Opinion individuelle de M. Hsu Mo (traduction)

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005-19511218-JUD-01-02-EN
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005-19511218-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU MO
[Traduction].

Je suis d'accord avec la Cour sur sa conclusion que la méthode
des lignes droites, employée par le décret royal norvégien du
12 juillet1935 pour la délimitation de la zone de pêche,n'est pas
contraire au droit international. Mais je regrette de ne pouvoir
partager l'opinion de la Cour selon laquelle les lignes droites de
base fixéespar ce décret sont toutes conformes aux principes du
droit international.
Il est nécessairede faire ressortir le fait que la méthode employée

par la Norvège pour délimiter sa mer territoriale du nord, en tirant
des lignes droites de point en point, d'île en île, constitue une
déviation de ce qui me paraît être une règlegénéralededroit inter-
national, à savoir que, hormis le cas des baies et des îles, il faut en
principe mesurer la ceinture des eaux territoriales à partir de la
ligne de côte à marée basse. Dans certaines conditions, le droit
international permet de s'écarter de cette règle générale. Lorsque
ces déviations peuvent se justifier, les autres Etats sont dans l'obli-
gation de les reconnaître. La Norvège est fondée à faire usage de la
méthode des lignes droites, àraison de ses conditions géographiques
particulières et d'une pratique antérieure constante à laquelie a
acquiescé la communauté internationale dans son ensemble. A
défaut de tels faits physiques et historiques, il faudrait tenir pour

contraire au droitinternational la méthode employéepar la Norvège
dans son décret de 1935. Donc, en examinant la question de la
validité ou de la non-validité des lignes de base que la Norvège a
tracées,il faut se souvenir qu'il y a lieu de prendre en considération
non pas tant l'application directe de la règlegénéraleque l'ampleur
de la déviation apportée à cette règlegénérale.Il s'agit dans chaque
cas de savoir dans quelle mesure la ligne s'écartede la configuration
de la côte et si une telle déviation, en vertu du système dont, comme
le dit à juste titre la Cour, la Norvège a fait la preuve, doit être
reconnue comme étant nécessaireet raisonnable.
Par consbquent, il n'est pas possible de procéder à un examen de
chaque ligne de base en laissant complètement de côtéla ligne de
la côte. Quelle que soit la manière de déterminer la ceinture des

eaux temtoriales, il reste toujours vrai que la mer territoriale doit
son existence à la terre et n'en peut êtrecomplètement détachée.
La Norvège elle-mêmereconnaît que les lignes de base doivent être
tracées d'une manière raisonnable et doivent se conformer à la
direction "énéralede la côte.
Adoptéeparla Norvège elle-mêmeet constituant un des éléments
du système établipar celle-ci, l'expression(se conformer à la direc-
tion généralede la côte ))ne devrait pas recevoir une interprétation OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU MO I55
trop libcrale, libcrale au point d'ignorer presque complètement la

ligne de la côte. On ne saurait l'interpréter comme signifiant que la
Norv6ge est libre de tracer des lignes droites de la manière qui lüi
plaît,;'condition qu'elles n'équivalent pas àune déformation voulue
(lu contour gCnCralde la côte considCrCedans son ensemble. Il faut
I'interprCter à la lumière des conditions locales pour chaque secteur
à l'aide d'une carte à relativement grande échelle. Si les termes
((se conformer à la direction générale dela côte ))ont un sens juridi-
que quelcon(lue, ils doivent signifier que les lignes de base, pour
îttre droites, n'en doivent pas moins suivre autant que possible la
configuration de la côte et ne devraient pas sans nécessitéou raison

traverser de grandes étendues d'eau sans tenir compte des côtes ou
îles qui s'y trouvent.
Examinant les divers secteurs de la mer territoriale, telle qu'elle
a étitdélimitéepar le décret de 1935 e constate deux casévidents
où l'on ne peut considérerle tracé de la ligne de base comme justifié.
Il s'agit de la ligne de base entre les points II et 12, qui traverse
le Svaerholthavet, et de la ligne de base entre les points 20 et 21,
qui traverse le Lopphavet.
Dans le premier cas, la ligne de base, dont la longueur atteint
39 milles, enferme, comme eaux intérieures norvégiennes, un
iarge espace de mer. La question à résoudre ici est celle de

savoir s'il faut considérer cette ligne comme la ligne de fermeture
d'une baie, ou s'il s'agit simplement d'une ligne reliant un point
de base à un autre. Dans la première hypothèse, il sera nécessaire
de décider sila régionen cause constitue une baie au sens du droit
international. A mon avis, cette régiongroupe un ensemble de baies,
petites et grandes, huit en tout, mais elle ne constitue pas une
baie en elle-même.Elle ne constitue pas une baie en elle-même
tout simplement parce qu'elle ne présente pas la forme d'une baie.
Traiter comme une seule entité un certain nombre de baies
adjacentes et ignorer ainsi complètement leurs lignes de fermeture
respectives, conduirait à créer une baie artificielle et fictive qui

ne répondrait pas aux conditions d'une baie soit au sens physique,
soit au sensjuridique. Aucune règlede droit international n'autorise
la création de baies de cette nature.
Selon l'agent du Gouvernement norvégien, le fait que la péninsule
du Sværholt avance dans les eaux dont il s'agit, formant ainsi les
deux fjords de Laksefjord et de Porsangerfjord, ne saurait enlever
à ces eaux leur caractère de baie. Mais du point de vue géographique
et juridique, c'est précisément l'existence de cette péninsule qui
fait de ces deux fjords des baies séparéeset distinctes ;c'est ce fait,
avec les saillants des plus petites péninsulessituées de chaque côté
des deux fjords, qui confère à cette partie de la côte (le secteur

situé entre les points II et 12) le caractère non d'une baie, mais
simplement d'un infléchissement,d'une grande concavitéforméepar
les lignes de fermeture de plusieurs baies indépendantes. La nature
ayant créé uncertain nombre de baies voisines mais distinctes
43 OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU MO 15~
l'une de l'autre, l'État riverain ne saurait, par un acte de sa
souveraineté, les transformer en une seule baie en traçant une

longue ligne entre les deux points extrêmes.
Si la ligne de base du Sværholthavet n'est pas la ligne de ferme-
ture d'une baie, elle ne peut nécessairement être que l'une des
lignes droites reliant un point de baseà un autre. Mais alors, je ne
vois pas comment cette ligne peut êtreconsidérée comme conforme
à la direction générale de la côte. Pour suivre la configuration
générale dela côte, elle devrait tenir compte tout au moins de
certains des poi~ts qui sont les points de départ ou d'arrivéedes
lignes de fermeture des baies qu'elle enferme actuellement. Laisser
de côté tous les points de terre situésentre les deux points extrê-
mes II et12, et enclore toutela concavitéen traçant une seule ligne
de longueur excessive équivaudrait à utiliser la méthode de la ligne
droite pour reporter plus au large les quatre milles de la mer terri-
toriale. Appliquer ainsi la méthode ne saurait, à mon avis, être
-- -
considéré commeraisonnable.
Dans le cas du Lopphavet, la ligne qui relie les points 20 et 21
et qui a une longueur de 44 milles affecte une zone de mer de
quelques centaines de milles carrés. La Norvège ne prétend pas
que cette étendue d'eau soit une baie, et, en effet, mêmeavec un
effort d'imagination, on ne saurait la considérer comme une baie.
Le Lopphavet n'étant pas une baie, il n'y a pas de motif juridique
qui permette à la ligne de base de ne pas tenir compte des deux îles
importantes de Loppa et de Fugloy, dont chacune forme une unité
du ((skjærgaard ». En laissant de côtéces deux îles, la ligne de base
s'écarte de toute évidencetrop de la direction générale dela côte.
Pour ce motif, on ne saurait la considérer comme justifiable.
L'agent du Gouvernement norvégiena fait observer en plaidoirie
que le bassin du Lopphavet conduisait à l'lndreleia, qui doit être

considéré commefaisant partie des eaux intérieures norvégiennes.
Je ne pense pas que lJIndreleia ait rieà faire avec la régiondont
il s'agit. En effet, lJIndreleia, d'après les cartes produites par le
Gouvernement norvégien, traverse le Kaagsund entre les îles
d'Amoy et de Kaagen et se dirige vers le nord et le nord-est, entre
les îles de Loppa et de Loppakalven d'une part, et le continent
de l'autre, s'infléchissantfinalement vers leSoroysund. Il ne traverse
absolument pas le Lopphavet au dela des îles d'Arnoy, de Loppa
et de Soroy. En conséquence, il n'emprunte aucune partie de
l'immense étendue de ce secteur que la longue ligne de base enclôt
comme eaux intérieures norvégiennes.
J'ai examinéjusqu'ici la question de la validité des deux lignes

de base, celle qui affecte le Sværholthavet et celle qui concerne
le Lopphavet, en me plaçant exclusivement au point de vue de
leur conformité ou de leur non-conformité avec la direction générale
de la côte. Il me reste à considérer si la Norvège peut fonder sur
des motifs historiques sa prétention sur ces deux régions. A mon OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU hl0 I.57

avis, et malgré tous les documents produits par elle, elle n'est pas
parvenue à démontrer l'existence d'un titre historique sur les eaux
dont il s'agit.
A l'appui d'un titre historique, la Norvège a invoqué la pêche
habituelle, pratiquée par la population locale, et l'interdictione
pêcheaux étrangers. En ce qui concerne la pratique de la pêche
par les habitants de la côte, il me suffit de faire remarquer que

des personnes privées, prenant elles-mêmesl'initiative de certaines
entreprises, dans leur propre intérêtet sans délégationd'autorité
de leur gouvernement, ne sauraient conférerun droit de souverai-
neté à l'État, mêmesi le temps s'est écoulé et même enl'absence
de réaction violente de la part de ressortissants étrangers. Quant
à l'interdiction de pêcheaux étrangers, édictéepar le Gouverne-
ment norvégien,il s'agitlà indiscutablement d'une espèced'activité
étatique qui milite en faveur de la prétention norvégienne fondée
sur la prescription. Mais les rescrits dont elle se prévaut con-
tiennent un vice fatal : le manque de précision. En effet, ils ne
parviennent pas à montrer quels sont les espaces de mer préciset
bien définisauxquels l'interdiction s'appliquaiet sur lesquels elle
a étéréellement mise en vigueur. Or, la précision est essentielle
à une prétention, déduite de la prescription, sur des espaces de
mer qui, sinon, seraient compris dans la haute mer.
En ce qui concerne les autorisations de pêche accordées à trois
reprises, vers la fin du xvrrmésiècle, par le roi de Danemark

et de Norvège, à Erich Lorch, lieutenant de vaisseau de la
marine de Danemark et de Norvège, je ne les crois pas suffisantes
pour conférer à la Norvège un titre historique sur le Lopphavet.
En preniierlieu,l'octroi par le souverain de Danemark et de Norvège,
à l'un de ses propres sujets, de ce qu'à l'époque on crut être un
privilège spécial, ne saurait être considéré commepreuve con-
cluante de l'acquisition sur le Lopphavet d'un titre historique
opposable à tous les États étrangers. En second lieu, les conces-
sions étaient limitées aux espaces d'eau situés près de certains
rochers et ne couvraient pas l'ensemble de la régiondu Lopphavet.
Enfin, il n'y a pas de preuve que les concessions aient éexploitées
de manière à exclure toute participation d'étrangers pendant une
période suffisamment prolongéepour que le Gouvernement nor-
végien puisse en tirer, sur le Lopphavet, certains droits au titre
de la prescription.
J'amve donc à la conclusion que ni le critère de la conformité

avec la direction généralede la côte ni les motifs historiques ne
permettent de justifier, d'après les principes du droit international,
les deux lignes de base tirées respectivement à travers le Svær-
holthavet et le Lopphavet.

(Szgd) Hsu Mo.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE HSU MO

1 agree with the finding of the Court that the method of straight
lines used in the Xorwegian Royal Decree of July ~zth, 1935, for
the delimitation of the fisheries zone, is not contrary to inter-
national law. But 1 regret that 1 am unable to share the view of
the Court that al1 the straight base-lines fixed by that Decree are
in conformity with the principles of international law.

It is necessary to emphasize the fact that Nonvay's method of
delimiting the belt of her northern territorsea by drawing straight
lines between point and point, island and island, constitutes a
deviation from what 1 believe to be a general rule of international
law, namelv, that, apart from cases of bays and islands, the belt
of territorial sea should be measured, in principle, fromthe line of

the coaçt at low tide. International law permits, in certain circum-
stances, deviations from this general rule. Where the deviations
are justifiable, they must be recognized by other States. Norway
is justified in using the method of straight lines because of her
special geographical conditions and her consistent past practice
which is acquiesced in by the international community as a whole.
But for such physical and historical facts, the method employed by
Nonvay in her Decree of 1935 would have to be considered to be
contrary to international law. In examining, therefore, the ques-
tion of the validity or non-validityof the base-linesactually drawn
by Nonvay, it must be borne in mind that it is not so much the
direct application of the general rule as the degree of deviation
from the general rule that is to be considered. The question in
each case is : how far the line deviates from the configuration of
the coast and whether such deviation, under the system which the
Court has correctly found Norway to have established, should be
recognized as being necessary and reasonable.

The examination of each base-line cannot thus be undertaken in

total disregard of the coast line. In whatever way the belt of terri-
torial sea may be deterrnined, it always remains true that the tem-
torial sea owes its existence to land and cannot be completely
detached from it. Norway herself recognizes that the base-hies
must be drawn in a reasonable manner and must conform to the
general direction of the coast.

The expression "to conform to the general direction of the coast",
being one of Nonvay's own adoption and constituting one of the
elements of a system established by herself, should not be given a
42 OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU MO
[Traduction].

Je suis d'accord avec la Cour sur sa conclusion que la méthode
des lignes droites, employée par le décret royal norvégien du
12 juillet1935 pour la délimitation de la zone de pêche,n'est pas
contraire au droit international. Mais je regrette de ne pouvoir
partager l'opinion de la Cour selon laquelle les lignes droites de
base fixéespar ce décret sont toutes conformes aux principes du
droit international.
Il est nécessairede faire ressortir le fait que la méthode employée

par la Norvège pour délimiter sa mer territoriale du nord, en tirant
des lignes droites de point en point, d'île en île, constitue une
déviation de ce qui me paraît être une règlegénéralededroit inter-
national, à savoir que, hormis le cas des baies et des îles, il faut en
principe mesurer la ceinture des eaux territoriales à partir de la
ligne de côte à marée basse. Dans certaines conditions, le droit
international permet de s'écarter de cette règle générale. Lorsque
ces déviations peuvent se justifier, les autres Etats sont dans l'obli-
gation de les reconnaître. La Norvège est fondée à faire usage de la
méthode des lignes droites, àraison de ses conditions géographiques
particulières et d'une pratique antérieure constante à laquelie a
acquiescé la communauté internationale dans son ensemble. A
défaut de tels faits physiques et historiques, il faudrait tenir pour

contraire au droitinternational la méthode employéepar la Norvège
dans son décret de 1935. Donc, en examinant la question de la
validité ou de la non-validité des lignes de base que la Norvège a
tracées,il faut se souvenir qu'il y a lieu de prendre en considération
non pas tant l'application directe de la règlegénéraleque l'ampleur
de la déviation apportée à cette règlegénérale.Il s'agit dans chaque
cas de savoir dans quelle mesure la ligne s'écartede la configuration
de la côte et si une telle déviation, en vertu du système dont, comme
le dit à juste titre la Cour, la Norvège a fait la preuve, doit être
reconnue comme étant nécessaireet raisonnable.
Par consbquent, il n'est pas possible de procéder à un examen de
chaque ligne de base en laissant complètement de côtéla ligne de
la côte. Quelle que soit la manière de déterminer la ceinture des

eaux temtoriales, il reste toujours vrai que la mer territoriale doit
son existence à la terre et n'en peut êtrecomplètement détachée.
La Norvège elle-mêmereconnaît que les lignes de base doivent être
tracées d'une manière raisonnable et doivent se conformer à la
direction "énéralede la côte.
Adoptéeparla Norvège elle-mêmeet constituant un des éléments
du système établipar celle-ci, l'expression(se conformer à la direc-
tion généralede la côte ))ne devrait pas recevoir une interprétation I.55 SEPARATE OPINION OF JUDGE HSU MO

too liberal interpretation, so liberal that the coast line is almost
completely ignored. It cannot be interpreted to mean that Norway
is at liberty to draw straight lines in any way she pleases provided
they do not amount to a deliberate distortion of the general outline
of the coast when vieweti as a whole. It must be interpreted in the
light of the local conditions in each sector with the aid of a relat-
ively large scale chart. If the words "to conform to the general
direction of the coast" have any meaning in law at all, they must
mean that the base-lines, straight as they are, should follow the

configuration of the coast as far as possible and should not unne-
cessarily and unreasonably traverse great expanses of water, taking
no account of land or islands situated within them.

Having examined the different sectors of the territorial sea as
delimited by the Decree of 1935, 1 find two obvious cases in lvhich
the base-line cannot be considered to have been justifiably drawn.
1 refer to the base-line between points II and 12, which traverses
Sværholthavet, and the base-line between points 20 and 21, which
runs across Lopphavet.
In the former case, the base-line, being 39 miles long, encloses a
large area of the sea as Norwegian interna1 waters. The question

to be determined here is whether the line is to be considered as
the closing line of a bay or whether it is simply a line joining one
base-point to another. If it is the former, it will be necessary to
determine whether the area in question constitutes a bay in inter-
national law. In my opinion, the area is a combination of bays,
large and small, eight in ail, but not a bay in itself. It is not a bay
in itself simply because it does not have the shape of a bay. To
treat a number of adjacent bays as an entity, thereby completely
ignonng their respective closing lines, would result in the creation
of an artificial and fictitious bay, which does not fullil the require-
ments of a bay, either in the physical OF.in the legal sense. There
is no rule of international law which permits the creation of such

kind of bay.

It has been argued by the Agent of the Norwegian Govemment
that the fact that the Sværholtpeninsula protrudes into the waters
in question to form the two fjords of Laksefjord and Porsanger-
fjord cannot depnve these waters of the character of a bay. But
geographicaily and legaliy, it is precisely the existence of this
peninsula that makes the two fjords separate and distinct bays,
and it is this fact, coupled with the protrusion of smailer peninsulas
on either side of the two fjords, that gives to this part of the coast
(the section between points II and 12),not the character of a

bay, but merely the character of a curvature, a large concavity
formed by the closing lines of several independent bays. Nature
having created a number of bays, neighbouring but distinct from
43 OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU MO I55
trop libcrale, libcrale au point d'ignorer presque complètement la

ligne de la côte. On ne saurait l'interpréter comme signifiant que la
Norv6ge est libre de tracer des lignes droites de la manière qui lüi
plaît,;'condition qu'elles n'équivalent pas àune déformation voulue
(lu contour gCnCralde la côte considCrCedans son ensemble. Il faut
I'interprCter à la lumière des conditions locales pour chaque secteur
à l'aide d'une carte à relativement grande échelle. Si les termes
((se conformer à la direction générale dela côte ))ont un sens juridi-
que quelcon(lue, ils doivent signifier que les lignes de base, pour
îttre droites, n'en doivent pas moins suivre autant que possible la
configuration de la côte et ne devraient pas sans nécessitéou raison

traverser de grandes étendues d'eau sans tenir compte des côtes ou
îles qui s'y trouvent.
Examinant les divers secteurs de la mer territoriale, telle qu'elle
a étitdélimitéepar le décret de 1935 e constate deux casévidents
où l'on ne peut considérerle tracé de la ligne de base comme justifié.
Il s'agit de la ligne de base entre les points II et 12, qui traverse
le Svaerholthavet, et de la ligne de base entre les points 20 et 21,
qui traverse le Lopphavet.
Dans le premier cas, la ligne de base, dont la longueur atteint
39 milles, enferme, comme eaux intérieures norvégiennes, un
iarge espace de mer. La question à résoudre ici est celle de

savoir s'il faut considérer cette ligne comme la ligne de fermeture
d'une baie, ou s'il s'agit simplement d'une ligne reliant un point
de base à un autre. Dans la première hypothèse, il sera nécessaire
de décider sila régionen cause constitue une baie au sens du droit
international. A mon avis, cette régiongroupe un ensemble de baies,
petites et grandes, huit en tout, mais elle ne constitue pas une
baie en elle-même.Elle ne constitue pas une baie en elle-même
tout simplement parce qu'elle ne présente pas la forme d'une baie.
Traiter comme une seule entité un certain nombre de baies
adjacentes et ignorer ainsi complètement leurs lignes de fermeture
respectives, conduirait à créer une baie artificielle et fictive qui

ne répondrait pas aux conditions d'une baie soit au sens physique,
soit au sensjuridique. Aucune règlede droit international n'autorise
la création de baies de cette nature.
Selon l'agent du Gouvernement norvégien, le fait que la péninsule
du Sværholt avance dans les eaux dont il s'agit, formant ainsi les
deux fjords de Laksefjord et de Porsangerfjord, ne saurait enlever
à ces eaux leur caractère de baie. Mais du point de vue géographique
et juridique, c'est précisément l'existence de cette péninsule qui
fait de ces deux fjords des baies séparéeset distinctes ;c'est ce fait,
avec les saillants des plus petites péninsulessituées de chaque côté
des deux fjords, qui confère à cette partie de la côte (le secteur

situé entre les points II et 12) le caractère non d'une baie, mais
simplement d'un infléchissement,d'une grande concavitéforméepar
les lignes de fermeture de plusieurs baies indépendantes. La nature
ayant créé uncertain nombre de baies voisines mais distinctes
43 15~ SEPARATE OPINION OF JUDGE HSU MO

one another, the littoral State cannot: by the exercise of its sover-
eignty, turn them into one bay by drawing a long line between
two most extreme points.
If the base-line over Sværholthavet is not the closing line of
a bay, it must be just one of the straight lines joining one base-
point to another. In that case, 1 fail to see how that line can be
considered to conform to the general direction of the coast. In
order to follow the general configuration of the coast, it should
take into account at least some of the points which serve as the

starting or terminal points of the closing lines of the bays now
enclosed by the long line in question. To leave out al1 the points
on land which interpose between the two extreme points Nos. II
and 12 and to enclose the whole concavity by drawing one
excessively long line is tantamount to using the straight line method
to extend seaward the four-mile breadth of the territorial sea.
The application of the method in this manner cannot, in my view,
be considered as reasonable.
In the case of Lopphavet, the line connecting points 20 and 21,
being 44 miles in length, affects an area of water of several hundred
square miles. Norway does not claim this expanse of water to be
a bay, and, indeed, by no stretch of the imagination could it be
considered as a bay. Since Lopphavet is not a bay, there does
not exist any legal reason for the base-line to skip over two

important islands, Loppa and Fugloy, each of which forms a unit
of the "skjærgaard". In ignoring these islands, the base-line makes
an obviously excessive deviation from the general direction of the
coast. For this reason, it cannot be regarded as being justifiable.

The Agent of the Norwegian Government remarked during the
oral proceedings that the basin of Lopphavet led to the Indreleia
which should be considered as Norwegian internal waters. 1 do
not think that the Indreleia has anything to do with the region
in question. For the Indreleia, according to the. charts furnished
by the Nonvegian Govemment, goes through the Kaagsund
between the islands of Amoy and Kaagen and proceeds northward
and northeastward between the islands of Loppa and Loppakalven

on the one hand and the mainland on the other, finally bending
into the Soroysund. It does not at all cut through Lopphavet out-
side the islands of Amoy, Loppa and Soroy. Consequently, it
does not overlap any portion of the immense area in this sector
enclosed by the long base-line as Nonvegian internal waters.
1 have so far examined the question of the validity or otherwise
of the two base-lines, the one affecting Sværholthavet, the other
Lopphavet, exclusively from the aspect of their conformity or
non-conformity with the general direction of the coast. It remains
to consider whether Norway may base her claim in respect of the
two regions on historical grounds. In my opinion, notwithstanding OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU MO 15~
l'une de l'autre, l'État riverain ne saurait, par un acte de sa
souveraineté, les transformer en une seule baie en traçant une

longue ligne entre les deux points extrêmes.
Si la ligne de base du Sværholthavet n'est pas la ligne de ferme-
ture d'une baie, elle ne peut nécessairement être que l'une des
lignes droites reliant un point de baseà un autre. Mais alors, je ne
vois pas comment cette ligne peut êtreconsidérée comme conforme
à la direction générale de la côte. Pour suivre la configuration
générale dela côte, elle devrait tenir compte tout au moins de
certains des poi~ts qui sont les points de départ ou d'arrivéedes
lignes de fermeture des baies qu'elle enferme actuellement. Laisser
de côté tous les points de terre situésentre les deux points extrê-
mes II et12, et enclore toutela concavitéen traçant une seule ligne
de longueur excessive équivaudrait à utiliser la méthode de la ligne
droite pour reporter plus au large les quatre milles de la mer terri-
toriale. Appliquer ainsi la méthode ne saurait, à mon avis, être
-- -
considéré commeraisonnable.
Dans le cas du Lopphavet, la ligne qui relie les points 20 et 21
et qui a une longueur de 44 milles affecte une zone de mer de
quelques centaines de milles carrés. La Norvège ne prétend pas
que cette étendue d'eau soit une baie, et, en effet, mêmeavec un
effort d'imagination, on ne saurait la considérer comme une baie.
Le Lopphavet n'étant pas une baie, il n'y a pas de motif juridique
qui permette à la ligne de base de ne pas tenir compte des deux îles
importantes de Loppa et de Fugloy, dont chacune forme une unité
du ((skjærgaard ». En laissant de côtéces deux îles, la ligne de base
s'écarte de toute évidencetrop de la direction générale dela côte.
Pour ce motif, on ne saurait la considérer comme justifiable.
L'agent du Gouvernement norvégiena fait observer en plaidoirie
que le bassin du Lopphavet conduisait à l'lndreleia, qui doit être

considéré commefaisant partie des eaux intérieures norvégiennes.
Je ne pense pas que lJIndreleia ait rieà faire avec la régiondont
il s'agit. En effet, lJIndreleia, d'après les cartes produites par le
Gouvernement norvégien, traverse le Kaagsund entre les îles
d'Amoy et de Kaagen et se dirige vers le nord et le nord-est, entre
les îles de Loppa et de Loppakalven d'une part, et le continent
de l'autre, s'infléchissantfinalement vers leSoroysund. Il ne traverse
absolument pas le Lopphavet au dela des îles d'Arnoy, de Loppa
et de Soroy. En conséquence, il n'emprunte aucune partie de
l'immense étendue de ce secteur que la longue ligne de base enclôt
comme eaux intérieures norvégiennes.
J'ai examinéjusqu'ici la question de la validité des deux lignes

de base, celle qui affecte le Sværholthavet et celle qui concerne
le Lopphavet, en me plaçant exclusivement au point de vue de
leur conformité ou de leur non-conformité avec la direction générale
de la côte. Il me reste à considérer si la Norvège peut fonder sur
des motifs historiques sa prétention sur ces deux régions. A mon'57 SISI'ARATE OPINION OF JUDGE HSU MO

:il1 thr (locuments she has producecl, she has not succcetl(:d iii
cstablisliing any historic title to the waters in question.

In support of her historic title, Norway has rclietl on 1ial)itu;il
fisliing t)y the local people and prohibition of fishing by forc.ignïrs.
ils far as the fishing activities of the coastal inhahitants arc con-
cerned, 1 need only point out that individuals, by undertaking
c~ntcrlxiseson their own initiative, for their own hencfit and witli-
out any delegation of authority by their Govcrnmcnt, cannot corifcr
sovcreignty on the Statc, and this dcspite the passage of time antl

tlie absence of molestation by the peol)le of other countries. As
for prohibition hy the Norwegian Govcrnment of fishing hy
foreigners, it is undoubtedly a kind of Statc action which militatrs
in favour of Norway's claim of prescription. But the Rescripts 011
which she has relied contain one fatal defect : the lack of precision.
For they fail to show any precise and wcll-(lefincd areas of watcr,
iii which prohibition was intended to aj)ply and was actually
cnforced. And precision is vital to any prescril)tivc claim to arc8as
of water which might otherwisc hc high seas.

With regard to the licenses for fishing grantcd on three occasions
I>ythe King of Denmark and Norway'to Erich Lorch, Lieutenant-
Commander in the Dano-Norwegian Navy towards the close of the
17th century, 1 do not think that this is sufficient to confer historic
title on Norway to Lopphavet. In the first place, the granting by
the Danish-Norwegian Sovereign to one of his own subjec'tsof what
was at the time believed to be a special privilege can hardly be
considered as conclusive evidence of the acquisition of historic title
to Lopphavet vis-à-vis al1foreign Stares. In the second place, the
concessions were limited to waters near certain rocks and did not
cover the whole area of Lopphavet. Lastly, there is no evidence to
show that the concessionswere exploited to the exclusion of particip-
ation by al1 foreigners for a period sufficiently long to enable the

Norwegian Governmcnt to derive prescriptive rights to Lopphavet.

My conclusion is therefore that neither by the test of conformity
with tlie general direction of the coast, nor on historical grounds,
can the two base-lines drawn across Svarholthavet and Lopphavet,
respectively, be considered as heing justifiable under the principles
of international law.

(Signed) Hsu Mo. OPINION INDIVIDUELLE DE M. HSU hl0 I.57

avis, et malgré tous les documents produits par elle, elle n'est pas
parvenue à démontrer l'existence d'un titre historique sur les eaux
dont il s'agit.
A l'appui d'un titre historique, la Norvège a invoqué la pêche
habituelle, pratiquée par la population locale, et l'interdictione
pêcheaux étrangers. En ce qui concerne la pratique de la pêche
par les habitants de la côte, il me suffit de faire remarquer que

des personnes privées, prenant elles-mêmesl'initiative de certaines
entreprises, dans leur propre intérêtet sans délégationd'autorité
de leur gouvernement, ne sauraient conférerun droit de souverai-
neté à l'État, mêmesi le temps s'est écoulé et même enl'absence
de réaction violente de la part de ressortissants étrangers. Quant
à l'interdiction de pêcheaux étrangers, édictéepar le Gouverne-
ment norvégien,il s'agitlà indiscutablement d'une espèced'activité
étatique qui milite en faveur de la prétention norvégienne fondée
sur la prescription. Mais les rescrits dont elle se prévaut con-
tiennent un vice fatal : le manque de précision. En effet, ils ne
parviennent pas à montrer quels sont les espaces de mer préciset
bien définisauxquels l'interdiction s'appliquaiet sur lesquels elle
a étéréellement mise en vigueur. Or, la précision est essentielle
à une prétention, déduite de la prescription, sur des espaces de
mer qui, sinon, seraient compris dans la haute mer.
En ce qui concerne les autorisations de pêche accordées à trois
reprises, vers la fin du xvrrmésiècle, par le roi de Danemark

et de Norvège, à Erich Lorch, lieutenant de vaisseau de la
marine de Danemark et de Norvège, je ne les crois pas suffisantes
pour conférer à la Norvège un titre historique sur le Lopphavet.
En preniierlieu,l'octroi par le souverain de Danemark et de Norvège,
à l'un de ses propres sujets, de ce qu'à l'époque on crut être un
privilège spécial, ne saurait être considéré commepreuve con-
cluante de l'acquisition sur le Lopphavet d'un titre historique
opposable à tous les États étrangers. En second lieu, les conces-
sions étaient limitées aux espaces d'eau situés près de certains
rochers et ne couvraient pas l'ensemble de la régiondu Lopphavet.
Enfin, il n'y a pas de preuve que les concessions aient éexploitées
de manière à exclure toute participation d'étrangers pendant une
période suffisamment prolongéepour que le Gouvernement nor-
végien puisse en tirer, sur le Lopphavet, certains droits au titre
de la prescription.
J'amve donc à la conclusion que ni le critère de la conformité

avec la direction généralede la côte ni les motifs historiques ne
permettent de justifier, d'après les principes du droit international,
les deux lignes de base tirées respectivement à travers le Svær-
holthavet et le Lopphavet.

(Szgd) Hsu Mo.

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Opinion individuelle de M. Hsu Mo (traduction)

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