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CR 2009/25 (traduction)

CR 2009/25 (translation)

er
Mardi 1 décembre 2009 à 15 heures

Tuesday 1 December 2009 at 3 p.m. - 2 -

6 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.

La Cour se réunit cet après-midi pour entendr e les auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance.

Je donne donc à présent la parole à S. Exc. M. Skender Hyseni.

HYMS.:ENI

I.INTRODUCTION

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un honneur de me présenter aujourd’hui

devant vous. Je tiens à exprimer d’emblée notre gratitude envers la Cour qui nous a invité à

participer tant à la phase écrite de la procédure qu’à la présente audience. Ces débats sont d’une

grande importance pour le peuple de la République du Kosovo, qui les suit avec une vive attention.

I. Le Kosovo aujourd’hui

2. La question posée à la Cour concerne une certaine déclaration d’indépendance qui a été

faite un certain jour de février 2008. Mais permettez-moi tout d’abord de dire quelques mots sur la

situation du Kosovo aujourd’hui, afin d’apporter à ces débats des éléments contextuels importants.

3. En juin2008, c’est-à-dire quelques mois seulement après la proclamation de

l’indépendance en février 2008, la constitution de la République du Kosovo est entrée en vigueur.

Cette constitution est en accord avec la propos ition de règlement pour l’ indépendance du Kosovo

mise au point en2007 par le présidentAhtisaari, représentant spécial du Secrétaire général (le

«règlementAhtisaari»). La constitution du Ko sovo est une constitution moderne, qui intègre

effectivement les normes internationales les plus ex igeantes en matière de droits de l’homme et de

droits des minorités. Elle protège les droits de tous les citoyens du Kosovo et elle accorde des

droits spéciaux aux diverses communautés qui vivent au Kosovo. Le peuple du Kosovo est fier de

ce document fondateur.

4. Les institutions de la République du Kosovo, qui comprennent l’ensemble des trois

branches du gouvernement, sont bien établies. Comme le prévoit la constitution, une assemblée est

chargée de débattre et d’adopter des textes législatifs et, à ce jour, elle a produit environ 120 lois.

En outre, un vaste ensemble de ministères a pplique les lois du Kosovo, dans des domaines - 3 -

importants comme, entre autres, les affaires ét rangères, les échanges extérieurs, le commerce

intérieur, la protection de l’environnement, les relations salariales ou l’agriculture. Un grand

nombre de tribunaux sont en place au Kosovo, où ils jugent tant en première instance qu’en appel,

pour faire respecter ces lois au civil et au pé nal, et la Cour constitutionnelle a commencé ses

activités au début de cette année.

7 5. Ces lois couvrent des domaines décisifs, comme l’envisageait le règlement Ahtisaari, tels

que la décentralisation du gouvernement, la protection des droits des minorités et la préservation de

l’héritage culturel et religieux. Tant la nouvelle constitution que l’adoption et l’application de ces

lois ont créé les conditions préalab les fondamentales de l’applicati on du règlementAhtisaari dans

son intégralité.

6. Malgré les affirmations c ontraires de la Serbie, et même malgré les pressions serbes, les

Serbes du Kosovo prennent de plus en plus part au renforcement des institutions du Kosovo. La

réconciliation de toutes nos communautés est une pr iorité permanente des institutions de la

République du Kosovo. Un conseil consultatif des communautés a été mis en place à la présidence

du Kosovo et le premier ministre a créé un bureau spécial chargé de la communication avec les

communautés ethniques minoritaires.

7. La constitution de la République du Kosovo et un certain nombre de textes législatifs

régissent la tenue des élections au Kosovo. La lo i sur les élections générales, ainsi que celle qui

concerne les élections municipales, ont été a doptées en juin2008. La commission électorale

centrale du Kosovo a ainsi été pleinement chargée d’organiser la tenue, le 15 novembre 2009, des

élections des assemblées et des maires de 36muni cipalités dans l’ensemble du Kosovo. J’ai le

plaisir d’annoncer à la Cour que la participa tion des communautés non majoritaires aux élections

de novembre a été appréciable. Sur les 74en tités qui ont été certifiées pour se présenter à ces

élections, 40représentent diverses communaut és minoritaires. Vingt-deux sont des entités

politiques serbes du Kosovo. La participation des membres de la communauté serbe à cette

élection a été satisfaisante en dépit des appels au boycott de Belgrade. Dans une résolution qu’il a

adoptée jeudi dernier, le 26 novembre, le parlemen t européen s’est félicité de la participation sans

précédent des Serbes du Kosovo, et il l’a considérée comme un signe encourageant de ce que la - 4 -

communauté serbe du Kosovo est disposée à assu mer ses responsabilités dans les institutions du

Kosovo. La création d’un Kosovo multiethnique enregistre une impulsion nouvelle.

8. Dans leurs déclarations finales, les mi ssions d’observation des élections du 15novembre

ont qualifié celles-ci de libres, justes et démocratiques. La délégation ad hoc du parlement

européen a salué dans sa déclaration le processus de décentralisation en cours et la journée

électorale pacifique au Kosovo. Dans sa déclaration, la présidence de l’UE s’est félicitée de la

tenue régulière des élections municipales, ainsi que de la large participation des différents groupes

ethniques. La tenue régulière des élections de novembre a aussi été saluée dans différentes

8 déclarations faites par nombre de gouvernements et de missions d’observation d’Europe et

d’ailleurs. Des réactions très positives à ces élections ont émané du Secrétaire général de l’OTAN,

du représentant spécial de l’Union européenne au Kosovo, des ambassadeurs de divers pays

accrédités à Pristina et de diverses ONG nationales et internationales. Enfin, le représentant spécial

du Secrétaire général a considéré l’évolution généra le en direction d’une participation plus active

de la communauté serbe du Kosovo comme un pas encourageant vers la réconciliation à long terme

et l’intégration avec la communauté locale.

9. La communauté internationale a joué un rôle décisif pour assurer la paix et la sécurité et

pour apporter l’espoir au peuple du Kosovo. La mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) a

apporté un appui important au peuple du Kosovo en préparant nos institutions afin qu’elles soient

prêtes pour l’indépendance. A présent, après l’ indépendance, EULEX apporte une assistance dans

le domaine de l’état de droit. Le peuple du Kosovo est reconnaissant de toutes les contributions qui

ont été et qui sont apportées à l’appui de son développement.

10. En ce qui concerne nos relations avec les autres Etats, 63d’entre-eux ont à présent

reconnu le Kosovo comme un Etat souverain et indé pendant. En Europe, la vaste majorité des

Etats ont reconnu le Kosovo, y compris tous nos voisins immédiats, à l’exception de la Serbie.

D’autres Etats ont pris des dispositions qui signalent clairement une acceptation de la souveraineté

du Kosovo. Cent-neuf Etats au total ont appuyé l’adhésion du Kosovo au Fond monétaire

international et à la Banque mondiale.

11. Le Kosovo a engagé des relations diplomatiques avec de nombreux Etats. Nous avons à

présent vingt et une missions diplomatiques et neuf postes consulaires dans le monde. Nous avons - 5 -

conclu un certain nombre de traités bilatéraux, notamment avec l’Albanie, l’Autriche, le Danemark,

les Etats-Unis d’Amérique, le Luxembourg, la Slovénie et la Turquie. Le 17octobre de cette

année, nous avons conclu un accord frontalie r avec la République de Macédoine, comme

l’envisageait le règlementAhtisaari. Nous a vons récemment conclu, avec la Belgique, notre

premier accord de succession à un traité. Des représentants du Kosovo continuent de tenir de

nombreuses réunions bilatérales et international es, tant au Kosovo qu’à l’étranger, avec leurs

homologues d’autres Etats.

12. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, nous sommes aujourd’hui en paix mais,

comme vous le savez, il fut un temps où la situ ation au Kosovo était différente. Cela est

abondamment démontré, notamment dans le jugement Milutinović rendu en février dernier par le

9 TPIY. Nous ne pouvons et ne devons pas oublier les crimes contre l’humanité et autres horreurs

qui ont été infligés au peuple du Kosovo ; cela ne doit jamais se reproduire.

13. Pourtant Monsieur le président, nous sommes, au Kosovo, fermement résolus et

déterminés à regarder vers l’avenir. Il y a mainte nant, enfin, la paix et la sécurité au Kosovo et

dans la région ; nous sommes déterminés à préserver cette paix. Il y a maintenant des protections

constitutionnelles des droits de l’homme au Kosovo, et dans la région ; nous sommes déterminés à

préserver ces protections. Plus que jamais, il est à présent certain que le futur commun du Kosovo

et de la Serbie réside dans l’adhésion, à te rme, des deux Etats à l’Union européenne, comme

l’envisage le dernier rapport de la Commission européenne publié en octobre. A vrai dire, l’avenir

de l’ensemble des sept Etats des Balkans occidentaux réside dans l’intégration européenne.

14. Nous attendons aussi avec impatience le jour où nous pourrons prendre notre place parmi

les Membres de l’Organisation des NationsUn ies. Les engagements exprimés dans notre

déclaration d’indépendance et dans notre constitution démontrent notre volonté d’assumer la

responsabilité que comporte cette adhésion. Qui plus est, le gouvernement a établi un projet de loi

destiné à permettre au Kosovo d’appliquer les sanctions ordonnées par le Conseil de sécurité, projet

de loi que l’Assemblée devrait adopter prochainement. - 6 -

B. L’impossibilité et la futilité de poursuivre les négociations sur le statut

15. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, compte tenu de tout ce qui s’est passé, il est

inconcevable que nous puissions accepter le retour en arrière que demande la Serbie ⎯ c’est-à-dire

la tenue de nouvelles négociations sur la question de savoir si la Serbie acceptera ou non que le

Kosovo soit un Etat indépendant. Cela causerait de graves perturbations et risquerait même de

déclencher un nouveau conflit dans la région. L’ ’indépendance du Kosovo est irréversible et rien

n’y changera. C’est dans l’intérêt non seulement du Kosovo, mais aussi du maintien de la paix et

de la sécurité dans la région, auquel l’indépendance du Kosovo a tant contribué.

16. Comme la Cour s’en souviendra, dès 2005 il a été largement admis par la communauté

internationale que le statu quo au Kosovo était in tenable. En conséquence, tout au long des

années2006 et 2007, des négociations intensives furent tenues sur le statut final du Kosovo, et

notamment sur des questions comme la décentralisa tion, la protection de l’héritage culturel et

religieux et les droits des minorités. L’envoyé sp écial du Secrétaire général, Martti Ahtisaari, qui

est à présent lauréat du prix Nobel de la paix , prépara un règlement détaillé qui comprenait un

10 ensemble de mesures destinées à protéger les minorités du Kosovo et une recommandation tendant

à l’indépendance du Kosovo. Ce faisant, le pr ésidentAhtisaari reconnaissait qu’en aucun cas le

Kosovo et la Serbie ne pourraient rester ensemb le dans un même Etat après les atrocités des

années1990. Le règlement fut approuvé par l’Unio n européenne et l’OTAN. Il fut appuyé sans

réserve par le Secrétaire Général de l’ONU. Il bé néficiait d’un large appui international. Mais il

fut rejeté par la Serbie.

17. Après une période de discussions au Conse il de Sécurité et l’envoi par celui-ci d’une

mission dans la région, le groupe de contact (com prenant l’Allemagne, les Etats-Unis, la France,

l’Italie, le Royaume-Uni et la Fédération de Russie) proposa qu’une «troïka» constituée de

représentants des Etats-Unis, de l’Union européenne et de la Fédération de Russie fasse une

dernière tentative pour trouver un terrain d’entente entre Pristina et Belgrade. Lorsque cette action

fut engagée, l’ambassadeur d’Alle magne, Wolfgang Ischinger, déclara qu’aucune piste ne serait

négligée dans la recherche d’une solution mutuellement acceptable.

18. Le Kosovo s’engagea activement et de bonne foi dans les pourparlers sous l’égide de la

troïka. Pourtant, une solution mutuellement accep table restait impossible, en premier lieu à cause - 7 -

de l’intransigeance de la Serbie qui s’obstinait à ne voir dans le Kosovo qu’une partie de territoire

devant lui revenir, sans aucun égard pour les espoi rs, les aspirations et les craintes du peuple qui

l’habitait.

19. Aucune piste n’ayant été négligée, le peuple du Kosovo devait aller de l’avant.

L’incertitude quant au statut freinait notre économie car elle dissuadait les investisseurs

internationaux et nous privait de l’accès aux crédits des institutions financières internationales.

L’incertitude quant au statut empêchait le peuple du Kosovo de s’approprier pleinement ses propres

institutions démocratiques. En bref, cette incertitude privait le peuple du Kosovo, et même toute la

région, d’une feuille de route claire pour l’avenir. Nous étions épuisés après 20 ans d’isolement, de

guerre et d’incertitude politique.

20. Faute d’un accord entre le Kosovo et la Serbie, l’indépendance fut la solution retenue par

l’envoyé spécial. C’était la solution retenue par le Secrétaire Général de l’ONU. C’était la solution

préconisée par de nombreux membres de la communauté internationale, y compris des Etats

d’Europe et des Balkans, qui savaient bien qu’un maintien de l’incertitude quant au statut du

Kosovo aurait eu de graves effets perturbateurs, me naçant sur place et dans la région la paix qui

avait été si durement gagnée. L’indépendance est donc la voie qu’a finalement suivie le peuple du
11

Kosovo, le 17 février 2008, par l’intermédiaire de ses représentants démocratiquement élus.

21. Ceux qui préconisent aujourd’hui une repr ise des négociations, soit ignorent la situation

et les vastes efforts déployés pour obtenir un con sensus soit, pire, cherchent activement à semer le

désordre dans la région. Les pays de cette région qui ont reconnu le Kosovo, en particulier tous les

voisins immédiats de celui-ci à l’exception de la Serbie, n’ont cessé d’insister sur ce point.

C. La déclaration d’indépendance

22. Monsieur le président, je vais à présen t examiner plus précisément la déclaration

d’indépendance qui a été faite par les représentants du peuple du Kosovo le 18 février 2008. Après

plusieurs dispositions préambulaires, elle comprend 12 paragraphes.

23. Le paragraphe1 est ainsi libellé: «Nous, les représentants de notre peuple,

démocratiquement élus, déclarons par la présen te que le Kosovo est un Etat indépendant et

souverain». - 8 -

24. Comme l’indique la déclaration, ainsi que notre Constitution, le Kosovo s’est engagé à

respecter le droit international, y compris les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité. Cet

engagement n’a pas faibli. Je l’ai réaffirmé à chaque fois que je me suis présenté cette année

devant le Conseil de sécurité.

25. Un autre aspect important de la déclaration d’indépendance est l’engagement, exprimé au

paragraphe2, à respecter les princi pes de la démocratie, de la laïcité, de la multiethnicité et de la

non-discrimination. Les principes fondamentaux d es droits de l’homme sont essentiels pour le

Kosovo. Aux termes du paragra phe3, nous avons accepté sans réserve toutes les obligations

énoncées dans le règlement Ahtisaari, y compris la protection et la promotion des droits de toutes

les communautés au Kosovo.

26. Le dernier aspect de la déclaration d’indépendance que je voudrais mettre en exergue

tient au fait que celle-ci a été faite au nom du peuple du Kosovo, par ses représentants

démocratiquement élus, réunis dans une session ex traordinaire à Pristina et formant un organe

constituant, comme un certain nombre d’Etats l’ont à juste titre souligné dans leurs exposés écrits 3.

12 La déclaration n’est pas un acte des «instituti ons provisoires d’administration autonome du

Kosovo» [«Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo»] ni de l’Assemblée du Kosovo

agissant en qualité d’organe de ces institutions. Co mme je l’ai exposé au Conseil de sécurité en

juin dernier : «l’indépendance de la République du Kosovo a été déclarée par des représentants élus

du peuple kosovar, notamment par tous les repr ésentants élus des communautés non albanaises à

l’exception des membres de la communauté serbe.» 4

27. La déclaration d’indépendance est la manif estation et la réalisation de la volonté du

peuple du Kosovo. Cette volonté de déterminer lib rement le statut politique du Kosovo remonte à

bien des années. Cela s’est clairement imposé à tous les participants de la conférence de

Rambouillet de 1999. Cela a été reconnu, à trav ers la clause faisant référence à «la volonté du

peuple» de l’accord intérimaire de Rambouillet, comme l’élément essentiel du règlement du statut

La numérotation des notes de bas de page commence au chiffre 3 pour raisons techniques.
3 Kosovo, contribution écrite additionnelle , par.1.23. Voir, par exemple, Allemagne, p.4-5; Autriche, par.8;

Etats-Unis d’Amérique, p. 27-28 ; Luxembourg, par. 13 ; Royaume-Uni, par. 1.12 ; Suisse, par. 79.
4 Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, Soixante-quatrième année, 6144 esession, 17juin2009,
S/PV.6144, p. 23. - 9 -

final du Kosovo. Cela était clair juste après le conflit de 1999, lors que la résolution1244 a

expressément fait référence aux accords de Rambouillet. Cela était clair tout au long de la période

d’administration de la MINUK et cela a été pleinement examiné et considéré tout au long des

négociations sur le statut final.

D. Les relations futures du Kosovo avec la Serbie et les pays de la région

28. Malgré les difficultés du passé et les sou ffrances que le peuple du Kosovo a endurées,

nous tenons toujours à entretenir des relations de bon voisinage avec la Serbie. Nous serions

heureux de pouvoir nous entretenir avec la Serbie de questions pratiques d’intérêt mutuel. C’était

d’ailleurs envisagé dans le règlement Ahtisaari, et nous l’avons accepté sans arrière pensée dans

notre déclaration d’indépendance. De tels échanges de vues seraient normaux entre Etats voisins

souverains et indépendants.

29. Mais de tels échanges doivent se tenir sur un pied d’égalité, entre deux Etats souverains.

Nous ne pouvons nous engager da ns des négociations où notre statut d’Etat souverain et

indépendant serait remis en question. Aucun retour en arrière n’est possible. Toutes les tentatives

en ce sens auraient des effets gravement perturbateurs et menaceraient la paix et la sécurité dans la

région.

30. La stabilité régionale et la coopération avec tous nos voisins restent l’une des principales

priorités du Kosovo. Nous espérons que le temps venu, la République de Serbie s’associera aux

efforts que déploient les autres pays des Balkans occidentaux pour établir un cadre de coopération

et de compréhension mutuelle dans toute la région.

13 E. Présentation de l’argumentation juridique

31. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, nous maintenons ce que nous avons indiqué

dans notre contribution écrite d’avril dernier et dans notre contribution écrite additionnelle de

juillet. Un nombre considérable de pays Membres de l’Organisation des Nations Unies ont déposé

des exposés écrits et des observations écrites, ou s’adresseront à la Cour pendant ces audiences, à

l’appui de la position selon laquelle la déclara tion d’indépendance n’a enfreint aucune règle

applicable du droit international. Nous sommes très sensibles à leur soutien. - 10 -

32. Monsieur le président, nos conseils vont à présent exposer les principaux éléments de

notre argumentation, exposé au terme duquel nous dema nderons à la Cour de dire, si elle juge bon

de répondre à la question posée, que la déclarati on d’indépendance du 17 février 2008 n’a enfreint

aucune règle applicable du droit international.

33. Monsieur le président, je vous prie à présent de bien vouloir inviter Monsieur

Michael Wood à poursuivre l’exposé de la thèse du Ko sovo et je vous remercie vivement de votre

attention.

LE PRESIDENT : Je remercie S. Exc. M. Skende r Hyseni, et appelle maintenant à la barre

M. Michael Wood.

Sir Michael WOOD :

II.R ÉSUMÉ DE L ’ARGUMENTATION JURIDIQUE ET DU CONTEXTE FACTUEL

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que de me

présenter devant vous dans le cadre de la présente instance.

2. Je me propose, pour commencer, de rappe ler brièvement notre analyse juridique de

l’affaire. J’aborderai ensuite certains des prin cipaux évènements qui se sont produits entre1998

et 2007 et qui constituent le contexte essentiel de la proclamation de la déclaration d’indépendance.

Mes collègues, M. Daniel Müller et M.Sean Murphy, procéderont ensuite à un examen plus

approfondi des questions juridiques.

A. Résumé de l’argumentation juridique

3. Notre argumentation juridique peut être résumée en cinq points :

14 4. Premièrement, la Cour devra s’interroger sur l’opportunité judiciaire de répondre à la

question qui lui est posée par l’Assemblée générale. Nous constatons qu’un certain nombre d’Etats

ont émis de sérieux doutes à cet égard 5.

5. Deuxièmement, ainsi que de nombreux Etats l’ont clairement indiqué dans leurs écritures,

la question que l’Assemblée générale pose à la Cour est limitée et précise 6. Elle porte uniquement

5 Voir les exposés écrits de la République Tchèque, p.3-5; de la France, p.15-33, par.1.1-1.42; de l’Albanie,
p.30-37, par.54-70; des Etats-Unis d’Amérique, p.41-4de l’Irlande, p.2-4, par.8- 12; ainsi que les observations

écrites de la France, p. 1-10, par. 4-23 ; de l’Albanie, p. 24-26, par. 39-43 ; et des Etats-Unis d’Amérique, p. 10-12. - 11 -

sur la déclaration d’indépendance du 17 février 2008. Elle ne concerne ni les questions relatives à

la qualité d’Etat, ni celle de la reconnaissance d’un Etat ou de sa qualité de membre d’organisations

internationales. Sur ce point au moins, il semble rait qu’un certain accord se dégage aujourd’hui.

Aussi nous abstiendrons-nous de tout commentaire sur ce que MM. Shaw et Kohen ont dit ce matin

à propos de la qualité d’Etat du Kosovo. Nous avons exposé nos vues sur la question dans nos

écritures, notamment au chapitre 2 de notre contribution écrite additionnelle. Il ne fait aucun doute

que le Kosovo est aujourd’hui un Etat souverain et indépendant. Ce qui nous a été dit ce matin sur

la position actuelle des acteurs internationaux au Kosovo n’a aucun fondement dans la réalité,

comme nous l’avons expliqué en détail dans notre contribution écrite additionnelle.

6. Troisièmement, le droit international général ne contient aucune règle permettant

d’apprécier la licéité d’une déclaration d’indé pendance telle que celle du 17février2008. Le

principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale n’aurait notamment pas pu être invoqué pour

interdire la promulgation de la déclaration.

7. Quatrièmement, rien dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité n’interdisait la

proclamation de l’indépendance en 2008.

8. Cinquièmement, dans leurs écritures, certains Etats ont particulièrement insisté sur le

principe de l’autodétermination. Nous ne nous y référons qu ’à titre de point subsidiaire ou

parallèle. Selon nous, point n’est besoin que la C our s’intéresse à cette question. Si elle devait

néanmoins le faire, notre position est claire: en février2008, le peuple du Kosovo avait le droit

d’exercer son droit à l’autodétermination et il l’a fait en choisissant l’indépendance. Nous
15

souscrivons aux vues exprimées par les Etats qui, co mme l’Albanie et la Suisse, sont parvenus à

cette conclusion 7.

6Voir les exposés écrits de la République Tchèque, p. 6 ; de la France, p. 36, par. 2.3 ; de l’Autriche, p. 3, par. 2 ;
de l’Egypte, p.3-4, par.7; de l’Allema gne, p.5-6; de la Pologne, p.4, par. 2.1; du Luxembourg, p.5-6, par.9-12; du
Royaume-Uni, p.25, par.1.16; des Etats-Unis d’Amérique, p. 45-46; de la Serbie, p.26-27, par.19-23; de l’Espagne,
p. 7, par. 6 iii) ; de l’Estonie, p. 2 ; du Japon, p. 1 et 2 ; et du Danemark, p. 2. Voir également les observations écrites d e
la Norvège, p.3, par.7; de la Serbie, p.28, par.45 ; de l’Allemagne, p.3; des Pa ys-Bas, p. 2, par. 2.1 ; du
Royaume-Uni, p. 5, par. 9 ; et des Etats-Unis d’Amérique, p. 10.

7Voir les observations écrites de la Suisse, p.15-26, par. 57-96 ; de l’Albanie, p. 40-44, par. 75-85 ; de
l’Allemagne, p.32-37; de la Finlande, p. 3-5, par.7-12; de la Pologne, p.24-29par.6.1-6.16; de l’Estonie, p.4-12;
des Pays-Bas, p. 3-7, par. 3.1-3.11 ; de la Slovénie, p. 2 ; de la Lituanie, p. 1, point 1 ; de l’Irlande, p. 8-12, par. 27-34 ; et
du Danemark, p.12-13. Voir également le s observations écrites de l’Albanie, p.31-36, par.55-65; et de la Suisse,
p. 2-3, par. 6-9. - 12 -

B. Principaux événements

9. Monsieur le président, Messieurs de la C our, je vais maintenant rappeler les principaux

événements qui ont conduit à l’adoption de la déclaration d’indépendance — au nom du peuple du

Kosovo — il y a aujourd’hui près de deux ans, le 17 fé vrier 2008. Si je le fais, c’est parce qu’il est

important de comprendre le contexte dans lequel cette déclaration a vu le jour.

10. Le jugement Milutinović, rendu le 26 février 2009 par une chambre de première instance

du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, contient un exposé détaillé et faisant autorité de nombreuses

8
questions de fait pertinentes aux fins de la présente instance . Le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a

examiné de manière approfondie certaines questions telles que celle de la dualité du Kosovo au

9
sein de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, la RFSY, et de la Serbie avant 1989 ; il

s’est également intéressé aux événements de 1989, lorsque le président de la RFY,

Slobodan Milošević, a illégalement privé le Kosovo de son statut d’entité fédérale 10, ainsi qu’à

11 12
ceux qui ont précédé les atrocités de 1998-1999 , et à ces atrocités elles-mêmes .

11. Le jugement Milutinović contient, pour reprendre les te rmes employés par la Cour dans

l’arrêt qu’elle a rendu en 2007 en l’affaire du Génocide (Bosnie c. Serbie), des «éléments de preuve

obtenus par l’audition d’individus directement con cernés et soumis à un contre-interrogatoire par

des juges rompus à l’examen et à l’appréciation de grandes quantités d’informations factuelles,

parfois de nature technique» ( Application de la convention pour la prévention et la répression du

crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.Serb ie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J.Recueil2007 ,

16 p. 131, par. 213 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo

c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 35, para. 61). Dans cet arrêt — l’arrêt rendu en l’affaire

du Génocide —, après avoir examiné de près les déci sions du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, la

Cour a conclu «qu’elle d[evait] en princi pe admettre comme hautement convaincantes les

conclusions de fait pertinentes auxquelles est parvenu le Tribunal en première instance, à moins,

8
Le procureur o. Milan Milutinović, Nikola Šainović, Dragoljub Ojdanić, Nebojša Pavković, Vladimir Lazarević,
Sreten Lukić, affaire nT-05-87-T, jugement du 26février2009 (disponible en anglais sur le site Internet du TPIY:
http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug). Voir les citations figurant dans la contribution écrite, par.3.20, 3.27,
3.33, 3.49, 3.51, 3.52.
9
Contribution écrite, par. 3.20.
10
Ibid., par. 3.27.
11Ibid., par. 3.33.

12Ibid., par. 3.49 et 3.51. - 13 -

évidemment, qu’elles n’aient été infirmées en appel» ( Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro),

arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p.134, par.223). D’après l’arrêt de la Cour, même la Serbie

«faisait … fond sur la jurisprudence du Tribunal» (ibid., p. 131, par. 215) tant de première instance

que d’appel. Même si, comme les membres de la Cour le savent, le jugement Milutinović fait

aujourd’hui l’objet d’un appel —appel qui peut également porter sur l’appréciation faite par la

chambre de première instance de certains éléments de fait—, nous considérons que la Cour peut

accorder du poids aux conclusions du Tribunal sur certaines questions de fait pertinentes aux fins

de la présente instance.

1. Les événements antérieurs à 1998

12. Monsieur le président, j’en viens main tenant aux données factuelles et commencerai par

rappeler brièvement trois éléments importants du passé, dont les effets se font encore sentir

aujourd’hui. Si je le fais, c’est parce que la Serbie a présenté dans ses écritures une version

déformée de l’histoire à laquelle on ne peut prêter foi. La catastrophe humanitaire des années 1998

et 1999, ainsi que l’adoption de la résolution 1244, ne sont pas des événements surgis de nulle part.

Le3. premier élément est le suivant. De 1912 à 19 18, le Kosovo (qui, depuis des siècles,

faisait partie de l’Empire Ottoman) fut occupé pa r la force par le Royaume de Serbie, avant d’être

incorporé au nouvel Etat slave méridional. Il fu t aussitôt l’objet d’une colonisation massive.

S’ensuivit une période de persécutions ⎯ y compris ce qui s’appellerait aujourd’hui un «nettoyage

ethnique» ⎯ et ce, pendant une grande partie des années 1920 13. Dans les années 1950 et 1960, la

République fédérale populaire de Yougoslavie fut le théâtre d’une répression brutale orchestrée par
14
le ministre de l’intérieur, Aleksandar Ranković .

17 14. Deuxièmement, le Kosovo a longtemps eu un statut distinct de celui de la Serbie. Il était

depuis1946 une entité fédérale à part entière de la Fédération yougoslave, au même titre que la

Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro et la Slovénie. En présentant l
e

Kosovo comme une entité qui, constitutionnellement, éta it totalement sous son contrôle, la Serbie

13
Ibid., par. 3.03-3.07 ; contribution écrite additionnelle, par. 3.08-3.11.
14
Contribution écrite, par. 3.13. - 14 -

ne dit pas vrai. Après la deuxième guerre mondiale, et plus particulièrement sous le régime de la

Constitution de1974 de la Républi que fédérative socialiste de Yougoslavie (RFSY), le Kosovo

jouissait du statut d’entité fédérale au sein de la Fé dération yougoslave, statut qui, en vertu de cette

Constitution, était en substance le même que celui des six républiques: le Kosovo opérait et était

15
directement représenté au niveau fédéral . Il avait donc un double statut puisqu’il était à la fois

une entité d’un Etat fédéral ⎯ au même titre que les six républiques ⎯ et une province autonome

au sein de la Serbie. En vertu de la cons titution fédérale, le Kos ovo jouissait de garanties

constitutionnelles spécifiques vis-à-vis de la Serbie, garanties qui ne pouvaient survivre à la

dissolution de la Fédération yougoslave. Il n’a ja mais accepté de n’être qu’une partie autonome

d’une Serbie souveraine. Monsie ur le président, Messieurs de la Cour, tout cela est fort bien

exposé dans le jugement Milutinović du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie 16, ainsi que dans les

observations écrites de la Slovénie 17.

15. Contrairement à ce que M. Kohen a indiqué ce matin, le régime de Milošević a privé par

la force le Kosovo de son autonomie en1989, en recourant à l’intimidation et en violation des

Constitutions de la RFSY, de la Serbie et du Kosovo 18. Cela a également été fort bien exposé par

19
le Tribunal pour l’ex-Yougos lavie dans le jugement Milutinović , ainsi que par la Slovénie dans

ses observations écrites 20. La Slovénie, par exemple, décrit la teneur réelle de la décision de la

Cour constitutionnelle de la RFSY, comme nous le faisons dans notre contribution écrite

additionnelle. Comme elle l’indique en conclusion,

«L’analyse de l’histoire juridique et d’autres événements montre que les
amendements constitutionnels de1989 et le s lois qui, adoptées sur la base de ces
amendements, ont encadré les diverses mesures qui devaient aboutir au

15 Contribution écrite, par. 3.15-3.22 ; contribution écrite additionnelle, par. 3.17-3.28.

16 Le procureur c. Milan Milutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć, Vladimir
Lazarević, Sreten Lukić, affaire n IT-05-87-T, jugement du 26 février 2009 (disponible en anglais sur le site Internet du
TPIY : http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug), par. 213, cité dans la contribution écrite, par. 3.20.

17 Observations écrites de la Slovénie, par. 9-110.

18 Contribution écrite, par. 3.23-3.28 ; contribution écrite additionnelle, par. 3.29-3.33.
19
Le procureur c. Milan oilutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć, Vladimir
Lazarević, Sreten Lukić, affaire n IT-05-87-T, jugement du 26 février 2009 (disponible en anglais sur le site Internet du
TPIY : http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug), par. 217-221, cité dans la contribution écrite, par. 3.27.
20
Observations écrites de la Slovénie, par. 25-34. - 15 -

18 démantèlement de l’autonomie du Kosovo vi olaient la Constitution de 1974 de la
RFSY ainsi que le principe de la primauté du droit.» 21

16. Enfin, le troisième élément, qui remonte à la période antérieure à1999 et que je

rappellerai brièvement ⎯ sachant que le souvenir est resté gravé dans la mémoire de nombreuses

personnes vivant au Kosovo aujourd’hui ⎯, a trait à la discrimination et aux violations massives

des droits de l’homme qui se sont produites dès la fin des années 1980 et poursuivies tout au long

des années 1990 22. Il est également rendu compte en détail de cette période tragique pour le peuple

23
du Kosovo dans le jugement Milutinović , de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale et

du Conseil de sécurité 24, ainsi que dans d’autres documents des Nations Unies auxquels nous nous

25
sommes référés dans notre contribution écrite .

2. La catastrophe humanitaire de 1998-1999

17. Monsieur le président, j’en viens maintenant à la catastrophe humanitaire de1998

et 1999. Comme les membres de la Cour s’en souviendront, la crise humanitaire du Kosovo a pris,

à cette époque, une ampleur inimaginable. L’incapacité de la nouvelle structure institutionnelle de

la République fédérale de Yougoslavie (RFY) à protéger les droits de l’homme du peuple kosovar

est devenue patente dans les années1990. Cette situation a finalement débouché sur des crimes

contre l’humanité, un nettoyage ethnique et d’autres crimes de guerre qui ont fait un très grand

nombre de réfugiés et donc de personnes déplacées dans leur propre pays: environ90% des

Albanais du Kosovo ont été forcés de quitter leurs foyers et de fuir, bien souvent dans les

montagnes ou dans des pays voisins. Dans l’affaire Milutinović, le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie

a jugé que les attaques menées contre les Albanais du Kosovo étaient le résultat d’une politique

délibérée des autorités de la RFY et de la Serbie et qu’elle représentait une réaction totalement

21Ibid., par. 111.
22
Contribution écrite, par. 3.29-3.37 ; contribution écrite additionnelle, par. 3.34-3.50.
23
Le procureur c. MilanoMilutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć, Vladimir
Lazarević, Sreten Lukić, affaire n IT-05-87-T, jugement du 26 février 2009 (disponible en anglais sur le site Internet du
TPIY : http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug), par. 223-229, cité dans la contribution écrite, par. 3.33.
24
Résolutions de l’Assemblée générale 48/153, 20 décembre1993 ; 49/204, 23 décembre 1994 ; 50/190,
22 décembre 1995 ; 51/111, 12 décembre 1996 ; 52/139, 12 décembre 1997 ; 53/164, 9 décembre 1998 ; et 54/183,
17décembre1999. En1992, la situation des droits de l’ homme au Kosovo a fait l’objet de la résolution4747 de
l’Assemblée générale, intitulée «Situ ation des droits de l’homme dans le territoire de l’ex-Yougoslavie»
(18 décembre 1992, par. 14).

25Par. 3.34-3.37. - 16 -

26
disproportionnée par rapport à un éventuel comportement répréhensible des Albanais du Kosovo .

Contrairement à ce que soutient la Serbie, les vi olations massives des droits de l’homme commises

par les autorités yougoslaves et serbes agissant sur instruction officielle ne sauraient en aucun cas

19 être comparées aux actes commis par certains Al banais du Kosovo à la fin des années 1990. Il ne

s’agissait pas non plus de lutter contre une in surrection; ces actes cons tituaient en réalité une

attaque générale contre la population albanaise du Kosovo.

18. La crise des années1998/1999 est d écrite dans de nombreux documents des

NationsUnies auxquels nous nous sommes référés dans notre contribution écrite: des documents

de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité, du Secrétaire général, de la Commission des

droits de l’homme et de son rapporteur spécial , du Haut Commissaire des NationsUnies pour les

droits de l’homme, et d’autres encore 27. En mai 1999, le Conseil de sécurité s’est dit «gravement

préoccupé par la catastrophe humanitaire qui sévit au Kosovo (République fédérale de

28
Yougoslavie) et aux alentours» . La Cour a elle aussi eu l’occasion, en juin 1999, d’évoquer «le

drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances que connaît le Kosovo» 29.

En décembre 1999, l’Assemblée générale a condamné «les violations graves des droits de l’homme

30
commises au Kosovo à l’encontre des Albanais de souche» .

19. Monsieur le président, qui conque les a vues n’oubliera jamais ces images, diffusées jour

après jour à la télévision, ces colonnes de familles entières terrorisées transportant tous leurs effets

26 Le procureur c. Milan Milutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć,
o
Vladimir Lazarević, Sreten Luki ć, affaire n IT-05-87-T, jugement du 26février2009 (disponible sur le site web du
TPIY : http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug), passim par exemple, par.1156, 1178, cités dans la contribution
écrite, par. 3.49-3.51.
27
Contribution écrite, par. 3.47-3.60.
28Résolution du Conseil de sécurité 1239 (1999) du 14 mai 1999.

29Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 131, par. 16 ; Licéité de l’emploi de la force (Yougos lavie c. Canada), mesures conservatoires,

ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 265, par. 15 ; Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie
c.France), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 369-370, par. 15 ; Licéité de
l’emploi de la force (Yougoslavie c.llemagne ), mesures conservatoires, ordonnance du 2jui1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 428, par. 15 ; Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c.Italie), mesures conservatoires,
ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 488, par. 15 ; Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie
c.Pays-Bas), mesures conservatoires, or donnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p.549, par.16; Licéité de
l’emploi de la force (Yougoslavie cP.ortugal), mesures conservatoires, ordonnance du j2ui1n999,

C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 663, par. 15 ; Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie. spagne), mesures
conservatoires, ordonnance du 2juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p.768, par.15; Licéité de l’emploi de la force
(Yougoslavie c.Royaume-Uni), mesure s conservatoires, ordonnance du 2juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 833,
par. 15 ; Licéité de l’emploi de la force (Y ougoslavie c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du
2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 922, par. 15.
30
Résolution de l’Assemblée générale 54/183 du 17 décembre 1999. - 17 -

personnels, ces enfants, ces vieillards, ces trains bondés de personnes terrifiées, ces camps

surpeuplés de la Macédoine et de l’Albanie voisi nes, ces flots de personnes qui craignaient de ne

jamais plus revoir leur foyer. Nul doute que ces images sont plus vivantes encore pour ceux,

hommes, femmes, et enfants, qui ont vécu ces atro cités! Ils répugnent à en parler, mais si vous

insistez, chaque Kosovar, ou presque, a une histoire tragique à raconter sur ces jours, ces semaines,

ces mois. La douleur est toujours là, elle ne s’e fface pas si vite, si tant est qu’elle disparaisse

jamais. Il n’est pas étonnant que le peuple du Kosovo ne puisse envisager un futur au sein de la

Serbie.

20 20. Monsieur le président, la crise du Ko sovo s’était à ce point aggravée en1998 que les

efforts diplomatiques se sont intensifiés au cours de cette année. Citons entre autres l’adoption par

le Conseil de sécurité d’une série de résolutions 31, largement ignorées par Miloševi ć, et

l’intervention du groupe de contact composé de six Etats. Là encore, ces efforts diplomatiques sont

fort bien exposés dans le jugement Milutinović 32.

21. Les négociations menées par M.l’ambassadeur ChristopherHill entre mi-1998 et le

début de l’année1999 ont permis de timides avancées. M.Murphy en parlera en détail car elles

sont importantes pour bien comprendre la réso lution1244. Il s’intéressera également à la

conférence de Rambouillet, au terme de laquelle les Albanais du Kosovo ont accepté un accord

proposé par les négociateurs. Cet accord a cependant été rejeté par la Serbie. Finalement, comme

la Cour le sait, un certain nombre d’Etats sont en suite intervenus pour empêcher que des violations

des droits de l’homme massives et catastrophiques ne se reproduisent au Kosovo.

3. La résolution 1244 et la MINUK (1999-2004)

23.J’en viens maintenant à la période allant de juin1999, époque à laquelle la

résolution 1244 du Conseil de sécurité a été a doptée, à 2005, lorsqu’ont commencé les pourparlers

sur le statut final. Comme je l’ai dit, M.Murphy exam inera de manière approfondie la

résolution1244, ainsi que les négociations men ées par ChristopherHill et celles de Rambouillet

31
Résolutions du Conseil de sécurité 1160 du 31 mars 1998 et 1199 du 27 septembre 1998.
32 Le procureur c. Milan Milutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć, Vladimir
Lazarević, Sreten Lukić, affaire n05-87-T, jugement du 26 février 2009 (disponi ble en anglais sur le site Internet du
TPIY : http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug), vol. I, par. 312-412. - 18 -

qui l’ont précédée. Je n’insisterai, à ce stade, que sur une chose. En examinant toutes les

initiatives prises pour arriver à une paix durab le, il est essentiel de rappeler la nette

distinction ⎯comprise par chacune des parties concernées— entre, d’une part, la mise en place

des conditions nécessaires à une situation intérimaire pacifique et stable et, de l’autre, la

détermination ultérieure du statut final du Ko sovo. La résolution 1244 portait essentiellement sur

la période intérimaire. La question du statut final y était à peine effleurée. Chercher à résoudre la

question du statut final, en juin 1999, n’aurait pas été propice à un retour à la paix et à la stabilité

au Kosovo. Six ans se sont en effet écoulés av ant que l’on estime que le moment était venu

d’entamer les pourparlers sur cette question.

21 24. Dans les mois qui ont suivi juin1999, l es efforts se sont concentrés sur le retour au

Kosovo et chez eux du million et demi de ré fugiés et de personnes déplacées, et sur la

reconstruction de leur vie. S’est ensuite posée la question de la mise en place des institutions

provisoires d’administration autonome. Ce n’est que bien plus tard, à partir de2004, que

l’attention s’est portée sur le processus politique devant amener au statut final du Kosovo. Comme

à Rambouillet, toutes les solutions étaient envisag eables et ce,bien que la résolution1244 ait

reconnu que la volonté du peuple du Kosovo était un fondement essentiel du processus politique

qui serait engagé sous les auspices des Nations Unies.

4. Pourparlers sur le statut final (2005-2007)

25. J’en viens maintenant aux nombreuses initiatives qui ont été prises pour régler la

question du statut final du Kosovo. C’est le Secrétaire général, avec l’appui du Conseil de sécurité,

qui a conduit ce processus. Les pourparlers sur le statut final ont commencé en2005, époque à

laquelle, tous en étaient d’accord, le statut provisoire n’était plus tenable. Des négociations

globales ont alors eu lieu sur tous les aspects possibles d’une solution convenue. Après deux

années d’efforts, à la fin de 2007 au plus tard, toutes les parties concernées, y compris le Secrétaire

général et son envoyé spécial, le présidentAhtisaar i, (exception faite évidemment de la Serbie et

d’un ou deux de ses partisans), en sont venus à considérer l’indépendance du Kosovo comme la

seule option viable. Prolonger les pourparlers sur le statut final aurait considérablement déstabilisé

le Kosovo et la région occidentale des Balkans en général. C’est dans ces conditions et ces - 19 -

conditions seulement que les représentants du Kosovo démocratiquement élus ont déclaré

l’indépendance.

26. Une soudaine flambée de violence au Ko sovo en mars 2004 a accéléré le démarrage des

négociations sur le statut final. Nous n’admettons pas la description que les représentants de la

Serbie en ont donné ce matin. Une descrip tion exacte de ces événements figure aux

paragraphes364à366 de notre contribution écrite additionnelle, qui sont le reflet fidèle de la

réalité. Par exemple, onze des dix-neuf victimes étaient des Albanais du Kosovo. Quoiqu’il en

soit, les événements de mars 2004 ont atterré la communauté internationale, comme ils ont atterré

les autorités et le peuple du Kosovo. Compte te nu des allégations sans fondement de la Serbie, je

serai très clair sur ce point : les autorités kosovares ont condamné la violence et n’ont pas ménagé

leurs efforts pour en traduire les auteurs en justice.

22 27. A la suite des événements de mars 2004, le Secrétaire général a prié l’ambassadeur Eide

de procéder à un examen général des opérations au Kosovo. Dans son premier rapport, en août de

la même année, l’ambassadeur était d’avis que «s oulever prochainement la question du statut futur

sembl[ait], tout bien pesé, être la solution la meilleure» 33. Dans son deuxième rapport, remis au

Conseil de sécurité en octobre2005, il indiquait que «l’examen global de la situation montr[ait]

toutefois que le moment [était] venu d’entamer le processus [pour la détermination du statut

34
futur]» . A son avis, «ou le Kosovo avancera ou il régressera. A présent qu’il est passé de la

stagnation à l’attente, il ne faudrait pas que la stagnation reprenne le dessus.» 35

28. Dans une déclaration de son président en date du 24 octobre 2005, le Conseil de sécurité

a fait sienne cette évaluation, s’est félicité de l’ intention du Secrétaire général de désigner un

envoyé spécial chargé de conduire le processus et a réaffirmé «son attachement à l’objectif d’un

36
Kosovo pluriethnique et démocratique devant contribuer à renforcer la stabilité régionale» .

29. En novembre2005, le présidentAhtisaari a été désigné envoyé spécial du Secrétaire

général et chargé de conduire le processus visant à dé terminer le statut final. Je ne répondrai pas à

33 o
Rapport sur la situation au Kosovo, S/2004/932, 30 novembre 2004, pièce jointe [pièce n 71].
34 o
«Examen global de la situation au Kosovo», S/2005/635, 7 octobre 2005, annexe, par. 62 [pièce n 193].
35Ibid., par.63.

36Déclaration du président du Conseil de sécurité, S/PRST/2005/51, 24 octobre 2005 [pièce n 195]. - 20 -

la provocation que furent les honteuses accusations de partialité portées ce matin à l’encontre d’un

éminent lauréat du prix Nobel et remarquable ha ut fonctionnaire. La lettre de nomination du

Secrétaire général, qui est le document 198 dans le dossier que le Secrétariat de l’ONU a remis à la

Cour, indique que l’envoyé spécial «dirigera le processus politique visant à déterminer le futur

statut du Kosovo, conformément à la résolu tion1244 (1999) du Conse il de sécurité et aux

37
déclarations de son président sur la question» . Aux termes du mandat qui était joint à la lettre du

Secrétaire général (égale ment dans le document n o198), l’envoyé spécial devait «conduire ce

processus au nom du Secrétaire général» et «la cadence et la durée du processus concernant le futur

statut du Kosovo [seraient] déterminées par l’envo yé spécial à l’issue de consultations avec le

Secrétaire général, compte tenu de la coopération des parties et de la situation sur le terrain».

23 L’envoyé spécial devait avoir «toute la marge de manŒuvre possible pour accomplir sa tâche» et

était «censé rendre compte au Secrétaire général à toutes les étapes du processus».

30. Ainsi, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le présidentAhtisaari agissait

directement pour le Secrétaire général et joui ssait d’une grande latitude pour ce qui était des

modalités et du calendrier du processus devant mener au statut final. Rien n’indique, dans la lettre

de nomination ou dans le mandat qui y est annexé, qu’il ne pouvait y avoir règlement de la question

du statut final du Kosovo qu’avec le consenteme nt de la Serbie ou sur la base d’une nouvelle

décision du Conseil de sécurité. Cette omission semble avoir été délibérée.

31. Le président Ahtisaari a mené quinze séries de négociations en 2006. Belgrade n’a cessé

de maintenir que l’indépendance était inacceptabl e pendant tout ce processus, allant jusqu’à

affirmer l’indéfendable, à savoir que le droit inte rnational proscrivait tout règlement impliquant

l’indépendance 38. La position du Kosovo était tout aussi claire. Pristina tenait à ce que le

règlement de la question mène à l’indépendance du Kosovo. Mais, dans ce cadre, d’importantes

garanties pourraient être prévues pour protéger l es communautés minoritaires (y compris dans le

37Lettre du Secrétaire général Kofi Annan à M. Martti Ahtisaari, 14 novembre 2005 [pièce n 198].

38Voir le «programme initial» de la Se rbie, 5 janvier 2006 (cité dans M. Weller, Contested Statehood: Kosovo’s
Struggle for Independence, 2009, p.200), programme repris dans la re solution de l’assemblée de Serbie du
14 février 2007 (résolution adoptée à la suite de la «proposition globale de règlement de la question du statut du Kosovo»
faite par l’envoyé spécial du Secrétaire général, Martti Ahtisaari, et de la poursuit e des négociations sur le statut futur du
Kosovo-Metohija, disponible à l’adresse <http://www.mfa.gov.yu/Policy/Priorities/KIM/resolution_kim_e.html&gt;). - 21 -

système de gouvernance du Kosovo), les monuments religieux et historiques et, bien évidemment,

les droits de l’homme).

32. Malgré une réunion de haut niveau tenue le 24 juillet 2006, les positions sont restées fort

éloignées. Dans la déclaration qu’il a faite aprè s cette réunion, le groupe de contact a souligné que

«Belgrade devait se montrer plus souple dans les pourparlers qu’il ne l’avait fait jusqu’à présent»,

et il l’a répété

«une fois les négociations en cours, il ne saurait y avoir de blocage. Le processus
devait être mené à son terme, en partic ulier pour réduire au minimum les effets
déstabilisateurs, aux plans politique et éc onomique, de l’incertitude qui persistait
39
autour du statut futur du Kosovo.» [Traduction du Greffe.]

33. Dans une déclaration ultérieure du 20 septembre 2006, les ministres du groupe de contact

ont déclaré ce qui suit :

«La recherche d’un règlement négocié ne devrait pas occulter le fait que ni

l’une ni l’autre des parties ne peut unilaté ralement empêcher le processus d’avancer.
Les ministres ont encouragé l’envoyé spécial à élaborer une proposition globale de
24 règlement et, sur cette base, à amener les parties à faire progresser le processus de
40
négociation.» [Traduction du Greffe.]

34. Puis, le 30 septembre 2006, alors que les pourparlers étaient en cours, la Serbie a pris une

mesure radicale qui montrait combien elle répugnait à négocier sérieus ement. Ce jour-là, elle a

adopté une nouvelle constitution qui a été approuvée à une faible majorité un mois plus tard par un

référendum auquel les Albanais du Kosovo n’ont pas été conviés à participer. La campagne du

referendum a mis en lumière que la défense du Ko sovo était au cŒur de la constitution, comme

l’ont aussi dit les dirigeants du parti lorsqu’ils ont incité l’assemblée à adopter ce texte 41.

35. Le préambule de la nouve lle constitution, qui demeure en vigueur à ce jour, concerne

presque exclusivement le Kosovo. Il ne comprend que deux alinéas dont le second se lit comme

suit :

«Considérant … que la province du Kosovo- Metohija fait partie intégrante du
territoire de la Serbie, qu’elle jouit d’une autonomie substantielle au sein de l’Etat
souverain de Serbie et qu’il en découle que tous les organismes d’Etat ont l’obligation

constitutionnelle de défendre et protéger les intérêts de l’Etat serbe au

39
Réunion de haut niveau sur le statut futur du Kosovo, déclaration du groupe de contact, Vienne, 24 juillet 2006.
40
Déclaration ministérielle du groupe de contact, New York, 20 septembre 2006, par. 4.
41International Crisis Group, Europe Briefing No. 44, 8 novembre 2006, Serbia’s New Constitution : Democracy
Going Backwards, p. 4. - 22 -

Kosovo-Metohija dans toutes les relations politiques internes et étrangères.»
[Traduction du Greffe.] 42

36. Bien des dispositions de la constitution de2006 revienne nt sur ce point. Ainsi, le

serment présidentiel commence par les mots suivants : «Je jure solennellement de consacrer toutes

mes forces à la préservation de la souveraineté et de l’intégrité du territoire de la Serbie, y compris

le Kosovo-Metohija qui en fait partie intégrante…» 43

37. Ainsi, Monsieur le président, au beau milieu des négociations sur le statut final,

l’adoption de cette constitution montrait que la Serbie se retranchait complètement sur ses positions

pour ce qui était du statut du Kosovo. Elle montrait aussi quelle était sa véritable conception de

«l’autonomie» pour le peuple du Kosovo. La constitution dispose que «l’autonomie substantielle

de… la province autonome du Kosovo-Metohija est régie par la loi spéciale qui sera adoptée

44
conformément au processus prévu pour l’amendement de la constitution» [traduction du Greffe] .

Après avoir examiné cet article, la commission de Venise du Conseil de l’Europe a conclu que «la
25

constitution … ne garanti[ssait] aucunement l’autonomie renforcée du Kosovo car il appart[enait] à

l’Assemblée nationale de la République de Serbie de dire si l’autonomie provinciale ser[ait]

effective ou non» 45. Autrement dit, en vertu de la c onstitution de 2006, l’Assemblée nationale

pouvait donner à la prétendue «autonomie du Kosovo» le sens qui lui convenait. Tout comme pour

Humpty Dumpty dans De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva, le mot ne signifie que ce

46
qu’on veut lui faire dire ⎯ ni plus ni moins. .

38. L’adoption de cette nouvelle constitution, qui traite le Kosovo de manière aussi rude,

montre non seulement que la Serbie reste fig ée sur ses positions et qu’elle a de la notion

«d’autonomie substantielle» une conception incertaine, mais aussi qu’elle ne tient aucun compte de

la volonté du peuple kosovar. Une fois de plus , la Serbie traite le Kosovo comme un simple

morceau de terre. Cette constitution a en effet été élaborée sans la participation des institutions ou

42Constitution de la République de Serbie 2006, préambule.

43Ibid., art. 114.

44Constitution de la République du Kosovo, art. 182, par.2.
45 o
Commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise), avis n 405/2006 sur la
constitution de la Serbie, 19mars2007, para.8 (disponible sur le site web de la commission de Venise à l’adresse
<http://www.venice.coe.int/docs/2007/CDL-AD(2007)004-f.pdf&gt;). Le paragraphe 2 de l’article 182 de la constitution
dispose ce qui suit: «L’autonomie substantielle de la province autonome du Kos ovo-Metohija sera régie par la loi
spéciale qui sera adoptée conformément au processus prévu pour l’amendement de la Constitution».

46Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva, chap. VI. - 23 -

du peuple kosovars. L’International Crisis Group a conclu que le «principal objectif de la nouvelle

constitution était de proclamer l’hostilité de la Serb ie à l’indépendance du Kosovo et d’y mettre de

nouveaux obstacles juridiques» 47.

39. Monsieur le président, l’envoyé spécial, M. Ahtisaari, a présenté son projet de règlement

global à Belgrade et à Pristina le 2février2007. Ce jour-là, le groupe de contact a publié une

déclaration encourageant les deux parties «à collaborer pleinement et constructivement avec

48
l’envoyé spécial dans cette phase du processus» [traduction du Greffe] .

40. De nouvelles négociations ont eu lieu au cours desquelles le Kosovo a accepté le

règlement pour l’essentiel, tandis que la Serbie , un peu comme elle l’avait fait à Rambouillet

huit ans plus tôt, a présenté une version totalement remaniée du document dans laquelle, du début à

la fin, elle faisait référence à «la province aut onome du Kosovo-Metohija» qui devait être régie par

26 la Constitution de la République de Serbie et ses droits souverains 49, et donc d’une manière qui

laisserait le Kosovo sans défense face à des change ments futurs de la loi nationale serbe adoptée

contre ses vŒux.

41. Le Secrétaire général a présenté le ra pport du président Ahtisaari sur le statut futur du

50
Kosovo, ainsi que sa proposition de règlement, au Conseil de sécurité le 26mars2007 . La

recommandation de l’envoyé spécial était la suiv ante: «Le Kosovo devrait accéder à un statut

51
d’indépendance sous la supervision de la communauté internationale.»

42. Dans son rapport, le président Ahtisaari a indiqué «[avoir] la ferme conviction que toutes

les possibilités de parvenir à une issue négoci ée du commun accord des parties [avaient] été

épuisées. La poursuite des pourparlers, sous quelq ue forme que ce soit, ne saurait permettre de

52
sortir de cette impasse.» Il l’a dit sans ambages, «Belgr ade exige … que l’autonomie du Kosovo

47International Crisis Group, Europe Briefing No. 44, 8 novembre 2006, Serbia’s New Constitution : Democracy

Going Backwards, p. 1.
48Déclaration conjointe du groupe de contact, 2 février 2007.

49M. Weller, Contested Sovereignty : Kosovo’s Struggle for Independence (2009), p. 210-211.

50S/2007/168 et additif1 [pièces n os203 et 204]. L’additif2 contient une note concernant la disponibilité de
certaines cartes.

51Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168, 26 mars 2007, titre
[pièce n 203].
52
Ibid., par. 3. - 24 -

s’exerce à l’intérieur de la Serbie tandis que Pristina n’accepte rien de moins que

l’indépendance» 53. A ses yeux,

«le Kosovo ne saurait rester dans son actuel état d’indétermination… Prétendre le

contraire, sinon refuser ou différer le règlement du statut du Kosovo, c’est risquer de
remettre en cause non seulement sa propre stabilité mais aussi la paix et la stabilité de
54
la région tout entière.»
55
43. Pour Ahtisaari, la réintégration dans la Serbie n’était pas une option viable , et

56
l’administration internationale ne pouvait s’inscrire dans la durée . Il en concluait que

l’indépendance sous supervision intern ationale était la seule option viable 57, recommandation à

58
laquelle le Secrétaire général de l’ONU a souscrit .

44. Dans sa lettre de couverture au Conseil de sécurité, le Secrétaire Général indiquait ce qui

suit :

«Compte dûment tenu de l’évolutio n du processus devant permettre de
déterminer le statut futur du Kosovo, je souscris pleinement aux recommandations

27 formulées par mon envoyé spécial dans son rapport sur le statut futur du Kosovo
[l’indépendance] et à la proposition globale de Règlement portant statut du Kosovo.»

45. Dans sa plaidoirie devant la Cour, et ses nombreuses déclarations publiques au sujet de la

présente procédure, la Serbie fait valoir que si la déclaration d’indépendance du Kosovo n’est pas

jugée contraire au droit international, les ré percussions de cette décision auront une portée

mondiale. Cet argument est tout simplement faux. Comme Ahtisaari l’a lui-même souligné :

«Le Kosovo est un cas inédit qui appelle une solution inédite. Cette solution ne

constitue pas un précédent pour d’autres conflits non réglés. En adoptant à
l’unanimité la résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité répondait aux
interventions de Miloševi ć au Kosovo en retirant la gouvernance de celui-ci à la

Serbie, en plaçant le Kosovo sous administration temporaire de l’Organisation des
NationsUnies et en instituant un processu s politique visant à déterminer son statut
59
futur. Ensemble, ces facteurs font la singularité du cas du Kosovo.»

53Ibid., par. 2.

54Ibid., par. 4.
55
Ibid., par. 6-7.
56
Ibid., par. 8-9.
57Ibid., par. 10-14.

58Voir par. [44] ci-après.
59
Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168, 26mars2007,
par. 15 [pièce n 203]. - 25 -

46. Monsieur le président, Messieurs de la C our, l’étape suivante a été l’envoi d’une mission

60
du Conseil de sécurité dans la région en avril20 07, sur proposition de la Fédération de Russie .

Les membres de la mission ont conclu, comme Ahtisaari, que les positions des parties demeuraient

très éloignées 61.

47. La troïka, composée de hauts représentants de l’Union européenne , de la Fédération de

Russie et des Etats-Unis d’Amérique, a entrepris un dernier effort pour parvenir à un règlement

acceptable pour les deux parties 62. Enaoût2007, le Secrétaire général s’est félicité de cette

initiative, réitérant sa conviction que le statu quo n’était pas tenable et demandant qu’un rapport lui

soit remis d’ici à décembre 2007 63.

48. Entre août et décembre2007, sur une période de quatremois, la troïka a entrepris de

rencontrer les parties à de nombreuses reprises, lesquelles étaient représentées au plus haut niveau.

La troïka bénéficiait du plein appui des ministr es du groupe de contact, qui ont réaffirmé que «la

recherche d’un règlement négocié ne devrait pas masquer le fait qu’aucune des parties ne [pouvait]

64
unilatéralement empêcher le processus de détermination du statut d’avancer» . La troïka n’est pas

28 parvenue à un règlement acceptable par les deux pa rties et sa conclusion fut la même que celle

d’Ahtisaari et de la mission du Conseil de sécurité dans la région. Dans son rapport, présenté au

Conseil de sécurité en décembre, elle a conclu que «les parties [n’avaient] pu parvenir à un accord

sur le statut final du Kosovo. Ni l’une ni l’autre n’était prête à modifier sa position sur la question

fondamentale de la souveraineté du Kosovo.» 65

49. Ainsi, Monsieur le président, Messieu rs de la Cour, en décembre2007, tous

s’accordaient à conclure, y compris le Secrétaire général de l’ONU et son envoyé spécial, que

toutes les possibilités de parvenir à un règlement acceptable par les deux parties avaient été

60Pour la composition et le mandat de la mission, voir la lettre du 19avri l2007, adressée au Secrétaire général
par le président du Conseil de sécurité, S/2007/220, annexe [pièce n06].

61Rapport de la mission du Conseil de sécurité sur la question du Kosovo, S/2007/256, 4 mai 2007, par. 59 [pièce
no 207].

62M. Weller, Contested Sovereignty: Kosovo’s Struggle for Independence (2009), chapitre 13.
63
Disponible à l’adresse suivante http://www.un.org/apps/sg/sgstats.asp?nid=2692 .
64
Déclaration des ministres do groupe de contact sur le Kos ovo, 27 septembre 2007, S/2007/723,
10 décembre 2007, annexe III [pièce n 209].
65
Rapport de la troïka Union européenoe/Etats-Uni s d’Amérique/Fédération de Russie sur le Kosovo,
S/2007/723, 10 décembre 2007, par. 2 [pièce n 209]. - 26 -

épuisées. En même temps, il n’était pas possible d’obtenir une décision du Conseil de sécurité sur

la voie à suivre pour aller de l’avant. Il ét ait néanmoins clair que l’ indépendance, telle que

recommandée par l’envoyé spécial et approuvée par le Secrétaire général, était la seule issue

acceptable pour l’écrasante majorité du peuple kosovar. Prolonger le processus n’apporterait

manifestement rien de neuf et servirait au cont raire à déstabiliser le Kosovo et toute la région

occidentale des Balkans.

50. Le Kosovo était pleinement préparé à offrir de solides protections à tous les Kosovars, en

particulier à la communauté serbe, dans le c ontexte de l’indépendance, conformément au

règlementAhtisaari, et en étroite coordination avec les membres concernés de la communauté

internationale. C’est ce qu’il a fait au travers de la déclaration d’indépendance du 17 février 2008

et de la constitution de la République du Kosovo qui est entrée en vigueur le 15 juin 2008.

C. Conclusions tirées des négociations sur le statut final

51. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je souhaiterais, pour conclure, présenter

cinq points essentiels qui se dégagent des efforts déployés pour parvenir à un statut final négocié :

52. Premièrement, les principaux participants s’acc ordaient tous à dire que le statu quo au

66
Kosovo n’était pas viable .

53. Deuxièmement, il était impossible de revenir à la s ituation qui prévalait au Kosovo avant

mars 1999 67.

29 54. Troisièmement, une fois le processus de détermination du statut final entamé, il ne

pouvait être bloqué et devr ait être mené à terme 68. Autrement dit, il ne pouvait se poursuivre

indéfiniment et pourrait conduire à un règlement sans le consentement de l’une des Parties.

66Voir, parmi de nombreuses autres d éclarations, le second rapport Eide («Examen global de la situation au
Kosovo», S/2005/635, 7octobre2005, annexe, par.63 [pièce n o193]); le rapport de la mission du Conseil de sécurité
o
(«le statu quo n’était pas viable», S/2007/256, 4 mai 2007, par. 59 [piè207]) ; les ministres du groupe de contact le
27 septembre 2007, qui ont «entériné sans réserve l’évaluation du Secrétaire général de l’ONU selon laquelle le statu quo
ne pouvait être indéfini» (déclaration des ministoes du groupe de contact sur le Kosovo, New York, 27 septembre 2007,
S/2007/723, 10décembre2007, annexeIII [pièce n 209]). Ahtisaari a indiqué, dans son rapport que «le Kosovo ne
saurait rester dans son actuel état d’indétermination» (rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur
du Kosovo, S/2007/168, 26 mars 2007, annexe, par. 4 [pièce n 203]).
67
Déclaration du groupe de contact, Londres, 3janvi2r006 (peut être consultée sur
<http://www.unosek.org/docref/fevrier/statement by the contact group on the future of Kosovo - Eng.pdf>). - 27 -

55. Quatrièmement, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général ont confié au

présidentAhtisaari la responsabilité des négociations, y compris, comme l’indiquait expressément

son mandat, le soin d’en déterminer la durée. Celui-ci a fini par conclure que les voies de

négociation avaient été épuisées.

E5t,6. cinquièmement, au titre de la résolution 1244, le processus de détermination du statut

final consistait à prendre en compte les accords de Rambouillet, ce qui signifiait que tout règlement

69
devait être acceptable pour le peuple du Kosovo . En outre, il devait garantir l’application de

normes relatives au caract ère multi-ethnique du Kosovo et promouvoir la stabilité future de la

70
région .

57. Monsieur le président, il ressort claire ment de ces divers points que la déclaration

d’indépendance du Kosovo n’a rien d’un événement inattendu ou radical, à fortiori d’une violation

du droit international. C’était la conséquen ce naturelle du processus politique entamé par le

Conseil de sécurité en 2005, qui était arrivé à son terme à la fin de 2007.

58. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ces propos concluent ma présentation. Je

vous remercie de votre attention et je vous prie d’appeler M. Daniel Müller à la barre.

Le PRESIDENT : Merci, sir Michael Wood. J’appelle à présent M. Daniel Müller à la barre.

Mr. MÜLLER: Je vous remercie, Monsieur le président.

30
III.T HE REQUEST FOR ADVISORY OPINION ,THE DECLARATION OF INDEPENDENCE
AND ITS CONFORMITY WITH GENERAL INTERNATIONAL LAW

Mr.President, Members of the Court, it is an honour and privilege for me to appear before

you this afternoon to present our comments on the request for advisory opinion submitted to you.

68«Examen global de la situation au Kosovo», S/2005/635, 7 octobre 2005, annexe, par.70 [pièce no193] ;
principes directeurs établis par le groupe de contact en vue d’un règlement du statut du Kosovo, S/2005/709,
o
10 novembre 2005, annexe [pièce n 197] ; déclaration du groupe de contact, Vi enne, 24 juillet 2006 (peut être consultée
sur < http://www.unosek.org/docref/Statement_of_the_Contact_Group_after_first…
meeting_held_in_Vienna.pdf >); déclaration des ministres du groupe de contact sur le Kosovo, NewYork,
27 septembre 2007, S/2007/723, 10 décembre 2007, annexe III [pièce n09].
69
Ou, ainsi qu’il a été indiqué à Rambouillet, dans lsolution1244 (1999) du Conseil de sécurité et dans le
préambule du cadre constitutionnel de2001 , le règlement final devra être fondé sur «la volonté du peuple» d’en tenir
pleinement compte.
70
Déclaration des ministres du groupe de contact sur le Kosovo, New York, 27septembre2007, S/2007/723,
10 décembre 2007, annexe III [pièce n 209]. - 28 -

1. In this request, given material form in General Assembly resolution63/3 of

8 October 2008, the General Assembly has put the following question to the Court:

“Is the unilateral declaration of independence by the Provisional
Institutions of Self-Government of Kosovo in accordance with
71
international law?”

2. Our answer to that question ⎯ and SirMichael has already announced it ⎯ is very

simple: no rule of general international law prohibits the declaration of independence of

17February2008 made on behalf of the people of Kosovo by their democratically elected

representatives. The declaration is therefore “in accordance with international law”. It is my task

to present to you the legal arguments that have led us to this conclusion, which is shared by most of

the States having participated in the written proceedings (III). Professor Murphy will explain in a

little while why Security Council resolution1244(1999) 72 does not prohibit the declaration of

independence either.

3. But, with your leave, Mr. President, I shall begin my presentation with a few thoughts on

the request for advisory opinion and the meaning to be ascribed to the question put by the General

Assembly (I), before saying a few words about th e 17 February 2008 declaration of independence

by the representatives of the Kosovo people (II). That declaration is, or should be, the focus of the

request for advisory opinion, notwithstanding the wording ⎯ which some may find clumsy ⎯ of

the question adopted by the General Assembly on the proposition of Serbia alone. I shall return in

a moment to this point, on whic h the States having participated in the written proceedings would

appear still to be at odds.

I. The request for advisory opinion and
the General Assembly’s question

4. Among the 192 Member States of the United Nations there is far from any consensus on

the General Assembly’s request for an opinion, adopted on a vote of 77 to six, with

73 74
31 74 abstentions , and on the question it contains . A number of States in their written statements

7A/RES/63/3, 8 Oct. 2008 [Dossier, doc. No. 7].
72
S/RES/1244 (1999), 10 June 1999 [Dossier, doc. No. 34].
7A/63/PV.22, 8 Oct. 2008, p. 11 [Dossier, doc. No. 6].

7A/63/PV.22, 8 Oct. 2008, p.11 (Sir John Sawers). See also Written Statement of the United Kingdom, p.21,
para. 1.7; and Written Statement of the Maldives, p. 2. - 29 -

and comments expressed their doubts and objections in respect of the judicial propriety of

responding.

5. In the light of the Court’s “duty to satisfy itself, each time it is seised of a request for an

opinion, as to the propriety of the exercise of its j udicial function, by reference to the criterion of

‘compelling reasons’” ( Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied

Palestinian Territory, Advisory Opinion, I.C.J.Reports2004, p. 157, para. 45), you should,

according to a number of Member States 75 whose position in this respect we have already cited in

76
our further written contribution , refuse to respond to the request for an advisory opinion, for the

reason that a response ⎯ regardless of its content ⎯ would not amount to the Court’s

“participation in the activities of the Organization”. In the view of Serbia, the sponsor of

resolution 63/3, what this involves is the exercise of its right “to pose a simple, basic question on a
77
matter it considers vitally important to the Court” . And just this morning Mr. Dušan [Batakovi ć]

stressed that this was a vital question for his count ry, Serbia. All things considered, the Court has

been asked to act as legal adviser to the Member St ates of the United Nations. But that is not your

function, Members of the Court: “The Court’s Opinion is given not to the States, but to the organ

which is entitled to request it” ( Interpretation of Peace Treatie s with Bulgaria, Hungary and

Romania, First Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950 , p.71; Western Sahara, Advisory

Opinion, I.C.J. Reports 1975 , p. 24, para. 31; Applicability of ArticleVI, Section22, of the

Convention on the Privileges and Immunities of the United Nations, Advisory Opinion, I.C.J.

Reports 1989, p. 188, para. 31; Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied

Palestinian Territory, Advisory Opinion, I.C.J.Reports2004, p.158, para.47). At no time has

there been any question of giving the General Assembly an authoritative opinion from the legal

perspective on the conformity of the declaration of independence. The Court and the advisory

32 procedure open to organs of the United Nations must not be exploited in this way by a State

looking for a “legal opinion” or seeking to have its problems resolved by the Court.

75
See, in particular, the Written Statements of the Czech Republic, pp.3-5; France, pp.15-33, paras.1.1-1.42;
Albania, pp. 30-37, paras. 54-70; the United States of America, pp. 41-45; and Irel and, pp. 2-4, paras. 8-12; as well as
the Written Comments of France, pp. 1-10, pa ras. 4-23; Albania, pp. 24 to 26, paras. 39 to 43; and the United States of
America, pp. 10-12.
76
Further Written Contribution of Kosovo, pp. 5-8, paras. 1.12-1.17.
77A/63/PV.22, 8 Oct. 2008, p. 1; emphasis added [Dossier, doc. No. 6]. - 30 -

6. Should you nevertheless deem it appropriate, Members of the Court, to accede to the

request for an opinion, the Court will have to confine itself to the submitted question as worded,

without being able to broaden its scope. Pursuant to the jurisprudence, “in giving its opinion the

Court is, in principle, bound by the terms of the questions formulated in the request” ( Application

for Review of Judgement No. 158 of the United Nations Administrative Tribunal, Advisory Opinion,

I.C.J. Reports 1973, p. 184, para. 41; Application for Review of Judgement No. 273 of the United

Nations Administrative Tribunal, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1982, p. 349, para. 47).

78
7. We have explained in our written contributions how a number of elements in the

question put by Serbia through the General Assembly are slanted and tendentious: in it the

declaration is characterized as “unilateral”; the authors are misidentified; and the question would

appear to presuppose the existence of rules unde r international law govern ing declarations of

independence. But, leaving these elements aside, the question is specific and limited and most

79
States have so recognized in their written statements and comments . According to Serbia itself,

the question “is entirely non-controversial” 80 and “there is no need for any changes or additions” 81

to it. Mr. Djerić reiterated this position this morning. Y ou are therefore being asked to answer the

one very specific and limited question, and that one question alone, of the conformity of the

declaration of independence of 17February2008 w ith international law. In other words, to

82
paraphrase the Advisory Opinion on the Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons , the

Court must determine the existing principles and rules and, if there are any ⎯ which there are
33

not ⎯, must apply them to the declaration of in dependence of 17February2008 so that the

question is given a reply based on law.

78Written Contribution of Kosovo, pp.126-128, paras.7.04-7. 10; Further Written Contribution of Kosovo, p.9,
para. 1.21.

79See the Written Statements of the Czech Republic, p. 6; Fran ce, p. 36, para. 2.3; Austria, p. 3, para. 2; Egypt,
pp. 3 and 4, para. 7; Germany, pp. 5 and 6; Poland, p. 4, pa ra. 2.1; Luxembourg, pp. 5 and 6, paras. 9 to 12; the United
Kingdom, p.25, para.1.16; the United States of America, pp.45 and 46; Serbia , pp.26 and 27, paras.19-23; Spain,

p.7, para.6(iii); Estonia, p.2; Japan, pp.1-2; Denmar k, p.2; together with the Written Comments of Norway, p.3,
para. 7; Serbia, p. 28, para. 45; Germany, p. 3; the Netherlands, p. 2, para. 2.1; the United Kingdom, p. 5, para. 9; and
the United States of America, p. 10.
80
A/63/PV.22, 8 Oct. 2008, p. 2 [Dossier, doc. No. 6].
81A/63/PV.22, 8 Oct. 2008, p. 2 [Dossier, doc. No. 6].

82Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 234, para. 13. - 31 -

8. The question is not about anything else and there is neither any way nor any need to give

it a more “comprehensive” 83 meaning. It does not concern the ⎯ different ⎯ problem of the status

of the Republic of Kosovo as a State today, and we shall not go over the baseless arguments put

forward this morning. Nor is the question about the legality or appropriateness of the

63recognitions or of the treaties ente red into by the Republic of Kosovo 84, among which those

85
concerning its participation in international or ganizations or the demarcation of its borders .

86
Unlike in some requests for advisory op inion referred to the Court in the past , the Assembly has

avoided asking you to opine on the consequences of the conformity or nonconformity with

international law of the declaration of independe nce of Kosovo. It has asked you only whether the

declaration was prohibited by international law at the time it was adopted, now nearly two years

ago. I shall take the liberty of further pointing out that, given what the question is about, the verb

87
tense used in it would appear to be incorrect .

9. Contrary to what counsel for Serbia repeatedly asserted this morning, a response, if any,

given to the question asked does not affect other situations in which separatist movements have

88
attempted, or are attempting, forcibly to split off parts of the territory of a pre-existing State . The

General Assembly’s request, drafted by Serbia al one, obviously relates only to the declaration of

independence of 17 February 2008 at the time and under the circumstances specific to it and these
34
in no way correspond with the troubling picture Serbia seeks to convey.

10. Mr. President, Members of the Court, if you deem it appropriate to accede to the request

for an advisory opinion, you should answer only this very specific question: was the declaration of

independence in February2008 in violation of the applicable rules of international law? Our

83See Serbia’s assertion, Written Comments of Serbia, p. 28, para. 45.
84
See the list of internationa l agreements concluded by the Republic of Kosovo on the website of the Official
Gazette of the Republic of Kosovo(http://www.ks-gov.net/GazetaZyrtare/MN.aspx).
85
Agreement between the Republic of Kosovo and the Republic of Macedonia relating to the physical
demarcation of the State boundary, 16 and 17 October 2009, p ublished on the website of the Official Gazette of the
Republic of Kosovo (http://www.ks-gov.net/gazetazyrtare/Documents/anglisht-222.pdf).
86
See, in particular: Legal Consequences for States of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South
West Africa) notwithstanding Security Council Resolution276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971 , p.16;
Legal Consequences of the Constructi on of a Wall in the Occupied Pales tinian Territory, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 2004, p.136. See also: Difference Relating to Immunity from Le gal Process of a Special Rapporteur of
the Commission on Human Rights, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1999 (I), p. 62; and Interpretation of the Agreement
of 25 March 1951 between the WHO and Egypt, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1980, p. 73.

87Written Statement of Germany, p. 8.

88Written Comments of Serbia, p. 12, para. 4. - 32 -

response is as precise as it is concise: neither general international law nor Security Council

resolution 1244, to which my colleague Professor Murphy will return in a short while, contains any

rules against the declaration of independence of Kosovo. And that brings me to a few comments

on the declaration of independence of 17 February 2008.

II. The declaration of independence of 17 February 2008

11. To begin, Mr.President, may I say, once and for all, that there is no “unilateral

declaration of independence by the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo”. In

this regard, Serbia’s wording of the question is incorrect. Under Article1.5 of the Constitutional

89
Framework for Provisional Self-Government , the Provisional Institutions of Self-Government

were the Assembly, the President of Kosovo, th e Government, the courts and “other bodies and

institutions set forth in this Constitutional Fram ework”, such as the Ombudsperson, the Office of

the Public Prosecutor and the Special Chamber of the Supreme Court on Constitutional Framework

Matters. It is clear beyond doubt from a quick review of this list: these institutions never produced

any joint declaration, let alone a declaration of independence.

12. The only declaration of independence of 17 February 2008 is the one that was read out in

Albanian, voted on and subsequently signed by the representatives of the people of Kosovo 90. We

have filed a full-scale reproduction of this declara tion with the Registry and produced a photocopy

91
of the original in our written contribution , accompanied by translations into English and French.

I shall take the liberty, Mr.President, of obser ving that the English and French translations
35
92
appearing in the dossier submitted in the name of the Secretary-General are not consistent with

the Albanian original of the declaration as adopted.

13. Granted, from various points of view, the meeting of the representatives of the people at

which the declaration was approved and signed might have been confused with the Assembly of

Kosovo. But the declaration is not an act of that Assembly in the same way as are the laws passed

89
Regulation No.2001/9 on a Constitutional Framework for Provisional Self-Government in Kosovo.
UNMIK/REG/2001/9, 15 May 2001 [Dossier, doc. No. 156].
90
Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 2, pp. 11-14 (pp. 235-238).
91Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1 (pp. 207 and 209).

92Dossier, doc. No. 192. - 33 -

by the Assembly in its role as a provisional institu tion of self-government. It is also incorrect to

say that Mr.Sejdiu, the President of Kosovo, and Mr.Thaçi, the PrimeMinister, endorsed the

declaration by signing it in their capacities as provisional institutions or members of a provisional

institution. The special circumstances surroundi ng the extraordinary session of the Assembly,

93
described in detail in our written contribution , show that this was a special act adopted in the

name of the Kosovo people by their democratically elected representatives meeting in a constituent

assembly in Pristina.

DMje.i. ć sought to convince you that all the ev idence confirms that the Assembly, as a

provisional institution, was the author of the decl aration of independence. But he forgot one

crucial consideration. Members of the Court, one need only inspect the text of the declaration as

publicly read out that day. The author is not the Assembly, and the Assembly does not claim to be

the author. It is specifically in this regard that the translations in the dossier submitted on behalf of

the Secretary-General are inaccurate. The decl aration does not begin with the words “The

Assembly of Kosovo... Approves”, but rather, in terms which could not be any clearer, with

“We, the democratically elected leaders of our people, hereby declare...” 94 This clause alone is

enough to refute Serbia’s claim, as well as those of Argentina and Cyprus, which continue to insist,

without ever referring to the actual text, that the declaration is an act of the Assembly of Kosovo.

Yet none of these States explains why the entire declaration is in the first person plural ⎯ “we

95 96 97 98 99
36 declare” , “we accept” , “we shall adopt” , “we welcome” , “we... invite and welcome” ,

“we believe” 100, “we express” 101and “we affirm” 102⎯ instead of the third person singular, as it

should be if the Assembly was the author of it.

93
Written Contribution of Kosovo, Anns., pp. 109-113, paras. 6.03-6.12.
94Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, para. 1 of the declaration of independence.

95Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, paras 1 and 2 of the declaration of independence.

96Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, paras. 3 and 8 of the declaration of independence.
97
Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, para. 4 of the declaration of independence.
98
Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, para. 5 of the declaration of independence.
99Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, para. 5 of the declaration of independence.

100Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, para. 6 of the declaration of independence.

101Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, paras. 7 and 11 of the declaration of independence.
102
Written Contribution of Kosovo, Anns., Ann. 1, para. 12 of the declaration of independence. - 34 -

They do not explain why the declaration was written out by hand on papyrus and why it was

signed by all the elected representatives of the peop le of Kosovo, not just by the President of the

Assembly. Nor do they explain why the declarati on was not published as an act of the provisional

institutions in the official gazette of those institutions, as is the case for all acts adopted by the

Assembly acting in that capacity. The text of the declaration explains why: this is not an act of the

Assembly of Kosovo as a provisional institution, bu t a declaration by the democratically elected

representatives of the people, as a number of States have moreover pointed out in their written

statements and comments 103.

15. In their declaration the elected representa tives affirm the will of the people and declare

“Kosovo to be an independent and sovereign state” 104. The preamble sets this move against the

backdrop of Kosovo’s particular history, which Sir Michael has already recounted to you in outline.

16. But the declaration of 17 February 2008 cont ained much more than just the proclamation

of independence. As His Excellency Mr. Hyseni said at the start of our presentation, the people’s

representatives in fact assumed firm commitments in respect of a number of fundamental principles

governing the political organization of the future State ⎯ a “democratic, secular and multi-ethnic

republic, guided by the principles of non-discr imination and equal protection under the law” 105 in

37 106
accordance with the obligations under the Ahtisaari Plan . They further accepted the duty of

“responsible membership in the international community” 107, with all the ensuing consequences.

Thus, not only did the representatives of the people re-affirm the validity of resolution 1244 (1999),

108
they also invited the interna tional presences to continue to play their role in the future . In

addition, they publicly and irrevocably undertook the key international obligations deriving from

the United Nations Charter and the Helsinki Final Act, and the obligations in regard to neighbourly

relations between States, respect for borders and co-operation with the Criminal Tribunal for the

103
See: Written Statement of Germany, p.6; Writte n Statement of Luxembourg, p.6, para.13; Written
Statement of the United Kingdom, p.23, para.1.12; Written St atement of Estonia, pp.3 and 4; Written Statement of
Finland, pp.5 and 6, paras.13-15; Written Comments of Germany, p.7; Written Comments of Switzerland, p.2,
para. 3.
104
Ibid., para. 1.
105
Ibid., para. 2.
10Ibid., para. 3.

10Ibid., para. 8.

10Ibid., para. 5. - 35 -

former Yugoslavia. They also re-affirmed th eir commitment to peace and stability in the region

109
and to good relations with their neighbours, in cluding in particular the Republic of Serbia . The

representatives went on: “In all of these matters, we shall act consistent with principles of

international law and resolutions of the Secu rity Council of the United Nations, including

resolution 1244 (1999).” 110 The newly created State immediately assumed the undertakings and

assurances given in the declaration as its own in ternational obligations when the President and

PrimeMinister wrote to foreign States seeking recognition from them. The Written Statement of

111
Norway shows that that is indeed how the action has been understood .

17. Mr.President, Members of the Court, it is difficult to see how such a declaration

whereby the democratically elected representatives of a people undertake to comply strictly with

the fundamental rules of international law could be not in accordance with those rules.

But, Mr. President, before addressing this third point in my statement, might I suggest this as

a good time for the customary coffee break?

38 Le PRESIDENT : Certainement, Monsieur Müller. Je pense que le moment est en effet bien

choisi pour interrompre votre présentation. Nous allons faire une courte pause de quinze minutes,

après quoi vous aurez à nouveau la parole.

L’audience est suspendue de 16 h 25 à 16 h 40.

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. J’invite à présent M.Müller à poursuivre sa

présentation.

M. MÜLLER : Je vous remercie, Monsieur le président.

III. Conformity of the declaration of independence
with general international law

18. So, Mr.President, Members of the Court, why is the declaration of independence of

17 February 2008 in accordance with international law or, actually, why was it not in breach of its

10Ibid., paras. 7-11.
110
Ibid., para. 12.
11Written Statement of Norway, p. 7, para. 22, p. 10, paras. 32-34. - 36 -

rules? Because international law contains no rule governing declarations of independence, either

negative — prohibiting them — or positive — encouraging them (A). In particular, the principle of

territorial integrity, on which those who support Serbia’s position have re lied in attempting to

demonstrate that Kosovo’s declaration of independence is not in accordance with international law,

in no way prohibits it (B). Moreover, a finding that there is no rule prohibiting the declaration of

independence is sufficient to answer the question raised by Serbia through the General

112
Assembly . It is not necessary, contrary to the argum ents of the State that sponsored the request

for an advisory opinion 113, to show that the representatives of the Kosovo people had the right,

recognized by international law, to adopt an d proclaim a declaration of independence.

International law is hardly concerned with th is, because it does not encourage secession, though it

does not prohibit it either. If, however, we had to prove the Kosovo people’s right to form an

independent State in order to answer the question — which in our opinion we do not have to do —,

we consider that the principle of self-determination of peoples provides a legal basis for it (C).

39
A. International law does not regulate declarations of independence

19. But to return to my first argument, Mr .President, international law does not regulate

114
declarations of independence . This is merely one factual element in the process which

culminates, or does not culminate, in the establishment of a State as a “primary fact” 115. Although

ProfessorKohen may not like it, international la w does not create the State, its subject par

excellence, but notes its existence 11, records it and draws all conclusi ons from it. For this reason,

11Written Contribution of Kosovo, pp.137-139, paras.8.03 to 8.06. See also Written Statement of Albania,
p.27, para.45; Written Statement of Austria, p.14, para.22; Written Statement of Germany, p.8; and Written
Statement of the United Kingdom, p. 24, para. 1.14.

11Written Comments of Serbia, p. 92, para. 205.

11Written Contribution of Kosovo, pp.140-157, paras.8. 07 to 8.37; and Further Written Contribution of
Kosovo, p.59, para.4.03. See also Written Statement of the Czech Republic, p.7; Written Statement of France,
pp.35-39, paras.2.2-2.9; Written Stat ement of Austria, pp.14 and 15, para .24; Written Statement of Germany,
pp. 27-29; Written Statement of Luxembourg, p. 7, paras. 16 and 17; Written Statement of the United States of America,

pp.50-51; Written Statement of Estonia, p.4; Written St atement of Finland, pp.4 and 5, paras.7 and 10; Written
Statement of Japan, p. 2; Written Comments of German y, pp. 6 and 7; and Written Comments of the United Kingdom,
p. 16, para. 33.
115
G. Abi-Saab, “Cours général du droit international public”, R.C.A.D.I., Vol.207, 1987-VI, pp.68 and 9; and
“Conclusion” in M. G. Kohen (ed.), Secession: International Law Perspectives , Cambridge University Press 2006,
p. 470; P. Daillier, M. Forteau and A. Pellet, Droit international public (Nguyen Quoc Dinh), 8th ed., LGDJ, Paris, 2009,
p. 574, No. 339.
116
Arbitration Commission of the Peace Conference on Yugoslavia, Opinion No.1, 29Nov.1991, RGDIP,
Vol.XCVI, 1992, p.264 [Dossier, doc. No.233]. See also Opinion No.8, 4 July 1992, RGDIP, Vol.XCVII, 1993,
pp. 588 and 589 [Dossier, doc. No. 235]. - 37 -

international law cannot fail to acknowledge the existence of the Republic of Kosovo as a

sovereign and independent State with a territory, a population and a political authority exercising

effective control there. However, Members of the Court, that is not the question that has been put

117
to you. The Court is not called upon to rule on the status of the Republic of Kosovo as a State .

Although the declaration of independence doubtless aimed at that result, it was not the declaration

118
that achieved it under international law . So it is wrong to maintain that the declaration has an

effect under international law and consequently is subject to that law because the representatives of

the Kosovo people expressed their wish to create a sovereign State.

20. Just as general international law does not regulate the creation or disappearance of a

State, it in no way concerns itself with the statement of the will to create a State in a declaration of

independence formulated by the representatives of the people. It defines it neither as lawful nor as

unlawful, and remains indifferent to its fate at th e hands of the municipal law of the State directly

concerned 119. A declaration of independence may well, and in most cases does, run counter to
40

municipal law provisions. However, this in no wa y implies that the declaration is in accordance

120
with or contrary to international law .

21. Contrary to erroneous assertions based for the most part on a tendentious reading of

General Assembly or Security Council resolutions, St ate practice confirms that international law is

not interested in the issue of the validity of a declaration of independence 121. However,

Mr. President, there is no need to go far back into the past: the upheavals in Europe in the 1990s

are quite sufficient to show that international la w does not define declarations of independence as

such as valid or invalid. In our Written Contribu tion we gave the example of the declaration of

117
See para. 8 above.
118
T. Christakis, “The State as a ‘primary fact’: some thoughts on the principle of effectiveness”, in M. G. Kohen
(ed.), Secession: International Law Perspectives, Cambridge University Press 2006, p. 145. See also Written Statement
of Austria, p. 15, para. 25; Written Statement of Japan, pp. 2 and 3 or Writt en Comments of the United Kingdom, p. 18,
para. 36.
119
Against: Written Comments of Serbia, p. 91, para. 201.
120
Elettronica Sicula S.p.A. (ELS I) (United States of America v. Italy), Judgment, I.C.J. Reports 1989 , p.51,
para. 73 or Certain German Interests in Polish Upper Silesia, Merits, Judgment, 1925,P.C.I.J., SeriesA, No.7 , p.19.
See also Art.3 of the Articles on Responsibility of States for Internationally WrongfuActs, United Nations, General
Assembly, resolutionA/RES/56/83, 12Dec.2001, Annex and commentary in ILC Yearbook , Vol.II, Part Two,
pp.37-39. Cf. Written Statement of the United Kingdom, pp. 58-59, paras.5.2-5.7; Written Statement of the United
States of America, p. 51.

121Written Comments of Serbia, pp. 92-93, para. 206. - 38 -

independence of Slovakia proclaimed by the Slovak National Council on 17July1992, a few

months before the break-up of Czechoslovakia. No State regarded this declaration of independence

122
as invalid in relation to, or not in conformity with, international law .

22. More specifically, Members of the Court, several of the former Yugoslav republics

proclaimed their independence even before the SFRY had ceased to exist: Slovenia and Croatia,

after polling their populations, made declarations to this effect on 25 June 1991; the population of

Macedonia expressed its wish for independence in a referendum in September 1991; and the

parliament of Bosnia and Herzegovina adopted a resolution on so vereignty on 14 October the same

year. Despite the firm stand taken by the author ities in Belgrade, which took the view that these

declarations and secessions were contrary to c onstitutional rules and imperilled the territorial

123
integrity and frontiers of the SFRY , European States embarked upon a political process aimed at

41 recognizing these new States. No one suggested that the declarations of independence violated

international law. Moreover, it is noteworthy that, in the context of the Peace Conference on

Yugoslavia, the Arbitration Commission made up of eminent jurists from several States ruled, in

law, on the requests by the new States for recognitio n. Even so, the Commission did not raise or

examine the issue of the alleged conformity or non- conformity of the declarations of independence

with international law in any of its opinions regarding these requests 124. Of course, with regard to

Bosnia and Herzegovina the Commission expressed d oubts as to the reality of the people’s wish to

form a sovereign State 125, but it did not condemn the declaration already made and did not prevent

126
the holding of a referendum to dispel these doubts . In 1996 this Court, after establishing that the

Republic of Bosnia and Herzegovina had become a Member State of the United Nations, said:

“Hence the circumstances of its accession to independence are of little consequence” (Application

of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and

122
Written Contribution of Kosovo, p. 144, para. 8.15.
123
Ibid., p. 150, para. 8.27 and p. 151, para. 8.29.
12Arbitration Commission of the Peace C onference on Yugoslavia, Opinions No s.4, 5, 6 and 7, 11Jan.1991,
RGDIP, Vol. XCVII, 1993, pp. 564-583.

12Arbitration Commission of the Peace Conference on Yugoslavia, Opinion No.4, 11Jan.1991, RGDIP,
Vol. XCVII, 1993, p. 567, para. 4.

12Ibid. - 39 -

Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996(II) , p.611,

para. 19).

23. However, several States claimed duri ng the written phase that declarations of

independence are actually subject as such to the re quirement of compliance with international law,

because in certain situations, such as where an attempt is made to create a State by the use or threat

of force by a third State or a régime is established based on apartheid or racial discrimination, these

declarations are not recognized by the internati onal community and are even declared invalid by

the Security Council. The declaration of independence of which you are seised obviously does not

fall into any of these categories 127. However, in no way does it follow from the examples given in

the Written Statements and Comments that declara tions of independence proclaimed, for example,

with resort to armed force are intrinsically inva lid; instead their condemnation by the Security

Council and the international community stems from the principle that there should be no

recognition of a situation created by a serious br each of an obligation arising under a peremptory
42
norm of general international law and no aid or assistance rendered in maintaining such a

128
situation .

24. Creation of the State is always a simple fact from the international law viewpoint, even

129
today, and the “half a century of evolution of international law” Serbia tries to convince us of

has changed nothing. State practice regarding the declarations of independence proclaimed early in

the 1990s by the former Yugoslav republics clearly confirms the proposition that international law

does not prohibit such declarations. The declara tion of independence of 17February2008 is the

last by federal entities of the SFRY and is part of the process of dissolution
of the former

Yugoslavia. The extraordinary events starting in 1988/1989 drove the republics to declare their

independence, just as these events, exacerbate d by the humanitarian catastrophe of 1998/1999 and

its consequences, finally brought home to the pe ople of Kosovo that there was no other option but

to choose the same path. The conformity of th ese declarations with international law has never

127
Cf. Written Comments of Albania, p. 29, para. 51.
12Art. 41, para. 2, of the Articles on Responsibility of St ates for Internationally Wrongful Acts, United Nations,

General Assembly, resolution A/RES/56/83, 12Dec.2001, Annex and commentary ( ILC Yearbook, Vol.II, PartTwo,
pp. 122-124). See also Written Contribution of Kosovo, pp. 145 and 146, para. 8.18.
12Written Comments of Serbia, p. 95. - 40 -

been called into question. Of course, internati onal law has played a part in identifying the new

States by application of well-known factual criter ia. However, the law has confined itself to

acknowledging the existence of these new States — neither more nor less.

B. The territorial integrity rule does not prohibit Kosovo’s declaration of independence

25. So there is nothing in the international legal order that prohibits the declaration of

independence of 17February2008. In particul ar, the principle guaranteeing the sovereignty and

territorial integrity of States in no way opposes th e adoption of the declaration of independence by

the representatives of the Kosovo people 13. Although it is indisputable that the establishment of

the Republic of Kosovo as a sovereign State chal lenges Serbia’s hold on territory, the declaration

of independence is not a breach of the rule of terr itorial integrity as enshrined in international law

today.

43 26. It emerges clearly from the wording of Artic le 2, paragraph 4, of the Charter and of all

the other legal instruments that enshrine the principle of territorial integrity that “[a]ll Members

[i.e., States] shall refrain in their international relations from the threat or use of force against the

territorial integrity or political independence of any state” 131.

132
Thus this provision, which reflects the customary rule , compels States alone to respect the

territorial integrity of other States. It cannot be applied to situations arising within a territory and

cannot be applicable to declarations of indepe ndence, which, by definition, are formulated by

133
non-State entities .

27. The same reasoning is called for with regard to the closely related principle of stability of

134
frontiers: as we have shown in our Further Written Contribution , this applies only to forcible

changes to the frontiers of a State by another State and cannot be invoked by a State against its own

population.

130
Further Written Contribution of Kosovo, pp. 60-75, paras. 4.05-4.30.
13Our italics.

13Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, pp. 99-101, paras. 188-190.

13See Further Written Contribution of Kosovo, pp.61-63 , paras.4.06-4.09; Written Comments of Albania,
p.29, paras.49-51; Written Comments of Switzerland, p.2, para. 3; Written Comments of the United Kingdom,
pp. 19-22, paras. 39-45.

13Further Written Contribution of Kosovo, pp. 65-66, para. 4.12. - 41 -

28. In this area, Mr. President, it seems that the droit des gens [jus gentium or law of nations]

belies its name — if one ignores the Latin origin of the term — and applies only to States. Here it

protects the sovereign entity only against its equals, State against State.

29. The resolutions of the General Assembly which, according to claims by Serbia (reiterated

by Professor Shaw this morning) and a few other States, extend the scope of the principle of

territorial integrity, and thereby prohibit declara tions of independence, do nothing of the sort.

Neither General Assembly resolution1514 ( XV) nor the 1970Declaration on Principles of

International Law concerning Friendly Relati ons and Co-operation among States in accordance

with the Charter of the United Nations 13, nor Security Council resolution 1244, to which Professor

136
Murphy will be referring in a moment, nor any of the other texts relied on by Serbia extend

beyond the limited scope of Article 2, paragraph 4, of the Charter. What is more, they confirm it

44
following the example of the saving clause in Article46, paragraph1, of the United Nations

Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, which Professor Shaw mentioned in passing,

without quoting it, and which states:

“Nothing in this Declaration may be interpreted as implying for any State,
people, group or person any right to engage in any activity or to perform any act

contrary to the Charter of the United Nations or construed as authorizing or
encouraging any action which would dismember or impair, totally or in part, the
territorial integrity or political unity of sovereign and independent States.” 137

This provision simply does not recognize any right of non-State entities to independence, any more

than it authorises or encourages th em to declare their independence. However, contrary to the

biased interpretation taken up by Serbia, in no way does it impose on non-State entities a duty to

refrain from such actions. It does not prohibit them at all 138.

30. Thus Article46, paragraph1, of this Declaration, as well as many other General

Assembly resolutions 139, provides confirmation that international law does not promote secession,

but neither does it prohibit it. International law me rely records a successful secession. In this case

13United Nations, General Assembly, resolution 2625 (XXV), 24 Oct. 1970, Ann.
136
Further Written Contribution of Kosovo, pp. 63-65, para. 4.10 and 4.11.
137
United Nations, General Assembly, re solution A/RES/61/295, 13 Sep.2007, Ann. (our italics). See also
Further Written Contribution by Kosovo, p. 65, para. 4.11.
13See also Written Comments of Albania, p. 33, para. 58.

13Further Written Contribution of Kosovo, pp. 63-65, para. 4.10 and 4.11. - 42 -

140
“[t]he law bows before the fact of statehood” . Like secession, a declaration of independence is a

“legally neutral act” 141in international law, in the words of ProfessorCrawford. As a factual

element in the creation of a new State, it is ne ither encouraged nor prohibited pursuant to the

principle of the territorial integrity of the predece ssor State. It is, quite simply, not affected by

international law.

31. Thus Mr.President, Members of the Court, there is no rule of general international law

which regulates, let alone prohibits, the declaration of independence by Kosovo. This is an entirely

satisfactory answer to the question in General A ssembly resolution63/3. However, in order to
45
dispel any doubt as to our position in relation to th e principle of self-determination and the right to

independence, allow me to say a few words on the subject.

C. In the circumstances of the present ca se, the Kosovo people were entitled under
international law to form a State

32. Mr. President, my first comment on a right to independence still remains the same: there

is no necessity for you to decide this issue. It is not included in the General Assembly’s question.

You have not been asked whether the declarati on of independence by Kosovo is authorized by

international law, but whether it was in accordance with that law 142. I have already given our

answer, and I do not think that there is anything to add.

33. But, and this is my second comment, this is in no way a diversionary ploy, contrary to

the allegations that you had to endure this morni ng. We think that the people of Kosovo had the

right to self-determination and could exercise it in 2008 by choosing independence in the special

circumstances of the case 143. Because two conditions are met:

140A. Pellet, “Le droit international à l’aube du XXIème siècle (La société internationale contemporaine—
Permanences et tendances nouvelles)”, Cours euro-méditerranéens Bancaja de droit international , Vol. I, 1997, p.59.
See also Written Statement of Finland, p. 4, para. 6; Written Statement of Japan, p. 3.

141J.R. Crawford, The Creation of States in International Law, 2nd ed., Clarendon Press, Oxford, 2006, p. 390.
142
Written Contribution of Kosovo, pp. 157 and 158, paras.8.38-8.41; Further Written Contribution of Kosovo,
pp.75 and 76, para. 4.31, p.86, para. 4.53. See also Wrien Statement of Germany, p.8; Written Comments of the
United Kingdom, pp. 5 and 6, para. 10.
143
Further Written Contribution of Kos ovo, pp.76-86, paras.4.32-4.52. See also Written Statements of
Switzerland, pp.15-26, paras.57-96; Albania, pp.40-44, paras.75-85; Germ any, pp.32-37; Finland, pp.3-5,
paras.7-12; Poland, pp.24-29, paras.6. 1-6.16; Estonia, pp.4-12; the Netherla nds, pp.3-7, paras.3.1-3.11; Slovenia,
p.2; Lithuania, p.1, 1; Ireland, pp.8-12, paras.27- 34; and Denmark, pp.12 and 13; and Written Comments of
Albania, pp. 31-36, paras. 55-65; and Switzerland, pp. 2 and 3, paras. 6-9. - 43 -

⎯ firstly, the population of Kosovo is a peopl e, a group capable of possessing a right of

self-determination (internal at first, external if that becomes necessary). The preamble of the

Constitutional Framework for Provisional Self-government promulgated in 2001 by the Special

Representative of the Secretary-General repeat edly refers to the “people” of Kosovo and

Article1.1 states unambiguously: “Kosovo is an entity under international administration

which, with its people, has unique historical , legal, cultural and linguistic attributes.” 144 It has

also been said that in granting the populati on of Kosovo a status of substantial autonomy,

resolution 1244 (1999) not only recognizes the exis tence of a distinct group; it acknowledges
46
145
that group’s fully fledged right of self-determination without actually calling it so ;

⎯ secondly, the atrocities committed against the po pulation of Kosovo, which Sir Michael spoke

about just now, as well as the attitude which Serbia has shown ever since 1999 to the

population living in the territory of Kosovo have left the people no other choice than to declare

independence. In this case international law, the law des gens [“of peoples”], should recognize

a right to secede, not in order to punish the State responsible but to save the human beings who

suffer from its actions 146.

34. These reflections bring my presentation to a close. Thank you, Mr.President and

Members of the Court, for your kind attention. I now ask you, Mr. President, to give the floor to

my colleague Professor Sean Murphy.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Müller, je donne à présent la parole à

M. Murphy.

M. MURPHY : Je vous remercie, Monsieur le président.

14Regulation No. 2001/9 on a Constitutional Framework for Provisional Self-government in Kosovo,
UNMIK/REG/2001/9, 15 May 2001 [Dossier, doc. No. 156].

14To this effect, see C. Tomuschat, “Secession and self-determination” in M.G. Kohen (ed.), Secession:
International Law Perspectives , Cambridge University Press 2006, p.34 and P.Weckel, “Plaidoyer pour le processus
d’indépendence du Kosovo: réponse à Olivier Corten”, RGDIP, Vol. 113, 2009, No. 2, p. 264.
146
See C. Tomuschat, “Secession and self-determination” in M.G. Kohen (ed.), Secession: International Law
Perspectives, Cambridge University Press 2006, p.41, M.N. Shaw, International Law, 6th ed., Cambridge University
Press 2008, p.523 and A. Pelle t, “Le droit international à l’aube du XXI ème siècle (La société internationale
contemporaine — Permanences et tendances nouvelles)”, Cours euro-méditerranéens Bancaja de droit international ,
Vol. I, 1997, p. 58. - 44 -

IV LA DÉCLARATION D ’INDÉPENDANCE N A PAS VIOLÉ LA RÉSOLUTION 1244 (1999)

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un grand honneur que de me présenter à

nouveau devant la Cour.

2. M. Müller vient d’expliquer pourquoi la déclaration d’indépendance du Kosovo ne peut

être considérée comme étant contraire au droit inte rnational général. Je vais à présent démontrer

pourquoi cette déclaration n’a pas violé la r ésolution1244 du Conseil de sécurité. Mon exposé

portera sur cinq points essentiels.

3. Premièrement, aucune disposition de la résolution 1244 (1999) n’interdit, expressément ou

implicitement, une déclaration d’indépendance, ni n’ exige le consentement de la Serbie à une telle

déclaration.

47 4. Deuxièmement, le fait que la résolution1 244 n’exige nullement le consentement de la

Serbie est confirmé par le passage dans lequel il est dit que le processus visant à déterminer le

statut définitif du Kosovo doit tenir compte des a ccords de Rambouillet de mars1999. En effet,

ces accords n’exigeaient pas que la Serbie approuve l’issue du processus de détermination du statut

définitif du Kosovo et faisaient, au contraire, reposer cette détermination sur la «volonté du peuple»

du Kosovo.

5. Troisièmement, comme prévu dans la résolution 1244, la présence internationale civile au

Kosovo a facilité le processus de détermination du st atut définitif lancé en 2005 et achevé en 2007.

La décision du peuple du Kosovo d’accéder à l’indépendance n’a ni empêché ni interdit cette

«facilitation» ; au contraire, cette décision cadrait tout à fait avec ce processus.

6. Quatrièmement, les représentants des Nations Unies autorisés à annuler les mesures prises

par les autorités du Kosovo lorsqu’elles étaient in compatibles avec le processus en cours n’ont pas

écarté la déclaration d’indépendance. Cette ré action vient conforter la thèse selon laquelle cette

déclaration n’était pas contraire à la résolution 1244.

7. Enfin, cinquièmement, pour diverses raisons , la déclaration d’indépendance ne peut être

considérée comme une violation du droit international, soit en tant qu’acte ultra vires des

institutions provisoires d’administration autonome, soit en tant qu’acte contraire au cadre

constitutionnel pour un gouvernement autonome pr ovisoire au Kosovo, promulgué par le - 45 -

représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour le Kosovo en

2001.

A. La résolution 1244 (1999) ne contient pas d’interdiction, exp
resse ou implicite, relative à

une déclaration d’indépendance, ni aucune disposition exigeant le
consentement de la Serbie à une telle déclaration

8. Pour en venir à mon premier point, la Serbie n’a cessé d’affirmer que la résolution1244

interdisait toute déclaration d’indépendance de la pa rt du Kosovo. Or, elle n’est pas en mesure de

citer un seul passage de cette résolution qui aille dans ce sens.

9. La résolution 1244 ne contient aucune mention d’une éventuelle déclaration des dirigeants

du Kosovo, ni aucune interdiction d’une telle déclaration. On ne peut pa s en dire autant d’une

autre résolution du Conseil de sécurité, que la Serbie elle-même a citée ce matin : la résolution 787,

147
adoptée en1992 . Comme l’a fait observer le conseil de la Serbie, au paragraphe3 de cette

résolution, le Conseil de sécurité se penche sur la possibilité d’une déclaration d’indépendance par

48 les dirigeants de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine. Préo ccupé par l’éventualité d’une

telle proclamation d’indépendance, le Consei l de sécurité affirme expressément dans sa

résolution 787 qu’il n’admettra «aucune entité unilatéralement proclamée».

10. Dans la résolution 1244, en revanche, le Conseil de sécurité ne dit rien de tel, même si

nul n’ignorait en1999 que le Kosovo souhaita it devenir un Etat indépendant. Selon nous,

l’absence d’une telle formulation montre clairement que la résolution1244 n’écartait pas la

possibilité d’une proclamation d’indépendance par les représentants du peuple du Kosovo.

11. La résolution 787 permet également de démontrer deux autres points. En premier lieu,

même dans une résolution dans laquelle il é voquait expressément une éventuelle déclaration

d’indépendance, le Cons eil de sécurité n’a pas interdit cette déclaration en tant que telle en

affirmant qu’elle constituerait une violation d’une obligation qu’il av ait imposée. Au contraire, le

Conseil a simplement dit qu’il n’admettrait pas une telle déclaration, notamment au moment

d’examiner la demande d’admission d’une entité en tant que membre de l’Organisation des

NationsUnies. Cette position corrobore l’observa tion que nous avons faite dans nos écritures, à

147
Résolution 787 (1992) du Conseil de sécurité, 16 novembre 1992, par. 3. - 46 -

savoir que, d’une manière générale, le Conseil n’ adopte pas de résolution concernant des entités

148
autres que les Etats .

12. En deuxième lieu, même si dans sa réso lution 787, le Conseil de sécurité s’est opposé à

la déclaration de la Republika Srpska dans les circonstances propres à l’affaire, il n’a nullement

indiqué qu’il considérait toutes les déclarations de ce type comme étant contraires au droit

international général. Cette approche corrobore notre affirma tion selon laquelle, d’une manière

générale, le droit international ne cherche pas à réglementer les déclarations d’indépendance 149.

13. Non seulement la résolution 1244 ne mentionne pas de déclaration d’indépendance, mais

elle ne contient aucune disposition demandant un règlement du statut définitif dans le cadre duquel

le Kosovo continuerait à faire partie soit de la République fédérale de Yougoslavie (RFY), soit de

la Serbie. A cet égard, la résolution1244 se di stingue de la résolution1251(1999), adoptée le

même mois de la même année. Dans cette dernière r ésolution, lorsqu’il a examiné la situation dans

le nord de Chypre, le Conseil de sécurité a déclaré au paragraphe 11 que

«le règlement du problème de Chypre [devait] être fondé sur un Etat de Chypre doté
d’une souveraineté, d’une personnalité intern ationale et d’une citoyenneté uniques,
son indépendance et son intégrité territori ale étant garanties, et composé de deux

communautés politiquement égales, telles qu’elles sont décrites dans les résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité, au sein d’une fédération bicommunautaire et
49 bizonale, et…[qu’]un tel règlement devait exclure l’union, en totalité ou en partie,
150
avec un autre pays, ou toute autre forme de partition ou de sécession» .

14. Or, la résolution 1244, adoptée le même mo is, ne contient aucune déclaration indiquant

que le règlement politique du problème du Kosovo doit être fondé sur une Serbie ou une RFY

«dotée d’une souveraineté [et] d’une personnalité internationale …uniques» ou que ce règlement

politique «doit exclure … toute forme de sécession». Rien de tel n’y est dit.

15. Examinons deux autres résolutions adopt ées par le Conseil de sécurité en1999,

concernant la situation en Géorgie. Dans les ré solutions1225 et 1255, de janvier1999 et de

juillet 999 respectivement, l’une antérieure et l’autre immédiatement postérieure à la

résolution 1244 donc, le Conseil a expressément de mandé un «règlement sur le statut politique de

148Contribution écrite additionnelle de la république du Kosovo (KOS II), par. 5.67-5.74.
149
Contribution écrite de la république du Kosovo (KOS I), par. 8.08-8.37.
150Résolution 1251 (1999) du Conseil de sécurité, 29 juin 1999, par. 11. - 47 -

151
l’Abkhazie au sein de l’Etat géorgien » . En d’autres termes, le Conseil a expressément dit

qu’une solution devait être trouvée qui maintiendrai t l’Abkhazie au sein de l’Etat souverain de

Géorgie.

16. Encore une fois, la résolution 1244 ne dit rien de tel. Il n’est donc pas surprenant que

M.HansCorell, conseil juridique auprès des Na tionsUnies au moment de l’adoption de la

résolution1244, ait déclaré à titre privé que, en soi, cette résoluti on «ne garanti[ssait] pas que la

Serbie garderait le Kosovo à l’intérieur de ses fr ontières» ni «ne prévo[yait] que le Kosovo devait

152
continuer de faire partie de la Serbie» .

17. L’absence, dans la résolution 1244, de toute interdiction concernant une déclaration

d’indépendance ou de toute disposition exigeant que le Kosovo continue de faire partie de la

Serbie, se voit confirmée par le fait que les principales partie concernées ont toutes estimé que cette

résolution établissait un cadre «neutre quant au statut». Ce matin, le conseil de la Serbie a décrit

l’approche suivie par les Nations Unies comme étan t «neutre par rapport au statut», mais le fait est

que tout le monde considère la résolution124 4 elle-même comme un cadre «neutre quant au

statut». Le Secrétaire général de l’ONU 15, tout comme son représentant spécial 154, décrit sans

cesse la résolution1244 comme étant neutre par rapport au statut. Des membres du Conseil de

sécurité présentent cette résolution de la même manière 15. Même la Serbie a confirmé devant le

156
50 Conseil de sécurité que la résolution 1244 définissait un «cadre de neutralité» . Il est difficile de

voir comment cette résolution peut, d’une part, énoncer «une position de neutralité quant au statut»

et, d’autre part, interdire un statut définitif qui prendrait la forme d’une indépendance du Kosovo.

18. Face à cette difficulté, la Serbie s’abstient parfois de faire valoir que la résolution1244

interdit directement la déclaration d’indépendance, et affirme au contraire qu’elle interdit une telle

déclaration en l’absence de son consentement. Sur la base de cette interprétation, ce n’est pas la

151Résolution 1225 (1999) du Conseil de sécurité, 28 janvier 1999, par. 3 ; résolution 1255 (1999) du Conseil de
sécurité (1999), 30 juillet 1999, par. 5 ; les italiques sont de nous.
152
Remarks of Hans Corell, Proceedings of the American Society of International Law 2008, p. 134.
153
Voir par exemple, S/2009/300, par. 6.
154Voir par exemple, S/PV.6144, p. 4.

15. Voir par exemple, S/PV .6144, p. 10, Vietnam, ibid., p. 15, Chine, ibid., p.19, Ouganda; S/PV.6202, p.20,
Chine.

156Voir par exemple, S/PV.6202, p. 7, déclaration du ministre serbe des affaires étrangères, M. Jeremić - 48 -

déclaration d’indépendance en soi qui viole la résolution1244 mais la proclamation de cette

indépendance sans le consentement de Belgrade.

19. Cette interprétation de la résolution 1244 est également problématique, car le texte de la

résolution 1244 ne demande nullement que la Serbie approuve le stat ut définitif du Kosovo. Si le

Conseil de sécurité avait voulu qu’un tel consenteme nt existe préalablement au règlement du statut

définitif du Kosovo, rien ne l’empêchait de le dire ; mais il ne l’a pas fait. Dans ses résolutions

antérieures à la résolution1244, le Conseil éta it allé jusqu’à demander la tenue de négociations

entre Belgrade et Pristina 15. Dans la résolution 1244, toutefois, même cette idée n’apparaît plus.

20. Alors, que dit réellement le Conseil dans la résolution 1244 au sujet du statut définitif du

Kosovo ?

21. La Cour notera que, dans l’ensemble, la résolution 1244 ne portait pas sur la question du

statut définitif du Kosovo. Elle visait le rôle de la communauté internationale pendant une période

intérimaire. Ainsi, au paragraphe1, le Conse il de sécurité affirme que la solution politique de la

crise du Kosovo de1999 reposera sur les principes généraux énoncés aux annexes1 et2 de la

résolution, principes sur la base desquels la campagne militaire de l’OTAN a pris fin, et parmi

lesquels figure notamment le retrait du Kosovo des forces militaires et de police serbes. Les

paragraphes2 à4 indiquent ensuite les diverses étapes de ce retrait, alors que les paragraphes5

à 11 fournissent des détails sur le déploiement au Kosovo de présences internationales militaires et

civiles. Presque toutes ces dispositions concernent la période intérimaire.

22. Dans ses écritures et dans ses plaidoiries, la Serbie invoque le fait que le préambule de la

résolution1244 réaffirme l’attachement des Etats Memb res à «l’intégrité territoriale» de la RFY.

51 Toutefois, cette disposition n’énonce aucun engageme nt de la part du Conseil de sécurité, ni ne

contient la moindre obligati on ou interdiction imposées par celu i-ci. En outre, elle renvoie

uniquement à «l’intégrité territoriale» «au sens…de l’annexe2» et, à l’annexe2, la question de

«l’intégrité territoriale» se rapporte uniquement à un «cadre politique intérimaire», à savoir, le

cadre politique antérieur au statut définitif.

157
KOS II, par. 5.32. - 49 -

23. Le conseil de la Serbie soutient que le Conseil de sécurité n’a pas pu réaffirmer cet

attachement des Etats membres en le limitant à la période intérimaire. Mais le texte dit ce qu’il dit,

et sa formulation est différente de celle des résolutions antérieures. Cette disposition du préambule

renvoie aussi à «l’intégrité territoriale» au sens de l’acte final d’Helsinki. Mais, comme nous

l’avons dit à la page 109 (par. 8.21) de notre contribution écrite, les principes énoncés dans l’acte

final d’Helsinki exposent toute une gamme de notions concurrentes ⎯ des notions qui cherchent à

protéger les territoires de l’emploi de la force par l’étranger, mais d’autres qui cherchent aussi à

promouvoir les droits de l’homme et la primauté du droit. En tout état de cause, il n’est pas

possible d’attribuer à l’acte final d’Helsinki une seu le notion établie qui irait à l’encontre de la

licéité d’une déclaration d’indépendance.

24. Plutôt que d’examiner le préambule pour déterminer la position du Conseil de sécurité

sur le statut définitif du Kosovo, il convient de se pencher sur le dispositif de la résolution 1244, et

plus précisément sur son paragraphe11, qui énumère les responsabilités de la présence

internationale civile. Je rappelle que dans l’ensemble, le para graphe11 concerne la période

intérimaire. Cependant, les alinéas e) et f) énumèrent les deux responsabilités suivantes de la

présence internationale civile :

«e) Faciliter un processus politique visant à déterm iner le statut futur du Kosovo, en
tenant compte des accords de Rambouillet ;

f) A un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires du

Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d’un règlement
politique.»

25. Telles sont les dispositions de la résolution 1244 qui sont consacrées au statut définitif du

Kosovo, et la déclaration d’indépendance ne les a pas violées. Le moment venu, les Nations Unies

ont effectivement facilité les négociations sur le statut définitif lancées en2005 et achevées

en2007, sans ingérence de la part des autorité s du Kosovo, encore moins sous la forme d’une

déclaration faite l’année suivante. Et la déclaration n’a pas empêché la supervision du transfert des

pouvoirs aux institutions établies dans le cadre d’un règlement politique définitif. - 50 -

26. Là encore, dans la mesure limitée où elle s’intéresse aux dispositions de la

résolution1244, la Serbie essaie simplement de déduire de sa lecture des alinéas11 e) et f)

52 l’exigence de son consentement à la déclaration d’indépendance. Elle insiste pour que les

expressions «processus politique», à l’alinéa e), ou «règlement politique», à l’alinéa f, soient

comprises comme désignant le «consentement de la Serbie au statut définitif du Kosovo». De toute

évidence, ce n’est pas ce qui est dit au paragraphe 11. En revanche, il y est dit, à l’alinéa e), que le

processus de règlement du statut futur du Kosovo doit tenir compte des accords de Rambouillet.

Or, une analyse du contexte et du libellé de ces accords montre très clairement que l’interprétation

que fait la Serbie du paragraphe 11, selon laquelle son consentement au statut définitif est requis,

est complètement erronée. Pour confirmer cette assertion, il convient de se pencher de plus près

sur ce qui s’est passé avant et pendant la conférence de Rambouillet, ce qui m’amène à mon

deuxième point.

B. En envisageant un processus politique tenant compte des accords de Rambouillet pour
déterminer le statut final du Kosovo, le Conseil a admis que le consentement
de la Serbie ne serait pas nécessaire aux fins de cette détermination

27. En 1998, le groupe de contact a chargé M. l’ambassadeur Christopher Hill d’obtenir un

accord en vue d’enrayer la progression de la crise alors en cours au Kosovo. Bien qu’antérieurs

aux accords de Rambouillet et à la résolution1244, les quatre projets d’accord qui ont été

envisagés lors de ce «processus Hill» ont beaucoup contribué à préparer le terrain pour

l’élaboration de ces deux instruments, et il ressort de l’analyse de leur contenu que l’idée d’un

accord mutuel entre Belgrade et Pristina au su jet du statut final du Kosovo a été rejetée et

finalement remplacée par celle d’un règlement du statut final qui serait fondé sur plusieurs facteurs,

au premier rang desquels figurait la «volonté du peuple» du Kosovo 158.

28. En ce qui concerne tout d’abord le pro cessus Hill, il ressort des quatre projets d’accord

rédigés à cette occasion qu’il n’a pas été jugé possible de régler d’emblée la question du statut final

du Kosovo, et qu’il convenait au contraire d’orie nter les négociations essentiellement vers la mise

en place d’une étape intermédiaire qui permettra it de créer, pour les habitants du Kosovo, les

conditions d’un retour immédiat à une vie paisible et normale.

158
Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par. 5.05-5.18. - 51 -

29. Le processus visant à établir le statut final du Kosovo n’était évoqué, très brièvement,

que dans une courte disposition figurant à la fin des projets, qui évitait de préjuger de ce que serait

ce statut et qui, dans sa quatrième et dernière ve rsion, évitait de conférer à la Serbie un quelconque

droit de veto sur la détermination de ce statut.

er
30. Dans la première proposition issue du processus Hill, datée du 1 octobre 1998, cette

clause était ainsi rédigée :

«Dans trois ans, les parties entreprendront une évaluation exhaustive de

l’accord, en vue d’améliorer son applicati on et d’examiner les propositions émanant
53 de l’une ou l’autre partie en vue de mesures additionnelles, qui devront faire l’objet
d’un accord mutuel pour être adoptées.» 159

Ainsi, cette première proposition prévoyait expressément que la détermination du statut final devait

faire l’objet d’un «accord mutuel» entre Belgrade et Pristina. La deuxième proposition issue du

er 160
processus Hill, datée du 1 novembre1998, reprenait cette disposition finale , de même que la

troisième proposition, datée du 2décembre1998, à ceci près que le mot «sides» [utilisé dans la

161
version originale de la proposition] était remplacé par le mot «Parties» .

31. Néanmoins, l’expression «accord mutuel» aura it conféré à la Serbie un droit de veto sur

l’évolution future du statut et n’était dès lors pas acceptable pour la délégation du Kosovo. C’est

pourquoi, dans la quatrième et dernière proposition issue du processus Hill, datée

du 27 janvier 1999, cette disposition a été modifiée et mise entre crochets, et se lisait comme suit :

«Dans trois ans, il y aura une évaluation exhaustive du présent accord sous des
auspices internationaux afin d’en améliorer l’application et de déterminer s’il convient

de donner suite aux propositions de l’une ou l’autre partie en vue de mesures
additionnelles, au moyen d’une procédure à déterminer en tenant compte des rôles des
162
parties et de la mesure dans laquelle elles ont respecté le présen
t accord.»

32. En d’autres termes, toute référence à un «accord mutuel» entre les parties est abandonnée

dans la dernière version des propositions présenté es dans le cadre du processus Hill, pour être

remplacée par une disposition adoptant une appr oche du statut final du Kosovo prévoyant une

159Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par. 5.07 ; les italiques sont de nous.

160Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par.5.07 («Dans trois ans, les parties entreprendront une
évaluation exhaustive de l’accord, en vue d’améliorer son application et d’examiner les propositions émanant de l’une ou
de l’autre partie en vue de mesures additionnelles, qui devront faire l’objet d’un accord mutuel pour être adoptées.»)

161Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par.5.07 («In three years, the Parties will undertake a
comprehensive assessment of the Agreement, with the aim of improving its implementation and considering proposals by
either side for additional steps, which will require mutuagreement for adoption.») [Cette substitution n’a aucune
incidence sur la version française proposée ci-dessus.]

162Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par. 5.08 ; les italiques sont de nous. - 52 -

«évaluation exhaustive» sous des «auspices inte rnationaux» au moyen d’une «procédure» qui

«[tiendrait] compte» des rôles des deux parties et de la mesure dans laquelle elles auraient respecté

l’accord. Cette disposition (de même que les autres) n’empêchait en rien le peuple du Kosovo de

proclamer l’indépendance et n’imposait en rien la nécessité du consentement préalable de la Serbie

pour la détermination du statut final du Kosovo.

33. La proposition finale issue du processus Hill a été présentée après l’offensive yougoslave

de décembre1998, et après le massacre de quelque 45 Albanais du Kosovo dans le village de

Reçak/Račak le 15 janvier 1999. Deux jours après sa publication, le groupe de contact a invité les

parties à se rencontrer à Rambouillet pour enta mer de nouvelles négociations. Ainsi, les

négociations de Rambouillet, qui ont débuté seulement quelques jours après la fin du processus Hill

et auxquelles M.l’ambassadeurHill a lui-même pa rticipé en tant que négociateur, s’inscrivaient
54

dans le prolongement de ce processus.

34. Tout comme les propositions présentées dans le cadre du processus Hill, l’accord

intérimaire de Rambouillet prévoyait une période intérimaire au cours de laquelle le Kosovo

bénéficierait d’une importante autonomie, suivie d’un règlement final et, de fait, l’accord est

officiellement intitulé «Accord intérimaire pour la paix et l’autonomie au Kosovo».

35. De plus, tout comme la proposition finale issue du processus Hill, l’accord intérimaire de

Rambouillet abandonnait toute idée d’un statut final du Kosovo qui serait déterminé par «accord

mutuel» entre Belgrade et Pristina. Le premier pr ojet de l’accord intérimaire de Rambouillet, daté

du 6février1999, s’inspirait de la clause pertinen te figurant dans la dern ière partie de cette

proposition finale :

«Dans trois ans, il y aura une évaluation exhaustive du présent accord sous des

auspices internationaux afin d’en améliorer l’application et de déterminer s’il convient
de donner suite aux propositions de l’une ou l’autre partie en vue de mesures
additionnelles.» 163

36. Cependant, au cours des négociations de Rambouillet, il est devenu évident qu’il

convenait d’exprimer de façon plus détaillée les modalités de la détermination du statut final du

Kosovo. Pour ce faire, les négociateurs, loin de revenir à la terminologie de l’«accord mutuel»

initialement adoptée dans la première des tr ois propositions issues du processus Hill, ont mis

163
Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par. 5.12. - 53 -

l’accent sur la nécessité de fonder le statut fi nal sur «la volonté du peuple» du Kosovo, associée à

certains autres facteurs.

37. Plus précisément, le paragraphe 3 de l’ar ticle premier du chapitre8 de la version finale

de l’accord intérimaire de Rambouillet indiquait ce qui suit :

«Trois ans après l’entrée en vigueur du présent accord, une réunion
internationale sera convoquée en vue de définir un mécanisme pour un règlement
définitif pour le Kosovo, sur la base de la volonté du peuple, de l’avis des autorités

compétentes, des efforts accomplis par chac une des Parties dans la mise en Œuvre du
présent accord, et de l’acte final de Helsinki, ainsi que pour réaliser une évaluation
d’ensemble de la mise en Œuvre du présent accord et d’examiner les propositions de
164
mesures complémentaires formulées par les Parties.»

38. Ainsi, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’analyse de l’évolution du texte

depuis la première proposition avancée dans le cad re du processus Hill en octobre 1998 jusqu’à la

version finale de l’accord intérimaire de Rambouillet datant de mars1999 indique clairement que

l’idée d’un accord mutuel entre Belgrade et Pris tina sur le statut final du Kosovo a été abandonnée

au profit de celle d’un règlement de ce statut fondé sur plusieurs facteurs, au premier rang desquels

figure la «volonté du peuple» du Kosovo.

55 39. Le Kosovo a signé l’accord intérimaire de Rambouillet, mais pas la Serbie qui, au lieu de

cela, a cherché à obtenir une revision globale de l’accord en vertu de laquelle, notamment, la

disposition relative au statut final se référant à la «volonté du peuple» aurait été remplacée par une

disposition imposant la nécessité du consentement de la Serbie dans le cadre du règlement de ce

statut. Plus précisément, les autorités serbes ont proposé de modifier comme suit l’énoncé de la

clause finale des accords de Rambouillet :

«Au bout de trois ans, les signataires procéderont à une évaluation d’ensemble

du présent accord en vue d’en améliorer l’application et examineront les propositions
de mesures complémentaires formulées par les signataires, dont l’adoption exigera le
consentement de tous les signataires.» 165

Les négociateurs présents à Rambouillet ont rejeté la revision proposée par la Serbie, et l’échec des

efforts déployés par cette dernière confirme que, dans sa version finale, l’accord intérimaire de

164Accord intérimaire pour la paix et l’autonomie au Kosovo, 23 février 1999, ch apitre 8, article premier, par. 3,
o
reproduit dans S/1999/648 [dossier n 30].
165Contribution écrite additionnelle du Kosovo, par.5.13: projet d’accrévisé par la RFY, 15mars1999,
chap. 8, article premier, par. 4, reproduit dans Weller, p. 489-490 ; les italiques sont de nous. - 54 -

Rambouillet prévoyait un processus de détermination du statut final du Kosovo dans lequel «la

volonté du peuple» jouerait un rôle central et le consentement de la Serbie ne serait pas nécessaire.

40. Monsieur le président, dans les écritures qu’elle a déposées à la Cour, et ce matin même

encore, la Serbie a affirmé que l’accord inté rimaire de Rambouillet admettait que le Kosovo

demeurerait partie intégrante du territoire de la République fédérale de Yougoslavie, à moins que la

Serbie ne consente à une autre solution. Or, immédiatement après la réunion de Rambouillet, le

gouvernement de Belgrade exprimait un tout autre po int de vue, lorsqu’il déclarait au Conseil de

sécurité que la «solution» proposée à Rambouillet constituait un «ultimatum» par lequel il était

166
demandé à Belgrade de renoncer volontairement au Kosovo . Pour justifier son rejet des accords

de Rambouillet, les autorités de Belgrade ont en outre affirmé au Conseil qu’elles «ne p[ouvaient]

accepter la sécession du Kosovo-Metohija, que ce soit dans l’immédiat ou au terme d’une période

intérimaire de trois ans» 167. Ces assertions étaient exagérées, dans la mesure où l’accord

intérimaire de Rambouillet ne prévoyait pas expressément que le Kosovo deviendrait un Etat

indépendant au terme de la péri ode de trois ans, et pourtant, il ressort des déclarations mêmes du

gouvernement de Belgrade en 1999 que cet accord ne peut pas être interprété comme imposant la

nécessité d’un consentement serbe à l’indépendanc e du Kosovo, et que la Serbie elle-même ne

l’interprétait pas ainsi à l’époque.

41. Au contraire, la disposition des accords de Rambouillet prévoyant que le statut final du

Kosovo serait déterminé au terme d’une période de trois ans sur la base de la «volonté du peuple» a

56 bien été comprise à l’époque, y compris par la Serbie, comme comportant la possibilité ⎯ et

peut-être même la probabilité ⎯ de l’accession du Kosovo au statut d’Etat indépendant à l’issue de

cette période intérimaire. Et dans ces conditions, on ne saurait considérer qu’en autorisant le

déploiement d’une présence internationale civile en vue de faciliter un processus visant à

déterminer le statut final du Kosovo «en te nant compte des accords de Rambouillet», la

résolution 1244 imposait un processus dans lequel le consentement de Belgrade serait nécessaire au

règlement de ce statut final. Cela ne corres pond tout simplement pas à ce que prévoyaient les

accords de Rambouillet.

166
S/PV.3989, p. 11.
167
S/PV.3988, p. 14. - 55 -

C. Le processus politique qui s’est finalement déroulé, y compris la déclaration
d’indépendance, était totalement conforme aux exigences de
la résolution 1244

42. Monsieur le président, permettez-moi d’a border maintenant le troisième point de mon

argumentation, à savoir que le processus politique qui a finalement abouti à la détermination du

statut final du Kosovo, y compris la déclaration d’indépendance en février2008, était totalement

conforme aux exigences de la résolution 1244.

43. Les négociations qui ont mené à l’éla boration du statut final du Kosovo ont déjà été

168
relatées par M. Michael Wood, ainsi que dans nos écritures , et je ne répèterai pas ici les détails

de ce processus, mais je tiens à en souligner cer tains éléments qui démontrent sa conformité aux

dispositions de la résolution1244, et tout particulièrement à celle selon laquelle la présence

internationale civile faciliterait un «processus polit ique visant à déterminer le statut futur du

Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet».

44. Premièrement, le Conseil de sécurité a lui-même décidé, en2005, de lancer les

négociations sur le statut final du Kosovo. Il a approuvé l’évaluation de M. l’ambassadeur

KaiEide qui, en octobre2005, a jugé que la situa tion intérimaire au Kosovo n’était plus tenable.

De plus, le Conseil a expressément déclaré qu’il sout enait «le Secrétaire général, qui se propos[ait]

d’entamer le processus politique devant aboutir au statut futur du Kosovo, comme prévu dans la

résolution 1244», et s’est en outre félicité de ce « que le Secrétaire général s’apprêt[ait] à désigner

169
un envoyé spécial chargé de diriger le processus devant aboutir au futur statut» . Il ne fait par

conséquent aucun doute que, en2005, le Conse il de sécurité a engagé le processus de

détermination du statut final prévu au paragraphe 11 de la résolution 1244.

45. Deuxièmement, la question de savoir qui allait diriger ce processus de détermination ne

fait elle aussi aucun doute. Comme l’a relevé M.Michael, le Secrétaire général a proposé que

57 l’ancien président finlandais, M.MarttiAhtisaari, soit désigné comme son envoyé spécial pour

superviser le processus 170, proposition qui reçut l’accueil favorab le du président du Conseil de

171
sécurité . La Cour n’est pas sans savoir qu’il ne s’agissait pas là d’un choix anodin, car le

168Contribution écrite du Kosovo, chap. V et IX.
169 o
Pièce n 195.
170Pièce n 196.

171Pièce n 197. - 56 -

président Ahtisaari était déjà, à l’époque, un dipl omate très expérimenté et bénéficiant d’une

excellente réputation, respecté pour son impartialité et son efficacité et qui avait déjà prouvé sa

capacité de résoudre des conflits délicats.

46. Outre l’accueil favorable qu’il a réservé à la nomination du présidentAhtisaari, le

Conseil de sécurité a communiqué au Secrétaire géné ral, «à titre de référence», certains «principes

directeurs» établis par le groupe de contact, y compris la Fédération de Russie, en vue des

négociations relatives au statut final du Kosovo. Ces principes appelaient au «lancement» d’un

«processus en vue de déterminer le statut futur du Kosovo, conformément à la résolution 1244 du

Conseil» et établissaient clairement que ce processus serait «dirigé» par l’envoyé spécial.

47. Troisièmement, le Conseil de sécurité a parfaitement compris que, une fois engagé, ce

processus devait être mené à son terme et qu’il ne pouvait pas se poursuivre indéfiniment du fait de

l’intransigeance de l’une ou l’autre des parties. Aussi était-il déclaré dans ces mêmes «principes

directeurs» que «[u]ne fois que le processus sera[it] engagé, il ne pourra[it] plus être bloqué et

172
devra[it] être mené à son terme» . Ainsi, en2005, alors même qu’il était confronté à des

positions affirmées avec force par Belgrade et Pr istina et très probablement irréconciliables, le

Conseil de sécurité était-il pleinement conscien t d’engager un processus politique qui ne pourrait

être bloqué et qui devrait finalement aboutir à une conclusion.

48. Quatrièmement, contrairement à ce qu’a laissé entendre ce matin le conseil de la Serbie,

la question de savoir qui devait décider si le proc essus était parvenu à son terme ne faisait aucun

doute. Le mandat confié par le Secrétaire général au président Ahtisaari établissait clairement que,

bien qu’il soit chargé d’engager des consultations avec l’ensemble des act eurs pertinents, il lui

appartenait ⎯ et à lui seul ⎯ de déterminer la «durée» du processus 17.

58 49. Ni la recommandation du Secrétaire général, ni l’acte de nomination de l’envoyé spécial

en 2005, ni le mandat de ce dernie r n’indiquaient que le processus ne serait achevé que lorsque le

consentement de la Serbie aurait été obtenu, ou lorsqu’un accord aurait été conclu entre Belgrade et

Pristina.

172
Ibid., Annexe.
173Pièce n 198. - 57 -

50. Cinquièmement, l’envoyé spécial a clairement rempli le mandat que lui avait confié le

Conseil de sécurité. Après avoir reçu ses instru ctions, le président Ahtisaari s’est immédiatement

mis au travail et, en 15 mois, a mené des négocia tions intensives avec toutes les parties intéressées,

y compris les autorités de Belgrade et de Pristin a. La plupart des réunions se sont déroulées à

Vienne, et bien que le Kosovo et la Serbie en aient indubitablement été les protagonistes, elles ont

également donné lieu à la participation d’un vaste ensemble d’experts de l’Union européenne, de

l’OTAN, de l’OSCE, du Conseil de l’Europe, d’inst itutions financières internationales et d’autres

organismes.

51. Comme l’a fait remarquer M. le ministre Hyseni plus tôt cet après-midi, aucune piste ne

fut négligée. Mais sur la question de l’autonomie ou de l’indépendance, les deux parties ont campé

sur leurs positions, diamétralement opposées, le gouvernement de Belgrade insistant pour que le

Kosovo demeure partie intégrante du territoire ser be et les autorités du Kosovo insistant quant à

elles pour obtenir l’indépendance, reflétant en cela une aspiration de longue date du peuple du

Kosovo.

52. Après avoir attentivement examiné toutes les possibilités, le prési dent Ahtisaari décida,

en2007, qu’aucun progrès supplémentaire ne pou rrait être accompli par les négociations. Il

déclara que les chances d’abou tir à «une issue négociée du commun accord des parties» étaient

«épuisées» et que la «poursuite des pourparlers sous quelque forme que ce soit» ne permettrait pas

174
de surmonter cette «impasse» . Cette conclusion du président Ahtisaari quant à l’inutilité de

poursuivre les négociations est certainement conforme à la jurisprudence de la Cour elle-même, qui

a reconnu, par exemple dans l’arrêt relatif aux Affaires du sud-ouest africain, qu’il arrive un

moment où les négociations ont conduit à «une impasse» ⎯ où «l’on demeure inébranlable de part

et d’autre» ⎯ et que dans ce cas «il n’y a aucune raison qui permette de penser que le différend soit

susceptible d’être réglé par de nouvelles né gociations entres les Parties» (affaires du Sud-Ouest

africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libéria c.Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1962, p.346; affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n o 2, 1924,

174Pièce n 203. - 58 -

o 175
59 C.P.J.I. série A n 2, p. 13 (id.)) . Or le président Ahtisaari a conclu non seulement qu’une telle

impasse existait en l’espèce, mais en outre que «la seule option viable» pour le Kosovo était

176
l’indépendance .

53. Ainsi, conformément à son mandat, qui stipulait qu’il déciderait de la durée du processus

de détermination du statut, le président Ahtisaari a conclu que le moment de mettre un terme au

processus était venu et que le seul règlement politique viable de la situation, tel qu’envisagé au

paragraphe 11 de la résolution 1244, était l’indépendance du Kosovo.

54. A cette fin, le président Ahtisaari a présenté sa «Proposition globale de Règlement

portant statut du Kosovo» et recommandé l’indépendance du Koso vo, proposition et

recommandation qui ont été pleinement soutenues par le Secrétaire général 177. Les efforts intenses

qui furent ensuite déployés en vue d’obtenir la coopération de la Serbie ont échoué, et c’est

seulement à ce moment, alors que «les progrès acco mplis jusqu’à [ce stade] risqu[ai]ent fort

178
d’avoir été vains et de laisser la place à l’instabilité au Kosovo et dans la région» , que les

représentants démocratiquement élus du Kosovo ont proclamé l’indépendance. Ainsi, si l’on prend

du recul pour étudier ce processus dans sa globalité, on ne peut tout simplement pas affirmer que la

déclaration ait été un acte soudain, surprenant et un ilatéral, ni qu’elle ait constitué une violation du

paragraphe 11 de la résolution 1244.

55. En adoptant la résolution1244, le Conseil de sécurité a autorisé, au paragraphe11, le

déploiement d’une présence internationale civile en vue de faciliter un processus politique visant à

déterminer le statut final du Kosovo. Au terme de ce processus, le Secrétaire général et son envoyé

spécial ont conclu que le maintien du statu quo n’était pas tenable, que la poursuite des

négociations était inutile et que l’indépendance du Kosovo était la seule option viable. Dans ces

conditions, on ne peut tout simplement pas soutenir que la déclaration d’indépendance de

février2008 était contraire au para graphe11 de la résolution1244. Bien au contraire, elle

175Voir également Oppenheim’s International Law (publié sous la direction de Robert Jennings et Arthur Watts),
e
vol. 1, p. 1182-1183 (9éd., 1992). (Les Etats «ne sont pas légalement tenus de parvenir à un accord, et l’obligation de
négocier n’implique pas nécessairement celle de poursuivre de longues négociations si les circonstances indiquent que
celles-ci seraient inutiles») [traduction du Greffe].
176 o
Pièce n 203.
177Pièce no 204

178Pièce n 82. - 59 -

constituait une étape ultérieure logique et nécessai re pour parvenir au règlement final du statut du

Kosovo, qui découlait en outre directement des conclusions des autorités mêmes qui avaient été

chargées par le Conseil de sécurité de diriger le processus de détermination du statut final.

D. Les organes des Nations Unies chargés de veiller à la mise en Œuvre de la résolution 1244
60
et d’annuler les mesures prises au Kosovo qui ne lui étaient pas conformes
n’ont pas annulé la déclaration

56. Monsieur le président, permettez-moi d’en venir à mon quatrième point, qui porte sur la

réaction des responsables et des organes des Nations Unies concernés à l’adoption de la déclaration

d’indépendance.

57. La Cour le sait, les efforts déployés pour que le Conseil de sécurité entérine certaines

mesures institutionnelles envisagées dans la pr oposition de règlement Ahtisaari ont échoué.

Pareille décision du Conseil était politiquement s ouhaitable et aurait permis de mettre fin au

mandat de la MINUK, mais elle n’était pas une condition préalable à la proclamation de

l’indépendance. Contrairement à ce que le conseil de la Serbie a affirmé ce matin, le projet de

résolution qui a circulé parmi les membres du Con seil de sécurité en juillet 2007, même s’il avait

été adopté, n’aurait ni concerné, ni autorisé la proclamation de l’indépendance.

58. Aux fins qui nous occupent, l’important c’est qu’après l’adoption de la déclaration, ni le

Conseil de sécurité, ni le représentant spécial du Secrétaire général n’ont choisi de la déclarer nulle

et non avenue ou de l’infirmer, ce qu’ils étaient pourtant habilités à faire. Aux termes de la

résolution1244, la présence civile internationale au Kosovo était expr essément chargée de

«superviser la mise en place d’institutions provis oires pour une auto-administration autonome et

démocratique» 179et, par ailleurs, il était prévu dans le cadre constitutionnel provisoire promulgué

par le représentant spécial que celui-ci prendrait «les mesures appropriées dès qu’une décision prise

par les institutions provisoires [était] en contradiction avec la résolution 1244 (1999) du Conseil de

180
sécurité ou avec le présent cadre constitutionnel» . Le conseil de la Serbie a confirmé ce matin

que le représentant spécial du Secrétaire général était en substance l’autorité législative et exécutive

suprême au Kosovo.

179
Résolution 1244, par. 11 c).
180Cadre constitutionnel, chap. 12, pièce n 156. - 60 -

59. En fait, avant que le processus de détermination du statut final ne s’achève, le

représentant spécial avait, à diverses reprises, pris des mesures pour empêcher ou annuler des actes

ou des déclarations des institutions provisoir es du Kosovo qui constit uaient un pas vers

181 182
61 l’indépendance . «L’autorité administrative suprême» au Kosovo n’a pourtant rien fait de tel

s’agissant de la déclaration d’indépendance de févr ier 2008, qui a vu le jour alors que le processus

de détermination du statut final avait pris fin. Comment penser dans ces conditions que la

déclaration viole la résolution 1244 comme la Serbie l’affirme ?

60. A n’en pas douter, le représentant spécial et d’autres responsables des Nations Unies se

sont demandés s’ils devaient intervenir. Apr ès l’adoption de la décl aration, la Serbie a

officiellement demandé au Secrétaire général de faire le nécessaire pour que la déclaration soit

annulée en donnant au représentant spécial des inst ructions dans ce sens, ce qu’il n’a pas fait 183.

De même, le Conseil de sécurité n’a pris aucune mesure en ce sens, que ce soit par une résolution

ou par une déclaration de son président.

61. Monsieur le président, nous en concluons que le fait que ni le représentant spécial, ni le

Secrétaire général n’ont agi pour annuler la d éclaration de février2008confirme indéniablement

que celle-ci ne viole pas la résolution 1244.

E. La déclaration d’indépendance n’était ni un acte ultra vires des institutions provisoires
d’administration autonome ni une violation du cadre
constitutionnel de la MINUK

62. J’examinerai à présent mon cinquième et dern ier point. Le libellé de la résolution 1244,

l’historique des négociations qui y ont conduit, ou la pratique ultérieure à laquelle elle a donné lieu

n’étayant pas sa thèse ⎯à savoir que la résolution interdisa it la déclaration d’indépendance de

février 2008 ⎯ la Serbie a recours à un autre argument pour démontrer l’illicéité. Plus

précisément, elle cherche à faire valoir que la déclaration était un acte ultra vires des institutions

provisoires d’administration autonome ou qu’elle c ontrevenait au cadre constitutionnel provisoire

établi par le représentant spécial du Secrétaire général pour la gouvernance à l’intérieur du Kosovo.

Les efforts fébriles de la Serbie pour prouver qu ’il y a infraction à quelque instrument sont

181KOS I, par. 9.24-9.26.
182
Exposé écrit de la Serbie, par. 895-896.
183KOS I, par. 9.27. - 61 -

peut-être compréhensible sur le plan tactique, mais ils ne sauraient emporter la conviction au regard

184
du droit, et pour plusieurs raisons .

63. Premièrement, comme M.Müller l’a dit, la déclaration d’indépendance n’a pas été

adoptée par les institutions provisoires d’administration autonome. Cet acte, d’une nature très

spéciale et extraordinaire, émanait des représenta nts démocratiquement élus du peuple du Kosovo.

Il ne peut tout simplement pas être jugé comme celui d’un organe établi en vertu du cadre

62 constitutionnel et responsable de l’administrati on quotidienne et de la gouvernance au Kosovo

pendant la période intérimaire.

64. Deuxièmement, même si cet acte des re présentants du Kosovo devait être considéré

comme émanant des institutions provisoires d’admini stration autonome, sa licéité ne saurait être

appréciée par rapport aux normes de gouvernance établi es pendant la période intérimaire. Puisque

le processus de détermination du statut final était terminé, la proclamation de la déclaration, en

février2008, n’était pas l’acte d’une institution intérimaire out repassant ses pouvoirs limités;

c’était celui d’un organe constituant déclarant, au nom du peuple, qu’il était prêt à gouverner de

manière permanente, comme l’envisageait le processus politique prévu par la résolution 1244.

65. Troisièmement, que les institutions provi soires d’administration autonome aient été ou

non à l’origine de la déclaration, c’était au re présentant spécial du S ecrétaire général qu’il

appartenait de déterminer si la déclaration était un acte ultra vires ou si elle violait le cadre

constitutionnel provisoire qu’il avait promulgué. Pourtant, comme je l’ai déjà noté, il n’en n’a rien

fait.

66. Nous en arrivons à un point important du droit institutionnel des NationsUnies. En

l’espèce, le Conseil de sécurité a délégué ses pouvoirs
au Secrétaire général et à son représentant

spécial en charge de l’administration civile au Kosovo. Ce faisant, il leur a donné mandat pour

élaborer les règlements qu’exigeait l’application de sa résolution sur le terrain. Si se pose la

question d’une éventuelle transgression sur le te rrain des règlements adoptés par le représentant

spécial pour régir les affaires locales, son opini on devrait se voir accorder le plus de poids

185
d’agissant de déterminer s’il y a eu transgression et, si tel est le cas, d’y remédier . La décision

184
KOS II, par. 5.61-5.66.
185Jaworzina, avis consultatif, 1923, C.P.J.I. série B n 8, p. 37. - 62 -

du représentant spécial du Secrétaire général de ne pas déclarer nulle ou non avenue ou de ne pas

infirmer la déclaration en tant qu’acte ultra vires des institutions provisoires d’administration

autonome ou que violation du cadre constitutionnel était une interprétation faisant autorité, ou à

tout le moins très convaincante, des dispositions du règlement de la MINUK.

67. Quatrièmement, même si l’on part de l’hypothèse que la déclaration constituait un acte

ultra vires des institutions provisoires ou qu’elle contrevenait au cadre constitutionnel établi par le

représentant spécial du Secrétaire général, la Serb ie se trompe lorsqu’elle y voit une violation du

63 droit international ainsi qu’il est mentionné dans la question soumise à la Cour par l’Assemblée

générale. Cet acte ne sera it qu’une violation du droit interne applicable au Kosovo, car le cadre

constitutionnel était un règlement de la MINUK et, comme tous les règlements de la MINUK, il

faisait partie de la législation locale établie a ux fins de l’administration provisoire du Kosovo. A

cet égard, la déclaration d’indépendance ne serait un acte ultra vires que dans la mesure où le sont

la plupart des déclarations d’indépendance ⎯ à savoir en tant qu’infraction au droit constitutionnel

ou autre droit interne de l’Etat concerné.

68. Enfin, étant donné ce qui a été affirmé plusieurs fois ce matin, à savoir que la déclaration

a mis fin au régime découlant de la résolution12 44, je note qu’elle n’a ni mis fin, ni cherché à

mettre fin au rôle de la MINUK établi dans la résolution1244. Cette résolution donnait à la

MINUK un rôle à la fois pendant la période intérimaire et celle qui la suivrait, rôle dont la MINUK

continue à s’acquitter. La Serb ie elle-même reconnaît que la déclaration n’a pas annulé le mandat

de la MINUK et que celle-ci a continué de s’ acquitter de certaines fonctions après son adoption 186.

Le Kosovo reconnaît qu’il appartie nt au Conseil de sécurité de mettre fin à la présence civile

internationale sur son territoire et que la réso lution1244 demeure la base de la présence de la

MINUK au Kosovo.

F. Conclusion

69. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, comme sir Michael l’a indiqué, la position

du Kosovo s’articule fondamentalement autour des cinq points suivants :

186
Exposé écrit de la Serbie, par. 827 et 834. - 63 -

70. Premièrement, la Cour devra examiner l’opportunité de répondre à la question posée par

l’Assemblée générale. Plusieurs Etats ont soulevé de sérieuses interrogations à cet égard.

71. Deuxièmement, dans l’hypothèse où la Cour y répondr ait, nous considérerions que la

question que l’Assemblée générale lui pose est limitée et précise et porte uniquement sur la

déclaration d’indépendance de février2008. Elle ne concerne pas la qualité d’Etat, la

reconnaissance ou l’adhésion à des organisations internationales.

72. Troisièmement, le droit international général ne contient aucune règle permettant

d’apprécier la licéité de la déclaration d’indépendance.

73. Quatrièmement, comme je l’ai indiqué, la résolution1244 de1999 n’empêchait pas la

proclamation de l’indépendance en 2008.

64 74. Cinquièmement, alors que certains Etats se sont surtout intéressés au principe de

l’autodétermination, nous ne l’avons mentionné qu’à titre subsid iaire, car nous considérons que la

Cour n’a pas besoin de se pencher sur ce point. Si elle devait l’examiner, nous sommes d’avis que

le peuple du Kosovo était manifestement habilité à ex ercer le droit à l’autodétermination, et en a

usé en choisissant l’indépendance.

75. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, pour les raisons que nous avons exposées

dans nos écritures et à la présente audien ce, nous prions respectueusement la Cour ⎯si elle juge

approprié de répondre à la demande d’avis consultatif contenue dans la résolution63/3 de

l’Assemblée générale ⎯ de conclure que la déclaration d’indépendance du 17février2008 n’a

enfreint aucune règle applicable du droit international.

76. Ces propos concluent notre contribution oral e. Au nom de ceux qui se sont exprimés cet

après-midi, j’ai l’honneur de remercier la Cour de son aimable attention.

Le PRESIDENT: Je vous remercie infiniment , Monsieur Murphy. Ainsi s’achèvent la

contribution orale des auteurs de la déclarati on unilatérale d’indépendance, et l’audience

d’aujourd’hui. La Cour se réunira de nouveau demain, à 10heures, pour entendre l’Albanie,

l’Allemagne, l’Arabie saoudite et l’Argentine. Elle va à présent se retirer.

L’audience est levée à 18 heures.

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