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CR 2013/29 (traduction)

CR 2013/29 (translation)

Mercredi 6 novembre 2013 à 10 heures

Wednesday 6 November 2013 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour siège ce matin

pour entendre le premier tour d’observations orales du Costa Rica sur la demande en indication de

mesures conservatoires du Nicaragua. J’appelle à la barre Son Excellence

Monsieur l’ambassadeur Edgar Ugalde Álvarez, agent du Costa Rica. Excellence, vous avez la

parole.

M. UGALDE ÁLVAREZ :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, c’est un honneur

pour moi que de plaider de nouveau devant vous au nom de la République du Costa Rica.

2. Monsieur le président, le Nicaragua affirme que le Costa Rica cause un préjudice

irréparable au fleuve San Juan en procédant à la construction d’une route qui se trouve entièrement

sur le territoire souverain du Costa Rica. Le Nicaragua conteste même le nom de cette route. Hier,

M. McCaffrey a laissé entendre que l’appellation «Route 1856 Juan Rafael Mora Porras» avait été

choisie à dessein pour offenser le Nicaragua, le président Mora Porras ayant envahi ce pays au

XIX siècle. Monsieur le président, rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Le Nicaragua a, à

maintes reprises, rendu hommage aux actions du président Mora Porras. En 2005,

Enrique Bolaños, alors président du Nicaragua, a souligné que l’incursion du président Mora Porras

en territoire nicaraguayen, en 1856, non seulement avait été autorisée par le Nicaragua mais avait

été décisive pour mettre en déroute les flibustiers, et témoignait de la solidarité des «frères

costa-riciens» envers le Nicaragua. La manière dont le Nicaragua perçoit le nom donné à cette

route est erronée et regrettable.

3. Monsieur le président, on constate un enchaînement des faits quelque peu singulier :

a) Premièrement, le Costa Rica introduit une instance contre le Nicaragua. Puis le Nicaragua

introduit à son tour une instance contre le Costa Rica.

b) Deuxièmement, le Costa Rica demande à la Cour de modifier les mesures conservatoires

qu’elle a indiquées. Puis le Nicaragua demande à son tour à la Cour de modifier les mesures

conservatoires qu’elle a indiquées.

1 Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), réplique du
Costa Rica, 15 janvier 2008, appendice A, par. A.22. - 3 -

c) Troisièmement, le Costa Rica demande à la Cour d’indiquer de nouvelles mesures

conservatoires. Puis le Nicaragua demande à son tour à la Cour d’indiquer de nouvelles

mesures conservatoires.

9 4. Nulle coïncidence dans cet enchaînement. Il s’agit là d’un mauvais usage du temps de la

Cour, éminemment regrettable.

5. Si le Costa Rica a entrepris des travaux de construction routière sur son territoire

souverain en vue de favoriser le développement des régions septentrionales du pays, c’est,

premièrement, en réaction aux menaces et actions agressives du Nicaragua qui l’ont conduit à saisir

la Cour, et, deuxièmement, parce que le Nicaragua continuait de menacer l’intégrité territoriale du

Costa Rica. M. Brenes exposera en détail le contexte dans lequel ont été entrepris ces travaux

routiers. Pour l’heure, qu’il me suffise de dire que la construction de la route frontalière était une

réaction parfaitement raisonnable aux actes illicites du Nicaragua, à savoir l’incursion en territoire

costa-ricien, ainsi que l’occupation et l’utilisation de celui-ci, et aux autres menaces et actions

agressives qui ont suivi.

6. Monsieur le président, le Nicaragua s’est plaint hier de ne pas avoir été informé des

travaux de construction effectués par le Costa Rica . 2 Le Nicaragua omet opportunément de

mentionner que c’est le Costa Rica qui a écrit au Nicaragua le 29 novembre 2011, avant

l’introduction de la présente instance, et l’a invité à engager un dialogue avec lui dans un esprit de

coopération . Le Nicaragua formulait publiquement des allégations sur les travaux de construction

routière du Costa Rica, mais sans fournir le moindre élément à l’appui de ses affirmations et sans

les porter directement à l’attention du Costa Rica.

7. Le Costa Rica a alors réagi en écrivant immédiatement au Nicaragua pour lui demander

d’étayer ses allégations, de manière à pouvoir y répondre. Le Nicaragua lui a répondu en termes

litigieux, dans lesquels ne transparaissait aucun esprit de coopération. Le Nicaragua a introduit une

requête introductive d’instance contre le Costa Rica le 22 décembre 2011.

2CR 2013/28, p. 38, par. 3 (Reichler).

3 Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), requête
introductive d’instance, 21 décembre 2011, (annexe 18, note adressée au ministre nicaraguayen des affaires étrangères
par le ministre costa-ricien des affaires étrangères et du culte, réf. DM-AM-601-11), 29 novembre 2011. - 4 -

8. Après l’introduction de la présente instance, le Costa Rica a tenté de coopérer avec le

Nicaragua afin d’établir si ses allégations de dommage causé à l’environnement reposaient sur un

quelconque fondement. Comme vous le savez, Monsieur le président, c’est le Costa Rica qui a

proposé de mettre en place un programme de surveillance conjointe des eaux du San Juan afin de
4
déterminer l’origine des sédiments déversés dans le fleuve à partir de ses deux rives . Le

Nicaragua a fait preuve de mauvaise volonté, en imposant des conditions déraisonnables à chaque

occasion, vouant de fait le programme à l’échec.

10 9. Le Nicaragua a vivement critiqué la décision du Costa Rica d’entreprendre des travaux de

5
construction routière . Or le Nicaragua n’a pas à contester la décision du Costa Rica de procéder

de toute urgence à des travaux d’infrastructure sur son propre territoire. Il lui incombe en

revanche, aux fins de la demande actuellement à l’examen, de démontrer que cette route fait peser

sur ses droits un risque imminent de préjudice irréparable ; or il n’est pas en mesure de le faire.

10. Le Nicaragua prétend que de grandes quantités de sédiments se sont déposées dans le

San Juan du fait de la construction de la route. Le Nicaragua n’a réalisé aucune étude sérieuse sur

l’impact que pouvait avoir la route sur le fleuve, contrairement au Costa Rica. Les mesures

obtenues dans le cadre des études techniques menées par le Costa Rica montrent que, dans le pire

des scénarios, l’apport sédimentaire est dérisoire, sinon imperceptible, dans ce fleuve à forte charge

sédimentaire. En ce qui concerne le cours inférieur du San Juan, dans lequel le Nicaragua affirme

être contraint de procéder à des travaux de dragage en raison de l’impact de la route, il ressort des

éléments de preuve que l’apport sédimentaire maximal au lit du fleuve du fait des travaux routiers

représenterait, au pire, deux fois la largeur d’un grain de sable . Il n’existe pas le moindre risque

que la route cause un préjudice irréparable au fleuve San Juan. C’est un point sur lequel

M. Wordsworth reviendra plus en détail tout à l’heure.

4 Lettre adressée à S. Exc. M. Samuel Santos Lopez, ministre nicaraguayen des affaires étrangères, par
S. Exc. M. Enrique Castillo Barrantes, ministre costa-ricien des affaires étrangères et du culte, 6 février 2013,
Réf. DM-AM-063-13.
5
Voir, par exemple, Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica), MN, par. 1.9 et 5.20.
6 Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica,

par. 73. - 5 -

11. Contrairement à la demande du Costa Rica en l’affaire Costa Rica c. Nicaragua, celle du

Nicaragua en l’affaire Nicaragua c. Costa Rica ne repose sur aucun fait ni développement nouveau.

Le Nicaragua formule le même grief depuis décembre 2011, et la Cour n’y a jamais fait droit.

12. Monsieur le président, je vais à présent vous exposer le plan des interventions qui se

succéderont ce matin dans le cadre de ce premier tour de plaidoiries du Costa Rica. Pour

commencer, M. Arnoldo Brenes exposera les faits relatifs à la construction de la route, y compris

les travaux entrepris à l’heure actuelle. M. Sam Wordsworth démontrera qu’il n’existe aucun

risque que soit causé un préjudice irréparable aux droits du Nicaragua. M. Sergio Ugalde

expliquera ensuite que le Nicaragua ne satisfait pas au critère d’urgence qui pourrait justifier

11 l’indication de mesures conservatoires. Enfin, M. Marcelo Kohen achèvera ce premier tour de

plaidoiries du Costa Rica en expliquant que la demande du Nicaragua n’est pas fondée et que ce

dernier ne peut prétendre à se voir accorder les mesures spécifiques qu’il demande à la Cour

d’indiquer.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, je vous remercie de

votre aimable attention. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir donner la parole à

M. Brenes.

Le PRESIDENT : Je vous remercie Excellence, et je donne à présent la parole à

M. Arnoldo Brenes. Vous avez la parole, Monsieur.

M. BRENES :

FAITS PERTINENTS CONCERNANT LA ROUTE FRONTALIÈRE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, c’est un grand

honneur que de plaider devant vous au nom du Costa Rica.

A. Introduction

2. Il m’incombe aujourd’hui de présenter quelques données élémentaires concernant la route

frontalière ainsi que les circonstances dans lesquelles celle-ci a été planifiée et construite.

Premièrement, j’expliquerai que la construction de la route frontalière était une mesure raisonnable

et parfaitement licite prise par le Costa Rica en réaction directe à la situation d’urgence nationale à - 6 -

laquelle il était confronté, et ce, du fait du Nicaragua. Deuxièmement, je rétablirai la vérité en

décrivant les vraies caractéristiques de cette route frontalière. Enfin, je vous renverrai à certaines

des mesures d’atténuation que le Costa Rica a déjà prises et qui sont en cours d’exécution. En

effet, plusieurs mois avant que le Nicaragua ne demande à la Cour d’indiquer proprio motu des

mesures conservatoires, le Costa Rica avait déjà entrepris des travaux d’atténuation et de réfection.

Hier, le Nicaragua a tenté de dépeindre ces travaux comme autant d’échecs, en nous montrant une

série de photographies sélectionnées à dessein. Or la situation sur le terrain est fort différente,

comme nous allons le voir. Le Nicaragua ne peut se voir accorder les mesures conservatoires qu’il

sollicite aujourd’hui, non seulement parce qu’il n’y a ni urgence ni risque de préjudice

irréparable — comme mes collègues vous le démontreront tout à l’heure —, mais aussi parce que

le Costa Rica, de sa propre initiative et avec efficacité, a d’ores et déjà pris les mesures que le

Nicaragua demande aujourd’hui à la Cour de lui prescrire.

B. Circonstances dans lesquelles ont été entrepris
12
les travaux de construction de la route

3. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, la décision du

Costa Rica d’entreprendre des travaux routiers dans la zone frontalière a été prise en réaction

directe à une série de menaces et d’actions agressives de la part du Nicaragua à l’égard du

Costa Rica, pays limitrophe sans armée active, depuis octobre 2010. La Cour n’ignore rien de

l’incursion du Nicaragua en territoire costa-ricien jusque-là incontesté et de l’occupation de celui-ci

dans le secteur septentrional de Isla Portillos. Les dommages causés dans ce secteur par le

Nicaragua sont également notoires. Par ses agissements, le Nicaragua entendait modifier une

frontière internationale établie depuis 1858 et fixée en 1897, et annexer une partie du territoire

costa-ricien.

4. Le Nicaragua se méprend lorsqu’il laisse entendre que la construction de la route
7
frontalière avait pour objet de permettre un accès terrestre au «territoire en litige» . Tel n’a jamais

été le but de cette route, et la carte que le Nicaragua nous a commentée hier, extraite des

observations écrites du Costa Rica sur les demandes reconventionnelles présentées par le Nicaragua

7CR 2013/28, p. 49, par. 35 (Reichler). - 7 -

8
dans son contre-mémoire en l’affaire Costa Rica c. Nicaragua , le montre clairement. En

procédant à la construction de la route frontalière, le Costa Rica voulait avant tout faciliter la

protection de sa frontière et des communautés locales eu égard à la situation créée par l’incursion

militaire du Nicaragua en octobre 2010. D’ailleurs, moins d’un mois après cette incursion illicite,

en novembre 2010, le président Ortega a revendiqué des droits inexistants de navigation sur

le Colorado, un fleuve costa-ricien qui coule exclusivement en territoire costa-ricien . 9 Cette

menace de revendication de droits de navigation proférée par le président Ortega s’est

accompagnée d’une intensification de la présence militaire nicaraguayenne le long du San Juan , 10

en particulier le long de son cours inférieur, c’est-à-dire la portion du fleuve qui s’étend du delta du

Colorado jusqu’à l’embouchure du San Juan dans la mer des Caraïbes. Au vu des circonstances, le

Costa Rica avait des motifs très réels et plausibles de craindre que la situation ne dégénère en

conflit armé. Ses préoccupations étaient d’autant plus vives qu’il n’a pas la capacité militaire de

repousser une invasion armée.

13 5. Face aux actions agressives du Nicaragua, le conseil de sécurité nationale du Costa Rica

s’est réuni le 24 novembre 2010 afin d’analyser la situation. Il a demandé aux ministres de faire le

11
nécessaire pour assurer l’accès à la zone frontalière , la seule voie permettant d’atteindre les postes

de police de Delta Costa Rica et de Boca Sarapiquí étant la voie fluviale, en empruntant le

Colorado ou le Sarapiquí. La carte qui est actuellement projetée à l’écran, et qui se trouve sous

l’onglet n 6 de vos dossiers, montre l’emplacement de ces postes de police. Le seul qui est

accessible par la route est celui de Boca San Carlos, mais il est toutefois très difficile de s’y rendre

pendant la saison des pluies. En outre, aucune voie de communication terrestre ne reliait tous ces

postes entre eux.

8Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), observations

écrites du Costa Rica sur la recevabilité des demandes reconventionnelles du Nicaragua, 30 novembre 2012.
9 El 19 (Nicaragua), «Nicaragua will request before the ICJ navigation through Río Colorado»,
13 novembre 2010, disponible à l’adresse suivante : http ://www.el19digital.com/index.php?option=com_content&view=
article&id=18149:nicaragua-pedira-ante-cij-navegacion-por-rio-colorado&catid=23:nacionales&Itemid=12 ; onglet n 3

du dossier de plaidoiries du Costa Rica.
10La Nación (Costa Rica) «Nicaragua Reinforces Troops at the Border», 24 octobre 2010, disponible à l’adresse
suivante : http ://www.nacion.com/sucesos/Nicaragua-refuerza-tropas-frontera_0_1154884554… ; onglet n 4 du
dossier de plaidoiries du Costa Rica.

11Gouvernement du Costa Rica, Certification of Minutes of National Security Council Ordinary Session No. 3 of
24 Nov. 2010 ; onglet n 5 du dossier de plaidoiries du Costa Rica. - 8 -

er
6. Faisant suite à la demande du conseil de sécurité nationale, le 1 décembre 2010, le

ministre costa-ricien de la sécurité publique a écrit au ministre costa-ricien des travaux publics et

des transports concernant la nécessité de disposer d’un accès aux postes de police de

Delta Costa Rica, Boca Río Sarapiquí, Puerto Lindo et Los Chiles par la voie terrestre. Il a

12
également demandé que les routes d’accès soient remises en état . En décembre 2010, des travaux

ont donc été entrepris pour assurer la desserte des postes de police de Delta Colorado et de

Boca Río Sarapiquí par la voie terrestre. Finalement, il a été décidé d’étendre les travaux entre

Delta et la ville de Los Chiles, dans l’idée de construire une voie de communication terrestre d’un

seul tenant entre tous ces postes de police situés le long de la frontière.

7. L’une des principales raisons ayant motivé la construction de la route frontalière était de

bâtir une infrastructure de défense afin que la police costa-ricienne puisse avoir un accès direct et

rapide, par la voie terrestre, à la frontière avec le Nicaragua et que la population locale puisse

bénéficier de services essentiels. Ce sentiment d’urgence s’est intensifié après que le

président Ortega eut proclamé, le 6 avril 2011, que la province costa-ricienne de Guanacaste, située

13
en bordure de l’océan Pacifique, était en réalité nicaraguayenne . Cette menace concernant

Guanacaste a été réitérée par le président Ortega il y a moins de trois mois, lors d’un discours qu’il

e 14
a prononcé à l’occasion de la célébration du 33 anniversaire des forces navales du Nicaragua .

14 8. Le Nicaragua a suggéré hier que le Costa Rica construisait cette route uniquement pour

15
assurer sa défense nationale . Or le Costa Rica a une autre raison très importante d’agir comme il

le fait : la nécessité de réduire la dépendance de la population et des pouvoirs publics costa-riciens

à l’égard du San Juan en tant que seule et unique voie de communication. Le Costa Rica possède

des droits perpétuels de libre navigation dans la région frontalière. De tout temps, les habitants de

la région, apparemment quelque 1900 personnes, ainsi que les pouvoirs publics n’ont eu d’autre

12Note adressée au ministre costa-ricien des travaux publics et des transports par le ministre costa-ricien de la
er o
sécurité publique, 1 décembre 2010, réf. 2278-2010 ; onglet n 7 du dossier de plaidoiries du Costa Rica.
13 Voir «Inaugural Lesson of the Academic Year 2011, 6 April 2011», disponible à l’adresse suivante :
http ://www.presidencia.gob.ni/index.php?option=com_content&view=article&id=358 :leccion-inaugural-del-ano-acade
mico-2011&catid=84 :abril-2011&Itemid=54&showall=1 ; onglet n 9 du dossier de plaidoiries du Costa Rica.

14El 19 (Nicaragua) «33rd Anniversary of the Naval Force», 14 août 2013, disponible à l’adresse suivante :
http ://www.el19digital.com/index.php/discurso/ver/12213/33-aniversario-de-la-f…- ; onglet n 10 du dossier de
plaidoiries du Costa Rica.

15CR 2013/28, p. 46, par. 30 (Reichler). - 9 -

choix que d’emprunter le San Juan pour se déplacer dans la région frontalière, faute de routes

praticables 16 — un fait que le Nicaragua lui-même a reconnu . La nécessité d’offrir un accès

routier est devenue d’autant plus impérieuse que le Nicaragua multipliait les entraves aux droits de

navigation du Costa Rica. Comme ce dernier l’a expliqué en l’affaire Costa Rica c. Nicaragua, le

18
Nicaragua a empêché les Costa-Riciens d’emprunter les eaux du San Juan . Cette politique de

restriction à l’égard des droits de navigation du Costa Rica sur le San Juan est allée s’intensifiant, le

dernier incident en date remontant au 18 septembre 2013, lorsque des agents du Costa Rica chargés

de la protection de l’environnement se sont vu refuser le droit de naviguer sur le San Juan afin de

vérifier l’existence de nouveaux caños artificiels en cours de construction par le Nicaragua dans le

territoire en litige de Isla Portillos .

9. C’est au vu de ces circonstances que, en décembre 2010, le Costa Rica a engagé des

travaux d’infrastructure afin d’ouvrir un accès routier aux postes de police situés le long de la

frontière. Il lui a donc fallu procéder à des travaux d’amélioration de quelques routes rudimentaires

qui existaient déjà et qui reliaient ces postes de police à d’autres communautés locales. Dans

certains cas, de nouveaux tronçons de route ont été construits afin de desservir l’ensemble des

communautés vivant dans ces régions reculées. Cette route devait permettre aux représentants des

15 pouvoirs publics et à la population locale de se déplacer, en général ou en cas d’urgence. Elle

devait également permettre au Costa Rica d’apporter d’autres services essentiels à ces régions en

cas de besoin, sans avoir à emprunter le San Juan. Cette nécessité devenait d’autant plus pressante

que le Nicaragua imposait des restrictions aux droits de navigation du Costa Rica. Ayant ces

16Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), MCR, par. 2.05,
2.06 et 4.53.
17
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), CMN,
annexe 12, Technical Opinion, Environmental Impact Study Project, Improvement of Navigation on the San Juan de
Nicaragua River, novembre 2008, p. 263.
18
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), MCR,
p. 290-294, par. 6.54-6.60 ; annexes 121, 122 et 131, La Nación (Costa Rica), «Nica Army impedes teacher access to
Isla Calero», 16 février 2011 ; La Nación (Costa Rica), «MEP will relocate the school located in Isla Calero»,
17 février 2011 ; La Nación (Costa Rica), «Border School started lessons with a 100 days delay», 19 mai 2011. Voir
aussi La Nación (Costa Rica) «Nicaraguan immigration denies entry to journalists through San Juan River»,
22 octobre 2010, disponible à l’adresse suivante : http ://www.nacion.com/archivo/Migracion-prohibe-periodistas-
San-Juan_0_1154484546.html ; onglet n 11 du dossier de plaidoiries du Costa Rica.

19Voir Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
Demande en indication de nouvelles mesures conservatoires déposée par le Costa Rica, rapport en date du
18 septembre 2013 établi par le ministère de l’environnement et de l’énergie (MINAE) du Costa Rica et le réseau
national des zones de conservation (SINAC), annexe 6. - 10 -

considérations à l’esprit et soucieux de créer le cadre juridique nécessaire à la réalisation de ces

travaux, le 21 février 2011, le Gouvernement costa-ricien a pris un décret exécutif intitulé

«Proclamation de l’état d’urgence à la suite de la violation de la souveraineté costa-ricienne par le

20
Nicaragua» .

10. Ce décret instituant l’état d’urgence a fait l’objet de trois instances distinctes devant la

Cour constitutionnelle du Costa Rica. A chaque fois, la Cour constitutionnelle a confirmé la

constitutionnalité du décret exécutif. Les travaux de construction de la route ont donc été déclarés

conformes au régime juridique du Costa Rica. Conformément à la jurisprudence constante de la

Cour constitutionnelle, et au vu la situation d’urgence nationale à laquelle le Costa Rica était en

butte du fait des agissements du Nicaragua, le Gouvernement costa-ricien n’était pas juridiquement

tenu de conduire des études environnementales ni de présenter les détails de son projet de

construction de la route frontalière. Les affirmations du Nicaragua arguant du contraire sont

21
dénuées de fondement . Je note également que, en droit interne nicaraguayen, face à des situations

d’urgence nationale, et notamment pour des raisons de sécurité, il est possible de déroger à la règle

22
ordinaire faisant obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement .

11. Au vu des circonstances extraordinaires créées par le Nicaragua, qui faisaient peser une

menace réelle et imminente sur l’intégrité territoriale du Costa Rica et le bien-être de ses habitants,

le Costa Rica a décidé de prendre des mesures licites et pacifiques aussi vite que possible. Toutes

les dispositions prises par le Costa Rica en réaction à la situation décrite dans le décret instituant

l’état d’urgence, et en particulier les travaux d’infrastructure routière dans la région frontalière,

sont licites en droit costa-ricien, comme elles le seraient dans la plupart des autres pays au regard

de leur droit interne. Le Costa Rica démontrera également, en temps voulu, qu’il a agi

conformément au droit international.

20
Voir Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Joan (Nicaragua c. Costa Rica), MN,
annexe 35, décret exécutif 36440-MP du 21 février 2011, publié dans La Gaceta, n 46 du 7 mars 2011.
21MN, vol. I, par. 2.20.

22 Nicaragua, décret n 76-2006, adopté le 19 décembre 2006, publié dans La Gaceta n 248 du o
22 décembre 2006, art. 12, disponible à l’adresse suivante : http ://www.ine.gob.ni/DCA/leyes/decreto/
Decreto_76-2006_SistemaEvaluacionAmbiental.pdf. - 11 -

C. Rétablir la vérité en ce qui concerne la route frontalière
16

12. Monsieur le président, je vais à présent rétablir la vérité en ce qui concerne la route

frontalière. Dans son ensemble, le projet de route frontalière implique la réalisation de travaux sur

quelque 380 kilomètres, dont environ 160 kilomètres le long de la frontière entre Los Chiles et

Delta Costa Rica. La carte qui est actuellement projetée à l’écran figure sous l’onglet n 12 du o

dossier de plaidoiries. Sur les 160 kilomètres qui constituent la totalité de la route dans la région

frontalière, le tronçon qui s’étend de la borne II à Delta Colorado, c’est-à-dire la zone dans laquelle

la rive droite du San Juan marque la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua, représente

environ 108 kilomètres . C’est sur cette partie de la route que porte la demande du Nicaragua en

l’espèce. Il est intéressant de relever que presque 64 pour cent de la route reliant Los Chiles à

Delta Costa Rica, qui au total compte 160 kilomètres, sont constitués de routes rudimentaires qui

24
existaient déjà . De même, dans la zone située entre la borne II et Delta Costa Rica, quelque

46 pour cent de la route 1856 ont été construits sur des pistes préexistantes . 25

13. Le fait que la route 1856 ait été construite sur ces routes préexistantes signifie aussi que,

en réalité, l’impact de la route frontalière a été bien moins important que ne le prétend le

Nicaragua. Ainsi que le démontre le rapport sur l’évolution de l’utilisation des terres soumis par le

Costa Rica, environ 72 pour cent de la zone dans laquelle la route frontalière a été construite était

constituée de pâturages sur lesquels les arbres et la végétation avaient déjà été dégagés bien avant

la construction de la route . Ainsi, l’impact de celle-ci sur l’environnement, l’écologie, l’érosion

des sols et la production de sédiments au Costa Rica est faible à imperceptible sur près des trois

quarts de la longueur de la route . 27

14. Etant donné l’urgence de la situation, le service compétent connu sous son acronyme

espagnol, «CONAVI» du ministère costa-ricien des travaux publics et des transports a fait appel

à plusieurs entrepreneurs locaux pour mener à bien les travaux nécessaires sur la route frontalière.

23Allan Astorga G. et Andreas Mende, route 1856 : analyse de l’évolution de l’utilisation des terres d’après les
images satellite prises avant et après la construction de la route frontalière, août 2013, annexe 4 de la lettre du coagent du
er
Costa Rica en date du 1 novembre 2013, p. 4.
24Ibid., p. 6.

25Ibid.
26
Ibid., p. 27.
27Ibid. - 12 -

Afin d’accélérer la réalisation des travaux dans ces circonstances d’urgence nationale, la route

frontalière a été divisée en cinq sections. Chacune d’elles a été attribuée à un entrepreneur

différent afin de pouvoir réaliser les travaux simultanément sur toutes les sections. La carte

17 actuellement projetée à l’écran, et qui figure sous l’onglet n 13 de vos dossiers de plaidoiries, est

la carte officielle du CONAVI, sur laquelle sont représentées les différentes sections de la route

frontalière qui ont été attribuées à différents entrepreneurs. Y ont également été représentées les

routes qui permettraient d’accéder à la route frontalière à partir de différents points du pays.

15. Les entrepreneurs engagés par le CONAVI ont dû mettre en œuvre des solutions

temporaires, telles que la construction de petits ponts et ponceaux à l’aide de rondins et de

conteneurs métalliques. Le recours à ces solutions temporaires était destiné à mettre en place les

infrastructures de base permettant de desservir provisoirement les villes et autres lieux situés le

long de la frontière qui ne disposaient pas d’autres moyens d’accès viables, et ce, lorsque pareil

accès était devenu nécessaire du fait de l’urgence nationale, et également d’assurer le transport des

équipements et du personnel affectés à la construction de la route frontalière, afin que les travaux

puissent progresser.

16. Hier, le Nicaragua a évoqué certains rapports établis par le laboratoire national des

matériaux de l’Université du Costa Rica et le collège des ingénieurs du Costa Rica. En substance,

le Nicaragua n’a fait que répéter les allégations mensongères qui figurent dans son mémoire à

propos de ces documents. Selon lui, il était indiqué dans ces rapports que la construction de la

route frontalière avait entraîné le déversement de sédiments dans le San Juan, créant ainsi des

28
obstacles dans le fleuve qui, à leur tour, avaient entravé la navigation . Pareille allégation est tout

simplement fausse, comme en attestent les rapports eux-mêmes. Si un doute persistait, une lettre

dans laquelle le président du collège des ingénieurs explique comment le Nicaragua a utilisé de

façon abusive le rapport établi par l’institution qu’il préside figure sous l’onglet n 14 de vos

dossiers de plaidoiries .9

28CR 2013/28, p. 16, par. 23 (Arguëllo).
29
Lettre portant la référence 034-2012-2013-PRES en date du 28 août 2013 adressée au ministre costa-ricien des
affaires étraogères, M. Enrique Castillo Barrantes, par le président du collège des ingénieurs et architectes du Costa Rica.
Voir l’onglet n 14 du dossier de plaidoiries du Costa Rica. - 13 -

17. Dans un premier temps, les travaux ont progressé rapidement et de manière efficace.

Cependant, les fonds étant épuisés en décembre 2011, les travaux ont progressé plus lentement au

début 2012. Avant que le projet puisse être finalisé, le Gouvernement costa-ricien a fait connaître

et dénoncé, en mai 2012, des soupçons d’irrégularités touchant aux paiements effectués au titre des

travaux routiers. Cela a immédiatement déclenché l’action des autorités administratives et

judiciaires costa-riciennes, et une enquête de grande envergure a été lancée. Ainsi que l’a hier
30
18 reconnu le Nicaragua , l’état de droit est suffisamment établi au Costa Rica pour que des actes de

corruption apparents y soient détectés et que des mesures soient prises pour y remédier. Les

enquêtes menées par le pouvoir judiciaire et le congrès costa-riciens, ainsi que par le bureau du

contrôleur national, sont toujours en cours. Le Gouvernement s’est efforcé d’appliquer les

procédures de passation des marchés les plus strictes, qui comportent notamment l’organisation

d’appels d’offres et une procédure d’appel, et ce, dans le but d’assurer une transparence totale. Il a

également pris toutes les mesures pour garantir que la route serait construite conformément à des

normes rigoureuses en matière d’ingénierie et d’environnement. Des efforts sont déployés pour

finaliser des contrats visant à établir les plans définitifs de la route tout entière, après quoi des

appels d’offres seront lancés en vue de conclure des contrats pour la construction de cette route.

18. Le Nicaragua semble entièrement fonder sa prétention quant à l’urgence de la situation

sur une présentation faite par le ministre des travaux publics lors d’une conférence de presse qui a

eu lieu le 14 mars 2013 et au cours de laquelle celui-ci a montré un graphique présentant les dates

prévues pour la construction de la route en cinq phases. Vous trouverez ce graphique sous

o
l’onglet n 23 de vos dossiers de plaidoiries, et il est actuellement projeté à l’écran. Il est étrange

que le Nicaragua n’ait «découvert» que récemment cet échéancier, puisqu’il est accessible au

public depuis le mois de mars de cette année. Mon collègue, M. Ugalde, vous en dira bientôt plus à

ce sujet. En tout état de cause, l’interprétation sélective que le Nicaragua fait de cet échéancier est

curieuse, car elle est uniquement concentrée sur la colonne de droite, dans laquelle sont indiquées

les dates prévues pour la construction, mais ne fait aucun cas de la colonne de gauche, qui concerne

la phase conceptuelle. De toute évidence, cet échéancier n’est plus à jour. Les délais fixés pour la

30CR 2013/28, p. 40, par. 12 (Reichler). - 14 -

phase conceptuelle n’ayant pas été respectés, l’échéancier tout entier a été reporté. Bien que

plusieurs appels d’offres aient été lancés ces derniers mois pour conclure des contrats visant à

établir les plans définitifs de la route, il n’a, à ce jour, été possible de conclure aucun de ces

contrats. Or, à défaut de plans, aucun travail de construction supplémentaire ne pourra être réalisé

à court terme, à l’exception des travaux qui sont actuellement effectués sur des ponts.

D. Les travaux réalisés pour atténuer l’impact
des travaux sur l’environnement

19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, en dépit des allégations

exagérées du Nicaragua, il s’agit d’un projet auquel est assurément accordée la priorité. Il est

également mis en œuvre en prenant dûment en considération son impact sur l’environnement et en

respectant pleinement la législation, notamment celle qui touche aux obligations en matière de

passation des marchés publics. C’est précisément pour cela que les travaux n’ont pas progressé

aussi rapidement que nous l’aurions tous souhaité. Mais les déboires que le Gouvernement

costa-ricien a connus n’ont pas abouti au désastre que nous présente le Nicaragua. Manifestement,
19

ils n’emportent aucun risque de préjudice irréparable pour l’un quelconque des droits que le

Nicaragua revendique en l’espèce, question qui forme l’objet des présentes audiences relatives à la

demande en indication de mesures conservatoires déposée par le Nicaragua.

20. Depuis le mois d’avril 2012, le Gouvernement costa-ricien entreprend des travaux pour

consolider ceux qui ont déjà été entamés et en corriger certains aspects. En fait, le Costa Rica a

mis en œuvre un ensemble de mesures correctives, et des rapports techniques expliquant ces

mesures ont été communiqués à la Cour et au Nicaragua dans le cadre des présentes audiences. Le

Nicaragua lui-même a intégré dans son mémoire un plan de gestion environnementale établi par le

ministère costa-ricien de l’environnement, plan qui a servi de base à de nombreux travaux visant à

31
atténuer l’impact des travaux routiers sur l’environnement . Parmi les documents que le

Costa Rica a soumis à la Cour figure un rapport actualisé établi par la vice-ministre de

l’environnement, dans lequel sont expliquées certaines des mesures prises à ce jour en application

31Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), MN, annexe 2. - 15 -

de ce plan . Une étude du diagnostic environnemental plus complète sera annexée, le mois

prochain, au contre-mémoire du Costa Rica.

21. Les rapports que le Costa Rica a soumis à la Cour dans la présente phase incidente

suffisent à réfuter le tableau que le Nicaragua tente de dépeindre. Dans un rapport publié par le

CONAVI le 25 octobre 2013, des détails sont fournis sur les travaux routiers réalisés par le

33
Costa Rica entre février et avril de cette année . Ce document comprend une série de

photographies «avant» et «après» la réalisation des travaux, dont certaines sont actuellement

projetées à l’écran.

22. Le rapport d’expertise établi par M. Colin Thorne porte sur les travaux qu’il a constatés

par lui-même durant les visites qu’il a effectuées cette année au Costa Rica, notamment dans les

zones dans lesquelles il a été procédé à un reboisement . M. Thorne conclut que «par rapport à la

situation qui prévalait immédiatement après la construction de la route, les mesures prises par le

Costa Rica ont réduit et continueront de réduire le risque d’une érosion importante lors de fortes

précipitations» et «réduiront de façon significative les taux d’érosion locaux pendant l’année ou les

deux années à venir, ce qui laissera le temps de mener à bien les phases de conception, de passation

de contrats et de travaux nécessaires à la construction définitive de la route».

20 23. Le tableau que le Nicaragua tente de dépeindre ne correspond pas à la réalité. La route

n’est pas l’immense désastre qu’il décrit. Les photographies projetées à l’écran donnent un juste

aperçu de la situation sur le terrain. Elles montrent ce qui a été fait et prouvent que la situation

n’est pas celle que le Nicaragua voudrait vous faire accroire.

24. D’autres travaux sont actuellement en cours, et des plans concrets sont prêts pour les

travaux à venir. Sept zones dans lesquelles des travaux seront entrepris pour remédier aux

dommages causés par les travaux routiers ont été définies entre la borne II et Delta Costa Rica ;

vous pouvez les voir sur la carte qui figure sous l’onglet n 15 de vos dossiers de plaidoiries et qui

32
Rapport portant la référence DVM-293-2013 en date du 8 octobre 2013 adressé au ministre costa-ricien des
affaires étrangères, M. Enrique Castillo Barrantes,par la vice-ministre costa-ricienne ere l’environnement,
Mme Ana Lorena Guevara Fernández. Annexe 5 de la lettre du coagent du Costa Rica en date du 1 novembre 2013.
33Conseil national des autoroutes (CONAVI), Programme de consolidation et d’amélioration continue de la

roere 1856, réf. DIE—02-13-3107, 25 octobre 2013. Annexe 3 de la lettre du coagent du Costa Rica en date du
1 novembre 2013.
34Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre du coagent du Costa Rica en date du
4 novembre 2013, p. 41, par. 89. - 16 -

est actuellement projetée à l’écran. En ce qui concerne les trois premiers points, qui sont situés

entre la ville de Tiricias et la rive orientale de l’Infiernito, les travaux seront effectués directement

par le ministère costa-ricien des travaux publics, à l’aide de son propre matériel et de son propre

personnel. Pour les points quatre, cinq et six afin d’éviter d’avoir recours à des équipements

lourds qui pourraient être source de perturbations supplémentaires les travaux seront effectués

manuellement, et le ministère de l’environnement est actuellement en train d’engager une ONG

spécialisée dans ce type de travail. Ces travaux comprendront la stabilisation des pentes, la

construction de fossés, de ponceaux et de pièges à sédiments, et la plantation de végétation. De

l’herbe spécifiquement adaptée pour empêcher l’érosion a déjà été plantée sur plusieurs pentes.

L’annexe 6 comprend plusieurs photographies montrant les pentes avant et après la réalisation des

travaux .35

25. Depuis avril 2012, le Costa Rica a déjà procédé à la plantation d’arbres à grande échelle

dans la zone frontalière, principalement sur la rive du fleuve San Juan, à proximité de la route. A

ce jour, il a planté environ 27 000 arbres d’essence locale dans différents sites situés le long de la

route, arbres dont la hauteur est actuellement comprise entre 1 et 3 mètres . Fin septembre 2013,

une deuxième phase du projet de reforestation a débuté, dans le cadre de laquelle 25 000 arbres
37
supplémentaires devraient être plantés, pour atteindre au total 52 000 arbres .

26. Dans sa demande, le Nicaragua a dressé la liste des mesures qu’il prie la Cour d’indiquer

à l’intention du Costa Rica à titre de deuxième mesure conservatoire. Monsieur le président, le

21 Costa Rica met déjà en œuvre les mesures nécessaires pour améliorer les travaux routiers dans la

zone frontalière, et ce, depuis longtemps. M. Kohen expliquera de façon plus détaillée à la Cour

pourquoi la deuxième mesure conservatoire demandée par le Nicaragua est non seulement

dépourvue de fondement, mais également inutile.

35
Comisión de Desarrollo Forestal de San Carlos (CODEFORSA), Services de conseil pour l’élaboration et la
mise en œuvre d’un plan environnemental pour la route frontalière Juan Rafael Mora Porras, rapport d’activités destiné
au ministère costa-ricien des affaires étrangères, janvier 2013. Annexe 6 de la lettre du coagent du Costa Rica en date du
1 novembre 2013.
36
Rapport portant la référence DVM-293-2013 en date du 8 octobre 2013 adressé au ministre costa-ricien des
affaires étrangères, M. Enrique Castillo Barrantes, par la vice-ministre costa-ricienne er l’environnement,
Mme Ana Lorena Guevara Fernández. Annexe 5 de la lettre du coagent du Costa Rica en date du 1 novembre 2013.
37Ibid. - 17 -

27. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

aimable patience, et je vous prie respectueusement de bien vouloir donner la parole à

M. Wordsworth.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Brenes. J’appelle à présent à la barre

M. Samuel Wordsworth pour qu’il poursuive. Vous avez la parole, Monsieur.

M. WORDSWORTH :

A BSENCE DE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

A. Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un privilège de me

présenter devant vous et d’avoir été invité par la République du Costa Rica à traiter la question du

risque de préjudice irréparable dont le Nicaragua fait état. Avant d’aborder en détail cet aspect de

la demande du Nicaragua, je souhaiterais formuler quatre remarques introductives.

2. Premièrement, le Nicaragua a évidemment présenté sa demande à un stade inhabituel de la

procédure, et la Cour pourrait avoir l’impression de disposer d’un nombre exceptionnellement

important d’éléments de preuve pour statuer sur une demande en indication de mesures

conservatoires, notamment deux nouveaux rapports de l’expert du Nicaragua, M. Kondolf, ainsi

que le rapport de celui-ci présenté avec le mémoire du Nicaragua, et il paraît qu’il y aurait même

un quatrième rapport en préparation. La Cour doit donc, encore plus que d’habitude, faire un

travail de filtrage des arguments et des éléments de preuve qui lui ont été présentés à ce stade.

Seuls importent pour l’instant les arguments avancés par le Nicaragua et les éléments de preuve

qu’il a présentés relativement à la question de savoir s’il existe ou non un risque réel et imminent

qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant que la Cour n’ait rendu sa décision

38
définitive . Les arguments avancés par le Nicaragua, tels que ceux relatifs aux faits de corruption

impliquant plusieurs entrepreneurs, il y a de cela deux ou trois ans, ou se rapportant à la question de

22 savoir si une évaluation de l’impact sur l’environnement a été réalisée au début de la construction

38Voir Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21, par. 64 ; voir aussi Application de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de
Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 392, par. 129. - 18 -

de la route, pourraient vraisemblablement être pertinents pour l’examen au fond, mais ils n’ont que

peu d’utilité, voire aucune, pour aider à la Cour à statuer sur l’existence, à l’heure actuelle, du

risque réel et imminent nécessaire.

3. Deuxièmement, le Nicaragua a eu quelque vingt-trois mois pour rassembler des éléments

de preuves relatifs à l’existence du risque réel et imminent, ce qui ne fait qu’attirer encore

davantage l’attention sur le fait que ces éléments, lorsque l’on s’intéresse aux données

potentiellement pertinentes, par opposition aux affirmations générales, se réduisent à :

a) de nombreuses photographies de prétendus effondrements de remblais, et de supposés «deltas»

de sédiments ;

b) deux modestes opérations de prélèvements ;

c) la fascinante vidéo, bien entendu, et les photographies qui en sont extraites, d’un tuyau en

plastique que le Nicaragua aurait apparemment traîné jusqu’au fleuve depuis un affluent

costa-ricien, deux semaines environ après avoir présenté sa demande en indication de mesures

conservatoires.

4. Je reviendrai sur ces éléments dans un instant, mais ce qui importe, à l’heure actuelle,

c’est que le Nicaragua a eu presque deux ans pour présenter des éléments de preuve détaillés sur la

turbidité du fleuve avant et après la construction de la route, ainsi que sur la manière dont une

sédimentation accrue crée un risque réel et imminent pour la navigation, ainsi que pour certaines

espèces au sein de l’écosystème du fleuve et la santé humaine. Pourtant, en dépit du tableau

impressionniste que le Nicaragua a brossé hier, assorti de références à quelques passages restreints

du rapport de M. Kondolf en date du 30 octobre, ces éléments de preuve indispensables font

cruellement défaut. Hier, mon ami, M. McCaffrey, a fait grand cas de l’accrétion des sédiments,

qu’il a qualifiée de mort à petit feu . Mais, curieusement, il a parlé d’accrétion dans l’absolu, et

n’a fourni aucune des données dont la Cour a besoin pour déterminer si la sédimentation accrue

résultant de la construction de la route vient augmenter de façon sensible les grandes quantités de

sédiments déjà présentes dans le fleuve, et si cela crée, de ce fait, un risque de préjudice

irréparable.

39
CR 2013/28, p. 23, par. 1 (McCaffrey). - 19 -

5. Troisièmement, et par contraste, les experts du Costa Rica ont réalisé les études voulues

sur l’accroissement de la charge sédimentaire du fleuve San Juan. Ces analyses n’ont

naturellement pas été faites du jour au lendemain, et elles se poursuivent depuis de longs mois,

dans le cadre des recherches nécessaires à la rédaction du contre-mémoire, qui sera déposé dans

six semaines environ. Ces recherches ne portent pas seulement sur la sédimentation induite par la

23 construction de la route, mais aussi sur la quantité de sédiments déjà présente dans le fleuve,

puisqu’il est évidemment impossible d’évaluer les répercussions réelles ou potentielles sur le fleuve

avant d’avoir déterminé les données de départ. Si le Nicaragua fait valoir le risque d’une mort à

petit feu, argument qui m’a paru particulièrement défensif, on ne saurait établir l’existence de ce

risque en présentant des preuves abstraites des toutes dernières flammes, ce que, en réalité, le

Nicaragua s’est contenté de faire. Il faut avoir connaissance de la situation antérieure pour savoir si

ces nouvelles flammèches supposées auront une incidence concrète. Telle est la façon dont a

procédé le Costa Rica : réalisation d’une étude détaillée des charges sédimentaires actuelles et

passées, et contrôle de la sédimentation induite par la route, comme cela figure dans les rapports

réalisés par le service hydrologique de l’institut costa-ricien d’électricité et par le département du

génie civil de l’Université du Costa Rica, et comme l’avait demandé l’expert indépendant du

Costa Rica, M. Thorne, qui a également présenté un rapport.

6. Vous trouverez ces rapports sous les onglets n 17- 19 du dossier de plaidoiries, et j’y

reviendrai dans un instant. Mais j’espère que la Cour saura tirer parti du fait que, lorsqu’on

examine de plus près les preuves fournies par les experts, on constate qu’il ne s’agit pas, en

l’espèce, de dire si les preuves fournies par l’expert X doivent l’emporter sur celles de l’expert Y.

Les éléments de preuve respectivement présentés par le Costa Rica et le Nicaragua se distinguent

au contraire de par leur portée et leur méthodologie ; et s’agissant de la question du risque de

préjudice irréparable, les éléments relatifs aux données et aux contrôles comportent d’importantes

lacunes que le Nicaragua a, semble-t-il, décidé de ne pas combler.

7. Cela m’amène à ma quatrième remarque introductive : si l’on revient quelques instants en

arrière, les lacunes observées dans les preuves présentées par le Nicaragua étaient tout à fait

prévisibles. Si ce dernier avait des arguments solides quant à l’existence d’un risque réel et

imminent, il les aurait vigoureusement fait valoir lorsqu’il a présenté sa requête, il y a près de - 20 -

deux ans, ou au plus tard lorsqu’il a soumis son mémoire, en décembre 2012. Mais ces pièces ne

contenaient bien entendu rien d’autre qu’une simple réserve de droits, assortie d’un trompe-l’œil

prenant la forme d’une demande tendant à ce que la Cour ordonne d’office des mesures

conservatoires. L’Etat faisant face à un risque réel de préjudice irréparable n’hésite jamais à

engager et je crains que ce soit là un autre trompe-l’œil une procédure en indication de

mesures conservatoires que le Nicaragua veut bien désormais qualifier de longue et coûteuse ; il 40

24 se lance, tout simplement. L’omission, de la part du Nicaragua, de soutenir dès le départ avec la

vigueur habituelle une demande en indication de mesures conservatoires en dit long sur la réalité,

c’est-à-dire l’inexistence des risques qu’il invoque tardivement.

B. L’argumentation du Nicaragua concernant le préjudice irréparable

8. Tout en gardant à l’esprit ces considérations introductives, venons-en maintenant aux

détails de l’argumentation du Nicaragua sur le préjudice irréparable, qui, comme il est indiqué dans

sa demande du 11 octobre 2013, repose sur «un brusque accroissement de la charge sédimentaire

du fleuve San Juan, qui a contraint le Nicaragua à prendre des mesures énergiques, y compris de

dragage», et les «dommages irréparables causés au fleuve et au milieu environnant, notamment à la

41
navigation, ainsi qu’à la santé et au bien-être de la population riveraine» .

9. En ce qui concerne le brusque accroissement supposé, le Nicaragua devrait pouvoir le

prouver aisément à l’aide de données d’échantillonnage et de contrôles. Ou bien une augmentation

marquée du taux de sédimentation du fleuve a eu lieu depuis les premiers travaux de construction

de la route en 2011, ou bien elle n’a pas eu lieu. Etant donné que le fleuve relève de sa

souveraineté, le Nicaragua avait toute latitude pour y faire procéder aux prélèvements

d’échantillons nécessaires. Or il n’a présenté aucun élément de preuve venant confirmer la réalité

de cet accroissement.

10. Par contraste, les experts du Costa Rica ont comparé les relevés de concentration de

sédiments en suspension effectués avant et après la construction de la route. En ce qui concerne la

période antérieure à la construction, les relevés disponibles remontent à 1974 et 1976, et ont été

40CR 2013/28, p. 12, par. 4 (Argüello).

41Lettre en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, réf. n HOL-EMB-196. - 21 -

effectués conjointement par les deux parties ; je crois comprendre, par ailleurs, que ces données ont

été invoquées dans le contre-mémoire déposé par le Nicaragua dans l’affaire relative aux Droits de

navigation (par. 1.1.8.). La méthodologie appliquée dans le cadre de ces travaux comparatifs est

présentée de manière détaillée à la section 2 du rapport de l’institut costa-ricien d’électricité (ICE),

o
qui figure sous l’onglet n 18 du dossier de plaidoiries. M. Thorne a lui-même procédé à une
o
comparaison similaire dans son rapport, reproduit sous l’onglet n 17.

a) Je vous prie de bien vouloir vous reporter maintenant à la page 8 du rapport de M. Thorne, sous

o
l’onglet n 17. Vous pouvez y voir, en haut de la page, le titre «Existe-t-il des éléments

démontrant un brusque accroissement de la charge sédimentaire du fleuve San Juan depuis

décembre 2010 ?»

b) A cet égard, M. Thorne explique ce qui suit :

25 «Pour rechercher s’il existe des éléments de preuve étayant l’affirmation du
Nicaragua concernant l’accroissement de la charge sédimentaire du San Juan depuis le
début du chantier de construction de la route, j’ai examiné les données existantes de
concentrations de sédiments en suspension (CSS) relevées dans l’ensemble du régime
42
fluvial constitué par le San Juan et le Colorado avant et après le début des travaux.»

c) Je vous demanderai maintenant de vous reporter aux paragraphes 18-19, à la page 10. Voici ce

que l’on peut y lire, sous la figure 2 :

«Si un afflux supplémentaire de sédiments provenant de la route avait causé un
accroissement du taux de sédiments charriés dans le fleuve San Juan, cela se traduirait,
sur la figure 2, par une augmentation des mesures de CSS relevées depuis 2010 et par

une hausse correspondante de la courbe représentant les taux de CSS entre 2010
et 2013 par rapport à celle de la période 1974-1976. [Il s’agit là d’une comparaison
assez évidente.] La figure 2 montre clairement que tel n’est pas le cas.

Bien au contraire, la concentration la plus élevée (CSS > 600 mg par litre) a été
observée au cours d’une période antérieure à la construction et, pour 27 des
31 mesures de concentration postérieures aux travaux représentées sur la figure 2, la
répartition correspond aux données enregistrées dans la période antérieure. Non

seulement il n’existe aucune différence majeure, sur le plan statistique, entre les
courbes des taux CSS relevés, respectivement, avant et après les travaux, mais
celles-ci apparaissent même quasiment identiques sur la figure 2. Il s’ensuit que toute

différence observée entre les mesures43SS relevées en ces points avant et après la
construction est le fruit du hasard.»

42Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour par
le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 15.
43
Ibid., paro 18-19. Voir également «Comparison of Sediment Load in the San Juan River before and after
Route 1856», onglet n 20 du dossier de plaidoiries du Costa Rica. - 22 -

11. En bref, il n’y a donc pas la moindre preuve d’un brusque accroissement, et cela est

d’autant plus évident si l’on considère l’augmentation relative de la teneur sédimentaire du fleuve

provenant de la route, même en s’appuyant sur les chiffres fournis par l’expert du Nicaragua,

M. Kondolf.

12. Toujours dans le rapport de M. Thorne, sous l’onglet n 17, je vous prie maintenant de

vous reporter au paragraphe 56, à la page 23.

a) Sous le titre «Estimation de la charge annuelle de sédiments provenant de la route charriés dans

le San Juan», voici ce qu’on lit :

«D’après les données et calculs présentés dans le rapport de 2012 de
M. Kondolf (p. 46), la quantité totale moyenne de sédiments acheminée chaque année
dans le fleuve San Juan depuis le chantier de construction de la route se situe entre
87 000 et 109 000 m /an.3 Comme on l’a vu au paragraphe 31 ci-dessus, cette

estimation prend en compte l’ensemble des sources potentielles de sédimentation
considérées comme importantes dans le rapport Kondolf (conclusion non réexaminée
à l’annexe 2) [il est fait ici référence aux rapports soumis par M. Kondolf en
octobre dernier], notamment l’érosion superficielle et les mouvements de terrain.» 44

26 Selon M. Thorne, les chiffres de M. Kondolf sont faux, mais je reviendrai sur ce point dans un

instant. Ce que je tiens à souligner à ce stade, c’est que M. Thorne s’appuie sur les chiffres de

l’expert du Nicaragua, M. Kondolf. Comme vous pouvez le voir au paragraphe 61, sur la

3
page suivante, M. Thorne a dû convertir en tonnes ces chiffres, fournis en m , pour pouvoir les

comparer à la charge sédimentaire déjà présente dans le fleuve. Une fois la conversion effectuée,

ces chiffres se situent entre 157 180 et 182 030 tonnes par an. Ce sont toujours les chiffres de

M. Kondolf. Il est ensuite nécessaire de comparer ces chiffres à la moyenne annuelle, pour pouvoir

examiner l’impact éventuel et répondre à la question principale dont vous êtes saisis aujourd’hui :

existe-t-il un risque réel et imminent de préjudice irréparable ?

b) Je vous prie à présent de passer au paragraphe 63, en haut de la page 25, où il est question du

rapport de l’ICE :

«L’ICE contrôle les quantités de sédiments accumulées en différents points de

mesore situés dans le bassin du San Juan, notamment au poste désigné Delta Colorado
(n 691104), qui se trouve sur le Colorado, juste en aval du delta (voir figure 1). Selon
les relevés et ainsi qu’il est indiqué dans le rapport de l’ICE, la charge sédimentaire
totale annuelle moyenne (comprenant les sédiments en suspension et les dépôts)

44
Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour par
le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 56. - 23 -

présente dans le San Juan entre décembre 2010 et juin 2013 se situait autour de

9 133 000 t/an. Le rapport de l’ICE estime à environ 8 470 000 t/an la quantité de
sédiments qui passe dans le fleuve Colorado au niveau du delta, et à 663 000 t/an celle
qui passe dans le cours inférieur du San Juan.»

M. Thorne tire ses premières conclusions aux paragraphes 64 et 65.

«5.5.4 Dépôt dans le San Juan de sédiments générés par la construction de
la route

La sédimentation provenant de l’érosion liée à la route, selon les estimations de
M. Kondolf, représente 1 à 2 % de la charge sédimentaire totale charriée par le
San Juan, pourcentage à l’évidence trop faible pour avoir un impact important sur le
fleuve.

A supposer que 10 % de l’apport de sédiments pénètrent dans le cours inférieur

du San Juan, les quantités annuelles moyennes de sédiments générées par le chantier
de construction et déposées dans le cours inférieur du San Juan se situent entre 15 718
et 18 203 t/an, ce qui représente 2 à 3 % de la charge sédimentaire totale du cours
inférieur du San Juan, en aval du delta.»

A l’évidence, il importe de s’arrêter un instant pour souligner, à toutes fins utiles, que, en aval du

secteur de la route dont il est question, les eaux et la charge sédimentaire se divisent entre le

fleuve Colorado au Costa Rica, à hauteur de 90 % environ ce sont, me semble-t-il, les chiffres

du Nicaragua , et le cours inférieur du San Juan, à hauteur de 10 %. Cette déviation des eaux et

de leur charge sédimentaire doit bien entendu être mise en ligne de compte. Au paragraphe 66 de

son rapport, M. Thorne poursuit ainsi :

27 5.5.5 Impact potentiel sur la sédimentation dans le cours inférieur du
San Juan

Le cours inférieur du fleuve San Juan s’étend sur environ 30 kilomètres et son
chenal a une largeur moyenne de 90 mètres, soit un lit d’une superficie approximative
de 2,7 millions de m². En s’appuyant sur l’estimation de dépôt sédimentaire dans le
San Juan fournie par M. Kondolf (entre 87 000 et 109 000 m par an) et en admettant

l’hypothèse prudente selon laq3elle 10 % de ce dépôt passe dans le cours inférieur du
San Juan (8700 à 10 900 m par an), et à supposer également que la totalité des
sédiments provenant de la route se déposent au fond de celui-ci (sans aucun dépôt
dans les plaines alluviales et les zones humides, ni dans la mer des Caraïbes, ce qui est
extrêmement prudent), l’augmentation moyenne du taux d’alluvionnement serait de
3 à 4 mm par an.»

Il souligne ensuite, au paragraphe 67, ce qui suit :

«Il est parfaitement évident que, même si l’estimation de M. Kondolf est
retenue, l’afflux de sédiments provenant de la route et s’ajoutant à la charge annuelle
totale présente dans le cours inférieur du San Juan ne saurait avoir entravé la - 24 -

navigation ni justifier les mesures énergiques, notamment de dragage, mises en œuvre
par le Nicaragua pour maintenir le volume et le débit des eaux du fleuve.» 45

c) Et il s’ensuit, naturellement, que le phénomène d’accrétion évoqué par M. McCaffrey hier est

purement illusoire. Non seulement il est contredit par les éléments de preuve du Costa Rica que

je suis sur le point de vous présenter, mais il n’est même pas étayé par les éléments de preuve

du Nicaragua.

d) Pour faire bonne mesure, je vous renvoie aux conclusions du rapport de M. Thorne, que vous

trouverez ici, en haut de la page 26, sous le titre «Les apports de sédiments générés par la route

ne sont pas simplement infimes : ils sont indétectables».

Vient ensuite la conclusion, aux paragraphes 72 et 73 :

«L’augmentation de 1 ou 2 % annoncée sur la base des estimations de
M. Kondolf en ce qui concerne les sédiments générés par la route qui se déversent
dans le San Juan s’inscrit bien dans les limites de la variabilité naturelle des charges
solides présentes dans le fleuve traduites par un intervalle de confiance d’environ

20 %, ce qui signifie que, même si la charge devait varier, ce changement serait
indiscernable et statistiquement indétectable dans le relevé des charges mesurées.

Le lit du cours inférieur du San Juan est formé de sable mobile, qui donne
naissance à des rides de fond et à des dunes dont les amplitudes varient,

respectivement, de quelques centimètres à un mètre ou plus. Le lit forme aussi des
bassins et des maigres qui font varier la profondeur du chenal de plusieurs mètres à un
mètre ou moins. Un changement dans le taux de sédimentation de 3, voire 4 mm
par an (ce qui représente une fois et demie à deux fois le diamètre d’un seul grain de

sable) serait donc imperceptible sur le 46rrain et non mesurable, même à l’aide d’un
équipement sonar de haute précision.»

13. C’en est donc fait, pour ainsi dire, de l’affirmation de M. Reichler selon laquelle il y

aurait urgence parce que les sédiments «se sont accumulés pour atteindre des niveaux dangereux

28 qui ont déjà causé des dommages irréparables au fleuve et menacent d’en causer encore

davantage» .47 Où donc, faut-il se demander, sont les éléments de preuve à l’appui de cette

affirmation ?

14. Il s’ensuit en outre que la question des prétendus risques pour la navigation peut être

rapidement écartée, ceux-ci devenant illusoires. En effet, une augmentation de la sédimentation

45
Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costo Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour par
le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 63-67.
46Ibid., par. 72-73.
47
CR 2013/28, p. 38, par. 6 (Reichler). - 25 -

équivalant une ou deux fois le diamètre d’un grain de sable ne risque pas d’avoir une incidence sur

la navigation nicaraguayenne dans la partie inférieure du San Juan.

15. On peut expédier de la même manière la question des prétendus dommages irréparables

pour la santé et le bien-être des populations riveraines du San Juan. Le Nicaragua ne s’est pas

donné la peine de dépasser le stade de l’affirmation gratuite qui figure dans sa demande du

11 octobre, n’avançant pas le moindre élément de preuve à l’appui de cet aspect d’un prétendu

préjudice irréparable.

16. Il reste donc le dommage irréparable prétendument causé au San Juan et à son

environnement.

17. Or, sur ce point, l’essentiel a déjà été dit, à savoir que le fleuve est déjà apte à transporter

une lourde charge sédimentaire et que l’augmentation de celle-ci qui est due à la route reste infime,

toutes proportions gardées, même sur les schémas de M. Kondolf concernant la charge

sédimentaire générée par la route.

18. Pourtant, au regard de la surveillance minutieuse assurée par l’Université du Costa Rica,

exposée sous l’onglet n 19 de votre dossier de plaidoiries, les chiffres avancés par M. Kondolf sont

nettement surestimés. Les recherches effectuées par l’Université du Costa Rica sont synthétisées et

analysées à la section 5.3 du rapport de M. Thorne. Ainsi qu’il ressort du paragraphe 32 de ce

rapport, neuf des sites d’érosion et de glissement de terrain les plus actifs ont été sélectionnés pour

les besoins du contrôle mené par l’Université du Costa Rica.

19. Les conclusions sont ensuite résumées aux paragraphes 43 et 44, à la page 18 du rapport

de M. Thorne :

«La surveillance du glissement de terrain et du ravinement érosif dont l’UCR
[Université du Costa Rica] a rendu compte plus haut montre que l’estimation que
contient le rapport Kondolf de 2012 quant au taux d’affaissement de la couverture
terrestre est sans doute cinq fois trop élevé. En outre, les études menées par l’UCR sur
le terrain indiquent que les glissements de terrain et les ravinements concernent en
moyenne environ 10 à 15 % des pentes présentant de telles caractéristiques, de sorte

que l’estimation de 40 à 50 % avancée pour la zone de la route touchée par l’érosion,
dans le rapport Kondolf de 2012, semble donc aussi bien trop élevée.

Selon mon expérience en matière d’affaissement de la surface des sols dus à des
glissements de terrains et des ravinements, expérience à laquelle s’ajoutent les
inspections que j’ai menées sur la route en février et en mai 2013, une moyenne fixée
à 1 mètre par an est trop élevée et vraisemblablement inexacte. De même, l’hypothèse

selon laquelle les glissements de terrain et ravinements concernent 40 à 50 % des - 26 -

29 pentes et autres zones affaissées surestime l’étendue de ces formations. En revanche,
les taux observés et les zones touchées, qui sont exposés dans le tableau 3 [tiré du
rapport de l’Université du Costa Rica] sont tout à fait raisonnables et, à mon avis, plus
fiables.»48

20. M. Thorne examine ensuite, à la section 5.4, page 20, du document figurant sous
o
l’onglet n 17, la question de savoir si les taux d’érosion relatifs à la sédimentation générée par la

route, calculés à partir du résultat des études menées sur le terrain, sont suffisants pour causer un

dommage important ou irréversible au San Juan. La réponse, telle qu’elle ressort des

paragraphes 52 à 54 de ce rapport, est négative.

21. Là encore, le Nicaragua ne vous a fourni aucune preuve contraire reposant sur une

surveillance effective ou des mesures concrètes de l’augmentation de la charge sédimentaire dans

le fleuve.

22. Vous avez bien sûr à l’esprit l’image évoquée par M. McCaffrey des

cinq mille camions-bennes déversant leur chargement de sédiments dans un dépotoir , mais 49

l’analogie est pour le moins inexacte parce qu’elle implique que l’on utilise le fleuve pour y

déverser des déchets, alors que les éléments de preuve présentés par le Nicaragua reposent

entièrement sur de prétendues déficiences dans la construction et les mesures d’atténuation, et non

sur le déchargement délibéré de sédiments dans le fleuve par le Costa Rica. Cette analogie dessert

également le Nicaragua : qualifier le fleuve de dépotoir conduit naturellement à penser à l’étape

suivante du circuit de vidange. Or la réponse à la question, c’est que les eaux du fleuve et les

sédiments qu’elles charrient se séparent en aval, où environ 90 % s’écoulent au Costa Rica et 10 %

restent dans le cours inférieur du San Juan. Par conséquent, si la route présentait un risque de

préjudice irréparable pour l’environnement, ce qui n’est pas le cas, ce risque serait ressenti par le

Costa Rica aussi, mais ce n’est pas le cas non plus.

23. On vous a effectivement montré un certain nombre de photographies, mais celles-ci

n’attestent pas l’existence d’un risque réel et imminent de préjudice irréparable.

48M. Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of
the Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour
par le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 43-44.

49CR 2013/28, p. 35-36, par. 37-39 (McCaffrey). - 27 -

24. Prenons les photographies qui vous ont été présentées hier et qui montrent des deltas

alluvionnaires qui auraient été générés par la route. Que tel soit le cas ou non, ce qui compte, pour

le moment, c’est que ces deltas existent aussi bien du côté nicaraguayen du fleuve, où ils ne

sauraient avoir le moindre rapport avec la route.

30 25. Je vous invite maintenant à examiner les photographies figurant aux pages 28 à 32 du

rapport de M. Thorne, dont certaines sont à présent projetées à l’écran. Vous pouvez constater, là

aussi, l’existence de tels deltas sablonneux du côté nicaraguayen du fleuve.

26. Or ces deltas ne sauraient causer le moindre dommage : c’est ce qui ressort du

paragraphe 77 du rapport de M. Thorne (à partir de la fin de la cinquième ligne de la page 33) :

«La taille restreinte des deltas d’affluents que j’ai observés dans le San Juan en
mai 2013 et la distance qui les sépare les uns des autres signifient qu’ils ne causent

aucun dommage au fleuve. Bien au contraire, les maigres et deltas formés par les
affluents sont utiles aux écosystèmes aquatiques et riverains, en ce que, par exemple,
ils fournissent de nouveaux habitats et ouvrent des niches aux plantes pionnières…» 51

27. On vous a aussi présenté des photographies montrant les dommages dus à l’érosion et

52
diverses illustrations d’un phénomène appelé «rupture de talus» . Or ce qui importe, c’est de

savoir quelle quantité de sédiments atteint effectivement le fleuve et si elle risque d’y causer un

dommage irréparable.

28. L’élément principal de l’argumentation du Nicaragua à cet égard figure à la page 2 du

rapport de M. Kondolf du 30 octobre, qui vous a été projeté, et qui a été cité à plusieurs occasions

par les conseils du Nicaragua. Je vais vous en rappeler le contenu :

«A supposer que les travaux se poursuivent sur la route 1856, leur impact sera
dévastateur pour les zones directement affectées et pour les eaux réceptrices en aval.

Nous assistons déjà aux dommages graves et étendus que de simples pluies
«normales» provoquent sur l’environnement. Il ne fait aucun doute que des pluies
violentes associées aux orages et ouragans tropicaux provoqueront des dommages
53
encore plus étendus et plus graves.»

29. Deux remarques s’imposent à ce sujet.

50 CR 2013/28, p. 30 (McCaffrey).
51
M. Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of
the Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour
par le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 77.
52
CR 2013/28, p. 29-30 (McCaffrey)
53 G. Mathias Kondolf, «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le San Juan,
Nicaragua, 30 octobre 2013, annexe 2 de la lettre en date du 1 novembre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua,
réf. n HOL-EMB-223, p. 2. - 28 -

30. En premier lieu, il ne s’agit pas d’une région sujette aux ouragans ou aux tempêtes

tropicales. Je suis convaincu que le Nicaragua procédera aux recherches voulues ce soir, mais la

carte que voici, qui montre la trajectoire habituelle des ouragans, a été établie par l’administration

o
océanique et atmosphérique nationale des Etats-Unis d’Amérique, et se trouve sous l’onglet n 22

de votre dossier de plaidoiries ; vous pouvez y voir que les ouragans passent au nord de la région

31 qui nous intéresse ici. Comme l’explique M. Thorne, au paragraphe 83 de son rapport, «dans cette

région, une tempête tropicale serait non seulement dévastatrice, mais aussi sans précédent» . 54

31. En second lieu, il va de soi que nous souhaitons que la Cour accorde toute son attention

aux récents rapports de M. Kondolf, mais nous ne pouvons manquer d’être frappés par l’ampleur

des passages qui sont tirés de son rapport de décembre 2012, lesquels n’avaient pas, à l’époque,

incité le Nicaragua à présenter une demande en indication de mesures conservatoires, et par le

caractère général des propositions figurant dans les nouveaux rapports.

32. Par exemple, M. McCaffrey s’est référé à la page 7 du rapport de M. Kondolf en date du

30 octobre, où on peut lire ce qui suit : «Le dépôt accru de sédiments grossiers dans un [noter

l’indéfini] fleuve peut modifier sensiblement ses processus et se traduire notamment par un

55
alluvionnement du chenal...» Cela ne fait évidemment aucun doute. Mais cela ne montre pas non

plus l’existence d’un risque d’alluvionnement résultant de l’augmentation des sédiments provenant

de la route et, de fait, les éléments de preuve se rapportant spécifiquement à l’espèce montrent que

ce risque est inexistant ; il en va de même, a fortiori, du risque de préjudice irréparable qui pourrait

en découler.

33. De même, il est dit à la page 7 du rapport de M. Kondolf en date du 30 octobre que «[l]e

dépôt de volumes massifs de sédiments dans un fleuve provoque des dommages écologiques

56
importants» . Encore une fois, soit. Mais, là encore, cela ne nous permet pas de savoir si les

54
Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour par
le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 83.
55
CR 2013/28, p. 32, par. 26 (McCaffrey).
56 G. Mathias Kondolf, «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le San Juan,
Nicaragua», 30 octobre 2013, annexe 2 de la lettre en date du 1 novembre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua,
réf. HOL-EMB-223, p. 7. - 29 -

niveaux de sédiments spécifiques avancés en l’espèce se sont traduits par un risque de préjudice

irréparable en ce qui concerne le fleuve en question, le fleuve San Juan.

34. Le paragraphe 79 du rapport de M. Kondolf fournit un autre exemple. Il se trouve au bas

de la page 33, où l’auteur explique ce qui suit :

«A la page 8 (paragraphe 3), M. Kondolf fait allusion à la conclusion énoncée
dans le rapport de MM. Reid et Dunne (2003), selon laquelle «la sédimentation

associée à la route peut dominer le bilan sédimentaire de nombreux systèmes
fluviaux». Dans l’absolu et de manière générale, je suis d’accord avec cette
hypothèse. Mais les propos de ces auteurs ne concernaient pas le fleuve San Juan. A
l’annexe CR-1 [il s’agit ici d’une référence au rapport de l’institut costa-ricien
d’électricité], l’ICE a établi un bilan sédimentaire propre à ce fleuve, le San Juan. Le

résultat est exposé à la figure 11 (reproduite à partir de l’annexe CR-1) et montre que
l’importance de la sédimentation associée à la route est minime en ce qui concerne ce
32 fleuve. Il se peut bien que ce type de sédimentation domine le bilan sédimentaire de
nombreux systèmes fluviaux, mais ce n’est pas le cas du fleuve San Juan.» 57

35. Il y a deux cas où M. Kondolf s’appuie sur des données d’échantillonnage spécifiques, et

j’aimerais les examiner brièvement.

36. Le premier cas figure à la page 11 de son rapport du 30 octobre, où il se réfère à trois

échantillons d’eau prélevés dans le fleuve et présentant censément un taux élevé de sédiments

provenant de la route après une averse de courte durée. Il se trouve que les experts du Costa Rica

ont examiné non pas trois, mais 2409 échantillons du fleuve et de ses affluents costa-riciens. Et

comme le fait observer M. Thorne au paragraphe 81, les concentrations relevées dans le panache de

boue sont peu élevées par rapport aux niveaux de sédiments en suspension observés régulièrement
58
dans les eaux de ruissellement se déversant dans le fleuve San Juan ou même dans celui-ci . Il

explique ensuite que, de toute façon, ces concentrations devraient se dissiper rapidement.

37. Le second cas se trouve à la page 13 du rapport de M. Kondolf, où ce dernier explique

qu’une collègue a prélevé des échantillons de périphyton — il s’agit, si j’ai bien compris,

d’échantillons de certaines algues, bactéries et détritus — dans le fleuve : quatre sur la rive

costa-ricienne, à des emplacements touchés par le ruissellement en provenance de la route, et cinq

57Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Río San Juan relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, annexe 7 de la lettre en date du 4 novembre 2013 adressée à la Cour par
le Nicaragua, onglet n 17 du dossier de plaidoiries du Costa Rica, par. 79.

58Ibid., par. 81. - 30 -

sur la rive nicaraguayenne, en des emplacements qualifiés de «paysages relativement préservés» . 59

Il appert que les résultats de cette analyse révéleraient une biomasse du périphyton plus élevée dans

les échantillons prélevés du côté costa-ricien, ce qui, d’après M. Kondolf, fournirait «une indication

des effets écologiques nuisibles des sédiments nés de l’érosion provoquée par la route 1856 sur le

60
San Juan» . M. Kondolf ne va toutefois pas jusqu’à y voir la preuve du risque d’un préjudice

irréparable et, comme le souligne M. Thorne au paragraphe 82 de son rapport, celui de M. Kondolf

ne contient aucune explication sur le point de savoir si les échantillons prélevés de part et d’autre

du fleuve sont effectivement comparables.

38. Par contraste, en ce qui concerne le risque réel et imminent de dommage irréparable à

l’environnement, on aurait pu s’attendre, surtout après l’allusion de M. McCaffrey à la mise en

danger de 46 espèces dans l’ensemble de la région , à ce que soient produits des éléments de
33

preuve établissant les effets préjudiciables subis par chacune de ces espèces et montrant pourquoi le

préjudice serait irréparable. Or il n’y a devant la Cour aucun élément de cette nature.

39. L’équipe des juristes du Nicaragua a fait grand cas de la présence d’un conduit de

franchissement en plastique, dont il est fait mention une dizaine de fois dans la transcription et qui

a fait l’objet d’une présentation vidéo spécifique. Peut-être que, lors du second tour, on voudra

bien nous expliquer en quoi ce conduit, à l’égard duquel aucun élément n’a été présenté pour

montrer comment il avait pu aboutir dans un affluent secondaire, peut constituer la preuve d’un

risque réel imminent de préjudice irréparable. Cette histoire est pour le moins déconcertante.

40. J’aimerais pour terminer aborder deux points spécifiques, avant de laisser M. Ugalde

traiter de la question de l’urgence, sans doute après la pause.

41. En premier lieu, mon ami, M. Pellet, a appelé hier votre attention sur deux décisions de

la Cour de justice centraméricaine : une décision préliminaire datant de janvier 2012, puis une autre

décision rendue en juin 2012. Il a dit que la Cour de justice centraméricaine avait ordonné au

59G. Mathias Kondolf, «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le San Juan,
Nicaragua», 30 octobre 2013, annexe 2 de la lettre en date du 1 novembre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua,
réf. HOL-EMB-23, p. 13.

60Ibid., p. 13, par. 2.
61
CR 2013/28, p. 34, par. 30 (McCaffrey). - 31 -

Costa Rica de suspendre les travaux de construction de la route et qu’elle considérait que ce dernier

62
s’était rendu coupable d’outrage en n’obtempérant pas .

42. La simple réalité est que le Costa Rica n’est pas partie au statut de la Cour de justice

63
centraméricaine . C’est pour cette raison que, d’une part, il n’a pas pris part à la procédure en

question et que, d’autre part, il n’est pas lié par les ordonnances de cette juridiction, auxquelles la

Cour ne devrait en conséquence accorder aucun poids en l’espèce. J’ajouterai que nous entendons

revenir de façon beaucoup plus détaillée dans notre contre-mémoire sur cette étonnante tentative,

de la part de la Cour de justice centraméricaine, d’imposer sa juridiction au Costa Rica.

43. En second lieu, M. Reichler s’est lancé hier avec enthousiasme dans une nouvelle

argumentation, selon laquelle ce serait de l’achèvement des travaux, annoncé par le ministre

costa-ricien des travaux publics et du transport en mars de l’année en cours, que découleraient le

risque de préjudice irréparable et l’urgence avancés . 64 Le document invoqué se trouve sous

o
l’onglet n 23 de votre dossier de plaidoiries : nous l’y avons reproduit en entier, puisque

M. Reichler n’en avait cité que des extraits très limités. M. Ugalde abordera incessamment la

question sous l’angle de l’urgence, mais la question que je dois poser est celle de savoir où sont les

34 éléments de preuve montrant que l’un quelconque des travaux prévus par le plan d’action est

susceptible de causer un préjudice irréparable. Ainsi — si je puis vous demander de vous reporter

aux pages 10 à 14 de ce rapport —, vous pouvez voir qu’il est fait référence à deux phases de

travaux d’atténuation. Faut-il en conclure que ce sont ces travaux d’atténuation, dont les modalités

sont exposées dans les pages qui suivent, qui inquiètent à ce point le Nicaragua ? Rien de tout cela

n’est très clair. Ce qui l’est, en revanche, c’est qu’on n’a présenté à la Cour aucun élément de

preuve qui tende à démontrer en quoi les travaux d’atténuation et autres dont il est fait état dans ce

document soulèvent un risque de préjudice irréparable, plutôt que de viser à résoudre les difficultés

de construction et d’érosion qui nous avaient au départ valu les critiques du Nicaragua.

62CR 2013/28, p. 65, par. 51 (Pellet).
63
Voir, sur le site Internet de la Cour de justice centraméricaine : «The challenge is having Panama and
Costa Rica join»o (portal.ccj.org.ni/ccj2/Publicar/tabid/88/EntryId/3/-El-reto-es-que-Panama-y-Costa-Rica-se-
integren.aspx), onglet n 24 du dossier de plaidoiries.
64
CR 2013/28, p. 38, par. 7 (Reichler). - 32 -

C. Conclusion

44. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ceci met fin à mon

intervention. Je vous remercie de votre aimable attention et vous prie de bien vouloir donner la

parole à M. Ugalde, peut-être après la pause.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur Wordsworth. Je pense qu’une pause de

quinze minutes serait la bienvenue pour nous tous. L’audience est suspendue. Je donnerai ensuite

la parole à M. Ugalde. Merci.

La séance est suspendue de 11 h 25 à 11 h 40.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience reprend et je donne la parole à

M. Ugalde.

M. UGALDE :

L A DEMANDE DU N ICARAGUA NE SATISFAIT PAS À LA CONDITION D ’URGENCE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que

de me présenter devant vous ce matin au nom du Costa Rica. Je vous démontrerai qu’il n’est pas

satisfait à la deuxième des conditions essentielles aux fins de l’indication de mesures

conservatoires : il s’agit de la condition d’urgence. Je serai bref.

2. La Cour a systématiquement déclaré qu’une partie demandant l’indication de mesures

conservatoires doit démontrer qu’«il y a urgence, c’est-à-dire [qu’]il existe un risque réel et

35 imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant que la Cour n’ait rendu sa

décision définitive» . En d’autres termes, il faut qu’existe un risque, si des mesures ne sont pas

indiquées, de voir un préjudice irréparable causé à un droit pendente lite.

3. La demande du Nicaragua ne satisfait pas à la condition d’urgence ainsi établie et elle ne

peut y satisfaire. Il y a trois raisons à cela : premièrement, cette demande n’est pas fondée sur

65
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21, par. 64 ; voir également
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 392,
par. 129 ; Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar
(Cambodge c. Thaïlande)(Cambodge c. Thaïlande)mesures conservatoires,ordonnance du 18 juillet 2011,
C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 548, par. 47. - 33 -

quelque fait ou événement nouveau ; deuxièmement, elle a déjà été présentée — et rejetée —à

deux reprises, et il ne s’est produit depuis aucun événement qui ait fait naître un risque imminent de

préjudice irréparable ; enfin, troisièmement, il n’existe en réalité aucun risque imminent de

préjudice irréparable. Je traiterai successivement chacune de ces questions.

4. Mais avant toute chose, et pour nuancer quelque peu le tableau qui vous a été dépeint, je

me permets de diffuser quelques séquences vidéo montrant l’état réel du fleuve — c’est un extrait

d’environ deux minutes d’une vidéo de 17 minutes qui a été déposée au Greffe. Les photographies

et enregistrements vidéo produits par le Costa Rica montrent l’état du fleuve il y a moins d’une

semaine. Comme vous pouvez le constater sur vos écrans, le fleuve suit son cours normal. Aucune

route ou fraction de route ne s’est effondrée dans ses eaux ou n’est sur le point de le faire. Le cours

du San Juan n’a absolument pas changé. Il s’agit du même fleuve, qui suit son tracé habituel, et ce

alors même que nous sommes actuellement au plus fort de la saison des pluies, comme le

66
Nicaragua l’a indiqué dans sa demande . Comme je vais vous le démontrer à présent, il n’existe

aucun risque imminent qui justifierait l’indication de mesures conservatoires en l’espèce.

A. La demande du Nicaragua n’est fondée sur aucun fait ou événement nouveau

5. La première des raisons commandant le rejet de la demande du Nicaragua pour défaut

d’urgence est que celle-ci n’est manifestement fondée ni sur la découverte d’un quelconque fait

nouveau, ni sur l’imminence de nouveaux événements. En cela, cette demande est à distinguer de

toutes les autres demandes en indication de mesures conservatoires auxquelles la Cour a fait droit.

Toutes ces autres demandes faisaient suite à la survenance de quelque événement ou fait nouveau.

Un bref retour sur certaines décisions de la Cour suffit pour s’en rendre compte.

36 a) En 2000, par exemple, dans l’affaire République démocratique du Congo c. Ouganda, la reprise

des affrontements entre les forces ougandaises et d’autres forces étrangères avait conduit le

67
Congo à présenter sans délai une demande en indication de mesures conservatoires . La Cour

a estimé que «les personnes, les biens et les ressources se trouvant sur le territoire du Congo, en

66Lettre HOL-EMB-196 en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, p. 3.

67Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), mesures
conservatoires, ordonnance du 1 juillet 2000, C.I.J. Recueil 2000, p. 114, par. 9. - 34 -

particulier dans la zone de conflit, demeur[ai]ent gravement exposés» et que

68
«l’urgence … caractéris[ait] … la situation» .

b) En 2011, dans l’affaire relative à Certaines activités, la demande du Costa Rica faisait suite à

l’occupation de son territoire par l’armée nicaraguayenne et à la réalisation dans ce territoire de

certains travaux, tendant notamment à créer un caño artificiel . La Cour a indiqué certaines

mesures conservatoires, après avoir constaté l’existence d’un «risque réel et actuel d’incidents

susceptibles d’entraîner une atteinte irrémédiable» . 70

c) En 2011, dans l’affaire relative à la Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en

l’affaire du Temple de Préah Vihéar, la demande du Cambodge faisait suite à de graves

incidents armés qui s’étaient produits entre cet Etat et la Thaïlande dans la région frontalière et

qui avaient fait des morts et des blessés . La Cour, après s’être référée à l’instabilité de la zone

72
concernée et au risque d’aggravation, a conclu que la condition d’urgence était remplie .

6. Toutes les demandes, y compris celle que le Costa Rica a présentée en septembre dernier,

obéissent à la même logique : un nouvel événement s’est produit ou, à tout le moins, il a été pris

connaissance d’un fait nouveau qui est présenté comme étant porteur d’un risque imminent de

préjudice irréparable pour les droits en litige dans une affaire.

7. Par opposition, la présente demande du Nicaragua ne fait suite à la découverte d’aucun fait

nouveau, pas plus qu’à un quelconque événement nouveau intéressant cette affaire.

8. Bien sûr, en un sens, la demande du Nicaragua fait effectivement suite à un événement : il

s’agit du dépôt par le Costa Rica de sa demande en indication de nouvelles mesures conservatoires

en l’affaire relative à Certaines activités. En réaction à cette demande du Costa Rica, le Nicaragua,

37 poursuivant visiblement quelque stratégie, a déposé en toute hâte une demande incomplète le

vendredi 11 octobre — littéralement à la veille de l’ouverture des audiences consacrées à la

68 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
mesures conservatoires, ordonnance du 1 juillet 2000, C.I.J. Recueil 2000, p. 128, par. 43.

69 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 10-11, par. 13-19.

70Ibid., p. 24, par. 75.
71
Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar
(Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires, ordonnance du 18 juillet 2011,
C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 539, par. 8.
72Ibid., p. 551, par. 55-56. - 35 -

demande en indication de nouvelles mesures conservatoires présentée par le Costa Rica en l’affaire

73
relative à Certaines activités . Il n’a soumis aucun élément de preuve à l’appui de sa demande, et

n’a précisé d’aucune façon les droits dont il recherchait la protection. Il n’a soumis aucun rapport

rendant compte de la visite de mai 2013 à laquelle il faisait référence dans sa demande , pas plus

que le rapport Kondolf daté du 12 octobre, qu’il n’a communiqué au Costa Rica que

vendredi dernier . L’on serait d’autant plus tenté de conclure que la demande du Nicaragua obéit à

certaines visées procédurales, et n’est pas motivée par une quelconque situation d’urgence, que

celui-ci a prié la Cour d’entendre en même temps les arguments des Parties sur les deux

demandes . 76

9. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, point n’est besoin de préciser

que le dépôt par le Costa Rica d’une demande en indication de nouvelles mesures conservatoires en

l’affaire relative à Certaines activités ne fait pas naître une situation d’urgence telle qu’il serait

justifié d’indiquer des mesures conservatoires dans cette affaire-ci, relative à la Route. Pourtant, le

dépôt de la demande du Costa Rica est le seul «événement» intervenu avant que le Nicaragua ne

décide de présenter sa propre demande. L’agent du Nicaragua a confirmé ce fait hier — je cite :

«Selon nous, du fait de ces explications données par le Nicaragua, la demande
en indication de nouvelles mesures conservatoires présentée par le Costa Rica était
devenue sans objet et pouvait être retirée. Ce n’est qu’après que le Costa Rica eut

rejeté la déclaration du Nicaragua au motif qu’elle était insuffisante et insisté pour que
les audiences se tiennent comme prévu que nous avons décidé de présenter notre
propre demande en indication de mesures conservatoires, avec l’intention qu’elle soit
examinée au cours de ces mêmes audiences.» 77

10. Voilà une déclaration bien singulière, puisqu’elle laisse également entendre que la

véritable raison ayant motivé le dépôt de la demande nicaraguayenne n’était ni l’urgence, ni la

saison des pluies, pas plus qu’un quelconque événement pouvant être considéré comme présentant

un risque de préjudice irréparable pour les droits du Nicaragua. Si le Nicaragua a déposé cette

demande, c’est uniquement parce que la Cour s’apprêtait à tenir des audiences

73Lettre HOL-EMB-196 en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua.
74
Il fait référence à cette visite dans sa lettre HOL-EMB-196 du 11 octobre 2013 adressée à la Cour, p. 2-3.
75G. Mathias Kondolf, «Confirmation des mesures urgentes requises pour atténuer l’érosion et le dépôt de
sédiments de la route 1856, Costa Rica, dans le fleuve San Juan, Nicaragua, 12 octobre 2013», annexe 1 de la
lettre HOL-EMB-223 adressée à la Cour par le Nicaragua.

76Lettre HOL-EMB-196 en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, p. 3.
77
CR 2013/28, p. 12, par. 4 (Argüello). - 36 -

le lundi 14 octobre sur la demande déposée par le Costa Rica en l’affaire relative à

Certaines activités. Tels sont les propos de l’agent.

38 11. Toujours est-il que le Nicaragua a semblé justifier hier le dépôt de sa demande par une

raison toute nouvelle. Il a indiqué qu’il avait en fait déposé sa demande en raison d’un événement

dont il n’est fait nulle mention dans le texte de celle-ci.

12. Se fondant sur un échéancier établi sous forme de présentation Powerpoint par

le ministère costa-ricien des travaux publics et des transports , le Nicaragua prétend à présent avoir

déposé sa demande au motif que le Costa Rica aurait «annoncé récemment» son intention de

reprendre la construction de la route afin d’achever celle-ci entre octobre et décembre 2014 . La 79

présentation invoquée par le Nicaragua est accessible via un lien figurant dans un communiqué de

presse officiel du Costa Rica. Le Nicaragua a soumis ce communiqué de presse à la Cour

80
le jeudi 31 octobre dernier, à l’annexe 2 de sa lettre . Il n’a pas précisé que le lien menant à la

présentation du ministère des travaux publics venait de ce communiqué de presse, et pour cause : le

communiqué en question remonte au 14 mars 2013. La présentation du ministère costa-ricien des

travaux publics et des transports date du même jour que le communiqué de presse, c’est-à-dire d’il

y a près de huit mois.

13. D’ailleurs, la date de cette «annonce récente» n’est pas la seule chose que le Nicaragua

ait omis de vous signaler hier. En fait, il s’est déjà plaint à deux reprises de cette même annonce

auprès de la Cour. Ainsi, lorsqu’il vous a priés de modifier votre ordonnance de 2011 au mois

de juin dernier, le Nicaragua a indiqué que «[l]e Costa Rica a[vait] … annoncé la reprise de la

81
construction de la route 1856» . Il a alors rappelé à la Cour qu’il s’était déjà plaint de cette

annonce dans la lettre qu’il lui avait adressée le 28 février 2013. A cette date, en effet,

78
Ministère costa-ricien des travaux publics et des transports, CONAVI, route nationale 1856, plan d’action pour
l’achèvement des travaux, 2013, déposé en tant qu’annexe 1 de la lettre HOL-EMB-225 en date du 4 novembre 2013
adressée à la Cour par le Nicaragua, et reproduit sous l’onglet n° 23 du dossier de plaidoiries.
79
CR 2013/28, p. 38, par. 7 (Reichler).
80 Lettre HOL-EMB-220 en date du 31 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, annexe 2, «La fermeté
d’un gouvernement résolu à assurer le développement complet de la bande frontalière est un gage d’achèvement de la
route 1856», 14 mars 2013, p. 2.

81 Demande du Nicaragua tendant à ce que l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) soit modifiée ou
adaptée à la lumière de la situation créée par la jonction de cette instance à celle relative à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), 14 juin 2013, par. 45, onglet n 28 du dossier de
plaidoiries du Costa Rica. - 37 -

le Nicaragua avait fait savoir à la Cour que «le Gouvernement du Costa Rica a[vait] annoncé que

les travaux de construction de la route 1856 étaient sur le point de reprendre, ce qu’a[vait] confirmé

82
le ministre des travaux publics» . Il avait joint à sa lettre trois annexes attestant l’imminence de la

39 reprise des travaux : ces annexes contenaient des rapports datés des 25 janvier, 31 janvier et

83
3 février 2013 . Ceux-ci sont antérieurs de près de neuf mois à la demande en indication de

mesures conservatoires du Nicaragua. La lettre du Nicaragua figure sous l’onglet n 29 de votre o

dossier.

14. Donc, l’«annonce récente» censée avoir motivé la demande présentée il y a

trois semaines par le Nicaragua, qui affirme que «c’est de là que vient l’urgence de [s]a

84
demande» , est basée sur des informations dont celui-ci a connaissance depuis le mois de janvier

de cette année. Ce motif allégué n’était pas mentionné dans la demande du Nicaragua . Nous 85

86
n’en avons eu connaissance que lundi dernier . Et s’il n’a jamais été mentionné, c’est, bien

entendu, parce que ce n’est pas lui qui a motivé le dépôt de cette demande. Le Nicaragua tente ici,

à la dernière minute, de présenter sa stratégie sous un nouveau jour et sa tentative ne résiste pas à

l’examen. M. Kohen reviendra bientôt sur ce point.

B. La demande du Nicaragua ne fait que reprendre les deux demandes
qu’il a déjà formulées, et qui ont toutes deux été rejetées

15. J’en viens à la deuxième raison pour laquelle le Nicaragua ne satisfait pas à la condition

d’urgence prescrite par la Cour : sa demande ne fait que reprendre les deux demandes qu’il a déjà

formulées, et qui ont toutes deux été rejetées par la Cour.

16. La Cour se souviendra sans doute que, depuis qu’il a déposé sa requête en

décembre 2011, il y a près de deux ans, le Nicaragua invoque, sans grande conviction, une situation

d’urgence liée à la route frontalière. Dans sa requête, il mentionnait le danger imminent que

82 o
Lettre n° 28022013-01 en date du 28 février 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, p. 2, onglet n 29 du
dossier de plaidoiries du Costa Rica.
83
Ibid., annexes 1-3.
84CR 2013/28, p. 38, par. 7 (Reichler).

85Lettre HOL-EMB-196 en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua.

86Ministère costa-ricien des travaux publics et des transports, CONAVI, route nationale 1856, plan d’action pour
l’achèvement des travaux, 2013, déposé en tant qu’annexe 1 de la lettre HOL-EMB-225 en date du 4 novembre 2013
adressée à la Cour par le Nicaragua, et reproduit sous l’onglet n 23 du dossier de plaidoiries. - 38 -

87
représentait cette route , se réservant le droit de solliciter des mesures conservatoires, compte tenu

de l’urgence de la situation . Le Nicaragua a ensuite informé la Cour qu’il ne serait pas en mesure

40 de déposer son mémoire avant un délai d’un an suivant le dépôt de sa requête . Lorsqu’il l’a 89

finalement déposé, le 19 décembre 2012, il a prié la Cour d’indiquer des mesures conservatoires

90
d’office, compte tenu de l’urgence . Une année s’était alors écoulée depuis le dépôt de sa requête.

91
La Cour a refusé de le faire .

17. En mai dernier, le Costa Rica a présenté une demande tendant à la modification de

l’ordonnance rendue en 2011 en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua, en

raison d’événements nouveaux intervenus dans le territoire en litige . Le Nicaragua a alors

présenté, en réponse, semble-t-il, sa propre demande de modification, priant la Cour d’indiquer les

mêmes mesures que celles qu’il avait sollicitées dans son mémoire celles-là même qu’il

93
demande aujourd’hui . Le Nicaragua indiquait alors que «[l]e Costa Rica a[vait] … annoncé la

reprise de la construction de la route 1856» , élément qui constituait, selon lui, une nouvelle

situation de fait justifiant la modification de l’ordonnance rendue par la Cour en 2011 . Là encore, 95

la Cour s’est refusée à indiquer les mesures sollicitées par le Nicaragua . 96

87
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
requête introductive d’instance, 22 décembre 2011, par. 1 et 36.

88Ibid., par. 55.
89
Voir Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
ordonnance du 23 janvier 2012, p. 2.

90 Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), MN,
19 décembre 2012, p. 252-253, par. 4.

91Voir lettre n 142641 du 11 mars 2013 adressée au Costa Rica par la Cour.

92Demande du Costa Rica tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région

frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), 21 mai 2013.
93Demande du Nicaragua tendant à ce que l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la

Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) soit modifiée ou adaptée à la lumière de la situation créée par la jonction de cette instance à
celle relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
14 juin 2013, par. 45, onglet n 28 du dossier de plaidoiries du Costa Rica.

94Demande du Nicaragua tendant à ce que l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la
Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière

(Costa Rica c. Nicaragua) soit modifiée ou adaptée à la lumière de la situation créée par la jonction de cette instance à
celle relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
14 juin 2013, par. 49-51, onglet n 28 du dossier de plaidoiries du Costa Rica.

95Ibid., par. 49-51, onglet n 28 du dossier de plaidoiries du Costa Rica.

96Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), demandes
tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011, ordonnance du
16 juillet 2013, par. 26-29. - 39 -

18. Au sujet de l’«urgence», M. Reichler a expliqué que

«depuis le dépôt de la requête, le Nicaragua a épuisé toutes les voies d’action à sa
disposition, devant diverses organisations et tribunes internationales … le Nicaragua
espérait que ces efforts exempteraient la Cour de la nécessité de tenir les présentes
audiences. Mais ils ont été vains…» 97

Il n’a jamais été prétendu par quiconque que les Etats auraient l’obligation d’épuiser tous les autres

recours avant de se tourner vers la Cour en application de l’article 41 de son Statut, lequel ne

prescrit, à l’évidence, rien de tel. Les Etats ayant de bonnes raisons de solliciter des mesures

41 conservatoires recherchent ces mesures tel qu’ils l’estiment nécessaire pour protéger leurs droits en

cause dans un différend particulier, et non en vertu d’une obligation inexistante d’épuisement des

autres voies d’action, ni selon ce qu’ils pensent convenir à la Cour.

19. Le Nicaragua demande, à peu de choses près, les mêmes mesures que celles qu’il a déjà

sollicitées à deux reprises. Et à deux reprises ses demandes ont été rejetées. Que s’est-il passé

depuis ? Quel événement a donc donné lieu à une situation d’urgence, au sens où il existerait un

risque imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits du Nicaragua ? Certainement pas

l’annonce du Costa Rica selon laquelle celui-ci prévoit de reprendre les travaux de construction de

la route, ce dont le Nicaragua avait connaissance bien avant sa dernière tentative d’obtenir

l’indication de mesures conservatoires par voie de modification de l’ordonnance de la Cour. En

tout état de cause, le Nicaragua n’a pas présenté le moindre élément de preuve expliquant en quoi

la reprise des travaux donnerait lieu à un risque de préjudice irréparable. En réalité, si la demande

a été précipitée, ce n’est pas par de nouveaux faits ou événements, mais par la demande sans aucun

lien présentée par le Costa Rica en l’affaire relative à Certaines activités. Il s’ensuit que la

demande du Nicaragua doit être rejetée, compte tenu de l’absence d’urgence.

C. Le Nicaragua n’a pas démontré qu’était satisfaite la condition
de l’existence d’un risque de préjudice irréparable

20. Monsieur le président, voilà qui m’amène à la troisième raison pour laquelle la demande

du Nicaragua ne peut être considérée comme satisfaisant à la condition d’urgence. Tout

simplement, le Nicaragua est incapable de prouver l’existence du moindre risque de voir un

97CR 2013/28, p. 38, par. 5 (Reichler). - 40 -

préjudice irréparable causé à ses droits ; à plus forte raison n’est-il pas en mesure de prouver celle

d’un «risque réel et imminent» .98

21. M. Wordsworth a expliqué à la Cour que le Nicaragua n’avait pas démontré qu’était

satisfaite la condition de l’existence d’un risque de préjudice irréparable, et je ne m’attarderai donc

pas sur ce point. La situation peut être brièvement résumée ainsi :

a) Il n’existe aucun risque réel et imminent qu’un préjudice soit causé aux droits du Nicaragua en

matière d’environnement, étant donné que l’afflux dans le fleuve de sédiments provenant de la

route est non seulement insignifiant, mais également imperceptible, comme le démontrent les

études techniques et rapports d’expert produits par le Costa Rica.

b) Il n’existe aucun risque réel et imminent qu’un préjudice soit causé aux droits du Nicaragua

concernant la navigation, puisqu’il ressort des éléments versés au dossier que, même dans la

pire des hypothèses, la part des sédiments déversés dans le lit du fleuve liée au chantier de

construction correspondrait à une couche dont la hauteur ne dépasserait pas un ou deux grains

42 de sable… Cette sédimentation négligeable ne saurait mettre en péril les droits de navigation

du Nicaragua sur le fleuve, et encore moins l’existence même du fleuve, comme celui-ci

souhaiterait vous le faire croire.

c) Troisièmement, le Nicaragua a invoqué, dans sa demande, un risque de préjudice à l’égard de

ses droits concernant la santé et le bien-être des populations vivant le long du San Juan, sans

fournir le moindre élément pour étayer l’existence d’un tel risque ; il semble avoir aujourd’hui

abandonné cette prétention, compte tenu de l’absence de preuve.

22. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Nicaragua n’a pas

démontré la moindre urgence. Le fleuve ne sera pas détruit du fait des travaux d’amélioration de la

route mis en œuvre par le Costa Rica. Il ne sera pas non plus détruit parce que le Costa Rica aura

doté sa police et ses populations frontalières d’une importante voie de communication. Ce n’est

pas en répétant sans cesse, et avec de plus en plus d’insistance, ses demandes que le Nicaragua leur

apportera l’urgence justifiant l’indication de mesures conservatoires en application de l’article 41.

98 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011, p. 21, par. 64 ; voir également Application de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de
Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 392, par. 129. - 41 -

23. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de l’attention

que vous avez bien voulu m’accorder. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir donner la

parole à M. Marcelo Kohen qui conclura, pour aujourd’hui, le premier tour de plaidoiries du

Costa Rica.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Ugalde.

Mr. KOHEN:

AN OPPORTUNISTIC AND TOTALLY UNJUSTIFIED REQUEST

1. Mr. President, Members of the Court, the request for the indication of provisional

measures filed by Nicaragua in the evening of 11 October 2013 will go down in the annals of

international judicial practice for a number of reasons. First because of the way its advent was as

loudly trumpeted as its birth was late. That tells us a great deal about the so-called “urgent” nature

of this request. Secondly, because this is the same request, repeated in different forms, every

previous attempt having failed. Thirdly, because, notwithstanding the lengthy gestation period that

Nicaragua accorded itself before deciding to make a formal request for provisional measures in the

43 normal way, the document submitted by Nicaragua is far from satisfying the minimum conditions

laid down by the Statute and by the Rules of Court. Fourthly, because Nicaragua came to you on a

Friday evening asking to have its request heard on the next working day. We would all agree that

the situation was not the same as that, for example, of Germany in the LaGrand case.

2. These four features which characterize Nicaragua’s request demonstrate, rather, how a

State should not conduct itself towards the Court when seeking provisional measures. Four

features which barely conceal the true reasons underlying the Applicant’s conduct, to which I will

return in a moment.

3. My presentation will be divided into four parts. The first part will show that Nicaragua’s

request is an abuse of process. The second will deal with the rights claimed by Nicaragua that it

purportedly seeks to protect. The third part will show that none of the three measures requested is

justified, and finally, the fourth part will show how Costa Rica’s rights pendente lite would risk

being seriously affected if these measures were to be indicated. - 42 -

A. Nicaragua’s request of 11 October is an abuse of process

4. I will thus begin by explaining why Nicaragua’s request is an abuse of process. There are

four basic reasons justifying this assertion. Primo, because this is the fourth or fifth time that

Nicaragua has requested these measures, in different forms. Secundo, because there has been no

new fact resulting in an aggravation of the situation as it existed at the commencement of the case

which would justify this request. Tertio, because, on Nicaragua’s own admission, its request for

the indication of provisional measures was filed solely because Costa Rica had in its turn requested

new measures. Quarto, because the request filed on 11 October does not satisfy, even in terms of

form, the minimum required by Article 41 of the Statute and Articles 73 and 76 of the Rules of

Court.

5. In effect, this request nowhere states what rights Nicaragua is seeking to protect pending

the decision on the merits. Nor does it explain what would be the consequences of its rejection. It

44 contains the briefest of accounts and I am extremely generous in so describing it of the

justification relied on, and remarkably, for a request for the indication of provisional measures

concerning alleged environmental damage it has been accompanied by not a single I repeat,

not a single piece of supporting evidence. In these circumstances, the very request for hearings

to be held immediately and jointly with those scheduled by the Court for Costa Rica’s request for

provisional measures demonstrates the total lack of serious intent in Nicaragua’s behaviour. I will

cite Nicaragua’s request [slide No. 1]:

“The measures indicated below are known and will not take Costa Rica by
surprise. Nicaragua has been pointing out the need for information sharing and
remedial measures from the moment the road began, and it has requested them in one
way or another in both cases that have been joined and are presently before the
Court.” 99

[End of slide 1.]

6. Mr. President, Members of the Court, this is indeed the fourth or fifth time in this case that

Nicaragua has asked, in one form or another, for the measures which we are examining today. First

and second time: in the Application instituting proceedings, in paragraphs 54 and 55 and in a letter

to the Registrar filed together with the Application. Thus the Applicant there asks the Court to

order Costa Rica to provide Nicaragua with the environmental impact assessment of the road

99Request for the indication of provisional measures, 11 October 2013, p. 4. - 43 -

construction works . Third time: the Applicant’s somewhat novel request to the Court for it to

101
order the provisional measures in question proprio motu . Fourth time: Nicaragua’s Request of

14 June 2013 for an extension of the provisional measures indicated by your Court in the

102
Costa Rica v. Nicaragua case, so as to have them applied in the Nicaragua v. Costa Rica case .

Fifth time: the request for the indication of provisional measures of 11 October, which represents a

45 repeat of the preceding request. The only difference is that the measures requested four months

ago are now expressly set out, whereas in the preceding request they constituted an explanation for

what Nicaragua wished to include in the text of its proposal for modification of the measures

indicated by the Court . 103

7. To justify these hearings and their somewhat chaotic approach to provisional measures,

our opponents yesterday produced an argument which, to say the least, is surprising. It might be

described as “the exhaustion of international remedies”. With some bitterness, they told the Court

that Nicaragua had approached several international organizations, and then the Court itself, none

of which had acted on its requests . And that is why they have now come before you, that is to

say, having exhausted all other remedies. A curious way of justifying a request for provisional

measures! Nicaragua has been unwilling to draw the logical conclusion from this lack of response

on the part of the international organization concerned and of this Court. And yet that conclusion is

blindingly obvious. Perhaps there are other motives behind Nicaragua’s request — motives which

have nothing to do with the terms of Article 41 of your Statute.

8. Mr. President, the Applicant’s conduct is in open defiance of Article 75 (3) of the Rules of

Court, which states: “The rejection of a request for the indication of provisional measures shall not

prevent the party which made it from making a fresh request in the same case based on new facts”.

However, Mr. President, Members of the Court, the provisional measures requested by Nicaragua

10Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River, Application instituting proceedings filed with
the Registry of the Court on 22 Dec. 2011, p. 33, paras. 53-54; letter from the Agent of the Republic of Nicaragua to the
Registrar of the International Court of Justice, ibid., p. 123.

10Letter from Nicaragua to the Court requesting the indication of provisional measures proprio motu,
19 Dec. 2012, Ref. 02-19-12-2002.
102
Letter from Nicaragua to the Court, attaching Nicaragua’s request for modification of the provisional measures
indicated by the Court in Certain Activities, 14 June 2013, Ref. HOL-EMB-111.
103
Nicaraguan Request for modification of provisional measures of 14 June 2013, paras. 51 and 52.
10CR 2013/28, p. 12, para. 4 (Argüello); p. 38, para. 5 (Reichler). - 44 -

are neither new they are still, and always have been, the same nor based on new facts.

Nicaragua has insisted since the start of this case on the existence of a duty of notification which

Costa Rica disputes, and the acts which it imputes to the latter are the same as before.

9. The only element of the request filed in the evening of 11 October that might possibly be

regarded as a “new fact” is the reference to “the rainy season enter[ing] its heaviest stage”. But

that is in no sense a “new fact”, Mr. President. Nicaragua could not have been unaware in

46 December 2012, or in June 2013, that the seasonal rains would be approaching. Members of the

Court, this is the third rainy season since the start of the construction works. Nicaragua’s

Application itself was filed, on 22 December 2011, at the height of the rainy season! Unless,

unbeknown to us all, the 2013-2014 rains herald a new Great Flood, there is nothing new in the

start of the rainy season which could justify Nicaragua’s Request. The dramatic tone adopted by

our opponents yesterday might perhaps have been inspired by Michelangelo’s fresco, but even if it

is raining on the San Juan River, or in The Hague although not this morning! we are not yet

facing an imminent cataclysm that would justify the indication of provisional measures.

10. The Nicaraguan team, having doubtless noted the inherent weakness of Nicaragua’s

Request, has then set off in search of other “new facts”. What has it found? Apparently, two

things. The first, barely a week ago. Pieces of a drainage culvert which it “recovered” from the

waters of the San Juan. The second, which it discovered only yesterday, is that that the resumption

of the construction works amounts to another new fact which could justify the request under

Article 75 (3) of the Rules.

11. We have already explained this morning that neither of these alleged facts would justify

the indication of provisional measures, or make it appropriate to request them. I will simply add

two small comments. The report accompanying the photographs of debris that Nicaragua showed

you a thousand times yesterday states something very interesting. I quote [slide No. 2]:

“The San Juan River MARENA Delegation implements monthly waterway patrolling on the

San Juan River with the participation of MARENA forest rangers and technical specialists - 45 -

105
accompanied by the Army of Nicaragua.” Very well, Mr. President. Two years of construction

work have gone by, river patrols like this are carried out every month, and all that has been found is

a piece of a drainage culvert which, according to the photographs and the video provided by

47 Nicaragua, has come from Costa Rican territory? Does that in any way justify a request for

provisional measures? [End of slide 2.]

12. As for the resumption of the works, if that was the real cause of the request for

provisional measures, why did Nicaragua not say so in its request? Why did Nicaragua not request

provisional measures on the previous occasions that the works had been suspended?

13. There are a number of ways of dealing with this abusive conduct on the part of

Nicaragua. One of them would be to find that this is a request that has already been submitted and

that there are no new facts to justify it. Another would be to hold that one or more of the

conditions required for the indication of provisional measures is not satisfied. Costa Rica leaves it

to you, Members of the Court, in your wisdom, to find the most appropriate means, having regard

to the circumstances of the case.

B. The alleged rights that Nicaragua purportedly seeks to protect

14. Mr. President, given that the request for the indication of provisional measures contains

not a single word on the supposed rights of Nicaragua which allegedly require urgent measures in

order to forestall a risk of irreparable prejudice, Nicaragua’s counsel endeavoured yesterday to re-

adjust their aim. What are now allegedly at stake are the right to territorial sovereignty and

integrity, the right not to suffer significant transboundary harm and the right to be provided with an

environment impact assessment of the works . 106

15. Members of the Court, the territorial sovereignty and integrity of Nicaragua are in no

sense under challenge here. Nobody is disputing Nicaragua’s sovereignty over the waters and bed

of the San Juan River. Nobody is undertaking any activity on the territory of Nicaragua. Even

assuming that the Applicant’s allegations were true quod non this would at most amount to a

105Letter to the Registrar of the Court from His Excellency Carlos Argüello Gómez, Agent of the Republic of
Nicaragua, 31 Oct. 2013, ref. HOL-EMB-220, Ann. 1, Ministry of Environment and Natural Resources (MARENA)
San Juan River Territorial Delegation, “Technical Waterway Patrol on the San Juan River on 27 October 2013”, English
translation, p. 1.

106CR 2013/28, p. 25, para. 8 (McCaffrey) ; p. 47, para. 31 (Reichler). - 46 -

breach of the obligation not to cause significant transboundary harm, but in no case to violations of

the territorial sovereignty or integrity of Nicaragua.

16. Mr. Reichler protested yesterday at the use of the word “invasion” to describe the actions

and threats by Nicaragua which were cited in order to justify the Emergency Decree providing for

48 the construction of Route 1856. He even used the word “surreal” . 107 Yet his colleague

Stephen McCaffrey did not hesitate to use that same word “invasion” to describe the alleged

consequences for Nicaraguan territory of the construction of Route 1856. He also spoke of the

alleged “occupation” and “assault” on Nicaraguan territory as a result of the actions of its

108
neighbour . As you know, Mr. President, the Nicaraguan army is still on Nicaraguan territory,

which has now become “disputed” as a result of Nicaragua’s ex post facto claim to the right to

occupy it. The Nicaraguan President still claims Guanacaste, notwithstanding the existence of a

Treaty of Limits which has been in force for over a century-and-a-half. None of that is surrealism.

Whereas, according to Nicaragua’s counsel, Costa Rica has invaded Nicaragua by sedimentation!

17. As to Nicaragua’s alleged right to be notified of the environmental impact assessment,

Costa Rica argues that in the particular circumstances of the case it has no such obligation. It

suffices to say at this stage that even the international instruments which impose that obligation

also provide for the possibility of exceptions. I would cite as an example Article 19 of the

Convention on the Law of Non-Navigational Uses of International Water Courses . I would add

that Nicaragua is responsible for the situation and has, moreover, prevented and frustrated any form

of consultation. Costa Rica’s Agent reminded you this morning that the response to the Note of

29 November 2011 from his country’s Foreign Minister to his Nicaraguan counterpart, sent in a

spirit of co-operation, was the institution of proceedings before this Court less than a month later.

In any event, Mr. President, the question of whether there is an obligation of notification in the

current context is a matter going to the merits, and it is regrettable that Nicaragua has introduced it

through incidental proceedings. Costa Rica will explain itself at the appropriate time, that is to say,

in its Counter-Memorial next month.

107
CR 2013/28, p. 48, para. 33 (Reichler).
10Ibid., p. 24, para. 1 ; p. 28, para. 15 (McCaffrey).
109
Convention on the Law of Non-Navigational Uses of International Water Courses, adopted by the
United Nations Assembly on 21 May 1997, not yet in force. - 47 -

18. Finally, as to the right not to suffer significant transboundary harm, my colleagues have

49 already shown you this morning that Nicaragua has not provided evidence of a real risk of

irreparable prejudice and hence, still less, of the urgent need to adopt measures in order to avoid it.

C. None of the measures requested is justified

19. Mr. President, I will now examine the three measures requested by Nicaragua in order to

show that not one of them is justified.

20. The first measure requests that Costa Rica should be required to provide an

environmental impact assessment of the road construction works and reports and assessments on

110
the measures necessary to mitigate significant environmental harm to the river .

21. This is the fifth time that Nicaragua has addressed this issue. On every preceding

occasion, this Court has refused its requests. The reasons for that refusal can readily be

understood.

22. Apart from the obvious fact that the production of evidentiary material cannot in itself

prevent irreparable prejudice the risk of which, moreover, clearly does not exist such a

measure would seriously prejudice the merits of the case; that question can only be resolved at the

merits stage . Even supposing that there has been a breach of the obligation to provide an

environmental impact assessment quod non the response would not be the indication of a

provisional measure, but a decision on the merits, with such consequences as you might consider

appropriate. What the Permanent Court said in the Factory at Chorzów case in relation to the

German Government applies here to the Nicaraguan Government:

“Considering that the request of the German Government cannot be regarded as
relating to the indication of measures of interim protection, but as designed to obtain
an interim judgment in favour of a part of the claim formulated in the Application
112
above mentioned” .

50 23. Furthermore, Members of the Court, Costa Rica has already provided abundant technical

evidence more substantial, more serious and more credible than that of the Applicant which

110
Request for the indication of provisional measures submitted by Nicaragua, 11 Oct 2013, p. 4.
11Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning the Temple of Preah Vihear
(Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand), Provisional Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports 2011 (II),
p. 546, para. 41; Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Provisional
Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 155, para. 74.

11Factory at Chorzów, Order of 21 November 1927, P.C.I.J., Series A, No. 12, p. 10. - 48 -

shows both the lack of any significant harm to the San Juan River and the actions taken to avoid

any harm. Next month Costa Rica will file its Counter-Memorial, where that scientific evidence

will be enlarged on. That is all that needs to be said, not only on the fact that there is no

justification for this provisional measure, but also that it would serve no useful purpose.

24. The second provisional measure requested by Nicaragua asks this Court to require

Costa Rica to take measures described as “emergency” — of such an “urgent” nature that they were

already set out in the Memorial, in Chapter 6, “Remedies”, paragraph 6.8, two years ago. Precisely

the same measures. These are the “four tasks” mentioned in the Kondolf report appended to the

Memorial, in reduced form. They also form part of Nicaragua’s petitum in the Memorial, under

113
point 4 .

25. It might have been expected that the two new Kondolf reports filed last Friday would

contain new matters explaining how, over these two years, the situation has worsened to the extent

of rendering the risk more real. Of course, they show nothing of the sort. The scientific evidence

provided by Costa Rica demonstrates that the impact of the construction of the road in Costa Rican

114
territory is negligible .

26. Quite apart from the fact that Nicaragua has failed to establish any urgent need for the

adoption of these measures in order to avoid irreparable prejudice, Costa Rica has already taken a

certain number of actions in order to avoid any harmful impact on the San Juan, which even go

beyond what Nicaragua is requesting. [Slide No. 3.] On your screen and at tab 31 of your folders

you will see a comparative table showing, on the one hand, the second provisional measure

requested by Nicaragua, and on the other, the concrete action that Costa Rica has already taken and

is continuing to take. If anything has changed in the factual situation since the institution of

51 proceedings in 2011, it is indeed not a worsening of the situation, but on the contrary a qualitative

and quantitative enhancement of the measures adopted by Costa Rica in order to avoid any damage.

The second measure requested thus becomes not only unjustified but also moot. [End of slide 3.]

11Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River, (Nicaragua v. Costa Rica), Memorial of
Nicaragua 19 Dec. 2012, Submissions, p. 252.
114
Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Request for the
indication of provisional measures, documentation admitted by Costa Rica on 1 Nov. 2013, Annexes, Ann. CR-1,
Costa Rican Institute of Electricity (ICE), “Report on Hydrology and Sediments for the Costa Rican River Basins
draining to the San Juan River”, August 2013, p. 32-34. - 49 -

27. The third measure requested by Nicaragua is undoubtedly the boldest and most

excessive, and should therefore be rejected out of hand. It amounts no more and no less to

preventing Costa Rica from improving its road network on its own territory, simply because

Nicaragua instituted proceedings in 2011 and is again requesting the suspension of the works

in 2013. That request would also entail provisionally awarding to Nicaragua here and now what it

is requesting on the merits, in point (a) of paragraph 51 of its Application and in point 2 (i) of the

Submissions in its Memorial.

28. Mr. Reichler has argued that suspending the works would cause no prejudice to

115
Costa Rica . That is quite clearly wrong. Leaving aside the fact that Costa Rica’s sovereign

freedom of decision over its own road network would be seriously undermined, it would also have

extremely grave economic consequences for a project that is fully underway. The same
116
Nicaraguan counsel told you that a return to the status quo ante is no longer possible , contrary to

what Nicaragua itself requests in its Application and in its Memorial . But what do our opponents

want? Let us say it once and for all: to keep Route 1856 in an uncompleted state. That is what

Nicaragua is asking of you. Is that even the best way of preserving the ecology of the San Juan

River? It is quite obvious that Nicaragua’s real aim is to prevent Costa Rica from possessing a road

in its border area.

29. Yesterday our opponents referred several times to the Pulp Mills case. It overlooked an

important matter which this Court mentioned both in its Order of 8 July 2006, as well as in its

Judgment on the merits. The situations are of course quite different. The Statute of the River

52 Uruguay deals with the use of a shared waterway and establishes a detailed procedure for bilateral

co-operation. Contrary to that case between Argentina and Uruguay, here there is no question of

any use of the river by Costa Rica. Even in the Pulp Mills case, as previously in the case

concerning Passage through the Great Belt, the Court reached the conclusion that, pendente lite,

there was no obligation to suspend the disputed works; the Party undertaking them did so at its

115
CR 2013/28, p. 47-48, para. 32; p. 49, para. 37 (Reichler).
11Ibid., p. 45, para. 27.
117
Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Application
instituting proceedings filed with the Registry of the Court on 22 Dec. 2011, p. 30, paraMN, pp. 241-242,
para. 6.31, p. 251, Submission 2 (ii). - 50 -

118
own risk in light of the possible consequences of findings on the merits . The same solution is

applicable here a fortiori, where there is no question of an activity involving a shared natural

resource, but of the construction of a road on Costa Rican territory. What are at stake are the rights

of Costa Rica, which Nicaragua pretends to ignore completely in this case and in the present

incidental proceedings. I now come to those rights.

D. Costa Rica’s rights would suffer serious prejudice if the measures

requested were indicated

30. Members of the Court, if the provisional measures requested were to be ordered,

Costa Rica’s rights would be seriously prejudiced. Costa Rica has a sovereign right to extend its

road infrastructure on its territory. Only Costa Rica can decide, without any external interference,

what is the best way to pursue the sustainable development of all and each of the country’s regions,

to effectively integrate them with the remainder of the territory, to strengthen the country’s

security, and to provide effective communication with remote communities in the border area, and

to ensure their protection and the provision of public services. Nicaragua, which has done

everything in its power to prevent those services being provided via the San Juan River, contrary to

the rights granted to Costa Rica by the Treaty of Limits of 1858 and the Cleveland Award of 1888,

cannot also now prevent Costa Rica from providing the various communities along the river with

communications and security from its own Costa Rican territory.

31. It is true that Costa Rica recognizes, respects, and — I am authorized to say so — is

formally and solemnly bound to continue to comply with, the obligation not to cause significant

transboundary damage. However, it is up to Costa Rica, and to it alone, to decide what measures it

needs to take on its own territory in order to prevent activities, again on its own territory, from

causing significant harm to its neighbour’s territory. For that reason alone, the measures

requested — even if the conditions for their indication were satisfied, which is far, very far, from

being the case here — must be refused. Costa Rica has, on its own initiative, taken the remedial

measures necessary to prevent any damage to the San Juan River. Nicaragua, which has not

11Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006,
I.C.J. Reports 2006, p. 133, para. 78. Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional Measures,
Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 19, para. 31. Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay),
Judgment, I.C.J. Reports 2010 (I), p. 69, para. 154, Declaration of Judge Skotnikov, ibid., p. 132, para. 3. - 51 -

demonstrated the existence of a risk of irreparable prejudice, and a fortiori an urgent need for

measures to avoid it, is not entitled to decide what should be done on Costa Rican territory.

E. Conclusion

32. Mr. President, yesterday we were pointlessly regaled with premature arguments on the

merits. In reaching my conclusion, I will begin by summarizing the situation thus: this is a

repeated and abusive request, containing no shred of evidence of the existence of new facts or of a

worsening of the situation that existed at the time of the Application; no evidence of any risk

whatever of irreparable damage to the San Juan River; no evidence that Nicaragua’s rights to

territorial sovereignty, navigation, the health of its population, its flora and fauna, or anything else,

are being affected and require urgent action.

33. As you will have noted throughout this long morning, Members of the Court, the reality

is very different from the picture painted by our opponents. Costa Rica has no interest in harming

the San Juan River. First, because Costa Rica wishes to be able to exercise its perpetual right of

free navigation under the Treaty of Limits of 1858. Secondly, because to damage the waters of the

San Juan would be to damage the waters of the biggest Costa Rican river in the border area with

Nicaragua, the Colorado, which receives almost 90 per cent of the waters flowing through the

San Juan. That is to demonstrate the artificiality of this case, and a fortiori the artificial nature of

this bizarre request for provisional measures.

34. I should also like to make an important comment on our opponents’ tactics. Nicaragua

has submitted counter-claims and requested the joinder of the cases for the purpose of delaying

53 your decision on the question of the sovereignty and occupation of Isla Portillas in the case

concerning Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area. Now, and with the

same delaying tactic in mind, Nicaragua has decided to request provisional measures that are

totally unjustified. Even yesterday, Mr. President, and despite your announcement of a
119
forthcoming hearing for the reading of your Order on the measures requested by Costa Rica , my

colleague Alain Pellet invited you in barely veiled terms to “rule in a joint Order on both requests

119CR 2013/28, p. 11 (Tomka). - 52 -

for provisional measures” . As you can see, Members of the Court, this is not simple speculation

on the part of Costa Rica. The true aims pursued by our opponents are now out in the open.

35. Moreover, there would be other consequences, or “collateral damage” if I may use the

term, if Nicaragua’s request were to succeed. The high threshold established by the Court for the

indication of provisional measures would be lowered, creating a precedent which would thus open

the way to parties to request the same provisional measures several times simply by changing their

description or invoking artificial new facts, or requesting them first proprio motu and then by the

normal route. Nicaragua’s conduct not only represents an attack on Costa Rica’s rights, but is also

a threat to the sound administration of justice.

36. Contrary to Nicaragua’s efforts, Costa Rica fervently wishes to see these joined cases

brought to a conclusion as soon as possible. It would be the best way of securing the rights at

stake. If it was true that Nicaragua sincerely cared about the fate of the San Juan River, it ought to

have encouraged matters to proceed with the greatest possible speed. That has unfortunately not

been the case.

37. For all of the reasons which we have put to you at these hearings, Costa Rica considers

that Nicaragua’s request for the indication of provisional measures must be rejected. Mr. President,

Members of the Court, that brings to an end Costa Rica’s first round of oral argument. On behalf

of the entire delegation, I thank you for your kind attention this morning.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. That ends the first round of Costa Rica’s oral

argument. The Court will meet tomorrow at 10 a.m. to hear Nicaragua’s second round of oral

argument. The sitting is closed.

The Court rose at 12.45 a.m.

___________

12CR 2013/28, p. 51, para. 3 (Pellet).

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