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CR 2013/27 (traduction)

CR 2013/27 (translation)

Jeudi 17 octobre 2013 à 10 heures

Thursday 17 October 2013 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte ; la Cour se réunit pour

entendre le second tour de plaidoiries du Nicaragua concernant la demande en indication de

mesures conservatoires présentée par le Costa Rica.

M. le juge Owada, pour des raisons qu’il m’a dûment fait connaître, n’est pas en mesure de

siéger aujourd’hui. J’appelle maintenant à la barre M. Reichler, qui débutera les plaidoiries du

Nicaragua. Monsieur Reichler, vous avez la parole.

M. REICHLER :

L ES FAITS RESTENT LES FAITS

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Costa Rica est un grand

pays. Le Nicaragua et le Costa Rica sont tous deux de grands pays.

2. Et pourtant, ils se chamaillent souvent. La Cour a d’ailleurs peut-être l’impression qu’ils

ont bien du mal à se mettre d’accord sur quoi que ce soit. Ils se sont attraits l’un l’autre à quatre

reprises devant elle, chacun ayant été à l’origine de deux affaires. Je crois que c’est un record,

record qui ne sera probablement jamais battu par d’autres pays voisins.

3. La nature, dans son impénétrable sagesse, a choisi de les placer côte à côte. Que cela leur

plaise ou non, leur union est éternelle. Peut-être ont-ils besoin d’un conseiller conjugal. Ce dont

ils n’ont pas besoin, en revanche et de cela, j’en suis certain, c’est d’un bataillon d’avocats

spécialistes du divorce qui s’emploient à creuser encore davantage le fossé qui les sépare en leur

montant la tête sur leurs infidélités respectives ou en en faisant bruyamment état en public.

4. Monsieur le président, nous avons énergiquement défendu le Nicaragua mardi, et répondu

fermement aux arguments du Costa Rica. Cependant, aucun membre de l’équipe nicaraguayenne

n’a accusé le Costa Rica de mauvaise foi, ni de mentir à la Cour ou de faire de la rétention

d’éléments de preuve. Ce n’est pas parce que nous nous disputons des marais que nous devons

traîner nos contradicteurs dans la boue. Au contraire, nous autres conseils devrions joindre nos

efforts pour tenter de réunir ces deux grands pays, plutôt que de mettre de l’huile sur le feu.

5. Le ton employé hier par M. Crawford était plus mesuré et son intervention, moins

fracassante. Mais le message était exactement le même : on ne peut pas faire confiance au - 3 -

Nicaragua ni se fier aux assurances qu’il donne. Cela reste l’argument principal de la partie

adverse en fait, le seul argument qu’il lui reste pour solliciter des mesures conservatoires.

9 Au second tour, le Costa Rica a présenté un nouvel élément de preuve, qui n’avait pas été

présenté jusque-là, sous la forme d’une photo satellite de la zone litigieuse prise le 5 octobre. Ce

n’est pas l’usage que de nouveaux éléments de preuve soient présentés à la Cour à ce stade de la

procédure orale. Et pourtant, le Nicaragua ne s’y est pas opposé. Contrairement à ce que

M. Crawford a insinué, son intention n’est pas de dissimuler à la Cour des éléments de preuve

matériels. Ce que nous souhaitons, c’est que la Cour dispose de tout élément de preuve qui

pourrait lui être utile.

6. Et, de fait, nous considérons que la Cour pourrait juger utile la photo satellite du

5 octobre. Voyons ce qu’elle montre [onglet n 19] :

7. Premièrement, elle ne montre rien qui puisse porter à conclure que se déroule actuellement

dans la zone une quelconque activité. Les conseils du Costa Rica eux-mêmes reconnaissent qu’il

1
ne s’y trouve aucun matériel de dragage ou autre matériel . Il ne s’y trouve aucun personnel se

livrant à de quelconques travaux, ce qui est tout à fait conforme aux éléments de preuve

documentaires que nous avons passés en revue mardi. A la suite de l’ordre donné le 21 septembre

par le président Ortega, tous les travaux sur les caños et la plage ont été arrêtés, et l’ensemble des

personnels et matériels ont été retirés de la zone. Le Nicaragua maintient ces éléments. La

nouvelle photo satellite ne les contredit pas, et ne les met pas davantage en doute. Cette photo, si

on la compare avec des clichés antérieurs, montre que des travaux ont été effectués après le

18 septembre. En revanche, elle ne montre pas que des travaux ont été effectués après que

M. Pastora a reçu l’ordre d’arrêter, quelques jours plus tard.

8. Deuxièmement, on aperçoit une tranchée sur la plage qui s’arrête non loin de la mer des

Caraïbes, sans toutefois l’atteindre. Cela illustre ce que nous savons déjà. Dans son rapport

du 10 octobre, M. Thorne, l’expert du Costa Rica, avait en effet indiqué ce qui suit :

1 CR 2013/26, par. 17 (Crawford). - 4 -

«Une tranchée étroite dotée d’une large entrée a été creusée sur la plage entre la
lagune naturelle située actuellement à l’extrémité septentrionale du caño oriental et la

mer des Caraïbes. Elle part d’un endroit proche de2la lagune et traverse la plage en
direction de la mer, sans toutefois l’atteindre» .
3
M. Thorne avait en outre précisé que cette tranchée «pourrait être terminée sans grande difficulté» .

Il a ainsi décrit la situation comme s’il avait vu la photo satellite du 5 octobre ; ce qu’il dit dans son

rapport correspond en effet exactement ce que montre la photo.

10 9. Je ne sais pas si cette photo vaut mieux qu’un long discours mais, en tout état de cause,

M. Thorne a déjà dit la même chose dans le bref discours dont je viens de vous donner lecture. Or,

le Nicaragua n’a jamais contesté les éléments attestant qu’une tranchée était creusée, qu’elle

atteignait presque la mer, et qu’elle pouvait être prolongée jusqu’à celle-ci sans grande difficulté.

Au contraire, il a clairement reconnu tout cela.

10. Ce que nous avons dit, c’est que ces éléments incontestables démontraient trois choses.

Premièrement, que tous les travaux effectués sur la tranchée avaient été arrêtés suite à l’ordre du

président Ortega. Deuxièmement, que les travaux avaient été arrêtés avant que la tranchée ne soit

terminée, et avant qu’elle ne relie le caño à la mer. Et, troisièmement, que, même selon le rapport

de M. Thorne et celui de l’université du Costa Rica dont le Nicaragua considère qu’il exagère

les risques , il n’y avait aucun risque qu’un dommage irréparable soit causé au fleuve San Juan

ou à ses environs, à moins et jusqu’à ce que le caño et la mer soient reliés. Là encore, le

Nicaragua, maintient ces éléments. Et, là encore, les conseils du Costa Rica n’ont rien présenté

hier qui les contredirait.

11. De fait, la nouvelle photo satellite confirme en tous points ce que le Nicaragua a dit. Elle

montre surtout que les travaux de creusement de la tranchée se sont arrêtés brusquement, peu avant

que celle-ci n’atteigne la mer. De toute évidence, cet arrêt des travaux a été provoqué par l’ordre

donné. Cela démontre également la bonne foi du Nicaragua. Comme M. Crawford l’a dit hier,
4
terminer le travail n’aurait guère nécessité de temps ou d’efforts . Si le Nicaragua était aussi

malfaisant que mon collègue et ami le laisse entendre, il aurait aisément pu mettre le Costa Rica

2
Rapport Thorne, par. 4.1 g).
3Ibid., par. 4.7.

4CR 2013/26, par. 9 (Crawford). - 5 -

et, par la même occasion, la Cour — devant un fait accompli. Et pourtant, ce n’est pas ce qui

s’est passé.

12. Lundi, M. Crawford s’est enquis des instructions qu’avait reçues M. Pastora au moment

où il avait entrepris ses travaux dans la zone litigieuse, c’est-à-dire avant d’avoir reçu l’ordre du

président Ortega du 21 septembre. Dès mardi, nous avons fait figurer ces instructions dans notre

dossier de plaidoiries, sous l’onglet n 6, et les avons projetées à l’écran. Hier, M. Crawford a

5
demandé à voir les instructions de 2011 qui s’appliquaient à M. Pastora . Eh bien, les voici ; elles

sont datées du 9 mars 2011, soit le lendemain de l’ordonnance de la Cour :

«Conformément aux instructions de l’état-major de l’armée nicaraguayenne
concernant l’exécution de l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice le
8 mars 2011 [la veille, donc]

1) Toute opération ou patrouille et toute présence est interdite dans la zone définie par
la Cour internationale de Justice comme étant le territoire litigieux, zone située au
11 nord du chenal en litige et limitée, à l’ouest, par la rive droite du fleuve San Juan
de Nicaragua … et, à l’est, par la lagune de Harbour Head …».

13. Le Nicaragua avait déjà présenté cet ordre de l’armée nicaraguayenne à la Cour et au

o
Costa Rica le 6 août [2012] ; le texte est reproduit sous l’onglet n 20 de notre dossier de plaidoiries

d’aujourd’hui. M. Pastora a dû s’y conformer, au moins entre le mois de mars 2011 et le mois

d’août 2013, puisque le Costa Rica ne s’est jamais plaint de ses activités durant cette période de

deux ans et demi, période que l’intéressé a passée à mener des activités de dragage le long du

fleuve San Juan et dans des chenaux situés du côté nicaraguayen.

14. M. Crawford a demandé pourquoi le Nicaragua avait ordonné que la tranchée soit

6
creusée ; il voulait savoir quelle était l’intention du Nicaragua . Cela revient un peu à demander

«pourquoi avez-vous battu votre épouse ?». Lorsque vous demandez pourquoi quelque chose a été

fait, vous partez du principe que cela a été fait. Or, le Nicaragua n’a donné ni ordre ni instructions

pour que la tranchée soit creusée ; il n’a pas non plus formé pareil projet. Alors quelle était

l’intention du Nicaragua en ce qui concerne cette tranchée ? Eh bien, il n’en avait aucune. Il n’a

jamais ordonné ou autorisé ces travaux. Il ne souhaitait même pas qu’ils soient effectués.

5CR 2013/26, par. 12-13 (Crawford).

6Ibid., par. 33 (Crawford). - 6 -

15. En réalité, c’est au Nicaragua que la tranchée, tout comme le caño, portent préjudice ou,

à tout le moins, auraient porté préjudice si ces ouvrages avaient relié le fleuve à la mer, ce dont le

Nicaragua n’a pas besoin, et ce qu’il ne souhaite pas. Monsieur le président, il est impossible de

rejoindre par la route le village de San Juan de Nicaragua, sur la côte caribéenne, à partir de

Managua ou de toute autre ville ou localité du Nicaragua. Il y a bien un petit aéroport, mais le

principal moyen de transport, c’est le bateau. Le niveau du fleuve est déjà fort bas, et celui-ci est

impraticable pendant la saison sèche, sauf par canoë. Rappelez-vous, 90 % des eaux du fleuve se

jettent dans le Colorado, au Costa Rica, en amont. C’est la raison pour laquelle la construction par

le Costa Rica de la route 1856, ainsi que les grandes quantités de sédiments déversés dans le fleuve,

lesquels s’accumulent et rendent la navigation encore plus difficile en aval, inquiètent tant le

Nicaragua. Si ce qu’il reste du fleuve San Juan était dévié vers le caño oriental, il n’y aurait

finalement plus que de la boue en aval du caño. Le fleuve serait totalement impraticable à cet

endroit, et ce, toute l’année. La ville de San Juan del Norte serait ainsi coupée du reste du

Nicaragua.

16. C’est pourquoi, Monsieur le président, le Nicaragua serait heureux de combler la

tranchée, et de remettre la plage dans l’état dans lequel elle était avant que M. Pastora n’entame les

travaux. Son Exc. M. Argüello expliquera de quelle manière cela pourrait être fait.

12 17. M. Crawford nous dit qu’il n’est «pas crédible» que M. Pastora ait pris l’initiative de

nettoyer les deux caños, mais ce n’est que pure rhétorique . C’est qu’en effet les éléments de

preuve montrent que tel est bien le cas. J’ai examiné ces éléments en détail mardi, et je n’y

reviendrai pas. Je me contenterai d’en rappeler brièvement trois, qu’aucun élément présenté par le

Costa Rica ne contredit.

18. Tout d’abord, en juillet 2013, l’autorité portuaire nicaraguayenne a donné instruction à

M. Pastora de procéder à un dragage par aspiration afin de prévenir les inondations causées par les

fortes pluies ou d’en atténuer les effets sur la population riveraine et l’aéroport, qui se trouvent du

côté nicaraguayen. On ne lui a pas demandé de se rendre sur la rive droite du fleuve, dans la zone

en litige, dont l’accès restait interdit par l’ordre de l’armée du 9 mars 2011. Cet ordre constitue le

7 CR 2013/26, par. 9 (Crawford). - 7 -

deuxième élément. Troisièmement, dès que le président Ortega a su que M. Pastora se livrait à des

activités dans la zone en litige, il lui a ordonné d’y mettre fin immédiatement. Le Costa Rica n’a

présenté aucun élément de preuve qui remette en cause ces faits bien établis.

19. M. Crawford a formulé neuf affirmations, dont il a tiré deux conclusions. J’en ai déjà

examiné une partie. Je vais donc m’efforcer de ne pas me répéter.

8
20. Première affirmation : les caños ont été percés par le Nicaragua . A cet égard,

M. Crawford soutient que le Nicaragua a «envoyé» M. Pastora dans la zone en litige pour nettoyer

ou construire les caños, que «des personnes ont été envoyées … et c’est le Nicaragua qui les a

envoyées» et qu’il n’est «pas crédible» que M. Pastora ait agi sans l’approbation du gouvernement

ou qu’il soit allé à l’encontre des instructions données par celui-ci . Il s’agit là d’un argument, pas

d’une preuve, et cela traduit la tendance de M. Crawford à ne prêter au Nicaragua que des

intentions malveillantes. Cet argument ne s’appuie pas sur les faits. Or, les éléments de preuve

montrent, comme je l’ai dit, que le Nicaragua n’a pas envoyé M. Pastora dans la zone en litige et

que, bien au contraire, celui-ci s’y est rendu contre la volonté du gouvernement, et qu’il a dû mettre

un terme à ses activités dès que les plus hautes autorités de Managua en ont eu connaissance.

Aucun élément ne le contredit et il n’y a aucune raison de ne pas croire le Nicaragua, ou de mettre

en doute les documents produits. C’est donc l’argument avancé par M. Crawford qui n’est «pas

crédible».

21. Deuxième affirmation : ceux qui ont percé les caños avaient apparemment l’autorité pour
13
10
le faire . S’il s’agit d’un argument juridique, le Nicaragua ne le conteste pas mais, au stade actuel

de la procédure, ce n’est pas la question. S’il s’agit de faire valoir un point de fait, nous renvoyons

de nouveau la Cour à l’ordre du 9 mars 2011 de l’armée nicaraguayenne qui interdisait tout accès et

toute activité dans la zone en litige, ainsi qu’aux instructions que l’autorité portuaire

nicaraguayenne a adressées à M. Pastora en juillet 2013. Celui-ci n’a pas été chargé par une

autorité supérieure de construire des caños dans la zone en litige, ni officiellement, ni

officieusement.

8
CR 2013/26, par. 9-11 (Crawford).
9Ibid.
10
Ibid., par. 12-13. - 8 -

22. Troisième affirmation : le Nicaragua a violé l’ordonnance de 2011 en creusant les

caños . Monsieur le président, M. Pastora a fait ce qu’il a fait, et le Nicaragua n’en nie pas la

responsabilité. L’ordre de l’armée du 9 mars 2011, qui découlait directement de l’ordonnance de la

Cour et est toujours en vigueur aujourd’hui, montre que le Nicaragua entendait se conformer à cette

ordonnance ; il en va de même des instructions données par le président Ortega le 21 septembre,

que M. Pastora a respectées. Il ressort donc des éléments de preuve que le Nicaragua n’a pas

«envoyé» M. Pastora dans la zone en litige, pas plus qu’il ne l’y a «maintenu», conformément à

l’interdiction énoncée au premier paragraphe du dispositif de l’ordonnance rendue par la Cour

en mars 2011. Bien au contraire, le président du Nicaragua a ordonné à l’intéressé de quitter les

lieux dès que possible.

23. Quatrième affirmation : le risque de préjudice irréparable est encore plus grave qu’on

aurait pu le croire initialement . C’est tout à fait exagéré. Plus grave que qui aurait pu le croire ?

Apparemment pas l’expert du Costa Rica, M. Thorne. Comme je l’ai déjà indiqué, il savait

parfaitement, le 10 octobre, lorsqu’il a rédigé son rapport, que la tranchée creusée sur la plage

atteignait presque la mer et «pourrait être prolongée sans grande difficulté et ouvrir ainsi le caño
13
sur la mer» .

24. Ce que nous enseignent, tout au plus, les nouveaux éléments présentés par le Costa Rica,

c’est que, étant donné que de nouvelles opérations d’excavation ont été menées après que les

photos du 18 septembre ont été prises, la tranchée pourrait être prolongée jusqu’à la mer encore

plus facilement que ne le prévoyait M. Thorne. Il n’en demeure pas moins que, comme la nouvelle

photo permet de le constater, la tranchée n’atteint pas la mer, n’ouvre pas le caño sur la mer et ne

constitue pas un raccourci ni un autre type de canal pour que les eaux du San Juan l’atteignent. Il

n’y a donc toujours pas de risque de préjudice irréparable. M. McCaffrey vous en dira davantage

sur ce point.

11CR 2013/26, par. 14-16 (Crawford).

12Ibid., par. 17-23 (Crawford).
13
Rapport Thorne, par. 5.1 d) et e). - 9 -

14 25. Cinquième affirmation : les éléments de preuve fournis par les experts du Costa Rica

n’ont pas été réfutés . Ces éléments de preuve ayant trait à la question du préjudice irréparable, je

laisserai à M. McCaffrey le soin d’y répondre.

26. Sixième affirmation : les éléments de preuve incontestés émanant des experts ne sont pas

15
des assertions non étayées . Là aussi, il est question du préjudice irréparable, et c’est

M. McCaffrey qui en traitera.

27. La septième affirmation de M. Crawford est la suivante : le Nicaragua n’aurait pas

16
informé la Cour de certains faits importants . Monsieur le président, M. Crawford met une fois

encore en doute, de manière totalement injustifiée, la bonne foi du Nicaragua. Cette accusation est

extrêmement grave et parfaitement injuste.

28. Quels éléments le Nicaragua aurait-il donc dissimulés ? Selon M. Crawford, «le

Nicaragua a fermé les yeux sur le dépôt devant la Cour d’une image dont il savait qu’elle ne

17
correspondait plus à la réalité» . Il est fait référence, j’imagine, aux photographies aériennes que

le Costa Rica a prises le 18 septembre. Ces photos, qui étaient, hier encore, les plus récentes

versées au dossier, montrent clairement les deux caños qui font l’objet de la demande du

Costa Rica, la présence d’une drague, ainsi qu’une tranchée creusée sur la plage. On y voit tout ce

que M. Pastora et son équipe faisaient dans la zone. Les faits en question ne sont pas contestés :

M. Pastora et son équipe étaient en train de creuser une tranchée sur la plage. M. Pastora a mis fin

aux travaux dès qu’il en a reçu l’ordre du président Ortega. La tranchée n’avait alors pas atteint la

mer, bien que cette liaison eût été réalisable aisément et au prix d’un moindre effort. Tels sont les

faits importants concernant la tranchée, et le Nicaragua les a tous reconnus dans les documents et

plaidoiries qu’il a présentés à la Cour. Il n’a rien dissimulé car il n’y avait tout simplement rien à

dissimuler.

29. Le Nicaragua n’avait aucune raison ni, d’ailleurs, aucun moyen de cacher quoi que

ce soit. Comment aurait-il pu dissimuler une tranchée creusée sur la plage, à la vue de tous ?

14
CR 2013/26, par. 17-23 (Crawford).
15Ibid., par. 26-32.

16Ibid., par. 33.
17
Ibid. - 10 -

Le 24 septembre, à la lecture de la demande reçue du Costa Rica et de ses annexes, le Nicaragua a

constaté que celui-ci avait régulièrement pris des photographies aériennes et obtenu des images

satellite montrant les travaux effectués par M. Pastora entre le 5 et le 18 septembre. Il a

naturellement supposé que le Costa Rica continuerait à le faire, d’autant plus que celui-ci avait

décidé de saisir la Cour. Dès lors, même si le Nicaragua était aussi diabolique que veut nous le

15 faire croire M. Crawford, pourquoi tenterait-il aussi bêtement de camoufler les preuves d’activités

menées au vu et au su de tous, à commencer par le Costa Rica, qui surveillait activement la zone ?

30. S’il est un élément trompeur, Monsieur le président, c’est la légende dont le Costa Rica a

assorti la photographie présentée hier. [Projection.] Dans la partie supérieure apparaissent les mots

«Tranchée nouvellement creusée», qui impliquent que les travaux se sont poursuivis jusqu’au

5 octobre, accusation que M. Crawford a d’ailleurs explicitement formulée. Or, cela est inexact, et

la photographie ne justifie ni ce commentaire, ni l’allégation de M. Crawford. Elle ne fournit

aucune preuve de ce que des travaux d’excavation aient été menés après réception de l’ordre du

président Ortega. Le Nicaragua pourrait tout aussi bien laisser entendre ce qu’il ne fait pas, je

tiens à le préciser que le Costa Rica dissimule des éléments de preuve, notamment des images

satellite et d’autres photographies datant de septembre dernier, qui sont certainement en sa

possession, et qui démontreraient que les travaux avaient alors déjà pris fin. Il serait en effet

surprenant qu’aucune photographie n’ait été prise pendant cette période. Mais, pour notre part,

nous préférons nous en tenir aux éléments de preuve, plutôt que de répondre aux accusations par

d’autres accusations.

31. L’image satellite du 5 octobre, que le Nicaragua n’a jamais eue en sa possession, n’a

jamais obtenue, ni vue, et qu’il n’a donc pu dissimuler, illustre graphiquement la faible distance

séparant la tranchée de la mer. Mais elle ne change rien sur le fond. Qu’a donc dissimulé le

Nicaragua ? Que d’autres travaux se sont déroulés dans le caño et la tranchée après le

18 septembre ? Le Nicaragua l’a dit lui-même. Que le caño est plus large et la tranchée plus

longue qu’au 18 septembre ? Evidemment, puisque les travaux se sont poursuivis jusqu’à ce que le

président ordonne qu’il y soit mis fin. Il n’y a rien sur cette image, ni sur aucune autre, que le

Nicaragua aurait intérêt à dissimuler [fin de la projection]. Où le Costa Rica veut-il donc en venir

avec cette photographie, ce flagrant délit ? Si l’idée était de prouver un préjudice irréparable, c’est - 11 -

raté. La photo montre exactement l’inverse. La tranchée n’est certes pas très éloignée de la mer,

mais elle ne l’atteint toujours pas, et sans cette liaison, nous disent les experts du Costa Rica, il ne

saurait y avoir de dommage irréversible. S’il entendait, par cette photo, montrer que le Nicaragua

est malhonnête ou qu’il dissimule des preuves, le Costa Rica a, une fois encore, échoué.

32. M. Crawford accuse le Nicaragua de dissimuler ses intentions réelles, qui, selon lui, sont

exposées au grand jour sur la photographie du 5 octobre. Res ipsa loquitur. Il somme le Nicaragua

18
de «s’expliquer», comme si cela n’était pas déjà fait . Eh bien, il se peut que M. Pastora ait

16 cherché à relier le fleuve à la mer. Il n’avait, à notre connaissance, aucune autre raison de creuser

la tranchée. Si telle était son intention, cela ressort des photographies du 18 septembre sur

lesquelles on voit aussi la tranchée , tout aussi nettement que de celle présentée hier.

33. Mais il ne s’agissait nullement des intentions du Nicaragua, qui sont exprimées dans

l’ordre de l’armée du 9 mars 2011, dans les instructions que l’autorité portuaire nationale a données

en juillet 2013 à M. Pastora et, de manière encore plus manifeste, dans l’ordre du président Ortega

du 21 septembre, enjoignant à l’intéressé de mettre fin à ses activités et de quitter la zone litigieuse.

Qu’avait donc à l’esprit M. Pastora lorsqu’il a entrepris ces travaux ? A l’époque, le Nicaragua

l’ignorait. Il est peut-être responsable des actes de M. Pastora, mais pas de ses intentions.

34. la huitième affirmation du Costa Rica est que le caño existe bel et bien . Certes, mais,

comme M. McCaffrey l’expliquera tout à l’heure, plus pour très longtemps. L’envasement

provenant du fleuve finira par gagner le caño et s’y accumuler jusqu’à l’assécher complétement.

En l’état actuel des choses, le caño n’est pas relié à la mer, et ne peut donc altérer le cours du

San Juan ni causer à celui-ci des dommages irréversibles. Cela est confirmé par le rapport de

M. Thorne.

35. La neuvième affirmation est la suivante : le campement militaire septentrional du

20
Nicaragua est situé sur le territoire litigieux . Eh bien, si tel est le cas, c’est parce que le

Costa Rica a, pour la toute première fois, contesté ce territoire cette semaine. Mardi dernier, nous

vous avons montré trois cartes du Costa Rica, toutes tirées du mémoire qu’il a déposé en l’affaire,

18
CR 2013/26, par. 33 (Crawford).
19Ibid., par. 34.

20Ibid., par. 35-39. - 12 -

sur lesquelles la plage, distinguée de la zone humide, est représentée dans ce secteur comme

appartenant au Nicaragua . Cela fait près de deux ans que ce minuscule campement se trouve à

cet endroit, et le Costa Rica en connaît parfaitement l’existence. Celui-ci a installé, de son côté de

la lagune de Harbor Head, une tour d’observation équipée d’une antenne, et mené de fréquentes

opérations de surveillance de la zone, notamment en survolant périodiquement le territoire du

Nicaragua, ce qui a suscité de nombreuses protestations de la part du Nicaragua, dûment

consignées devant la Cour. Le Costa Rica ne s’est jamais plaint du campement auparavant. Il n’a

jamais laissé entendre que les quelques soldats qui y étaient stationnés aient causé des dommages à

la zone humide. Ces soldats ont pour mission de surveiller la côte afin de repérer les trafiquants de

drogue qui sillonnent la zone à bord de petits bateaux.

17 36. Il est à noter que, dans sa demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, le

Costa Rica ne se plaint nullement de la présence de ce campement militaire, qui est pourtant exposé

o
à tous les regards. [Projection.] Vous trouverez, sous l’onglet n 22, une image satellite reproduite

au paragraphe 4 de la demande du Costa Rica du 23 septembre 2013. Au sujet du lieu en question,

sur la plage, le Costa Rica indique : «Emplacement des tentes nicaraguayennes, piles d’arbres
22
abattus et tour d’observation» . Cette image est censée prouver qu’une équipe d’ouvriers était en

train de nettoyer les caños dans la zone humide, et non que le Nicaragua maintient illicitement

que ce soit au regard de l’ordonnance de la Cour ou de tout autre point de vue un petit

campement militaire sur la plage, lequel n’est d’ailleurs mentionné nulle part dans la demande du

Costa Rica.

37. Le Costa Rica n’a apparemment pas jugé bon de s’en plaindre jusqu’à l’exposé présenté

ce mardi par M. Ugalde. S’il s’agit pour lui de revendiquer aujourd’hui, pour la première fois, la

souveraineté sur cette bande de plage, alors cette demande est nouvelle. Comme elle ne fait pas

partie de sa demande initiale, ladite bande doit être considérée comme étant couverte par

l’ordonnance que la Cour a rendue le 8 mars 2011. A cet égard, le Nicaragua soutient que rien ne

justifie, sur le plan factuel ou juridique, que la Cour remette en cause le statu quo. M. Pellet

abordera les aspects juridiques de cette question.

21Dossier de plaidoiries du Nicaragua (premier jour), onglet n 11.

22Demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, annexe 9. - 13 -

38. J’en viens maintenant, et pour finir, aux deux conclusions de M. Crawford. Tout

d’abord, comme nous aurions pu le prévoir, il avance que la Cour ne devrait pas se fier au
23
Nicaragua et aux assurances qu’il donne . C’est la même idée que celle qu’il avait exprimée lundi,

et à laquelle j’ai déjà répondu mardi. Je n’y reviendrai donc pas. M. Crawford ayant cependant

formulé hier de nouvelles accusations de malhonnêteté, je vais y répondre.

39. Il accuse tout d’abord le Nicaragua d’avoir réalisé des travaux de grande ampleur

24
jusqu’au 5 octobre, et d’avoir tenté de le dissimuler . Cette allégation n’est étayée par aucun

élément de preuve. Ce que montrent les éléments versés au dossier, c’est que la construction de la

tranchée sur la plage s’est poursuivie après le 18 septembre. Le Nicaragua n’a jamais prétendu le

contraire. Il a reconnu que des travaux sur le caño et la tranchée avaient continué d’être menés

jusqu’à ce que M. Pastora reçoive l’ordre du président Ortega d’y mettre fin. L’image satellite du

5 octobre ne montre absolument pas que ces travaux se seraient poursuivis après cette date, ni que

le Nicaragua aurait agi de mauvaise foi.

18 40. Deuxième nouvelle accusation : l’armée nicaraguayenne aurait été au courant des

activités de M. Pastora et les aurait cautionnées . Or, le quartier général du détachement militaire

sud se trouve à San Carlos, à l’autre extrémité du fleuve San Juan, à plus de 180 km de la zone en

litige où opérait M. Pastora. Le Nicaragua reconnaît que M. Pastora était observé par les quelques

soldats stationnés dans le campement situé sur la plage, et probablement aussi par ceux qui

effectuaient des patrouilles régulières le long du fleuve San Juan, et que personne n’est intervenu.

Les soldats ont sans doute supposé, comme M. Crawford, que M. Pastora avait le droit d’être là.

Or, comme nous l’avons montré, ce n’était pas le cas. Rien ne prouve que des officiers supérieurs

ou d’autres hauts responsables gouvernementaux aient autorisé ou approuvé les activités menées

par M. Pastora dans la zone en litige.

41. Troisième nouvelle accusation (il s’agit en réalité d’une ancienne accusation revue et

corrigée) : le Nicaragua a reconnu les faits à contrecœur et de manière tardive . C’est totalement

23
CR 2013/26, par. 42-50 (Crawford).
24Ibid., par. 44.

25Ibid., par. 43.
26
Ibid. - 14 -

faux. M. Crawford admet à présent que le Nicaragua était fondé, après que le Costa Rica avait

présenté sa demande en indication de nouvelles mesures conservatoires le 23 septembre, à adresser

sa réponse à la Cour et non au Costa Rica directement . 27 Il n’admet cependant pas que le

Nicaragua ait attendu le 10 octobre pour ce faire. Il a compté que 26 jours s’étaient écoulés depuis
28
le 16 septembre . Mais son calcul n’était pas le bon, car 17 jours seulement ont passé entre le

23 septembre, date à laquelle le Costa Rica a présenté sa demande, et le 10 octobre, lorsque le

Nicaragua a envoyé sa réponse à la Cour. Mon collègue et ami se demande pourquoi cela a pris

autant de temps de «mettre sur pied une équipe juridique» . M. Argüello lui répondra, et montrera

que le Nicaragua a réagi aux accusations du Costa Rica et soumis sa réponse à la Cour en y

joignant tous les documents utiles aussi vite que possible. Après ce qui s’est passé hier,

peut-être le Costa Rica réfléchira-t-il à deux fois avant de soulever la question de la présentation

tardive de documents.

42. Outre ces accusations, M. Crawford en a amplifié deux autres qu’il avait formulées lundi,

reprenant son thème de prédilection, à savoir que le Nicaragua aurait violé les assurances données à

30
la Cour par le passé et qu’il le referait . Il a de nouveau fait référence à la photo des soldats

19 nicaraguayens dans la zone en litige prise le 19 janvier 2011, le lendemain du jour où le Nicaragua

a affirmé à la Cour qu’il avait procédé au retrait de l’ensemble de ses personnels militaires . Mais 31

il n’a pas contesté ce que j’ai dit mardi, à savoir que le retrait avait été effectué quelques jours après

que la photo a été prise, et qu’aucun soldat n’était retourné dans la zone. Certes, l’annonce faite

par le Nicaragua le 18 janvier était quelque peu prématurée. Mais cela ne prouve pas que celui-ci a

manqué aux engagements pris devant la Cour, et encore moins qu’il est un menteur en série. La

vérité, c’est que le Nicaragua a retiré rapidement l’ensemble de ses troupes, comme il s’y était

engagé devant la Cour, et qu’il a respecté sa parole en les tenant à l’écart de la zone en litige depuis

lors.

27
CR 2013/26, par. 5 (Crawford).
28
Ibid.
29 Ibid.
30
Ibid., par. 45.
31
Ibid., par. 46. - 15 -

43. Lundi, M. Crawford s’est excusé de ne pas produire d’élément de preuve corroborant son

accusation selon laquelle le Nicaragua aurait envoyé 10 000 jeunes Sandinistes pour effectuer des

travaux dans le premier caño . Il a essayé de remédier à cette lacune en présentant la version

33
électronique d’un article de presse . Mais il n’y a toujours rien qui étaye ses déclarations.

L’article en question, que l’on peut difficilement considérer comme une preuve recevable, ne fait

aucune mention de personnes qui travailleraient sur le caño dans la zone en litige. Par ailleurs,

M. Argüello a déjà expliqué qu’il s’agissait de jeunes défenseurs de l’environnement qui ont

travaillé bénévolement sur tout le fleuve San Juan, et pas dans la zone en litige. Cette information

figurait déjà dans un article de presse, quasiment identique et tout aussi douteux, que le Costa Rica

avait joint à sa demande tendant à la modification de l’ordonnance du 8 mars 2011. La Cour avait

jugé que les éléments présentés à ce moment-là n’établissaient pas l’existence d’un préjudice

irréparable, et avait refusé de modifier son ordonnance. Autrement dit, rien de nouveau sous le

soleil. A ce jour, M. Crawford n’a toujours produit aucun élément de preuve corroborant son

accusation. Il n’a produit aucun élément prouvant que l’on ne peut pas faire confiance au

Nicaragua, ou que ses assurances ne peuvent être acceptées. Les éléments sur lesquels le

Costa Rica fonde sa demande en indication de mesures conservatoires sont inexistants.

44. J’en viens enfin à la deuxième et dernière conclusion de M. Crawford, à savoir que si le

Nicaragua a violé l’ordonnance rendue par la Cour en mars 2011, alors il y a un risque de préjudice
34
et le Costa Rica est en droit de réclamer le rétablissement du statu quo . Selon lui, il s’agit d’une

question de droit, et il a rappelé que j’avais dit qu’il avait souvent raison dans ce domaine.

Monsieur le président, je ne retire pas le compliment que j’ai adressé à mon collègue et ami, mais

20 M. Pellet lui aussi a généralement raison pour ce qui concerne le droit ; or, il n’est pas d’accord.

En outre, la conclusion juridique tirée par M. Crawford n’est étayée par aucun élément de fait. Le

Costa Rica n’a pas apporté la preuve que les mesures qu’il sollicite étaient nécessaires. Les deux

premières sont de toute évidence inutiles. Personne ne conteste que les activités interdites menées

dans la zone en litige ont pris fin, ou que l’ensemble des personnels et équipements y afférents en

32CR 2013/26, par. 47 (Crawford).
33
Ibid.
34Ibid., par. 51. - 16 -

ont été retirés. M. Kohen a utilement précisé que tel était précisément l’objectif des deux premières

mesures. Elles sont donc inutiles. Ne reste donc que la troisième mesure, celle qui concerne la

remise en état. Mais remise en état de quoi, au juste ? Tant que les ouvrages ne sont pas reliés à la

mer, il n’y a aucun risque de préjudice irréparable, selon le propre témoin-expert du Costa Rica.

Or, comme nous l’avons vu, ce n’est pas le cas. Aucune des mesures conservatoires sollicitées par

le Costa Rica n’est donc justifiée.

45. Néanmoins, si les travaux de remise en état souhaités par le Costa Rica consistent à

combler la tranchée creusée sur la plage, ou même à construire une digue de sable, afin de s’assurer

que le caño n’atteindra jamais la mer, les deux Parties sont d’accord sur ce qu’il convient de faire,

même si elles divergent sur la question de savoir si la demande en indication de nouvelles mesures

conservatoires présentée par le Costa Rica est justifiée. Le Nicaragua est disposé à faire disparaître

la tranchée, et il est en mesure de le faire. M. Argüello reviendra en détail sur ce point. Après tout,

peut-être ce mariage peut-il encore être sauvé. Peut-être que, cette fois, le Costa Rica acceptera

notre «oui». Dans le cas contraire, nous sommes convaincus que la Cour aidera les deux Parties à

trouver un compromis.

46. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ce fut un honneur pour moi

que de me présenter devant vous. Je vous remercie de votre patience et de votre aimable attention.

Je vous prierais à présent de bien vouloir appeler à la barre M. McCaffrey.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Reichler. Je vais donner la parole à M. McCaffrey, mais

auparavant, M. le juge Greenwood voudrait obtenir des précisions sur un point de votre exposé de

ce matin. Vous pouvez répondre tout de suite ou, si vous préférez, consulter l’agent d’abord. Je

vous redonnerai la parole, sans doute plus tard, après l’exposé de M. Pellet ; mais l’agent peut aussi

répondre. Monsieur le juge Greenwood, vous avez la parole.

Juge GREENWOOD : Je vous remercie, Monsieur le président. Je demanderai juste deux

précisions concernant l’ordre de l’armée qui figure sous l’onglet n° 20 du dossier de plaidoiries.

21 Tout d’abord, cet ordre émane manifestement de l’armée nicaraguayenne, mais il semble être

adressé à une unité militaire. Les conseils du Nicaragua pourraient-ils préciser en quoi ce

document s’applique à M. Pastora, et à l’autorité portuaire nicaraguayenne ? Ma deuxième - 17 -

question porte sur un élément qui s’explique probablement par la mise en page du document

traduit. Je voudrais savoir si la date du 9 mars 2011, qui figure à la fin du passage en caractères

gras, correspond à la date à laquelle cet ordre a été donné, ou à celle du décret présidentiel 79/2009.

Je vous remercie.

Le PRESIDENT : Merci. Monsieur Reichler, comme je l’ai dit, vous pouvez répondre

maintenant, ou plus tard dans la matinée.

M. REICHLER : Eh bien, je pense qu’il est préférable que le conseil et l’agent se consultent

avant de répondre. Merci pour ces questions. Nous y répondrons tout à l’heure.

Le PRESIDENT : Entendu. Merci. J’appelle à présent M. McCaffrey à la barre.

M. McCAFFREY :

LE RISQUE DE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE N EXISTE PAS

Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour,

bonjour. J’ai pour mission aujourd’hui de répondre à l’argument du Costa Rica pour qui le «caño

oriental» présente un risque de préjudice irréparable. Je serais bref, car malgré les nouveaux

éléments de preuve présentés hier par le Costa Rica, la situation n’a pas changé sur le fond depuis

ma dernière intervention.

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, M. Crawford vous a montré

hier une image datée du 5 octobre censée illustrer l’élargissement et l’allongement de la «brèche» à

la limite extérieure du «caño oriental». Comme je l’ai déjà dit, il s’agissait là de nouveaux

éléments de preuve présentés pendant le second tour des plaidoiries, ce qui est pour le moins assez

inhabituel.

2. Selon le Costa Rica le «caño oriental» crée un risque de préjudice irréparable et l’image

du 5 octobre le prouve. Hier, M. Crawford a abordé «la question du risque de préjudice

irréparable». Ce faisant, il a assez étonnamment déposé, non pas en son propre nom, mais au nom

de l’expert du Costa Rica, M. Thorne, qui n’était pas présent. Selon M. Crawford, voici ce que

M. Thorne a dit - 18 -

22 «l’augmentation du ruissellement pendant la saison des pluies va probablement
maintenant c’est-à-dire pendant les semaines à venir entraîner une élévation du
niveau de la surface des eaux dans le fleuve par rapport au niveau de la mer, créant la
pente nécessaire pour que ces eaux s’écoulent dans le caño avec suffisamment de
35
force pour en affouiller le lit et élargir la brèche qui traverse la plage» .

3. M. Crawford nous a donc donné hier non pas un mais deux nouveaux éléments de preuve

que le Nicaragua voyait et entendait pour la première fois au cours de l’audience. Nous aurions

vivement souhaité que le premier, l’image satellite, soit examiné par notre expert. M. Crawford a

demandé, «Où est M. Kandolf ?» Il aurait été assez difficile de l’appeler pendant l’audience d’hier

pour qu’il examine cette image. Il n’était malheureusement pas là. Lorsque le Costa Rica a

présenté son rapport à la Cour jeudi dernier, moins de deux jours ouvrables avant le début des

audiences, M. Kandolf se trouvait en Asie. Le Nicaragua a été prévenu très tardivement que sa

présence serait nécessaire pendant l’audience et M. Kandolf n’a pu se libérer, ce qui m’amène au

second élément de preuve.

4. Ce qui se voudrait un «élément de preuve» et n’est même pas une preuve par ouï-dire mais

se ramène à une simple affirmation du conseil, aurait dû nous venir directement de M. Thorne, de

préférence ici dans la grande salle de justice sinon, au moins, sous la forme d’un rapport écrit. Le

Nicaragua aurait alors eu la possibilité de vérifier la validité des opinions de M. Thorne et de se

faire préciser les conditions dans lesquelles ce qu’il annonçait se produirait. Mais alors que le

Costa Rica avait précédemment indiqué que M. Thorne serait «disponible», nous n’avons pas vu le

moindre signe de sa présence hier. C’est bien le Nicaragua qui devrait demander, «Où est

M. Thorne ?».

5. Mais puisque M. Crawford a pratiquement invité le Nicaragua à présenter lui aussi des

témoignages d’experts en l’occurrence celui de M. Kondolf au cours du second tour des

plaidoiries, c’est ce que nous avons fait. Vous trouverez le bref rapport de M. Kandolf sous

l’onglet 23 de votre exemplaire du dossier des plaidoiries.36

6. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je voudrais maintenant

m’arrêter sur la question du risque de préjudice irréparable. Permettez-moi d’abord de citer

brièvement le rapport de M. Kondolf, qui indique à la page 2

35
CR 2013/26, p. 15, par. 22 (Crawford).
36 «Potential ecosystem impacts of changes at the mouth of the Rio San Juan», G. Mathias Kondolf, Ph .D,
16 octobre 2013. - 19 -

«le défrichement de la végétation associé au nettoyage des caños ne représente pas
grand-chose par rapport à la variabilité et aux modifications naturelles qui se
produisent dans le delta. L’inquiétude suscitée par «le préjudice irréparable que

causeraient les caños 37 captant les eaux du San Juan et par là en raccourcissant le
fleuve est exagérée.»

23 7. Monsieur le président, j’en viens à présent aux nouveaux éléments de preuve présentés par

le Costa Rica hier, et je voudrais dire deux choses. [Diapositive : onglet n 24.] Premièrement,

M. Crawford a dit que l’image du 5 octobre qui est maintenant à l’écran et figure sous
o
l’onglet n 24 de votre exemplaire du dossier des plaidoiries montrait «l’existence d’un nouvel

accès au caño» . En fait, ce qu’on y voit ne semble pas nouveau et figure déjà sur l’image du

14 septembre. S’il existe un nouvel accès ou d’ailleurs un accès quel qu’il soit il est

minuscule et ne suffirait certainement pas à détourner toutes les eaux du fleuve de leur lit actuel.

Nul besoin d’être expert pour le constater. «L’accès» en aval, dans la mesure où il y en a un, est

situé à un angle tel par rapport à l’eau que, c’est une question de bon sens, il ne permettrait pas

d’amener les eaux du fleuve dans le caño. Quoi qu’il en soit, le caño oriental est pratiquement

perpendiculaire au fleuve, ce qui ne faciliterait pas l’entrée de ce dernier.

8. Deuxièmement, nul besoin d’être non plus un expert pour comprendre que, quels que

soient les travaux menés à la limite extérieure de ce caño, l’eau qu’il contient ne se déversera dans

la mer que si elle coule d’abord du fleuve dans le caño. Comme je vais le montrer, dans les

conditions actuelles, et en tenant compte de la petite île qui est visible et bloque l’entrée du caño et

d’une ouverture très étroite que l’on voit clairement sur l’image du 5 octobre présentée par le

Costa Rica lui-même, il est extrêmement peu probable que l’eau du fleuve, à supposer qu’elle le

puisse, se déverse dans le caño en quantité suffisante pour déclencher le processus d’affouillement

qui permettrait au fleuve d’élargir le caño et de creuser son chemin vers la mer. Le Costa Rica l’a

pratiquement admis lorsque nous avons appris que si l’île barrière située à l’extrémité en amont du

caño disparaissait, il y aurait une chance pour que l’eau du fleuve pénètre dans le caño. Mais,

Monsieur le président, cela ne se produira pas puisque les travaux ont cessé. Le contraste évident

entre la couleur des eaux du fleuve et de celles du caño montre bien que le fleuve ne déverse guère,

voire pas du tout, d’eau dans le caño oriental. Et, assurément, le San Juan ne s’est pas détourné

37«Potential ecosystem impacts of changes at the mouth of the Rio San Juan», G. Mathias Kondolf, Ph .D,
16 octobre 2013. p. 2.

38CR 2013/26, p. 14, par, 21 (Crawford). - 20 -

dans le caño initial, où les conditions sont sans doute plus favorables à un tel changement, comme

je vous le dirai prochainement.

9. Enfin, je rappellerai que, comme nous l’avons dit mardi, le Costa Rica a fondé l’intégralité

de son argument technique concernant la modification du cours du fleuve et son déversement dans

24 le caño oriental sur une condition : les travaux entrepris sur le chenal devraient être terminés et

celui-ci serait relié à la mer. Le Costa Rica n’a pas présenté d’élément de preuve invalidant ce

postulat. Le chenal n’est toujours pas ouvert sur la mer. M. Thorne insiste sur ce point

fondamental dans son rapport. Voici ce qu’il indique au paragraphe 4.7 :

«Pour qu’un débit important emprunte l’un ou l’autre des caños de 2013, ces
chenaux doivent être ouverts sur la mer des Caraïbes en aval. En ce qui concerne le
caño oriental, la tranchée qui traverse déjà une partie de la plage pourrait être terminée
sans grande difficulté.» [Les italiques sont de moi.]

Ce n’est «qu’une fois cette tranchée achevée» que le danger qu’il identifie devient possible.

10. Monsieur le président, rien de ce que le Costa Rica a dit hier ne peut changer ni ne

change ce postulat. Pourtant, le chenal n’est pas ouvert sur l’océan, c’est incontestable. Non

seulement l’extrémité en aval du caño n’est pas ouverte sur la mer des Caraïbes, comme on le voit

clairement sur l’image que le Costa Rica nous a tardivement présentée hier, mais l’extrémité en

amont de la brèche qui traverse la plage semble aussi s’être remplie de sable à l’endroit où elle

rencontre le caño. La condition sur laquelle reposent les arguments techniques du Costa Rica n’est

pas remplie. Le risque n’est donc pas réel. Et puisque les travaux ont cessé, il n’y a aucune chance

pour qu’il le devienne. [Diapositive : fin de l’onglet n 24.]

11. Monsieur le président, je voudrais également faire une observation plus générale. Pour

résumer, le Costa Rica déclare que le caño oriental risque de capter les eaux du San Juan, ce qui

léserait ses droits d’une manière irréparable. En examinant cette affirmation, il serait bon de se

souvenir que le Costa Rica a présenté le même argument au sujet du caño initial, celui dont il était

question dans l’affaire relative à Certaines activités. Au cours des premières audiences consacrées

à la demande en indication de mesures conservatoires dans cette affaire, le Costa Rica a présenté

cet argument et montré des photos censées illustrer les catastrophes qui s’ensuivraient si les travaux

du caño ne cessaient pas et si les terres n’étaient pas remises en état : en raison de son - 21 -

emplacement, le caño attirerait les eaux du San Juan qui emporteraient la langue sablonneuse

39
séparant la lagune de Harbor Head de la mer, le tout modifiant le cours du fleuve .

12. Mais les travaux ont cessé sur le caño : Que s’est-il alors passé ? Le cours du fleuve a-t-

il changé ? Non [onglet n 25 à l’écran]. En fait, dans son mémoire sur le fond, dont est extraite

o
l’image à l’écran (qui figure aussi sous l’onglet n 25 du dossier des plaidoiries), le Costa Rica a

25 reconnu que le caño initial était de nouveau «très ensablé» et que l’écoulement des eaux y était

40
considérablement réduit , exactement comme dans les caños de toute la zone faute des travaux

d’entretien nécessaires pour les nettoyer et les rendre utilisables [fin de l’onglet n 25 ; onglet n 26

à l’écran.] Ce que vous voyez maintenant à l’écran (et sous l’onglet n 26) est une comparaison du

caño initial en novembre 2010 et en septembre 2013 (à droite) qui a été faite par M. Kondolf et qui

montre la repousse rapide de la végétation pendant cette période relativement brève. Ce

o
phénomène vaut aussi bien évidemment pour le caño oriental. [Fin de l’onglet n 26.]

13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, rien ne permet de penser que

la situation dans le «caño oriental» diffère en quoi que ce soit de celle constatée dans le caño

initial. Les travaux y ont cessé. Les conditions climatologiques et hydrographiques y sont

pratiquement les mêmes. L’ouverture créée par le fleuve dans le caño oriental semble plus petite

que ce n’était le cas dans le caño initial et, comme je l’ai déjà dit, les extrémités en aval et en

amont de la brèche qui traverse la plage sont bloquées. Il n’y a donc, je le répète, aucune raison de

croire que s’ensuivront des effets approchant les conséquences catastrophiques dont le conseil du

Costa Rica s’alarme tant.

14. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, cela conclut mon bref exposé.

Je vous remercie de votre attention. Monsieur le président, permettez-moi de vous demander

d’appeler à la barre mon ami et collègue, M. Alain Pellet. Je vous remercie.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur McCaffrey. I now give the floor to

Professor Alain Pellet. You have the floor, Sir.

39CR 2011/1, par. 41, p. 67, peut être consulté sur le site : http://www.icj-cij.org/docket/files/150/16282.pdf.
40
MCR, figure 1.34, légende, p. 1-51. - 22 -

Mr. PELLET: Thank you, Mr. President.

T HE FUNCTION OF PROVISIONAL MEASURES

1. Mr. President, Members of the Court, the purpose of my presentation this morning is to

examine Costa Rica’s request in the light of the role which provisional measures play or ought

to play in the case before us. Even if I am “an academic at heart”, I will do my best not to try

and give the Court a lecture, of which it naturally has no need. So I do not intend to hold forth in

the abstract on the function or functions of provisional measures, but to show that in the present
26

case the Applicant State is seeking to obtain a great deal more than the Court could give it at this

stage of the proceedings.

2. Abandoning the French approach, I shall do this in four points, according to the scheme of

which James Crawford is so fond:

(1) a request for the indication of provisional measures cannot be an opportunity for the requesting

State to secure some form of advantage in relation to the merits of the case;

(2) it cannot in particular prejudge the boundaries of a disputed territory, or the issue of which of

the two Parties it belongs to;

(3) nor would it be open to a State, by means of such a request, or its modification, or the

formulation of new claims, to modify the scope of its original Application;

(4) nor, clearly, can the Court prejudge, in an Order for the indication of provisional measures, the

responsibility of the Respondent State.

However, all of the above would be the result of the provisional measures that Costa Rica is asking

you to indicate.

1. A request for the indication of provisional measures cannot be an opportunity
for the requesting State to secure some form of advantage

in relation to the merits of the case
3. First, Mr. President, if you please, the question of principle: a request for the indication of

provisional measures cannot be an opportunity for the State making it to secure some form of

advantage in relation to the merits of the case. - 23 -

4. The Court’s jurisprudence in this regard is well established:

“[N]o action taken pendente lite by a State engaged in a dispute before the
Court with another State ‘can have any effect whatever as regards the legal situation
which the Court is called upon to define’ . . . and such action cannot improve its legal
41
position vis-à-vis that other State.”

27 And, more generally, any decision rendered on a request for the indication of provisional measures

“must not prejudge any question relating to the merits of the case brought before the [Court], and

42
must leave intact the rights of the Parties in that respect” .

5. It is perhaps a trifle simplistic to say that disputes submitted to the Court are of two kinds;

however, from the perspective of a visitor from Mars, it could be said that the cases brought before

you are either territorial or boundary disputes whether land or maritime or else disputes

relating to the responsibility of States, and your decision in the LaGrand case, which, rightly or

wrongly, recognized the binding or at any rate possibly binding character of orders for the

indication of provisional measures, has had the result that the two are often intertwined as is the

case here, since what might be called the “counter-counter-measures” requested by Costa Rica

constitute a mishmash of territorial requests and requests concerning State responsibility, linked (in

appearance at least) not to the original Application, but to the non-compliance with the provisional

measures indicated by the Court on 8 March 2011.

2. A request for the indication of provisional measures cannot prejudge the boundaries
of a disputed territory or the issue of which of the two Parties it belongs to

6. I now come to my second point, Mr. President. In its request for the indication of

provisional measures, as well as in its oral argument last Monday, Costa Rica referred to the

disputed territory as “Costa Rican territory”; we find the expression four times in the request , and 43

41
Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional Measures, Order of 29 July 1991,
I.C.J. Reports 1991, p. 19, para. 32, citing Legal Status of the South-Eastern Territory of Greenland, Orders of
2 and 3 August 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 48, p. 287.
42
Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 11, para. 30; see also para. 29. See also: Factory at Chorzów, Order of 21 November 1927,
P.C.I.J., Series A, No. 12, p. 10; Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Provisional Measures, Order of 10 May 1984, I.C.J. Reports 1984, p. 182, para. 31; Passage through
the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 19, para. 32;
or Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Orders of 8 April and 13 September 1993,
I.C.J. Reports 1993, respectively p. 22, para. 44, and p. 347, para. or Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I),
p. 23, para. 43.
43
Costa Rica’s Request for the indication of new provisional measures, 23 September 2013, paras. 2, 6, 14 and 23. - 24 -

no less than 15 times in oral argument . Its representatives refrained from repeating this language

in their presentations yesterday and with good reason: as I pointed out on Tuesday, that was
45
28 putting the cart before the horse, and assuming what it was for them to prove . As long as the

Court has made no decision on the merits, what our Costa Rican friends call “Isla Portillos”

remains disputed territory. Each of the Parties considers that it belongs to it; both are obliged to

take no action there incompatible with the Order of 2011.

7. At least three consequences follow from this:

first, there cannot be any question of “preventing further breaches of Costa Rica’s territorial

integrity” ; it is simply a matter of deciding to which of the two Parties the disputed territory

belongs. Moreover, I note that the Court has always been reluctant to mix territorial disputes

with disputes on State responsibility , yet that is what Costa Rica is asking it to do already

at the provisional measures stage;

secondly, if the works carried out under the direction of Mr. Pastora are unlawful, it is not

because these took place “in Costa Rican territory”, but because and to the extent that

they were conducted in “disputed territory”, in contravention of the provisions of the Order

of 2011;

finally, Costa Rica’s third request, whatever decision you come to on it, Members of the Court,

must be interpreted as strictly confined to the disputed territory; the “surrounding areas” of the

caños are and are exclusively — those falling within the disputed territory; if “works of

remediation” should be found to be necessary, they must be confined to that territory, to the

exclusion of any action in territory belonging to Nicaragua.

8. And I would remind you in this regard, Mr. President, that the San Juan River is part of

Nicaraguan territory. It is that country, and it alone, which has “exclusively the dominion and

sovereign jurisdiction over the waters of the San Juan River from its origins in the Lake to its

44CR 2013/24, p. 14, paras. 1 and 2, p. 15, paras. 4 and 6, p. 16, para. 9 (Agent); p. 17, para. 2, p. 18, para. 3,

p. 20, para. 10, p. 22, para. 18, p. 24, para. 23 (Ugalde); p. 37, para. 4 (Crawford); p. 51, para. 13, p. 54, para. 22, p. 55,
para. 24, and p. 61, para. 39 (Kohen).
45CR 2013/25, p. 12, para. 46 (Pellet).
46
Request for the indication of new provisional measures, 23 September 2013, p. 14, para. 27.
47
See Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea
intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2002, pp. 451-452, paras. 313-315; or Territorial and Maritime Dispute
(Nicaragua v. Colombia), Judgment of 19 November 2012, para. 250. - 25 -

29 mouth in the Atlantic” , subject solely to the obligation to respect Costa Rica’s right “of free

navigation . . . for the purposes of commerce”, an obligation which you interpreted in your

Judgment of 13 July 2009 in the “San Juan” case . Nicaragua has no intention of giving up the

rights which are indeed exclusive deriving from its sovereignty over the river.

9. Costa Rica professes indignation at this and seeks to have you share that indignation by

claiming that “the only way” to reach the area of the two caños is to “use the River San Juan to

reach the area of the two new canals”. According to Professor Kohen,

“[t]his is . . . virtually the only way of reaching the area, given the nature of the

terrain, which makes it difficult, if not impossible, to get there by land or even by
helicopter. This is . . . a matter . . . simply of permitting access to the area by water,
for the purpose of carrying out these works, without prejudging the positions of the

Parties pendente lite. And I ask myself, moreover, what problem would be 50sed for
Nicaragua by the presence of these boats on the San Juan River?”

That is simple enough to say, and the reply is a simple one too:

in law, such a request has no justification whatever: the Court cannot, by indicating

provisional measures, impugn the indisputable territorial sovereignty of Nicaragua over the

San Juan (indisputable, but apparently still disputed, since Costa Rica constantly returns to this

point). The Court has said it time and time again: in territorial or border disputes, it cannot

and must not prejudge at the provisional measures stage “the existence or value of the

sovereign rights claimed by [one or other of the Parties] over the territory in question” , or the1

52
existence or course of any frontier line ;

30 and it is equally easy to reply to Mr. Kohen in terms of the facts, for it is simply not true to say

53
that “this is virtually . . . the only way” to reach the area in question .

4Article VI of the Treaty of Limits (Jerez-Cañas) of 15 April 1858 between Nicaragua and Costa Rica (MCR,
Vol. II, Ann. 1, p. 11). Original Spanish text: “el dominio y sumo imperio sobre las aguas del río de San Juan desde su
salida del Lago, hasta su desembocadura en al Atlántico”.

4Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), operative paragraph 156,
point (1) (a).

5CR 2013/26, pp. 28-29, para. 15 (Kohen). See also CR 2013/24, pp. 58-59, para. 32 (Kohen).
51
Legal Status of the South-Eastern Territory of Greenland, Order of 3 August 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 48,
p. 285; see also Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 19, para. 17; or Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v.
Nigeria), Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 22, para. 40.
52
Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 11, paras. 28-30.
5CR 2013/26, pp. 28-29, para. 15 (Kohen). - 26 -

10. In reality:

one need only glance at a map to see that, if the location in question (that of the caños) was

difficult to reach by land, quod non, it could in any case be reached and very easily by

sea, which it is true would mean crossing the San Juan River, which lies under the exclusive

dominion and sovereign jurisdiction of Nicaragua;

that would be a lesser evil, but it is not even necessary, for the land route is perfectly

accessible: in the first place, Costa Rica has, in the immediate neighbourhood of the disputed

caños, erected observation towers, the construction of which doubtless required the transport of

a great deal more materials than might be necessary for “remediation works” on those caños;

moreover, the statement that Costa Ricans could only reach the location of the caños by river is

a laughable one, given that they have produced photographs of the caños in question which

have clearly been taken from the land; or has Costa Rica once again violated the prohibition on

navigation on the San Juan River other than for commercial purposes?

more seriously, I would remind you that it is, supposedly, in order to be able to reach the

disputed territory more easily that Costa Rica claims to have built Route 1856; and since it has

built that road — whether it be unlawfully and in breach of the Court’s Order instructing the

Parties not to aggravate the dispute — let it then use it, rather than seeking, once again, to

persuade you to impugn the territorial sovereignty of Nicaragua!

3. A State cannot, by means of a request for the indication of provisional measures,
or its modification, or the formulation of new claims,
modify the scope of its original Application

[Slide: Sketch-map No. 5, Punta Castilla and San Juan del Norte Bay Sector (MCR, pp. 8-9)]

31 11. As I said, “territorial”. “Territorially’, the request of 23 September last suffers from a

further defect, of which, I have to say, we had not been aware before this week’s hearings. In

effect, Costa Rica is seeking to use the pretext of this request in order to enlarge the territorial

scope of its Application. And that is my third point.

12. In Costa Rica’s Application, the latter’s territorial scope is defined somewhat vaguely . 54

However, it is clearly illustrated on the map currently on your screens, which appears between

54See Costa Rica’s Application instituting proceedings of 18 November 2010, paras. 17-18. - 27 -

pages 8 and 9 of Costa Rica’s Memorial. It is also shown in your folders. The limit of

Costa Rica’s territorial claims is marked there by a blue line following the right bank of the San

Juan, and described in the legend as the “international limit”. And this corresponds in all respects

to the definition of the territorial dispute as described in the Order of 8 March 2011, after the Court

had compared the Parties’ opposing claims. It defined the disputed territory in the following terms:

“the northern part of Isla Portillos, that is to say, the area of wetland of some three
square kilometres between the right bank of the disputed caño, the right bank of the
55
San Juan river up to its mouth at the Caribbean sea and the Harbor Head lagoon” .

13. In requesting the withdrawal of the small Nicaraguan detachment stationed on the left

bank, Costa Rica is modifying the very definition of the “disputed territory” on which the Court

and Nicaragua were legitimately entitled to rely. As Mr. Reichler showed just now, this constitutes

a new claim, which cannot be made at this stage: it is the Application which defines the limits of

56
the case ; it was on the Application that the Court based itself when it indicated the

2011 provisional measures; and it was likewise on that basis that Nicaragua prepared its defence,

and that its highest authorities determined their conduct so as to comply with the Order of the Court

and to ensure that it was complied with. Costa Rica cannot today go back on what it wrote in order

to enlarge the scope of its Application by surreptitiously redefining its territorial scope.

32 14. It is true that the original claims are not set in stone, and it is open to the Applicant State

to adjust them. But, as you have recalled time and time again, “it is the Application which sets out

the subject of the dispute, and the Case, though it may elucidate the terms of the Application, must

57
not go beyond the limits of the claim as set out therein” ; it accordingly follows that “[a]n

additional claim must have been implicit in the application . . . or must arise ‘directly out of the

55Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 19, para. 55; emphasis added.

56Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1992, pp. 266-267, para. 69. See also Prince von Pless Administration, Order of 4 February 1933, P.C.I.J., Series A/B,
No. 52, p. 173, or Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America), Judgment, pp. 213-214,
para. 117.
57
Prince von Pless Administration, Order of 4 February 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 52, p. 14; or Société
Commerciale de Belgique, Judgment, 1939, P.C.I.J., Series A/B, No. 78, p. 173; or Ahmadou Sadio Diallo (Republic of
Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Judgment, I.C.J. Reports 2010, p. 656, para. 39. - 28 -

58
question which is the subject-matter of that Application’” . Admittedly, in all of the precedents

that I have found with the invaluable help of my assistant, Benjamin Samson we have not

been dealing with provisional measures, but with preliminary objections or judgments on the

merits; but that changes nothing: the rights to be protected by the indication of provisional

measures under Article 41 of the Statute are clearly those set forth in the Application.

15. It might appear that the subject-matter of Costa Rica’s Application has not changed in

nature as a result of the modification of its territorial scope. Unfortunately, Mr. President,

appearances are deceptive: as is clear from the Court’s definition of the “disputed territory”, which

I read just now, it is bounded by “the right bank of the San Juan river up to its mouth at the

Caribbean Sea”. In extending its claim to part of the left bank, Costa Rica has profoundly modified

the scope of its claims. The Court cannot accept this, and it is self-evident, a fortiori, Members of

the Court, that it is not open to you to admit in advance, by the back door as it were, through an

Order for the indication of provisional measures, claims which do not even form part of the

subject-matter of the Application, nor, in consequence, of the subject-matter of the dispute!

[End of slide]

The PRESIDENT: Professor, I should just like to remind you of the time. I believe
33

Nicaragua has some 18 minutes left in order to complete its oral argument by 11.40 a.m.

Mr. PELLET: I will try not to overrun the deadline by too much, Mr. President. May I

remind you that the Court started a little late this morning.

The PRESIDENT: I allowed for 10 minutes, which is why I say by 11.40 a.m. Eleven forty.

58Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1992, p. 266, para. 67, citing Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962,
p. 36, and Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1974,
p. 203, para. 72. See also Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 695-696, para. 110; Ahmadou Sadio Diallo (Republic
of Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Judgment, I.C.J. Reports 2010, p. 657, para. 41. - 29 -

Mr. PELLET:

4. The Court cannot, in an Order for the indication for provisional measures,
prejudge the responsibility of the Respondent State

16. Mr. President, as I have said, the Court clearly cannot, in an Order for the indication of

provisional measures, prejudge the responsibility of the Respondent State as Costa Rica,

however, quite openly and obstinately requests it to do, to the point that one has gained the

impression, listening to its oral argument, that the request of 23 September was regarded by the

Applicant State as an opportunity to bring proceedings against Nicaragua on account of State

responsibility not to mention criminal proceedings.

17. Nicaragua is thus alleged to be the author of internationally wrongful acts engaging its

responsibility.

18. More cautious on this point than my colleagues, I had said that Nicaragua was “perhaps”

responsible for the actions of Mr. Pastora . I repeat that, Mr. President! It is true that:

even if he is not a minister, but only treated as a senior government official, Mr. Pastora does

exercise official duties;

the work on the canals (in respect of which it seems to me that it still remains to be proved who

dug them, or has been having them dug where there was no pre-existing canal) is, without any

doubt, incompatible with the terms of your Order of 2011; and

those terms, in light of the LaGrand decision, are legally binding on the Parties.

34 Therefore, concludes Costa Rica: Nicaragua is responsible for the breach or breaches.

19. Why then did I qualify my statement by adding “perhaps”? For three reasons:

the first is that there has to be no circumstance excluding wrongfulness;

the second is that it does not suffice to assert that Mr. Pastora’s acts are attributable to

Nicaragua; it still has to be determined on what basis they would engage the latter’s

responsibility; and

the third is that this discussion is premature: these are questions going to the merits, which it is

not for the Court to decide at this stage.

59CR 2013/25, p. 51, para. 22 (Pellet). - 30 -

20. Taking up these two latter points: the first whether there are any circumstances

excluding or mitigating responsibility requires no comment at this stage, except perhaps to say

that it was not without good reason that, by your Order of 17 April 2013, you decided to join the

case on Certain Activities with that concerning the Construction of a Road. I will not go into the

legal issues, since, as I have said, this is not the time to debate these issues of responsibility going

to the merits; however, I will at least allow myself to note that Costa Rica, so prompt to denounce

the mote in Nicaragua’s eye, remains obstinately silent on the beam in its own eye: the

construction of Route 1856.

21. Second question, that of the basis of any responsibility on the part of Nicaragua. That

Mr. Pastora is a government official, appointed by Decree by the President of the Republic as

responsible for dredging works on the San Juan River, we do not deny. But that does not mean that

he has acted within the scope or limits of his duties:

first, as stated in the Decree of 10 January 2012, Mr. Pastora is the “Delegate of the Presidency

of the Republic to the Commission for the Development of the San Juan River” 60 but, in

itself, that does not imply that all of his actions engage the responsibility of Nicaragua;

secondly, it does not follow from Mr. Pastora’s title that his duties include digging canals as he

pleases or carrying out works thereon, throughout the length of the river;

61
35 thirdly, whatever Costa Rica may have to say about them , the instructions from the

Presidency (to which Mr. Pastora reports) were clear; they were transmitted by order of the

Chief of Staff of the Armed Forces, and passed on by the head of the southern military

detachment, as well as being cited by my colleague Paul Reichler (that document, dated

9 March 2011, having been the subject of questions from Judge Greenwood);

furthermore, the immediate reactions of the President of the Republic, as soon as he had been

62
notified of the problem, leave us in absolutely no doubt: an immediate enquiry , a prohibition

on further works, a clear order to Mr. Pastora to withdraw from the disputed territory (and not

60
Costa Rica’s judges’ folder, 14 October 2013, tab 24 (Crawford).
6See, for example, CR 2013/24, pp. 42-43, paras. 25-26, and p. 44, para. 30 (Crawford); and CR 2013/26, p. 12,
paras. 12-13 (Crawford).

6CR 2013/25, pp. 50-51, para. 21 (Pellet). - 31 -

to return), as soon as those extremely rapid enquiries had been completed, cannot leave

us in the slightest doubt that the latter had acted ultra vires.

22. That said, I repeat, and it is my final point: this discussion of responsibility is premature

and effectively has nothing to do with the request for the indication of provisional measures which

brings us here today:

“[T]he Court, in the context of the present proceedings on a request for
provisional measures, has in accordance with Article 41 of the Statute to consider the

circumstances drawn to its attention as requiring the indication of provisional
measures, but cannot make definite findings of fact or of imputability, and the right of
each Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribution to it of
responsibility for those facts, and to submit arguments in respect of the merits, must
remain unaffected by the Court’s decision.” 63

23. The issue here is not the attribution to Nicaragua of international responsibility, but the

possible awareness of Mr. Pastora’s acts on the part of the central government, the country’s

official voice at international level. The Nicaraguan authorities were unaware of them. That does

not, perhaps, prevent his actions from engaging Nicaragua’s responsibility, but it does suffice to

dismiss the accusation of bad faith so grave, so disagreeable and so ill-conceived — on which

Costa Rica’s entire thesis is based.

36 24. Rather than rushing to the Court with a request for provisional measures, which has

occasioned the weighty and costly proceedings which have brought us here today, I have the

feeling that Costa Rica would have done better to “use its best endeavours to find common

solutions with Nicaragua” as the third measure indicated by you in your Order of 8 March 2011

requires it to do. This is particularly inexcusable inasmuch as and I say this with respect, but

with regret that measure clearly, however, tips the balance in Costa Rica’s favour; it is perhaps

that imbalance which is the reason for this brazen attempt to secure still more.

25. Thank you, Mr. President.

63Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993,
p. 22, para. 44. See also Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of 13 September 1993,
I.C.J. Reports 1993, p. 347, para. 48; Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v.
Nigeria), Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 23, para. 43. - 32 -

Le PRESIDENT : Thank you, Professor. J’appelle maintenant l’agent à la barre, à moins

que M. Reichler n’apporte les précisions demandées ? Comme je l’ai déjà dit, M. Reichler ou

l’agent peuvent répondre aux questions des juges. Vous avez la parole, Monsieur l’ambassadeur.

M. ARGÜELLO :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je commencerai mon dernier

exposé en répondant aux questions posées au Nicaragua par deux — et maintenant trois —

membres de la Cour.

2. En réponse à la question de la juge Donoghue, le Nicaragua informe la Cour que, selon les

64 o
informations officielles reçues hier et versées au dossier de plaidoiries sous l’onglet n 28, le

matériel qui était visible sur les photographies figurant aux annexes 13 et 14 de la demande du

Costa Rica se trouve actuellement au campement baptisé «Soberanía», dans la localité de San Juan
65 o
de Nicaragua . Les coordonnées UTM sont précisées sur la carte produite sous l’onglet n 29 de

votre dossier (E 202069, N 211110).

3. En ce qui concerne la question du juge Gaja, le Nicaragua croit comprendre que «la plage

située au nord des deux nouveaux caños» à laquelle cette question fait référence correspond au

banc de sable, ou à l’île, qui a toujours été considéré comme faisant partie de son territoire

incontesté, ainsi qu’exposé plus tôt ce matin par M. Reichler.

4. Ce nonobstant, je répondrai à la question du juge Gaja par l’affirmative : le Nicaragua

s’estime effectivement tenu de ne pas entreprendre d’activités tendant à relier l’un ou l’autre de ces

caños à la mer, et d’empêcher toutes personnes ou tous groupes de personnes d’entreprendre de

telles activités.

37 5. Il s’en estime tenu car il entend se conformer à l’ordonnance du 8 mars 2011, dans

laquelle la Cour a indiqué que «[c]haque Partie s’abstiendra[it] de tout acte qui risquerait

d’aggraver ou d’étendre le différend dont [elle était] saisie ou d’en rendre la solution plus

difficile» .

64Voir la lettre PE-VSM-630-10-2013 en date du 15 octobre 2013 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le directeur de l’autorité portuaire nationale.

65Drague «Soberanía 2».
66
Ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27, par. 86, point 3 du dispositif. - 33 -

6. Les directives du président nicaraguayen visaient non seulement le retrait du territoire

litigieux, mais aussi l’interdiction, dans le delta — c’est-à-dire dans l’ensemble de la zone

environnante —, de tous travaux susceptibles d’affecter le territoire en question. Les activités

visées par la question du juge Gaja étant susceptibles d’affecter le territoire litigieux, elles tombent

sous le coup de cette interdiction. Comme il a été indiqué à la Cour, les directives du président
67
nicaraguayen ont été signifiées à M. Pastora par l’autorité portuaire .

7. Pour répondre brièvement aux questions du juge Greenwood : premièrement, l’ordre de

mars 2011 émane de l’armée et enjoint littéralement à tout le personnel militaire de rester en dehors

de la zone en litige. Dans la pratique, l’armée, qui est la principale autorité dans cette zone reculée,

a intimé cet ordre à tous les représentants et employés du Gouvernement nicaraguayen,

conformément à la politique qui venait d’être proclamée par celui-ci. M. Reichler a déclaré que ces

directives s’appliquaient à M. Pastora — ce qui est exact. Deuxièmement, l’armée a donné cet

ordre en mars 2011, ainsi que M. Reichler l’a indiqué. Le décret présidentiel auquel il fait

référence a été pris en 2009 : vous constaterez que ce décret porte le numéro 79/2009 — le dernier

numéro correspondant à l’année de son adoption.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les conseils costa-riciens n’ont

pas laissé de s’interroger sur l’objectif de la tranchée creusée dans le banc de sable ou l’île qui se

trouve au nord de la zone en litige . Pour répondre à cette question, il suffit de se poser la question

classique du bénéfice retiré : cui bono ?

8. M. Reichler a exposé que si, à terme, ce caño était censé constituer un canal de dérivation

des eaux du fleuve San Juan jusqu’à la mer, le Nicaragua aurait essuyé une très lourde perte dans la

pratique, vu la configuration du secteur : sa seule localité de plusieurs milliers d’habitants dans

cette partie des Caraïbes se serait trouvée quasiment coupée du reste de son territoire. Le bénéfice

présumé aurait été la création d’un nouveau débouché sur la mer qui ne mène nulle part, en faveur

38 d’une petite zone marécageuse d’environ 35 hectares dépourvue de toute population ou installation

permanente, et au détriment de la seule ville nicaraguayenne à près de cent kilomètres à la ronde.

67
Ordonnance du 8 mars 2011.
68CR 2013/26, par. 29 (Kohen). - 34 -

9. Un autre point semble avoir été manifestement négligé : si les eaux du fleuve étaient

déviées artificiellement dans un nouveau chenal, le Nicaragua ne pourrait même pas revendiquer en

droit l’adjonction à son territoire de cette parcelle insignifiante de 35 hectares, car les demandes

qu’il a formulées en l’espèce sont fondées sur des chenaux naturels existant de longue date, et non

sur des chenaux artificiels.

10. Je repose donc la question : cui bono ?

11. J’ai une dernière observation à formuler au sujet de la tranchée creusée manuellement

dans le banc de sable ou l’île qui se trouve au nord des deux nouveaux caños. En dépit du fait que,

si elle était achevée, cette tranchée serait plus préjudiciable au Nicaragua qu’au Costa Rica, le

président Ortega a suspendu l’approbation de son comblement pour ne pas donner prise à de

nouveaux malentendus tant que la présente affaire demeurerait pendante devant la Cour. Je suis

cependant autorisé à vous dire que, en l’absence d’objection, le président ordonnera le comblement

de cette tranchée, ce qui pourrait être fait en quelques jours et ne nécessiterait pas de matériel plus

sophistiqué qu’une pelle, outil si pratique que l’on trouve partout.

12. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, nos contradicteurs ont appelé

votre attention sur la rapidité avec laquelle le président Ortega avait répondu à la protestation émise

par le Costa Rica le 16 septembre et ont ajouté que, selon leur expérience, une réaction aussi rapide

et personnelle de la part d’un chef d’Etat nicaraguayen à une protestation costa-ricienne était

inhabituelle, d’autant que le président Ortega ne bénéficiait d’aucune assistance — son équipe de

juristes étant alors, comme M. Reichler vous l’a indiqué, accaparée par d’autres engagements . 69

13. Eh bien, il n’est guère étonnant que le président Ortega réagisse avec célérité lorsque

l’attachement du Nicaragua à toujours se conformer aux décisions de la Cour risque d’être mis en

doute. Le président Ortega n’avait évidemment pas besoin de l’assistance de son équipe de juristes

internationaux pour demander un rapport sur les griefs formulés et émettre des directives afin de

mettre un terme à toute activité susceptible d’affecter le territoire litigieux. Il s’agissait d’une

enquête au sein de la structure gouvernementale et il aurait été très singulier de la mener

publiquement et d’informer le Costa Rica de son déroulement.

69CR 2013/26, par. 3 (Crawford). - 35 -

14. La nécessité de consulter l’équipe de juristes internationaux s’est fait jour après le

24 septembre, date du dépôt par le Costa Rica de la demande qui nous réunit aujourd’hui. Le

39 Costa Rica ayant traité de manière très politique la question soumise à la Cour, le Nicaragua a dû

consulter non seulement son équipe de juristes mais aussi, à plusieurs reprises, ses autorités

politiques.

15. En outre, les juristes du Nicaragua ont considéré que les démarches accomplies par celui-

ci suffiraient à convaincre le Costa Rica et la Cour du fait que les mesures demandées étaient

devenues sans objet.

16. Malheureusement, le Gouvernement costa-ricien a décrété que ces démarches ne

suffisaient pas à empêcher une aggravation de la situation, et a préféré maintenir ces audiences

coûteuses.

17. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, dans des circonstances

normales, je me serais abstenu de formuler certains commentaires et rappels déplaisants, mais il me

faut préciser une chose qui explique peut-être le ton adopté par le Costa Rica et ses conseils au

cours de ces audiences. Des sondages internationaux sont réalisés à intervalles réguliers afin

d’apprécier la popularité des gouvernements latino-américains au plan national. Le résultat de ces

sondages est publié dans les journaux de la région. Ces dernières années, le Nicaragua s’est classé

parmi les 25 % représentant les gouvernements les plus appréciés et, à l’heure actuelle, il arrive en

quatrième position sur 19 gouvernements évalués. Le Gouvernement du Costa Rica, lui, s’est

systématiquement classé parmi les 10 pour cent les moins populaires ces dernières années et il

70
arrive actuellement bon dernier sur 19 .

18. Tout au long des deux audiences consacrées à leurs exposés, les conseils du Costa Rica

ont adressé d’étonnantes mises en garde à la Cour en lui disant que, si elle refusait d’indiquer les

mesures conservatoires demandées par le Costa Rica, son autorité serait bafouée et s’en trouverait

en quelque sorte amoindrie . La Cour n’a besoin d’aucun soutien pour conserver son autorité.

70 Voir, par exemple, le sondage de l’institut Mitofsky (Mexique) publié ce mois, dans lequel le
président Daniel Ortega est classé à la 4 position sur les 19 gouvernements américains évalués et la présidente Chinchilla
occupe la dernière position, tout en bas du classement : http://consulta.mx/web/images/mundo/2013/
EvMandatariosCM.pdf.
71
CR 2013/26, par. 48 (Crawford). - 36 -

Comme M. Reichler l’a fait observer, il s’agit de la Cour mondiale. Point. C’est le Gouvernement

du Costa Rica qui manque cruellement de soutiens. Si les nouvelles mesures inutiles qu’il

demande sont indiquées, le Gouvernement costa-ricien, mu par des raisons qui lui sont propres,

s’en servira tout simplement pour attiser encore davantage l’animosité contre le Nicaragua.

40 19. A rebours de la position costa-ricienne, le président Ortega a, comme je l’ai rappelé lors

de mon premier exposé, invité à plusieurs reprises le Costa Rica à œuvrer de concert avec le

Nicaragua pour assurer la conservation du fleuve San Juan de Nicaragua tout entier et, notamment,

72
de la zone en litige .

20. Dans cet esprit, le Nicaragua prie la Cour de bien vouloir appeler les Parties à s’engager

dans un dialogue bilatéral en vue de faciliter la collaboration sur tout aspect lié à l’exécution de

l’ordonnance du 8 mars 2011.

Monsieur le président, je vais à présent donner lecture des conclusions du Nicaragua :

C ONCLUSION FINALE

21. Conformément à l’article 60 du Règlement de la Cour et vu la demande en indication de

nouvelles mesures conservatoires introduite par la République du Costa Rica ainsi que les

plaidoiries de celles-ci, la République du Nicaragua prie respectueusement la Cour,

pour les motifs exposés à l’audience et pour tous autres motifs que la Cour pourrait retenir, de

rejeter la demande en indication de nouvelles mesures conservatoires introduite par la

République du Costa Rica.

22. Je tiens à ce stade, pour conclure nos plaidoiries, à vous exprimer, au nom du

Gouvernement de la République du Nicaragua, Monsieur le président, ainsi qu’à chacun des

Membres de la Cour, nos remerciements pour l’attention que vous avez aimablement accordée à

nos exposés. Qu’il me soit également permis de remercier le greffier de la Cour ainsi que son

personnel, y compris les interprètes et les traducteurs. Je vous remercie, Monsieur le président.

72Discours du président Daniel Ortega, 19 juillet 2011, dont le texte espagnol peut être consulté à l’adresse
suivante : http://www.presidencia.gob.ni/index.php?option=com_content&view=article…-
fundacion-del-fsln&catid=87:julio-2011&Itemid=54&showall=1. - 37 -

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur l’ambassadeur. La Cour prend note de la

conclusion finale dont vous venez de donner lecture au nom de votre gouvernement. Ainsi

s’achèvent les plaidoiries du Nicaragua. Si le Costa Rica a des observations à formuler sur les

réponses apportées par le Nicaragua aux questions posées par certains membres de la Cour,

l’audience reprendra dans un moment. L’agent du Costa Rica pourrait peut-être nous faire savoir si

cet Etat souhaite se prévaloir de son droit de réponse ?

41 M. ÁLVAREZ : Bonjour, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour. Le

Costa Rica est prêt à répondre — dans une heure, selon vos instructions.

Le PRESIDENT : Merci infiniment. L’audience reprendra donc à 12 h 30 et les

observations du Costa Rica devront porter exclusivement sur les réponses du Nicaragua. Merci.

L’audience est suspendue.

L’audience est suspendue de 11 h 40 à 12 h 35.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour se réunit brièvement maintenant pour

donner la possibilité au Costa Rica de faire des observations sur les réponses du Nicaragua aux

questions que lui ont posées certains membres de la Cour. J’invite à présent M. Kohen à venir à la

barre. You have the floor, Sir.

M. KOHEN : Je m’exprimerai en anglais aujourd’hui.

Le PRESIDENT : Faites, je vous en prie ; nous sommes une institution bilingue et vous

pouvez donc parfaitement vous exprimer aussi en anglais.

M. KOHEN : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie

d’offrir au Costa Rica la possibilité de faire des observations sur les réponses du Nicaragua aux

questions que lui a posées la Cour. Suivant vos instructions, mes observations porteront

uniquement sur les réponses du Nicaragua aux questions que lui ont posées certains membres de la

Cour et je m’abstiendrai, bien évidemment, de faire référence aux nouveaux éléments de preuve, y

compris scientifiques, que le Nicaragua a présentés aujourd’hui. - 38 -

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’aborderai tout d’abord la

question posée par Mme la juge Donoghue. Le Costa Rica a reconnu que la drague qui apparaît

dans l’annexe 13 ne se trouvait pas dans le caño oriental le 5 octobre 2013. Le Nicaragua déclare à

présent que les dragues «Soberanía 1» et «Soberanía 2» se trouvent à San Juan de Nicaragua et

qu’elles «sont en réparation à proximité du delta». Il dit également que la drague Gaspar Garcia se

dirige vers ce même endroit, et donne les coordonnées exactes des dragues amarrées au camp

«Soberanía», à San Juan de Nicaragua.

Vous pouvez voir à présent sur vos écrans la photographie de l’annexe 14, à laquelle a fait

référence Mme la juge Donoghue dans sa question. Cette photographie montre également le camp

42 militaire nicaraguayen. Le Nicaragua vous a indiqué aujourd’hui que le camp militaire se trouvait

sur la plage et qu’il y resterait. Le percement de ces deux caños n’a pas seulement nécessité

l’utilisation de dragues, mais aussi très probablement de scies électriques pour couper les arbres et

de pelles pour creuser la tranchée. Nous ne savons pas si ce matériel se trouve encore dans le camp

nicaraguayen, soit très près des caños.

J’examinerai à présent la question posée au Nicaragua par M. le juge Gaja. L’agent du

Nicaragua y a répondu par l’affirmative. Il a dit que cela était dû à l’ordonnance de la Cour

de 2011 qui exigeait des Parties qu’elles s’abstiennent de tout acte risquant d’aggraver ou d’étendre

le différend dont la Cour était saisie ou d’en rendre la solution plus difficile. Par conséquent, le

Nicaragua ne se considère apparemment pas tenu de s’abstenir de mener des activités sur la plage,

laquelle fait partie du territoire litigieux et est soumise à l’ordonnance de 2011 qui exige des

Parties, à l’exception des agents du Costa Rica chargés de la protection de l’environnement,

qu’elles s’abstiennent de pénétrer dans le territoire litigieux. Selon la Cour, le territoire litigieux

est :

«la partie septentrionale de Isla Portillos, soit la zone humide d’environ
trois kilomètres carrés comprise entre la rive droite du caño litigieux, la rive droite du

fleuve San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la
lagune de Harbor Head (ci-après «le territoire litigieux»)».

Dans son ordonnance du 8 mars 2011, la Cour n’a fait aucune référence à une quelconque ligne

frontière qui séparerait la forêt de la plage sur Isla Portillos. Dans le document que le Nicaragua
o
vous a présenté aujourd’hui lequel figure sous l’onglet n 20 de votre dossier de plaidoiries et - 39 -

qui contient les ordres donnés aux forces armées en ce qui concerne le territoire litigieux, il n’est

fait aucune distinction entre la plage et la barre de sable imaginaire, d’une part, et les autres parties

d’Isla Portillos, d’autre part. Tels étaient les ordres donnés :

«poursuivre les opérations contre le trafic de drogue et les autres activités criminelles
dans le territoire litigieux, lesquelles opérations doivent être menées conformément
aux instructions de la Cour internationale de Justice. A cet égard, les opérations et les

patrouilles devront être effectuées sur le fleuve San Juan de Nicaragua et dans la
lagune de Harbor Head.» [Traduction du Greffe.]

Il n’est pas dit que les patrouilles doivent partir de la plage. Dans son ordonnance de 2011, la Cour

a exigé du Nicaragua qu’il contrôle le territoire contesté à partir de son territoire incontesté. Selon

le Nicaragua lui-même, ce dernier comprend le fleuve San Juan et la lagune de Harbor Head ; il ne

comprend pas la plage, car celle-ci fait partie du territoire litigieux.

Le second point qui nous préoccupe est que l’agent du Nicaragua n’a pas fait expressément

référence aux obligations incombant à ce dernier à l’égard des individus présents dans le territoire

43 litigieux, qu’il s’agisse de ses ressortissants ou de personnes en provenance de son territoire. Il y a

quatre mois encore, le Nicaragua faisait savoir «qu’il n’avait pas l’obligation d’empêcher ces

personnes d’exercer des activités dans le territoire litigieux».

Le Costa Rica considère ce point comme extrêmement préoccupant, et, par suite, la réponse

du Nicaragua à la question de M. le juge Gaja comme tout à fait insuffisante s’il s’agit d’empêcher

la conduite d’activités susceptibles de relier l’un ou l’autre des caños à la mer. Il convient de

souligner que le Nicaragua a également affirmé aujourd’hui que le campement militaire est situé

sur son «territoire incontesté». Pour étayer son allégation selon laquelle la plage où se situent les

campements relève de son territoire, le Nicaragua place les coordonnées satellite que le Costa Rica

a produites devant la Cour hier sur une carte de 2006 du Costa Rica, qui représente une bande de

sable. Contrairement à ce qu’a mentionné le conseil du Nicaragua aujourd’hui, cette carte n’est pas

tirée du mémoire du Costa Rica dans la présente affaire, mais de celui qu’il a déposé en l’affaire du

Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua).

Or, comme le Costa Rica l’a montré hier et je vous prie de bien vouloir vous reporter aux

os
documents reproduits sous les onglets n 4 et 5 de son dossier de plaidoiries , cette bande de
o
sable n’existe plus, ce que confirme la carte de 2011 du Nicaragua reproduite sous l’onglet n 29 - 40 -

du dossier de plaidoiries du Nicaragua , qui révèle l’absence de bande de sable devant la partie

de Isla Portillos sur laquelle les canaux sont construits.

Le Costa Rica relève par ailleurs que les activités du Nicaragua sont appelées à se poursuivre

dans le territoire litigieux, étant donné que, comme l’a laissé entendre son agent, c’est le Nicaragua

lui-même qui comblera la tranchée. Or, le Costa Rica ne peut l’accepter, il ne peut accepter que le

Nicaragua soit autorisé à poursuivre ses activités sur le territoire litigieux.

Compte tenu du fait qu’il s’agit d’une zone humide internationale protégée dont il a la

responsabilité, le Costa Rica s’estime être le seul habilité à y conduire des travaux de remise en

état.

Le Costa Rica estime donc que les réponses du Nicaragua aux questions de la Cour ne sont

pas satisfaisantes, et que la situation s’en trouve aggravée, justifiant les mesures conservatoires

sollicitées.

J’en viens maintenant brièvement aux questions de M. le juge Greenwood concernant l’ordre

émanant de l’armée, produit sous l’onglet n 20 du dossier de plaidoiries du Nicaragua. Le

Nicaragua nous dit maintenant qu’il a, par cet ordre, interdit à M. Pastora de conduire des activités

dans le territoire litigieux, dès le 9 mars 2011. Dans son contre-mémoire, il indique que ce

44 document interdit les opérations et patrouilles d’agents militaires, ou leur présence à d’autres fins,

dans le territoire litigieux, lequel, soit dit en passant, est décrit comme incluant la plage, telle que la

Cour l’avait définie. Il n’a, à aucun moment, soutenu que cet ordre était adressé à M. Pastora, à

l’autorité portuaire nationale ou aux agents chargés du dragage du fleuve. Cette nouvelle théorie de

l’ordre militaire est avancée par le conseil du Nicaragua pour la première fois aujourd’hui.

Voilà qui conclut les observations du Costa Rica sur les réponses du Nicaragua aux

questions posées par la Cour. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer à ce

sujet. Je vous remercie infiniment, Monsieur le président.

LE PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur Kohen, pour vos observations. Je note que

vous avez su mettre à profit les nouvelles technologies numériques.

Voilà qui clôt cette série d’audiences. Il me reste à remercier les représentants des deux

Parties pour le concours qu’ils ont apporté à la Cour en lui présentant leurs observations orales tout - 41 -

au long de ces quatre audiences. Conformément à la pratique, je prierai les agents de bien vouloir

rester à la disposition de la Cour.

La Cour rendra son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires dès

que possible. Les agents des Parties seront avisés en temps utile de la date à laquelle il en sera

donné lecture en séance publique.

La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.

L’audience est levée à 12 h 45.

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