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CR 2015/24

Mercredi 30 septembre 2015 à 16 heures

Wednesday 30 September 2015 at 4 p.m. - 2 -

10 The PRESIDENT: The sitting is open. The Court meets today to hear Colombia’s second

round of oral argument. I would first announce that Judge Donoghue, for reasons she has

duly made known to me, is unable to be present on the Bench today. I now give the floor to

Sir Michael Wood.

Sir Michael WOOD :

PREMIÈRE EXCEPTION PRÉLIMINAIRE :

L’ARTICLE LVI DU PACTE DE B OGOTÁ

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, pour ce second tour de

plaidoiries de la Colombie, et en réponse aux arguments présentés hier par le Nicaragua, les

interventions se dérouleront comme suit.

2. J’aborderai pour ma part la première exception d’incompétence soulevée par la Colombie

sur le fondement de l’article LVI du pacte de Bogotá.

3. M. Reisman traitera ensuite de l’absence de différend entre les Parties.

4. M. Valencia-Ospina démontrera, à titre subsidiaire, que nous ne sommes pas en présence

d’un différend qui, selon les Parties, n’aurait pas pu être réglé par la voie de négociations directes.

5. M. Treves traitera ensuite du pouvoir inhérent dont disposerait la Cour.

6. Enfin, M. Bundy formulera quelques observations finales.

7. Son intervention sera suivie de celle de l’agent de la Colombie, qui donnera lecture des

conclusions de la Colombie.

8. Monsieur le président, dans ce bref exposé, je m’attacherai à répondre aux arguments

présentés hier par M. Remiro Brotóns concernant la première exception d’incompétence soulevée

par la Colombie.

L’approche à suivre en ce qui concerne l’interprétation de l’article LVI

9. Les Parties conviennent de deux points importants. Premièrement, le fait que la question

essentielle est celle de l’interprétation à donner à l’article LVI. Deuxièmement, le fait que les

règles applicables en matière d’interprétation des traités sont celles qui sont énoncées dans la

convention de Vienne. - 3 -

10. Bien que les Parties conviennent que la question est celle de l’interprétation de

l’article LVI, le Nicaragua refuse obstinément de prendre en compte la moitié du libellé de cette

disposition. Il ne s’agit pas là d’une interprétation de bonne foi. Soucieux de se soustraire au sens

ordinaire de l’article LVI, lu dans son ensemble, M. Remiro Brotóns a adopté hier la même

11 méthode que celle qui est employée dans les écritures du Nicaragua. Après avoir examiné le

1
premier alinéa de l’article LVI, et seulement celui-ci , il est passé directement à l’article XXXI du

Pacte, concluant ainsi l’interprétation que fait le Nicaragua des textes applicables . Il est même allé

jusqu’à dire que l’acceptation de la juridiction de la Cour était fondée sur l’article XXXI et sur le

premier alinéa de l’article LVI . 3 A l’appui de cette conclusion, il a rappelé sa conception

subjective de l’objet et du but du pacte de Bogotá, ainsi que du principe de bonne foi. Ce n’est

qu’ensuite qu’il en est venu à l’examen des travaux préparatoires et a reconnu que l’article LVI

comportait deux alinéas. Au lieu d’interpréter les éléments de cet article comme un tout pour

parvenir à une interprétation cohérente, effort qu’il a reconnu à la Colombie , le Nicaragua préfère

donc opposer le second alinéa de l’article, d’une part, et, d’autre part, son premier alinéa et

l’article XXXI, afin de tenter de vider le second alinéa de tout sens véritable. M. Remiro Brotóns

s’est ainsi contenté de dire à la Cour ce que le second alinéa ne peut pas faire, à savoir infirmer

l’interprétation que le Nicaragua fait du premier alinéa.

11. A aucun moment, le Nicaragua n’a expliqué quel était le but du second alinéa. Tout ce

que l’éminent professeur a à dire concernant le second alinéa est que sa «raison d’être est la

protection des procédures en cours» . Certes. Mais toute la question est de savoir quelles sont ces

procédures. Selon nous, la réponse est simple : le second alinéa protège les procédures entamées

avant la date de transmission de l’avis de dénonciation, et non celles qui ont été engagées après.

C’est la seule lecture du texte permettant de concilier ses différents éléments et de garantir l’effet

utile de chacun de ses alinéas.

1
CR 2015/23, p. 20-21, par. 4-6 (Remiro Brotóns).
2 Ibid., p. 21, par. 6 (Remiro Brotóns).

3 Ibid., p. 22-23, par. 10 (Remiro Brotóns).
4
Ibid., p. 23-24, par. 13 (Remiro Brotóns).
5 Ibid., p. 27, par. 26 (Remiro Brotóns). - 4 -

12. Nos collègues de la partie adverse ont à peine fait mention des termes proprement dits de

l’article LVI et, lorsqu’ils l’ont fait, ils se sont trompés. Par exemple, en se référant au terme

«préavis», qui figure dans la version française de l’article — «notice» en anglais ,

M. Remiro Brotóns s’emploie à lui donner une importance qu’il n’a tout simplement pas. De

surcroît, son argument selon lequel la disposition particulière énoncée au second alinéa ne saurait

12 supplanter ce qu’il a curieusement appelé la «règle générale de droit intertemporel» figurant au

premier est contraire aux règles établies en matière de lex specialis et de lex generalis. Accepter

pareil argument reviendrait à priver de tout sens et de tout but les règles plus spécifiques énoncées

dans les traités.

13. En résumé, Monsieur le président, l’approche adoptée par le Nicaragua concernant

l’interprétation de l’article LVI est fondamentalement erronée. Nous avons présenté dans nos
6 7
écritures l’approche qu’il convient de suivre , approche que j’ai de nouveau exposée lundi ; je ne

reviendrai donc pas dessus aujourd’hui.

L’objet et le but

14. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, mon collègue de la partie

adverse a cherché à fonder son interprétation sur l’objet et le but du pacte. Celui-ci, c’est vrai,

visait à faire progresser le règlement pacifique des différends, par comparaison avec les précédents

traités conclus entre pays des Amériques. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans l’arrêt qu’elle a rendu

en 1988 en l’affaire Nicaragua c. Honduras, «les Etats américains, en élaborant cet instrument,

entend[aient] renforcer leurs engagements mutuels en matière de règlement judiciaire» . Toutefois,

le pacte ne faisait progresser la cause du règlement pacifique que dans la limite du consentement

donné par les Parties, ni plus ni moins. L’on ne saurait se servir de l’objet et du but généraux d’un

traité relatif au règlement pacifique pour interpréter comme on le souhaite les conditions et

garanties qui y figurent. Les traités conférant compétence ne sauraient être interprétés ni de façon

restrictive ni de façon large ; comme n’importe quel autre traité, ils doivent être interprétés

6
Exceptions préliminaires de la Colombie (EPC), vol. I, chap. 3.
7CR 2015/22, p. 19-30 (Wood).
8
Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1988, p. 89, par. 46 - 5 -

conformément aux règles énoncées par la convention de Vienne. Ne pas tenir compte des limites

dont les Etats ont assorti leur consentement ne fait pas avancer la cause du règlement judiciaire ;

sans la garantie que ces limites seront respectées, les parties n’accorderaient jamais leur

consentement. Il n’est pas rare que des Etats dénoncent un traité particulier prévoyant des

procédures de règlement pacifique des différends. Cela ne diminue en rien leur engagement à

respecter le principe fondamental énoncé par la Charte des Nations Unies, à savoir que les

différends doivent être réglés par des moyens pacifiques.

15. Il en va ainsi, par exemple, de la clause facultative qui, de toute évidence, sert l’objet et

le but du règlement pacifique des différends. Lundi, j’ai appelé votre attention sur les réserves de

retrait à effet immédiat, dont sont souvent assorties les déclarations faites en vertu de la clause

13 facultative. La pratique récente nous en fournit quelques exemples. Ainsi, depuis 2011, l’Irlande , 9

10 11 12 13
l’Italie , la Lituanie et la Roumanie ont déposé de nouvelles déclarations, tandis que la Grèce

et le Royaume-Uni ont déposé des déclarations revisées. Dans chacun de ces instruments, l’Etat

concerné se réserve le droit de retirer son consentement avec effet immédiat.

16. L’édition de 2014 du Guide pratique sur la reconnaissance de la compétence de la Cour

internationale de Justice : modèles de clauses et formulations-types 15  document des

Nations Unies disponible sous la cote A/68/93 et que l’on peut consulter sur le site Internet de la

Cour  propose le libellé suivant comme modèle de clause de retrait dans une déclaration faite en

vertu de la clause facultative :

9 Déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour par l’Irlande, http://www.icj-
cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=1&code=IE (dernière consultation le 29 septembre 2015).

10 Déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour par l’Italie, http://www.icj-
cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=1&code=IT (dernière consultation le 29 septembre 2015).

11 Déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour par la Lituanie, http://www.icj-
cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=1&code=LT (dernière consultation le 29 septembre 2015).

12 Déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour par la Roumanie, http://www.icj-
cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=1&code=RO (dernière consultation le 29 septembre 2015).
13
Déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour par la Grèce, http://www.icj-
cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=1&code=GR (dernière consultation le 29 septembre 2015).
14
Déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour par le Royaume-Uni, http://www.icj-
cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=1&code=GB (dernière consultation le 29 septembre 2015).
15
Lettre datée du 24 juillet 2014, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la Suisse
auprès de l’Organisation des Nations Unies, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/68/963&referer=/
english/&Lang=F (dernière consultation le 29 septembre 2015). - 6 -

«Cette déclaration reste en vigueur jusqu’à ce qu’il soit donné notification au
Secrétaire général des Nations Unies de son retrait, avec effet à compter de la date de
cette notification.»

17. M. Remiro Brotóns a cherché à faire valoir que, étant donné que, selon lui, toutes les

clauses de dénonciation figurant dans les traités de règlement des différends prennent effet à la fin

16
de la période de préavis, l’article LVI devait donc être interprété de la même façon . Avec tout le

respect que je lui dois, il s’agit là d’un non sequitur. En tout état de cause, cet argument semble

reposer sur une hypothèse erronée. Ainsi, l’article 72 de la convention pour le règlement des

différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats (dite convention

CIRDI) dispose que la notification de dénonciation en vertu de l’article 71 (qui prend effet six mois

après réception) ne peut porter atteinte aux droits et obligations d’un Etat qui découlent d’un

14 consentement à la compétence du Centre antérieurement à la réception de ladite notification par le

dépositaire . Cela signifie que la compétence demeure uniquement pour les procédures entamées

avant la transmission de l’avis de dénonciation.

L’article de Jiménez de Aréchaga et l’arrêt rendu par la Cour en 1988

18. Monsieur le président, en cherchant à justifier sa position, le Nicaragua s’est

abondamment appuyé dans ses écritures sur un article publié en 1989 par Eduardo Jiménez de

Aréchaga . M. Remiro Brotóns s’y est également référé hier . Nous avons inclus ce texte dans

o 20
son intégralité dans notre dossier de plaidoiries, sous l’onglet n 39 , même si je ne crois pas que

vous ayez besoin de le consulter, puisqu’il convient de lire le bref passage cité par nos

contradicteurs dans son contexte. Le Nicaragua se fonde sur le passage dans lequel l’auteur déclare

que, dans le cadre du pacte de Bogotá, la possibilité «de retirer son acceptation de la juridiction

16CR 2015/4, p. 30-31, par. 35 (Remiro Brotóns).
17
L’article 72 se lit comme suit :

«Aucune notification par un Etat contractant en vertu des articles 70 et 71 ne peut porter atteinte
aux droits et obligations dudit Etat, d’une collectivité publique ou d’un organisme dépendant de lui ou
d’un de ses ressortissants, aux termes de la présente Convention qui découlent d’un consentement à la
compétence du Centre donné par l’un d’eux antérieurement à la réception de ladite notification par le
dépositaire.»
18
Exposé écrit du Nicaragua (EEN), par. 2.33.
19CR 2015/23, p. 28, par. 29 (Remiro Brotóns).

20E. Jiménez de Aréchaga, «The Compulsory Jurisdiction of the International Court of Justice under the Pact of
Bogotá and the Optional Clause», International Law at a time of perplexity: Essays in honour of Shabtai Rosenne,
Martinus Nijhoff, 1989, p. 356-360. - 7 -

21
obligatoire dès que se profile la menace d’une requête a … été nettement limitée» . Limitée,

peut-être, mais pas exclue : cet éminent auteur a choisi ses mots avec soin. Il n’a pas dit que la

Cour demeurait compétente pendant toute une année à compter de la transmission de l’avis de

dénonciation. Il s’exprimait dans le contexte de la distinction entre un instrument relevant du

paragraphe 1 de l’article 36 du Statut et la clause facultative. L’auteur faisait observer que, lorsque

l’obligation est «contractualisé[e]», pour reprendre son propre terme, il ne suffit pas de retirer une

déclaration, comme c’est le cas pour la clause facultative. L’Etat doit aller bien plus loin : il doit

dénoncer un accord  en l’espèce, le pacte de Bogotá , dans son intégralité. Il s’agit donc d’un

acte politiquement bien plus important, acte que les Etats ne prennent certainement pas à la légère.

En ce sens, la «contractualisation» impose, en effet, des limites aux Etats.

15 19. C’est dans ce contexte que M. Remiro Brotóns a de nouveau cité la déclaration faite par

la Cour dans l’affaire Nicaragua c. Honduras de 1988, soutenant que «[celle-ci avait]

elle-même … reconnu que l’acceptation par un Etat, de sa juridiction obligatoire en vertu de

l’article XXXI du Pacte de Bogotá «demeur[ait] valide ratione temporis tant que cet instrument

22
rest[ait] lui-même en vigueur entre ces Etats»» .

20. Dans son arrêt de 1988, la Cour ne s’est cependant pas penchée sur la question de l’effet,

sur le consentement à sa compétence, de la transmission d’un avis de dénonciation. Cette question

ne se posait tout simplement pas dans l’affaire portée devant elle. Ce qui était à l’examen, c’étaient

les arguments avancés par le Honduras pour tenter de transférer à son consentement à la

compétence de la Cour au titre de l’article XXXI du pacte de Bogotá les conditions, notamment

temporelles, dont était assortie la déclaration qu’il avait faite au titre de la clause facultative. En

1988, la Cour n’a tout simplement pas abordé du tout l’article LVI du pacte de Bogotá . 23

21E. Jiménez de Aréchaga, «The Compulsory Jurisdiction of the International Court of Justice under the Pact of
Bogotá and the Optional Clause», International Law at a time of perplexity: Essays in honour of Shabtai Rosenne,
Martinus Nijhoff, 1989, p. 357.

22EEN, par. 2.11 ; voir également Mémoire du Nicaragua (MN), par. 1.23.
23
Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1988, p. 84, par. 33-34. - 8 -

Les différentes dispositions du pacte de Bogotá

21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, M. Remiro Brotóns tente de

s’attaquer ensuite à l’interprétation que la Colombie donne de l’article LVI en soutenant que les

dispositions du pacte de Bogotá sont indissociables et que, si la Cour n’avait pas compétence pour

connaître de procédures engagées en vertu des chapitres II à V après la transmission de l’avis de

dénonciation, le pacte demeurerait une coquille vide, comme il le dit, pendant la période de préavis

d’un an. Ce faisant, M. Remiro Brotóns s’appuie sur une lecture sélective des articles du pacte.

22. Monsieur le président, cet argument dénature tant la teneur du pacte que les arguments

24 25
avancés par la Colombie. Ainsi que celle-ci l’a démontré dans ses exposés écrits et oraux , un

grand nombre d’obligations de fond continuent de s’appliquer à l’Etat qui a dénoncé le pacte

pendant la période d’un an, même si aucune nouvelle procédure ne peut être engagée contre lui.

23. Premièrement, M. Remiro Brotóns a commodément passé sous silence plusieurs

dispositions importantes du Pacte. Par exemple, il n’a pas fait mention de l’article L relatif aux

mesures à prendre lorsqu’une partie contractante n’exécute pas un arrêt de la Cour, pas plus qu’il

n’a mentionné l’article LI, qui porte sur les demandes d’avis consultatifs. Il a, d’un revers de

16 manche, balayé l’article I qui impose aux parties contractantes de s’abstenir de la menace ou de

l’emploi de la force et de recourir à des moyens de règlement pacifique des différends,

deux obligations tout à fait fondamentales imposées par le pacte, lequel a été adopté en 1948, trois

ans seulement après la Charte des Nations Unies. De surcroît, l’article I énonce en fait une

obligation de s’abstenir d’employer «n’importe quel autre moyen de coercition», qui ne figure pas,

du moins expressément, dans la Charte des Nations Unies.

24. Deuxièmement, l’éminent professeur a tort d’affirmer que les autres articles ne

serviraient plus à rien. Du fait des principes énoncés par certains d’entre eux, des obligations de

fond demeureraient à la charge de la partie qui a dénoncé le pacte, obligations qui, de toute

évidence, peuvent être dissociées des procédures prévues aux chapitres II à V du pacte. L’article II

dispose ainsi que «[l]es Hautes Parties Contractantes acceptent l’obligation de résoudre les

différends internationaux à l’aide des procédures pacifiques régionales avant de recourir au Conseil

24
EPC, vol. I, par. 3.5-3.7 ; voir également appendice au chapitre 3 (pacte de Bogotá).
25CR 2015/22, p. 21-23, par. 10-23 (Wood). - 9 -

de sécurité des Nations Unies» : cette obligation n’est pas limitée aux procédures énoncées aux

chapitres II à V du pacte. Mais l’article II prévoit encore que, «[e]n conséquence, … les parties

s’engagent à employer les procédures établies dans ce Traité sous la forme et dans les conditions

prévues aux articles suivants, ou les procédures spéciales qui, à leur avis, leur permettront d’arriver

à une solution.» 26

Cette référence à des «procédures spéciales» peut, elle aussi, clairement être dissociée des

chapitres II à V.

25. De plus, nombre de dispositions «d’ordre procédural» du pacte demeureront en vigueur

après la transmission de l’avis de dénonciation : elles continueront de régir les éventuelles

procédures engagées avant cette transmission et leur teneur et applicabilité ne dépendent pas de la

possibilité d’engager de nouvelles procédures pendant cette période. Par ailleurs, le fait que,

lorsqu’ils ont signé le pacte, l’Argentine et les Etats-Unis aient formulé des réserves qui excluent

l’application de la plupart des procédures qui y sont énoncées démontre que les différents éléments

de cet instrument peuvent être dissociés les uns des autres . 27

Les travaux préparatoires

26. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, M. Remiro Brotóns a

28
finalement évoqué les travaux préparatoires de l’article LVI . Il a soutenu qu’«il n’y a[vait] pas un

17 élément, pas un seul» qui étaye l’interprétation de la Colombie et que cela expliquait la brièveté de

29
celle-ci sur ce point lundi . Mais au contraire, si nous avons été brefs, c’est parce que nous avions

examiné les travaux préparatoires de façon exhaustive dans nos écritures 30 et que le Nicaragua,

31
dans son exposé écrit, n’a presque rien répondu à ce sujet . L’éminent professeur soutient que,

32
en 1948, il n’y a eu aucun débat dans la commission en charge, aucune explication, etc . Eh bien,

26CR 2015/22, p. 21-23, par. 10-23 (Wood).
27
Réserves au pacte de Bogotá formulées par les Etats-Unis (en anglais), http://www.oas.org/juridico/english/
sigs/a-42.htmlUnited States (dernière consultation le 29 septembre 2015) ; réserves au pacte de Bogotá formulées par
l’Argentine (en anglais), http://www.oas.org/juridico/english/sigs/a-42.htmlArgentina(dernière consultation le
29 septembre 2015).

28CR 2015/23, p. 29-31, par. 31-35 (Remiro Brotóns).
29
Ibid., par. 31.
30
EPC, par. 3.33-3.52.
31EEN, par. 2.35-2.39.

32CR 2015/23, p. 29, par. 31 (Remiro Brotóns). - 10 -

les procès-verbaux nous en disent peut-être peu  ce qui n’est pas inhabituel pour les conférences

de l’époque, ou même pour celles d’aujourd’hui et, moins encore, en ce qui concerne les clauses

finales d’un traité ou des questions qui ont été débattues dans le cadre d’un comité de rédaction 

mais en réalité, comme nous l’avons abondamment démontré dans nos écritures, ces travaux

confirment bien que les rédacteurs du pacte ont délibérément choisi de rédiger l’article LVI comme

ils l’ont fait, de manière à limiter avec effet immédiat l’introduction de nouvelles procédures une

fois transmis l’avis de dénonciation.

27. Le Nicaragua admet que le projet initial d’article LVI était inspiré de l’article 9 du traité

général d’arbitrage interaméricain de 1929. Pourtant, malgré l’évolution du texte, malgré l’ajout

d’une phrase, en 1938, au texte qui est finalement devenu l’article LVI, le Nicaragua continue

33
d’affirmer que le sens de l’article est demeuré inchangé . Or l’évolution du sens de cette

disposition est manifeste lorsqu’on juxtapose les deux textes, comme vous le voyez sous

l’onglet n 9 et à présent à l’écran.

28. A l’appui de sa position totalement indéfendable, M. Remiro Brotóns invoque à présent

une phrase extraite des procès-verbaux de la conférence de 1948 . Le rapporteur de la troisième

commission, M. Enriquez, délégué du Mexique, s’exprimant devant la commission de

coordination, a déclaré ce qui suit : «nous avons convenu que la meilleure rédaction possible

consistait à reproduire l’article 16 [il voulait en fait dire l’article 9  c’était l’article 16, je crois, du

traité de conciliation  l’article 9 donc] du traité de 1929». M. Enriquez a ensuite donné lecture

des deux paragraphes de l’article LVI (devenu par la suite l’article LV). La Colombie n’a pas

ignoré ces éléments, comme l’a soutenu l’éminent professeur . 35 Nous avons fait figurer la

déclaration de M. Enriquez, dans son intégralité et dans une traduction anglaise, à l’annexe 31 de

18 nos exceptions préliminaires. Mais cette phrase n’a guère d’importance, puisqu’il est clair que

M. Enriquez faisait référence au premier paragraphe de l’article LVI, qui reprend effectivement

l’article 9 du traité de 1929. Il ne pouvait tout simplement pas se référer au second paragraphe,

puisque celui-ci était manifestement nouveau, ayant été introduit en 1938  comme je l’ai dit

33
EEN, par. 2.39.
34CR 2015/23, p. 29-30, par. 32-34 (Remiro Brotóns).
35
Ibid., p. 30, par. 33. - 11 -

36
lundi  à la suite d’une proposition formulée par les Etats-Unis d’Amérique . Lorsque le

nouveau texte a été introduit, en 1938, le conseiller juridique du département d’Etat de l’époque,

M. Green Hackworth, a souligné oralement que le texte du projet avait été enrichi, cet ajout étant

en outre reproduit en italiques pour appeler l’attention sur la modification apportée au texte .

29. M. Remiro Brotóns a avancé hier que l’alinéa ajouté à l’article LVI devait être interprété

de manière à ne pas être «régressi[f]» par rapport au traité général d’arbitrage interaméricain

de 1929 ou, de fait, à d’autres traités, que le pacte de Bogotá devait remplacer . Pareille allégation

est erronée, et je le dis avec tout le respect que je porte à mon contradicteur. Le pacte de Bogotá et

le traité de 1929, ainsi que les autres traités, sont des instruments totalement différents. Comme

son nom l’indique, le traité de 1929 portait uniquement sur une forme particulière d’arbitrage. Il ne

contenait aucune disposition faisant référence, par exemple, à la compétence de ce qui était alors la

Cour permanente de Justice internationale.

30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève ma réponse à

ce que M. Remiro Brotóns a déclaré hier.

31. Je vous remercie de votre aimable attention et vous prie de bien vouloir appeler

M. Reisman à la barre.

The PRESIDENT: Thank you. I now give the floor to Professor Michael Reisman.

19 M. REISMAN :

A BSENCE DE DIFFÉREND

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je suis heureux d’avoir la

possibilité de revenir sur «l’absence de différend» évoquée par la Colombie afin de corriger

certaines des déclarations inexactes du Nicaragua.

2. C’est de compétence qu’il est question ici. Le principal argument de la Colombie est que

son consentement à la compétence a pris fin avec effet immédiat dès la transmission de sa

36 EPC, vol. II, annexe 25 : délégation des Etats-Unis d’Amérique à la huitième conférence internationale des
Etats américains, Lima, procès-verbaux des réunions de la première sous-commission de la première commission,
consolidation des instruments et accords de paix américains, 19 décembre 1938, p. 5.

37Ibid., annexe 24, art. XXII, p. 203.
38
CR 2015/23, p. 30, par. 34-35 (Remiro Brotóns). - 12 -

dénonciation du pacte de Bogotá le 27 novembre 2012, soit un an avant que le Nicaragua ne dépose

sa requête. Mais, pour des raisons purement hypothétiques, je partirai du principe, comme le

Nicaragua l’a fait, qu’en vertu de l’article LVI du pacte, une année doit s’écouler à partir de la date

de la dénonciation pour que l’effet du pacte s’éteigne ; en partant de cette hypothèse et toutes

choses égales d’ailleurs, la requête que le Nicaragua a déposée le 26 novembre 2013 serait

recevable puisqu’elle a été présentée un jour avant que ne s’achève le consentement de la Colombie

à la compétence de la Cour.

3. De l’avis du Nicaragua, sa requête était recevable mais «la date critique» de son dépôt se

situait un jour avant l’expiration du consentement de la Colombie à la compétence de la Cour en

vertu du pacte. Cela signifie que pour relever de la compétence de la Cour, les événements dont le

Nicaragua se plaignait devaient s’être produits avant cette date et comme la Cour l’a déclaré dans

l’affaire relative à l’Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la

Roumanie dans «une situation dans laquelle les points de vue des deux parties, quant à l’exécution

ou à la non-exécution de certaines obligations découlant des traités, sont nettement opposés» . 39

4. Comment déterminer l’existence objective d’un tel différend ? Hier, M. Lowe a cité

l’affaire des Otages pour contrer l’argument de la Colombie qui affirmait que le droit international

exige qu’existe un moyen de communiquer une requête à l’autre partie pour confirmer l’existence

objective d’un différend. Mais il s’est contenté de citer ce que la Cour avait dit à propos de

l’affaire des Otages dans l’affaire relative à l’Accord de siège, à savoir  que je cite en

résumé  : «La Cour a jugé inutile de s’enquérir de l’attitude de l’Iran afin d’établir l’existence

d’un «différend».» 40 Je le dis avec respect, M. Lowe ne savait rien de la détention elle-même ni du

20 contexte de l’affaire des Otages, affaire dans laquelle les Etats-Unis avaient pleinement et

totalement respecté les modalités nécessaires pour établir l’existence d’un différend. Je cite la

Cour :

«Dès le début de l’attaque contre leur ambassade à Téhéran, les Etats-Unis ont
protesté auprès du Gouvernement de l’Iran aussi bien contre l’attaque elle-même que
contre la capture et la détention des otages. Le 7 novembre, M. Ramsey Clark, ancien
Attorney-General des Etats-Unis, a été désigné pour se rendre en Iran avec un

39
Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
40CR 2015/23, p. 40, par. 42 (Lowe). - 13 -

collaborateur afin de remettre à l’Ayatollah Khomeini un message du président des
Etats-Unis.» 41

5. La Cour a noté que c’était le dirigeant iranien qui avait interdit aux membres du conseil de
42
la révolution et aux personnalités responsables de rencontrer les représentants des Etats-Unis . Et

je cite de nouveau la Cour :

«Ultérieurement, en dépit des efforts faits par le Gouvernement des Etats-Unis
pour entamer des négociations, il est apparu clairement que les autorités iraniennes
entendaient n’avoir aucun contact direct avec les représentants du Gouvernement des

Etats-Unis au sujet de la détention des otages.»

6. Mais les choses n’en sont pas restées là. La Cour a cité la «résolution 457 (1979) du

Conseil de sécurité par laquelle ce dernier demandait à l’Iran de libérer immédiatement le

43
personnel de l’ambassade, d’assurer sa protection et de lui permettre de quitter le pays» .

La Cour a conclu comme suit :

«En l’espèce aucune des parties au différend n’a proposé d’avoir recours à l’une
ou l’autre de ces voies [dans le traité bilatéral de 1955], que ce soit avant le dépôt de la
requête ou à une date ultérieure. Bien au contraire, les autorités iraniennes se sont

absolument refusées à discuter la question avec les Etats-Unis, attitude qui ne pouvait
être comprise par ces derniers que comme écartant d’emblée toute perspective
d’accord en vue de recourir à l’arbitrage ou à la conciliation, en application de
l’article II ou de l’article III des protocoles, au lieu de saisir la Cour.» 44

Monsieur le président, l’existence d’un différend a été établie sans le moindre doute possible.

7. Le pacte de Bogotá, la principale base de compétence du Nicaragua, est particulièrement

pertinent à cet égard. Conformément à son article II, les différends ne peuvent pas tous être soumis

à la Cour. Comme M. Valencia-Ospina l’a expliqué avant-hier, l’article II conditionne l’accès à la

procédure judiciaire prévue à l’article XXXI à la preuve que les parties étaient d’avis que le

21
différend ou les différends en cause «ne pourraient être résolus au moyen de négociations directes

suivant les voies diplomatiques ordinaires».

8. Monsieur le président, l’opinion des Parties quant à la possibilité de résoudre le différend

«suivant les voies diplomatiques ordinaires» présuppose une connaissance de la position juridique

41
Affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique
c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 15, par. 26.
42Ibid.

43Ibid., p. 16, par. 28.
44
Ibid., p. 26, par. 49. - 14 -

de l’autre Partie. Le pacte exige donc la communication de la plainte avant qu’un différend puisse

être porté devant la Cour sur cette base.

9. L’article II du pacte se réfère expressément à des négociations suivant «les voies

diplomatiques ordinaires». Le ministère nicaraguayen des affaires étrangères sait fort bien que ces

voies diplomatiques comprennent des modalités telles que l’envoi d’une note diplomatique

officielle. Le fait que le Nicaragua se soit soucié, certes tardivement, d’envoyer une note officielle

45
le 13 septembre 2014 (près de dix mois après le dépôt de la requête) alléguant des violations de

ses droits souverains ainsi que le fait que la Colombie aurait eu recours à la force, signifie qu’il

était parfaitement au courant de la nécessité de recourir aux «voies diplomatiques ordinaires».

10. Dans l’affaire dont vous êtes saisis, quels sont les incidents, qui se seraient produits avant

la date critique, pouvant être considérés comme constituant «une situation dans laquelle les deux

parties sont manifestement d’un avis opposé concernant la question du respect …, d’une obligation

juridique et qui ne peuvent être réglés suivant «les voies diplomatiques ordinaires» ?» Les

éléments de preuve cités par le Nicaragua en réponse à cette question sont sélectifs et

contradictoires. Le 14 août 2013, le président Ortega a annoncé que «les forces navales

colombiennes s’étaient montrées respectueuses et qu’aucune confrontation n’avait eu lieu entre les

46
forces navales colombiennes et nicaraguayennes…» . Huit jours avant le dépôt de la requête du

Nicaragua, l’amiral nicaraguayen Corrales Rodriguez a déclaré «nous n’avons pas eu le moindre

47
problème avec les forces navales colombiennes…» . Or, neuf mois plus tard, neuf mois après le

dépôt de la requête, le ministre nicaraguayen des affaires étrangères a demandé à l’amiral de faire

l’inventaire de «tout incident qui aurait pu se produire entre la marine colombienne et la marine
48
nicaraguayenne» . Cette fois-ci, pour une raison inconnue, l’amiral a fait état de dix incidents de

22 faible importance qui se seraient produits jusqu’à la date critique. Loin de moi l’idée de mettre en

doute la bonne foi de l’amiral, mais il est frappant qu’au moment où ils se sont produits, aucun de

ces incidents n’ait été considéré suffisamment important pour faire l’objet d’une protestation ou

45
EPC, vol. II, annexe 17.
46Ibid, annexe 11, p. 118.

47Ibid, annexe 43, p. 355.
48
MN, annexe 43, p. 355. - 15 -

être porté d’une manière ou d’une autre à l’attention du Gouvernement colombien et, a fortiori, à

celle du président nicaraguayen.

11. La présentation que fait le Nicaragua du discours à la nation prononcé par le

président Santos dans la soirée du jour où l’arrêt a été rendu est tout aussi sélective. Pour étayer sa

théorie selon laquelle les déclarations des responsables colombiens constituent en elles-mêmes un

différend, le Nicaragua a sélectionné des phrases et les a lues de manière à donner l’impression que

c’est par défi que la Colombie rejetait l’arrêt et ne le respecterait pas. Mais les propos du président,

par exemple lorsqu’il dit «rejet[er] catégoriquement cet aspect de l’arrêt», traduisent un désaccord

absolu avec la teneur de l’arrêt, non l’intention de ne pas le respecter. Le désaccord ne portait, soit

dit en passant, que sur la partie de l’arrêt concernant les espaces maritimes enclavés, et non sur

l’ensemble de la délimitation maritime. D’ailleurs, plus tard dans le même discours, le président a

affirmé : «Aussi n’écarterons-nous aucune des voies de recours ni aucun des mécanismes qui nous

sont ouverts en droit international» , et a informé ses compatriotes de la manière dont la Colombie

mettrait en œuvre la décision. Monsieur le président, cette déclaration ne dénote nullement une

intention de ne pas exécuter l’arrêt.

12. Hier, l’un des conseils a dit, à juste titre, que se fonder sur les propos tenus par les

responsables colombiens dans les jours qui ont suivi le prononcé de l’arrêt serait un «coup bas»,

mais il s’est ensuite bien gardé de tenir compte des déclarations ultérieures ou de l’arrêt de la Cour

constitutionnelle, qui témoignent de l’intention de se conformer à l’arrêt par voie de traité. L’agent

du Nicaragua n’a pas pu non plus résister à l’envie de porter un «coup bas» : sélectionnant des

extraits de la déclaration faite par le président le jour du prononcé de l’arrêt, il a affirmé que cela

prouvait «[l]’existence d’un grave différend entre les Parties» dès ce jour-là, ce qui indiquait, selon

lui que, «[d]e toute évidence, … la Colombie n’accept[ait] pas la délimitation effectuée par la

50
Cour» . Par ailleurs, Monsieur le président, je ne suis pas sûr que cela entre dans la catégorie des

«coups bas», mais je relève que le Nicaragua a tendance à ne pas évoquer la satisfaction exprimée

par le président Ortega devant le comportement du président de la Colombie, M. Santos.

49EPC, vol. II, annexe 6, p. 89.

50CR 2015/23, p. 17, par. 29 (Argüello). - 16 -

13. Etant donné que M. Lowe s’est référé à l’affaire dites des Otages pour étayer ses propos,

la conclusion qu’il en tire nous semble des plus déconcertantes : «il ressort à l’évidence du dossier

de l’affaire que la condition effectivement exigée par le droit international, à savoir que les

23 positions respectives des parties soient clairement présentées en sorte que chacune comprenne bien

en quoi consiste le désaccord, est abondamment remplie» . C’est tout l’inverse. Contrairement à

ce qui s’est passé dans l’affaire des Otages, le Nicaragua n’a jamais protesté ni indiqué d’une

quelconque manière à la Colombie qu’il avait des griefs ou des réclamations de fait et de droit

constituant un différend objectif avec la Colombie, pas une seule fois. Il n’a fait qu’introduire la

présente instance devant la Cour. Etant donné que certaines des affirmations du Nicaragua font

intervenir des allégations de menaces de l’emploi de la force, le fait qu’il n’ait protesté d’aucune

manière à ce moment-là rend encore plus douteuse l’existence de ce différend. Les efforts

déployés par le Nicaragua pour établir l’existence d’un différend sur ces questions à la date critique

ont donc échoué.

14. Sachant qu’il n’est pas en mesure de prouver que le prétendu différend existait avant la

date critique, le Nicaragua soutient que l’existence objective de celui-ci peut être établie par rapport

aux événements survenus après le dépôt de la requête. A cet égard, il passe en revue, toujours de

manière sélective, des discours et des faits qui remontent à deux ans ou presque après

le 26 novembre 2013, date du dépôt de sa requête et date critique aux fins de la compétence. On

pourrait certainement faire valoir que, lorsque la compétence consensuelle perdure, il peut y avoir

une base en droit pour présenter, dans certains cas, des éléments de preuve relatifs à des faits

survenus après la date du dépôt de la requête. Mais en l’occurrence, les éléments relatifs à de tels

faits sont irrecevables parce que seule une journée sépare la date critique et celle de l’extinction de

la compétence, même selon l’interprétation que le Nicaragua donne du pacte. Dès lors, la Cour

n’est pas compétente après le 27 novembre 2013, date à laquelle a expiré le délai d’un an suivant la

dénonciation du pacte par la Colombie. Donc, outre que ces divers faits survenus après le dépôt de

la requête ne peuvent en rien démontrer l’existence objective d’un différend, ils ne sont pas un

motif de compétence.

51CR 2015/23, p. 41, par. 44 (Lowe). - 17 -

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Nicaragua affirme être un

petit Etat par rapport à la Colombie, et semble donc considérer avoir droit à un traitement de faveur

en raison de la brièveté de la période écoulée entre le dépôt de sa requête et l’extinction de la

compétence conférée à la Cour par le pacte. Mais cette période n’a pas été si courte que cela :

l’ambassadeur Argüello a affirmé que le Nicaragua avait connaissance de l’existence d’un grave
52
différend depuis le prononcé de l’arrêt . Le Nicaragua a agi tardivement et en cachette et doit en

assumer les conséquences. Il a fait appel à la Cour plus souvent qu’aucun autre Etat membre des

Nations Unies, ce qui témoigne d’une certaine sagesse. Il n’a besoin ni ne mérite de traitement de

24 faveur, quelle que soit l’importance de l’Etat défendeur. D’un point de vue juridique, Monsieur le

président, la Charte prévoit que tous les Etats sont égaux.

16. Monsieur le président, il est indispensable de démontrer l’existence objective d’un

différend pour établir une base de compétence. Au niveau international, les Parties devraient avoir

connaissance des griefs formulés à leur encontre et avoir la possibilité de réagir et de chercher des

solutions sans engager de procédure judiciaire, ce qui permettrait d’éviter une opération politique

(et financière) conflictuelle pouvant engendrer un sentiment d’hostilité sur des décennies, voire des

générations. Par ailleurs, le critère de l’existence objective empêche que les procédures judiciaires

internationales ne soient détournées à des fins stratégiques pour faire pression sur un Etat. Sans

oublier que cela facilite le processus de règlement judiciaire. Dans l’affaire relative à

Certains biens, dans le cadre de laquelle il y avait eu des consultations bilatérales entre

l’Allemagne et le Liechtenstein, la Cour a dit ce qui suit :

«La Cour relève en conséquence que, dans la présente instance, les griefs

formulés en fait et en droit par le Liechtenstein contre l’Allemagne sont rejetés par
cette dernière. Conformément à sa jurisprudence bien établie …, la Cour conclut que
«[d]u fait de ce rejet, il existe un différend d’ordre juridique» entre le Liechtenstein et
l’Allemagne.» 53

17. En l’espèce, rien n’empêchait le Nicaragua de faire part de ses revendications et griefs à

la Colombie par les voies diplomatiques ordinaires, ou par tout autre moyen, à tout moment avant

l’extinction de la compétence conférée par le pacte. Non seulement il n’a ni protesté ni

communiqué de quelque façon que ce soit, mais il a bien au contraire fait savoir à la Colombie, au

52
CR 2015/23, p. 17, par. 28 (Argüello).
53Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25. - 18 -

plus haut niveau, qu’il était satisfait de son comportement. Rappelez-vous la déclaration faite par

le président Ortega le 14 août 2013, selon laquelle «aucune confrontation n’a[vait] eu lieu entre les
54
forces navales colombiennes et nicaraguayennes» . N’ayant formulé aucun «grie[f] en fait et en

droit», pour reprendre les termes de l’arrêt rendu en l’affaire relative à Certains biens, assurant

même le contraire au plus haut niveau politique et ce, jusqu’à la date critique, le Nicaragua doit

assumer ses responsabilités et ne saurait s’y soustraire en arguant être un «petit» pays. Monsieur le

président, Mesdames et Messieurs de la Cour, on pourrait croire qu’il ne s’agit que de règles, mais

la primauté du droit repose sur des règles qui s’appliquent à tous de la même manière. C’est

précisément ce qui caractérise le droit.

18. Avant de conclure, il me faut revenir sur la tendance du Nicaragua à calomnier un Etat

qui ose critiquer un arrêt ou une partie d’un arrêt de la Cour, tout en insistant sur le bien que

25 lui-même en pense. Le fait, pour un Etat  ou un spécialiste , de critiquer une décision du

Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale ou un arrêt de la Cour n’emporte pas violation du

droit international. Toutefois, lorsqu’une partie qui n’a pas eu gain de cause entreprend, tâche

ardue s’il en est, de mettre en œuvre un arrêt très impopulaire, elle témoigne d’autant plus de son

attachement au droit international.

19. Monsieur le président, M. Lowe se demandait hier s’il existait réellement un différend ou

«si nous [étions] tous réunis ici à la suite d’un affreux malentendu». Comme la Cour l’aura

sûrement compris, c’est effectivement la deuxième hypothèse qui est la bonne ; c’est en raison d’un

affreux malentendu que nous sommes tous ici. En réalité, aucun de nous ne devrait y être. Par

suite du dépôt, par le Nicaragua, d’une requête totalement artificielle, nous avons été contraints de

nous présenter devant la Cour pour répondre à des demandes abusives dépourvues de base

juridictionnelle, lesquelles constitueraient un différend fictif, dont l’objet était totalement inconnu

de la Colombie jusqu’à ce que le Greffe l’informe qu’une instance avait été, une fois de plus,

introduite contre elle. Affreux, en effet, Monsieur le président.

20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

attention et vous prie d’appeler M. Valencia-Ospina à la barre.

54EPC, vol. II, annexe 11. - 19 -

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I now give the floor to Mr. Valencia-Ospina.

M. VALENCIA-OSPINA :

T ROISIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LA C OUR N ’A PAS COMPÉTENCE PUISQUE

LA CONDITION PRÉALABLE ÉNONCÉE À L ’ARTICLE IIDU PACTE DE B OGOTÁ
N ÉTAIT PAS REMPLIE AU MOMENT DU DÉPÔT DE LA REQUÊTE

Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, après avoir entendu le premier

tour de plaidoiries du Nicaragua, il convient à présent de faire davantage la lumière sur

l’interprétation erronée que fait le demandeur du droit applicable et son évaluation des faits relatifs

à la troisième exception.

2. Ce faisant, je me concentrerai sur l’évaluation objective de l’avis des Parties. Au premier

tour, la Colombie a longuement traité de l’interprétation de l’article II du pacte de Bogotá, question

que le Nicaragua avait alors largement passée sous silence. Je me bornerai par conséquent à

exposer quatre des nombreux arguments supplémentaires que l’on pourrait avancer à cet égard.

26  Premièrement, le Nicaragua est allé jusqu’à insinuer que «la question de savoir si un différend

se prêt[ait] à être réglé par la négociation [ne devait pas] être tranchée par ... une tierce

55
partie» . En d’autres termes, le demandeur prétend que la Cour — contrairement à ce qu’elle

a dit dans son arrêt de 1988 — n’est pas habilitée à procéder à une évaluation objective de

l’avis des Parties, mais uniquement à prendre note de ce qu’il affirme.

 Deuxièmement, le fait que le rapporteur du comité juridique interaméricain ait proposé

d’apporter une modification à l’article II du pacte ne signifie pas qu’il considérait que cette

disposition doive être interprétée conformément au texte français. Bien au contraire, ainsi qu’il

l’a exposé dans son rapport, «ni l’une ni l’autre des Parties n’est juridiquement en mesure

d’invoquer le pacte lorsque, selon elle, un différend ne peut plus être réglé par la voie

diplomatique» . Le rapporteur a ainsi confirmé le point de vue qu’il avait exprimé quatre ans

55CR 2015/23, p. 42, par. 47 (Lowe).
56
Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1988, p. 95, par. 65.
57 Avis du comité juridique interaméricain sur le traité américain de règlement pacifique (pacte de Bogotá),

Organisation des Etats américains, doc. OEA/SER.G, CP/Doc. 1603/85, 3 septembre 1985, texte anglais, annexe 23 du
contre-mémoire du Nicaragua en l’affaire relative à des Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua
c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 461. - 20 -

auparavant, à savoir que l’article II «subordonn[ait] l’obligation de recourir au mode de

règlement pacifique à l’accord des deux Etats parties» 58 et, plus important encore, que la

formulation employée en ce qui concerne l’avis des Parties «n’était pas entachée d’une erreur

de rédaction» .59

 Troisièmement, le Nicaragua cherche à conforter son interprétation de l’article II en appelant

l’attention sur l’article 26 de la charte de l’OEA, qui contient également l’expression «de l’avis

60
de l’un[e]» des Parties . Force est toutefois de constater que l’emploi du singulier à

l’article 26 est quasiment annulé par le fait que cette même disposition prévoit que les «Parties

[au pluriel] devront convenir de n’importe quelle autre procédure pacifique leur permettant

d’arriver à une solution». Autrement dit, l’article 26 impose bel et bien de tenir compte de

l’avis des deux Parties, puisque la procédure à mettre en œuvre ne peut être déterminée

unilatéralement.

27  Quatrièmement, le conseil du Nicaragua a déclaré qu’«il suffi[sait] que l’une des Parties soit

61
d’avis qu’un règlement négocié [était] impossible» . La Colombie a rejeté cette thèse qui, en

tout état de cause, ne pourrait s’appliquer en l’espèce, le président du Nicaragua ayant déclaré

en plusieurs occasions que des négociations étaient possibles.

L’avis des Parties

3. Hier, l’agent du Nicaragua a affirmé que «[l]e président Ortega a[vait] réaffirmé à maintes

reprises la volonté [de cet Etat] d’engager des discussions sur différentes questions liées à

l’exécution de l’arrêt» . En fait, il a souligné — comme si la Colombie avait des raisons d’en

63
douter — que «[c]e n’[était] pas là des paroles en l’air » .

4. La Colombie se félicite bien évidemment de ce que le Nicaragua ait reconnu en diverses

occasions que les Parties étaient d’accord sur le fait que de nombreuses questions pouvaient faire

58
Galo Leoro, F., «La Reforma del Tratado Americano de Soluciones Pacíficas o Pacto de Bogotá», Anuario
Jurídico Inter-Americano, 1981, p. 48, par. 93.
59Ibid., p. 51, par. 106.

60EEN, par. 4.28.
61
CR 2015/23, p. 42, par. 47 (Lowe).
62
CR 2015/23, p. 12, par. 12 (Arguëllo).
63Ibid. - 21 -

l’objet de négociations. Dans son exposé écrit, le Nicaragua affirmait déjà qu’«il a[vait] maintenu

ouverte la possibilité de discuter du traité qu’appel[ait] de ses vœux la Colombie, y compris sur des

64
questions ... telles que la pêche et la protection de l’environnement» , qu’«il existait [des]

65
questions sur lesquelles elles [pourraient] un jour négocier» et que «les deux Parties s’étaient

dites disposées à envisager» certaines questions . Ces citations décrivent fidèlement la situation

qui prévalait au moment de la saisine de la Cour.

5. Plus loin dans ce même exposé écrit, le Nicaragua a toutefois minimisé la valeur de ses

affirmations. Il a en effet fait valoir que l’objet des demandes qu’il avait portées devant la Cour

était différent de celui «des négociations que les deux Parties s’étaient dites disposées à

envisager» . En d’autres termes, le Nicaragua estimait que les violations alléguées de ses droits

souverains et de ses espaces maritimes n’avaient rien à voir avec la mise en œuvre de l’arrêt

de 2012.

28 6. Pour être juste, il convient de reconnaître que le Nicaragua n’a pas réitéré cet argument au

premier tour. Il a dû se rendre compte qu’il était artificiel et trompeur de prétendre que les Parties

étaient disposées à négocier sur des questions relatives à la mise en œuvre de l’arrêt de 2012 mais

pas sur les violations alléguées de ses espaces maritimes qui en découlaient.

7. Le Nicaragua n’a pas non plus répété que, «dans l’attente de la décision de la Cour

68
constitutionnelle, la Colombie excluait que des négociations puissent avoir lieu» . En fait, il n’a

pas évoqué au premier tour les déclarations en date des 15 et 18 septembre 2013 du président et du

69
ministre colombiens des affaires étrangères , pas plus qu’il n’a réfuté celles faites les 9 et

10 septembre 2013 par de hauts responsables politiques de la Colombie concernant la volonté de

cet Etat de négocier .70

64
EEN, par. 4.7.
65Ibid., par. 4.56.

66Ibid., par. 4.59.
67
Ibid.
68
EEN, par. 4.46 et par. 4.38 à 4.52, annexes 12 et 39.
69EPC, annexes 13 et 42.

70EPC, par. 4.68 et 4.69, annexes 12 et 39 ; CR 2015/22, p. 55, par. 24 (Valencia-Ospina). - 22 -

8. Au lieu de cela, le Nicaragua allègue à présent que, si les négociations sont devenues

vaines, c’est en raison du décret n 1946 promulgué par la Colombie, décret qu’il n’avait pas

contesté avant la date critique. Pour citer l’agent du Nicaragua, «l’éventualité de mener à leur

terme des négociations s’est brusquement évanouie lorsque la Colombie a promulgué le décret

n 1946» . Cette théorie est toutefois peu plausible — et c’est le moins qu’on puisse dire —, car si

les propos du président du Nicaragua «ne [doivent pas être considérés comme] des paroles en

72
l’air» , qu’en est-il alors des déclarations qu’il a faites en septembre 2013, ainsi qu’en janvier et en

mai 2014 ? Après tout, l’agent du Nicaragua les décrit bien, dans son exposé, comme des

73
occasions où le Nicaragua a fait part de sa «volonté ... d’engager des discussions» . De fait, tout

en reconnaissant que les paroles de son président doivent être prises au sérieux, l’agent cite des

passages du mémoire qui portent expressément sur les déclarations de septembre et de mai . Dans 74

cette pièce, il est ainsi souligné à juste titre que la déclaration de septembre avait été faite un jour à

peine après que le président, «M. Santos[, eut] présenté le décret 1946 établissant la «zone contiguë

75
unique» colombienne» . Comment le Nicaragua pourrait-il dès lors démontrer que le décret a

29 rendu vaine toute tentative de négociation alors même que, dès le lendemain et tout au long des

mois qui ont suivi, son président se déclarait en toute bonne foi prêt à négocier ?

9. Les éléments de comportement présentés par la Colombie «[p]our mesurer la validité de

l’hypothèse du demandeur, à savoir que le recours à la Cour constitutionnelle privait les

négociations de toute utilité», sont tout aussi pertinents pour réfuter le nouvel argument du

76
Nicaragua fondé sur l’adoption du décret . Contrairement à ce qu’a indiqué le conseil de cet Etat,

les déclarations en question des hauts responsables nicaraguayens n’étayent en aucun cas

l’affirmation selon laquelle, à la date critique, «il [était] rapidement [apparu que le différend]

77
aboutiss[ait] à une impasse» . En dépit de ce que le Nicaragua cherche à nous faire accroire, c’est

71CR 2015/23, p. 17, par. 31 (Arguëllo).

72Ibid., p. 12, par. 12 (Arguëllo).

73Ibid., note de bas de page n 9 (Arguëllo) ; MN, par. 2.53 à 2.63.
74
CR 2015/23, p. 12, par. 12 (Arguëllo) ; MN, par. 2.58 et 2.60.
75MN, par. 2.58.

76CR 2015/22, p. 55-57, par. 25-29 (Valencia-Ospina).

77CR 2015/23, p. 44, par. 58 (Lowe). - 23 -

la Colombie — et non lui-même — qui prend le plus au sérieux les paroles du président

nicaraguayen.

10. D’ailleurs, comme la suite l’a montré, le Nicaragua a lui-même contredit son affirmation

selon laquelle il avait saisi la Cour parce qu’il estimait que des négociations directes étaient

impossibles. Il n’a en réalité agi que par opportunisme. Ainsi que son agent l’a déclaré, après

avoir admis qu’il ne disposerait plus d’aucun «recours unilatéral» devant la Cour après le

27 novembre 2013 , le Nicaragua «n’a eu d’autre choix que de [la] saisir … avant la prise d’effet

79
de la dénonciation du pacte de Bogotá» . Ce que l’agent souligne ainsi, c’est la volonté du

Nicaragua de préserver le moyen juridictionnel au lieu d’engager de vaines négociations. Son

conseil a également affirmé, en des termes qui en disent long, que le Nicaragua «a[vait] dû [prendre

une décision critique]» . Il voulait bien entendu dire par là que le Nicaragua a pris cette décision,

non pas en se demandant si, de l’avis des Parties, des négociations étaient possibles, mais parce

qu’il s’agissait pour lui de la dernière occasion de saisir la Cour.

11. A cet égard, je tiens à souligner que, en se demandant s’il était «raisonnable de supposer

que le Nicaragua devait poursuivre ses efforts de négociation avant d’entamer des procédures qui

deviendraient caduques le jour suivant», son agent ne pose tout simplement pas la bonne
81
question . L’entrée en vigueur de la dénonciation du pacte de Bogotá, par la Colombie,

n’exonérait pas un demandeur bien informé de l’obligation de remplir les conditions préalables
30

relatives à la compétence de la Cour. Cela ne peut l’emporter sur les déclarations positives que le

président du Nicaragua a faites immédiatement avant et après le dépôt de la requête. A la lumière

de ces propos explicites, l’allégation infondée du conseil du Nicaragua selon laquelle, «[l]orsqu’il a

déposé sa requête, il semblait n’y avoir aucun espoir de règlement négocié» ne saurait être plus

éloignée de la vérité.

78
CR 2015/23, p. 15, par. 22 (Arguëllo).
79Ibid., par. 23 (Arguëllo).

80Ibid., p. 42-43, par. 52 (Lowe).
81
Ibid., p. 16, par. 27 (Arguëllo).
82CR 2015/23, p. 43, par. 54 (Lowe). - 24 -

12. La référence du Nicaragua à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle des négociations

83
et un recours à un règlement judiciaire peuvent avoir lieu parallèlement , est tout autant hors de

propos. Ce n’est bien entendu pertinent que lorsque la compétence de la Cour n’est pas limitée par

une clause telle que l’article II du pacte. En effet, dans l’arrêt rendu en 1978 en l’affaire du

Plateau continental de la mer Egée, la Cour n’a pas retenu l’argument selon lequel, d’une manière

générale, «l’existence de négociations activement menées [l’]empêche … d’exercer sa

compétence» , et ce, car, en vertu du droit international général, le principe applicable est celui du

85
libre choix des moyens . Si la Turquie et la Grèce avaient été parties à un traité tel que le pacte, la

situation aurait été complètement différente. A cet égard, la référence du conseil du Nicaragua à

86
l’arrêt de 1998 en l’affaire Cameroun c. Nigéria est aussi totalement dénuée de pertinence, dans

la mesure où c’est également le droit international général qui s’appliquait et non un traité dans

lequel les parties étaient convenues d’intégrer une condition préalable prévoyant l’absence de

négociations. Le Nicaragua est bien conscient que ce précédent confirme l’argument de la

Colombie, puisque, dans le paragraphe même qu’il cite, la Cour traitait aussi expressément de la

question des clauses spéciales figurant dans des traités, qu’elle nomme, de manière révélatrice,

87
«préalable[s]» et qu’elle distingue de la situation relevant du droit international général .

13. En fait, ainsi que la Cour l’a déclaré dans son arrêt de 2011 en l’affaire

Géorgie c. Russie, en référence à une disposition similaire à celle de l’article II du pacte, les

conditions préalables à des négociations sont des «préalables à la saisine de la Cour même quand le

31 terme «conditions» n’est pas assorti d’une limite temporelle» . En outre, comme la Colombie l’a

déjà souligné au cours du premier tour de plaidoiries, la condition préalable prévue à l’article II du

pacte devait être remplie au moment du dépôt de la requête pour une autre raison propre à l’espèce.

La compétence de la Cour en vertu du pacte prenant fin le 27 novembre 2013 au plus tard, même

83
CR 2015/23, p. 17, par. 30 (Arguëllo).
84
Plateau continental de la mer Egée, arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 12, par. 29.
85Article 33 de la Charte des Nations Unies.

86CR 2015/23, p. 42, par. 49 (Lowe).
87
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 303, par. 56.
88 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 124, par. 130. - 25 -

selon la théorie du Nicaragua, celui-ci aurait été dans l’impossibilité d’introduire une nouvelle

procédure après cette date.

14. Pour toutes ces raisons, le demandeur doit démontrer que la condition préalable était

satisfaite au plus tard au moment de la saisine de la Cour. Que cette condition énoncée à l’article II

ait été remplie par la suite, ce qui en tout état de cause n’a pas été le cas, n’est pas pertinent une fois

devenue caduque la compétence de la Cour en vertu du pacte.

Conclusion

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, en créant une impasse que le

Nicaragua attribue aux autorités colombiennes, le demandeur fait une tentative désespérée pour

détourner l’attention de la Cour de l’analyse des déclarations de son propre pouvoir exécutif.

Pourtant, comme le Nicaragua l’admet lui-même en citant l’affaire Géorgie c. Russie, une

«attention toute particulière» devrait être «accordée aux déclarations faites ou entérinées par

89
l’exécutif de chacune des Parties» .

16. Par conséquent, n’aurait-il pas été plus approprié pour le Nicaragua d’évaluer

objectivement son propre avis sur la base de l’ensemble des déclarations faites par son pouvoir

exécutif, qui reconnaissait explicitement que le règlement de la situation passait par la

négociation ? Au lieu de quoi, le Nicaragua cherche à établir son avis à partir d’un élément peu

probant lié à un comportement tacite, à savoir le dépôt de sa requête qui ne fait mention ni de

l’article II du pacte, ni de l’avis des Parties concernant les chances de réussite des négociations.

17. Enfin, le Nicaragua a déclaré au cours du premier tour de plaidoiries qu’il «s’[était]

montré  et rest[ait]  disposé à conclure un traité si cela [pouvait] faciliter l’alignement de la

législation colombienne sur les dispositions de l’arrêt» et qu’il était «disposé aussi à apporter

quelques aménagements au régime applicable dans les zones dont la Cour a reconnu qu’elles lui

appartenaient» .0 Aux fins de cette troisième exception, le plus important, c’est que ces

affirmations confirment les déclarations constantes des deux Parties, à savoir que des négociations

89EEN, par. 4.53.

90CR 2015/23, p. 44, par. 58 (Lowe). - 26 -

32 étaient, à leur avis, encore possibles. Le fait qu’un traité n’ait pas encore été conclu ne saurait

prouver que la condition préalable prévue à l’article II était remplie au moment opportun.

18. Monsieur le président, voilà qui clôt mon exposé. Permettez-moi de vous remercier,

ainsi que Mesdames et Messieurs de la Cour, de votre aimable attention. Je vous prie de bien

vouloir donner la parole à mon collègue, M. Treves.

The PRESIDENT: Thank you. I now give the floor to Professor Tullio Treves.

M. TREVES:

T HE C OURT HAS NO INHERENT JURISDICTION TO RULE ON N ICARAGUA ’S CLAIMS
(FOURTH AND FIFTH PRELIMINARY OBJECTIONS )

1. Thank you, Mr. President. Mr. President, Members of the Court, my task today is to

demonstrate that the Court’s jurisdiction to rule on Nicaragua’s claim cannot be based on an

inherent power that the Court is alleged to have. In order to do so, I will reply to the (nonetheless

brilliant) arguments submitted by my colleague and friend Alain Pellet at yesterday morning’s

hearing.

2. The leitmotiv of Professor Pellet’s arguments is that the Court’s alleged inherent power

(or jurisdiction) “derives from the mere existence of the Court”  a phrase used in the Judgments

in the Nuclear Tests cases  or, as Professor Pellet also puts it, “from the Court’s status as judicial
92
organ” . Thus, due to the mere fact that the Court is a judicial organ (and of that there is no

doubt), it automatically has jurisdiction to rule on any claim relating to non-compliance with a

judgment.

3. A case concluded by a final judgment, which exhausts the Court’s jurisdiction, is said to

give rise  as if by magic  to the jurisdiction to adjudge another case on international

responsibility deriving from the obligations incumbent on another State under a judgment of the

Court.

91CR 2015/23, p. 48, para. 12 (Pellet) citing Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974,
p. 259, para. 23 and Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 463, para. 23.

92Ibid., p. 46, para. 5 (Pellet). - 27 -

33 4. It is self-evident that this idea is inconsistent with the principle of consent to the Court’s

jurisdiction. In accepting that jurisdiction on the basis of any title provided for in the Statute, the

parties agree that the Court will rule on the subject-matter of the application, or on the question that

they submit by special agreement, and not on a question with a different subject-matter, such as the

alleged failure to comply with the judgment that brought the case to an end.

5. An important argument by Colombia for ruling out the existence of an inherent power,

which would in itself found the jurisdiction of the Court, is that the instances where inherent power

is invoked in the jurisprudence of the Court are all based on the premise that the Court’s

jurisdiction is established.

6. This is what the Court says in the Judgments in the Nuclear Tests cases, and again in the
93
2001 LaGrand Judgment, in the passages duly cited in my presentation the day before yesterday .

To recall, in the Nuclear Tests cases, the Court asserted that it may exercise its inherent jurisdiction

94
“if and when [its jurisdiction over the merits] is established” ; in the LaGrand Judgment, the

Court stated that it has jurisdiction to rule on non-compliance with an order indicating provisional

95
measures “[w]here the Court has jurisdiction to decide a case” .

7. Professor Pellet appears to set no store by these assertions by the Court. However, he

takes pains to demonstrate the existence of instances contemplated by the Court where its

jurisdiction is based on an inherent power even in the absence of an established jurisdiction.

8. Thus, he points out that the Court, in the Nuclear Tests Judgments, having stated that it

possesses an inherent jurisdiction enabling it to take such action as may be required “on the one

hand to ensure that the exercise of its jurisdiction over the merits, if and when established, shall not

be frustrated”, goes on to say that that jurisdiction applies “on the other, to provide for the orderly

settlement of all matters in dispute, to ensure the observance of the ‘inherent limitations on the

93CR 2015/22, pp. 62-63, para. 12 and p. 63, para. 14 (Treves).

94Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 259, para. 23 and Nuclear Tests (New
Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 463, para. 23.
95
LaGrand (Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 484, para. 45. - 28 -

96
34 exercise of the judicial function’” . According to Mr. Pellet, this suggests that there exist inherent

powers for the exercise of which an established jurisdiction is not necessary . 97

9. We should not read too much into the structure of the sentence just cited. Nonetheless, the

powers referred to after the phrase “on the other” have nothing to do with a possible jurisdiction

over the merits of a case. In fact they relate to procedural regularity and to the fact that the Court

cannot rule on an application that does not fall within the actual notion of the judicial function.

This would be a judgment, like the one contemplated in the Northern Cameroons case, that would

not have “practical consequences” and could not “affect existing legal rights or obligations of the

98
parties” . The Court is thus far from asserting an inherent power that gives it the jurisdiction to

rule on non-compliance with a judgment.

10. As regards the LaGrand Judgment, cited by Mr. Pellet, it should first be pointed out that

the Court’s decision to rule on non-compliance with an Order indicating provisional measures,

adopted in the context of the same dispute, was not made on the basis of Germany’s “auxiliary and

subsidiary” argument that its jurisdiction formed part of an inherent power. As already noted the

day before yesterday , the Court did not accept this argument and said that Germany’s submission

regarding non-compliance with the Order indicating provisional measures concerned “issues that

arise directly out of the dispute between the Parties before the Court over which the Court has

100
already held that it has jurisdiction” .

11. The Court goes on to reaffirm the Judgment in the Fisheries Jurisdiction case, noting that

where it

“declared that in order to consider the dispute in all its aspects it may also deal with a
submission that ‘is one based on facts subsequent to the filing of the Application, but
arising directly out of the question which is the subject-matter of that Application . . .’

(Fisheries Jurisdiction (Federal Republic o101ermany v. Iceland), Merits, Judgment,
I.C.J. Reports 1974, p. 203, para. 72)” .

9Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 259, para. 23 and Nuclear Tests

(New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 463, para. 23; emphasis added.
9CR 2015/23, p. 49, para. 13 (Pellet).

9Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963,
p. 34.
99
CR 2015/22, p. 63, para. 14 (Treves).
100
LaGrand (Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 483, para. 45.
10Ibid., p. 484, para. 45. - 29 -

35 12. It is on this basis  and not on that of the notion of inherent power  that the Court

states that

“[w]here the Court has jurisdiction to decide a case, it also has jurisdiction to deal with

submissions requesting it to determine that an order indicating measures which seeks 102
to preserve the rights of the Parties to this dispute has not been complied with” .

Mr. Pellet contends: “This is again an inherent power, inferred from the Court’s status as judicial

103
organ, and in no sense a power expressly provided for in the Statute.”

13. He seems to forget that it is an inherent power that the Court solely exercises once it has

established its jurisdiction and only once it has established it, in particular since provisional

measures are, by definition, temporary. It is therefore untenable to transpose the Court’s assertion

regarding its jurisdiction to rule on non-compliance with an order indicating provisional measures

to jurisdiction to rule on non-compliance with a judgment. It would not be an a fortiori argument

as Mr. Pellet would have it . It would be to pursue a potential line of reasoning in the context of a

case where jurisdiction is established, which is not acceptable as a means of establishing

jurisdiction over a case where such jurisdiction does not exist.

14. In sum: the assertion made by Judge Guillaume in his article “Enforcement of Decisions

of the International Court of Justice” still holds. Referring to compliance with the Court’s

judgments, the eminent judge states that:

“any dispute relating to compliance is regarded as separate from the dispute resolved

by the decision and cannot therefore be brought105fore the Court without a further
agreement between the parties concerned” .

15. These two sentences, cited in the oral arguments of Colombia, are the only ones omitted

106
by Mr. Pellet when he cited the half page of Mr. Guillaume’s article that immediately follows .

They nonetheless clarify the meaning of the following sentence, according to which

36 “[o]n several occasions, therefore, the Court has ruled that it cannot and should not
consider the possibility of non-compliance with its judgments, and it has made

102
LaGrand (Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 484, para. 45.
10CR 2015/23, p. 50, para. 14 (Pellet).

10Ibid., p. 62, para. 43 (Pellet).
105
Gilbert Guillaume, “Enforcement of Decisions of the International Court of Justice”, in N. Jasentuliyana (ed.),
Perspectives in International Law, 1995, p. 280; references omitted.
106
CR 2015/23, p. 51, para. 16 (Pellet). - 30 -

pronouncements concerning compliance only in those cases where the parties have
specifically empowered it to do so” .107

16. The meaning to be taken from this statement is that a specific title of jurisdiction 

either an ad hoc agreement of the parties or some other form of consent  is required for the Court

to rule on a dispute concerning non-compliance with one of its judgments.

17. Professor Pellet seems to confuse the abstract possibility for the Court to rule on

non-compliance with a judgment with the concrete possibility of doing so, which requires a

specific title of jurisdiction that cannot be the mere fact that the subject-matter of the dispute

concerns responsibility for non-compliance with a previously adopted judgment. When he asks 

and it is clearly a rhetorical question  what was the basis for the Court’s adoption of

108
paragraphs 60 and 63 of the 1974 Judgments in the Nuclear Tests cases , Professor Pellet gives an

example of inherent power in the abstract  a power which does not confer jurisdiction on the

Court but which can be exercised provided that the Court is seized of a dispute over which its

jurisdiction is established, which is what occurred in the Nuclear Tests cases.

18. Mr. President, Members of the Court, Nicaragua’s invitation to the Court to follow the

example of other international courts, which consider themselves to have the power to rule on

non-compliance with their decisions, may seem attractive from the perspective of a hypothetical

“international judicial function” in which all international courts and tribunals participated.

19. The invitation becomes less attractive and less persuasive legally, if we consider the

differences between this Court and the international courts and tribunals that have declared

themselves to have jurisdiction to rule on compliance with their decisions. These include courts

which have jurisdiction over the protection of human rights, international administrative tribunals

and the very particular (quasi-domestic) court which was the Court of the European Communities.

None of them base their jurisdiction on the consent of the parties.

20. What is more, there are fewer international courts and tribunals that consider themselves

to have jurisdiction to rule on non-compliance with their judgments than Mr. Pellet’s arguments

37 indicate. The position of the European Court of Human Rights does not correspond to that of the

107Gilbert Guillaume, “Enforcement of Decisions of the International Court of Justice”, in N. Jasentuliyana (ed.),
Perspectives in International Law, 1995, p. 281; references omitted.

108CR 2015/23, p. 62, para. 44 (Pellet). - 31 -

Inter-American Court, as we might think from listening to Mr. Pellet. In the Meltex judgment of

21 May 2013, the European Court in fact said:

“the Court has consistently emphasised that it does not have jurisdiction to verify
whether a Contracting Party has complied with the obligations imposed on it by one of
the Court’s judgments. It has therefore refused to examine complaints concerning the

failure by States to109ecute its judgments, declaring such complaints inadmissible
ratione materiae.”

21. Furthermore, contrary to what Nicaragua claimed the day before yesterday , in the 110

Saiga II judgment, the International Tribunal for the Law of the Sea did not use an inherent power

when it ruled on an application complaining of the failure to comply with its previous judgment

concerning the prompt release of the vessel. An application regarding the violation of one or more

articles of the Convention on the Law of the Sea was filed with the Tribunal. And it had

jurisdiction over any case involving the interpretation or application of the Convention’s

provisions .11

22. The step taken by the international courts and tribunals whose jurisdiction is independent

of the consent of the parties to the proceedings before them is infinitely smaller than the step

Nicaragua is inviting the Court to take by declaring itself to have an inherent power to rule on

compliance with its judgments. If the Court were to take such a step, it might discourage States

which are contemplating accepting the Court’s jurisdiction.

23. Not only would the wisdom of such a step be questionable; so too would its

compatibility with the Statute. How is it possible to consider the claim of an “inherent” power to

adjudicate disputes concerning international responsibility for the breach of the obligations in a

judgment, whose basis of jurisdiction is purportedly that same judgment  which the States are

entitled to regard as having definitively settled a case  as being consistent with a Statute that

bases the Court’s jurisdiction on the consent of the parties to submit clearly defined disputes to it?

24. Mr. President, Members of the Court, notwithstanding Nicaragua’s arguments at the

hearing the day before yesterday, Colombia continues to believe that Article L of the Pact of

109
European Court of Human Rights (ECHR), Meltex Ltd. v. Armenia, Application No. 45199/09, Judgment of
21 May 2013, para. 28.
11CR 2015/23, p. 56, para. 26 (Pellet).
111
International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS), Judgment of 1 July 1999, Saiga case (No. 2)
(Saint Vincent and Grenadines v. Guinea), para. 30. - 32 -

38 Bogotá is of importance in this case. Read in conjunction with Article 52, paragraph 2, of the

United Nations Charter (both articles are on the screen), this article states that, in all cases of

alleged non-compliance with a judgment of the Court, the American States parties to the Pact shall

make every possible effort to achieve pacific settlement at the regional level. To give full effect to

these two articles, the obligation to “make every effort” at the regional level and, in particular, for

the States parties to the Pact of Bogotá to seek a Meeting of Consultation of Ministers of Foreign

Affairs of the States parties to the Pact, must include not only instances where one party is

contemplating recourse to Article 94, paragraph 2, of the Charter, but also those where it is

contemplating recourse to the Court to claim that the alleged non-compliance entailed international

responsibility. Nicaragua, however, did not take any steps at the regional level before resorting to

the Court. Colombia respectfully submits this fact for the consideration of the Court.

25. The fourth and fifth preliminary objections of Colombia are thus confirmed.

26. Mr. President, Members of the Court, thank you for your patience. I ask you,

Mr. President, to give the floor to Mr. Bundy.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I now give the floor to Mr. Bundy.

M. BUNDY :

OBSERVATIONS FINALES

1. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour. Mes

collègues ayant abordé les assertions que le Nicaragua a formulées hier en ce qui concerne chacune

des exceptions préliminaires soulevées par la Colombie, c’est à moi qu’il revient de faire quelques

brèves observations finales.

2. Le Nicaragua a fondé ses prétentions sur deux chefs de compétence. Le premier est

112
l’article XXXI du pacte de Bogotá , autrement dit, le même que celui qui fut invoqué dans

l’affaire que la Cour a tranchée par son arrêt du 19 novembre 2012. Le second, que le Nicaragua a

invoqué à titre subsidiaire dans sa requête, repose sur une théorie originale, dont l’un des conseils

du Nicaragua a admis qu’elle n’était autorisée par aucune des dispositions du Statut ou du

112Requête du Nicaragua (RN), par. 16-17. - 33 -

113
39 Règlement de la Cour ni même du pacte de Bogotá . Cette théorie est que, même si l’affaire a été

pleinement et définitivement tranchée en 2012, puis supprimée du rôle des affaires pendantes

devant la Cour, «la compétence de la Cour», et je cite ici la requête du Nicaragua, «réside dans le

114
pouvoir qui est le sien de se prononcer sur les mesures requises par ses arrêts» .

3. La Colombie a quant à elle soulevé cinq exceptions préliminaires. Les trois premières

 l’absence de compétence ratione temporis, l’absence de différend et le manquement du

Nicaragua à l’obligation de remplir la condition [préalable] énoncée à l’article II du pacte  se

rapportent à l’absence de compétence de la Cour au titre du pacte de Bogotá.

4. Pour être précis, la Cour, si elle décide n’être pas compétente ratione temporis au titre de

l’article LVI du pacte, ce dont la Colombie est convaincue, n’a pas besoin de se pencher sur la

question de savoir s’il existait, objectivement, un différend entre les Parties sur l’objet des

demandes du Nicaragua à la date critique  soit la date de sa requête  ni, de même, de décider si

le Nicaragua a satisfait à la condition énoncée à l’article II du pacte avant d’introduire la présente

procédure. Toutefois, si la Cour devait souscrire à la lecture que fait le Nicaragua de l’article LVI,

et notamment du second alinéa qui est capital, la question ne serait pas pour autant réglée. En effet,

la Cour devrait encore décider s’il existait bien, objectivement, à la date critique, un différend entre

les Parties concernant les allégations présentées par le Nicaragua dans sa requête et si, dans ce cas,

les faits montrent que les Parties étaient d’avis, au 26 novembre 2013, que ce différend ne pouvait

pas être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires. Si

l’une ou l’autre de ces conditions n’étaient pas remplies, la Cour ne serait toujours pas compétente

au titre du pacte.

5. Les quatrième et cinquième exceptions soulevées par la Colombie sont liées et visent la

théorie de rechange que nous propose le Nicaragua pour fonder la compétence de la Cour. La

quatrième exception est que la Cour ne possède pas de «pouvoir inhérent» pour se prononcer sur

les actes requis par l’un de ses arrêts, et la cinquième est centrée sur le principe qu’elle n’a pas de

compétence en matière d’exécution de ses arrêts.

11CR 2015/23, p. 48, par. 11 (Pellet).

11RN, par. 18. - 34 -

40 6. Je pense que si le Nicaragua a invoqué cet autre chef de compétence, c’est, à l’évidence,

parce qu’il se rend compte de la fragilité des arguments qu’il a avancés pour tenter de fonder la

compétence de la Cour sur le pacte de Bogotá. Si le Nicaragua était aussi sûr qu’il le prétend que

la Cour tire sa compétence de cet instrument, il n’aurait pas eu besoin d’inventer sa théorie

singulière, voire révolutionnaire, du «pouvoir inhérent». Comme l’a expliqué M. Treves, le chef de

compétence subsidiaire invoqué par le Nicaragua est une bouée inutile car un tel «pouvoir

inhérent» n’existe pas en l’espèce.

7. J’ajouterai également que toutes les exceptions soulevées par la Colombie sont de nature

exclusivement préliminaire. Autrement dit, elles peuvent toutes être tranchées sur la base des faits

pertinents pour la question de la compétence.

8. Cela dit, il existe un facteur commun à chacune de ces exceptions et il concerne le

moment où la requête nicaraguayenne a été déposée. Je suis certain qu’il n’a pas échappé à la Cour

combien il est significatif que le Nicaragua ait déposé sa requête le 26 novembre 2013, soit le tout

dernier jour où il pouvait le faire selon son interprétation de l’article LVI du pacte.

9. Cette date n’avait aucun rapport avec la question de savoir si un différend existait

réellement entre les Parties à l’époque ; ni avec celle de savoir, dans le cas où il en aurait bien

existé un, si les Parties  ou même seulement le Nicaragua  considéraient que ce différend était

de ceux qui ne pouvaient être résolus au moyen de négociations. Non, Monsieur le président, la

date du 26 novembre 2013 a été choisie pour de simples raisons d’opportunité. Comme l’agent du

Nicaragua lui-même l’a reconnu : «Passée cette date, le Nicaragua n’aurait plus les mêmes

possibilités de recourir aux mécanismes de règlement de règlement pacifique des différends, qui

sont au cœur même du pacte de Bogotá» . Et c’est précisément parce qu’il y a toute une série de

raisons qui militent contre l’existence, à la date critique, d’une quelconque compétence de la Cour

au titre du pacte que le Nicaragua a dû inventer sa théorie de rechange du «pouvoir inhérent».

10. En ce qui concerne la question de savoir si la Cour a compétence ratione temporis, je me

contenterai d’ajouter un point à ce que sir Michael Wood a déjà dit.

115CR 2015/23, p. 15, par. 22 (Argüello Gómez). - 35 -

11. Comme l’a expliqué sir Michael, l’ajout d’un second alinéa à l’article LVI était une

41 nouveauté du pacte. Cet ajout aux dispositions des traités précédents était délibéré, et cela fut

souligné au cours des travaux préparatoires. Les Etats qui participaient aux négociations ont

manifestement envisagé le cas où des procédures de règlement des différends pourraient avoir été

introduites avant que l’une des parties au pacte ne dénonce celui-ci, et ils ont voulu s’assurer que

ces procédures continueraient après l’avis de dénonciation ; c’est à cela que sert le second alinéa de

l’article LVI. Par contre, cet article ne prévoit pas et ne dit pas que la dénonciation n’aura pas

d’effet sur les procédures entamées après la transmission de l’avis en question. Les négociateurs

auraient très bien pu prévoir qu’il en aille ainsi, mais ils se sont abstenus.

12. Vous pouvez voir à l’écran le texte du second alinéa de l’article LVI, que vous

connaissez bien. «La dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées avant

la transmission de l’avis en question.» [Les italiques sont de nous.]

13. Pour que l’interprétation du Nicaragua soit valable, il aurait fallu que le second alinéa

soit libellé comme suit : «La dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées

avant la date à laquelle le pacte cesse d’être en vigueur à l’égard de l’Etat qui l’a dénoncé.» [Les

italiques sont de nous.] Mais ce n’est manifestement pas ainsi qu’il a été libellé, ce qui prive de

tout fondement l’interprétation que le Nicaragua donne de cette disposition.

14. Se pose ensuite la question de savoir s’il existait entre les Parties un différend relatif aux

allégations contenues dans la requête du Nicaragua et, si tel était le cas, si ce différend ne pouvait

pas être résolu au moyen de négociations.

15. Selon l’agent du Nicaragua et M. Lowe, l’existence d’un différend était de notoriété

publique depuis le jour même du prononcé de l’arrêt  soit le 19 novembre 2012  par suite des

remarques faites par le président Santos immédiatement après la lecture de l’arrêt . Or, ainsi que

M. Reisman l’a montré, cela est totalement démenti par les déclarations qu’ont faites, dans l’année

qui a suivi, le président et les plus hautes autorités militaires du Nicaragua. La Cour ne trouvera

pas trace d’une seule accusation émanant de ces hauts responsables — il n’y en a aucune — et

116CR 2015/23, p. 17, par. 28 (Argüello Gómez) ; p. 42, par. 52 (Lowe). - 36 -

indiquant que pour eux un différend était né, que ce soit par suite des remarques du président

Santos ou pour une autre raison.

42 16. J’invite respectueusement la Cour à examiner les éléments disponibles dans leur

intégralité. Il existe un ensemble cohérent de déclarations émanant du président Ortega qui montre

exactement l’inverse de ce qu’affirment nos contradicteurs. J’ai fait référence à nombre d’entre

elles lundi, et le conseil du Nicaragua a soigneusement évité d’en mentionner la moindre hier.

Monsieur le président, il est parfois instructif d’écouter les silences.

17. Nous avons également entendu hier que les forces navales nicaraguayennes n’avaient pas

cherché à empêcher ce qui est présenté comme des patrouilles colombiennes illicites dans les eaux

117
nicaraguayennes, et que pour cette raison il n’y avait pas eu d’affrontement . Manifestement, le

Nicaragua souhaite s’attribuer le mérite de ce que la situation en mer était calme et libre

d’incidents, comme l’ont confirmé à plusieurs reprises ses plus hauts responsables militaires.

N’oublions cependant pas que c’est le président Ortega lui-même qui, le 13 août 2013, a attribué au

président de la Colombie, M. Santos, le mérite de la situation pacifique et de l’absence de tout

affrontement .118

18. Et n’oublions pas non plus que les deux présidents, Ortega et Santos, avaient réaffirmé,

non seulement à cette occasion mais à bien d’autres également, jusqu’au moment même du dépôt

de la requête, qu’ils étaient disposés à engager des négociations, et que la ministre colombienne des

affaires étrangères, Mme Holguín, avait déclaré expressément que la Colombie serait toujours

ouverte à la négociation d’un traité . J’espère avoir ainsi répondu à la question de mon cher ami

120
M. Lowe qui se demandait si la Colombie avait réagi aux offres du Nicaragua . Elle l’a bel et

bien fait.

19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il ressort du contexte factuel

que le moment choisi par le Nicaragua pour déposer sa requête était un artifice. Si le Nicaragua a

déposé sa requête au moment où il l’a fait, c’est parce qu’approchait la date à laquelle il croyait

117
CR 2015/23, p. 14, par. 20 (Argüello Gómez).
118EPC, annexe 11 ; CR 2015/22, p. 33-34, par. 11 (Bundy).

119CR 2015/22, p. 34, par. 11 (Bundy) ; EEN, annexe 8 ; MN, annexe 40.
120
CR 2015/23, p. 43, par. 56 (Lowe). - 37 -

qu’il ne lui serait plus possible d’introduire une procédure au titre du pacte. Or, à ce moment-là, il

n’y avait pas le moindre élément susceptible de donner à penser qu’il existait un différend entre les

Parties concernant les allégations qui ont été formulées pour la première fois dans la requête, ni que

les Parties ne pouvaient régler les questions liées à l’exécution de l’arrêt au moyen de négociations.

43 C’est pour cela, comme je l’ai déjà dit, que M. Pellet nous a exposé hier cette autre théorie, tirée

par les cheveux, du pouvoir inhérent. Elle est supposée jouer le rôle de filet de sécurité pour le cas

où le Nicaragua ne pourrait démontrer qu’il a rempli les conditions requises pour introduire une

procédure au titre du pacte. Cependant, aussi novateur que soit l’exposé de M. Pellet, il ne peut

créer un fondement de compétence là où il ne peut y en avoir.

20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la Colombie croit fermement

que la juridiction de la Cour doit être fondée sur le principe fondamental du consentement, ce qui

inclut toute condition liée à ce consentement. Nous avons démontré qu’en l’espèce le

consentement de la Colombie à la juridiction de la Cour n’existait pas au titre du pacte de Bogotá et

que rien ne permettait d’inférer son existence de la théorie nicaraguayenne du «pouvoir inhérent».

Monsieur le président, ainsi s’achèvent mes observations. Je remercie la Cour pour son

attention et vous prie de bien vouloir donner à présent la parole à l’agent de la Colombie. Je vous

remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Bundy. I now give the floor to H.E. Mr. Carlos

Gustavo Arrieta, Agent of Colombia.

M. ARRIETA :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ceci étant notre dernière

plaidoirie en l’espèce et puisque le Nicaragua a formulé des accusations à l’encontre de la position

de la Colombie qui viserait à remettre en question l’autorité de la Cour et à rejeter son arrêt du

19 novembre 2012, je tiens à souligner deux points très importants avant de présenter nos

conclusions finales :

 Premièrement, la Colombie rejette vigoureusement la propension du Nicaragua à déformer les

discours et déclarations des responsables colombiens. Comme le Nicaragua l’a reconnu hier,

ce qu’il a essayé de faire n’est rien d’autre qu’un «coup bas». A notre sens, ce n’est même pas - 38 -

ça ; ce sont des interprétations purement et simplement mensongères de ces déclarations.

Monsieur le président, permettez-moi de donner une précision. Il est vrai que l’opinion

publique colombienne n’est pas d’accord avec certains aspects de l’arrêt ; la Colombie est,

après tout, une démocratie, et le Nicaragua semble oublier que débattre démocratiquement

d’une décision de justice ne signifie en rien la défier. Appliquer un système dualiste à la

question des frontières n’est pas non plus un pêché, et nous sommes fiers de notre système

constitutionnel. Mais ce qui doit être bien clair avant tout, c’est que la Colombie est d’abord et

surtout un pays respectueux de la loi et, ensuite, qu’elle est résolue à ce que l’arrêt soit mis en

œuvre. Notre Cour constitutionnelle, dont les décisions sont finales, a déclaré que les arrêts de

44 la Cour internationale de Justice avaient force obligatoire, qu’ils devaient être intégrés au

moyen de traités lorsqu’ils concernaient nos frontières et que nous avions le devoir de les

négocier. Tel est l’Etat de droit. Et telle est la façon dont nous allons procéder sur le plan

interne ; contrairement à ce qu’a dit le Nicaragua, nous n’utilisons pas le droit interne pour

nous soustraire à nos obligations.

 Deuxièmement, comme l’a Colombie n’a cessé de le dire depuis novembre 2012, la mise en

œuvre de l’arrêt passe par la négociation. La délégation nicaraguayenne semble enfin s’aligner

sur les déclarations du président Ortega. La Colombie tient à lui confirmer et à vous confirmer

ce que nous avons toujours dit : nous sommes prêts à rencontrer le Nicaragua à tout moment et

autant qu’il le faudra pour négocier un traité permettant la mise en œuvre de la décision de la

Cour. C’est ce que nous voulons depuis le début. Je suis heureux que la délégation

nicaraguayenne l’ait accepté et j’espère qu’elle montrera à la Cour que cette position n’est pas

purement rhétorique.

2. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’ai maintenant l’honneur de

vous donner lecture officiellement des conclusions finales de la Colombie, qui sont les suivantes :

«Pour les raisons exposées dans ses écritures et ses plaidoiries relatives aux
exceptions préliminaires, la République de Colombie prie la Cour de dire et juger
qu’elle n’a pas compétence pour connaître de l’instance introduite par la requête du
Nicaragua en date du 26 novembre 2013 et que ladite requête doit être rejetée.»

3. Un exemplaire du texte écrit des conclusions finales de la Colombie est maintenant

communiqué à la Cour et transmis à l’agent du Nicaragua. - 39 -

4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi avant de

conclure d’exprimer, au nom de tous les membres de la délégation colombienne, nos

remerciements à vous-même, Monsieur le président, et à Mesdames et Messieurs de la Cour pour

l’attention que vous nous avez accordée et l’efficacité avec laquelle les travaux ont été préparés et

conduits. Nous sommes extrêmement reconnaissants à tous les intéressés, au greffier et à son

personnel, aux interprètes, aux traducteurs et à tous ceux qui ont travaillé si dur dans les coulisses

pour que ces audiences aient lieu.

5. Monsieur le président, ainsi se termine la plaidoirie de la Colombie. Je vous remercie.

45 The PRESIDENT: Thank you, Excellency. The Court takes note of the final submissions

which you have just read out on behalf of Colombia. Nicaragua will present its second round of

oral argument on Friday 2 October, at 10 a.m.

The Court is adjourned.

The Court rose at 5.45 p.m.

___________

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