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CR 2013/5 (traduction)

CR 2013/5 (translation)

Jeudi 18 avril 2013 à 15 heures

Thursday 18 April 2013 at 3 p.m. - 2 -

10 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today to hear the

second round of oral argument of the Kingdom of Cambodia. I now give the floor to

Mr. Rodman Bundy to open this round of argument. You have the floor, Sir.

M. BUNDY : Je vous remercie Monsieur le président.

LA CONTESTATION OPPOSANT LES P ARTIES AU SUJET DE L ’INTERPRÉTATION DE L ’ARRÊT

ET LES ARGUMENTS QUE LA T HAÏLANDE TIRE DES CARTES

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j‟inaugurerai le second tout de

plaidoiries du Cambodge en traitant de deux questions sur lesquelles les Parties restent en

désaccord.

2. La première concerne l‟existence d‟une contestation opposant les Parties au sujet de

l‟interprétation de l‟arrêt, que la Thaïlande continue de nier en arguant que le Cambodge, durant

40 ans, aurait admis et accepté l‟interprétation de la Thaïlande, fondée sur la ligne rouge figurant

sur la carte retenue en 1962 par le conseil des ministres thaïlandais, et matérialisée par les barbelés.

1
C‟est là l‟argument que le professeur Pellet a défendu hier matin . Je vais vous montrer qu‟il est

dénué de fondement.

3. La seconde question que j‟entends aborder concerne les arguments avancés par

Mme Miron au sujet des cartes plus précisément son affirmation selon laquelle les cartes

présentées en l‟affaire initiale confirment que les environs du temple devaient se limiter à une très

étroite bande de terrain bordant celui-ci. Je vais expliquer pourquoi cette affirmation ne résiste pas,

elle non plus, à l‟analyse.

4. Après cette brève introduction, j‟aborde maintenant le premier point de mon propos.

1. La question de l’existence d’une contestation opposant les Parties au sujet de
l’interprétation de l’arrêt

5. Dans ma plaidoirie de lundi, j‟ai appelé l‟attention de la Cour sur une quantité d‟éléments

de preuve qui montrent qu‟après le prononcé de l‟arrêt, le Cambodge a maintes fois contesté

l‟interprétation qu‟en faisait la Thaïlande et protesté contre la pose de barbelés autour du temple, le

1CR 2013/3, p. 51-52, par. 3-4 (Pellet). - 3 -

long de la ligne rouge retenue comme limite par le conseil des ministres thaïlandais. Dans ses

protestations, le Cambodge disait considérer la ligne retenue par la Thaïlande comme

11 fondamentalement incompatible avec ce que la Cour avait décidé en 1962 quant à la frontière

délimitée par la carte de l‟annexe I.

6. Le professeur Pellet a tenté hier de discréditer ces éléments de preuve en s‟intéressant

sélectivement à des incidents isolés et pris hors contexte qui, selon lui, viendraient étayer

l‟assertion selon laquelle le Cambodge aurait toujours partagé je répète, toujours partagé

l‟interprétation de l‟arrêt faite par la Thaïlande. Cette assertion ne cadre pas avec les faits.

[Affichage de la carte retenue par le conseil des ministres thaïlandais]

7. Commençons par le commencement. La contestation a pour origine la décision prise en

juillet 1962 par le conseil des ministres thaïlandais de retenir comme limite des environs du temple

la ligne rouge dont le tracé résultait de l‟application de la seconde des deux méthodes qu‟avaient

proposées les experts désignés par la Thaïlande. Le professeur Pellet s‟est cependant bien gardé

d‟évoquer la première méthode, celle dont l‟application produisait la ligne jaune. C‟est là un point

sur lequel sir Franklin, mon éminent collègue, reviendra plus tard.

8. Le professeur Pellet a avancé deux arguments à propos de la ligne rouge. Premièrement, il

a dit que lorsque ladite ligne a été retenue, il ne s‟agissait en aucune manière de marquer la

frontière entre les deux pays . Deuxièmement, il a appelé l‟attention sur ce qu‟il prétendait être «la

quasi coïncidence de la limite des environs du temple retenue par le conseil des ministres avec la
3
ligne de partage des eaux telle que le Cambodge l‟avait plaidée durant l‟affaire initiale» .

9. La première assertion du professeur Pellet que la ligne rouge n‟était pas censée

représenter une frontière se trouve contredite par ce que la Thaïlande elle-même a affirmé plus

tard.

[Affichage d‟un agrandissement de la carte L7017]

10. Ce que vous voyez s‟afficher maintenant est un agrandissement de la carte secrète

thaïlandaise L7017 ; «secrète» parce que ladite carte, communiquée au Cambodge en 2007, porte

une mention à cet effet. Vous avez déjà vu cette carte, qui figure sous l‟onglet 13 de notre premier

2
CR 2013/3, p. 53, par. 9 (Pellet).
3CR 2013/3, p. 54, par. 11 (Pellet). - 4 -

dossier de plaidoiries. Comme vous pouvez le constater, on y trouve dans la région du temple une

ligne qui coïncide avec la ligne rouge retenue par le conseil des ministres thaïlandais. Qu‟a dit la

Thaïlande de cette ligne ? S‟agit-il d‟une frontière ou simplement de la limite approximative des

environs du temple ? La réponse se trouve dans l‟aide-mémoire du 17 mai 2007 établi par le

ministère thaïlandais des affaires étrangères au sujet de la demande d‟inscription du temple sur la

liste du patrimoine mondial adressée par le Cambodge à l‟Unesco. Voici le passage pertinent de

cet aide-mémoire, qui s‟affiche maintenant à l‟écran. C‟est, je le rappelle, le ministère thaïlandais

des affaires étrangères qui s‟exprime :

[Affichage de la citation]
12

«Le Gouvernement royal Thaïlandais affirme que les documents cambodgiens
susmentionnés ne portent en aucun [cas] atteinte à la frontière internationale qui

existe enere la Thaïlande et le Cambodg4, telle qu‟elle figure sur la carte à l‟échelle
1/50 000 série L7017 (annexe IV).» (Les italiques sont de nous.)

11. Ainsi, contrairement à ce que prétend le conseil de la Thaïlande, il est clair que celle-ci

considère en fait sa ligne rouge comme constituant une frontière internationale. Or, pareille

frontière est totalement incompatible avec l‟arrêt de la Cour, qui a conclu que la frontière était celle
5
représentée sur la carte de l‟annexe I et acceptée par la Thaïlande .

[Onglet n 4.4 1) du dossier de plaidoiries de la Thaïlande]

12. Quant au second argument avancé par le professeur Pellet à savoir que la ligne

retenue en 1962 par la Thaïlande coïnciderait dans une large mesure avec la ligne de partage des

eaux plaidée par le Cambodge dans l‟instance initiale, il a lui aussi un caractère spécieux. Il est

parfaitement clair que dans l‟instance initiale, la position du Cambodge était que la ligne

représentée sur la carte de l‟annexe I constituait la frontière entre les territoires respectifs des

Parties dans la région du temple. C‟est d‟ailleurs ce qu‟a relevé la Cour à la page 21 de son arrêt.

La «ligne de partage des eaux» dont a parlé le professeur Pellet n‟a nullement été plaidée par le

Cambodge. Si celui-ci avait fait référence à une ligne de partage des eaux, c‟était uniquement pour

contester sur le plan technique le tracé que les experts thaïlandais affirmaient être celui de ladite

ligne. Comme je l‟ai souligné lundi, ni l‟un ni l‟autre des tracés censés représenter la ligne de

4Supplément d‟information du Cambodge (SIC), annexe 27.

5C.I.J. Recueil 1962, p. 32. - 5 -

partage des eaux n‟a été examiné par la Cour, tout simplement parce que ce qu‟elle avait dit du

statut juridique de la carte de l‟annexe I leur ôtait toute pertinence.

13. La Thaïlande voudrait maintenant faire croire à la Cour que le Cambodge partageait son

interprétation celle retenant la ligne rouge parce que ladite ligne, selon elle, coïnciderait

presque avec la ligne de partage des eaux plaidée par le Cambodge. Hier, l‟agent de la Thaïlande a

même affirmé que la seule ligne plaidée par le Cambodge en l‟instance initiale était la ligne de

6
partage des eaux représentée à l‟annexe LXVI de sa réplique . Je me permets de vous dire que cela

est faux. C‟est, je le répète, la ligne représentée sur la carte de l‟annexe I que le Cambodge a

plaidée dans l‟instance initiale, ce dont la Cour a pris acte à la page 21 de son arrêt. Si, tout au long

des années 1960, le Cambodge s‟est maintes fois plaint de ce que la Thaïlande avait choisi la ligne

rouge et posé des barbelés, c‟est parce que la ligne rouge n‟avait aucun rapport avec la frontière

entre les territoires des Parties représentée sur la carte de l‟annexe I, et non pas parce que cette
13

ligne ne coïncidait pas avec telle ou telle ligne de partage des eaux.

14. M. Pellet a ensuite fait référence à un discours prononcé le 27 septembre 1962 par le

ministre cambodgien des affaires étrangères devant l‟Assemblée générale des Nations Unies.
7
Selon lui, le ministre aurait admis dans ce discours que la Thaïlande s‟était conformée à l‟arrêt .

Mon excellent ami, toutefois, n‟a cité que partiellement le passage pertinent du discours. Ce qu‟il a

négligé de mentionner, c‟est que juste après ce qu‟il a cité, le ministre s‟est exprimé en ces termes :

«[La Thaïlande] eût pu le faire [appliquer l‟arrêt de la Cour] de telle sorte que
l‟amitié renaisse entre nos deux nations, ce que le Cambodge souhaitait vivement pour

sa part. Hélas ! La déception thaïlandaise s‟est manifestée par l‟occupation, p8ndant
plusieurs jours, d‟une bande de notre territoire dans la région du temple» .

15. Le ministre a parlé d‟occupation, et cette occupation n‟a malheureusement pas duré que

quelques jours. Sanctionnée par la pose de barbelés et la présence de forces armées thaïlandaises,

elle s‟est poursuivie tout au long des années 1960. C‟est ce qui a amené le Cambodge à protester à

maintes reprises contre les barbelés et le refus de la Thaïlande de se retirer jusqu‟à la frontière

représentée sur la carte de l‟annexe I.

6
CR 2013/3, p. 16, par. 19 (Plasai).
7CR 2013/3, p. 55, par. 12 (Pellet).

8Observations écrites de la Thaïlande (OET), annexe 28. - 6 -

16. Le conseil de la Partie adverse a ensuite pris dans sa ligne de mire les propos tenus par le

prince Sihanouk lorsqu‟il s‟est rendu au temple en janvier 1963. Se référant à une note de

l‟ambassade des Etats-Unis selon laquelle le prince, à propos des barbelés, se serait borné à dire

qu‟ils n‟empiétaient sur le territoire cambodgien que de «plusieurs mètres» [traduction du Greffe],

ce dont il se serait abstenu de faire cas étant donné que «ces quelques mètres étaient sans

9
importance» [traduction du Greffe] .

17. Ce que le distingué conseil a omis de préciser, c‟est dans quel contexte s‟inscrivait la

visite du prince. Quatre mois plus tôt, en août 1962, il était déjà notoire que le prince Sihanouk

10
contestait vivement la pose des barbelés . En novembre 1962, M. Gussing, dont la Cour se

souviendra qu‟il était le représentant spécial du Secrétaire général de l‟Organisation des

Nations Unies, chargé d‟une mission de médiation entre les Parties, avait exprimé la crainte que la

visite du prince ne déclenchât un incident frontalier. M. Gussing, dans son rapport, indiquait

toutefois que les autorités thaïlandaises avaient laissé entendre à ses collaborateurs que les soldats

14 thaïlandais n‟interviendraient pas pendant la visite du prince, pourvu que celui-ci et son entourage

s‟abstiennent rigoureusement de sortir du secteur que la Thaïlande considérait comme faisant partie

du territoire cambodgien et dont elle avait matérialisé les limites par des barbelés . Il va sans dire

que prétendre que les barbelés marquaient la limite du territoire cambodgien confirmée par l‟arrêt

de 1962 était faux. Quoi qu‟il en soit, ce qui était clair, c‟était que le prince risquait de s‟attirer des

ennuis s‟il essayait de se rendre au-delà des barbelés.

18. La reprise officielle de possession du temple par le prince Sihanouk en janvier 1963 était

au Cambodge un très grand événement. Le temple avait été occupé illicitement par les forces

armées thaïlandaises depuis 1954. Il n‟était pas question de provoquer un incident en un jour aussi

mémorable. Aussi la communauté internationale fut-elle soulagée de constater que la visite du

prince s‟était déroulée sans encombre. Voilà pourquoi le prince avait choisi de modérer ses propos

au sujet des barbelés durant sa présence sur place.

9
CR 2013/3, p. 55, par. 13 (Pellet); OET, annexe 51.
10OET, annexe 26.
11
Ibid, annexe 50. - 7 -

19. Cela dit, je tiens à signaler que l‟ambassade des Etats-Unis n‟a pas été seule à relater la

visite du prince. On en trouve un autre compte rendu à l‟annexe 6 du supplément d‟information du

Cambodge. Il s‟agit d‟un document de l‟époque reprenant les déclarations faites par le

prince Sihanouk aux organes de presse cambodgiens lors de sa visite au temple. Après avoir

déclaré que la reprise de possession du temple était un événement historique pour le Cambodge, le

prince notait que la Thaïlande, si elle avait évacué le temple proprement dit, avait tracé aux

environs de celui-ci une nouvelle frontière marquée par des barbelés, et installé des postes

militaires qui empiétaient sur le territoire cambodgien, au mépris de l‟arrêt de la Cour. De tels

propos n‟indiquent guère que le chef de l‟Etat cambodgien acceptait l‟interprétation unilatérale que

la Thaïlande avait faite de l‟arrêt.

20. M. Pellet a ensuite tenté d‟établir un parallèle entre la visite du prince Sihanouk au

temple en 1963 et la visite effectuée par le prince Damrong en 1930 . Pareille comparaison,

cependant, ne peut être qu‟entièrement artificielle étant donné qu‟il y a entre les deux situations un

monde de différence. A la différence du prince Damrong, le prince Sihanouk a protesté maintes

fois avant, pendant et après sa visite, contre les barbelés posés par la Thaïlande. Le prince

Damrong, lui, était resté silencieux.

21. Je rappelle les faits consignés dans le dossier : le prince Sihanouk a répété en

13 14 15 16
15 janvier 1965 , novembre 1966 , octobre 1967 et février 1968 qu‟il avait lieu de se plaindre de

ce que la Thaïlande refusait de reconnaître la frontière mentionnée dans l‟arrêt de la Cour. Sans

compter les protestations qu‟ont émises sur ce même sujet de hauts responsables cambodgiens,

dont j‟ai donné quelques exemples lundi.

22. J‟invite une fois encore la Cour à examiner les pièces versées au dossier qui attestent les

protestations du Cambodge, dont nous avons résumé la teneur sous l‟onglet 10 du dossier de

plaidoiries distribué lundi. Lorsqu‟un Etat se donne la peine d‟élever d‟aussi nombreuses

protestations, ce n‟est certainement pas pour un enjeu de quelques mètres. J‟ajoute que le

12
CR 2013/3, p. 56, par. 16 (Pellet).
13
SIC, annexe 10.
14Ibid., annexe 17.
15
Ibid., annexe 19.
16
Ibid., annexe 23. - 8 -

Cambodge, dans ses protestations, a pris soin de préciser qu‟il considérait la limite marquée par les

barbelés comme incompatible avec la frontière représentée sur la carte de l‟annexe I, ce que vous

pourrez constater en vous reportant aux documents qui font l‟objet des troisième et quatrième

entrées de la liste figurant sous l‟onglet 10 de notre dossier de plaidoiries. Au vu de l‟ensemble des

documents attestant les protestations émises par le Cambodge tout au long des années 1960, il est

tout simplement impossible de prétendre que celui-ci partageait l‟interprétation faite par la

Thaïlande de l‟arrêt de la Cour ou qu‟aucune contestation n‟opposait les Parties. M. Gussing et

M. de Ribbing, les deux représentants spéciaux du Secrétaire général de l‟Organisation des

Nations Unies, savaient qu‟il y avait contestation, et les missions diplomatiques, la presse et la

Thaïlande elle-même le savaient aussi. Enfin, encore une fois, les documents sont à cet égard

parfaitement éloquents.

23. Voilà pour les dix premières années de la période de quarante ans durant laquelle

M. Pellet prétend que le Cambodge aurait «accepté» la position de la Thaïlande. Le fait est que

durant ces dix années, le Cambodge n‟a rien accepté du tout.

24. Si l‟on excepte une brève période (1991-1993), durant laquelle le Cambodge a été

administré par l‟Autorité provisoire des Nations Unies, le temple, après 1969, est resté inaccessible

pendant 28 ans du fait de la présence de Khmers rouges à proximité. Cette époque, qui a

commencé en 1970, s‟est à peu près achevée en 1997. Or, même durant la brève période du début

des années 1990 (un ou deux ans) durant laquelle le temple a été temporairement rouvert aux

touristes, la Thaïlande s‟est abstenue de mentionner la ligne retenue par son conseil des ministres.

Il est clair, d‟autre part, que pendant cette période, le Cambodge n‟a nullement manifesté qu‟il

acceptait la position de la Thaïlande.

25. Comme je l‟ai fait observer lundi, des Cambodgiens ont pu, à la fin des années 1990, se

réinstaller dans la région du temple. Une pagode a été construite en 1998, un repère a été mis en

place et des centaines de Cambodgiens se sont établis dans la région. La Thaïlande n‟a protesté ni

en 1998, ni en 1999 ou 2000, et elle n‟a certainement pas fait mention de la ligne rouge retenue par
16

son conseil des ministres.

26. En 2001, la Thaïlande a commencé à s‟inquiéter de la pollution dans la zone du temple ;

mais, comme je l‟ai déjà mentionné, elle n‟a pas dit que les activités des Cambodgiens étaient - 9 -

contraires à son interprétation de l‟arrêt de la Cour, telle qu‟elle ressortait de la décision de son

conseil des ministres. M. Pellet a donné à entendre que la Thaïlande avait en 2001 décidé de

17
fermer le temple parce que des cambodgiens exerçaient des activités en territoire thaïlandais . Or,

les documents produits par la Thaïlande elle-même indiquent que cette assertion est fausse. En se

reportant aux annexes 27 à 29 du supplément d‟information de la Thaïlande, la Cour constatera en

effet qu‟il y est expliqué que la fermeture du temple avait été motivée par la pollution dont se

plaignait la Thaïlande, et non pas par la volonté de celle-ci de faire respecter la ligne rouge figurant

sur sa carte.

27. La contestation n‟a refait surface qu‟en 2007 lorsque la Thaïlande a joint à un

aide mémoire un exemplaire de sa carte L7017, en prétendant, comme je l‟ai déjà dit, que cette
18
carte indiquait la frontière internationale entre les deux pays .

28. En juillet 2008, le Cambodge a contesté la nouvelle carte produite par la Thaïlande,

faisant observer qu‟elle contredisait la carte de l‟annexe I sur laquelle la Cour s‟était fondée pour

rendre son arrêt . La Thaïlande, pour sa part, a émis une protestation dans laquelle elle reprochait

au Cambodge de s‟appuyer sur la carte de l‟annexe I pour la délimitation de la frontière dans la

région du temple. La contestation au sujet de l‟interprétation de l‟arrêt était donc bel et bien

réactivée.

29. La Thaïlande prétend que la contestation a refait surface à cause d‟une carte établie par le

Cambodge pour les besoins de sa demande à l‟Unesco en vue de l‟inscription du temple sur la liste

du patrimoine mondial. Le Cambodge considère, quant à lui, que la résurgence de la contestation

est due à la production par la Thaïlande de sa nouvelle carte. Peu importe laquelle des Parties a

raison sur ce point. Ce qui est clair, c‟est qu‟il y avait contestation au sujet du sens et de la portée

de l‟arrêt. La recevabilité d‟une demande en interprétation est subordonnée à l‟existence d‟une

telle contestation, et c‟est là une condition que la demande présentée par le Cambodge remplit

pleinement.

17CR 2013/3, p. 62, par. 24 (Pellet).

18SIC, annexe 27.
19
Ibid., annexes 34 et 35. - 10 -

2. Les arguments que la Thaïlande tire des cartes
17
30. Monsieur le président, j‟en viens maintenant à la seconde partie de mon exposé, qui

traitera de la manière dont la Thaïlande tente de tirer argument de différentes cartes pour

restreindre l‟étendue des «environs» du temple, auxquels s‟applique son obligation de retrait.

[Affichage de l‟onglet 3.7 du dossier de la Thaïlande.]

31. Dans ce but, le conseil de la Thaïlande a accordé une attention particulière à la carte que

vous voyez maintenant. Il s‟agit d‟une reproduction d‟une petite partie de ce qu‟on appelait, à

l‟époque, la «grande carte», celle qui figurait à l‟annexe 85 d) des écritures de la Thaïlande dans la

procédure initiale.

32. Il s‟agirait, selon Mme Miron, de la véritable représentation cartographique de la zone

sur laquelle portait le différend initial . Elle prétend que cette reproduction partielle de la grande

carte représente la «zone du temple», telle que la Cour l‟entendait en 1962 . 21

33. Le premier argument avancé par Mme Miron pour étayer cette allégation est d‟ordre

textuel. Elle soutient que le passage que je vais vous lire, extrait de la page 15 de l‟arrêt de la Cour,

justifie la définition restreinte de la zone du temple retenue par la Thaïlande . Je cite :

«Une ligne frontière qui suivrait le faîte de l‟escarpement, ou tout au moins
passerait au sud et à l‟est de la zone du temple, laisserait cette zone en Thaïlande,
tandis qu‟une ligne passant au nord, ou au nord et à l‟ouest, la placerait au

Cambodge.» (C.I.J. Recueil 1962, p. 15.)

34. Je ne vois pas en quoi ce passage viendrait étayer l‟argumentation de Mme Miron

35. Dans ledit passage, en effet, la Cour n‟a nullement indiqué que la carte de l‟annexe 85 d)

délimitait la zone en litige. En réalité, Monsieur le président, la carte de l‟annexe 85 d) qu‟il

s‟agisse de la grande carte ou de son extrait n‟est nulle part mentionnée dans l‟arrêt. Sur quoi la

Thaïlande se fonde-t-elle pour prétendre que cette petite partie de la carte de l‟annexe 85 d)

représente ce que la Cour considérait comme la zone du temple ? Cela reste un mystère.

36. L‟extrait de l‟arrêt de la Cour fait également mention de lignes passant au sud et à l‟est,

ou au nord et au nord-ouest du temple, et non pas simplement du temple, mais de la «zone du

temple». Celle-ci n‟est cependant ni définie, ni limitée par la Cour dans ce passage, et il est tout

20
CR 2013/3, p. 40, par. 20 (Miron).
21Ibid., p. 41, par. 24.

22CR 2013/3, p. 41, par. 25 (Miron). - 11 -

18 simplement absurde de prétendre que la zone du temple mentionnée à la page 15 de l‟arrêt ne peut

être que la zone revendiquée par la Thaïlande, sur la foi d‟une carte dont il n‟est pas question une

seule fois dans l‟arrêt et où sont représentées des lignes de partage des eaux que la Cour n‟a

aucunement prises en considération.

37. Comme je l‟ai dit, la carte de l‟annexe 85 d) couvrait en réalité une zone bien plus

étendue que l‟infime partie affichée par Mme Miron. Je précise toutefois, en toute honnêteté,

qu‟elle entendait afficher l‟intégralité de la carte. [Onglet 3.8 du dossier de plaidoiries de la

Thaïlande.]

38. Monsieur le président, il nous a été reproché, en des termes particulièrement vifs, d‟avoir

falsifié les cartes. Nous rejetons cette accusation, et je me permets d‟observer que, si la grande

carte, telle qu‟initialement déposée, représentait clairement la ligne de la carte de l‟annexe I, cette

ligne a inexplicablement disparu de l‟extrait que nous a montré la Thaïlande hier et qui s‟affiche

maintenant à nouveau. Cette carte montre toutefois l‟étendue du territoire sur lequel portaient les

arguments des Parties dans l‟affaire initiale. En effet, comme l‟ont indiqué dans leur premier

rapport les experts de l‟IBRU engagés par la Thaïlande, rapport annexé aux observations écrites de

celle-ci, «[l]es preuves produites devant la Cour concernaient essentiellement la zone de

23
7 kilomètres par 12 cartographiée par le professeur Schermerhorn aux abords du temple» . La

tentative de la Partie adverse de limiter les «environs» à une minuscule partie de la carte de

l‟annexe 85 d) va donc à l‟encontre de ce que ses propres experts ont dit. [Retour à l‟onglet 3.7.]

39. Le deuxième argument invoqué par le conseil de la Thaïlande, développé ensuite par

M. Pellet, consiste à prétendre que la zone dont la Thaïlande a retiré ses troupes serait comparable à

l‟aire représentée sur la reproduction partielle de la carte de l‟annexe 85 d) . Cet argument est tout

aussi inopérant. La carte retenue par le conseil des ministres n‟illustrait nullement l‟aboutissement

d‟un raisonnement qui aurait reposé sur la carte de l‟annexe 85 d) ou la ligne de partage des eaux.

La décision du conseil des ministres et son mémorandum expliquant ce que signifiaient les lignes

jaune et rouge n‟étaient aucunement justifiés au regard de l‟arrêt ou des conclusions des Parties, et

23OET, annexe 96, p. 669.

24CR 2013/3, p. 42, par. 26 (Miron). - 12 -

il n‟y a donc aucun rapport entre la carte retenue par le conseil des ministres et la carte de

l‟annexe 85 d).

19 40. Enfin, le conseil de la Thaïlande a attaché de l‟importance au fait que la Cour a publié cet

extrait de la carte dans le dossier de plaidoiries . Certes, mais il n‟en demeure pas moins que :

i) la Cour, comme je l‟ai dit, n‟a nullement fait référence, dans son arrêt, à la carte de

l‟annexe 85 d) ou à la partie de celle-ci qui a été reproduite ; on voit mal comment elle aurait pu

se fonder sur cette carte, qu‟elle ne mentionne même pas ;

ii) en revanche, elle a clairement dit que, vu les motifs sur lesquels elle fondait sa décision, il

n‟était pas nécessaire qu‟elle examine si la ligne de la carte de l‟annexe I correspondait ou non à

26
la ligne de partage des eaux . En bref, les lignes de partage des eaux représentées sur cette

carte il s‟agit de la ligne rouge que M. Pellet et Mme Miron tentent d‟assimiler à la ligne

retenue par le conseil des ministres, la ligne rouge ondulée à gauche , ces lignes de partage

des eaux, disais-je, sont totalement étrangères à la décision de la Cour.

41. Cela m‟amène aux arguments de la Thaïlande concernant la fameuse zone de 4,6 km², et

à la réponse apportée par le Cambodge, au moins à titre préliminaire, à la question posée hier aux

Parties par M. le juge Yusuf.

42. Mme Miron a affirmé que le différend tranché par la Cour en 1962 n‟avait rien à voir

27
avec le secteur de 4,6 km² . Or, comme je le démontrerai, cette zone a été distinguée directement

à partir de cartes que les Parties ont soumises à la Cour dans l‟instance initiale, et il est possible de

la définir j‟insiste, possible en se livrant à un travail que l‟expert de la Thaïlande dans

l‟instance initiale, M. Schermerhorn, a lui-même recommandé de faire dans son rapport reproduit à

l‟annexe 49 du contre-mémoire.

43. Pour remettre les choses dans leur juste contexte, il convient de rappeler les demandes

formulées par les Parties dans la procédure initiale. Comme la Cour l‟a relevé dans son arrêt, le

Cambodge revendiquait essentiellement la ligne apparaissant sur la carte de l‟annexe I , tandis que

25
CR 2013/3, p. 42, par. 27 (Miron).
26C.I.J. Recueil 1962, p. 35.

27CR 2013/3, p. 35, par. 5 (Miron).
28
C.I.J. Recueil 1962, p. 21. - 13 -

la Thaïlande voulait que la frontière suive le faîte de l‟escarpement au sud et à l‟est du temple . 29

Cette ligne était la ligne de partage des eaux invoquée par la Thaïlande.

20 44. Dans son rapport, M. Schermerhorn indiquait qu‟il avait été chargé sans doute par la

Thaïlande, pour le compte de laquelle il comparaissait qu‟il avait été chargé, donc, de comparer

la carte représentant la ligne de partage des eaux établie par les experts de la Thaïlande et la carte

de l‟annexe I. Après avoir transposé les deux cartes en égalisant les échelles, il a joint à son

rapport, reproduit à l‟annexe 49 du contre-mémoire, des exemplaires des cartes ainsi transposées.

Comme l‟a souligné M. Schermerhorn, «[p]our pouvoir être comparées, les deux cartes doivent être

superposées» ; il s‟agissait, en d‟autres termes, de placer la carte de l‟annexe I sur celle de la ligne

de partage des eaux établie par les experts thaïlandais, ou l‟inverse, j‟avoue ne pas m‟en souvenir.

[Projection de la carte suivant la page 76 de la Réponse du Cambodge.]

45. C‟est précisément cette comparaison que le Cambodge a tenté d‟illustrer par la carte

figurant après la page 76 de sa Réponse. Vous en voyez maintenant s‟afficher une copie figurant,

en vert, la ligne de la carte de l‟annexe I et, en rouge, la ligne de partage des eaux établie par les

experts de la Thaïlande. Je précise immédiatement, pour devancer les critiques éventuelles que, sur

cette carte, le Cambodge a figuré les lignes couleur pour les mettre en évidence.

46. Dans son deuxième rapport, l‟IBRU reprochait au Cambodge d‟avoir procédé à la

superposition sans aligner la carte n 3 sur les hirondelles de repérage figurant sur la carte n 4 . o 31

Or et cela ajoute à la confusion le supplément d‟information de la Thaïlande indique que les

hirondelles de repérage ne figuraient pas sur la carte n 4, mais la carte n 3, ce qui est o

32
contradictoire . Quoi qu‟il en soit, l‟IBRU a procédé à sa propre superposition, dont le résultat

s‟affiche à présent. Nous avons, là encore, coloré les lignes pour les rendre plus visibles. La ligne

de la carte de l‟annexe I apparaît en vert, la ligne de partage des eaux plaidée par la Thaïlande dans

l‟instance initiale, en rouge. [Affichage de la figure 12 du rapport de l‟IBRU.]

29 Ibid., p. 15, et voir la conclusion 3 ii) de la Thaïlande, p. 12.

30 CMT (1961), annexe 49, p. 435.
31
SIT, annexe 46, par. 6.7.
32 Ibid., par. 1.47. - 14 -

47. Selon l‟IBRU, si l‟on suit correctement la méthode préconisée par M. Schermerhorn, on

33
obtient une zone de 4,2 km² et non pas 4,6 . Le Cambodge ne conteste pas le calcul de l‟IBRU.

Toutefois, soit dit en passant, la Thaïlande a elle-même toujours considéré que la zone en litige

21 s‟étendait sur 4,6 km². Sous l‟onglet 26 du dossier de plaidoiries, la Cour trouvera un certain

nombre de rapports en langue anglaise accessibles au public et qui peuvent être très facilement

consultés ; ces rapports, qui émanent de sources thaïlandaises et tierces, attribuent les 4,6 km² à la

Thaïlande.

48. Ce qui importe, c‟est que sur ces deux cartes composites illustrant les résultats de la

superposition celle que nous avons établie et qui figure après la page 76 de notre Réponse, et la

carte corrigée par l‟IBRU , la ligne de la carte de l‟annexe I et la ligne de partage des eaux dont

se réclamait la Thaïlande se coupent à l‟est et à l‟ouest. C‟est ce que vous pouvez constater, et la

zone comprise entre ces lignes est celle qui était en litige dans l‟affaire initiale. La Cour, dans son

arrêt, s‟est prononcée en faveur de la frontière représentée sur la carte de l‟annexe I, la ligne verte

sur votre écran.

49. Ainsi, pour répondre à la question de M. le juge Yusuf, le Cambodge estime que, au vu

des cartes présentées dans la procédure initiale, l‟étendue des «environs» du temple, au sens du

deuxième point du dispositif, qui doit certes être considérée dans le contexte de ce point, nous

semble correspondre à la zone située au sud de la ligne de la carte de l‟annexe I entre les points

d‟intersection de celle-ci, à l‟est et à l‟ouest du temple, avec la ligne de partage des eaux dont se

réclamait la Thaïlande. A l‟évidence, la ligne invoquée par la Thaïlande n‟a pas été retenue par la

Cour en 1962. Il reste que dans l‟affaire initiale, cette zone pouvait être considérée comme la zone

de chevauchement des prétentions des Parties. Tel est le sens, selon nous, du terme «environs» tel

qu‟il est employé au deuxième point du dispositif. Bien entendu, le Cambodge se réserve le droit

de compléter cette réponse par écrit, en respectant le calendrier qu‟a fixé le président.

50. Le dernier point concernant les cartes que je souhaite aborder est l‟assertion de la

Thaïlande selon laquelle la ligne de la carte de l‟annexe I est difficile à transposer sur une carte

moderne de la zone et sur le terrain. Je dois dire que, à voir les arguments avancés sur ce point par

33SIT, annexe 46, par. 6.8. - 15 -

le conseil de la Thaïlande, il est permis de se demander si celle-ci ne cherche pas, en fait, à obtenir

la revision de l‟arrêt rendu en l‟affaire initiale.

51. Mme Miron a commencé par affirmer que le Cambodge n‟avait fourni aucun élément

prouvant que la carte censée avoir été jointe aux écritures du Cambodge dans l‟affaire initiale était

bien la carte de l‟annexe I . Permettez-moi de rassurer ma chère collègue sur ce point. [Affichage

de la carte de l‟annexe I.]

22 52. Vous voyez s‟afficher la véritable carte de l‟annexe I et j‟utilise ici le transparent de

Mme Miron. Je vous demanderai maintenant de vous reporter à cette même carte figurant dans les

archives de la Cour et de la retourner. La raison en est qu‟elle comporte une étiquette au verso

[affichage] indiquant clairement qu‟il s‟agit de la carte jointe en annexe I.

53. Pour ce qui est de la transposition de la ligne de la carte de l‟annexe I sur une carte

moderne, le conseil de la Thaïlande prétend que la méthode la plus naturelle consisterait à tracer la

ligne de partage des eaux puisque, affirme-t-elle, c‟était là l‟intention des auteurs de la carte . Or,35

Monsieur le président, pareille proposition équivaut à une demande en révision de l‟arrêt. Si vous

souhaitez utiliser la ligne de la carte de l‟annexe I, abstenez-vous de vous en servir telle quelle,

transformez-la plutôt en la transposant sur une carte moderne ou sur le terrain, et rétablissez ainsi la

ligne de partage des eaux ; c‟est là une position, déjà soutenue par la Thaïlande dans l‟affaire

initiale, et qui s‟est révélée inopérante.

54. Il ne devrait pas être nécessaire de rappeler que la Cour a dit, on ne peut plus clairement,

que l‟acceptation par les Parties de la carte de l‟annexe I a incorporé cette carte dans le règlement

conventionnel, dont elle est devenue partie intégrante . 36

55. Comme je l‟ai dit lundi, excusez-moi de me répéter, les conseils de la Thaïlande ont

éludé ce point. La raison en est que la Cour, dans son arrêt, a également dit que rien ne permettait

de penser que les Parties aient attaché une importance particulière à la ligne de partage des eaux en

soi, et qu‟il devenait dès lors inutile d‟examiner si, à Préah Vihéar, la frontière de la carte la

34
CR 2013/3, p. 46, par. 43 (Miron).
35CR 2013/3, p. 47, par. 47 (Miron).
36
C.I.J. Recueil 1962, p. 33-34. - 16 -

carte de l‟annexe I correspondait bien à la ligne de partage des eaux dans ces parages . 37

Prétendre que la carte de l‟annexe I doit être transposée de façon qu‟elle représente la ligne de

partage des eaux et affirmer qu‟elle n‟a de toutes façons aucune utilité pratique en raison des

difficultés que présenterait sa transposition sur une carte moderne c‟est-à-dire une carte qui ne

pouvait exister en 1962 relève d‟une démarche fondamentalement viciée alors qu‟il s‟agit

d‟interpréter un arrêt rendu en 1962.

56. Toutes ces lignes colorées que le conseil de la Thaïlande nous a présentées comme

résultant des travaux entrepris par l‟IBRU pour transposer la ligne de la carte de l‟annexe I sur

différentes cartes modernes ou procéder à divers ajustements nécessités par cette transposition sont

totalement dénuées de pertinence. La Cour n‟était pas priée, en 1962, de transposer la ligne sur une

23 carte moderne, ni d‟ailleurs, de démarquer la frontière sur le terrain. Si je puis me permettre de le

dire, il en va de même aujourd‟hui. Rien de tout cela, aucune de ces lignes hautes en couleur,

n‟était en cause il y a 50 ans.

57. En 1962, la Cour n‟a pas délimité la frontière. Elle a simplement constaté que les Parties

avaient admis que la frontière, dans la région du temple, avait été délimitée dès 1908.

58. Toute difficulté je dis bien, toute difficulté liée à la transposition de la ligne de la

carte de l‟annexe I sur le terrain pourrait, pour autant qu‟elle soit pertinente, être réglée

conformément au mémorandum d‟accord de 2000, instrument, lui aussi postérieur à l‟arrêt, qui

prévoit le levé et la démarcation de la frontière. Mais rien de tout cela n‟est pertinent en l‟espèce.

La vraie question, à laquelle la Thaïlande n‟a pas répondu, est de savoir comment elle pourrait être

considérée comme ayant retiré ses troupes du territoire cambodgien dans les environs du temple,

alors que celles-ci sont toujours stationnées du côté cambodgien de la frontière précédemment

délimitée, que les Parties ont acceptée.

59. Monsieur le président, je suis parvenu au terme de mon exposé. Je remercie la Cour de

sa patiente attention et vous prie de bien vouloir donner la parole à sir Francis.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Bundy. J‟invite maintenant

sir Franklin Berman à poursuivre les plaidoiries du Cambodge. Vous avez la parole sir Franklin.

37C.I.J. Recueil 1962, p. 35. - 17 -

Sir Franklin BERMAN :

L’ABSENCE DE RÉPONSE DE LA THAÏLANDE AUX ARGUMENTS DU C AMBODGE ,LA

RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE DU CAMBODGE ET LA MANIÈRE DONT LA C OUR
A TRAITÉ LA CARTE DE L ’ANNEXE I

1. Monsieur le président, vous nous avez judicieusement invités hier à nous limiter, dans

notre second tour de plaidoiries, à répondre aux observations essentielles qui ont été formulées par

nos contradicteurs, et à terminer, si possible, avant l‟expiration du temps qui nous est imparti. Je

peux m‟engager sur le premier point, et ferai de mon mieux en ce qui concerne le second.

2. Monsieur le président, je ne prétendrai pas avoir l‟éloquence de nos contradicteurs. Mais

parfois, les silences peuvent se révéler plus éloquents que les mots. Aussi commencerai-je par

aborder deux points sur lesquels nos contradicteurs ont, dans leurs longs exposés, observé un

silence particulièrement frappant. J‟espère seulement que vous ne me jugerez pas hors sujet, étant

donné que ce à quoi je m‟apprête à répondre, c‟est une absence d‟arguments. Ces silences de nos

contradicteurs sont néanmoins significatifs, et cela doit être mis au jour.

24 3. Le premier — et le plus frappant — de ces silences se rapporte à la décision du conseil des

ministres du mois de juillet 1962. La Cour s‟en souviendra M. Bundy y a fait référence , il

s‟agit de la décision relative à l‟exécution de l‟arrêt de la Cour de 1962. Le conseil des ministres

en question est bien évidemment celui de la Thaïlande, et non celui du Cambodge. On peut

difficilement me reprocher de ne pas avoir appelé l‟attention sur ce document, sur le fait qu‟il soit

apparu aussi tard, ou encore sur sa pertinence aux fins de la présente instance. C‟est pourquoi

l‟absence presque totale de réponse de la part de la Thaïlande est quelque peu étonnante. Ce

document a à peine été évoqué par l‟agent 38 et par M. Pellet . Quant à Mme Miron, elle a

fugacement projeté à l‟écran la petite carte annexée au texte que le conseil des ministres examinait,

tout en la noyant dans une suite étourdissante de projections cartographiques. En revanche, la Cour

n‟a eu droit à aucune réponse à la série de conclusions pour le moins accablantes que nous avons

tirée de ce document ; nous non plus, par la même occasion. Il ne me sera pas possible de me

pencher si je puis dire sur toutes les omissions de la Thaïlande ; la plus frappante, c‟est

38CR 2013/3, p. 12, par. 8 (Plasai).

39CR 2013/3, p. 53-54, par. 6-10 (Pellet). - 18 -

l‟absence totale de commentaires, comme M. Bundy l‟a relevé, concernant la ligne de couleur

jaune apparaissant sur la carte illustrative et, à cet égard, la proposition de deux méthodes

différentes d‟exécution de l‟arrêt deux méthodes fort différentes , définissant ce qu‟étaient,

selon la Thaïlande, les «environs» du temple ; quant au choix entre ces deux méthodes, on relèvera,

de la même manière, l‟absence de toute explication si rudimentaire fût-elle de la raison pour

laquelle l‟une de ces deux méthodes fort différentes ou les deux a effectivement été

considérée comme correspondant à ce que la Cour avait décidé, ce qui demeure l‟un des principaux

aspects de la thèse que la Thaïlande défend aujourd‟hui devant la Cour. Entendre Mme Miron nous

annoncer maintenant, ex post facto, que la moins efficace de ces deux «méthodes» correspond en

fait à la version cambodgienne de la ligne de partage des eaux est pour le dire poliment

quelque peu tiré par les cheveux. Mais M. Bundy a déjà examiné cette question. Quoi qu‟il en

soit, il aurait été utile que nous soit précisé où exactement dans l‟arrêt de 1962 la Cour aurait, selon

la Thaïlande, indiqué que la frontière dont elle nous dit évidemment aujourd‟hui qu‟elle n‟a pas

été établie par l‟arrêt que la frontière, donc, devait suivre la ligne de partage des eaux

cambodgienne.

4. Monsieur le président, c‟est à la Cour qu‟il appartiendra de tirer ses propres conclusions

de cette absence totale d‟examen et d‟explications. En ce qui nous concerne, nous avons exposé

longuement dès la première occasion qui nous a été offerte les conclusions qui découlent de

ce document d‟importance cruciale. Quant à la Thaïlande, elle a eu largement le temps de

25 répondre, et a choisi de ne pas le faire. Pour conclure sur ce point et sans vouloir prêter de

mauvaises intentions à nos contradicteurs , nous espérons que la Thaïlande ne réserve pas ses

observations pour la dernière audience de demain, dans l‟intention de nous empêcher d‟y revenir.

Cela priverait réellement le Cambodge des garanties d‟une procédure régulière, reproche que

l‟agent de la Thaïlande a d‟ailleurs injustement adressé à la Cour hier.

5. Monsieur le président, la deuxième omission flagrante de la Thaïlande est l‟absence de

tout argument concernant le sens du terme retrait, autrement dit ce que cela signifie que de «se

retirer» [projection n 1]. Nous avons précisé lundi qu‟il s‟agissait là d‟une question cruciale aux

fins de l‟interprétation de l‟arrêt, et, plus particulièrement, du point du dispositif sur lequel porte

expressément la demande du Cambodge. Nous avons également précisé qu‟un «retrait» impliquait - 19 -

nécessairement un point d‟arrivée et un point de départ, et que la seule interprétation raisonnable du

second point du dispositif était qu‟il s‟agissait de l‟obligation de se retirer du territoire cambodgien

en territoire thaïlandais. Ce point d‟arrivée est crucial, mais nos contradicteurs n‟ont pas formulé la

moindre observation à cet égard hier. Qu‟est-ce à dire ? Qu‟ils souscrivent à notre interprétation ?

Ou bien veulent-ils nous faire accroire que la Cour considérait que la Thaïlande exécutait

parfaitement l‟arrêt en retirant ses «forces armées ou de police» (Temple de Préah Vihéar

(Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 37) du temple pour les déployer en

quelque autre lieu du territoire cambodgien souverain, dans un autre endroit de ce territoire ? Cela

semble absurde, mais, comme on dit, de deux choses l‟une.

6. Il est un point lié au précédent que j‟aurais tendance à qualifier de nouvelle absurdité

résultant des exposés qui nous ont été présentés hier ; je ferai cependant preuve de tact, et le

qualifierai de «raisonnement circulaire». L‟argument de la Thaïlande en ce qui concerne le retrait

est le suivant : nous avons décidé de nous conformer au second point du dispositif tel que nous

voulons qu‟il soit interprété ; étant donné que nous nous y sommes conformés, il n‟existe aucune

contestation à cet égard. Cette présentation peut sembler caricaturale, mais elle ne l‟est pas : la

Cour pourra le vérifier au paragraphe 19 de l‟exposé de M. McRae d‟hier. Et cela est bien

évidemment lié à l‟affirmation qui sous-tend la décision du conseil des ministres selon

laquelle la Thaïlande dispose d‟un droit unilatéral absolu de «déterminer les limites» d‟une zone

qui a été mentionnée, mais pas définie, par la Cour. Et voici que cette affirmation se trouve encore

renforcée par un nouvel argument, que nous avons également entendu hier, selon lequel il n‟existe

aucune règle de droit international imposant à une partie de consulter l‟autre au sujet de l‟exécution

d‟un arrêt obligatoire pour les deux parties. Ce à quoi nous ne pouvons que répondre qu‟il n‟existe

26 pas davantage de règle de droit international imposant à la seconde partie d‟accepter

l‟interprétation unilatérale de la première, dans l‟hypothèse où cette interprétation est erronée.

7. A ce stade, je ne peux pas manquer d‟appeler l‟attention de la Cour sur le stratagème

qu‟utilisent les conseils de la Thaïlande pour parvenir à ce résultat qui sert leurs intérêts ; ils

récrivent ce que la Cour a dit. Ce n‟est d‟ailleurs pas la première fois qu‟ils le font, et je reviendrai

sur au moins une autre manœuvre de cette nature plus tard. La Thaïlande ne cesse de récrire le

deuxième point du dispositif pour qu‟il se lise à peu près comme suit : «la Thaïlande est tenue de - 20 -

retirer tous les éléments de forces armées ou de police … du temple ou de ses environs. Suit

naturellement l‟expression «situés en territoire cambodgien.» Cela semble séduisant à première

vue, mais ce n‟est pas ce que la Cour a dit ; ce qu‟elle a, en réalité, ordonné à la Thaïlande de faire,

c‟est «de retirer tous les éléments de forces armées ou de police … qu’elle a installés dans le

temple ou dans ses environs situés en territoire cambodgien» (C.I.J. Recueil 1962, p. 37 ; les

italiques sont de nous). La formulation n‟est pas la même et, en se penchant sur celle qui a

effectivement été employée, il apparaît que la fonction principale de la référence qui est faite au

temple et à ses environs était de définir quels étaient les éléments thaïlandais que la Cour avait à

l‟esprit, c‟est-à-dire ceux que la Thaïlande avait, à l‟époque, installés dans le temple et ses

environs ; comme personne ne savait exactement quels étaient ces éléments, la Cour a utilisé le mot

«tous». Aucun point d‟arrivée précis n‟est cependant défini, celui-ci devant être déduit. En

revanche, l‟obligation essentielle demeure : il s‟agit «de se retirer», et rien ne donne à penser ni

n‟implique que le point d‟arrivée de ce «retrait» devrait être compris comme étant situé juste un

tout petit peu en dehors des «environs» du temple, tels que définis par la Thaïlande elle-même. Et

c‟est pourquoi, une fois encore, le Cambodge soutient que, au vu du dispositif tel que formulé par

la Cour, le sens naturel du verbe «se retirer», considéré conjointement avec la référence faite au

«territoire» cambodgien, doit être de se retirer en dehors du Cambodge en Thaïlande ,

obligation qui doit être considérée comme étant liée au premier point du dispositif et au

raisonnement essentiel qui le sous-tendait. Nous l‟avons déjà dit lundi, et la Thaïlande n‟a pas jugé

bon d‟y répondre.

8. Monsieur le président, ayant fait mention de cette tentative insidieuse de la Thaïlande de

récrire ce que la Cour a énoncé, je pense que cela peut nous faire gagner du temps si j‟enchaîne sur

les deux autres. Il nous a été dit, avec cette totale assurance qui caractérise l‟argumentation de la

Thaïlande, que la Cour, dans les premier et deuxième points du dispositif avait fait droit

entériné, pour ainsi dire les troisième et quatrième conclusions finales du Cambodge, tandis

que la première et la deuxième avaient été rejetées. Eh bien, ces deux affirmations sont erronées.

9. [Projection n 2.] Je commencerai par le second point du dispositif, et la quatrième
27

conclusion du Cambodge qui est censée y correspondre. Celle-ci apparaît à l‟écran. Ce que le

Cambodge a réellement demandé à la Cour et cela figure à la page 11 de l‟arrêt de 1962 , - 21 -

c‟est de «[d]ire et juger que le Royaume de Thaïlande devra retirer les éléments de forces armées

qu’il a installés, depuis 1954, en territoire cambodgien, dans les ruines du temple de

Préah Vihéar» (C.I.J. Recueil 1962, p. 11 ; les italiques sont de nous). On le voit donc toute suite,

Monsieur le président, il y a toute une série de différences entre ce dont je viens de vous donner

lecture et ce que la Cour a, le moment venu, décidé, certaines de ces différences se rapportant

directement aux assertions que la Thaïlande a tenté de formuler, et notamment à sa tentative

globale et délibérée de limiter l‟affaire, ex post facto et sans la moindre justification, aux ruines du

temple et à rien d‟autre. La Thaïlande insinue-t-elle que la Cour a pu faire preuve d‟une telle

négligence en recopiant la conclusion du Cambodge ? Ou bien se pourrait-il, tout simplement, que

la Cour ait formulé sa propre décision, de manière délibérée, conclusion qui prise dans son

contexte, c‟est-à-dire dans le contexte du dispositif de l‟arrêt de 1962 considéré dans son

ensemble devait avoir un sens propre ?

10. Cela me conduit à la deuxième déformation que fait la Thaïlande, dont je ne peux

qu‟espérer, pour le coup, qu‟elle est purement fortuite. Non content d‟affirmer à tort que le

deuxième point du dispositif n‟était rien d‟autre que la conclusion du Cambodge, M. McRae

voudrait également faire dire à la Cour qu‟il en va de même du premier. Cette fois, les deux textes

sont effectivement très proches l‟un de l‟autre, mais M. McRae a oublié les trois mots essentiels,

les trois petits mots essentiels : «dit en conséquence» (ibid., p. 37). Ces trois mots essentiels sont

ceux qui établissent le lien entre le premier et le deuxième point du dispositif. Ils ne figuraient pas

dans les conclusions du Cambodge, et ont été sciemment et, on peut le supposer,

délibérément ajoutés par la Cour. Quoi qu‟il en soit, ces mots sont là, et il paraît bien difficile

de supposer que la Cour puisse choisir d‟ajouter un membre de phrase dans le dispositif d‟un arrêt

sans le faire pour une bonne raison et dans un but précis ; selon nous, cette raison et ce but sont, de

toute évidence, d‟établir un lien étroit entre les deux premiers points du dispositif et, au-delà, de

conditionner le sens du deuxième par le premier. De fait, MM. Crawford et McRae ayant semblé

goûter mon idée de «symbiose», je me réjouis de pouvoir m‟y tenir et de rappeler, à cet égard, la

conclusion formelle du Cambodge selon laquelle le mot «territoire», tel qu‟employé par la Cour

dans chacun des deux premiers points du dispositif, doit être considéré comme ayant le même sens.

La Thaïlande semble aujourd‟hui le reconnaître ce donc nous nous félicitons , et je renvoie la - 22 -

28 Cour au paragraphe 21 de l‟exposé de M. Pellet d‟hier après-midi. Mais cela ne fait pas pour

autant disparaître la contestation entre les Parties concernant le lien entre ces deux points ; selon

nous, c‟est la logique tout entière desdits points, ainsi que leurs libellés exprès, qui fait que le

second est subordonné au premier ; la Thaïlande, pour sa part, tente encore de faire prévaloir le

second sur le premier. Autrement dit, nous voilà revenus à la tentative de la Thaïlande de limiter

l‟arrêt dans son ensemble aux ruines du temple et à leurs environs immédiats, et au fait que le

conseil des ministres thaïlandais s‟est arrogé le droit de définir les «environs» du temple, en

apparence aux fins du retrait, mais en réalité, ainsi que je l‟ai démontré devant la Cour lundi en me

livrant à une analyse textuelle détaillée de la décision du conseil, dans le but de créer

subrepticement une frontière à des fins de souveraineté. Nous en arrivons aussi, par la même

occasion, aux cartes thaïlandaises, celles-là mêmes auxquelles M. Bundy vient de se référer, qui

représentent sans vergogne une déconcertante série de versions de ladite ligne en tant que frontière

internationale ; et c‟est ainsi que la Thaïlande a décrit cette ligne dans la note qu‟elle a adressée

en 2008 au Conseil de sécurité de l‟Organisation des Nations Unies.

11. Monsieur le président, le sujet suivant qu‟il m‟incombe de traiter est le caractère continu

de l‟obligation de retrait. Lundi, j‟ai appelé votre attention sur la position équivoque de la

Thaïlande sur cette question essentielle. Pour autant que nous puissions en juger, cette ambiguïté

ne s‟est pas démentie. Nous avons eu droit hier à un semblant de présentation de la position

thaïlandaise sur ce point, lorsqu‟il a été dit que, quoique ladite obligation se poursuive au

lendemain du prononcé de l‟arrêt, une fois que «les soldats se sont retirés et que le temps a passé, la

notion de retrait n‟est plus pertinente» ; et le conseil de la Thaïlande d‟ajouter : «[i]l peut exister

d‟autres obligations de ne pas pénétrer sur un territoire, mais il est totalement artificiel de les lier à

une notion de retrait, quelle qu‟elle soit» . Autrement dit, à un moment donné indéterminé,

bien évidemment la Thaïlande obtient ce qu‟on appellerait au Monopoly une carte «sortez de

prison», puisque, à ce moment-là indéterminé, encore une fois , il n‟est plus possible de

donner un sens à ce qui jusqu‟alors était une question de retrait. A partir de ce moment-là, toute

question qui se pose à cet égard n‟est plus du domaine du retrait, mais de l‟exécution ; or, cela va

40CR 2013/4, p. 22, par. 33 (McRae). - 23 -

sans dire, la Thaïlande a clairement indiqué par la voix de son agent qu‟elle s‟opposerait

résolument à ce que toute question de cette nature soit soumise à la Cour. Ce n‟est donc pas une

position, Monsieur le président, mais une contorsion. Et comme M. McRae fait une fixation sur la

question de l‟«exécution», il nous livre son exemple plutôt triste d‟un soldat thaïlandais égaré

traversant la frontière par erreur, ce qui ne fait que démontrer que nos contradicteurs refusent

obstinément d‟admettre que la question que nous avons posée est une question d‟interprétation

29 générale. Je me vois donc contraint de dire une nouvelle fois ce que j‟ai déjà répété ad nauseam, à

savoir que l‟«interprétation» diffère de l‟«exécution» et, en toute logique, la précède. A moins que

la Thaïlande nous annonce à présent clairement qu‟elle souscrit à la proposition simple suivant

laquelle l‟obligation de retrait telle qu’elle a été spécifiquement énoncée par la Cour dans le

dispositif de son arrêt doit être entendue comme ayant un caractère continu, il existe

incontestablement une contestation entre les Parties sur ce point, contestation qui, de manière tout

aussi incontestable, relève de la compétence de la Cour en matière d‟interprétation.

12. J‟en viens donc, pour finir, à la dernière tentative de récriture par la Thaïlande du

dispositif de l‟arrêt de la Cour, celle-ci étant à la fois plus subliminale et plus omniprésente. La

quasi-totalité des exposés présentés hier par la Thaïlande étaient conçus comme une argumentation

portant sur un libellé différent de celui de l‟arrêt 1962, libellé qui pourrait être le suivant : «confère

la souveraineté sur le temple de Préah Vihéar au Cambodge». Ainsi se lirait l‟arrêt s‟il était au

goût de nos contradicteurs, arrêt qui serait alors entièrement limité aux «ruines», aux «environs» du

temple ou tout simplement au terrain sur lequel celui-ci est situé. Or, tel n‟est pas notre arrêt. Ce

n‟est pas ce qui est indiqué au premier point du dispositif pas le moins du monde , et le

Cambodge a précisé, dès sa demande en interprétation, que rien dans l‟arrêt de 1962 ne pouvait

donner à penser qu‟il existerait un titre territorial distinct sur le temple, que la Cour aurait attribué

au Cambodge. Et pourtant, la Thaïlande continue de faire comme si tel était ce qui avait été

indiqué dans l‟arrêt, alors même qu‟elle sait aussi bien que nous que la Cour a jugé que le temple

était «situé en territoire relevant de la souveraineté du Cambodge» et que, pour cette raison, il

appartenait au Cambodge. Et la Cour a également décidé d‟en faire sa première conclusion. Telle

a été sa décision. - 24 -

13. Permettez-moi, Monsieur le président, d‟aborder une dernière déformation de la

Thaïlande, avant de passer à des considérations plus constructives. Le conseil de la Thaïlande a

avancé hier que le Cambodge demandait à la Cour ce qui serait irrecevable d‟interpréter les

motifs de l‟arrêt de 1962 . Eh bien, c‟est là le pur fruit de son imagination. Je ne devrais pas avoir

à projeter de nouveau la diapositive que nous vous avons déjà montrée lundi, diapositive qui

compare le libellé de la question posée par le Cambodge à celui du dispositif, mais je crains de ne

pas avoir le choix. Il est clair comme de l‟eau de roche que cette question porte sur le dispositif et

qu‟il est demandé à la Cour d‟interpréter celui-ci à la lumière des motifs, dans la mesure où il se

révélera nécessaire de le faire. Lorsque nos contradicteurs parlent de «motifs», c‟est naturellement

la carte qu‟ils ont à l‟esprit. Eh bien, je les mets au défi de trouver un seul endroit, depuis le dépôt

de sa requête, où le Cambodge aurait demandé à la Cour d‟interpréter la carte. Ce que le

30 Cambodge prie la Cour de faire, c‟est d‟interpréter le dispositif à la lumière de la carte, étant donné

que la manière dont elle a considéré ladite carte constitue précisément l‟un de ces motifs essentiels

dont elle avait précisé, dans l‟affaire Cameroon c. Nigeria, qu‟ils entraient dans le champ de

l‟interprétation au sens de l‟article 60 du Statut et, partant, devaient être interprétés par elle à la

demande d‟une Partie.

14. A ce stade, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je peux revenir à

ce que j‟ai déjà décrit lundi comme étant l‟unique point sur lequel repose toute la réponse de la

Thaïlande en ce qui concerne la recevabilité de la demande du Cambodge, à savoir que celui-ci

tenterait d‟obtenir aujourd‟hui ce qu‟il n‟a pas pu obtenir à l‟époque. Comme je l‟ai dit lundi, bien

que présenté sous deux formes différentes, cet argument est le même. Si la Cour le permet, je ne

m‟attarderai pas davantage sur la variante dans laquelle la Thaïlande soutient que «tout ce qui a

trait à la frontière (même très près du temple) va au-delà du différend qui avait été soumis à la

Cour». Il ne s‟agit que d‟une autre version du trope «la Cour a attribué au Cambodge la

souveraineté sur le temple», que je viens de traiter. Monsieur Bundy a de surcroît démontré, en

s‟appuyant sur des documents contemporains, que la zone litigieuse avait déjà été délimitée au

moment où l‟arrêt a été rendu, en 1962. Je me dois d‟insister sur deux points. Le premier est que,

41CR 2013/4, p. 41, par. 42. - 25 -

à chaque fois que la Partie adverse se décide à aborder la manière dont la Cour elle-même a défini

le différend même, si vous voulez, le «seul différend» qui lui a été soumis, elle fait l‟impasse

sur le fait essentiel, à savoir que la Cour évoque une région : «l‟objet du différend soumis à la Cour

est … limité à une contestation relative à la souveraineté dans la région du temple de

Préah Vihéar» (Temple de Préah Vihéar, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 14 ; les italiques sont

de nous) ; c‟est ce que la Cour a affirmé à la page 14 de l‟arrêt. Le deuxième point tient à la raison

pour laquelle la Cour a ainsi défini le différend. Elle l‟a défini ainsi parce que la

Thaïlande c‟est la Cour elle-même qui l‟a dit avait répondu aux prétentions du Cambodge

«en affirmant que ce territoire [et non le temple] [était] situé du côté thaïlandais [de quoi ?] de la

frontière commune entre les deux pays et qu‟il relev[ait] de la souveraineté thaïlandaise» (ibid. ; les

italiques sont de nous), oui, la conséquence de la frontière. Ainsi s‟est prononcée la Cour, et il

n‟est tout simplement pas admissible qu‟une Partie à la présente instance tente d‟effacer la

conclusion à laquelle la Cour est parvenue pour y substituer la sienne.

15. La seconde variante de l‟argument, Monsieur le président, est celle qui concerne la carte.

Elle est, elle aussi, présentée sous deux formes, qui ont toutes deux été évoquées hier. Sous l‟une

de ses formes, cet argument consiste à dire que «la Cour ne s‟est pas fondée sur la carte» ; sous

31 l‟autre, que «en tout état de cause, sa décision repose sur d‟autres motifs». Lundi, j‟ai qualifié cette

seconde forme de l‟argument de «ridicule», et rien de ce que nous avons entendu hier ne me porte à

changer d‟avis. Je dois cependant consacrer un peu plus de temps à cette question aujourd‟hui que

l‟autre jour, car la Thaïlande s‟est véritablement rendue coupable, à ce sujet, de citation sélective

indéfendable. Je m‟en tiendrai essentiellement à la question du prince Damrong, car nous

conviendrons tous qu‟il s‟agit «de loin de la plus importante» ; si l‟incident relatif au

prince Damrong ne résiste pas à l‟analyse, aucune des autres questions soulevées n‟y résiste non

plus. Penchons-nous donc attentivement sur ce que la Cour a déclaré à cet égard.

16. La Cour commence par passer en revue de façon générale aux pages 29 et 30 de

l‟arrêt toute la catégorie des actes administratifs. C‟est dans ce cadre qu‟elle examine cette

catégorie d‟éléments de preuve. Et elle commence par déclarer : - 26 -

«Il a été expressément admis par la Thaïlande au cours de la procédure orale

que, si le Cambodge a acquis la souveraineté sur la zone du temple [j‟ai bien dit «la
zone du temple»] en vertu du règlement de frontières de 1904, il ne l‟a pas
abandonnée par la suite et la Thaïlande ne l‟a pas ultérieurement obtenue par voie de
prescription acquisitive». (Temple de Préah Vihéar, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962,
p. 30).

Notez bien que la Cour ne parle pas du temple, mais de la «zone du temple». Et je cite ce

passage sans hésitation, quand bien même il se rapporte à une partie de la procédure antérieure à la

décision de la Cour, car on y trouve une description par la Cour d‟un élément qui est

manifestement capital dans son raisonnement ; il ne s‟agit pas là d‟une tentative de

remplacer comme le fait toujours la Thaïlande ce que la Cour a déclaré par les allégations des

Parties. Ayant clairement établi cette admission car c‟est de cela qu‟il s‟agit par la

Thaïlande, la Cour poursuit en ces termes : [projection n 3]

«Les actes accomplis par la Thaïlande sur les lieux ont donc été invoqués
comme preuves de sa conduite d‟Etat souverain suffisantes pour faire échec à tout ce
qui pourrait suggérer que la Thaïlande ait accepté en vertu de la convention de 1904
une délimitation [notez bien le mot, «délimitation»] ayant pour effet d‟attribuer au

Cambodge la souveraineté sur Préah Vihéar. C‟est par conséquent [là encore, «par
conséquent»] sous cet angle que la Cour doit examiner et apprécier ces actes. Le vrai
problème est de savoir s‟ils suffisent à effacer ou à annuler l‟impression nette
d‟acceptation de la frontière de Préah Vihéar qui se dégage des diverses
considérations examinées plus haut». (Ibid. ; les italiques sont de nous.)

17. Et c‟est «[à] cet égard», encore une fois l‟expression employée par la Cour

elle-même que celle-ci enchaîne sur les deux brefs paragraphes relatifs au prince Damrong. Ils

figurent aux pages 30 et 31 de l‟arrêt. La Cour en vient ensuite à l‟examen des «autres faits

pertinents» (p. 31 encore), auquel elle consacre quatre autres paragraphes, ce qui nous amène au

milieu de la page 32. A la page 30 nous avions l‟introduction, et nous avons maintenant la fin :

[projection n 4].

32 «La Cour exposera maintenant les conclusions qu’elle tire des faits qui viennent
d’être rappelés.

Même s’il existait un doute sur l’acceptation par le Siam en 1908 de la carte, et
par conséquent de la frontière qui y est indiquée, la Cour, tenant compte des
événements ultérieurs, considérerait que la Thaïlande, en raison de sa conduite, ne
saurait aujourd’hui affirmer qu’elle n’a pas accepté la carte …

Toutefois la Cour considère qu‟en 1908-1909 [notez les dates, il y a longtemps,
plus d‟un siècle] la Thaïlande a bien accepté la carte de l’annexe I comme
représentant le résultat des travaux de délimitation [notez bien, «délimitation», là
encore] et a ainsi reconnu la ligne tracée sur cette carte comme étant la frontière dont - 27 -

l’effet est de situer Préah Vihéar dans le territoire du Cambodge. La Cour estime
d‟autre part que, considérée dans son ensemble, la conduite ultérieure de la Thaïlande
a confirmé et corroboré son acceptation initiale et que les actes accomplis par la

Thaïlande sur les lieux n‟ont pas suffi à l‟annuler. Les deux Parties ont par leur
conduite reconnu la ligne et, par là même, elles sont effectivement convenues de la
considérer comme étant la frontière». (Temple de Préah Vihéar, fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1962, p. 32-33.)

Voilà ce que la Cour déclare aux pages 32 et 33 de son arrêt.

18. Monsieur le président, dans ce contexte clair comme de l‟eau de roche pourrait-on dire,

la Thaïlande ne se contente pas de déclarer à la Cour que, en 1962, ce que M. Crawford appelle les

«autres conséquences» ont été «déterminantes pour répondre à l‟unique question à laquelle la Cour

42
devait répondre» , ou même, pire encore, que la visite du prince Damrong constituait «un motif

distinct de l‟arrêt» , ou que, ainsi que l‟a prétendu M. Pellet, la visite du prince Damrong en 1930

«a constitué l‟un des arguments cruciaux ayant conduit la Cour à reconnaître la souveraineté du

44
Cambodge sur le temple» .

19. Je devrais simplement ajouter, Monsieur le président, avant d‟oublier, que, lundi, nous

avons mis la Thaïlande au défi de dire si la manière cavalière dont elle aborde le traitement de la

carte par la Cour signifie que sa position consiste à présent à nier que le Siam ait accepté la carte et

la ligne qui y figure avec pour conséquence que l‟une et l‟autre avaient été incorporées au

règlement conventionnel et en étaient devenues partie intégrante. Là encore, pas un mot de

réponse.

20. Monsieur le président, je peux à présent passer à la seconde expression de l‟unique

argument de la Thaïlande, à savoir que la Cour ne se serait jamais fondée sur la carte. Cette fois au

moins, cet argument est assorti d‟une petite concession la carte «pourrait» avoir valeur

explicative pour le dispositif de l‟arrêt. Telle est, en tout cas, l‟expression assez maladroite que la

Thaïlande emploie au paragraphe 3.33 de son supplément d‟information, mais je ne pense pas
33

qu‟elle ait été répétée dans les plaidoiries d‟hier. Ce que nous avons en revanche entendu dans ces

plaidoiries était à peu près ceci : bien que nous discutions d‟une carte sur laquelle figure une ligne

frontière, cela ne signifie pas que la Cour se soit penchée sur cette ligne ; la Cour n‟aurait «pas

42
CR 2013/3, p. 69, par. 11 (Crawford).
43CR 2013/3, p. 73, par. 21 (Crawford).

44CR 2013/3, p. 56, par. 16 (Pellet) ; les italiques sont de nous. - 28 -

45
retenu la carte en tant que description de la ligne frontière» ; bien que la Thaïlande «ne [puisse]

plus … contester … ce que la carte disait à propos du temple» , en ce qui concernait «l‟autre

question» une question distincte et sans aucun lien avec la précédente, «celle de la frontière», à
47
laquelle la carte aurait pu répondre «la carte ne donn[ait] pas de réponse» .

21. Monsieur le président, là encore, quel imbroglio ! Alors laissez-moi une fois encore

éprouver la patience de la Cour en rappelant, avec précision, ce qu‟elle a véritablement déclaré. Il

ne s‟agit ni d‟extrapolation, ni d‟interprétation, nous ne sommes ni intra ni ultra petita, ni

sub petita ni super petita, il s‟agit simplement de la récapitulation de la teneur de l‟arrêt, en

d‟autres termes de la manière dont la Cour a raisonné pour parvenir à ses conclusions dans le

dispositif. Si nous oublions quelque chose, nous accueillerons avec plaisir les corrections

apportées par la Partie adversaire. Les principales étapes du raisonnement de la Cour ont été

énoncées, par des citations détaillées de l‟arrêt contenant toutes les références, au paragraphe 39 de

la demande en interprétation présentée par le Cambodge. Certaines de ces citations répètent ce que

j‟ai déjà dit précédemment, et il serait préférable que je n‟en donne pas lecture encore une fois.

Mais nous les avons mises sur la table il y a deux ans pour qu‟elles soient à la disposition de tous.

J‟aimerais en répéter seulement une, qui est tirée de l‟exposé que j‟ai présenté à la Cour lundi :

o
[projection n 5]

«La Cour considère que l‟acceptation par les Parties de la carte de l‟annexe I a

incorporé cette carte dans le règlement conventionnel, dont elle est devenue partie
intégrante. On ne peut pas dire que ce fait implique qu‟il y ait eu une déviation par
rapport aux dispositions de la convention de 1904, et même une violation de ces
dispositions, dans tous les cas où la frontière de la carte s‟écarte de la ligne de partage

des eaux, parce que, de l‟avis de la Cour, la carte (qu‟elle soit ou non exacte à tous
égards par rapport à la véritable ligne de partage des eaux) a été acceptée par les
Parties en 1908 et par la suite comme constituant le résultat de l‟interprétation que les
deux gouvernements donnaient de la délimitation [notez bien là encore,

«délimitation»] prescrite par la convention elle-même. En d‟autres termes, les Parties
ont adopté à l‟époque une interprétation du règlement conventionnel suivant laquelle,
en cas de divergence avec la ligne de partage des eaux, la frontière tracée sur la carte
l‟emportait sur les dispositions pertinentes de la convention.» (Temple de

Préah Vihéar, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 33-34.)

45
CR 2013/3, p. 67, par. 7 (Crawford).
46CR 2013/3, p. 74, par. 27 (Crawford).
47
Ibid., par. 28. - 29 -

34 22. Je dois à présent revenir sur un autre point que j‟avais déjà mentionné, non que je fasse

peu de cas, Monsieur le président, du fait que vous nous avez enjoint de ne pas nous répéter, mais il

s‟agit d‟un point important, auquel la Thaïlande s‟est, une fois encore, tout simplement abstenue de

répondre. Son conseil semble penser qu‟il suffit, pour prouver que la Cour a refusé de se

prononcer en quoi que ce soit sur le statut de la carte, de répéter encore et encore à tel point que

je me perds dans mes comptes que, en 1962, celle-ci a refusé d‟intégrer dans le dispositif ses

conclusions relatives à la carte de l‟annexe I. Lundi, j‟ai pris le soin de démontrer ce que la Cour a,

selon nous, voulu dire, et aujourd‟hui, j‟ai du moins je l‟espère donné lecture de citations de

l‟arrêt suffisamment nombreuses pour démontrer que la Cour n‟a rien fait d‟autre que de «se

prononcer» sur le statut que les Parties avaient conféré à la carte, et que cela a constitué l‟élément

essentiel de son raisonnement, sur lequel le dispositif est ensuite dûment fondé. Si, face à ce que la

Cour a véritablement déclaré, la Thaïlande continue de dire avec insistance que «[l]a
48
frontière … attend toujours … d‟être reconnue» et qu‟il n‟y a pas eu de «délimitation

frontalière … ni globalement, ni dans le secteur des Dangrek, ni dans la zone du temple» , si elle

persiste dans cette voie, cela démontrera que son seul véritable intérêt est de détourner l‟attention

des termes de l‟arrêt en tant que tels.

23. Monsieur le président, mon intervention se termine logiquement où elle le devrait, c‟est-

à-dire par la question que le Cambodge a posée à la Cour dans sa demande en interprétation, et à

laquelle M. McRae s‟est attaquée hier, pour un ensemble de raisons dont certaines m‟échappent. Il

semblait tout d‟abord contester que la question soit demeurée la même tout au long de la présente

instance, depuis le dépôt de la demande jusqu‟à aujourd‟hui. Indéniablement, ce n‟est pas le cas.

Si nous avions changé d‟avis, cela aurait prêté à contestation, mais nous n‟avons pas changé d‟avis.

Peut-être a-t-il confondu la question elle-même avec le différend entre les Parties qui l‟a engendrée.

Nous avons en effet découvert à mesure que se déroule la présente procédure que la position de la

Thaïlande est encore plus extrême que nous ne le pensions, si bien que ce que j‟ai précédemment

appelé l‟ensemble de différends liés entre les Parties est encore plus important qu‟on ne nous

l‟avait laissé entendre auparavant. Voir la résolution du conseil des ministres, qui a été évoquée si

48
CR 2013/3, p. 57, par. 16 (Pellet).
49CR 2013/4, p. 39, par. 36 (Pellet). - 30 -

tardivement, voir certaines plaidoiries que nous avons entendues hier. Mais la question soumise à

l‟interprétation demeure la même. Elle n‟a pas changé. M. McRae faisait mine d‟avoir des

difficultés à la comprendre. Il en a critiqué la forme, qui selon lui était celle d‟une déclaration

plutôt que d‟une question. Mais l‟examen de la liste assez restreinte des affaires d‟interprétation

35 portées devant la Cour permanente et la présente Cour montre que parfois l‟Etat demandeur pose

une question ouverte, et parfois il soumet à la Cour une proposition d‟interprétation qu‟il demande

à celle-ci d‟avaliser. La Cour n‟a jamais eu de difficulté avec l‟une ou l‟autre forme de demande.

M. McRae se plaint ensuite de la manière dont nous tenterions selon lui de faire entrer en jeu, par la

ruse, le premier point du dispositif. Mais le lien entre le premier et le deuxième points a toujours

existé et, ainsi que je l‟ai relevé, la question est demeurée la même. Il semblerait à présent que la

Thaïlande considère que, dans une affaire portant sur l‟interprétation d‟un arrêt, la Cour doit non

seulement interpréter le dispositif isolément des motifs qui le sous-tendent, mais aussi interpréter

chaque point du dispositif indépendamment des autres. Pareil raisonnement va à l‟encontre de tous

les principes de droit international relatifs à l‟interprétation, et il n‟a aucun sens. Il n‟a aucun sens

en principe, et il n‟a absolument aucun sens dans le cas de points que la Cour elle-même a

expressément reliés. J‟ai déjà dit, pour le compte du Cambodge, que le mot «territoire» devait

avoir le même sens dans les deux points, et je soutiens de surcroît que l‟interprétation de ce mot

dans le deuxième point doit dépendre de celle qui lui est donnée dans le premier. Soit la Thaïlande

est d‟accord avec ces deux conclusions, soit nous sommes résolument en présence d‟un différend

quant au lien qui existe entre les deux paragraphes et à leur hiérarchie. M. McRae nous accuse de

tenter subitement de créer un différend sur la définition du mot «environs» qui figure au deuxième

point, mais nous n‟avons jamais évoqué le problème de cette manière ; au lieu de cela, nous avons

rédigé une question très précise sur le sens à donner à l‟obligation de retrait et la portée de celle-ci.

De toute façon, le juge Yusuf a maintenant posé une question très perspicace sur l‟interprétation de

ce mot, à laquelle nous avons donné une première réponse orale par l‟intermédiaire de M. Bundy.

Nous développerons cette réponse en tant que de besoin par écrit dans le délai prescrit par la Cour.

Enfin, M. McRae soutient que notre question serait fondamentalement viciée du fait qu‟elle

présupposerait la réponse. Or j‟ai déjà expliqué qu‟il n‟y a rien d‟extraordinaire, dans le cadre

d‟une demande d‟interprétation, à rédiger une question sous la forme d‟une proposition - 31 -

d‟interprétation que la Cour est priée d‟avaliser. Et M. McRae ne parvient à formuler cette critique

qu‟au moyen d‟une pétition de principe bien pire que celle dont il nous accuse, en ce que toute son

argumentation consiste à contester en termes des plus catégoriques que la Cour ait décidé quoi que

ce soit au sujet des frontières ou de la carte de l‟annexe I. J‟ai lu à la Cour les extraits pertinents de

l‟arrêt et démontré que pareille allégation est tout simplement intenable si l‟on s‟en tient à ce que

celle-ci a effectivement déclaré à ce sujet. L‟argument de M. McRae dépend entièrement de

36 l‟établissement d‟une distinction hermétique entre deux types de décisions, une «décision»

contenue dans le dispositif devenant une créature d‟une catégorie différente d‟une «décision»

énoncée dans les motifs, alors même que, comme la Cour l‟a déclaré, les motifs sont

«inséparables» du dispositif et qu‟ils constituent ainsi une partie essentielle du processus

d‟interprétation. Monsieur le président, nous sommes ici confrontés à un formalisme rigide de la

pire espèce, et je prie la Cour de le rejeter, tant parce qu‟il est contraire au processus de

raisonnement juridique normal dans les arrêts motivés que parce qu‟il contredit ce que la Cour

elle-même a déclaré sur le sujet. Tout ce que le Cambodge demande à la Cour c‟est d‟interpréter le

dispositif à la lumière du motif fondamental qui le sous-tend. C‟est un processus parfaitement

normal qui n‟est pas du tout difficile à comprendre.

Monsieur le président, voilà qui vient clore ma plaidoirie. Pourrais-je vous demander de

bien vouloir donner à présent la parole à M. Sorel ?

The PRESIDENT: Thank you very much, Sir Franklin. I now give the floor to

Professor Jean-Marc Sorel. You have the floor, Sir.

Mr. SOREL:

T HE LACK OF RESPONSE BY T HAILAND TO THE QUESTION THAT IS

CENTRAL TO THE INTERPRETATION

1. Mr. President, Members of the Court, in order to seek to respond to the arguments

presented by Thailand yesterday, Cambodia wishes to invert the presentation that it gave in its oral

arguments on Monday . Then, Cambodia pointed to the essential link between the grounds of the

5CR 2013/2, pp. 10 et seq. (Sorel). - 32 -

Judgment of 15 June 1962 and its operative clause in order to demonstrate its consequences —

denied by Thailand —, whereas on this occasion Cambodia wishes to go back upstream and

address Thailand‟s responses to its arguments — or rather, the lack of responses — before going on

to confirm the inseparable nature of the essential grounds and the operative clause of that

Judgment.

2. Thus, Cambodia is voluntarily and deliberately revisiting issues that have already been

addressed earlier in its oral argument, but doing so in light of the lack of responses by Thailand.

51
37 The Agent of Thailand was right to point out that “this case is necessarily dense with facts” , but

we would also like it to be dense with law.

3. It is necessary, therefore, to return to the issues of (i) the impossibility of a unilaterally

defined frontier that runs counter to the grounds, (ii) the absence of any meaningful distinction

between a territorial dispute and a frontier dispute, (iii) the meaning of the agreement of

14 June 2000, (iv) Thailand‟s inversion of the reasoning followed by the Court, and (v) its urge to

rewrite the Judgment; our final conclusion being that Thailand has no answer to the question of the

link between the essential grounds and the operative clause, and is unable to provide an

interpretation that is consistent with what the Court decided with binding force in 1962.

I. The impossibility of a unilaterally defined frontier that

runs counter to the grounds

4. The response that Cambodia was expecting as regards the question of a unilaterally

defined frontier that is in opposition to the grounds of the Judgment was not provided. Thailand

appears simply to establish an equivalence between the unilateral determination of that line by the

Thai Council of Ministers in 1962 and its semantic counterpart, the “unilateral request for
52
inscription of the Temple on the UNESCO World Heritage List” — but as the Temple

unquestionably belongs to Cambodia, there was nothing improper about the latter.

5. Professor Pellet states: “It might perhaps have been preferable for the two Parties to have

come to an express agreement, but in the context of the period, given the trauma created in

Thailand by the Judgment, that would have been a lot to ask; moreover, as far as I am aware, there

51
CR 2013/3, p. 19, para. 28 (Plasai).
52CR 2013/3, p. 63, para. 26 (Pellet). - 33 -

is no rule obliging the parties to a case to negotiate the practical details of the implementation of

the Court‟s judgment.” 53 And he adds that Cambodia had the option to bring fresh proceedings

before the Court to “have the Judgment implemented”, in so far as the Court had the necessary
54
jurisdiction . It is worth stopping and examining this passage. For one thing, it is the sole

response to the question of the unilaterally defined “boundary” — for we will not make Thailand

talk about frontiers for the time being — imposed by Thailand. There is nothing else. We still do

38 not know how, legally, a State can impose such a boundary without consultations with its

neighbour — and when the judgment that prompted the drawing of that boundary indicated the

opposite in its grounds. But we are given an explanation, as this passage also explains, in

exceptionally condescending terms, that Thailand was most displeased with the Judgment, that it

had suffered “trauma” — which Cambodia can understand — and that it could not be expected to

do any more. In short, this is what is known, in common parlance, as a “bad loser”, something that

is tolerable in a child, but less so in a State. We are then told that a State is not required to

negotiate the practical details of the implementation of a judgment in which it has lost. That is

correct: it does not have to negotiate it; it has to implement it. Professor Pellet goes on to say that,

if the State that has won is not satisfied, it can bring fresh proceedings before the Court to “have the

55
Judgment implemented” , an unknown category of proceeding — the only possibilities being, as

we know, revision and interpretation, as judgments are final and not subject to appeal. This series

of very strange assertions shows that it is not necessarily Cambodia that is living in a “parallel

world”. For Thailand, however, this is doubtless a “brave new world” — i.e., something out of

science fiction, or at least an exercise in futurology.

6. The fact remains that we still have nothing — other than the mood of a State at a

particular point in time — explaining how it is possible for a State to draw a boundary for its

territory that runs counter to a judgment stipulating the opposite of what that State does.

53
Ibid., p. 54, para. 10.
5Ibid.
55
CR 2013/3, p. 54, para. 10. - 34 -

II. Denial of the similarity between territorial disputes

and frontier disputes

7. As regards Thailand‟s obsession with treating the case solely as a territorial dispute which

has no consequences in terms of the frontier, the response provided here is thoroughly incomplete.

Ms Miron does, admittedly, announce in her oral arguments that she will provide an exposition of

56
the dispute, which she claims relates to territorial sovereignty, not sovereignty over frontiers , but

no such exposition is provided, as Section II basically deals with the issue of “identifying the

57
subject-matter of the dispute through the cartographic evidence” , which is not the same thing.

Finally, Professor Pellet cites several examples, but these are very isolated and specific in nature : 58

59
39 the case of the North Sea Continental Shelf , in which everyone knows that only the principles of

delimitation were called for, not actual delimitation; the case of Sovereignty over Certain Frontier

60
Land , in which enclaves that had already been delimited had to be attributed; and the case of

Pedra Branca , which involved islands and low-tide elevations, implying either an absence of

delimitation or ex post delimitation depending on the characterization chosen. However, there is

nothing — or almost nothing — on this point that relates to “classic” territorial disputes such as the

present case. And yet, the case law of the Court is devoid of ambiguity in this area.

8. Cambodia has already had cause to cite the case of the Frontier Dispute, but it is useful to

cite that 1986 Judgment again. Having explained the discussions between the Parties regarding the

distinction between a territorial dispute and a frontier dispute, the Court states:

“In fact, however, in the great majority of cases, including this one, the
distinction outlined above is not so much a difference in kind but rather a difference of

degree as to the way the operation in question is carried out. The effect of any
delimitation, no matter how small the disputed area crossed by the line, is an
apportionment of the areas of land lying on either side of the line. In the present case,

it may be noted that the Special Agreement, in Article I, refers not merely to a line to
be drawn, but to a disputed „area‟, which it defines as consisting of a „band‟ of
territory encompassing the „region‟ of the Béli.” (Frontier Dispute (Burkina

Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 563, para. 17.)

56
CR 2013/3, p. 34, para. 2 (Miron).
5Ibid., p. 43.

5CR 2013/4, p. 33, para. 22 (Pellet).
59
North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic of
Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, pp. 3 et seq.
60
Sovereignty over Certain Frontier Land (Belgium/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1959, pp. 209 et seq.
6Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore),
Judgment, I.C.J. Reports 2008, pp. 12 et seq. - 35 -

And immediately after that finding, the Court indicates that the outcome is necessarily the

establishment of a frontier .

9. Similarly, in the case of the Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), the Court

states:

“It will be evident from the preceding discussion that the dispute before the

Court, whether described as a territorial dispute or a boundary dispute, is
conclusively determined by a Treaty to which Libya is an original party and Chad a
party in succession to France. The Court‟s conclusion that the Treaty contains an
agreed boundary renders it unnecessary to consider the history of the „Borderlands‟

claimed by Libya on the basis of title inherited from the indigenous people, the
Senoussi Order, the Ottoman Empire and Italy. Moreover, in this case, it is Libya, an
original party to the Treaty, rather than a successor State, that contests its resolution of
the territorial or boundary question.” (Territorial Dispute (Libyan Arab
40 Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 38, para. 75; emphasis added.)

10. We can see from these examples that territorial and frontier disputes, regardless of

whether they concern large expanses, “bands of territory”, “areas” or a “region”, give rise to

treatment that does indeed result in the determination of a frontier.

III. The true meaning of the agreement of 14 June 2000

11. The question of the Memorandum of Understanding of 2000 continues to occasion an

exercise in mental gymnastics on the part of Thailand, without any clear response emerging.

12. Thus, Professor Pellet tells us that this agreement, “as its name indicates, defined the

legal framework to be applied in determining boundaries” . Yet more circumlocution aimed at

showing that delimitation has yet to take place. And while this might appear to be a pointless

exercise, it is evidently necessary, in the face of this refusal to accept the agreement for what it is,

to recall its precise title:

M EMORANDUM OF U NDERSTANDING BETWEEN THE G OVERNMENT OF THE K INGDOM OF
C AMBODIA AND THE GOVERNMENT OF THE KINGDOM OF T HAILAND
ON THE SURVEY AND DEMARCATION OF LAND BOUNDARY

13. Using different language, Professor Crawford tells us that the Court did not “transpose”

the map in 1962, as it did not think it necessary, given that the only issue was ownership of the

6See CR 2013/2, p. 26, para. 36 (Sorel).

6CR 2013/3, p. 59, para. 20 (Pellet); emphasis added. - 36 -

Temple . That, too, is a surprise: it was a matter not of “transposition”, but of recognizing a

delimitation. The question of transposition relates to demarcation, not delimitation.
65
14. With all due respect to Thailand , Cambodia does indeed strongly insist — for one

simple reason — on the distinction between delimitation and demarcation. Given that the

Memorandum of Understanding of 2000 is indeed a treaty providing for demarcation, and given

that Thailand does not accept that there is an existing delimitation as a result of the confirmation

provided by the Court in 1962, can Thailand tell us precisely what delimitation does exist? After

all, signing a demarcation agreement presupposes a pre-existing delimitation. Must it not,

therefore, exist? Moreover, according to the Agent of Thailand , that agreement was signed after
41

encroachments onto Thai territory had begun. It is astonishing, then, that Thailand signed a

memorandum of understanding so soon afterwards, and that it did not protest about the pagoda that

had been constructed in 1998 on territory that supposedly belonged to Thailand and that it

purportedly controlled. More unanswered questions.

15. Finally, as regards the famous and equally mysterious L7017 map, we are now told that it

is not referred to in the agreement of 14 June 2000 on account of its not having been established

bilaterally, so that it cannot be regarded as a “frontier title” . That explanation is very brief, not to

say non-existent, as the documents provided by Thailand itself prove that the map concerned is

indeed regarded as showing a true frontier, as my colleague Rodman Bundy pointed out.

16. Not only does Thailand persist in failing to respond, or providing incomplete responses,

to Cambodia‟s various justified questions, it also persists in inverting the reasoning followed by the

Court, with no regard for the most basic legal logic.

IV. Thailand’s continued inversion of the Court’s reasoning

17. We have indeed been regaled with champagne, uniforms and saxophones acting as

frontier markers, and with the atmosphere of Temple visits, but not with what Cambodia was

expecting: precise answers to the question of how Thailand can objectively deny the link between

64
CR 2013/4, p. 10, para. 32 (Crawford).
6CR 2013/3, p. 62, para. 24 (Pellet).

6CR 2013/3, p. 13, para. 11 (Plasai).
67
CR 2013/3, p. 60, para. 20 (Pellet). - 37 -

the essential grounds of the Judgment and its operative clause. On the contrary, we have again been

told that secondary grounds were essential ones.

18. In so doing, Professor Crawford went back over known facts (Prince Damrong, the

Washington Committee, correspondence between 1949 and 1954, etc.), which were simply

considerations that, for the Court, supported its principal and essential finding: the fact that the

Annex I map was proof of a frontier that had been accepted by the two Parties — a frontier that was

recognized by the Court. Moreover, Professor Crawford does us a favour by citing an extract from

68
the Judgment , in which the Court states:

42 “What seems clear is that either Siam did not in fact believe she had any title —

and this would be wholly consistent with her attitude al1 along, and thereafter, to the
Annex I map and line — or else she decided not to assert it, which again means that
she accepted the French claim, or accepted the frontier at Preah Vihear as it was
drawn on the map.” (Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits,

Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 31; emphasis added.)

The Court very clearly links the two solutions to the acceptance of the Annex I map indicating the

frontier. As a result, it is difficult to assert that this map played a negligible part in the Court‟s

reasoning and that it did not represent a “frontier” — which had thus indeed been delimited.

Finally, and to adopt the style favoured by Professor Crawford, the Annex I map is allegedly there

simply as a form of decorative garnish, a feather wafting hither and thither and coming to earth

anywhere, according to the whim of the wind — as we are told by the numerous multicoloured

lines (also very decorative) presented by Ms Miron. Again with all due respect to Thailand, certain

69
feathers are freighted with consequences. However, Ms Miron, too, adopting a “templo-centric”

approach, tells us once again that the map served only to show that the Temple was on the correct

side of the frontier . But what she completely forgets to tell us is that the Court regarded the map

as having treaty value, and that it even prevailed over the treaties. The multiplicity of maps

presented — which are, moreover, irrelevant in these interpretation proceedings — cannot allow the

71
legal realities to be ignored. While it is true that “[m]aps [were] submitted” to the Court, it should

be noted that the latter relied on only one of them.

68
CR 2013/3, p. 72, para. 20 (Crawford).
6CR 2013/3, p. 43 (Miron).

7Ibid., pp. 43-44, paras. 32-35.
71
Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 14. - 38 -

19. In contrast, we can agree with Professor Crawford: acquiescence must be specific, and

72
acquiescence regarding the Temple need not relate to acquiescence regarding the map . However,

the opposite occurred: acquiescence regarding the map resulted in acquiescence regarding the

Temple. Once again, that famous inductive reasoning is clearly in operation.

43
V. The constant urge to rewrite the 1962 Judgment

20. It would seem that Thailand castigates Cambodia for seeking to start from the

1962 Judgment, for not taking account of what happened before, and for regarding the subsequent

events simply as evidence that there is indeed a dispute over the interpretation of the

1962 Judgment. However, it also accuses Cambodia of a whole range of misdeeds, from abuse of

process to disguised appeal, as well as an attempt to have the Judgment revised — or even of an

abuse of rights, since what is at issue is a mere “handful of metres”. In short, of everything but

interpretation. Yet all Cambodia is doing is exercising a right open to it under the Statute of the

Court, namely to request an interpretation on the meaning and scope of a judgment where it

appears that the two States have differing understandings of an operative clause. However, both

procedure and jurisprudence provide a solid framework for this facility. Not only must the

proceedings relate to what was decided with binding force the operative clause, read, if

necessary, in conjunction with the essential grounds, which is the case here , but the

interpretation can apply only to the judgment as rendered and can obviously not take account of

subsequent practice, except precisely in order to determine whether there exists a dispute as to

interpretation. Where is the abuse of process here? The current proceedings between Cambodia

and Thailand correspond in all respects to these requirements. Once again, the case concerning the

Factory at Chorzów summarizes the matter perfectly: “The interpretation adds nothing to the

decision, which has acquired the force of res judicata, and can only have binding force within the

limits of what was decided in the judgment construed . . . [The Court] confines itself to explaining,

by an interpretation, that upon which it has already passed judgment.” (Interpretation of

Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judgment No. 11, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 13,

p. 21.) That is the reason why Cambodia insists that the focus should be solely, but entirely, on the

7CR 2013/4, pp. 12-13, paras. 40 et seq. (Crawford). - 39 -

1962 Judgment, and that it is pointless and counter-productive to revisit what happened

beforehand, since the Court can only interpret the Judgment as it was rendered. Hence, to reply to

Professor McRae‟s question: why 15 June 1962, and only that Judgment? Because it is an

obligation imposed by the Statute of the Court, by its procedure and by its jurisprudence.

21. Moreover, it is symptomatic that Thailand accuses Cambodia of seeking a revision of the

Judgment (doubtless a “tit-for-tat” response), since this is a tendency which emerges clearly from

Thailand‟s own conduct, precisely through its avalanche of maps, or the constant harping back to

the watershed line, which was clearly established by the Court to be irrelevant, since the Parties had

44 accepted the Annex 1 line as the frontier line between the two States. Whether or not that map

corresponds to the watershed line is a subject which was debated at length in the original

proceedings and settled by the Court, and which it is pointless to revisit, at the risk of wasting the

Court‟s time.

22. This finally brings us back to our starting point: the link between the essential grounds

of the Judgment and the operative clause, for Thailand has totally failed to show why that clause

should be read independently of the grounds.

VI. The absence of any real arguments on the so-called separation between
the grounds and the operative part of a judgment

23. In order to avoid again irritating Professor Pellet, I will not repeat what was described as

73 74
matters of “obvious common-sense” or “doctrinal hot air” , which is not very charitable to

doctrine of which he is also part and which remains, albeit modestly, a “subsidiary means for

the determination of rules of law” according to Article 38 (1) (d) of this Court‟s Statute. The fact

remains that it would have been helpful if Thailand had explained to us and not only in terms of

the present case, but in general why it flatly denies this link between the essential reasoning and

the operative clause, a link now accepted, for purposes of interpretation, by all international

jurisdictions (which are again ignored by Thailand). Denial, however brilliant, cannot replace

explanation, but it would seem, it has to be said, that Thailand has little taste for legal argument.

73
CR 2013/4, p. 28, para. 9 (Pellet).
74Ibid. - 40 -

24. We can, on the other hand, agree that “an interpretation serves to elucidate matters what
75
is obscure, not to obscure what is clear” , which is to state the obvious. However, in this case the

obscurity persists, and that is why Cambodia has returned to the Court. Proof of this is the question

put to the Parties yesterday, to which my colleague Rodman Bundy replied: what, precisely, do the

two Parties regard as the “vicinity” of the Temple situated in Cambodian territory? It is clear that

this is not clear, or rather it is clear that the two States do not have the same understanding of the

“vicinity” of the Temple situated on Cambodian territory. An interpretation is thus necessary,

45
because Cambodia would also like to know what Thailand believes to represent the “vicinity”

situated on Cambodian territory: how many metres away, and above all on what basis that

“vicinity” has been defined. For that is also the question. Cambodia is able to state that its

interpretation derives from its understanding of the Judgment and that, in its view, the “vicinity”

situated on Cambodian territory can only correspond to the Court‟s finding in relation to the

frontier indicated on the Annex 1 map, which had been accepted by both Parties and recognized by

the Court in its reasoning. But what is the basis underlying Thailand‟s delimitation of the

“vicinity”? It seems to derive from a hypothetical watershed line which the Court rejected in 1962.

That at least is what must be understood from an extremely confused explanation, hiding behind an

incredible arsenal of maps. Or else it is a totally arbitrary line. There are thus only two possible

hypotheses for purposes of determining that boundary as far as Thailand is concerned: the line

refused in 1962, or an invented arbitrary line. Both are unacceptable. By contrast, as Cambodia

has confirmed, there does indeed exist an objective element the sole objective element

enabling the boundary between the two States to be ascertained, and that is in fact the line shown

on the Annex 1 map.

25. According to Professor Crawford, Cambodia has difficulty in setting out a coherent and

logical reading of the Judgment, because it “asks for a determination today that the Annex 1 map

line is to be considered as falling within the operative part” . And indeed, Thailand will continue

to have difficulties in understanding Cambodia‟s position if it continues to make it say what it has

not said, namely that it is asking for the Annex 1 map line be included in the operative clause.

75
Ibid., p. 29, para. 12 (Pellet).
7CR 2013/3, p. 66, para. 4 (Crawford). - 41 -

Thailand has this inexhaustible urge to misrepresent Cambodia‟s request: Cambodia cannot ask for

the impossible, and the Annex 1 map line cannot today be in the operative clause, since it was not

there in 1962.

26. Nor is Cambodia seeking “to interpret a ground in light of the operative clause”, to repeat

77
Professor Pellet‟s clever phrase , but in fact the opposite, and we do not need to revisit our

showing of this. And to return to the essence of the question before the Court, a passage from the

46 Judgment of 15 June 1962 cited yesterday by Thailand 78 can equally well be cited today by

Cambodia — and in full —, for there is nothing in that extract contrary to what Cambodia believes

to be the correct interpretation of the Judgment. In itself, it summarizes the greater part of the

relevant issues:

“Accordingly, the subject of the dispute submitted to the Court is confined to a
difference of view about sovereignty over the region of the Temple of Preah Vihear.
To decide this question of territorial sovereignty, the Court must have regard to the
frontier line between the two States in this sector. Maps have been submitted to it and
various considerations have been advanced in this connection. The Court will have

regard to each of these only to such extent as it may find in them reasons for the
decision it has to give in order to settle the sole dispute submitted to it, the subject of
which has just been stated.” (Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 14.)

The subject of the dispute was a difference of view about sovereignty over the region of the Temple

and not the Temple alone. To decide this territorial issue, the Court would be obliged to have

regard to the frontier between the two States in this sector, in other words to ascertain where the

frontier lay between the two States. The distinction between a territorial dispute and a frontier

dispute thus disappeared. Maps and considerations were submitted to it, and, as we know, the

Court would rely on just one relevant map, and the other considerations would provide support for

that evidence. Here again, Cambodia accepts that approach, for it meant that the Court would

construct its judgment on the basis of those reasons, of which it would rely on the essential one.

And the Court would do this in order to settle the dispute submitted to it, namely, as indicated at

the start of the quotation, a dispute concerning sovereignty over the region of the Temple of Preah

Vihear. I repeat: the Court would only take account of those considerations to such extent as it

might find in them reasons for its decision. That was also the view of Judges Tanaka and Morelli

77
CR 2013/4, p. 37, para. 32 (Pellet).
78CR 2013/4, p. 39, para. 36 (Pellet). - 42 -

in their Joint Declaration, where they stated: “The claim as it is formulated in Cambodia‟s

Application is directed not to the return of the Temple as such, but rather to sovereignty over the

portion of territory in which the Temple is situated.” (Ibid., p. 38.) Cambodia has nothing to add

to this common-sense finding. That is what the Court would proceed to do and what Cambodia

fully accepts, for it cannot mean that the Court had no regard for the essential ground on which it

would rely, and which conditioned the future operative clause. Without that ground, the Judgment

as it reads today would quite simply not exist.

47 VII. Confirmation of Cambodia’s consistent reading
of the 1962 Judgment

27. In conclusion, Cambodia would take this opportunity to repeat what it said at the start of

its oral argument, namely to re-present a simple summary of Cambodia‟s approach to this case now

before you. It is asking you to interpret the second paragraph of the operative clause of the

Judgment of 15 June 1962, in light of the first paragraph, in direct relation to Thailand‟s obligation

to withdraw its troops stationed at the Temple or “in its vicinity on Cambodian territory”. It

follows that the reference to Cambodian territory can only be understood in light of what the Court

said regarding the acceptance by both Parties of the Annex 1 map as indicating the frontier line in

the Temple region. That fundamental ground as stated by the Court is thus inseparable from the

operative clause. It follows that the obligation to evacuate the troops is a continuing one, which

must be understood in relation to the line indicated on the Annex 1 map, and that Thailand‟s

unilateral and deliberately restrictive interpretation of the Judgment is unacceptable.

28. Mr. President, Members of the Court, I thank you for your attention. I ask you,

Mr. President, kindly to give the floor to the Deputy Prime Minister, Agent of the Kingdom of

Cambodia.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to His Excellency

Mr. Hor Namhong, Deputy Prime Minister and Agent of the Kingdom of Cambodia. You have the

floor Excellency. - 43 -

Mr. HOR NAMHONG:

S UBMISSIONS

1. Mr. President, Members of the Court, it is a privilege for me to appear once again before

this honourable and prestigious Court in order to bring to a close the oral arguments of the

Kingdom of Cambodia. Before reading out the submissions, I should like, on behalf of my

delegation, to thank the Court for the attention and care it has shown in this case. The Kingdom of

Cambodia is especially grateful to the Court for having allowed the Parties to these proceedings to

give full expression to their views, by authorizing the presentation of written observations and

48 organizing a complete week of hearings. We should also like to thank the Registrar and his team,

whose efficiency and professionalism we have valued. I take this opportunity to commend in

particular the work of the interpreters, who have done a remarkable job with a very difficult task.

2. Mr. President, Members of the Court, as I stated at the opening of the oral proceedings on

15 April, it falls to me to underline the importance that Cambodia attaches to the Court‟s decision,

which will almost certainly affect the relations between the two States and on which depend peace

and security in the region. For Cambodia is convinced that the Court plays a fundamental role in

peaceful relations between peoples. In the absence of a definitive interpretation of the Judgment of

15 June 1962, the resultant maintenance of the status quo would assuredly have unfortunate

consequences, perpetuating an obstacle to the need for the two States to live together in a friendly,

peaceful and co-operative environment, particularly given that the Court must be aware of the way

in which Thailand is not fully implementing the provisional measures decided by this Court in its

Order of 18 July 2011.

3. As I recalled in my speech on Monday, Thailand‟s baseless claims for 4.6 sq km set out in

an official 2011 publication of the Thai Ministry of Foreign Affairs, the ongoing military

occupation of certain parts of Cambodian territory — notably Phnom Trap, in the vicinity of the

Temple — and the armed attacks resulting from those disputes, have led to deaths, injuries and

population displacements. This is no longer acceptable. These recent events thus justify

Cambodia‟s request for interpretation. It is my belief that the Court must not overlook this when

taking its decision. Accordingly, Cambodia calmly awaits the decision that the Court will adopt in - 44 -

order to bring to an end once and for all this dispute that precisely concerns the meaning and scope

of the 1962 Judgment, which is preventing the development of peaceful relations between two

neighbours who should normally be living together on friendly terms.

4. As Mr. Bundy was able to explain to the Court in response to the question put by Judge

Yusuf, since the delivery of the Court‟s Judgment of 15 June 1962 Cambodia has always

interpreted the “vicinity” of the Temple in relation to the line appearing on the Annex I map.

49 5. Mr. President, Members of the Court, Cambodia now comes to the submissions that it

would like to present to the Court. To this end, it will first recall the various conclusions set out in

its written and oral pleadings:

that the submissions made to the Court by each of the two Parties show, in the light of the facts

and in themselves, that the Parties are in disagreement regarding the meaning and scope of the

1962 Judgment; there is, therefore, clearly a dispute;

that the disputes between the Parties concern both the interpretation of the first and

second paragraphs of the operative clause of the 1962 Judgment, as well as the inseparable link

between those two paragraphs;

that each of those disputes concerns matters decided by the Court with binding force, including

“[a] difference of opinion as to whether a particular point has or has not been decided with

binding force” (Interpretation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judgment

No. 11, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 13, pp. 11-12);

that the Court‟s findings in the Judgment of 15 June 1962 regarding the binding nature of the

line on the Annex I map are inseparable from the operative clause and indispensable for the

interpretation of the Judgment;

that on account of the Court‟s decision concerning the legal status of the Annex I map as

representing the frontier between the two States, the expressions “situated in territory under the

sovereignty of Cambodia” (first paragraph of the operative clause) and “on Cambodian

territory” (second paragraph of the operative clause) must be understood in the light of that

frontier in the region of the Temple of Preah Vihear; - 45 -

that the obligation to withdraw set out in the second paragraph of the operative clause must be

understood as a continuing obligation extending to any territory falling under the sovereignty

of Cambodia as thus defined in the area in dispute.

6. Rejecting the submissions of the Kingdom of Thailand, and on the basis of the foregoing,

Cambodia respectfully asks the Court, under Article 60 of its Statute, to respond to Cambodia‟s

request for interpretation of its Judgment of 15 June 1962. In Cambodia‟s view: “the Temple of

Preah Vihear is situated in territory under the sovereignty of Cambodia” (first paragraph of the

operative clause), which is the legal consequence of the fact that the Temple is situated on the

50 Cambodian side of the frontier, as that frontier was recognized by the Court in its Judgment.

Therefore, the obligation incumbent upon Thailand to “withdraw any military or police forces, or

other guards or keepers, stationed by her at the Temple, or in its vicinity on Cambodian territory”

(second paragraph of the operative clause) is a particular consequence of the general and

continuing obligation to respect the integrity of the territory of Cambodia, that territory having

been delimited in the region of the Temple and its vicinity by the line on the Annex I map, on

which the Judgment of the Court is based.

Mr. President, Members of the Court, I thank you for your attention.

The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency. The Court takes note of the final

submissions which you have just read out on behalf of the Kingdom of Cambodia. The Kingdom

of Thailand will present its second round of oral argument tomorrow, on Friday 19 April, from

3 p.m. to 5 p.m.

The sitting is closed.

The Court rose at 4.55 p.m.

___________

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