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CR 2014/4 (traduction)

CR 2014/4 (translation)

Mercredi 22 janvier 2014 à 17 heures

Wednesday 22 January 2014 at 5 p.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit cet

après-midi pour entendre le second tour d’observations orales de l’Australie sur la demande en

indication de mesures conservatoires présentée par le Timor-Leste. C’est je pense M. Gleeson,

Solicitor-General de l’Australie, qui commencera la plaidoirie de l’Australie. Monsieur Gleeson,

vous avez la parole.

M. GLEESON :

Introduction
1. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour. J’aborderai

toutes les questions qui ont été discutées, hormis celle de la plausibilité, qui sera traitée par

M. Campbell. Je commencerai, si vous le permettez, par un point sur lequel sir Elihu est revenu ce

matin, après l’avoir évoqué lundi, à savoir que l’Australie aurait commis à Dili, en 2004, un acte

d’espionnage à l’encontre du Timor-Leste. Sir Elihu a demandé à l’Australie de l’admettre, et de

faire amende honorable.

2. Or cette demande est problématique à deux égards. Tout d’abord, l’allégation

d’espionnage est une question dont a été saisi le tribunal, mais qui n’a pas été soumise à l’examen

de la Cour. Elle ne devrait donc pas être présentée comme un fait devant la Cour, étant sans

pertinence. L’Australie, comme elle en a le droit, ne la confirme ni ne la dément. Par ailleurs, il ne

vous aura pas échappé ce matin que cette affirmation vous a cette fois encore été présentée sans le

moindre élément de preuve à l’appui. L’Australie prie la Cour de n’en tenir aucun compte : il

s’agit, tout au plus, d’une allégation qu’il conviendra d’examiner dans un autre contexte.

3. Par ailleurs, étant donné que nous n’avons pas entendu grand-chose de nouveau ce matin,

j’articulerai mon exposé principalement autour des questions qui ont été posées par certains

membres de la Cour. - 3 -

L’arbitrage offre une protection appropriée

4. Je commencerai, si vous le permettez, par l’arbitrage et la question posée par

1
M. le juge Cançado Trindade , à laquelle je tenterai de répondre en me plaçant tout d’abord d’un

point de vue théorique, puis sur un plan pratique. Sur le principe, nous admettons qu’un Etat qui

estime nécessaire de prendre des mesures de sécurité nationale susceptibles d’avoir des effets sur

9 une procédure arbitrale l’opposant à un autre Etat doive, par souci de prudence sinon par stricte

nécessité juridique, mettre en œuvre les moyens raisonnables de limiter de tels effets. Nous

acceptons ce qui a été dit ce matin, à savoir que, à défaut, le déroulement de la procédure arbitrale

en tant que mode de règlement pacifique des différends interétatiques pourrait s’en trouver

perturbé. J’insiste toutefois sur la notion de raisonnable qui vient nuancer cette approche théorique.

Les circonstances ne permettent pas toujours de concilier parfaitement les deux intérêts

antagonistes, et l’on ne saurait enjoindre à un Etat de suspendre purement et simplement des

mesures de sécurité nationale au seul motif qu’il est partie à une procédure arbitrale.

5. Telle est notre réponse dans l’absolu. Dans le contexte propre au cas d’espèce, en

revanche, nous affirmons que les mesures de sécurité nationale n’auront pas d’incidence négative

sur l’arbitrage, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le conseil représentant le Timor-Leste dans

le cadre de la procédure arbitrale a reconnu, le 5 décembre, que son équipe était en possession de

copies des principaux documents saisis, notamment de la déclaration sous serment du «témoin K»,
2
laquelle a été déposée auprès de la CPA . Le Timor-Leste n’a pas démontré qu’il aurait subi un

désavantage. Deuxièmement, l’Attorney-General a pris, dès le début, des mesures raisonnables

3
avec sa déclaration ministérielle du 4 décembre dernier, complétée par ses engagements ,

pour éviter que l’équipe juridique chargée de représenter l’Australie dans le cadre de l’arbitrage ne

puisse avoir accès à des documents susceptibles de donner à la partie australienne un avantage

indu. Ayant fort judicieusement, peut-on dire rétrospectivement anticipé ce problème, il a

pris des mesures pour y pallier. Le troisième élément de notre réponse, sur un plan pratique, est

1 M. le juge Cançado Trindade : «Quel est l’impact des mesures prises par un Etat invoquant la sécurité nationale
sur le déroulement de la procédure arbitrale entre les Parties ? Quel est, en particulier, l’effet ou l’impact de la saisie de
documents et données, dans les circonstances de l’espèce, sur le règlement d’un différend international par voie de
négociation et d’arbitrage ?»

2 Compte rendu, p. 85, lignes 22-25, et p. 86, lignes 1-7 (Lowe) (dossier de plaidoiries, onglet n 42).
3
M. George Brandis QC, sénateur et Attorney-General, «Ministerial Statement: Execution of ASIO Search
Warrants», 4 décembre 2013, p. 1. - 4 -

que le Timor-Leste n’a pas présenté le plus petit commencement de preuve indiquant que les

engagements de l’Australie n’avaient pas été ou ne seraient pas honorés. Ces engagements,

rappelons-le, visent à protéger la procédure arbitrale. Comme vous le savez, les documents ont été

mis sous scellés conformément à la demande du président. Les conseils représentant l’Australie

dans le cadre de la procédure arbitrale n’en ont pas pris et n’en prendront pas connaissance. Les

agents de l’ASIO eux-mêmes n’en connaissent pas le contenu.

6. Le Timor-Leste ne vous a présenté aucun argument de fond qui puisse remettre en cause

ces trois éléments de réponse. Permettez-moi de le répéter, le Timor-Leste dispose de tous les

documents dont il a besoin pour l’arbitrage ; il a obtenu des engagements appropriés destinés à

protéger l’intégrité de la procédure ; et ces engagements sont dûment honorés.

10 7. Le Timor-Leste peut bien maintenir la position exprimée lundi par sir Elihu, selon laquelle

«il paraît hautement improbable que les documents et données n’aient pas été examinés en détail

4
par des fonctionnaires australiens» , pareille affirmation est dépourvue de fondement et doit donc

être écartée.

8. Par ailleurs, et pour conclure sur ce point, la Cour ne saurait admettre ce que le

Timor-Leste a cherché à insinuer ce matin, à savoir qu’il serait nécessaire, même en présence

d’engagements pris solennellement et de manière réfléchie par un Etat, et s’imposant à celui-ci, que

la Cour indique des mesures.

9. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que les engagements ont un caractère

5
obligatoire. Je vous renvoie, à cet égard, à l’affaire du Statut juridique du Groënland oriental .

10. La Cour l’a du reste également confirmé en l’affaire des Essais nucléaires (Australie

6
c. France) . Voilà donc pour mon premier point.

4CR 2014/1, par. 12 (Lauterpacht).
5 o
Statut juridique du Groënland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n 53, p. 71 : «La Cour considère comme
incontestable qu’une telle réponse à une démarche du représentant diplomatique d’une puissance étrangère, faite par le
ministre des affaires étrangères au nom du gouvernement, dans une affaire qui est de son ressort, lie le pays dont il est le
ministre.»
6
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 267, par. 43 :
«Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d’actes unilatéraux et concernant des
situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques. Des déclarations
de cette nature peuvent avoir et ont souvent un objet très précis. Quand l’Etat auteur de la déclaration
entend être lié conformément à ses termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère d’un
engagement juridique, l’Etat intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite
conforme à sa déclaration. Un engagement de cette nature, exprimé publiquement et dans l’intention de

se lier, même hors du cadre de négociations internationales, a un effet obligatoire.» - 5 -

Les éléments de preuve dont dispose l’Australie

11. Passons maintenant à l’importante question posée par M. le vice-président ce matin, celle

de savoir si l’Australie dispose d’éléments de preuve à l’appui de son assertion, que je réitère ici,

selon laquelle le Timor-Leste pourrait encourager la commission de crimes au regard du droit

australien ou compromettre de toute autre manière la sécurité nationale de l’Australie, et dans

7
l’affirmative, si l’Australie pourrait fournir à la Cour des précisions à cet égard .

12. La réponse, quant au premier point, est oui. Pour ce qui est du second, permettez-moi de

relever à titre liminaire que nous avons pris soin de présenter cette proposition comme une

appréhension raisonnable, et non comme une affirmation factuelle. L’Australie ne souhaite pas en

dire plus que ce qui est strictement nécessaire ou approprié aux fins de régler le présent différend.

Dans ce cadre, je tenterai, dans la réponse que je me propose d’apporter à la question des moyens

11 de preuve, de prendre en considération deux éléments : d’une part, les questions de sécurité

nationale, qui limitent ce que je suis en mesure de dire, et d’autre part, la volonté de ne pas

envenimer les relations entre nos deux pays.

13. Permettez-moi à présent de préciser pour qu’il y ait tout de même un élément de

précision dans ma réponse quels sont les crimes qui pourraient être commis. Le premier relève

de l’article 39 de l’Intelligence Service Act de 2001 du Commonwealth d’Australie, qui interdit à

un agent ou un ancien agent de l’ASIS de communiquer des informations concernant le

modus operandi de l’ASIS acquises dans l’exercice de ses fonctions, s’il n’y a pas été autorisé par

le directeur général. Et c’est, j’insiste, la seule dérogation que prévoit la loi. La seconde

disposition importante est l’article 41, qui érige en infraction distincte le fait de rendre

publiques là encore, sans y avoir été autorisé par le directeur général l’identité d’agents de

l’ASIS ou des informations permettant de déduire cette identité.

14. Un tiers serait considéré comme encourageant la commission d’un crime de cette nature

s’il prenait des mesures destinées à faciliter pareille communication ou publication ou cherchait à

en retirer un avantage.

7 «L’Australie dispose-t-elle d’éléments de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle le Timor-Leste
encourage la commission de crimes au regard du droit australien ou compromet de toute autre manière la sécurité
nationale de l’Australie, comme l’a laissé entendre M. Gleeson dans l’exposé qu’il a présenté à la Cour
le 21 janvier 2014 ? Dans l’affirmative, l’Australie pourrait-elle fournir à la Cour des précisions supplémentaires sur ce
point ?» - 6 -

15. Pour ce qui est, à présent, des éléments de preuve étayant ce que j’ai je le

rappelle présenté comme une appréhension, et non comme un fait, je commencerai par énoncer

sept propositions, puis préciserai les éléments sur lesquels elles sont fondées. Vous constaterez, en

m’écoutant, que nos craintes sont essentiellement liées au comportement de M. Collaery, l’agent du

Timor-Leste, et non à celui du Gouvernement timorais.

16. Tout d’abord, et c’est mon premier point, M. Collaery, en sa qualité d’agent du

Timor-Leste, s’est vu remettre une déposition de témoin, assortie d’une déclaration sous serment,

établie par un ancien agent de l’ASIS, que nous appellerons «X» à des fins de commodité.

17. Deuxième point, il apparaît, au vu des déclarations publiques de M. Collaery, et bien que

nous en ignorions la teneur exacte, que ce document contient des informations ayant trait à une

opération qu’aurait menée l’ASIS à Dili en 2004, informations qui tomberaient donc sous le coup

de l’article 39.

18. Le troisième élément, peut-être plus inquiétant encore, tient au fait que M. Collaery, en

sa qualité d’agent du Timor-Leste, a choisi de relayer ces informations celles-là même dont il

prétend qu’il les tient de l’agent X dans de nombreux médias en Australie, les rendant de ce fait

accessibles sur tout le continent ainsi, du reste, que dans le monde entier.

19. Le quatrième est que le Timor-Leste entend présenter et invoquer ces mêmes documents

à l’appui de ses prétentions dans le cadre de la procédure arbitrale.

12 20. Le cinquième tient au fait qu’il a insisté sur l’inutilité d’assurer la confidentialité de la

procédure d’arbitrage, ce qui risque d’entraîner la divulgation de nouveaux éléments.

21. Enfin, et ce sixième point est à ses yeux des plus préoccupant, l’Australie craint que,

ayant obtenu des informations auprès de l’agent X, le Timor-Leste, à travers M. Collaery, n’ait

utilisé ces informations comme une base comme un «tremplin», pourrait-on dire en empruntant

au registre de l’equity pour procéder à de nouvelles recherches, dont il annonce aujourd’hui

publiquement qu’elles lui ont permis d’identifier quatre personnes supposément impliquées dans

une opération conduite contre le Timor-Leste en 2004. Il a également publiquement reconnu qu’il

existe aujourd’hui un risque pour la sécurité de ces personnes, qui ont été identifiées et dont les

noms ont été rendus publics. Tels sont les éléments sur lesquels est fondée l’inquiétude que j’ai

exprimée hier au nom de l’Australie. - 7 -

22. J’entrerai à présent dans le détail, et je m’excuse de ce que le supplément au dossier de

plaidoiries vienne seulement d’arriver, mais nous avons travaillé sur votre question pendant toute la

journée, Monsieur. Je vais maintenant résumer les éléments essentiels nous communiquerons

l’ensemble des références avec les documents que j’ai déjà remis au président et je m’arrêterai

peut-être sur trois de ces documents en particulier. Les informations détaillées, donc, sont les

suivantes.

8
23. Le 31 mai 2013, le Jornal Independente rapportait les allégations de M. Pires, ministre

timorais des ressources, selon lesquelles des agents de l’ASIS avaient pénétré dans les bureaux du

Gouvernement du Timor-Leste et y avaient installé des micros pendant les négociations concernant

le traité relatif à certains arrangements maritimes dans la mer de Timor. Il était précisé que ces

révélations étaient le fait d’un ancien agent de l’ASIS.

24. Dans le même article, il était indiqué que M. Collaery — présenté comme étant alors

l’avocat de M. Pires — avait confirmé que les preuves de la conduite alléguée de l’Australie étaient

«irréfutables» , et tenu le propos suivant : «Les autorités australiennes sont parfaitement

conscientes que nous sommes en mesure d’étayer nos dires.»

25. Le 8 juin 2013, on pouvait lire dans The Economist que, d’après, toujours M. Pires, le

Timor-Leste possédait des «preuves irréfutables» que, pendant les négociations de 2004, les

services secrets australiens se seraient procuré des informations de manière illicite et que, aux dires

de son avocat —nous pensons qu’il s’agit de M. Collaery pour la raison précitée —, des micros

10
13 auraient été installés dans les bureaux du premier ministre timorais . Ces informations, auxquelles

j’avais brièvement fait allusion hier, remontent aux mois de mai et de juin 2013.

26. J’aimerais maintenant rapporter ce qui s’est produit immédiatement après l’opération de

renseignement menée par l’ASIO en décembre : M. Collaery s’est exprimé publiquement dans la

presse au sujet du témoignage que devait apporter, dans le cadre de la procédure arbitrale, une

8 Julio da Silva, «Xanana still Waiting for Response from Australia about CMATS», Jornal Independente
(31 mai 2013), p. 6 (dossier de plaidoiries, onglet n 44).
9
Ibid.
10 «Timor-Leste and Australia: Bugs in the Pipeline», The Economist (8 juin 2013), peut être consulté sur le site
Internet : http://www.economist.com/news/asia/21579074-timorese-leaders-push-bette…-
o
bugs-pipeline (dossier de plaidoiries, onglet n 45). - 8 -

personne décrite comme étant un ancien agent de l’ASIS et je tiens à citer M. Collaery avec la

plus grande précision :

a) le 3 décembre 2013, M. Collaery déclarait, dans un entretien accordé à l’émission Lateline

diffusée par l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), notre réseau de télévision public,

que «ce témoin était le directeur de l’ensemble des opérations techniques de l’ASIS …, un haut

responsable, décoré et pouvant se prévaloir d’une longue expérience». Et d’ajouter : «Les

preuves sont disponibles, ici à La Haye, à l’heure où je vous parle» . 11

b) Le même jour, il affirmait, dans un autre entretien accordé à ABC : «Le témoignage du lanceur

d’alerte … est ici, mais aussi ailleurs … il est prêt» .12

c) Le 4 décembre 2013, dans un nouvel entretien diffusé sur l’antenne d’ABC, il apportait des

précisions sur le témoignage que fournirait cet ancien agent de l’ASIS, qualifié de principal

témoin dans la procédure d’arbitrage, citant des extraits de sa déclaration sous serment

concernant des instructions que lui aurait données le responsable de ce service . Je prie la

o
Cour de bien vouloir se reporter à l’onglet n 48 qui, si le travail consciencieux que nous avons

accompli cet après-midi a porté ses fruits, sera le bon — sinon, je vous présente d’ores et déjà

o
mes excuses. Sous l’onglet n 48, vous trouverez la transcription et, à la page 2, les éléments

que nous avons pris la liberté de mettre en surbrillance par simple souci de commodité. Vous

constaterez, vers le milieu de la page, que M. Collaery qui est présenté ici comme l’avocat

du Timor-Leste, autrement dit son agent — a affirmé publiquement ceci :

«Le directeur de l’ASIS, nouvellement entré en fonction, a convoqué à une
réunion le responsable des services techniques de l’ASIS, lequel a reçu pour
14 instruction, avec son adjoint dont je ne connais pas le nom, de se rendre en mission au

Timor-Leste pour s’y procurer des enregistrements clandestins des conversations entre
les membres qui composaient alors l’équipe de négociation timoraise.»

Un peu plus bas, vous trouverez un échange entre M. Collaery et Conor Duffy, le journaliste, et

encore un peu plus loin, une citation de M. Collaery, qui dit ceci : «[Le] témoin possède [une]

médaille du service de renseignement. C’est un haut fonctionnaire titulaire de nombreuses

11
«Bernard Collaery, Lawyer for East Timor», Lateline, ABC (3 décembre 2013), peut être consulté sur le site
Internet : http://www.abc.net.au/lateline/content/2013/s3904428.htm (dossier de plaidoiries, onglet n 46).
12
Peter Lloyd, «ASIO raided office of lowyer representing East Timor in spying case», ABC News, en date
du 3 décembre 2013 (dossier de plaidoiries, onglet n 47).
13Conor Duffy, «New details emerge in claims of spying on East Timor», 7.30, ABC (4 décembre 2013) (dossier
de plaidoiries, onglet n 48). - 9 -

décorations.» Permettez-moi de m’arrêter un instant sur le paragraphe suivant, source de vives

préoccupations pour l’Australie. Je cite Conor Duffy, le journaliste :

«Notre équipe est en possession d’une partie de sa déclaration sous serment,

cette déclaration essentielle indiquant qu’il avait été chargé de placer un dispositif
d’écoute au Timor-Leste sur l’ordre de David Irvine, le chef actuel de l’ASIO, qui
dirigeait alors l’ASIS.»

Je vais m’arrêter sur ce point. Cela semble indiquer que M. Collaery, agissant au nom du

Timor-Leste et ayant obtenu des informations de l’ancien agent de l’ASIS, en violation de

l’article 39, aurait ensuite divulgué ces informations sous la forme d’une déclaration sous

serment celle-là même dont la protection est demandée sous le couvert de l’immunité des

biens de l’Etat à un journaliste travaillant pour l’un des grands groupes audiovisuels

australiens, afin que le contenu en soit largement relayé en Australie. Je suis sûr que la Cour

comprendra, sur la base de ces éléments, les motifs de la préoccupation que j’ai exprimée hier.

Comme vous pouvez le constater et vous reconnaîtrez le style spectaculaire cher aux

producteurs de télévision en haut de la page suivante, une voix hors champ masculine lit des

passages de la déclaration sous serment sans doute pour renforcer l’intensité dramatique

afin de faire connaître aussi largement que possible les éléments qu’X aurait communiqués à

M. Collaery au nom du Timor-Leste et qui ont ensuite été publiés en Australie. La Cour pourra

comprendre la préoccupation que l’Australie nourrit et exprime quant à la question de savoir si

cette conduite est répréhensible, illicite et préjudiciable à notre sécurité.

d) Pour compléter la chronologie, le 4 décembre 2013, l’Australian Associated Press rapportait

que M. Collaery avait répété que le témoin était «le directeur de l’ensemble des opérations

14
techniques de l’ASIS» .

e) Enfin, le 5 décembre, dans la lettre répertoriant les éléments enlevés que je vous ai déjà

montrée, M. Collaery identifiait un témoignage, ainsi qu’une déclaration sous serment, émanant

d’une personne dont l’anonymat était préservé.

27. Je voudrais encore faire référence à deux autres aspects de la chronologie et prie la Cour
o
15 de se reporter à l’onglet n 50. Il s’agit d’expliquer pourquoi nous craignons que le Gouvernement

14 «Raided East Timor Lawyer calls for Inquiry», Australian Associated Press, en date du 4 décembre 2013
(dossier de plaidoiries, onglet n 49). - 10 -

timorais ait utilisé les informations obtenues par l’entremise de son agent, M. Collaery, comme un

«tremplin» pour déterminer l’identité des agents australiens, au risque de mettre leur vie en danger.

Comme la Cour peut le constater en lisant le passage de cet article du Sydney Morning Herald qui

apparaît en surbrillance, au troisième paragraphe, M. Pires, ministre des ressources nationales du

Timor-Leste, a déclaré : «Nous pensons avoir identifié l’équipe qui s’est introduite dans nos locaux

pour y installer les micros … Ce sont des hommes, accompagnés peut-être d’une femme

espionne.» Il indiquait que le Timor-Leste conserverait l’anonymat de ces personnes mais, et je

m’arrêterai sur la phrase suivante, relevait que l’une d’elles au moins travaillait toujours à

l’étranger et sous le même nom, et pourrait courir un danger «si les noms venaient à filtrer sur

15
Internet» . Environ cinq paragraphes plus bas, vous constaterez que les allégations d’espionnage

sont le fait d’un transfuge de l’ASIS, devenu «lanceur d’alerte».

28. Veuillez maintenant vous reporter à l’onglet suivant, à savoir l’onglet n 51. M. Pires y

est à nouveau cité, vers le milieu du document : «Nous pensons savoir ce qui est entré au Timor à

une date donnée et ce qui est en sorti, et nous avons établi un lien avec les récits qui nous ont été

faits» ce qui semble constituer une allusion aux informations que M. Pires avait obtenues de X

par le truchement de M. Collaery. Je cite toujours : «Nous sommes parvenus à déduire des noms.

Nous les avons introduits dans certains de nos ordinateurs ; or, de nos jours, la sécurité d’un

ordinateur ne peut être garantie.» Et un peu plus bas :

«Si ces noms tombent entre de mauvaises mains et que les intéressés sont

toujours à l’œuvre dans d’autres parties du monde …, ils devront redoubler de
prudence pour éviter d’être identifiés, car ils courent des risques. Nous ne voudrions
pas qu’il y ait de nouvelles victimes dans cette affaire.» 16

29. Permettez-moi de préciser le fond de ma pensée pour éviter tout malentendu. Je

n’affirme pas que M. Pires, ministre du Timor-Leste, ait effectivement l’intention de publier les

noms des agents de l’ASIS dont il dispose et qu’il semble avoir obtenus par le biais des actes de

M. Collaery et de X. Je ne prétends pas non plus qu’il ait l’intention de leur nuire. Toutefois, vous

comprendrez désormais, j’en suis certain, que nous nous trouvons dans une situation où il est

15Tom Allard, «East Timor claims it knows which Australian spies bugged its offices», Sydney Morning Herald,
en date du 9 décembre 2013 (dossier de plaidoiries, onglet n 50).
16
Rebecca Le May, «Mooe whistleblowers in Timor spy scandal», Sydney Morning Herald (9 décembre 2013)
(dossier de plaidoiries, onglet n 51). - 11 -

demandé à l’Australie d’accepter de faire dépendre la sécurité de vies australiennes et de

renseignements touchant la sécurité australienne de la conscience de X, de M. Collaery et de hauts

16 responsables timorais. Je me dois de vous signaler, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs

de la Cour, qu’une telle situation est inacceptable. M. le ministre Pires, M. Collaery et l’agent X ne

devraient pas être les garants de la sécurité de vies et d’informations australiennes.

30. Le dernier point d’une réponse relativement longue à cette question ce dont je vous

prie de m’excuser, mais j’estime qu’il était important de vous montrer qu’elle a été mûrement

réfléchie — est qu’au cours de la première réunion de procédure, qui s’est tenue le 5 décembre, le

conseil du Timor-Leste a reconnu la nécessité de prendre des dispositions «pour protéger

l’anonymat du témoin» et, je cite, «empêcher l’identification de tout autre agent de

renseignement». Il en ressort clairement que le nom d’autres agents de renseignement australiens a

en fait été révélé dans la déclaration sous serment ces informations ayant apparemment permis à

M. Pires de tirer les déductions supplémentaires déjà évoquées.

31. Permettez-moi de passer de cette longue réponse à votre première question à celle,

légèrement plus brève que, sans être laconiques pour autant, nous apporterons à votre deuxième

question . Cette question, que je vous remercie d’avoir posée et qui nous a amenés à nous reporter

au paragraphe 4 C) a) de l’article 25, est la suivante : est-il licite de continuer à retenir les

documents, données et biens au motif que leur restitution compromettrait présentement la sécurité

de l’Australie ?

32. Nous répondons par l’affirmative, pour deux raisons. Premièrement parce que, du fait de

l’instruction donnée par l’Attorney-General, l’ASIO n’a à ce jour examiné aucun des documents.

Elle ne s’est pas attelée à cette tâche puisque les documents ont été placés sous scellés à toutes fins

utiles jusqu’à ce que la Cour rende sa décision sur les mesures conservatoires. A la date

d’aujourd’hui, les documents n’ont donc pas livré la moindre information. Le deuxième aspect est

de nature prospective. Pourquoi l’ASIO doit-elle examiner ces documents pour protéger la sécurité

de l’Australie ? Je pense que la réponse à cette question doit être plus évidente maintenant que

vous connaissez la chronologie des faits. Pour l’ASIO, l’enjeu essentiel consiste à déterminer la

17Question du juge Sepulvéda-Amor : «En vertu du paragraphe 4 C) de l’article 25 de [la] loi ASIO … [y] a-t-il
lieu, pour les autorités australiennes, de continuer à retenir les documents, données et autres biens saisis dans les locaux
de M. Collaery au motif que leur restitution risque de porter atteinte à la sécurité nationale de l’Australie ?» - 12 -

nature et la portée du risque pour la sécurité que les documents ont mis en évidence. Ceux-ci

révèlent-ils qu’un ancien agent a divulgué des informations intéressant la sécurité et qu’il risque

d’en divulguer d’autres ? Si tel est le cas, l’ASIO devra se poser les questions suivantes :

a) l’agent X a-t-il divulgué, ou risque-t-il de divulguer, les noms ou l’identité d’agents ou

d’anciens agents ?

17 b) Dans l’affirmative, ces révélations mettront-elles en péril la vie ou la sécurité de ces personnes,

de leur famille et de leurs contacts, a fortiori si elles sont en poste à l’étranger dans des lieux

dangereux ?

c) X a-t-il divulgué, ou risque-t-il de divulguer, des informations sur le mode opératoire de

l’ASIO — ses méthodes, capacités techniques ou procédés d’espionnage, par exemple — ou

a-t-il révélé les activités que l’ASIO mène avec les services de renseignement de pays amis ?

d) Quelle est la portée des révélations que X a faites ou qu’il risque de faire ? Celles-ci ont-elles

été adressées uniquement au Timor-Leste ou bien également à d’autres Etats ? A des

particuliers ainsi qu’à des Etats étrangers ?

33. A l’heure actuelle, l’Australie n’est pas en mesure d’exposer ou de prouver la nature

exacte de ces risques. Nous ne connaissons pas la teneur des documents. Toutefois, je pense que

nous vous avons prouvé à suffisance que ces risques sont là et bien là. Il est impératif, dans

l’intérêt de l’Australie et de l’ASIO, que celle-ci soit autorisée à mener à bien sa tâche, c’est-à-dire

examiner les documents et chercher à répondre aux questions que je viens de mentionner.

34. Si l’ASIO conclut qu’il n’existe pas de réel risque, la question sera réglée et les

documents seront restitués à M. Collaery.

35. Si, en revanche, elle parvient à la conclusion inverse, elle conseillera l’Australie sur les

mesures que celle-ci pourra ou devra prendre pour atténuer le préjudice subi.

36. C’est la raison pour laquelle je vous avais dit hier que l’objet de cette demande est

fondamentalement vicié, en ce sens que le Timor-Leste vous prie de rendre une ordonnance dont

l’effet sera quasiment définitif. A supposer que vous entendiez et tranchiez l’affaire au fond d’ici

à 12 ou 18 mois par exemple, l’ASIO serait paralysée pendant toute cette période, une période si

longue que si les documents devaient révéler l’existence de risques, ceux-ci se seront probablement

déjà concrétisés. La Cour serait alors incapable de réparer le préjudice causé, que ce soit - 13 -

financièrement ou par tout autre moyen, si dans l’arrêt définitif elle devait reconnaître que les

prétentions juridiques du Timor-Leste à des droits de propriété absolus étaient infondées.

37. Un mot encore : presque tout le monde, au sein de la Cour, a, à un moment ou à un autre,

travaillé pour un gouvernement et eu connaissance de secrets, qu’il s’agît de renseignement, de

documents gouvernementaux intéressant la sécurité ou d’autres éléments. Nous connaissons tous

les règles. Le secret est important. Dans le cas exceptionnel où il y aurait lieu de penser qu’un

intérêt supérieur exige impérativement de le lever, une procédure est généralement prévue pour ce

faire. En Australie, cette procédure suppose d’obtenir l’accord du directeur général de l’ASIO. En

revanche, un agent ou ancien agent de l’Etat ne saurait faire passer sa conception de la conscience
18

ou de la moralité, et encore moins ses intérêts personnels, avant la loi, ni pis encore s’ouvrir

d’un tel secret à un Etat étranger, pour déterminer avec lui dans quelle mesure il y a lieu de le

divulguer. Nous vous prions de ne pas indiquer de mesures conservatoires parce qu’elles

encourageraient les personnes dont je vous ai déjà cité le nom à faire précisément cela.

Pourquoi le mandat a-t-il été délivré à cette date précise ?

38. Je traiterai à présent certains autres points, comme la question de M. le juge Bennouna

concernant le moment choisi pour délivrer le mandat . 18

Le mandat de perquisition a été émis le 2 décembre 2013 et exécuté le lendemain car

l’Australie était alors en possession d’informations indiquant qu’il était probable (au sens d’un

risque réel) qu’une personne que j’ai nommée X :

a) ait divulgué à M. Collaery, pour le compte du Timor-Leste, des informations concernant la

sécurité de l’Australie ;

b) fasse de nouvelles révélations, dont l’objet, le but ou les destinataires échapperaient à tout

contrôle ou restriction de l’Australie ;

c) puisse quitter, peut-être définitivement, le territoire australien dans les jours suivants ; et

d) puisse détruire des documents et données qui pourraient éclairer ces révélations.

18M. le juge Bennouna : «La délégation australienne pourrait-elle expliquer à la Cour pourquoi le mandat de
perquisition a été émis le 2 décembre 2013 et mis à exécution le 3 décembre, soit deux jours avant la première audience
du tribunal arbitral, tenue le 5 décembre 2013 ?» - 14 -

39. Telles étaient les préoccupations qui ont imposé l’adoption immédiate de trois mesures

étroitement liées : premièrement, l’annulation du passeport de X ; deuxièmement, la délivrance

d’un mandat de perquisition visant les locaux de X ; troisièmement, la délivrance d’un mandat de

perquisition visant les locaux de M. Collaery. Il a été estimé que si ces mesures n’étaient pas prises

immédiatement, elles risquaient, le moment venu, de ne pas pouvoir si aisément porter leurs fruits.

Et point n’est besoin de rappeler à la Cour d’autres exemples, connus de tous, de personnes ayant

fui leur pays avec, dans leurs valises, des informations compromettantes qu’elles étaient décidées à

révéler ; et il est alors trop tard pour agir.

40. Mais je vous donne l’assurance, et c’est là mon dernier élément de réponse à cette

question, qu’il n’existait aucun lien entre la chronologie des faits que je viens de décrire et

l’audience préliminaire qui s’est tenue ici, à La Haye, devant le tribunal arbitral, le 5 décembre.

19 X ne devait pas se présenter comme témoin au tribunal ce jour-là. D’ailleurs, aucun témoin n’avait

été cité à comparaître ; il s’agissait d’une audience préliminaire et, d’après les informations dont

disposait l’Australie, X n’envisageait pas de se rendre à La Haye à l’époque.

A qui appartiennent les biens saisis ?

41. Pour en venir à la question de M. le juge Yusuf : à qui appartenaient les biens ? Nous

remercions le juge Yusuf de cette question ; nous nous sommes repenchés sur ce point car nous

n’avions pas exposé notre position de manière suffisamment claire . Nul ne saurait répondre à

cette question sans un examen en règle des documents en cause. Or nous n’avons pu procéder à un

tel examen faute d’en avoir pris connaissance. Nous ne saurions donc admettre l’affirmation selon

laquelle ces documents appartiennent nécessairement au Timor-Leste, mais ne sommes pas non

plus en mesure de vous indiquer sans réserve qui en est effectivement propriétaire.

42. Il y a cependant deux choses que nous pouvons dire à cet égard :

a) En ce qui concerne le premier point, si les documents incluent une déposition ou une

déclaration sous serment révélant des informations confidentielles appartenant à l’Australie,

c’est de cette dernière, et certainement pas du Timor-Leste, qu’ils relèvent. Permettez-moi de

vous donner un exemple : si M. Edward Snowden fuit l’Amérique en emportant des documents

19M. le juge Yusuf : «Selon les Parties, à qui appartenaient les différents éléments inscrits sur la liste des biens
saisis établie par l’ASIO le 3 décembre 2013, ainsi que leur contenu, au moment où ces éléments ont été saisis ?» - 15 -

qu’il a dérobés et communique les informations qu’ils contiennent à un Etat étranger ou aux

médias, les Etats-Unis n’en seront pas pour autant privés de leur droit de propriété sur ces

documents. Donc il y aurait vraisemblablement lieu de déterminer ce serait, selon nous, le

rôle du tribunal arbitral ou d’un juge australien si, dans la mesure où les documents

contiennent des informations appartenant à l’Australie, c’est l’Australie et non le Timor-Leste

qui en est le propriétaire.

b) La seconde proposition que je mentionnerai est la suivante : nous avons soumis à la Cour, sous

os
les onglets n 52 et 53 du dossier de plaidoiries, des éléments tendant à indiquer que, jusque

peut-être en novembre dernier, M. Collaery agissait en qualité d’avocat de X. Il est donc à tout

le moins fort possible que le Timor-Leste ne soit pas propriétaire des documents établis par
20
M. Collaery en sa qualité d’avocat de X .

43. Permettez-moi de mentionner un point connexe concernant l’arbitrage. Vous disposez à

présent de suffisamment de preuves que le Timor-Leste entend probablement invoquer, au cours de

cette procédure d’arbitrage, le témoignage de la personne que j’ai appelée X. Pour votre

20 information, mais non pour vous inviter à vous prononcer sur cette question de quelque manière

que ce soit, il convient d’indiquer que si le Timor-Leste choisit de ce faire, et si le témoignage en

question devait révéler des informations relatives à la sécurité nationale de l’Australie, ou être

présenté en violation du droit pénal australien, l’Australie exciperait de son irrecevabilité. Le

5 décembre, nous avons informé le tribunal que nous présenterions effectivement une demande en

ce sens dans les plus brefs délais et c’est ce que nous ferons.

Durée de validité de l’engagement

44. Je répondrai à présent à la question de Mme la juge Donoghue, sur la durée de validité de
21
l’engagement . Sur ce premier point : l’engagement n’expirera pas. Il s’agissait simplement de

ménager la possibilité d’un autre cas de figure, faisant suite à la décision de la Cour. Aucune autre

circonstance que celles mentionnées au deuxième alinéa ne l’exigerait. Ce deuxième alinéa visait à

20Lettre en date du 12 décembre 2013 adressée à M. John Reid par M. Bernard Gross, dossier de plaidoiries,
onglet n 52 ; Richard Ackland, «George Brandis’ security clean-up leaves out messy questions», Sydney Morning
Herald, 3 janvier 2014, dossier de plaidoiries, onglet n 53.
21
Mme la juge Donoghue : «Question A : Ma première question a trait à la phrase introductive du paragraphe
figurant en page 2 de la version originale. J’aimerais que soit clarifié le sens du premier «or» de la première ligne.
Autrement dit, dans quelles circonstances l’engagement de l’Attorney-General expirerait-il avant l’arrêt de la Cour ?» - 16 -

préciser que si de nouvelles circonstances imposaient pour des raisons que nous n’envisageons

pas actuellement à l’Attorney-General de prendre connaissance du contenu des documents,

l’Australie commencerait par en informer la Cour, en en avisant le Timor-Leste, et s’abstiendrait

d’agir avant que celle-ci ait pu se pencher sur la question.

Lien entre les troisième et quatrième alinéas de l’engagement
22
45. La réponse à la seconde question de Mme la juge Donoghue est «non».

46. Le quatrième alinéa avait pour seul objectif de préciser que les questions concernant la

mer de Timor et les négociations y afférentes, ainsi que la conduite des procédures devant la

présente Cour et le tribunal, ne relevaient pas des questions de «sécurité nationale» visées au

troisième alinéa. Il me semble que j’ai ainsi répondu à la question.

Communication passée et future des éléments saisis

47. En ce qui concerne la question de M. le juge Greenwood : pouvons-nous certifier

qu’aucune information obtenue à partir des documents saisis ou de notes qui auraient été prises au

23
21 cours de l’exécution du mandat de perquisition n’a été communiquée à une quelconque personne

participant à la procédure d’arbitrage ou aux négociations commerciales ? Oui, je le certifie.

24
48. S’agissant de la seconde question du juge Greenwood , deux possibilités existent. Dans

la première hypothèse, les documents seront restitués à l’expiration d’une période donnée, auquel

cas la loi ASIO ne régit pas leur usage spécifique dans le cadre d’une action judiciaire ni,

éventuellement, dans des circonstances intéressant davantage la question. Dans la seconde

hypothèse, si l’ASIO ou le parquet conservent les documents, l’Australie fera auprès du tribunal

22
Mme la juge Donoghue : «Question B : Ma seconde question se rapporte elle aussi au paragraphe figurant en
page 2 de la version originale. J’aimerais que soit précisé le lien entre le point 3) et le point 4), étant donné que ce
dernier commence par l’expression «Sans préjudice de ce qui précède». Si l’Australie souhaite, «à des fins de sécurité
nationale», fournir des éléments ou informations qui auraient été obtenus à une partie du Gouvernement australien
exerçant des responsabilités dans les domaines décrits au point 4), pourrait-elle le faire tout en respectant
l’engagement de l’Attorney-General ?»
23
M. le juge Greenwood : «Question A : L’Australie certifie-t-elle qu’aucune information obtenue à partir des
documents saisis ou de notes qui auraient été prises au cours de l’exécution du mandat de perquisition n’a, à ce stade, été
communiquée à une quelconque personne participant à la procédure d’arbitrage ou susceptible de participer aux
négociations ayant trait aux questions auxquelles il est fait référence au paragraphe 4 de cet engagement ?»
24Ibid. : «Question B : Dans l’hypothèse où une action serait engagée en Australie, un quelconque document saisi
ou renseignement obtenu à partir des documents saisis sera-t-il divulgué dans le cadre de la procédure, de sorte qu’il
pourrait être porté à la connaissance de personnes participant à l’arbitrage, à la procédure devant la présente Cour ou à

toute négociation du type de celles que j’ai mentionnées ?» - 17 -

saisi les démarches prévues par la National Security Information (Criminal and Civil Proceedings)

Act de 2004 (la loi NSI) [loi de 2004 sur le renseignement en matière de sécurité nationale

(procédures pénale et civile)] (voir annexe 30 des observations écrites de l’Australie), afin de

garantir que les personnes en question ne prennent pas connaissance des informations.

49. L’Attorney-General prend l’engagement, à l’égard de la Cour, de donner au

Commonwealth Director of Public Prosecutions l’instruction d’invoquer les dispositions

pertinentes de cette loi dans un tel cas de figure. Et, dans l’hypothèse improbable où un procès

aurait lieu avant le règlement du présent différend, l’Attorney-General s’engage, par mon

truchement, à informer le tribunal saisi de l’engagement que je viens de prendre auprès de vous, et

demandera que soient ordonnées les mesures nécessaires pour limiter la diffusion des informations.

Enfin, dans l’hypothèse non moins improbable où de telles mesures ne seraient pas prises,

l’Attorney-General reviendra vers la Cour avant que l’Australie ne prenne la moindre initiative.

50. Monsieur le président, voilà qui conclut ma plaidoirie. Mesdames et Messieurs de la

Cour, je vous remercie de votre attention.

51. Je vous prie de bien vouloir appeler à la barre M. Campbell.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le Solicitor-General. Je donne à présent la

parole à M. Campbell. Monsieur, c’est à vous.

M. CAMPBELL :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, au second tour, j’examinerai la

22 plausibilité des droits revendiqués par le Timor-Leste ces derniers jours, et, en particulier, les

arguments avancés par sir Michael Wood ce matin. Je répondrai également à la troisième question

qui a été posée ce matin à l’Australie par le vice-président, M. Sepúlveda-Amor. Tel est le

programme de mon exposé.

1. Mais avant d’en venir là, j’aimerais traiter quelques questions plus brièvement. En

premier lieu, j’aimerais répondre à ce que le conseil du demandeur a déclaré sur les autres

conditions qui doivent être remplies pour que puissent être indiquées des mesures conservatoires.

En ce qui concerne la nécessité relative à l’existence d’un lien suffisant, nous sommes d’avis que

rien de ce qu’a dit le Timor-Leste ce matin ne vient affaiblir la démonstration que M. Burmester a - 18 -

faite à ce sujet au premier tour. De même, en ce qui concerne le préjudice irréparable et l’urgence,

le Timor-Leste n’a mis en avant aucun élément de nature à contrer les arguments présentés par

l’Australie au premier tour. En particulier, face aux engagements pris par l’Attorney-General, le

Timor-Leste ne peut plus invoquer le moindre risque de préjudice irréparable et, partant, il ne peut

pas démontrer le caractère urgent de la situation.

2. S’agissant de l’urgence, le Timor-Leste a mis en doute l’efficacité des recours pouvant

être ouverts devant les juridictions australiennes, invoquant à cet égard la loi australienne relative

aux (recours contre les) décisions administratives (Administrative Decisions (Judicial Review)

25
Act) . Mais cette loi n’est pas le seul fondement sur lequel des décisions telles que celles qui sont

prises en vertu de la loi ASIO peuvent être contestées. Parmi les bases juridiques pertinentes et les

juridictions devant lesquelles un recours pourrait être formé, on peut citer le point v) de l’article 75

de la Constitution australienne et la Haute Cour. Or, les agents de l’ASIO et l’Attorney-General

sont soumis à cette disposition et, si elle a compétence, à cette juridiction.

3. J’en viens à présent à diverses questions que sir Michael a très brièvement évoquées ce

matin. Premièrement, je tiens à dire que l’Australie n’avait assurément pas l’intention de manquer

de respect à la Cour, comme l’a laissé entendre sir Michael , lorsqu’elle a fait observer qu’elle ne

soulèverait pas de questions de compétence et de recevabilité au stade des mesures conservatoires.

Au contraire : nous pensions faciliter ainsi la tâche de la Cour. Si sir Michael veut donner à penser

que l’Australie aurait dû préciser qu’elle admettait la compétence prima facie de la Cour et la

recevabilité de la requête, c’est une toute autre affaire, d’autant que l’Australie s’est réservé le droit

de soulever des questions de compétence et de recevabilité au stade de l’examen de l’affaire au

fond.

4. Deuxièmement, sir Michael a mis en avant une différence entre les exceptions au principe

de la confidentialité des communications entre un conseil et son client, telles qu’elles s’appliquent

27
23 en droit interne, et ces exceptions telles qu’elles s’appliquent en droit international . A cet égard,

je me bornerai à renvoyer une fois encore la Cour au rapport établi, dans le contexte du droit

25
CR 2014/3, p. 21, par. 40 (Wood).
26Ibid., p. 14, par. 8 (Wood).
27
Ibid., p. 13, par. 5 (Wood). - 19 -

international, par James Spigelman, expert indépendant, dans l’affaire St. Mary’s, où il est précisé

que ce privilège «ne s’étend pas aux communications qui entravent la bonne administration de la

justice ou constituent de quelque autre façon un abus de celle-ci» . 28

5. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, s’agissant de la question de la

plausibilité des droits invoqués par le Timor-Leste, sir Michael Wood a déclaré ce matin que

29
l’Australie n’avait pas répondu à la plupart des arguments avancés à ce sujet par le Timor-Leste .

Je pensais que nous l’avions fait et tiens donc d’emblée à vous présenter mes excuses si je

semble parfois me répéter. Sir Michael a également accusé l’Australie d’avoir recours à la tactique

bien connue qui consiste à exagérer une allégation pour mieux ensuite la battre en brèche. Je crois

qu’il se référait ici à ma déclaration faisant grief au Timor-Leste de prétendre, sans le moindre

fondement, que les biens et documents de l’Etat jouissent d’une «immunité absolue» . 30

Sir Michael s’est offusqué de ce que j’ai utilisé le mot «absolu». Eh bien, veuillez m’excuser si j’ai

laissé entendre que le conseil du Timor-Leste avait employé ce mot, alors que ce n’était pas le cas.

6. Mais j’aimerais en venir à la véritable exagération, qui, elle, n’est pas purement

sémantique, et je voudrais également expliquer pourquoi j’ai employé le mot «absolu». La

véritable exagération et cette fois elle est d’ordre juridique est le fait de sir Michael qui,

lundi, a évoqué, sans y apporter aucune restriction, un principe général, à savoir les droits du

Timor-Leste «en tant qu’Etat souverain, notamment à l’inviolabilité de ses documents et à

31
l’immunité dont ces derniers bénéficient à l’égard des mesures de contrainte» . Et cette

exagération a été, à mon sens, aggravée par l’application qu’a faite sir Elihu de ce principe au

contexte de l’affaire lorsqu’il a soutenu que, «[p]ar ailleurs, le Timor-Leste p[ouvait] prétendre à la

reconnaissance de ses droits, nonobstant toutes dispositions spéciales qui pourraient leur être

32
opposées en vertu du droit australien» .

7. C’est donc bien un droit absolu que revendique le Timor-Leste. Si les traités et le droit

international coutumier établissent des immunités particulières qui s’appliquent à des circonstances

28
CR 2014/2, p. 28, par. 29 (Campbell).
29CR 2014/3, p. 15, par. 1 (Wood).

30Ibid., p. 18, par. 27 (Wood).
31
CR 2014/1, p. 36, par. 17 (Wood).
32Ibid., p. 28, par. 25 (Lauterpacht). - 20 -

particulières, ils ne confortent pas la thèse d’une immunité aussi étendue que celle qu’invoque le

Timor-Leste, que ce soit expressément ou en combinant tous les traités pour étayer l’existence d’un

24 principe général, comme le Timor-Leste admet à présent le faire. Ce matin, sir Michael, après

avoir évoqué l’«édifice des traités et du droit coutumier», a déclaré que les similitudes qui

existaient entre les différents types d’immunités, tant en termes de contenu que dans leur raison

d’être, avaient contribué à l’émergence et à la formation des principes plus vastes qui avaient donné

naissance à un droit coutumier général de l’inviolabilité et de l’immunité de l’Etat . 33

8. J’ai cherché en vain une référence en note de bas de page pour étayer cette théorie de

l’hyperimmunité : il n’y en avait pas. Pour notre part, nous n’avons rien trouvé qui fasse autorité à

ce sujet, et assurément pas dans la jurisprudence. Il s’agit bien d’une exagération, et, cette fois-ci,

comme je l’ai dit tout à l’heure, d’une exagération d’ordre juridique.

9. Il est important de ne pas partir du principe qu’une immunité s’appliquant expressément

dans un contexte particulier s’applique de façon plus générale, ou à un autre contexte et

pourtant, c’est ce qu’a fait le Timor-Leste. Ainsi, sir Michael a déclaré ce matin que «[le

Timor-Leste] s’appu[yait] sur les principes reflétés par toutes les immunités : le droit matériel, qui

s’applique de manière générale, ne saurait être mis en œuvre à l’encontre d’un Etat, que ce soit à

l’encontre de ses diplomates, de ses missions spéciales ou de ses biens» . 34

10. Il existe, certes, des immunités spécifiques qui s’appliquent aux diplomates et aux

missions spéciales, mais cela ne signifie pas que leur champ d’application puisse être étendu par un

tour de passe-passe, simplement en ajoutant les mots «ou à leurs biens».

11. Simplement pour clarifier également la situation en ce qui concerne les traités, j’aimerais

préciser une fois encore qu’il n’existe pas, dans les traités auxquels l’Australie et le Timor-Leste

sont actuellement tous deux parties, d’immunité ou d’inviolabilité qui s’applique aux documents et

autres éléments saisis au 5 Brockman Street, à Narrabundah.

12. Sir Michael a déclaré ce matin que j’étais «très sélecti[f]» dans mes réponses aux

allégations du Timor-Leste, et a demandé où était la réponse de l’Australie à un certain nombre de

33
CR 2014/3, p. 18, par. 28 (Wood).
34Ibid., p. 15, par. 13 (Wood). - 21 -

prétendues immunités qu’il a évoquées . 35 Le fait est qu’aucun des exemples cités par le

Timor-Leste par exemple l’échange qui a eu lieu en 2013 entre l’Espagne et le Royaume-Uni

(onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Timor-Leste) ou les passages particuliers qu’il a cités,

36
comme les propos de Mme Denza ne vient clairement confirmer ce qu’il veut et doit établir, à

savoir que les dossiers qu’un agent détient dans son bureau jouissent d’une immunité absolue à

l’encontre des procédures pénales internes ou des mesures de contrainte du même ordre. En

25 particulier, l’incident qui s’est produit entre l’Espagne et le Royaume-Uni à propos de sacs en

transit clairement étiquetés en tant que biens officiels porte sur une situation expressément prévue

par la convention de Vienne à savoir les communications entre un Etat et ses représentants

diplomatiques à l’étranger. L’incident ne concernait pas des documents se trouvant dans les locaux

d’un agent commercial. De même, Mme Denza évoque, en page 226, la «correspondance officielle

de la mission» elle ne se réfère pas à des documents détenus dans les locaux d’un agent

37
commercial .

13. Ce matin, sir Elihu a également accusé l’Australie de ne pas tenir compte des précédents

internes faisant autorité que le Timor-Leste a invoqués pour étayer l’existence, en droit

international coutumier, d’un vaste «principe» général d’immunité ou d’inviolabilité s’appliquant à

tous les biens de l’Etat . Or, selon nous, les affaires citées ne sont d’aucune assistance à la Cour.

14. Il s’agit des affaires Rahimtoola v. Nizam Hyderabad, Cristina et Juan Ysmael & Co Inc

v. Indonesian Government. Toutes ces affaires concernaient des procédures judiciaires et elles se

sont toutes déroulées dans les années 1950.

15. Les passages que le Timor-Leste en a cités viennent étayer encore les règles

généralement bien établies de l’immunité juridictionnelle dans le cadre des procédures judiciaires.

Ils ne concernent pas les circonstances de l’espèce.

35
CR 2014/3, p. 18, par. 28 (Wood).
36Ibid., p. 19, par. 29 (Wood).
37 ème
E. Denza, Diplomatic Law, 3 éd. , OUP, 2008, p. 226.
38
CR 2014/3, p. 9 (Lauterpacht). - 22 -

16. Pas plus que l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Allemagne c. Italie, qui portait

également sur l’immunité juridictionnelle et ne vient en rien étayer l’existence d’un droit général à

l’immunité et l’inviolabilité des documents.

17. Sir Michael a également tenté ce matin de vous convaincre que les principes de

l’immunité juridictionnelle s’appliquaient aux circonstances de l’espèce. J’aimerais faire deux

remarques à ce sujet. Tout d’abord, il a cherché à vous convaincre en invoquant le fait que des

poursuites pénales pourraient être engagées dans le présent contexte, et que celles-ci pourraient

donc constituer une procédure aux fins de la convention de 2004 et du droit international

coutumier. Or, il est très clair que la convention de 2004 ne s’applique pas aux procédures pénales,

26 comme il est précisé dans le commentaire de la CDI je cite : «Bien qu’il ne soit pas

expressément défini dans les présents articles, le terme «procédure» doit être entendu comme

excluant la procédure pénale» . Je ne répéterai pas ce que j’ai dit l’autre jour, si ce n’est pour dire

qu’il est bien évident que, tant au regard du droit international que du droit australien,

l’Attorney-General n’est pas un tribunal il n’en a vraiment pas l’air, en tout cas.

18. J’en viens à présent à la question que vous avez posée, Monsieur le vice-président. Vous

avez adressé à l’Australie la question suivante c’était votre troisième question :

«L’Australie considère-t-elle que, au regard du droit international coutumier, les

documents d’un Etat jouissent d’une protection sous forme d’immunité et
d’inviolabilité, en dehors du cadre des relations diplomatiques et consulaires ? Dans
l’affirmative, quelle est l’étendue de la protection internationale qu’elle revendique
pour ses propres documents situés en territoire étranger ?» 40

19. La réponse de l’Australie est la suivante : les principales immunités qui s’appliquent aux

documents d’un Etat en dehors du cadre des relations diplomatiques et consulaires sont celles qui

sont énoncées dans les traités et conventions en vigueur et dans le droit international coutumier qui

en est le reflet. Un exemple de convention pertinente est la convention de New York sur les

missions spéciales .41

39
Projet d’article 2, par. 1 a), Annuaire de la Commission du droit international, 1991, vol. II, deuxième partie,
p. 14.
40CR 2014/3, p. 25.

41Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1400, p. 231. - 23 -

20. Si l’Australie n’admet pas qu’il existe, comme l’a soutenu le Timor-Leste, une «règle

coutumière générale d’inviolabilité et d’immunité», il existe cependant en droit international

coutumier des immunités plus circonscrites, telles que les immunités juridictionnelles dont

jouissent les Etats à l’égard des juridictions des autres Etats, que j’ai mentionnées tout à l’heure.

21. Quant au second volet de votre question, Monsieur le vice-président, l’étendue de la

protection que l’Australie revendique pour ses propres documents situés en territoire étranger

dépendra des circonstances dans lesquelles ils s’y trouvent. Je me bornerai à dire que, si des

documents appartenant au Gouvernement australien se trouvaient sur le territoire d’un autre pays

dans des circonstances strictement identiques à celles de la présente affaire, ils ne bénéficieraient

d’aucune inviolabilité ou immunité. Voilà qui vient clore la réponse à cette question.

Monsieur le président, j’aimerais conclure par un résumé de mon exposé :

27 Il n’existe pas, en droit international coutumier, de principe général relatif à l’immunité et à

l’inviolabilité des biens et documents de l’Etat. L’existence d’un tel principe est dépourvue de

toute plausibilité.

Deuxièmement, aucune immunité juridictionnelle ne s’applique aux documents saisis au

5 Brockman Street, à Narrabundah. Il n’y a pas de procédure. Il n’y a pas de tribunal.

L’immunité n’entrant pas en jeu, la question de sa plausibilité ne se pose même pas.

Troisièmement, le Timor-Leste n’a pas établi qu’une quelconque autre forme d’immunité ou

d’inviolabilité s’appliquerait à ces documents en vertu du droit international, qu’il soit

d’origine coutumière ou conventionnelle.

22. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

attention. Je vous prie à présent de bien vouloir appeler l’agent à la barre pour qu’il conclue la

présentation de l’Australie.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Campbell. J’appelle à la barre l’agent de

l’Australie, M. John Reid. Monsieur, vous avez la parole.

M. REID : - 24 -

O BSERVATIONS FINALES

Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il ne reste guère de temps mais

je n’ai heureusement pas grand-chose à ajouter. Mais avant de conclure les exposés de l’Australie,

je dois revenir sur deux points très brefs, au nom de mon gouvernement.

2. Premièrement, sir Michael a fait observer ce matin qu’il serait utile que, en ma qualité

d’agent, je confirme devant la Cour que les engagements pris par l’Attorney-General lient

l’Australie sur le plan du droit international. Permettez-moi de répéter à l’intention de nos amis ce

que j’ai dit hier.

3. Je cite le paragraphe 6 du compte rendu d’hier :

«[L]’Attorney-General du Commonwealth d’Australie a le pouvoir effectif et
apparent de prendre des engagements liant l’Australie, tant sur le plan du droit
australien qu’en droit international.»

4. Nul besoin d’en dire davantage. De nouveau, comme je l’ai déclaré hier, l’Australie a pris

ces engagements et elle les honorera.

5. Deuxièmement, mon ami, S. Exc. M. l’ambassadeur da Fonseca, a tenté ce matin de

mettre en cause devant la Cour la question de la frontière maritime entre nos deux nations.

28 6. Cette question n’est tout simplement pas en jeu ici. Les traités qui régissent les

arrangements maritimes dans la mer de Timor doivent être respectés. Ils demeurent en vigueur et

l’Australie est résolue à les appliquer fidèlement.

7. L’Australie déplore la manière dont la délimitation maritime a été présentée ce matin par

notre contradicteur et nous nous y opposons de la manière la plus vigoureuse.

8. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la position de l’Australie vous

a été exposée. Elle peut être brièvement résumée ainsi.

9. Premièrement, les droits que le Timor-Leste cherche à protéger en l’instance ne sont pas

plausibles. Nos amis demandent en effet à la Cour d’accepter le principe d’une immunité absolue

d’une portée extraterritoriale si vaste qu’elle rendrait obsolètes la convention de Vienne sur les

relations diplomatiques, la convention de Vienne sur les relations consulaires et le droit

international coutumier relatif à l’immunité de l’Etat. - 25 -

10. Deuxièmement, il n’existe aucune urgence. Si tel était le cas, le Timor-Leste aurait

assurément saisi d’autres organes plus appropriés au cours de ces sept dernières semaines.

11. Troisièmement, aucun préjudice irréparable n’est à craindre. A supposer que le

Timor-Leste détienne un quelconque droit légitime, ce que nous réfutons dans les termes les plus

énergiques, les engagements exhaustifs et solennels que la Cour a reçus de l’Attorney-General de

l’Australie l’auront certainement convaincue que ces droits bénéficient d’une protection suffisante,

dans l’attente de l’arrêt définitif en l’instance.

12. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, qu’il me soit permis de

m’associer aux propos tenus ce matin par mon ami, S. Exc. M. l’ambassadeur da Fonseca.

L’Australie et le Timor-Leste entretiennent effectivement une relation étroite bâtie sur le respect

mutuel et l’amitié, une amitié que mon gouvernement demeure bien résolu à cimenter.

13. Monsieur le président, je conclurai à ce stade en remerciant ma délégation et les éminents

conseils pour les efforts qu’ils ont déployés sans relâche au nom du Gouvernement de l’Australie.

14. Je tiens également à remercier le greffier et son personnel, les interprètes et, bien

entendu, vous-mêmes Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, pour l’attention

que vous avez bien voulu prêter aux plaidoiries de l’Australie pendant ces audiences.

29
Conclusions

15. Il m’échet à présent de donner lecture des conclusions de l’Australie.

16. Conformément à l’article 60 du Règlement de la Cour et vu la demande en indication de

mesures conservatoires présentée par le Gouvernement de la République démocratique du

Timor-Leste, ainsi que les plaidoiries de celui-ci,

«1. L’Australie prie la Cour de rejeter la demande en indication de mesures
conservatoires présentée par la République démocratique du Timor-Leste.

2. L’Australie prie également la Cour de suspendre l’instance jusqu’à ce que le
tribunal arbitral ait rendu sa décision dans l’arbitrage en vertu du Traité sur la mer
de Timor.»

17. Une copie signée du texte de ces conclusions a été communiquée à la Cour.

18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie. - 26 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur. La Cour prend note des conclusions du

Gouvernement du Commonwealth d’Australie dont vous venez de donner lecture en qualité

d’agent. Voilà qui clôt cette série d’audiences. Il me reste à remercier les représentants des deux

Parties pour le concours qu’ils ont apporté à la Cour en lui présentant leurs observations orales au

cours de ces quatre audiences. Conformément à la pratique, je prierai les agents de bien vouloir

rester à la disposition de la Cour. Celle-ci rendra son ordonnance sur la demande en indication de

mesures conservatoires dès que possible. Les agents des Parties seront avisés en temps utile de la

date à laquelle elle en donnera lecture en séance publique. La Cour n’étant saisie d’aucune autre

question aujourd’hui, l’audience est levée.

L’audience est levée à 18 h 5.

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