Opinion individuelle de M. Read (traduction)

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019-19540615-JUD-01-02-EN
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019-19540615-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. READ

[TradzlctionJ
Dans cette affaire, il ne m'est pas possible de me joindre à la

Cour sur l'une des constatations qu'elle a faites, bien que je sois
d'accord avec elle sur le dispositif de l'arrêt et, d'une manière
générale,sur les motifs qui le justifient. Il s'agit de la constatation
que, dans les rapports entre les États. défendeurs et l'Italie, la
requête est conforme à l'offre de se soumettre à la juridiction de la
Cour contenue dans la déclaration de Washington.
S'il n'y a pas de doute que la Cour soit compétente pour traiter
de cette question, je ne crois pas qu'elle devrait la trancher au
stade actuel.
Pour commencer, il est inutile de faire cette constatation pour
justifier le dispositif de l'arrêt.
Mais il y a une raison beaucoup plus péremptoire pour s'abstenir

de trancher la question à ce stade. Elle n'est pas mentionnée dans
les conclusionsfinales des Parties et aucune d'entre ellesn'a demandé
une constatation sur ce point. En outre, la question n'a pas été
complètement discutée dans les écritures et dans les plaidoiries. Je
suis liépar le principe de droit international qui aétéadopté par la
Cour - dans l'affaire Ambatielos (compétence), C. 1. J. Recueil
1952 p,.45 - et énoncécomme suit :

(Le point soulevéici n'a pas encore étécomplètement débattu
par les Parties, et, par conséquent,il ne peut être tranchéau stade
actuel.»
En conséquence, je suis d'avis que ce point ne devrait pas être
tranché au stadc actuel. Néanmoins, comme on en a traité et que

je ne suis pas d'accord avec les conclusions auxquelles on est amvé
sur ce point, je dois en donner mes raisons.
La déclaration de Washington définit l'objet du différend et la
portée de laVrequête que devra présenter l'Italie. A ce point de vue,
la requête est conforme à l'offre. Cet aspect du problème a été
complètement débattu et mêmen'a soulevéaucun différend. Mais
la déclaration ne prescrit pas quelles seront les Partiesa procédure
ouverte à l'Italie. Elle contient la dispositisuivante :

(Les Gouyernements de la Républiquefrançaise, du Royaume-
Uni et des Etats-Unis déclarent qu'ils accepterontcomme défen-
deurs la juridiction de la Cour, aux fins de statuer sur le recours
introduit par l'Italie ou par l'Albanie ou par toutes deux».

Il est clair que cette disposition ne signifie pas nécessairement que
les trois Gouvernements aient étéenvisagéscomme les seuls défen-deurs, ni mêmequ'elle suggèrecette idée.L'examen dela déclaration
dans son ensemble montre qu'elle ne contient aucune disposition

qui empêche l'Italie de citer dans la requête toutes les Parties
nécessairespour permettre à la Cour de statuer sur les questions
énoncéesdans la clause b).
D'autre part, la déclaration prescrit en termes précisla nature de
la requête quel'Italie doit présenter pour se conformer à ses termes.
L'offre des trois Gouvernements d'accepter comme défendeurs la
juridiction de la Cour n'était pas une offre générale: elle a étéfaite
uniquement « aux fins de statuer sur le recours introduit par l'Italie
ou par l'Albanie ou par toutes deux ». Les mots «le recours » se
réfèrentà la clause b) de la déclaration, qui se sert des termes sui-
vants :

«b) L'Italie ait saisi la Courinternationale de Justice en vue de
décidersi »,

puis énonce l'objet et la portée de la question. Ces termes sont
clairs et non équivoques. 11ssignifient que l'Italie doit saisir la Cour
en vue de décider de laquestion. Ils ont un sens naturel et ordinaire :
ils visent une requête de telle nature que la question puisse être
tranchée. En leur sens naturel et ordinaire, on ne peut les interpréter
comme autorisant ou obligeant l'Italieà présenter une requête d'une
nature telle qu'il soit juridiquement impossible à la Cour de statuer
sur la question.
Aucune difficultéjuridique n'empêchait l'Italie de présenter une
requêteen vertu de laquelle la Cour serait en mesure de statuer sur
la question.
En conséquence, je suis contraint de conclureque l'Italie, en pré-

sentant une requête dans laquelle l'Albanie n'est pas citéecomme
partie, n'a pas présentéun recours en vue de décider sur les ques-
tions et, par conséquent, qu'elle ne s'est pas conforméeaux termes
de l'offre énoncéedans la déclaration de Washington. En même
temps, comme l'Albanie était une partie nécessaireet indispensable
à la procédure, la requête n'était pas conforme aux dispositions de
l'article0 (paragraphe 1)du Statut et de l'article 32 (paragraphe 2)
du Règlement. En conséquence,la requêtepar laquelle la procédure
a étéintroduite était frappée d'un vice fondamental.

(Signé) John E. READ.

Bilingual Content

INDIVIDUAL OPINION BY JUDGE READ

In this case, whil1am in agreementwith the operative provisions
of the Judgment and, in general, with the reasoning by which they
are justified, 1 am unable to concur in one finding which has been
made by the Court. This is a finding that in the relation between
the respondent States and Italy, the Application is in conformity
with the offer to submit to the jurisdiction of the Court contained
in the Washington Statement.
While there can be no doubt that the Court is competent to
deal with this question, 1do not think that it should be decided at
this stage.
To begin with, it is unnecessary to make this finding in order to
justify the operative judgment of the Court.
There is,however, a much more compelling reason for not
deciding the point at this stage. It is not dealt with in the final
submissions of the Parties and none of the Parties has requested

a finding on this point.Further, it has not been fully argued during
the written or oral proceedings. 1 am bound by the principle of
international law which was adopted by this Court-in the
Ambatielos caçe (jurisdiction), I.C.J. Reports 1952, p. 45-and
stated as follows :
"The point raised here has not yet been fully argued by the
Parties, and cannot, therefore, be decided at this stage."

Accordingly, 1 am of the opinion that this point should not be
decided at this stzge. Nevertheless, as it has been dealt with, and
as 1 do not agree with the conclusion which has been reached on
this point, it is necessary for me to state my reasons.
The Washington Statement prescribes the subject-matter of the
dispute and the scope of the proposed application by Italy. The
Application complies with the offer in this regard. This aspect of
the problem has been fully argued and, indeed, it has given rise
to no dispute. But the Statement does not prescribe the Parties to
the procedure which it made available to Italy. It contained the
following provision :

"The ~ovekrnents of the French Republic, the United Kingdom
and the United States declare that they will accept as defendants
the jurisdiction of the Court for the purposofthe determination
of such applications by Italy or by Albania or by both."

Itis clear that this provision does not require or even suggest
that the three Govemmerits were intended to be the solerespondents. OPINION INDIVIDUELLE DE M. READ

[TradzlctionJ
Dans cette affaire, il ne m'est pas possible de me joindre à la

Cour sur l'une des constatations qu'elle a faites, bien que je sois
d'accord avec elle sur le dispositif de l'arrêt et, d'une manière
générale,sur les motifs qui le justifient. Il s'agit de la constatation
que, dans les rapports entre les États. défendeurs et l'Italie, la
requête est conforme à l'offre de se soumettre à la juridiction de la
Cour contenue dans la déclaration de Washington.
S'il n'y a pas de doute que la Cour soit compétente pour traiter
de cette question, je ne crois pas qu'elle devrait la trancher au
stade actuel.
Pour commencer, il est inutile de faire cette constatation pour
justifier le dispositif de l'arrêt.
Mais il y a une raison beaucoup plus péremptoire pour s'abstenir

de trancher la question à ce stade. Elle n'est pas mentionnée dans
les conclusionsfinales des Parties et aucune d'entre ellesn'a demandé
une constatation sur ce point. En outre, la question n'a pas été
complètement discutée dans les écritures et dans les plaidoiries. Je
suis liépar le principe de droit international qui aétéadopté par la
Cour - dans l'affaire Ambatielos (compétence), C. 1. J. Recueil
1952 p,.45 - et énoncécomme suit :

(Le point soulevéici n'a pas encore étécomplètement débattu
par les Parties, et, par conséquent,il ne peut être tranchéau stade
actuel.»
En conséquence, je suis d'avis que ce point ne devrait pas être
tranché au stadc actuel. Néanmoins, comme on en a traité et que

je ne suis pas d'accord avec les conclusions auxquelles on est amvé
sur ce point, je dois en donner mes raisons.
La déclaration de Washington définit l'objet du différend et la
portée de laVrequête que devra présenter l'Italie. A ce point de vue,
la requête est conforme à l'offre. Cet aspect du problème a été
complètement débattu et mêmen'a soulevéaucun différend. Mais
la déclaration ne prescrit pas quelles seront les Partiesa procédure
ouverte à l'Italie. Elle contient la dispositisuivante :

(Les Gouyernements de la Républiquefrançaise, du Royaume-
Uni et des Etats-Unis déclarent qu'ils accepterontcomme défen-
deurs la juridiction de la Cour, aux fins de statuer sur le recours
introduit par l'Italie ou par l'Albanie ou par toutes deux».

Il est clair que cette disposition ne signifie pas nécessairement que
les trois Gouvernements aient étéenvisagéscomme les seuls défen-An examination of the entire Statement shows that there isnothing
therein contained to preclude Italy from naming in the Application
al1 of the Parties necessary to enable the Court to dispose of the

questions which are set forth in clause (b).

On the other hand, the Statement prescribes, in precise language,
the nature of the application that Italy must make in order to
comply with its terms. The offer of the three Govemments to
accept as defendants the jurisdiction of the Court was not general :
it was solely "for the purpose of the determination of such appli-
cations by Italy or by Albania or by both". The words "such
applications" refer to clause (b) of the Statement, which uses the
following words :

"(b) Italy makes an application to the International Court of
Justice for the determination of the question"
and then proceeds to state the subject-matter and scope of the
question. These words are clear and unambiguous. They require
Italy to make an application for the determinationof the question.

They have an ordinary and natural meaning : an application of
such a nature that the question can be determined. They cannot,
in their ordinary and natural meaning, be constnied as authorizing
or requiring Italy to make an application of such a nature that it
is legally impossible for the Court to decide the question.
There was no legal difficiilty preventing Italy from making an
application in which the Court would be able to determine the
question.
Accordingly, 1 am compelled to reach the conclusion that Italy,
in making an application in which Albania was not named as a
party, failed to make an application for the determination of the
questions and consequently failed to comply with the terrns of the
offer set forth in the Washington Statement. At the same time, as
Albania was a necessary and indispensable party tothe proceedings,
the Application did not comply with the provisions of Article 40 (1)
of the Statute and Article 32 (2) of the Rules. Accordingly, there
these
was a fundamental defect in the Application by which
proceedings were commenced.

(Signed) John E. READ.deurs, ni mêmequ'elle suggèrecette idée.L'examen dela déclaration
dans son ensemble montre qu'elle ne contient aucune disposition

qui empêche l'Italie de citer dans la requête toutes les Parties
nécessairespour permettre à la Cour de statuer sur les questions
énoncéesdans la clause b).
D'autre part, la déclaration prescrit en termes précisla nature de
la requête quel'Italie doit présenter pour se conformer à ses termes.
L'offre des trois Gouvernements d'accepter comme défendeurs la
juridiction de la Cour n'était pas une offre générale: elle a étéfaite
uniquement « aux fins de statuer sur le recours introduit par l'Italie
ou par l'Albanie ou par toutes deux ». Les mots «le recours » se
réfèrentà la clause b) de la déclaration, qui se sert des termes sui-
vants :

«b) L'Italie ait saisi la Courinternationale de Justice en vue de
décidersi »,

puis énonce l'objet et la portée de la question. Ces termes sont
clairs et non équivoques. 11ssignifient que l'Italie doit saisir la Cour
en vue de décider de laquestion. Ils ont un sens naturel et ordinaire :
ils visent une requête de telle nature que la question puisse être
tranchée. En leur sens naturel et ordinaire, on ne peut les interpréter
comme autorisant ou obligeant l'Italieà présenter une requête d'une
nature telle qu'il soit juridiquement impossible à la Cour de statuer
sur la question.
Aucune difficultéjuridique n'empêchait l'Italie de présenter une
requêteen vertu de laquelle la Cour serait en mesure de statuer sur
la question.
En conséquence, je suis contraint de conclureque l'Italie, en pré-

sentant une requête dans laquelle l'Albanie n'est pas citéecomme
partie, n'a pas présentéun recours en vue de décider sur les ques-
tions et, par conséquent, qu'elle ne s'est pas conforméeaux termes
de l'offre énoncéedans la déclaration de Washington. En même
temps, comme l'Albanie était une partie nécessaireet indispensable
à la procédure, la requête n'était pas conforme aux dispositions de
l'article0 (paragraphe 1)du Statut et de l'article 32 (paragraphe 2)
du Règlement. En conséquence,la requêtepar laquelle la procédure
a étéintroduite était frappée d'un vice fondamental.

(Signé) John E. READ.

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