 82 et 83 de la Charte, les Etats-Unis
ont présenté un projet relatif une tutelle de caractère stratégiquesur
les îles du Pacifique antérieurement placées sous Mandat japonais
et le texte en a été examiné non pas à l'Assemblée généralm e ais au
Conseil de sécurité.Les Etats-Unis n'ont pas opté pour l'introduction
d'une clause juridictionnelle dans cet accord de tutelle concernant une

zone stratégique, où les droits d'inspection peuvent aussi êtrelimités.
Ils ont adresséce projet aux autres membres du Conseil de sécurité,
ainsi qu'à la Nouvelle-Zélandeet aux Philippines, quelques mois avant
d'en saisirle Conseil lui-même (voirArmstrong et Cargo, ((TheInaugu-
ration of the Trusteeship System of the United Nations »,Department
of State Bulletin, vol. XVI, 23 mars 1947, p. 521). D'autres gouverne-
ments ont suivi une pratique semblable pour les accords de tutelle et
les Etats-Unis ont fait de nombreuses observations et suggestions sur
les projets qui leur étaient transmis avant d'êtreofficiellementdiscutés
l'Assemblée générale D.ans les débats qui ont eu lieu ultérieuremenà
la Quatrième Commission de l'Assemblée générale , . Thomas, porte-
parole du Royaume-Uni, a dit que le Gouvernement des Etats-Unis
avait étéle seulà proposer des amendements aux projets britanniques.

Ces amendements
«ont étédiscutéslonguement; certains ont été adoptés tels quels,
d'autres avec des modifications, tandis que d'autres étaient retirés
d'un commun accord; un seul a étéréservépour être soumis à
l'Assemblée généra ».e(Nations Unies, Documents officielsde I'As-
sembléegénérale,secondepartie de la première session, Quatrième

Commission,premièrepartie, p. 160.)
S'il est vrai que les débats qui ont eu lieu dans les commissions de
l'Assemblée généraloent été approfondis, iln'en reste pas moins qu'un
Etat ne pouvait êtrecontraint en aucun cas d'accepter une disposition
dont il ne voulait pas.
L'accord de tutelle pour la Nouvelle-Guinée,qui intéressait l'Austra-
lie, a été approuvé par l'Assemblée générallee 13 décembre1946 avec

sept autres accords de tutelle. Le projet d'accord concernant Nauru a
407 by Australia, New Zealand and the United Kingdom on 27 Septem-
ber 1947.
The separate opinion of Judge Sir Percy Spender in the Northern
Carneroons case (at p. 85) is correct in noting that the Sub-Committee
of the Fourth Comrnittee of the General Assembly first examined the
draft trusteeship agreement submitted by New Zealand for Western
Samoa, and this draft was taken as the basis for ensuing discussions of
other trusteeships. But other drafts were discussed separately. In regard
to the Australian draft for a trusteeship for New Guinea, the United
States proposed numerous modifications. (They are printed in Annex
5b,p. 242, G.A., O.R., 2ndPart, 1st Session,Fourth Cornrnittee,Part II.)
The separate opinion here under reference suggests that the question
was whether the draft of the New Guinea trusteeship was acceptable to
the Sub-Committee of the Fourth Committee. The fact was that the
issue was whether any suggestions from the Sub-Committee or its
members were acceptable to Australia. The representative of Australia
throughout these discussions was Professor (as he then was) Kenneth
Bailey, whohad played a distinguished part in the drafting of the Charter
at the San Francisco Conference. He made very clear the position of
the Australian Government, as appears from the following quotations
of his statements from the Sumrnary Records of the Sub-Committee
already cited:

"He had been astonished ...to hear it suggestedthat the decision
with respect to Western Samoa was an indication of what the
decision should be in the case of the other draft agreements."
(P. 121.)
". ..the task of the Sub-Committee was really one of negotiation
with the Governments submitting texts" (p. 141).
"Mr. Bailey (Australia) said that the process of examination of
the agreement by the Sub-Committee was not intended to elaborate
a new text. The task of the Sub-Committee was to negotiate, in
the name of the General Assembly, with the administering Powers
and to suggest to them modifications it deemed necessary. It was
for the administering Powers to express their willingness or unwil-
lingness to accept suggested modifications." (P. 192.)
"Annex 5J:Delegation of Australia: comments on proposals for
modification of the trusteeship agreement submitted for the man-
dated Territory of New Guinea. [Pp. 246-248.1
1. The delegation of Australia has given careful consideration,
in the light of the discussions in the Sub-Committee both on the
Western Samoan Agreement and on the first reading on the New
Guinea draft agreement, to the modification proposed by other
delegations. In indicatingits attitude to the proposals, the delegation
of Australia will aim at brevity even at the risk of a certain curtness,
which ithopes will not be misunderstood.

408étéprésentéconjointement par l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le
Royaume-Uni le 27 septembre 1947.
SirPercy Spender a noté à juste titre dans son opinion individuelle
en l'affaire du Cameroun septentrional(p. 85) que la Sous-Commission
de la Quatrième Commission de l'Assembléegénéralea commencé
par étudierle projet d'accord de tutelle proposépar la Nouvelle-Zélande
pour le Samoa occidental et que ce texte a servi de base aux débats
dont les autres tutelles ont ensuite fait l'objet. Mais d'autres projets
ont été discutésà part. Pour ce qui est du projet australien concernant
la tutelle sur la Nouvelle-Guinée,les Etats-Unis ont proposé de nom-
breuses modifications (Nations Unies, Documents oflciels de I'Assem-

bléegénérales ,econdepartie de la première session, QuatrièmeCommis-
sion, deuxièmepartie, annexe 5 b), p. 242).
L'opinion individuelle dont il s'agit donneà penser que la question
était desavoir sile projet d'accord de tutelle relatifNouvelle-Guinée
était acceptable pour la Sous-Commission de la Quatrième Commis-
sion. Or, en fait, le problème qui s'est poséétaitde savoir si les sugges-
tions émanant de la Sous-Commission ou de ses membres étaientaccep-
tables pour l'Australie. Tout au long de ces débats, l'Australie a eu
pour représentant le professeur Kenneth Bailey (tel était alors son
titre), qui avait jouéun rôle éminentdans la préparation de la Charte
à la conférencede San Francisco. Il a précisétrès nettement la position
du Gouvernement australien, ainsi que cela ressort des passages sui-
vants de ses déclarations qui sont extraits des procès-verbaux de la
Sous-Commission :

«[M. Bailey] est..étonné quel'on suggèreque la décision prise
pour le Samoa occidental pourrait servir d'indication en vue des
décisions à prendre au sujet d'autres projets d'accords.»(P. 121.)

«la tâche de la Sous-Commission consiste essentiellement à négo-
cier avec les gouvernements qui présentent les textes» (p.141).
«M. Bailey (Australie) déclareque l'examen de l'accord par la
Sous-Commission n'a pas pour objet l'élaboration d'un nouveau
texte. La tâche de la Sous-Commissionconsiste à négocier,au nom
de l'Assembléegénérale,avec les autorités chargéesde l'adminis-
tration, età leur proposer les modifications qui lui paraîtraient né-
cessaires.Il appartientà ces autoritésde dire si elles sont d'accord
ou non avec les modifications proposées. »(P. 192.)
((Annexe 5 f). Délégationde l'Australie. Commentaires sur les

propositions de modification au projet d'accord de tutelle pour
le territoire sous Mandat de la Nouvelle-Guinée [p. 246 à 2481.
1. A la lumière des discussions qui ont eu lieu au sein de la
Sous-Commission, tant au sujet du projet d'accord pour le Samoa
occidental qu'à l'occasion de la premièrelecture du projet d'accord
pour la Nouvelle-Guinée, la délégationde l'Australie a examiné
attentivement les modifications proposéespar d'autres délégations.
En exposant son point de vue à l'égarddesdites propositions, la
délégationaustralienne recherchera la concision au risque de s'ex-

408 . . . . . . . . . ..............
Preamble .. .The additional clauses proposed seem unneces-
sary ...
Article 2 .. . The delegation of Australia understands that this
proposai has been withdrawn ...
Article 3 .. .The delegation of Australia understands that these
proposed modifications have been withdrawn ...
Article 4. Proposed modijîcation 1.
Proposal (a)is unacceptable ...
Proposai (b) seemsunnecessary ...

Proposed modification2. This proposa1 does not seem to be
necessary.
Proposed modification3 ... this proposa1 does not seem to be
necessary.
Proposed modification 4. This proposa1 is unacceptable.
Article 5.Proposedmod$cation 1. The proposed omission seems
unnecessary.
Proposedmodzjîcation2. The proposa1 to delete the article is not
acceptable .. .
ProposedmodzJîcation 3 ... is not acceptable ...

Article 7 ... Three modifications are proposed in this article.
They cannot be accepted by the delegation of Australia ..."
In a supplementary report by the Australian Delegation (Annex 5h,
p. 248) there is a summary of certain points on which the Delegation
thought there was a "general consensus of opinion in the Sub-Com-
mittee", in the light of which the Australian Delegation was submitting
a new draft of Article 8 "for approval of the Sub-Cornmittee, subject
always tofinal acceptanceby theAustralian Government"(.P. 250. Italics
added.)
Professor Bailey'sinterventions in the Fourth Committee itself do not
reveal any differentposture. See,e.g., GeneralAssembly,Oficial Records,
2nd Part, 1st Session, Fourth Committee,Part 1, Summary Recordof
Meetings, 1 November-12 December 1946, pp. 150 and 163.

A draft trusteeship agreement for Nauru was established later by
Australia, New Zealand and the United Kingdom. Its terms closely
of the Sub-Committee which considered and approved the draft agree-ort
ment, no suggestion was made about adding an adjudication clause.
(U.N. Doc. A/C.4/127, 21 Oct. 1947.)In the Fourth Committee itself,
the representative for Australia, Mr. Forsyth, answered suggestions
made for amendments or additions to the draft. He accepted none of
409 primer avec une certaine brusquerie qui, elle l'espère,ne sera pas
mal interprétée.

Préambule ...Les dispositions nouvelles proposées ne semblent
pas nécessaires ...
Article 2 ...La délégationde l'Australie croit savoir que cette
proposition a été retirée ...
Article 3...La délégationdel'Australie croit savoir que ces modi-
fications ont été retirées...
Article 4. Première propositionde modijication.
La partie a) de la proposition ne peut êtreacceptée ...
La proposition b) ne semble pas nécessaire ...

Deuxième proposition de modijication. Cette proposition ne
semble pas nécessaire.
Troisième proposition de modijication ...cette proposition ne
semble pas nécessaire.
Quatrième propositionde modzjïcation.Cette proposition ne peut
êtreacceptée.
Article 5. Première proposition de modijication.La suppression
proposée ne semble pas nécessaire.
Deuxièmeproposition de modijication.La proposition tendant à
supprimer cet article ne peut êtreacceptée ...
Troisièmeproposition de modijication ...cette proposition ...ne
peut être acceptée ...
Article 7 ... Trois modifications sont proposées à cet article.
Elles ne peuvent êtreacceptéespar la délégation de l'Australie ..1)

Un rapport complémentaire dela délégation australienne (annexe5h)),
p. 248)contient un résuméde certains des points sur lesquels,selon cette
délégation, ilse dégageait à la Sous-Commission un ((avisgénéral))et
c'est compte tenu de cet avis qu'elle présentait «à l'approbation de la
Sous-Commission)) un nouveau projet d'article 8 (([sous] réservede
l'approbationen dernier ressortdu gouvernement[australien] ))(p. 250-
les italiques sont de nous).
Les interventions de M. Bailey à la Quatrième Commission elle-même
ne traduisent pas une attitude différente (voir par exemple Nations
Unies, Documents oficiels de l'Assembléegénérale, seconde partie dle a
première session, QuatrièmeCommission,premièrepartie, procès-verbaux
des séances, ler novembre-12 décembre1946,p. 150et 163).
Un projet d'accord de tutelle pour Nauru a été présenté plutsard
par l'Australie, la Nouvelle-Zélandeet le Royaume-Uni. Sesdispositions
étaient très proches decelles qui figuraient dans l'accord pour la Nou-
velle-Guinée. Il ressort du rapport de la Sous-Commission qui a examiné
et approuvé le projet d'accord que personne n'a suggérél'adjonction
d'une clausejuridictionnelle (Nations Unies, doc. AlC.41127,21 octobre
1947). A la Quatrième Commission, le représentant de l'Australie, M.
Forsyth, a commentéles propositions d'amendements ou d'adjonctions
409them and the draft agreement was approved by the Committee (U.N.
General Assembly, Oficial Records, Second Session, Fourth Comm.,
Trusteeship, Summary Recordsof Meetings, 16 September-6 November
1947,pp. 98-104).
It is in this framework that onemust read Professor Bailey'sstatement
of 29 November 1946 in the Sub-Committee about the non-inclusion
in the New Guinea draft trusteeship agreement of an adjudication clause
comparable to that in Article XVI in the draft for Western Samoa:

"Mr. Bailey (Australia) stated that no article comparable to
article XVI had been included in the draft agreement for New
Guinea, because the obligation to submit a dispute to the Inter-
national Court ofJusticewas considered to be covered by Australia's

undertaking, under Article 36 of the Statute of the International
Court of Justice, to be bound by the compulsoryjurisdiction of the
Court. The clause had been included in the mandate, because at
the time of its promulgation the Permanent Court of International
Justice had not been established and the optional clause had not
been accepted." (Op. cit., p. 86.)
It is futile totry to dismiss this contemporary official Australian
explanation for the omission of an adjudication clause by attempting to
show that since the Australian obligation under Article 36 ofthe Statute
was limited in content and in time, the Sub-Committee would not have
accepted this reason for not including a special adjudication clause in
the trusteeship agreement. The creation by "hindsight", and with a view
to supporting a particular thesis unconnected with the New Guinea
Trusteeship, of a theoiy that the adjudication clause was omitted from

the Australian trusteeship agreements because of the absence of clauses
conferring certain rights for nationals of other States, rests, at most,
on nothing more than a certain coincidental parallelism. The separate
opinion of Judge Sir Percy Spender, in Northern Cameroons, lays em-
phasis also on the fact that the United States delegate-

". ..withdrew his proposa1 to insert certain Articles in the New
Guinea draft, specifically he withdrew the proposa1 to insert an
Article concerning 'the procedure to be followed with respect to
disputesoverthe interpretation and applicationof theprovisionsof the
draft agreement' " (p. 94 of the separate opinion citing pp. 163-164
of the records of the Sub-Committee).

But the United Statesjust as "specifically" withdrew proposals to insert
"articles concerning regional organizations, the submission of annual
reports and the functions of the Trusteeship CounciY-in other words,
al1proposals which it was apparent Australia was not prepared to accept.
1 do not find a shred of evidence in the record to support the theory
that the United States withdrew its proposal for an adjudication clause
because it had dawned on that delegation that the New Guinea Trustee-

410qui avaient étéfaites. Il n'en a acceptéaucune et le projet d'accord a
étéapprouvé par la Commission (Nations Unies, Documents officiels
de l'Assemblég eénéraled,euxièmesession,QuatrièmeCommission,Tutelle,
comptes rendusanalytiques, 16 septembre-6 novembre 1947, p. 98-104).

C'est dans cette perspective qu'il faut interpréter la déclaration faite
à la Sous-Commission par M. Bailey le 29 novembre 1946sur la non-
inclusion dans leprojet d'accord detutelle pour laNouvelle-Guinéed'une
clause juridictionnelle comparable à celle que contient l'article XVIdu
projet relatif au Samoa occidental:
«M. Bailey (Australie) précise qu'aucun article comparable à
l'article XVI n'a étinsérédans le projet d'accord pour la Nouvelle-
Guinéeparce que l'obligation de soumettre un différend à la Cour
internationale de Justice semble implicitement contenue dans l'en-

gagement pris par l'Australie aux termes de l'article 36 du Statut
de la Cour internationale de Justice, de se soumettre la juridiction
obligatoire dela Cour. On n'a pas incorporécette clause au Mandat
parce qu'au moment de sa publication, la Cour permanente de
Justice internationale n'étaitpas encore installéeet l'on n'avait pas
encore acceptéla clause facultative.)(Op. cit., p. 86.)
Il est vain de chercherà écarterl'explication officielleque l'Australie
a donnée à l'époquesur l'omission d'une clause juridictionnelle et de

s'efforcer de montrer que, l'obligation qui incombait à l'Australie en
vertu de l'article 6 étantlimitéedans sa teneur et dans sa durée,la Sous-
Commission n'aurait pu considérerqu'il y avait là une raison de ne pas
inclure une clause juridictionnelle spéciale dans l'accord de tutelle.
Soutenir quela clausejuridictionnelle a été omise desaccords relatifs aux
tutelles australiennes en raison de l'absence de dispositions conférant
certains droits aux ressortissantsd'Etats tiers, c'est créer rétrospective-
ment, pour étayer une thèse déterminéesans rapport avec la tutelle
pour la Nouvelle-Guinée,une théoriequi peut, tout au plus, se prévaloir
d'uncrrtain parallélismepurement accidentel. Dans l'opinion individuelle
qu'il a déposéeen l'affaire du Camerounseptentrional, sir Percy Spender

a soulignéque le représentant des Etats-Unis
((aretirésa proposition concernant l'adjonction de certains articles
au projet relatif à la Nouvelle-Guinée et, plus précisément,la
proposition tendant à ajouter un article sur ((laprocédure à suivre
en cas de contestations sur l'interprétation et l'application des
dispositions du projet d'accorde. (C.I.J. Recueil963, p. 94, où un
renvoi est fait aux pages 163-164des procès-verbaux de la Sous-

Commission.)
Mais il a tout aussi ((précisémen )t retiré ses propositions concernant
l'adjonction d'«articles relatifs aux organisations régionales,a présen-
tation de rapports annuels et aux fonctions du Conseil de tutelle » en
d'autres termes toutes les propositions que l'Australie ne semblait
pas disposée à accepter. Rien dans le dossier ne justifie la théorieselon
laquelle les Etats-Unis ont retiré leur proposition ayant traitne clause

juridictionnelle parce que leur délégations'est aperçue que la tutelle
410ship did not include individual rights for nationals as the Western
Samoa Trusteeship did. Nor do 1 5nd the slightest evidence to support
the conclusion in theseparate opinion (at p. 95) that the adjudication
clausewas left out of the New Guinea Trusteeshipbecause "the General
Assembly did not regard it as serving any purpose".

SECTION IX. THEINTERES OF THE GENERAA LSSEMBL AYND THE
ALLEGED CIRCUMVENTI OFNARTICLE 34 OF THE STATUTE

Another challenge to the standing of the Applicants in these cases
was based on the assertion that they were acting as agents of the General
Assembly of the United Nations and not in their own individual inter-
ests. It is true that the Application of Ethiopia-apage 18-(and of
Liberia, mutatis mutandis) stated that the proceedings were instituted
"in order to protect the legal interest of Ethiopia in the proper exercise

of the Mandate, as well as that of other States similarly situated".
The interests of other States and of the General Assembly of the United
Nations were stressed by counsel for Applicants thereafter. It was
argued that this is an abuse ofthe process of the Courteit constitutes
an attempt to circumvent paragraph 1 of Article 34 of the Statute which,
by its provision that "only States may be parties in cases before the
Court", preventsthe United Nations or one of its organs from instituting
contentious proceedings which can lead to a judgment having binding
effect.
Respondent asserts in the Counter-Memorial, Book IV, p. 448, that
"the Applicants in the present case are in substance only nominal parties
to the proceedings, the real parties being the independent African
States. ..".But the Applicants are themselves two of the independent
African States and the fact that annterest is shared by other States is
no disqualification.
In the matter of Appeals from Certain Judgments of the Hungaro-
Czechoslovak Mixed Arbitral Tribunal, the Czechoslovak Government,

the Applicant, in requesting an extension of the timeedby the Perma-
nent Court ofInternational Justice for the presentation ofits observations,
advanced as one reason for the request its need to consult thevern-
ments of Romania and Yugoslavia,parties to the treaty involved in the
case (P.C.I.J., Series C, No. 68, p. 266). The Court instructed the Re-
gistrar to inform the Czechoslovak Government "qu'en tout état de
cause, les observations dont il s'agit ne sauraient êtreenvisagéespar la
Cour autrement que comme des observations présentéesau nom du seul
Gouvernement tchécoslovaque ...". If other Governments wished to
present their own views in their ownames, the Court said they should
seek to intervene as provided in Article 63 oftheute (loc. cit., p. 272).
But the Court did not suggest that Czechoslovakia's shared interest
disqualified it from fi!ing an application in the Court. Would they have
so held, if Czechoslovakia had wished to consult a larger number of
States? Two States, Members of the United Nations, filed applications

411 pourlaNouvelle-Guinéeneprévoyaitl'attributiond'aucun droit individuel
à des ressortissants étrangers, au contraire de la tutelle pour le Samoa
occidental.Rien non plus nejustifielaconclusiondel'opinion individuelle

d'après laquelle la clause juridictionnelle a étéomise de l'accord de
tutelle pour la Nouvelle-Guinéeparceque (l'Assembléeneconsidéraitpas
qu'elleprésentait une utilité quelconque))(C.I.J. Recueil 1963, p. 95).

SECTION IX. INTÉRÊT DE L'ASSEMBL ÉÉNÉRALEET PRÉTENDUE
MANOEUVRE EN VUE DE TOURNER L'ARTICLE 34 DU STATUT

On a aussi contesté la qualité des demandeurs pour agir en l'espèce
en alléguantqu'ils agissaient en tant qu'agents de l'Assembléegénérale

des Nations Unies et non pas dans leur intérêtpropre. Il est vrai que
la requête de l'Ethiopie- àla page 19 - (et mutatis mutandis celle du
Libéria) déclareque l'instance a été introduite((Afinde protéger l'inté-
rêt juridique que l7Ethiopie prend au juste exercice du Mandat, ainsi
que celui d'autres Etats dont la position est la même ..» Le conseil des
demandeurs a mis l'accent par la suite sur les intérêts desautres Etats
et de l'Assembléegénérale desNations Unies. On a soutenu que c'était
abuser des procédures de la Cour, car cela constituait une manŒuvre
en vue de tourner le paragraphe 1de l'article 34 du Statut qui, en stipu-

lant que ((Seulsles Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour»,
empêchel'organisation des Nations Unies ou un de ses organes d'intro-
duire une instance contentieuse pouvant aboutir à un arrêt assorti de
la force obligatoire.
Le défendeuraffirmedans le contre-mémoire (livreIV, p. 448) qu'en
l'espèce lesdemandeurs ne sont à la vérité que des prête-nome sn vue de
l'instance engagée,les véritables parties étant les Etats africains indé-
pendants ...)Mais les demandeurs sont eux-mêmesdeux des Etats afri-
cains indépendants et le fait que d'autres Etats aient le mêmeintérêt ne
les disqualifie pas.

Dans l'affaire relative aux Appelscontre certainsjugements du tribunal
arbitral mixte hungaro-tchécoslovaquel,e Gouvernement tchécoslovaque,
demandeur, a invoquéla nécessité de consulter les Gouvernements rou-
main et yougoslave, parties au traitéen cause dans cette affaire,lorsqu'il
a sollicitéuneprorogation du délaiqui lui avait étéfixépar la Cour per-
manente deJusticeinternationale pour présentersesobservations (C.P.J.I.
sérieC no68, p. 266). La Cour a chargéleGreffierd'informer le Gouver-
nement tchécoslovaque (qu'en tout état decause,lesobservations dont il
s'agit nesauraient êtreenvisagéespar la Cour autrement quecommedesob-

servations présentéesau nom du seul Gouvernement tchécoslovaque ..»
La Cour adéclaré que, sid'autres gouvernementsdésiraientprésenterleurs
propres vuesenleur propre nom,ilsdevraientchercher à intervenir au pro-
cès,comme le prévoit l'article63duStatut (Ioc.cit., p. 272).Mais la Cour
n'a pas dit que le fait pour la Tchécoslovaquied'avoirles mêmesintérêts
que d'autres pays lui ôtait qualité pour déposer une requête devantla
Cour. Aurait-elle décidé qu'iln &ait ainsi, au cas où la Tchécoslovaquie
aurait émisle désirde consulter un plus grand nombre dYEtats?Deux

411in the instant case; four States, Members of the League of Nations,
instituted the proceedings in the Wimbledonand Memel cases. In the
Oder Commissioncase, there were six Applicants. (P.C.I.J., Series A,
No. 23 (1929).) When there are several parties in one interest they can
be reckoned as one party only. (Cf. Article 31 (5) of the Statute.) The
two Applications in this case were joined; this could be done if there
were 20 Applicants, or more.

It will be recalled that in the Memel case, the Rapporteur of the
Council of the League, regretting that a unanimous vote could not be
secured for requesting an advisory opinion, urged the four Principal
Powers to bring an action against Lithuania in the Permanent Court on
thebasis ofArticle 17oftheConvention of 8May 1924.The representative
of Lithuania said the entire Council was a party to the dispute. (Leagueof

Nations, Ojîcial Journal, 13February, 1932,p. 540.)The four Powers did
bring the action and the Permanent Court dealt with the case without
any suggestion that there was any impropriety in the application or that
it circurnvented Article 34 of its Statute which is substantially similar
in this respect to Article 34 of the Statute of the International Court of
Justice.Thesituation could bethe same with respect to any of the numer-
ous international organizations which now have the right to request the
Court for an advisory opinion (see the list in the Court's Yearbook
1964-1965,pp. 34-35), where the constitution of the organization also
permits members tu apply to the Court for an interpretation of its

provisions l.
Where members are thus given a right to apply to the Court for an
interpretation of a constitutional or other basic treaty provision, the
clause giving them the right to institute the action is the only title they
need to obtain judgment; they do not need to point to some other legal
provision specifically giving them a "legal interest".

Respondent also asserted that the present proceedingsagainst Respon-
dent are to be seen as part of a political campaign (Counter-Mernorial,

Book IV, p. 446 and elsewhere).That there has been and continues to be
vigorous opposition to the practice of the policy of apartheid in the
mandated territory of South West Africa, is clearly true. The opposition
extends to the practice of apartheid in the Republic of South Africa

Governmental Organizations, Constitutional Documents, Vol. 1, pp. 664, 672; Statute
of the International Atomic Energy Agency of 1956, Art. 17, ibid., Vol. II, pp. 926,
938; U.N.E.S.C.O. constitution of 1945, Art. 14 (providing ansalternate form
for judicial settlement if the General Conference so determinibid., pp. 1802,
1809; W.H.O. constitution of 1948, as amended 1959,Art. 75, ibid., pp. 1881, 1891. Etats Membres de l'organisation des Nations Unies ont déposé une
requêtedans la présente affaire; quatre Etats Membres de la Société
des Nations ont introduit une instance dans l'affaire du VapeurWimble-

don et celle de l'Interprétationdustatut duerriteire de Memel. Dans l'af-
faire relative la Juridiction territoriale de la Commissioninternationale
del'Oder,ily avait six demandeurs (1929, C.P.J.I. sérieA no23).Lorsque
plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent que pour une
seule (voir l'article 31, paragraphe du Statut). Dans la présente affaire,
les deux requêtesont étéjointes; cela serait également possibles'il y
avait vingt demandeurs, ou plus.
On se souviendra que dans l'affaire de Memel,le rapporteur du Con-
seil de la Société desNations, déplorant qu'un vote unanime ne puisse

être obtenuen vue de demander un avis consultatif, a pressé lesquatre
Puissances principales d'intenter une action contre la Lithuanie devant
la Cour permanente surla base de l'article 17dela Convention du 8mai
1924. Le représentant de la Lithuanie a dit que le Conseil tout entier
étaitpartie au différend (Société deNs ations, Journaloficiel, 13 février
1932, p. 540). Les quatre Puissances ont effectivement intenté l'action
et la Cour permanente a jugé l'affairesans donner à entendre que la
requête étaitabusive ou qu'elle tournait l'article 34 du Statut, qui était
analogue en substance à cet égard à l'article 34 du Statut de la Cour

internationale de Justice. La situation pourrait êtrela mêmeen ce qui
concerne l'une quelconque des nombreuses organisations internatio-
nales qui ont maintenant le droit de demander à la Cour un avis consul-
tatif (voir leur liste dansC.I.J. Annuaire 1964-1965,p. 34-35), lorsque
l'acte constitutif de l'organisation permet égalementaux membres de
demander à la Cour d'interpréter ses dispositions l.
Quand on reconnaît ainsi aux membres d'une organisation le droit de
prier la Cour d'interpréterles dispositions d'un acte constitutif ou d'un
autre traité fondamental, la clause leur donnant ce droit est le seul
titre dont ils ont besoin pour obtenir jugement; ils n'ont pas invoquer

une autre disposition de droit leur reconnaissant spécifiquementun
« intérêtjuridique».

Le défendeura égalementaffirméque l'instance actuellement engagée
contre lui doit êtreconsidérée commefaisant partie d'une campagne
politique (contre-mémoire, livre IV, p. 446 notamment). Qu'il y ait eu
et qu'il continue d'y avoir une opposition vigoureuse à la pratique de la
politique d'apartheiddans leterritoire sousMandatdu Sud-Ouestafricain,
cela est évident.Cette opposition s'étend à la pratique de l'apartheid

Voir l'Acte constitutif de l'organisation des Nations Unies pour l'Alimentation
et l'Agriculture, 1945, amendéen 1957, article XVII; Peaslee, International Govern-
mental Organizations, Constitutional Documents, vol. 1, p. 672; Statut de l'Agence
internationale de l'énergieatomique, 1956, article XVII, ibrd., vol. II, p. 938;
Convention créant l'Unesco, 1945, article XIV (prévoyant également une autre
p. 1809; Constitution de l'organisation mondiale de la Santé, 1948, amendée en,
1959, article 75, ibid., p. 1891.itselfbut the Court isnot concerned with matters outside of the mandated
territory. The task before the Court-as 1 see it-isto decide a dispute
about the interpretation or application of provisions of the Mandate,
namely whether the policy and practice 'of apartheid in South West
Africa violates the duty imposed on the Mandatory by Article 2 to
"promote to the utmost the material and moral well-beingand the social
progress ofthe inhabitants ofthe territory". The Courthasno jurisdiction
to consider the legality under international law of practices of the Re-
public of South Africa in its own territory.

However, since Respondent has sought to eliminate the legitimate
legal interest of Applicants in the present proceedings, on the ground
that theproceedings are part of a campaign by African States against the

Respondent (cf. argument of Counsel, 26 October 1965, C.R. 65/87,
pp. 45 ff.), a word must be said on this subject. At times counsel for
Respondent seemed to suggest that the "campaign" was one waged just
by other African States but he admitted that criticism began much
earlier and that non-African States also had supported resolutions
condemning the practice of apartheid. (C.R. 65/87, p. 47. Examples of
statements by non-African governments are in the Reply, pp. 76-83.)
To put the matter in proper perspective, it is necessary to recall that the
question of South African racial discrimination was first brought before
the General Assembly in 1946 by India. The Indian representative
referred to the efforts of Ghandi in South Africa in 1907and 1913.He
submitted a resolution by which the General Assembly would have
resolved that "the Union Government's discriminatory treatment of
Asiatics in general and Indians in particular on the ground of their race
constitutes a denial of human rights and fundamental freedom and is
contrary to the Charter". (Yearbook of the UnitedNations, 1946-1947,

p. 145.)Long arguments took place year after year concerningthe com-
petence of the General Assembly under Article 2 (7) of the Charter but
the issue recurred in one Assembly after another. In 1950,the resolution
adopted by the General Assembly recited "that a policy of 'racial
segregation' (Apartheid) is necessarily based on doctrines of racial
discrimination". It was the Asian States which brought the broader
apartheid issue to the General Assembly. (Zbid.,1950,p. 407.) In 1956,
for example, there were separate resolutions on Indians in South Africa
and on the general problem of racial discrimination in that country.
This latter resolution, actually adopted in January 1957,came at a time
when there were only four African States in addition to South Africa,
who were Members of the United Nations. (Zbtd.,1956,p. 144, cf. G.A.
Res. 820 (IX), 14 December 1954.) Counsel for Respondent stressed
actionsin "these later years" (C.R. 65/87,p. 48); he may have meant after
November 1960-the "critical date" when the Applications in these cases
were filed. dans la République sud-africaineelle-mêmem , ais la Cour ne s'intéresse
pas à ce qui se passe en dehors du territoire sous Mandat. Le rôle de la
Cour - tel que je le conçois- est de trancher un différendrelatifàl'in-
terprétation ou à l'application des dispositions du Mandat etportant sur
la question suivante: la politique et la pratique de l'apartheid dans le
Sud-Ouest africain violent-elles ou non le devoir imposé au Manda-
taire par l'article 2«d'accroître, par tous les moyens en son pouvoir,
le bien-êtrematériel et moral ainsi que le progrès social des habitants

du territoire»?La Cour n'a pas compétencepour examiner la légalité,
en droit international, des pratiques suivies par la République sud-afri-
caine sur son propre territoire.
Toutefois, comme le défendeur a cherché à nier que les demandeurs
aient un intérêt juridiquelégitimedans la présente instance, en préten-
dant qu'elle s'inscrit dans une campagne des Etats africains contre le
défendeur(voir la plaidoirie du conseil du défendeur,26 octobre 1965,
C.R. 65/87, p. 45 et suiv.), il convient de dire un mot à ce sujet. A
certains moments, le conseil du défendeur aparu suggérerque la (cam-

pagne ))était menéeuniquement par d'autres Etats africains, mais il a
reconnu que les critiques avaient commencé bien plus tôt et que des
Etats non africainseux aussiavaient appuyé des résolutions condamnant
la pratique del'apartheid (C.R. 65/87,p. 47; des exemplesde déclarations
émanant de gouvernements non africains sont citésdans la réplique,
p. 76-83).Pour situer l'affairedans unejuste perspective, il est nécessaire
de rappeler que la question de la discrimination raciale en Afrique du
Sud a étésoulevéepour la première fois devant l'Assembléegénérale
par l'Inde en 1946.Le représentant de l'Inde s'est référé auxefforts de

Gandhi en Afrique du Sud en 1907et 1913. Il a proposé une résolution
invitant l'Assembléegénérale à décider que «la manière discriminatoire
dont le gouvernement de l'Union traite les Asiatiques en général,et
les Indiens en particulier, pour des motifs d'ordre racial, constitue un
dénides droits et des libertés fondamentales de l'homme et est contraire
à la Charte ))(Yearbook of the United Nations, 1946-1947,p. 145). De
longues discussions ont eu lieu tous les ans au sujet de la compétence
de l'Assembléegénéralecompte tenu de l'article 2, paragraphe 7, de la

Charteet le problème a reparu à chaque nouvelle session de l'Assemblée.
En 1950, la résolution adoptéepar l'Assemblée généralc eonsidérait
que toute politique de (ségrégationraciale ))(apartheid) repose forcé-
ment sur les doctrines de discrimination raciale)). Ce sont les Etats
d'Asie qui ont soulevédevant l'Assembléele problème plus général de
l'apartheid (ibid., 1950, p. 407). En 1956, par exemple, il y a eu des
résolutions distinctessur les Indiensen Afrique du Sud et sur leproblème
général dela discrimination raciale dans ce pays. Cette seconde résolu-
tion, effectivementadoptée enjanvier 1957,est intervenue à un moment

où quatre Etats africains seulement, en plus de l'Afrique du Sud, étaient
Membres des Nations Unies (ibid., 1956,p. 144; voir la résolution 820
(IX) de l'Assembléegénérale endate du 14 décembre1954).Le conseil
du défendeur a insistésurune participation active « au coursdesdernières
années 1)(C.R. 65/87, p. 48). Il a peut-êtrevoulri dire: après novembre

413 It is not inappropriate to recall that in the period after the end of
World War 1 the Permanent Court of International Justice, as well as
the Council of the League, were called upon repeatedly to deal with legal
problems connected with Polish-German antagonisms which from time
to time flared into very sharp differences of opinion (see Walters, A
History of theLeague ofNations, 1952,Vol.1,pp. 406-408).In the General

Assembly of the United Nations and in the Security Councilimmoderate
and intemperate language has, unfortunately, often been used on a
variety of issues. It would be invidious to quote specificinstances, but
since 1946public attention has often focused on the violence with which
Members of the United Nations have condemned policies and practices
of other Members in areas outside as well as inside the continent of
Africa.

Both this Court and the Permanent Court of International Justice
have had to resist efforts todivert it from its judicial duty by allegations
of the political motivations of those who have sought to set its processes
in motion either by requests for advisory opinions or by applications
in contentious proceedings. The Permanent Court was attacked for

its opinion in the Austro-German CustomsRégimematter. (See Hudson
in 26 American Journal of International Law, 1932, pp. 1, 9.) Judges
Adatci, Kellogg, Rolin-Jaequemyns, Sir Cecil Hurst, Schücking, van
Eysinga and Wang, in a joint dissent in that case made a notable state-
ment :

"The undersigned regard it as necessary fùst of al1 to indicate
what they believe to be the task assigned to the Court in this case.
The Court is not concerned with political considerations nor with
political consequences. These lie outside its competence.

The Council has asked for the opinion of the Court on a legal
question. [The question is stated.] That question is purely legal in
the sense that it is concerned with the interpretation of treaties."
(P.C.I.J., Series AIB, No. 41 (1931),p. 75.)

That is the situation in the instant contentious proceedings '.
The point is well put by the judicial commission appointed under
Article 26 of the Constitution of the International Labour Organisation
to examinethe complaint filedby the Government of Portugal concerning
the observance by the Government of Liberia of the Forced Labour
Convention, 1930(No. 29):

It may be noted that in the law of the United States in cases where the plaintir
brings suit in a general interest as noted above, the motive of the plaintiff is of
no concern to the Court even where it is shown that he brings the suit merely to
be revenged on the defendant or out of spite or malice. See CorpusJuris Secundum,
Vol. 1, pp. 1064-1065. 1960,((date critiqu1)à laquelle des requêtesont étédéposéesen l'espèce.
Il n'est pas hors de propos de rappeler que, dans la période qui a
suivi la fin de la première guerre mondiale, la Cour permanente de
Justice internationale et le Conseil de la Société desNations ont été
appelés à maintes reprises à traiter de problèmes juridiques liésà I'an-
tagonisme germano-polonais, qui provoquait de temps à autre des
divergencesd'opinions trèsacerbes (voir Walters,AHistory oftheLeague
of Nations, 1952,vol. 1,p. 406-408).A l'Assemblée générale dN esations
Unies et au Conseil de sécurité, il est malheureusement arrivé souvent

qu'on s'exprime sans modération et sans mesure sur divers points. Il
serait désobligeant de citer des exemples précis,mais la violence avec
laquelle les Membres de l'organisation des Nations Unies ont condamné
la politique et les pratiques d'autres Membres dans des régionssituées
en dehors aussi bien qu'à l'intérieur du continent africain a fréquem-
ment retenu l'attention du public depuis 1946.
Tant la Cour actuelle que la Cour permanente de Justice internatio-
nale ont dû résisteraux effortsquecertainsdéployaientpour lesdétourner

de leur devoir judiciaire enalléguantles motivations politiques de ceux
qui avaient cherché à mettre en mouvement le mécanismejudiciaire
soit en demandant à la Cour un avis consultatif, soit en introduisant
une instance contentieuse. La Cour permanente a été critiquéeau sujet
de l'avis rendu dans l'affaire du Régimedouanier entre l'Allemagne et
l'Autriche(voir Hudson, AmericanJournal of International Law, vol. 26,
1932, p. 1, 9). A l'occasion de cette affaire, MM.Adatci, Kellogg, Rolin-
Jaequemyns, sir Cecil Hurst, MM. Schücking, van Eysinga et Wang

ont fait, dans une opinion dissidente commune, une déclaration digne
d'être notée:
cLes soussignésconsidèrent cGmme nécessaired'indiquer tout
d'abord ce qu'ils croient êtrela mission assignéeà la Cour dans la

présente affaire.La Cour n'a pas à se préoccuper de considérations
politiques ni de conséquencespolitiques. Celles-ci échappent à sa
compétence.
Le Conseil a demandél'avisde la Cour sur une questionjuridique.
[Suit l'énoncéde la question.] Et cette question est, en effet, pure-
mentjuridique, ence sensqu'ellea trait à l'interprétation detraité».
(1931, C.P.J.I. sérieAIB no41, p. 75.)

Telle est la situation dans l'instance contentieuse en cours
Ce point est bien précisépar la Commission judiciaire instituée en
vertu de l'article 26 de la Constitution de l'organisation internationale
du Travail, pour examiner la plainte déposéepar le Gouvernement du
Portugal au sujet de l'observation par le Gouvernement du Libériade

la Convention no 29 de 1930sur le travail forcé:

introduit une instance dans un intérêtgénéral, commeon l'a noté plus haut, ses
mobiles n'intéressentpas le tribunal, mêmesi l'on démontre qu'il intente l'action
à seule fin de se venger du défendeur, par dépit ou malveillance. Voir Corpus
Juris Secundum, vol. 1, p. 1064-1065.

414 "In these circumstances, the Commission cannot regard the
complaint as calling for surnmary dismissal on the ground of its

alleged political character. The Commission is not concerned with
any political aspects which theatter may have; the task entrusted
to it is that of examining judicially whether or not there has been
or isa failureby Liberiatosecurethe effectiveobservance of the pro-
visions of the Forced Labour Convention, 1930 (No. 29), ratified
by Liberia on 1 May 1931.In taking this view the Commission has
been guided by a series of decisions of the International Court of
Justice in cases in which it was contended before the Court that it
should decline to givean advisory opinion by reason of the political

nature of the questions on which its opinion was requested, and
notably by the decisions of the Court in theConditionsof Admission
of a State to Membership of the United Nations (Article 4 of the
Charter) case and the CertainExpenses of the UnitedNations case 2.
As was said by the Court in the Conditions of Admission case l,
the Commission 'is not concerned with the motives which may
have inspired this request'; it is no part of its function either to
endorse or to impugn them; while the question referred to the

Commissionmay be, to usethe language ofthe Court in the Expenses
case 3,'intertwined with political questions', the task of the Com-
mission is to examine judicially without regard to such consider-
ations, whether or not the obligations of the Constitution and the
Convention are being carried out." (International Labour Organi-
sation, Oficial Bulletin, Vol. XLVI, No. 2, Supplement II, April
1963,at p. 155.The Commission was composed of Judge Armand-
Ugon, a Member of the International Court of Justice from 1952
to 1961, Judge Goonetilleke of Ceylon and Professor Castrén of

Finland who had wide experience as a judge in international arbi-
trations, etc.)

AS this Court said in the Nortlzern Cameroons case (I.C.J. Reports
1963, p. 15,at p. 27):
"The Court is not concerned with the question whether or not
any dispute in relation to the same subject-matter existed between

the Republic of Cameroon and the United Nations or the General
Assembly. In the view of the Court it is sufficienttoythat, having
regard to the facts already stated in this Judgment, the opposing
views of the Parties as to the interpretation and application of
relevant Articles of the Trusteeship Agreement, reveal the existence
of a dispute in the sense recognized by the jurisprudence of the

lI.C.J Reports1947-194 8,61.
Zbid1.962 ,p.155-156.
Ibid . ,155.
415 ((Dans ces conditions,la Commission ne peut non plus considérer

la plainte comme devant être sommairement rejetée par suite
de son prétendu caractère politique. La Commission n'a pas à
connaître de tel ou tel aspect politique que la question peut avoir;
la tâche qui lui est confiéeest d'examiner judiciairement si, oui
ou non, il y a eu ou il y a de la part du Libéria manquement à
assurer d'une manière satisfaisante l'exécutiondes dispositions de
la Convention (no 29) concernant le travail forcé, 1930, ratifiée
par le Libériale lermai 1931.Pour prendre cette position, la Com-
mission s'estinspiréed'une série dedécisions renduespar la Cour

internationale de Justice dans des affaires où il était soutenu devant
la Cour que celle-ci devait s'abstenir de donner un avis consultatif
en raison de la nature politique des questions sur lesquelles un
avis lui était demandéet notamment des décisionsde la Cour dans
l'affaire relative aux Conditions de l'admission d'un Etat comme
Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte)l et dans l'affaire
relativeà 'Certainesdépensesdes Nations Unies 2. Comme il a été
déclarépar la Cour dans l'affaire relative aux Conditions de I'ad-

mission d'un Etatl, la Commission ((n'apoint à s'arrêteraux mo-
biles qui ont pu inspirer cette demande D; il n'entre pas dans ses
fonctions de les accepter ou de les rejeter; alors que l'on pourrait
peut-être dire, pour reprendre les termes employéspar la Cour
dans l'affaire relativeà Certaines dépenses 3,que la question dont
la Commissionest saisie ((touche à des questionsd'ordre politique »,
la tâche de la Commission est d'examiner judiciairement, sans
égard à de telles considérations,si les obligations de la Constitution
et de la Convention sont exécutéesou ne le sont pas. ))(Bureau

international du Travail, Bulletinosciel, vol. XLVI, no2, suppl. II,
avril1963, p. 171. La Commission se composait de M. Armand-
Ugon, membre de la Cour internationale de Justice de 1952 à 1961,
d'un ancien juge de Ceylan, M. Goonetilleke et du professeur
Castrén (Finlande), qui a une vaste expérience entant que juge
dans les affaires d'arbitrage international, etc.)

Comme la Cour l'a déclarédans l'affaire du Camerounseptentrional
(C.I.J. Recueil 1963,p. 27) :
(La Cour n'a pas à sepréoccuperde savoir siun différendportant

sur le mêmeobjet a existéou non entre la Républiquedu Cameroun
et les Nations Unies ou l'AssembléegénéraleD . e l'avis de la Cour,
il suffit de constater que, eu égardaux faits déjàexposésdans le
présent arrêt,les positions opposées desParties pour ce qui con-
cerne l'interprétation et l'application des articles pertinents de
l'accord de tutelle révèlentl'existence entre la République du
Cameroun et le Royaume-Uni, à la date de la requête, d'undiffé-

C.Z.J. Recueil 1947-1948, p. 61.
* Ibid., 1962, p. 155-156.
Zbid., p. 155. 418 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P.JESSUP)

Court and of its predecessor, between the Republic of Cameroon
and the United Kingdom at the date of the Application."
It is equally true in the instant case, that the Court is not concerned
with the question whether or not any dispute in relation to the same

subject-matter existed or exists between the Republic of South Africa
and the United Nations or the General Assembly.

SECTION X. THEQUESTIO NF THE LAPSE OF THE MANDATE
Another argument has been advanced which, if weil-founded, would

negative the existence of Applicants' right to institute proceedings
Article 7 (2) of the Mandate. The first of Respondent's final submissions
as presented to the Court by Respondent's Agent on 5 November 1965
reads as follows:
"That the whole Mandate for South West Africa lapsed on the
dissolution of the League of Nations and that Respondent is, in
consequence thereof, no longer subject to any legal obligations

thereunder."
It has already been pointed out that there is nothing in the so-cailed
"new facts" presented by Respondent which would lead the Court to
reconsider the view which it has consistentlyaken since 1950that the
Mandate did not lapse on the dissolution of the League. On this point
the Court was unanimous in 1950 and there were no opposing views
expressed in 1955or 1956.Moreover it is still true, as the Court stated
in its Advisory Opinion of 1950,quoted by the Court in its 1962Judg-
ment, that-

"If the Mandate lapsed, as the Union Government contends,
the latter's authority would equally have lapsed. To retain the rights
derived from the Mandate and to deny the obligations thereunder
could not be justified."I.C.J. Report1s962,p. 333.)

In the present phase of the case, Respondent sought to surmount
this difficultyby alleging that it had a title to South West Africa based
on conquest. On 27 May 1965, counsel for Respondent stated (C.R.
65/39, p. 37): "The Respondent says, Mr. President, that the legal
nature of its rights ish as is recognizedin international law as flowing
from rnilitary conquest." It is doubtful whether Respondent relied
heavily on this argument which is in any case devoid of legalfoundation.

It is a commonplace that international lawoes not recognize military
conquest as a source of title. Itll sufficeto quote from Lauterpacht's
Oppenheim (8th ed., Vol. 1, p. 567):

"Conquest is only a mode of acquisition if the conqueror, after
having firmly established the conquest, formally annexes theerri-
tory. Such annexation makes the enemy State cease to exist, and
therebybringsthe war to an end.And as suchending ofwar isnamed
subjugation, it is conquest followed by subjugation, and notcon-

416 rend au sens admis par la jurisprudence de la Cour actuelle et de
l'ancienne Cour.))
Il est égalementvrai dans la présente affaireque la Cour n'a pas
à se préoccuper de savoir si un différendportant sur le mêmeobjet a
existéou non entre la République sud-africaine et l'organisation des
Nations Unies ou l'Assembléegénérale.

On a avancéun autre argument qui, s'il étaitbien fondé, prouverait
l'existence du droit des demandeurs à intenter une action en vertu du
deuxième alinéade l'article 7 du Mandat. Dans la première des con-
clusions finales que son agent a luesà la Cour, le 5 novembre 1965,le

défendeura affirmé:
((Que le Mandat pour le Sud-Ouest africain dans son ensemble
est devenu caduc lors de la dissolution de la Société desNations et
que le défendeurn'est plus en conséquence soumis à aucune des
obligationsjuridiques découlant du Mandat. ))

Il a déjàétésignalé qu'aucun des soi-disant «faits nouveaux » pré-
sentéspar le défendeurn'amènerait la Cour à reconsidérer lepoint de
vue qui est le sien depuis 1950, savoir que le Mandat n'est pas devenu
caduc lors de la dissolution de la Sociétédes Nations. Sur ce point, la
Cour a étéunanime en1950et aucuneopinion contraire n'a été exprimée
en 1955ni en 1956.En outre, il demeure, comme la Cour l'a précisédans
son avis consultatif de 1950 et rappelé dans son arrêt de 1962, que

«Sile Mandat avait cesséd'exister,commele prétendle Gouverne-
ment de l'Union, l'autorité decelle-ciaurait égalementcessé d'exis-
ter. Rien ne permet de conserver les droits dérivésdu Mandat
tout en répudiant les obligations qui en découlent.(C.I.J. Recueil
1962,p. 333.)

Au cours de la présentephase de l'affaire, le défendeura cherché à
surmonter cette difficultéen faisant valoir qu'il avait, eu égard au Sud-
Ouest africain, un titre fondé sur la conquête.Le 27 mai 1965,le con-
seil du défendeura déclaré (C.R.65/39, p. 37): «Le défendeurprétend
que la nature juridique de son droit est celle qui est reconnue en droit
international comme découlant d'une conquête militaire.Il est douteux
que le défendeurait attaché beaucoup de prix à cet argument qui est, de
toute manière, dénuéde tout fondement juridique.
C'est une banalité de dire que le droit international ne reconnaît
pas detitre fondé surla conquêtemilitaire.l suffirade citer un passage de

l'ouvrage Oppenheim(par Lauterpacht, 8e éd. vol.1, p. 567):
«La conquêten'est un mode d'acquisition que si le conquérant,
après l'avoir établie fermement, annexe officiellementle territoire.
Une telle annexion a pour effet que l'Etat ennemi cesse d'exister;
eile met donc fin à la guerre. Cette manière de finir la guerre
s'appelant la subjugation, c'est la conquêtesuivie de la subjugation

416 quest alone, which givesa title and is a mode of acquiring territory.
It is, however,quite usual to speak of 'titleby conquest', and every-
body knows that subjugation after conquest is thereby meant.
But it must be specially mentioned that, ifa belligerent conquers
a part of the enemy territory and afterwards makes the vanquished
State cede the conquered territory in the treaty of peace, the mode
of acquisition is not subjugation but cession."

It is of course known that Germany did not cede South West Africa
to South Africa and that South Africa did not conquer the whole of the
territory of Germany.
1 do not find it necessary to add much to what the Court and the
separate opinions of Judges McNair and Read in 1950and the Court in
1962have said about the fact that the Mandate survived the dissolution
ofthe Leagueof Nations, beyond what has already been noted above in
connection with the Palestine question. But it is interesting to take note
of a memorandum prepared by the Secretariat of the United Nations in
1950at the request of the Economic and Social Council on the question
of the then legal status of the régimeestablished by and under the League

of Nations for the protection of rninorities. Much of the memorandum
is pertinent to the mandates l.

The memorandum explores general principles concerning the termi-
nation of international legal obligations and the various factors or
circumstances of change which need to be considered. Early on, the
memorandum asserts :
"An international obligation remains valid so long as there is
no cause for its extinction. It follows that the extinction of the

obligation cannot be presumed; it is essential to establish the fact
which caused its extinction, such as the expiry of its period of
validity or the disappearance of the object of the obligation."
(P. 3.)
The memorandum concludes that the Second World War "in itself
has not caused the extinction of the obligations relating to minorities"
(P. 9.)
At page 11 of the memorandum there is a heading-"the theory that
the Declarations should be deemed to have 1apsed"-and under the
headingthere isthe indication that "the followingarguments are adduced

in support of this theory". It is in the assemblage of these arguments
that the memorandum States: "The dissolution of the League of Nations
involved the extinction of the obligation." A further argument is stated,
namely that "juridically speaking, the United Nations is not the 'suc-

= The document is ElCN.41367 of 7 April 1950; it is supplemented in E/CN.
of its first memoranduand1with certain new facts.ariat deals with certain criticisms et non la conquêteseule qui créeun titre et constitue un mode

d'acquisition territoriale. Pourtant, il est toutà fait habituel de
parler du titre fondé sur la conquête, ettout le monde comprend
par là la subjugation après la conquête. Mais ilfaut préciserque, si
un belligérantconquiert une partie du territoire ennemi et oblige
par la suite dans le traité depaix 1'Etatvaincu à lui céder leterri-
toire ainsi conquis, le mode d'acquisition n'est pas la subjugation,
mais la cession.))

Or, il est bien connu que l'Allemagne n'a pas cédéle Sud-Ouest
africain à l'llfrique du Sud et que l'Afrique du Sud n'a pas conquis
la totalitédu territoire allemand.
Je ne pense pas qu'en dehors des précisionsqui ont été donnéec si-
dessus au sujet de la question de Palestine, il soit nécessaired'ajouter
grand-chose aux déclarationsfaites par la Cour, ainsique par sirArnold,
McNair et M. Read dans leurs opinions individuelles, en 1950,puis de

nouveau par la Cour en 1962 sur le fait que le Mandat a survécu à la
dissolution de la Société desNations. Il est intéressant toutefois de
prendre note d'un mémorandum que le Secrétariatdes Nations Unies
a préparéen 1950 à la demande du Conseil économiqueet social sur la
question du statut juridique qu'avait à l'époquele régimeétablipar la
Société desNations et sous son égidepour la protection des minorités.
Ce mémorandumest en grande partie pertinent eu égardaux Mandats l.
Il étudie les principes générauxrégissant l'extinction des obligations
juridiques internationales et les divers facteurs ou circonstances justi-

fiant un changement qui doivent être examinés. Dans les premières
pages, le mémorandum affirme:
«Une obligation internationale conserve sa valeur tant qu'elle
n'est pas affectéepar un fait qui constitue une cause d'extinction
de ladite obligation. De là il découleque l'extinction de l'obliga-

tion ne se présume pas. Il faut établir le fait, tel que l'arrivéedu
terme, la disparition de l'objet de l'obligation, qui a mis fin à
l'obligation» (P. 8.)
Et le mémorandum de préciser que la deuxième guerre mondiale
((comme telle n'a pas constitué une cause d'extinction des engagements
en matière de minorités » (p.14).

A la page 16 figure un paragraphe intitulé ((Thèse selon laquelle
les déclarations seraient devenues caduques » où il est préciséqu'«à
l'appui de cette thèse, on fait valoir les arguments suivant». C'estdans
la présentation de ces arguments que le mémorandum indique: «La
disparition de la Sociétédes Nations a entraînél'extinction de l'obliga-
tion.» Un autre argument encore est avancé, à savoir que ((juridique-
ment les Nations Unies ne sont pas les csuccesseurs » de la Société des

l 11 s'agit du document ElCN.41367, du 7 avril 1950; il est complétépar le
document E/CN.4/367/Add. 1, du 27 mars 1951,où le Secrétariatrépondàcertaines
des critiques dirigées contre le premier mémorandum et examine divers faits
nouveaux.cessor' of the League of Nations". The Secretariat's comment on these
arguments is as follows:

"It is true, as has been stated above (p. Il), that the United
Nations is not legally the successor of the League of Nations .. .
Nevertheless, the United Nations, like the League of Nations, is the
representative organ of the international community, and in this
capacity is naturally called upon to assume the functions exercised
by the League of Nations vis-à-vis States which had entered into
obligations towards organs of the League of Nations." (P. 14.)

Then after quoting from United Nations resolutions, especially G.A.
24 (1)of 12February 1946:

"It is true that the General Assembly has not yet decided that the
United Nations should assume the functions exercised by the
League of Nations with regard to the protection of minorities, but
as section C of the resolution provides for the possibility of the
transfer to the United Nations of the functions and powers entrusted
to the League of Nations under treaties, international conventions,

agreements and other instruments having a political character, it
may be concluded that the General Assembly has assumed that the
dissolution of the League of Nations has not resulted in the ipso
facto termination of the obligations arising out of these various
instruments ...
It is interesting to compare the case of the international mandates,
which is to a great extent analogous to that of the protection of
minorities. The 'mandatory'Powerswerebound byanagreementwith
the League of Nations. The United Nations Charter (Article 77)
expressly stated that the Trusteeship System would apply to 'terri-
tories now held under mandate'." (P. 15.)
The memorandum also considers the argument that the lapse of the
League of Nations guarantee of the minority régimehad destroyed the
balance of the system. To these arguments the memorandum replies:

"This consideration is certainly important, but it is not decisive.
It should not be forgotten that the United Nations has taken the
place of the League of Nations and has assumed the general func-
tions formerly performed by the League." (P. 17.)

The memorandum continues :
"The conclusion therefore seems warranted that so far as the
ordinary causes of the lapse of international obligations are con-
cerned, the suppression of the guarantee formerly accompanying
the obligations in respect of minorities has not extinguished the
obligations themselves."

In the ensuing portions of the memorandum, various specific mino-
rities agreements are considered seriatim. Here there is detailed analysis
418 Nations ». Le Secrétariat formule à propos de ces arguments les obser-
vations suivantes:
«Sans doute, comme on l'a dit plus haut (p. 16)les Nations Unies
ne sontpas juridiquement les successeursdela Sociétédes Nations ...
Mais les Nations Unies comme la Société des Nations sont l'organe

représentatif dela communauté internationale et à ce titre elles
possèdent une vocation à reprendre les fonctions exercéespar la
Société desNations et à tenir la place que tenait la Sociétédes
Nations vis-à-vis des Etats qui avaient souscrit des engagements
devant les organes de la Société desNations. » (P.20.)
Puis, après avoir cité des extraits de résolutions des Nations Unies,
notamment de la résolution 24 (1) de l'Assembléegénéraleen date du
12 février 1946, le Secrétariat poursuit:

«Sans doute jusqu'à présentl'Assembléegénéralen'a pas décidé
que les Nations Unies reprendraient les fonctions qu'exerçait la
Société desNations en matière de protection des minorités,mais
du moment que la section c) de la résolutionprévoitla possibilité
du transfert aux Nations Unies des fonctions et pouvoirs dévolus
à la Société desNations en vertu de traités, conventions, accords
et autres instruments internationaux de caractère politique, on en
conclura que l'Assembléegénéralea [admis] que la dissolution de
la Société desNations n'a pas eu pour effet de mettre ipsofacto

fin aux obligations résultant de ces divers instruments...

11est intéressant de relever le cas des Mandats internationaux
qui présentebeaucoup d'analogie avec celui de la protection des
minorités. Les Puissances ((mandataires)) étaient liéespar un ac-
cord avec la Société desNations. Or, la Charte des Nations Unies
(art. 77) a expressément décidé que le régimede tutelle s'applique-
rait aux (territoires actuellement sous Mandat. »(P. 21-22.)

Le mémorandum contient en outre un examen de l'argument selon
lequel la disparition de la garantie que la Société desNations offrait
au régime desminoritésaurait entraîné un déséquilibredu système. A
cela le mémorandum répond:
((Cette considération présente certes de l'intérêt.Cependant
elle n'est pas décisive:il ne faut pas oublier que les Nations Unies
ont pris la place que tenait la Société desNations et remplissent
les fonctions généralesque remplissait cette dernière. » (P. 23.)

Il poursuit en ces termes:
«On semble donc fondé à conclure que du point de vue des
causes ordinaires d'extinction desobligationsinternationales, la sup-
pression de la garantie qui assortissait les engagements en matière
de minoritén'a pas eu pour effet d'éteindreces engagements. ))

Dans les chapitres suivants du mémorandum, divers accords relatifs
aux minoritéssont successivement examinés.On trouve là une analyse

418of such "profound and general" changes of circumstances as those
which affected Poland and Czechoslovakia. However, in the case of
Turkey, where no new treaty since the Treaty of Lausanne of 1923had
intervened, the memorandum concludes that the factors of change,
including the dissolution of the Leagqe, were not sufficient to have
altered Turkey's obligations.

"Unless it is considered that al1 obligations concerning the
treatment of minorities are now no longer valid, the obligations
undertaken by Turkey have retained their validity." (P. 57.)

The memorandum says in conclusion:
"Reviewing the situation as a whole, therefore, one is led to
conclude that between 1939 and 1947 circumstances as a whole
changed to such an extent that, generally speaking, the system
should be considered as having ceased to exist." (P. 71.)
However, in response to certain criticisms and certain new facts the
Secretariat issued an addendum on 27 March 1951. In this addendum
the Secretariat calls attention to the Court's Advisory Opinion of 1950
on the International Status of South West Africa. After quoting from
pages 133and 136of that Opinion the addendum reaches the following

conclusions :
"The relevance of the opinion of the Court on South West Africa
for the present question ofthe validity ofthe minorities undertakings
is simply that it establishes the principle that the extinction of the
League of Nations does not ipsofacto carry with it the extinction
of a system established under its auspices. To draw any further
analogy between the two systemsof mandates and minorities would,
however, be difficult; the differences between the two are too
numerous and too wellknown to enumerate here.

Finally the opinion of the Secretariat that the minorities system
has ceasedto existwasnot based solelyon the ground ofthe League's
extinction, which was only one element in one of theseveralgrounds
advanced."

The Absence of ReversionaryRights of the PrincipalAllied and
Associated Powers

During the oral proceedings (C.R. 65/31, p. 54) a question was put
to Counsel for both Parties by one of the members of the Court, in-
quiring whether it was their view that any residual right inhered in the
Principal Allied and Associated Powers to deal with problems of the
mandates after the dissolution of the League. Counsel for Respondent
refused to "express any view" on the question (C.R. 65/39, p. 40), a
refusa1 of which the Court is required by Article 49 of the Statute to
take "formal note". But the argument that the Principal Allied and
Associated Powers had any such residual or reversionary rights is devoid
of merit. It finds practically no support in the doctrine. (Cf. Duncan détailléedes changements de circonstancesayant un caractère « profond
et général»comme ceux qui ont eulieuen Pologneet en Tchécoslovaquie.
Toutefois,en ce qui concernela Turquie, cas dans lequelaucun nouveau
traitén'est intervenu depuis le traité de Lausanne de 1923,le mémoran-
dum conclut que les facteurs de changement, et notamment la dissolu-
tion de la SociétédesNations, n'ont pasune importance suffisante pour

entraîner une modification des obligations de ce pays:
((Amoins que l'on estime que tous les engagements concernant
le traitement des minorités ne sont plus valides, les engagements
pris par la Turquie ont conservéleur validité. »(P. 68.)
En conclusion, le mémorandum affirme:

«En considérant le tableau d'ensemble, on est donc amené à
conclure que de 1939 à 1947l'ensemble des circonstances a changé
dans une telle mesure que le système d'une façon généraledoit
être considéré comme ayantcesséd'être envigueur. » (P. 83.)
Toutefois, pour répondre à certaines critiques et traiter de certains
faits nouveaux, le Secrétariata publiéle 27 mars 1951un additif. Dans
cet additif, il signale l'avisconsultatif rendu par la Cour en 1950au sujet

du Statut internationaldu Sud-Ouest africain.Après avoir cité des ex-
traits des pages 133 et 136 de cet avis, il aboutit aux conclusions sui-
vantes :
«Si nous citons à propos de la valeur des engagements en ma-
tière de minorités l'avis de la Cour au sujet du Sud-Ouest africain,
c'est parce que la Cour y pose le principe que la dissolution de la
Société desNations n'entraîne pas ipso facto la disparition d'un
régimeétabli sous son égide.On ne peut guère pousser plus loin
l'analogie entre le régimedes mandats et le systèmede protection

des minorités. Il n'y a pas lieu d'énumérerici les différencesqui
existent entre ces deux systèmes et qui sont trop nombreuses et
trop bien connues.
Il convient enfindesignalerque le Secrétariat,pour déclarerquele
régime deprotection des minorités avaitcesséd'exister, ne s'est pas
fondé uniquement sur la disparition de la Sociétédes Nations,
qui ne constituait qu'un des élémentsde son argumentation. 1)

Absencede droits de réversion au profid tes Principales Puissances
alliéeset associées
Au cours de la procédure orale (C.R. 65/31, p. 54),l'un desMembres

de la Cour a demandé aux conseils des deux Parties s'ils étaient d'avis
que les Principales Puissances alliéeset associéesavaient un droit rési-
duel quelconque leur permettant de traiter des problèmes afférentsaux
Mandats après la dissolution de la Société desNations. Le conseil du
défendeura refuséde ((donner un avis »sur cette question (C.R. 65/39,
p. 40),refus dont, en vertu de l'article 49 de son Statut, la Cour est tenue
de prendre « acte». Mais l'argument selon lequel les Principales Puis-
sances alliéeset associéesauraient desdroits résiduelsou desdroits de
réversionde ce genre est sans fondement. Il ne trouve pour ainsi dire

419Hall, "The Trusteeship System", XXIV,British YearBook of International

Law, 1947,pp. 33, 50.)
It needs no elaborate demonstration to show that Article 119 of the
Treaty of Versailles did not involve a cession of territory to the Allies;
the idea of a cession which would have meant even a momentary or
technical lodgment of sovereignty over the former German colonies
waswhollyatvariance withthe agreed settlement of thiscolonialproblem.
According to Innes, C.J., in Rex v. Christian(1923), South African Law
Reports, 1924,Appellate Division, at pages 108-109 :

"The expression 'renounce in favour of' is sometimes used in.the
Treaty as equivalent to 'cede to' ... Not so with the overseas
possessions; orat any rate with such of them as fell within the oper-

ation of Article 22. They were not by Article 199 ceded to al1or
any of the principal powers, any more than the City of Danzig was
cededto them under Article 100.''

The Alliesacquired the right to allot the mandates and thereafter became
functi oficio. The mandatories were mandatories on behalf of the League
and not of the Powers. The South West Africa Mandate provides that
changes should have the consent of the Council of the League, not just
the consent of the Powers. In 1946,the Assembly undertook to exercise
the powers of the Council; the Powers, as such, did not purport to exer-
cise any rights of disposition or control Saveas they may have derived
some new right of disposa1 under the Charter in connection with the
trusteeship system.

To assume that the Principal Allied and Associated Powers had some
residual or reversionaryrights would entai1a consideration of a number
of other factors. As is well known, the position of the United States
was a special one in which by separate treaty with Germany it claimed
as against Germany al1the rights of a party to the Treaty of Versailles
and by separate bilateral treaties with other States assured its rights
in certain mandated areas, but made no such treaty in regard to South
West Africa although it did make a treaty with Japan concerning rights
in the 'C' Mandate of Pacific Islands north of the Equator. Query
whether in 1945 it could be said to have identical rights-if any such
there were-with France and Great Britain. (But see Whiteman, Digest
of InternationalLaw, Vol. 1,p. 602.)

If Italy and Japan at any time had any such rights, they surrendered
them in the PeaceTreaties of 1947and 1951whichcontainedthe following
stipulations:

Article 40 of Italian Peace Treaty, 1947:
"Italy hereby renounces ali rights, titles, and claims deriving
from the mandate system or from any undertakings given in con-
320 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 422

aucun appui en doctrine (cf. Duncan Hall, «The Trusteeship System )),
British Year Book of International Law, vol. XXIV, 1947,p. 33 et 50).
Je pense qu'on peut admettre sans pousser la démonstration que l'ar-
ticle 119 du traité deVersailles ne comportait aucune cession de terri-
toires aux Alliés; l'idéed'une cession impliquant l'attribution, même
momentanée ou purement formelle, de la souverainetésur les anciennes
colonies aurait ététout à fait contraire au règlement dont on était
convenu pour ce problèmecolonial. D'après Innes, Chief Justice dans
l'affaireRex c. Christian (1923, South African Law Reports, 1924, Ap-
pellate Division, p. 108-109):

((L'expressionrenoncer au profit de est utiliséequelquefois dans
le traité au sens de céderà..Il n'en va pas de mêmedes possessions
d'outre-mer; ou du moins de celles d'entre elles qui entrent dans
le champ d'application de l'article 22. Elles n'ont étécédéesni à
l'ensemble des Principales Puissances ni à l'une quelconque d'entre

elles par l'article 199, pas plus que la citéde Dantzig ne leur a
étécédéepar l'article 100. s
Les Alliésavaient acquis le droit de répartir les Mandats et là s'était
arrêté leur rôle. Les Mandataires exerçaient leur Mandat pour le compte
de la Société desNations et non pour celui des Puissances. Le Mandat
pour le Sud-Ouest africain subordonne toute modification à l'autori-
sation du Conseil de la Société desNations et non pas simplement à
celle des Puissances. En 1946l'Assembléea entrepris d'exercer lespou-

voirs du Conseil; les Puissances, comme telles, n'ont nullement préten-
du exercer des droits de disposition ou decontrôle, sauf dans la mesure
où elles auraient tenu de la Charte de nouveaux droits de disposition
se rattachant au régimede tutelle.
Si l'on supposait que les Principales Puissances alliéeset associéesdé-
tenaient des droits résiduelsou des droits de réversion,cela obligerait
à prendre en considération un certain nombre d'autres facteurs. On
sait que la situation des Etats-Unis était spéciale: ilsont revendiqué à
l'égardde l'Allemagne, en vertu d'un traité séparét,ous les droits qu'a-

vaient les Etats parties au traité de Versailles et ils ont fait reconnaître
par d'autres Etats, en vertu de traités bilatéraux,leurs droits dans cer-
tains territoires sous Mandat; ils n'ont cependant conclu aucun traité
relativement au Sud-Ouest africain, quoiqu'ils aient conclu un traité
avecle Japon au sujet des droits découlantdu Mandat C pour les îlesde
l'océanPacifique situéesau nord de l'équateur. Reste à savoir s'ilspou-
vaientêtre considéréesn 1945comme ayant exactementles mêmesdroits
que la France et la Grande-Bretagne, à supposerque cesdroits aient bien
existé(voirtoutefoisWhiteman, Digestof InternationalLaw, vol. 1,p. 602).
Si1'Italieet le Japon ont jamais détenude tels droits, ils les ont aban-

donnés dansle cadre des traités depaix de 1947et 1951,qui contiennent
les dispositions suivantes:
Article 40 du traité de paix conclu avec l'Italie en 1947:
((L'Italierenonce à tous droits,à tous titres età toutes réclama-
tions résultant du régimedu Mandat ou des engagements de tout

420 nexiontherewith, and al1special rights of the Italian State inrespect
of any mandated territory."

Article 2 of the Japanese Peace Treaty, 1951:
"(d) Japan renounces al1right, title and claim in connection with
the League of Nations Mandate System, and accepts the
action of the United Nations Security Council of April 2,
1947 extending the trusteeship system to the Pacific Islands
formerly under mandate to Japan."
It would be curious to find that a right to resume control or to

plain of breaches now appertains only to France and Great Britain.
1 am not aware that any of the "Powers" asserted such a right during
the San Francisco Conference or at any other time. The history of the
Palestine Mandate and of Great Britain's actions with respect to the
termination of the Mandate lend no support to any theory of residual
or reversionary powers.

Even if one asserts the existence of reversionary or residual rights,
this could hardly affect the rights of Members of the Leaingeneral,
under Article 7 of the Mandate, to complain of violations of clauses
of the Mandate. If (quid non), the Principal Allied and Associated
Powers or some of them who were Members of the League had an
additional title to make complaint, that would not change the
situation.

SECTION XI. THELEGAL RIGHT OR INTERES TFAPPLICANTS
APPRAISE IN THE CONTEX TF THEJURIDICAN LATURE
OF THE REAL MERITS OF THE CASE
Although the Judgment of the Court recognizes that some of the

Applicants' submissions request "pronouncements and declarations"
and that the first and second submissions are included in that class, the
Judgment says-
"... the question which has to be decided is wheth...any legal
right ornterest (which is a different thing from a political interest)
was vested in the members of the League of Nations, including the
present Applicants, individually, and each in its ownrate right
tocal1for the carrying out of the mandates as regards their conduct
clauses".

But the question also is whether the same Applicants individually
had a right to ask the Court to interpret the Mandate so that-forx-
ample-those States might then determine whether to proceed through
political channels to induce the Mandatory to act in a certain way.
Such an inter-relation of the function of the Permanent Court of Inter-
national Justice and of the political organs of the League of Nations
was frequently illustrated in connectionwith the peace settlements
afterWorld War 1.Thus, under Article 11 of the Covenant, it was "de-

421 ordre résultantdecerégime,ainsi qu'à tous droits spéciaux del'Etat
italien concernant l'un quelconque des territoires sous Mandat. ))

Article 2 du traité de paix conclu avec le Japon en 1951:
(cd) Le Japon renonce à tous droits, titres et revendications résul-
tant du régime desMandats instituépar la SociétédesNations
et il accepte la décisiondu Conseil de Sécurité desNations
Unies, en date du 2 avril 1947, étendant le régimede tutelle

aux îles du Pacifique antérieurement sous Mandat japonais. ))
Il serait curieux d'arriverà la conclusion que seules la France et la
Grande-Bretagne ont le droit d'assumer ànouveau le contrôle du terri-
toire ou de se plaindre de violations. Je ne sache pas qu'aucune des
((Puissances» ait affirmé l'existenced'un tel droit pendant la conférence

de San Francisco ou à aucun autre moment. L'historique du Mandat
pour la Palestine et des mesures prises par la Grande-Bretagne au
sujet de la cessation de ce Mandat ne confirme nullement la thèse fondée
sur les droits résiduels ou les droits de réversion.
Mêmesi l'on affirmait l'existence de droits résiduels ou de droits
de réversion, celapourrait difficilementavoir une incidence sur le droit
que les Membres de la Société desNations en général tenaient de l'ar-
ticle 7 du Mandat de se plaindre des violations des clauses du Mandat.

Si, quidnonl, es Principales Puissancesalliéeset associéesou cellesd'entre
elles qui étaient Membres dela SociétédesNations avaient un titre sup-
plémentaireleur permettant de porter plainte, cela ne changerait rien à
la situation.

SECTIOX NI. APPRÉCIATION DU DROIT OU INTÉRÊT JURIDIQUE DES
DEMANDEURS COMPTETENU DE LA NATURE JURIDIQUE
DE CE QUI EST ~ÉRITABLEMENTLE FOND DE L'AFFAIRE

Bien que l'arrêt dela Cour reconnaisse que, par certaines de leurs
conclusions finales, les demandeurs sollicitentdes«déclarations» et que
les conclusionsnos 1 et 2 sont de celles-là, il n'en affirme pas moins que

«la question à résoudre est de savoirsi..les Membres de la Société
des Nations, y compris les demandeurs en la présente affaire,
avaient à titre individuel et indépendant un droit ou intérêjturi-
dique - ce qui diffèred'un intérêt politique- leur permettant de
réclamer l'exécution desdispositions des Mandats relatives à la
gestion ».

Mais la question est aussi de savoir si les demandeurs avaient à titre
individuel le droit de solliciterde la Cour une interprétation du Mandat
qui 1eu.rpermît, par exemple, de décider s'ils devaient employer des
voiespolitiquespour amenerle Mandataire à agir d'une certaine manière.
Les règlements intervenus lors de la conclusion de la paix au len-
demain de la première guerre mondiale ont fréquemment mis en

lumière l'existence d'une corrélation entre les rôles. respectifs de la
Cour permanente de Justice internationale et des organespolitiques de
421 clared to bethe friendly right of each Member of the League to bring to
the attention of the Assembly or of the Council any circumstance what-
ever affecting international peace or the good understanding between
nations upon which peace depends". Under Article 35 (1) of the Charter
of the United Nations, Members have a comparable right if there is
a "situation which might lead to international friction". Assume a Mem-
ber of the League (or of the United Nations) considered that the practice
of apartheid in the mandated territory of South West Africa was in
violation of the Mandate and that it might disturb "good understanding
between nationsy'-as indeed it has-or that it might "lead to interna-
tional friction9'-which indeed it has. Assume that such hypothetical
member, before taking the matter to the Assembly (or General Assembly)
wished to secure an authoritative pronouncement from the Interna-
tional Court as to whether its interpretation of the mandate was cor-
rect. Surely it would have a legal interest cognizable under paragraph 2
of Article 7 of the Mandate. Even a potential intention to act under

Article 11 of the Covenant (or Article 35 of the Charter) would justify
an application to the Court and there is no legal requirement that an
applicant should declare the reason why it wished the information.
It might, as the Permanent Court said in the Meinel case, merely wish
a "guide for the future".

The Judgment accepts or rejects certain conclusions by the test of their
acceptability as being reasonable. By this testfind it impossible to find
that because the "missionary" rights under Article 5may constitute what
the Judgment calls "special interests" rights, or may have what it calls in
somecontextsa "double aspect", the Applicants' legalright or interest to
prosecute a claimto judgment in regard to missionaries, must be admitted
but that they have no such right or interest in regard to the practice of
apartheid. This seems to me an entirely artificial distinction, and, as 1

have shown, not supported by the history of the drafting. Because Ap-
plicants did not specificallyinvoke Article 5 in their Applications, the
Judgment denies them the right to obtain a findingwhether the Mandate
-on which any such right would rest-still subsists. Applicants do base
their ninth submission on Article 7(1)which providesthat the terms ofthe
Mandate may not be changed without the consent of the Council of the
League; the Judgment denies them the right to know whether even their
admitted rights under Article 5 could be terminated by the unilateral act
of the Mandatory although it is said that "there is no need to enquire"
whether the consent of the Member would have been necessary. The
Judgment does not say whether the consent of every Member would be
necessary for the termination of a procedural clause. Looking at the
history of the drafting of the Mandate with the intimate connection
between the two paragraphs of Article 7, it again seemshighIyartificialto
take a position as follows: the decision of the Court in 1962that para-

422 la Société desNations. C'est ainsi qu'à l'article 11 du Pacte il est «dé-

claré quetout Membre de la Société a le droit,à titre amical, d'appeler
l'attention de l'Assembléeou du Conseil sur toute circonstance de
nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite
de troubler la paix ou la bonne entente entre nations, dont la paix
dépend)).Aux termes de l'article 35, paragraphe 1, de la Charte des
Nations Unies, les Membres de l'organisation ont un droit comparable
dans une ((situation qui pourrait entraîner un désaccordentre nations 1).
Supposons maintenant qu'un Etat Membre de la Sociétédes Nations
(ou des Nations Unies) ait considéré quela pratique de l'apartheid
dans le territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain constituait une

violation du Mandat et risquait de troubler cla bonne entente entre
nations » - ce qui s'est effectivement produit - ou d'«entraîner un
désaccordentre nations )- ce qui est un fait. Supposons qu'avant de
saisir l'Assemblée(ou l'Assemblée générale d)e cette question un telEtat
Membre aitsouhaitéobtenirdela Cour internationale un prononcéfaisant
autorité quant à l'exactitude de son interprétation du Mandat. Cet Etat
Membre aurait eu alors assurément un intérêtjuridique eu égara du deu-
xièmealinéa del'article 7 du Mandat. Mêmeune intention virtuelle d'agir
conformément à l'article 11 du Pacte (ou à l'article 35de la Charte) jus-

tifierait la présentationd'une requêteà la Cour et, du point de vue juri-
dique, rien n'obligeun demandeur à préciser lesraisons pour lesquelles il
désireobtenir ce renseignement. Comme la Cour l'a dit dans l'affaire de
l'Interprétationdu statut du territoire de Memel, il se peut qu'il souhaite
simplement une interprétation qui puisse «à l'avenir servir de guide».
L'arrêtaccepte ou rejette certaines conclusions sur la base du critère
du caractère raisonnable. Or l'application de ce critère m'interdit d'ad-
mettre que, parce que les droits conférésaux «missionnaires » par l'ar-
ticle 5 peuvent constituer, comme le dit l'arrêt, desdroits touchant à
des « intérêts particulie»sou peuvent avoir cequ'il dénommeun((double

aspect », on doive reconnaître aux demandeurs un droit ou intérêt
juridique leur permettant d'introduire une requête eu égard aux mission-
naires, tout en leur déniant un teldroit ou intérêt eu égard àla pratique
de l'apartheid. A mon avis, c'est là une distinction parfaitement artifi-
cielleque, commeje l'ai montré, l'historique dela rédaction du Mandat
ne vient nullement confirmer. Parce que les demandeurs n'ont pas ex-
pressément invoqué l'article 5 dans leurs requêtes, l'arrêt leur dénie
le droit d'obtenir un prononcé sur le point de savoir si le Mandat -
dont tout droit de ce genre découlerait - est toujours en vigueur. Les
demandeurs fondent en réalité leur conclusion no9 sur le premier alinéa

de l'article7, aux termes duquel les dispositions du Mandat ne peuvent
êtremodifiéessans l'autorisation du Conseil de la Sociétédes Nations;
or l'arrêtleur déniele droit de savoir si l'action unilatérale du Manda-
taire suffirait pour mettre fin mêmeaux droits que leur reconnaît l'ar-
ticle5, encore qu'il affirme qu'«il n'y a pas lieu de rechercher » si l'as-
sentiment des Etats Membres intéressésaurait éténécessaire.L'arrêt
ne précisepas si l'assentiment dechacun des Membres serait nécessaire
pour qu'il soit mis fin à une clause de procédure. Lorsqu'on considère

422graph 2 of Article 7 survives, in whatever form or way, is accepted, but
this survivingright of resort to the Court does not entitle Applicants to
learn from the Court whether paragraph 1 of Article 7 is still in
force, although if it is not, the Mandatory might also terminate the

second paragraph of Article 7 and deny to Applicants even what are-
under the Judgment of the Court-the meagre rights to filetheir applica-
tions and learn that the Court has jurisdiction. Jurisdiction to do
what? Jurisdiction, according to the Judgment, to Say that the Court
cannot give effectto the claims because Applicants lack a legal right or
interest.

The intimation in the Judgment that the Applicants' interest in, for
example, the practice of apartheid in the mandated territory of South

West Africa, is only political and not legal, harks back to the joint dis-
sent of 1962.At page 466 of that joint opinion, it was said that while a
Court generally must "exclude from consideration al1questions relating
to the merits" when it is dealing with an issue ofjurisdiction:

"It is nevertheless legitimate for a Court, in considering the

jurisdictional aspects of any case, to take into account a factor
which is fundamental to the jurisdiction of any tribunal, namely
whether the issues arising on the merits are such as to be capable of
objective legal determination."
The opinion continued to Saythat the principal question on the merits

would be whether the Mandatory is in breach of its obligations under
Article 2 of the Mandate. They concluded-provisionally, it is true-that
the problems presented are suitable for appreciation in a technical or
political forum but that the task "hardly appears to be a judicial one".
The thesis that the interpretation of Article 2 of the Mandate is more
politicalthan legalis in effectanother way ofsayingas today's Judgment
says, that the interest of Applicants in the interpretation or application
of Article 2 is political rather than legal. The question, viewed in this
light, is a question of justiciability and thus requires an examination of
the criteria which the Court could use in dischargingthis task. At least
4L% third submission of the Applicants should be rejected if it is not a
justiciable issue to determine whether the practice of apartheid in the

mandated territory of South West Africa promotes "the material and
moral well-being and the social progress of the inhabitants of the Terri-
tory". I proceed to deal with this problem.

The problem involves (a) the identification of the persons who may be
described as the beneficiaries of the mandate; and (b) the justiciability
of the claims and the standard to be applied.
423 l'historique de la rédaction du Mandat et i'intime corrélation qui existe
entre les deux alinéas de l'article 7, il semble à nouveau tout à fait

artificiel d'adopter la position que voici: on accepte la décisionrendue
par la Cour en 1962quant au maintien en vigueur, sous une forme ou
sous une autre, du deuxième alinéa de l'article 7; mais le droit, qui
subsiste, de se pourvoir devant la Cour n'autorise pas les demandeurs à
savoir si, d'après la Cour, le premier alinéa de l'article 7 est toujours
en vigueur; pourtant, s'il ne l'est plus, le Mandataire pourrait égale-
ment dénoncerle deuxièmealinéadel'article 7 et refuser auxdemandeurs
jusqu'aux maigres droits, que leur reconnaît l'arrêt de la Cour,d'intro-
duire leurs requêtes etd'apprendre que la Cour est compétente. Mais

compétente pour quoi faire? Compétente, selon l'arrêt,pour affirmer
que la Cour ne peut pas donner suite aux demandes, parce que les de-
mandeurs n'ont aucun droit ou intérêt juridique.
Lorsque l'arrêt donne à entendre que l'intérêtdes demandeurs eu
égard, par exemple, à la pratique de l'apartheid dans le territoire sous
Mandat du Sud-Ouest africain est uniquement politique et non pas
juridique, il fait échoà l'opinion dissidente commune de 1962. A la
page 466 de cette opinion, il est affirméqu'en traitant d'une questionde
compétenceun tribunal doit, d'une manière générale, « écarter desacon-
sidération toutes les questionstouchant au fond de l'affaire»,mais que :

«Une cour peut toutefois légitimement,en examinant les aspects
juridictionnels d'une affaire, tenir compte d'un facteur qui est fon-
damental pour la compétence d'untribunal quel qu'il soit, à savoir
si les questions qui se posent au fond sont de nature à pouvoir
faire l'objet d'une décisionjuridique objective.))

Les auteurs affirment ensuite que la principale question quant au
fond consisterait à savoir si le Mandataire a violé lesobligations que
lui impose l'article2 du Mandat. Ils concluent - à titre provisoire,
il est vrai- que les problèmes soumis à la Cour demandent à être

appréciésdans un forum technique ou politique, mais que la tâche
((n'apparaît guère comme une tâche judiciaire ))Dire que l'interpré-
tation de l'article2 du Mandat constitue une tâche plus politique que
juridique est en réalitéune autre manière d'affirmer, comme le fait le
présentarrêt, queles demandeurs ont un intérêtpolitique et non juri-
dique en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de l'article2.
Vue sous cet angle, la question touche à la possibilitéd'intenter un
recoursjudiciaire-(«justiciabilité)et appelle par conséquentun examen
des critères que la Cour peut appliquer pour s'acquitter de cette tâche.

A supposer qu'il ne relèvepas du juge de déterminersi la pratique de
l'apartheid dans le territoire sous Mandat du Sud-Ouest africain accroît
«le bien-être matériee lt moral ainsi que le progrès social des habitants
du territoire »,il conviendrait pour le moins de rejeter la conclusion
no3 des demandeurs. Tel est leproblèmequejevaisexaminermaintenant.
Il présente deux aspects: a) l'identification des personnes pouvant
êtrequalifiéesde bénéficiaires du Mandat; b) la possibilitéd'examiner
judiciairement les demandes et le ((standard Ȉ appliquer.(a) The Identificationof thePersonswhoMay Be Describedas theBene$-
ciariesof theMandate
There is no uniformity of terminology on this point in the texts of
Article 22 and in the Mandate itself. In paragraph (1)of Article 22, there
is reference to territoriesinhabitedby peoples not yet able to stand by
themselves under the strenuous conditions of the modern world". There
is a further reference to "such peoples" in paragraph (1) and the same

term is used in paragraph (2). Paragraph (3) mentions "the people".
Paragraph (5) mentions "peoples" and "natives", while(6)-which is the
paragraph dealing specifically with 'C' mandates-mentions "the in-
digenous population".
In the Mandatefor South West Africa, the second paragraph of Article
2 refers to "the inhabitants", while the third paragraph of Article 3
mentions "natives", as does Article 4.
Importance attaches to the problem because the population of the
territory, when it was placed under mandate in 1919, comprised some
194,000non-White Africans, some 6,000"Basters", who werepersons of
mixed blood, an additional 3,500 classified as "Coloureds", and about

20,000Whitepersons or"Europeans" ofwhomthemajority wereGermans
but "a considerable portion" were South Africans l. If the "sacred
trust" obligated the Mandatory to "promote to the utmost the material
and moral well-being and the social progress" of all the inhabitants
of the territory, that is, of the European Whites as well as of the non-
Whites, then the Mandatory might justify certain policies which were
especially directed to the welfare of the White segment of the popu-
lation. But if it was the non-White segment of the population whose
well-being and progress were to be promoted, then other criteria
would be applicable. Sincethe varied terminology referred to above does
not provide a ready answer, one must consider other aids to interpreta-
tion.

The sound conclusion would seem to be that in the 'C'mandates, the
protective provisions were intended to apply to the indigenous peoples
and not to the White settlers. It is inconceivable that the representatives
of the Allies who in 1919 drafted the Peace Treaty with Germany (of
whichthe Covenant was a part) and the Mandates, wereconcerned about
the development of the welfare and progress of German settlers in
South West Africa or even about the White farmers from South Africa.
It is paragraph 6 of Article 22 which applies to the 'C'mandates and this
paragraph explicitlymentions "the indigenous population".
In Rex v.Christian,cited above, Judge deVilliersspoke of the Manda-

tory's "duties to the inhabitants of the territory, more especiallytowards
the indigenous populations".
The figures in round numbers are from table XVI in the officia1report of the
so-cailed Odendaal Commission of 1963, at page 37, and are given there as of
1921 when, it is said, the first reliable statistics were available. In the Counter-
Memorial, Book III, p. 379, sec. 87, it is stated that the "European" population
was 14,830 in 1913; the statement about the German and South African elements
is also taken from this latter source.
424a) IdentzJîcation des personnes pouvantêtrequaliJiéesde béne3ciaires
du Mandat

Sur ce point, la terminologie utilisée dans l'article 22 et dans le
Mandat lui-mêmen'est pas uniforme. Le paragraphe 1 de l'article 22
se réfèreaux territoires ((habitéspar des peuples non encore capables de
se diriger eux-mêmesdans les conditions particulièrement difficilesdu
monde moderne ». Il est fait une autre fois mention de ((cespeuples »

au paragraphe 1 et les mêmestermes se retrouvent au paragraphe 2.
Le paragraphe 3 évoquele ((peuple ». Le paragraphe 5 mentionne les
((peuples ))et les «indigènes »,alors que le paragraphe 6, expressément
consacréaux Mandats C, parle de la ((population indigène 1).

Le deuxièmealinéa del'article2 du Mandat pour le Sud-Ouest africain
se réfèreaux ((habitants »,alors que le troisième alinéade l'article 3
mentionne, tout comme l'article 4, les ((indigènes ».
Ce problème revêt de l'importancecar, lorsque le territoire a été
placé sous Mandat, en 1919, il comptait une population d'environ

194000 africains non blancs, 6000 (Basters ))(personnes de sang mêlé)
auxquels venaient s'ajouter 3500 personnes classéesdans la catégorie
des métis )et environ 20 000 blancs ou (européens ))dont la majorité
était d'origine allemande, mais parmi lesquels il y avait «un grand

nombre 1)de Sud-Africains l.Sienvertu dela (mission sacréede civilisa-
tion ))le Mandataire avait l'obligation d'accroître, (par tous les moyens
en son pouvoir, le bien-être matériel etmoral ainsi que le progrès
social))de tous les habitants du territoire, c'est-à-dire tant des blancs
d'origine européenneque des non-blancs, il pourrait légitimer certaines

mesures spécialement conçuesen vue du bien-êtrede la fraction blanche
de la population. Mais si le devoir lui incombant était d'accroître le
bien-être etle progrèsde l'élémenn ton blanc de la population, d'autres
critères s'appliqueraient. Commela terminologie incertaine mentionnée
ci-dessus n'offre pas de réponse évidente, il convientde recourir à

d'autres moyens d'interprétation.
La bonne conclusion serait, semble-t-il, que dans les Mandats C les
dispositions protectrices étaient censées s'appliquer aux populations
indigèneset non aux colons blancs. Il est inconcevable que les repré-

sentants des Alliésqui ont rédigéen 1919le traité de paix avec l'Alle-
magne - dont le Pacte faisait partie - et les Mandats se soient souciés
du développen~ent,du bien-êtreet du progrès des colons allemands au
Sud-Ouest africain, voire des agriculteurs blancs venus d'Afrique du
Sud. C'est leparagraphe 6 de l'article 22qui s'applique et ce paragraphe

mentionne explicitement (la population indigène D.
Dans l'affaire Rex c. Christian,citée plushaut, M. de Villiers a parlé
des ((obligations [du Mandataire] à l'égard deshabitants du territoire,
plus particulièrement à l'égard despopulations indigènes ».

Ces nombres, arrondis, sont extraits du tableau XVI du rapport officiel de
l'organisme appelé Commission Odendaal (1963, p. 37); ils concernent 1921,
année où, selon le rapport, on a pour la première fois disposéde statistiques sûres.
Dans le contre-mémoire (livre III, p. 379, par. 87), il est préciséque la population
((européenne ))était de 14 830 âmes en 1913; les indications relatives aux éléments
allemands et sud-africains proviennent également de cette source. 427 SOUTH WEST AFRICA (DISS .P. JESSUP)
Opinion in the Permanent Mandates Commission was not unanimous.
At the Sixth Session in 1925 after Mr.,Smit, Representative of South

Africa, had told the Commission that the time would come when South
West Africa would become independent, M. Rappard said:

".. .it was not for the white minority in a mandated territory to
declare when this moment had arrived. The mandate system was
designed to secure the welfare of the natives and this was the object
which the authors of the system had kept in view." (P. 60 of the
Minutes.)

At the Seventh Sessionin 1925the subject was much discussed. M. van
Rees, the Vice-Chairman submitted a note which is Annex 4 to the
Minutes (p. 151).He said in this "Analysis of the Dispositions Relating
to the Application of the Mandates System", that the provisions of the
Covenant and the mandates-

"are sometimes not as clear and definite as they might be. So vague
are they, indeed, that occasionally they seem to lend themselves to
very different interpretations, while a number of them, if taken
literally, lead to illogical conclusions."
He added that-
"... there is no officialcommentary to inform us as to their origin.
Under these circumstances, it is for the Commission to study them
and to interpret them for its own use whenever it meets with an
obscure clause, so as to obtain a set of guiding principleshich may
enable it to appraise the administration of the mandatory Powers."
(P. 152.)

M. van Rees continued in Annex 4a with a specificstudy of the liquor
trafic; he was severely critical of the drafting of Article 22. He quotes
from an article by Professor Henri Rolin who said of Article 22:

". ..the vagueness of certain phrases, the clumsy circumlocutions,
the absence of that simplicity and directness which enables us to see
in the expressions what is really meant, cause us obvious embarrass-
ment as soon as we read it ... It is clear that these over-refined and
badly turned paragraphs werenot originally written in French."
In Annex 12, General Freire d'Andrade interpreted Article 22 as
applying not just to the native peoples but to al1the inhabitants. Sir F.
Lugard expressedhis disagreement with Freired'Andrade's interpretation
(see Annex 12a,p. 206) :

". ..the reference to 'suchpeoples' in the first paragraph of Article
22 of the Covenant refers explicitlyto the 'peoples'justmentioned-
e.g., those 'notableto stand alone7-and not to allinhabitants ofthe
mandated territory; but 1concur that the Mandatory is responsible
foral1the inhabitants." L'opinion n'était pas unanime à la Commission permanente des
Mandats. Au cours de la sixièmesession, en 1925,après que M. Smit,

représentant de l'Afrique du Sud, eut déclaré à la Commission que le
jour viendrait où le Sud-Ouest africain serait indépendant, M. Rappard
a précisé:
(ciln'est pas donné à la minoritéblanche, établie dansun territoire
sous Mandat, de déclarer quand ce moment est arrivé.On a eu

recours au systèmedu mandat pour assurer le bien-être desindi-
gèneset c'estcet objet que les auteurs de ce systèmeont eu en vue. ))
(Commission permanente des Mandats, Procès-verbauxdela sixième
session, p. 60.)
A la septièmesession, en 1925,la question a été très discutée.M. van

Rees, vice-président,a soumis une note qui constitue l'annexe 4 aux
procès-verbaux (p. 151). Il a dit dans cette ((Analysedes dispositions
régissant l'application du régime des Mandats)) que les dispositions
du Pacte et des chartes des Mandats
((manquent en partie de clarté et de précision,parfois à tel point
qu'elles paraissent se prêter à des interprétations divergentes, ou
bien, prisesà la lettre, conduiraientà des illogismes».

Il a ajouté:
ctout commentaire officiel pouvant faire connaître leurs origines
nous fait défaut.Dans ces conditions, il appartientà la Commission

de les étudieret de les interpréter à son intention toutes les fois
qu'elle setrouve en présenced'une stipulation diffuse afin de se
créer ainsi un ensemble de directives propres à guider son appré-
ciation de la gestion des Puissances mandataires. » (P. 152.)
M. van Rees a continué,dans l'annexe 4 a), par une étude particulière
du trafic de l'alcool; il a sévèrementcritiqué la rédaction de l'ar-

ticle 22.Il a cité un passaged'un article de M. Henri Rolin, qui avait dit
de l'article 22:
((l'imprécisionde certaines formules, les circonlocutions embarras-
sées,l'absence d'un je ne sais quoi de simple et de direct où se
reconnaît, dans l'expression, une pensée bien venue,causent dès
la premièrelecture un malaise certain ...Il est visible que ces para-
graphes,alambiqués,contournés, n'ont pas étéécritsen français. ))

Dans l'annexe 12,M. Freire d'Andrade a interprété l'article22 comme
s'appliquant non pas seulement aux populations indigènes,mais à tous
les habitants. Sir F. Lugard a exprimé son désaccordavec l'interpré-
tation de M. Freire d'Andrade (voir annexe 12 a), p. 206):

((l'expressioncces peuples », au premier alinéa de l'article 22 du
Pacte, vise explicitement lespeuples » qui viennent d'être mention-
nés, c'est-à-direles peuples non encore capables de se diriger eux-
mêmes » et non pas tous les habitants du territoire sous Mandat;
mais je reconnais que le Mandataire a charge de l'ensemble des
habitants».
425 Freire d'Andrade replied in turn (Annex 12b) explaining his point of

view,not as favouring the Whites, but as follows (p. 208):

"Thus 1think that in Africa Natives and Europeans must go side
by sideona footing ofindividualequality.And this willbeimpossible
if blacks are to be settled on their lands under the supervision of
their directors until such time as they can govern themselves and
become little independent peoples. Moreover, will such a time ever
corne?'
At the Ninth Session, 1926,when Mr. Smit was present representing the
Union of South Africa, M. Rappard said (at p. 35):

"South West Africa ... was being administered by a small
minority of white people and no one doubted that this minority
would soon be capable of adrninistering the country independently
of the South African Union. This, however, did not at al1mean that
the inhabitants, that was to Say,the native majority, would be able
to stand by themselves."
At the Twenty-second Session (1932), Mr. Te Water, representing the
Union of South Africa,in a discussion of a speech by the Prime Minister,
said (at p. 24):
"No doubt, when the Prime Minister spoke of the future of South
West Africa as being in the hands of its own population, he had in
mind the thinking part of the population-the white population."

At the Twenty-sixth Session (1934) M. Rappard, in an exchange of
views with Mr. Louw, representing South Africa, said that-

". .. the mandate was temporary in the sense that it was for the
administration of the natives until they were able to stand bythem-
selves. Thewhite population was eminently able to do so, but it was
clearly not to that population that Article 22 of the Covenant
referred." (P. 52.)

Mr. Louwdid not challengethis statement. M. Palacios, another member
of the Commission, agreed with M. Rappard:
"It was not enough simply to refer to the 'provisions' of the
mandate; the actual 'institution' of the mandate, according to the
letter and spirit of Article22 of the Covenant, was what was of chief
importance. It was obvious that the tutelary provisions of the man-
date were based on that article, but what it chieflybrought out was
the special and essential status of the territory and its inhabitants."
(P. 52.)
In the following year, at the Twenty-seventh Session, M. Rappard
declared that-

"The mandate had never been intended to provide for the specific
interests of this or that section of the white population ... The
policy of the mandate was, however, to improve the position of the
426 M. Freire d'Andrade a répondu à son tour (annexe 12b)) qu'il ne son-
geait pas à favoriser les blancs, mais que son point de vue étaitle sui-
vant @. 208):

((Ainsi, en Afrique, je crois que noirs et blancs doivent mar-
cher ensemble, sur un pied d'égalité individuelle. Et cela n'existera
pas si l'on parque les noirs dans leurs terres, sous la surveillance
de leurs guides, jusqu'au moment où ils pourront se diriger eux-
mêmeset former ainsi autant de petits peuples indépendants. Et
ce moment arrivera-t-il jamais? ))

A la neuvième session,en 1926,alors que M. Srnit étaitlà pour repré-
senter l'Union sud-africaine, M. Rappard a dit (p. 35):
((Le Sud-Ouest africain est administré par une petite minorité
de blancs, et personne ne doute que cette minorité ne doive être
bientôt capable d'administrer le pays indépendamment de l'Union
de l'Afrique du Sud. Mais cela ne signifienullement que les habi-
tants, c'est-à-dire la majoritéindigène,soient capables de se diriger

eux-mêmes. ))
A la vingt-deuxièmesession,en1932,M. Te Water, représentant l'Union
sud-africaine, a dit à propos d'un discours du premier ministre
(p. 24):
«Il n'est pas douteux que, lorsque le premier ministre dit que

l'avenir du Sud-Ouestafricain se trouve dans les mains de sa propre
population, il songe à ceux qui sont douésde pensée - c'est-à-dire
aux blancs. 1)
Au cours de la vingt-sixième session, en 1934,M. Rappard a déclaré,
dans un échange devues avec M. Louw, représentant de l'Afrique du
Sud :

«le Mandat est temporaire en ce sens qu'il donne la mission d'ad-
ministrer les indigènesjusqu'au moment où ceux-ci pourront s'ad-
ministrer eux-mêmes.Or la population blanche est parfaitement
capable de s'administrer elle-même,mais ce n'est évidemmentpas
elle que vise l'article 22 du Pacte.»(P. 52.)
M. Louw n'a pas contesté cette déclaration. M. Palacios, autre membre
de la Commission, a souscrit à l'avis de M. Rappard:

Il ne suffit pas d'invoquer uniquement les « dispositions» du
Mandat; on doit penser surtout à l'«institution» du Mandat lui-
même,selon la lettre et l'esprit de l'article 22 du Pacte. Il est évi-
dent que c'est de cet article qu'émanentles dispositions tutélaires
du Mandat, mais ce qui en émane avanttout, c'est le statut spécial
et fondamental du territoire et de ses habitants. 1)(P. 52.)

L'année suivante, à la vingt-septièmesession, M. Rappard azdéclaré:

((Le Mandat n'a jamais eu pour objet de protéger les intérêts
particuliers de telle ou telle fraction de la population blanche ...
La politique du Mandat consiste, au contraire, àaméliorerlasitua- natives, even possibly at the expense of white settlers." (Pp. 158
and 161.)

Lord Lugard generally agreed with what M. Rappard had said, asking-

". ..whether, after fifteen years of mandatory Government, there
were still no natives sûfficientlyeducated and developed to be able
to express views on current questions, or to sit on native councils
and native courts, or even on the Legislative Assembly or the
Advisory Council?' (P. 162.)
Dr. Conradie of South Africa regretted to admit there were no Natives
who could be thus helpful.
These various illustrative examples are by no means conclusive but
show how the question of interpreting Article 22 and the mandates
concerned the Permanent Mandates Commission. Here is another case

where a purely textual interpretation according to a rule of "clear
meaning" would, in fact, be meaningless. Al1 of the circumstances
surrounding the evolution of the mandates system and the preparation
of the most unusual text of Article 22, indicate that it was the intention
to provide forthe peoples who werethought to be "not yet able to stand
by themselves" because they had not absorbed Western customs, man-
ners and ways of lifeand government. (Cf.the statement of Mr. TeWater,
representative of South Africa, at the Twenty-second Session of the
Permanent Mandates Commission, p. 25 of the Minutes.) The European
(German) and South African settlers and farmers do not fitthat category.
1have not seen any evidencethat the drafters at Paris or in the Mandates
Commission in London wereaware of the existencein South West Africa
of the relatively small numbers of Coloureds or Basters. It may be that
if the representatives of South Africa at the Peace Conference had been
asked whether the Coloureds and Basters were more comparable to the
"Natives" or indigenous Africans, than to the Europeans inthe Territory,
they would have advised that they were more comparable to the former.
On such a basis 1think these two small groups would have been consi-
dered to be covered by the protective provisions.

Of course the Mandatory should not ignore the welfare of the White
inhabitants but thisis due to the general responsibilities of a governing

authority and not the precise duties laid upon a mandatory.

(b) The Justiciability of the Claims and the Standard to Be Applied

The Court's Judgment seems to proceed on the assumption that
the claims of Applicants are perfectly clear and need no analysis. But
the record shows continua1 disagreement on the nature of those claims
and the ha1 determination of their content and meaning were spe-
cifically reserved for subsequent decision by the Court. In view of

427 tion desindigènes,fût-cemême auxdépensdescolonsblancs. »(P.158
et 161.)
Lord Lugard s'est, d'une manière générale, associé aux observations de

M. Rappard mais a demandé
«si, depuis quinze annéesque s'exercel'administration mandataire,
on netrouve pas encore d'indigènes suffisammentinstruits etdévelop-
péspour pouvoir exprimer un avis sur les questions courantes ou
pour siégerdans des conseils ou des tribunaux indigènes,ou même
à l'Assembléelégislativeou au Conseil consultatif?)) (P. 162.)
M. Conradie (Afrique du Sud) a regretté de devoir reconnaître qu'il

n'y avait pas d'indigènesremplissant ces conditions.
Cesdivers exemplesne sont nullement déterminants,mais ils montrent
comment la Commission permanente des Mandats s'est préoccupée
de la question de l'interprétation de l'article2 et des Mandats. Voilà
encore une situation dans laquelle une interprétation purement littérale,
fondéesur la règle du csens clair», n'aurait en réalitéaucun sens. Il
ressort del'ensemble des circonstancesdans lesquellesa évolué le système
des Mandats, comme de la préparation du texte, tout à fait inhabituel,
de l'article 22, qu'on envisageait desdispositions applicables aux peuples
considéréscomme «non encore capables de se diriger eux-mêmes))
faute d'avoir assimilé lescoutumes, les mŒurs et le mode de vie et de

gouvernement des occidentaux (voir la déclaration de M. Te Water,
représentantde l'Afrique du Sud, à la vingt-deuxièmesessionde la Com-
mission permanente des Mandats, Procès-verbal,p. 25). Les colons et
les exploitants agricoles européens(allemands) et sud-africains n'entrent
pas dans cette catégorie.D'aprèsce que j'ai pu voir, rien n'indique que
les rédacteursde Paris ni ceux de la Commission des Mandats de Lon-
dres aient su qu'il y avait au Sud-Ouest africain des métisou des Basters,
relativement peu nombreux. En imaginant qu'on se soit aviséde deman-
der aux représentants de l'Afrique du Sud à la conférencede la paix
à qui les métiset les Basters étaientplutôt comparables - aux «indi-
gènes », c'est-à-dire aux africains autochtones, ou aux européens du

territoire-, on se serait peut-être bienentendu répondre: plutôt aux
premiers. Cela étant,je pense que ces deux groupes restreints auraient ,
étéconsidéréscomme viséspar les dispositions protectrices.
Bien entendu, le Mandataire ne doit pas se désintéresserdu bien-être
des habitants blancs, mais ce devoir procède des responsabilités incom-
bant à toute autorité administrante, sans constituer une obligation dé-
terminée imposéeau Mandataire.

b) Possibilité d'examiner judiciairementles demandes («justiciabili»)
et « standard» à appliquer

L'arrêtde la Cour semble se fonder sur l'hypothèseque les demandes
présentéessont parfaitement claires et n'appellent pas d'analyse. Mais
le dossier témoigned'un désaccord persistant sur la nature de ces de-
mandes et la question de leur contenu et de leur sens a été expressément
réservée,pour faire l'objet d'une décisionultérieure de la Cour. Etantthe nature of the Court's Judgment, that decision has not been made.
Ttwould seem to be a truism that in an international court which is
not bound by any technical rules of procedure or evidence, the meaning

of submissions should be sought in the intention of the party submitting
theml. The meaning must be ascertained from the entire record, including
statements made before and after the formulation of the submissions.
"The Judgment of the Court should attach to the submissions of the
Parties a purpose, though not necessarily an effect, which the Parties
attached to them." (Separate opinion of Judge Sir Hersch Lauterpacht

in NorwegianLoans, I.C.J. Reports 1957, p. 35.)

The difficulty of finding the meaning of Applicants' submissions
arose mainly out of their use of the expression "nom and/or standards"
to indicate the criterion to be used to determine whether the practice
of apartheid was compatible with the obligations of the Mandate. The
problem is a focal one and can best be clarified by reference to the oral

proceedings.
The first witness was called for Respondent on 21 June 1965 (C.R.
65/49). From this date on, almost to the end of the oral pleadings,
Counsel for Applicants objected that Applicants' contentions were
being erroneously stated and therefore formed an improper basis for
the testimony ofthe witnesses.On 22June (C.R. 65/50,pp. 18ff.) Counsel

for Applicants made a "basic objection", arguing that Counsel for
the Respondent had made "an ambiguous and erroneous formulation"
of the Applicants' case. According to Counsel, "such an improper
foundation is not only confusing in its nature and inherently to the
witnesses, to the Applicants, and, with respect, to the Court itself, by
purporting thus to direct evidence at a position falsely attributed to
the Applicants ...". Counsel said further that the "improper foun-

dation" "is based upon an unintelligible misrepresentation of the
Applicants' theory and position". The President of the Court assured
Counsel that his rights would be fully protected and that it would be

Counsel pleading before the Court are not always aware that the technical
procedural rules prevailing in many municipal law systemsdo not prevail in this
Court which can never be reduced to the role of acting as umpire or referee in
a forensic contest or debate. This is well settled in the jurisprudence of the Court
and in doctrine.A former First Secretary of this Court has well said:

[Translation] "The lawyers (counsel and advocates) of the Parties corne
before the Court steeped in the atmosphere of their national legal backgrounds.
They often find it very difficult to pute their own procedural rules and to
bear in mind the special conditions and requirements of international justice."
(Jean-Flavien Lalive, "Quelques remarques sur la preuve devant la Cour
permanente et la Cour internationale de Justice", 1950, Vol.VII, Annuaire
suisie de droit international, p. 77 at p. 92.)
On 22 June 1965 the Court put to the Parties a series of questions concerning
the extent of the Court's freedom to make its own interpretation of paragraph 2
of Article 2 of the Mandate, nomatter what the actual arguments of the Parties.
the mind of the Court..) The Parties wereus made aware that the subject was in SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 430

donnéla nature de l'arrêtde la Cour, cette décision n'estpas intervenue.
Sans doute est-ce un truisme de dire qu'un tribunal international,

qui n'est liépar aucune règle technique relative à la procédure ou aux
moyens de preuve, doit chercher le sens des conclusions dans l'intention
de la partie qui les a présentées l.Ce sens doit êtreétablid'aprèsl'en-
semble du dossier, y compris les déclarations faites avant et après le
dépôt des conclusions. ((L'arrêt dela Cour doit attacher aux conclu-
sions des Parties une intention, sinon forcémentun effet, que les Parties

elles-mêmes leur attribuent.» (Opinion individuelle de sir Hersch Lauter-
pacht dans l'opinion relative à Certains Emprunts norvégiens,C.I.J.
Recueil 1957, p. 35.)
S'il est malaisé de définirle sens des conclusions des demandeurs-
c'est essentiellement parce qu'ils emploient l'expression « une norme

et/ou des ((standards » pour désignerle critère que l'on doit appliquer
en vue de déterminersi la pratique de l'apartheid estou non compatible
avec les obligations du Mandat. Ce problème est crucial et le meilleur
moyen de l'éluciderest de se reporter à la procédure orale.
Le premier témoincitépar le défendeura étéentendu le 21 juin 1965
(C.R. 65/49). A partir de cette date, et presquejusqu'à la fin de la procé-

dure orale, l'agent desdemandeurs a objectéque les thèsesde ces der-
niers étaient déforméeset constituaient de ce fait un fondement inad-
missible pour la déposition des témoins.Le 22 juin (C.R. 65/50, p. 18
et suiv.)l'agent desdemandeursa formuléune «objection fondamentale )),
affirmant que les conseils du défendeuravaient donné«une formulation
ambiguë et erronée » de la thèse des demandeurs. Selon le conseil, ce

fondement inadmissible [était]par sa nature mêmeun élément decon-
fusion pour les témoins,les demandeurs et la Cour elle-même, puisqu'il
[tendait] à faire porter le témoignagesur une attitude faussement attri-
buéeaux demandeurs ...»l'agent a dit ensuite que ce ((fondement inad-
missible [provenait] du fait que le témoignage [était]fondé sur une

présentation inintelligible et erronéede la théorieet de la position des
demandeurs ». Le Président de la Cour a assurél'agent que ses droits

Les conseils plaidant devant la Cour ne savent pas toujours que les règles
techniques de procédure applicables dans de nombreux systèmes de droit interne
ne s'appliquent pas devant la présente Cour, qui ne peut jamais êtreréduite au
rôle d'arbitre ou de surarbitredans unejoute ou un débat oratoire. La jurisprudence
de la Cour et la doctrine sont bien établiessur ce pUnntancien premier secré-
taireà la Cour a pu dire avec raison:
«Les juristes (conseils et avocats) des Parties se présentent devant la Cour
Cour avec le bagage de leur culture juridique nationaleont souvent beau-
coup de peine à faire abstraction de leurs règles propres de procédure et à
tenir compte de conditions et des besoins particuliers de la justice inter-
nationale11(Jean-Flavien LaliveuQuelques remarques sur la preuve devant
la Cour permanente et la Cour internationale de Justice., 1950, vol. VII,
Annuaire suisse de droit international, p. 92.)
Le 22 juin 1965,la Cour a posé aux Parties une série dequestions concernant la
mesure dans laquelle la Cour pouvait donner sa propre interprétation du deuxième
alinéa de l'article 2 du Mandat, quels qu'aient étéen fait les arguments des Parties
(C.R. 65/50, p. 68-69). Les Parties ont su ainsi que la Cour se préoccupait du
problème.for the Court to decide on al1aspects of the evidenceproffered and upon
any objections he made.

Later on the sameday (at pp. 28ff.),Respondent's Counselcommented
on the observations of Counsel for Applicants. In response, Counsel
for Applicants (at p. 33)made the followingcomprehensive re-statement
of Applicants' position:

"The Applicants' case is, in the Applicants' submission, not
accurately or fairly reflected in the Respondent's summary thereof

or description thereof, as to which the evidence is proffered by
Respondent. The phrase which is used and attributed to the Appli-
cants, and described by Respondent in repeated references in the
oral proceedings (to which citations will gladly be offered by the
Applicants if permitted or requested), does not correspond to the
fundamental theory of the Applicants' case.

There are two major branches of the Applicants' case. One
relates to standards of interpretation which have been applied
by competent international organizations as part of the scheme
of the Mandate. This involves the standard of interpretation, of
a content described by the Applicants, in relation to the supervisory
organ responsible for the supervision of the Mandate, and also
involves the relationship between that administrative agency and
the Court. This branch of the case, therefore, reflects and is based
upon a legal theory, which involves the mandate jurisprudence,
which involvestheclear, explicitand virtually unanimous pronounce-

ments and judgments of the competent international organ which
the Applicants submit, for reasons which have been set forth in
detail, should be accepted by the Court as authoritative inter-
pretations of the Mandate. It is apartheid we are talking about.
If this witness or any witness addresses himself as an expert or
otherwise to the questions of discrimination and separation which
are implicit in and reflected in the undisputed facts of record in
this case, there would be no question of admissibility of such
evidence so directed by competent witnesses with respect to that
branch of the Applicants' case.
And, secondly, Mr. President, with respect to the nom, the rule
of international law for which the Applicants contend in terms
of Article 38 of the Statute-that, as the Court will wellbe aware,
has been presented to the Court as an alternative and a cumulative,
or supplemental, argument on the basis that the practice of States
and the views of the competent international organs are so clear,
so explicit, and so unanimous in respect of the policies against
discrimination, that such standards have achieved the status of an

international rule of law, as a legal conclusion based upon the
application of Article 38.
These are the branches of the case.When the evidenceis profferedseraient pleinement protégéset qu'il appartiendraità la Cour de prendre
une décisionsur tous les aspects des témoignageset sur les objections
formuléespar lui.

Plus tard, le mêmejour (voir p. 28 et suiv.), le conseil du défendeur
a commentéles observations de l'agent des demandeurs. A la suite de
quoi, l'agent desdemandeurs (voirp. 33)a denouveau exposél'ensemble
de la thèse des demandeurs en ces termes:

((Les demandeurs sont d'avis que leur thèse n'est pas exposée
de façon exacte ou impartiale dans l'aperçu ou la description
qu'en a donnés le défendeur et par rapport auxquels il présente
des témoignages. L'expression qui est employéeet attribuée aux
demandeurs et qui a été répété meaintes fois par le défendeurau
cours de la procédure orale (les demandeurs, si la Cour le leur per-
met ou les y invite, seront heureux de citer les passages en question)

ne correspond pas aux arguments fondamentaux de la thèse des
demandeurs.
La thèsedesdemandeurscomprend deuxparties principales. L'une
a trait à des ((standards »d'interprétation appliqués parles orga-
nisations internationales compétentes dans la contexture du Man-
dat. Cela recouvre le « standard »d'interprétation, dont les deman-
deurs ont décrit la teneur, et qui est applicable relativement à
l'organe chargéde la surveillance du Mandat et cela met en jeu
aussi les rapports entre l'organisme d'administration et la Cour.
Cet aspect de leur thèsea pour fondement - et traduit- une théo-
rie juridique qui exprime tant la doctrine en matière de Mandats,

que les décisions et jugements clairs, explicites et pratiquement
unanimes rendus par l'organe international compétent, décisions
et jugements que les demandeurs, pour des raisons qui ont déjà
étéexposéesen détail, estiment devoir être considérés par la Cour
comme des interprétations du Mandat faisant autorité. C'est de
l'apartheid que nous parlons. Si le présent témoin outout autre
témoin traitait, en tant qu'expert ouà un autre titre, des questions
de discrimination et de séparation qu'impliquent et traduisent les
faits non contestés du dossier, aucune question ne se poserait
quant a la recevabilitédes dépositions ainsi faites en connaissance
de cause au sujet de cet aspect de la thèse des demandeurs.
J'en viens en second lieu à la norme, à la règle de droit inter-

national dont les demandeurs affient l'existence, en vertu de
l'article38 du Statut; cet argument, la Cour s'en souviendra, a
étéprésenté commeun argument supplémentaire ou complémen-
taire fondé sur le fait que la pratique des Etats et l'opinion des
organes internationaux compétents sont si claires, si explicites et
si unanimes en ce qui concerne la politique de lutte contre la dis-
crimination que ces « standards »sont devenus une véritable règle
de droit international, conclusion juridique fondée sur l'applica-
tion de l'article38.
Telles sont les deux parties de la thèse des demandeurs. Quand

429 indiscriminatelywith respect to the formula, 'norm and/or standards
as contended for by the Applicants', reflecting and echoing a
description thereof in the oral proceedings which bears no resem-
blance to that contended for by the Applicants, either as a standard
of interpretation or as a rule of international law, the Applicants
have respectfully submitted that such a proffer based upon such
a premise or foundation is (with respect, the word used, Mr. Presi-

dent, was 'unintelligible' and it may not be 'unintelligent') but it
is incomprehensible as to what this witness, or any witness, asked
to testify with respect to such a formulation, is really addressing
himself to."

Applicants kept stressing the point that their argument had two
alternative aspects; one aspect was based on the argument of the exist-
ence of a norm as a rule of law and the other aspect was reliance on a
standard of interpretation to which the governing effect of a legal rule
was not attributed.

The misunderstanding between Counsel persisted and Counsel for
Applicants raised objections time and againl. The issue was at times
stated to be-as Respondent contended-what was "the case" made
out by Applicants upon which they rested? As the President stated,
"it will be a matter for the Court to determine what was the case which
you made out ...". (20 October 1965, C.R. 65/85, p. 57.) If the
Court, instead of rejecting the Applicants' claim, had considered the
instant case on the full merits, it would have had to make a finding as
to the nature of the Applicants' submissions or "case". It would scarcely
seem credible that the Court, in a full review of the matter, could have
failed to accept the alternative character of Applicants' arguments
based, on the one hand, on an international legal norm, and on the
other hand, on an international standard as an aid to interpretation.
The Court would have had to extricate the basic contention from the

semantic swamp in which the argument frequently bogged down.
The importance of the issue lies in the fact that at times the argument
of Applicants seemed to suggest that the so-called norm of non-dis-
crimination had become a rule of international law through reiterated
statements in resolutions of the General Assembly, of the International
Labour Organisation, and of other international bodies. Such a con-
tention would be open to a double attack: first, that since these inter-
national bodies lack a true legislative character, their resolutions alone
cannot create law 2;and second, that if Applicants' case rested upon
the thesis that apartheid should be declared illegal because it confiicted
with a general rule of international law, it might be questioned whether
such a claim would fairly fa11within the ambit of paragraph 2 of Article
7 which refers to disputes about the interpretation or application of

l In a statement on 9 November, C.R. 65/96, Counsel recalled in detail and
with specificcitations the occasion on which he had objected.

The literature on this point is abundant. une dépositionest faite inconsidérément surla base de la formule
« une norme etlou des «standards » invoqués par les demandeurs »,
correspondant à une définitiondonnée au cours de la procédure
orale qui est sans rapport avec celle qu'en donnent les demandeurs,
soit en tant que cstandard » d'interprétation soit en tant que règle

de droit international, les demandeurs disent, avec tout le respect
dû à la Cour, qu'une déclaration fondéesur une telle prémisse
est incompréhensible - le mot employé, Monsieur le Président,
est «inintelligibl»,mais elle peut n'être pas cinintelligent» - en
ce qu'il est impossible de comprendre à quoi tend véritablement
la dépositiondu présent témoin,ou de tout autre témoin, lorsqu'on
demande un témoignagesur la base d'une telle proposition. ))

Les demandeurs n'ont cesséd'insister sur le double aspect que leur
thèse présentait; d'une part, ils ont affirmé l'existenced'une norme
constituant une règlede droit et, d'autre part, ils ont invoquéun « stan-
dard» d'interprétation auquel ils n'attribuaient pas l'effet normatif
d'une règlejuridique.
Le malentendu entre les conseils a persistéet l'agent desdemandeurs

a formulédes objections à maintes reprises l.On a dit parfois - c'est
du défendeurqu'il s'agit - que la question était celle-ci: quelle a été
la «thèse » sur laquelle les demandeurs ont clos leur argumentation?
Comme l'a déclaré lePrésident, «la Cour devra définirla thèseque vous
aurez présentée ..» (20 octobre 1965, C.R. 65/85, p. 57). Si la Cour, au
lieu de rejeter les demandes, avait examiné l'affaireau fond, elle aurait
dû trancher la question de la nature des conclusions ou de la ((thès»

des demandeurs. On a peine à croire que la Cour, étudiantle problème
en détail,aurait pu ne pas admettre le double aspect de l'argumentation
des demandeurs, fondée, d'une part, sur une norme juridique inter-
nationale, et, d'autre part, sur un «standard» international invoqué
pour faciliter l'interprétation. La Cour aurait dû alors dégagerla thèse
fondamentale du marécage verbal dans lequel les plaidoiries se sont
fréquemmentenlisées.

L'importance de la question résidedans le fait que l'argumentation
des demandeurs a parfois semblé suggérerque la norme dite de non-
discrimination était devenue une règle de droit international, à force
d'avoir étéréaffirméedans des résolutions de 17Assembleegénérale des
Nations Unies, de l'Organisation internationale du Travail et d'autres
organismes internationaux. Un tel argument appelle deux sortes de
critiques: d'une part, ces organismes internationaux n'ayant pas véri-
tablement un caractère législatif,leurs résolutions à elles seules ne peu-

vent créerle droit 2;d'autre part, si la thèse des demandeurs reposait
sur l'argument selon lequel l'apartheid devrait êtredéclaré illégal parce
qu'il est contraireà une règlegénéralede droit international, on pour-
rait contester que la demande relèvebien du deuxième alinéa de l'ar-

l Dans une déclaration du 9 novembre 196(C.R. 65/96), il a rappelé en détail,
des objections.ur des citations précises,les occasions dan'slesquellesil avait formulé
La doctrine est abondante sur ce point.

430the provisions of the Mandate. If the Court were to hold that the prac-
tice of apartheid is a violation of a general rule (norm) of international
law, it might seem to be passing on the legality of acts performed within
the Republic of South Africa itself, a matter, which, as already noted,
would be outside the Court's jurisdiction. On the other hand, if the
Court had considered the question of the existence of an international
standard or criterion as an aid to interpretation of the Mandate, it
would have been pursuing a course to which no objection could be
raised. In my opinion, such a standard exists and could have been and

should have been utilized by the Court in performing what would then
be seen as the purely judicial function of measuring by an objective
standard whether the practice of apartheid in the mandated territory
of South West Africa was a violation of the Mandatory's obligation
to "promote to the utmost the material and morîl well-being and the
social progress of the inhabitants of the territory".

The freedom granted to the Mandatory by Article 2 (1) to exercise
the option to treat the mandated territory for certain administrative
purposes "as an integral portion of the Union of South Africa", is
circumscribed by the obligation to strive "to the utmost" to achieve the
ultimate objective which is clearly indicated by the Covenant of the
League of Nations. Nor does the specificationin paragraph 2 of Article 2
of the Mandate that "the Mandatory shall promote to the utmost the
material and moral well-beingand the socialprogress of the inhabitants"
in itself indicate the ultimate goal; this prescription, too, is a means to
the end and this is a required means since paragraph 6 of Article 22 of

the Covenant expressly subjects the exercise of the optional freedom
to the safeguards of the mandates system.

It was necessarily left to the Mandatory, in the first instance, to

choose means appropriate to achieving the desired end. But its choice
was subject to review, in the first instance by the Permanent Mandates
Commission, next by the Council of the League and then by the Assem-
bly of the League in reviewing the report of the Council. There could
aiso ?Je,as thcïe is now, a resort to this Court. Al1this is true because
a mandatory was accountable l.
If the intention had been to leave al1decisions, al1choice of objectives

". ..al1political power which is set over men, an...al1 privilege claimed
or exercised in exclusion of them, being wholly artincial, and for so much a deroga-
exercised ultimately for their bene...iSuch rights, or privileges, or whateverher
else you choose to cal1them, are al1in the strictest sense a trust; and it is of the
very essence of every trust to be rendered accountable..." (Edmund Burke's
speech on Fox's East India Bill, 1 December 1783.) ticle 7,lequelviselesdifférendsrelatifs àl'interprétation ou àl'application
des dispositions du Mandat. Si la Cour avait décidéque la pratique
de l'apartheid constituait une violation d'une règle (norme) générale
du droit international, elle aurait pu donner l'impression de statuer
sur la légalitédes actes accomplis dans la République sud-africaine

elle-même,ce qui, on l'a déjà noté,aurait outrepassé sa compétence.
En revanche, si la Cour avait examinéla question de l'existence d'un
standard » ou d'un critère international aux fins de l'interprétation
du Mandat, elle aurait procédéd'une manière qui n'aurait pu appeler
de critique. A mon avis, un tel ((standard ))existe et la Cour aurait pu
et aurait dû l'utiliser pour accomplir ce qui aurait alors étéconsidéré

comme la fonction purement judiciaire consistant à apprécier, d'après
un standard ))objectif, si la pratique .de l'apartheid dans le territoire
sous Mandat du Sud-Ouest africain constituait ou non une violation
de l'obligation faite au Mandataire d'accroître, «par tous les moyens
en son pouvoir, le bien-êtrematériel etmoral ainsi que le progrès social

des habitants du territoire ».
La faculté quele premier alinéade l'article 2 accorde au Mandataire
de traiter s'il le désire leterritoire sous Mandat ((comme partie inté-
grante de son territoire )à certaines fins administratives est limitéepar
l'obligation de s'efforcer par tous lesmoyens ensonpouvoir 1d'atteindre
le but ultime qui est clairement indiqué par le Pacte de la Sociétédes

Nations. La prescription contenue au deuxièmealinéa de l'article2 du
Mandat: (Le Mandataire accroîtra, par tous les moyens en son pouvoir,
le bien-êtrematérielet moral ainsi que le progrès social des habitants »,
n'indique pas non plus en elle-mêmele but ultime; elle est, elle aussi,
un moyen au service d'une fin et c'est un moyen nécessaire,puisque
le paragraphe 6 de l'article 22 du Pacte subordonne expressément
l'exercice de cette faculté aux garanties prévues dans le système des

Mandats.

Il appartenait toujours nécessairement au Mandataire au premier
chef de choisir les moyens propres à atteindre le résultatvisé.Pourtant
son choix était soumis à un examen d'abord par la Commission perma-
nente des Mandats, ensuite par le Conseil de la Société desNations,

puis par l'Assemblée,lorsque celle-ci étudiait le rapport du Conseil.
On pouvait aussi, comme c'est le cas maintenant, s'adresser à la Cour.
Tout cela vient de ce que le Mandataire était tenu de rendre compte l.
Si l'on avait entendu s'en remettre pour toutes les décisions,pour

l «Tout pouvoir politique imposé aux hommes et ..tout privilège revendiqué
ou exercépour les exclure étant entièrement artsciels et dece fait dérogeant à
l'égaliténaturelle des hommes entreeux, doivent d'une manière ou d'une autre,
êtreexercésultimement dans leur intérêt..Ces droits ou privilèges, quelque nom
qu'on leur donne, correspondent tous au sens le plus strict à un trust or il est
de l'essence mêmede tout trust qu'il s'accompagne d'une obligation de rendre
compte...)(Discours d'Edrnund Burke sur l'East ZndiaBill de Fox, lerdécembre
1783.)and methods to the unreviewed and unreviewable l discretion of the
Mandatory, why the elaborate provisions imposing accountability and
establishing an expert body to examine, to cross-examine, to report
and to make recommendations? Why was Article 7 (2) included in the

Mandate?

There is no need and there is no intention here to impugn South
Africa's motives; they have not been put in issue. It may be assumed
for purposes of this particular part of the analysis that the motives
are immaterial. The difficulties of reaching the objectives of the sacred
trust were and are enormous; they must not be underestimated; the

routes which might be followed toward the goal are multiple. Various
mandatories utilized various methods. But the choicesofpoliciesfollowed
by a mandatory are subject to review and it does not follow that each
member of the Court has to decide subjectively whether he believes
the mandatory has chosen wisely or correctly. The law abounds in
examples of standards or criteria which are applied by courts as tests
of human conduct. As in most aspects of the judicial process, the appli-
cation cannot be purely mechanical as machines may measure infini-

tesimal variations in the thickness of a sheet of metal *. Judge Kaecken-
beek, as President of the Arbitral Tribunal of Upper Silesia under the
Geneva Convention from 1922to 1937,wrestled successfullywith many
problems such as the way to test unlawful discrimination through the
use of discretionary powers. He recalled, for example, that:

"... the pressure of public opinion, largely manufactured by the
State, may be quite as tyrannous as systematic discrimination
by the authorities. It may be very hard to draw the line between

the two, although international protection [under the Geneva

jides. 1think no such charge against any mandatory was ever examined but specific
acts and policies in South West Africa were frequently critinthe Permanent
Mandates Commission.

"We may try to see things asobjectively as we please. None the less, we can
never see them with any eyes except our own. To that test they are ail brought-
a form of pleading or an act of parliament, the wrongs of paupers or the rights
of princes, a village ordinanca nation's charter." (Cardozo, The Nature of the
Judicial Process, 1921, p. 13; and at p. 90 quoting Brütt, Die Künst der Rechts-
political andgislativevalues, and must endeavour to ascertain in a purely objective
spirit what ordering of the social life of the community comports best with the
aim of the law in question in the circumstances before him."le choix de tous les objectifs et de toutes les méthodes, au pouvoir
discrétionnaire du Mandataire sans que son exercice soit ou puisse
être soumis à un examen l,pourquoi aurait-on prévu ces dispositions

minutieuses obligeant à rendre compte et créantun organisme composé
d'experts pour procéderaux enquêteset aux contre-enquêtes,soumettre
des rapports et faire des recommandations? Pourquoi le deuxième
alinéa del'article 7 aurait-il étéinclus dans le Mandat?
Il n'est pas nécessaireici de s'attaquer aux mobiles de l'Afrique du
Sud et je n'ai nulle intention de le faire; ils ne sont pas en cause. En ce

qui concerne cette partie-ci del'analyse,on peut admettre que les mobiles
ne sont pas pertinents. Atteindre les objectifs de la mission sacréede
civilisation présentaitet continue à présenterd'énormesdifficultésqu'il
ne faut pas sous-estimer; les voies qu'on peut suivre pour parvenir
au but sont multiples. Chaque Mandataire a employé des méthodes

différentes de celles des autres. Cependant, si le choix de mesures
adoptées par un Mandataire est soumis à un examen, il ne s'ensuit
pas que chaque membre de la Cour doive décider subjectivement si,
d'après lui, leMandataire a fait un choix sage ou bien fondé.Le droit
abonde en exemples de ((standards » ou de critères appliqués par les
tribunaux pour apprécier le comportement humain. Comme pour la

plupart des aspects du processus judiciaire, l'application ne saurait
etre purement mécanique, à la différence des machines capables de
mesurer des variations infinitésimalesdans l'épaisseurd'une feuille de
métal 2.M. Kaeckenbeek, président de1922 à 1937du tribunal arbitral
de Haute-Silésieprévu par la convention de Genève, s'estattaqué avec

succès à de nombreux problèmes,par exemple la manièrede déterminer
l'existence d'une discrimination illicite résultant de l'exercice de pou-
voirs discrétionnaires. Ainsi a-t-ilrappelé:

«la pression de l'opinion publique, que 1'Etat façonne dans une
large mesure, peut êtretout aussi tyrannique que la discrimination
appliquée systématiquementpar les autorités. Il est parfois très
difficilede tracer la ligne de démarcation entrel'une etl'autre, bien

l Impossibilité de le soumettre à un examen, sauf possibilité d'enquêtersur une
accusation de mauvaise foi. Aucune accusation de ce genre contre un Mandataire
n'a fait, je crois, l'objet d'un examen, mais il est fréquent que des actes et des
mesures déterminésintéressantle Sud-Ouest africain aient été critiquésà la Com-
mission permanente des Mandats.
«NOUSpouvons essayer de voir les choses aussi objectivement quenous voulons.
Néanmoins, nous ne les verrons jamais avec d'autres yeux que le* nôtres. Tout est
soumis à ce critèr- un acte de procédure comme une loi du parlementles abus
dont souffrent les indigents comme les droits des princes, un arrêtémunicipal
comme la charte d'une nation. (Cardozo, The Nature of the Judicial Process,
1921,p. 13, et p90 où il cite Brütt, Die Künst der Rechtsanwendung,p.uCelui
qui interprète un texte doit par-dessus tout faire abstraction de son appréciation
des valeurs politiques et législativeset s'efforcer de déterminer dans un esprit
purement objectif quelle est l'organisation de la vie sociale de la communauté
.qui s'accorde le mieux avec les buts de la loi dont il s'agit dans les circonstances
de l'espèce)))
432 Convention]covers the latter and not the former." (TheInternational
Experiment on Upper Silesia, 1942,p. 261.)

The Permanent Court had occasion to Say in regard to a right of
minorities: "There must be equality in fact as well as ostensible legal
equality in the sense of the absence of discrimination in the words of
thelaw." (Series B, No. 6 (1923),p. 24.) (Cf. Series A/B, No. 44 (1932),
p. 28.) 1 cite these instances to show types of legal problems an inter-

national tribunal may solve l.
Municipalcourts have had even wider experience.Objective standards
in the doctrine of provocation as a defence to a charge of murder were
developed by the English courts from 1837 on, but the "reasonable
man" test developed in English communities had to be adjusted when,
for example, cases had to be decided in the Indo-Pakistan sub-continent
with its "intricate class structure" and "extraordinary diversification
of racial, religious, cultural and economic interests ..." (Brown, "The
'Ordinary Man' in Provocation: Anglo-saxon Attitudes and 'Unreason-
ableNon-Englishmen' ", 13International and ComparativeLaw Quarterly,
1964,p. 203). One can trace in many legal fieldsthe judicial applications
of tests for the interpretation of constitutions or laws-tests such as
due process of law, unreasonable restraint of trade, unfair competition,
equal protection of the laws, unreasonable searches and seizures, good
moral character, etc.

One of the great jurists of the United States in this century, Judge

Learned Hand, explained how his court found and applied a standard
to determinea legal provision:
"Very recently we [the federal court] had to pass upon the phrase
'good moral character' in the Nationality Act; and we said that
it set as a test, not those standards which we might ourselves
approve, but whether 'the moral feelings, now prevalent generally
in this country' would 'be outrage8 by the conduct in question:
that is, whether it conformed to 'the generally accepted moral
conventions current at the time'." (Repouille v. UnitedStates, 165F.
2d. 152, 153(1947).)

In another context, the Supreme Court of the United States in 1957
used as a test in passing on the constitutionality of an obscenity law-

"... whether to the average person, applying contemporary com-

l Internationaltnbunals have long been accustomed, in judging claims cases,
aliens. Counsel for bothParties treated thispoint in a most unsatisfactoryway but
it is not necessaryto elaborate here.

433 que la protection internationale [en vertu de la Convention de

Genève] s'étende à la seconde et non pas à la première. » (The
Infernational Experiment on Upper Silesia, 1942,p. 261.)
La Cour permanente a eu l'occasion de dire au sujet du droit des
minorités: «Il faut qu'il y ait égalitéde fait et non seulement égalité

formelle en droit en ce sens que les termes de la loi évitent d'établir
un traitement différentiel. (1923,sérieB no6, p. 24)(Cf. 1932,sérieA/B
no 44, p. 28.) Je cite ces exemples pour montrer le type de problèmes
juridiques qu'un tribunal international peut résoudre l.
Les tribunaux internes ont une expérienceencore plus vaste. Les
tribunaux anglais ont élaboré à partir de 1837des ((standards »objectifs

en ce qui concerne la provocation en tant que moyen de défensecontre
une accusation de meurtre mais le critère de 17homme raisonnable 1)
qui s'étaitformé dans le milieu anglais a dû êtrerectifiélorsque, par
exemple, il a fallu prononcer des décisionsdans le sous-continent indo-
pakistanais où l'on trouve une ((structure complexe de classes » et une
(cextraordinaire diversité d'intérêtsraciaux, religieux, culturels et éco-
nomiques ...» (Brown, «The ((Ordinary Man » in Provocation: Anglo-

Saxon Attitudes and «Unreasonable Non-Englishmen »,International
and ComparativeLaw Quarterly, vol. 13,1964,p. 203.)Dans de nombreux
domaines, on peut suivre les applications jurisprudentielles des critères
utiliséspour interpréterles constitutions ou les lois: le dueprocess of law
(régularitéde la procédure), lesatteintes déraisonnables à la libertédu
commerce, la concurrence déloyale, l'égale protection des lois, les per-
quisitions et les saisies déraisonnables,la bonne réputation morale, etc.

Un éminent juriste américainde ce siècle, M. Hand, a expliqué
comment la cour à laquelle il appartenait dégageaitet appliquait un
critère destiné à préciserune disposition juridique:
((Trèsrécemmentnous [la Cour fédérale]avons eu à statuer sur

i'expression((bonneréputation morale )>qui figure dans la loi sur la
nationalité; nous avons déclaréqu'elle érigeaiten critère non pas
les « standards » que nous approuverions nous-mêmes, mais c(les
sentiments moraux courants dans notre pays ))qui seraient «ou-
tragés »par le comportement en question: nous recherchons donc si
ce comportement est conforme aux ((conventions morales généra-

lement acceptéesqui ont cours à un moment donné. » (Repouille
c. United States, 1947, 165 F. 2d. 152, 153.)
Dans une circonsiance différente,la Cour suprême desEtats-Unis,
statuant en 1957 sur la constitutionnalité d'une loi relative aux publi-

cations obscènes, a retenu comme critère la question de savoir
« si pour l'individu moyen qui applique les (standards » collectifs

l Les tribunaux internationaux sont depuis longtemps habitués, quand ilsjugent
des affaires de réclamations,à appliquer un ((st»international comme critère
de la responsabilité étatique à raison de dommages causés à des étrangers. Les
conseils des deux Parties ont traité de ce point d'une manière extrêmementpeu
satisfaisante, mais il est inutile de s'y attarder ici. munity standards, the dominant theme of the material taken as
a whole appeals to prurient interest". (Roth v. United States (1957)
354 U.S. 476, 489 l.)

In the law of the United States on trusts, the dominant tests ofthe
conduct of a trustee are the tests of "the reasonable man" or "the prudent
man". It is not necessary to show an improper motive although that
also may be taken into account. "In the determination of the question
whether the trustee in the exerciseof a power is acting from an improper
motive the fact that the trustee has an interest conflicting with that of
the beneficiary is to be considered." (American Law Institute, Restate-
ment of the Law, Trusts 2d., 1959, p. 404.) The Restatement gives an
illustration of a conflictingnterest which, mutatis mutandis, could by
analogy have an application to the Mandatory of South West Africa:

"A devisesBlackacre to B in trust and directs B to sell Blackacre
if in his judgment such sale would be for the best interest of the
beneficiaries. It clearly appears that a sale would behighly advan-
tageous to the beneficiaries, but B refuses to sell the land solely on
the ground that the purchaser would probably use the land in a
manner to cause a depreciation in value of B's own land situated
nearby. The court may order a sale of land." (Loc. cit.)

The Restatement also points out that a trustee which has or should
have special facilities, like a bank or trustmpany. may be held to a
somewhat higher standard than that applied to an individual trustee
(op. cit., p. 530). A mandatory, be it noted, is an "advanced" nation
"who by reason of [its] resources, [its] experience or [its] geographical
position" is selected to assume the sacred trust. Finally it may be noted
that "... if the trustee is permitted to invest in a particular security
or type of security in his discretion and the circumstances areuch that
it would be beyond the bounds of a reasonable judgment to make the

investment, the trustee is subject to liability if he makes it". (Ibid.,
p. 539.) Of course the Court must decide what is "reasonable".

Judicial experience with the protection of human rights, rights of
the person, are also relevant to the problem of adjudicating upon a
mandatory's compliance with the obligations of the "sacred trust". The
Supreme Court of the United States has said that while-

"... normally, the widest discretion is allowed the legislative
judgment in determining whether to attack some, rather than all,
of the manifestations of the evil aimed at; and normally that judg-
ment is given the benefit of every conceivable circumstance which

Cf.Lloyd, Public Policy-AiComparativeStudy in English and French Law.
1953, pp. 12ff .nd 143ff.
434 contemporains, le thème dominant du texte pris dans son ensem-

ble fait appelà la lubricit». (Roth c. United States, 1957, 354U.S.
476, 489 l.)
Dans le droit des Etats-Unis en matière de trust, les critères princi-
paux du comportement d'un trustee sont ceux de l'«homme raisonna-
ble »ou de l'(chomme prudent ».11n'est pas nécessaired'établirl'exis-
tence de motifs blâmables, bien que cela aussi puisse entrer en ligne

de compte. cEn statuant sur la question de savoir si le trustee exerce
l'un de ses pouvoirs pour un motif répréhensible, il y a lieu de tenir
compte du fait qu'il existe un conflit d'intérêtsentre le trustee et le
bénéficiaire.»(American Law Institute, Restatement of the Law, Trusts
2d., 1959, p. 404.) Le Restatement donne une illustration d'un conflit
d'intérêts qu'il esptossible d'appliquer mutatis mutandis au Mandataire
pour le Sud-Ouest africain :

«A cède Blackacre à B en trust à charge de vendre la propriété
siB estime que la vente servirait au mieux les intérêtsdes bénéfi-
ciaires. Il apparaît clairement que la vente serait très avantageuse
pour les bénéficiaires,mais B refuse de vendre la propriétépour
la seule raison que l'acquéreur s'en servirait probablement d'une
manière qui risquerait de déprécierle valeur d'un terrain voisin
qui appartient 4 B lui-même. Letribunal peut ordonner la vente. 1)
(Loc. cit.)

Le Restatement fait observer que, si le trustee dispose ou est censé
disposer de facilités particulières,comme c'est le cas pour une banque
ou une sociétéd'administration de trusts, il peut êtretenu de satisfaire
à un critère plus élevéque le critère applicable à un autre trustee (op.
cit., p. 530). Or, on remarquera qu'un Mandataire est une nation
développée ((qui, en raison de [ses] ressources, de [son] expérienceou

de [sa] position géographique)), est choisie pour s'acquitter d'une
mission sacréede civilisation. Enfin on peut noter que «si le trustee
est autorisé à effectuer discrétionnairement des placements dans des
valeurs ou dans des catégories de valeurs déterminéesm , ais que les
circonstances soient telles qu'un placement ne serait pas raisonnable,
la responsabilité du trustee est engagée s'il y procède))(ibid., p. 539).
Naturellement, c'est au tribunal de dire ce qui est ccraisonnable ».
L'expérience judiciaire en matière de protection des droits de

l'homme, des droits de la personne, est pertinente elle aussi quand il
s'agit de statuer sur le respect par un Mandataire des obligations de la
((mission sacrée de civilisation ».La Cour suprêmedes Etats-Unis a
dit que, si
((normalement, on laisse la plus large discrétionau législateurpour
ce qui est de juger s'ily a lieu de s'attaquer à certaines seulement

des manifestations du mal qu'on veutatteindre et non à toutes et si
normalement on tient compte de toutes les circonstances permet-

l Voir Lloyd, Public Policy-A Comparative Study in English and FrenchLaw,
1953,p. 124et suiv., p. 143et suiv.
434 might sufficeto characterize the classification as reasonable rather
than arbitrary and invidious [State action resulting in racial segre-
gation],eventhoughenactedpursuant to a valid State interest, bears a
heavy burden of justification ... and will be upheld only if it is
necessary, and not merely rationally related, to the accomplishment
of a permissible state policy". (McLoughlin v. Florida (1964), 379
U.S. 184,at pp. 191and 196.)

But the Court has also recently stated in a caseholdingthe Connecticut
birth-control law unconstitutional, that "we do not sit as a super-
legislature to determine the wisdom, need, and propriety of laws that
touch economic problems, business affairs, or social conditions".
(Griswold v. State of Connecticut(1965), 58 Supreme Court, p. 1678 at
p. 1680.)In the same case, in the joint concurring opinion of Mr. Justice
Goldberg, the Chief Justice and Mr. Justice Brennan, it is said that while
one agrees with Mr. Justice Brandeis that a State "may serve asa labor-
atory; and try novel social and economic experiments" this power does
not include "the power to experiment with the fundamental liberties of
citizens". Connecticut, the justices held, had not shown that the law
in question servesany "subordinating State interest which is compelling"
or that it is "necessary ... to the accomplishment of a permissible
State policy".

Two quotations may be added from another field, that of the admin-
istrative discretion of the government in determiningmeasures deemed
necessary to maintain public order, a field which has aspects of com-
parability to the choice of measures by the Mandatory:

".. . the Executive is appropriately vested with the discretion to
determine whether an exigencyrequiring military aid ... has arisen.
His decision to that effectis conclusive ... The nature of the power
also necessarily implies that there is a permitted range of honest
judgment as to the measures to be taken in meeting force with
force. ..

It does not followfrom the fact that the Executivehasthis range of
discretion, deernedto beanecessaryincident of his power to suppress
disorder, that every sort of action the Governor may take, no matter
how unjustified by the exigency or subversive of private right and
the jurisdiction of the courts, otherwise available, is conclusively
supported by mere executive fiat. The contrary is well established.
What are the allowable lirnits of military discretion, and whether
or not they have been overstepped in a particular case, are judicial

Fujii v. State of California 217 Pac. 2d. 488 (1950) and in concurring opinions of
Justices Black, Douglas and Murphy in Oyama v. California, 332 U.S. 633.

435 tant de qualifier ce jugement de raisonnable plutôt que d'arbitraire
et d'odieux [néanmoins quand un Etat adopte des mesures con-

duisant à la ségrégationraciale], mêmeaux fins d'un intérêt éta-
tique valable, il doit pour se justifier satisfaire des exigences très
lourdes ...et on ne lui donnera raison que si ces mesures sont
nécessairesà l'application d'une politiqueétatique légitimeet non pas
simplement liéessur le plan rationnelà l'application d'une telle poli-
tique.))(McLoughIin c. FIorida, 1964, 379 U.S. 184,p. 191 et 196l.)
D'autre part, dans une affaire récenteoù elle a déclaréinconstitution-

nelle la loi du Connecticut sur lecontrôle des naissances, la Cour a aussi
déclaréqu'elle n'étaitpas ((une super-législature chargéede statuer sur
la sagesse, la nécessitéet l'opportunité des lois intéressant les problè-
mes économiques, les affaires ou la situation sociale 1(Griswold c. State
of Connecticut, 1965, 58 Supreme Court, p. 1680). En la mêmeaffaire,
dans l'opinion commune émise dans le sens de la décision par M.
Goldberg, le Chief Justice et M. Brennan, il étaitdit que, si l'on pouvait
admettre avec M. Brandeis qu'un Etat pût ((servirde laboratoire et
faire des expériences sociales et économiques nouvelles », ce pouvoir

ne comprenait pas ((celui de procéder à des expériencesportant sur les
libertés fondamentales des citoyensu. Les juges ont décidéque le
Connecticut n'avait pas apporté la preuve que la loi en question servît
quelque « intérêt étatiquesouverain déterminant » ou fût «nécessaire
...à l'application d'une politique étatique légitime ».
On peut ajouter deux citations concernant une autre question, celle
du pouvoir administratif discréti8nnaire du gouvernement en vue de
prendre des mesures jugées nécessairesau maintien de l'ordre public,
question à certains égards comparable à celle du choix des mesures
par le Mandataire:

«il convient que l'exécutifsoit investi du pouvoir discrétionnaire
de décider s'il existeun état d'urgence nécessitant l'aide desforces
armées. Sa décision sur ce point est déterminante ...La nature
de ce pouvoir implique aussi nécessaireme~tqu'il existeune marge
autorisée à l'intérieur de laquelle un jugement peut s'exercer hon-
nêtement quant au choix des mesures à prendre pour répondre
à la force par la force ...
De ce que l'exécutif dispose de cette marge discrétionnaire,

considéréecomme un élémentindispensable à son pouvoir de
réprimer le désordre, il ne résulte pas que toute mesure prise par
le Gouverneur, alors que l'état denécessiténe la légitimepas ou
qu'elle porte atteinte aux droits des particuliers età la juridiction
des tribunaux, par ailleurs accessibles, puisse trouver sa complète
justification dans la simple volonté de l'exécutif. C'est lecontraire
qui est fermement établi. Quant à savoir quelles sont les bornes

Voir les vues exprimées sur la discrimination raciale et la Charte des Nations
opinions émisesdans lesens de la décisionpar MM. Black, Douglasurphy danst dans les
l'affaireyama c. California, 332 U.S. 633.

435 questions." (Chief Justice Hughes for the Court in Sterling v. Con-
stantin(1932),287 U.S. 378.)

In the Lawless case, the European Court of Human Rights (1961)
held that :
". ..the existence at the time of a 'public emergency threatening
the life of the nation' wasreasonablydeduced by the Irish Govern-
ment from a combination of several factors ...". (This under
Article 15of the treaty-the right of derogation.)

The Court obviously had to appraise and pass judgment on the reason-
ableness of the Government's action.
Examples such as the foregoing and others which could be adduced,
are relevant to a reconsideration of the doubt expressed in the 1962
joint dissenting opinion whether the issues arising under Article 2 (2)
are "capable of objective legal determination". The problem presented
to the International Court in this case is one of very great consequence
indeed butthe judicial task facingtheCourt, whiledifferingin magnitude,
does not differin kind from tasks in other courts such as those to which
attention has been called. If the Council of the League had asked the
Permanent Court of International Justice for an advisory opinion on a
question whichinvolvedan interpretation ofArticle 2 (2)of the Mandate,
itdoes not seem to me credible that the Court would have replied that
the task was beyond its capabilities. The like task which, in my view,
confronted this Court, is not beyond its capabilities. It might be an easy
way out to Saythat the Mandatory had an unreviewable discretion but

since 1 believe that that would not be a legally justifiable conclusion 1
could not concur in such a judgment.

1 would pose a hypothetical situation. Assume that the League of
Nations had not been wound up but continued to exist. Assume that the
Permanent Mandates Commission continued to function with the same
type of expert personnel. Assume that either by receipt of a request
from the Council for an advisory opinion or by an application filed by
a member of the League, the International Court was faced by the
question whether the practice of apartheid in South West Africa in 1960
promoted the progress and welfare, etc., of al1the inhabitants. Suppose
the Court acting under Article 50 of the Statute asked the Permanent
Mandates Commission to enquire and give an expert opinion on that
question. 1suggestthat the Commission would have replied that although
in 1925they might not have considered the apartheid policy incompatible
with the obligations of the Mandatory under the conditions and circum-
stances of that era, they now believed it was incompatible under the
conditions of 1960. 1 believe the Court would have decided that this
opinion was well-founded. légitimesdeladiscrétiondu pouvoir militaire et siellesont étounon
franchies dans un cas d'esprit, c'estaujuge deledire1(ChiefJustice

Hughes, dans l'affaire Sterling c. Constantin, 1932,287 U.S. 378.)
Dans l'affaire Lawless, la Cour européenne des droits et l'homme
a dit en 1961:
((l'existencà cette époque d'un danger public menaçant la vie

de la nation a pu être raisonnablement déduitepar le Gouverne-
ment irlandais dela conjonction de plusieurs élémentconstitutifs..»
(cela en vertu de l'article 15du traité- le droit de dérogation).
A l'évidence,la Cour devait apprécierle caractère raisonnable de l'ac-
tion du gouvernement et statuer à ce sujet.
Des exemples tels que les précédents - sans parler de ceux qu'on

pourrait encore donner - sont à retenir eu égard au doute formulé
dans l'opinion dissidente commune de 1962 sur le point de savoir si
les questions se posant à propos du deuxième alinéade l'article 2 sont
«de nature à pouvoir faire l'objet d'une décisionjuridique objective ».
Certes le problème qui se pose à la Cour en l'espècea une très grande
importance mais, si la tâche judiciaire qui lui incombe diffèrepar son
ampleur de la tâche impartie à d'autres tribunaux, tels ceux dont je
viens de faire état, elle n'est pas d'une autre nature. Si le Conseil de
la Société desNations avait demandé à la Cour permanente de Justice
internationale un avis consultatif sur une question comportant l'in-
terprétation du deuxième alinéade l'article 2 du Mandat, il me semble

impossible d'imaginer que la Cour aurait répondu quela tâche dépas-
sait ses moyens. La tâche semblable que la Cour doit, selon moi, af-
fronter ne dépassepas ses moyens. Un procédé facilepour sortir de
la difficultéconsisteraitdire que le Mandataire disposait d'un pouvoir
discrétionnaire excluant tout examen mais, comme je crois que cette
conclusion ne serait pas justifiable en droit, il me serait impossible de
me joindre à une décision ence sens.
J'aimerais faire une hypothèse. Supposons que la Société desNations
n'ait pas étéliquidéeet qu'elle ait continué d'exister. Supposons que
la Commission permanente des Mandats ait continué à fonctionner
avec le mêmegenre de personnel composé de techniciens. Supposons

que, à la suite soit de la réception d'une demande d'avis consultatif
émanant du Conseil, soit d'une requêteintroduite par un Membre de
la Société desNations, la Cour internationale se soit trouvée saisiede
la question de savoir si la politique d'apartheid pratiquée au Sud-Ouest
africain en 1960tendait à accroître le progrès etlebien-être, etc.,detous
les habitants du territoire. Supposons que la Cour, en vertu de l'ar-
ticle 50 de son Statut, ait confié à la Commission permanente des
Mandats une enquêteet une expertise sur cette question. La Commis-
sion aurait sans doute répondu qu'en 1925 elle n'aurait peut-êtrepas
considéréla politique d'apartheid comme incompatible avec les obli-
gations du Mandataire, vu la situation et les circonstances, mais qu'en

1960elle concluait à l'incompatibilité.La Cour aurait dit, je pense, que
cette opinion était bien fondée. The law can never be oblivious to the changes in life, circumstance and
community standards in which it functions. Treaties-especially multi-
partite treaties of a constitutional or legislative character-cannot have
an absolutely immutable character. As was said in the separate opinion
of Judge Sir Percy Spender in Certain Expenses of the United Nations
(Article 17, paragraph 2, of the Charter) (I.C.J. Reports 1962, p. 151
at 186) :
"A general rule is that words used in a treaty should be read as
having the meaning they bore therein when it came into existence.
But this meaning must be consistent with the purposes sought to
be achieved ...in the case of the Charter. ..the general rule above
stated does not mean that the words in the Charter can only com-
prehend such situations and contingencies and manifestations of
subject-matter as were within the minds of the framers of the
Charter .. .No comparable human instrument in 1945 or today
could provide against al1 the contingencies that the future should
hold."
Respondent recognized the obligation to adjust to change, although
its argument turned on an unacceptable attempt to distinguish between

the interpretation and the application of a treaty. As stated in the Re-
joinder (Vol. 1,p. 150):
"But the nature of the obligation thus interpreted is such that
Respondent must necessarily have regard to changed or changing
circumstancesincarrying outthe said obligation. In other words, inthe
application of the terms oftheMandate to the circumstances of 1960,
a different practical effect may be reached than would have resulted
from a similar application in 1920. .. the Mandate, whenever inter-
preted, involves a duty on the Mandatory's part to giveconsideration
to al1relevant circumstances when determining policy, as a necessary
component of its obligation to pursue the prescribed objectives in
good faith. Amongst the circumstances to be thus considered, are
the general philosophical views prevalent in the world, and their
impact on the inhabitants of the Territory."

The "general philosophical views prevalent in the world" certainly
include the content of Articles 1, 55and 73, of the Charter of the United
Nations and the world-wide condemnation of apartheid.
In oral argument also, Counsel for Respondent fully recognized the
necessity for taking account in the administration of the Mandate of

changes in the world-although 1 cannot accept the framework of dis-
cussion of discretionary powers and of good and bad faith in which the
following comments were made :
"We did not Saythat in the application of the norm to facts the
Court must put on blinkers and look at the facts only as they
existed in 1920, it would obviously have been ridiculous to Say so.
Similarly, we did not suggest that, in fulfilling its discretionary
437 Le droit ne saurait ignorer les changements qui interviennent dans

la vie, la situation et les ((standards » collectifs par rapport auxquels
il joue. Les traités, en particulier les traités multilatéraux d'ordre cons-
titutionnel ou législatif, ne peuvent avoir un caractère rigoureusement
immuable. Comme l'a dit sir Percy Spender dans son opinion individuelle
en l'affaire relativeà Certaines dépenses desNations Unies (article 17,
paragraphe 2, de la Charte) (C.I.J. Recueil 1962, p. 186):
((La règle générale est qu'ondoit donner aux mots employés
dans une convention le sens qu'ils y avaient quand celle-ci a été
établie. Mais ce sens doit être compatible avec les buts recherchés
... comme c'est le cas pour la Charte ... la règle généralecitée
plus haut ne signifie pas que les termes de la Charte ne peuvent

viser que les situations, les événementset les manifestations dont
l'objet était présent aux esprits des auteurs de la Charte ...Aucun
instrument comparable, de conception humaine, ni en 1945 ni de
nos jours, ne pourrait prévoir toutes les éventualitésque l'avenir
nous réserve. ))
Le défendeur a reconnu qu'il fallait s'adapter aux changements mais
il s'est efforcé,ce qui est inacceptable, d'axer son argument sur une
distinction entre l'interprétation et l'application des traités. Il a dit
dans la duplique (vol. 1, p. 150):

((Mais la nature de l'obligation interprétéeest telle que le défen-
deur doit nécessairement tenir compte des changements survenus
ou survenant dans les circonstances lorsqu'il s'acquitte de ladite
obligation. En d'autres termes, l'application des termes du Mandat
à la situation existant en 1960 peut aboutir à un résultat pratique
différentde celui auquel aurait abouti une semblable application
en 1920 ...Le Mandat quel que soit le moment auquel on I'inter-
prète, implique pour le Mandataire le devoir de tenir compte de
tous les faits pertinents lorsqu'il détermine sa politique, comme
d'un élémentconstitutif nécessairede son obligation de poursuivre
de bonne foi les objectifs prescrits. Parmi les élémentsqu'il faut
ainsi examiner figurent les opinions philosophiques généralesqui
prévalent dans le monde et leur influence sur les habitants du ter-
))
ritoire.
Les opinions philosophiques généralesqui prévalent dans le monde 1)
incluent certainement les articles 1, 55 et 73 de la Charte des Nations
Unies ainsi que la condamnation universelle de l'apartheid.
En plaidoirie également, le conseil du défendeur a pleinement recon-
nu que l'administration du Mandat devait tenir compte des transfor-
mations intervenues dans le monde, encore que je ne puisse accepter le
cadre dans lequel il a traitédes pouvoirs discrétionnaires et de la bonne
ou mauvaise foi lorsqu'il a dit:

((Nous n'avons pas dit que la Cour, en appliquant la norme aux
faits, doive mettre des Œillèreset se contenter d'examiner les faits
uniquement comme ils se présentaient en 1920; cette assertion
aurait évidemmentétéridicule. Nous n'avons pas donné non plus function under the Mandate of promoting to the utmost, and in
formulating its policies with that purpose in view, the mandatory
was to have regard only to facts, conceptions and attitudes as they
existed in 1920. That would have been equally ludicrous ... the
mandatory could not, in the new circumstances which arose after
the Second World War ... retain the same attitude as in 1920when
applying the law to the facts, or in formulating policies with a view
to complyingwithitsobligations; ithad to take proper cognizance of
this change in attitudes and conceptions, in order to fulfil its dis-
cretionary function properly." (C.R. 65/21,pp. 21-22.)

The "sacred trust of civilization" referred to in Article 22 of the
Covenant has as its purpose the development of certain specifiedpeoples
to "stand by themselves under the strenuous conditions of the modern
world". The "modern world" under whose "strenuous conditions" the
peoples of the Mandate were "not yet [in 19201able to stand by them-
selves", is a multi-racial world. It is a world in which States of varied
ethnic composition and of different stages of economic and political
development are now associated in the United Nations on the basis of

"sovereign equality". (Article 2 (1) of the Charter.) Obviously "the
modern world" is not a static concept and could not have been so con-
sidered by the framers of the Covenant of the League. Even if their
vision of a warless world did not materialize, that is no reason why
covenanted goals which are still attainable should be ignored. As the
Nuremberg Tribunal in its judgment of 1 October 1946said of another
part of international law in interpreting another great multipartite
convention: "This law is not static but by continual adaptation follows
the needs of a changing world." (Text in 41 American Journal of Inter-
national Law, 1947,p. 172.)Since 1945at least, it has been the duty of a
mandatory to prepare the peoples of the mandates to stand by themselves
in this actual world of contemporary reality. As the diversity of States
has increased, so has broadened the duty to train people to stand by
themselves in such diversity. The objective is not fanciful nor illusory;
States formerly under mandate are now members of the United Nations
and are the sovereign equals of the States which formerly administered
them as mandates.

The virtually universally accepted description of other legal charac-
teristics of this actual modern world is written in the Charter of the
United Nations. It is a world in which "friendly relations among nations"
are to be "based on respect for the principle of equal rights and self-
438 à entendre que, en remplissant ses fonctions discrétionnaires dé-
coulant du Mandat, lesquelles consistent à accroître par tous les
moyens en son pouvoir le bien-êtreet le progrès, et enélaborantdes
politiques à cette fin, le Mandataire doive ne tenir compte que
des faits, des conceptions et des attitudes tels qu'ils se présen-
taient en 1920. Cela aurait été égalemenatbsurde ..étant donné
la nouvelle situation crééaprèsla deuxièmeguerre mondiale ...le
Mandataire ne pouvait conserver la mêmeattitude qu'en 1920

en appliquant le droit aux faits et en élaborant une politique en
vue de remplir ses obligations, il devait tenir compte des change-
ments intervenus dans les attitudes et les conceptions, afin de
s'acquitter comme il convenait de ses fonctions discrétionnaires. 1)
(C.R. 65/21, p. 21-22.)

La ((missionsacrée de civilisation mentionnée à l'article 22du Pacte
a pour but le développement decertains peuples déterminés afin qu'ils
parviennent à «se diriger eux-mêmesdans les conditions particulière-
ment difficiles du monde moderne ». Le (monde moderne »,dans les

((conditions particulièrement difficil»sduquel les peuples sous Mandat
n'étaient pas ((encore [en 19201capables de se diriger eux-mêmes)),
est un monde multiracial. C'est un monde où'des Etats de composition
ethnique différente,ayant atteint des niveaux d'évolutionéconomique
et politique différents,se trouvent désormaisassociésau sein des Na-
tions Unies sur la base de ((l'égalité souveraine » (Charte, article 2,
paragraphe 1). A l'évidence,le ((monde moderne » n'est pas un concept
statique et les auteurs du Pacte de la Société desNations ne peuvent
pas l'avoir envisagé ainsi. Même si leur vision d'un monde d'où la
guerre serait exclue ne s'est pas réalisée,ce n'est pasune raison pour
méconnaître les buts sur lesquels ils s'étaient mis d'accordet que l'on

peut encore atteindre. Comme le tribunal de Nuremberg l'a déclaré
dans son jugement du ler octobre 1946, à propos d'une autre partie du
droit international, en interprétant une grande convention multilaté-
rale: Ce droit n'est pas immuable, il s'adapte sans cesse aux besoins
d'un monde changeant. » (Le texte se trouve dans I'AmericanJournal
of International Law, vol. 41, 1947,p. 172.) Depuis 1945 au moins, les
Mandataires ont eu l'obligation de préparer les peuples sous Mandat
à se diriger eux-mêmesdans le monde qui est celui de la réalitécontem-
poraine. A mesure que la diversité desEtats s'est accrue, l'obligation
de former les peuples pour qu'ils puissent se diriger eux-mêmesau sein
d'une telle diversité s'est élargie aussi. L'objectifatteindre n'est pas

imaginaire ou illusoire; des Etats qui étaient antérieurement sous Man-
dat sont maintenant Membres des Nations Unies et sont désormais
les égaux,en tant qu'Etats souverains, des anciennes Puissances man-
dataires.
La Charte des Nations Unies contient une description, presque
universellement acceptée, desautres caractéristiques juridiquesdu monde
moderne qui est le nôtre. C'est un monde où les ((relations amicales ))
entre les nations doivent être((fondéessur le respect de l'égalde droits

43 8 determination of peoples", and in which there is to be international
CO-operationboth in solving international problems "of an economic,
social, cultural, or humanitarian character", and "in promoting and
encouraging respect for human rights and fundamental freedoms for al1
without distinction as to race, sex,language or religion". (Cf.Articles 1,
55, 56,73 and 76.)
Since, as 1have explained, 1 believe the judicial task of the Court in
interpreting Article 2 of the Mandate, is to be performed by applying
appropriate objective standards-as, in other contexts, courts both
international and national have done-it is not necessary for me to
enter here into the meaning of a legal"norm" either as the term appears
to have been used in the pleadings in this case, or with one or more of

the connotations to be found in jurisprudential literature l.This section
of the opinion has shown that the standard to be applied by the Court
must be one which takes account of the views and attitudes of the con-
temporary international community. This is not the same problem as
proving the establishment of a rule of customary international law, and
1 have already explained that 1 do not accept Applicants' alternative
plea which would test the apartheid policy against an assumed rule of
international law ("norm"). It is therefore not necessary to discuss here
whether unanimity is essential to the existence of communis opiniojuris.
It has also been plainly stated herein that my conclusion does not rest
upon the thesis that resolutions of the General Assembly have a general
legislative character and by themselves create new rules of law. But the
accumulation of expressionsof condemnation of apartheid as reproduced
in the pleadings of Applicants in this case, especially as recorded in the

resolutions of the General Assembly of the United Nations, are proof
of the pertinent contemporary international community standard.
Counsel for Respondent, in another connection, agreed that "the effect
of obtaining the agreement of an organization like the United Nations
would, for al1practical purposes, be the same as obtainingthe consent of
al1the members individually, and that would probably be of decisive
practical value", for the United Nations "represents most of the civilized
States of the world". (C.R. 65/15,p. 28.) It is equally true that obtaining
the disagreement, the condemnation of the United Nations, is of decisive
practical-and juridical-value in determining the applicable standard.
This Court is bound to take account of such a consensus as providing
the standard to be used in the interpretation of Article2 of the Mandate.
Today's Judgment does not ignore humanitarian considerations, or the
"moral ideal" of the sacred trust, but seeks to find where and how they

have been "given juridical expression" and "clothed in legal form".
With due respect, 1 explore these same areas, but find the "juridical
expression" and "legal form" lead to legal conclusions different from
those reached by the Court.

l See in general, Diilard, "Some Aspects of Law and Diplomacy", 91 Recueil
des cours, 1957, p. 449.
439 SUD-OUEST AFRICAIN (OP. DISS. JESSUP) 44 1

des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes 1)et où il doit exister
une coopération internationale à la fois pour résoudre les ((problèmes
internationaux d'ordre économique, social, intellectuel et humanitaire 1)
et pour développer et encourager le ((respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion » (voir les articles 1, 55,56, 73et 76).

Puisque, comme je l'ai exposé,la Cour doit, pour s'acquitter de sa
tâche judiciaire d'interprétation de l'article 2 du Mandat, appliquer
des ccstandards » objectifs appropriés - comme des tribunaux, tant
internationaux que nationaux, l'ont fait dans d'autres circonstances -,
il n'est pas nécessaire que je m'étende icisur ce qu'est une ((norme 1)
juridique, soit dans le sens où ce terme semble avoir été utilisé dans la

procédure en l'espèce, soit dans le ou les sens où l'on se réfère à ce
terme en doctrine l. Dans la présente section de mon opinion, j'ai
montré que le ((standard)) à appliquer par la Cour doit tenir compte
des vues et des attitudes de la communautéinternationalecontemporaine.
Ce n'est pas le mêmeproblème que de prouver l'existence d'une règle
de droit international coutumier; j'ai déjà expliquéque je n'accepte

pas la thèse subsidiaire des demandeurs tendant à érigeren critère de
la politique d'apartheid une règle supposée de droit international, une
((norme ».Je n'ai donc pas à examiner si l'unanimité estune condition
essentielle de la communis opiniojuris. J'ai aussi nettement indiqué dans
la présente opinion que ma conclusion n'est pas fondée sur la thèse
selon laquelle les résolutions de l'Assemblée généraleauraient un

caractère législatif généralet créeraient par elles-mêmesde nouvelles
règles de droit. Mais les condamnations accumuléesdont l'apartheid a
fait l'objet,coi~damnations reproduites en l'espèce dans la procédure
des demandeurs et coiisignéesnotamment dans les résolutions de l'As-
sembléegénéraledes Nations Unies, prouvent l'existence en la matière
d'un «standard » de la communauté internationale contemporaine. Le

conseil du défendeur a reconnu, à un autre propos, que cen obtenant
le consentement d'une organisation comme les Nations Unies, on
obtiendrait pratiquement le mêmerésultat que si l'on obtenait le con-
sentement de tous les Membres séparément,et cela aurait probablement
une importance pratique décisive )),car aux Nations Unies sont re-
présentésla plupart des Etats civilisésdu monde » (C.R. 65/15, p. 28).

Il est également vrai que la désapprobation ou la condamnation des
Nations Unies revêtune importance pratique - et juridique - décisive
s'agissant de définir le standard ))applicable. La Cour doit tenir compte
d'un accord général dece genre, car il fournit le ((standard » à utiliser
pour l'interprétation del'article 2 du Mandat. L'arrêt d'aujourd'huine
fait fi ni des considérations humanitaires ni de l'((idéalmoral » de la

mission sacrée de civilisation, mais il s'efforce de déterminer où et
comment on leur a conféré ((une expression et une forme juridiques )).
J'ai étudiéaussi ces questions mais je me permets de dire que ma recher-

Recueil des cours de l'Académiede droit internationalde La Haye, 1957,vol. 91,p. 449.

439 Accordingly, it must be concluded that the task of passing upon the

Applicants' third submission which asserts that the practice of apartheid
is in violation of the Mandatory's obligations as stated in Article 2 of
the Mandate and Article 22 of the Covenant of the League of Nations,
is a justiciable issue, not just a political question. Therefore, the legal
interest of Applicants in the proper administration of the Mandate, as
set forth in other parts of this opinion, was properly invoked by the
Applications iiied on 4 November 1960, and the Court should, in my
opinion, have givenjudgment on the real merits of the case.

(Signed) Philip C. JESSUP.che de 1'«expression et [de la] forme juridique1m'a amené à des con-
clusions juridiques différentesde celles auxquelles la Cour est parvenue.
Dans ces conditions, il faut conclure que la tâche consistantstatuer
sur la conclusion no 3 des demandeurs d'aprèslaquelle la pratique de
l'apartheid constitue une violation des obligations du Mandataire, telles
qu'elles figurent l'article 2 du Mandat et à l'article 22 du Pacte de la

Société desNations, relèvedu domaine de la justice et non pas simple-
ment du domaine de la politique. Les demandeurs ont donc eu raison
d'invoquer, dans leurs requêtesdu 4 novembre 1960,l'intérêt juridique
qu'ils avaientàla bonne administration du Mandat que j'ai exposédans
d'autres passages de la présenteopinion; àmon sens, la Cour aurait dû
se prononcer sur ce qui constitue véritablementle fond de l'affaire.

(Signé)Philip C. JESSUP.

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Opinion dissidente de M. Jessup (traduction)

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