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CR 2015/14

Mardi 28 avril 2015à 10 heures

Tuesday 28 April 2015 at 10 a.m. - 2 -

The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today to hear
10

Costa Rica’s second round of oral argument in the case concerni ng Certain Activities carried out

by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua).

I would recall that, in accordance with Arti60, paragraph 1, of the Rules of Court, oral

statements should be as succinct as possible. I would add that the purpose of the second round of

oral argument is to enable each Party to respond to the oral arguments of the other Party and to

questions put by Members of the Court. The second round must not therefore constitute a

repetition of submissions which the Part ies have already made. Moreover, the Parties are not

obliged to use all of their allotted speaking time.

I now give the floor to Mr. Wordsworth.

M. WORDSWORTH :

LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA SOUVERAINETÉ DU COSTA RICA SUR ISLA P ORTILLOS

ET LES VIOLATIONS COMMISES PAR LE N ICARAGUA

A. Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’examinerai ce matin

deux questions:

a) premièrement, la thèse du Nicaragua concernant la souveraineté sur Isla Portillos, du point de

vue de l’interprétation qu’il avance du traité de limites de 1858, de la sentence Cleveland et des

trois sentences Alexander ; et

b) deuxièmement, les arguments par l esquels le Nicaragua se défend des violations qui lui sont

imputées à raison de son incursion militaire sur Isla Portilloet de la construction des

trois caños.

2. M. Kohen répondra ensuite aux arguments fondés sur des documents cartographiques et

photographiques que le Nicaragua avance pour défendre sa revendication de souveraineté, et il

exposera et expliquera par la même occasion notre argumentation sur le tracé exact de la frontière,

en réponse aux questions de M. le juge Yusuf et Mme la juge Donoghue. Il traitera également des

questions relatives aux remèdes, et mes collègues, Mme Parlett, M. l’ambassadeur Ugalde et

Mme Del Mar, complèteront ensuite la réponse du Costa Rica, en traitant tour à tour des questions - 3 -

restantes concernant le droit applicable, le dragage et la navigation. Enfin, l ’agent conclura

l’exposé des arguments du Costa Rica.

B. L’interprétation du traité de 1858, de la sentence Cleveland

et des sentences Alexander avancée par le Nicaragua

11 3. Je commencerai donc par répondre à la salve finale de mon ami le professeur Pellet sur

l’interprétation, qui a consisté à tirer une image remontant à 2011 du rapport de M. Thorne et à y

ajouter une ligne rouge figurant le tracé de la frontière qui, selon le Costa Rica, serait conforme au

traité de 1858, à la sentence Cleveland et aux sentences Alexander . Encore que le procédé ne soit

pas sans évoquer les exploits de Harry Potter, cette conclusion étonnante repose sur

quatre prétentions principales :

a) premièrement, s’agissant du traité de 1858, la délimitation de la frontière selon l’article II

devrait, à en croire le Nicaragua être considérée séparément du régime de navigation établi par

l’article VI 2 ;

b) deuxièmement, à propos de la première sentence Alexander, le Nicaragua soutient que le

facteur déterminant est la mention du «premier chenal rencontré» 3 et que l’accent doit être mis

particulièrement sur la distinction que le général Alexander aurait supposément faite entre le

«premier chenal rencontré» et le «fleuve proprement dit» 4 ;

c) troisièmement, toujours sur la base de la première sentence Alexander, le Nicaragua affirme que

c’est lui qui a la propriété de toutes les îles du fleuve San Juan 5 ;

d) enfin, le Nicaragua prétend que le général Alexander n’aurait pas voulu tracer une frontière fixe

et les «changements dans les rives ou les chenaux [au pluriel] du fleuve» 6 évoqués par

7
Alexander dans sa troisième sentence auraient entraîné la modification du tracé de la frontière .

1 o
CR 2015/5, p. 29, par. 19 (Pellet) ; AP1 -10c, p. 3 de l’onglet n 16, dossier des juges du Nic aragua,
16 avril 2015.
2 CR 2015/5, p. 20, par. 5 1) (Pellet).

3 Première sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua,
30 septembre 1897 ; MCR, annexe 9, p. 217.

4 CR 2015/5, p. 23, par. 8 (Pellet).
5
Ibid., p. 28, par. 18 5) (Pellet).
6 Troisième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le CostaRica et le Nicaragua,

22 mars 1898 ; MCR, annexe11, p. 230.
7 CR 2015/5, p. 25, par. 10 (Pellet). - 4 -

4. Je traiterai chacune de ces prétentions à tour de rôle, bien qu’elles soient toutes viciées

pour la même raison. Chaque élément de l’argumentation du Nicar agua joue en effet sur un terme

ou un membre de phrase pris isolément, ce qui est contraire aux principes élémentaires

d’interprétation des traités, aussi bien qu’en contradiction avec la démarche suivie par le

général Alexander. Ainsi, alors qu’il prétend s’appuyer sur les sentences Alexander, le Nicaragua

rejette avec une implacable détermination ce que le général Alexander a appelé «la conception

12 mutuelle [des] auteurs [du traité]»  conception qu’il décrivait, la Cour s’en souviendra depuis

notre premier tour, comme ce qui «doit être dégagé du texte pris dans sa globalité et non déduit de

termes ou de phrases isolés» .

1) Le traité de 1858

5. Pour commencer par le traité de 1858, le Nicaragua est incapable, malgré toutes ses

explications, d’effacer le sens de l’articleII, qui est libellé comme suit :

«La limite entre les deux républiques, à partir de la mer du Nord, partira de
l’extrémité de Punta de Castilla, à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua,
puis suivra la rive droite de ce fleuve jusqu’à un point distant de trois milles anglais de
9
Castillo Viejo…»

6. Or, déjà à l’époque de la première sentence Alexander, la Punta de Castilla d’origine avait

disparu et son emplacement exact était incertain . Dans ces conditions, la démarche à adopter est

certainement de s’arrêter aux autres termes de l’article II, qui expriment l’intention des parties au

traité, à savoir que la frontière doit commencer «à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua»

et qu’à partir de là, elle doit «suivre la rive droite de ce fleuve».

7. La Cour se souviendra peut-être qu’une situation assez proche s’était présentée en l’affaire

Cameroun c. Nigéria. Définissant le tracé d’une section de la frontière terrestre qui suivait le

fleuveKohom, la déclaration Thomson- Marchand contenait, en son paragraphe 19, les noms de

divers villages et quartiers situés d’un côté ou de l’autre de la frontière 11. La Cour a jugé que pour

8
Première sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua,
30 septembre 1897 ; MCR, annexe 9, p. 216.
9Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua, 15 avril 1858; MCR, annexe 1, art. II.
10
Première sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua,
22 mars 1898 ; MCR, annexe9, p. 220.
11
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun cNigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 365-366, par. 97. - 5 -

déterminer le cours du fleuve Kohom et par conséquent le tracé de la frontière, ces termes «ne

s’étaient pas révélé[s] déterminant[s]», car aucun des villages et quartiers en question n’était

indiqué sur les cartes soumises à la Cour . Elle a en conséquence fait abstraction de ce passage de

la déclaration et eu recours à d’autres moyens d’interprétation. Selon nous, de la même manière, la

Cour devrait concentrer son attention non pas sur la mention qui est faite à l’article II de

13 «l’extrémité de Punta de Castilla» qui, telle que l’entendaient les parties au traité, a disparu sous la

mer, mais sur les éléments de la description qui existent toujours, à savoir que la frontière

13
commence à l’embouchure du fleuve .

8. Au sujet des mentions répétées de «l’embouchure du fleuve» par les auteurs du traité

de 1858, M. Pellet situe sa réponse exclusivement dans le contexte de l’article VI, et affirme que

l’emploi de cette expression dans cet article ne signifie pas nécessairement que la frontière doive

14
suivre le chenal principal . Mais ne serait -ce pas le résultat attendu si l’on s’en tient au sens

ordinaire des mot s employés à l’article II et à l’article VI lus conjointement, ce que confirme

15
d’ailleurs l’article II, où il est dit que la frontière suit «la rive droite du fleuve» ? Il saute aux

yeux que pour les auteurs du traité, la frontière suivait le chenal prin cipal, c’est-à-dire la rive droite

du fleuve, jusqu’à son embouchure.

9. Quant à l’article VI du traité, la Cour se souviendra que cet article accorde au Costa Rica

le droit de navigation jusqu’à l’embouchure du fleuve. M. Pellet soutient que la question du tracé

de la frontière, objet de l’article II, est distincte de la question de la navigation traitée à

l’article VI 16. Voilà tout au plus une tentative pour ne pas tenir compte de la conception générale

du traité, et de toute façon ce n’est pas exact. Le libellé de l’article VI englobe tant la navigation

que l’attribution de territoire, comme on le voit dans la disposition de l’article attribuant

17
expressément la rive du San Juan au Costa Rica .

12 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J.Recueil 2002, p. 366, par. 101.
13
Ibid.
14 CR 2015/5, p. 21, par. 5 2) (Pellet).

15 Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua, 15 avril 1858; MCR, annexe1, art. II.
16
CR 2015/5, p. 20, par. 5 1) (Pellet).
17 Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua, 15 avril 1858; MCR, annexe1, art. VI. - 6 -

10. De même, il est de peu d’utilité pour M. Pellet de relever que la sentence Cleveland situe

Punta de Castilla à l’embouchure du fleuve . Il semble vouloir dire que le droit de navigation du

Costa Rica jusqu’à l’embouchure du fleuve pourrait en fait être un droit de navigation le long d’un

autre chenal aboutissant à la mer des Caraïbes, à proximité de l’embouchure du fleuve. Mais cela

n’est pas crédible et suppose de toute manière qu’il existe un autre chenal qui est ou était navigable

à des fins de commerce. Il n’y en avait pas à l’époque et il n’y en a pas aujourd’hui.

11. Fait plus pertinent encore, le général Alexander a correctement interprété la conception

d’ensemble du traité de 1858 en disant qu’il attribuait au Costa Rica la rive droite du chenal

14 navigable, c’est-à-dire du fleuve en tant que point de sortie pour le commerce 19. Vous pouvez le

voir dans le texte complet du deuxième paragraphe affiché à l’écran : «Le Costa Rica devait avoir

comme ligne de dém arcation la rive droite ou sud- est du fleuve, considéré comme un point de

sortie pour le commerce, à partir d’un point situé à 3 milles au-dessous de Castillo jusqu’à la

20
mer.» La Cour se souviendra que c’est l’une des raisons pour lesquelles le général Alexander

avait rejeté l’argument du Nicaragua voulant que la frontière suive les bras Taura ou Colorado, et

avait décrit comme suit ce qu’avait été l’intention des auteurs du traité dans la partie pertinente :

«le Costa Rica devait avoir comme ligne de démarcation la rive droite ou sud -est du fleuve,

considérée comme un point de sortie pour le commerce».

12. Pour faire bonne mesure, je me dois également d’appeler l’attention de la Cour sur

l’article IV du traité 21, qui stipule que la baie de San Juan del Norte doit être une baie commune.

Cela confirme encore une fois que l’intention était d’accorder au Costa Rica la souveraineté sur la

rive droite du fleuve San Juan jusqu’à la mer. Il aurait été vraiment très étrange d’accorder au

Costa Rica la souveraineté partielle sur la baie de San Juan del Norte, mais en même temps de faire

cesser sa souveraineté territoriale sur la rive droite quelque part en amont de la baie commune.

18
CR 2015/5, p. 21, par. 5 2) (Pellet).
19 Première sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le CostaRica et le Nicaragua,
30 septembre 1897 ; MCR, annexe 9, p.217 ; voir CR 2015/5, p. 21, par. 5 3) (Pellet).

20 Ibid. ; MCR, annexe 9, p. 217.
21
Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua, 15 avril 1858; MCR, annexe1, art. IV. - 7 -

2) L’argument du «premier chenal rencontré» ; l’argument des «îles nicaraguayennes»

13. Je passe maintenant à la première sentence Alexander et à l’argument principal du

Nicaragua sur la souveraineté, celui du «premier chenal rencontré».

14. En bref, cet argument s’articule sur le choix de quelques mots descriptifs de la première

sentence Alexander pour leur prêter un effet qui n’avait jamais été voulu.

15. J’ai déjà exposé en détail le contenu de la première sentence Alexander et pour éviter les

répétitions, nous vous invitons simplement à considérer qu’il importe de lire la sentence comme un

tout  elle figure sous l’onglet n o 4 de votre dossier , de la lire comme un tout, dis -je, et de ne

pas vous arrêter aux quelques mots que le Nicaragua a cités. M. Pellet n’a rien à opposer aux

arguments du Costa Rica concernant la manière dont le général Alexander décrit la conception

générale du traité de 1858, ou le poids décisif qu’il accorde à ce que la frontière du Costa Rica doit

suivre la rive droite afin que ce pays ait un point de sortie sur la mer pour le commerce. De même,

15 il n’a rien à répondre lorsque nous faisons valoir que le Nicaragua et le général Alexander  ainsi

qu’on le constate dans ses sentences ultérieures  comprenaient tous deux que «la rive droite du

fleuve, où que celle -ci puisse se trouver à un moment précis, constitu[ait] toujours la ligne

frontière» 22. Je cite la troisième sentence, mais la Cour se rappellera que les conclusions du

Nicaragua concordaient alors avec celle de la deuxième sentence  à savoir que «la rive gauche du
23
port et du fleuve form [ait] la frontière» . En conséquence, quoi qu’il en dise maintenant, le

Nicaragua estimait à cette époque, comm e le général Alexander, qu’aucune distinction importante

24
n’était établie entre le «premier chenal rencontré» et «le fleuve proprement dit» .

16. L’érosion d’une bonne partie du littoral primitif a eu pour effet que le «premier chenal

rencontré» dont parla it le général Alexander a cessé d’exister. Mais cela n’a rien changé à la

conception d’ensemble du traité de 1858, ni à la validité de son interprétation par le

général Alexander. Le point crucial de la sentence, qui se reflète dans l’interprétation corr ecte que

le général Alexander donne du traité, est que le Costa Rica devai t avoir comme frontière la

22
Troisième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le
Nicaragua, 22 mars 1898 ; MCR, annexe 11, p. 228.
23 Deuxième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le
Nicaragua, 20 décembre 1897, annexe 10, p. 224.
24
Voir CR 2015/5, p. 23, par. 8 (Pellet). - 8 -

rive droite du San Juan «considéré comme un point de sortie pour le commerce», et non pas qu’il

devait y avoir, d’une façon ou d’une autre, un «premier chenal rencontré».

17. Si l’argument du Nicaragua consiste à dire que les mots «premier chenal rencontré»

figurent dans le dispositif et que la Cour ne devrait pas chercher plus loin, il est incompatible avec

la jurisprudence de longue date de la Cour, qui e xige que le raisonnement du général Alexander
25
soit considéré comme une aide valable pour interpréter correctement le dispositif de sa sentence .

En outre, le Nicaragua souhaite voir la Cour concentrer son attention uniquement sur le dispositif

de la premi ère sentence et ne pas tenir compte de celui de la troisième sentence, dans lequel le

général Alexander a décidé «que la ligne de séparation exacte entre les juridictions des deux pays

est la rive droite du fleuve, lorsque l’eau est à son niveau ordinaire et que le fleuve est navigable
26
par des bateaux et des embarcations d’usage général» . De toute évidence, la frontière ne devait

suivre aucun caño non navigable et, au mieux, éphémère.

16 18. Maintenant que la Cour a entendu les éléments de preuve, elle peu t juger en toute

certitude que le prétendu «premier chenal rencontré» du Nicaragua, le caño de 2010, a en fait été

reconstruit à partir de rien par le Nicaragua en 2010. M. Kohen reviendra brièvement sur les

éléments de preuve cartographiques, si peu qu’i l en soit, invoqués par M. Pellet et aussi sur la

tentative très peu convaincante de M. Kondolf de fonder l’existence préalable du caño de 2010 sur

27
les images aériennes de 1961 . Cette tentative ne peut qu’être rejetée par la Cour.

19. Bien que le Nicaragua cherche maintenant à convaincre la Cour de concevoir un nouveau

jeu de «chasse au caño» comme si cela découlait nécessairement d’une lecture du sens ordinaire de

la première sentence Alexander, la simple vérité est que le général Alexander utilisait le s mots

«premier chenal rencontré» comme un moyen de décrire comment, en se reportant à l’image qu’il

avait sous les yeux, la frontière suivrait le fleuve en tant que «point de sortie pour le commerce».

Pour lui, la caractéristique essentielle de la fronti ère était uniquement qu’elle suivait le fleuve «en

25Voir, par exemple, Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), arrêt, C.I.J. Recueil 2013 , p. 306, par. 68. Voir aussi R. Kolb, The International
Court of Justice (2013), p. 767-768 ; C. Brown, «Article 59» , in A. Zimmermann et al, dir. De publ., The Statute of the
International Court of Justice, A Commentary (2éd., 2012), p. 1431, avec un renvoi à C. De Visscher, «La chose jugée
devant la Cour internationale de LaHaye », Revue belge de droit international, vol. 1 (1965), p. 5, 6-7.

26Troisième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le CostaRica et le
Nicaragua, 22 mars 1898 ; MCR, annexe 11, p. 230.
27
CR 2015/6, p. 39-42 (Kondolf). - 9 -

tant que point de sortie pour le commerce», et il a conclu à cet égard que la frontière «doit suivre le

28
bras restant, appelé le San Juan inférieur, à travers son port et dans la mer» ; voir la première

sentence, page 217.

20. M. Pellet invoque encore l’argument selon lequel il y a des caños au nord-ouest de celui

construit par le Nicaragua en 2010, ce qui signifierait que le territoire considéré pourrait être à juste

titre assimilé aux «îles du fleuve», s elon le terme utilisé par le général Alexander dans sa première

sentence, et que par conséquent ces îles doivent être considérées comme territoire nicaraguayen 29.

21. Deux points à ce sujet. Premièrement, s’il existait vraiment un autre candidat pour la

théorie du «premier chenal rencontré» du Nicaragua, c’est -à-dire un autre caño reliant le San Juan

inférieur à la lagune de Harbor Head, nous pouvons être certains que le Nicaragua, au lieu de

demander de façon inattendue la désignation d’un expert indépendant, qui ne serait qu’une perte de

temps, aurait pris de nombreuses photos du point d’embranchement de ce caño hypothétique sur le

cours inférieur du San Juan. Le Nicaragua est après tout souverain sur ce fleuve. De même, il ne

s’appuierait pas sur des extraits du rapport R amsar de 2014 qui ne disent pas ce que prétendent le

17
Nicaragua ou son expert, M. Kondolf ; Ramsar ne signale aucun caño reliant le San Juan inférieur

à la lagune de Harbor Head 30, quoi qu’en disent le Nicaragua et M. Kondolf.

22. Deuxièmement, même si le caño  c’est le caño en forme de «Y» marqué en rouge sur

les diapositives du Nicaragua 31 si ce caño était effectivement rattaché au San Juan inférieur, il

ne serait pas le «point de sortie pour le commerce» que la frontière doit suivre et il ne

transformerait pas non plus cette zone, comme par magie, en région d’îles nicaraguayennes ; c’est

pure fantaisie que de le prétendre.

28
Première sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua,
rendue le 30 septembre 1897, MCR, annexe 9, p. 217, dossier de plaidoiries, onglet n
29
Voir CR 2015/5, p. 28, par. 18 5) (Pellet).
30Ibid., par. 18 4) (Pellet) ; G. Mathias Kondolf, affaire relative à Certaines activités, exposé écrit, 16 mars 2015,
par. 25-26 ; voir rapport de mission consultative Ramsar n2, 18 avril 2011 ; extrait (traduction anglaise), p. 47, annexé

à la lettre RCPRB -062-2015 datée du 17 a vril 2015 adressée par le Costa Rica à la CIJ ; et CR 2015/6, p. 45-46
(Kondolf).
31Dossier de plaidoiries, onglet n 10. - 10 -

3) Les arguments du Nicaragua sur les deuxième et troisième sentences Alexander

23. Je passe donc à l’argument du Nicaragua selon lequel le général Alexander n’entendait

pas, dans sa deuxième sentence, délimiter une frontière fixe, argument qu’il fonde sur la mention,

dans la troisième sentence, «d’éventuels changements des rives ou chenaux [au pluriel] du

fleuve» 32. Ces deux sentences figurent sous les onglets n 7 et 8 de votre dossier.

24. Le général Alexander a décidé de tracer la ligne de démarcation telle qu’elle existait

en 1897-1898. Il est effectivement vrai que, comme il l’a expliqué dans sa deuxième sentence,

Alexander estimait que des changements importants pourraient survenir dans les chenaux du

fleuve San Juan 33. Mais cela n’est d’aucun secours au Nicaragua. Tout au plus cela signifierait -il

que le mesurage et la démarcation de la frontière telle qu’elle existait en 1897- 1898, auxquels il

avait apporté tant de soin, auraient une valeur limitée en cas de changements effectifs du cours du

fleuve. Mais il n’y a pas eu de changement majeur depuis 1897. C’est la mer qui a érodé le

littoral, et non le fleuve qui a changé son cours de façon marquée. Il ne sert à rien à cet égard

d’invoquer, comme le fait M. Pellet, les changements intervenus dans la région, qui sont décrits

dans le deuxième rapport Rives du 2 mars 1888 34. Ce qui compte, ce ne sont pas l es changements

enregistrés par Rives en 1888, ni, a fortiori, les changements qui ont eu lieu avant 1897-1898,

c’est-à-dire avant que le général Alexander ne procède à la démarcation de la frontière ; ce qui

compte, c’est ce qui s’est produit depuis.

18 25. A ce sujet, M. Pellet n’a rien trouvé à dire sur la figure du mémoire du Costa Rica

o
superposant des données tirées de la minute Alexander n X, une carte de la zone datant de 1899 et

des photographies aériennes de 1961, 1997 et 2010 35. M. Brenes vous a montré cette figure lors du

36 o
premier tour (dossier des juges, onglet n 31), et je la montre à nouveau parce qu’elle prouve que

M. Pellet a tort de dire que depuis 1897, les fluctuations du cours du San Juan et des chenaux de

37
son embouchure ont été considérab les . Le cours du San Juan a changé étonnamment peu et les

32
Voir CR 2015/5, p. 25, par. 10 (Pellet; troisième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la
frontière entre le CostaRica et le Nicaragua, 22 mars 1898 ; MCR, annexe11, p. 230.
33Deuxième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le

Nicaragua, 20 décembre 1897; MCR, annexe 10, p. 224.
34CR 2015/5, p. 26-27, par. 14 (Pellet).

35MCR, p. 59, figure 2.7.
36
CR 2015/2, p. 34-35, par. 30-35 (Brenes).
37CR 2015/5, p. 26, par. 14 (Pellet). - 11 -

changements observés de l’emplacement du littoral n’ont pas d’incidence sur la frontière qui suit la

rive droite du fleuve, telle qu’elle a été démarquée par le général Alexander.

26. Quant à la mention de chenaux, au pluriel, par le général Alexander, elle ne fait aucune

différence. Il peut effectivement y avoir plus d’un chenal du fleuve San Juan à un moment ou à un

autre, comme le savait le général Alexander ; mais son intention était sans aucun doute que la

frontière suive le chenal navigable pouvant servir de point de sortie pour le commerce, où qu’il

soit. Le fait qu’il ait parlé de chenaux, au pluriel, ne signifie pas que le général Alexander ait

prévu, ou encore moins décidé, dans ses deuxième et troisième sentences, que la frontière suivrait

un caño au mieux éphémère et qui en fait n’a jamais existé.

27. De fait, cela aurait été tout à fait clair si M. Pellet vous avait invités à lire la décision qui

précède immédiatement les mots qu’il a mis en surbrillance dans la troisième sentence ; voici cette

décision :

«Je décide donc que la ligne de séparation exacte entre les juridictions des
deux pays est la rive droite du fleuve, lorsque l’eau est à son niveau ordinaire et que le
fleuve est navigable par des bateaux et des embarcations d’usage général. Lorsque tel
est le cas, toute partie des eaux du fleuve se trouve sous la juridiction du Nicaragua et
toute parcelle de terre située sur la rive droite, sous celle du Costa Rica.»38

28. Alexander indique ainsi très clairement que le Costa Rica a souveraineté sur toute la

rive droite du fleuve, et pas seulement sur la rive droite du fleuve jusqu’à ce qu’il rencontre un

chenal non navigable inexistant.

C. Les violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Costa Rica
commises par le Nicaragua

19 29. J’en viens aux violations résultant de l’incursion militaire du Nicaragua en territoire

costa-ricien qui a eu lieu en 2010, y compris celles commises lors de la construction du premier

caño, ainsi qu’aux violations consécutives à la construction des deuxième et troisième caños, en

septembre 2013. Mme Parlett expliquera plus tard, ce matin, en quoi ce qui s’est passé en 2013

était contraire à l’ordonnance rendue en 2011 par la Cour sur les mesures conservatoires.

38Troisième sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Rica et le
Nicaragua, 22 mars 1898 ; MCR, annexe 11, p. 230. - 12 -

1. Violations commises en 2010

30. Au sujet des violations commises en 2010, le Costa Rica, lors de son premier tour de

plaidoiries, a souligné ce qui distingue la présente affaire des différends frontaliers ordinaires,

39
expliquant que la différence tient notamment à ce que les faits essentiels ne sont pas contestés .

La présence sur Isla Portillos de militaires nicaraguayens n’est pas niée par le Nicaragua. Il y a

certes des divergences entre les Parties sur la qualification des faits et sur des points de détail 40,

mais il est fort intéressant de noter que lors de son premier tour, le Nicaragua n’a pas dit grand -

chose qui tende à réfuter quant au fond les allégations de violations avancées par le Costa Rica.

31. Sur la question c entrale des violations, en particulier, le Nicaragua se borne, pour sa

défense, à réaffirmer sa revendication de souveraineté sur Isla Portillos. Il semble admettre, et ce

n’est du reste pas surprenant, que si la Cour vient à conclure que le territoire li tigieux appartient au

Costa Rica, il suivra qu’il a effectivement violé en 2010 la souveraineté territoriale du Costa Rica.

32. De même, le Nicaragua s’est abstenu d’avancer des arguments contestant les demandes

du Costa Rica fondées sur l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de

l’article 2 de la Charte des Nations Unies, ainsi que dans la cha rte de l’Organisation des

Etats américains (OEA). Mon ami M. Pellet s’est borné à dire qu’il avait eu du mal à croire ses

oreilles en entendant qualifier d’occupation les actes du Nicaragua 41. Cependant, en exprimant

ainsi son extrême étonnement, M. Pellet a éludé le point fondamental, sur lequel le Nicaragua est

incapable de se justifier, à savoir qu’il a sans notification préalable envoyé ses troupes dans un

territoire qu’il n’avait jamais revendiqué, et y a établi une présence militaire qui interdit au

Costa Rica d’accéder à une partie de son propre territoire, allant, dans un cas, jusqu’à pointer des

armes en direction d’un aéronef civil costa-ricien.

20 33. Les violations du droit international qui ont résulté de la décision prise par le Nicaragua

d’envoyer des troupes en territoire costa- ricien  pas seulement une fois, mais deux  sont des

violations graves qui ne sauraient être balayées par un effet de manche exprimant l’incrédulité. Le

Nicaragua ne peut pas s’attendre à être traité comme s’il était simplement passé à l’acte pour

39
CR 2015/3, p. 16 -17, par. 4, 7 -8 (U galde Álvarez), p. 19, par. 3 galde) ; CR 2015/3, p. 10, par.2-3
(Wordsworth).
40CR 2015/3, p. 10, par. 3 (Wordsworth).
41
CR 2015/7, p. 49, par. 23 (Pellet). - 13 -

donner effet à une revendication de longue date sur un territoire costa-ricien. Les choses ne se sont

pas passées ainsi. Ce qu’a fait le Nicaragua, c’est occuper d’abord, et revendiquer ensuite, comme

M. Kohen et moi-même l’avons expliqué lors du premier tour, en faisant notamment référence à ce

que le Nicaragua avait répondu en janvier 2011 aux questions posées par les juges Greenwood et

42
Simma . Le Nicaragua n’a rien à répondre à cet égard, pas plus qu’il ne peut contester avoir

répondu inexactement à la question importante posé e par le juge Bennouna sur le point de savoir

s’il avait ou non retiré ses troupes 43.

34. Le Nicaragua n’a pas non plus expliqué par quel raisonnement il était parvenu à la

conclusion que sa conduite ne constituait pas une violation des obligations fondamentales qui lui

incombent en vertu de la Charte des Nations Unies, ou de celles que lui impose la charte de l’OEA,

notamment son article 21, qui dispose que le territoire d’un autre Etat membre de l’organisation

«ne peut être l’objet d’occupation militaire ni d’autres mesures de force de la part d’un autre Etat,

directement ou indirectement , pour quelque motif que ce soit et même de manière temporaire».

Sur ce sujet, la Cour a déjà entendu les arguments que nous avons présenté durant notre premier

44
tour de plaidoiries et nos réponses aux questions du juge Greenwood concernant l’occupation . Le

Nicaragua est pour sa part resté muet sur ce chapitre. Peut -être sera-t-il plus loquace mercredi,

alors que nous n’aurons plus la possibilité de lui répondre.

35. En ce qui concerne le préjudice subi par le Costa Rica, M. Loewenstein s’est évertué à

convaincre la Cour que le Nicaragua avait entrepris un projet de modeste envergure, dont les

incidences étaient insignifiantes et temporaires. Il a invité la Cour à replacer la question du

défrichement du premier caño «dans une juste perspective», ce qui l’amènerait «nécessairement» à

conclure que le défrichement n’avait «pas pu avoir d’effets importants» 4.

36. Tout cela n’est tout simplement pas sérieux. La Cour a parfaitement conscience que le

seuil applicable pour la détermination de l’existence d’un préjudice transfrontière cesse de l’être

lorsque l’Etat A pénètre sur le territoire de l’Etat B et y entreprend d’abattre des arbres et de se

42
CR 2015/3, p. 14-15, par. 17-21 (Wordsworth).
43Ibid., p. 12-13, par. 12-15 (Wordsworth).

44Voir CR 2015/3, p. 16-17, par. 23-29 (Wordsworth) ; voir également CR 2015/4, p. 44-45 (Wordsworth).
45
CR 2015/7, p. 22, par. 37 (Loewenstein). - 14 -

21 livrer à d’autres activités du même ordre. Dans sa quasi -totalité, l’intervention de M. Loewenstein

peut au mieux être considérée comme ayant été conçue dans la perspective de la phase de la

présente procédure qui sera consacrée aux remèdes. Il était à côté de la question en affirmant que

46 47
le premier caño était étroit et peu profond et s’obstruait rapidement . Il l’était de même en

insistant sur le fait que le secteur adjacent à celui où le Nicaragua a abattu des centaines d’arbres

48
avait été précédemment déboisé pour en faire des pâturages , ou en soulignant que le secteur du

premier caño ne représentait qu’une pet ite partie de la superficie totale des zones humides

49
protégées du Costa Rica . Il était encore hors du sujet en insistant sur la question de savoir si le

nombre d’arbres abattus par le Nicaragua était de 180 ou de 292 50, en s’étendant sur leur diamètre

51 52
et leur âge , et en évoquant la rapidité de la repousse des sous-bois .

37. La plainte du Costa Rica concernant la violation de sa souveraineté et de son intégrité

territoriale ne saurait être traitée comme une doléance portée devant un tribunal interne de

proximité. Le menu détail des dommages que le Nicaragua a causés au territoire du Costa Rica est

dénué de pertinence pour l’examen de la question que la Cour est appelée à trancher à ce stade, qui

est de savoir s’il y a eu violation. Ces détails seront pertinents lorsque la Cour en viendra à

examiner les remèdes qu’appelle cette violation ; je rappelle que le Costa Rica a demandé que la

Cour se prononce sur des remèdes, qu’elle déterminera lors d’une phase ultérieure de la procédure.

Que le Nicaragua ait abattu cinq arbres ou 5000, qu’il se soit agi d’arbrisseaux ou d’arbres

tricentenaires ne changerait rien. Pour que la violation dont se plaint le Costa Rica soit établie, il

suffit que la Cour décide que le territoire litigieux est un territoire costa -ricien.

38. Dans la même veine, il n’aura pas fallu à la Cour plus de cinq secondes pour se rendre

compte que le Nicaragua tirait des conclusions abusives d’une comparaison entre la taille du

secteur forestier qu’il avait déboisé sur le territoire costa- ricien pour construire le premier caño et

46CR 2015/7, p. 12-13, par. 8-10, et p. 14-15, par. 15 (Loewenstein).
47
CR 2015/7, p. 15, par. 16 (Loewenstein).
48
Ibid., p. 17-18, par. 24-27, et p. 19, par. 29 (Loewenstein).
49Ibid., p. 19, par. 28 (Loewenstein).

50Ibid., p. 19-20, par. 30-31 (Loewenstein).
51
Ibid., p. 20-21, par. 32-34 (Loewenstein).
52Ibid., p. 21, par. 35 (Loewenstein). Voir également CR 2015/6, p. 21-22, par. 13-14 (Reichler). - 15 -

53
la superficie déboisée par le Costa Rica lors de la construction de la route . Il est bien évident

qu’on ne saurait en aucun cas confondre ce que fait un Etat lorsqu’il abat des arbres sur son propre

territoire, dans le cadre d’un projet arrêté dans l’exercice des prérogatives que lui confère sa

souveraineté, avec ce que fait l’Etat A lorsqu’il envoie des troupes sur le territoire de l’Etat B pour

y abattre des arbres et y entreprendre d’autres activités du même ordre.

1. Violations commises en 2013

22 39. Je vais maintenant traiter très brièvement des violations commises par le Nicaragua

en 2013. Lors des plaidoiries, le Nicaragua a suivi une démarche semblable à celle que je viens de

décrire pour traiter de la question de sa responsabilité à l’égard des violations liées à la construction

en 2013 des deuxième et troisième caños . M. Loewenstein a dit que la végétation du secteur

concerné s’était reconstituée rapidement 54 et que depuis que le Nicaragua avait comblé la tr anchée

creusée sur la plage et cessé de draguer le caño oriental, il y avait une probabilité «faible à

modérée» que ce caño vienne à déboucher en mer, risque auquel le Costa Rica avait paré en

construisant une digue 55. Cela non plus n’a rien à voir avec la question des violations. S’agissant

de la question qui nous occupe actuellement, il me suffira de relever que durant les quelques

minutes qu’il a consacrées lors de son premier tour de plaidoiries aux caños construits en 2013, le

Nicaragua n’a pas nié êt re responsable de ces travaux et n’a avancé aucun argument pour se

défendre d’avoir violé la souveraineté territoriale du Costa Rica

D. Conclusions

40. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, revenant ‘a nouveau sur

l’image qu’a commentée M. Pellet, je tiens à dire encore une fois que selon le traité de 1858 et les

sentences Alexander, le tracé actuel de la frontière ne saurait être autre que celui qui suit la rive

droite du San Juan inférieur jusqu’à l’embouchure du fleuve, soit le cours navigable du San Juan,

53
CR 2015/7, p. 19, par. 28, p. 22, par. 37 (Loewenstein).
54Ibid., p. 22, par. 35 (Loewenstein).
55
Ibid., p. 22, par. 39 (Loewenstein). - 16 -

resté essentiellement tel qu’il était dans les années 1897-1898. Ces sentences et le traité de 1858 ne
56
font nullement dépendre le tracé de la frontière d’uncaño inexistant comme le prétend M. Pellet .

41. Au sujet des violations qui ont résulté de l’incursion militaire du Nicaragua dans le

territoire costa-ricien et de la construction en 2010 et 2013 des caños, il est intéressant de noter que

le Nicaragua n’a pas trouvé grand -chose à dire. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, vu que les faits

essentiels me sont pas contestés et que l’existence de violations est établie à peu près

automatiquement par le fait que le Costa Rica exerce de longue date sa souveraineté incontestée sur

Isla Portillos, souveraineté au mépris de laquelle le Nic aragua a envoyé des troupes dans ce

territoire pour pouvoir y construire le premier caño en vue de modifier le cours du fleuve San Juan,

et a ensuite eu l’audace de récidiver en 2013.

42. Monsieur le président, je vous remercie de votre patiente attenti on et vous prie de bien

vouloir appeler à la barre M. Kohen, qui va poursuivre les plaidoiries du CostaRica.

The PRESIDENT: Thank you. I give the floor to Professor Kohen.

Mr. KOHEN:

N ICARAGUA IS UNABLE TO ARTICULATE A GENUINE CLAIM TO SOVEREIGNTY
AND IS ALREADY PREPARING FOR THE NEXT PHASE OF THE PROCEEDINGS

1. Mr. President, Members of the Court, during the first round of oral argument, Nicaragua
23

confirmed — indeed aggravated — the impression it has given since the very start of this case: that

its claim is as artificial as the caño it built in 2010. And so the first part of my presentation on

Nicaragua’s claim to sovereignty will be brief. I will then answer the questions put by

Vice-President Yusuf and Judge Donoghue. Thirdly, again briefly, I will address Nicaragua’s

curious claim that it has a right to cause harm to and occupy Costa Rican territory and, last but not

least, I will respond to Nicaragua’s arguments on the question of remedies, which Costa Rica’s

Agent will present to you at the end of this sitting.

56 AP1-10c, p. 3, onglet n 16 du dossier de plaidoiries établi par le Nicaragua pour les audiences du
16 avril 2015. - 17 -

A. The first round exposed the artificiality of Nicaragua’s claim

2. I will begin, therefore, with Nicaragua’s artificial claim. I do not have a great deal to add

to what I said during my presentation on 14 April 57. My colleague Mr. Wordsworth has already

dealt with Nicaragua’s convoluted interpretation of the Alexander Awards. All that the other Party

added to the first round was a reiteration of its far -fetched analysis of the maps and photographs in

the case file. And yet, altho ugh it is still making music, Nicaragua has — once again — changed

its tune! It now appears to be “à la recherche du caño perdu” (in search of the lost caño). Its caño

has gone. Not a drop of water flows through it any longer, nor will it again. Since its justification

for the caño built in 2010 — namely, that it was the boundary — has clearly become unsustainable,

Nicaragua seems to be saying to the Court: if our caño is not the “first channel met”, not to worry:

you, the Members of the Court, can do our work for us by sending experts or by going to see for

yourselves whether there is another and where it is to be found 5!

(a) The further the proceedings advance, the more Nicaragua contradicts itself

59
24 3. Professor Pellet told you that speech before the Court is free . That is not in doubt,

although I do wonder if Nicaragua is not guilty of abusing both your patience and your time.

Following up on my reference to Marcel Proust’s magnum opus , we cannot say the same as

Françoise to Mme Octave: unlike h ers, our time is precious. Mr. President, is it even plausible to

assert at once all four proposals put forward by Nicaragua in the first round, namely:

(a) that the boundary is moving and that, because the channels are prone to change, the first “caño”

is also subject to change and is the first channel met each time the situation on the ground is

assessed 60;

(b) that the caño allegedly “cleaned” in 2010 has dried up and is once again covered by vegetation

and that, therefore, no harm has been done 61, or at least no “serious” or “significant” harm;3

57
CR 2015/2, pp. 46-72, paras. 1-76 (Kohen).
58
CR 2015/5, p. 14, para. 23 (Argüello); pp. 33-34, para. 24, and p. 41, para. 42 (Pellet); CR 2015/7, p. 11,
para. 4 (Loewenstein).
59CR 2015/7, p. 49, para. 23 (Pellet).

60CR 2015/5, p. 13, para. 18 (Argüello).
61
CR 2015/7, p. 15, para. 16, and pp. 21-22, para. 36 (Loewenstein).
62
CR 2015/5, p. 39, para. 35 (Pellet).
63CR 2015/7, p. 17, para. 24 (Loewenstein); pp. 41-42, para. 5 (Pellet). - 18 -

(c) that, in the words of Nicaragua’s Agent, “Nicaragua’s position is that the present first caño

connecting the river proper with Harbor Head Lagoon is the caño that was cleaned up in the

64
year 2010” ; and lastly, I am now quoting Mr. Loewenstein,

(d) that “it cannot be determined with certainty whether channels do, in fact, connect the San Juan

to Harbor Head from cartographic materials and/or remote sensing images alone. Inspection in
65
the field is necessary” ? This is the “second lesson” that Nicaragua asks the Court to take

away from the presentations of the experts of both Parties.

4. Thus, to sum up Nicaragua’s position: “the 2010 caño is the ‘first channel met’ when it

comes to establishing the boundary, but is no longer the ‘first channel met’ — because it has dried

up — when it comes to avoiding reparation for damage caused. In fact, it no longer knows where

25 the caño is. So off you go to maybe find another.” I admit to being somewhat tired of Nicaragua’s

contradictions and the clearly unfounded nature of its claim. Having done nothing for five years

but harp on about the “cleaning of a caño” which is said to constitute the boundary, having claimed

the day before that at least a dozen maps and photos proved the existence of that caño 66, it tells you

the following day that in fact it is not clear-cut and that there are others which could also fit the bill,

and finishes by asking you to come and see for yourselves. Mr. President, that has to be the firs t

time a State has come to the Court to make a territorial claim saying that in truth it is not entirely

sure about that claim and that it falls to you to determine it. The Court is not an investigative body,

nor are its judges conciliators. The respect owed to its function demands that Nicaragua tell you

with the necessary degree of precision exactly what it is claiming.

(b) The official maps used by the joint commissions remove all possible doubt

5. Turning to the maps, Nicaragua’s silence in its Counter-Memorial continued to resonate in

its first round of oral argument with respect to its official map of the Department of Río San Juan,

which was “verified” on the ground by the INETER 6, and to all the maps which it presented to the

Court in the Dispute Regarding Navigational and Related Rights, amongst so many others.

64
CR 2015/5, p. 13, para. 18 (Argüello).
65CR 2015/7, p. 11, para. 4 (Loewenstein).

66CR 2015/5, pp. 30-32, paras. 21-22 (Pellet).
67
MCR, Vol. V, Ann. 193. - 19 -

6. There is no need for me to dwell on each of the maps and photographs which were

deployed with unbridled imagination by my friend and colleague, Alain Pellet, on 17 April. At a

stroke, Mr. Kondolf’s cross -examination brushed them aside. On the one hand, the expert

appointed by Nicaragua was incapable of identifying the alleged boundary caño even once with

any certainty 68. Although, in his report, he had begun by asserting categoricall y that the aerial

69
photographs from 1960 depicted the caño , he finished by stuttering before the Court that “[w]e

see some kind of pattern, some kind of lineation that is suggestive” 70. But quite frankly,

26 Mr. President, these photographs do not suggest any thing at all. On the other hand, he confirmed

that large-scale maps and images take precedence over small-scale maps 7.

7. As for the provisional map of 1949 of the whole of Costa Rica, to which our opponents

attach so much weight, in the end Mr. Kondolf agreed that its depiction of the caños in the region
72 73
contradicts the 1988 maps . This is a map at a scale of 1:400,000 . In any case, does that change

anything? The map describes the Isla Portillos region as Costa Rican, whether there are caños or

not.

8. Members of the Court, I shall merely note that, if it is true that all these caños connecting

Harbor Head Lagoon to the San Juan existed at the times that all the maps and photographs shown

by Nicaragua were drafted or taken, then at all those times t hose caños were the “first channel

met”, whether or not the actual “first channel met”, which existed in Alexander’s time, had

disappeared.

9. Let us do as Nicaragua suggests: let us take the 1988 map of the American Defense

74
Mapping Agency, which it has used extensively . It is the map in Annex 185 of Costa Rica’s

Memorial. Like the maps of Costa Rica’s IGN and Nicaragua’s INETER, which both date from

75
1988, this map is at the appropriate scale: 1:50,000 . If we followed Nicaragua, the “first channel

6CR 2015/6, pp. 39-46.

6Certain Activities, CMN, Vol. I, para. 6.73.
70
CR 2015/6, p. 44.
71
Ibid., p. 41, pp. 42-43, p. 47.
7Ibid., pp. 47-48.

7Certain Activities, MCR, Vol. V, Ann. 176.
74
Certain Activities, MCR, Vol. V, Ann. 185.
7Ibid., Anns. 186 and 188. - 20 -

76
met” would be the one which Mr. Kondolf referred to as the “Y caño” (because of its shape) .

Having lost its caño of 2010, Nicaragua is seeking salvation in other caños . This begs the

following simple and inescapable question: why, if all these maps showed “first channel[s] met”

which were different from Alexander’s, did Nicaragua not say anything until 2010? The answer is

quite simple: because Nicaragua did not contest the boundary at any of the times concerned, and

only began to interpret the Alexand er Award differently in 2010, in order to justify its occupation

of IslaPortillos.

27 10. Moreover — and that “moreover” is very important, Mr. President — if Nicaragua’s

current thesis were true, either the arbitrator, General Alexander, made a mistake and designated a

“first channel met” which was not a channel, or, at the time that Alexander handed down his award,

there was no caño between Harbor Head Lagoon and the San Juan River. As you will agree,

Members of the Court, neither of those two hypothese s is defensible. The first because, as

77
Professor Pellet reminded us , the arbitrator had travelled through the area and therefore knew it

very well. The second hypothesis is equally implausible given the swampy character of the area,

and especially in the light of Mr. Kondolf’s reply to Judge Robinson’s question: the slope from the
78
river to the lagoon has existed for 150 years , and therefore also existed when Alexander handed

down his award. It is difficult to believe that there were no “ caños” connecting the river to the

lagoon at that time. The imagination has its limits, after all.

11. This map of 1988 is also useful in other respects. It demolishes once and for all

Nicaragua’s interpretation of the expression “first channel met” as “first caño met”. Let us take a

look at the English translation of “ caño” in the bilingual glossary, which appears on the map. No,

Members of the Court, a “caño” is not a “channel”; it is a “creek, [or] stream”, or a “ruisseau” in

French. Alexander would never have intended the boundary line to run along a stream, and not to

reach the mouth of the river. The channel was actually situated at the mouth of the river. The

arbitrator was careful, as he himself stated, to respect what the authors of the Treaty of

76
CR 2015/6, p. 40 (Kondolf).
77CR 2015/5, p. 23, para. 8 (Pellet).
78
CR 2015/6, p. 52 (Kondolf). - 21 -

15 April 1858 had in mind. The “first channel met”, Mr. President, is not and cannot be the “first

creek met”.

12. That is not all, Mr. President. The map bears the following statement, in English and

Spanish: “Users should refer corrections, additions, and c omments for improving this product to:

Director, Defense Mapping Agency, Hydrographic/Topographic Center” followed by the address

of the agency concerned. This map was at the disposal of the geographic institutes of the two

countries. It was used extensively and followed when, in the same year and in close collaboration,

they each produced their own maps — the ones we are familiar with — of San Juan del Norte and

79
Punta Castilla at the scale of 1:50,000 . Mr. President, some of the “users” of the map are far from

insignificant to our case: they are the members of the two national geographic institutes and of the

80
Sub-Commission on Limits and Cartography, as we explained in the first round .

28 13. Members of the Court, to use the terminology employed by t he Court in the cases

concerning the Temple of Preah Vihear, the North Sea Continental Shelf, Certain Phosphate Lands

in Nauru, and so many others, for decades, indeed until the end of 2010, Nicaragua had — and I

quote — a “consistent and undeviating attit ude” 8, a “very definite, very consistent” course of

82 83
conduct , indicating a “clearly and consistently evinced acceptance” of the territorial situation

established by the Alexander Award as we interpret it, or, if you wish, “a clear and unequivocal

84
waiver” of a claim to a different interpretation from the one established therein.

14. I shall add three brief points to that: first, Nicaragua has itself cited other Costa Rican

effectivités; second, Nicaragua’s position conflicts with its claim to the Bay o f San Juan del Norte;

and, last but not least, during the first round of oral argument, Nicaragua emphasized its rejection

85
of what you termed in 1994 “the fundamental principle of the stability of boundaries” .

79
Certain Activities, MCR, Vol. V, Anns. 186 and 188.
80CR 2015/2, pp. 51-52, para. 18 (Kohen).

81Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 30.
82
North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic of
Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, p. 25, para. 28.
83
Ibid., p 26, para. 30.
84Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment ,

I.C.J. Reports 1992, p. 247, para. 13.
85Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriy a/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 37, para. 72. - 22 -

(c) Nicaragua recognizes that Costa Rica exercised control over the “disputed territory”

15. Mr. President, in accordance with the demarcation carried out by the commissions

chaired by Alexander, it was naturally Costa Rica that performed acts of public authority on the

29 territory under its soverei gnty. I shall not return to what we have already written and said 8. I

merely point out that, during the first round, Nicaragua, in an attempt to demonstrate that it has not

caused any harm to the disputed territory, criticized Costa Rica’s stance of extending livestock

rearing and pasturing activities to “Costa Rica’s Ramsar site in which the disputed caño is located”

87
and even using the site for the purposes of tourism . At this stage, I will not discuss what

Costa Rica has done or authorized on its Rams ar site. I note that Nicaragua thus recognized

Costa Rica’s control over the territory that is in dispute today.

(d) Nicaragua’s claim is inconsistent with its claim to the Bay of San Juan del Norte

16. Mr. President, Nicaragua attempted to initiate its claim of exclusive sovereignty over the

Bay of San Juan del Norte by way of a counter -claim, whereas the Parties clearly stated in

Article IV of the 1858 Treaty that that bay and Salinas Bay “shall be common to both Republics”.

I will of course not consid er the question here. Quite rightly, the Court declared that request

inadmissible 88. Let me just briefly add another inconsistency to the long list of Nicaragua’s

inconsistencies. In the present case, the Respondent keeps insisting that, since Alexander’ s “first

channel met” has disappeared, another one must be found. To justify its claim of exclusive

sovereignty over what remains of the Bay of San Juan del Norte, the Counter -Memorial asserts

that: “the former Bay of San Juan del Norte lying west of the boundary between the two Parties

has disappeared and, hence, Costa Rica’s claims over that area have been extinguished” 89. I leave

aside the fact that the Bay of San Juan del Norte has not disappeared, but I note that, for Nicaragua,

the consequences of disappearing bodies of water vary depending on whether it serves its interests

or not.

86
MCR, paras. 4.43-4.54; CR 2015/2, p. 57, para. 30 (Kohen).
87CR 2015/7, p. 33, para. 30 (McCaffrey) and tab 19 of Nicaragua’s judges’ folder ofApril 2015, afternoon
session; CR 2015/7, pp. 17-18, paras. 24 and 27 (Loewenstein).

88Certain Activities, Order of 18 April 2013, I.C.J. Reports 2013, p. 215, paras. 38 and 41 (B).
89
Certain Activities, CMN, para. 9.34. - 23 -

(e) Contempt for the principle of stability of boundaries on the pretext of the existence of a
“mobile boundary”

30 17. During the first round, Nicaragua laid great emphasis on the so-called “mobile” nature of

90
the boundary . Some clarification is necessary. It would be more appropriate to speak of “mobile

boundaries” in respect of boundary lines which follow the main navigation channel of a river or

which are located on glaciers. For example, the Court declared that the boundary between Namibia

and Botswana “follows the line of deepest soundings in the northern channel of the Chobe
91
River” . This is a boundary that will vary depending on the line of deepest soundings at any given

moment. The situation here is quite different. It is true that the boundary was fixed on the banks,

since that is what we have here, a boundary fixed on the banks of the San Juan and Laguna

Los Portillos/Harbor Head Lagoon. The contours of the banks can vary, and thus so too the

contours of the territories under consideration. But the so- called “mobility” stops there. It is a

deliberate confusion, on Nicaragua’s part, between the question of the geophysical change in the

boundary (the bank cha nges) and the legal mobility of the boundary (the legally established

description of the boundary changes).

18. Moreover, the essence of the principle of the stability of boundaries is that a boundary

that has been accepted by the parties cannot be called into question. As you summarized the matter

so well:

“In general, when two countries establish a frontier between them, one of the
primary objects is to achieve stability and finality. This is impossible if the line so
established can, at any moment, a nd on the basis of a continuously available process,

be called in question, and its rectification claimed, whenever any inaccuracy by
reference to a clause in the parent treaty is discovered. Such a process could continue
indefinitely, and finality would never be reached so long as possible errors still
remained to be discovered. Such a frontier, so far from being stable, would be
92
completely precarious.”

19. In the present case, there is not even an error. Quite the opposite, Mr. President. There

are maps which form part of the arbitral award and the work of the joint commission chaired by

Alexander. There are decades of constant acceptance of that decision, of exercise of Costa Rican

sovereignty and Nicaraguan compliance. Now, Nicaragua is asking no thing more and nothing less

90
CR 2015/5, pp. 24-25, paras. 9-11 (Pellet).
9Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia) , Judgment, I.C.J. Reports 1999, p. 1108, para. 104 (1).
92
Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 34. - 24 -

31 than to leave the boundary permanently open, so that the Parties would have to modify it every

time another creek, if any, became the first to connect the river to the lagoon. Rather than the

principle of stability of boundari es, it is a sort of “principle of precariousness of boundaries

constantly in dispute” that Nicaragua would like to apply.

B. Reply to the question put by Vice-President Yusuf

20. In this context, it now falls to me to reply to the question put by Vice -President Yusuf,

and which reads as follows:

“Counsel for Costa Rica suggested that part of the strip of sand constituting the

Northern bank of what Costa Rica regards as the ‘first channel met’ might have
disappeared. In that case, could Costa Rica clarify , for the Court, whether what it
regards as ‘the first channel met’ still joins the San Juan River today?

In any event, what is, according to Costa Rica, the exact course of the boundary

line in the disputed area including the beach on the Caribbean93ea, west of Harbor
Head Lagoon and until the mouth of the San Juan River?”

21. Indeed, the strip of sand constituting the northern bank of the channel at the mouth of the

river that joined Laguna Los Portillos/Harbor Head Lagoon to the San Juan River proper has

disappeared due to the action of marine erosion. The channel itself has also disappeared. As a

result, Laguna Los Portillos/Harbor Head Lagoon is no longer connected to the San Juan River. It

can be seen from the satellite image of 14 September 2013, which you have at tab 18 of your

folders and which is on the screen 94, that, on the one hand, the strip of sand has disappeared under

the sea along the entire coast of Isla Portillos, and that, on the other, there is no link between the

river and the lago on: one only has to compare the San Juan’s brownish colour as a river with a

high sediment load and the greenish colour of Laguna Los Portillos/Harbor Head Lagoon.

22. The disappearance of the strip of sand constituting the northern bank of the channel

joining the two bodies of water is also evident from the official map produced by Nicaragua

32 in 2011 as propaganda for its new position on the boundary (the “Caño del Puerto” map) 9, which

you can also see on the screen and which is at tab 20 of your folders.

93
CR 2015/7, p. 64, para. 52 (Vice-President).
9Satellite image of 14 Sep. 2013, Certain Activities, Request by Costa Rica for the indication of new provisional
measures, 23 Sep. 2013, Att. PM-28, area in detail.

9MCR, Vol. V, Ann. 196. - 25 -

23. As Costa Rica explained in its Memorial 96 and as Mr. Wordsworth has just recalled,

Article II of the 1858 Treaty of Limits provided that, beginning at the Caribbean Sea, the boundary

should start at the extremity of Punta Castilla, which was then located at the mouth of the San Juan

River, and run along the right bank of that river. Nicaragua now recognizes that the demarcation

established by the Alexander Award followed the eastern channel to the mouth of the river and that

that channel no longer exists 97.

98
24. As we have explained and as the Parties moreover recognized, the disappearance of the

channel joining the lagoon to the river has no impact on the land mass demarcated by the

Alexander Award, which was implemented without opposition until Nic aragua’s show of force

in 2010.

25. To answer the second part of the question, let us recall the manner in which the Court

described the “disputed territory”: “the area of wetland of some 3 square kilometres between the

right bank of the disputed caño, t he right bank of the San Juan River up to its mouth at the

99
Caribbean Sea and the Harbor Head Lagoon” . The boundary between Costa Rica and Nicaragua

follows the right bank of the San Juan River from its mouth to the point located 3 English miles

below Cas tillo Viejo. The caño constructed in 2010 by Nicaragua in no way constitutes a

boundary, and any territory north or south of the caño , including the latter, is Costa Rican. The

boundary in the “disputed territory” thus follows the right bank of the San J uan River from its

mouth southwards. To the east, from the mouth of the river to the Laguna Los Portillos/Harbor

Head Lagoon, the territory is consequently Costa Rican. The boundary then follows the water’s

edge around the Laguna Los Portillos/Harbor Head Lagoon.

96
MCR, para. 2.17.
97CR 2015/5, p. 29, para. 20 (Pellet).

98MCR, para. 2.49.
99
Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 19, para. 55. - 26 -

33 26. The Isla Portillos beach is an integral part of the land mass of Isla Portillos, and, as was

explained at the hearings on the second request for provisional measures in 2013 and in the first

100
round of argument on the merits a few days ago, that beach is therefore on Costa Rican territory.

27. Nicaragua laid claim to this beach during the hearings on the second provisional

measures in an attempt to justify its military presence, and asserted that it was not part of the
101 102
“disputed territory” . The Court rejected that position . Nicaragua’s argument consisted in

declaring that the Isla Portillos beach was the strip of sand that was located north of the coast,

separated by the channel. At the 2013 hearings Costa Rica already showed that this w as not so.

On the screen, and in tabs 21 to 25 of your folders, you can see, on the one hand, the map of the

region and the satellite photographs showing the exact co- ordinates of the location of the

Nicaraguan military camp on the beach and, on the other, the strip of sand submerged in the sea.

28. Given that Nicaragua said nothing about its position in this connection during the first

round of argument, Costa Rica reserves the right to comment on Nicaragua’s reply to the present

question.

C. Reply to the question put by JudgeDonoghue

29. Mme la juge Donoghue a posé aux deux Parties la question connexe suivante :

o
«Certaines photographies, comme celle qui figure sous l’onglet n 10 du dossier
des juges que nous avons aujourd’hui, montrent une formati on sableuse entre la mer
des Caraïbes et la masse d’eau appelée lagune de Harbor Head ou lagune de

los Portillos. Je demande à chacune des Parties de donner son interprétation de
l’apparence et de la configuration actuelles de cette formation.

Si cette formation existe toujours aujourd’hui , comprend- elle une partie
103
terrestre qui peut appartenir à un Etat ? Dans ce cas, auquel et pourquoi ?»

34 30. La réponse est la suivante. La bande située au nord de la lagune de l os Portillos, ou

lagune de Harbor Head, est un banc de sable. Soumise à l’érosion marine, cette formation subit de

100
Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 22 N ovember 2013, I.C.J. Reports 2013, p. 365, para. 46; CR 2015/2, p. 36, para. 38 (Brenes);
pp. 64-65, paras. 51-52 (Kohen); CR 2015/4, p. 25, para. 9 (Parlett).
10Ibid., Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costav. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 22 November 2013, I.C.J. Reports 2013, pp. 363-364, para. 42.

10Ibid., p. 365, para. 46.
103
CR 2015/7, p. 65, par. 52 (Donoghue) - 27 -

ce fait de fréquents changements. La photographie satellite prise le 14 septembre 2013 montre que

cette bande sableuse s’étend de l’extrême nord–est de la lagune à son extrémité nord-ouest.

31. Ce banc de sable séparant la lagune de la mer n’a pas été considéré comme faisant partie

104
de la «terre ferme» dans la première sentence Alexander . Il ne peut être considéré comme étant

susceptible d’appartenir à un Etat que si, à marée haute, il demeure émergé en permanence, auquel

cas il appartiendrait au Nicaragua. En effet, au regard de la sentence Alexander, la formation située

du côté maritime de la lagune est nicaraguayenne. Cela s’applique bien entendu uniquement à la

formation faisant directement face à la lagune, et non à la plage d’Isla Portillos, qui relève du

territoire costa -ricien, ainsi que cela est exposé dans la réponse à la question de M. Yusuf ,

vice-président. En tout état de cause, ni la lagune ni la formation situé e entre celle-ci et la mer ne

sont l’objet de la présente instance.

32. Mr. President, Members of the Court, the territorial configuration resulting from the

boundary régime established by the 1858 Treaty and the 1897 Alexander Award might seem odd to

some. Indeed, part of Nicaragua consisting mostly of water remains enclaved within Costa Rican

territory. This is the situation that has emerged in the region through the operation of international

law. Nicaragua’s crude attempt to change it, both physicall y and in respect of territorial

sovereignty, cannot and must not succeed.

33. Moreover, the existence of such enclaves is not unknown in international and domestic

practice. This Court, for example, declared the existence of Belgian enclaves in Dutch territory in

105
the case of Sovereignty over Certain Frontier Land . Enclaves of Brunei Darussalam can be

found in the Malaysian territory of Borneo, and an enclave of Timor -Leste in Indonesian territory

on the island of Timor. And to mention an enclave which is near to me, and which, Mr. President,

several Members of the Court as well as my colleagues on the other side of the Bar know well,

35 there is the Genevan enclave of Celigny, in the territory of the Vaud canton in Switzerland. The

significant difference between all these enclaves and this case is that here we are dealing with an

104Première sentence de l’arbitre E.P. Alexander sur la question de la frontière entre le Ca Rica et le
Nicaragua, rendue le 30 septembre 1897 à San Juan del Norte et réimprimée dans le Recueil des sentences arbitrales des
Nations Unies, vol. XXVIII (2007) (MCR, annexe 9), p. 220.

10Sovereignty over Certain Frontier Land (Belgium/Netherlands) , Judgment, I.C.J. Reports 1959, pp. 212-213. - 28 -

uninhabited and uninhabitable territory, whereas in the four cases I have just mentioned, the

territories are inhabited.

D. The alleged right of Nicaragua to cause harm to Costa Rica
and to “temporarily” occupy its territory

34. Mr. President, I will now address what might be called “the claim of a Nicaraguan right

to cause harm to Costa Rica”. This must be the first time in history that a State has come to the

Court requesting it to note its alleged right to cause harm to another State and even to temporarily

occupy its territory. The first time this claim was put forward, more than a century after the

Cleveland Award, was in 2011 before this Court . 106

35. It is an interpretati on that flies in the face of normal relations between States, which are

founded on mutual respect. In fact, it is a claim that flies in the face of the basic notions of any

legal system, and, if I may say so, of all concepts held by all peoples whereby the rights of others

should not be harmed. The argument put forward consists in an interpretation of the Cleveland

Award, which is said to constitute the lex specialis, thus derogating from the general rules on harm

and responsibility. Ms Parlett will refute this particular view of the lex specialis later on.

36. I shall merely recall here that any interpretation of a treaty or judicial text (I would add,

especially if it is an arbitral or judicial decision) should be in accordance with, and not in breach of,

international law. Indeed, this Court has stated that “[i]t is a rule of interpretation that a text

emanating from a Government must, in principle, be interpreted as producing and as intended to

107
produce effects in accordance with existing law and not in violation of it” . What applies to

governmental acts applies a fortiori to an arbitral award.

36 37. Members of the Court, even in the case of an agreement purporting to derogate from the

exhaustion of local remedies rule  nonetheless a common occurren ce  you yourselves

recommended the utmost caution. To quote: “the Chamber finds itself unable to accept that an

10CR 2011/2, p. 26, para. 21 (McCaffrey); pp. 56-57, para. 14; and p. 61, para. 24 (Pellet).

10Case concerning the Right of Passage over Indian Territory(Portugal v. India), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1957, p. 142. - 29 -

important principle of customary international law should be held to have been tacitly dispensed
108
with, in the absence of any words making clear an intention to do so” .

38. Mr. President, there is nothing in the Cleveland Award that suggests an intention to

dispense with the basic rule of any legal system whereby there exists an obligation not to cause

harm to others. The simple and correct i nterpretation of that award is as follows: unlike works in

the common bays, Costa Rica cannot prevent Nicaragua from carrying out, on its own territory,

works of improvement on the river, provided that Costa Rican territory is neither occupied, flooded

or otherwise damaged. If the latter were to be the case, however, Nicaragua would then have to

compensate Costa Rica.

E. Nicaragua’s efforts to reduce the compensation due and escape
other forms of reparation and satisfaction

39. Mr. President, I now turn to the issue of “remedies”. One has the impression that

Nicaragua thinks it is already at the next phase of these proceedings. Nicaragua appears to be more

concerned with minimizing the amount of damage caused than with defending its legal position.

This was the aim of Mr. Loewenstein’s entire presentation and of a good part of those by my

colleagues Mr. McCaffrey and Mr. Pellet 109. Ms Parlett will speak to you about Nicaragua’s

curious way of interpreting satisfaction as an order for provisional measure s. Ms Del Mar will

demonstrate to you the admissibility of our request to abrogate provisions of Decree No. 79-2009

that are contrary to the Court’s 2009 Judgment.

40. In its frantic quest to minimize costs, counsel for Nicaragua spoke to us of the so- called

“symbolic, if not fictitious” nature of the harm suffered. But reforestation has a cost,

Mr. President. Organizing on -site inspections by environmental personnel, sometimes with

37 personnel from the Ramsar Secretariat pursuant to the Court’s Orders, the work of filling in the

eastern caño in 2013, all this, and more, also has a cost, Mr. President. Cancelling contracts for

river transportation on account of the prohibition of navigation, that also has a cost, Mr. President.

10Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (United States of Amerv. Italy), Judgment, I.C.J. Reports 1989, p. 42,
para. 50.

10CR 2015/7, pp. 11-23, paras. 6 -40 (Loewenstein); pp. 30, 36, paras. 24, 37 (McCaffrey); pp. 5460,7-
paras. 32, 39, 40 (Pellet). - 30 -

At the right time, i.e., at another stage in the proceedings, Costa Rica will provide the Court with a

breakdown of the reparation due.

41. As for the efforts deployed by my colleague Alain Pellet to avoid the different forms of

satisfaction and guarantees of non -repetition we have requested, I would say that Nicaragua’s own

defence of its sovereignty claim made in the first round will not help it convince the Court of its

alleged good faith. I shall not return to what we said some ten days ago. All our requests still

stand.

42. The attempts to shift all the responsibility for Nicaragua’s actions onto the person of

Eden Pastora and his troop do not fool anybody 11. Not only because Mr. Pastora is an official of

the Nicaraguan Government, but also and above all because Nicaragua a dmitted that its armed

forces were present on the territory of Isla Portillos at the time of the actions of 2010- 2011 and

2013. It even advertised these military activities on Isla Portillos with great fanfare in its famous

“White Book” in 2010.

43. Trut h be told, Members of the Court, this vain attempt to whitewash the Managua

Government rather confirms the need for Costa Rica to request guarantees of non -repetition.

Mr. President, a government which, of its own admission, is incapable of ensuring that its agents

respect not only the sovereignty and integrity of a neighbouring State, but also a binding order of

the Court whilst the case is pending — such a government must give guarantees of non-repetition.

44. As Nicaragua further admits, its governmen t is unable to keep abreast of how its agents

behave towards Costa Rica. Neither the Court nor Costa Rica has been informed of any penalty

imposed on the individuals responsible for the actions in question. One form of guarantee of

38 non-repetition might consist in a request for the Nicaraguan Government to instruct, in the manner

of its choice, its armed forces, the personnel of the national port authority and Mr. Pastora and his

dredging team to comply with the Court’s forthcoming decision in respect of C osta Rica’s rights.

Another form of guarantee of non- repetition, again in the manner of Nicaragua’s choice and in

accordance with domestic law, would be to impose penalties on the personnel responsible for such

actions.

110CR 2015/7, pp. 54, 57, 61, paras. 33, 38, 43 (Pellet). - 31 -

45. As for our request for the awa rd of procedural costs, contrary to what our opponent

claims  admittedly, without too much conviction  the present stage of the proceedings is the

right time for it to be addressed. Which is what we are now going to do.

Conclusion

46. My conclusion will be brief, Mr. President. The more time goes by, the less Nicaragua is

able to justify its claim: to the extent that the Respondent no longer knows which boundary it is

claiming and is therefore asking you to go, or to send someone, in search of an imag inary “first

creek met”. There are any number of creeks between the river and the lagoon. Creeks that have

dried up and creeks that still exist. Perennial and non -perennial creeks. Creeks that are just about

navigable (which I doubt, but never mind) or creeks that are not navigable at all. All this changes

nothing! None of these creeks has ever been, is or will be the “first channel met” of the Alexander

Award. Isla Portillos was declared to be Costa Rican by the Alexander Award of

30 September 1897. With binding and final effect. Res judicata. End of story. We cannot reopen

what has been closed, and has remained closed, for more than a century.

47. No two cases are alike. But this one stands out from all the rest in several respects. The

occupation by armed forces of a previously unclaimed territory, the ensuing territorial claim aimed

at creating a frontier dispute whose form and content change more and more with the passing of

time, the serious and flagrant lack of respect for the Court’s provisional measures: a dispute of this

nature calls for the deployment of all the tools at your disposal under international law and under

the Court’s Statute.

48. Thank you for your attention, Members of the Court. I ask you, Mr. President, perhaps

after the break, to give the floor to Ms Parlett.

39 The PRESIDENT: Thank you, Professor. It is now time for the Court to adjourn for a

15-minute break. The hearing is adjourned.

The Court adjourned from 11.25 a.m. to 11.40 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. I give the floor to Ms Parlett. - 32 -

Mme PARLETT :

I.L’ INOBSERVATION PAR LE N ICARAGUA DES ORDONNANCES EN INDICATION
DE MESURES CONSERVATOIRES RENDUES PAR LA C OUR

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’aborderai deux points ce

matin. Je traiterai tout d’abord de l’inobservation par le Nicaragua des ordonnances en indication

de mesures conservatoires rendues par la Cour, avant d’en venir aux questions relatives au régime

juridique applicable en matière de protection de l’environne ment, dans la mesure où les Parties

restent divisées sur ce point.

A. La violation par le Nicaragua des ordonnances
en indication de mesures conservatoires

2. Lors du premier tour de plaidoiries, j’ai expliqué que le Nicaragua ne s’était pas conformé
111
à l’ordonnance rendue par la Cour en 2011 et que, ce faisant, il avait aggravé le différend entre

les Parties112.

3. Depuis, l’agent du Nicaragua a declaré à la Cour que ce dernier «regrett[ait] profondément

les actes qui ont suivi l’ordonnance ... de 2011 et qui ont conduit la Cour à décider ... qu’une

113
nouvelle ordonnance était nécessaire» , ajoutant que «le Nicaragua a[vait] bien reçu et compris

son message» 11.

4. M. Pellet a demandé à la Cour de ne plus revenir sur le passé. Il a ainsi déclaré que «si»

violation de l’ordonnance de 2011 il y avait eu et «si» préjudice à l’encontre du Costa Rica il y

avait eu, qu’il soit d’ordre matériel, moral ou juridique, alors l’ordonnance rendue en 2013

constituait en elle -même une satisfaction appropriée 11. Il a également qualifié de regrettable la

prétendue volonté du Costa Rica de «rouvr[ir] un débat que votre seconde ordonnance ... aurait dû

116
clore» . Selon lui, l’heure n’est plus aux réparations.

40 5. En entendant M. Pellet vous dire que l’heure n’était plus aux réparations, j’ai cru avoir été

transportée dans le passé : en effet, alors qu’il assurait en 2013 la défense du Nicaragua contre le

111CR 2015/4, p. 23-31, par. 1-22 (Parlett).
112
Ibid., p. 31-32, par. 23 (Parlett).
113
CR 2015/5, p. 18, par. 42 (Argüello).
114Ibid., p. 18, par. 42 (Argüello).
115
CR 2015/7, p. 41-41, par. 5 (Pellet).
116
Ibid., p. 45, par. 14 (Pellet). - 33 -

prononcé de votre seconde ordonnance, M. Pellet vous a alors dit que cette heure n’était pas encore

venue, toute discussion ayant trait à la responsabilité pour une quelconque violation étant, selon lui,

«prématurée : il s’agi[ssait] de questions de fond, qu’il n’appartient pas à la Cour de trancher à ce

stade» 117. Il vous a dit qu’il incombait à la Cour de se convaincre qu’il n’existait aucune

circonstance excluant l’illicéité et que les actes en cause engageaient la responsabilité du

Nicaragua, mais qu’elle ne pouvait le faire à l’époque 118.

6. Ainsi, en 2013, M. Pellet a déclaré qu’il était trop tôt pour trancher la question de la

violation de l’ordonnance de 2011. Aujourd’hui, en 2015, il dit qu’il est trop tard.

7. De fait, dans son ordonnance de 2013, la Cour avait fait observer que ses ordonnances en

indication de mesures conservatoires ont un caractère obligatoire et que «la question du respect des

mesures conservatoires indiquées dans une affaire peut être examinée dans le cadre de la procédure

119
principale» . Elle avait également ajouté que ladite ordonnance ne préjugeait en rien de la

décision qui serait rendue sur le fond 120.

8. Dans son ordonnance de 2013, la Cour n’a pas accordé au Costa Rica de réparation eu

égard aux violations par le Nicaragua de son ordonnance de 2011. Elle ne lui a pas donné

satisfaction en constatant la commission de violations, et n’a ordonné aucune mesure de restitution

121
ou d’indemnisation. Or l’heure est maintenant venue de le faire , comme la Cour l’avait fait dans

l’affaire LaGrand 122 en revenant, dans son arrêt au fond, sur la question de l’inexécution des

mesures conservatoires et en accordant réparation. En conséquence :

117
CR 2013/27, p. 34, par. 19 (Pellet). Voir aussi ibid., p. 35, par. 22 (Pellet) : la «discussion sur la responsabilité
[pour non-exécution de l’ordonnance rendue par la Cour en 2011] est prématurée».
118
Ibid., p. 34, par. 19 (Pellet).
119 Affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière

(Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 368,
par. 57 (références omises).
120Ibid. p. 369, par. 58.

121Voir A. Zimmerman et al., The Statute of the International Court of Justice: A Commentary , 2 édition, 2012,
commentaire de l’article41, p. 1068, par. 95.

122LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt , C.I.J. Recueil 2001, p. 516, par. 128, point 5, où la
Cour :

«Dit que, en ne prenant pas toutes les mesures dont ils disposaient pour que Walter LaGrand ne
soit pas exécuté tant que la Cour internationale de Justice n’aurait pas rendu sa décision définitive en
l’affaire, les Etats-Unis d’Amérique ont violé l’obligation dont ils étaient tenus en vertu de l’ordonnance
en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 3mars 1999.» - 34 -

a) Le Costa Rica prie la Cour de lui accorder une satisfaction appropriée, notamment en constatant

l’inobservation par le Nicaragua de son ordonnance de 2011 à raison :

41 i) de la construction de deux nouveauxcaños artificiels sur le territoire litigieux ;

ii) du maintien de campements militaires sur le territoire litigieux ;

iii) de l’envoi et du maintien sur place de ressortissants nicaraguayens qui y ont causé des

123
dommages .

Les termes soigneusement choisis par l’agent du Nicaragua dans ses remarques d’ouverture ne

sauraient être considérées comme des excuses faisant suite à l’inobservation de l’ordonnance

de 2011 et le Costa Rica estime qu’ils ne constituent pas u ne satisfaction appropriée.

Au surplus, il est évident que le Nicaragua refuse d’admettre quelque violation que ce soit,

comme en témoigne la formule «s’il y avait», répétée à l’envi lors du premier tour de plaidoiries
124
du Nicaragua . Ce dernier a eu beau exprimer ses «regrets» pour à peu près tout ce qui

pourrait s’être produit, à aucun moment il n’a relaté complètement et sincèrement les

événements en question, s’employant à brosser le portrait d’un M. Pastora agissant

indépendamment des autorités nicaraguayennes, et n’a reconnu la commission d’aucune

violation.

b) Le Costa Rica demande également à la Cour de lui accorder l’indemnisation des dommages

causés par le Nicaragua au territoire litigieux 125. Je ferai remarquer ici que, selon le conseil du

Nicaragua, aucun dommage «important» n’a été causé à l’environnement 126, que ce soit en

raison du creusement des deux nouveaux caños ou des actions de la jeunesse sandiniste. Or,

ainsi que M. Wordsworth vient de le faire observer, le critère de l’«importance» ne vaut pas

pour ce qui est des dommages causés au territoire d ’un autre Etat. Il ne s’agit pas ici d’un

dommage transfrontière accessoire, mais bien d’un dommage direct et éhonté causé par

l’arrivée de militaires et d’agents nicaraguayens sur le territoire du Costa Rica et les travaux de

creusement qu’ils y ont entr epris. Et si le Costa Rica est parvenu à éviter un préjudice

123CR 2015/4, p. 23-31, par. 1-22 (Parlett) ; ibid., p. 38-39, par. 11-13 (Kohen).
124
CR 2015/7, p. 41-41, par. 5 (Pellet).
125CR 2015/4, p. 36-37, par. 7 (Kohen).
126
CR 2015/7, p. 41-42, par. 5 (Pellet). - 35 -

irréparable en installant une digue dans le caño oriental, et ce, en dépit des efforts déployés par

le Nicaragua pour l’en empêcher, les dommages n’ont pas disparu pour autant . 127

c) Ainsi que M. Kohen vient d’en faire état, le Costa Rica prie en outre la Cour d’ordonner au

Nicaragua de fournir des garanties de non -répétition 128 et de prendre à sa charge les frais

exposés par lui en vue de l’obtention de l’ordonnance de 2013.

42 9. Le Nicaragua ne sau rait se soustraire à l’obligation de donner réparation au Costa Rica

pour la violation de l’ordonnance obligatoire rendue par la Cour en 2011, sous prétexte qu’il n’a

pas creusé de nouveaux caños depuis 2013 129, qu’il a envoyé une centaine de camions chargés de

130 131
sable pour combler la tranchée sur la plage , en prenant soin de photographier l’opération , ou

qu’il a finalement cessé d’envoyer ses ressortissants en grand nombre sur le territoire litigieux pour

132
y effectuer des travaux sur ses instructions . L’observation dont se vante le Nicaragua pour ce

qui est de la seconde ordonnance rendue par la Cour n’annule en rien les dommages causés par la

violation de la première.

10. Je ferai enfin observer que la position adoptée par le Nicaragua lors de son premier tour

de plaidoiries à l’égard de l’ordonnance rendue par la Cour en 2013 présente un contraste saisissant

avec celle qu’il affichait à l’époque, lorsqu’il se défendait vigoureusement contre le prononcé de

celle-ci. Ainsi que M. Kohen l’a expliqué lors d u premier tour de plaidoiries du Costa Rica, le

Nicaragua avait alors avancé que ces mesures n’étaient pas nécessaires puisqu’il s’y conformait

déjà, ce qui ne l’a toutefois pas empêché de rejeter la proposition pourtant raisonnable du

133
Costa Rica tendant à ce que la Cour rende une ordonnance avec le consentement des deux Etats .

Parallèlement, il s’est contenté de brosser à l’intention de la Cour un portrait obsolète de la

situation réelle et de l’avancement effectif de ses travaux depuis que le Costa Rica était parvenu à

127
CR 2015/7, p. 22, par. 39 (Loewenstein).
128CR 2015/4, p. 39-40, par. 17-20 (Kohen).

129Voir CR 2015/7, p. 44, par. 11 (Pellet).
130
Voir Rapport d’exécution technique, «Comblement de la tranchée au nord du canal oriental, San Juan de
Nicaragua», direction technique de l’autorité portuaire nationale, annexe 1 «Description des travaux» (annexe 1 de la
lettre HOL-EMB-252 en date du 9 décembre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua).
131
CR 2015/7, p. 43, par. 7-8 (Pellet).
132Ibid., p. 44, par. 9-10 (Pellet).

133CR 2015/4, p. 41-42, par. 22 (Kohen). Voir aussi lettre HOL-EMB-193 en date du 10 octobre 2013 adressée à
la Cour par le Nicaragua ; lettre ECRPB-073-13 en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica ;
lettre HOL-EMB-197 en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, p.3. - 36 -

134
en obtenir des images . Or pareils faits revêtent, de toute évidence, une pertinence particulière au

regard de la demande du Costa Rica concernant l’adjudication des frais de justice en l’espèce.

B. L’observation par le Costa Rica des ordonnances
en indication de mesures conservatoires

11. Au cours de son premier tour de plaidoiries, le Nicaragua a maintenu sa demande

reconventionnelle selon laquelle le Costa Rica aurait contrevenu aux ordonnances en indication de

mesures conservatoire s prononcées par la Cour. Puisque j’ai déjà traité ce thème lors du

premier tour, je serai brève. Quatre questions se posent.

12. Premièrement, le Nicaragua allègue que le Costa Rica a forcé les ordonnances de la Cour

qui l’autorisaient à envoyer des agents civils sur le territoire litigieux pour empêcher qu’un

préjudice irréparable y soit causé à l’environnement. C’est inexact. Il n’existe aucune preuve

43 montrant que qui que ce soit d’autre que les agents costa- riciens chargés de la protection de

l’environnement et les représentants du Secrétariat de la convention de Ramsar ait été envoyé sur le

territoire litigieux. Les affirmations du Nicaragua quant à la présence de policiers et de missions

chargées de mesures d’instruction ne sont que pures conjectures.

13. Deuxièmement, le Nicaragua a reproché au Costa Rica de ne pas lui avoir donné de

préavis suffisant et de ne pas avoir fait les efforts voulus pour rechercher avec lui des solutions

communes avant d’envoyer des agents civils sur le territoire li tigieux 13. Comme je l’ai expliqué

au début, le Costa Rica s’est montré diligent en donnant à la Cour et au Secrétariat de la convention

134Voir CR 2013/26, p. 21, par. 44 (Crawford).

135CR 2015/7, p. 48, par. 21 (Pellet). - 37 -

136
de Ramsar préavis de ses visites sur le territoire litigieux . Il s’est par ailleurs efforcé de

rechercher des solutions communes avec le Nicaragua en préconisant la coordination en matière de

sécurité sur le territoire litigieux, ce qui a donné lieu à un accord bilatéral sur le sujet 13.

Conformément à cet accord, le Costa Rica a tenu le Nicaragua au courant des questions de sécurité

posées par l’exécution de son obligation d’assurer, depuis son territoire incontesté, la sécurité du

138
territoire litigieux . On se souviendra par ailleurs que le Costa Rica a tenté de promouvoir la

coordination dans la mise en Œuvre des recommandations du Secrétariat de la convention de

Ramsar concernant les caños de 2013, notamment par la réalisation de mesures conjointes dans le

139
44 San Juan, ce que, on s’en souviendra, le Nicaragua a refusé . Le Costa Rica s’est, en toutes

136
Voir, par exemple, lettre DM -DVM-217-11 en date du 30 mars 2011 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica (MCR,
annexe 75) ; lettre DM-AM-046-12 en date du 27 janvier 2012 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua
par son homologue costa -ricien (CMN, annexe 75) ; lettre DM -AM-105-13 en date du 28 février 2013 adressée au
ministre des affaires étrangères du Nicaragua par son homologue costa -ricien (annexe 1 de la lettre DM -AM-109-13 en
date du 28 février 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica) ; lettre DM -AM-678-13 en date du 6 décembre 2013
adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du

Costa Rica (annexe 3 de la lettre ECRPB -0-12 en date du 21 février 2014 adressée à la Cour par le Costa Rica) ;
lettre DM-AM-108-14 en date du 7 mars 2014 adressée au ministre nicaraguayen des affaires étrangères par son
homologue costa-ricienne par intérim (annexe 2 de la lettre ECRPB-070 en date du 21 mai 2014 adressée à la Cour par le
Costa Rica) ; lettre DM-AM-348-14 en date du 17 juillet 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua
par le ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica (annexe 1 de la lettre ECRPB-090-2014 en
date du 22 août 2014 adressée à la Cour par le Costa Rica) ; lettre DM -AM-0707-14 en date du 7 novembre 2014
adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du

Costa Rica (DCR, annexe 47) ; lettre DM-AM-0774-11-14 en date du 2 décembre 2014 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica (annexe 1 de la
lettre ECRPB-020-2015 en date du 20 février 2015 adressée à la Cour par le Costa Rica) ; lettre DM -AM-0818-14 en
date du 12 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre des a ffaires
étrangères et des cultes du CostaRica (DCR, annexe 55).
137
Voir lettre DM-172-11 en date du 18 mars 2011 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par
le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica (MCR, annexe 72) ; lettre MRE-DM-AJST-327-03-11 en
date du 24 mars 2011 adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica par le ministre des affaires
étrangères du Nicaragua (MCR, annexe 73) ; lettre DM-214-11 en date du 29 mars 2011 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica (MCR,
annexe 74) ; lettre MRE-DM-350-04-11 en date du 1 eravril 2011 adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes

du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua (MCR, annexe 77) ; lettre DM-226-11 en date du
4 avril 2011 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre par intérim des affaires étrangères
et des cultes du Costa Rica (MCR, annexe 79) ; déclaration de Peñas Blancas faite par le Costa Rica et le Nicaragua,
12 avril 2011 (MCR, annexe 85) ; dispositif mis en place par le Costa Rica et le Nicaragua aux fins de la mise en Œuvre
d’actions coordonnées de leurs forces de police et de sécurité, Guatemala, 6 mai 2011 (MCR, annexe 89).
138
Voir lettre 612-2011-DV-WN en date du 30 mai 2011 adressée au chef de la police du Nicaragua par le
vice-ministre de la sécurité du Costa Rica (MCR, annexe 91).
139
Voir lettre DM-AM-0639-10-14 en date du 21 octobre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica (DCR, annexe 40) ; lettre
MRE/DM/AJ/439/10/14 en date du 27 octobre 2014 adressée au ministre des affair es étrangères et des cultes du
Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua (DCR, annexe 41) ; lettre DM-AM-0672-14 en date du
28 octobre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre par intérim des affaires
étrangères et des cultes du Costa Rica (DCR, annexe 42) ; lettre MRE/DM -AJ/448/11/14 en date du 3 novembre 2014

adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du
Nicaragua (DCR, annexe 43) ; lettre DM -AM-0697-14 en date du 5 novembre 2014 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes par intérim du CostaRica (DCR, annexe 45) ;
voir également DCR, par. 2.31-2.32. - 38 -

circonstances, pleinement acquitté de son obligation de coordination avec le Nicaragua quant à la

mise en Œuvre des ordonnances de 2011 et de 2013.

14. Troisièmement, le Nicaragua se plaint de ce que le Costa Rica a procédé à des survols

140
répétés et systématiques du territoire litigieux . C’est inexact. Les seules preuves invoquées par

le Nicaragua se limitent à sa propre correspondance diplomatique, dont le plus récent élément

141
semble être la lettre de protestation de février 2012 , dans laquelle il s’insurgeait contre des

survols du territoire nicaraguayen — en donnant les coordonnées de ces prétendues

incursions  ainsi qu’une déclaration censée avoir été faite par une personne au sujet de survols du

territoire litigieux. Or, comme le Costa Rica le lui a expliqué en mars 2012, cette déclaration était

142
erronée. Le Costa Rica n’a pas effectué de survols de routine au -dessus du territoire litigieux .

Quant aux prétendues incursions dans l’espace aérien du Nicaragua, les coordonnées avancées par

ce dernier et figurant sur l’im age actuellement projetée à l’écran sont celles de lieux situés au sud

du fleuve San Juan et très éloignés du territoire litigieux 143. Les raisons de rejeter les allégations

formulées dans la lettre de protestation du Nicaragua sont évidentes.

15. Quatrièm ement, le Nicaragua a également accusé le Costa Rica d’avoir violé

l’ordonnance de 2011 en construisant la route. Je vous épargnerai nos arguments sur ce point, sauf

à rappeler que le Costa Rica maintient que cela n’a d’aucune façon aggravé le différend q ui est à

l’origine de l’affaire relative à Certaines activités 14.

II.A UTRES POINTS RELATIFS AU RÉGIME JURIDIQUE APPLICABLE
EN MATIÈRE D ’ENVIRONNEMENT

45 16. J’en viens aux autres points qui divisent les Parties quant au régime juridique applicable

à l’environnement. Le Costa Rica admet que le Nicaragua peut draguer le fleuve San Juan, et le

14CR 2015/7, p. 47, par. 19 (Pellet).
141
Lettre MRE/DM-AJ/116/02/12 en date du 13 février 2012 adressée au ministre des affaires étrangères du
Costa Rica par son homologue nicaraguayen (CMN, annexe 76), citée in CMN, par. 9.48 et mentionnée in CR 2015/7,
p. 47, note 170 (Pellet).
142
Lettre DM-AM-146-12 en date du 15 mars 2012 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par
le ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica (annexe 1 de la lettre ECRPB-034-12 en date du
29 août 2012).
143
Voir aussi lettre DM-AM-146-12 en date du 15 mars 2012 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica (annexe 1 de la lettre ECRPB-034-12 en date
du 29 août 2012 adressée à la Cour par le Costa Rica), où des explications sont fournies par référence à une carte
annexée.
14Voir CR 2015/4, p. 33, par. 26 (Parlett). - 39 -

Nicaragua a clairement fait connaître son intention de continuer de le faire. Nul doute que d’autres

projets entrepris sur l’une ou l’autre des rives du fleuve risquen t de poser des questions de

dommages transfrontières, de dommages importants, qui nécessiteront évaluation, notification et

consultation. Une déclaration de la Cour quant à la manière dont ces questions doivent être gérées

dans le contexte géographique et juridique particulier de la frontière entre ces deux Etats donnera

une orientation essentielle à leur relation à l’avenir.

17. Pour ce qui concerne le fleuve San Juan, seules deux questions de principe semblent

continuer de diviser les Parties :

a) premièrement, le traité de 1858 et la sentence de 1888 l’emportent -ils sur les obligations en

matière d’environnement qui découlent des principes généraux du droit et des traités

internationaux ;

b) deuxièmement, le Nicaragua a t -il le droit de causer des domma ges au Costa Rica et d’en

occuper le territoire.

18. Vous venez juste d’entendre M. Kohen sur la seconde de ces deux questions, et je ne

répéterai pas ses conclusions.

19. Sur la première, la question de la lex specialis, le Costa Rica regrette que, lo rs de son

premier tour de plaidoiries, il y aura quinze jours vendredi 145, le Nicaragua ait choisi de ne pas

nouer le dialogue en tenant compte des explications données par le Costa Rica dans l’exposé
146
liminaire qu’il a présenté mardi, il y a deux semaines . Dans ces circonstances, je me vois donc

dans l’obligation de réitérer deux points fondamentaux:

a) premièrement, pour se fonder sur la lex specialis, le Nicaragua doit démontrer que le traité

de 1858 et la sentence de 1888 l’emportent sur l’application d’autres régimes, ou que les

obligations découlant du droit international de l’environnement sont incompatibles avec les

147
droits et obligations du Nicaragua au titre du traité de 1858 et de la sentence de 1888 ; et

145
Voir CR 2015/7, par. 19-24 ; p. 31-32, par. 28-29 ; p. 38-39, par. 44-46 (McCaffrey).
146CR 2015/3, p. 50-54, par. 17-26 (Parlett).
147
Ibid., p. 51, par. 18 (Parlett). - 40 -

46 b) deuxièmement, tous les droits et oblig ations du Nicaragua découlant du traité de 1858 et de la

sentence de 1888 doivent être interprétés à la lumière du régime juridique applicable à la

protection de l’environnement en vigueur aujourd’hui . 148

20. Pour ce qui est de la première de ces deux questions, le Nicaragua ne peut mettre en

avant aucune des dispositions du traité de 1858 ou de la sentence de 1888 qui exclue l’application

des règles relatives à la protection de l’environnement. De plus, il a en fait concédé la semaine

dernière que les obl igations découlant du droit de l’environnement ne «contredisaient en rien» le

traité de 1858 et la sentence de 1888 14, tout en soutenant qu’en raison de la lex specialis, le

fleuve San Juan échappait, en quelque sorte, à toutes ces obligations qui ne sont pas

incompatibles 150. Si nous attendons avec impatience une explication quant à la manière de

concilier ces deux affirmations, voici comment nous comprenons la position du Nicaragua.

21. Premièrement, le Nicaragua insiste sur sa souveraineté exclusive — dom inium et

151
imperium — sur les eaux du fleuve San Juan . Il s’empare de l’article 2, paragraphe 3, de la

convention de Ramsar de 1971, qui stipule que «[l]’inscription d’une zone humide sur la Liste [des

zones humides d’importance internationale] est faite s ans préjudice des droits exclusifs de
152
souveraineté de la partie contractante sur le territoire de laquelle elle se trouve située» . S’il veut

dire par là que, dans la mesure où il exerce sa souveraineté sur le fleuve San Juan, les activités qu’il

y entreprend échappent aux obligations découlant du droit de l’environnement, alors il dénature

totalement ce droit qui, ainsi, ne s’appliquerait pas au territoire relevant de la souveraineté d’un

Etat. Cette interprétation est manifestement indéfendable.

22. Deuxièmement, le Nicaragua donne à entendre que le paragraphe 3 (6) de la sentence

de 1888 est incompatible avec l’obligation, que ce soit au titre du droit international ou d’un traité,

148
CR 2015/3, p. 53, par. 24 (Parlett), renvoyant à l’affaire Projet Gabčíkovo -Nagymaros (Hongrie/Slovaquie),
arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 77-78, par. 140 ; à l’arbitrage relatif au Rhin de fer («Ijzeren Rijn») entre le Royaume de
Belgique et le Royaume des Pays-Bas, sentence, 24 mai 2005, CPA, recueil des arbitrages, 2007, par. 59 ; et à l’arbitrage
des Eaux de l’indus Kishenganga (République Islamique du Pakistan c. République de l’Inde), sentence partielle,
18 février 2013 (http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392), par. 452.
149CR 2015/10, p. 33, par. 4 (McCaffrey).

150Ibid., p. 32, par. 3 (McCaffrey).
151
Voir, par exemple, CR 2015/7, p. 24, par. 4 (McCaffrey).
152Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des
oiseaux d’eau, Ramsar (Iran), 2 février 1971, modifiée par le protocole de Paris du 3 décembre 1982 et les amendements

de Régina du 28 mai 1987 (MCR, annexe 14), art. 2, par. 3. - 41 -

de ne pas causer de dommages transfrontières importants. Vous avez vu ce paragraphe à de

47 nombreuses reprises pendant les deux dernières semaines et je ne vous en donnerai pas lecture de

nouveau, mais je tiens à souligner que le droit du Nicaragua de procéder à des travaux

d’amélioration est expressément soumis à la condition qu’il n’en résulte pas de «dommage» sur le

territoire costa-ricien. Cette disposition impose donc une obligation plus rigoureuse au Nicaragua

que le droit international général, car elle interdit «tout dommage» et non pas simplement les

«dommages importants». Comme M. Kohen l’a déjà expliqué, il ne s’agit pas d’une disposition

permettant de «causer des dommages et payer ensuite». Loin d’être incompatible avec l’obligation

de ne pas causer de dommages transfrontières importants, elle impose celle de ne c auser

aucun dommage transfrontière.

23. Troisièmement, le Nicaragua affirme que l’article VIII du traité de 1858, avec le

paragraphe 3 (11) de la sentence de 1888, sont incompatibles avec l’obligation de notification et de

consultation concernant tous travaux sur le San Juan autres que de canalisation.

24. L’article VIII du traité de 1858, que vous voyez maintenant à l’écran, impose des

obligations précises au Nicaragua s’il se propose de construire un canal 15. D’ailleurs, comme le

président Cleveland l’ a confirmé, et ainsi que cela ressort clairement du paragraphe 3 (11) de sa

sentence, dans le cas où la construction du canal porterait atteinte au droit du Costa Rica,

«le consentement du Costa Rica [est] nécessaire» pour que le projet soit mis en Œuvre 154.

25. On voit mal en quoi cette obligation de notification, de consultation et d’obtention du

consentement du Costa Rica qui s’applique aux projets de canalisation est incompatible avec

l’obligation de notification et de consultation qui vaut pour tous aut res travaux sur le fleuve,

y compris le dragage. Pour le Costa Rica, elle est parfaitement compatible et l’idée que les

deux Etats en 1858 et le président Cleveland en 1888 entendaient exclure implicitement toute

évolution future du droit de l’environneme nt est pour le moins difficile à croire. M. McCaffrey

vous a dit que la sentence de 1888 «avait de fait réglé la questio n, ne laissant guère de

153
Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua (Cañas-Jerez), San José, 15 avril 1858 (MCR, annexe 1),
art. VIII.
154Sentence arbitrale du président des Etats-Unis d’Amérique au sujet de la validité du traité de limites de 1858
entre le Nicaragua et le CostaRica («sentence Cleveland»), 22mars 1888 (MCR, annexe 7), par. 3 (11). - 42 -

155
place  voire pas du tout — à pareilles obligations supplémentaires» . Le Costa Rica n’est pas

d’accord.

26. Cela m’amène à un point avéré, à savoir que même les traités et les sentences

du XIX e siècle doivent être interprétés à la lumière des principes en vigueur aujourd’hui concernant

156 157
48 la protection de l’environnement . Le Nicaragua fait totalement abstracti on de ce point

fondamental d’interprétation que reflète l’alinéa c) du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention

de Vienne sur le droit des traités, ce qui n’est guère surprenant car il réduit à néant ses affirmations

quant aux conséquences de la lex specialisdu traité de 1858 et de la sentence de 1888.

27. Enfin, je tenais à signaler que, dans sa plaidoirie du premier tour en l’affaire relative à

Certaines activités 158, M. McCaffrey a nié le caractère obligatoire des obligations découlant de la

convention de Ramsar de 1971, en particulier du paragraphe 1 de l’article 5, pour ensuite faire

observer en l’affaire concernant la « route» 15, en invoquant la même disposition de la même

convention, que le Costa Rica avait «violé de façon flagrante» son obligat ion de consulter au sujet

de la route. Dans l’affaire relative à Certaines activités, il a dit que les termes pressants employés

dans la convention sur la biodiversité de 1992 visaient à «encourager les Parties» à promouvoir

160
l’échange d’informations ; puis il a fait observer dans l’affaire relative à la route que le

Costa Rica avait commis des «violations flagrantes» de son obligation de partager l’information au

161
titre de la convention sur la biodiversité de 1992 . Ces deux affirmations ne peuvent être justes.

28. En conclusion, le Nicaragua a enfreint les obligations que lui imposaient les ordonnances

en indication de mesures conservatoires rendues par la Cour. Le Costa Rica a droit à réparation et

le moment est venu de la lui accorder.

155
CR 2015/7, p. 30, par. 23 (McCaffrey).
156 Voir CR 2015/3, p. 53, par. 24 (Parlett), renvoyant à l’affaire Projet Gabčíkovo-Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 77-78, par. 140 ; à l’arbitrage relatif au Rhin de fer Rijn»)ren
entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays -Bas, sentence, 24 mai 2005, CPA, recueil des arbitrages, 2007,

par. 59 ; et à l’arbitrage des Eaux de l’indus Kishenganga (République Islamique du PakistanRépublique de l’Inde),
sentence partielle, 18 février 2013 (http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392), par. 452.
157Cf. CR 2015/7, p. 28-30, par. 19-24 ; p. 31-32, par. 28-29 ; p. 38-39, par. 44-46 (McCaffrey).

158Ibid., p. 32, par. 29 (McCaffrey).
159
CR 2015/10, p. 43, par. 40 (McCaffrey).
160
CR 2015/7, p. 35, par. 35 (McCaffrey).
161CR 2015/10, p. 43, par. 40 (McCaffrey). - 43 -

29. Quant au régime juridique applicable à l’avenir, qui revêt une grande importance pour le

Costa Rica et, sans aucun doute, également pour le Nicaragua, les activités de ce dernier sur le

San Juan sont soumises aux obligations qui découlent, en matière de protection de

l’environnement, du droit international général et des traités. Aucune lex specialis émanant du

traité de 1858 et de la sentence de 1888 ne met le San Juan à l’abri de la réglementation en matière

d’environnement.

30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

attention et je vous prie, Monsieur le président, d’inviter M. l’ambassadeur SergioUgalde à la

barre.

49 The PRESIDENT: Thank you, Madam. I now give the floor to His Excellency

Mr. Sergio Ugalde.

M. UGALDE :

L E PROGRAMME DE DRAGAGE DU N ICARAGUA ET
LA MANIÈRE D ALLER DE L ’AVANT

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais revenir une nouvelle

fois sur le programme de dragage du Nicaragua.

A. La sédimentation dans le San Juan inférieur et

le programme de dragage du Nicaragua

2. Nul ne conteste que le San Juan inférieur est en proie à un phénomène d’alluvionnement.

Selon les éléments dont nous disposons, l’accumulation de sédiments a commencé à poser

e 162
problème vers le milieu du XIX siècle . Plus récemment, mais toujours avant la construction de

la route, les autorités nicaraguayennes ont constaté l’effet de ce problème sur la navigation, par

exemple en 2006 163. Différents processus naturels contribuent au problème, ainsi que M . Thorne

164
l’a fait observer devant vous . Cela étant, en tout état de cause, il est clair que le processus de

162Voir, par exemple, Despatch of 26 February of 1859 from the United States Consul in San Juan del Norte
[dépêche du 26 février 1859 émanant du consul des Etats-Unis à San Juan del Norte] (CMN, annexe 2).

163Etude de l’impact sur l’environnement du «projet visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan
de Nicaragua» (extraits), septembre 2006 (CMN, annexe 7, p. 7) ; affaire relative à Certaines activités , exposé écrit de
M. Cornelis van Rhee, 15 mars 2015, par. 6 ; CR 2015/6, p. 35 (van Rhee).
164
CR 2015/12, p. 30 (Thorne). - 44 -

sédimentation et les difficultés de navigation consécutives ont vu le jour bien avant les événements

165
motivant les affaires portées devant vous .

3. Il n’est pas contesté non plus que le Nicaragua a mis au point un programme de dragage

166
en 2006 pour tenter de remédier à ce problème . Ce programme consistait initialement à draguer

le San Juan inférieur jusqu’à son embouchure sur quelque 42 kilomètre s, à partir de la zone de la

bifurcation donnant naissance au Colorado, dans le but de rendre la navigation plus aisée 167.

Toutefois, ce n’est pas cette version du programme qui a été exécutée. En effet, la portée du

168
50 programme en question a été revisée qua siment dès sa mise en Œuvre en 2010 et la priorité,

donnée à de vastes travaux de dragage dans la zone du point de bifurcation (point Delta) 169 ― le

tout sans tenir aucun compte des effets environnementaux ou autres, dont l’évaluation était pourtant

requise 170.

4. Il ressort clairement des éléments de preuve soumis par le Nicaragua que le programme de

dragage n’a pas porté ses fruits, un échec dû en particulier aux sédiments qui semblent se redéposer

constamment dans le chenal dragué 171. Ainsi qu’exposé par M. van Rhee, ce phénomène impose

un dragage permanent 17. Aux fins de ce dragage dit «d’entretien» 173, le Nicaragua a apparemment

165Voir, par exemple, CR 2015/6, p. 35 (van Rhee et Reichler).
166
Etude de l’impact sur l’environnement du «projet visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan
de Nicaragua» (extraits), septembre 2006 (CMN, annexe 7) ; Project Design Study [étude de conception du projet],
septembre 2006 (extraits) (CMN, annexe 8).

167 Projet 262 -09 visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan de Nicaragua : rapport
d’avancement technique et financier pour l’année 2014, rapport annuel de l’EPN p our l’année 2014 (2015)
(lettre HOL-EMB-0035 en date du 9 mars 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe1, p. 10).

168CMN, par. 2.58 et par. 5.174-5.176 ; Declaration of the Technical Manager of the National Port Company
(EPN), Lester Antonio Quintero Gómez [déclaration du directeur technique de l’autorité portuaire nationale (EPN),
M. Lester Antonio Quintero Gómez], 16 décembre 2010 (MCR, annexe 164, par. 10-11) ; évaluation technique du projet
de dragage visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan de Nicaragua (rapport annuel de l’EPN pour

l’année 2011), 23 janvier 2012 (CMN, annexe 17, p. 5-6) ; projet 262-09 visant à l’amélioration de la navigabilité du
fleuve San Juan de Nicaragua : rapport d’avancement technique et financier pour l’année 2014, rapport annuel de l’EPN
pour l’année 2014 (2015) (lettre HOL -EMB-0035 en date du 9 mars 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua,
annexe 1, p. 11-12).
169
Evaluation technique du projet de dragage visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan de
Nicaragua (rapport annuel de l’EPN pour l’année 2011), 23 janvier 2012 (CMN, annexe 17, p. 14) ; projet 262-09 visant
à l’amélioration de la n avigabilité du fleuve San Juan de Nicaragua : rapport d’avancement technique et financier pour
l’année 2014, rapport annuel de l’EPN pour l’année 2014 (2015) (lettre HOL -EMB-0035 en date du 9 mars 2015
adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 1, p.20 et 36-41) ; affaire relative à Certaines activités, exposé écrit

de M. Cornelis van Rhee, 15 mars 2015, par. 9 ; CR 2015/6, p. 26 (van Rhee).
170CR 2015/6, p. 26 (van Rhee).

171CR 2015/12, p. 41-42 (Thorne et Reichler) ; voir également ibid., p. 45 (Thorne et Reichler).

172Affaire relative à Certaines activités, exposé écrit de M. Cornelis van Rhee, 15 mars 2015, par. 9 ; CR 2015/6,
p. 30-31 et 33 (van Rhee).
173
CR 2015/6, p. 25 (van Rhee et Wordsworth) et p. 33 (van Rhee et Reichler). - 45 -

174
dû draguer jusqu’à trois fois en l’espace d’un an le volume de sédiments qu’il avait initialement

prévu d’extraire du premier secteur visé dans le cadre de son projet de dragage «initial» ou de

«capitalisation» 175.

5. Les experts sont unanimes sur les raisons expliquant la nécessité de procéder à ce dragage

176
d’entretien permanent . Dans son exposé écrit, M. Thorne expose comment le dragage a pour

effet de réduire la pente du fleuve, ce qui ralentit le débit et donc amoindrit la capacité de charriage,

177
51 d’où le dépôt de nouveaux sédiments . A l’audience, il s’est exprimé en des termes bien plus

directs, je cite : « si…vous draguez profondément le chenal, il se remplira à nouveau très

rapidement» 178.

6. Cette conséquence particulière du programme de dragage était totalement pr évisible, et

avait d’ailleurs été envisagée dans le rapport Ramsar de 2011 179 (auquel je reviendrai dans un

instant), ainsi que par M. Thorne dans son rapport de 2011 en l’espèce 18. Le fait est que le

programme de dragage actuel du Nicaragua était mal conçu dès le départ.

7. M. van Rhee, l’expert du Nicaragua en matière de dragage, a reconnu que le programme

était vain 181. M. Thorne est du même avis ; selon lui, ce dragage dit d’entretien ne finira

182
«jamais» .

174 Projet 262 -09 visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan de Nicaragua : rapport

d’avancement technique et financier pour l’année 2014, rapport annuel de l’EPN pour l’année 2014 (2015)
(lettre HOL-EMB-0035 en date du 9 mars 2015 adressée au greffie r par l’agent du Nicaragua, annexe 1, p. 12 et 20) ;
affaire relative à Certaines activités , exposé écrit de M. Cornelis van Rhee, 15 mars 2015, par. 9 ; CR 2015/6, p. 26
(van Rhee) ; voir également CR 2015/12, p. 45 (Thorne et Reichler).
175
CR 2015/6, p. 25 (van Rhee et Wordsworth) et p. 33 (van Rhee et Reichler).
176
Voir l’affaire relative à Certaines activités , exposé écrit de M. Colin Thorne, mars 2015, par. 4.11-4.16 ;
Colin Thorne, «Evaluation de l’impact physique des travaux effectués par le Nicaragu a depuis octobre 2010 sur la
géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique des sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de leur impact
environnemental en territoire costa-ricien», 2011 (MCR, appendice 1, p. II-41) ; Cornelis van Rhee et Huib de Vriend,
«Influence du dragage sur le débit et l’environnement du fleuve SanJuan», 2012 (CMN, appendice 2, p. 6).

177Affaire relative à Certaines activités, exposé écrit de M. Colin Thorne, mars 2015, par. 4.11-4.16.
178
CR 2015/12, p. 45 (Thorne et Reichler) ; voir également ibid., p. 41-42 (Thorne et Reichler) et p. 51 (Thorne
et Wordsworth).
179 o
Rapport de la mission consultative Ramsar n 72, zone humide d’importance internationale Refugio de
Vida Silvestre del Rio San Juan, Nicaragua, en date du 18 avril 2011 (extrait) (traduction anglaise annexée à la
lettre ECRPB-067-2015 en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica ; dossier de
plaidoiries, onglet n36, p. 42-43, sect. 5.2.1 et p. 46, sect. 6, par. 5).

180Colin Thorne, «Evaluation de l’im pact physique des travaux effectués par le Nicaragua depuis octobre 2010
sur la géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique des sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de leur impact
environnemental en territoire costa-ricien», 2011 (MCR, appendice 1, p. II-28 et II-41).

181CR 2015/6, p. 35 (van Rhee et Reichler).
182
CR 2015/12, p. 46 (Thorne et Reichler) ; voir également ibid., p. 45 (Thorne et Reichler). - 46 -

B. Le risque de dommages importants associé au programme de dragage et
l’absence d’une évaluation en bonne et due forme de

son impact transfrontière sur l’environnement

8. La position du Nicaragua sur son programme semble à présent consister, d’une part, à

insister sur la nécessité d’un dragage 183 et, d’autre part, à soutenir, au mépris des éléments de

preuve, qu’il n’a pas été démontré que le moindre dommage important ait été causé ou risque de

184
l’être .

9. Mais cela ne répond pas aux arguments avancés par le Costa Rica. Tout d’abord, il ne

s’agit absolument pas de savoir si le dragage est ou non nécessaire pour préserver la navigabilité ou

assurer l’alimentation des zones humides en eau douce 185. Pareille nécessité n’autorise pas à

prendre des mesures sans en évaluer les éventuels effets transfrontières.

52 10. Ensuite, il est avéré que le dragage du Nicaragua risque de causer des dommages

importants 186, et il est avéré que celui -ci n’a pas dûment apprécié ce risque. Le Nicaragua ne s’est

donc pas conformé à l’obligation que le droit international de l ’environnement lui fait de réaliser

une évaluation de l’impact transfrontière sur l’environnement, et une évaluation toute nouvelle doit

être effectuée avant la mise en Œuvre de toute autre opération de dragage.

187
11. Comme je l’ai exposé au premier tour , l’étude de l’impact sur l’environnement

de 2006 188 et la documentation y associée 189 ne renferment aucune analyse du débit ou de l’impact

190
potentiel du dragage sur la répartition des eaux entre le San Juan inférieur et le Colorado .

Il convient de noter que M. Reichler n’a pas répondu à cela.

183 CR 2015/6, p. 1, par. 1 et p. 10-13, par. 3-13 (Reichler) ; voir également CR 2015/7, p. 37, par. 40
(McCaffrey).

184CR 2015/6, p. 1, par. 1 et p. 13-23, par. 14-45 (Reichler).
185
CR 2015/10, p. 12, par. 10 (Reichler).
186
Colin Thorne, «Evaluation de l’impact physique des travaux effectués par le Nicaragua depuis octobre 2010
sur la géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique des sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de leur impact
environnemental en territoire costa-ricien», 2011 (MCR, appendice 1, p. II-35 à II-41 et II-42 à II-51).
187
CR 2015/3, p. 68, par. 63-65 ; p. 69-70, par. 71-79 (Ugalde).
188Etude de l’impact sur l’environnement du «projet visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan
de Nicaragua» (extraits), septembre2006 (CMN, annexe 7).

189 Voir, par exemple, Project Design Study [étude de conception du projet], septembre 2006 (extraits) (CMN,
annexe 8).

190CR 2015/3, p. 68-70, par. 62-71 (Ugalde). - 47 -

12. Mais je reviendrai sur ce point ; toujours est -il que le rapport Ramsar d’avril 2011 191

montre clairement que l’étude de 2006 ne pouvait être considérée comme adéquate, même à l’égard

du programme initialement envisagé.

13. Le Nicaragua avait connaissance de ce rapport et savait qu’il était extrêmement pertinent

aux fins de la présente espèce, fût -il en désaccord avec les conclusions y énoncées. Pourtant, il ne

l’a produit que pendant la première semaine de ces aud iences, à la demande du Costa Rica. Vu la

teneur de ce document, on devine aisément pourquoi le Nicaragua n’a pas versé celui -ci plus tôt au

dossier.

14. Ce rapport confirme, premièrement, qu’il existait un risque de dommages importants ;

deuxièmement, que l’étude de 2006 ne contenait aucune analyse du débit ni aucune appréciation

des risques associés à la modification du débit et de la dynamique fluviale du San Juan inférieur ;

et, troisièmement, que ces risques auraient dû être appréciés au moyen d’une évaluation de l’impact

sur l’environnement, préalablement à la mise en Œuvre du programme de dragage.

15. Les passages pertinents sont indiqués en surbrillance dans la traduction d’extraits versée

o 192
à votre dossier (document n 36) . Aux fins qui nous oc cupent ici, il suffira d’examiner la partie

intitulée «Conclusions».

53 16. Au paragraphe 5 des conclusions (p. 46), la mission consultative Ramsar constate

clairement l’existence d’un risque de dommages importants ― je cite :

«Toute variation du modèle de la dynamique fluviale du San Juan résultant de
processus anthropiques (percement de canaux, dragage, déviation du cours de l’eau,
construction de barrages) entraînera une modification du débit du fleuve ainsi que de
la dynamique des zones humides qui lui sont associées et de la répartition et de

l’abondance des espèces qui y vivent ; il est donc important d’effectuer les études
d’impact sur l’environnement pertinentes avant toute mise en Œuvre du projet.» 193

17. Bien que la mission consultative Ramsar ne se soit en principe intéressée qu’à la zone

humide nicaraguayenne bordant le San Juan inférieur, ses conclusions quant aux effets potentiels

d’une modification de la dynamique fluviale ont une portée bien plus vaste. Il va sans dire qu’elles

191Rapport de la mission consultative Ramsar n o72, zone humide d’importance internationale Refugio de
Vida Silvestre del Rio San Juan, Nicaragua, en date du 18 avril 2011 (extrait) (tradu ction anglaise annexée à la
lettre ECRPB-067-2015 en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica ; dossier de
plaidoiries, onglet n).
192 o
Ibid., (dossier de plaidoiries, onglet n 36, p. 42-43, sect. 5.2.1 et p.46-47, sect. 6).
193 o
Ibid., (dossier de plaidoiries, onglet n 36, p. 46, sect. 6, par. 5 ; les italiques sont de nous). - 48 -

s’appliquent également à toute zone humide protégée située dans les environs du fleuve, et

notamment à celle qui se trouve au Costa Rica.

18. La situation est encore plus claire à la lecture du paragraphe 2 figurant juste après

(toujours page46), dans lequel la mission consultative déclare ce qui suit : «L’étude de l’impact sur

l’environnement ne comporte pas d’analyse des aspects liés aux caractéristiques hydrologiques,

hydrogéologiques et hydrodynamiques de la zone d’influence.» 194

19. Bien entendu, la conclusion des membres de la mission consultative Ramsar concernant

l’absence d’analyse de l’impact potentiel sur l’hydrodynamique signifie aussi, nécessairement,

qu’il n’y a eu aucune analyse de l’impact potentiel sur le débit du fleuve Colorado.

20. Le Nicaragua a indiqué qu’il s’agissait d’un rapport «provisoire» dont le Secrétariat de la

convention de Ramsar n’avait jamais fourni de version définitive 195. Vendredi dernier, il a produit

non seulement le texte intégral des deux rapports de l’INETER demandés par la Cour 19, mais aussi

ses «[o]bservations et propositions de modification», ainsi que la réponse du Secrétariat de la

convention de Ramsar 197.

54 21. Bien que ces documents n’aient pas été demandés, le Co sta Rica n’a aucune objection à

os
ce qu’ils soient versés au dossier ; nous avons traduit l’un et l’autre (il s’agit des documents n 37

et 38 dans votre dossier) 198.

194 Rapport de la mission consultative Ramsar n o 72, zone humide d’importance internationale Refugio de

Vida Silvestre del Rio San Juan, Nicaragua, en date du 18 avril 2011 (extrait) (traduction anglaise annexée à la
lettre ECRPB-067-201o en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica ; dossier de
plaidoiries, onglet n36, p. 46, sect.6).
195
Voir lettre HOL -EMB-076-2015 en date du 16 avril 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua ;
CR 2015/7, p. 37, par. 40 (McCaffrey).
196 o
Lettre n 145486 en date du 21 avril 2015 adressée à l’agent du Nicaragua par le greffier.
197Lettre HOL-EMB-078-2015 en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua.

198Observations et propositions de modification du Gouvernement de la République du Nicaragua concernant le
projet de rapport de la mission consultative Ramsar no 72, zone humide d’importance internationale, réserve naturelle du
fleuve San Juan (Nicaragua), annexées à la lettre DM.JAS.1359.11.11 en date du 30 novembre 2011 adressée à

M. Anada Tiéga, secrétaire général de la convention de Ramsar sur les zones humides, par
Mme Juanita Argeñal Sandoval, ministre de l’env ironnement et des res sources naturelles (voir lettre HOL-EMB-078
en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 3 ; pour la t raduction anglaise, voir
lettre ECRPB-070-2015 en date du 28 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica, annexe 3 ; voir
également dossier de plaidoiries, onglet no37) ; lettre en date du 19 décembre 2011 adressée à
Mme Juanita Argeñal Sandoval, ministre de l’environnement et des ressources naturelles, par M. Anada Tiéga,
secrétaire général de la convention de Ramsar sur les zones humides (voir lettre HOL-EMB-078 en date du 24 avril 2015

adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 4 ; pour la traduction anglaise, voir lettre ECRPB-070-2015 en date
du 28 avoil 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica, annexe 1 ; voir également dossier de plaidoiries,
onglet n 38). - 49 -

22. Comme vous pouvez le constater, dans les «[o]bservations et propositions de

modification» qu’il a adressées au Secrétariat de la convention de Ramsar le 30 novembre 2011
o
(document n 37), le Nicaragua a demandé à ce que diverses sections du rapport soient largement

remaniées. Aux fins qui nous occupent ici, et pour vous donner une idée des modifications

demandées, je vais vous en donner deux exemples.

23. En ce qui concerne la conclusion que j’ai citée il y a un instant, le Nicaragua a demandé à

ce qu’elle soit modifiée comme suit (page 29) : «L’étude de l’impact sur l’environnement comporte

une analyse des aspects liés aux caractéristiques hydrologiques, hydrogéologiques et

hydrodynamiques de la zone d’influence.» 199

24. Le Nicaragua voulait donc faire dire au rapport exactement le contraire de ce qu’avaient

conclu les membres de la mission consultative Ramsar, lesquels avaient manifestement estimé

qu’une seule série de mesures, effectuée en 2006 et sans aucune analyse correspondante, était

insuffisante et ne constituait pas une analyse des aspects liés aux caractéristiques hydrologiques,

hydrogéologiques et hydrodynamiques de la zone d’influence.

25. Le Nicaragua n’était pas non plus satisfait par la première conclusion dont j’ai donné

lecture, qui concernait la nécessité d’étudier, avant la mise en Œuvre du programme, les effets sur

l’environnement de la modification de la dynamique fluviale engendrée par un tel dragage.

Comme vous pouvez le constater en bas de la page 26, il a demandé la suppression de ce

paragraphe tout entier, au motif que celui -ci faisait référence à «d’autres activité s non prévues par

le projet telles que le percement de canaux, la déviation du cours de l’eau et la construction de

200
barrages» . Et le Nicaragua d’ajouter ce qui suit à la page suivante (page 27) : «La mission

consultative ne saurait recommander la réalisa tion d’une nouvelle étude de l’impact sur

199
Observations et propositions de modificotion du Gouvernement de la République du Nicaragua concernant le
projet de rapport de la mission consultative Ramsar n, zone humide d’importance internationale, réserve naturelle du
fleuve San Juan (Nicaragua), annexées à la lettre DM.JAS.1359.11.11 en date du 30 novembre 2011 adressée à
M. Anada Tiéga, secrétaire général de la convention de Ramsar sur les zones humides, par
Mme Juanita Argeñal Sandoval, ministre de l’environnement et des ressources natureles (voir lettre HOL -EMB-078
en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 3 ; pour la traduction anglaise, voir lettre
ECRPB-070-2015 en date du 28 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica, annexe 3 ; voir également
dossier de plaidoiries, onglet n p. 28-29).
200
Ibid., p. 26-27. - 50 -

55 l’environnement pour un projet ayant déjà donné lieu à une évaluation ; par ailleurs, la législation

nicaraguayenne ne prévoit aucune procédure de ce type» 20.

o
26. Dans sa réponse en date du 19 décembre 2011 (docum ent n 38), le Secrétariat de la

convention de Ramsar est resté bref et a indiqué que les propositions formulées par le Nicaragua

seraient examinées 202. Nous ne disposons d’aucun autre échange entre le Nicaragua et le

Secrétariat. Rien ne permet assurément de penser que ce dernier ait accepté les modifications

proposées par le Nicaragua.

27. La mission consultative Ramsar s’est rendue sur les lieux en mars 2011 et a fondé son

rapport sur une analyse de l’étude réalisée en 2006 concernant ce que j’ai appelé au premier tour la

version papier du projet. Ses conclusions montrent clairement que, de son point de vue, aucune

évaluation en bonne et due forme de l’impact transfrontière sur l’environnement n’a été réalisée,

même à l’égard du projet initial, tel qu ’il existait sur le papier. Le rapport de la mission

consultative Ramsar étaye donc nettement l’argument du Costa Rica selon lequel l’étude de 2006

ne satisfait pas, et ne satisfait toujours pas, à l’obligation incombant au Nicaragua de réaliser une

évaluation en bonne et due forme de l’impact transfrontière sur l’environnement.

28. Mais ce n’est pas tout. Tout d’abord, comme je l’ai dit plus tôt, le dragage du segment

situé directement en aval du point Delta a nécessité ensuite d’importants travaux de dragage dit

203 204
d’entretien . Ces travaux n’étaient envisagés nulle part dans l’étude nicaraguayenne de 2006 ,

pas plus que dans l’arrêté du MARENA de 2008 205. Il a ainsi fallu extraire du segment situé

201 Observations et propositions de modification du Gouvernement de la Répub lique du Nicaragua concernant le
o
projet de rapport de la mission consultative Ramsar n72, zone humide d’importance internationale, réserve naturelle du
fleuve San Juan (Nicaragua), annexées à la lettre DM.JAS.1359.11.11 en date du 30 novembre 2011 adress ée à
M. Anada Tiéga, secrétaire général de la convention de Ramsar sur les zones humides, par
Mme Juanita Argeñal Sandoval, ministre de l’environnement et des ressources naturelles (voir lettre HOL -EMB-078
en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 3 ; pour la traduction anglaise, voir lettre
ECRPB-070-2015 en date du 28 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica, annexe 3 ; voir également
dossier de plaidoiries, onglet n7, p. 27).

202Lettre en date du 19 décembre 2011 adressée à Mme Juanita Argeñal Sandoval, ministre de l’environnement et
des ressources naturelles, par M. Anada Tiéga, secrétaire général de la convention de Ramsar sur les zones humides (voir
lettre HOL -EMB-078 en date du 24 avril 2015 a dressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 4 ; pour la
traduction anglaise, voir lettre ECRPB -070-2015 en date du 28 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du
o
Costa Rica, annexe 1 ; voir également dossier de plaidoiries, ongletn8).
203CR 2015/6, p. 25 (van Rhee et Wordsworth) et p. 33 (van Rhee et Reichler).

204 Etude de l’impact sur l’environnement du «projet visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan
de Nicaragua» (extraits), septembre2006 (CMN, annexe7).

205 Ministère de l’environnement et des ressources naturelles du Nicaragua (MARENA), direction générale de la
qualité de l’environnement (DGCA), arrêtén o 038-2008 (MCR, annexe 160). - 51 -

directement en aval du point de bifurcation une quantité totale de sédiments largement

206
supérieure à celle qui était envisagée dans l’étude de 2006, mais il n’a été tenu aucun compte des

répercussions que ces travaux pourraient avoir sur la dynamique du fleuve et les zones humides

environnantes.
207
56 29. L’étude de 2006 n’envisageait pas le dragage ou le redragage de telles quantités de

sédiments dans cette seule partie du fleuve ; elle analysait uniquement certains aspects de l’impact

du dragage d’une quantité nettement inférieure. De fait, la possibilité d’un dragage supplémentaire

à titre «d’entretien» n’y est mentionnée nulle part. L’étude de 2006 ne contient donc aucune

analyse des effets potentiels de ce projet bien plus vaste.

30. M. van Rhee a déclaré n’avoir connaissance d’aucune étude ultérieure anal ysant les

208
répercussions éventuelles des travaux supplémentaires de dragage effectivement exécutés . Le

Nicaragua n’a pas laissé entendre qu’une telle étude a été réalisée.

31. M. van Rhee a aussi été clair sur le fait que même le programme de dragage

véritablement exécuté, y compris l’important dragage «d’entretien» réalisé dans le premier tronçon,

était insuffisant pour enrayer le processus à l’Œuvre dans le fleuve, où les sédiments se
209
redéposaient rapidement . Lorsqu’il lui a été demandé si le programm e de dragage pouvait

véritablement remédier au problème de la baisse de débit du fleuve San Juan, cet expert du dragage

a répondu en toute franchise que, «[s]i l’on v[oulait] véritablement inverser la situation, il fa[llait]

un tout autre programme de dragage, un programme d’une toute autre ampleur» 210.

32. A supposer que M. van Rhee ait raison, et que le programme de dragage doive encore

être modifié, par exemple en ayant recours à davantage de dragues ― certaines indications donnent

en effet à penser que le Nicaragua compte en ajouter dix nouvelles à celles qui sont déjà en service,

206
Projet 262-09 visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan de Nicaragua : rapport
d’avancement technique et financier pour l’année 2014, rapport annuel de l’EPN pour l’année 2014 (2015)
(lettre HOL-EMB-0035 en date du 9 mars 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe1, p. 10, 12 et 20).
207Etude de l’impact sur l’environnement du «projet visant à l’amélioration de la navigabilité du fleuve San Juan

de Nicaragua» (extraits), septembre2006 (CMN, annexe7).
208CR 2015/6, p. 26 (van Rhee).
209
Ibid., p. 35 (van Rhee).
210
Ibid. - 52 -

portant le nombre total de dragues en activité à 14 ou 15 211― , la nécessité de procéder à une

évaluation toute nouvelle de l’impact sur l’environnement serait d’autant plus pressante. Peut -être

le Nicaragua pourra-t-il nous expliquer demain en quoi le recours à dix dragues supplémentaires est

compatible avec sa ligne de défense selon laquelle il s’agirait d’une modeste opération de dragage.

33. Pour en finir sur ce point, il c onvient de noter que, indépendamment du rapport de la

mission consultative Ramsar, d’autres éléments de preuve démontrent que le programme

nicaraguayen comporte un risque de dommages importants. Dans son exposé, M. van Rhee a

indiqué qu’il était important de draguer le fleuve pour en accroître le débit et, ainsi, assurer le

transport des sédiments jusqu’à la côte et empêcher «[l]a réduction des terres côtières qui … prive

212
57 les espèces de leurs habitats naturels» . Toutefois, vous avez également entendu la semaine

dernière ce que M. Thorne, en réponse à une question du juge Tomka, a déclaré quant aux effets

potentiellement dévastateurs de l’extraction de grandes quantités de sédiments du fleuve, et au

risque de dommages importants qu’une telle opération comporte. Je cite : « Si on retire du fleuve

213
par dragage 730 000 mètrescubes de sable, le delta ne sera plus alimenté.» Les risques, a

précisé M. Thorne,sont les suivants : «Le programme de dragage, s’il interrompt l’apport de

sédiments, privera le delta de ce qui l’alimente, et la mer des Caraïbes l’emportera, nous perdrons

214
des centaines d’hectares de zones humides en raison de l’érosion du littoral.»

C. La manière d’aller de l’avant

34. Donc, pour aller de l’avant, quelle est la solution ? De toute évidence, pour atteindre les

objectifs fixés, le Nicaragua doit mettre en place un programme différent. Pour les raisons que j’ai

exposées, un tel programme ne peut être entrepris qu’après notification au Costa Rica et réalisation

d’une évaluation toute nouv elle de l’impact transfrontière sur l’environnement qui permettra de

bien apprécier les effets potentiels du dragage envisagé, dans sa véritable ampleur, sur la

dynamique du fleuve ainsi que sur les zones humides costa-riciennes.

211
Projet 262-09 visant à l’amélioraion de la navigabilité du fleuve San Juan de Nicaragua : rapport
d’avancement technique et financier pour l’année 2014, rapport annuel de l’EPN pour l’année 2014 (2015)
(lettre HOL-EMB-0035 en date du 9 mars 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, annexe 1, p. 15 et 88).
212Affaire relative à Certaines activités, exposé écrit de M. Cornelis van Rhee, 15 mars 2015, par. 12.

213CR 2015/12, p. 52 (Thorne, en réponse à une question du juge Tomka).
214
Ibid., p. 52 (Thorne, en réponse à une question du j uge Tomka). - 53 -

35. Dès lors que le Nica ragua se conforme aux obligations qui lui incombent à cet égard au

titre de la sentence Cleveland et du droit international de l’environnement, la décision

d’entreprendre ou non ce nouveau programme relève de son entière discrétion, de même que

l’ampleur exacte et les modalités d’exécution de celui-ci.

36. Toutefois, pour agir en conformité avec ses obligations internationales en la matière, le

Nicaragua devra :

a) premièrement, faire en sorte que son projet ne soit mis en Œuvre qu’après la réalisation d’u ne

évaluation toute nouvelle de l’impact transfrontière sur l’environnement permettant de bien en

apprécier les effets potentiels sur la dynamique du fleuve San Juan (et le Colorado) et sur les

zones humides protégées ;

b) deuxièmement, informer le Costa Rica de son projet, lui transmettre copie de ladite évaluation

et le consulter de bonne foi à cet égard ; et

c) troisièmement, conformément à la sentence Cleveland 21, faire en sorte que le territoire

costa-ricien ne soit pas occupé ou endommagé en conséquence de ce programme, qui ne devra

pas non plus avoir de répercussions importantes sur le débit du fleuve Colorado.

58 37. Ainsi que les membres de la mission consultative Ramsar l’ont recommandé en 2011, il

est «essentiel» que l’évaluation de l’impact sur l’e nvironnement ainsi réalisée comprenne une

analyse de plusieurs éléments omis dans l’étude nicaraguayenne de 2006, et cette évaluation doit

obligatoirement s’accompagner d’un suivi et de mesures en continu, notamment du débit et de la

charge sédimentaire.

38. Pour ce qui concerne l’hydrologie, l’équipe Ramsar a considéré en 2011, après examen

de l’étude de 2006, qu’il était essentiel

«d’analyser les caractéristiques hydrologiques passées et actuelles, compte tenu de
l’évolution du débit et de la charge du l it du fleuve dans la zone d’influence,

notamment sous l’angle des variations du niveau hydro216rique du San Juan dans des
segments représentatifs de son cours principal» .

215Sentence arbitrale du président des Etats-Unis d’Amérique au sujet de la validité du traité de limites de 1858
entre le Costa Rica et le Nicaragua, rendue le 22mars 1888 (MCR, vol. II, annexe 7).
216 o
Rapport de la mission consultative Ramsar n 72, zone humide d’importance internationale Refugio de
Vida Silvestre del Rio San Juan, Nicaragua, en date du 18 avril 2011 (extrait) (traduction anglaise annexée à la
lettre ECRPB-067-2o15 en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica ; dossier de
plaidoiries, onglet n6, p. 47 (section 7)). - 54 -

39. Deuxièmement, pour ce qui concerne l’hydrodynamique, elle a déclaré essentiel

«d’analyser les caractéristiques hydrodynamiques du fleuve San Juan pour établir les modifications

attendues de la circulation de l’eau dues à l’augmentation de la coupe bathymétrique» . 217

40. A cet égard, l’équipe Ramsar a estimé qu’un tel suivi devait comp rendre des mesures

mensuelles du débit et de la charge sédimentaire en suspension, à savoir :

a) «[un c]ontrôle mensuel des niveaux hydrométriques entre le point Delta et l’embouchure du

San Juan dans des sections représentatives du cours principal du fle uve, au moins pendant la

phase du projet au cours de laquelle se dérouleront les travaux proprement dits» 218; et

b) «[un c]ontrôle mensuel de la concentration des particules solides en suspension dans la colonne

d’eau dans des sections représentatives du cours principal du fleuve San Juan» 219.

41. Le Costa Rica souscrit pleinement aux conclusions formulées dans le rapport de la

mission consultative Ramsar, et fait observer que celles- ci rejoignent dans une large mesure la

position qu’il a adoptée en l’espèce.

D. Les préoccupations du Costa Rica quant à l’ampleur réelle
du programme de dragage du Nicaragua

42. Monsieur le président, le Costa Rica reste gravement préoccupé par les objectifs

sous-jacents du programme de dragage du Nicaragua.

59 43. Il demeure pleinement convaincu que, à travers son programme de dragage, le Nicaragua

entend remodeler la géographie de la région et détourner les eaux du Colorado. A cet égard, j’ai

trois brèves observations à formuler concernant les arguments avancés par le Nicaragua.

44. Premièrement, M. Reichler m’a fait grief d’avoir déclaré à plusieurs reprises que le

programme de dragage du Nicaragua visait à «remodeler la géographie du cours inférieur du

San Juan», affirmant qu’il ne pouvait trouver aucune citation étayant mes dires quant à cette

220
«intention ouvertement déclarée» du Nicaragua . Il semble que M. Reichler ait manqué la partie

217Rapport de la mission consultative Ramsar n o 72, zone humide d’importance internationale Refugio de
Vida Silvestre del Rio San Juan, Nicaragua, en date du 18 avril 2011 (extrait) (tra duction anglaise annexée à la
lettre ECRPB-067-2015 en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica ; dossier de
o
plaidoiries, onglet n6, p. 47 (section 7)).
218Ibid.
219
Ibid.
220
CR 2015/3, p. 56, par. 5 ; p. 57, par. 11 ; p. 60, par. 21 ; et p. 64, par. 41 (Ugalde). - 55 -

221
de mon intervention de ce jour-là qui portait précisément sur ce point , dont je ne répéterai pas la

teneur aujourd’hui. Les documents que j’avais invoqués comme attestant l’existence d’une telle

intention chez le Nicaragua figurent sous les numéros 39 à 43 dans votre dossier 222. Et à ce sujet,

je constate que le Nicaragua n’a pas désavoué les déclarations, faites par certains de ses

représentants, selon lesquelles le véritable but du dragage était de détourner la plus grande part

possible des eaux du Colorado. De même, aucun argument n’a été avancé pour justifier ou

expliquer pourquoi le Nicaragua prie la Cour de le déclarer en droit d’e xécuter les travaux «qu’il

estime opportuns», y compris aux fins de rétablir la situation qui existait en 1858.

45. Deuxièmement, M. Reichler n’a eu de cesse d’insister sur le caractère prétendument

modeste du programme de dragage du Nicaragua 22. Il a aff irmé qu’il n’était nullement question

d’élargir le fleuve ou de porter atteinte d’une quelconque façon à la rive costa -ricienne 224.

Pourtant, c’est précisément ce qu’a fait le Nicaragua. Des photographies, qui apparaissent à

présent à l’écran, ont été soum ises à la Cour dans le cadre de plusieurs rapports et démontrent que

le Nicaragua s’est effectivement rendu sur la rive costa- ricienne, même après le prononcé de la

225
deuxième ordonnance en indication de mesures conservatoires . Pour quelle raison le Nicara gua

a-t-il donc procédé à l’abattage d’arbres sur la rive costa-ricienne ?

60 46. Troisièmement, M. Reichler a beau prétendre le contraire, il est évident que, en

construisant ses caños, le Nicaragua cherchait précisément à remodeler le cours inférieur du fleuve

San Juan. Sur ce point, M. Pellet, alors qu’il présentait une diapositive représentant le tracé du

premier caño, a semblé se demander spontanément pourquoi M. Pastora et ses ouvriers avaient

221CR 2015/3, p. 14, par. 16-19 (Ugalde).

222Texte intégral du livre blanc du Nicaragua intitulé «le fleuve San Juan de Nicaragua : les vérités que cache le
Costa Rica», 2[6] novembre 2010 (CMN, annexe 26, p. 44-45 ; dos sier de plaidoiries, onglet n o 39) ; La Prensa
(Nicaragua), «They are going after the flow of the San Juan» [leur mission : rétablir le débit du fleuveSan Juan],
25 août 2009 (MCR, annexe 101 ; dossier de plaidoiries, onglet n o 40) ; La Nación (Nicaragua), «Nicaragua will dredge

the San Juan to recover earlier flow» [«le Nicaragua va draguer le San Juan pour rétablir son débit antérieur»],otexte
original disponible à l’adresse suivante : www.nacion.com/ln_ee/2009/agosto/25/pais2069754.html (onglet n 78 du
dossier de plaidoiries établi par le CostaRica pour l’audience du 11 janvier 2011 relative aux mesures conservatoires,
onglet no41 dans le dossier de plaidoiries de ce jour) ; Confidencial.com (Nicaragua), «M. Pastora : J’ai interprété la
sentence Alexander», 30 novembre 2010 ( MCR, annexe 117 ; dossier de plaidoiries, onglet no42) ; Tico Times
(Costa Rica), «Le Nicaragua nie toute intrusion au Costa Rica», 2 novembre 2010 ( MCR, annexe 111 ; dossier de
plaidoiries, onglet n43).

223Voir, par ex., CR 2015/6, p. 12, par. 9-10 (Reichler).

224CR 2015/6, p. 12, par. 10 (Reichler).
225
Les activités du Nicaragua sur la rive cosoa-ricienne, annexe 9 du quatrième rapport du Costa Rica concernant
la mise en Œuvre des mesures conservatoires (lettre n 116-2014 en date du 21 novembre 2014 adressée au greffier par le
coagent du Costa Rica ; onglet no44 du dossier de plaidoiries). - 56 -

creusé ce caño à cet endroit précis, au lieu d’emprunter un itinéraire plus court et plus direct vers le

fleuve . La réponse coule de source  le tracé coudé du caño, dont l’entrée est alignée sur la

coupure de méandre pratiquée immédiatement en amont vers la même époque, n’a rien à voir avec

le dégagement de ce qui, selon le Nicaragua, serait un ancien «premier chenal rencontré» ; il a en

revanche tout à voir avec une tentative visant à détourner le cours du San Juan inférieur pour le

faire passer par la lagune de Harbor Head 22.

47. Enfin, je dois également répondre à l’insinuation de M. Reichler selon laquelle l’une des

228
photographies que j’ai présentées au premier tour, sur laquelle apparaissait un vaste site de dépôt

de sédiments situé près de la rive au niveau du point Delta, était destinée à vous induire en erreur et

229
à vous faire croire que ce site se trouvait en territoire costa- ricien . Telle n’était évidemment pas

mon intention. Le compte rendu de mes propos 230 figure sous le numéro 47 dans votre dossier, et

montre que je faisais référence non pas au site présenté sur la photographie en question, mais bien à

des activités menées par le Nicaragua à un tout autre endroit, près de l’embouchure du fleuve.

E. Conclusion

48. Monsieur le président, à la lumière de ce qui précède, je répondrai à présent à la question

posée par le juge Cançado Trindade 231. Cette question portait, me semble -t-il, sur le chenal de

navigation que le Nicaragua a dragué dans le San Juan inférieur et non sur le premier caño qu’il a

creusé, lequel est à sec depuis longtemps.

49. Pour ce qui est de la première partie de la question, qui concerne le processus naturel de

sédimentation et les changements morphologiques à l’Œuvre dans le fleuve, nul ne conteste la

nécessité de draguer au moins quelques sites particuliers afin de préserver la navigabilité du chenal

61 principal du San Juan inférieur. Quant à la deuxième question, relative aux moyens de procéder

techniquement au dragage pour satisfaire les deux Parties, je me permets là encore de vous

226CR 2015/5, p. 32, par. 21 (Pellet).

227 River morphology change , onglet n 24 du dossier de plaidoiries du Nicaragua pour le 16 avril 2015
(AP1-10c) (Pellet) ; onglet n 45 dans le dossier de plaidoiries de ce jour.
228
Photographie d’un site de dépôt de sédiments proche du point Delta, 14 janvier 2015 (affaire relative à la
Route, DCR, annexe80 ; dossier de plaidoiries, onglet n46).
229
CR 2015/6, p. 21, par. 41-42 (Reichler).
230CR 2015/3, p. 59-60, par. 19-20 (Ugalde) ; dossier de plaidoiries, onglet n 47 (extraits).

231CR 2015/7, p. 64 (Cançado Trindade). - 57 -

renvoyer au rapport de la mission consultative Ramsar qui, dans le cadre de sa première

recommandation, a souligné ce qui suit :

«Il apparaît … nécessaire et souhaitable que les deux pays coopèrent
étroitement pour assurer une gestion plus coordonnée de leurs activités susceptibles
d’avoir des conséquences sur le fleuve ainsi qu’une gestion intégrée de celui -ci et des

zones humides d’importance internationale qui lui sont associées. Parmi les
principaux domaines de coopération figureraient notamment l’échange d’informations
et l’adoption de mesures binationales visant à restaurer la qualité des eaux du San Juan
et à protéger l’environnement.» 232

50. Le Costa Rica est on ne peut plus d’accord : la coopération est en effet le seul moyen

pour les Parties de parvenir à une solution permettant le dragage du fleuve San Juan dans des

limites raisonnables, c’est- à-dire dans la mesure nécessaire pour en assurer la navigabilité, tout en

tenant compte des préoccupations légitimes du Costa Rica sur les plans juridique et

environnemental.

51. Ainsi qu’il l’a dé jà indiqué, le Costa Rica est prêt à coopérer avec le Nicaragua pour la

mise en Œuvre d’un programme consistant à mesurer conjointement le débit et la charge

sédimentaire du fleuve San Juan dans son ensemble. Il est également prêt à communiquer des

informations relatives aux mesures de débit et de concentrations de sédiments dans le

fleuve Colorado afin d’aider le Nicaragua à réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement

permettant de réduire au minimum les effets sur l’environnement de toute opé ration de dragage

exécutée dans les zones humides protégées des deux Etats.

52. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

attention et votre patience. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir donner à présent la

parole à Mme KatherineDel Mar.

The PRESIDENT: Thank you. I now give the floor to Ms Del Mar. Madam, you have the

floor.

232 o
Rapport de la mission consultative Ramsar n 72, zone humide d’importance internationaleRefugio de
Vida Silvestre del Rio San Juan, Nicaragua, en date du 18 avril 2011 (extrait) (traduction anglaise annexée à la
lettre ECRPB-067-2o15 en date du 24 avril 2015 adressée au greffier par le coagent du Costa Rica ; dossier de
plaidoiries, onglet n, p. 46-47 (section 7). - 58 -

Mme DEL MAR :

V IOLATIONS DES DROITS DE NAVIGATION DU C OSTA R ICA ET

RÉPONSE AUX QUESTIONS DU JUGE B ENNOUNA

A. Introduction

62 1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, je vais traiter à nouveau des

violations par le Nicaragua des droits de navigation du Costa Rica. Je répondrai d’abord aux

questions posées par M. le juge Bennouna, et ensuite aux argum ents avancés par le conseil du

Nicaragua. Je vais m’exprimer en français pour répondre aux questions de M. le juge Bennouna.

B. Replies to the questions put by Judge Bennouna

2. At the sitting of Wednesday 15 April 2015, Judge Bennouna put two questions to

Costa Rica. First, “[d]oes Costa Rica expect the Court to rule on the compatibility with the

Court’s 2009 Judgment on navigational rights of the regulations issued by Nicaragua for the

implementation of that Judgment?” 233

3. The answer to that question is “yes”. In the Certain Activities case, Costa Rica is

requesting the Court to adjudge that Nicaragua has breached Costa Rica’s rights of free navigation.

There is nothing new in this request. It formed the subject of Costa Rica’s Application instituti ng

proceedings 234and of its Memorial 23. One of the means of reparation specifically referred to by

Costa Rica is the repeal by Nicaragua of the provisions of Decree No. 79-2009 and of the attached

regulations, which are incompatible with the Court’s 2009 Judgment 236.

4. Judge Bennouna’s second question is as follows: “And if so, can Costa Rica specify the

link between that issue and the subject-matter of the dispute?” 237

5. In the case concerning Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), the Court

found that “Article 40, paragraph 1, of the Statute of the Court provides that the ‘subject of the

dispute’ must be indicated in the Application; and Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court

requires ‘the precise nature of the claim’ to be specified in the Application.”38

23Certain Activities, CR 2015/4, p. 45 (Bennouna).
234
Ibid., Application, 18 Nov. 2010, p. 26, para. 41 (f).
23Ibid., MCR, p. 85, para. 3.40; pp. 290-295, paras. 6.54-6.61; p.303, submissions, para. 1 (d).

23See CR 2015/4, p. 37, para. 8 (Kohen).
237
Certain Activities, CR 2015/4, p. 45 (Bennouna).
23Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauruv. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1992, pp. 266-267, para. 69. - 59 -

63 6. The breaches of Costa Rica’s rights of navigation, including by the adoption of Decree

No. 79-2009, have always expressly formed part of Costa Rica’s claims against Nicaragua, having

been referred to and discussed from the out set of the written proceedings. In its Application

instituting proceedings dated 18 November 2010, Costa Rica requested the Court to adjudge and

declare that, by its conduct, Nicaragua has breached its obligation not to prohibit the navigation on

the San Juan River by Costa Rican nationals 23. On page 24 of Costa Rica’s Application,

paragraph 39 (d) and footnote 36 state that:

“39. Reserving the right to further particularize the various breaches of Costa
Rica’s rights, Nicaragua has committed the following violations of international law:

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(d) Nicaragua has prohibited navigation on the San Juan River by Costa Rican
nationals, in direct contravention of the 1858 Treaty of Limits and the Judgment of

the Court of 13 July 2009;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

This is in addition to the prom ulgation by Nicaragua of 240ree 79, in direct
contravention of the Court’s Judgment of 13 July 2009.”

7. Likewise, in its Memorial, Costa Rica enumerates Nicaragua’s breaches of Costa Rica’s

241
rights of navigation , and requests the Court to adjudge and declare that Nicaragua has breached

those rights 242. It further requests the Court to adjudge and declare that Nicaragua is obliged to

cease such breaches and to make reparation therefor 243. The Memorial expressly refers to Decree

No. 79-2009. It cites a formal protest note sent to Nicaragua by Costa Rica and reading as follows:

“3.40. . . . Costa Rica reminded Nicaragua ‘that the terms of the judgment
rendered by the International Court of Justice on 13 July 2009 are not being fully met
by Nicaragua . . . Nicaragua’s Decree No. 79-2009 is a clear violation of the content of

the sentence. There are also reports that the free navigation of Costa Rica in the
San Juan River, whose extent was set out in that judgment, are not being
respected.’” 244

23Certain Activities, Application, 18 Nov. 2010, p. 26, para. 41 (f).
240
Ibid., Application, p. 24, para. 39 (d).
241
Ibid., MCR, pp. 290-295, paras. 6.54-6.61.
24Ibid., MCR, p. 303, para. 1 (d) of the submissions.
243
Ibid., MCR, para. 7.8, and para. 1 (h) of the submissions.
244
Ibid., MCR, p. 85, para. 3.40. See also Certain Activities, MCR, Ann. 62. - 60 -

8. For all the se reasons, the breaches of Costa Rica’s rights of free navigation, and in

particular the request for Decree No. 79-2009 to be repealed, are not ancillary complaints, nor have

64 they been added belatedly to Costa Rica’s claims, as Nicaragua’s counsel has all eged . They are 245

claims that appertain to this case. Even if that were not so (quod non) , Costa Rica’s request for the

repeal of Decree No. 79-2009  to use the Court’s words in the Nauru case  would either be

“implicit in the application ( Temple of Prea h Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, I.C.J.

Reports 1962, p. 36)” or arise “ ‘directly out of the question which is the subject -matter of that

Application’ ( Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Merits, I.C.J.

246
Reports 1974, p. 203, para. 72)” . This is because Costa Rica’s request arises directly out of the

breaching of its rights of free navigation, which have always expressly formed part of its claims

against Nicaragua. However, the Court’s jurisdiction to deal with the mat ter has been clearly

established as from the Application, and it has no need to dwell on this point.

C. Réponse aux arguments avancés par le conseil du Nicaragua
lors du premier tour de plaidoiries

9. J’aborde maintenant les arguments avancés par le conseil du Nicaragua lors du premier

tour de plaidoiries.

o
10. Au sujet du décret n 79-2009, le conseil du Nicaragua a dit que, sur instructions de

l’agent du Nicaragua, il précisait que ce décret et ses règles d’application, dans la mesure où ils

visaient les bateaux de tourisme, étaient applicables à tous les bateaux de tourisme sans exception,

247
qu’ils soient costa-riciens, nicaraguayens ou d’un Etat tiers . Or, ce n’est certainement pas ce que

dit le texte du décret, qui interdit expressément la navigation de bateaux costa-riciens transportant

248
des touristes sans l’autorisation du Nicaragua , comme vous pouvez le voir maintenant à l’écran.

De plus, comme je l’ai dit lors du premier tour 249, l’obligation de s’inscrire au registre

65 nicaraguayen du tourisme ou de signer des accords avec des entreprises nicaraguayennes de

245
CR 2015/7, pp. 52-53, paras. 29-30 (Pellet).
24Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1992, p. 266, para. 67; references omitted.

24CR 2015/7, p. 52, par. 28 (Pellet).
248
Construotion d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), CMCR,
annexe 26, décret n 79-2009, p. 86, article 4 g).
249
CR 2015/4, p. 14-15, par. 14 (Del Mar). - 61 -

tourisme qui est imposée aux particuliers ou sociétés qui exercent leurs activités dans le secteur du

tourisme au Costa Rica et n’empruntent le fleuve que pour transporter des passagers d’un point à

250
un autre , est contraire à l’article VI du traité de limites comme à l’arrêt rendu par la Cour en

251
2009, que cette obligation soit imposée de façon discriminatoire ou non .

11. Le conseil du Nicaragua a aussi affirmé que le décret et les règles connexes ne

s’appliquaient pas aux riverains costa-riciens du fleuve San Juan qui y naviguent pour pourvoir aux

besoins essentiels de la vie courante 252. Encore une fois, ce n’est pas ce que dit le décret. Vous

voyez maintenant s’afficher à l’écran l’alinéa b) de l’article 3 de ce décret. Il y est expressément

stipulé que la navigation pratiquée par ces particuliers est réglementée par l’armée

nicaraguayenne 25. Lors du premier tour de plaidoiries, j’ai parlé de la manière dont l’armée

nicaraguayenne «réglemente» la navigation sur le San Juan des costa-riciens riverains du fleuve, et

dit qu’il s’agissait là de harcèlement, et non de réglementation 254. Le Costa Rica convient avec

255 256
M. Pellet que c’est «scandaleux» . Il ne s’agit pas non plus simplement de «bavures» , si tant

est qu’une «bavure » puisse en quelque sorte constituer une excuse qui exclut l’illicéité de l’acte.

Ces agissements sont à rapprocher de l’affirmation figurant dans le mémoire du Nicaragua en

257
l’affaire relative à la Route, selon laquelle le Costa Rica a «perdu» son droit de libre navigation .

12. Je m’arrête un instant aux éléments de preuve que le Costa Rica a produits au sujet des

harcèlements subis par les Costa- Riciens navigant sur le fleuve soit à des fins de commerce, soit

pour pourvoir aux besoins essentiels de la vie courante. L’agent du Nicaragua,

M. l’ambassadeur Argüello, a déclaré lors du premier tour que si le Nicaragua empêchait des

citoyens costa- riciens d’exercer leurs droits de navigation, «le Costa Rica n’aurait pas eu de

250Construction d’une route au Costa Rica le lon g du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), CMCR,
annexe 26, règles d’application, art. 67.

251Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, p. 269, par. 156 c).

252CR 2015/7, p. 52, para. 28.
253
Construcoion d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), CMCR,
annexe 26, décret n 76-2009, p. 86, article 3 b).
254
CR 2015/4, p. 17, par. 24 et 25.
255Ibid., p. 50, par. 26 (Pellet).

256Ibid., p. 50-51, par. 26 (Pellet).

257Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), MN, p. 127,
par. 4.9. - 62 -

difficultés … à obtenir de leur part des déclarations sous serment … faisant état de leurs

réclamations» . Or, c’est précisément ce qu’a fait le Costa Rica. Des déclarations sous serment

259
66 sont annexées à son mémoire . D’autres déclarations figurent dans des ann exes aux écritures du

Costa Rica en l’affaire relative à la Route , jointe à celle- ci, et ce pour la simple raison que ces

déclarations portent sur des incidents postérieurs au dépôt de son mémoire en la présente

260
instance . Ces déclarations sous serment so nt des preuves que le Nicaragua continue de

commettre des violations graves des droits de navigation du Costa Rica.

13. Le Nicaragua a persisté, pendant ces audiences, à avancer une interprétation controuvée

du droit de navigation du Costa Rica à des fins de commerce 261. La Cour a expliqué clairement en

quoi consiste ce droit au paragraphe 71 de son arrêt de 2009 262. Un bateau est considéré comme

navigant à des fins de commerce si son exploitant transporte sur le fleuve San Juan des passagers

costa-riciens à qui il fait payer un prix (autre que symbolique) pour leur passage. La nature des

activités auxquelles se livre un passager payant lorsqu’il parvient à sa destination finale n’a rien à y

voir 26326.

14. Il est tout simplement faux que le Nicaragua se soit strictement conformé à la totalité des

265
mesures conservatoires indiquées par la Cour après avoir reçu d’elle un «avertissement», pour

reprendre le terme employé par son conseil, sous la forme de la deuxième ordonnance sur les

266
mesures conservatoires de novembre 2013 . En empêchant du personnel costa-ricien de naviguer

sur le fleuve San Juan par les diverses pratiques que j’ai énumérées lors du premier tour de

plaidoiries, le Nicaragua a contrevenu aux ordonnances du 8 mars 2011 et du 22 novembre 2013

258CR 2015/5, p. 17-18, par. 40 (Argüello).

259 Certaines Activités , MCR, annexes 27 et 28, déclarations sous serment de Fra nklin Gutierrez Mayorga
et JeffreyPrendas Arias.

260 Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), DCR,
annexes 62, 63, 64, 65, 66, et 67, déclarations sous serment de VicJulio Vargas Hernandez, William Vargas Jimenez,
Mayela Vargas Arce, Gabriela Vanessa Lopez Gomez, Claudio Arce Rojas, Ruben Francisco Valerio Arroyo.
Voir CR 2015/7, p. 51, par. 26 (Pellet).

261CR 2015/7, p. 52, par. 26 (Pellet).
262
Voir CR 2015/7, p. 51, par. 26 (Pellet).
263
Affaire relativ e à Des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, p. 244, par. 71.
264
Voir CR 2015/7, p. 52, par. 26 (Pellet).
265CR 2015/7, p. 45, par. 14 (Pellet).

266Ibid., p. 442, par. 6 (Pellet). - 63 -

sur les mesures conservatoires, dès lors que ces pratiques, outre qu’elles constituent des violations

des droits de navigation du Costa Rica, sont venues aggraver l’affaire.

D. Conclusion

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, me voici parv enue au terme de

mes observations. Je vous remercie de votre patiente attention. Monsieur le président, je vous prie

de bien vouloir donner la parole à l’agent du Costa Rica, M. l’ambassadeur Edgar Ugalde, qui va

conclure les plaidoiries du Costa Rica en la présent instance et donner lecture de ses conclusions.

67 The PRESIDENT: Thank you, Madam. I now give the floor to the Agent of Costa Rica,

Mr. Ugalde.

M. UGALDE-ÁLVAREZ :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, alors que ce sec ond tour de

plaidoiries et, plus généralement, cette très longue procédure touchent à leur fin, le Costa Rica

estime que la présente affaire aura démontré, au -delà de tout doute possible, qu’une partie de son

territoire a subi une occupation militaire illicite de la part du Nicaragua et que ce dernier a commis

d’autres violations graves des obligations lui incombant au titre du droit international. Du reste, les

faits qui sont au cŒur de la présente affaire ne sont pas contestés.

2. Comme la Cour aura p u le constater, les relations entre nos deux pays voisins se sont

tendues lorsque le Nicaragua a soudainement remis en question le régime pourtant bien établi qui

existait entre les deux pays depuis 1858, un régime dont le but même était de constituer le c adre

d’une paix et d’une prospérité durables. Le rejet de ce régime frontalier, que le Nicaragua a

manifesté en envahissant et en occupant une partie du territoire costa-ricien, en menaçant l’intégrité

de celui-ci, en s’obstinant à faire fi des droits de libre navigation du Costa Rica sur le San Juan et

en mettant à exécution un programme de dragage de ce fleuve sans se soucier des dommages qu’un

tel programme pourrait causer au territoire costa- ricien, a mis en péril la paix et la sécurité dans la

région. En manquant de manière répétée de mettre en Œuvre les dispositions de l’arrêt de 2009 et

de plusieurs des ordonnances rendues en l’instance, le Nicaragua a directement défié l’autorité de

la Cour. - 64 -

3. Monsieur le président, le Costa Rica ne doute pas que l’arrêt de la Cour dissuadera

fortement le Nicaragua de proférer de nouvelles menaces et de mener de nouvelles actions portant

atteinte à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à d’autres droits costa- riciens. A cet effet, il

importe que la Cour rejette fermement les revendications récemment formulées par le Nicaragua

sur le territoire situé au sud-est de l’embouchure du San Juan dans la mer des Caraïbes. L’arrêt de

la Cour rappellera assurément avec force le Nicaragua aux obligations conventio nnelles et

coutumières importantes dont il est tenu, en tant que membre de la communauté internationale des

Etats, d’assurer la défense et le respect.

68 4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais à présent donner lecture

des conclusions du Costa Rica dans la présente affaire.

Conclusions

Pour les motifs exposés dans ses écritures et plaidoiries, la République du Costa Rica prie la

Cour :

1) de rejeter toutes les demandes du Nicaragua ;

2) de dire et juger :

a) que le «territo ire litigieux», tel que défini par la Cour dans ses ordonnances des

8 mars 2011 et 22 novembre 2013, relève de la souveraineté de la République du

Costa Rica ;

b) que, en occupant et en revendiquant une partie du territoire costa -ricien, le Nicaragua a

violé :

i) l’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République du

Costa Rica selon les frontières définies par le traité de limites de 1858 et précisées

par la commission de démarcation établie en vertu de la convention Pacheco -Matus,

et en particulier par les première et deuxième sentences Alexander ;

ii) l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force consacrée par la Charte des

Nations Unies au paragraphe 4 de son article 2 et par la Charte de l’Organisation des

Etats américains en son article 22 ; - 65 -

69 iii) l’interdiction de soumettre le territoire d’autres Etats, fût- ce de manière temporaire, à

une occupation militaire, en contravention de l’article 21 de la Charte de

l’Organisation des Etats américains ; et

iv) l’obligation qui lui est faite par l’article IX du traité de limites de 1858 de ne pas

utiliser le fleuve San Juan pour perpétrer des actes d’hostilité ;

c) que, par ailleurs, le Nicaragua a violé :

i) l’obligation de respecter le territoire et l’ environnement du Costa Rica, y compris la

«Humedal Caribe Noreste», une zone humide d’importance internationale protégée

au titre de la convention de Ramsar qui se trouve en territoire costa-ricien ;

ii) les droits perpétuels de libre navigation dont le Costa Rica peut se prévaloir sur le

San Juan conformément au traité de limites de 1858, à la sentence Cleveland de 1888

et à l’arrêt de la Cour du 13 juillet 2009 ;

iii) l’obligation qui lui est faite par la sentence Cleveland de 1888 et le droit

conventionnel et coutumi er applicable d’informer et de consulter le Costa Rica au

sujet de toute opération de dragage, de déviation ou de modification du cours du

fleuve San Juan ou de tous autres travaux sur le fleuve qui seraient susceptibles de

causer des dommages au territoire costa-ricien (y compris au fleuve Colorado), à son

environnement, ou aux droits du Costa Rica ;

iv) l’obligation de réaliser une évaluation en bonne et due forme de l’impact

transfrontière sur l’environnement tenant compte de tout risque de dommage

important en territoire costa-ricien ;

v) l’obligation qui lui est faite par la sentence Cleveland de 1888 de ne pas mener sur le

fleuve San Juan d’opérations de dragage, de déviation ou de modification de son

cours ni d’autres travaux dommageables pour le terr itoire costa-ricien (y compris le

fleuve Colorado), son environnement, ou les droits du CostaRica ;

vi) les obligations découlant des ordonnances en indication de mesures conservatoires

rendues par la Cour les 8 mars 2011 et 22 novembre2013 ;

vii) l’obligation de consulter le Costa Rica sur l’exécution des obligations découlant de la

convention de Ramsar, en particulier de celle que le paragraphe 1 de l’article 5 de - 66 -

cette convention fait aux deux Etats de coordonner leurs politiques et

réglementations futures relatives à la conservation des zones humides, de leur flore et

de leur faune ; et

viii) l’accord conclu entre les Parties par l’échange de notes en date des

19 et 22 septembre 2014 tendant à permettre au Costa Rica de naviguer sur le fleuve

San Juan pour procéder à la fermeture du caño oriental construit par le Nicaragua

en 2013 ;

d) que le Nicaragua ne peut entreprendre aucune opération de dragage ou autre susceptible de

causer des dommages au territoire du Costa Rica (y compris au fleuve Colorado) ou à son

environnement, ou de porter atteinte aux droits du Costa Rica découlant de la

sentence Cleveland de 1888, dont celui de ne pas voir son territoire occupé sans son

consentement exprès ;

3) d’ordonner en conséquence au Nicaragua :
o
a) d’abroger, par les moyens de son choix, les dispositions du décret n 079-2009 et du

règlement y annexé en date du 1 eroctobre 2009 qui sont contraires au droit de libre

navigation reconnu au Costa Rica par l’article VI du traité de limites de 1858, la

sentence Cleveland de 1888 et l’arrêt de la Cour du 13 juillet 2009 ;

70 b) de cesser toute activité de dragage du San Juan dans la zone de Delta Costa Rica et dans le

cours inférieur de ce fleuve, en attendant :

i) qu’une évaluation en bonne et due forme de l’impact transf rontière sur

l’environnement tenant compte de tout risque de dommage important en territoire

costa-ricien ait été réalisée par le Nicaragua et transmise au Costa Rica ;

ii) que tout projet de dragage dans la zone de Delta Costa Rica et le San Juan inférieur

ait été formellement notifié par écrit au Costa Rica, dans un délai d’au moins

trois mois avant la mise en Œuvre de celui-ci ; et

iii) que les observations susceptibles d’être formulées par le Costa Rica lorsqu’il aura

reçu cette notification aient été dûment prises en considération ;

c) d’apporter réparation, par voie d’indemnisation, à raison des dommages matériels causés

au Costa Rica, à savoir notamment, mais non exclusivement : - 67 -

i) les dommages découlant de la construction des caños artificiels et d e la destruction

des arbres et de la végétation sur le «territoire litigieux» ;

ii) les dépenses engagées par le Costa Rica pour remédier à ces dommages, notamment,

mais non exclusivement, pour procéder à la fermeture du caño oriental construit par

le Nic aragua en 2013, conformément au point 2) E) du paragraphe 59 de

l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le

22 novembre 2013 ; le montant de cette indemnisation devant être déterminé lors

d’une phase distincte de la procédure ;

d) d’apporter réparation, par voie de satisfaction, pour remédier pleinement au préjudice

causé au Costa Rica, selon des modalités déterminées par la Cour ;

e) de fournir des assurances et garanties appropriées de non -répétition du comportement

illicite du Nicaragua, selon des modalités déterminées par la Cour ; et

f) de s’acquitter, sur la base d’une obligation d’indemnisation complète, de tous les frais

engagés par le Costa Rica dans le cadre de la procédure de demande en indication de

mesures conse rvatoires qui s’est conclue par le prononcé de l’ordonnance du

22 novembre 2013, à savoir notamment, mais non exclusivement, les honoraires et frais de

ses conseils et experts, majorés d’intérêts.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j e vous remercie pour votre

aimable attention. Ainsi s’achèvent les exposés du Costa Rica.

71 The PRESIDENT: Thank you, Mr. Ugalde. The Court takes note of the final submissions

which you have just read out on behalf of the Republic of Costa Rica.

The Court will meet again tomorrow at 3 p.m. to hear Nicaragua’s second round of oral

argument. The sitting is closed.

The Court rose at 12.55 p.m.

___________

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