Traduction

Document Number
152-20131105-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
152-20131105-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non corrigé Traduction

Uncorrected Translation

CR 2013/28 (traduction)

CR 2013/28 (translation)

Mardi 5 novembre 2013 à 10 heures

Tuesday 5 November 2013 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour siège

aujourd’hui, conformément au paragraphe 3 de l’article 74 du Règlement, pour entendre les

observations des Parties sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le

Nicaragua en l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve

San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), qui a été jointe à l’affaire relative à Certaines activités menées

par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), aux termes de

deux ordonnances distinctes de la Cour datées du 17 avril 2013.

Chacune des Parties en présence, la République du Nicaragua et la République du

Costa Rica, s’est prévalue de la faculté que lui confère l’article 31 du Statut de la Cour de désigner

un juge ad hoc. Le Nicaragua a désigné M. Gilbert Guillaume et le Costa Rica, M. Bruno Simma.

Par une communication en date du 17 avril 2013, M. Simma a fait part à la Cour de sa décision de

démissionner de ses fonctions, comme suite à la jonction d’instances susmentionnée.

Il est rappelé que, dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans

la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), le Costa Rica a désigné M. John Dugard et le

Nicaragua, M. Gilbert Guillaume. Les juges Guillaume et Dugard ont tous deux été installés en

qualité de juges ad hoc en 2011, lors de la phase de l’affaire consacrée à la demande en indication

de mesures conservatoires soumise par la République du Costa Rica le 18 novembre 2010, et

continuent de siéger dans toutes les phases consécutives à cette jonction.

*

Je vais maintenant rappeler brièvement les principales étapes de la procédure suivie dans

l’affaire Nicaragua c. Costa Rica, à ce stade. Le 22 décembre 2011, le Gouvernement du

Nicaragua a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre le

Gouvernement du Costa Rica faisant état de «violations de [s]a souveraineté et [de] dommages

importants à l’environnement sur son territoire» ; il faisait en particulier grief au Costa Rica de

réaliser, sur la majeure partie de la frontière entre les deux pays, le long du fleuve San Juan, de

vastes travaux visant à construire une route et ayant de graves conséquences pour l’environnement. - 3 -

9 Par ordonnance du 23 janvier 2012, la Cour a fixé au 19 décembre 2012 et au

19 décembre 2013, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dépôt d’un mémoire

par le Nicaragua et d’un contre-mémoire par le Costa Rica. Le mémoire du Nicaragua a été déposé

dans le délai ainsi prescrit.

Le 11 octobre 2013, le Nicaragua a déposé au Greffe une demande en indication de mesures

conservatoires dans la présente affaire. Le Nicaragua a précisé qu’il ne cherchait pas à obtenir la

modification de l’ordonnance du 8 mars 2011, mais qu’il sollicitait «l’indication de nouvelles

mesures conservatoires dans le cadre de l’affaire Nicaragua c. Costa Rica».

Le greffier a immédiatement communiqué copie de ladite demande au Gouvernement du

Costa Rica.

Le Nicaragua affirme, s’agissant des faits qui l’ont conduit à introduire la présente demande,

que «le Costa Rica refuse obstinément de [l’]informer … en bonne et due forme concernant le

projet de route» et qu’il «nie avoir l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur

l’environnement ou de [lui] fournir un tel document…». Le Nicaragua écrit :

«Alors que nous arrivons au plus fort de la saison des pluies et qu’une quantité
encore plus importante de sédiments se déverse dans les eaux du fleuve, le Costa Rica
ne [lui] a toujours pas communiqué … les informations requises, et n’a pas non plus

pris les mesures nécessaires le long de la route de 160 kilomètres afin d’éviter ou
d’atténuer les dommages irréparables causés au fleuve et au milieu environnant,
notamment à la navigation, ainsi qu’à la santé et au bien-être de la population
riveraine.»

Je prierai maintenant le greffier de donner lecture du passage de la demande spécifiant les

mesures conservatoires que le Gouvernement du Nicaragua prie la Cour d’indiquer.

Le GREFFIER :

«Le Nicaragua prie respectueusement la Cour d’indiquer d’urgence, pour
empêcher que d’autres dommages soient causés au fleuve et que soit aggravé le
présent différend, les mesures conservatoires ci-après :

1) que le Costa Rica fournisse immédiatement et inconditionnellement au Nicaragua
l’évaluation de l’impact sur l’environnement ainsi que tous les rapports techniques
et évaluations concernant les mesures nécessaires pour atténuer les dommages
graves qui pourraient être causés au fleuve,

2) que le Costa Rica prenne immédiatement les mesures d’urgence suivantes :

a) réduire l’ampleur et la fréquence des effondrements et glissements de terrain
dus à l’affaissement du remblai dans les secteurs où la route rencontre les - 4 -

pentes les plus escarpées, et en particulier dans les zones où se sont accumulés
10 ou sont susceptibles de s’accumuler dans le San Juan les débris de l’érosion ou
de l’effondrement des sols.

b) éliminer ou réduire sensiblement les risques futurs d’érosion et de dépôt de
sédiments à tous les points de passage de cours d’eau le long de la route 1856.

c) réduire immédiatement l’érosion du revêtement routier et le dépôt de
sédiments en améliorant la dispersion du ruissellement des eaux provenant de
la route, et en augmentant le nombre et la fréquence des structures de drainage
de voirie.

d) maîtriser l’érosion superficielle et les dépôts consécutifs de sédiments
provenant de sols nus dans les zones exposées aux activités de dégagement,
d’arrachage et de construction menées depuis plusieurs années.

3) qu’il soit ordonné au Costa Rica de ne reprendre aucune activité de construction de
la route tant que la Cour demeurera saisie de la présente instance.»

Le PRESIDENT : Aux termes de l’article 74 du Règlement, la demande en indication de

mesures conservatoires a priorité sur toutes autres affaires et la Cour, si elle ne siège pas, est

immédiatement convoquée pour statuer d’urgence sur cette demande. Les Parties ont été informées

que la date d’ouverture de la procédure orale visée au paragraphe 3 de l’article 74 du Règlement, au

cours de laquelle elles pourraient présenter leurs observations sur la demande en indication de

mesures conservatoires, avait été fixée au 5 novembre 2013, à 10 heures.

Je note la présence devant la Cour des agents, conseils et avocats des deux Parties.

Conformément aux dispositions relatives à l’organisation de la procédure arrêtées par la Cour, les

audiences comprendront un premier et un second tour de plaidoiries. Chaque Partie disposera

d’une séance de trois heures pour le premier tour et d’une séance d’une heure et demie pour le

second. Il s’agit bien évidemment d’un temps de parole maximal, que les Parties ne devront

utiliser qu’en tant que de besoin.

Le Nicaragua présentera ce matin son premier tour d’observations orales sur sa demande en

indication de mesures conservatoires. Le Costa Rica présentera son premier tour d’observations

orales sur cette demande mercredi 6 novembre, à 10 heures.

Le Nicaragua présentera ensuite son second tour d’observations orales jeudi 7 novembre

à 10 heures, lors d’une séance qui n’excédera pas une heure et demie. Le Costa Rica présentera

ensuite son second tour d’observations orales vendredi 8 novembre à 10 heures, dans un même

intervalle de temps. - 5 -

11 Le PRESIDENT : Avant de donner la parole à S. Exc. M. Carlos Argüello Gómez, agent du

Nicaragua, j’appelle l’attention des Parties sur l’instruction de procédure XI, dans laquelle il est

notamment indiqué que les parties,

«[d]ans leurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures
conservatoires … se limite[nt] aux questions touchant aux conditions à remplir aux
fins de l'indication de mesures conservatoires, telles qu'elles ressortent du Statut, du
Règlement et de la jurisprudence de la Cour. Les parties ne devraient pas aborder le
fond de l'affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la demande.»

L’objet des présentes audiences est de permettre aux Parties à l’affaire relative à la

Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica)

d’examiner la demande en indication de mesures conservatoires que le Nicaragua a présentée dans

cette affaire. La procédure orale concernant la demande en indication de mesures conservatoires

présentée par le Costa Rica en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans

la zone frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) s’est achevée le 17 octobre 2013, et les délibérations

sur cette demande sont déjà bien avancées ; le greffier convoquera d’ailleurs bientôt les Parties

dans cette même salle de justice pour entendre la lecture de l’ordonnance de la Cour. J’appelle

maintenant à la barre S. Exc. M. Carlos Argüello Gómez, agent du Nicaragua.

Monsieur Argüello Gómez, vous avez la parole.

Mr. ARGÜELLO GOMEZ:

1. Bonjour. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est, comme

toujours, un grand honneur que de m’adresser à vous au nom de mon pays.

2. Je préciserai toutefois d’emblée que j’aurais préféré avoir l’honneur d’exposer la demande

en indication de mesures conservatoires du Nicaragua aujourd’hui à l’examen au cours des

précédentes audiences qui se sont tenues en octobre dernier. Cela ne signifie pas que nous ne

comprenions pas pourquoi il a été décidé de tenir des audiences distinctes, étant donné que le

Nicaragua a introduit sa demande tardivement.

3. Cela mérite cependant une explication. Cette demande n’était pas un ajout de dernière

minute. Dans le cadre de la précédente demande en indication de mesures conservatoires déposée

par le Costa Rica, le Nicaragua a, le 10 octobre 2013, présenté à la Cour une lettre dans laquelle il

reconnaissait, d’une manière générale, les faits tels que ceux-ci avaient été présentés, et précisait - 6 -

12 qu’il avait été mis fin à la situation aussitôt après que le président du Nicaragua en avait eu

connaissance, ajoutant que des mesures avaient été prises pour éviter que pareils événements ne se

reproduisent.

4. Selon nous, du fait de ces explications données par le Nicaragua, la demande en indication

de nouvelles mesures conservatoires présentée par le Costa Rica était devenue sans objet et pouvait

être retirée. Ce n’est qu’après que le Costa Rica eut rejeté la déclaration du Nicaragua au motif

qu’elle était insuffisante et insisté pour que les audiences se tiennent comme prévu que nous avons

décidé de présenter notre propre demande en indication de mesures conservatoires, avec l’intention

qu’elle soit examinée au cours de ces mêmes audiences. Si le Nicaragua souhaitait joindre sa

demande à celle du Costa Rica, c’était par souci d’épargner à la Cour le coût et le désagrément que

représente la tenue de nouvelles audiences. En effet, ainsi que cela ressort du bref historique de la

procédure que je présentai maintenant succinctement, le Nicaragua avait déjà plusieurs fois tenté

d’obtenir une certaine forme de protection de ses droits sans en passer par la procédure formelle

des audiences publiques.

5. Cela n’a malheureusement pas été possible, et nous voilà donc contraints d’accroître la

charge de travail de la Cour.

Effet de la jonction des deux instances

6. Monsieur le président, d’une manière ou d’une autre, les présentes audiences se rapportent

à deux affaires dont la Cour a actuellement à connaître, affaires dans lesquelles les instances ont été

jointes par l’ordonnance du 17 avril 2013. L’une de ces affaires a été introduite par le Costa Rica

contre le Nicaragua (l’affaire relative à Certaines activités), par une requête déposée le

18 novembre 2010 , l’autre ayant été introduite par le Nicaragua contre le Costa Rica (affaire

2
relative à la Construction d’une route), par une requête déposée le 22 décembre 2011 .

7. A cet égard, permettez-moi de rappeler la déclaration que nous avons faite dans notre

lettre du 11 octobre 2013, lettre dans laquelle le Nicaragua sollicitait les mesures conservatoires

actuellement à l’examen. Dans ce document, il était indiqué ce qui suit :

1Disponible sur le site Internet http://www.icj-cij.org/docket/files/150/16279.pdf.

2Disponible sur le site Internet http://www.icj-cij.org/docket/files/152/16917.pdf. - 7 -

«Le Nicaragua tient à préciser que, bien qu’il ait introduit une instance contre le
Costa Rica concernant la construction d’une route (route 1856) , les dommages causés

au fleuve par la construction de ladite route constituent également une aggravation du
différend à l’examen dans l’affaire relative à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica). Ces dommages
sont indissociablement liés à l’affaire relative à Certaines activités menées par le

Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ; ainsi que le
13 Nicaragua l’a exposé dans ses écritures, les travaux de construction de cette route
entrepris par le Costa Rica ont entraîné un brusque accroissement de la charge
sédimentaire du fleuve San Juan, qui a contraint le Nicaragua à prendre des mesures

énergiques, 4 compris de dragage, afin de préserver la qualité et la quantité des eaux
du fleuve.»

8. C’est pour cette même raison que j’ai, dans l’exposé que j’ai présenté

5
le 15 octobre dernier au cours des audiences relatives à la demande en indication de nouvelles

mesures conservatoires déposée par le Costa Rica dans l’affaire relative à Certaines activités,

appelé l’attention de la Cour sur les dommages causés par ces travaux de construction et sur la

nécessité de mettre à fin à ce processus de destruction, jour après jour, du système du fleuve. Ce

que j’ai indiqué dans cet exposé s’applique également aux présentes audiences, étant donné que les

deux instances sont jointes.

Contexte du différend

Affaire relative à Certaines activités : un différend territorial

9. Dans l’affaire relative à Certaines activités, le Costa Rica revendique la souveraineté sur

une zone humide d’environ 250 hectares située à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua,

que ce dernier considère également comme faisant partie de son territoire souverain.

10. La zone en litige a été démarquée dans la première sentence Alexander . Dans la partie

pertinente de cette sentence, l’arbitre a déclaré que la ligne initiale de la frontière devait être la

suivante :

«Son orientation sera nord-est sud-ouest, à travers le banc de sable, de la mer
des Caraïbes aux eaux de la lagune de Harbor Head. Elle passera au plus près à
300 pieds au nord-ouest de la petite cabane qui se trouve actuellement dans les
parages.»

3
Voir la requête introductive d’instance de la République du Nicaragua contre la République du Costa Rica
du 21 décembre 2011.
4Lettre en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, réf. : HOL-EMB-196.

5Disponible sur le site Internet http://www.icj-cij.org/docket/files/150/17588.pdf.
6
Première sentence rendue par l’arbitre E.P. Alexander à San Juan del Norte, le 30 septembre 1897, sur la
question de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua, RSA, vol. XXVIII, p. 220 (MCR, vol. II, annexe 9, p. 69). - 8 -

11. Comme nous le voyons à présent à l’écran [projection], cette ligne traverse le banc de

sable qui existait déjà à l’époque, laissant au Nicaragua la souveraineté sur celui-ci, puis pénètre

dans la lagune de Harbor Head, à partir de laquelle, poursuit la sentence,

«la ligne frontière obliquera vers la gauche, en direction du sud-est, et suivra le rivage
autour du port jusqu’à atteindre le fleuve proprement dit par le premier chenal
rencontré. Remontant ce chenal et le fleuve proprement dit, la ligne se poursuivra
comme prescrit dans le traité.»

12. Selon le Nicaragua, cela signifie que le premier chenal, ou caño, est situé à l’intérieur de

la lagune de Harbor Head et que, de là, il se prolonge jusqu’au fleuve proprement dit. Selon le

Costa Rica, en revanche, le premier chenal se prolonge jusqu’à la mer, et non jusqu’au fleuve.

14 13. C’est cette divergence de vues qui s’est cristallisée pour donner naissance au différend

territorial portant sur les 250 hectares de marécages [fin de projection].

Affaire relative à Certaines activités : la question du dragage et du nettoyage du San Juan et
de ses chenaux

14. L’autre demande formulée par le Costa Rica dans cette affaire est que le Nicaragua doit

cesser toute activité de dragage dans les trente derniers kilomètres qui séparent le fleuve de la mer,

et mettre fin à toute activité dans toute autre partie du fleuve qui risquerait de causer des dommages

au territoire costa-ricien.

15. Cette question est au cœur de la plupart des différends relatifs au fleuve San Juan qui

opposent les deux Etats depuis 150 ans. Actuellement, environ 90 % des eaux du fleuve San Juan

de Nicaragua trouvent leur débouché en mer par le bras du fleuve Colorado, qui coule entièrement

en territoire costa-ricien. La position du Nicaragua est qu’il ressort clairement du

traité Jerez-Canas de 1858 et de la Sentence Cleveland de 1888 que le Nicaragua a le droit de

draguer le fleuve en vue de maintenir la situation qui prévalait en 1858.

Mesures conservatoires

16. En même temps que la requête introductive d’instance qu’il a déposée contre le

Nicaragua, le Costa Rica a également présenté une demande en indication de mesures

conservatoires. La Cour a décidé d’indiquer certaines mesures, par son ordonnance

du 8 mars 2011. L’une de ces mesures était la suivante : «3) Chaque Partie s’abstiendra de tout - 9 -

acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre la

solution plus difficile.»

Affaire relative à la Construction d’une route

17. Or, après le prononcé de cette ordonnance en indication de mesures conservatoires, le

Costa Rica s’est lancé dans la construction d’une route extrêmement dommageable et destructrice

d’un point de vue environnemental, que son président a autorisée à la hâte par un décret instituant

l’état d’urgence. En construisant cette route, le Costa Rica a omis de procéder à ses contrôles de

sécurité habituels et d’effectuer une évaluation de l’impact sur l’environnement. Cela a

immanquablement débouché sur une conception et une construction bâclées ce que le collège

7
costa-ricien des ingénieurs et architectes lui-même a d’ailleurs dénoncé , qui constituent un

15 véritable cauchemar environnemental. Ce que je tiens à souligner, c’est que ce sont les dommages

que les travaux de construction de la route ont causés au fleuve San Juan et à ses zones humides

protégées qui ont conduit le Nicaragua, le 22 décembre 2011, à introduire une affaire contre le

Costa Rica devant la Cour.

18. Selon le Costa Rica, la construction de cette route était justifiée par des raisons de

sécurité consécutives aux activités menées dans le territoire en litige. Ladite route a été construite

sur la base d’un décret instituant l’état d’urgence, sans étude d’impact sur l’environnement et sans

que soient respectés les plus élémentaires précautions en matière environnementale et préceptes de

bon voisinage.

19. De fait, la construction irresponsable et inamicale de la route en question était largement

dictée par le ressentiment. En attestent les propos du deuxième vice-président du Costa Rica,

M. Alfio Piva, qui a déclaré que, étant donné que la construction de la nouvelle route rendait le

8
fleuve inutile pour le Costa Rica, les Nicaraguayens n’avaient qu’à «manger le San Juan» .

20. Le fait que les travaux de construction de la route ont été conçus et exécutés sans tenir le

moindre compte des aspects environnementaux ou des risques que cela pouvait présenter pour le

7Voir l’annexe 4 du mémoire déposé par la République du Nicaragua dans l’affaire relative à la Construction
d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), 19 décembre 2012.

8El Nuevo Diario, Nicaragua, «Le vice-président du Costa Rica propose de manger le San Juan», 23 janvier 2012
(NCM, vol. III, annexe 102). - 10 -

territoire contigu du Nicaragua a été reconnu par les plus hautes autorités du Costa Rica. Ainsi, le

13 décembre 2011, la présidente du Costa Rica, Mme Laura Chinchilla, a déclaré qu’un «décret

instituant l’état d’urgence a[vait] été pris pour des raisons de nécessité nationale et [que] telle

[était] la base sur laquelle les projets [avaient] été conçus». Et Mme Chinchilla d’ajouter : «Nous
9
ne reculerons pas d’un iota» , avant de conclure que, dans ces conditions, le Costa Rica «n’a[vait]

aucune explication à donner au Gouvernement du Nicaragua» . 10

21. Quant au ministre des affaires étrangères du Costa Rica, M. Castillo, il a lui aussi, avec

un mépris souverain, déclaré que son pays n’avait pas la moindre explication à donner, «ni à

suspendre le chantier entrepris en raison d’une urgence provoquée par le Nicaragua», ajoutant

qu’«[i]l s’agi[ssait] d’un projet souverain exécuté en vertu d’un décret qui nous exempte de toute

évaluation de l’impact sur l’environnement, ce pourquoi nous n’avons pas à nous justifier». Ce

faisant, le ministre a confirmé qu’aucune évaluation n’avait été réalisée pour atténuer les

11
dommages susceptibles d’être causés à l’environnement par les travaux projetés dans la zone .

16 Conséquences de la construction de la route

22. Le tracé de la route, parallèle à la rive droite du fleuve San Juan, en est dangereusement

proche, et ne tient aucun compte des répercussions sur l’environnement, et ce, même sur le

territoire du Costa Rica, en violation du droit costa-ricien qui interdit toute construction de ce type

à moins de 50 mètres d’un fleuve. Le fait que le Costa Rica n’a tenu aucun compte des obligations

juridiques qui lui incombaient, et a agi au mépris de la prudence la plus élémentaire a été confirmé

par le tribunal administratif pour l’environnement du Costa Rica 12 et par les rapports du collège

costa-ricien des ingénieurs et architectes et du laboratoire national des matériaux et des modèles

structurels de l’Université du Costa Rica, ainsi que par d’autres rapports publiés par des institutions

9Mémoire présenté par la République du Nicaragua dans l’affaire relative à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), annexe 24, «Chinchilla défend la route critiquée par le
Nicaragua et refuse le dialogue», article publié le mercredi 14 décembre 2011 sur le site El País.cr.

10Ibid.
11
Ibid.
12Le tribunal administratif pour l’environnement du Costa Rica a confirmé que l’abattage d’arbres était excessif
et relevé que certaines zones défrichées étaient huit fois plus larges que la route. Pour plus d’informations, voir El País,
Costa Rica, «Le tribunal de l’environnement confirme que l’abattage d’arbres effectué pour construire la route 1856 est

excessif», 15 juillet 2012 (MN, vol. II, annexe 37). - 11 -

costa-riciennes et des experts internationaux . Dès lors que les considérations environnementales

ont été totalement négligées en ce qui concerne le Costa Rica lui-même, sur la base d’un décret

invoquant une situation d’urgence nationale discutable, quelle importance pourrait bien être

accordée au territoire et à l’environnement nicaraguayens ?

23. Le collège des ingénieurs et architectes du Costa Rica a ainsi indiqué que la destruction

de la végétation le long de la rive droite du fleuve, ainsi que la construction de remblais instables et

non protégés et l’absence d’un système de drainage adéquat entraînaient une augmentation des

effondrements de terrain, une érosion excessive et un déversement de sédiments dans le fleuve

San Juan de Nicaragua, ce qui rendait la navigation sur le fleuve encore plus difficile. Et ces

experts de conclure que le projet de construction de route pourrait empêcher les Costa-Riciens de

14
naviguer sur le fleuve .

24. Les rapports établis par ces institutions costa-riciennes indépendantes contredisent

totalement les conclusions taillées sur mesure figurant dans les rapports des institutions

gouvernementales déposés hier par le Costa Rica, et que nous examinerons dans un instant.

25. La Cour a déjà vu des photographies des travaux de construction de la route. Pour
o
mémoire, certaines apparaissent à l’écran [onglet n 2]. [Fin de projection.]

17 26. Les conséquences de ce mépris flagrant de l’environnement et du territoire du pays

voisin ont été relevées dans le rapport de M. Kondolf. Celui-ci souligne que

«[l]e tracé peu judicieux de cet ouvrage à travers des flancs de colline abrupts et
instables et à faible distance du fleuve est le résultat de pratiques déficientes en
matière de construction d’ouvrages de voirie, lesquelles après avoir été en usage

aux Etats-Un15 et en Europe dans les années 1950 sont illégales depuis des
décennies» .

13
Voir, par exemple, le plan de gestion environnementale du Costa Rica, avril 2012, p. 22-23 (MN, vol. II,
annexe 2). Rapport DRD-INSP-0299-2012 du collège des ingénieurs et architectes du Costa Rica, 8 juin 2012, p. 15-17
(dans lequel est constatée l’existence de hauts remblais, presque verticaux, sans aucune protection) (MN, vol. II,
annexe 4) et rapport du laboratoire national des matériaux et des modèles structurels de l’Université du Costa Rica,
p. 49 et 51 (MN, vol. II, annexe 3) ; premier rapport Kondolf, juillet 2012, section 2.14 (appendice 1 du contre-mémoire
déposé par le Nicaragua (CMN) dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua)), rapport Kondolf, par exemple, section 6 (MN, vol. II, annexe 1). Voir aussi le
rapport Kondolf intitulé «Confirmation des mesures urgentes requises pour atténuer l’érosion et le dépôt de sédiments de
la route 1856, Costa Rica, dans le fleuve San Juan, Nicaragua», 12 octobre 2013, et le rapport intitulé «Impacts continus
de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le San Juan, Nicaragua», 30 octobre 2013.
14
Mémoire déposé par le Nicaragua dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), par. 4.15.
15 Rapport Kondolf, «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le San Juan,

Nicaragua», 30 octobre 2013, p. 1. - 12 -

27. Il y a une expression espagnole qui dit «para muestra un botón», ce qui signifie

littéralement «voici, en guise d’exemple, un bouton». Nous allons voir à l’écran les photographies

d’un incident survenu il y a 10 jours, qui atteste des mauvaises pratiques de construction dont parle

M. Kondolf. Il ne s’agissait pas d’un bouton mais d’un gros tuyau de canalisation, lequel s’est

retrouvé dans les eaux du San Juan après une simple averse. Les personnes que vous voyez à

l’écran en train de ramasser les débris et de les découper pour faciliter leur évacuation sont des

agents du ministère nicaraguayen de l’environnement. Le tuyau défoncé a été découvert assez loin

de son emplacement initial. Vous voyez à présent à l’écran les différentes étapes du ramassage des
o
débris [onglet n 3].

28. Vous l’avez sans doute remarqué, ce tuyau, qui apparaît à présent à l’écran, n’était pas

fabriqué avec les moyens du bord, contrairement à de nombreux autres tuyaux placés le long de la

route (qui ont été fabriqués à partir de conteneurs, par exemple) ; il s’agissait d’un véritable tuyau

de canalisation tout à fait adapté. Or, une simple averse a suffi à l’envoyer loin de son

emplacement initial. [Fin de projection.] Dans ces conditions, qu’arrivera-t-il aux nombreux

tuyaux bricolés lorsqu’une tempête tropicale s’abattra, ce qui est fréquent dans la région ? En tout

état de cause, il n’en reste plus beaucoup pour en avoir le cœur net. Comme l’ont dit les médias

costa-riciens, «[l]e fait que presque tous les ponts et [tuyaux de canalisation] n’existent plus prouve

qu’ils ont été mal construits» .

Mesures prises par le Nicaragua pour préserver ses droits

29. Monsieur le président, les dispositions de l’article 41 du Statut et de l’article 73 du

Règlement de la Cour ne sont pas les seules sur lesquelles un Etat souhaitant préserver ses droits

qui se trouvent menacés par les activités illicites d’un autre Etat peut s’appuyer, et ce, même si la

18 sauvegarde desdits droits revêt un caractère d’urgence et qu’il y a un risque de préjudice

irréparable. Il est également possible d’engager une procédure bilatérale ou d’adresser une

demande à des organisations internationales, la Cour elle-même pouvant en outre décider

d’intervenir d’office.

16 Voir «Un autre pont s’est effondré sur la piste construite le long du fleuve San Juan, Noticia Contacto»,
15 juillet 2013, article disponible à l’adresse suivante : http://www.radiosantaclara.org/article/se-desplomo-otro-puente-
en-la-trocha-paralela-al-r/#sthash.cckqFqXf.dpuf. - 13 -

30. Eh bien, le Nicaragua a exploré toutes ces possibilités avant de solliciter, par la voie

officielle, des mesures conservatoires.

Mesures bilatérales

31. Lorsqu’il a pris conscience de l’ampleur des travaux de construction de la route, le

Nicaragua a demandé au Costa Rica de réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement.

32. Le 29 novembre 2011, le ministre nicaraguayen des affaires étrangères par intérim a ainsi

adressé à son homologue costa-ricien une note dans laquelle il demandait des informations sur la

route en cours de construction, soulignant qu’«[u]ne évaluation de l’impact sur l’environnement

devrait être prévue pour tous les projets de ce type, du fait de leur nature.» 17

33. Le Nicaragua n’a jamais reçu pareille évaluation. A en juger par les déclarations de la

présidente et du ministre des affaires étrangères du Costa Rica, que j’ai citées tout à l’heure,

l’évaluation de l’impact sur l’environnement n’a jamais été réalisée. Le Costa Rica a ainsi admis

qu’il avait manqué aux obligations internationales qui lui incombent.

Communications adressées à des organisations internationales

34. Compte tenu du mépris flagrant manifesté par le Costa Rica envers les obligations

internationales qui lui incombent, non seulement au regard des principes généraux du droit

international, mais aussi des conventions particulières dont il est partie, le Nicaragua a commencé

par prendre les mesures les plus immédiates pour l’inciter à respecter lesdites obligations. Comme
18
indiqué dans son mémoire , le Nicaragua a averti le secrétariat des conventions en question des

risques majeurs que les activités actuellement menées au Costa Rica faisaient peser sur

l’environnement. Il a ainsi écrit à l’UNESCO, puisqu’il est question d’une réserve de biosphère

reconnue par cette organisation ; au secrétariat de la convention de Ramsar, puisqu’il s’agit

également d’une zone humide reconnue en vertu de cette convention ; ainsi qu’au Programme des

Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et à la commission centraméricaine de

17Mémoire déposé par le Nicaragua dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), annexe 14, note MRE/DVM/AJST/500/11/11 adressée par le ministre
nicaraguayen des affaires étrangères à son homologue costa-ricien, Managua, 29 novembre 2011.
18
Mémoire déposé par le Nicaragua dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), par. 2.34-2.37. - 14 -

19 l’environnement et du développement, puisque le Nicaragua est tenu d’informer ces organes de tout

dommage ou risque imminent pour notre patrimoine naturel dans la réserve de biosphère du fleuve

San Juan . Les organisations internationales destinataires étaient également invitées à envoyer une

mission d’enquête pour apprécier sur le terrain les dommages causés ou risquant de l’être par les
20
manquements du Costa Rica aux obligations découlant des conventions applicables .

Demandes priant la Cour d’exercer le pouvoir que lui confère son Statut d’indiquer des
mesures conservatoires

35. Cette approche étant restée vaine, le Nicaragua a prié la Cour d’indiquer des mesures

conservatoires. A la une requête introductive d’instance contre le Costa Rica au sujet des travaux

de construction de la route qu’il a déposée le 22 décembre 2011, il a ainsi joint une lettre libellée

comme suit :

«Dans sa requête, le Nicaragua précise bien que le Costa Rica effectue, le long

de la majeure partie de la zone frontalière entre les deux pays, des travaux de
construction d’envergure qui ont de graves conséquences pour l’environnement, sans
avoir établi ni communiqué d’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) qui
permettrait d’apprécier les effets de ces travaux.

Pour cette raison, le Nicaragua prie la Cour d’ordonner au Costa Rica d’établir
ledit document et de le communiquer au Nicaragua, conformément aux pouvoirs que
lui reconnaît le Statut. Compte tenu de l’importance de l’EIE dans les circonstances
de l’espèce, le Nicaragua estime qu’il serait largement justifié que la Cour exerce ces

pouvoirs.»

36. De la même manière, dans les conclusions de son mémoire déposé le 19 décembre 2012,

le Nicaragua priait la Cour d’

«ordonner au Costa Rica de prendre immédiatement les mesures d’urgence
préconisées par ses propres experts et explicitées dans le rapport Kondolf, afin
d’atténuer les dommages qui continuent d’être causés au fleuve San Juan de Nicaragua
et à son environnement immédiat. Si le Costa Rica ne décide pas lui-même de prendre
ces mesures, et si la Cour estime qu’elle ne peut rendre une ordonnance en ce sens que

si la procédure prévue aux articles 73 et suiv. du Règlement de la Cour a été
intégralement suivie, la République du Nicaragua se réserve le droit de solliciter des
mesures conservatoires au titre de l’article 41 du Statut et dans le cadre de la
procédure y afférente visée aux articles 73 et suiv. du Règlement de la Cour, ainsi que

19Mémoire déposé par le Nicaragua dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), annexes 18, 19 et 21. Notes en date du 10 décembre 2011 adressées au
Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), à la commission centraméricaine de l’environnement et du
développement et à l’UNESCO par le ministre nicaraguayen de l’environnement et des ressources naturelles.

20Ibid., annexe 20, note en date du 28 novembre 2011 au secrétaire général de la convention de Ramsar adressée
par le ministre nicaraguayen de l’environnement et des ressources naturelles. - 15 -

d’amender et de modifier les présentes conclusions à la lumière des autres pièces de
procédure qui seront déposées en l’affaire.»

37. Dans une note datée du 19 décembre 2012 et jointe à son mémoire, le Nicaragua estimait

20 «avoir ainsi communiqué à la Cour les informations requises pour lui permettre
d’«examiner d’office si les circonstances de l’affaire exigent l’indication de mesures
conservatoires» sans qu’il soit nécessaire de tenir des audiences publiques longues et
coûteuses».

38. Le Nicaragua a renoncé à tenter d’éviter la tenue d’audiences longues et coûteuses

lorsqu’il a reçu une communication du greffier en date du 11 mars 2013 l’informant que la Cour

considérait que les circonstances de cette affaire, telles qu’elles se présentaient alors à elle,

n’étaient pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer d’office des mesures

conservatoires en vertu de l’article 75 du Règlement.

39. Même après cette fin de non-recevoir, le Nicaragua a tenté une dernière fois d’éviter la

tenue d’audiences en se fondant sur la demande tendant à la modification de l’ordonnance du

8 mars 2011 présentée par le Costa Rica le 23 mai 2013. Dans les observations écrites qu’il a

présentées sur cette demande le 14 juin 2013, le Nicaragua priait en effet la Cour de rejeter la

demande du Costa Rica, tout en lui demandant d’adapter son ordonnance du 8 mars 2011 à la

situation créée par la jonction d’instances, et, en particulier, de tenir compte des conséquences des

travaux de construction de la route.

40. Dans son ordonnance en date du 16 juillet 2013, la Cour a rejeté la demande du

Nicaragua en indiquant que,

«même si la situation invoquée dans l’affaire Nicaragua c. Costa Rica justifiait
l’indication de mesures conservatoires, la voie appropriée pour ce faire ne saurait être
la modification de l’ordonnance rendue [le 8 mars 2011] dans l’affaire
21
Costa Rica c. Nicaragua» .

41. Le Nicaragua a alors compris que la Cour n’examinerait sa demande en indication de

mesures conservatoires que s’il présentait une demande formelle fondée sur l’article 41 du Statut et

l’article 73 du Règlement de la Cour.

21 Demandes tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
du 8 mars 2011, ordonnance, 16 juillet 2013, p. 9, par. 28, disponible à l’adresse suivante :
http://www.icj-cij.org/docket/files/150/17500.pdf. - 16 -

Reprise des travaux de construction de la route

42. Outre que toutes les autres tentatives procédurales du Nicaragua pour éviter qu’il soit

porté préjudice à ses droits se sont révélées infructueuses, un nouveau péril a commencé à se

profiler. Je fais référence aux déclarations publiques des autorités costa-ricienne indiquant que les

travaux de construction de la route reprendront à la fin de l’année. Cette annonce, à laquelle

s’ajoutent le fait que des élections générales auront lieu au Costa Rica au mois de février 2014 et

les déclarations répétées du Gouvernement costa-ricien selon lesquelles les travaux de construction

de la route doivent être, sinon achevés, du moins bien avancés avant que le nouveau gouvernement

21 ne prenne ses fonctions en mai prochain, ont achevé de convaincre le Nicaragua qu’il ne pouvait

plus attendre pour solliciter des mesures conservatoires.

43. Des informations détaillées concernant la reprise des travaux de construction de la route

vous seront données par M. Reichler ; à ce stade, j’appellerai simplement l’attention de la Cour sur

le fait que cette information a été largement confirmée, et avec un bel enthousiasme, par le ministre

des communications du Costa Rica, M. Carlos Roverssi, qui, pas plus tard que la semaine dernière,

a déclaré à Monumental press que «l’achèvement de la construction de la route frontalière resterait

une priorité du gouvernement actuel, et annoncé qu’il en serait de même pour le prochain

22
gouvernement» .

44. De surcroît, le ministre a souligné que «les travaux se poursuivraient, même si cela

23
déplaît au Nicaragua» .

La question de l’attente d’une décision au fond

45. Il est un élément important, que le Nicaragua a pleinement pris en considération. Je veux

parler de la question de savoir quels nouveaux dommages pourraient être causés entre le dépôt de

notre demande en indication des mesures conservatoires et la date à laquelle la Cour pourrait rendre

son arrêt au fond. Cette date est très difficile à prévoir, ne serait-ce que parce que la Cour peut se

22
Article intitulé «Le pays entend démontrer que la construction de la route n’a pas causé de dommages au
fleuve San Juan ; les audiences à La Haye débutent le 5 novembre prochain ; Roverssi prévient que les travaux se
poursuivront, même si cela déplaît au Nicaragua», paru le 28 octobre 2013 sur le site Internet
http://www.monumental.co.cr/noticia/pais-espera-demostrar-que-construcc….
23
Ibid. - 17 -

voir adresser des demandes d’avis consultatif urgentes ou d’autres demandes non moins urgentes

émanant des Etats.

46. Dans l’affaire qui l’a opposé à la Colombie, le Nicaragua a déjà fait l’expérience des

conséquences résultant du calendrier des travaux de la Cour, qui ont fait de cette affaire l’une des

plus longues de l’histoire. Outre les demandes imprévisibles qui pourraient venir perturber le

calendrier des travaux de la Cour, il est également impossible, à ce stade, de savoir s’il devra y

avoir un second tour de procédure écrite en la présente espèce. Quoi qu’il en soit, même dans

l’hypothèse la plus optimiste, il est exclu que la Cour puisse rendre son arrêt au fond avant que les

travaux de construction de la route ne reprennent, comme le Gouvernement du Costa Rica l’a

annoncé.

47. Le Nicaragua doit-il donc attendre encore un an, au bas mot, pour qu’une décision au

fond vienne mettre fin au piétinement de ses droits ; autrement dit, attendre qu’une nouvelle saison

22 des pluies s’achève et que les travaux de construction reprennent sans la moindre évaluation de

l’impact sur l’environnement ? Dans ce cas, l’article 41 du Statut serait inutile.

48. Dans l’affaire du Grand Belt, le pont en cause ne risquait pas de causer les dommages

annoncés avant d’être achevé, son achèvement n’étant pas prévu avant le prononcé de l’arrêt au

fond. Aussi la Cour a-t-elle précisé que sa décision pouvait entraîner la destruction de l’édifice, et

que le défendeur devait assumer ce risque. En la présente espèce, en revanche, les travaux de

construction de la route causent quotidiennement des dommages et, ainsi que cela est précisé dans

le rapport de M. Kondolf, «[à] supposer que les travaux se poursuivent sur la route 1856, leur
24
impact sera dévastateur pour les zones directement affectées et pour les eaux réceptrices en aval» .

C’est-à-dire pour les eaux nicaraguayennes.

Les rapports d’experts présentés par le Costa Rica

49. Le Costa Rica a déposé plus de 300 pages de documents contenant des rapports

techniques, qui n’ont pas été établis en vue des présentes audiences puisque leur date est antérieure

à celle de la demande en indication de mesures conservatoires à l’examen. Pour la plupart, ces

documents remontent à la période allant du mois de janvier au mois d’août dernier, ce qui signifie

24Rapport Kondolf «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le San Juan,
Nicaragua», 30 octobre 2013. - 18 -

qu’ils auraient pu être soumis plus tôt ; autrement dit, pas au dernier moment, avec tous les

désagréments que cela implique pour les fonctionnaires du Greffe et pour l’autre Partie. Bien

évidemment, le Nicaragua n’aura pas le temps, dans les trois heures qui lui sont imparties, de

répondre à ces documents, au sujet desquels il n’a d’ailleurs pas encore entendu le moindre

argument de la Partie adverse. M. McCaffrey formulera néanmoins certaines observations à cet

égard.

50. Après l’audience de demain, au cours de laquelle le Costa Rica présentera sans doute

lesdits documents et en tirera argument, le Nicaragua aura la nuit pour préparer sa réponse, réponse

qu’il lui faudra exposer en une heure et demie. De toute évidence, il ne lui sera pas possible, dans

un temps aussi limité, d’analyser et de traiter ces volumineux documents, dont l’établissement a

pris des mois et a été l’objet de la plus grande attention de la part des représentants costa-riciens.

51. Ces documents ont manifestement été établis pour être déposés avec le contre-mémoire

du Costa Rica, ce qui ressort de plusieurs éléments. Ainsi, ils sont tournés vers le passé, et non vers

l’avenir, ce qui correspondrait pourtant à l’objectif préventif des mesures conservatoires. Les

incidences de la reprise prochaine des travaux de construction de la route y sont totalement passées

sous silence ; il n’y est nullement indiqué qu’une quelconque évaluation de l’impact sur

l’environnement aurait été effectuée en vue de cette reprise des travaux ; il n’y est fait aucune

23 tentative de prévoir les conséquences qui pourraient résulter de la prochaine tempête tropicale qui

frappera immanquablement la zone. De fait, lesdits documents ont pour seul objectif de tenter de

minimiser les dommages causés à ce jour par les travaux de construction.

52. Compte tenu de la nature de ces documents, le Nicaragua se réserve le droit de les

commenter, ainsi que les arguments qui en sont tirés, et d’y répondre pleinement lorsqu’il aura

l’occasion d’exposer son argumentation au fond, que ce soit dans le cadre de la procédure orale ou

de la procédure écrite.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je

vous remercie de votre attention. Permettez-moi simplement de vous indiquer l’ordre des

interventions à venir, et le sujet général qui y sera traité.

M. Stephen McCaffrey examinera tout d’abord le préjudice irréparable causé par les travaux de

construction de la route, ainsi que l’aggravation de ce préjudice dû à la reprise des travaux ; - 19 -

M. Paul Reichler traitera ensuite de la nécessité urgente d’indiquer les mesures conservatoires

sollicitées ;

Enfin, M. Alain Pellet se penchera sur les critères particuliers entourant l’indication de mesures

conservatoires.

Monsieur le président, je vous prierais de bien vouloir appeler à la barre M. McCaffrey.

LE PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur l’ambassadeur. J’appelle maintenant à la

barre M. Stephen McCaffrey. Monsieur McCaffrey, vous avez la parole.

M. McCAFFREY : Merci infiniment, Monsieur le président.

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE AUX DROITS DU N ICARAGUA

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un grand honneur

et un grand privilège de me présenter une nouvelle fois devant vous au nom de la République du

Nicaragua.

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il n’est pas exagéré de dire que

nous assistons en l’espèce à une mort à petit feu : la mort par accrétion du cours inférieur du

fleuve San Juan, sous l’action des changements lents mais constants entraînés par la sédimentation.

Ces changements sont peut-être graduels, mais ils n’en sont pas moins inéluctables ni moins

néfastes pour les usages passés, présents et futurs du fleuve par le Nicaragua. Ils sont peut-être

progressifs, mais n’en sont pas moins cumulatifs. Ils sont le fruit d’une incursion continue dans le

territoire souverain du Nicaragua, une incursion qui donne lieu à une occupation croissante de ce
24

territoire et à un lent mais inexorable étranglement du fleuve.

2. Tel est peut-être le résultat recherché par le Costa Rica depuis le tout début de ce chantier

vu le nom qu’il a décidé de donner à cette route — celui de Juan Rafael Mora Porras, ou de

route 1856 —, un nom qui semble avoir été choisi à dessein pour offenser le Nicaragua, puisqu’il

fait référence à l’invasion et à l’occupation par le Costa Rica du territoire nicaraguayen

notamment du fleuve San Juan et du lac Nicaragua — à l’époque où le Nicaragua était occupé à

repousser les invasions de William Walker .5

25Voir Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), CMN,
vol. I, 6 août 2012, par. 2.25-2.27. - 20 -

3. Monsieur le président, cette invasion continue, qui constitue une violation flagrante des

droits souverains du Nicaragua, doit cesser. Le Nicaragua a tenté d’y mettre fin par la voie

diplomatique mais ses tentatives — dont l’agent vous a fait le récit — sont restées vaines. Le

Costa Rica n’a toujours pas fourni au Nicaragua le moindre programme concernant ce projet, ni la

moindre évaluation de son impact sur l’environnement sur le plan national ou transfrontière. Or,

ainsi que mon collègue et ami M. Reichler vous l’exposera, le Costa Rica semble à présent

déterminé à reprendre ses activités de construction routière dans un avenir très proche. Le

Nicaragua en appelle donc à la Cour pour qu’elle mette un terme à cette offense qui n’a que trop

duré, afin de faire en sorte que, le jour où elle sera en mesure de rendre son arrêt, il reste matière à

réparation.

4. Il m’incombe aujourd’hui, Monsieur le président, de vous exposer les conséquences du

fait que le projet de route du Costa Rica contribue sensiblement, jour après jour, à l’obstruction du

cours inférieur du San Juan, à la transformation de cette partie du cours d’eau en terres asséchées

ou en d’infranchissables zones humides et bas-fonds. Je démontrerai notamment que, de par ses

répercussions, la route a causé un préjudice irréparable aux droits du Nicaragua et risque de

continuer à lui causer un préjudice irréparable étant donné, en particulier, que les travaux sont sur

le point de reprendre. M. Reichler exposera ensuite pourquoi des mesures conservatoires doivent

être indiquées de toute urgence.

Conditions régissant l’indication de mesures conservatoires

5. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi de revenir tout

d’abord sur les conditions auxquelles est subordonnée l’indication de mesures conservatoires, que

vous connaissez naturellement fort bien. La Cour a rappelé ces conditions dans l’ordonnance

qu’elle a rendue le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités : tout d’abord, il faut

qu’un préjudice irréparable risque d’être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire ;

ensuite, il faut qu’il y ait urgence, en ce sens qu’il doit exister un risque réel et imminent qu’un - 21 -

25 préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant que la Cour n’ait rendu sa décision

définitive .

6. Enfin, l’existence des droits à protéger contre ce préjudice irréparable doit être plausible.

7. Monsieur le président, il est amplement satisfait à ces conditions dans la présente affaire.

La demande du Nicaragua est fondée dans les faits sur la situation urgente découlant de la

construction inconsidérée et anarchique, par le Costa Rica, d’une route le long de la rive droite du

fleuve San Juan de Nicaragua, et de la reprise imminente de ce chantier. La construction bâclée de

cette route a donné naissance à un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé

aux droits en litige avant que la Cour n’ait rendu sa décision définitive. Ce risque sera nettement

aggravé si le Costa Rica reprend ses travaux de construction routière, comme il semble être sur le

point de le faire.

Les droits nicaraguayens violés par le projet de route du Costa Rica

8. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, dans son mémoire en l’affaire

relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan

(Nicaragua c. Costa Rica), le Nicaragua a dressé la liste de ses droits auxquels le projet de route du

Costa Rica porte atteinte . 27 Je vous épargne un nouvel inventaire de ces droits violés, pour

beaucoup de manière irréparable, et me concentrerai ici sur les trois catégories qui revêtent le plus

d’importance dans le cadre des présentes audiences sur les mesures conservatoires : il s’agit,

premièrement, des droits du Nicaragua à la souveraineté et à l’intégrité territoriales ;

deuxièmement, de son droit de ne subir aucun dommage transfrontière ; et, troisièmement, de son

droit de recevoir du Costa Rica une évaluation de l’impact sur l’environnement, ainsi que d’être

informé et consulté en la matière. J’illustrerai les manifestations concrètes du préjudice causé ou

risquant de l’être au moyen de diapositives et d’observations récentes. Ce préjudice ne sera

qu’aggravé par la reprise des travaux liés à ce projet, qui est imminente.

26Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 16, par. 63-64 (citations omises). Voir également,
par exemple, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance
du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 129, par. 61-62 ; Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures
conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 17, par. 23 ; Certaines procédures pénales
engagées en France (République du Congo c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 17 juin 2003,
C.I.J. Recueil 2003, p. 107, par. 22.

27MN, vol. I, chapitres 4 et 5. - 22 -

a) Les droits du Nicaragua à la souveraineté et à l’intégrité territoriales

26 9. Tout d’abord et surtout, Monsieur le président, le projet de route cause aux droits

souverains du Nicaragua un préjudice irréparable, préjudice qui sera aggravé si la reprise de ces

travaux est autorisée. Le Nicaragua a, comme la Cour le sait, la souveraineté sur l’intégralité du

cours du San Juan. Le Costa Rica ne conteste pas ce point.

10. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les images projetées sur vos

écrans, qui figurent sous l’onglet n 4 de vos dossiers et ont été prises pas plus tard que la semaine

dernière, illustrent parfaitement tous les problèmes causés par le projet costa-ricien et par ses effets

sur le territoire souverain du Nicaragua. Vous pouvez voir sur cette diapositive des flèches

désignant ce qui reste d’un ponceau ainsi qu’une masse verte à l’arrière-plan qui, si l’on y regarde

de plus près, se révèle être une bâche anti-érosion. Cette bâche n’a visiblement pas rempli son

office étant donné qu’elle part à la dérive dans le San Juan. Les observations faites par

M. Mathias Kondolf lorsqu’il s’est rendu sur place à la fin du mois dernier sont consignées dans

son rapport le plus récent, dont la Cour a reçu copie. M. Kondolf y indique que, selon toute

probabilité, ces effets vont perdurer et ne seront qu’aggravés par la reprise des travaux de

construction routière du Costa Rica, qui est imminente . 28

11. M. Kondolf a montré que la route était construite de manière si bâclée, et si hâtive,

qu’aucune retouche superficielle ne pouvait la sauver. Dans le rapport de sa visite récente sur les

lieux, M. Kondolf indique : «Il est urgent … d’adopter des mesures concrètes et substantielles

visant à réparer la route et à modifier son tracé… Ces mesures, loin d’être mineures, imposeront le

29
retrait de volumes importants de remblai et leur transport vers un lieu d’évacuation stable.» Or il

semble, Monsieur le président, que les récents aménagements réalisés par le Costa Rica soient

précisément de cet ordre ; en d’autres termes, il s’agit précisément des mesures mineures que

M. Kondolf déclare inefficaces : ce sont des mesures cosmétiques qui visent à camoufler une plaie

béante et quasiment irréparable le long de la rive droite du fleuve San Juan, alors que les problèmes

sont bien plus profonds, au propre comme au figuré. Les vices fondamentaux entachant la

construction de la route ont été recensés en détail par le laboratoire national de l’Université du

28G. Mathias Kondolf, Ph.D., «Impacts continus de l’érosion provoquée par la route 1856, Costa Rica, sur le
San Juan, Nicaragua, 30 octobre 2013» (ci-après le «rapport Kondolf»).

29Ibid., p. 2. - 23 -

27 Costa Rica et le collège des ingénieurs et architectes de cet Etat, ainsi qu’exposé par le Nicaragua

30
dans son mémoire en l’affaire relative à la Route , et par l’agent plus tôt ce matin.

12. A la suite de sa visite sur le terrain du mois dernier, M. Kondolf a mis à jour ces

conclusions. Il indique ainsi dans son rapport :

«Nos observations sur le terrain d’octobre 2013 [du mois dernier, donc] ont
clairement révélé que l’érosion est particulièrement forte sur de nombreux tronçons de

la route et que les ouvrages construits pour la maîtriser au moyen d’un drainage se
sont avérés incapables de résoudre ce grave problème, de même que celui de
l’instabilité du flanc de colline.»31

13. Il est évident que le ponceau lui-même n’a pas été conçu et mis en place selon les normes

techniques agréées, qui sont présentées et illustrées dans la section 3.1.3. du rapport Kondolf,

intitulée «Passage de cours d’eau» . Si ce ponceau a été emporté par les eaux, et il semble l’avoir

été, tout le remblai de terre qui est représenté sur le croquis figurant à la page 6 du rapport de

M. Kondolf (figure 2) a, selon toute probabilité, été emporté lui aussi et charrié dans le San Juan.

M. Kondolf et ses confrères estiment que, dans des conditions dites «normales», entre 87 000 et

109 000 mètres cubes de sédiments sont rejetés chaque année dans le San Juan du fait du projet de

route, et que «ces chiffres pourraient être multipliés dans une proportion de 10 à 100 pendant les

précipitations violentes associées aux ouragans ou aux tempêtes tropicales qui traversent

fréquemment la région» . 33 Ainsi, si l’image du ponceau dérivant dans le fleuve est

impressionnante, elle ne montre qu’un infime fragment de la partie visible de l’iceberg formé par

les sédiments et autres résidus qui se déposent en permanence dans le fleuve du fait du projet de

route. L’image du ponceau endommagé dans le San Juan constitue le symbole des incursions

causées par ce projet dans le territoire souverain du Nicaragua. Mais ce n’est qu’une petite

illustration d’une invasion bien plus vaste de sédiments, grossiers ou fins, provenant de la route.

14. Par ailleurs, Monsieur le président, il ne faut pas oublier que les précipitations peuvent

être plus importantes qu’elles ne l’ont été cette année. M. Kondolf fait observer : «Le fait que les

traces d’une érosion récente soient aussi visibles (avec un ponceau emporté par les flots) après une

30
Voir MN, vol. I, chap. 3.
31Rapport Kondolf, op. cit., supra, p. 2.

32Ibid., p. 5-7.
33
Ibid., p. 1-2. - 24 -

saison n’ayant pas été le théâtre de précipitations exceptionnelles démontre à quel point le paysage
34
est devenu vulnérable en cas de fortes pluies.»

28 15. Cette invasion en territoire nicaraguayen de sédiments et d’autres résidus provenant de la

route en chantier causent un préjudice constant, et irréparable, aux droits du Nicaragua à la

souveraineté et à l’intégrité territoriale — un préjudice qui, je le répète, ne sera qu’amplifié

considérablement si les travaux reprennent. Ce préjudice est irréparable car ni le Costa Rica ni

même la Cour ne peuvent défaire une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. De

telles violations ne sont pas susceptibles de restitutio in integrum. En outre, chaque jour qui passe

apporte son lot de nouvelles atteintes au territoire du Nicaragua, et donc aux droits de cet Etat à la

souveraineté et à l’intégrité territoriale. Ces atteintes doivent cesser dans l’attente de la décision de

la Cour.

b) Le droit du Nicaragua de ne pas subir de dommage transfrontière

16. Deuxièmement, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le droit du

Nicaragua de ne pas subir de dommage trouvant son origine en territoire costa-ricien est bafoué de

manière irréparable et continue. Le droit pour un Etat de ne pas subir de dommage transfrontière

causé à partir d’un autre Etat est un droit sacré, largement reconnu par la jurisprudence, une

jurisprudence trop abondante pour être intégralement citée ici et dont je ne mentionnerai que

quelques exemples.

17. Dans la sentence partielle qu’elle a rendue à l’unanimité le 18 février 2013 dans

l’arbitrage des Eaux de l’Indus Kishenganga, la Cour permanente, composée de sept membres et

présidée par un ancien président de votre Cour, a relevé que ce principe avait déjà été consacré par
35
la sentence rendue en 1941 dans l’arbitrage de la Fonderie de Trail . Elle s’est également référée

à ce qu’elle a décrit comme «une réaffirmation plus large de l’obligation d’éviter les dommages

transfrontières», énoncée au principe 21 de la déclaration de Stockholm de 1972,

«en vertu de laquelle les Etats doivent, dans le cadre de l’exploitation des ressources

naturelles, «faire en sorte que les activités menées dans les limites de leur juridiction

34Rapport Kondolf, op. cit., supra, p. 9.

35Arbitrage des Eaux de l’Indus Kishenganga (Pakistan c. Inde), sentence partielle, 18 février 2013, p. 169,
par. 448, accessible à l’adresse http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392. - 25 -

et sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres
36
Etats ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale»» .

Ce principe avait été énoncé dès 1928, dans le cadre de la sentence Max Huber rendue dans

37
l’arbitrage de l’Ile de Palmas , puis dans l’arrêt rendu en 1949 par la présente Cour en l’affaire du

29 Détroit de Corfou . Il a été réaffirmé dans l’avis consultatif de la Cour sur la question de la

39
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires dans un passage sur lequel elle a plus tard

fait fond en l’affaire du Projet Gabčikovo-Nagymaros . 40 Dans l’arbitrage des Eaux de

l’Indus Kishenganga, la Cour permanente d’arbitrage a conclu qu’

«il ne fait aucun doute que les Etats sont tenus, au regard du droit international

coutumier contemporain, de prendre en considération la protection de l’environnement
lorsqu’ils prévoient et élaborent des projets susceptibles de causer des dommages à un
Etat frontalier» .1

18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, dans un instant seront

projetées à l’écran des images qui montrent que le droit du Nicaragua de ne pas subir de dommage

émanant du territoire du Costa Rica est bafoué de manière irréparable et continue. Le projet de

construction de route du Costa Rica affecte, jour après jour, le San Juan, et en particulier son cours

inférieur. L’accumulation de sédiments déjà causée par le chantier sera très difficile, voire

impossible, à évacuer pour le Nicaragua, qui ne dispose que de petites dragues. Si la mise en

œuvre de mesures de protection est davantage retardée, la situation deviendra quasiment impossible

à corriger. De plus, ainsi que l’expliquera M. Reichler, la sédimentation qui affecte actuellement le

fleuve menace d’être considérablement aggravée par la reprise imminente des travaux.

19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les images que vous voyez à

présent à l’écran montrent les graves phénomènes d’érosion et les autres problèmes qui affectent la

route sur l’ensemble de son tracé. [Déroulement d’images montrant les phénomènes d’érosion.]

Nous commençons par des croquis tirés du rapport de M. Kondolf, qui illustrent graphiquement

36
Arbitrage des Eaux de l’Indus Kishenganga (Pakistan c. Inde), sentence partielle, 18 février 2013, p. 169,
par. 448, accessible à l’adresse http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392 ; les italiques sont de nous.
37 Arbitrage de l’Ile de Palmas (ou Miangas) (Etats-Unis/Pays-Bas), sentence, 4 avril 1928, Recueil des
sentences arbitrales, vol. II, p. 839.

38 Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 4.
39
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 241-242,
par. 29.
40
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 7.
41 Arbitrage des Eaux de l’Indus Kishenganga (Pakistan c. Inde), sentence partielle, 18 février 2013, p. 169,
par. 448, accessible à l’adresse http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392. - 26 -

certains des problèmes qui peuvent se présenter lors de la construction de routes à flanc de colline.

Le croquis A présente la situation naturelle : vous y voyez une colline naturelle, l’eau qui s’écoule

le long de la colline et, bien sûr, l’infiltration des précipitations dans le sol. Sur le croquis B,

à présent, vous voyez que, si vous creusez dans cette pente, et créez ce que l’on appelle, ai-je

appris, un talus de déblai, et bien voici ce qui se passe : l’eau, qui doit bien aller quelque part,

s’écoule au niveau de la route, ce qui risque, en cas de problème de conception technique, de

fragiliser le prisme de remblai. C’est ce qui se passe sur cette photographie, où l’on voit également

des morceaux de tissu anti-érosion qui ont été emportés, à moins qu’il ne s’agisse de bâches de

plastique.

L’illustration suivante présente des phénomènes de rupture de talus. Vous voyez ici le flanc

surplombant la route, et une route où je ne souhaiterais certainement pas circuler moi-même ; l’on

30 observe également une rupture du talus de remblai sous l’effet de l’érosion. La chaussée semble

s’être effondrée sur près de la moitié de sa longueur, à cause de cette érosion. Voici une autre

photo illustrant différents types de rupture et d’effondrement du talus et de nombreuses

manifestations du phénomène d’érosion. Cette vue d’ensemble montre que le site est complexe et

présente différents types de rupture et d’effondrement, qui affectent le remblai et le déblai. Vous

voyez à l’écran des phénomènes actifs d’effondrement des talus, ainsi que la rupture d’un ouvrage

de franchissement de cours d’eau ; vous constaterez également que des arbres sont tombés sous

l’effet de l’érosion du sol. Le site comporte un imposant remblai de vallée, de 20 à 25 mètres de

haut, qui surplombe immédiatement une habitation. Ce remblai est en train de s’écrouler sous

l’effet d’un mécanisme complexe de glissements rotationnels et de ravinement. L’on aperçoit un

ponceau sous-dimensionné dans la ravine à droite de la maison. Il est frappant d’observer le degré

important d’instabilité et d’érosion entraînées par les précipitations pourtant modérées enregistrées

depuis la construction.

Ici encore, vous constatez la formation de différents deltas sous l’effet de l’érosion causée

par les sédiments issus du chantier de construction, tout le long du San Juan, avec l’effondrement

continu des remblais et les effets prononcés du ruissellement provenant de la route. Vous pouvez

voir, au-dessus, le talus de déblai érodé qui conduit à ce delta, cette accumulation de sédiments en

forme d’éventail que vous voyez en bas à gauche de l’image. - 27 -

Trois ans après la construction de la route sur les versants escarpés de vallées encaissées,

l’on assiste à des effondrements importants et continus des remblais. Sur cette illustration, vous

pouvez voir l’extrême instabilité des talus qui longent la route 1856, avec des effets durables sur le

fleuve San Juan. Et sur celle-ci, à nouveau, de larges talus de déblai et de remblai mal conçus qui

sont en train de s’effondrer, entraînant le dépôt de grandes quantités de sédiments dans le

San Juan ; on aperçoit, en arrière-plan, la route 1856 et la présence de grands deltas en formation le

long du fleuve, avec comme conséquence le déversement d’importants volumes de sédiments. Je

relèverai, Monsieur le président, que vous ne voyez, de ces deltas, que ce qui se trouve au-dessus

de la surface, et non la partie immergée de l’iceberg. Le delta se prolonge en réalité sous l’eau sur

une distance de 4 à 6 mètres, d’après les estimations de M. Kondolf et ses confrères.

Voici encore un autre delta, avec une érosion importante entraînant le dépôt de sédiments en

quantité considérable dans le fleuve.

Je vous remercie de l’attention que vous avez bien voulu consacrer à ces illustrations, qui

montrent clairement, Monsieur le président, les atteintes causées à la souveraineté et à l’intégrité

territoriale du Nicaragua.

20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi que nous le montrera

M. Reichler, le Costa Rica a indiqué qu’il reprendrait très prochainement les travaux de

construction de la route. Voici ce que dit, dans son rapport, M. Kondolf à ce propos :

31 «A supposer que les travaux se poursuivent sur la route 1856, leur impact sera
dévastateur pour les zones directement affectées et pour les eaux réceptrices en aval.

Nous assistons déjà aux dommages graves et étendus que de simples pluies
«normales» provoquent sur l’environnement. Il ne fait aucun doute que des pluies
violentes associées aux orages et ouragans tropicaux provoqueront des dommages
encore plus étendus et plus graves. Ces effets seront irréversibles dans la mesure où
rien ne permettra de revenir au statu quo ante environnemental ou de récupérer les

quantités énormes de sédiments charriés depuis les hauteurs jusqu’au fleuve. La terre
et les eaux seront profondément endommagées à titre permanent, ce qui constituera un
héritage écologique comparable à celui des activités minières effrénées menées en
Californie au milieu du XIX siècle ou de l’exploitation massive de la forêt ayant
ravagé la partie nord-ouest de la côte pacifique des Etats-Unis dans les années 1950
et 1960. Les paysages dans ces zones ne sont toujours par parvenus à se reconstituer

et nombre 42espèces importantes (notamment le saumon) y ont disparu à titre
définitif.»

21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il est indispensable

d’empêcher la reprise des travaux de construction de la route pour prévenir ces effets

«irréversibles» et donc irréparables sur l’environnement.

42Rapport Kondolf, op cit supra, p. 2 (les italiques sont de nous). - 28 -

22. Dans les documents qu’il a présentés hier, le Costa Rica fait grand cas, Monsieur le

président, de ce qu’il décrit comme des mesures d’atténuation mises en œuvre sur le chantier. Or,

ces mesures ne sont, j’en ai peur, qu’un cataplasme sur une jambe de bois. Elles ne font rien, ou si

peu, pour endiguer les flux de sédiments et d’autres débris charriés dans le San Juan. De fait,

comme M. Kondolf l’a observé dans son rapport, elles semblent plus destinées à préserver les

fondations de la chaussée qu’à prévenir les phénomènes de sédimentation. Je souhaiterais, si vous

le permettez, Monsieur le président, citer deux passages assez longs de ce rapport, que vous

o
trouverez sous l’onglet n 7 du dossier de plaidoiries :

«Nos observations sur le terrain d’octobre 2013 ont clairement révélé que … les
ouvrages construits pour maîtriser [l’érosion] au moyen d’un drainage se sont avérés
incapables de résoudre ce grave problème, de même que celui de l’instabilité du flanc

de colline. Près de la moitié de la route sur la partie située au-dessus de
Boca San Carlos est désormais recouverte de gravier : une technique conçue pour
réduire le taux d’érosion superficielle de la voirie. Cependant, les talus de remblayage
situés sous le revêtement demeurent en grande partie non protégés et sont activement
érodés par le ruissellement se produisant sur la route.

La principale mesure de lutte contre l’érosion appliquée le long de la route 1856
consiste à poser des feuilles de plastique noir dont la plupart ont déjà été emportées.
Nombre de ponceaux de drainage semblent trop petits et nous avons même observé
l’un de ces ouvrages ayant été complètement emporté avant de finir dans le fleuve.» 43

Je suppose qu’il s’agit de celui que nous avons vu ce matin.

«Lors de notre visite sur le terrain en mai 2013, nous avons observé certaines
des mesures adoptées (depuis octobre 2012) pour atténuer l’érosion superficielle et le
ravinement sur des sites où ces phénomènes sont particulièrement prononcés.

[M. Kondolf décrit ensuite certaines de ces mesures]. … Même si ces mesures
pourraient réduire l’érosion superficielle et le ravinement dans les quelques rares
32 zones traitées en cas de précipitations faibles et modérées, elles ne pourront
absolument pas empêcher l’écroulement massif des prismes de remblayage [soit les

pentes latérales de la route] et des saignées en pente ascendante dès lors que la nature
de la roche et l’orientation structurelle géologique ne conviennent pas et que les talus
de remblayage ont été mal conçus et mal construits. En outre, les mesures
d’atténuation de l’érosion observées ont été avant tout appliquées pour protéger
principalement la surface de la route et ne contribuent en rien à gérer en toute sécurité

le ruissellement concentré généré par cette dernière. En fait, nous avons observé l’un
de ces sites immédiatement après une forte pluie et pu voir que le ruissellement de la
route est évacué par un fossé de drainage en béton qui se termine à l’intérieur du talus
de remblayage, lequel sert de formation à la route, et provoque naturellement l’érosion
de celui-ci...» .

43
Rapport Kondolf, op cit supra, p. 2.
44Ibid., p. 9-10. - 29 -

23. Monsieur le président, la figure 4 qui s’affiche à présent est une photographie de la

route 1856, prise depuis le San Juan le 22 mai 2013, montrant une tranchée bétonnée évacuant de

l’eau dans le remblai, qui, comme nous l’explique M. Kondolf, constitue les fondations de la

45
route . J’aurais tendance à croire qu’une telle mesure aggrave la sédimentation du fleuve, plutôt

qu’elle ne l’atténue.

24. Vous voyez maintenant à l’écran [poursuite de la projection] une tranchée bétonnée assez

imposante qui mène apparemment sous la route quoiqu’elle semble plutôt déboucher sur

celle-ci, mais supposons qu’elle mène à un ponceau situé sous la route. Une vue élargie de cette

même photo montre à présent que la tranchée ne permet nullement de diminuer l’érosion du talus

de déblai qui surplombe la route.

25. Or, Monsieur le président, il ne s’agit pas uniquement d’un fleuve envahi par des

sédiments provenant d’une route mal construite. Le fleuve abrite des espèces vivantes, qui sont

affectées par cette sédimentation.

26. Le rapport de M. Kondolf montre qu’il existe un risque important que des dommages

irréparables soient causés à ces espèces et à l’ensemble de l’écosystème sous l’effet du dépôt dans

le fleuve de sédiments fins et grossiers provenant de la route. Outre ses conclusions déjà citées

concernant ce qu’il décrit comme les effets «irréversibles» des travaux de construction de la route

sur les écosystèmes et l’environnement, M. Kondolf indique que,

«[l]e dépôt accru de sédiments grossiers dans un fleuve peut modifier sensiblement ses
processus et se traduire notamment par un alluvionnement du
chenal… L’alluvionnement provoque l’enterrement d’habitats aquatiques importants
et la perte consécutive d’espèces indigènes : des impacts qui, selon les études,
perdurent pendant des décennies.» 46

27. Les prélèvements réalisés en mai dernier et consignés en page 13 du rapport de
33

M. Kondolf confirment les «effets écologiques nuisibles des sédiments nés de l’érosion provoquée

par la route 1856 sur le San Juan» .7

28. Ces conséquences, potentiellement très graves, constituent une menace scientifiquement

prouvée pour les écosystèmes du San Juan. M. Kondolf relève que les effets de la sédimentation

45
Rapport Kondolf, op cit supra, p. 10.
46Ibid., p. 7.

47Ibid., p. 13. - 30 -

massive des fleuves ont été «particulièrement bien observés en Amérique du Nord … où les

chemins d’exploitation forestière étaient jadis construits exactement de la même manière que celle

rapportée pour la route 1856. (Ces pratiques sont désormais interdites par la loi en Amérique du

Nord).»

Il conclut en ces termes :

«La charge sédimentaire accrue des rivières a été décrite comme responsable de
la perte d’une partie de la végétation aquatique, de macroinvertébrés, d’amphibiens et
d’espèces de poissons précieuses, ainsi que d’une dégradation de la qualité de l’eau.

Ces effets ont été observés et documentés d48s de nombreux sites à travers le monde
et dans toute une série d’écosystèmes.»

29. Monsieur le président, le Nicaragua est en droit d’attendre que les écosystèmes qu’abrite

son territoire souverain ne soient pas affectés par le comportement du Costa Rica et ses suites.

Comme le montre le rapport de M. Kondolf, qui s’appuie sur une documentation scientifique

fournie, il existe un risque grave et imminent que ce droit subisse une atteinte irréparable avant que

la Cour n’ait rendu sa décision définitive en l’espèce, d’autant plus si le Costa Rica est autorisé à

reprendre les travaux.

30. Il convient de surcroît, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, de

garder à l’esprit que le territoire sur lequel la route est située comprend plus de quatre zones

protégées s’étendant sur les deux pays. En 2001, le fleuve San Juan a lui-même été désigné zone

humide d’importance internationale au sens de la convention de Ramsar , ce sur quoi le 49

Costa Rica ne s’est pas privé d’insister lourdement. Selon la convention de Ramsar, la réserve

naturelle du fleuve San Juan et la réserve biologique attenante d’Indio Maíz constituent «l’un des

50
noyaux biologiques les plus importants du couloir biologique méso-américain» . La zone humide

dans laquelle se trouve le fleuve héberge 303 espèces d’oiseaux, 26 espèces de mammifères et

34 23 espèces de poissons, ainsi qu’une flore d’une grande diversité . 51 Nombre de ces espèces

48Rapport Kondolf, op cit supra, p. 13.
49
Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats de la
sauvagine, conclue à Ramsar (Iran) le 2 février 1971, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 996, enregistrée sous le
n 14583 le 17 février 1976.
50
Voir description concise du Refugio de Vida Silvestre Río San Juan sur le site Internet officiel de la convention
de Ramsar ; version anglaise accessible à l’adresse http://www.ramsar.org/cda/fr/ramsar-news-archives-2002-nicaragua-
announces-7/main/ramsar/1-26-45-87%5E17907_4000_1__ (consulté pour la dernière fois le 4 décembre 2012).
51Voir ministère de l’environnement et des ressources naturelles du Nicaragua (MARENA), Plan de gestion de
la réserve naturelle du fleuve San Juan, 2005, p. 37 (annexe 40 à la duplique du Nicaragua (DN) en l’affaire du Différend

relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua)). - 31 -

animales sont menacées d’extinction. La réserve du San Juan abrite pas moins de 46 espèces en

voie de disparition et notamment celle, très rare, du lamantin . Monsieur le président, Mesdames

et Messieurs de la Cour, des mesures conservatoires sont absolument nécessaires pour protéger ces

espèces de tout dommage irréparable dans l’attente de l’arrêt de la Cour en l’affaire.

c) Le droit du Nicaragua de se voir adresser, par le Costa Rica, une évaluation de l’impact
environnemental transfrontière du projet de route

31. Monsieur le président, si vous le voulez bien, je vais à présent me pencher sur un

troisième droit du Nicaragua, dont la violation continue fait peser sur celui-ci un risque de

préjudice irréparable : il s’agit du droit de se voir adresser, par le Costa Rica, une évaluation de

l’impact environnemental transfrontière du projet de route.

32. Monsieur le président, il est désormais d’usage, à l’échelle internationale, de réaliser une

évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) avant de lancer des travaux qui pourraient avoir

un impact significatif sur l’environnement. Le droit interne de nombreux Etats, si ce n’est de la

majorité d’entre eux, prescrit la réalisation d’une EIE, et tel est le cas de celui du Costa Rica.

Malheureusement, il n’y a pas eu d’EIE avant le début des travaux, qui ont été lancés sans

planification ni étude préalable en vertu du décret instituant l’état d’urgence que l’agent a

mentionné. De quelle prétendue urgence était-il question ? Il s’agissait du nettoyage d’un petit

caño par des ouvriers nicaraguayens utilisant des outils manuels, opération qui fait désormais

l’objet de l’affaire relative à Certaines activités. Quel est le rapport entre la route et le nettoyage

du caño ? C’est loin d’être clair, d’autant que la route s’arrête au fleuve Colorado, affluent du

San Juan, bien avant d’atteindre le «territoire litigieux» qui est en jeu dans l’affaire relative à

Certaines activités.

33. Nous nous trouvons donc, Monsieur le président, face à une situation très paradoxale :

le Costa Rica, qui se pose en parangon de l’environnementalisme, répond aux activités menées par

le Nicaragua le long d’une bande étroite de 1500 mètres dans les environs de la lagune de

Harbor Head 53 en saccageant quelque 160 km de son propre territoire, dont 120 bordent le

52Voir ministère de l’environnement et des ressources naturelles du Nicaragua (MARENA), Plan de gestion de
la réserve naturelle du fleuve San Juan, 2005, p. 39.

53Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), CMN,
vol. I, p. 44, par. 2.60. - 32 -

54
fleuve San Juan , et ce, sans réaliser aucune étude préalable et encore moins informer le

Nicaragua.

55
35 34. Si la réalisation d’une EIE est recommandée à l’échelle nationale , celle d’une EIE

transfrontière est désormais exigée par le droit international coutumier, comme la Cour le sait

pertinemment, puisqu’elle l’a clairement dit dans l’affaire des Usines de pâte à papier je cite :

«l’on peut désormais considérer qu’il existe, en droit international général, une
obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lorsque
l’activité industrielle projetée risque d’avoir un impact préjudiciable important dans un
56
cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée» .

35. Le Costa Rica a d’ailleurs lui-même mis cette obligation en avant dans l’affaire relative à

Certaines activités, soulignant dans son mémoire en cette affaire «la nécessité d’une évaluation

adéquate de l’impact sur l’environnement afin de prévenir ou réduire au minimum tout préjudice

transfrontière», et faisant valoir qu’il s’agit «désormais d’une obligation bien établie par le droit

57
international général» .

36. Le Costa Rica a pourtant manqué à cette obligation, et a donc violé les droits du

Nicaragua. Parmi les droits du Nicaragua ainsi violés figurent ceux d’être informé et consulté au

58
sujet de l’impact transfrontière éventuel de l’activité envisagée . Sans cette information, le

Nicaragua ignore tout des intentions du Costa Rica et ne peut prendre des mesures pour se

prémunir, si tant est qu’il le puisse réellement. Il s’agit d’une violation continue qui justifie

parfaitement l’indication de mesures conservatoires. Le Costa Rica doit, à tout le moins, se voir

54Voir Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), MN, vol. I,
p. 150, par. 5.3.

55Le principe 17 de la déclaration de Rio prescrit la réalisation d’EIE à l’échelle nationale : «Une étude d’impact
sur l’environnement, en tant qu’instrument national, doit être entreprise…» (Déclaration de Rio sur l’environnement et
le développement, adoptée lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement,
Rio de Janeiro, 14 juin 1992, ILM, vol. 31, p. 874 (1992), principe 17 ; les italiques sont de nous). Pour un examen

complet des actions entreprises à cet égard par le Costa Rica au niveau national, voir Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), CMN, vol. I, p. 152-165.
56Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 83,
par. 204.

57Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), MCR,
par. 5.23.

58 Voir, par exemple, la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière, 25 février 1991, Espoo, Finlande, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1989, p. 309, ILM, vol. 30,
p. 800 (1991). On en trouvera une analyse dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), MN, vol. I, p. 169-171, par. 5.37-5.39. - 33 -

ordonner de réaliser une EIE transfrontière en bonne et due forme et de la transmettre au Nicaragua

avant d’être autorisé à reprendre les travaux de construction de la route.

Conclusion

37. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la gravité du comportement

du Costa Rica et de ses répercussions sur le Nicaragua peut facilement être sous-estimée, une

tendance humaine consistant en effet à considérer les fleuves comme «un dépotoir pratique pour y

59
36 jeter [les] déchets» , selon les termes d’un rapport des Nations Unies, ce que les hommes font

malheureusement «[d]epuis des millénaires» . On comprend aisément pourquoi : tout ce que l’on

jette dans un fleuve disparaît, comme par magie.

38. Pour le Nicaragua, le problème est double : tout d’abord, le fleuve fait incontestablement

partie de son territoire. Imaginez, s’il s’agissait d’une frontière terrestre, que le Costa Rica envoie

5000 camions à benne remplis de sédiments (il faudrait en effet 5000 camions pour transporter la

quantité moyenne de sédiments déversée chaque année dans le fleuve, selon l’équipe de

61
M. Kondolf) et qu’il leur fasse déverser ces déchets de l’autre côté de la frontière, en territoire

nicaraguayen. Aucun Etat ni aucune juridiction ne tolèrerait cela.

39. Mais, de tout temps, une incursion invisible n’a pas suscité le même sentiment d’urgence

ou d’indignation que le rejet de déchets de l’autre côté d’une frontière terrestre. Notre

connaissance moderne des dangers de la pollution de l’eau a modifié cette perception. Sur le plan

conceptuel, pourtant, le problème de «l’invasion aquatique» demeure : une violation territoriale

commise en déversant des déchets dans un fleuve peut ne pas sembler aussi grave que la même

violation commise sur terre, parce que les déchets sont dissimulés par les eaux mêmes qu’ils

polluent. Le Nicaragua ne doute pas que la Cour reconnaîtra qu’il s’agit d’une violation tout aussi

grave, si ce n’est davantage, en raison des nombreux écosystèmes affectés.

59Inventaire exhaustif des ressources mondiales en eau douce, Organisation météorologique mondiale/Institut de
Stockholm pour l’environnement, 1997, Nations Unies, doc. E/CN.17/1997/9, 4 février 1997.
60
Ibid.
61Comme indiqué plus tôt, M. Kondolf et ses collaborateurs estiment qu’entre 87 000 et 109 000 mètres cubes de
sédiments sont déversés chaque année dans le fleuve du fait de la construction de la route, dans des conditions de

précipitations «normales». Un camion à benne ordinaire ayant une contenance maximale de 20 mètres cubes
(Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), MN, par. 3.79), il
faudrait 5000 camions à benne pleins pour transporter quelque 100 000 mètres cubes de sédiments. - 34 -

40. Tel est précisément le deuxième aspect du problème : en ce qui concerne le Nicaragua,

les déchets ne «disparaissent» pas, mais restent dans le San Juan inférieur, au débit déjà lent, ce qui

entrave encore davantage la navigation, cause un préjudice irréparable aux écosystèmes, et obstrue

encore un peu plus l’embouchure du fleuve.

41. Le Nicaragua sait que la Cour reconnaîtra les violations de sa souveraineté et de son

intégrité territoriale qui ont été, sont et sachant en particulier que le Costa Rica s’apprête à

reprendre la construction de la route, comme M. Reichler va l’expliquer seront commises, et

qu’elle jugera bon de faire droit à sa demande en indication de mesures conservatoires afin

d’empêcher qu’un nouveau préjudice irréparable ne soit causé au fleuve, à son territoire souverain.

37 L’intégrité territoriale du Nicaragua a été et continue d’être violée par le Costa Rica. Le Nicaragua

s’en remet à la Cour pour qu’elle mette un terme à cette violation, qui n’a que trop duré, au moins

en attendant le prononcé de son arrêt en l’affaire.

42. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé de

ce matin. Je vous remercie de votre aimable attention. Monsieur le président, je vous prierais à

présent de bien vouloir appeler à la barre mon collègue et ami M. Reichler, peut-être après la pause.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur McCaffrey. Nous allons faire une pause de quinze

minutes, après laquelle je donnerai la parole à M. Reichler. Je précise, à des fins d’organisation,

que, étant donné que j’ai pris quelques minutes pour ouvrir l’audience, le Nicaragua pourra

déborder de quelques minutes après 13 heures, si nécessaire, mais en aucun cas au-delà de 13 h 10.

L’audience est suspendue.

L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 40.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Monsieur Reichler, c’est maintenant votre tour.

Vous avez la parole, Monsieur. - 35 -

M. REICHLER :

L’URGENCE DES MESURES DEMANDÉES PAR LE N ICARAGUA

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour. J’aborderai

aujourd’hui la question de l’urgence, plus précisément celle de savoir pourquoi la demande en

indication de mesures conservatoires présentée par le Nicaragua est urgente.

2. La Cour est en droit de se demander pourquoi, si l’indication des mesures conservatoires

sollicitées est si urgente, le Nicaragua n’en a pas fait la demande plus tôt. Il aurait en effet eu deux

ans pour ce faire, la requête ayant été déposée en décembre 2011. Comme le précisait celle-ci, la

construction de la route avait déjà débuté et avait déjà commencé à causer des dommages au fleuve

San Juan, en violation des droits souverains du Nicaragua. Ce dernier s’était expressément réservé

le droit de demander l’indication de mesures conservatoires visant à suspendre la construction, en

particulier si le Costa Rica s’obstinait à refuser de l’informer au sujet de ses activités, de le

consulter à propos d’éventuels dommages transfrontières susceptibles d’être causés au fleuve et à

ses environs, et de lui fournir une étude de l’impact sur l’environnement à ce sujet.

38 3. Près de deux ans ont passé depuis le dépôt de la requête. Pendant toute cette période, le

Costa Rica n’a jamais informé le Nicaragua au sujet de ses projets et activités de construction

routière, ne l’a jamais consulté sur les façons d’atténuer les dommages susceptibles d’être causés

au fleuve ou à ses environs, et ne lui a jamais fourni d’étude de l’impact sur l’environnement. Et

durant toute cette période, le Costa Rica a laissé une quantité importante de sédiments et de débris

de construction routière se déverser dans le fleuve.

4. Alors pourquoi le Nicaragua dépose-t-il maintenant sa demande en indication de mesures

conservatoires ? Pourquoi celles-ci sont-elles urgentes maintenant ?

5. Voici la réponse. Premièrement, depuis le dépôt de la requête, le Nicaragua a épuisé

toutes les voies d’action à sa disposition, devant diverses organisations et tribunes internationales,

en vue d’amener le Costa Rica à s’acquitter de ses obligations internationales en matière de

notification, de consultation, d’examen de l’impact sur l’environnement et de respect de son

territoire souverain. Comme M. l’ambassadeur Argüello l’a expliqué, le Nicaragua espérait que ces

efforts exempteraient la Cour de la nécessité de tenir les présentes audiences. Mais ils ont été - 36 -

vains, ne laissant au Nicaragua d’autre possibilité que celle de s’adresser à la Cour pour assurer la

protection de ses droits souverains et empêcher que de nouveaux dommages soient causés au fleuve

San Juan.

6. Deuxièmement, après deux ans de déversement continu, les sédiments et débris de

construction se sont accumulés pour atteindre des niveaux dangereux qui ont déjà causé des

dommages irréparables au fleuve et menacent d’en causer encore davantage à moins qu’il ne soit

mis fin au déversement. C’est ce qu’a expliqué M. McCaffrey.

7. Troisièmement, et c’est de là que vient l’urgence de la demande présentée par le

Nicaragua, le Costa Rica a annoncé récemment son intention de redoubler d’activité d’ici la fin de

l’année, de façon que les travaux puissent être achevés entre octobre et décembre 2014, soit

62
vraisemblablement bien avant que la Cour ait pu rendre son arrêt en l’espèce .

39 8. Monsieur le président, il semblait pourtant que le Costa Rica avait décidé de ne pas

terminer la construction de la route. De fait, au milieu de l’année 2012, il avait suspendu tous les

travaux . A l’époque, seule la première phase de la construction avait été achevée. Aucun des

cinq tronçons n’était terminé et, sur certains d’entre eux, les travaux n’avaient même pas

commencé. Depuis, la construction de la route n’a, pendant plus d’un an, pour ainsi dire pas

progressé, les seules activités menées se résumant à réparer ou à prévenir les répercussions

dommageables de la première phase. Les marchés conclus pour l’achèvement de la route ont

64
même été annulés . L’indication de mesures conservatoires était donc moins urgente.

62 Gouvernement du Costa Rica, ministre des travaux publics et du transport, «Route nationale 1856 : plan
d’action pour l’achèvement» (http://www.presidencia.go.cr/index.php/prensa/prensa-presidencia/2123-g…-
en-desarrollo-integral-de-cordon-fronterizo-norte, ci-après le «plan d’action pour l’achèvement») ; présidence du
Costa Rica, «La fermeté d’un gouvernement résolu à assurer le développement complet de la bande frontalière est un
gage d’achèvement de la route 1856», mars 2013 (http://www.presidencia.go.cr/index.php/prensa/prensa-
presidencia/2123-gobierno-firme-en-desarrollo-integral-de-cordon-fronterizo-norte, annexe 2 de la lettre en date du

31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57).
63 «Les contrats conclus avec des entreprises pour la construction de la route 1856 suspendus en raison
d’irrégularités», El País, 9 mai 2013 (http://elpais.cr/frontend/noticia_detalle/1/66735, annexe 7 de la lettre en date du
31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57) ; Guerrero, Eugenio,
«L’achèvement des travaux de la route 1856 fera l’objet de cinq appels d’offres», CRHoy, 22 octobre 2012

(http://www.crhoy.com/finalizacion-de-obras-de-la-ruta-1856-se-hara-con-…, annexe 5 de la lettre en
date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57).
64Ibid. - 37 -

9. Mais ce n’est plus le cas. Le Costa Rica vient d’annoncer que la construction allait

65
reprendre à plein rythme et que le projet allait être terminé au plus tard à la fin de l’année 2014 .

Voici l’échéancier dévoilé publiquement par le ministre des travaux publics,

66
M. Pedro Castro Fernandez . [Graphique.] Ces diapositives sont tirées de la présentation

PowerPoint du ministre, qu’on peut trouver sur Internet. Elles se trouvent également sous

o
l’onglet n 10 du dossier de plaidoiries, dans leur version originale espagnole, accompagnée d’une

traduction anglaise.

Selon l’annexe, le premier tronçon doit être construit entre septembre 2013 et octobre 2014 ;

pour le deuxième tronçon, la construction est censée être achevée entre septembre 2013 et

octobre 2014, pour le troisième et le quatrième, au plus tard en décembre 2014 et, pour le

cinquième, au plus tard en octobre 2014.

10. Il semble y avoir eu quelque retard dans la reprise des travaux, en raison des

contestations dont a fait l’objet, sur le plan administratif, le processus d’attribution des marchés

pour la conception et la construction de la route, d’où le report, au-delà du mois de septembre, du

67
40 début de la «phase de construction» . Mais le Costa Rica a très récemment réitéré son engagement

à reprendre les activités de constructions avant la fin de l’année en cours, c’est-à-dire au plus tard à

68
la fin du mois prochain, et de mener le projet à son terme avant la fin de l’an prochain .

11. C’est donc l’imminence de la reprise, par le Costa Rica, des activités de construction

routière qui donne à la demande du Nicaragua son caractère d’urgence. M. McCaffrey a expliqué

65Plan d’action pour l’achèvement ; présidence du Costa Rica, «La fermeté d’un gouvernement résolu à assurer
le développement complet de la bande frontalière est un gage d’achèvement de la route 1856»,
mars 2013 (http://www.presidencia.go.cr/index.php/prensa/prensa-presidencia/2123-g…-
integral-de-cordon-fronterizo-norte, annexe 2 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du
Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57).

66Plan d’action pour l’achèvement.
67
Azofeifa, Mariela, Pas de projet de rechange pour la piste routière 1856 : une fois encore, la négligence du
CONAVI en cause, El Guardián, 20 septembre 2013 (http://www.elguardian.cr/es/Nacionales/Descuido_
del_CONAVI_deja_otra_vez_sin_redise%C3%B1o_a_la_Trocha_1856/, annexe 15 de la lettre en date du
31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57). Voir également
Herrera, Luis M., «Tronçon routier entre Pocosul et Delta Costa Rica : le ministère des travaux publics et des transports
lancera un appel d’offres pour que lui soient soumis de nouveaux projets de travaux routiers», La Nación, 22 juillet 2013
(http://www.nacion.com/nacional/MOPT-licitara-nuevos-disenos-trocha_0_13…, annexe 9 de la lettre en
date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57).

68Colombari, Stefanía, «Le Costa Rica entend démontrer que la construction de la piste routière n’a pas causé de
dommages au fleuve San Juan», Monumental, 28 octobre 2013 (http://www.monumental.co.cr/noticia/pais-espera-
demostrar-que-construccion-de-la-trocha-no-dano-el-rio-san-juan, annexe 14 de la lettre en date du 31 octobre 2013
adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57). - 38 -

le préjudice irréparable qu’ont déjà causé et continuent de causer aux droit du Nicaragua et au

fleuve San Juan les travaux expéditifs et brouillons effectués par le Costa Rica en 2011 et au début

de 2012, ainsi que l’état inachevé et vulnérable dans lequel les travaux amorcés ont été abandonnés

pendant les dix-huit mois qui ont suivi. Chose plus importante encore pour les besoins de la

procédure qui nous occupe actuellement, les éléments de preuve laissent peu de place au doute

quant au préjudice irréparable encore plus grand qui risque d’être causé au fleuve et à ses environs

par la reprise de la construction. Or cette reprise est imminente. Elle aura lieu très bientôt, à moins

que n’intervienne l’indication des mesures demandées. Le Costa Rica n’a donné au Nicaragua

aucun préavis de son intention de reprendre la construction, mais ses représentants l’ont clamée

haut et fort à sa population.

12. Si le Costa Rica a suspendu la construction de la route au milieu de l’année 2012, ce

n’est pas en raison des protestations du Nicaragua ou du dépôt de la requête en l’espèce. Les

raisons en ont été données dans des déclarations publiques émanant des plus hauts responsables

costa-riciens, dont la présidente elle-même, et ces raisons sont au nombre de deux. En premier

lieu, les crédits affectés au projet étaient épuisés, et la poursuite des travaux aurait exigé de

nouvelles mesures de financement . En second lieu, le Costa Rica a révélé que la première phase

70
du projet avait été entachée de corruption . Le ministre des travaux publics et du transport, qui

était responsable du projet, a été forcé de démissionner , tandis que d’autres ont fait l’objet de

72
poursuites pénales .

69 «Les contrats conclus avec des entreprises pour la construction de la route 1856 suspendus en raison
d’irrégularités», El País, 9 mai 2013 (http://elpais.cr/frontend/noticia_detalle/1/66735, annexe 7 de la lettre en date du

31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57) ; Ruiz Ramón, Gerardo,
«Deux personnes inculpées dans l’affaire de la piste routière libérées ce vendredi», La Nación, 11 octobre 2013
(http://www.nacion.com/sucesos/juicios/Trocha_Fronteriza-imputados-Poder…, annexe 13
de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57) ;
Herrera, Luis M., «Le ministère des travaux publics et des transports a investi quelques milliards de colones sur
trois projets routiers défaillants», La Nación, 6 septembre 2013 (http://www.nacion.com/nacional/MOPT-invirtio-
millones-proyectos-malogrados_0_1364463543.html, annexe 11 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au
greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57).

70 Ruiz Ramón, Gerardo, «Deux personnes inculpées dans l’affaire de la piste routière libérées ce vendredi»,
La Nación, 11 octobre 2013 (annexe 13 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du
Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57) ; «Les contrats conclus avec des entreprises pour la construction de la
route 1856 suspendus en raison d’irrégularités», El País, 9 mai 2013 (annexe 7 de la lettre en date du 31 octobre 2013
adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN--NCR 2013/57).

71 Ruiz Ramón, Gerardo, «Deux personnes inculpées dans l’affaire de la piste routière libérées ce vendredi»,
La Nación, 11 octobre 2013 (annexe 13 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du
Nicaragua, distribution CRN-NCR 2013/57).

72 Ibid. - 39 -

41 13. Mon intention n’est pas de mettre le Costa Rica dans l’embarras. Il y a lieu en effet

d’applaudir sa volonté de dénoncer et de sanctionner la corruption de ses hauts fonctionnaires. Je

tiens plutôt à souligner les conséquences de ces événements sur l’état des travaux lorsqu’ils ont été

mis en suspens. Etant donné l’attribution frauduleuse des marchés et les pots-de-vin qui ont permis

aux entrepreneurs de se soustraire à une juste évaluation de leur prestation, il n’est pas étonnant que

la route ait été construite de manière aussi négligente et au mépris des risques pour

l’environnement, comme l’a montré M. McCaffrey et comme il est exposé en détail dans le

mémoire du Nicaragua.

14. Les dommages en voie d’être causés au fleuve par les travaux partiels, conjugués au

refus obstiné du Costa Rica de communiquer ses intentions au sujet de la route ou de fournir une

étude de l’impact transfrontières sur l’environnement, ont suffisamment inquiété le Nicaragua pour

qu’il s’adresse à la Cour et lui propose de procéder proprio motu à l’indication de mesures

conservatoires, afin de protéger le fleuve San Juan de nouveaux dommages. Le Nicaragua ne

souhaitait pas imposer à la Cour la tenue d’audiences, à cette époque, puisque les activités de

construction avaient été suspendues. En juin 2013, le Costa Rica a assuré à la Cour qu’il ne faisait

que remédier aux problèmes causés par les travaux antérieurs et ne procédait à aucune construction

nouvelle .3

15. Mais la situation a complètement changé depuis. Ainsi, le Costa Rica a annoncé

publiquement la reprise de la construction de la route avant la fin de l’année, c’est-à-dire d’ici

quelques semaines , peut-être moins encore. Seul le Costa Rica en connaît la date précise, mais il

s’obstine à refuser de fournir au Nicaragua quelque information à propos de ses activités, de le

consulter au sujet des dommages transfrontières et des mesures à prendre pour les éviter, ou de

produire une étude de l’impact sur l’environnement concernant les dommages et les risques que

présente pour le fleuve San Juan la construction de la route. Le Nicaragua doit ainsi se contenter

des déclarations publiques émanant des hauts dirigeants costa-riciens, reproduites dans les medias

73 Observations écrites du Costa Rica sur la demande du Nicaragua tendant à la modification de l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires rendue par la Cour en l’affaire Costa Rica c. Nicaragua, 20 juin 2013, p. 11, par. 40
(distribution CRN-NCR 2013/10).
74
Plan d’action pour l’achèvement ; présidence du Costa Rica, «La fermeté d’un gouvernement résolu à assurer
le développement complet de la bande frontalière est un gage d’achèvement de la route 1856», mars 2013 (annexe 2 de la
lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua, distribution CRN-NCR 2013/57). - 40 -

et sur le site Internet du Gouvernement. Mais ces déclarations sont suffisamment claires : la reprise

des activités de construction de la route est imminente, et il en va de même de l’aggravation du

préjudice irréparable qui en résultera immanquablement pour le fleuve San Juan et ses environs.

16. Monsieur le président, je tiens à préciser ce que recherche le Nicaragua. Il ne demande

pas à la Cour d’empêcher le Costa Rica de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier aux

problèmes causés par ses activités de construction antérieures. Bien au contraire, à la lumière de
42

l’analyse réalisée par M. Kondolf, des mesures de réparation précises pourraient être prises

immédiatement pour empêcher l’amplification du préjudice irréparable que subit le Nicaragua. Tel

est l’objet du deuxième train de mesures que demande le Nicaragua et que M. Pellet abordera dans

un moment. Ce que le Nicaragua cherche à empêcher, c’est la reprise des activités de construction

nouvelle tendant à l’achèvement de la route. C’est là l’essence du troisième train de mesures

demandé.

17. Ce n’est que s’il est fait obstacle à ces activités maintenant, avant qu’elles ne reprennent,

que pourra être évitée l’aggravation du préjudice qui menace le fleuve et son environnement, ainsi

que les droits que le Nicaragua détient sur celui-ci. La situation est urgente parce que la menace

qui pèse sur les droits du Nicaragua est imminente et que le préjudice ne pourra pas être réparé par

l’arrêt de la Cour sur le fond, puisque les travaux de construction de la route seront alors terminés.

Le Costa Rica lui-même dit s’être donné pour objectif de terminer la construction de la route entre

octobre et décembre 2014 . Nous ne savons toujours pas s’il y aura un second tour de procédure

écrite en la présente affaire. Mais, même à supposer qu’il n’y en ait pas, la Cour n’a pas encore

fixé la date des audiences et il est peu vraisemblable qu’elle puisse à la fois tenir celles-ci et rendre

son arrêt avant l’achèvement de la route, lequel risque alors d’être devenu fait accompli.

L’indication de mesures conservatoires est urgente parce qu’un préjudice irréparable a déjà été

causé au fleuve et qu’un préjudice supplémentaire et encore plus grand est imminent et ne pourra

être empêché ou réparé par l’arrêt de la Cour.

18. Dans son ordonnance du 8 mars 2011, la Cour a analysé la notion d’«urgence», dans le

contexte de la demande en indication de mesures conservatoires : «le pouvoir de la Cour d’indiquer

75Plan d’action pour l’achèvement. - 41 -

des mesures conservatoires ne sera exercé que s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il existe un risque réel

et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant que la Cour n’ait rendu

sa décision définitive» . Monsieur le président, telle est la situation dans laquelle nous nous

trouvons. Le risque d’un préjudice irréparable supplémentaire, constitué par la violation de la

souveraineté du Nicaragua et les dommages causés au fleuve San Juan et à son environnement

protégé, est bien réel. Il est aussi imminent, puisque le Costa Rica s’apprête à reprendre ses

activités dommageables. Et l’atteinte portée aux droits du Nicaragua, constituée par la poursuite de

43 la construction de la route jusqu’à son achèvement l’an prochain, sera consommée avant que la

Cour ait rendu sa décision définitive.

77
19. Dans l’affaire des Essais nucléaires , la Nouvelle-Zélande avait démontré qu’un

préjudice irréparable était réel et imminent puisque la France avait déjà effectué des expériences

atmosphériques, qu’elle avait refusé de donner l’assurance que son programme d’expérimentation

nucléaire était terminé et qu’il ressortait de déclarations officielles que de nouveaux essais étaient

envisagés .78 La Cour a procédé à l’indication de mesures conservatoires, estimant qu’il «se

[pouvait] que la France procède immédiatement à un nouvel essai nucléaire atmosphérique dans le

Pacifique» et que, «aux fins de la présente procédure, il suffit de noter que les renseignements

soumis à la Cour ... n’excluent pas qu’on puisse démontrer [qu’]un préjudice irréparable [serait

causé] à la Nouvelle-Zélande» . 79

20. En l’espèce, le Costa Rica a lui aussi refusé de donner l’assurance que ses activités

dommageables étaient terminées. Bien au contraire, il a annoncé publiquement que la construction

de la route reprendrait le plus tôt possible et qu’il entendait mener le projet à bien avant que la Cour

ait pu rendre sa décision définitive.

76Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011, p. 21, par. 64 ; Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009,
C.I.J. Recueil 2009, p. 152-153, par. 62.
77
Essais nucléaires (Australie c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973,
C.I.J. Recueil 1973, p. 135.
78
Ibid., p. 140, par. 26.
79Ibid., p. 140-141, par. 27 et 30. - 42 -

80
21. Ce dernier point est capital. Dans l’affaire du Passage par le Grand-Belt , le Danemark

avait fait valoir que la demande en indication de mesures conservatoires de la Finlande n’avait

aucun caractère d’urgence puisque «selon le déroulement prévu des travaux de construction ... il

n’y aura[it] pas d’obstacle matériel au passage par le Grand-Belt avant la fin de l’année 1994» et

81
qu’«à cette époque la Cour pourrait avoir rendu son arrêt définitif en l’espèce» . Dans cette

affaire, ce n’étaient pas tous les travaux de construction entrepris par le Danemark qui posaient un

risque de préjudice irréparable pour la Finlande, mais seulement ceux qui auraient fait obstacle au

passage en question. La Cour a accepté les assurances données par le Danemark selon lesquelles il

n’y aurait pas d’obstruction avant la fin de l’année 1994, pour ensuite conclure que «la procédure

sur le fond dans la présente affaire devrait normalement être menée à son terme auparavant» et que,

en conséquence, la Finlande n’avait pas réussi à établir que «les travaux de construction

porter[aient] atteinte pendente lite au droit revendiqué» . Nous sommes ici dans la situation

44 inverse. Toute activité de construction de la route par le Costa Rica causera un préjudice accru au

fleuve, contribuant à aggraver l’atteinte portée aux droits du Nicaragua pendente lite.

22. L’affaire des Usines de pâte à papier est également riche d’enseignements. Comme la

Cour s’en souviendra, elle a rejeté la demande en indication de mesures conservatoires déposée par

l’Argentine et tendant à empêcher l’Uruguay de mettre en service deux usines de pâte à papier sur

le fleuve Uruguay. A l’époque, l’Uruguay en avait autorisé la construction, mais pas l’exploitation,

qui, même si elle avait été agréée, aurait dû attendre encore deux années . L’Argentine a reconnu

qu’un dommage irréparable ne saurait résulter de la construction, mais uniquement de la mise en

service . Le dommage irréparable éventuel était donc loin d’être imminent.

23. En outre, l’Uruguay avait fourni à l’Argentine, non seulement sa propre étude d’impact

sur l’environnement, mais aussi deux études exhaustives réalisées à la demande de la

80Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991,

C.I.J. Recueil 1991, p. 12.
81Ibid., p. 17, par. 24.

82Ibid., p. 18, par. 27.
83
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 113.
84
Ibid., p. 125, par. 46.
85Ibid., p. 124-125, par. 45. - 43 -

Banque mondiale, qui avaient montré que les deux usines pouvaient être exploitées sans risque de

86
dommage pour le fleuve et ses environs . L’Uruguay s’était également engagé à conduire une

nouvelle étude d’impact sur l’environnement et à soumettre les usines aux normes supplémentaires

en matière d’environnement recommandées par la Banque mondiale, avant d’en autoriser la mise

en service . Enfin, l’Uruguay avait accepté de ne pas mettre l’Argentine et la Cour devant le fait

accompli, s’engageant à démolir les usines ou à les affecter à un autre usage si la Cour devait, dans

son arrêt définitif, décider que les usines ne devraient pas être mises en service . La Cour a ainsi

jugé que «la construction des usines sur le site … ne p[ouvai]t être réputée constituer un fait

accompli» , et qu’il n’était pas nécessaire d’indiquer des mesures conservatoires.

24. La Cour a fait la distinction entre cette situation et celle dans laquelle la construction en

elle-même aurait causé un dommage irréparable, soulignant que :

45 «s’il est établi que la construction d’ouvrages comporte une atteinte à un droit, on ne

peut ni ne doit exclure a priori la possibilité d’une décision judiciai90 ordonnant soit de
cesser les travaux soit de modifier ou démanteler les ouvrages» .

25. Telle est, Monsieur le président, la situation. Dans la présente affaire, contrairement à

celle des Usines de pâte à papier, le dommage irréparable résulte autant, sinon plus, de la

construction de l’ouvrage, c’est-à-dire la route, que de son utilisation.

26. Le Nicaragua, contrairement à l’Argentine, ne saurait rester passif durant la phase de

construction, en espérant que la mise en service de l’ouvrage se révèle sans danger. D’ici-là, le

fleuve aura subi encore davantage de dommages irréparables, et il sera encore davantage porté

préjudice aux droits du Nicaragua.

27. De même, contrairement à l’Argentine, le Nicaragua n’a reçu aucune assurance de la part

du Costa Rica selon laquelle la route serait finalement défaite si la Cour devait juger qu’elle cause

des dommages au fleuve. Une telle assurance ne servirait d’ailleurs à rien en l’occurrence. Le

86Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 124, par. 45.

87Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, CR 2006/47,
p. 47, par. 16.
88
Ibid., p. 50, par. 26.
89Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du

13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 132, par. 78.
90Ibid., p. 132, par. 78, renvoyant à l’affaire du Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures
conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 19, par. 31. - 44 -

principal dommage irréparable, celui résultant de la construction de la route, aurait déjà été causé,

et défaire la route ne ferait qu’aggraver la situation. Compte tenu des dépôts massifs de sédiments

et d’autres polluants qu’elle engendrerait, cette opération se révélerait aussi dommageable pour le

fleuve que la construction de la route. Seules les mesures recommandées par M. Kondolf et son

équipe, et demandées par le Nicaragua, permettraient de protéger le fleuve des sédiments et débris

qui s’y déversent en permanence depuis la route.

28. Dans la présente espèce, contrairement à celle des Usines de pâte à papier, il y a un

risque grave que des dommages irréparables ne soient causés, non seulement au fleuve, mais aussi

aux zones humides protégées de part et d’autre de celui-ci, dont l’importance et la vulnérabilité ont

été soulignées par le Costa Rica lui-même. Nous allons prendre le Costa Rica au mot en ce qui

concerne son intérêt à protéger de dommages irréparables ces zones humides situées à

l’embouchure du San Juan. Il y a trois semaines, l’expert du Costa Rica, M. Thorne, a déclaré que

l’envasement de l’embouchure du San Juan pourrait engendrer «un risque important de fermeture

91
totale, par moments, pendant la saison sèche, puis celles qui suivront» . Selon M. Kondolf, c’est

ce même risque que viennent exacerber les travaux de construction routière du Costa Rica, qui sont

à l’origine des déversements de sédiments dans le fleuve, lesquels sont charriés vers l’aval jusqu’à

l’embouchure du fleuve où ils s’accumulent.

46 29. Monsieur le président, le Costa Rica, tout comme le Nicaragua, pourrait tirer profit de

mesures visant à réduire la charge solide du fleuve et lui permettre de continuer à approvisionner en

eau douce et propre les zones humides, leur flore et leur faune, sur les deux rives du cours inférieur

du San Juan près de son embouchure. Il est également dans l’intérêt du Costa Rica d’éviter

l’envasement du fleuve pour pouvoir exercer son droit de navigation sur le fleuve à des fins

commerciales. Dans ces conditions, comment des mesures conservatoires imposant au Costa Rica

de s’abstenir de poursuivre ses travaux de construction routière en attendant que la Cour rende son

jugement lui porteraient-elles préjudice ?

30. On ne saurait répondre à cette question sans savoir pourquoi le Costa Rica s’est lancé

dans la construction de cette route. Le Nicaragua ne se livrera à aucune conjecture à ce sujet.

91M. Colin Thorne, rapport sur l’impact de la construction de deux nouveaux caños sur Isla Portillos, annexe 33,
demande en indication de mesures conservatoires du Costa Rica, affaire relative à Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (10 octobre 2013), p. 6, par. 4.7. - 45 -

Nous allons de nouveau prendre le Costa Rica au mot. Selon la présidente du Costa Rica et

plusieurs hauts responsables de son gouvernement, la construction de cette route a pour finalité la

défense nationale . Mme Chinchilla a maintes fois déclaré que la route était nécessaire pour

protéger le Costa Rica en particulier la zone litigieuse qui fait l’objet de l’affaire relative à

Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière contre une «agression

93
militaire» de la part du Nicaragua . La présidente et d’autres représentants de son gouvernement

ont qualifié d’«invasion militaire» du territoire costa-ricien les travaux d’enlèvement de la

végétation et de dragage concernant le premier caño de la zone litigieuse . La route 1856 a été

justifiée en tant que réponse directe et immédiate à cette prétendue agression militaire. Sa

construction a été rapidement autorisée en vertu d’un décret instituant l’état d’urgence, présenté

comme vital pour la protection de l’intégrité territoriale et la sécurité nationale du Costa Rica . Ce 95

dernier n’a pas cherché à la justifier au titre du développement économique, des activités

commerciales, du transport civil ou de besoins en matière de communication. Sa raison d’être

consiste à faciliter les déplacements des agents de sécurité costa-riciens vers la région, à parer aux

éventuelles intrusions militaires nicaraguayennes dans la zone litigieuse et à évacuer les civils en

47 cas d’attaque armée nicaraguayenne . [Graphique.] Voilà comment, selon ses propres termes, le

Costa Rica a, pas plus tard qu’au mois de mai 2013, exposé la finalité de la route. Ce passage est

extrait d’un document reproduit dans son intégralité sous l’onglet n 11 du dossier de plaidoiries,

dans sa version originale espagnole et dans sa traduction anglaise. Le document est intitulé

«Position du gouvernement au sujet de la route 1856.»

92Présidence de la République du Costa Rica, Position du gouvernement au sujet de la route 1856, 24 mai 2013
(http://www.presidencia.go.cr/index.php/prensa/prensa-presidencia/1549-p…-

relacion-con-la-ruta-1856, annexe 3 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua,
distribution CRN-NCR 2013/57).
93 Ibid. ; décret n 36440-MP, Costa Rica, publié au journal officiel n 46 le 7 mars 2011 (CMN, vol. III,

annexe 35 (1)).
94Ibid.

95Présidence de la République du Costa Rica, Position du gouvernement au sujet de la route 1856, 24 mai 2013
(annexe 3 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua,
distribution CRN-NCR 2013/57). Voir aussi arrêtés et règlements, présidence de la République, commission nationale de
o
prévention des risques et de gestion des urgences, décision n 0362-2011, règlement du 21 septembre 2011 relatif aux
procédures d’achat et de passotion de marchés sous un régime d’exception, conformément au décret instituant l’état
d’urgence en vertu du décret n 6440, 21 septembre 2011 (MN, annexe 12, affaire relative à la Construction d’une route
au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica)).
96
Présidence de la République du Costa Rica, Position du gouvernement au sujet de la route 1856, 24 mai 2013
(annexe 3 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua,
distribution CRN-NCR 2013/57). - 46 -

«[L]e Costa Rica a entrepris de défendre sa souveraineté nationale et son
intégrité territoriale en réaction aux actes accomplis par le Nicaragua dans la zone
frontalière septentrionale. C’est ce pays qui a envahi militairement le sol costa-ricien

et qui ne cesse de faire planer sur nous la menace d’une escalade du conflit.

A l’époque, nos forces de police ne pouvaient se rendre dans la zone en litige ni
par la route ni par les eaux, et il était très difficile d’y accéder par voie aérienne. Des
mesures d’urgence ont donc dû être prises sans attendre pour leur permettre de se

rendre dans la zone en question. En outre, le risque d’une escalade du conflit pouvant
entraîner le déplacement des communautés frontalières, une route devait être
construite pour faciliter les mesures d’évacuation des civils, de mobilisation et de
défense.» 97

31. Ainsi, il y a actuellement deux droits en présence : d’un côté, le droit du Nicaragua de se

protéger contre les dommages causés au fleuve San Juan et à son environnement par les travaux de

construction routière du Costa Rica ; de l’autre, le droit de ce dernier de construire la route en

question sur son propre territoire. Le conflit entre ces droits aurait pu être évité si le Costa Rica

avait procédé sur la base d’une planification soigneuse, en observant les normes professionnelles

applicables et en se conformant à ses obligations internationales envers le Nicaragua. Mais il n’en

a rien fait, d’où le conflit qui en est résulté. C’est à la Cour qu’il appartient, en dernière analyse, de

décider lequel de ces droits doit prévaloir, ou encore s’il est possible de trouver entre eux un

équilibre qui soit équitable pour les deux parties. A l’heure actuelle, toutefois, un seul de ces droits

est exposé à un préjudice irréparable, le droit du Nicaragua à la protection de sa souveraineté et de

son intégrité territoriale et à la protection du fleuve contre l’envasement, la pollution et toute autre

atteinte à l’environnement. M. McCaffrey a montré le caractère irréparable du préjudice en cause,

et je viens d’expliquer son imminence, caractéristiques qui rendent urgente l’indication de mesures

conservatoires.

32. On ne saurait en dire autant du droit du Costa Rica, qui ne subirait pas de préjudice

irréparable si la reprise des activités de construction devait être différée d’un an ou deux, le temps

48 que la Cour rende son arrêt. Le Costa Rica a déjà lui-même retardé la construction durant plus

d’un an en raison de ses propres difficultés internes. Il n’a pas été victime d’une agression militaire

de la part du Nicaragua pendant cette période, une telle agression étant très improbable et, à vrai

dire, carrément inimaginable. Le droit du Costa Rica de construire une route pour protéger ses

97
Présidence de la République du Costa Rica, Position du gouvernement au sujet de la route 1856, 24 mai 2013
(annexe 3 de la lettre en date du 31 octobre 2013 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua,
distribution CRN-NCR 2013/57), par. 1-2. - 47 -

intérêts dans la zone litigieuse contre une attaque de la part du Nicaragua est déjà sauvegardé par

l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011, laquelle a enjoint au Nicaragua de s’abstenir

d’envoyer ses forces armées dans cette zone.

33. Monsieur le président, même la simple mention d’une «agression militaire» ou d’une

«attaque» de la part du Nicaragua paraît surréaliste, et il est difficile d’imaginer que le Costa Rica

puisse croire sérieusement à un tel épouvantail. C’est pourtant ce que ne cessent d’invoquer les

plus hauts dirigeants du Costa Rica, dont la présidente, pour expliquer la décision de procéder à la

construction de la route 1856 et d’en hâter l’achèvement. Cela ne signifie toutefois pas que la Cour

doive y ajouter foi, et les éléments de preuve montrent qu’elle n’a pas besoin de le faire.

34. La Cour sait très bien que, dès le lendemain du jour où elle a rendu son ordonnance, le

commandant de l’armée nicaraguayenne pour la région du sud a lui-même émis un ordre interdisant

expressément à tous les personnels militaires de pénétrer dans la zone litigieuse . Cet ordre a été

o
donné en exécution du décret présidentiel n 79 de 2009, lequel conférait au commandant de

l’armée l’autorité sur toutes les activités civiles et militaires exercées pour le compte de l’Etat dans

la région reculée du San Juan inférieur. Durant au moins deux ans et demi, jusqu’en août 2013, les

agents civils et militaires du Nicaragua se sont fidèlement conformés à cet ordre et, ce qui importe

plus encore, à l’ordonnance de la Cour. Celle-ci a été informée des activités de M. Pastora dans la

zone litigieuse au cours des mois d’août et de septembre, auxquelles le président Ortega a mis fin

immédiatement dès qu’il en a eu connaissance. Le Costa Rica ne s’est depuis plaint d’aucune autre

intrusion dans la zone litigieuse par les militaires ou fonctionnaires nicaraguayens, et il n’y en a eu

aucune. Le Nicaragua demeure lié par l’ordonnance de la Cour et a réitéré devant celle-ci son

engagement à cet égard. En deux mots, le Costa Rica dispose d’un bien meilleur moyen que la

route 1856 pour se protéger contre l’incursion purement hypothétique des forces armées

nicaraguayennes dans la zone litigieuse : l’ordonnance de la Cour.

98 o
Ordre n 005 émanant du chef du détachement militaire du sud en exécution de l’ordre du chef d’état-major
concernant la mise en œuvre de mesures spéciales découlant des mesures conservatoires indiquées par la Cour
internationale de Justice, ainsi quo du plan de lutte contre le trafic de stupéfiants, du plan de sécurité dans les régions
rurales et du décret présidentiel n 79/2009, direction de San Juan de Nicaragua, 9 mars 2011 (annexe 36 du
contre-mémoire du Nicaragua en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua)). - 48 -

49 35. Il me faut préciser une autre raison montrant que l’achèvement de cette route n’est pas

urgent, ni même nécessaire. [Graphique.] Voici la carte du Costa Rica jointe aux observations

écrites de celui-ci sur la recevabilité de la demande reconventionnelle du Nicaragua en l’affaire

relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière ; elle se trouve
o
sous l’onglet n 12 du dossier de plaidoiries. La zone litigieuse est indiquée dans le quart supérieur

droit, tout au haut de la page. La route est marquée par une ligne verte, dans le quart inférieur

gauche. Comme on le voit ici, l’extrémité de la route se trouve à plus de 25 kilomètres de la zone

litigieuse. C’est une grande distance. Il est impossible d’atteindre la zone litigieuse par transport

terrestre depuis l’extrémité de la route, et le Costa Rica n’a pas le droit d’emprunter le fleuve pour

y envoyer ses forces de sécurité. Il lui faudrait donc construire un pont enjambant le bras du

San Juan appelé «Colorado», ce qui n’est pas envisagé dans ses projets de construction routière,

sans compter qu’il lui faudrait ensuite construire une route traversant plus de 20 kilomètres de

marécages infranchissables, lesquels constituent par ailleurs un site Ramsar. Il s’agit véritablement

et littéralement d’une route qui ne mène nulle part. Il est difficile d’imaginer comment elle pourrait

servir au Costa Rica pour se défendre en cas d’agression militaire de la part du Nicaragua dans la

zone litigieuse, à supposer qu’on puisse faire abstraction de l’improbabilité d’une telle éventualité.

36. C’est à la Cour qu’il reviendra, dans le cadre de l’affaire relative à Certaines activités

menées par le Nicaragua dans la région frontalière, de décider si la zone litigieuse appartient au

Nicaragua ou au Costa Rica. Si elle décide en faveur du Nicaragua, la protection de la zone

litigieuse contre une supposée attaque nicaraguayenne ne présentera plus aucun intérêt pour le

Costa Rica. Dans le cas contraire, le Nicaragua ne pourra plus prétendre à cette zone et devra, étant

lié par l’arrêt de la Cour ainsi que par les chartes des Nations Unies et de l’OEA et le droit

international général, respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du Costa Rica. Le

Nicaragua s’est déjà engagé à se conformer à l’arrêt de la Cour, quelle que soit l’issue de l’affaire,

et il n’y a aucune raison de mettre en doute cet engagement.

37. Ainsi, le droit du Costa Rica de se protéger en construisant une route sur son territoire

n’est pas menacé par l’indication des mesures conservatoires demandées par le Nicaragua. S’il est

fait droit à la demande de ce dernier, il ne sera pas causé de préjudice irréparable au droit du

Costa Rica. De fait, il ne lui sera causé aucun préjudice au regard de l’objectif déclaré de la - 49 -

construction de la route. Les intérêts du Costa Rica en matière de sécurité sont déjà protégés par

une ordonnance de la Cour. Si une chimérique agression militaire de la part du Nicaragua devait

survenir, ou si le Costa Rica en venait à croire que tel est le cas, il lui serait toujours loisible de

revenir devant la Cour pour solliciter sa protection ; il ne s’en est jamais privé par le passé.

50 38. En conclusion, c’est le droit du Nicaragua, et seulement celui-ci, qui est exposé à un

préjudice irréparable. La menace est à la fois grave et imminente. Le préjudice appréhendé est tel

qu’il ne saurait être empêché ou réparé par l’arrêt définitif de la Cour. Et la jurisprudence de

celle-ci enseigne clairement que, au moment de décider s’il y a lieu de procéder à l’indication de

mesures conservatoires, la Cour prendra en considération les intérêts des deux parties et veillera à

ce que les droits de ni l’une ni l’autre ne soient exposés à un préjudice irréparable en attendant sa

décision définitive. Monsieur le président, le droit du Costa Rica qui est en cause, soit celui de

protéger, par la construction d’une route, le territoire qu’il revendique contre une agression armée

de la part du Nicaragua, a déjà été mis sous la protection pendente lite de la Cour. C’est le droit du

Nicaragua qui a maintenant besoin d’être protégé. Les mesures sollicitées par ce dernier auraient

pour effet de protéger ce droit, sans pour autant compromettre celui du Costa Rica. Comme

M. Pellet va maintenant l’expliquer, ces mesures répondent aux critères bien établis qui régissent

l’indication de mesures conservatoires et devraient en conséquence être ordonnées par la Cour.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable

attention et me permets de vous demander d’appeler à la barre mon éminent collègue, M. Pellet.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Reichler. I call now on Professor Alain Pellet. You

have the floor, Sir.

Mr. PELLET:

T HE MEASURES REQUESTED BY N ICARAGUA

1. Thank you, Mr. President. Mr. President, I have noted that I may continue until 1.10,

which will avoid my having to take on the interpreters in a race that they would be unlikely to win!

Mr. President, Members of the Court, I have the task of explaining in detail the measures requested

by Nicaragua, and of showing that they are justified (II). Before that, I will say a few words on the - 50 -

possible relationship between our own requests and those put to you by Costa Rica three weeks

ago (I).

I. The relationship between the measures requested by Nicaragua

and those sought by Costa Rica

2. Mr. President, as the Court explained in its Orders of 17 April 2013, the two cases

brought, first, by Costa Rica and then by Nicaragua are indissociable:

51 3. The two cases nonetheless remain distinct, at least inasmuch as the case brought before

you by Nicaragua, concerning Route 1856, relates to issues of far greater scope both

99
geographically and materially than those regarding the disputed parcel of land on the border .

It follows that, while both the Court and the Parties may legitimately have regard to the common

context of the two cases and that, in my view, it would be perfectly lawful for you, Members of the

Court, to rule in a joint Order on both requests for provisional measures, it is certainly necessary

that you consider them individually and separately in order to determine whether they are justified.

4. It has frequently happened in the past that the two parties to a dispute before the Court

have submitted overlapping requests for the indication of provisional measures. I think, for

100 101 102
example, of the Burkina/Mali case, of the Genocide case, or indeed of Cameroon v. Nigeria .

And that is also what we felt we should do in the present dispute, after Costa Rica had seised you

of events which could easily have been resolved by diplomatic means.

5. It seemed to us that this “counter-request”, if you will, was justified, since, in bringing

before you the events to which I have just referred, Costa Rica regrettably as it may seem

was seeking to divert attention from the large-scale polluting activities that it is conducting, or

plans very shortly to conduct, on the San Juan River — activities which constitute a threat, a far

99See, mutatis mutandis, North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic
of Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, p. 19, para. 11.

10Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986, I.C.J.
Reports 1986, p. 4, para. 2, pp. 5-6, paras. 5-6, pp. 7-8, para. 8 and p. 8, para. 9.
101
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia), Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, pp. 7-8, para. 3 and
pp. 9-10, para. 9 and Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Yugoslavia), Provisional Measures, Order of 13 September 1993, I.C.J. Reports 1993, pp. 332-333,
para. 6 and pp. 335-336, para. 19.
102
Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures,
Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 18, para. 20, p. 19, para. 23 and p. 20, para. 26. - 51 -

more serious one, to the navigability and environment of the river. To cite a phrase which you used

in your 1997 Order on the counter-claims in the Genocide case, the two Costa Rican and

103
Nicaraguan requests form part of the “same factual complex” . There is thus nothing

52 extraordinary in the Court being called upon to consider two requests for provisional measures

submitted successively by the two Parties to cases that you have joined.

6. Nonetheless, and we readily admit it, time was very short, and it is understandable that, in

its wisdom, the Court decided to dissociate Costa Rica’s request, which brought us together in this

Great Hall of Justice three weeks ago, from that which we have now submitted.

7. Apart from the practical considerations which suffice to justify that dissociation, it has the

advantage of removing the ambiguity which had characterized last May’s episode. I would remind

you that on that occasion Costa Rica, true to its strategy of harassing the Court by recourse to

provisional measures, requested you, Members of the Court, to modify your Order for provisional

measures of 8 March 2011, to which request Nicaragua had responded by likewise requesting

modification. In rejecting Costa Rica’s request, you also stated in the reasoning of your Order of

16 July last that:

“27. Nicaragua’s request for the Order of 8 March 2011 to be modified or
adapted does not have any bearing on the situation addressed in that Order”.

And that:

“even if the situation invoked in the Nicaragua v. Costa Rica case were to justify the
indication of provisional measures, the appropriate method of securing that is not the
modification of the Order made in the Costa Rica v. Nicaragua case” . 104

8. In dissociating the two matters 105you have clarified the position: it is true that our request

for provisional measures relates to the same factual context as that which applied at the time of

Costa Rica’s request; but this is a separate and distinct request, relating to the Nicaragua v.

Costa Rica component of the cases joined by your Orders of 17 April 2013, and it does not

103
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia), Counter-Claims, Order of 17 December 1997, I.C.J. Reports 1997, p. 258, para. 34.
10Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Construction of a
Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Provisional Measures, Order of 16 July 2013,
paras. 26-29.
105
Letter from the Registrar of the ICJ to the Agent of Nicaragua, 14 Oct. 2013, Ref. 142617. - 52 -

necessarily imply any modification of your decision of 8 March 2011: it can equally well be

53 reflected in the adoption of a separate and completely new Order, additional to the latter.

II. Nicaragua’s requests

9. Further to these remarks, I now come, Members of the Court, to our examination of the

content of the provisional measures which Nicaragua respectfully requests you to indicate.
106
10. In a public debate recently organized by the American Society of International Law ,

one of you gave this wise advice to advocates appearing before you: “Never say: ‘as my

colleague X or Y said . . .’.” I am well aware that that is not good advocacy, and reminders of this

kind are, in principle, inappropriate: of course, you have been listening attentively! However, I

allow myself to believe that the phrase is acceptable if it is followed by: “which means that I need

not revisit the point”. I will thus say: “As my colleagues and friends, Steve McCaffrey and

Paul Reichler, have convincingly demonstrated, Costa Rica’s actions imminently risk causing

and in truth are already causing irreparable prejudice endangering the rights of Nicaragua in the

case concerning the construction of Route No. 1856; and I therefore need not revisit the matter.”

11. That means that, overall, the two substantive conditions which must be met in order for

you to indicate provisional measures are satisfied. I will now endeavour to show you more

particularly that these circumstances specifically require the provisional measures that Nicaragua

has asked you to indicate and I refer to the letter from the Agent of Nicaragua to the

ICJ Registrar of 11 October 2013 ; you will find it at tab 13 of your folders.

[Slide No. 1: The first provisional measure requested by Nicaragua.]

1. The first provisional measure requested by Nicaragua

12. In its first request, Nicaragua asks the Court to decide “that Costa Rica immediately and

unconditionally provides Nicaragua with the Environmental Impact Assessment Study and all

54 technical reports and assessments on the measures necessary to mitigate significant environmental

harm to the River”. That Mr. President, is the first of the measures that are essential in order to

preserve Nicaragua’s rights that on which the effectiveness of all the others depends.

106
J. Donoghue, Keynote Discussion, Thursday 31 Oct. 2013, “A Conversation on the Art of Judging”.
10Ref.: HOL-EMB-196. - 53 -

13. Nicaragua justified the need for such an environmental impact assessment (“EIA”) in its

Application instituting proceedings. Right from this initial phase, it had requested:

“that the Court exercises its statutory powers to order Costa Rica to produce this
document”,

adding:

“However, in all circumstances and particularly if this request does not produce
results, Nicaragua reserves its right to formally request provisional measures on the

basis of Article 41 of108e Statute and the pertinent procedures of Articles 73 and ss. of
the Rules of Court.”

This is the object of Nicaragua’s first request, since the Court has thus far taken no action on the

request formulated in its Application, to which its Agent had again drawn the Court’s attention in

his letter to the Registrar of 19 December 2012, which was submitted together with our

109
Memorial .

14. Likewise, in that Memorial Nicaragua showed that Costa Rica could not simply dismiss

out of hand its obligation to prepare an environmental impact assessment and to inform Nicaragua

110
of the result ; thus Nicaragua stated in its Submissions that Costa Rica was under an obligation

“Not to continue or undertake any future development in the area without an
appropriate transboundary Environmental Impact Assessment and that this assessment
must be presented in a timely fashion to Nicaragua for its analysis and reaction.” 111

15. It is clear that Nicaragua has thus always presented the preparation and communication

of an EIA as the essential prerequisite to any decision on Route 1856. This is not the

subject-matter of Nicaragua’s Application, but a preparatory act, which is necessary in order to

determine whether that Application is well founded.

16. That is indeed also the way Costa Rica itself sees matters:

55 “States are under an obligation to ensure that such activities within their

jurisdiction and control do not cause damag112o the environment of other States or
areas beyond their national jurisdiction . Stemming from this obligation, a proper
environmental impact assessment is a prerequisite. A State is obliged, as a matter of

108
Application instituting proceedings, p. 33, para. 55.
10Letter from Nicaragua to the ICJ accompanying the Memorial of Nicaragua, 19 Dec. 2012,
Ref. 02-19-12-2012.

11See in particular pp. 152-171, paras. 5.6-5.41.
111
Submissions, para. 2 (iv).
11Note 443, Report of the United Nations Conference on the Human Environment, Rio Declaration on
Environment and Development, 1992, A/CONF.151/26, Vol. I, Principle 2; see also Principle 21. - 54 -

general international law, to assess the extent to which activities within its jurisdiction

will cause harm to other States, particularly in areas or regions of shared
environmental conditions, and to consult with neighbouring States about the
environmental implications of the planned activities. As noted in the Stockholm
Declaration of the United Nations Conference on the Human Environment, ‘[r]ational

planning constitutes an essential tool for reconciling any conflict betwe113th114eeds of
development and the need to protect and improve the environment’ .”

I could not put it any better, Mr. President: the EIA is a prerequisite to any determination of

whether an activity envisaged in circumstances of this kind is justified.

17. And that is also the position very firmly adopted by the Court, which, in the Pulp Mills

case, recalled the existence of

“a practice, which in recent years has gained so much acceptance among States that it

may now be considered a requirement under general international law to undertake an
environmental impact assessment where there is a risk that the proposed industrial
activity may have a significant adverse impact in a transboundary context, in

particular, on a shared resource. Moreover, due diligence, and the duty of vigilance
and prevention which it implies, would not be considered to have been exercised, if a
party planning works liable to affect the régime of the river or the quality of its waters
did not undertake an environmental impact assessment on the potential effects of such
115
works.”

Very recently, the Arbitral Tribunal in the Kishenganga Dam case also emphasized the obligation

to assess the ecological risk before embarking on any project of this kind . 116

18. This is indeed a prior, preparatory, protective condition par excellence, in the absence of

which no activity can be decided on or undertaken and no informed decision can be taken as to

whether such activity is justified. As the International Law Commission noted in its — very

cautious — Draft Articles on the Prevention of Transboundary Harm:

56 “Any decision in respect of the authorization of an activity within the scope of
the present articles shall, in particular, be based on an assessment of the possible
transboundary harm caused by that activity, including any environmental impact
117
assessment.”

113
Note 444, Declaration of the United Nations Conference on the Human Environment, Stockholm,
16 June 1972, Principle 14.
11MCR, p. 208, para. 5.22; emphasis added.

11Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Judgment, I.C.J. Reports 2010 (I), pp. 82-83,
para. 204.
116
Partial Award, 18 February 2013, Indus Waters Kishenganga Arbitration, p. 169, para. 450, available at:
http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392.
11Art. 7 (Risk assessment) of the Draft Articles on Prevention of Transboundary Harm from Hazardous
Activities, ILC Yearbook 2001, Vol. II, Part 2, p. 169; emphasis added. See also, for example, the Convention on
Environmental Impact Assessment in a Transboundary Context, 25 Feb. 1991, Espoo, Finland, United Nations, Treaty

Series (UNTS), Vol. 1989, p. 312, Art. 2 (3) and (7). - 55 -

19. In his letter to the Agent of Nicaragua of 11 March 2013, the Registrar stated that the

Court was of the opinion “that the circumstance of the case, as they now present themselves to it,

are not such as to require the exercise of its power under Article 75 of the Rules of the Court to

118
indicate provisional measures proprio motu” . Quite apart from the fact that your distinguished

Court is no longer being asked to rule proprio motu, without the assistance of evidence debated by

the Parties, the circumstances themselves have changed, and the prerequisite of an EIA has become

particularly urgent as a result of Costa Rica’s announcement of its intention to resume construction

work on Route 1856.

[End slide 1 slide 2: The second provisional measure requested by Nicaragua.]

2. The second provisional measure requested by Nicaragua

20. Mr. President, the second provisional measure or rather the second series of

provisional measures that Nicaragua is respectfully asking the Court to indicate is more

complex. Those requests can currently be seen on your screens and are set out at tab 14 of your

folders.

21. The erosion of the river banks is ongoing; and landslides from hill slopes bordering the

road are a constant threat. All of this is particularly worrying in that any extreme meteorological

event will inevitably, if nothing is done, dramatically aggravate the situation.

22. However, since Nicaragua filed its Application, virtually nothing has been done and the

situation has got significantly worse, as is confirmed by last week’s report by Professor Kondolf;

“Our field observation in October 2013 clearly showed that erosion is actively
occurring along multiple parts of the road, and that erosion control and drainage works
have been ineffective in addressing the serious erosion and slope stability
57 119
problems.”

23. In these circumstances urgent provisional measures appear to be amply justified. The

four specific measures that Nicaragua asks the Court to indicate are designed to avoid the

11Letter from the Registrar of the I.C.J. to the Agent of Nicaragua, 14 March 2013, Ref. 141600.

11G. M. Kondolf “Continued Impacts of Erosion from Rte 1856, Costa Rica to the Río San Juan, Nicaragua”,
30 Oct. 2013, Ann. 2 to the letter of 1 Nov. 2013, Ref. HOL-EMB-223, p. 2. - 56 -

accumulation of damage to the river which, I feel it important to again remind you, is under

120
Nicaraguan sovereignty and such measures appear relatively straightforward to implement.

24. [Highlight 2 (a).] The first such measure appears to be particularly necessary, since, as

Professor Kondolf wrote back in December 2012:

“[s]ediment eroded from Route 1856 has already reached the Río San Juan through a
number of pathways” . 121

25. Professor Kondolf is not alone in expressing alarm at the risk of road collapse. Thus, in a

report from May 2012 and the situation has not improved since the National Laboratory of

Materials and Structural Models of the University of Costa Rica was warning of the “high risk of

collapsing during the rainy season as a result of non-existent drainage structures and instability of a

large number of cuts and fills,” stressing that:

“[l]eaving the Border Trail in full operating condition immediately requires a major
additional investment of resources to build missing drainage structures, complete and

stabilize many cut and fill se122rs, and particularly build bridges over Sarapiquí, San
Carlos, and Pocosol rivers” .

26. These proposals by the Costa Rican laboratory are broadly similar to the provisional

measures which Nicaragua requests the Court to indicate in accordance with the recommendations

of Professor Kondolf, which I do not have time to read, but they can be found at tab 15 of your

folders. In reading them, you will be able to see, Members of the Court, both how essential,

58 precise and reasonable they are, and as far as I can judge relatively easy to implement

(although this has to be done properly).

27. [Highlight 2 (b).] Secondly Mr. President, Nicaragua has asked the Court to indicate to

Costa Rica that it should urgently “(b) Eliminate or significantly reduce the risk of future erosion

and sediment delivery at all stream crossings along Route 1856”.

12See Art. VI of the Treaty of Limits of 15 April 1858; see also CMN, p. 32, para. 2.29; p. 33, para. 2.35; and
pp. 52-56, paras. 3.3-3.13.
121
G. Mathias Kondolf, Danny Hagans, Bill Weaver & Eileen Weppner: “Environmental Impacts of Juan Rafael
Mora Porras Route 1856, Costa Rica, on the Río San Juan, Nicaragua”, Dec. 2012, para. 1.3.5 (MN, Vol. II, p. 6).
12National Laboratory of Materials and Structural Models of the University of Costa Rica,
“Report INF-PITRA-014-12: Report from Inspection of Route 1856 Juan Rafael Mora Porras Border Road”,

May 2012 (MN, Ann. 3, Vol. II, p. 255); see also Federated Association of Engineers and Architects of Costa Rica,
“Report on Inspection on the Border Road, of the Northern Area Parallel to the San Juan River CFIA Report”,
8 June 2012, para. 5.8 (MN, Ann. 4, Vol. II, p. 284). - 57 -

28. The flaws in the design and construction of the numerous stream crossings along

Route 1856 there are already some 60 of them make them particularly exposed when it rains.

As a result, as Professor Kondolf stresses, they are likely to cause massive sediment flows into the

123
river and very substantial pollution .

29. Here again these comments are similar to those of the National Laboratory of Materials

and Structural Models of the University of Costa Rica, which criticizes “the poor management of

124
this issue [concerning the stream-crossing] in the project” .

30. Back in May 2012, this Costa Rican laboratory made the following proposals in order to

remedy the situation:

“Completing the construction of adequate drainage structures in trail sectors
having a stable gravel platform as a high priority, in order to protect road investment
and functionality.

Building drainages in the other road sectors consisting of a dirt trail. All these
drainage works should be designed according to hydrological requirements in the area
and existing waterbody hydraulic characteristics.” 125

31. Of course, since then nothing has been done in this regard, and Professor Kondolf’s

proposals to the same effect, which are embodied in Nicaragua’s requests, appear to be

unanimously accepted by the specialists in the field — at least when giving their views

59 independently. His recommendations, with reasons, are set out at tab 16 of your folders. Like the

preceding ones, it seems to me that they merit a careful reading.

32. [Highlight 2 (c).] The two other urgent measures which we believe that the Court should

indicate in its Order are closely connected.

33. Already in his first report, Professor Kondolf had drawn attention to the importance of

surface erosion:

“We estimate that an annual and ongoing sediment input of 87,000 to
109,000 cubic meters [reaches the San Juan]. Future erosion and sediment delivery

123
G. Mathias Kondolf, Danny Hagans, Bill Weaver & Eileen Weppner: “Environmental Impacts of Juan Rafael
Mora Porras Route 1856, Costa Rica, on the Río San Juan, Nicaragua”, Dec. 2013, para. 1.3.4 (MN, Vol. II, pp. 7-8); see
also G. M. Kondolf “Continued Impacts of Erosion from Rte 1856, Costa Rica to the Río San Juan, Nicaragua”,
30 Oct. 2013, Ann. 2 to the letter of 1 Nov. 2013, Ref.: HOL-EMB-223, pp. 5-7, 10, 26 and 29.
124
National Laboratory of Materials and Structural Models of the University of Costa Rica,
“Report INF-PITRA-014-12: Report from Inspection of Route 1856 Juan Rafael Mora Porras Border Road”,
May 2012 (MN, Ann. 3, Vol. II, pp. 239-240).
125
Ibid., pp. 255-256. - 58 -

during a tropical storm or hurricane will likely be greater than the current sediment
126
transfer by a factor of at least ten.”

34. In his report of 30 October of this year, Professor Kondolf shows that the effect of this

127
massive erosion impacts immediately on the river , and he points out how such erosion is

encouraged by heavy rains . He further notes that matters have not improved despite a number of

improvised measures:

“Our field observations in October 2013 clearly showed that erosion is actively

occurring along multiple parts of the road, and that erosion control and drainage works
have been ineffective in addressing the serious erosion and slope stability
problems.” 129

35. And, in line with his consistent approach, Professor Kondolf concludes this part of his

report with a number of specific, concrete proposals, which are reproduced at tab 17 of your

folders. I would refer you to request 2 (c), which we present as an abridged version of and a

reference to those recommendations.

36. [Highlight 2 (d).] Furthermore, in his 2012 report which relates more to

measure 2 (d) Professor Kondolf criticizes

“The evident lack of measures to prepare for the wet season and lack of erosion
control measures along the route has resulted in persistent and serious erosion of bare

soils all along the recently bulldozed alignment and at disturbed rock quarry s130s.
Much of this eroded sediment has been delivered to the Río San Juan.”

60 37. Here again, these findings by the expert consulted by Nicaragua conclude with protective

131
proposals, which are set out in his report of 12 October 2013 . They are reproduced at tab 18 of

your folders.

126Ibid., para. 1.3.6 (MN, Vol. II, p. 9).

127G. M. Kondolf “Continued Impacts of Erosion from Rte 1856, Costa Rica to the Río San Juan, Nicaragua”,
30 Oct. 2013, Ann. 2 to the letter of 1 Nov. 2013, Ref. HOL-EMB-223.
128
Ibid., pp. 1-2, 8-10, 14 and 29.
129
Ibid., p. 2; see also, for example, the Report of the Territorial Delegation for the San Juan River from the
Ministry for the Environment and Natural Resources, 27 Sept. 2013, Ann. 1 to the letter from Nicaragua to the ICJ of
31 Oct. 2013, Ref. HOL-EMB-220.
130Ibid., para. 3.8 (MN, Vol. II, pp. 37-38).

131G. M. Kondolf, “Confirmation of Urgent Measures to Mitigate Erosion & Sediment Delivery from Rte 1856,
Costa Rica, into the Río San Juan, Nicaragua”, 12 Oct. 2013, Ann. 1 to the letter of 1 Nov. 2013, Ref. HOL-EMB-223,
p. 5. See also G. M. Kondolf “Continued Impacts of Erosion from Rte 1856, Costa Rica to the Río San Juan, Nicaragua”,
30 Oct. 2013. - 59 -

38. Professor Kondolf’s recommendations are similar to those unfortunately never acted

on dating back to May 2012 by the Laboratory of Materials and Structural Models of the

University of Costa Rica:

“Expanding the use of erosion stabilization and control practices to the different
project sectors requiring them. Assessing the use of vegetative methods that could be
easily applied in several sectors.” 132

I note in passing that, for purposes of the present proceedings, Costa Rica has carefully refrained

133
from availing itself of the considerable expertise of that Laboratory !

39. Mr. President, the photos projected by my colleagues appear to me to leave little doubt as

to the serious malfeasances which characterize the construction of the road; the resultant risks to

the San Juan River likewise appear quite clear, even to a total layman. However, no more, I

daresay, than the vast majority of lawyers, I have not the slightest idea as to how, in technical

terms, those risks can be eliminated, or at least mitigated. And that is why we have reproduced the

findings of Professor Kondolf in your folders, in order to demonstrate that this is not something

that we have concocted ourselves.

40. Mr. President, I do not believe that we should interpret the precautionary principle in a

rigid and dogmatic way, for that would be to risk stagnation. The fact remains, however, that

Professor Kondolf’s predictions, which are at once measured and alarmist, should not be taken

lightly: there undoubtedly exists a serious and imminent risk of irreparable prejudice, and

61 measures must and can be taken in order to minimize it. The indication of the measures proposed

by Nicaragua in point (2) of the requests set out in the letter from Ambassador Argüello Gomez of

11 October last would contribute to such minimization.

[End slide 2 — slide 3: The third provisional measure requested by Nicaragua.]

132
National Laboratory of Materials and Structural Models of the University of Costa Rica,
“Report INFO-PITRA-014-12: Report from Inspection of Route 1856 Juan Rafael Mora Porras Border Road”,
May 2012 (MN, Ann. 3, Vol. II, pp. 255-256).
13See Costa Rican Institute of Electricity (ICE), SBU Projects and Associated Services, Centre for Basic
Engineering Studies, Department of Hydrology, “Report on Hydrology and Sediments for the Costa Rican River Basins
draining to the San Juan River”, Aug. 2013, Ann. 1 to the letter from Costa Rica to the ICJ, 1 Nov. 2013; and University

of Costa Rica Centre for Research in Sustainable Development, Department of Civil Engineering, “Report on Systematic
Field Monitoring of Erosion and Sediment Yield along Route 1856”, Sep. 2013, Ann. 2 to the letter from Costa Rica to
the ICJ, 1 Nov. 2013. - 60 -

3. The third provisional measure requested by Nicaragua

41. Mr. President, in point 3 of those same submissions, Nicaragua requests the Court to

“[o]rder Costa Rica not to renew any construction activities of the road while the Court is seized of

the present case”.

42. This request appears indeed to be a matter of simple common sense. In your Order of

8 March 2011, Members of the Court, you unanimously instructed the Parties to “refrain from any

action which might aggravate or extend the dispute before the Court or make it more difficult to

134
resolve” and — once again unanimously — you reaffirmed “in particular” that measure in your
135
Order of 16 July 2013 . Admittedly, that instruction is contained in Orders relating to the

Costa Rica v. Nicaragua case, while the resumption of the construction of Route 1856 relates

more directly to Nicaragua v. Costa Rica; but, as their joinder confirms, the two cases are tightly

connected and there is no doubt that the recommencement of the works envisaged by Costa Rica

will increase considerably the sedimentation of the San Juan River, thus making it impossible to

restore the situation existing in 1858, to which Nicaragua is entitled . 136

43. Moreover, the measure that you ordered in 2011 and reaffirmed last July is no more than

the expression of a more general obligation. It may be considered that the parties to any case

brought before the Court are required not to aggravate the situation and not to make the dispute

more difficult to resolve. That obligation is, as it were, the bedrock, the background of all the other

provisional measures that you indicate.

62 44. As you recalled in your Orders of 23 January 2007 and 8 March 2011:

“the Court has on several occasions issued provisional measures directing the parties
not to take any actions which could aggravate or extend the dispute or render more
difficult its settlement” .37

134
Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 27, para. 86, point (3).
135Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua); Construction of a

Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Provisional Measures, Order of 16 July 2013,
para. 40, point (2).
136CMN, p. 60, para. 3.20; pp. 95-96, para. 4.33 and p. 456, Submissions, para. 2 (iv).

137See, for example, United States Diplomatic and Consular Staff in Tehran (United States of America v. Iran),
Provisional Measures, Order of 15 December 1979, I.C.J. Reports 1979, p. 21, para. 47, point (B); Application of the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia
and Montenegro)), Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 24, para. 52, point (B); Land
and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures, Order of
15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 24, para. 49, point (1); Armed Activities on the Territory of the Congo
(Democratic Republic of the Congo v. Uganda), Provisional Measures, Order of 1 July 2000, I.C.J. Reports 2000,
p. 129, para. 47, point (1). - 61 -

and you added that:

“in those cases provisional measures other than the measures directing the parties not
to take actions to aggravate or extend the dispute or to render more difficult its
138
settlement were also indicated . . .” .

45. In the present case, the adoption of a measure reminding Costa Rica that it must not

undertake new construction works on Route 1856 until your Judgment on the merits has been

rendered is merely the obvious consequence of Costa Rica’s obligation — and indeed

Nicaragua’s — not to aggravate the dispute. It is also, typically, a measure covered by the:

“right of the Court to indicate provisional measures as provided for in Article 41 of the
Statute [which] has as its object to preserve the respective rights of the parties pending

the decision of the Court, and [which] presupposes that irreparable prejudice should
not be caused to rights which are the subject of dispute in judicial proceedings and that
the Court's judgment should not be anticipated by reason of any initiative regarding
139
the measures which are in issue” .

46. Indeed, here, as, mutatis mutandis, in the case concerning Fisheries Jurisdiction, the

resumption of the road construction works by Costa Rica would, by anticipating the Court’s

judgment, “prejudice the rights claimed by [Nicaragua] and affect the possibility of their full

restoration in the event of a judgment in its favour” . 140

63 47. I would add that your distinguished Court has often ordered the suspension or the

non-resumption of certain activities in its Orders indicating provisional measures . It is true that

in two cases that have some similarities with the case with which we are dealing here — the Great

Belt case and the Pulp Mills case — the Court declined to indicate the provisional measures

requested by the Applicant. But, as Paul Reichler has expertly demonstrated, the question that

concerns us is, in fact, completely different from the one arising then, in particular because the

138
Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007,
I.C.J. Reports 2007 (I), p. 16, para. 49; and Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area
(Costa Rica v. Nicaragua), Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 21, para. 62.
139
Fisheries Jurisdiction (United Kingdom v. Iceland), Interim Protection, Order of 17 August 1972, I.C.J.
Reports 1972, p. 16, para. 21.
140See Ibid., para. 22.

141 See, for example, Nuclear Tests (Australia v. France), Interim Protection, Order of 22 June 1973, I.C.J.
Reports 1973, p. 106; Nuclear Tests (New Zealand v. France), Interim Protection, Order of 22 June 1973, I.C.J. Reports
1973, p. 142; Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Provisional Measures, Order of 10 May 1984, I.C.J. Reports 1984, p. 187, para. 41; Frontier Dispute (Burkina
Faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986, I.C.J. Reports 1986, pp. 11-12, para. 32;
Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures, Order of
15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 24, para. 49; and Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic
Republic of the Congo v. Uganda), Provisional Measures, Order of 1 July 2000, I.C.J. Reports 2000, p. 129, para. 47. - 62 -

imminent nature of the threat, which was lacking in those two cases, is not in doubt in the present

case and, in the absence of an Order of the Court, it will become a reality pendente lite.

48. In that regard, I note that, clearly, it is difficult to specify the exact date when that threat

will become a reality, because the announced resumption of the works seems to be encountering

financial difficulties and suspicions of corruption . 142 But there is no doubt as to the strong

commitment of the Costa Rican authorities to proceed with those works as soon as possible: the

date for the awarding of the contracts required at the start of the works and the date of their

commencement have been announced 143 and postponed several times, but that has clearly not

weakened the resolve of the highest State authorities to proceed with the works as soon as possible,

with no consideration for the case currently before the Court. Just last week, and I think it

important to quote him once more, the Costa Rican Minister of Communication further stated:

64 “that construction of the Borderline Trail will continue to a priority piece of work until
termination by the current government and anticipates that it will also be (a priority)

for the next (government).

In addition, he emphasized that the works will continue forward even though
144
this does not please Nicaragua.”

142
See, for example, the press release of 14 March 2013 issued by the Presidency of Costa Rica, Ann. 2 to the
letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220.
143
See CRHoy, “Completion of Route 1856 Works Will be Undertaken with Five Bids”, 22 Oct. 2012, Ann. 5 to
the letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220; press release of 14 March
issued by the Presidency of Costa Rica, Ann. 2 to the letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by Nicaragua,
Ref. HOL EMB 220; El País, “Contracts Entered into with Companies Involving Route 1856 Suspended Due to
Irregularities”, 9 May 2013, Ann. 7 to the letter dated 31 Oct. 013 addressed to the Court by Nicaragua,
Ref. HOL-EMB-220; La Nación, “Stretch from Pocosul up to Delta Costa Rica. MOPT will Tender New Designs for the

Trail Works include gravel road design; also walls and drainage systems. The head of MOPT expects to commence
Works within a month, at the latest”, 22 July 2013, Ann. 9 to the letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by
Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220; and El Guardian, Costa Rica, “Once Again, CONAVI’s Carelessness Leaves
Trail 1856 Without a Redesign”, 28 Oct. 2013, Ann. 15 to the letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by
Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220.
144
Statement by the Minister of Communication of Costa Rica, Carlos Roverssi, 28 Oct. 2013, Ann. 14 to the
letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220. See also, in particular,
L. M. Herrerra, La Nación, “Stretch from Pocosul up to Delta Costa Rica. MOPT will Tender New Designs for the
Trail”, 22 July 2013, Ann. 9 to the letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220;
CRHoy, Costa Rica, “Works of the Road Set to Continue Without an Environmental Mitigation Plan”, 25 Jan. 2013,

available at: http://www.crhoy.com/trabajos-en-la-trocha-estan-por-reiniciar-sin-plan…; La
Nación, Costa Rica, “Route 1856 does have a destiny”, 3 Feb. 2013, available at:
http://www.nacion.com/2013-02-03/Opinion/la-ruta-1856-si-tiene-un-desti…; CRHoy, Costa Rica,
“Government will present road works plan”, 31 Jan. 2013, available at:
http://www.crhoy.com/gobierno-presentara-plan-de-trabajos-para-la-troch…; press release of 14 March issued by the
Presidency of Costa Rica, Ann. 2 to the letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the
Court by Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220; Press Office of Fracción Parlamentaria P.L.N. citing

La Voz Liberacionista, San José, 19 March 2013, available at:
http://www.asamblea.go.cr/Diputadas_Diputados/Sitio_Fraccion_Liberacion… La Voz
Liberacionista/2013 MARZO/Licitación abreviada y recorrido ruta0001.pdf; J. Bravo, La Prensa, Managua,
“Chinchilla no verá culminada carretera fronteriza durante su mandato”, 18 June 2013, available at:
http://www.laprensa.com.ni/2013/06/18/ambito/151335-chinchilla-no-vera-…. - 63 -

49. Furthermore, the absence of a specific date does not in any way prevent the threat of

irreparable risk from being regarded as imminent and, consequently, as being capable of justifying

145
the indication of provisional measures so as to ensure that such a risk is averted . Mr. President, I

shall not venture to announce the date when the road construction works will begin again; but the

decision has been taken and, even if it is impossible to determine the precise date when the threat

will become a reality, it is sufficiently real for that uncertainty not to be “a circumstance that should

preclude [the Court] from indicating provisional measures”, and, in particular, the non-resumption

of the works in question. Obviously, unless Costa Rica is merely playing mind games with the

Nicaraguan Government through outright provocations, these new and disastrous works will take

place “before the Court has given its final decision” . Therefore, it is more than likely that, if the

65 Court does not intervene, “action prejudicial to the rights of either party might be taken before the

Court has given its final decision ” .47 148

50. And there is another reason — just as conclusive as those I have just given.

51. By a preliminary ruling of 17 January 2012, the Central American Court of Justice made

the following order:

“To immediately suspend the construction of the road that the Government of
Costa Rica is building parallel to the south bank of San Juan River, so that the

145
Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America), Provisional Measures, Order of
5 February 2003, I.C.J. Reports 2003, pp. 90-91, paras. 53-54.
14Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007,

I.C.J. Reports 2007 (I), p. 11, para. 32. See also Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional
Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 17, para. 23; Vienna Convention on Consular Relations
(Paraguay v. United States of America), Provisional Measures, Order of 9 April 1998, I.C.J. Reports 1998, p. 257,
para. 37; Certain Criminal Proceedings in France (Republic of the Congo v. France), Provisional Measures, Order of
17 June 2003, I.C.J. Reports 2003, p. 107, para. 22; Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay),
Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006, p. 131, para. 70; Request for Interpretation of the
Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of
America) (Mexico v. United States of America), Provisional Measures, Order of 16 July 2008, I.C.J. Reports 2008,
p. 330, para. 72.

14Continuation of the citation: “see, for example, Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark),
Provisional Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 17, para. 23; Certain Criminal Proceedings in
France (Republic of the Congo v. France), Provisional Measures, Order of 17 June 2003, I.C.J. Reports 2003, p. 107,
para. 22; Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007,
I.C.J. Reports 2007 (I), p. 11, para. 32”.

14Request for Interpretation of the Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other
Mexican Nationals (Mexico v. United States of America) (Mexico v. United States of America), Provisional Measures,
Order of 16 July 2008, I.C.J. Reports 2008, pp. 328-329, para. 66. - 64 -

situation does not escalate, thus protecting the rights of each of the parties and
149
preventing the occurrence of irreversible and irreparable damage.”

However, as the same Court noted in its Decision of 21 June 2012, of which certain extracts can be

found at the last tab of your folders:

“[t]hese protective measures were not respected by the State of Costa Rica, violating
Article 39 of the Convention on the Statute of the Central American Court of
150
Justice . . .” ,

which led the Managua Court to condemn Costa Rica “for incurring in contempt of court by not

complying with the precautionary measures ordered by the Central American Court of Justice on

January seventeen, two thousand twelve”, and the Court added: “the order to definitively suspend

the construction of this road is reaffirmed” . Costa Rica hastened to declare that it would not

152
comply with that Decision .

52. Admittedly, Mr. President, this Court is not an “enforcement officer” of the Central

American Court of Justice; but the decisions of that Court are binding on the Parties by virtue of

Article 39 of the Treaty establishing it; it matters little that they are “secondary” rather than

66 “primary” obligations — they are binding on the Parties. By indicating the third measure requested

by Nicaragua, Members of the Court, you will merely confirm, with the particular authority that is

yours, the ruling made twice — and unanimously but in vain — by the Court of Managua and in

this way you will uphold the sacred principle of res judicata.

53. Mr. President, Costa Rica is fond of giving lessons on international good conduct and

morality. The present case shows the extent to which it may flout its principles if it considers that

they are not to its advantage:

(1) the continued construction of Route 1856 would confirm the contempt of court which it has

committed in ignoring the entirely unambiguous decisions of the Central American Court

ordering it to cease those works;

149Central American Court of Justice, Case No. 12-06-12-2011, Order of 17 January 2012, cited in Central
American Court of Justice, Case No. 12-06-12-2011, Decision of 21 June 2012, pp. 10-11, recital IX (MN, Ann. 13,
Vol. II, p. 380).

150Central American Court of Justice, Case No. 12-06-12-2011, Decision of 21 June 2012, pp. 10-11, recital IX
(MN, Ann. 13, Vol. II, pp. 380-381).
151
Ibid., p. 27, point VIII of the operative part.
152Inside Costa Rica, “Costa Rica: Central American Court Ruling Illegitimate”, 3 July 2012, available at:
http://www.insidecostarica.com/dailynews/2012/july/03/costarica12007030…, see MN, Vol. I, p. 235, para. 6.20,

footnote 587. - 65 -

(2) the resumption of the works, announced as imminent, would cause irreversible damage to the

environment of the San Juan and to the rights that Nicaragua has sought to uphold by bringing

the present dispute before the Court;

(3) in any event, it is impossible for anyone — even for your distinguished Court, Members of the

Court — to make any informed decision at all regarding either the section of road that has

already been built or those sections that Costa Rica remains committed to building, in the

absence of a prior, reliable Environmental Impact Assessment, which is a prerequisite for any

future activity and for any evaluation of the work actually carried out to date; and

(4) it is not conceivable that the status quo should be allowed to produce its catastrophic effects

pending your Judgment; there is a need for urgent measures in line with the highly reasoned

recommendations of Professor Kondolf (which themselves coincide with the recommendations

of the National Laboratory of Materials and Structural Models, which Costa Rica now carefully

sets to one side).

54. Mr. President, Members of the Court, that concludes Nicaragua’s first round of oral

argument. We thank you most sincerely for listening — all the more “commendable” an effort if I

may say so, given that you have already very recently had to sit to hear the pleadings of the same

Parties on another aspect of these joined cases. With respect, I would say that I continue to

67 believe — we continue to believe — that stopping there would have allowed you to have only a

very partial and highly skewed view of things. Thank you for giving us the opportunity to put them

in perspective. I wish you an excellent appétit.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. That brings today’s sitting to an end. The Court

will meet tomorrow at 10 a.m. to hear Costa Rica in its first round of oral argument. Thank you.

The sitting is adjourned.

The Court rose at 1.05 p.m.

___________

Document Long Title

Traduction

Links