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Uncorrected Translation
CR 2010/20 (traduction)
CR 2010/20 (translation)
Mercredi 20 octobre 2010 à 10 h 40
Wednesday 20 October 2010 at 10.40 a.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT : C’est maintenant à la Colomb ie d’entamer son premier tour de plaidoiries
et je donne la parole à S. Exc. M. l’ambassadeur Julio Londoño Paredes, agent de la Colombie.
M. LONDOÑO : Je vous remercie, Monsieur le président.
1. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, c’est un grand honneur pour
moi que de m’adresser à la Cour, en qualité d’ agent de la République de Colombie, dans ces
audiences sur la requête à fin d’intervention que la République du Honduras a soumise,
le 10 juin 2010, en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c.Colombie) ; le
Honduras a inscrit sa demande dans le cadre de l’article62 du Statut de la Cour, invoquant
également le premier paragraphe de l’article 36 de celui-ci.
2. Dans sa requête,
«[l]e Honduras sollicite l’autorisation de la Cour d’intervenir en tant que partie dans
l’instance pendante pour régler définitivem ent tant le différend sur la ligne de
délimitation entre le point terminal de la frontière fixée par l’arrêt du 8 octobre 2007 et
le triple point sur la ligne frontière du tr aité de délimitation ma ritime de1986 que la
détermination du point triple sur la ligne f1ontière du traité de délimitation maritime
de 1986 entre le Honduras et la Colombie» .
A titre subsidiaire, le Honduras sollicite l’autorisation de la Cour d’intervenir en tant que non-partie
afin d’informer celle-ci de ses droits et inté rêts d’ordre juridique que sa décision en l’espèce
pourrait mettre en cause.
3. Au cours du premier tour de plaidoiries en la présente instance, le Honduras a demandé à
être autorisé à intervenir en qualité de partie, af in d’obtenir «le règlement définitif, conformément
au droit international, du différend de délimit ation maritime» en instance qui l’oppose au
2
Nicaragua . Le Honduras a également maintenu, à titre subsidiaire, sa demande d’intervention en
tant que non-partie, afin d’inform er la Cour de ses droits et inté rêts d’ordre juridique qui seraient
pour lui en cause en l’espèce.
4. Conformément à la communication de la Cour, mon gouvernement a présenté ses
observations sur la requête le 2 septembre 2010.
1
Requête du Honduras, par. 36.
2
CR 2010/18, p. 45, par. 47 (Wood). - 3 -
5. La Colombie a tout d’abord noté que, dans sa requête, le Honduras excluait expressément
l’aspect territorial du différend dont est saisie la Cour et limitait sa portée à la délimitation maritime
11 pour autant qu’elle concernât des zones situées au nord du parallèle 14°59'08" et à l’ouest du
méridien 79° 56' 00" et du reste de la ligne fixée dans le traité de 1986.
6. La requête du Honduras visant à se faire reconnaître en qualité de partie soulève des
questions relativement à l’arrêt du 8octobre20 07 qui concernent exclusivement sa relation
bilatérale avec le Nicaragua. Puisque la Colombie n’était pas partie à cette affaire, elle n’exprimera
aucune opinion sur ces questions.
7. Toutefois, la requête du Honduras fait également référence au dispositif de l’arrêt de 2007,
suivant lequel : «A partir du point F, [la ligne fr ontière] se poursuivra le long de la ligne d’azimut
70°14'41,25" jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits
d’Etats tiers.» ( C.I.J. Recueil 2007 (II), p.763.) La Colombie est un Etat tiers et a effectivement
e
des droits dans la zone située immédiatement à l’est du 82 méridien.
8. Quant à la requête du Honduras visant à être autorisé à intervenir en tant que non-partie,
compte tenu du fait qu’il est de toute évidence lié pa r un traité international, valide et en vigueur,
qu’il a conclu avec la Colombie en 1986, celle-ci c onsidère que les droits qui découlent de ce traité
constituent un intérêt d’ordre juridique auquel la décision en l’espèce pourrait porter atteinte et que,
par conséquent, le Honduras remplit les conditions de l’article 62 du Statut.
La souveraineté et la juridiction de la Colombie sur les cayes et les espaces maritimes
situés au nord du 15 parallèle
9. Comme l’a expliqué en détail la Colombie dans les pièces de procédure qu’elle a soumises
e
en l’espèce, elle exerce la souveraineté de manière pacifique et continue depuis le XIX siècle sur
chaque île et caye de l’archipel de San Andrés, y compris Serranilla.
10. Elle a continué d’exercer cette juridicti on de la même façon sur la zone économique et
les zones de plateau continental adjace ntes, y compris celles situées au nord du 15 e parallèle, en
raison des droits engendrés par l’ île de Providencia et les autres îles et cayes de l’archipel de
San Andrés. - 4 -
Le traité du 2 août 1986
11. A la fin des années 1970, le Honduras a re vendiqué des droits sur des espaces maritimes
situés au nord du parallèle susmentionné. Dans le but de régler leurs différends, le Honduras et la
Colombie ont signé le 2août1986, à l’issu e d’un processus de négociation, un traité de
délimitation maritime fixant une ligne qui part du 82 e méridien de longitude ouest, suit le parallèle
14°59'08"de latitude nord jusqu’au méridien 79°56'00"de longitude ouest, et continue en
12 direction du nord jusqu’à atteindre la mer territo riale de douze milles marins générée par les cayes
de Serranilla. La frontière se poursuit le long de la limite d’un arc de cercle de douze milles
marins, qui correspond à la section occidentale de la mer territoriale des cayes de Serranilla,
jusqu’à atteindre le parallèle 16° 04' 15" de latitude nord
12. L’Assemblée hondurienne a approuvé le traité le30novembre1999 et le Congrès
colombien le 13 décembre de la même année. L’échange des instruments de ratification a eu lieu à
NewYork le 20décembre1999. Le traité a ét é enregistré auprès du Secrétaire général de
l’Organisation des NationsUnies le 21décembre de cette année et a été strictement respecté tant
par la Colombie que par le Honduras depuis le moment même de sa signature en 1986.
13. C’est l’accord entre les parties qui cons titue la procédure essentielle de base, en droit
international, pour procéder à des délimitations ma ritimes entre Etats. Dans le traité de1986, la
Colombie a accepté de limiter, à l’égard du Honduras, ses droits au plateau continental et à la zone
économique exclusive générés par l’île de Provide ncia ainsi que par les autres îles et cayes de
l’archipel de SanAndrés. Cette concession éta it d’évidence fondée sur des questions bilatérales
négociées entre les parties au traité et n’est pas applicable à l’égard du Nicaragua.
Le respect des traités et leur force juridique
14. Compte tenu du fait que le respect des traités constitue la pierre angulaire de la paix et de
la stabilité dans les relations internationales, je sa isis cette occasion pour réitérer encore une fois la
position bien connue et inébranlable adoptée par la Colombie depuis qu’elle existe en tant que
nation indépendante, à savoir qu’elle respecte fidèlement les traités internationaux. - 5 -
L’arrêt du 8 octobre 2007 de la Cour et son absence d’effet sur les droits de la Colombie
15. Selon la Colombie, par les références contenues au paragraphe316 de son arrêt
du8octobre2007, la Cour n’a en aucune mani ère entendu porter préjudice aux droits de la
e 3
Colombie sur la zone située au nord du 15 parallèle et à l’ouest du méridien 79°56'00"de
longitude ouest, que le traité de1986, un instrument conclu dans le cadre du droit international,
reconnaît aussi pleinement.
13 16. Il est évident que la Cour, toujours attentiv e, dans ses arrêts, à éviter de porter atteinte
aux droits d’Etats tiers, ne faisait référence, da ns l’arrêt du 8 octobre 2007, qu’aux obligations du
Nicaragua et du Honduras, puisqu’elles étaient les seules parties intéressées dans cette affaire.
17. La Colombie est, en outre, d’avis que la Cour n’a en aucune façon porté préjudice à ses
droits en l’espèce à l’égard du Nicaragua, puisque ceux-ci sont également protégés en vertu de
l’article 59 du Statut de la Cour.
L’arrêt de 2007 à l’égard du Nicaragua
18. Dans le cadre de sa conduite inébranlable à l’égard du respect des traités internationaux,
la Colombie a assuré qu’elle respectait le traité de 1986 qu’elle a conclu avec le Honduras.
19. De fait, la Colombie et le Honduras n’ayan t accepté, dans le traité de 1986, d’établir une
délimitation maritime qu’entre eux deux, la Colombie a la possibilité de faire respecter ses droits à
e
l’égard du Nicaragua et d’en revendiquer au nord du 15 parallèle et à l’ouest du méridien
79° 56' 00" de longitude ouest ainsi qu’à l’ouest du reste de la ligne fixée dans ce traité.
20. La présentation de la Colombie se poursuit avec M.RodmanBundy qui interviendra
devant la Cour pour préciser certains aspects des intérêts d’ordre juridique auxquels le Honduras
considère qu’une décision de la Cour pourrait porter atteinte, le contexte historique, les traités et
accords existants dans la région et quelques questions relatives à l’arrêt d’octobre2007.
L’intervention de M.Bundy sera suivie de celle de M.Kohen, qui examinera l’effet du traité
de 1986 sur la requête à fin d’intervention du Honduras, et de celle de M. Crawford, qui portera sur
la requête du Honduras visant à intervenir en qualité de partie.
3Le traité de1986 mentionne en réalité la latitude 14°59'08", mais les rties se réfèrent généralement au
15 parallèle dans leurs arguments en l’espèce. - 6 -
Je remercie la Cour de m’avoir accordé le privilège d’ouvrir, au nom de mon gouvernement,
les plaidoiries de la Colombie en la présente instan ce. Je vous prie, Monsieur le président, de bien
vouloir donner à présent la parole à M. Rodman Bundy.
14 Le PRESIDENT: Je remercie S.Exc.l’am bassadeur M. Julio Londoño Paredes. Avant
d’appeler l’intervenant suivant pour la République de Colombie, M. Rodman Bundy, je pense que
le moment est venu pour la Cour de faire une courte pause café d’une dizaine de minutes.
Je vous remercie.
L’audience est suspendue de 11 heures à 11 h 15.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne à présent la parole à M. Rodman Bundy.
M. BUNDY :
L E CONTEXTE DANS LEQUEL S ’INSCRIT LA REQUÊTE DU H ONDURAS
ET LA QUESTION DE SON INTÉRÊT JURIDIQUE
A. Introduction
1. Je vous remercie infiniment, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour. Il
me revient maintenant de poursuivre le premier tour de plaidoiries de la Colombie sur la requête à
fin d’intervention déposée par le Honduras.
2. Dans cette requête, le Honduras formule deux demandes, dont l’une à titre subsidiaire. Sa
demande principale vise à obtenir l’autorisation d’intervenir en tant que partie pour régler
définitivement ce que le Honduras qualifie de différend existant sur la ligne de délimitation, entre
le point terminal de sa frontière avec le Nicaragfixée par la Cour dans son arrêt de2007 et le
point triple avec la Colombie. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour n’accueillerait pas sa
demande d’intervention en tant que partie, le Honduras sollicite l’auto risation d’intervenir en tant
que non-partie à l’affaire (requête du Honduras, par. 36). - 7 -
3. Ces questions ont une incidence sur la mani ère dont le Honduras a, dans sa requête, décrit
l’objet précis de son intervention, objet qu’il présente comme triple (requête, par. 33).
i) En premier lieu, il s’agit, d’une façon géné rale, de protéger ses droits dans la mer des
Caraïbes par tous les moyens juridiques dis ponibles, notamment la procédure prévue à
l’article 62 du Statut ;
15 ii) en second lieu, il s’agit d’informer la Cour de la nature des droits et intérêts d’ordre
juridique du Honduras qui pourraient être mis en cause par sa décision, compte tenu des
frontières maritimes revendiquées par les Parties à l’affaire principale.
Dans les deux cas, l’objet vaut à la fois pour la demande principale du Honduras visant à être
autorisé à intervenir en tant que partie, et pour la demande qu’il a faite à titre subsidiaire de pouvoir
intervenir en tant que non-partie. Et pour peu que le Honduras puisse établir la nécessaire
existence d’un intérêt d’ordre ju ridique susceptible d’être mis en cause par la décision de la Cour
en l’affaire, les deux objets semblent légitimes. Le premier a maintes fois été mis en avant par le
passé, dans des requêtes à fin d’intervention en ta nt que non-parties que la Cour n’a pas jugées
injustifiées. Et la Cour a, en de multiples occasions, confirmé que le deuxième était approprié,
notamment dans les affaires El Salvador/Honduras, Cameroun c. Nigéria et Indonésie/Malaisie.
iii) En troisième lieu, il s’agit pour le Hond uras, aux termes de sa requête, de demander à la
Cour à être autorisé à intervenir en qualité de partie, auquel c as il reconnaîtra l’effet
obligatoire de la décision qui sera rendue.
A l’évidence, pour le cas où la C our n’accèderait pas à cette demande ⎯ le troisième objet ⎯, le
Honduras répète sa demande subsidiaire, en sollicita nt l’autorisation d’intervenir en tant que
non-partie.
4. Dans ses observations écrites sur la requête , soumises le 2 septembre 2010, la Colombie a
indiqué n’avoir aucune objection à la demande du Honduras tendant à intervenir en tant que
non-partie. S’agissant de sa demande d’intervention en tant que partie, néanmoins, elle a exprimé
une position plus nuancée.
5. Cet aspect de la requête du Honduras soulèv e un certain nombre de questions au sujet de
la délimitation bilatérale entre le Nicaragua et le Honduras faisant l’objet de l’arrêt de2007.
Comme l’a indiqué son agent, la Colombie n’était pas partie à cette affaire et n’a pas jugé opportun - 8 -
d’exprimer un point de vue sur ces questions. Aussi a-t-elle, dans ses observations écrites, indiqué
que c’était à la Cour qu’il a ppartenait de se prononcer sur la demande du Honduras tendant à
intervenir en tant que partie, conformément au pouvoir discrétionnaire que lui confère le
paragraphe2 de l’article62 du St atut: le professeurCrawford reviendra plus en détail sur cette
question dans le courant de la matinée.
6. Pour ma part, je développerai, dans ma pl aidoirie de ce matin, les raisons sous-tendant la
position exprimée par la Colombie dans ses observati ons écrites quant à l’intervention en tant que
non-partie. Mais, avant cela, j’aimerais replac er la requête du Honduras dans son contexte, en
16 m’arrêtant un instant sur sa portée géographique et son rapport à la situation existant dans la région
en matière de délimitation; après cela, je m’inté resserai à la question de savoir si le Honduras
possède un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par une décision en l’affaire.
*
* *
B. La portée de la requête du Honduras
7. Le Honduras indique clairement qu’il ne cherche pas à intervenir à propos de l’un
quelconque des aspects territoriaux en cause dans l’affaire principale (requête, par. 16). De fait, le
Honduras a déjà reconnu la souveraineté colombienne sur les îles et cayes form ant, en particulier,
l’archipel de San Andrés, en vertu du traité qu’il a conclu avec la Colombie en 1986.
8. Dans sa requête, il se borne à solliciter l’au torisation d’intervenir au sujet d’une partie
seulement de la zone à délimiter entre le Nicaragua et la Colombie dans l’affaire principale. Pour
être plus précis, et cela va maintenant être illustré à l’écran ⎯ et vous l’avez vu déjà ce matin ⎯, le
Honduras a spécifié que la zone maritime dans la quelle il affirme avoir des intérêts d’ordre
juridique susceptibles d’être affectés par la décisi on que rendra la Cour en l’affaire est contenue
dans un rectangle borné par les points dont les coordonnées ont déjà été précisés, et donc
circonscrite de la manière illustrée à présent à l’écran (requête, par. 17). - 9 -
9. Etant donné que la question déterminante, s’ agissant de l’article 62 du Statut, est celle de
savoir si un intérêt d’ordre juridique est en cause pour l’Etat demandant à intervenir, deux points
doivent d’abord être éclaircis afin de déterminer si le Honduras a satisfait aux critères prévus par
cette disposition :
i)Premièrement, le Honduras peut-il mettre en avant l’existence d’un intérêt d’ordre
juridique dans la partie pertinente du rectangle qu’il a présenté ?
ii) Deuxièmement, le cas échéant ⎯si, donc, il peut mettre en avant l’existence d’un tel
intérêt ⎯, la délimitation qui sera décidée est-elle, dans l’une quelconque des parties de la
zone maritime en litige entre la Colombie et le Nicaragua comprise dans ce rectangle, de
nature à affecter les intérêts juridiques du Honduras ?
17 S’il est répondu par l’affirmative à ces deux ques tions, et dans ce cas seulement, il conviendra de
répondre à une troisième question, qui est la suivante :
iii) Le Honduras doit-il intervenir en tant que partie ou que non-partie ?
10. Pour répondre aux deux premières questions , il convient d’examiner la manière dont les
intérêts juridiques des divers Etats de la régi on ont évolué par suite d es délimitations maritimes
opérées dans cette partie de la mer des Caraïbes, avant le dépôt de la requête du Honduras.
C. Le contexte historique
11. Depuis son indépendance, la Colombie exerce sa souveraineté et ses droits souverains sur
l’ensemble des îles que compte l’archipel de San Andrés et sur leurs eaux, y compris les îles situées
au nord. La Colombie possède des droits s’éte ndant sur 200milles marins, mesurés à partir des
lignes de base générées par les îles que comprend l’ archipel, y compris Serranilla et BajoNuevo,
e
situées au nord du 15 parallèle, et Providiencia et Serrana, situ ées plus loin au sud. En 1978, la
Colombie promulgua une loi établissant une ZEE de 200 milles marins et énonçant ses droits sur le
plateau continental (voir par. 3.33 du mémoire du Nicaragua).
12. A la fin des années70, le Honduras reve ndiqua des droits sur des espaces maritimes
situés au nord du 15 eparallèle et, pour la toute première fo is, sur Serranilla. La Colombie rejeta
immédiatement toute notion de droits honduriens sur Serranilla. Ensuite, la Colombie et le
Honduras s’engagèrent dans un long processus de né gociation en vue de parvenir à un accord sur - 10 -
leur frontière maritime. Tout au long de ce pro cessus, le Nicaragua ne fit valoir aucune prétention
sur Serranilla et les eaux enviro nnantes, ainsi que l’éminent ag ent du Honduras l’a confirmé lundi
[CR2010/18, p.15, par.8 (LópezContreras)]. Et, dans l’affaire qui a été tranchée en 2007,
Serranilla ne faisait l’objet d’aucun litige entre le Nicaragua et le Honduras.
18 13. Le 2août1986, les négociations entre la Colombie et le Honduras aboutirent à la
signature d’un accord sur la frontière maritime (contre-mémoire de la Colombie, annexe10;
dossier de plaidoiries, onglet 9). Le traité de 1986 illustrait une situation de compromis, comme la
plupart des traités de délimitation — un point qui a été relevé par Sir Michael Wood au début de la
semaine [CR 2010/18, p. 33-34, par. 10]. Le Honduras renonça effectivement à la souveraineté sur
Serranilla. En retour, la Colombie accepta de ne pas faire valoir la totalité de ses droits maritimes
générés par Providencia et Serrana et, au nord-ouest , par l’île de Serranilla, mais elle put conserver
ses pleins droits partout ailleurs autour de l’île de Serranilla. La frontière maritime qui fut
convenue passait donc entre la côte du Honduras et les îles de la Colombie.
14. Dans l’intervalle, bien que le Nicara gua et le Honduras aient apparemment envisagé
d’entamer des négociations pour délimiter leur fr ontière maritime en 1977, ces initiatives restèrent
stériles en raison du changement de gouvernement in tervenu au Nicaragua en juillet1979. Ainsi
qu’il est indiqué dans le mémoire du Nicaragua en l’affaire qui l’opposait au Honduras :
«la révolution qui renversa le Gouvernem ent du Nicaragua en juillet1979 mit un
terme à la poursuite de négociations qui avai ent à peine été engagées par l’échange de
notes diplomatiques en mai 1977». (Mémoire du Nicaragua, Nicaragua c. Honduras,
p. 38, par. 20.)
15. Malgré l’échec des négociations entre le Honduras et le Nicaragua, la Colombie tenait
toujours à régler son différend avec le Honduras et à poursuivre cette pratique consistant à passer
des accords de délimitation mar itime, dont les premiers avaient été ceux que la Colombie signa
avec le Costa Rica, le Panama, Haïti et la République dominicaine dans les années 70.
16. En ce qui concerne la délimitation entr e la Colombie et le Honduras, les deux pays
e
possédaient des droits et des titres maritimes au nord du 15 parallèle, ainsi qu’il est indiqué au
paragraphe 11 de la requête du Honduras. Ces droits étaient gé nérés par l’archipel de San Andrés,
d’une part, et la côte du Honduras, d’autre part. C’est le chevauchement des titres correspondants
qui en rendit la délimitation nécessaire. - 11 -
i) L’accord de 1986 entre la Colombie et le Honduras
17. Ainsi qu’il ressort de la carte qui est à présent projetée à l’écran, le traité entre la
Colombie et le Honduras délimita la frontière mar itime de la manière su ivante. Commençant au
82 méridien, la frontière longe le parallèle pass ant par 14°59'08" de latitude nord jusqu’au
méridien passant par 79°56'00" de longitude ouest. Ainsi que le Gouvernement du Honduras
19 l’avait officiellement déclaré à l’époque, le point où la frontière terrestre entre le Nicaragua et le
Honduras rejoint la mer était situé par 14° 59' 08" ⎯ raison pour laquelle cette latitude fut choisie.
La frontière continue ensuite vers le nord jusq u’aux 12milles de mer territoriale générés par la
caye de Serranilla. Comme vous pouvez le consta ter à l’écran, elle longe l’arc de cercle de
12 milles, qui borde le secteur occidental de la me r territoriale de la caye de Serranilla, jusqu’à la
tangente parallèle sur la bordure extérieure de l’ar c de cercle (par 16°04'15" de latitude nord et
79° 50' 32" de longitude). Et c’est à partir de ce point que, selon l’accord, la frontière se poursuit
vers l’est le long du même parallèle «jusque là où la délimitation devra se faire avec un Etat tiers»,
c’est-à-dire avec la Jamaïque. Serranilla conserva donc tous ses titres maritimes situés au sud, au
sud-est et à l’est de la ligne frontière.
18. Aussi bien l’éminent agent du Honduras que SirMichael ont eu tendance, dans les
exposés qu’ils ont présentés lundi, à souligner que le Honduras possédait des titres maritimes au
nord du 15 eparallèle et à l’est du 82 eméridien en vertu du traité de 1986 [CR 2010/18, p.14-15,
par. 7 (Lopez) ; p. 42-43, par. 38, et p. 43-44, pa r. 42-44 (Wood)]. Je tiens simplement à rappeler
que tous les droits honduriens découlant de ce traité sont également limités à l’est par les limites de
la ligne de délimitation de1986 que j’ai exam inée, qui coïncide largement avec le rectangle
hondurien.
19. Le traité conclu entre la Colombie et le Honduras était un accord de délimitation
purement bilatéral. Il ne portait sur aucune re vendication maritime que l’un des deux pays avait
fait valoir à l’égard d’Etats tiers dans la région. En fait, selon l’articleII du traité, la ligne de
délimitation convenue ne préjugeait pas du tr acé de frontières maritimes déjà établies ou
susceptibles d’être établies avec des Etats tiers, sous réserve que ces frontières n’empiétaient pas
sur la juridiction que les parties au traité se reconnaissent mutuellement. - 12 -
20. Cela étant, contrairement à ce que fut sa pratique en ce qui concerne les accords de
délimitation maritime antérieurs signés par la Co lombie, le Costa Rica et le Panama, qui ont été
examinés la semaine dernière, le Nicaragua prot esta aussitôt contre le traité de1986 auprès du
Honduras et de la Colombie, soit un mois apr ès sa signature (voir mémoire du Nicaragua en
l’affaire Nicaragua c.Honduras, annexe70). Cela fut, en fait, le seul traité de délimitation ⎯ le
seul traité de délimitation ⎯ signé par la Colombie contre lequel le Nicaragua ait jamais protesté.
20 ii) Les accords entre la Colombie et la Jamaïque
21. Le deuxième accord de délimitation de la région est celui portant sur la frontière
maritime et la zone de régime commun signé par la Colombie et la Jamaïque le 12 novembre 1993.
Cet accord vise des zones situées à l’est de celle c ouverte par le traité entre la Colombie et le
Honduras, comme nous allons le montrer à l’écran.
22. Aux termes du traité, la délimitation maritime entre les deux pays partait du point1
⎯que vous voyez éclairé à l’écran. La ligne de délimitation, qui était fondée sur des principes
d’équidistance, s’étendait alors en direction est, p assant par trois autres points, au-delà desquels la
ligne frontière se poursuivait jusqu’à un point qui n’avait pas encore été défini à l’époque, situé à
l’endroit où la ligne de délimitation entre la Colombie et Haïti coupait une ligne de délimitation
dont devaient encore convenir la Jamaïque et Haïti. Etant donné que cette portion de la frontière
entre la Colombie et la Jamaïque se trouve au-del à de la zone qui nous préoccupe, telle que définie
dans la requête du Honduras, elle n’est pas pertinente dans l’immédiat.
23. Au nord-ouest du point 1, la Colombie et la Jamaïque convinrent toutefois d’établir une
zone de régime commun. Il s’agit de la zone qui apparaît en grisé sur la carte. Il fut convenu entre
les deux Etats ⎯la Colombie et la Jamaïque ⎯ qu’ils pouvaient, à l’intérieur de cette zone,
exercer leurs droits souverains aux fins de la prospection et de l’exploitation des ressources
naturelles présentes dans le fond marin et dans s on sous-sol, ainsi que dans les eaux surjacentes, et
aux fins d’autres activités connexes. Les activité s d’Etats tiers dans cette zone n’étaient pas
autorisées, ainsi que l’indiquait expressément le tr aité. Comme SirMichael l’a relevé lundi, la
zone de régime commun respectait pleinement la délimitation convenue en 1986 entre la Colombie
et le Honduras [CR 2010/18, p. 34, par. 13]. De mê me, le Honduras a pleinement respecté le traité - 13 -
de 1993 entre la Colombie et la Jamaïque. En fait, la limite de la zone de régime commun au nord
de Serranilla commence là où s’arrête la ligne frontière entre la Colombie et le Honduras.
24. Avant la signature du traité de 1993, la Colo mbie et la Jamaïque avaient aussi conclu, en
1981 et 1984, deux accords relatifs à la pêche dans cette même zone. Le Nicaragua ne protesta
jamais contre le traité de1993, ni contre les ac cords de pêche, pas plus que contre les activités
menées en vertu de ces accords.
iii) L’arrêt rendu en 2007 par la Cour
25. Voilà qui m’amène à la délimitation en tre le Nicaragua et le Honduras sur laquelle
portait l’arrêt rendu par la Cour en 2007. L’empl acement du point terminal de cette frontière est
une question que le Honduras a soulevée dans sa re quête et également lundi, dans son premier tour
de plaidoiries. Et, comme je l’ai indiqué, étan t donné que la Colombie n’était pas partie à cette
21 affaire, elle s’abstiendra de prendre position sur cette question. Sur la carte qui est maintenant
projetée à l’écran, nous avons simplement placé une flèche sur la bissectrice afin d’illustrer ce qui
figure dans le dispositif de l’arrêt, à savoir :
«A partir du point F, elle se poursuivra le long de la ligne d’azimut
70° 14' 41,25" jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les
droits d’Etats tiers». (C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 763, point 3 du paragraphe 321.)
o
C’est à cet endroit que la Cour a placé une flèche dans le croquis n 8 annexé à son arrêt. Elle n’a
placé aucune flèche à l’extrémité de la ligne en pointillé que le Nicaragua vous a montrée ce matin.
Et je note que, sur les illustrations qu’il vous a présentées ce matin, non seulement le Nicaragua
a-t-il ajouté une flèche, en fait une flèche clignotante, à l’extrémité de la ligne en pointillé, mais il a
également converti la ligne en pointillé en une ligne continue de couleur rouge. Cette flèche est
l’unique flèche qui figure sur le croquis joint à l’arrêt de la Cour.
26. La décision de la Cour, telle qu’elle est énoncée dans le dispositif, est tout à fait
conforme à d’autres considérations exposées dans le corps de l’arrêt. Par exemple, au
paragraphe312 de l’arrêt, la Cour fait référence au principe général selon lequel elle «ne saurait
statuer sur une question si, pour ce faire, les droits d’une tierce partie qui ne comparaît pas devant
elle doivent d’abord être détermin és» et la Cour ajoute qu’«[e]n matière de délimitation judiciaire, - 14 -
il est donc courant de ne pas indiquer de point te rminal précis afin de ne pas porter préjudice aux
droits d’Etats tiers» (par. 312).
e
27. Ailleurs dans l’arrêt, à propos de la pertinence du 82 méridien, élément de fond en cause
dans l’instance principale, la Cour fait observer qu’ elle «se gardera de préjuger cette affaire par sa
décision en [l’…]espèce» ⎯c’est au paragraphe315. Et au paragraphe318, la Cour indique
qu’elle s’est penchée sur certains intérêts d’Etats tiers tels qu’ils résultent de traités bilatéraux
conclus entre pays de la région, et que «l’examen auquel elle a pro cédé de ces divers intérêts est
sans préjudice de tous autres intérêts légitimes d’Etat s tiers dans la zone». Ce qui ressort donc de
ces passages, c’est que la Cour comprenait que sa délimitation en l’affaire Nicaragua c. Honduras
ne devait pas porter préjudice aux droits d’un Etat tiers tel que la Colombie.
28. Je pourrais aussi relever au passage qu’au paragraphe319 de l’ arrêt, la Cour fait
l’observation suivante :
«[L]a ligne ne saurait en aucun cas être interprétée comme se prolongeant à plus
de 200 milles marins des lignes de base à par tir desquelles est mesurée la largeur de la
mer territoriale; toute prétention relative à d es droits sur le plateau continental au-delà
de 200milles doit être conforme à l’article 76 de la CNUDM et examinée par la
Commission des limites du plateau continental constituée en vertu de ce traité.»
22 29. Si je mentionne ce point, c’est que si l’on se fie au paragra phe26 de la requête
hondurienne, les droits du Honduras sur le plateau c ontinental s’étendraient, selon la législation
hondurienne, au-delà de 200 milles marins. En fait, sur l’illustration qui a été projetée à l’écran ce
matin par le Nicaragua, figure une flèche à l’extrém ité de la ligne en pointillé ; cette flèche semble
se projeter et pointer en direction de zones s ituées au-delà de 200milles ma rins des côtes, aussi
bien celles du Nicaragua que du Honduras. Les «droits» du Honduras seraient formulés en des
termes conformes aux droits que lu i confère l’article 76 de la convention de 1982 sur le droit de la
mer. Pour sa part, comme la Cour le sait, la principale thèse du Nicaragua en l’espèce ⎯ du moins
d’après sa réplique ⎯ dépend d’une hypothétique extension du plateau continental dans des zones
situées à plus de 200 milles marins de sa côte.
30. Indépendamment de ce que peut dire la législation hondurienne sur ce point, la Colombie
rappelle que le Honduras devint partie à la convention de1982 le 5octobre1993, ainsi que
l’indique le paragraphe 26 de la requête hondurienne. Depuis lors, le Honduras n’a soumis aucune
demande concernant la partie extérieure du plateau continental à la Commission des limites du - 15 -
plateau continental, et le délai prescrit pour le dépôt d’une telle demande est écoulé. Selon la
Colombie, il n’existe pas de portion extérieure de plateau continental dans cette partie de la mer des
Caraïbes ⎯ en tout cas, aucune demande en ce sens n’a été soumise à la Commission ni approuvée
par celle-ci ⎯ et, dès lors, pareilles questions sont dépourvues d’objet juridique. En tout état de
cause, et fort heureusement peut-ê tre, la question ne semble pas pertinente pour l’examen de la
requête à fin d’intervention du Honduras étant donné que les intérêts d’ordre juridique que le
Honduras fait valoir ici se trouvent à l’intérieu r du rectangleI décrit précédemment, qui est
intégralement compris dans la limite des 200 milles marins de la côte hondurienne.
*
* *
23 D. Intérêts d’ordre juridique du Honduras dans la zone formant un rectangle
31. Voilà qui me ramène à la question de sa voir si le Honduras a démontré l’existence d’un
intérêt d’ordre juridique dans la zone formant un r ectangle que j’ai décrite, qui pourrait être affecté
par une décision en l’instance principale. Pour d es raisons de commodité, ce rectangle apparaît de
nouveau sur la carte projetée à l’ écran pour illustrer sa relation av ec les délimitations antérieures
que j’ai examinées.
32. La limite méridionale du rectangle corres pond au premier segment de la ligne frontière
établie dans le traité de 1986 entre la Colombie et le Honduras. A l’est, le rectangle du Honduras
est borné par le 80 e méridien. Cette limite se trouve immé diatement à l’ouest du segment de la
frontière entre la Colombie et le Honduras qui va du point 2 au point 3 ⎯ un léger écart apparaît à
ce niveau ⎯ et au nord du point 3, le rectangle empiète très légèrement sur la zone qui a fait l’objet
de l’accord de 1993 entre la Colombie et la Jamaï que. Cette zone de chevauchement est de taille
relativement réduite, et pour la Colombie, le r ectangle du Honduras ne met pas en cause la validité
de la ligne de 1986 ou du traité de 1993 : le Honduras n’a jamais contesté ces deux instruments. - 16 -
33. Les zones maritimes contenues dans le rectangle et situées au nord de la bissectrice ne
sont pas en cause en l’espèce, la Cour ayant conclu en l’affaire Nicaragua c.Honduras qu’elles
appartenaient au Honduras.
34. La situation est différente au sud de la bissectrice. Tout d’abord, le Honduras et le
Nicaragua semblent diverger sur la question de sa voir si dans son arrêt de 2007, la Cour a fixé un
point terminal sur la bissectrice, délimitant ains i uniquement une partie de leur frontière. Sans
entrer dans ce débat, la Colomb ie souhaite toutefois souligner que la projection de la bissectrice
au-delà du point F ne doit pas mettre en cause les droits d’Etats tiers, comme la Cour l’a clairement
indiqué au paragraphe321 du disp ositif de son arrêt de2007. La Colombie souhaite également
préciser qu’elle estime être l’un de ces Etats tiers.
35. A cet égard, il importe de rappeler que les zones maritimes se trouvant au nord du
e e
15 parallèle et à l’est du 82 méridien sont en cause en l’espèce parce que la Colombie peut
revendiquer, et revendique effectivement, des titr es maritimes à l’égard du Nicaragua dans ces
zones. En réalité, c’est aussi ce que montrait la figure3.1 de la réplique du Nicaragua, que son
conseil a projetée à l’écran ce matin . Il s’agissait, vous vous rappe llerez, de la zone à délimiter
entre la Colombie et le Nicaragua dans l’instance principale, selon le Nicaragua. Cette carte a été
24 projetée à l’écran ⎯ à moins que mon exemplaire ne soit inco mplet, je ne pense pas qu’elle figure
dans le dossier de plaidoiries ⎯, mais la Cour peut voir qu’une pa rtie de la zone de délimitation
e
proposée par le Nicaragua s’étend au nord du 15 parallèle. En d’autres termes, d’après la figure
produite par le Nicaragua lui-même , une partie de la zone à délimiter entre la Colombie et le
e
Nicaragua dans la procédure principale englobe des zones situées au nord du 15 parallèle. La
frontière maritime fondée sur l’équidistance que re vendique la Colombie se projette dans cette
zone. De toute évidence, en l’affaire Nicaragua c. Honduras, la Cour n’avait pas compétence pour
se prononcer sur des questions en litige entre la Co lombie et le Nicaragua. Je reviendrai sur ce
point plus tard.
36. Dans sa requête (paragraphe11), le Honduras reconnaît que la Colombie possède des
droits sur cette zone. Pour sa part, sir Michael a relevé lundi que dans la procédure principale, la
Colombie affirme que les obliga tions bilatérales qui lui incombent à l’égard du Honduras ne
l’empêchent pas de revendiquer à l’encontre du Ni caragua en l’espèce des droits et des intérêts - 17 -
dans les zones situées au nord du 15 eparallèle et à l’est du 82 eméridien [CR 2010/18, p. 44-45,
par. 46].
37. Le Honduras a fait valoir que, par rapport à la Colombie, il a également des droits dans
cette zone en application du traité de 1986, étant donné que les zones en cause se situent au nord du
15 eparallèle et à l’est du 82 méridien.
38. Compte tenu de tous ces éléments, la situation peut être utilement résumée comme suit :
⎯ dans son arrêt de2007, la C our ne pouvait pas se prononcer sur les droits d’Etats tiers
non parties à l’instance dont elle était saisie, et ne l’a d’ailleurs pas fait ;
⎯ la Cour ne s’est donc pas prononcée sur les droits de la Colombie à l’égard du Nicaragua
et vice versa, si l’on considère qu’en l’instance principale, le différend sur la délimitation
e
entre la Colombie et le Nicaragua englobe des zones situées au nord du 15 parallèle ;
⎯ de même, la Cour ne s’est pas prononcée non plus sur les droits de la Colombie et du
Honduras qui ont fait l’objet du traité de1986, parce que ce traité n’était alors pas en
cause dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, et que la Colombie n’était pas partie à cette
affaire. La Cour n’a pas statué non plus su r le traité de1993 entre la Colombie et la
Jamaïque parce que, là aussi, aucune des deux parties à cet accord n’était partie à
l’affaire Nicaragua c. Honduras ;
25 ⎯ les mêmes considérations s’appliquent dans la présente espèce étant donné que tant la
Colombie que le Nicaragua revendiquent l’ une contre l’autre des zones qui sont
couvertes par le traité de1986. C’est en raison de ses intérêts d’ordre juridique
découlant du traité de 1986 que le Honduras est ime devoir être autorisé à intervenir dans
la présente procédure pour informer la Cour de ses intérêts et les protéger.
39. Et c’est à la lumière de cette situation, et pour revenir aux deux premières questions que
j’ai posées plus tôt dans mon exposé, que la Colombie comprend pourquoi, en premier lieu, le
Honduras estime qu’il a un intérêt d’ordre juridique da ns les zones comprises dans le rectangle en
vertu du traité de1986 et, en de uxième lieu, pourquoi et comment cet intérêt pourrait être affecté
par une décision en l’instance principale, étant donné que les zones compri ses dans ce rectangle
sont bien en litige entre la Colombie et le Nicaragua dans cette instance. - 18 -
40. C’est pour cette raison que la Colombie n’as pas vu d’objection à ce que le Honduras soit
autorisé à présenter ses vues sur ces questions par la voie d’une intervention. En effet, selon la
Colombie, d’autres Etats ont été autorisés à interven ir en tant que non-parties dans des affaires de
délimitation dans lesquelles une d écision dans la procédure principa le risquait de toucher leurs
intérêts d’ordre juridique.
41. Ce n’est pas la position adoptée par le Ni caragua dans ses observations écrites. Le
Nicaragua fait objection à la requête à fin d’intervention du Honduras notamment parce qu’il
estime que celui-ci cherche à rouvrir entre les de ux Etats des questions qui ont déjà fait l’objet
d’une décision de la Cour dans son arrêt du 8 octobre2007. Selon le Nicaragua, la Cour avait
e
conclu que c’était à lui, et non au Hondur as, que revenait la zone située entre le 15 parallèle et la
bissectrice.
42. Toutefois, le Nicaragua soutient égalemen t que la Colombie non plus ne dispose pas de
droits au nord du 15 eparallèle (observations écrites du Nicara gua, par. 12), avant de conclure qu’il
n’existe pas de zones en cause dans la procédur e principale qui pourraient affecter un intérêt
juridique quelconque du Honduras : et c’est sur ce point que la Colombie est en profond désaccord.
Et c’est également sur ce point que la position du Nicaragua est fondamentalement incompatible
avec la figure 3.1 qu’il a projetée plus tôt à l’écran.
26 43. C’est parce que le Nicaragua a formulé cet argument ⎯sur l’absence ou la prétendue
e
absence de droits colombiens au nord du 15 parallèle ⎯ et c’est parce qu’il l’a formulé en réaction
à la requête du Honduras, que la Colombie n’a d’autre choix que de répondre ici pour que l’on
comprenne bien sa position. Néanmoins, cette réponse de la Colombie ne préjuge en rien le fait
que ses revendications et celles du Nicaragua relativ es à cette zone sont une question qui ne peut
être réglée qu’au stade du fond.
44. Dans ses observations écrites, le Nicaragua affirme que c’est le Honduras lui-même qui
fait valoir dans sa requête que la Colombie ne saurait formuler de prétention relativement à cette
zone rectangulaire en vertu du traité de19 86 (observations écrites du Nicaragua, par.22).
Toutefois, pour la Colombie, c’est exactement le c ontraire qui ressort de la requête du Honduras.
En effet, c’est justement parce que le Honduras r econnaît que la Colombie a effectivement le droit
e
de revendiquer des espaces maritimes situés au nord du 15 parallèle contre le Nicaragua, et qu’elle - 19 -
l’a fait dans la procédure principale, que le Honduras estime que ses intérêts d’ordre juridique
pourraient être affectés par une décision en l’espèce.
45. Ce point a été précisé au paragraphe 10 de la requête du Honduras, où il est dit que c’est
le Nicaragua, et non le Honduras, qui soutient que la Colombie a renoncé à ses droits au nord du
e
15 parallèle en signant le traité de 1986 avec le Honduras. Mais le Honduras ajoute que ce traité
ne permet en aucun cas au Nicaragua de soutenir qu’il est le seul Etat à posséder des droits au nord
e
du 15 parallèle en l’instance principale, car pareille affirmation non seulement reviendrait à faire
disparaître une partie à la présente espèce, la Colo mbie, mais serait en outre contraire au principe
selon lequel un Etat tiers ne peut chercher à i nvoquer un accord en vigueur entre deux autres Etats
pour établir ses propres droits.
46. Pour la Colombie, la question est simple. Dans le traité de1986, la Colombie et le
Honduras ont déterminé leurs droits maritimes respec tifs, uniquement en ce qui les concerne. Et
cet accord n’empêche nullement la Colombie, ni d’ailleurs le Honduras, de formuler ses propres
prétentions vis-à-vis du Nicaragua. Autrement dit, le fait que les titres maritimes de la Colombie
au nord du 15 eparallèle aient été déterminés bilatéralement avec le Honduras dans le traité de 1986
sur la base de facteurs que les deux Etats ⎯ et eux seuls ⎯ jugeaient pertinents ne signifie pas que
les titres juridiques de la Colomb ie cessent pour ainsi dire d’exis ter vis-à-vis du Nicaragua. Alors
que les relations entre la Colombie et le Honduras, et vice-versa, restent régies par le traité de 1986,
cet instrument ne lie en aucun cas la Colombie par rapport au Nicaragua: c’est pour cela que la
27 Colombie a tout à fait le droit de revendiquer des espaces maritimes situés au nord du 15 eparallèle
contre le Nicaragua en l’instance principale, d’autant que ces zones se trouvent plus près du
territoire colombien que du territoire nicaraguayen. Voilà de toute évidence des questions qui
devront être examinées de manière détaillée au stade du fond.
47. Aux fins qui nous occupent maintenant , étant donné que ces questions sont en cause
entre le Nicaragua et la Colombie dans l’inst ance pendante, et que le Honduras a également des
intérêts d’ordre juridique dans la même zone générale en vert u du traité de1986, la Colombie
estime que le Honduras a satisfait aux conditions é noncées à l’article62 du Statut pour intervenir
en tant qu’Etat non partie. La Colombie répète donc ce qu’elle a dit dans ses observations écrites :
elle n’a pas d’objection à cet aspect de la requête du Honduras. - 20 -
48. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.
Je remercie la Cour de son atten tion et vous saurais gré, Monsieur le président, de bien vouloir
donner la parole à M. Kohen, qui poursuivra la plaidoirie de la Colombie.
Le PRESIDENT: Je remercie M.RodmanBund y pour son exposé. J’appelle maintenant
M. Kohen à la barre.
KMOr. EN:
THE IMPACT OF THE 1986 M ARITIME DELIMITATION T REATY ON THE H ONDURAN
A PPLICATION FOR PERMISSION TO INTERVENE
1. Mr. President, Members of the Court, it is a great honour to appear before you on behalf
of the Republic of Colombia.
2. It is my task to examine the impact of the maritime delimitation treaty concluded between
Colombia and Honduras on Honduras’s Application for permission to intervene.
3. You are already familiar with the course of the line created by that maritime delimitation
treaty, with its position in relation to the line claimed by Colombia in this case and with the
delimitation established by the Court in its Judgment of 8 October 2007. Let us recall at the outset
28 that the three States appearing before you oncur in acknowledging that the Court’s Judgment
could not have affected the rights of third Stateslombia, as all are aware, was not a party to
the case concerning the Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the
Caribbean Sea.
4. In its Application for permission to interv ene, Honduras states that “the intervention for
which it requests permission is confined exclusiely to the maritime delimitation in the zone
5
delineated by the 1986 Treaty” The Honduran Application notes that Colombia has made claims
vis-à-vis Nicaragua north of the 15th parallelNicaragua’s Written Observations examine the
references made by the Court to the 1986 Treaty. Nicaragua concludes that
4
CR 2007/5, p. 23, para. 69 (Pellet); CR 2010/16, pp. 21 and 23, paras. 11 and 16 (Reichler); CR 2010/18, p. 41,
para. 35 (Wood).
5
Application for permission to intervene of Honduras (AIH), para. 16: “l’intervention qu’il sollicite est limitée à
la seule délimitation maritime dans la zone circonscrite par le traité de 1986”.
AIH, para. 18. See also CR 2010/18, p. 44, para. 46 (Wood). - 21 -
“the Court has already ruled that Hondur as has no rights or interests between the
bisector and the 15th parallel in this area, and observed that Colombia, likewise, has
no rights north of the 15th parallel. Thus, the Judgment of 8 October 2007 negates the
7
very ‘rights and interests’ that Honduras’ Application … seeks to protect.”
5. This morning, Alain Pellet took it as r ead that Colombia has no title to maritime
jurisdictions opposable to Nicaragua in the zone of the 1986 Treaty. He no doubt believed that the
arguments expounded by Nicaragua last Friday rela ting to the effects of delimitation treaties were
sufficient. Last week, Nicaragua did in fact begi n to concern itself with matters pertinent to this
week’s hearings. We heard a worse-than -dubious line of argument on the alleged erga omnes
effects of bilateral treaties, the purported “objectiv e” character of delimitation treaties, and even a
defence — emanating somewhat surprisingly from Nicaragua, but welcome nevertheless — of the
8
importance of the principle of boundary stability . Nicaragua’s aim is clear: with a clever, but
nonetheless groundless, legal legerdemain it seeks to infer from the maritime delimitation treaties
concluded between Colombia and its neighbours between 1976 and 1993 rights in its favour, all the
29 while repudiating the very essence of these treaties, that is to say, the treaties through which the
parties — and I stress the word parties — have divided the maritime areas within their jurisdiction
in zones where those areas overlap. In this case, Nicaragua is attempting to substitute itself for
Honduras in the 1986 Treaty.
6. In this presentation, I will address the lack of justification for those arguments put forward
by Nicaragua. I will begin by considering Nicaragua’s erroneous interpretation of the references to
the 1986 Treaty in the Court’s Judgment of 8Oc tober2007. I will then examine Nicaragua’s
arguments designed to deduce from the 1986 Treaty rights in its favour, which it advances with the
intention of setting aside any right or legal interest which the parties to the Treaty themselves have
in the zone in question.
7Written Observations of Nicaragua (WON), para.12. Unoffici al translation: “La Cour a déjà statué sur le fait
que le Honduras ne pouvait se prévaloir d’aucun droit ni intért particulier au regard dla zone comprise entre la
bissectrice et le 15 parallèle dans cette région, et a noté, de la même manière, que la Colombie ne possède aucun droit au
nord du 15 parallèle. Ainsi, l’arrêt du 8 octobre 2007 nie l’existen ce des ‘droits et intérêts que la requête du Honduras à
fin d’intervenir vise justement à protéger’”.
8CR 2010/16, pp. 27-28, paras. 32-34 (Reichler). - 22 -
A. Nicaragua’s erroneous interpretation of the reference made by
the Court to the 1986 Treaty
7. Colombia shares the view expressed on Monday by Honduras that the Court did not rule
on the legal effects of the 1986 Treaty binding upon Honduras and Colombia 9. I would also add
that the Court did not rule in 2007 on the effects of that Treaty in relation to the Parties in the
present proceedings. Nicaragua, for its part, ma kes a diametrically opposite— and may I add
erroneous— interpretation of the Judgment of 8October2007 insofar as are concerned the
1986 Treaty and the effects and scope of the delimitation established by the Judgment in relation to
the rights of third States in the region in question.
8. As I have already said, according to Nicaragua’s Written Observations— and I am
quoting my own [French] translation —, the Court “observed that Colombia . . . has no rights north
of the 15th parallel”. The other Party, however , “overlooks” several vital words in the Court’s
Judgment. I will quote the full text:
“The Court nevertheless observes th at any delimitation between Honduras and
Nicaragua extending east beyond the 82nd meridi an and north of the 15th parallel (as
the bisector adopted by the Court would do) would not actually prejudice Colombia’s
rights because Colombia’s rights under this Treaty do not extend north of the
30 10
15th parallel.” (Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras
in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007(II) ,
p. 759, para. 316; emphasis added.)
9. Nicaragua “overlooks” the words “under this Tr eaty”. This is a critical “oversight”, since
it calls into question the fundamental principle acco rding to which the Court may only exercise its
9
CR 2010/18, p. 40, para. 32 (Wood).
1French text: “[La Cour] relève cependant qu’une éventu elle délimitation entre le Honduras et le Nicaragua qui
se prolongerait vers l’est au-delà du 82e méridien et au nord du 15e parallèle (ce qui serait le cas de la bissectrice retenue
par la Cour) ne porterait en réalité pas pr éjudice aux droits de la Colombie, dans la mesure où les droits de cette dernière
en vertu de ce traité ne s’étendent pas au nord du 15e parallèle.” - 23 -
11
jurisdiction in respect of States which have consented to it . The Court would never have been
able to rule on Colombia’s rights under genera l international law vis-à-vis Nicaragua and the
maritime areas in the region without Colombia’s consent. The only possible way to interpret this
paragraph of the Judgment in accordance with the fundamental principle of party consent is the
following: the Court considered that, under the 1986 Treaty , and then only vis-à-vis Honduras ,
Colombia had no rights in the zone north of the 15th parallel and west of the line running north
from this parallel. The Treaty provides no more. It does not create rights in Nicaragua’s favour.
Thus, the question of Colombia’s rights north of the 15thparallel falls within the scope of the
Court’s jurisdiction in this case, and not in the Nicaragua v. Honduras case. The Judgment
relating to the latter case clearly states that the Court “will avoid prejudicing those proceedings [the
31 Nicaragua v. Colombia case] by its decision here” ( Territorial and Maritime Dispute between
Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports
2007 (II), p. 758, para. 315) 12. This of course applies to the two Parties in the present proceedings.
10. The Court emphasized the limited scope of its analysis in the following terms:
“The Court has thus considered certain interests of third States which result
from some bilateral treaties between countries in the region and which may be of
possible relevance to the lim its to the maritime boundary drawn between Nicaragua
1Status of Eastern Carelia, Advisory Opin ion, 1923, P.C.I.J., SeriesB, No.5 , p.27Rights of Minorities in
Upper Silesia (Minority Schools), Judgment No.12, 1928, P.C.I.J., SeriesA, No.15 , p.22; Corfu Channel (United
Kingdom v. Albania), Preliminary Objection, Judgment, 1948, I.C.J. Reports 1947-1948 , p.27; Reparation for Injuries
Suffered in the Service of the United Nati ons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1949 , p.178; Interpretation of Peace
Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 71; Anglo-Iranian
Oil Co. (United Kingdom v. Iran), Preliminary Objection, Judgment , I.C.J. Reports 1952 , p.103; Monetary Gold
Removed from Rome in 1943 (Italy v. France, United Kingdom and United States of America), Judgment, I.C.J. Reports
1954, p.32; Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), A pplication for Permission to Intervene, Judgment,
I.C.J. Reports 1984, p. 34; Applicability of Article VI, Section 22, of the Convention on the Privileges and Immunities of
the United Nations, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1989, p. 189, para. 31; Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(ElSalvador/Honduras), Application to In tervene, Judgment, I.C.J. Reports 1990 , p.133, para.94Certain Phosphate
Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objecti ons, Judgment, I.C.J. Reports 1992 , p.260, para.53;East
Timor (Portugal v. Australia), Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 101, para. 26; Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada),
Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 456, para. 55; Legal Consequences of the Construction of a
Wall in the Occupied Palestinian Territory, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2004, p. 157, para. 47; Armed Activities on
the Territory of the Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction and
Admissibility, Judgment, I.C.J.Reports2006, p.32, paras.64 and 65; Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment,
I.C.J. Reports 2007, p.76, para.76; A pplication of the Convention on the Pre vention and Punishment of the Crime of
Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, J udgment, I.C.J. Reports 2008 , p.423, para.33; Certain
Questions of Mutual Assistanc e in Criminal Matters (Djibouti v. France), Judgment, I.C.J. Reports 2008 , p.203,
para. 60.
1French text: “[La Cour] se ga rdera de préjuger [de l’affaire Nicaragua c. Colombie]... par sa décision en la
présente espèce.” - 24 -
and Honduras. The Court adds that its consideration of these interests is without
prejudice to any other legitimate third party int13ests which may also exist in the
area.” (Ibid., p. 759, para. 318; emphasis added.)
11. Also overlooked by Nicaragua is anothe r element whose examination is necessary in
order to determine whether or not the Honduran Application for permission to intervene is
admissible. That is the fact that the Judgmen t of 8October2007 unambi guously determines that
the delimitation shall continue “ until it reaches the area where the rights of third States may be
affected” (ibid., para.321, operative clause, point3). Colombia is a third State whose rights may
be affected. It is there that the delimitation established by that Judgment stops. What happens
beyond that junction is a matter which, of course, the Court did not settle in the Judgment of
8 October 2007. Given the existence of a treaty such as that of 1986, Honduras’s interests north of
the 15th parallel and west of the 80th meridian could undeniably be affected by a decision of the
Court in the present case.
B. Nicaragua’s attempt to deduce from the 1986 Treaty rights
in its favour has no legal basis
12. Nicaragua reluctantly accepts that the 1986 Treaty does not actually confer any rights on
it and that the rule pacta tertiis nec nocent nec prosunt is applicable in this instance. Said in
32 English: “treaties may neither burden nor benefit third parties”. Nicaragua, however, refuses to
accept the second part of this well-known adage.
13. Let us look therefore at the roundabout wa y Nicaragua tries to go about demonstrating,
successfully in its opinion, the ex istence of rights in its favour derived from the 1986 Treaty: the
alleged “objective situation” created by the Treaty having an erga omnes character, the application
of the principle of stability of boundaries, and cer tain arbitral jurisprudence which, according to
Nicaragua, supports its position. I will now consider these.
(a) The “objective” régimes opposable erga omnes
14. First, let us consider the notion of “ objective régimes” which are purportedly opposable
erga omnes. That notion has not been incorporated into the Vienna Convention on the Law of
1French text: “La Cour s’est ainsi penchée sur certains intérêts d’Etatstels qu’ils résultent de traités
bilatéraux conclus entre pays de la région qui pourraient être pertinents quant aux limites de la frontière maritime tracée
entre le Nicaragua et le Hondur as. La Cour ajoute que l’examen auquel el le a procédé de ces divers isansêts est
préjudice de tous autres intérêts légitimes d’Etats tiers dans la zone.” - 25 -
Treaties. In any event, the situations contemplat ed by that notion have absolutely nothing to do
with the bilateral establishment of territorial or ma ritime delimitations. In the maritime field, it
applies in particular to treaty agreements thr ough which two or more States establish a régime of
free navigation in straits or channels.
15. According to the International Law Comm ission, the situations contemplated by the
notion of “objective” régimes creating rights and obligations erga omnes fall under either
Articles35 and 36 of the Vienna Convention on the Law of Treaties, or the rule set forth in
Article 38, which provides for the possibility of a la ter custom developing in addition to the treaty,
thus rendering the right or obligation provide d by the treaty applicable to third parties 14. None of
these provisions when applied to the 1986 Treaty has the result Nicaragua claims.
16. When the Court referred to an objective situati on, it did so in a very different context. It
was referring to the creation of the United Nations by 50 States and the fact that the Organization
thus enjoyed an objective inte rnational personality opposable erga omnes 15. Those situations are
all far removed from the hypothesis advanced by Ni caragua of an “objective” situation created by
delimitation treaties, allowing third States to benefit from them.
33 17. With your permission, Mr.President, we will play along with Nicaragua for just a
moment. Indeed, let us suppose that, faced with a treaty defining the extent of the maritime areas
of two States, other States find themselves in a situation created by the treaty which is opposable —
favourably, Nicaragua would say— erga omnes . What would the consequences of this be?
Simply that third States could invoke vis-à-vis Honduras and Colombia compliance with their
international obligations in their respective zon es resulting from the treaty. That, however, has no
impact on the question of the delimitation itself, which remains a matter exclusively for the Parties.
“It is relational”, as my friend Alain Pellet would say, citing my other friend James Crawford.
(b) Nicaragua is mistaken in invoking the principle of stability of boundaries
18. Let us now turn to the principle of stability of boundaries. In no event does this principle
mean that a third State may rely on a bilateral de limitation established by other States. If there is
14
Yearbook of the International Law Commission (YILC), 1966, Vol. II, pp. 251-252.
1Reparation for Injuries Suffered in the Service of th e United Nations, Advisory Op inion, I.C.J. Reports 1949 ,
p. 185. - 26 -
an aim underlying the principle, it is to prevent one or the other party from calling into question an
existing boundary on the ground that an alleged e rror has come to light or on other grounds,
16
including that of termination of the treaty .
19. While being subject to this principle 17, maritime delimitation treaties do, it should be
noted, have special characteristics of their own. Thus, like any maritime delimitation agreement,
the 1986 Treaty expresses the parties’ conviction that they have arrived at an equitable result, as
required by customary law, which is expressed in Articles74 and 83 of the United Nations
18
Convention on the Law of the Sea .
20. The reasons why two States arrive at su ch an equitable result are manifold. The
equitable result is weighed in the context of this bilateral relationship, which is “monotypic”, to use
the term employed by the Court in the Judgment in the Gulf of Maine case 19. To give you an
34 example, Members of the Court: it may be that State A is prepared to make greater concessions to
State B, which is willing to negotiate a mariti me delimitation and at the same time relinquish
certain territorial claims in the same area, but no t to State C, which denies the validity itself of the
most important bilateral treaty between them and thus seeks to drive State A out of a region in
which it has been present for two hundred years!
21. As for the rest, we are in total agre ement with Nicaragua on the importance of the
principle of stability of boundaries, be they territorial or maritime. In the present case, Nicaragua
itself is the one flouting this principle, both the land and maritime aspects of it. It has done so in
the most serious way possible, by denying the very existence of the 1928/1930Treaty through a
purported unilateral declaration of nullity. It con tinues to do so, as shown by the avid and shifting
claims it puts forward in this case, and is seeking to upset the treaty-based equilibrium established
by all the other States on the south-western shores of the Caribbean Sea.
1Interpretation of Article 3, Paragraph 2, of the Treaty of Lausanne, Advisory Opinion, 1925, P.C.I.J., Series B,
No. 12, p. 20; Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 34; Territorial
Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 37, paras. 72-73.
1Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment, I.C.J. Reports 1978, p. 36, para. 85.
1Maritime Delimitation and Territorial Ques tions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Judgment,
I.C.J. Reports 2001, pp. 110-111, paras. 226-230; Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in
the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 740-741, paras. 265-266, para. 270.
1Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area (Canada/United States of America),
Judgment, I.C.J. Reports 1984, p. 290, para. 81. - 27 -
(c) Irrelevant arbitral jurisprudence
22. I now come to the jurisprudence Nicaragua has cited in support of its thesis that a State’s
abandonment of title to maritime areas when a bilateral treaty is concluded is an abandonment erga
omnes.
23. Two arbitral awards have been cited on this point 20. They deal with situations totally
different from those now under consideration by the Court. The first award is the one concerning
Maritime Delimitation between Barbados and the Republic of Trinidad and Tobago . The quoted
paragraph reads:
35 “The maritime areas which Trinidad and Tobago has, in the 1990 Trinidad
Venezuela Agreement, given up in favour of Venezuela do not any longer appertain to
Trinidad and Tobago and thus the Tribunal could not draw a delimitation line the
21
effect of which is to attribute to Trinidad and Tobago areas it no longer claims.”
24. In that case, Trinidad and Tobago did not lay claim, vis-à-vis Barbados, to maritime
areas ceded to Venezuela. What was involved wa s Trinidad and Tobago’s attempt to rely on
concessions it had made to Venezuela in entering into a delimitation treaty in order to be
“compensated” therefor in the determination of its delimitation with Barbados. Trinidad and
Tobago contended that, as a result of its consent to shift its line of delimitation with Venezuela
northward ⎯ in order to give Venezuela access to the Atlantic Ocean ⎯ the delimitation with
Barbados should also be shifted to the north. Thus , the arbitral award cannot be read to mean that
it is impossible to assert against a third State a title to maritime areas resulting from the conclusion
of a delimitation treaty with another State.
25. The second arbitral award cited by Nicaragua did not concern a maritime dispute. This is
the Eritrea/Yemen case, first stage, concerning sovereignty over certain islands. Counsel for
Nicaragua quoted only the following part of the decision:
20
CR 2010/13, p. 37, para. 29; CR 2010/16, p. 28, para. 33 (Reichler).
2Arbitration between Barbados and th e Republic of Trinidad and Tobago, re lating to the delimitation of the
exclusive economic zone and the continental shelf between the, decision of 11Apr.2006, R.I.A.A., Vol.XXVII,
para. 347 (CR 2010/13, p. 37, para. 29 (Reichler)).
“Les espaces maritimes que la Trinité-et-Tobago a, dans son accord de 1990 avec le Venezuela, cédés à cet Etat
ne lui appartiennent plus, ce pourquoi le Tr ibunal n’a pu tracer une ligne de délimitation ayant pour effet d’attribuer à la
Trinité-et-Tobago des espaces qu’elle ne revendique plus.” [Translation by the Registry] - 28 -
“Boundary and territorial treaties made between two parties are res inter alios
acta vis-à-vis third parties. But this special category of treaties also represents a legal
reality which necessarily impinges upon thir d states, because they have effect erga
22
omnes.”
26. Unfortunately, Nicaragua’s counsel “for got” to quote the next passage, which clearly
shows what was in question here. I shall do so in his stead:
36 “If State A has title to territory and passes it to State B, then it is legally without
purpose for StateC to invoke the principle of res inter alios acta , unless its title is
better than that of A (rather than of B). In the absence of such better title, a claim of
res inter alios acta is without legal import.” 23
27. Ultimately, Nicaragua’s truncated quotatio n is proof of the futility of its argument.
Because what this example from the case law shows is precisely the opposite of what the Applicant
alleges. This confirms two things: the coming into play of the rule “pacta tertiis” and the need for
there to be, in the final analysis, a better title to the territory.
28. But please allow me a further co mment, Mr. President. The first Eritrea/Yemen arbitral
award concerned the territorial dispute. What is important in this type of dispute is to establish
which of the parties possesses title to the contested territory. As Prosper Weil pointed out:
“Nowadays maritime delimitation is quite different. Far from assuming that
there can be only one legal title to a given area, it postulates the existence of two
equally valid titles in competition with one a nother over the same area. It is... a
question of... requiring from each of the parties with these equally well-founded
titles a reasonable sacrifice such as would make possible a division of the area of
overlap.” 24
C. Nicaragua’s attitude towards the 1986 Treaty precludes it from invoking
any right whatsoever in its own favour
29. I now come to another major argument for rejecting any inclination on Nicaragua’s part
to try to take advantage of the 1986 Treaty. Indeed, by virtue of its conduct and the positions it has
22
Eritrea/Yemen, Territorial Sovereignty and Scope of the Dispute , Award of the Arbitral Tribunal in the First
Stage, 9 Oct. 1998, para. 153; CR 2010/16, p. 28, para. 33 (Reich ler). French text: “Les traités frontaliers et territoriaux
conclus entre deux parties sont res inter alios acta pour toute tierce partie. Mais cette catégorie particulière de traités
représente aussi une réalité juridique qui touche nécessairement les Etats tiers parce qu’ils ont effet erga omnes.”
23
Ibid. French text: “Si l’Etat A détient le titre sur un tain territoire et le transfère à l’Etat B, il est alors
juridiquement sans objet pour l’Etat C d’invoquer le principeres inter alios acta sauf si le titre détenu par lui est
supérieur à celui de A (et non au titre de B). En l’absence d’un titre qui soit ainsi supérieur, il n’est d’aucune utilité sur le
plan juridique d’invoquer le principe res inter alios acta.”
24
Prosper Weil, The Law of Maritime Delimitation ⎯ Reflections (Cambridge: Grotius Publications Limited,
1989), pp. 91-92. French text: “La délimita tion maritime est d’une tout autre nature. Loin de reposer sur l’idée qu’il ne
saurait y avoir sur un espace donné qu’un seul titre juridique, el le postule la concurrence, sur un même espace, de deux
titres tout aussi valables l’un que l’autre… Il s’agiimposer à chacun des deux titres qui pèsent le même poids un
sacrifice raisonnable, de manière à pouvoir réaliser une division de l’espace sur lequel il s’entrecroisent.” Prosper Weil,
Perspectives de la délimitation maritime (Paris: Pedone, 1988), pp. 99-100. - 29 -
taken in regard to the validity itself of the Treaty, Nicaragua is now precluded from claiming any
right or benefiting from any situation whatsoever deriving from that Treaty.
37 30. Nicaragua vigorously opposed the signing of the 1986 Treaty. What is more, it
considered the Treaty ⎯ but just once does not a habit make! ⎯ to be “invalid”, to use the term
employed before you by counsel for Nicaragua on 8 March 2007 during the hearings in the
Nicaragua v. Honduras case 25.
31. Furthermore, in its Note of protest dated 8 September 1986, Nicaragua categorically
asserted: “the Republic of Nicaragua rejects the treaty subscribed between Honduras and
Colombia on August21986; it manifests that it does not recognize nor admits any effect
whatsoever of the referred instrument” 26.
32. Finally, its Reply in the case against Honduras states: “Honduras fails to explain how a
treaty that has been protested by a third State upon its conclusion and which State has continued to
27
do so afterwards, could have any legal effects for that Third State” .
33. How can a State which considers a treaty to be invalid, and which informs the States
party to that treaty that it does not recognize it to have any legal effect, subsequently contend that
28
the treaty has the effect of a relinquishment by Colombia of maritime titles in its favour ?
Conclusions
34. Mr. President, Members of the Court, I now come to my conclusion. And this is it.
Honduras is still a party to the 1986 Treaty. The Treaty remains in force. In the present case,
Nicaragua’s interpretations of the effects of the 1986 Treaty are not shared by the parties to the
Treaty. This interpretation concerns areas which ar e at issue in the present case. As a party to the
Treaty, Honduras indubitably has an interest which may be affected by any decision to be taken by
the Court in this respect.
25
CR 2007/4, p. 52, para. 11 (Pellet).
2Territorial and Maritime Dispute between Nica ragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), MN, Vol. II, Ann. 70, p. 162; emphasis added. Unof ficial translation: “la République du Nicaragua rejette
le traité conclu le 2 août 1986 entre le Honduras et la Co lombie; elle manifeste qu’el le ne reconnaît ni n’admet aucun
effet de quelque sorte que ce soit découlant de l’instrument susmentionné”.
2Ibid., RN, para. 3.34; emphasis added. Unofficial translation: “Le Honduras n’a pas su expliquer comment un
traité peut avoir quelque effet juridique que ce soit à l’égard d’ un Etat tiers qui a protesté contre celui-ci dès sa signature
et n’a cessé de le faire par la suite.”
2Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 40. - 30 -
35. For purposes of this phase of the pro ceedings, I can summarize the legal position in
regard to the 1986 Treaty as follows:
38 First, the 1986 Treaty did not establish any rights or situations for the benefit of third States
and most certainly not for Nicaragua’s benefit.
Second, the disputed concept of an “objective” régime does not apply to the 1986 Treaty and
the Treaty did not establish a delimitation whose alleged effects erga omnes would entitle third
States to rely upon it.
Third, Nicaragua is precluded, by virtue of its rejection of the 1986 Treaty, from invoking it
in any way in its favour.
Fourth , your Judgment of 8 October 2007 cannot be interpreted as claimed by Nicaragua,
namely to the effect that the Court determined rights of Colombia in a case in which Colombia was
not a party.
36. Thus, Nicaragua’s attempt to strip the 1986 Treaty of any relevance in the present
proceedings is unjustified. Since the parties to that Treaty are Honduras and Colombia, since
Colombia in the present proceedings is invoking righ ts in regard to Nicaragua in respect of areas
that, pursuant to the Treaty, fall under Honduras’s ju risdiction in the bilateral relationship between
Colombia and Honduras, and since Nicaragua contends that neither of the two parties to the Treaty
holds any rights in the maritime area that is th e subject of the present dispute, Honduras has a legal
interest which may be affected in the present case.
37. Members of the Court, I thank you for your attention and ask you, Mr. President, to give
the floor to Professor James Crawford.
Le PRESIDENT: Je remercie le professeur Ma rceloKohen pour son exposé. J’invite à
présent le professeur James Crawford à la barre. - 31 -
39 M. CRAWFORD :
L A REQUÊTE DÉPOSÉE PAR LE H ONDURAS AFIN D ’INTERVENIR EN QUALITÉ DE PARTIE
A. Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi de présenter
quelques réflexions sur la requête déposée par le Honduras afin d’intervenir en qualité de partie
dans la présente affaire qui oppose le Nicaragua à la Colombie. M.Bundy a déjà décrit notre
position comme étant «plus nuancée», je voudrais dire pourquoi.
B. Un bref historique de l’intervention en qualité de partie devant la Cour
2. Je voudrais tout d’abord dire quelques mots au sujet de l’évolution de l’intervention d’un
Etat en tant que partie dans une procédure principale, en vertu de l’article 62 du Statut de la Cour.
3. Les rédacteurs du Statut de la Cour permanente partaient d’une page blanche et aucune
disposition relative à l’intervention discrétionnair e, telle qu’elle est maintenant prévue à
l’article62, n’existait dans la c onvention de LaHaye de1899 ni dans celle de1907. Ce dont le
comité consultatif de juristes disposait à l’origine en matière de précédent concernait
l’interprétation des traités multilatéraux. L’artic le63 actuel a d’abord été l’article56 de la
convention de LaHaye de1899 qui est ensuite devenu l’article84 de la convention de1907
revisée 2.
4. L’article62 était donc une innovation, qui fut introduite da ns le Statut sur une initiative
britannique. En fait, le texte anglais de l’artic le62 parlait d’interven tion «en tant que tierce
partie» : les deux versions linguistiques n’ont été harmonisées qu’en 1945, lorsque ces mots ont été
supprimés.
5. Il ressort clairement du rapport du comité consultatif de 1920 que l’intervention fondée sur
l’article 62 était discrétionnaire et qu’elle n’était applicable qu’au cas des Etats détenant «un intérêt
d’ordre juridique». Pour le comité consultatif, il y avait un cas :
29Convention pour le règlement pacifique des conflinternationaux, La Haye, 18 octobre 1907, Martens,
Recueil des traités, série 3, t. 3, p. 360. - 32 -
«où la Cour ne saurait refuser la demande d’intervention, c’est lorsqu’il s’agit de
l’interprétation d’une convention à laquelle ont participé d’autres Etats que les parties
40 en litige;…lorsqu’il s’agit de traités collectifs, on peut obtenir ainsi très
30
promptement des interprétations générales»
au moyen du mécanisme d’intervention fondé sur l’ar ticle 63. Cela donne à penser que le comité
consultatif ne pensait pas à la situation d’un Etat intervenant dans une instance en qualité de partie
à raison de son intérêt dans cette instance, ce qui exigerait logiquement qu’en tant que partie il soit
lié par la décision en fonction de la portée de son intervention.
6. Aucune modification n’a été apportée a ux articles62 et 63 proposés par le comité
consultatif en1920, qui n’ont pas été modifiés non plus en1945, à ceci près que le comité de
rédaction a supprimé les mots «en tant que tierce partie» dans le texte anglais, indiquant qu’il
31
s’agissait d’un amendement rédactionnel qui «n’altérait pas le sens» .
7. Passant de l’historique de la rédaction du Statut au droit, j’observe que ShabtaiRosenne
dénonce sans ménagement le caractère obscur et ambigu de l’article 62. Pour lui, et je le cite : «on
s’accorde à reconnaître que les deux dispositions foisonnent de termes qui seraient considérés
comme obscurs et ambigus au sens de l’article 32 de la convention de Vi enne sur le droit des
traités» [traduction du Greffe]. Après en avoir fait longuement la liste, Shabtai Rosenne conclut à
l’existence d’«un ensemble imposant d’obscurités, d’ambigüités et d’incohérences entre les deux
versions linguistiques du Statut» 32 [traduction du Greffe].
8. La Cour peut avoir le sentiment que lors qu’une telle autorité se montre si perplexe, la
prudence s’impose, ce qui est vrai dans une certain e mesure. Mais l’intervention est une pratique
courante dans les systèmes juridiques, et la C our peut résoudre les difficultés résiduelles que pose
le libellé de l’article 62.
30Cour permanente de Justice internationale, Procès-verbaux, 745 (1920) dans S.Rosenne, The Law and
e
Practice of the In ternational Court, vol.III ⎯ Procédure, (4.), 2006, p.1442. Voir également, affaire duPlateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 13, par. 22.
31Documents de la conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale, 1945, vol. XIV, p. 676.
32«Rapport sur le projet de Statut d’une Cour interntionale de Justice» mentionné dans le chapitreVII des
propositions de Dumbarton Oaks (Jules Basdevant, rapporteur) dans Commentaires officiels au sujet du Statut de la Cour
internationale de Justice proposée, 14 UNCIO 387, p. 849 ; Rosenne, op. cit., p. 1446. - 33 -
9. C’est d’ailleurs ce que la Cour a fait lo rsqu’elle a examiné la requête à fin d’intervention
des Philippines dans l’affaire relative à Ligitan et Sipadan , pour laquelle elle a adopté une
interprétation large et souple de la formule utilisée dans l’article 62 et autorisé l’intervention pour
des motifs qui constituaient le support nécessaire du dispositif (Souveraineté sur Pulau Ligitan et
Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 596,
par. 47).
41 10. Il est clair en effet que dans certaines instances, l’intervention en qualité de partie est non
seulement souhaitable ou appropriée mais auss i véritablement nécessaire d’un point de vue
juridique. Prenons comme exem ple une affaire dans laquelle un Etat tiers est une partie
indispensable au procès, au sens de l’affaire de l’ Or monétaire , et où les conditions
juridictionnelles nécessaires à l’intervention en qua lité de partie sont réunies. Dans le cas où les
intérêts juridiques d’un Etat tiers «seraien t non seulement touchés par une décision, mais
constitueraient l’objet même de ladite décision» ( Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie
c.rance, Royaume-Uni et Etats-Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 1954, p. 32), l’intervention d’un Etat tiers en qualité de partie résout la difficulté. De
fait, ce type d’intervention fut expressément pré vu comme une éventualité dans l’affaire de l’ Or
monétaire, à ceci près qu’il n’y a pas eu intervention. Je ne veux pas dire que l’intervention en
qualité de partie fondée sur l’article 62 n’est admissible que dans les situations analogues à l’affaire
de l’ Or monétaire , je dis à tout le moins que c’est un exemple clair d’instance dans laquelle
l’intervention en qualité de partie serait appropriée.
11. En outre, la manière dont la question de l’intervention en qualité de partie est traitée dans
la jurisprudence de la Cour, même si ce type d’ intervention n’a encore jamais été autorisé, nous
permet d’avancer un certain nombre de points avec une certaine assurance. J’en mentionnerai cinq.
12. Premièrement, contrairement à l’interv ention en tant que non-partie, un Etat qui
intervient en qualité de partie doit avoir un lie n juridictionnel pertinent avec les deux parties
originelles à l’instance.
13. Deuxièmement, l’intervention est une procé dure incidente. Comme la Cour l’a dit dans
l’affaire Haya de la Torre : - 34 -
«toute intervention est un incident de pr océdure; par conséquent, une déclaration
déposée à fins d’intervention ne revêt, en droit, ce caractère que si elle a réellement
trait à ce qui est l’objet de l’instance en cours» ( Haya de la Torre (Colombie/Pérou),
arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 76).
14. Troisièmement, et par voie de conséquence, l’intervention ne saurait être utilisée pour
greffer une nouvelle instance sur celle qui existe en tre les parties originelles et distincte d’elle.
Comme la Cour l’a dit au sujet de l’intervention demandée par l’Italie dans l’affaire Lybie/Malte :
«si l’Italie était admise à intervenir dans la présente procédure en vue de poursuivre
l’objet qu’elle-même a dit vouloir rechercher, la Cour serait appelée, pour donner effet
à l’intervention, à trancher un différend … en tre l’Italie et l’une ou l’autre des parties
principales, ou les deux» (affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J.Recueil1984 , p.20,
par. 31).
42 La Cour est parvenue à une conclusion analogue dans l’affaire Lybie/Tunisie :
«Les conclusions auxquelles elle arrivera et les motifs par lesquels elle y
parviendra dans l’affaire entre la Tunisie et la Lybie porteront donc inéluctablement,
et à titre exclusif, sur les questions dont elle a été saisie par le compromis entre ces
deux Etats… Il s’ensuit qu’aucune inférence ni déduction ne saurait légitimement être
tirée de ces conclusions ni de ces motifs pour ce qui est des droits ou prétentions
d’Etats qui ne sont pas parties à l’affaire.» ( Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), requête à fin d’in tervention, arrêt, C.I.J.Recueil1981 , p.20,
par. 35.)
15. Ces prononcés illustrent tous l’exigence fondamentale énoncée par la Chambre en 1990
lorsque le Nicaragua a demandé à intervenir dans l’affaire El Salvador/Honduras. A cette
occasion, la Chambre a souligné ce qui suit: «U ne procédure incidente ne saurait être une
procédure qui transforme cette affaire en une affaire différente avec des parties différentes.»
(Différend frontalier terrestre, in sulaire et maritime (ElSal vador/Honduras), requête à fin
d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 134, par. 98.)
16. Quatrièmement, bien que l’Etat dont la re quête a été admise devienne partie à l’affaire
originelle et, en tant que tel, ait des droits pr océduraux importants, l’affaire n’en reste pas moins
une affaire entre les parties originelles, auxquelles l’intervenant est joint en qualité de partie. Dans
les limites du Règlement et des ordonnances de procé dure de la Cour, ce dernier peut exprimer ses
vues sur la question ou les questions au sujet desque lles il est autorisé à intervenir. Il est lié par la
décision de la Cour sur le fond de l’affaire ⎯ en fonction de la portée de son intervention. Ce qui
doit signifier que les réparations accordées dans l’instance originelle ⎯par exemple, une
déclaration ⎯ peuvent être rendues applicables à l’inte rvenant en qualité de partie, et que ce - 35 -
dernier peut être le bénéficiaire des réparations accordées aux dépens d’une partie originelle. En
revanche, si l’intervenant souhaite obtenir des réparations qui lui soient propres, en dehors du cadre
de l’affaire principale, il doit le faire au moyen d’une instance distincte ⎯ que, par définition, il lui
33
sera possible d’introduire .
17. Cinquièmement, il paraît incontesté ⎯ exactement comme dans le cas d’une intervention
en tant que non-partie ⎯ que seules certaines questions peuvent être ouvertes à un Etat intervenant
en qualité de partie, auquel cas l es droits liés à l’intervention, notamment celui d’être entendu,
seront limités en conséquence. C’est bien évid emment ce qu’a fait la Chambre dans l’affaire El
Salvador c.Honduras , dans le contexte de ce qu’elle a ju gé être une intervention en tant que
34
non-partie du Nicaragua .
43 18. La question de savoir si le même critère de l’intérêt d’ordre juridique s’applique aux
requêtes à fin d’intervention en qualité de partie et dans celles où l’intervention se fait en tant que
non-partie est plus équivoque. Bien évidemme nt, l’article62 ne fait pas cette distinction ⎯ les
rédacteurs de l’article 62 ne s ongeaient pas, à l’époque, à établir de distinction fondamentale entre
l’intervention en tant que partie et en tant que non-partie; il s’agit d’une création de votre
jurisprudence.
19. Même si la réponse à cette question est affirmative ⎯à savoir qu’il n’y a qu’un seul
critère de l’intérêt d’ordre juridique ⎯, il reste que l’application de celui-ci aux faits d’une affaire
35
donnée dépendra nécessairement de ce que demande l’Etat intervenant . Le consentement ou le
refus des parties originelles est pertinent mais non décisif: l’intervention est ouverte en vertu du
Statut et il appartient à la Cour ⎯et non aux parties ⎯ de se prononcer sur la requête à fin
d’intervention : ce point est souligné au paragraphe 2 de l’article 62.
20. Comme l’a indiqué la Cour dans l’affaire opposant la Libye à Malte :
«si la Cour attache une grande importance à l’élément de la volonté des Etats…il
convient de rappeler qu’en vertu du paragra phe2 de l’article62 «la Cour décide»
d’une requête à fin d’intervention, et qu e l’opposition des parties en cause, quoique
33
Voir, par exemple, Haya de la Torre (Colombie/Pér ou), arrêt, C.I. J. Recueil 1951, p.76. Voir également,
Rosenne, op. cit., p. 1465.
34 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1990, p. 135-136, par. 102-103.
35 Plateau continental (Tunisie/Jam ahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt ,
C.I.J. Recueil 1981, p. 17, par. 29. - 36 -
très importante, n’est qu’un élément d’appréciation parmi d’autres» ( Plateau
continental (Jamahiriya arabe libyenne/Ma lte), requête à fin d’intervention, arrêt ,
C.I.J. Recueil 1984, p. 28, par. 46).
21. En outre, la Cour a indiqué qu’elle n’av ait pas de pouvoir discrétionnaire lui permettant
d’accepter ou de rejeter une requête à fin d’interv ention «pour de simples raisons d’opportunité».
Si les différentes conditions sont remplies, l’auto risation d’intervenir devrait normalement suivre
(Plateau continental (Tunisie/J amahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt ,
C.I.J. Recueil 1981, p.12, par.17). En ce sens, l’intervention est un aspect important de la
procédure judiciaire de la Cour aux termes du St atutet distingue encore davantage celle-ci des
tribunaux d’arbitrage.
C. Les positions des Parties et celle du Honduras en l’espèce
22. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais à présent examiner la
position des Parties ainsi que celle du Honduras en l’espèce.
23. Dans sa requête, le Honduras a émis l’avis que la Cour, dans l’arrêt de 2007, avait fixé le
point terminal de sa frontière avec le Nicaragua et qu’elle n’avait donc dé terminé qu’une partie de
la frontière maritime (requête, par. 7). Sir Mich ael a développé cette thèse en notant que la Cour,
dans son arrêt de 2007, n’avait pas mentionné le poin t où la frontière atteindrait la juridiction d’un
44 Etat tiers [CR 2010/18, p. 38, par. 25], ni même i ndiqué l’emplacement de la zone dans laquelle la
frontière risquait de mettre en cause les droits d’Etats tiers [ibid., p. 39, par. 27].
24. Le Honduras a affirmé que, en l’espèce, le Nicaragua continuait de réclamer des droits
qui se prolongeaient au-delà du point terminal fixé par la Cour (requête, par.9). Ce que fait
également la Colombie ⎯ soit dit en passant. C’est dans ce contexte que le Honduras fait état de
l’«incertitude» qui existe selon lui concernant la délimitation de frontières maritimes avec le
e e
Nicaragua au nord du 15 parallèle et à l’est du 82 méridien et il ajoute que, si le traité de1986
conclu avec la Colombie a réglé définitivement la question des limites maritimes entre ces deux
pays, «un différend de délimitation perdure entre le Honduras et le Nicaragua» (requête, par. 13 et
18).
25. C’est dans ce cadre que le Honduras cherche à intervenir en qualité de partie. Ainsi qu’il
l’indique dans sa requête (par. 22), il souhaite greffer à l’instance pendante la détermination d’une
frontière maritime complète entre le Honduras et le Nicaragua, d’une part, et du point triple entre le - 37 -
Honduras, le Nicaragua et la Colombie, d’autre pa rt, ce sur quoi la Cour ne s’est pas prononcée
en2007. Dans son exposé de lundi, sirMichael est resté vague à propos du point triple, se
contentant de noter que l’arrêt de2007 n’étab lissait pas qu’il ne saurait y avoir de frontière
maritime entre le Nicarag ua et le Honduras au sud de la bissectrice [CR2010/18, p.40, par.31].
Le Honduras demande à la Cour de déterminer le seg ment de la frontière maritime partant du point
terminal de la bissectrice fixée en 2007 et se poursuivant jusqu’au point triple.
26. Pour sa part, le Nicaragua soutient, dans ses observations écrites, que l’arrêt de2007 a
délimité dans son intégralité la frontière séparant le Nicaragua et le Honduras en mer des Caraïbes
(à l’exception d’une très petite zone située dans la mer territoriale, qui ne présente aucune
pertinence en l’espèce) et que la Cour n’a pas fi xé de point terminal sur la ligne bissectrice
(observations écrites du Nicaragua, par.3, 16 et 19). Le Nicaragua indique également qu’il
n’existe pas de point triple entre les trois Etats ( ibid., par.11). Les positions sont donc
considérablement antagonistes et la question en l’es pèce est de savoir si la Cour peut trancher en
faveur de l’une ou de l’autre ; elle ne concerne en rien le fond même de l’affaire.
27. Dans ses observations écrites, la Colombie a jugé approprié de laisser à la Cour le soin de
se prononcer sur la requête du Honduras, conformément au pouvoir que lui accorde le paragraphe 2
de l’article62 du Statut. Je reviendrai très bi entôt sur ce point. Vous avez, dans l’intervalle,
45 entendu M. Bundy exposer plus en détail la thèse de la Colombie en ce qui concerne la zone que le
Honduras juge pertinente et les droits qu’il y revendique. Je ne répèterai pas ce qu’il a dit.
D. La demande du Honduras afin d’intervenir en qualité de partie en l’espèce : questions qui
se posent à la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article 62
28. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, dans ce contexte du droit et
des thèses des Parties, je vais à présent examiner la demande à fin d’intervention du Honduras et
exposer certaines questions sur lesquelles la Cour de vra se pencher, avec tout le respect que je lui
dois. Comme l’a indiqué lundi sirMichael, c’est la première fois qu’un Etat demande
36
expressément à intervenir en qualité de partie au titre de l’article 62 , même si, lors de la procédure
36
CR 2010/18, p. 31, par. 2 (Wood). - 38 -
en l’affaire qui a opposé ElSalvador au Honduras, le Nicaragua avait proposé d’être lié par la
37
décision de la Chambre s’il était autorisé à intervenir sur la délimitation .
29. Plusieurs aspects de la requête du Honduras à fin d’intervention en qualité de partie
concernent soit uniquement la frontière maritime bilatérale entre le Honduras et le Nicaragua, soit
le sens, la portée et l’autorité de chose jugée de l’arrêt de2007. A ce stade de la procédure, la
Colombie n’estime pas opportun d’exprimer des vues sur le sens ou la portée de l’arrêt de2007.
En ce qui concerne l’effet de l’arrêt, la di sposition pertinente est l’article59 du Statut,
conformément auquel l’arrêt n’a aucun effet oblig atoire pour la Colombie. C’est la raison pour
laquelle celle-ci a indiqué, dans ses observations écrites, qu’il appartenait à la Cour de trancher la
question de l’intervention conformément au Statut. La question est ici de savoir si l’objet et le but
de la requête du Honduras concernent, en vérité, l’interventi on en vertu de l’article62 dans
l’instance principale entre le Nicaragua et la Colombie ou s’ils portent sur un autre différend qui
n’est pas directement en cause dans l’instance pr incipale et, en conséquence, si la requête
principale du Honduras doit être admise dans son intégralité ou en partie seulement, ou encore
refusée.
46 30. Encore une fois, la Colombie estime appr oprié de laisser cette requête à votre pouvoir
discrétionnaire conformément au paragraphe 2 de l’article 62. Dans ce contexte, je n’essaierai pas,
à ce stade, de procéder à une an alyse complète de la requête du H onduras, et encore moins de tirer
des conclusions définitives. Je ferai simplement l es remarques suivantes que la Cour est libre de
prendre en compte dans l’exercice de ses pouvoirs.
31. Premièrement, en ce qui concerne la compétence, ce problème ne se pose pas ici, puisque
les trois Etats sont parties au pacte de Bogotá.
32. Deuxièmement, s’agissant de l’intervention en tant que procédure incidente, incidente à
l’égard de l’instance principale, des éléments viennent étayer l’une ou l’autre thèse. Considérée de
façon globale, dans le cadre du différend dans son ensemble, l’intervention du Honduras a un
caractère incident. Au vu des propres termes de l’intervention, ce caractère incident n’est plus
aussi manifeste, même si les prétentions du Hondur as semblent effectivement avoir «trait à ce qui
37
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1990, p. 131, par. 91. - 39 -
est l’objet de l’instance en cours», pour re prendre les termes employés dans l’affaire Haya de la
Torre (Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 76).
33. Troisièmement, l’intervention du Hondur as peut être considérée comme relative au
différend existant entre la Colombie et le Nicar agua, même si, pour l’essentiel, ses prétentions sont
à l’encontre du Nicaragua et non de la Colombie.
34. Quatrièmement, il y a lieu d’examiner l’ équilibre entre les prétentions originales des
Parties entre elles et celles que le Honduras cher che à introduire. La question peut être posée du
point de vue des demandes : le Honduras vise une ré ponse définitive, mais la question est de savoir
si l’intervenant souhaite obteni r des remèdes qui lui sont propres, hors de l’instance principale.
C’est une question qu’il appartient à la Cour d’apprécier.
35. Cinquièmement, il y a la question de savoir si le Honduras peut être autorisé à intervenir
uniquement sur certaines questions ⎯ c’est là une autre question d’appréciation.
36. En ce qui concerne l’existence d’un intérêt d’ordre juridique, M.Bundy a montré que
celui-ci existe en l’espèce, de manière assurément suffisante pour satisfaire aux conditions de
l’article62, si tant est que l’on puisse apprécier, avant même une décision judiciaire, quel intérêt
elle peut mettre en cause.
37. Par ailleurs, il existe peut-être en l’espèce des circonstances particulières à examiner pour
statuer sur l’intervention en qualité de partie en ve rtu de l’article 62, notamment le fait que, sur des
questions étroitement liées, le Honduras est tenu pa r l’autorité de chose jugée de l’arrêt de2007,
quelle que soit sa portée, alors que la Colombie, en vertu de l’article 59 du Statut, n’est pas liée par
cet arrêt.
47 E. Conclusion
38. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, au risque de donner l’idée à
Mme le juge Donoghue de poser une autre question, je n’irai pas plus loin à ce stade. La Colombie
écoutera avec attention ⎯de même que, j’en suis certain, la Cour ⎯ la présentation de ces
différents éléments demain par le Honduras.
39. Le Nicaragua nie catégoriquement, quant à lui, que le Honduras ait un quelconque intérêt
d’ordre juridique dans la zone qui fait l’objet du différend entre le Nicaragua et la Colombie ⎯ ou - 40 -
dans une quelconque partie de cette zone. Si cela est vrai, il ne saurait y avoir d’intervention de la
part du Honduras, que ce soit en qualité de partie ou à un autre titre. Or, mon collègue, M. Bundy,
a montré que cela n’était pas exact et que le H onduras avait à tout le moins qualité pour intervenir
en tant que non-partie en vertu de l’article62. Il appartient à la Cour d’aller au-delà si elle le
décide.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent mon exposé et le
premier tour de plaidoiries de la Colombie.
Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Crawford, pour votre présentation. Ainsi
s’achève le premier tour de plaidoiries sur la requê te à fin d’intervention soumise par le Honduras.
Je remercie le Honduras et les Parties pour les exposés qu’ils ont présentés lors de ce premier tour.
La Cour se réunira demain, entre 15heures et 16heures, pour entendre le second tour de
plaidoiries du Honduras.
Je vous remercie. L’audience est levée.
L’audience est levée à 12 h 45.
___________
Traduction