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CR 2012/14 (traduction)

CR 2012/14 (translation)

er
Mardi 1 mai 2012 à 10 heures

Tuesday 1 May 2012 at 10 a.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour entendra ce matin

les arguments du Nicaragua en son second tour de plaidoiries. Avant de donner la parole à l’agent,

je voudrais indiquer que le juge Abraham, pour des motifs qu’il m’a dûment fait connaître, n’est

malheureusement pas en mesure de siéger aujourd’hui. Je donne à présent la parole à

S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez, agent du Nicaragua. Monsieur, vous avez la parole.

M. ARGÜELLO GOMEZ :

1. Monsieur le président, Mesdames et Me ssieurs de la Cour, je voudrais commencer par

quelques brèves observations sur certains points soul evés par le conseil de la Colombie au cours

des plaidoiries de la semaine dernière.

I. Recevabilité

2. Le conseil de la Colombie s’est abonda mment gaussé de la demande de délimitation du

plateau continental formulée par le Nicaragua dans sa réplique. Il a soutenu qu’il s’agissait d’une

revendication sans aucun lien avec celle qui avait été faite dans le mémoire, laquelle portait sur une

frontière maritime unique. J’ai déjà abordé ce point dans mon premier exposé. Je n’ajouterai donc

que quelques mots sur la question puisque M. Pellet traitera de la recevabilité par la suite.

3. Au commencement, dans l’affaire que la Nicaragua a introduite contre la Colombie, les

Parties revendiquaient deux lignes de délimitation différentes : pour la Colombie, la seule frontière

maritime unique était le 82e méridien et pour le Nicaragua, c’est ce qu’il demandait dans sa requête,

une frontière maritime unique fondée sur la ligne médiane entre les deux côtes continentales des

Parties. La Colombie faisait valoir que la li gne de délimitation exista it déjà et correspondait au

e
82 parallèle, elle a commencé à l’imposer en1969 et continue à le faire aujourd’hui, bien que la

Cour ait précisé dans son arrêt de 2007 qu’il ne s’agissait pas d’une ligne de délimitation.

4. Pour sa part, le Nicaragua ne prétendait pas que la frontière maritime unique qu’il

proposait était une frontière préexistante ou qu’il s’agissait de la seule solution possible. Le

Nicaragua n’a jamais essayé de faire respecter cette ligne par ses navires de guerre. Elle faisait

simplement partie de la demande adressée à la Cour pour qu’elle détermin e la frontière maritime

conformément au droit international. Le Nicara gua est convaincu que la Cour est le spécialiste - 3 -

international incontesté de la délimitation maritime et ne doute pas qu’elle saura parvenir à une

solution équitable, ce qui est tout ce que le Nicaragua demande.

11 5. Je tiens aussi à rappeler que la délimitation demandée par le Nicaragua ne concerne que

des zones qui ne sont pas revendiquées par des Etats tiers. Les Etats tiers dans la zone générale où

la délimitation est demandée sont ceux le Panama, le Costa Rica et la Jamaïque. Le Nicaragua ne

doute pas que la Cour saura procéder à une délimitati on maritime équitable entre le Nicaragua et la

Colombie sans affecter les droits d’Etats tiers.

II. Réparation
1
6. Monsieur le président, vendredi dernier M.Kohen a évoqué la demande de réparation

formulée par le Nicaragua dans sa réplique. Da ns son exposé, il se demandait quelles étaient les

2
véritables raisons de cette demande en réparation du Nicaragua . Ma réponse sera brève. Dans sa

requête, le Nicaragua s’est réservé le droit de de mander réparation parce que la Colombie a refusé

e
l’accès à des zones maritimes situées à l’est du 82 méridien et a exploité ces zones maritimes à son

propre profit. Le Nicaragua n’ignore pas la position de la Cour sur la question des réparations dans

des affaires de délimitation. C’est pourquoi le Nicaragua n’a formulé cette demande dans son

mémoire du 28avril2003. Apr ès l’arrêt de la Cour du 13décembre2007, selon lequel le

e
82 méridien n’était pas une frontière maritime, et alors que la Colombie persistait à défendre ce

qu’elle appelle le statu quo (la situation au moment où l’affaire a été portée devant la Cour en

décembre 2001) ; c’est-à-dire qu’elle maintenait que ce méridien constituait une frontière maritime

et continuait de l’imposer en recourant à ses forces navales. Le Nicaragua a estimé que cette

situation allait au-delà des affaires antérieures dans lesquelles la Cour avait eu à se prononcer sur

des questions de délimitation. En l’espèce, la Cour a dit clairement dans un arrêt que le

e
82 méridien n’était pas une ligne de délimitation. La persistance de la Colombie à l’utiliser

comme frontière maritime témoigne d’un manque de respect, c’est le moins que l’on puisse dire,

envers ce jugement et ne tient pas simplement à une question de délimitation en suspens. C’est

1
CR 2012/13, p. 56-65 (Kohen).
2Ibid., p. 65, par. 25, «Je m’interroge sur les véritables raisons de cette demande en réparation.» - 4 -

pour cette raison que le Nicaragua considère que les circonstances actuelles ne sont pas les mêmes

que celles auxquelles s’est déjà intéressée la Cour et qu’une déclaration s’impose.

7. M.Kohen a pris d’assaut avec une certain e véhémence la position du Nicaragua sur la

validité juridique du traité de1928. Il est vr ai que le Nicaragua a dénoncé ce traité en1980 pour

12
des raisons bien connues de la Cour. Mais le Nicaragua n’a jamais essayé d’imposer par la force

une décision unilatérale à la Colombie. Nomb reux sont les pays qui nourrissent des griefs

territoriaux historiques et je ne m’étendrai p as plus avant sur une question bien connue de

M.Kohen, si ce n’est pour dire que les revendications de ces pays, si elles sont formulées

pacifiquement, ne sont pas considérées comme des violations du droit international. La Colombie,

e
quant à elle, a décidé unilatéralement que le 82 méridien était une frontière maritime: elle

l’impose au Nicaragua depuis 1969 et, plus important encore, a continué de le faire après l’arrêt de

la Cour de2007. C’est une violation du droit international et c’est pourquoi le Nicaragua estime

que la Cour devrait en prendre acte.

8. Enfin, M.Kohen affirme que le Nicara gua n’a pas accepté l’arrêt de la Cour du

13décembre2007. J’ai évoqué cette question dans mon premier expos é et me contenterai

d’ajouter que le Nicaragua se considère lié par cet arrêt relatif aux exceptions de compétence

soulevées par la Colombie et qu’il a modifié ses conclusions en conséquence.

III. Questions de sécurité

9. Monsieur le président, plusieurs exposés du conseil de la Colombie au cours du premier

tour de plaidoiries, y compris celui de l’agent, se sont attardés sur les intérêts en matière de sécurité

de la Colombie dans la zone. M. Crawford a estimé que la revendicati on du Nicaragua revenait à

«jeter un très gros rocher dans une piscine tranquille, bien ordonnée et régie par les traités» 3.

10. Les problèmes de sécurité qui se posent dans les Caraïbes proviennent essentiellement de

la cocaïne produite en Colombie, puis transférée aux Etats-Unis via les Caraïbes. La piscine

tranquille et bien ordonnée dont parle M.Crawfo rd est donc un marais de crimes trouvant pour

l’essentiel leur origine en Colombie, avec d’importantes bases à San Andrés et à Providencia. Le

Nicaragua dépense beaucoup de ressources pour prév enir le trafic de drogue en provenance de

3
CR 2012/13, p. 53, par. 59 (Crawford). - 5 -

Colombie, qui affecte toute la zone des Caraïbes . Le Nicaragua est partie à toutes les grandes

conventions internationales destinées à combattr e la criminalité internationale organisée, la
13
toxicomanie, le financement du terrorisme, ainsi qu’à promouvoir l’entraide judiciaire en matière

4
pénale .

IV. Abandon de l’expédition scientifique nicaraguayenne dans la zone en litige

11. Monsieur le président, je ne répéterai pas mon exposé du lundi 23 avril sur la question de

l’expédition scientifique que le Nicaragua a tenté de mener dans la zone en litige, en particulier

dans celle de Quitasueño, afin de vérifier les levés réalisés par la ma rine colombienne en2008

et 2009, M. Smith ayant participé à cette deuxième mission. La Colombie affirme ne pas avoir été

informée de l’objet de l’expédition scientifique du Nicaragua. Pour commencer, cette expédition a

été annoncée publiquement et un descriptif détaillé de la zone dans laquelle le navire devait se

rendre a été communiqué à cette occasion. La Colombie peut-elle supposer que le Nicaragua était

tenu de la consulter avant d’envoyer ce navire ? Assurément pas. La Colombie a-t-elle consulté le

Nicaragua lorsqu’elle a chargé ses forces navales de procéder aux deux missions susmentionnées ?

Ou les a-t-elles annoncées publiquement ? Non.

12. Ensuite, la Colombie a immédiatement réagi à l’annonce de cette expédition scientifique.

Son ambassadeur au Nicaragua a appelé le ministère nicaraguayen de la pêche ainsi que le

ministère des affaires étrangères afin de protester contre la mission que le Nicaragua entendait

mener. L’ambassadeur de la Colombie, S. Exc. Mme Luz Jara Portilla, s’est ainsi entretenue avec

le conseiller juridique du ministère nicaraguayen des affaires étrangères le jour même où l’annonce

a été faite, afin de protester personnellement. Et il n’aura pas fallu longtemps pour que la

Colombie informe la Cour de sa position, par une note de protestation reçue le 23février2012,

5
note sur laquelle j’ai formulé plusieurs observations dans le cadre de mon premier exposé .

4Par exemple, convention des Nations Unies contre la criminalité transn ationale organisée; convention des
NationsUnies contre la corruption; c onvention internationale des NationsUnies pour la répression du financement du
terrorisme; convention interaméricaine contre la corruption ; convention interaméricainesur l’assistance juridique
mutuelle ; convention interaméricaine contre le terrorisme ; Cooperating Nation Information Exchange System (CNIES) ;
la convention unique des NationsUnies de1961, telle qu’amendée par le protocole de1975, la convention des
NationsUnies de1971 sur les substances psychotropes; et la convention des Nations Un ies de1988 sur les drogues;

l’accord concernant la coopération dans la répression duafic illicite par mer et par air entre les Gouvernements du
Nicaragua et des Etats-Unis d’Amérique.
5CR 2012/8, p. 199-20, par. 25-28 (Argüello Gómez). - 6 -

13. M.Crawford a indiqué, en ce qui con cerne l’expédition scientifique nicaraguayenne,

qu’il n’y avait pas eu l’ombre d’une contrainte. Il semble chercher à vous faire accroire que la

capture de navires nicaraguayens par les forces navales colombiennes est le fruit de l’imagination

du Nicaragua. Or, depuis le début de la présente affaire, la question du traitement réservé aux

bateaux nicaraguayens et de leur capture a été maintes fois soulignée, quelques exemples figurant

14 au paragraphe5 de la requête. Les incidents l es plus récents ont été repris dans le mémoire du

Nicaragua ainsi que dans sa réplique, dans les se ctions mentionnées en note de bas de page au

présent exposé 6.

V. Cartes nicaraguayennes et colombiennes

14. Monsieur le président, les cartes orig inales mentionnées par la Colombie n’ont, pour

autant que nous sachions, pas été déposées auprès du Greffe. Il est donc difficile de les commenter.

Certaines questions se posent toutefois à la vue des copies disponibles. La Colombie a

artificiellement enjolivé et colorié les cartes de son territoire que ses conseils ont présentées lors du

premier tour de plaidoiries ; cela vaut en particulier pour le 82 eméridien et les récifs en litige, ainsi

qu’il ressort de la copie de la carte de 1931 figur ant dans le dossier de plaidoiries de la Colombie,

sous l’onglet n o25.

15. Sur la copie de la carte nicaraguayenne de1967 présentée par la Colombie figure une

légende précisant qu’il s’agit d’une édition prélimin aire. Quand bien même il existerait une carte

portant pareille mention, il convient, en tout ét at de cause, de rappeler que ce n’est qu’en 1980 que

le Nicaragua a dénoncé le traité de1928. Jusq u’à cette date, il revendiquait simplement la

souveraineté sur les cayes actuellement en litige et non sur les îles de SanAndrés, Providencia et

Santa Catalina.

16. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève ma

présentation en tant qu’agent. Plusieurs exposés vont maintenant vous être présentés. Je

m’intéresserai dans un instant à la questi on de l’interprétation du second paragraphe de

l’articlepremier du traité de1928. M.Antonio Re miro me succédera et examinera plus avant les

questions de souveraineté sur les cayes. M.Alex OudeElferink s’intéressera, quant à lui, à la

6
MN, vol. I, p. 159-162, par. 2.215-2.222 ; RN, vol. I, p. 15-19, par. 34-43 et p. 226-227, par. 7.20. - 7 -

question des îles et des cayes, et de la formation immergée de Quitasueño. M.PaulReichler

répondra par la suite aux arguments présentés par la Colombie en vue de justifier le caractère

inéquitable de la délimitation qu’elle préconise. M. Robin Cleverly répliquera à la Colombie en ce

qui concerne les questions techniques et scien tifiques relatives au plateau continental.

M.VaughanLowe se chargera, pour sa part, de réagir sur le point de la délimitation du plateau

continental. Il répondra de ce fait à la question posée par M. le juge Bennouna aux deux Parties au

terme du premier tour de plaidoiries. M.Alai nPellet examinera ensuite la question de la

15 recevabilité des demandes du Nicaragua et résumera la position de celui-ci. Enfin, les conclusions

du Nicaragua seront lues par l’agent.

17. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour , dans son arrêt du

13décembre2007, la Cour a jugé que le traité de1928 était valide et en vigueur à la date de la

conclusion du pacte de Bogotá, en 1948, et qu’il av ait tranché la question de la souveraineté sur les

îles de SanAndrés, Providencia et SantaCatalina. Elle a toutefois estimé que ce traité ne réglait

pas la question de la souveraineté sur les autres formations maritimes en litige. La détermination

de la souveraineté sur les trois formations mar itimes exclues du traité de 1928 dépendra, dans une

large mesure, de l’interprétation qui sera faite du secondparagraphe de l’article premier de cet

instrument. Cette question est abordée dans notre réplique, aux paragraphes 1.79 à 1.96.

VI. Le texte du traité de 1928

18. Monsieur le président, la traduction du prem ier paragraphe de l’ar ticle premier du traité

n’est pas remise en cause en l’espèce. M. Kohen a t outefois soutenu que les traductions en anglais

et en français du second paragraphe, telles que fournies par le Secrétariat de la Société des Nations,

étaient erronées 7. Il a dès lors suggéré plusieurs traductions de ce bref passage, variantes tardives

de la traduction officielle établie par le Secrétariat il y a de nombreuses années.

19. Les nuances des différentes traductions s ont, pour l’essentiel, dépourvues d’intérêt et de

pertinence en l’espèce. Le traité ne dit pas que ces cayes ne seront pas considérées comme faisant

partie de l’archipel de San Andrés, mais qu’il «n e s’applique pas aux récifs Roncador, Quitasueño

et Serrana» ⎯selon la traduction de la Société des Nations ⎯ ou que «ne sont pas considérées

7
CR 2012/11, p. 46, par. 42 (Kohen). - 8 -

comme incluses dans le présent traité les cayes Roncador, Quitasueño et Serrana», selon la lecture

préconisée par M. Kohen. La question qui se pose est celle de savoir si ces formations maritimes

font ou non partie de la façade continentale, fort étendue, du Nicaragua ? Ou si elles font partie du

groupe insulaire, relativement mineur et insignifiant, de San Andrés ? Le paragraphe susmentionné

ne donne, lui-même, aucune. En revanche, la géographie, l’hi stoire et le bon sens tendent

clairement à indiquer que ces formations devaient êt re rattachées à la côte continentale dominante

et non à trois petites îles totalement détachées d’elles et situées à quelque 100 milles marins.

16 20. Bien plus que les nuances de traduction, c’est le sens et l’intention de ce paragraphe qui

doivent être examinés plus avant. Commençons par le texte lui-même. Signifie-t-il que le

Nicaragua reconnaît que ces cayes ne relèvent pas de sa souveraineté, mais de celle de la Colombie

ou des Etats-Unis ? Le traité ne peut être lu en ce sens pour les raisons ci-après :

i) Il ne reconnaît pas la souveraineté d’Etats tie rs sur ces cayes puisque cel a n’est pas dit. Il

ressort par contre clairement du premier pa ragraphe qu’il s’agit d’un traité portant

reconnaissance de souveraineté sur un territoire. Si l’intention avait été de reconnaître la

souveraineté de la Colombie ou des Etats-Unis sur les cayes, il aurait été facile de le dire.

ii) Le Nicaragua ne renonce pas à ses droits. Cela ne ressort pas même implicitement du

texte du traité.

VII. Historique des négociations du traité de 1928

21. Outre le texte lui-même, cela ressort clairement de l’historique des négociations du traité.

8
Ainsi que cela a été exposé, documents à l’appui, dans le mémoire du Nicaragua , les négociations

du traité de1928 se sont presque exclusivement déroulées entre les Etats-Unis (agissant pour le

Nicaragua) et la Colombie. Il ressort clairement de ces négociations que :

i) Les Etats-Unis n’estimaient pas que ces cayes faisaient partie de l’archipel de San Andrés.

er 9
Dans un mémorandum du 1 août 1927 , le secrétaire d’Etat adjoint, FrancisWhite, a

rendu compte d’une réunion tenue le jour même avec le ministre colombien chargé des

négociations relativement à SanAndrés et a ux trois formations maritimes. Or, il a

8
MN, vol. I, par. 2.149-2.156.
9 Papers Relating to the Foreign Relations of the United Sta1927, vol.I, US Government Printing Office,
Washington, 1942, p. 323-325. - 9 -

clairement indiqué au ministre colombien que les Etats-Unis ne considéraient pas que

Roncador, Serrana et Quitasueño faisaient partie de l’archipel de San Andrés.

ii) Les cayes étaient considérées comme ayant très peu d’importance. Dans un mémorandum

en date du 2août1927, FrancisWhite relate avoir dit au ministre colombien que «ces

cayes semblaient n’avoir qu’une très faible va leur intrinsèque [et qu’]elles [étaient] bien

un réel danger pour la navigation, en ce qu’e lles [étaient] situées sur la voie maritime

reliant le canal de Panama au détroit du Yucatan» [traduction du Greffe] . Le ministre

17
colombien a convenu qu’elles ne présentaient «en pratique aucun intérêt [et qu’elles

étaient] totalement immergées une partie de l’année» 10[traduction du Greffe].

22. Le fait que la Colombie elle-même ait considéré que ces cayes, inhabitées, étaient sans

importance ressort aussi clairement des communica tions internes de ses autorités. Lors des

négociations entre la Colombie et les Etats-Unis, le négociateur colombien, M.Olaya, a adressé

plusieurs notes au ministre colombien des affaires étrangères. Dans sa note n o826-17, du

18 août 1927, il a indiqué :

«Si nous acceptons de céder les cayes, îlots inhabités et inhabitables ne

présentant qu’un faible intérêt, voire aucun, pour nous, je vous prierais de bien vouloir
examiner les points suivants :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

d) D’après votre câble [celui du ministre des affaires étrangères] numéro26, dans
l’hypothèse où nous accepterions de céder nos droits sur les cayes, le

gouvernement souhaiterait, si une compensation devait lui être accordée, qu’elle ne
se fasse pas en numéraire, aucune somme d’importance ne pouvant être demandée,
les cayes n’ayant qu’une valeur dérisoire.» 11 [Traduction du Greffe.]

23. Un autre document adressé par le négociateur colombien au ministère colombien des

affaires étrangères le 10 décembre 1927 précise ce qui suit :

«Ainsi que le ministère l’a indiqué dans ses câbles à la présente légation, les
cayes de Roncador, Quitasueño et Serranilla ne présentent pour nous qu’un très faible

intérêt. Il s’agit de récifs for éloignés, inhabitables et stériles qui, immergés une partie

10
Papers Relating to the Foreign Relations of the United St1927, vol.I, US Government Printing Office,
Washington, 1942, p. 325-328.
11Moyano, C., El Archipiélago de San Andrés y Providencia, éd. Temis, Bogotá, p. 522-523. - 10 -

de l’année, ont même été assimilés par l’Angl eterre à 12 haute mer, et donc considérés
comme n’étant pas susceptibles d’appropriation.» [Traduction du Greffe.]

24. Dans le mémorandum susmentionné, le secr étaire d’Etat adjoint, FrancisWhite, a par

ailleurs expliqué pourquoi la Colombie ne s ouhaitait pas céder les cayes directement aux

Etats-Unis. Il a précisé que le ministre colombien avait déclaré :

«qu’il s’agissait pour la Colombie d’une qu estion d’amour propre, qu’elle ne pouvait

céder les îles aux Etats-Unis ou reconnaître leur juridiction sur celles-ci qu’au terme
d’un arbitrage et qu’il était convaincu que la Colombie acceptera it, comme arbitre,
toute personne que proposeraient les Etats-Unis» 13[traduction du Greffe].

25. Initialement, les Etats-Unis ont suggéré à la Colombie que le Nicaragua et elle-même

renoncent, dans le traité de1928, à toute préten tion sur ces trois récifs. Leur proposition se lisait

18 comme suit: «Il est entendu que le présent traité ne comprend pas les cayes de Roncador, de

Quitasueño et de Serranilla (sic), que les deux Parties conviennent de ne plus revendiquer à

compter de ce jour.» 14 [Traduction du Greffe.]

26. Permettez-moi de relever, en passant, qu’u ne chose au moins ressort clairement de cette

proposition : les Etats-Unis et la Colombie considéraient que le Nicaragua revendiquait ces cayes.

27. La Colombie a fait aux Etats-Unis une contre-proposition tendant à ce que le traité

reconnaisse la souveraineté du Nicaragua sur les tr ois cayes. La proposition colombienne se lisait

comme suit :

«La Colombie reconnaît la souveraineté absolue du Nicaragua sur la Mosquitia,
les îles Mangles et les cayes de Roncador, de Quitasueño et de Serranilla, à la
condition expresse que sur lesdites cayes, la Colombie puisse exercer le droit de pêche

à perpétuité. Le Nicaragua reconnaît la souveraineté absolue de la Colombie sur
toutes les autres îles de l’archipel de SanAndrés et Providencia.» [Traduction du
Greffe.] 15

28. La Colombie souhaitait ainsi faciliter le transfert de souveraineté sur les cayes aux

Etats-Unis. La note colombienne précisait ce qui suit : «Il est jugé préférable que le Nicaragua soit

celui qui reçoit et cède les cayes aux Etats-Unis, parce que de la sorte, nous pouvons éviter toute

12Ibid., p. 524.
13
Moyano, C., El Archipiélago de San Andrés y Providencia, éd. Temis, Bogotá, p. 325.
14
MN, vol. I, p. 129-130, par. 2.151, et MN, vol. II, annexe 75, et Moyano, op. cit., p. 124.
15MN, vol. I, p. 131, par. 2.155. - 11 -

difficulté constitutionnelle qui pourrait survenir et la cession serait moins discutée au Congrès et

dans la presse» [Traduction du Greffe].

29. Mais, pourquoi les Etats-Unis n’ont-ils pas accepté que la Colombie reconnaisse que les

cayes appartenaient au Nicaragua? Le problème était que si le Nicaragua était le souverain

incontesté des cayes, c’était alors à lui de les céder aux Etats-Unis. Or, le Nicaragua étant occupé

par les Etats-Unis, et placé sous leur autorité politique, économique et militaire, il aurait été par

trop gênant pour ces derniers d’apparaître comme prenant un territoire au Nicaragua.

30. Il ressort clairement des différents text es proposés dans le cadre des négociations que si

le Nicaragua avait eu l’intention de renoncer à sa pr étention, il l’aurait clairement fait. Il aurait pu,

pour paraphraser par exemple la proposition américaine citée au paragraphe 25 ci-dessus, dire : «Il

est entendu que le présent traité ne comprend pas les cayes de Roncador, Quitasueño et Serranilla

que le Nicaragua convient de ne plus revendiquer à compter de ce jour.» Or, le Nicaragua

n’indique à aucun moment renoncer à sa prétention sur ces cayes. Si le traité avait été ainsi libellé

⎯ou d’une manière similaire—, je ne serais vr aisemblablement pas là pour vous en parler

19 aujourd’hui. Pourquoi les choses n’ont-elles pas été indiquées aussi clairement dans ce paragraphe

que dans le premier paragraphe de l’article prem ier ? La réponse est que cela aurait eu pour effet

d’écarter la prétention du Nicaragua et de renforcer celle de la Colombie par rapport aux Etats-

Unis, qui voulaient ces cayes.

31. La seule conclusion que l’on peut tirer du texte et des négociations du traité, c’est que les

cayes ont simplement été exclues du champ d’app lication de cet instrument. Le traité ne

s’appliquait pas aux cayes.

32. Dès lors, comment déterminer la souveraineté sur ces formations maritimes? Le traité

lui-même en est la clef. Dans cet instrument, la Colombie reconnaît la souveraineté du Nicaragua

sur la côte des Mosquito, ou côte des Caraïbes, ainsi que sur la grande île du Maïs et la petite île du

Maïs; le Nicaragua reconnaît, quant à lui, la souveraineté de la Colomb ie sur l’archipel de

SanAndrés. La reconnaissance de la souvera ineté du Nicaragua sur cette importante côte

continentale, ainsi que sur toutes les formations y afférentes, valait rec onnaissance de l’ensemble

des titres fondés, au moment de l’indépendance, sur l’uti possidetis iuris . Tout titre que la

Colombie possédait en vertu de l’ uti possidetis iuris sur la côte continentale a été transféré au - 12 -

Nicaragua sans aucune restriction. Tout droit que la Colombie possédait sur la côte des Mosquito

en vertu de l’ordonnance royale de 1803, que le Nicaragua n’a jamais acceptée, — quelle que soit

la valeur de ces droits et des titres sur les côtes continentales — a ont été transféré au Nicaragua.

33. Le professeur Remiro s’intéressera à la question de savoir quelles zones étaient

considérées comme faisant partie du groupe d’îles fo rmant l’archipel de San Andrés à l’époque de

l’indépendance. A ce stade, je me contenterai de faire une remarque de simple bon sens : il serait

ridicule d’estimer qu’au moment de l’indépe ndance deux petites îles, à savoir SanAndrés et

Providencia (puisque SantaCatalina n’est qu’un petit appendice de Providencia), sur lesquelles

vivaient à l’époque quelque 700personnes 16, devraient prévaloir sur la côte continentale fort

étendue du Nicaragua aux fins de déterminer la souveraineté sur quelques cayes inhabitables et

inhabitées faisant face à ladite côte. Permett ez-moi de rappeler que sur cette côte se trouvait

l’embouchure du fleuve SanJuan, porte d’entrée ve rs le grand lac du Nicaragua et ses villes

commerçantes, tant à l’époque coloniale qu’au mo ment de l’indépendance. La façade côtière du

Nicaragua avait une grande valeur et était convoitée, après l’indépendance, par différents Etats,

dont la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et, bien sûr, la Colombie.

34. Pour conclure, Monsieur le président :

20 Il ressort clairement du texte du traité que cet instrument ne tranche pas les questions de

souveraineté sur les trois formations maritimes nommément exclues de son champ d’application.

Le traité n’est clairement pas libellé d’une manière pouvant être interprétée comme valant

renonciation par le Nicaragua à ses prétentions.

L’historique des négociations du traité confirme clairement ce qui précède.

Enfin, ces négociations mettent en lumière un autre point: ces cayes étaient inhabitables et

inhabitées et n’étaient pas placées sous l’autorité de la Colombie.

35. Monsieur le président, ainsi s’achève m on exposé. Je vous remercie, Monsieur le

président, Mesdames et Messieurs de la Cour. Pu is-je vous demander, Monsieur le président, de

bien vouloir appeler à la barre le professeur Remiro Brotóns ?

16
http://www.bdigital.unal.edu.co/1237/10/09CAPI08.pdf. - 13 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur. I give the floor to Professor Remiro Brotóns.

You have the floor, Sir.

Mr. REMIRO BROTÓNS:

N ICARAGUA ’S SOVEREIGNTY OVER THE “MARITIME FEATURES ” AT

ISSUE IN THE DISPUTE WITH C OLOMBIA

1. Mr.President, Members of the Court, having heard what the honourable members of the

Colombian delegation have had to say on the issu e of sovereignty over the disputed maritime

features, I must begin by restating the concepts, facts and conclusions set out in my oral

17
presentation of 23 April. In my view, all of these remain fully valid .

2. My submissions today will be limited to th e provision of clarification regarding certain

points asserted by Colombia’s counsel and advocates during the first round of oral argument.

Effectivités

3. Let us begin with the issue of effectivités. A dear colleague once wrote:

“Ultimately, the resolution of territorial disputes by judicial means essentially
oscillates between two situations: the existe nce of a legal title (on the basis of either
21 uti possidetis juris or a border treaty, whether colonial or otherwise) and effective
18
occupation of terra nullius.”

4. The present case is not one in which the effectivités of the two Parties are competing to see

19
which has the better claim to terra nullius . This is a case in which there is no terra nullius, so

that effectivités can serve to confirm a title, but not to create one, unless the original title was

20
indisputably relinquished by its holder .

5. As Judges Simma and Abraham wrote in their opinion in Pedra Branca:

“one idea unmistakably emerges from the jurisprudence: when there is an original
sovereign, no exercise of State authority, however continuous and effective, can result
in a transfer of sovereignty if it is not possible to establish that, in one way or another,

17
CR 2012/8, pp. 32-49 (Remiro Brotóns).
18L. I. Sánchez Rodríguez, “L’uti possidetis et les effectivités dans les contentieux territoriaux et frontaliers”,
Collected Courses of the Hague Academy of International Law, Vol. 263, 1997, p. 370.

19Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports,2002
p. 625.

20See Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore),
Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 51, para. 122. - 14 -

the original sovereign has consented to the cession of the territory concerned or

acquiesced in its transfer to the State having de facto exercised its authority. Without
such consent ⎯ or acquiescence ⎯ original title cannot be ceded, even when
confronted by a continuous and effective exercise of authority by a State other than the

holder.” (Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South
Ledge (Malaysia/Singapore), Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 120, para. 13.)

6. Nicaragua has clearly never sought to compete with Colombia on the issue of effectivités.

Nicaragua is the little fish in this case. But that does not take away from the fact that Colombia, the

big fish, has been unable to provide evidence of decisive effectivités in support of its case, given the

limited nature of the activities that it has advanced as evidence and given the period in which those

activities took place.

7. In any event, even if the situation were different and those effectivités were of a

convincing nature, they could not negate a sovereign title based on a treaty in force or the principle

of uti posseditis juris , unless Colombia were able to show that Nicaragua had renounced or

relinquished that title. Since that never happened, this legal contest must confine itself to issues of

title, and not concern itself with the effectivités claimed by the two Parties.

8. Consequently, there is no real need to say very much on the issue of effectivités.

Nevertheless, we shall make certain remarks for illustrative purposes. Contrary to the assertions of

22 Colombia’s experienced Agent, it is not true th at Colombia has exercised sovereignty over “each

and every one” of the cays in dispute in an “effective, peaceful and uninterrupted manner for two

centuries” 21. The “overwhelming” evidence re ferred to by Colombia’s counsel 22 ceases to be

overwhelming once you move from the archipelago to the cays, once you move from paper to

reality, and once you move away from the recent past and go back 200 years.

9. Even supposing that sovereignty was ind eed exercised, in the ni neteenth century and a

large part of the twentieth century it was only ev er exercised on paper. For more than a century

Colombia did not set foot on the disputed cays, so much so that it was United States nationals who

occupied them in order to extract guano. The f act that in 1871 the cays were recorded by the

Department of the Treasury as “appertaining to the United States” pursuant to the Guano Islands

Act of 1856 implies not only that they were uninhabited, but also that there were no signs whatever

of their having been occupied ⎯ not even indications.

21
CR 2012/11, p. 11, para. 6 (Londoño).
22
CR 2012/11, pp. 51-52, para. 6 (Bundy). - 15 -

23
10. It was not until 1890 that Colombia began to take an interest in the matter . Three years

24
later, in 1893, it lodged a claim in respect of Roncador ⎯ without, however, mentioning Serrana .

In this regard, Nicaragua’s response predated Colombia’s, as Nicaragua claimed sovereignty over

Serrana, as the successor to Spain, in 1868 in a No te dated 3 April sent by its Minister for Foreign

25
Affairs .

11. When, in 1890, the Prefect of the Province of Providencia, which had just been created,

was called upon to provide information regarding activities conducted on Roncador, he stated that

26
he was unable to elaborate on that issue owing to the “absolute lack of information” .

23 12. Colombia has presented a list of “legal provisions concerning th e archipelago of San

27
Andrés” . However, those provisions do not relate specifically to the disputed cays.

13. Colombia has highlighted the establishment of lighthouses and navigational aids, an

activity that is, in itself, not particularly conclusive when it comes to establishing sovereignty 28.

14. However, Colombia did not construct any lighthouses on Roncador, or on any of the

other maritime features at issue before this dispute arose.

15. It was the United States that, in 1919, supplied the lighthouses and navigational aids

placed on Roncador, Quitasueño and Serrana, follo wing President Wilson’s Proclamations of

5 February and 5 June establishing that those maritime features belonged to his country.

16. The Colombian Government discovered this when, by chance, news of it reached the

Governor of San Andrés ⎯ where, at that time, there was not a single vessel to guard the coast or

even to enable communication with the mainland 29. This means that the vessel provided for in

23
Note from Colombia’s chargé d’affaires dated 8 December 1890 (CMC, Ann. 26).
24
Note of 18 January 1893 (CMC, Ann. 27).
25
See J. M. Skaggs, The Great Guano Rush. Entrepreneu rs and American Overseas Expansion , St.Martin’s
Griffin, New York, 1994, p.127; Office of the Legal Adviser, Department of State, Sovereignty of Islands Claimed
under the Guano Act and of the North-west ern Hawaiian Islands, Midway and Wake , Washington DC, 1932,
pp.106-107; Notes from the Nicaraguan Legation in the Unite d States to the Department of State 1862-1906 (National
Archives Microfilm Publication, T-797, roll 1), Records of the Foreign Service Post s of the Department of State, Record
Group 84, National Archives Building, Washington DC.

26Note No.326 of 19September1890 from the Prefect of the Province of Providencia to the Secretary of
Government at Cartagena, CMC, Ann. 82.

27CMC, Vol. II-B, App, 4, pp. 35-62.
28
Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Pute h, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore),
Judgment, I.C.J. Reports 2008, pp. 52-65, paras. 126-162.
29
See Note No.1287 of 21September1919 from the Governor of San Andrés to the Minister of Government,
CMC, Ann. 102; and the Annual Report from the Intendente (May 1919-April 1920), CMC, Ann. 103. - 16 -

30
LawNo.52 of 1912, which Colombia’s counsel used as an example of Colombian effectivités ,

never reached its destination.

17. Later, in a Note dated 13September1919, the Colombian Minister in Washington

denounced the United States’ actions on account, am ong other things, of the “nearly defenseless

situation that we find ourselves in at those islands and those cays” 31.

32
18. Neither expeditions and operati ons conducted by the Colombian navy , nor maritime

33
search and rescue operations , constitute convincing effectivités. And in any case, the former were

aimed at preparing for the military occupation of the cays by Colombia once the United States had

abandoned them.

19. In 1937 the coastguard vessel Junín went there. An official, Ortega Ricaurte, indicated

in his report to the Minister for Foreign Affairs that use of the cays was controlled by a company

24
(“Whiteside & Ritch”) established by two men ⎯ one from the United States; the other from

Jamaica ⎯ acting without authorization from the Colomb ian authorities, who were not even aware

of such activities. Colombia has deleted certain passages from the English version of the report

34
that it has provided to the Court .

20. Colombia asserts that Nicaragua “never protested against Colombia’s exercise of

35
sovereignty and jurisdiction over the cays” , but fails to specify the precise acts of sovereignty to

which this relates. Indeed, at the time in ques tion, prior to the conclusion of the Saccio-Vázquez

Treaty, there were no such acts, and those that Colombia succeeded in car rying out subsequently

came after the dispute between the Parties had arisen. Once the dispute has crystallized, any

attempt by the opposing Party to improve its position is precluded.

21. In short, the facts to which Co lombia refers are evidence of claims ⎯ not effectivités ⎯

in respect of the disputed cays.

3CR 2012/11, p. 55, para. 21 (Bundy).
31
CMC, Ann. 101.
32
CR 2012/11, p. 60, paras. 37-38 (Bundy).
3CR 2012/11, p. 61, para. 40 (Bundy).

3CMC, para. 3.98, and Ann. 120.

3CMC, para. 4.45. - 17 -

The titles: from the Molina-Gual Treaty to the Bárcenas-Esguerra Treaty

22. Mr. President, Members of the Court, what do we find as regards titles? First, we have

the fact that in 1825 the Parties to the Molina-Gual Treaty agreed to determine the limits of their

sovereignty on the basis of the uti possidetis juris. This Treaty remains in force today, to the extent

that its provisions are not incompatible with those of subsequent treaties.

23. Second, from a chronological perspectiv e, we have the Bárcenas-Esguerra Treaty of

1928. The Court ruled in its Judgment of 13 D ecember 2007 that “the 1928 Treaty was valid and

in force on the date of the conclusion of the Pact of Bogotá in 1948” ( Territorial and Maritime

Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections , Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II),

p. 859, para. 81), which led it to uphold Colombia ’s objection to the Court’s jurisdiction, made on

the basis of ArticlesVI and XXXIV of the Pact of Bogotá, “in so far as it concerns sovereignty

over the islands of San Andrés, Providencia and Santa Catalina” ( Territorial and Maritime Dispute

25 (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections , Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p.875,

para. 142 (1)). Nicaragua has ⎯ both then and now ⎯ always complied with this ruling to the

letter.

24. The first relevant element ⎯ within the limits set by the Court in this case ⎯ is Article 1

of the 1928 Treaty, the two paragraphs of which pose problems of interpretation that have been

debated by the Parties. AmbassadorCarlos Argüello has already addressed this issue. I will

therefore limit myself to certain aspects concerning the question of whether the cays form part of

the archipelago and the role of the 82nd meridian in this regard.

The cays and the “San Andrés Archipelago”

25. The first Colombian document to refer to Roncador as forming part of the San Andrés

Archipelago is Note No. 326 of 19 September 1890 from the Prefect of the Province of Providencia
36
to the Secretary of Government at Cartagena . This is obviously an internal Note from one

Colombian official to another.

26. It would seem that the Note was composed with the intention of demonstrating ⎯ if

you’ll pardon the expression ⎯ the “Colombian-ness” of the islet of Roncador at a time when

36
CMC, para. 2.53, and Ann. 82. - 18 -

efforts were being made to convince the United Stat es Department of State of that fact. One might

suggest that Colombia was also seeking to coun ter the actions of Nicaragua, which had just

occupied the Corn Islands ⎯ an event to which the Prefect of the Province of Providencia

purposefully alludes in that document 37.

27. Not long after, in a report to Congress in 1896, JorgeHolguín, the Colombian Minister

for Foreign Affairs, referred to the disputed cays as part of one of the three groups of islands that

38
form the San Andrés Archipelago .

28. The Colombian delegation has emphasized Nicaragua’s silence in the face of these

events, taking it for granted that Nicaragua was aware of these developments and should have

reacted 39. If, however, as the Court held in Cameroon v. Nigeria, “there is no general legal

obligation for States to keep themselves informed of legislative and constitutional developments in

other States which are or may become important for the international relations of these States”

26 (Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial

Guinea intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 430, para. 266), there is even less reason for

a State to be obliged to be aware of everything taking place within other States.

The 82nd meridian

29. Turning to the meridian, Colombia’s Agent has said that Nicaragua’s interpretation of the

82ndmeridian as a territorial allocation line “def ies logic and crashes against the weight of

40
evidence, contradicting the good faith that should govern treaty relations” .

30. These very harsh words are surprising on two counts. First, because they were used by a

representative of a State that, in contravention of the law, has for decades used the 82nd meridian

as a maritime boundary, unilaterally granting itself ju risdiction to which it is not entitled; a State

that now, following the Judgment of the Court of 13 December 2007, is seeking to have its conduct

exonerated and to persist in that conduct in the name of the status quo.

37CMC, Ann. 82, original wording.
38
CMC, para. 2.59, and Ann. 89.
39
CR 2012/11, pp. 21-22, para. 15 (Crawford), and p. 34, paras. 12-14 (Kohen).
40CR 2012/11, p. 14, para. 22 (Londoño). - 19 -

41
31. Second, it is just as striking that Colombia’s counsel have an obsessive tendency to

describe as a “flagrant violation” of the 1928 Treaty anything that is not in line with their

interpretation of that instrument, calling on the Court to respond “in a firm and categorical manner”

in the name of the sacrosanct principle of pacta sunt servanda.

32. And yet, in its Judgment of 13 December 2007, the Court itself held:

“that it is clear on the face of the text of the first paragraph of Article 1 of the
1928Treaty that its terms do not provide the answer to the question as to which

maritime features apart from the islands of San Andrés, Providencia and Santa
Catalina form part of the San Andrés Archipelago” ( Territorial and Maritime Dispute
(Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II) ,

p. 863, para. 97).

33. Nicaragua is lacking neither in good faith nor in respect for the relevant rules. This case

concerns a disagreement between the Parties as regards the significance of the 82ndmeridian for

the purpose of determining which islands make up the archipelago. Colombia takes the view 42

27
that, the 82ndmeridian separates Colombian territo ry to the east from Nicaraguan territory to the

west, up to the point where it reaches third countries to the north and south.

34. In Nicaragua’s view, this approach is erroneous. The 82nd meridian does not determine

the limits of the San Andrés Archipelago; it is the San Andrés Archipelago, once it has been

defined, that determines the northerly and s outherly limits of the 82ndmeridian as a line

establishing sovereignty over the disputed cays (tab 1 in the judges’ folder). It should be noted that

at the same latitude as the Miskito Cays, and east of the 82ndmeridian, lies Serrana, which ⎯

although Colombia continues emphatically to deny it 43 ⎯ has been the subject of a concrete and

specific claim on the part of Nicaragua since the mid-nineteenth century. As Colombia’s counsel

points out 4, Nicaragua’s Minister for Foreign Affairs explained at that time that the 82nd meridian

indicated “the geographic limit between the archipelagos in dispute” ⎯ i.e., the Corn Islands on

one side and San Andrés on the other. The Miskito Cays were not, as Colombia appears to suggest,

in dispute. Nobody ever asserted that they were part of the San Andrés Archipelago or challenged

Nicaragua’s ownership of them.

4See ad ex. ibid., p. 38, para. 23, and p. 49, para. 53 (Kohen).
42
Ibid., p. 43, para. 35 (Kohen).
43
CR 2012/11, p. 34, para. 15, pp. 36-37, para. 20, p. 39, para. 26, p. 41, para. 30, and p. 46, para. 44 (Kohen).
4Ibid., p. 44, para. 39 (Kohen). - 20 -

35. In Colombia’s view, asserting, as Nicaragua does, that the cays are either part of the

coast or part of the archipelago is a non sequitur ⎯ a typical non sequitur , even 45. And why is

Nicaragua’s reasoning fallacious? Is it possible that, in a treaty that seeks ⎯ as Colombia

constantly points out ⎯ to put an end to territorial disputes, there is a third way? Or does putting

an end to territorial disputes mean that all of the disputed cays must belong to Colombia 46?

36. If the Court attributes sovereignty over the cays to Colombia, it cannot be solely on

account of their lying to the east of the 82nd meridian.

The uti possidetis juris

37. Mr.President, Members of the Court, what can be said now about the uti possidetis

juris? In order to apply this principle, Colombia has given a central role to the Royal Decree of

28
20-30 November 1803, which purportedly detached the Mosquito Coast and adjacent islands from

the Captaincy-General of Guatemala (to which the province of Nicaragua belonged), so as to

incorporate them into the Viceroyalty of Santa Fe (out of which Colombia was born) 47.

38. I will not bore the honourable Members of this Court with a tedious account of the

reasons why Nicaragua believes that the Royal D ecree in question was not the last decree of the

King of Spain to be implemented before the indepe ndence of Central America in 1821. I refer you

48
to the written pleadings .

39. Furthermore, I am bound to ask myself whether such comments as I am now about to

make regarding the scope of that Decree do not co me too late, since our opponents have repeatedly

invoked 49the Judgment of 8October2007 in the case concerning the Territorial and Maritime

Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea , in which the Court, in passing ,

seems to accept that, by virtue of the Royal Decree of 1803, control over the part of the Mosquito

Coast running south from Cape Gracias a Dios passed to the Viceroyalty of Santa Fe 50.

4Ibid., p. 37, para. 21 (Kohen).
46
Ibid., pp. 36-37, para. 20 (Kohen).
47
CMC, paras. 3.7-3.14; CR 2012/11, p. 31, para. 5 (Kohen).
4MN, paras. 1.45-1.79.

4CMC, paras. 3.10, 6.14-6.16; CR 2012/11, pp. 21-22, para. 15 (Crawford); p. 31, para. 5 (Kohen).

5Territorial and Maritime Dispute between Nica ragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 708-709, para. 161. - 21 -

40. Given that the said Royal Decree was not debated in that case and did not concern

relations between Nicaragua and Honduras, the Court’s obiter dictum is somewhat surprising, but

not, in my view, sufficient to prejudice the case pending before the Court today.

The Loubet Award and its consequences

41. Whatever may be said in the debate over the Spanish Law of the Indies, account must be

taken of the fact that the President of the French Republic, Mr.Loubet, as arbitrator of the

territorial dispute between Costa Rica and Colombia, dismissed Colombia’s claim over the

Mosquito Coast. And although he did attribute the islands of the “San Andrés Archipelago” to

Colombia— among which, moreover, there was no me ntion of the disputed cays to the north of

Providencia — this was simply because Costa Rica, which lies to the south of those islands, did not

lay claim to them.

29 42. The immediate reaction of the Nicaraguan Ambassador in Paris, in his ardour to save the

Corn Islands, which were already occupied by Nicaragua and which were found to belong to

Colombia by Mr.Loubet, was unnecessary 51. The Ambassador was so preoccupied by the Corn

Islands that he lost sight of the mangroves! Yet, as we are aware, the erroneous assertions of one

official, albeit a senior one, cannot deprive a State of a title it claims to hold over a territory52.

The recognition of Colombian sovereignty by third States

43. Mr.President, Members of the Court, the contentious nature of the cays to the north of

Providencia was well known to the powers whic h dominated the Caribbean Sea over the last

200 years.

44. Colombia lays great emphasis on the fact that its sovereignty over the cays in question

has been recognized by third States. There can be no doubt that recognition by third States,

including those which have signed maritime delimi tation treaties with Colombia, is not opposable

to Nicaragua.

5See F.Silvela, Limites entre la Colombie et le Costa Rica.Exposé présenté à S.E.M.le président de la
République française en qualité d’arbit, Madrid, 8December1898, p.72; R.Poincaré, Arbitrage de S.E.M.le
président de la République française, troisième mémoire de la Colombie, summary of conclusions, Paris, 1900, pp. 2-3.

5See Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore),
Judgment, I.C.J. Reports 2008, p.81, para.227; joint dissenting opiof Judges Simma and Abraham, pp.123-124,
para. 24. - 22 -

45. The treaties which Colombia invokes are important, but only in so far as they reveal the

limits of the claims of their parties, not because they limit the claims of third States 53.

46. Moreover, such recognition was not grante d by either the United States or the United

Kingdom, which dominated the Caribbean scene.

47. In the case of the United States, to whic h Colombia devoted almost 40pages of its

54
Counter-Memorial , the diplomatic correspondence shows how, for decades, the United States did

not recognize Colombia’s claim and eventually abandoned the cays in question without, however,

acknowledging that Colombia held a better title over them.

48. It is a similar story as far as the United Kingdom is concerned. One Foreign Office
30

directive specifically warned against being trappe d into recognizing a disputed sovereignty in the

55
Caribbean. The British diplomatic correspondence concerning Colombia merely takes note of

Colombia’s claims, without recognizing them.

The cays and the shelf

49. Mr.President, Members of the Court, in a report drawn up in June1948 for the

conference of the International Law Associat ion, held in Copenhagen in August1950,

JonkheerFeith observed: “If owing to a seaquake or an earthquake the continental shelf should

56
make its appearance above water, could it then be long to another country than the coastal state?”

Roncador, Serrana, Serranilla and Bajo Nuevo, which are the result of geological processes lost in

time, are examples avant la lettre of such occurrences. While international law does not recognize

a title over such cays, it can at least be hoped that th ey do not affect the rights of the coastal State

over its shelf.

50. On that somewhat melancholy note, Mr.President, Members of the Court, we shall

return to the more substantial issues of the case before you. My work, however, is done. I thank

53See Arbitration between Barbados and the Republic of Trinidad and Tobago , Award of 11April2006,
paras.344-349; see also Territorial and Maritime Dispute between Ni caragua and Honduras in the Caribbean Sea

(Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 726, para. 225.
54CMC, pp. 150-188.

55CMC, paras. 4.81-4.93.
56
P.R.Feith, “Rights to the Seabed and its Subsoil.The Importance of the Continental Shelf Theory for the
Exploitation of Submarine Regions”, cited by G.Gidel, Memorandum on the Regime of the High Seas , part3, p.96
(A/CN.4/32). - 23 -

you for your patience and I should be grateful, Mr.President, if you would give the floor to my

colleague AlexOudeElferink, who will contin ue the pleadings in defence of Nicaragua’s

legitimate interests, unless you think the time has come for a break.

Mr. PRESIDENT: Thank you, Professor. The time has not yet come. M. Oude Elferink va

maintenant présenter la plaidoirie suivante du Nicaragua. Je donne la parole à M. Oude Elferink.

31 M. OUDE ELFERINK :

L ES ÎLES , CAYES ET BANCS SITUÉS DANS LA ZONE MARITIME PERTINENTE

1. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs

de la Cour, je vais m’intéresse r une nouvelle fois aux îles et cay es situées dans la zone maritime

pertinente et au banc submergé de Quitasueño.

Les îles et cayes situées dans la zone maritime pertinente

2. Monsieur le président, je ne dirai que quelques mots sur les îles frangeantes du Nicaragua,

SanAndrés et Providencia et les autres îles que la Colombie revendique au milieu de la zone à

délimiter. N’ayant entendu de la part du conse il colombien rien qui vienne réfuter nos arguments

57
sur la jurisprudence relative aux îles frangeantes , je ne m’arrêterai pas sur ce point.

3. Lundi dernier, j’ai également montré que la jurisprudence de la Cour ne justifiait pas de se

fonder sur un chevauchement entr e zones contiguës pour déterminer si des îles se trouvaient au

58
voisinage l’une de l’autre . Le conseil de la Colombie s’est néanmoins obstiné à faire valoir

l’importance d’un tel chevauchement pour dé montrer la prétendue proximité de cayes 5. Or, la

Colombie n’a pas toujours défendu cette position. Ai nsi, après un levé de la zone réalisé en 1937,

un représentant du ministère colombien des affaires étrangères fit rapport au ministre sur les «cayes

de Serrana et de Roncador, qui ne font même p as une trentaine d’hectares en tout et qui sont

abandonnées au beau milieu de l’océan» 60.

57
Voir CR 2012/9, p. 38, par. 5 (Oude Elferink).
58
CR 2012/8, p. 31, par. 17 (Oude Elferink).
59CR 2012/12, p. 18, par. 42-43 (Bundy).

60Traduction anglaise du texte original dans CMC, vol. II-A, annexe 120, p. 19, et dans le dossier de plaidoiries,
onglet 2. - 24 -

4. M.Bundy a consacré beaucoup de temps à tenter de réfuter notre argument selon lequel

les cayes revendiquées par la Colombie constituai ent des rochers au sens du paragraphe3 de

l’article 121 de la convention de 1982 61. Il a notamment argué que «[l]e terme «rocher» figurant au

paragraphe3 de l’article121 dev[ai t]…être interprété selon son sens ordinaire, à savoir celui de

«rocher». Or, ce que vous voyez à l’écran [les cayes], ce ne sont pas des rochers.» 62 Iln’apas

précisé ce qu’il entendait par là, mais sans doute faisait-il allusion au fait que les cayes ne

32 constituent pas des rochers au sens géologique du terme, puisqu’elles sont faites de sable et autres

matières. Mais M.Bundy s’est un peu trop attaché au sens ordinaire du terme et pas assez au

contexte. Selon son point de vue, quelques centi mètres carrés de sable émergés en permanence

auraient droit à un plateau continental et à une zone économique exclusive, tandis que des rochers

géologiques bien plus importants pourraient ne pas y avoir droit. Une publication du Secrétariat de

l’Organisation des NationsUnies prouve que M.B undy a effectivement tort. Cette étude indique

que le mot «rocher» n’est pas défini dans la convention de 1982 puis renvoie à la définition des îles

et des hauts-fonds découvrants 63. En d’autres termes, elle indique que le mot «rocher» figurant au

paragraphe3 de l’article121 dési gne une élévation naturelle de terrain, et couvre donc aussi les

cayes.

5. M.Bundy a également invoqué la présence de personnes sur les cayes, ainsi que les

effectivités. J’examinerai les effectivités quand je m’intéresserai à Quitasueño, sans aborder la

question de leur pertinence aux fins de l’a ttribution du titre sur les cayes, une question que

M.RemiroBrotóns a déjà traitée. Comme je le montrerai, les concessions que la Colombie a

accordées sur Quitasueño portent à penser que celle-ci ignorait tout de la nature de ce banc. En

effet, elle les a accordées aux fins de l’exploitation du guano et de la noix de coco alors qu’il n’y

avait pas une once de terre ferme sur Quitasueño. Face à une telle pratique, il est également

difficile de voir dans les baux accordés sur les cay es autre chose que de simples bouts de papier.

61
CR 2012/12, p. 17, par. 37-40 (Bundy).
62CR 2012/12, p. 17, par. 37 (Bundy).

63Le droit de la mer; lignes de base: examen des dispos itions relatives aux lignes de base dans la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer , Bureau des affaires maritimes et du droi t de la mer, Nations Unies, New York,
1989, p. 69. - 25 -

En ce sens, ces concessions ne prouvent pas que les cayes se prêtaient à une vie économique

propre.

6. En ce qui concerne l’habitation humaine, la seconde branche de l’alternative prévue au

paragraphe3 de l’article121, M.Bundy a plaidé que, en vertu de deux accords conclus par la

Colombie avec la Jamaïque, «pas moins de 36 pêch eurs jamaïcains furent autorisés à séjourner sur

Serranilla et 24, sur BajoNuevo. Difficile d’imaginer une population si nombreuse sur des

64
«rochers».» Furent autorisés à séjourner, a-t-il dit. Il n’a pas dit, «séjournèrent». Et parmi les

nombreuses photographies des cayes que la Colombie vous a présentées, pas une seule ne montrait

des installations de pêcheurs sur Serranilla et Bajo Nuevo. Du reste, comme je l’ai expliqué mardi

dernier, la présence de personnes sur une formation ne suffit pas à démontrer que celle-ci se prête à

65
l’habitation humaine . Donc, nous en sommes toujours au même point que mardi dernier: les

33 éléments de preuve que la Colombie a produits indiquent que les cayes ne se prêtent pas à

l’habitation humaine ni à une vie économique propre.

Quitasueño — Les levés antérieurs à l’introduction par le Nicaragua
de la présente instance

7. Monsieur le président, jusqu’à jeudi dernier, la Colombie n’avait pas dit un seul mot au

sujet de plusieurs levés réalisés sur Quitasue ño pendant la période allant des années1830 à

l’introduction par le Nicaragua de la présente instance. Il s’agit notamment de levés effectués par

le Royaume-Uni dans les années1830, par la Colo mbie en1937 et par la marine colombienne

jusqu’à la fin des années 1990 aux fins d’établir des cartes marines. Comme le Nicaragua l’a fait

observer à plusieurs reprises, tous ces levés révèlent l’absence d’îles ou de hauts-fonds découvrants

66
sur le banc de Quitasueño . M.Crawford a tenté de discréditer le levé britannique des

années 1830. A l’en croire, aucune raison ne pouva it conduire à l’époque «les arpenteurs marins à

67
examiner de près un endroit aussi dangereux que Quitasueño» . Cette affirmation est absurde. De

tels levés visent justement à cartographier les da ngers pour la navigation. Il était donc d’autant

64CR 2012/11, p. 59, par. 34 (Bundy).
65
CR 2012/9, p. 41, par. 12 (Oude Elferink).
66
Voir RN, vol. I, par. 4.27-4.33 ; CR 2012/9, p. 48, par. 27 (Oude Elferink).
67CR 2012/12, p. 36, par. 30 (Crawford). - 26 -

plus nécessaire d’en établir un pour Quitasueño. J’invite respectueusement la Cour à lire le passage

concerné du rapport du capitaine Owen de la marine royale, qui figure à l’annexe 12 de la réplique.

Ce rapport indique que le banc a fait l’objet d’un levé minutieux. L’Amirauté britannique reprit les

68
informations obtenues au moyen de ce levé dans l’édition de 1861 de son West India Pilot .

8. M.Bundy s’est penché sur le rapport colombien établi en1937 à la suite d’un levé. Il

69
n’en a pas dit grand-chose, si ce n’est que le phare de Quitasueño avait été visité . Il n’est pas

revenu sur les extraits du rapport que j’avais cités, selon lesquels le banc tout entier était submergé

en permanence. Le représentant du ministère colombien des affaires étrangères qui fit rapport au

ministre, lui, fut plus loquace au sujet des implications de ce levé pour Quitasueño — je cite :

«De la description ainsi faite des quatr e grands bancs de Quitasueño, Serrana,

Roncador et Serranilla, il s’ensuit que les seules formations découvertes —les deux
petits îlots que sont les cayes de Serrana et de Roncador, qui ne font même pas une
34 trentaine d’hectares en tout et qui sont abandonnées au beau milieu de l’océan — sont

les seules qui puissent être prises en considération aux fins de la question de la
souveraineté.» 70

Nous attachons une importance particulière à cette déclaration, ainsi qu’aux autres documents de la

Colombie indiquant que, jusqu’en 2008, il n’existait aucune île sur le banc de Quitasueño, la Cour

ayant maintes fois fait état de l’importance à accorder à des éléments émanant d’une partie qui vont

71
à l’encontre de ses propres intérêts .

Les prétendues effectivités de la Colombie à l’égard de Quitasueño

9. Nonobstant tous les levés révélant qu’il n’ existe aucune île sur Quitasueño, la Colombie

s’obstine à prétendre le contraire. M.l’ambassadeurLondoño a ainsi parlé d’une caye sur

Quitasueño 72. M.Bundy, lorsqu’il a exposé les effec tivités dont la Colombie se réclame sur les

cayes qu’elle revendique, est même allé plus loin. Il vous a déclaré sans ciller que la Colombie

68
RN, annexe 13.
69CR 2012/11, p. 60, par. 37 (Bundy).

70Traduction anglaise du texte original dans CMC, vol. II-A, annexe 120, p. 19, et dans le dossier de plaidoiries,
onglet 2.

71Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p.41 et 42, par.64 et 69Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201, par. 61.

72CR 2012/11, p. 11, par. 5 (Londoño). - 27 -

73
avait accordé des concessions aux fins de la collecte de guano et de noix de coco sur Quitasueño .

Il n’est pas entré dans le détail, et pour cause : le banc est sous l’eau. Ce que cette pratique nous

révèle, c’est que le Gouvernement colombien accordait des concessions pour la collecte de

ressources inexistantes. Ce faisant, il n’avait absolument aucune idée de la véritable nature de

Quitasueño.

10. M.Crawford a également affirmé que la pratique suivie par les Etats-Unis dans le

domaine de la pêche confirmait la souveraineté de la Colombie sur les îles de Quitasueño. A cet

74
égard, il a invoqué un échange de notes de 1983 entre les deux Etats . Le Nicaragua a examiné cet

échange de notes dans sa réplique 75, où il concluait que la prati que ainsi établie révélait une

absence de ligne de base, c’est-à-dire une absence, sur le banc submergé de Quitasueño, d’îles à

partir desquelles mesurer la mer territoriale. Vo ici à l’écran la zone à laquelle s’appliquait cet

accord de pêche. Cette carte figure également s ous l’onglet3 du dossier de plaidoiries. Pour

Roncador et Serrana, la limite se trouve à 12mille s marins des lignes de base. Dans le cas de
35
Quitasueño, la zone forme un rectangle 76. Si elle fut définie de cette façon, c’est parce que les

Etats-Unis considéraient que Quitasueño, une formation systématiquement submergée à marée

77
haute, ne se prêtait pas à l’exercice d’une souveraineté . Il est intéressant de noter que, à l’époque

de l’échange de notes de 1983, M. Smith, l’expert de la Colombie sur Quitasueño, travaillait pour

le département d’Etat des Etats-Unis où il était «chargé des éléments techniques et géographiques

des négociations des frontières maritimes bilatérales des Etats-Unis et de leurs revendications en

matière de juridiction maritime» 78.

73CR 2012/11, p. 56, par. 26 (Bundy).

74CR 2012/12, p. 33-34, par. 22 (Crawford).
75
RN, p. 121-122, par. 4.38-4.39.
76
Accord relatif à certains droits de pêche conclu entre la Colombie et les Etats-Unis en aoplication du traité du
8septembre 1972 concernant le statut de Quita Su eño, Roncador et Serrana : note diplomatiquen 711 en date du
24 octobre 1983 adressée au ministère colombien des affaires ét rangères par l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique ; et
note diplomatique n DM01763 en date du 6décembre1983 adressée à l’ ambassade des Etats-Unis d’Amérique par le
ministère colombien des affaires étrangères (CMC, vol. II-A, p. 45-49, annexe 8).

77Voir note en date du 8septembre1972 adressée au mini stère des affaires étrangères de la Colombie par
l’ambassade des Etats-Unis (CMC, annexe 3, p. 14).
78
DC, vol. II, appendice I, annexe 1, p. 41. - 28 -

Quitasueño ⎯ Les rapports de 2008 et de M. Smith

11. J’en viens à présent aux rapports de 2008 et de M. Smith consacrés à Quitasueño 79.

Jeudi dernier, M.Crawford nous a pris à partie, alléguant que, jusqu’à la semaine dernière, «le

80
Nicaragua n’avait pas présenté d’arguments juridiques ou factuels» . Permettez-moi de dire que je

ne suis pas d’accord. Dans la réplique, nous avons consacré toute une section entière au statut de

81
Quitasueño et au rapport de2008, qu i figure dans le contre-mémoire , concluant que la tentative

82
tardive de la Colombie de transformer en «île» le banc immergé de Quitasueño n’était pas fondée .

La Colombie a choisi de persister et, lors du second tour de la procédure écrite, a introduit le

rapport Smith, lequel soulevait davantage de questions nécessitant une réponse. Evidemment, nous

n’avions pas la possibilité de le faire avant la semaine dernière. Étant donné l’indignation

injustifiée de M.Crawford, ce qu’il a dit jeudi au sujet des cartes marines est d’autant plus

83
frappant: presque rien, alors que j’ avais longuement examiné la question . M.Crawford a

conclu: «[j]e reviendrai plus longuement su r la question des cartes marines la semaine

36 prochaine» 84, autrement dit, après le second tour de plaidoiries du Nicaragua. Etant donné la

capacité de nos confrères colombiens de déform er les faits, permettez-moi de revenir sur deux

points concernant les cartes marines. Premièreme nt, j’ai expliqué, mardi dernier, la différence

entre le symbole utilisé pour indiquer les brisants sur les cartes marines et celui utilisé pour les

85
récifs découvrants . Si je l’ai fait, c’est parce que M.Smith a créé l’impression que le symbole

86
des brisants était utilisé pour indiquer la présence de récifs découvrants . Si tel était le cas, toutes

les cartes colombiennes sur lesquelles sont représentés, entre autres, Quitasueño et BajoNuevo

indiqueraient l’existence de vastes récifs découvrants. Comme je l’ai dit, le symbole des brisants

n’est pas utilisé pour représenter des récifs découvrants, et les brisants ne font pas partie de la laisse

79Etude sur Quitasueño et Alburquerque réalisée par la marine colombienne en septembre 2008 (CMC, vol. II-A,
annexe171); Rapport d’expertise de M.RobertSmith, «Cartographie des îles de Quitasueño (Colombie) ─ leurs lignes
de base, mer territoriale et zone contiguë, février 2010 (ci-après Rapport Smith), DC, vol. II, appendice. 1.

80CR 2012/11, p. 25, par. 24 (Crawford).
81
RN, chap. IV, sect. IV, p. 115-123, par 4.25-4.43.
82
RN, p. 123, par. 4.43.
83CR 2012/9, p. 53-55, par. 38-42 (Oude Elferink).

84CR 2012/12, p. 42, par. 52 (Bundy).

85CR 2012/9, p. 55, par. 42 (Oude Elferink).
86
Voir CR 2012/9, p. 55, par. 42 (Oude Elferink). - 29 -

87 o
de basse mer . Nous projetons à présent à l’ écran un extrait de la carten 666 de l’amirauté

88
britannique . Y est indiqué le rebord d’un récif, autrement dit, la laisse de basse mer, et la

présence de brisants, qui sont clairement au large de celle-ci dans une zone identifiée comme étant

immergée en permanence. Sont d’ailleurs également indiquées des profondeurs dans la zone des

brisants. Mardi dernier, j’ai aussi examiné l’appendice 2.10 de la duplique et l’emploi incorrect qui

y est fait du symbole des récifs découvrants dans la zone des brisants, alors que ceux-ci sont

89
correctement représentés sur les cartes colombiennes . A l’écran apparaît de nouveau cette image,

90
accompagnée d’un extrait de la carte COL046 de la Colombie . Comme on peut le voir, le

symbole des brisants, qui identifie des formations immergées en permanence, apparaît sur la carte.

91
12. Vendredi, M.Crawford a insisté sur le fait que M.Smith était un expert indépendant .

Les deux éléments de cette affirmation posent prob lème. S’agissant de la prétendue indépendance

de M. Smith, celui-ci a été engagé par la Colombie pour préparer son rapport. Il est indiqué dans le

rapport que celui-ci a été élaboré en étroite collabor ation avec la marine colombienne. Un certain

nombre d’appendices au rapport, sur lesquels M. Smith s’appuie, ont été préparés par le bureau des

services hydrographiques de la Colombie 92. Et que dire des compétences techniques de M. Smith ?

93
M.Crawford l’a présenté comme un expert géographique et technique . C’est certainement un
37
éminent spécialiste de la géographie politique. Cela le rend-il pour autant apte à traiter de

questions d’hydrographie comme le niveau de ré férence des cartes? Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs de la Cour, vous devez à présent bien connaître certains termes et certaines

notions techniques rattachés au système de référence verticale permettant de déterminer les laisses

de haute et de basse mer le long des côtes à des fi ns d’établissement de car tes marines. L’une de

ces notions, qui est essentielle en hydrographie, est celle de «basse mer de vive eau». Pour la

plupart des ses cartes marines de la zone, la Co lombie elle-même utilise la basse mer moyenne de

87CR 2012/9, p. 55, par. 42 (Oude Elferink).
88
Dossiers des juges, onglet 4.
89
CR 2012/9, p. 43-44, par. 17 (Oude Elferink).
90Dossiers des juges, onglet 5.

9CR 2012/12, p. 30-31, par. 12 (Crawford).

9Voir par exemple les appendices 4, 6 et 8.
93
CR 2012/12, p. 30-31, par. 12 (Crawford). - 30 -

vive eau comme référence pour sa laisse de basse mer. Sur les 13cartes colombiennes que nous

avons examinées, huit ont pour référence la basse mer moyenne de vive eau, quatre, la basse mer

moyenne, et une, la hauteur moyenne des basses me rs inférieures. Toutes les cartes de Quitasueño

ont la basse mer moyenne de vive eau comme niveau de référence. M. Smith avait été interrogé sur

le sens de «basse mer de vive eau» en2006, lorsqu ’il a comparu en qualité de témoin expert du

Guyana dans la procédure d’arbitrage engagée contre le Surinam en application de l’annexe VII de

la convention de1982. Lors de son contre-interrogatoire par l’un des conseils du Surinam,

94
l’échange suivant a eu lieu : question : «[a]vez-vous entendu parler de la notion de «basse mer de

vive eau?» Réponse: «[p]eut-être, mais je ne pense pas être en mesure d’en donner une

95
définition». Question: «[v]ous ne savez donc pas ce que c’est?» Réponse «[n]on» . Voilà

jusqu’où va la compétence de M. Smith en hydrographie.

13. Monsieur le président, un autre point mérite d’être soulevé au sujet de l’assistance que

M.Smith a reçue du service hydrographique colombien. M.Crawford a affirmé que les

recommandations des hydrographes de ce service ne devaient pas être mises en cause par la Cour 96.

Permettez-moi de dire que la Cour ne devrait pas suivre ce conseil. Selon nous, ces

recommandations s’apparentent en effet à des décl arations sous serment. Or, comme vous l’avez

précisé en l’affaire Nicaragua c. Honduras, il doit être tenu compte d’un certain nombre de critères

pour évaluer la valeur des déclarations sous serment. La Cour a ainsi indiqué ce qui suit :

«En examinant ces déclarations, la Cour doit tenir compte d’un certain nombre
de facteurs. Elle doit examiner notamment si les déclarations émanent d’agents de

l’Etat ou de particuliers qui n’ont pas d’intérê ts dans l’issue de la procédure, et si telle
ou telle déclaration atteste l’existence de faits ou expose seulement une opinion sur
certains événements. La Cour note que, dans certains cas, les témoignages qui datent
de la période concernée peuvent avoir une va leur particulière. Des déclarations sous

serment faites pour les besoins de la cause par un agent de l’Etat concernant des faits
38 passés auront moins de poids que des déclarations sous serment contemporaines des
faits.» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la

mer des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras), arrêt, C.I.J.Recueil2007(II) , p.731,
par. 244.)

94
Onglet 6 du dossier des juges.
95In the Matter of Arbitration betw een the Republic of Guyana and tRepublic of Suriname; compte rendu

d’audience, vol. 4, 11 décembre 2006, p. 505, lig5e9 (disponible à l’adresse sui:te
http://www.pca-cpa.org/upload/files/1211%20Day%204.pdf).
96CR 2012/12, p. 41, par. 46 (Crawford). - 31 -

Si ces critères sont appliquées aux déclarations du service hydrographique colombien, il est clair

que la Cour devrait traiter ces déclarations avec circonspection.

14. Permettez-moi de revenir sur le rapport de M. Smith lui-même. M. Crawford ne semble

97
pas avoir apprécié que je critique l’ inexactitude des mesures recueillies . Vous voyez de nouveau

projetée à l’écran la figureQS4, qui figure sous l’onglet7 du dossier des juges, et je citerai

M. Crawford : «l’instrument utilisé pour le levé permet de mesurer au centimètre près. L’apparente

précision au millimètre est fonction de la méthode de calcul.» 98 Cela appelle un certain nombre de

commentaires. Premièrement, l’instrument utilisé est peut-être précis au centimètre près, mais cela

signifie-t-il que la mesure recueillie l’est égalemen t? La photo ne permet pas d’en être sûr.

Toutefois, la prétendue précision peut être ⎯ et je cite M. Crawford ⎯ «fonction de la méthode de

99
calcul». Comme il l’a précisé, cette méthode comprend une analyse statistique . Permettez-moi

de vous donner un autre exemple de la manière dont les statistiques peuvent porter à confusion.

Nous projetons à présent la photo QS 18, qui figure sous l’onglet 8 du dossier. Il s’agit de l’un des

points de base de la ligne d’équidistance préconisée par la Colombie, que M. Crawford a examinée

vendredi après-midi 10. Il ne vous a pas montré cette photo. La légende qui l’accompagne indique

qu’elle a été prise à une hauteur d’environ 30mètres de la formation, en raison d’une mer agitée.

Fort heureusement, une analyse statistique a permis à M. Smith de fournir la hauteur exacte. Je ne

résiste pas ici à la tentation de me référer à une citation quelque peu éculée mais néanmoins fort

pertinente en l’espèce : «il y a trois sortes de mensonges, les petits mensonges, les gros mensonges,

et les statistiques». Le problème essentiel que po se l’analyse statistique de la Colombie est que,

pour qu’une telle analyse soit fiable, les données br utes sur lesquelles elle repose doivent l’être

également. En l’espèce, on ne peut pas dire que ce soit le cas.

101
15. M. Crawford n’a pas aimé notre critique du modèle FES 95.2 utilisé par M. Smith . Il

donnait l’impression de savoir l’alpha et l’oméga de la science. Mais est-ce bien le cas ? Je vais

vous décevoir. M.Crawford, délibérément ou no n, a confondu deux notions de base. Je vous

97CR 2012/12, p. 32-33, par 19-21 et p. 37-38, par. 34 (Crawford).
98
CR 2012/12, p. 37-38, par. 34 (Crawford).
99
Ibid.
100Voir CR 2012/13, p. 16, par. 26 (Crawford).

101CR 2012/12, p. 41-42, par. 45-51 (Crawford). - 32 -

39 invite à lire attentivement sa déclaration. Vous noterez qu’il met sur le même plan un modèle de

marée et le niveau de référence des cartes utilisé pour les cartes marines. Il s’agit pourtant de

notions différentes.

16. Le niveau de référence des cartes est un niveau de référence que l’Etat riverain choisit

d’appliquer à ses cartes ⎯ par exemple, marée astronomique la plus basse ou basse mer moyenne

de vive eau. Toutes les profondeurs sur la carte sont calculées par référence à ce niveau : si la carte

indique une profondeur de cinqmètres, cela signi fie qu’au moment de la marée astronomique la

plus basse, il y a cinq mètres d’eau ⎯ dans le cas où cette marée sert de référence ⎯ et, aux fins de

la navigation, il y aura toujours plus d’eau qu’indiqué sur la carte.

17. En revanche, il faut un modèle de ma rée pour normaliser les mesures bathymétriques

prises à différents stades de la marée. Au cours d’une étude, la profondeur de l’eau est mesurée

pendant toute la journée. Le modèle de marée donne ra une estimation de la hauteur de la marée au

moment de chaque observation et cette valeur sera soustraite de la mesure observée pour donner la

valeur du niveau de référence.

18. M.Crawford se réfère à deux articles qui ont fait l’objet d’un examen critique par des

102
pairs pour réfuter notre critique du modèle de marée de Grenoble FES 95.2 utilisé par M. Smith .

Contrairement à ce qu’il donne à entendre, nous ne critiquions pas le niveau de référence utilisé par

cet expert. M.Crawford n’a pas compris que ces articles confirment notre critique principale du

modèleFES95.2 élaboré à Grenoble, à savoir qu’il n’est guère fiable en eaux peu profondes.

Comme nous l’avons relevé, la NASA a fait observer que cette déficience le rendait inadapté aux

103
fins de la navigation ou d’autres applications pratiques .

19. M. Crawford a également tort en ce qui concerne le droit applicable en la matière. Selon

lui, le droit international n’habilite pas le Nicaragua à contraindre la Colombie à adopter un modèle

de marée ou un niveau de référence particulier. Pour utiliser une expression chère à mon bon ami

AlainPellet, c’est mettre la charrue avant les bŒufs. La Colombie part du principe qu’elle est

l’Etat riverain, ce qu’elle n’est pas. Dans les années 1960, il est apparu clairement que la Colombie

et le Nicaragua avaient des revendications concu rrentes sur les zones maritimes dans lesquelles se

102
CR 2012/12, p. 41-42, par. 49 (Crawford).
103Voir CR 2012/9, p. 51, par. 33 (Oude Elferink). - 33 -

trouve le banc de Quitasueño. La Colombie ne peut imposer son modèle de marée ou son niveau

de référence au Nicaragua. Même si elle était l’Etat riverain, quod non, M.Crawford aurait

40
toujours tort. Comme vous l’avez fait observer à maintes reprises: «La délimitation des espaces

maritimes a toujours un aspect international ; elle ne saurait dépendre de la seule volonté de l’Etat

riverain tel qu’elle s’exprime dans son droit interne.» (Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt,

104
C.I.J. Recueil 1951, p. 132.) Un autre Etat n’est pas obligé d’accepter un modèle de marée ou un

niveau de référence inappropriés qui permettraient de considérer comme des îles des formations qui

n’en sont pas.

20. M.Crawford n’a pas aimé non plus m on analyse de l’article121 de la convention

de 1982. Il a donné l’impression que nous n’étio ns pas d’accord avec un grand nombre de points

105
qui y sont énoncés , alors que le désaccord porte seulement sur la question de savoir si les débris

coralliens trouvés à Quitasueño cons tituent «une étendue naturelle de terre», ou ce qu’il a appelé

106
«pauvre corail blanc» . Je dois avouer que je n’ai pas encore compris ce qu’il entendait par là.

Mais qu’avait-il à dire sur la question quant au f ond ? J’ai fait valoir que des morceaux de débris

coralliens ne pouvaient pas être considérés comm e une étendue naturelle de terre et, qu’en

conséquence, ces débris n’étaient ni une île, ni un haut-fond découvrant au sens des définitions

données dans les articles 121 et 13 de la convention de 1982 107. M. Crawford a laissé entendre que

mon propos était totalement différent, et que, pour moi, les Etats insulaires formés d’îles

coralliennes, comme les Maldives, n’avaient pas de zone maritime 108. Il existe évidemment une

énorme différence entre une île corallienne et un morceau de débris corallien. Vous voyez

deux photographies à l’écran. Pendant le week-end, j’ai demandé à quelques personnes de me dire

laquelle de ces photographies représentait à leur sens une île corallienne et, à l’unanimité, c’est la

109
photographie de gauche qui a été choisie . Permettez-moi d’ajouter que l’exposé que j’ai fait

104
Voir aussi Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 22, par. 49 ; Compétence en matière de pêcheries (République fédérale d’Allemagne c.Islande), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p.191, par.41. Voir aussi Plateau continental (Tunisie/Jam ahiriya arabe libyenne), arrêt,
C.I.J. Recueil 1982, p. 66-67, par. 87.

105CR 2012/12, p. 27-30, par. 3-11 (Crawford).
106
CR 2012/12, p. 26, par. 2 (Crawford).
107
CR 2012/9, p. 56-57, par. 44-46 (Oude Elferink).
108CR 2012/12, p. 43, par. 53 (Crawford).

109Dossier des juges, onglet 9. - 34 -

mardi dernier ne devrait pas laisser subsister de doute sur ce point. Mardi dernier, j’ai indiqué que

les cayes revendiquées par la Colombie généraient le droit à une mer territoriale. Selon le

41
dictionnaire hydrographique de l’OHI, une caye est une île de sable et de corail basse et plate, et ce

terme s’appliquait à l’origine aux îlots coralliens de la mer des Caraïbes 110.

21. Le statut des débris coralliens a fait l’objet d’études juridiques. M. Crawford s’est référé

à l’auteur d’une d’entre elles. A l’écran, nous avons un texte de DerekBowett, qui n’avait pas

111
encore été anobli, cité par M.Crawford , lequel a omis de mentionner le texte qui précédait

immédiatement cette citation: «I l convient d’ajouter que bien des îles sont en fait des îles

coralliennes, qui se sont formées au fil des siècles par accumulation progressive de squelettes de

polypes coralliens dans les eaux tempérées, créant d’abord des récifs puis, par élévation, des

îles.» 112 Les informations rassemblées sur Quita sueño montrent clairement que la phase

d’accumulation progressive des squelettes de polypes coralliens vient à peine de commencer.

Beazley établit une distinction analogue entre débris coralliens et îles coralliennes. Voici ce qu’il

fait observer :

«Sur les récifs frangeants et les larges barrières de récifs, il y a une zone de
rochers derrière le plat situé côté mer où s’ accumulent des débris de corail mort et des

fragments de récifs rejetés par la mer. C’est là que se logera le sable résultant de la
pulvérisation des morceaux de corail et c’est avec ce sable qu’une île peut
progressivement se former.» 113 [Traduction du Greffe.]

A Quitasueño, il n’y a que des morceaux de corail mort qui n’ont pas donné naissance à une île.

22. En exposant sa théorie du «pauvre corail blanc», M.Crawford a également tenté de

donner un air de permanence à ces morceaux de débris coralliens en indiquant qu’ils étaient fixés

au sous-sol. Voici ce qu’il a dit: «quant aux dé bris coralliens, je vous de mande de regarder les

photos. Elles montrent ce que M.Smith a vu, des rochers coralliens fixés au substrat.» 114 Le

compte rendu ne précise pas la source de cette « observation». Le rapport de M.Smith ne faisant

110Dictionnaire hydrographique, première partie , vol.II, français, publication spéciale n 32, cinquième édition,
organisation hydrographique internationale, Monaco, 1998, entrée 665.
111
Dossier des juges, onglet 10.
112
D. W. Bowett, «The legal regime of islands in international law», Oceana, 1979, p. 4-5.
113P.D.Beazley «Reefs and the 1982 Convention on the Law of the Sea», 6, 1991, International Journal of
Estuarine and Coastal Law, p. 281-312, p. 285.

114CR 2012/12, p. 43, par. 55 (Crawford). - 35 -

pas référence au corail fixé sur le substrat, ils’agit au mieux de ouï-dire. Les photographies

figurant dans le rapport n’appuient en rien la théorie de M. Crawford.

42 Conclusions

23. Monsieur le président, je serai bref pour ce qui est de mes conclusions. Tout en

réaffirmant celles que j’ai exposées lundi dernier1, permettez-moi de mettre l’accent sur les deux

points les plus importants. Premièrement, les cayes revendiquées par la Colombie sont des rochers

au sens du paragraphe3 de l’artic le121 de la convention de1982. Deuxièmement, les débris

coralliens situés sur Quitasueño dont la Colomb ie prétend qu’ils constituent des îles et des

hauts-fonds découvrants ne correspondent pas à la définition d’une étendue naturelle de terre qui

figure à l’article 13 ⎯ les hauts-fonds découvrants ⎯ et à l’article 121 ⎯ le régime des îles ⎯ de

la convention de 1982. Il n’y a ni îles, ni hauts-fonds découvrants sur le banc de Quitasueño qui est

immergé en permanence.

24. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ceci met fin à mon exposé. Je

vous remercie une fois de plus d’avoir bien voulu m’écouter. Je vous demande respectueusement

de permettre à mon collègue, Paul Reichler, de venir à la barr e au nom du Nicaragua, mais je

présume que vous souhaiterez d’abord faire une pause café. Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Je vous remercie Monsieur OudeElferink. C’est en effet le moment de

faire une pause pendant 15 minutes. L’audience est suspendue pendant 15 minutes.

L’audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 50.

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’a udience reprend, et j’invite à la barre

M. Reichler. Vous avez la parole, Monsieur.

M. REICHLER :

L’ APPLICATION ERRONÉE DE LA MÉTHODE DE DÉLIMITATION PAR LA C OLOMBIE
ET LA SOLUTION INÉQUITABLE QU ’ELLE PRODUIT

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour.

115
CR 2012/9, p. 60-61, par. 56-57 (Oude Elferink). - 36 -

2. Voici une carte que la Colombie ne vous a pas montrée la semaine dernière. Nous avons

indiqué en rose la zone qu’elle revendique en l’espèce. Nous n’exagérons pas; telle est

effectivement la zone qu’elle revendique. Cette carte figure sous l’onglet11 du dossier de

plaidoiries.

43 3. D’est en ouest, la Colombie revendique tout d’abord une zone économique exclusive et un

plateau continental de 200milles à partir de sa cô te continentale, ce à quoi viennent s’ajouter les

mers territoriales, zones économiques exclusives et plateaux continentaux générés, selon elle, par

ses îles de SanAndrés, Providencia et SantaCata lina, géographiquement détachées de sa partie

continentale, ainsi que par les cayes plus petites qu’elle leur associe.

4. La Colombie ne laisse au Nicaragua qu’une étroite bande de mer, qui ne s’étend que sur

quelque 55 milles à partir de la côte continentale de celui-ci, et même sur une distance moindre à

partir de ses îles frangeantes. Il en résulte que la Colombie obtient 87% de la zone maritime

située entre elle et le Nicaragua et non revendiquée par des Etats tiers. Le Nicaragua, quant à lui,

en obtient 13 %.

5. Lundi dernier, S.Exc.M.Argüello a parlé de l’aspiration de la Colombie à être la reine

des Caraïbes. Je pense qu’il a fait preuve de trop de générosité. Il faudrait plutôt dire, d’après moi,

qu’elle se verrait bien en Pirate des Caraïbes. La semaine dernière, il m’a même semblé apercevoir

JohnnyDepp parmi ses conseils, mais j’ai réa lisé qu’il s’agissait de mon ami au physique

avantageux, Marcelo Kohen.

6. Ce que vous voyez à l’écran, c’est la revendication d’un Etat qui a accusé le Nicaragua du

péché capital de gourmandise. M.Crawford a accusé le Nicaragua de gourmandise pour vouloir
116
«les deux !», mais le fait que la Colombie veuille «tout» ne lui inspire rien, ou presque .

7. Concentrons-nous sur ce que la Colombie revendique à l’intérieur de la limite des

200 milles de la côte nicaraguayenne. Cela figure sous l’onglet 12 du dossier de plaidoiries.

8. La Colombie a affirmé catégoriquement, et à maintes reprises, qu’il s’agissait d’une

délimitation équitable ; or, elle ne parvient absolument pas à le démontrer au moyen de la troisième

116
CR 2012/11, p. 18, par. 5 (Crawford). - 37 -

étape essentielle du processus de délimitation maritime, je veux bien évidemment parler du test de

proportionnalité, ⎯ de fait, elle n’essaye même pas.

9. Monsieur le président, vous vous souviendrez que, au premier tour, j’ai mis au défi la

Colombie de réaliser un test de proportionnalité et de nous en montrer les résultats. Je n’aurais pas

pu être plus direct ; j’ai jeté le gant à mes contradicteurs ; sans aller jusqu’à les provoquer en duel.

10. Et quelle a été leur réponse? Eh bien, il n’y en a pas eu. Pas la moindre. En

neufheures de plaidoiries, la Colombie n’a, à aucun moment, tenté de soumettre sa ligne de

délimitation à un test de proportionnalité. Au contraire, elle l’a fui comme la peste.

11. La Colombie a couvert sa fuite par un écran de fumée. M.Crawford a reconnu que la
44

Cour avait entériné un processus en trois étapes en matière de délimitation maritime. Quelles sont,

selon lui, ses trois étapes? 1)La définition des points de base; 2)le tracé de la ligne
117
d’équidistance; et 3)la recherche de circonstances pertinentes . Il semblerait que mon ami ait

inventé une nouvelle danse : la valse à trois temps version Crawford. La véritable troisième étape,

le test de proportionnalité, manque en effet à l’appel.

12. M.Bundy a fui par un chemin différent. Il a écourté le processus en trois étapes, le

réduisant à deux. Je vous laisse imaginer de quelle partie il s’est débarrassé 118.

13. Monsieur le président, la vérité essentielle demeure : la ligne que propose la Colombie ne

saurait satisfaire au critère de proportionnalité. Examinons les chiffres.

14. La Colombie admet désormais que la côte continentale du Nicaragua est pertinente aux

fins de la délimitation. Qu’elle le reconnaisse ou non, c’est un fait indiscutable; mais c’est bien

qu’elle l’admette. Je vous renvoie sur ce point à l’ onglet 13 du dossier de plaidoiries. Représentée

par une ligne droite, la côte mesure 453kilomètres, ce que la Colombie ne conteste pas. Selon

M.Bundy, les côtes pertinentes de la Colombie sont les côtes occidentales de ses formations

insulaires les plus proches du Nicaragua 119. Si on les représente également par des lignes droites,

ces côtes mesurent 21kilomètres. Ce chiffre, lui non plus, n’a pas été contesté au cours des

117CR 2012/13, p. 11, par. 5 (Crawford).
118
CR 2012/13, p. 21, par. 2 (Bundy).
119CR 2012/12, p. 14, par. 23 (Bundy) ; CR 2012/12, p. 63, par. 92 (Bundy). - 38 -

plaidoiries de la semaine dernière. Le rapport en tre les côtes est donc de plus de 21 pour1 en

faveur du Nicaragua.

15. La zone pertinente est celle où se chevauchent les droits potentiels du Nicaragua et de la

Colombie. La voici. Les deux Parties s’accordent à reconnaître qu’un territoire terrestre

continental, comme la côte continentale du Nicaragua, génère un droit à une zone économique

exclusive potentielle s’étendant ju squ’à 200milles. Tel est également le cas des îles, même si le

fait que celles-ci génèrent ces droits de façon radial e, c’est-à-dire dans toutes les directions, ressort

120
moins clairement de la jurisprudence que M. Crawford le prétend . Admettons toutefois, aux fins

de la démonstrati on, cette proposition ⎯ quod non ⎯ et montrons ici la zone de chevauchement
45

des droits à une zone économique exclusive potentie lle générés par la côte nicaraguayenne et les

îles colombiennes de San Andrés et Providencia.

16. La ligne de délimitation proposée par la Colombie divise la zone pertinente de la manière

suivante : 72 % pour la Colombie et 28 % pour le Nicaragua. Malgré un rapport entre les côtes de

plus de 21 pour 1 en faveur du Nicaragua, la ligne colombienne confère à la Colombie une portion

de la zone pertinente deux à trois fois plus grande que celle attribuée au Nicaragua. C’est

l’exemple même de la disproportion. Et la Colombie n’a rien dit qui puisse modifier ce résultat.

17. Pour des raisons évidentes, ce résultat met la Colombie mal à l’aise. C’est pourquoi,

vendredi, M. Crawford a essayé de jongler avec les ch iffres. Tout au long de la présente instance,

la position de la Colombie a consisté à dire que seules devaient être prises en compte les côtes

occidentales des îles colombiennes. M. Bundy l’a répété la semaine dernière 121. Cependant, tout à

fait conscient que cela menait la Colombie dans une impasse ⎯ à savoir à un rapport entre les côtes

de 21pour1 en faveur du Nicaragua ⎯ M.Crawford a soudainement modifié la position

colombienne. Apparemment, lorsqu’on est la Co lombie, il est tout à fait permis de changer

d’argumentation.

120CR2012/11, p.29, par.36 (Crawford). Voici ce qu’ont fait observerMM. les juges Jiménez de Aréchaga,
Ruda et Bedjaoui dans leur opinion conjointe en l’affaire Libye/Malte : «Il se peut en effet que cette projection radiale
joue dans le cas des îles qui, situées en plein océan, ne font face aux côtes d’au cun autre Etat. Mais elle ne correspond
pas à la pratique étatique dans les me rs fermées ou semi-fermées où plus de deux Etats peuvent émettre des prétentions

sur une même zone maritime.» ( Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J.Recueil1985
(ci-après «Libye/Malte») ; opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménez de Aréchaga, p. 78, par. 5.)
121CR 2012/12, p. 63, par. 92 (Bundy). - 39 -

18. M. Crawford a donc prétendu que, puisque l es îles généraient des droits potentiels dans

toutes les directions, c’était leur circonférence totale qui devait être considérée comme étant la côte

pertinente ou, à tout le moins, celle de ce qu’ il appelle les îles principales de SanAndrés et

122 123
Providencia . M. Crawford a indiqué que cette côte totalisait 62 km .

19. La Colombie n’ayant pas exposé cet argument ni fourni ces mesures précises dans ses

écritures, nous avons demandé à nos hydrographes de l’UKHO de le faire. Au lieu d’utiliser des

lignes droites, ils ont suivi les sinuosités des côtes, produisant ainsi une ligne côtière plus longue,

mais plus précise, que s’ils avaient utilisé des vecteurs de droites. Les circonférences de

SanAndrés et Providencia, y compris celle de leur dépendance au large, SantaCatalina, qui sont

les seules véritables îles du prétendu «archipel», to talisent 65 km, c’est-à-dire 3 km de plus que ce

que M. Crawford lui-même a avancé.

46 20. Permettez-moi d’être clair. Nous n’acceptons pas l’approche de M. Crawford fondée sur

la circonférence pour mesurer les côtes pertinentes. Elle conduit en effet à compter doublement les

côtes insulaires. La Colombie avait raison dans ses écritures et lorsque son conseil, M.Bundy, a

abordé pour la première fois cette questi on la semaine dernière: seules les côtes occidentales des

îles colombiennes sont pertinentes pour la délimitation. Elles mesurent 21 km.

21. Toutefois, et, là encore, aux fins de la démonstration, acceptons le double comptage des

côtes pertinentes colombiennes de M.Crawford et, telles que mesurées en tenant compte de leurs

sinuosités, accordons leur une longueur de 65km. Pour comparer ce qui est comparable, nous

avons mesuré à nouveau la côte orientale du Nicaragua ⎯ sa côte continentale ⎯, et ce, en suivant

sa sinuosité. Par souci de modération, nous avons cependant exclu les côtes orientales des îles

situées au large du Nicaragua, c’est-à-dire les îles du Maïs et la caye Miskito. En fonction de ce

critère, ⎯ le même que celui que M. Crawford a utilisé pour mesurer les côtes colombiennes ⎯ la

côte pertinente du Nicaragua s’étend sur 701km. Vous le voyez sous l’onglet14 du dossier de

plaidoiries. Or, même avec cette méthode ⎯ favorable à la Colombie ⎯ le rapport entre les côtes

pertinentes est toujours de 11pour1 en faveur du Nicaragua. Même en utilisant ce rapport entre

122
CR 2012/11, p. 29, par. 36 (Crawford).
123
Ibid. - 40 -

les côtes, la proposition colombienne de délimi tation est nettement inéquitable, puisque la

répartition des zones maritimes est encore de 2.6 pour 1 en faveur de la Colombie.

22. A titre de comparaison, examinons encore une fois la délimitation proposée par le

Nicaragua. Vous la trouverez sous l’onglet15 du dossier de plaidoiries. Comme vous le savez,

nous avons proposé de tracer des enclav es de 1m2 illes pour Sanndrés et

Providencia/SantaCatalina, et de 3milles pour to utes les autres formations colombiennes. Or,

comme je l’ai dit mardi dernier, si une ligne d’éq uidistance provisoire peut être ajustée en fonction

des circonstances pertinentes pour aboutir à une solu tion équitable, il en va exactement de même

des enclaves, tracées provisoirement.

23. M.Crawford soutient que toutes les îles, quelle que soit leur importance ⎯ même les

rochers ⎯ doivent se voir accorder une mer territoriale d’au moins 12milles. Qu’il soit donc

exaucé ⎯ pour les besoins de la démonstration uniquem ent, cela va sans dire. Si des enclaves de

12milles sont accordées à toutes les formations maritimes possédées ou revendiquées par la

Colombie (à l’exception de Quitasueño ⎯qui est immergé en permanence), il en résulte ceci:

2 2
201 000 km reviennent au Nicaragua, et 18000km à la Colombie. On obtient un rapport de11

pour 1 en faveur du Nicaragua, soit presque exactem ent le même que le rapport entre les côtes

calculé suivant l’approche outrancière de MC. rawford, qui considère que ce sont les

circonférences totales des îles colombiennes qui constituent les côtes pertinentes; ce calcul

aboutissait également à un rapport entre les côtes pertinentes de 11 pour 1.

24. Monsieur le président, vous vous souvie ndrez que M.Crawford a essayé de discréditer

notre analyse en recourant à «l’infinitologie», autrement dit à l’étude de la notion d’infini. Jeudi, il

47 vous a montré une carte en vous expliquant que, suivant la proposition nicaraguayenne, le

Nicaragua se voyait accorder une z one économique exclusive de 186 362 km², et la Colombie une

124
zone de 0 km², soit un rapport égal à l’«infini» .

25. Monsieur le président, le Nicaragua n’est pas troublé par cet argument, mais la

Colombie, elle, devrait l’être. Telle n’est pas en effet la manière dont on mesure les espaces

maritimes. Cette méthode est trompeuse. Elle exclut délibérément tous les espaces maritimes que

124
CR 2012/11, p. 29, par. 37 (Crawford). - 41 -

le Nicaragua, par la délimitation qu’il propose, attribuerait à la Colombie à l’intérieur des

différentes enclaves de mer territoriale. Certes, la Colombie se voit accorder des mers territoriales

et non des zones économiques et exclusives, mais il en va ainsi par nature des enclaves; une île

bénéficie d’une mer territoriale, et non d’une zone économique exclusive. Je note à cet égard que

les îles Anglo-Normandes, l’île de Saint Martin et Abou Moussa ont toutes été enclavées dans une

mer territoriale de 12milles. Rien de nouveau ni d’extraordinaire à cela. Lorsque l’on tient

compte des enclaves colombiennes de mer territoriale, le rapport n’est plus égal à l’infini mais il est

de 11 pour 1.

26. L’«infinitologie», telle qu’elle a été appliquée à l’audience, n’est qu’un simple

stratagème. Mais c’est un jeu auquel on peut jouer à deux. Examinons la manière dont la

Colombie propose de diviser les droits des Parties qui se chevauchent dans la zone pertinente

⎯c’est-à-dire àl’est de SanAndrés et Provide ncia/SantaCatalina. La Colombie obtient

2
122 0000 km ; le Nicaragua 0 km². Rapport : l’infini.

27. Pourquoi cette zone où les deux Parties ont d es droits potentiels ne fait-elle pas partie de

la zone pertinente devant être divisée équitablem ent entre les Parties? Pourquoi doit-elle revenir

par défaut à la Colombie ? Lors de notre premier tour de plaidoiries, nous avons également défié la

Colombie sur ce point. Une fois encore, elle ne nous a pas répondu.

28. M.Bundy a cependant fait une concession intéressante et fort importante, allant

d’ailleurs peut-être au-delà de ce qu’il voulait con céder. Il a contesté notre représentation de la

zone pertinente colombienne ⎯que voici maintenant à l’écran et que nous avons également

présentée au premier tour. Il a indiqué, et c’est ce qui est intéressant, que, pour la Colombie, la

zone pertinente s’étendait àl’ouest, au-delà des îles côtières du Nicaragua jusqu’à la côte

continentale de ce dernier ⎯ la limite naturelle 12. Je vous renvoie pour cela à l’onglet16 du

dossier de plaidoiries. Je vous invite à réfléchir un instant à ces propos. Le droit généré par les îles

colombiennes s’étend à l’ouest, au-delà des îles du Nicaragua ⎯ les dépasse ⎯ jusqu’à atteindre la

côte de ce dernier. Nous sommes parfaitement d’accord.

125
CR 2012/12, p. 11, par. 9 (Bundy). - 42 -

29. Comment M.Bundy peut-il ensuite refu ser d’admettre que les îles nicaraguayennes

⎯et, surtout, la côte continentale du Nicaragua ⎯ aient des droits s’étendant àl’est, au-delà des

îles colombiennes, jusqu’à la limite naturelle de leur zone économique exclusive de 200 milles ? Il

affirme que les îles nicaraguayennes ne bloquent pas le droit maritime généré par les îles
48
colombiennes en direction de l’ouest 126alors que, dans le même temps, il continue de défendre la

position parfaitement contraire selon la quelle les îles colombiennes bloquent ⎯ et ce,

complètement ⎯ les droits maritimes générés non seulement par les îles du Nicaragua mais

également par la côte continentale de celui-ci, laquelle est bien plus importante. Ces deux positions

sont inconciliables.

30. La solution colombienne est indéfendable. Elle ne divise pas la zone pertinente de

manière équitable. Elle est tout sauf équitable. La Colombie n’a pas réussi à démontrer, au moyen

du test de proportionnalité, que la ligne de délimitati on qu’elle revendique constitue la solution

équitable que prescrit le droit international.

31. Pourtant, la Colombie affirme avec insistance qu’elle a correctement appliqué la méthode

classique de délimitation, telle qu’établie par la juri sprudence de la Cour. Elle soutient en outre

que l’approche du Nicaragua prend le contrepied de cette jurisprudence. Elle dépeint le Nicaragua

comme une sorte de barbare assiégeant le temple du droit international qu’il s’apprête à incendier.

32. Monsieur le président, je ne peux m’empê cher de m’interroger. Si la Colombie a

tellement raison et nous, tellement tort, comment se fait-il que le résultat qu’elle produit soit si

manifestement inéquitable et celui auquel nous ab outissons si équilibré et conforme aux critères

d’une solution équitable ?

33. Commençons par répondre à cette question en examinant un peu plus attentivement que

ne l’a fait M. Crawford vendredi 127les affaires Jan Mayen et Libye/Malte. Ces deux affaires sont

les plus pertinentes, selon la Colombie, car il s’ag it de délimitations entre des côtes continentales,

d’une part, et des îles, d’autre part. Eh bien, nous ne partageons pas l’opinion de la Colombie sur

les enseignements à tirer de ces affaires.

126
CR 2012/12, p. 11, par. 9 (Bundy).
127
CR 2012/12, p. 41, par. 25-26 (Crawford). - 43 -

L3’4f.faire Jan Mayen présente certes quelques similitudes avec la présente espèce. Vous

la verrez sous l’onglet17. Il s’agissait d’une délimitation entre la longue côte du Groenland et

celle, plus petite, de Jan Mayen. Cependant, elle se distingue beaucoup de la présente espèce, car

les parties y étaient situées à 250 m illes l’une de l’autre, aucune d’ elles ne pouvant donc prétendre

à un droit potentiel au-delà, c’est-à-dire de l’autre côté, de la partie adverse. La zone de

chevauchement des droits se limita it donc nécessairement à la zone située entre les deux parties.

49 C’est donc tout naturellement dans cette zone que la ligne de déli mitation provisoire a été tracée,

divisant à égalité les droits qui se chevauchaient.

35. La ligne provisoire a ensuite été ajustée en raison de la disparité entre les longueurs des

côtes, puisque le rapport de9 pour 1 a été c onsidéré comme une circonstance pertinente. Le

Groenland, ayant une côte plus longue, a obt enu une portion plus grande de la zone de

chevauchement que JanMayen. Le Groenland s’ est en fait retrouvé avec 74% de la zone de

chevauchement des droits, contre 26 % pour Jan Mayen.

36. En l’affaire Libye/Malte, les circonstances étaient similaires. Vous le verrez sous

l’onglet18 du dossier de plaidoiries. La dist ance entre les parties y était de 180milles marins.

L’intégralité de l’espace maritime entre les parties se trouvait donc compris dans les limites dans

lesquelles elles pouvaient chacune prétendre à une zone de 200milles, ce qui constituait la zone

pertinente, à l’exception des zones revendiquées par un Etat tiers, l’Italie, qui se trouvaient à l’est et

à l’ouest de la zone à délimiter. Théoriqueme nt, le droit de la Libye à une zone économique

exclusive de 200milles marins aurait pu s’étendre de quelques milles au-delà de Malte, mais la

Libye n’a pu le faire valoir, car l’Italie se trouve exactement à 43 milles au nord de Malte, excluant

de fait la Libye de cette zone.

37. Donc, là encore, la délimitation devait n écessairement s’effectuer dans son intégralité

entre la Libye et Malte. La ligne de délimitati on provisoire, une ligne médiane, ne pouvait être

tracée que dans l’espace situé entre les deux parties, le divisant en parts égales. Et, là encore, la

côte bien plus longue de la Libye, huit fois celle de Malte, a constitué une circonstance pertinente

justifiant un ajustement en faveur de la Libye. La Colombie considère cet ajustement comme

négligeable, mais il a abouti à accorder à la Libye 74 % de la zone de déli mitation définie par les

côtes pertinentes des parties et les prétentions de l’Italie, Malte n’obtenant que 26 %. En outre, si - 44 -

Malte a obtenu autant, c’est parce qu’il ne s’agit pas d’une simple île, mais d’un Etat souverain ; sa

taille ⎯Malte s’étend sur 316km² ⎯, sixfois supérieure à la superficie de SanAndrés et

Providencia/Santa Catalina ensemble, est également entrée en ligne de compte.

38. De ces deux affaires, M. Crawford a bien du mal à tirer deux soi-disant principes, chacun

d’eux étant sujet à caution. Il s’ag it, premièrement, du fait qu’il faudrait toujours commencer par

tracer une ligne d’équidistance à mi-chemin entre les côtes des deux parties 128. Selon nous, tel

peut-être le cas lorsque la totalité de la zone à délimiter, où se chevauchent tous les droits potentiels

des parties, se situe entre les deux Etats. Cette conclusion ne vaut cependant pas lorsque, comme

50 c’est le cas en l’espèce, les droits potentiels d’une partie s’étendent au-delà de la côte de l’autre

partie ⎯ la dépassent ⎯, de telle manière que celle-ci se situe au milieu de la zone de

chevauchement des droits, et non à son extrémité.

39. Il est plus logique d’interpréter les affaires Jan Mayen et Libye/Malte comme exigeant

que la ligne de délimitation provisoire soit placée au milieu de la zone de chevauchement des droits

potentiels, la divisant à égalité entre les parties, ca r tel est en réalité ce que la Cour a fait dans les

deux cas. Si nous devions suivre en l’ espèce l’approche adoptée dans les affaires Jan Mayen et

Libye/Malte, voici ce à quoi ressemblerait une ligne de délimitation provisoire. Si cette ligne ne

ressemble pas aux lignes de délimitation provisoire tracées dans les affaires Jan Mayen et

Libye/Malte c’est parce que, à la différence de celles- ci, la zone de chevauchement des droits

s’étend ici à 100milles au-delà de SanAndrés et Providencia/SantaCatalina. Ces dernières se

trouvent au centre de la zone de chevauchement des droits, et non à son extrémité. Telle est la

raison pour laquelle nous estimons qu’il n’est pas a pproprié en l’espèce de commencer par tracer

une ligne d’équidistance provisoire et c’est aussi la raison pour laquelle la Cour ne l’a pas indiqué

dans les conclusions qu’elle a formulées dans les affaires Jan Mayen et Libye/Malte , dont les

circonstances géographiques étaient sensiblement différentes.

40. En la présente espèce, la ligne provisoire divisant à parts égales la zone de

chevauchement des droits laisse inévitablement SanAndrés et Providenc ia/Santa Catalina du

mauvais côté de la ligne et ampute arbitrairement la projection en mer de la côte nicaraguayenne,

128
CR 2012/13, p. 11-12, par. 10-12 (Crawford). - 45 -

bien avant qu’elle n’atteigne l’extrémité de sa zone économique exclusive potentielle de

200milles. Dans l’affaire du Golfe du Maine , la Chambre a souligné qu’une solution équitable

impliquait d’«éviter, autant que possible, un effet d’amputation de la projection maritime de la côte

ou d’une partie de la côte de l’un des Etats concernés» ( Délimitation de la frontière maritime dans

la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , (ci-après

«Golfe du Maine»), p. 313, par. 157).

41. Le second enseignement que M.Crawford entend tirer de ces deux affaires est le

suivant: en cas de disparité importante entre les longueurs côtières, la ligne provisoire doit être

ajustée en faveur de la Partie présentant la plus longue côte, mais l’ajustement doit —précise-t-il

— être «modeste» 129. En tant qu’avocat de la Partie possédant la côte la plus courte, que pourrait-il

dire d’autre? Nous ferons deux observations à ce sujet. Premièrement, l’ajustement doit être

favorable à la Partie dont le littoral est le plus long, de sorte que la part de la zone de

chevauchement qui lui revient soit supérieure à celle revenant à la Partie dont le littoral est plus

51 court. Deuxièmement, l’ampleur de l’ajustement dépendra de ce que la Cour jugera approprié aux

fins d’une solution équitable au regard des circonstances propres à la présente espèce.

42. A supposer que nous prenions comme point de départ une délimitation provisoire

divisant de manière égale la zone où les droits du Nicaragua et de la Colombie se chevauchent,

nous devrions l’ajuster pour que la division soit favorable au Nicaragua, le rapport côtier étant

de 21 à 1 en faveur de celui-ci, et même si, quod non, nous tolérions que la Colombie compte deux

fois sa côte insulaire, le rapport serait toujours de11 à1 en faveur du Nicaragua. Dans les deux

cas, il s’agit d’une disparité plus importante que dans les affaires Jan Mayen et Libye/Malte.

43. M.Crawford nous accuse de militer en faveur d’une «justice distributive» et d’un

«remaniement géographique» 130. Mais le Nicaragua n’avance rien de tel. Ce que nous disons,

c’est que la délimitation maritime doit viser une solution équitable et que la méthode de

délimitation adoptée doit mener à un résultat équitabl e. L’équidistance a certainement un rôle à

jouer, mais elle n’est pas l’alpha et l’oméga de la délimitation maritime. Elle conduit très souvent à

129
CR 2012/13, p. 54, par. 63 (4) (Crawford).
130
CR 2012/13, p. 14, par. 18 ; p. 48, par. 44 (Crawford). - 46 -

une solution équitable, mais, comme M. Crawford l’a lui-même reconnu, «la géographie … produit

131
parfois des résultats injustifiés» .

44. Dans la présente espèce, il est inévitab le que l’équidistance conduise précisément à des

résultats injustifiés de cet ordre. C’est ce qui est illustré sous l’onglet19. Comme nous l’avons

montré, les petites îles de la Colombie viendrai ent radicalement amputer les droits maritimes

générés par la côte continentale du Nicaragua, géographiquement dominante, et la Colombie se

verrait attribuer la totalité de la zone située à l’est de ces îles, malgré le chevauchement des droits

auxquels les deux parties peuvent prétendre dans l’ensemble de ce secteur.

45. La seule manière de mettre en pratique les enseignements tirés des affaires Jan Mayen et

Libye/Malte et de garantir que le Nicaragua reçoive la plus grande part de la zone de

chevauchement, comme il peut y prétendre sur la base du rapport côtier, consiste à enclaver les îles

colombiennes dans des mers territoriales calculées comme il se doit.

46. Le résultat ainsi obtenu est manifestement équitable. A la différence de la solution

proposée par la Colombie, celle du Nicaragua est conf orme au critère de proportionnalité. Il ne

s’agit pas là d’un exercice de justice distributive ou d’une stratégie, à partir d’une solution

préétablie, pour déterminer les moyens d’y parvenir. On parvient à ce résultat en appliquant

comme il se doit la méthode de délimitation développée par la Cour dans sa jurisprudence et suivie
52
par d’autres juridictions internationales dont, tout récemment, le Tribunal international du droit de

la mer.

47. En ce qui concerne les autres affaires invoquées par M. Crawford, j’ai le regret de devoir

m’inscrire en faux contre les enseignements qu’il voudrait que vous tiriez. Il s’agit aussi d’affaires

de délimitation portant sur des côtes con tinentales et des îles —l’affaire de l’ Arbitrage

franco-britannique, l’affaire Saint-Pierre-et-Miquelon et l’arbitrage Doubaï/Chardjah —, dans

lesquelles des îles d’une taille similaire, voire supérieure, à celles de la Colombie ont été enclavées.

48. Ces affaires posent toutes d’énormes difficultés à Colombie qui doit trouver un moyen de

les différencier de la présente espèce. Elle s’ en est remise à M.Crawford, qui n’a pas manqué

d’ingéniosité, mais, sans vouloir minimiser l’él oquence, l’esprit et l’érudition que nous lui

131
CR 2012/13, p. 14, par. 18 (Crawford). - 47 -

connaissons, ce qu’il dit ne tient pas. Sa thèse est la suivante : les tribunaux n’ont enclavé les îles

que parce qu’elles se trouvaient à proximité de la côte de l’autre Etat. Pour M.Crawford, seule

l’«adjacence» de ces îles par rapport à cette autre côte justifiait leur enclavement 13.

49. Mais cette interprétation n’est conciliable ni avec les décisions prises dans le cadre de ces

affaires ni avec la logique qui les sous-tend. Ce rtes, dans les affaires qu’il a choisies, les îles

étaient plus proches de la côte de l’autre Etat que les îles colombiennes ne le sont du Nicaragua,

mais cette distinction ne suffit pas pour faire la di fférence avec la présente espèce. Ce n’est pas la

raison pour laquelle ces îles ont été enclavées.

50. Elles ont été enclavées parce qu’elles ét aient géographiquement détachées de leurs Etats

respectifs et, surtout, parce qu’elles avaient un effet d’obstruction sur les droits maritimes de l’autre

Etat. Dans certains cas, la proximité entre l’île et la côte de l’autre Etat contribuait à l’effet

d’obstruction ; mais ce qui comptait, c’était bien l’effet d’obstruction, et non la distance à partir de

la côte. Je crains que mon éminent ami ait confondu la cause et l’effet.

51. Dans l’affaire de l’arbitrage franco-britannique, par exemple, la Cour d’arbitrage n’a pas

permis aux îles Anglo-Normandes du Royaume-Uni d’empiéter sur les droit maritimes de la

France. C’est ce qui figure sous l’onglet20. Comme vous pouvez le constater, le tribunal a

reconnu que les droits de la France s’étendaient vers le nord, bien au-delà des îles

Anglo-Normandes, qui n’ont donc pas pu fonctionn er comme un mur coupant la projection de la

France vers le large. Certes, les îles étaient pr oches de la France, mais la Cour d’arbitrage a

53 souligné que leur enclavement entraînerait «une réduction substantielle de la partie du plateau

continental qui reviendrait sans cela à la République française», ce qui, si ces îles n’avaient pas été

enclavées, aurait eu pour résultat «une dist orsion radicale de la délimitation, créatrice

133
d’inéquité» . En ce qui concerne la situation géogra phique, le tribunal a souligné que les îles

Anglo-Normandes «étaient [non seulement] «du ma uvais côté» de la ligne médiane passant au

132
CR 2012/13, p. 44, par. 35 ; p. 46, par. 39 (Crawford).
133Délimitation du plateau continental entre le Royaume-Un i de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la
République française, décision du 30juin 1977, reproduite dans le Recu eil des sentences arbitrales (RSA), vol.XVIII,
p. 3, par. 196 et 199, (ci-après «Délimitation du plateau continental franco-britannique»). - 48 -

milieu de la Manche, mais [qu’ ]elles [étaient] aussi totalement détachées géographiquement du

Royaume-Uni» 134.

52. Le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon va dans le même sens. Il est illustré sous l’onglet 21.

Les côtes ouest et sud-ouest des deux îles français es n’étaient pas proches de la côte opposée de la

Nouvelle-Ecosse, située à une distance de 143milles ma rins. Pourtant, le tribunal arbitral les a

enclavées dans une limite de 24milles marins pa r rapport à celle-ci parc e qu’autrement elles

135
auraient obstrué l’extension vers le large de la côte méridionale de Terre-Neuve . Ce qui est

encore plus intéressant, c’est que les côtes méridionales des deux îles françaises n’étaient pas

dirigées vers la côte canadienne, mais vers une large étendue de mer entièrement ouverte. La

solution préconisée par le tribunal et son raisonnement méritent d’être cités :

«Les îles françaises ont une ouverture côtiè re vers le sud, à laquelle ne fait

obstacle aucune côte canadienne opposée ou alignée latéralement. Comme elle
dispose d’une telle ouverture côtière, la France a pleinement droit à une projection
frontale en mer, vers le sud, jusqu’à ce qu’elle atteigne la limite extérieure de

200 milles marins… Par ailleurs, il ne faut pas laisser une telle projection vers le large
empiéter sur une projection frontale parallè le de segments adjacents du littoral sud de
Terre-Neuve ou amputer leur projection.» 136

En conséquence, afin d’empêcher l’amputation des droits maritimes du Canada, la largeur des

espaces maritimes attribués à Saint-Pierre-et-Miquelon a été limitée, comme nous l’avons montré, à

seulement 10,5 milles marins.

53. Nous voyons une fois encore que ce qui im porte, ce n’est pas la proximité de l’île par

rapport à la côte continentale de l’autre Etat, mais les effets produits sur les droits maritimes de

l’autre Etat, ainsi que le détachement géographique de l’île par rapport à la côte continentale de son

Etat.

54. C’est également ce qui ressort de l’arbitrage Doubaï/Chardjah, autre affaire que

M.Crawford a tenté de récupérer 137. Dans cette affaire, l’île d’AbouMoussa, qui relevait de

l’émirat de Chardjah, était enclavée à l’intérieu r d’un arc de 12milles. C’est ce qui figure sous

134
Délimitation du plateau continental franco-britannique, par. 199.
135
Affaire de la Délimitation des espaces maritimes entre le Canada et la République française (Saint-Pierre-et-
Miquelon), décision du 10juin1992, reproduite dans Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol.XXI, p.289-290,
par. 67 et 69, (ci-après « Saint-Pierre-et-Miquelon »).
136
Saint-Pierre-et-Miquelon, par. 70.
137CR 2012/13, p. 48-49, par. 47-48 (Crawford). - 49 -

l’onglet 22. Il convient de noter qu’Abou Moussa se trouvait à plus de 30 milles marins au large, et

54 qu’elle n’était pas adjacente à la côte de Doubaï. Elle aurait une superficie de 12 km² et comptait

en permanence 800habitants. Elle revêtait au ssi une importance économique: ses gisements

d’oxyde rouge et le champ de pétrole de Mubare k situé non loin au large ont considérablement

138
contribué au revenu national de Chardjah . Si AbouMoussa est présentée par M.Crawford

comme étant «sans importance», alors ce qualificatif s’applique à toutes les îles colombiennes. Le

tribunal arbitral a fait observer que «le principe de l’équidistance en matière de

délimitation…d[eva]it être subordonné à l’obj ectif supérieur de parvenir à une répartition

139
équitable des zones de plateau entre des Etats adjacents ou se faisant face» . Il a ensuite conclu

que «le fait d’accorder à l’île d’AbouMoussa un dr oit sur une zone du plateau continental du

Golfe située au-delà de sa bande de mer territori ale aurait [assurément] un effet de distorsion sur

les zones voisines du plateau» 140.

55. Bien entendu, M. Crawford n’a pas évoqué ces aspects de la senten ce arbitrale et il n’a

pas non plus exposé la sentence rendue dans l’affaire de l’arbitrage Terre-Neuve-et-

Labrador/Nouvelle-Ecosse, ni la manière dont le Tribunal qui a connu de l’affaire a statué sur l’île

terre-neuvienne de Sable, alors que j’ai examin é cette affaire au premier tour de plaidoiries du

Nicaragua. L’île de Sable, comme vous vous en souviendrez, ne s’était vu attribuer aucun effet

parce qu’elle obstruait la projection vers le large de la côte terre-neuvienne. C’est ce qui est illustré

sous l’onglet 23. Ce qu’il impor te de souligner en l’espèce, c’est que l’île de Sable, qui mesure

34kilomètres de long, est située à 88milles mari ns de Terre-Neuve, et que c’est son très grand

«éloignement» et les effets disproportionnés qu’e lle aurait pu avoir, et non sa proximité avec la

141
côte terre-neuvienne, qui ont conduit le tribunal à en faire abstraction .

56. Un autre exemple qui réfute la théorie de M.Crawford est celui de l’affaire

Erythrée/Yémen. La documentation figure sous l’onglet 24. Les deux îles yéménites dont il n’avait

138
Différend frontalier entre Doubaï et Chardjah(Emirat de Doubaï c. Emirat de Chardjah) , sentence du
19 octobre 1981, reproduite dans ILR, vol. 91, p. 668, par. 246, (ci-après « Doubaï/Chardjah »).
139
Doubaï/Chardjah, p. 676, par. 263 ; les italiques sont de nous. [Traduction du Greffe.]
14Doubaï/Chardjah, p. 677, par. 265; les italiques sont de nous. [Traduction du Greffe.]

141Arbitrage entre la province de Terre-Neuve et du Labr ador et la province de la Nouvelle-Ecosse concernant
certaines parties des limites de leuzones extracôtières, deuxième phase , sentence du 26 mars 2002, ILR, vol. 128
(dénommé ci-après l’arbitrage «Terre-Neuve-et-Labrador/ Nouvelle-Ecosse»), par. 5.14-5.15. - 50 -

pas été tenu compte dans la délimitation en raison de leurs effets de distorsion sur la ligne médiane

étaient situés à 71 et 58 milles marins de la côte érythréenne. Elles ne se trouvaient pas à proximité

immédiate de celle-ci, mais on considérait qu’elles av aient des effets de déviation en raison de leur

détachement géographique, étant situées à 62 et 26 milles marins, respectivement, de la côte

yéménite.

57. Ayant ces affaires à l’esprit, examinons une fois encore les effets d’obstruction produits

par les îles colombiennes sur les droits du Nicaragua. L’amputation des droits maritimes générés

par une côte continentale serait plus complète que dans n’importe quelle autre affaire que nous

55 avons évoquées. Dans l’affaire de l’ arbitrage franco-britannique, seule une petite portion de la

côte française était obstruée par les îles Anglo-No rmandes. Les îles colombiennes obstruent quant

à elles toute la longueur de la côte continenta le du Nicaragua. C’est la parfaite illustration d’un

résultat inéquitable. Une solution équitable consisterait à débarrasser le Nicaragua de cet effet

d’amputation.

58. M. Crawford vous a indiqué qu’il était incapable de donner un exemple d’enclavement

d’îles situées à 100milles marins au large 142. Mais ce n’est pas tout. Il a aussi été incapable de

trouver un exemple d’effets d’obstruction aussi prononcés. Qu’il s’agisse de 10, 50, 100 milles

marins, voire davantage, les îles qui produisent de tels effets d’amputation sont soit enclavées soit

écartées.

59. Ce qui est frappant, c’est que les conseils de la Colombie n’ont absolument rien dit la

semaine dernière sur les effets d’amputation des petites îles, ni sur le fait que, lorsqu’elles ont de

tels effets, elles sont enclavées ou écartées du processus de délimitation. C’est encore un défi que

nous leur avons lancé au premier tour et qu’ils se sont visiblement bien gardés de relever.

60. Monsieur le président, avec votre permi ssion, nous allons examiner de plus près les

formations insulaires qui, selon le scénario de dé limitation colombien, obstruent et amputent les

droits maritimes du Nicaragua.

61. Monsieur le président, j’ai commencé cet exposé en évoquant le péché capital de

gourmandise. Peut-être m’en suis-je rendu coupable moi aussi. Lorsque je regarde ce graphique

142
CR 2012/13, p. 54, par. 63 (2) (Crawford). - 51 -

colombien, je crois voir mon petit-déjeuner. Ch aque matin, je commence la journée en mangeant

deux Œufs sur le plat. Si je me trouve dans un hôt el de bon standing, ils ne sont généralement pas

bleus. Pour les assaisonner, j’y ajoute toujours un peu de poivre.

62. Mais revenons à ce graphique, que MM. Crawford et Bundy n’ont cessé d’exhiber la

143
semaine dernière , qui semble indiquer que la Colombie possède un certain nombre de très gros

Œufs. Mais c’est une illusion d’optique. Si nous en retirons la couche de peinture bleue, tout ce

qu’il nous reste, ce sont…mes quelques grains de poivre. M. Crawford a dit que le Nicaragua

avait besoin de consulter un ophtalmologue 144. Il avait raison, du moins en ce qui me concerne.

Même avec mes lunettes, je peux à peine à distinguer les formations insulaires de la Colombie.

56 63. Ce que vous voyez, c’est un chef d’Œuvre de création cartographique. Le but de la

manŒuvre, c’est de rendre des formations minuscules et insignifiantes bien plus grandes qu’elles

ne le sont en réalité. Non seulement la Colombie leur donne pour cadre une mer territoriale de

12milles —le jaune de l’Œuf, mais, pour renforcer l’illusion, elle y ajoute une zone contiguë de

12 milles — le blanc de l’Œuf.

64. Pour pouvoir apprécier la nature véritable de ces formations, nous devons utiliser des

cartes établies à une échelle nettement inférieure. Heureusement, la Colombie en a également mis

à disposition. Ce sont celles que M. Crawford a présentées pour étayer les emplacements retenus

145
par la Colombie pour ses points de base situés sur des formations mineures .

65. Il est plutôt remarquable que la Colombie place, non pas un, mais quatre points de base

sur Quitasueño. Même mon éminent contradict eur n’en reconnaît que trois situés sur ce qu’il

qualifie de «hauts-fonds découvrants». C’est une au tre manière de dire qu’ils sont immergés. Le

146
quatrième point de base sur Quitasueño, selon M. Crawford, est la formation dite «QS4» . C’est

celle qui, selon la démonstration si convaincante de mon collègue Oude Elferink, est immergée à

marée haute. Quatre points de base à Quitasueño, tous immergés . M.Crawford campe pourtant

sur cette position, ou peut-être serait-il plus juste de dire qu’il évolue, lui aussi, sous l’eau.

143Voir par exemple CR 2012/13, p. 35, par. 4 (Crawford).
144
CR 2012/13, p. 19, par. 35 (Crawford).
145
CR 2012/13, p. 16, par. 25-30 (Crawford).
146Ibid., p. 16, par. 26 (Crawford). - 52 -

66. Examinons un autre de leurs points de b ase. Celui-ci, qui se trouverait sur Providencia,

est en réalité sur Low Cay. Si cette formation est considérée comme émergée, elle ne fait en réalité

qu’affleurer. Ce n’est rien de plus qu’une barre de sable de 300 mètres de long. A côté d’elle, l’île

des Serpents à l’air d’un brontosaure.

67. A l’extrémité méridionale de ce prétendu «chapelet» d’îles —à l’opposé de

Quitasueño— se trouve la formation inhabitée et sans vie économique d’Albuquerque Cay. La

Colombie y a placé des points de base, non pas su r la petite caye même, mais sur deux hauts-fonds

découvrants situés à l’ouest de tout ce qui serait émergé en permanence.

68. Voilà ce qu’est le prétendu «chapelet» d’ îles qui, selon la Colombie, devrait amputer les

droits maritimes du Nicaragua d’e nviron un quart de la limite na turelle de la zone économique

exclusive de 200 milles marins à laquelle celui-ci à droit.

69. Monsieur le président, je n’exagère pas. San Andrés et Providenc ia sont effectivement

des îles, certes petites. Le reste des formations in sulaires de la Colombie — si tant est qu’elles lui

appartiennent— sont des rochers minuscules, inhabitables et sans vie économique. Ils sont

57 comparables, s’ils ne sont pas plus petits, aux îles Monjes du Venezuela, que la Colombie tient

absolument à ignorer dans toute délimitation mariti me avec le Venezuela compte tenu, selon elle,

de leur petite taille et des effets de déviation qu’elles auraient sur une ligne de délimitation. Voilà

qui montre bien que, pour la Colombie, il y a deux poids et deux mesures — se réservant ce qu’il y

a de plus avantageux et laissant le reste aux autres. Mais elle ne saurait espérer placer le moindre

point de base sur ses formations insulaires similair es, surtout après la décision rendue par la Cour

au sujet de l’île des Serpents dans l’affaire de la Délimitation maritime en mer Noire et celle rendue

par le TIDM au sujet de l’île de Saint-Martin dans l’affaire Bangladesh c. Myanmar.

70. Monsieur le président, la Cour hésite à autoriser l’établissement de points de base sur des

formations insulaires minuscules, et ce au moins depuis l’affaire du Golfe du Maine . Dans cet

arrêt, la Chambre a mis en garde contre

«les inconvénients que peut engendrer une méthode consistant précisément à retenir

comme points de base, pour le tracé d’une ligne recherchant une division à égalité
d’un certain espace, de toutes petites îles, des rochers inhabités, des hauts-fonds, situés
parfois à une distance considérable de la terre ferme» ( Délimitation de la frontière
maritime dans la région du golfe du Maine, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 329-330,

par. 201). - 53 -

La Chambre s’est expressément élevée contre ce qui consiste à «faire d’une série de ces accidents

mineurs la base même de la déterm ination de la ligne de division, autre chose que de transformer

ceux-ci en une succession de points d’appui pour la construction géométrique du tracé entier»

(ibid., p. 330, par. 201). Or, c’est exactement ce que la Colombie vous demande de faire en

l’espèce.

71. A l’exception de San Andrés et Providencia/S anta Catalina, la Colombie ne peut même

pas espérer convaincre la Cour que l’une quelconqu e de ses formations puisse influer sur la ligne

de délimitation ou obtenir autre chose qu’une mer te rritoriale. Ses conseils l’ont pour ainsi dire

admis. A plusieurs reprises, ils se sont référés à ces trois formations comme à des îles importantes,

les distinguant des autres. M. Crawford a dit que l’archipel de San Andrés comprenait au moins

147
«trois îles principales» . Nous savons tous que, dans notre jargon juridique, cela signifie «tout au

plus trois îles principales». Nous voulons bien croire que San Andrés et Providencia/Santa

Catalina sont les seules îles pouvant se voir reconnaître des droits maritimes au-delà de 12 milles

marins.

72. Ce à quoi nous nous opposons, c’est la tentative peu subtile de convertir ces trois petites

îles — et quelques grains de poivre — en un géant insulaire, une sorte d’Australie des Caraïbes. La

semaine dernière, nous avons été submergés de ré férences à l’archipel de San Andrés, qualifiée

58 148
d’«importante unité historique, politique et géographique» et de «formation majeure des

Caraïbes occidentales» 149. Et ce, dans la bouche d’un conseil qui a accusé le Nicaragua de

150
présenter «une revendication maritime excessive au point d’être absurde» .

73. Mais même ces trois îles ne sauraient servir de fondement à une quelconque ligne de

délimitation. Ce serait une lige d’équidistance tracée entre San Andrés et Providencia/Santa

Catalina, d’une part, et la côte nicaraguayenne, d’autre part, ignorant toutes les formations

insulaires inférieures. Elle est illustrée sous l’onglet 25. Comme nous l’avons montré la semaine

dernière, elle génère un effet d’amputation tout aussi prononcé et inéquitable que la ligne proposée

147CR 2012/13, p. 50, par. 49 (Crawford).
148
CR 2012/13, p. 54, par. 63 ; p. 50, par. 49 (Crawford). CR 2012/12, p. 10, par. 3, p. 19, par. 45 (Bundy).
149
Ibid., p. 36, par ; 5 (Crawford).
150CR 2012/11, p. 23, par. 18 (Crawford). - 54 -

par la Colombie. Elle accorde toujours à la Colombie l’ensemble du secteur situé à l’est de la

ligne, et 63 pour cent de la zone de chevauchement entre la côte du Nicaragua et la limite de sa

ZEE de 200 milles, soit presque deux fois la supe rficie du Nicaragua, malgré un rapport côtier de

21 à 1 en faveur du Nicaragua.

74. La Colombie n’a pas pu répondre sur ce point au premier tour. Elle sait que cette ligne

est inéquitable. C’est pourquoi ses conseils ont laissé entendre, à plusieurs reprises, que la ligne

devra être ajustée pour tenir compte de la cô te pertinente —nettement plus longue— du

Nicaragua. C’est pourquoi ils ont ouvertement parlé d’ajustements «modestes» de leur ligne

d’équidistance provisoire 15.

75. Mais qu’entendent-ils au juste par des «a justements modestes» ? Nous supposons qu’ils

vous le diront au second tour et qu’à ce moment-là, vous saurez, et nous saurons, ce qu’ils veulent

vraiment. Cela désavantage sérieusement le Ni caragua. La Colombie pourra vous dire pourquoi

ses «ajustements modestes» conduisent à une solu tion équitable et le Nicaragua n’aura pas

l’occasion de démontrer que ce n’est pas le cas. Ainsi, pour protéger les intérêts du Nicaragua,

nous n’avons pas d’autre choix que d’anticiper ce que la Colombie pourrait proposer.

76. Une possibilité — la plus «modeste» — serait que la Colombie propose de déplacer sa

ligne d’équidistance provisoire vers l’est, tout en la maintenant à l’ouest de son prétendu

«chapelet» d’îles. Pour les raisons que nous avons déjà exposées, cela ne saurait régler le

problème. Déplacer la ligne de seulement quelqu es milles marins vers l’est est loin de réparer

l’inéquité. En fait, cela accorderait à la Colombie la frontière fondée sur le 82 eméridien qui,

comme la Cour l’a déjà indiqué, n’était pas couvert e par le traité de 1928. Cela n’empêcherait pas

les petites îles colombiennes de continuer à obstr uer largement l’extension vers le large du
59
Nicaragua, à l’exception —en fait moins de la moitié— de la limite de la zone économique

exclusive de 200 milles marins à laquelle celui-ci à dr oit, mais cela laisserait la quasi-totalité de la

zone à la Colombie, bien que la côte pertinente du Nicaragua soit nettement plus longue.

77. La Colombie pourrait également propo ser de suivre l’exemple de l’arbitrage

franco-britannique concernant le traitement réservé aux îles Sorlingues. La figure est reproduite

151
CR 2012/13, p. 54, par. 63 (4) (Crawford). - 55 -

sous l’onglet26. Dans cette affaire, le tri bunal arbitral a conclu que le tracé de la ligne

d’équidistance à l’ouest de la Manche était faussé par les îles britanniques de Sorlingues, au point

d’amputer une portion de la côte de la France or ientée à l’ouest. Les îles Sorlingues se trouvent

à102milles marins de la France, soit presque à la même distance que les îles colombiennes du

Nicaragua. Comme vous pouvez le voir, l’effet des îl es Sorlingues sur la projection maritime de la

France n’était pas très prononcé et ne concernait que la portion de la côte française située entre

Portsall et Point Penmarch, soit 97 km. Tout le rest e de la vaste façade atlantique de la France n’a

pas subi d’effet d’amputation. Dans ces circonstances, le tribunal arbitral a décidé d’accorder un

demi-effet aux îles Sorlingues. La Cour elle-même a accordé un demi-effet aux îles en cause dans

152
l’affaire Tunisie/Libye et dans celle du Golfe du Maine .

78. Le Nicaragua s’oppose à ce qu’une telle démarche soit adoptée en l’espèce. Il ne serait

pas équitable à son égard d’accorder ne serait-ce qu’un demi-effet à San Andrés et Providencia. La

figure projetée montre les effets qui pourraient se produire. Compte tenu des enclaves de mer

territoriale de 3 milles marins entourant la zone que cette ligne attribuerait à la Colombie, la zone

où les droits potentiels des Parties se chevauchent serait divisée de la manière suivante : Nicaragua

149 000 km² ; Colombie 65 000 km², soit un rapport de 2.3 à 1 en faveur du Nicaragua, alors que le

rapport entre les longueurs des côtes est de 21 à 1 en faveur du Nicaragua. Ce n’est pas un résultat

équitable. Pour ces raisons, le Nicaragua fait valo ir que la seule solution équitable est celle qu’il

propose: des enclaves de mer territoriale pour toutes les formations insulaires colombiennes

situées à moins de 200milles marins de la côte nicaraguayenne. Pour aider nos intrépides

interprètes, je précise que j’en viens à présent au paragraphe 82.

79. Monsieur le président, il n’est pas rare, dans cette grande salle de justice, d’entendre des

références littéraires : Rousseau ; Montaigne ; Shakespeare ; Dostoïevski ; Confucius ; Cervantes ;

Mark Twain ; Saramago. Mais Winnie l’ourson ? Je préfèrerais éviter de tomber si bas mais je

pense qu’il convient de soulever un point de droit utile. En vertu de la convention des

60
Nations Unies sur le droit de la mer, notre animal fictif ne pouvait prétendre ni au lait condensé ni

au miel dont il est pourtant friand. En revanche , cette même convention donne au Nicaragua le

152
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982(ci-après
«Tunisie/Libye»), p. 88-89, par. 128-129 ; Golfe du Maine, p. 336-337, par. 222. - 56 -

droit à une zone économique exclusive de 200 milles marins et à un plateau continental au-delà de

200 milles, sur la base du prolongement naturel de sa masse continentale. Et oui, le Nicaragua veut

les deux comme Winnie l’ourson. Quel Etat souverain ne le voudrait pas ? Monsieur le président,

nous pensons que la convention sur le droit de la mer a plus de poids juridique que Walt Disney.

80. Autre argument de M.Crawford auquel je voudrais répondre: celui-ci m’a reproché de

m’être «bien gardé» d’examiner la pratique di plomatique lors du premier tour de plaidoiries 15. Il

n’en est rien. J’ai longuement parlé de la pratique diplomatique. Je renvoie la Cour aux

154
paragraphes 59 à 70 de mon exposé du mardi24avril. La Cour se souviendra que j’ai cité

plusieurs fois l’étude de sir Derek Bowett sur le traitement réservé aux petites îles dans les accords

maritimes, et ai démontré que la pratique étay ait largement la position du Nicaragua en l’espèce.

On relèvera que M. Crawford a qualifié ces accords de «pratique diplomatique» 15. Cela confirme

l’un des points que j’ai soulignés la semaine de rnière : il s’agit d’accords négociés, souvent fondés

sur des considérations tant politiques et économiques que juridiques. Et lorsqu’il s’agit d’accords

fondés sur des principes juridiques, ces principes, ou la manière dont les parties ont choisi de les

appliquer, ne sont pas souvent précisés. La pra tique diplomatique est une base très instable pour

les demandes de délimitation maritime.

81. Toutefois, M. Crawford m’ayant défié de répondre aux exemples d’accords qu’il a cités

pour confirmer la position de la Colombie, je vais le faire. Mon confrère a fait défiler un si grand

nombre de cartes que j’ai eu l’impression d’assister à la version condensée du «tour du monde en

80 secondes». Le temps et, j’en suis sûr, la patie nce de la Cour ne m’au torisent qu’à répondre à

quelques-uns de ces exemples triés sur le volet.

82. Commençons par «l’accord» conclu entre la République dominicaine et le Royaume-Uni

au sujet des îles Turques et Caïques 156. Ce que M. Crawford a omis de vous dire est que cet accord
61

n’a jamais été ratifié et que la République domin icaine l’a publiquement dénoncé, justement parce

153CR 2012/13, p. 18, par. 34 (Crawford).
154
CR 2012/10, p.48-51, par. 59-70 (Reichler).
155CR 2012/13, p. 18, par. 34 (Crawford).

156CR 2012/13, p. 39, par. 22 (Crawford). - 57 -

qu’elle rejette l’équidistance, jugée inéquitable entre la vaste île caribéenne qu’est Hispaniola et les

îlots minuscules que sont Turques et Caïques.

83. Concernant l’accord entre l’Inde et les Maldives, la partie orientale de la frontière

examinée par M.Crawford vendredi est, a-t-il dit, une ligne médiane entre les Maldives et une

portion de la côte continentale de l’Inde 157. Mais cela n’aide pas la Colombie. Les Maldives sont

un Etat insulaire. C’est la ra ison pour laquelle la Cour s’est at tardée sur le cas de Malte dans

l’affaire Libye/Malte, et a fait observer que «les limites maritimes pourraient fort bien se présenter

différemment dans la région si les îles maltaises, au lieu de constituer un Etat indépendant, faisaient

parties du territoire de l’un des pays voisins» ( Plateau continental (Jamahiriya arabe

libyenne/Malte), arrêt, C.I.J.Recueil1985 , (ci-après «Libye/Malte» ), p.42, par.53). Selon

Bowett : «la Cour semble laisser entendre que si Malte avait été un territoire dépendant, son droit

158
en aurait été réduit» . L’accord entre l’Inde et les Maldives est cité par Bowett comme une

illustration de la pratique qui consiste à donner aux Etats insulaires, entièrement composés de

159
groupe d’îles, un traitement égal dans la délim itation avec la côte continentale d’un autre Etat .

Cette pratique n’est pas favorable à la Colombie.

84. Les accords entre le Cap-Vert et le Sénégal et entre Sao Tomé et la Guinée équatoriale,

160
également cités par M. Crawford, se distinguent de la présente affaire pour la même raison .

85. M.Crawford a également cité l’accord concernant l’île vénézuélienne d’Aves 161. Pour

Bowett, les Pays-Bas semblent avoir accepté un plei n effet en échange du même traitement pour

157
CR 2012/13, p. 39, par.19 (Crawford).
158
D.Bowett, «Islands, Rocks, Reefs and Low-Tide El evations in Maritime B oundary Delimitations», in
J. Charvey et L. M. Alexander (dir. publ.), International Maritime Boundaries, 1993, vol. I, p. 133-134.
159
Ibid., p. 138.
160CR 2012/13, p. 39, par. 20-21 (Crawford).

161CR 2012/13, p. 38, par. 14 (Crawford). - 58 -

162
62 leur île de Saba . Cela étant, l’Organisation des Etats de la Caraïbe orientale et la communauté

163
des Caraïbes ont formulé des objections quant au poids accordé à l’île Aves .

86. L’accord de délimitation entre l’Australie et la France n’aide pas non plus la

164
Colombie . La figure s’y rapportant, qui a été déplacée par M.Crawford, est reproduite sous

l’onglet 27. La frontière est une ligne médiane séparant des îles et des récifs qui sont très éloignés

des côtes continentales des deux Parties. Selon Bowett, «les îles s’équilibrent de manière à éviter

une distorsion» parce que «les îles et récifs à l’ ouest de la Nouvelle-Calé donie sont presque aussi

éloignés de la Nouvelle-Calédonie que les récifs australiens ne le sont, à l’est, de la côte

continentale australienne» 165. C’est ce que l’on constate lorsque l’on voit sur la carte les petites

îles et les récifs situés de part et d’autre de la ligne de délimitation, que les Parties ont utilisés pour

tracer cette ligne. Pour une raison obscure, ils n’ étaient pas représentés sur la carte projetée par

M. Crawford la semaine dernière.

87. Monsieur le président, comme je l’ai dit la semaine dernière, la Colombie a trié sur le

volet quelques accords diplomatiques qu’elle a j ugés favorables à sa position. Je vais en donner

d’autres, mentionnés dans l’étude de Bowett, qui ne le sont pas. Dans ces accords, les Etats

concernés ont réduit les effets de distorsion d es petites îles en les enclavant dans ce que Bowett

appelle «un arc de mer territoriale de 3 ou 12 milles marins» 166. Bowett mentionne en particulier

l’île de Daiyina dans l’accord conclu en1969 entr e le Qatar et les Emirats arabes unis, l’île de

Pelagruz dans l’accord conclu en1968 entre l’Ita lie et la Yougoslavie et les îles de Pantellaria,

162D.Bowett, «Islands, Rocks, Reefs and Low-Tide El evations in Maritime B oundary Delimitations», in
J. Charney et L. M. Alexander (dir. publ.), International Maritime Boundaries, 1993, vol. I, p. 142.

163Ibid., p. 142, et note de bas de page 82. Communiqué publié à la clôture de la 22 conférence des chefs d’Etat
de la communauté des Caraïbes (CARICOM)2 ju0l5.1) (http://www.caricom.org/
jsp/communications/communiques/22hgc_2001_communique.jsp?menu=communications); B.Wilkinson, «OECS raps
Caracas’ claim to island,» Barbados Nation News (11 sep. 2005) (http://web.archive.org/

web/20070930154742/http://www.nationnews.com/353940187592816.php); «CARICOM may ask UN to settle Las
Aves dispute,» Latin American Herald Tribune (11 août. 2005) (http://www.laht.com/article.asp?
CategoryId=10717&ArticleId=203478) ; «OECS searching for Bird Island solution,» Caribbean News (16 mars 2006)
(http://www.caribbeannewsnow.com/caribnet/cgi-script/csArticles/articles…
000874.htm) .

164CR 2012/13, p. 40, par. 23 (Crawford).
165
D.Bowett, «Islands, Rocks, Reefs and Low-Tide Elevations in Maritime Boundary Delimitations», in
J. Charney et L. M. Alexander (dir. Publ.), International Maritime Boundaries, 1993, vol. I, p. 138-139 et note de bas de
page 52, p. 138.
166
Ibid., p. 143. - 59 -

Linosa et Lampedusa, toutes enclavées dans un arc de 13 milles marins, dans l’accord conclu entre

167
l’Italie et la Tunisie en 1976 .

63 88. Monsieur le président, la pratique diplomatique n’étaye pas les arguments développés par

la Colombie en l’espèce. Cette pratique est mieux résumée par Bowett, et je terminerai mon

examen de cette question et mon exposé en citant sa conclusion :

«dans le cas d’une île qui est éloignée de la façade côtière, ou qui n’est pas alignée sur
celle-ci, on suit généralement une approche différente. Il s’agira soit d’adopter une

méthode autre que celle de l’équidistance ou de modifier cette dernière. Ces variantes
offrent une grande flexibilité : ces îles pourront se voir attribuer un effet «partial» (un
demi effet ou une autre fraction de l’effet), pourront être partiellement ou

complètement enclavées, ou se voir simplement attribuer une zone qui n’empiètera pas
sur les revendications d’un Etat voisin. Elles pourraient être partiellement ou
pleinement enclavées ou se voir simplement attribuer cette zone qui n’empiètera pas
sur la revendication d’un Etat voisin.» 168

89. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.

Etant donné qu’il s’agit de ma toute dernière in tervention en l’espèce, je voudrais vous remercier

de votre patience et de votre c ourtoisie pendant toutes mes interv entions et souligner à quel point

j’ai été honoré de prendre la parole devant vous. Et je vous souhaite à tous un bon appétit.

Le PRESIDENT: Merci, M.Reichler, pour votre exposé. A mon tour de souhaiter bon

appétit aux équipes des Parties et au public. La Cour se réunira de nouveau cet après-midi entre

15heures et 17heures pour entendre les conclu sions du Nicaragua en son second tour de

plaidoiries et ses conclusions finales en l’affaire. Merci. La séance est levée.

L’audience est levée à 12 h 55.

___________

167
D.Bowett, «Islands, Rocks, Reefs and Low-Tide Elev ations in Maritime Bounda ry Delimitations», dans
J. Charvey et L. M. Alexander (dir. publ.), International Maritime Boundaries, 1993, vol. I, p. 143.
168Ibid., p. 151.

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