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133-20090312-ORA-01-01-BI
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CONI

CR 2009/7 (traduction)

CR 2009/7 (translation)

Jeudi 12 mars 2009 à 10 heures

Thursday 12 March 2009 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.

La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre la République du Nicaragua en son second tour

d’observations orales. Je donne maintenant la parole à M. Brownlie.

M. BROWNLIE : Je vous remercie, Monsieur le président.

I. RÉAFFIRMATION DU CARACTÈRE SPÉCIAL DU TRAITÉ

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, il m’incombe de répondre aux arguments que

mes amis, de l’autre côté du prétoire, ont présentés su r le caractère général du traité de limites et la

nature des intérêts juridiques découlant de ce traité.

2. Avant d’examiner un à un les arguments de MM. Crawford et Caflisch, il me faut appeler

l’attention sur la faiblesse de leur fondement analytique commun. Mes contradicteurs s’abstiennent

l’un comme l’autre de «donner pleine foi et cr édit», pour reprendre les termes de la Constitution

des Etats-Unis, à la souveraineté du Nicaragua ⎯autrement dit au titre que le Nicaragua détient

sur la totalité du fleuve. Cet intérêt juridique ⎯ce titre territorial ⎯ n’est pas le fruit du traité

mais découle de l’établissement de la frontière. Le résultat, en droit, de la fixation de la frontière

internationale est l’existence d’un titre territorial.

3. C’est là la conséquence de deux éléments :

a) Premièrement, la mise en application ⎯par la fixation d’une frontière ⎯ du règlement territorial

qui attribuait au CostaRica la vaste région de Nicoya, et au Nicaragua la région du fleuve

San Juan.

b) Deuxièmement, son résultat nécessaire, en droit inte rnational général, qui fut d’établir le titre du

Nicaragua.

4. Monsieur le président, le conseil du Cost aRica persiste à considérer le titre, ou la

souveraineté, comme divisible en plusie urs couches de droits juridictionnels ⎯ droits de

navigation, de communication, etc.

5. Ce qui manque, ici, c’est la distinction qualita tive qui existe entre, d’une part, le titre et le

pouvoir de réglementation qui en découle, et, d’au tre part, la faculté, pour un autre Etat, de se

prévaloir de droits conventionnels, droits qui peuvent être exercés seulement s’ils sont revendiqués, - 3 -

et seulement s’ils sont obtenus par des méthodes de règlement pacifique. Le Nicaragua étant le

9 souverain territorial ⎯le détenteur du titre ⎯, il n’a pas seulement le pouvoir juridique mais

encore un devoir juridique de maintenir l’ordre public et d’assurer les conditions voulues pour

garantir la sécurité de la navigation sur le San Juan.

6. C’est cet aspect essentiel ⎯ ce système essentiel de maintien de l’ordre public ⎯ qui est

reconnu dans la décision rendue par la commiss ion générale des réclam ations en l’affaire

McMahan. Ce système repose sur le principe selon leque l le pouvoir de contrôle et de décision est

inhérent au souverain. La question est donc de savoir qui détient ce pouvoir. La réponse est le

Nicaragua ⎯pas le CostaRica. C’est le souverain territorial qui veille à l’application des

dispositions du traité.

7. J’ai présenté ce système de maintien de l’ordre public ⎯ le maintien, autrement dit, de la

discipline du traité ⎯ d’une manière que M.Crawford a jugée «inouïe». Mais, Monsieur le

président, si M.Crawford est arrivé au marché local de Sarapiquí, ses Œufs intacts et prêts à la

vente, c’est bien grâce à ce système de maintien de l’ordre public qui lui semble inouï.

8. MM.Crawford et Calflisch font la même confusion quant à la coexistence entre certains

droits et les pouvoirs de réglementation de l’Etat détenteur du titre territorial.

9. Cette confusion ressort clairement des c onclusions exposées à la Cour par M.Caflisch

(CR 2009/6, p. 40, par. 13).

10. Premièrement, celui-ci affirme que le tr aité de1858 est un instrument qui établit une

frontière et le régime juridique d’un cours d’ eau, régime présentant plusieurs aspects. Cette

formulation implique que n’ont pas été tirées les conclusions juridiques de l’établissement d’une

frontière, tout particulièrement une frontière marquant le règlement d’un différend territorial de

grande ampleur.

11. Deuxièmement, M.Caflisch affirme que la souveraineté et le droit de navigation sont

«deux éléments d’un seul et même ensemble» et que l’on ne saurait prétendre que l’un prévaut sur

l’autre. Cette formulation est la parfaite illustration de l’incapacité récurrente de nos contradicteurs

à faire la distinction entre la question des droits et celle de la mise en Œuvr e et de la protection de

ces droits. - 4 -

12. De fait, dans sa troisième conclusion, M. Caflisch admet que le Ni caragua peut «exercer

sa souveraineté par des mesures et une réglementatio n» qui ne soient pas illicites, discriminatoires

ou déraisonnables. C’est là, Monsieurle pr ésident, une reconnaissance tardive du système du

maintien de l’ordre public découlant du traité et du droit international général.

10 13. Ayant analysé les prémisses erronées sur lesquelles repose le raisonnement du

CostaRica en ce qui concerne la souveraineté, je puis à présent revenir à certains points plus

spécifiques de la plaidoirie de M. Crawford.

14. Il serait éclairant, pour la Cour, que je commence par mentionner les aspects que

M. Crawford n’a pas abordés en réponse à ma plaidoirie du premier tour.

15. Premièrement, M.Crawford a évité toute mention de la doctrine du droit international

contemporain. Et ce n’est pas qu’il ait laissé à son collègue le soin de traiter cet aspect de la

question, puisque M.Caflisch a fait preuve sur ce point d’une réticence comparable. M.Caflisch

s’est borné à déclarer que «M.Brownlie a[vait] cité un certain nombre d’autorités afin de

démontrer qu’il n’y a[vait], dans la pratique la tino-américaine, ni droit général ni liberté de

navigation sur les fleuves» (CR 2009/6, p. 40, par. 15). M. Caflisch souscrit à ce point de vue, de

même, vraisemblablement, que M. Crawford.

16. Or, toutes les sources en question sont éminemment pertinentes, parce qu’elles font

ressortir que les dispositions du traité relatives à la navigation sont exceptionnelles et font partie

intégrante du règlement territorial.

17. Revenons-en aux réticences de M. Crawford.

*
18. Comme je l’ai noté, celui-ci se garde de toute référence à la doctrine tout court .

19. Deuxièmement, il se garde de faire référence à des documents émanant d’Etats tiers,

notamment la note en date du 28mai1858 adressée au secrétaire d’Etat des Etats-Unis par

MirabeauB.Lamar. Lamar y reconnaissait l’ét endue de la concession territoriale faite par le

Nicaragua. La Cour se rappellera que Lamar était le ministre résident des Etats-Unis auprès des

Gouvernements du Costa Rica et du Nicaragua.

*
En français dans le texte. - 5 -

20. Troisièmement, M. Crawford, minimise l’importance des éléments attestant que le traité

de 1858 impliquait le règlement d’ un différend territorial opposant de longue date le Costa Rica et

le Nicaragua. Les paragraphes pertinents du premier rapport Rives, que j’ai cités dans ma première

plaidoirie, ne sont pas contestés. En outre, il n’est fait aucun cas du libellé du préambule du traité

de limites, ni d’ailleurs des dispositions de l’ar ticleI, qui font expressément état du contexte

historique.

21. Quatrièmement, M.Crawford laisse de côté toute la question des conséquences

juridiques de l’existence d’un titre nicaraguayen sur le San Juan découlant du traité de 1858.

22. J’en viens à la thèse de M.Crawford sel on laquelle la «théorie Nicoya» serait fausse

et ⎯ nous dit-il ⎯, en tout état de cause, dépourvue de pertinence (CR2009/14, p.12-14,

par. 16-26).

11 23. Le conseil du CostaRica s’empêtre à cet égard dans une démonstration alambiquée. Il

ressort des documents que la question du titre sur Nicoya est demeurée en souffrance jusqu’à la

conclusion du traité de 1858. Le Costa Rica, da ns son mémoire, reconnaît expressément que cette

question n’a été définitivement réglée qu’avec la conclusion de ce traité (je vous renvoie au

mémoire, p.12, par.2.14). Et cette situation a été confirmée par le premier article du traité

Juarez-Cañas de 1857.

24. Si la réalité historique était telle que la présente M. Crawford, le traité de 1858 aurait été

inutile.

25. M.Crawford soulève des questions sur l’étendue territoriale de Nicoya (CR2009/6,

p. 12, par. 17-18). Le Nicaragua s’en tient à la carte publiée par Fermin Ferrer, mais développerait

le même argument à propos de celle qui figure à l’ongletn o53 du dossier de plaidoiries (second

tour). Il s’agit, nous dit-on, d’une représentation de Nicoya correspondant à la description de

Rives. Le territoire de Nicoya, tel qu’il apparaît sur cette carte, reste très étendu, incluant toujours

la rive sud du lac Nicaragua ⎯il apparaît donc bien comme l’obje t d’un différend territorial de

grande ampleur.

26. Pour finir, M.Crawford soutient que «le but évident du traité» était le canal

interocéanique (CR2009/6, p.14-15, par.27-30). Il est incontestable que le traité présentait de

nombreuses facettes, mais le Nicaragua n’admet pas que l’objet et le but du traité de 1858 aient été - 6 -

non pas le règlement d’un différend territorial anci en mais le «canal in terocéanique». Certes,

l’article VIII du traité ménageait la possibilité d’un canal. Et, cependant, il serait stupéfiant que le

traité lui-même soit considéré comme un traité interocéanique.

27. En ce qui concerne la question des droits naturels soulevée dans le second rapport Rives,

il est vrai qu’au point11 du troisième article de sa sentence, Cleveland mentionne «les cas où la

construction du canal porterait atteinte aux droits naturels du CostaRica» et prévoit la possibilité

pour le Costa Rica d’«exiger une compensation».

28. J’en viens maintenant à la décision re ndue par la Cour perman ente dans l’affaire du

Vapeur Wimbledon, dans laquelle fut utilisée, à propos de l’article380 du traité de Versailles,

l’expression «général et impératif». M.Crawford l’a fait valoir au second tour de plaidoiries

(CR 2009/6, p. 8-9, par. 3).

29. M.Crawford reconnaît que le caractère du tr aité de Versailles est distinct de celui du

traité de 1858, le premier étant «général et impératif», le second ⎯il s’agit du traité bilatéral

12 de 1858 ⎯, «bilatéral et non général». Mais il n’en tient pas moins le traité de Versailles pour

pertinent. Si je puis me permettre, il pèche, en espérant se fonder sur l’arrêt Wimbledon, par excès

d’optimisme. Cette affaire ne pou rrait être plus différente de ce lle qui nous occupe ici. Le

contexte est celui du traité de paix multilatéral de Versailles et du refus, au nom d’obligations de

neutralité, des autorités allemandes de permettre l’accès au canal de Kiel. Les circonstances étaient

inhabituelles à plus d’un égard. Voici ce qui est dit dans l’arrêt :

«[l]a Cour estime que l’article 380 est formel et ne prête à aucune équivoque. Il en
résulte que le canal a cessé d’être une voie navigable intérieure, nationale, dont

l’usage par les navires des Puissances autres que l’Etat riverain est abandonné à la
discrétion de cet Etat, et qu’il est devenu une voie internationale, destinée à rendre
plus facile, sous la garantie d’un traité, l’accès de la Baltique, dans l’intérêt de toutes

les nations du monde. Sous son régime nouveau, le Canal de Kiel doit être ouvert, sur
le pied de l’égalité, à tous les navires, sa ns qu’il y ait à distinguer entre les navires de
guerre et les navires de commerce, mais à une condition expresse, c’est que ces
navires ressortissent à des nations en paix avec l’Allemagne.» ( C.P.J.I. sérieA n o1,
1
p. 22-23.)

1 «The Court considers that the terms of Article 380 are categorical and give rise to no doubt. It
follows that the canal has ceased to be an internal and national navigable waterway, the use of which by
the vessels of states other than the riparian state is left entirely to the discretion of that state, and that it
has become an international waterway intended to provide under treaty guarantee easier access to the
Baltic for the benefit of all nations of the world. Under its new regime, the Kiel Canal must be open, on a
footing of equality, to all vessels , without making any distinction be tween war vessels and vessels of
commerce, but on one express condition, namely, that these vessels must belong to nations at peace with

Germany.» - 7 -

30. Monsieur le président, en définitive, la Cour permanente conc lut que l’Allemagne ne

pouvait invoquer le droit de la neutralité ⎯ conclusion impérative s’il en est. Mais l’objet de cette

affaire n’est pas pertinent aux fins de la présente espèce. Ce qui est étonnant, toutefois, c’est qu’au

bout du compte, le CostaRica semble d’accord pour reprendre à son compte le qualificatif

d’impératif en ce qui concerne le droit de naviga tion. Et néanmoins, lorsque le Nicaragua avait

indiqué que l’analyse costa-ricienne supposait l’ex istence d’un droit de na vigation impératif, le

conseil du CostaRica avait protesté. Je vous renvoie à l’argument exposé au second tour par

M. Caflisch (CR 2009/6, p. 40, par. 15).

31. Je reviendrai maintenant sur quelques point s spécifiques soulevés par M.Caflisch dans

son exposé (CR2009/6, p.41, par.16). M.Caflisch renvoie à la décision de la commission

générale de réclama tions en l’affaire McMahan. Il cite un passage retranscrit dans un précédent

compte rendu d’audience (CR2009/4, p.32, par.59), mais ne conteste pas la pertinence et

l’autorité dont est revêtue cette décision. Or, cette décision reprend le système élémentaire de

maintien de l’ordre public que j’ai évoqué un peu plus tôt.

13 32. Mon éminent contradicteur affirme égalem ent que «l’on ne saurait faire disparaître un

droit conventionnel de libre navigation à force de le réglementer en invoquant la souveraineté du

Nicaragua» (CR2009/6, p.40-41, par.15). Et d’ ajouter: «Cette observation vaut aussi pour les

passages de Wheaton et O’Connell qui ont été cités.»

33. Le conseil se bat là contre des moulins à vent ⎯ et la Cour est assurément installée dans

une contrée qui s’y prête ! En tout état de cause, les passages de Wheaton et de O’Connell qui ont

été cités ne viennent pas étayer la position du Co sta Rica. J’ai donné lecture de ces passages dans

l’exposé que j’ai présenté au premier tour (par. 55-57). Tant Wheaton, dont l’ouvrage a été publié

en1866, qu’O’Connell, dont l’ouvrage l’a été en19 70, admettent que tout droit de navigation est

soumis au pouvoir de réglementation de l’Etat riverain.

Monsieur le président, voilà qui conclut mon exposé pour ce second tour de plaidoiries, et je

remercie la Cour de son aimable attention. Je vous prierais maintenant de bien vouloir appeler à la

barre M. Remiro. - 8 -

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsie ur Brownlie, de votre exposé. Je donne

maintenant la parole à M. Remiro Brotóns.

BMRr. TÓNS:

II. THE RIGHT OF FREE NAVIGATION “ CON OBJETOS DE COMERCIO ”
ON A SECTION OF THE SAN JUAN R IVER

1. Introduction

1. Mr.President, Members of the Court, it was among the trees of the town of Olivabassa,

born out of the fertile imagination of ItaloCa lvino, that the young BaronCosimodePiovasco

would wander without ever touching the ground and it was there one day that he came upon a

colony of Spanish aristocrats in exile, who also lived high up in the town’s banana trees and elms.

Why? Because the local judges, who wanted to grant them refuge, were nonetheless duty-bound to

abide by an old treaty with the King of Spain, under which they were obliged to extradite any

2
fugitive setting foot on the soil of Olivabassa

2. Well, Mr.President, Members of the Court, that is what Costa Rica now proposes by
14

arguing for a policy-oriented decision with a view to which the Applicant is unscrupulously

manipulating the rules of interpretation set forth in Article 31 of the Vienna Convention. However,

are you the judges of Olivabassa?

2. Reductio ad absurdum and the principle of good faith

3. On Monday, counsel for Costa Rica tried, in a final effort, to persuade you to accept their

completely groundless claims, by reducing to an absurd outcome the conclusions to which a proper

application of the general rule of interpretation naturally leads.

4. Counsel for Costa Rica talk to us about farmers who go to the market in Sarapiquí with

their eggs and who cannot return home because they have sold them all 3, or again about a coffee

4
producer obliged to sail round CapeHorn when his harvest is sent to Europe via the SanJuan .

They casually assert that the expression objetos de comercio contained in ArticleVI of the

2
I. Calvino, Il barone rampante, 1957; English translation: The Baron in the Trees , 1959; French translation:
Le baron perché, 1959 (see Ed. du Seuil, Collection Points, No. 232, Paris, 2001).
3
CR 2009/6, p. 17, para. 35 (Crawford).
CR 2009/6, p. 31, para. 43 (Kohen). - 9 -

Jerez-Cañas Treaty was intended to clarify and extend the perpetual right of free navigation granted

to Costa Rica without limitation 5. While accusing Nicaragua of seeking to replace the

6
interpretation arising from the general rule by an interpretation based on supplementary means ,

the counsel for Costa Rica give precedence to the Rives Report over the text of the Treaty 7.

5. Mr.President, Members of the Court, enough is enough! The process of interpretation

carried out by Costa Rica is hardly compatib le with the principle of good faith, the essential

principle in the general rule of interpretation. It is clear that vessels meant for the carriage of

goods do not change their category when, having offl oaded those goods in port, they then sail in

ballast. Not all of them necessarily have a cargo for their return journey and some vessels, such as

15 oil tankers or those carrying liquid gas or hazardous waste, are generally empty on the return leg.

And it goes without saying that merchants are entitled to accompany their goods.

6. Costa Rica persists in putting forward an interpretation of its right of navigation which

deprives the limitation of “con objetos de comercio” of any effect; it contends that its right of

navigation is more than just free, it is absolute . Nevertheless, even the English translation of

ArticleVI of the Jerez-Cañas Treaty, which Costa Rica holds dear, limits that right of navigation

by Costa Rica: “said navigation being for the purposes of commerce”. It is thus quite clear that it

cannot seriously be claimed that the “objetos de comercio” constitute an unlimited extension to the

right of navigation. All references to the right of navigation in the Treaty are based, expressly or

implicitly, on the text of Article VI and its limitation “con objetos de comercio”.

3. Navigation “con objetos de comercio”

7. Mr. President, Members of the Court, we have already discussed at length the meaning of

the word group “objetos de comercio” 8.

8. In accordance with the ordinary meaning of the terms in the context of the Treaty,

Nicaragua believes it has shown that to navigate “co n objetos de comercio” is indeed to navigate

“with things that are the subject of commercial activity ”, that is, to navigate with goods. But even

CR 2009/6, p. 17, para. 34 (Crawford).
6
CR 2009/2, p. 66, para. 63 (Kohen).
7
CR 2009/6, p. 15, para. 29 (Crawford).
CR 2009/4, pp. 37-40, paras. 6-15 (Brotóns). - 10 -

assuming that the Court were to consider that Article VI of the Jerez-Cañas Treaty referred, by way

of that expression, to the purposes of commerce, the outcome would not change for all that, since at

the time when the Treaty was concluded, commerce consisted of nothing other than dealings in

goods.

9. During its second round of oral argument , the opposing Party did not put forward any

evidence or reasoning that obliges us to alter our position. However, I would like, if I may, to

make some brief comments on certain questions which were taken up again by Costa Rica on

Monday.

10. The first concerns the tables produced by Costa Rica in order to demonstrate that the

expression “objetos de comercio” means “purposes of commerce” and that commercial dealings are

referred to in other terms when it is goods that are being talked about.

9
16 11. Nicaragua believes that it has discredited the probative value of the tables . There are of

course other terms used in commercial dealings to identify the things involved in commercial

activity and which are perhaps more frequently used than “objetos” in commercial dealings. But if

we confine ourselves to Costa Rica’s criterion 10, “commodities” would not be “commodities”,

since the word does not appear a single time in the list which Costa Rica itself has drawn up. And

yet the word “commodities” is one of the most popular and therefore most common terms in

commercial English, is it not?

12. The meaning of the term “objeto” in the singular (as is also true when it is in the plural)

depends on the context in which it is used. It is a polysemic term, of which the meaning can only

be determined by reference to its context.

13. Let us consider, for example, the followi ng definition of operations linked to commerce

taken from the Diachronic Corpus of Modern Spanish . They are independent actions with “the

purpose of facilitating the buying and selling of objects of commerce , or to provide mediation in

9
CR 2009/4, pp. 40-44, paras. 16-27 (Brotóns).
1CR 2009/6, p. 25, paras. 18-20 (Kohen). - 11 -

11
such matters” . And there we have it! We have there, within the same sentence, “objeto” as

purpose and “objetos de comercio” as goods.

14. That is why no conclusion can be drawn based on the interpretation of that term out of

context; but in our case, we are indeed talking about objects of commerce (“objetos de comercio”).

And that is precisely what Nicaragua challenges: the meaning which Costa Rica ascribes to

“objetos” in the plural when these “objetos” are connected with commerce and it is claimed to be

navigating with them.

15. Why does Costa Rica’s expert, Mr.MorenodeAlba, make no mention of all the

examples of the word group “objetos de comercio” listed by the Diachronic Corpus of Modern

Spanish, a work with which he is acquainted and to which he refers in support of other points? The

answer is very simple: because in all those inst ances, the word group “objetos de comercio” is

understood to mean “things on which the activity of commerce falls” 12.

17 16. Moreover, the only point which could suppor t the finalistic interpretation of the word

group “objetos de comercio” put forward by Costa Rica is to be found in the treaties which

followed the model of the Jay Treaty; let us recall that those treaties, concluded by Costa Rica with

the United States in 1851 and by Nicaragua in 1857, 1859 and 1867, refer to the right of citizens of

the parties to “hire and occupy houses and warehouses para los objetos de su comercio (for the

purpose(s) of their commerce) ”, after laying down their righ t “to come with their Ships and

Cargoes to the Lands, Countries, Cities, Ports Places and Rivers within (their) Dominions and

13
Territories” .

17. The term “objetos” in the expression “par a los objetos de su comercio” can thus be

interpreted both as “things” or “goods” and as “commercial purposes”. Costa Rica’s expert himself

acknowledges the ambiguity of the text 14. In our opinion, the only reason, in this case , to give

some degree of credibility to the second interpretation li es in the fact that it was translated as “for

11
“por objeto facilitar la compra y la venta de los objetos de comercio, o me diar en estas operaciones”, judges’
folder, 5March2009, Presentation of ProfessorAntonioRemi roBrotóns, List of Docume nts, Document1: CORDE
“objetos de comercio”.
12
CR 2009/6, p. 40, para. 15 (Caflisch).
13CR 2009/4, pp. 41-42, paras. 21-25 (Brotóns).

14J.G. Moreno de Alba, Dictamen sobre el significado del sintagma “con objetos de comercio” en el contexto del
articulo 6° del “Tratado de limites entre Costa Rica y Nicaragu” (14 de abril 1858) , 9 November 2008, para. III.3
(Documents Annexed to the Letter from the Agent of Costa Rica dated 27 November 2008, Ann. I). - 12 -

the purposes of commerce” in the English text of th e treaty, which is also authoritative. But given

the context of the provisions mentioned, the co mmercial activities concern cargoes, that is to say

goods to be stored in warehouses, which is another reference to commerce in goods only.

18. Mr.President, Members of the Court, there are significant differences between these

treaties and the Jerez-Cañas Treaty. The latter is a treaty concerning territorial boundaries and not

a treaty of friendship, commerce a nd navigation, like th e others. It is not based on a model.

Reference is made in it to navigation with objects of commerce and not to leasing warehouses for

the purposes of commerce. The only authoritative version of the Jerez-Cañas Treaty is the Spanish

one. The Jerez-Cañas Treaty is unique, truly unique.

19. Counsel for Costa Rica rejoices because the preposition “con” does not precede the word

group “objetos de comercio”, as it does in ArticleVI of the Treaty, in any of the eight examples

mentioned containing “objetos de comercio” in the Diachronic Corpus of Modern Spanish , all of

which have the irrefutable meaning of “thi ngs on which the activity of commerce falls” 15. That

16
18 does not affect the interpretation of the expression , but, for the purposes of illustration, is there a

single instance in the table prod uced by Costa Rica in which th e preposition “con” comes before

the term “objetos”? The answer is clearly no. Indeed, we can say that the expression used in

ArticleVI presents us with a hapax legomenon , that is to say a unique example, lacking any

confirmation: the word group “con objetos de” plus a noun (“commerce” in our case) does not

17
correspond to any other known practice .

4. The notion of comercio (commerce) around the mid-nineteenth century

20. In the context of the mid-nineteenth cen tury, “commerce” referred to dealings in goods.

Nicaragua believes that this fact has been solidly established and demonstrated with the arguments

presented in its first round of oral argument 18. The grammatical evidence and treaty practice bear

out this assertion.

15
CR 2009/6, p. 22, para. 11 (Kohen).
16See Mr. Seco Reymundo, Dictamen sobre le sintagma “con objetos de comercio” en el texto del Tratado de

Limites entre Costa Rica y Nicaragua suscrito el 15 de abril de 18, para.6 (Rejoinder of Nicaragua (RN), Vol.II,
Ann. 64).
17Ibid., para. 8.

18CR 2009/4, pp. 43-46, paras. 28-42. - 13 -

21. Costa Rica admits that that was the case, but emphasizes the second meaning of

“commerce” in the nineteenth century, defined as “communication and dealing of groups of

individuals and peoples with others” 19. It exists! But Costa Rica does not explain how that

meaning might, in one way or another, be adopted in the text and context of ArticleVI of the

Jerez-Cañas Treaty and might lead to the first and commonly agreed definition of commerce being

dismissed.

22. The meaning of the term “commerce” promoted by Costa Rica has now been relegated to

eighth and last place in the Dictionary of the Spanish Royal Academy and has, moreover, as I

indicated in passing in the first round, fallen into disuse 20. There is no inconsistency among

Nicaragua’s legal team on this point. Nicaragua does not seek to take advantage of the fact that

this meaning, which was always secondary, has now become obsolete, other than to draw attention

to the interest which Costa Rica shows in it, preo ccupied as it is with tying in to the broadest

19
meaning of the word “commerce” far more recent developments which were inconceivable for the

authors of the Jerez-Cañas Treaty in 1858.

23. To understand the word “commerce” within th e context of ArticleVI of the Treaty as

“communication and dealing of groups of individua ls and peoples with others” amounts to turning

“commerce” into a synonym for “communication”. However, commerce assumes communication,

but is not interchangeable with it, unless an intention to the contrary can be shown.

24. To sum up, it is the first definition of commerce which best expresses the generally

accepted and ordinary meaning of the term and there is no indication in the Treaty that would allow

for a different meaning. There is thus no choice but to confine ourselves to that primary meaning.

5. Transport of passengers

25. Mr. President, Members of the Court, counsel for Costa Rica believe they have produced

evidence showing that the transport of passengers is included in the right of free navigation

21
deriving from ArticleVI of the Cañas-Jerez Treaty . But where is that evidence? Contrary to

what Costa Rica maintains, the transport of p assengers was excluded from the notion of commerce

1CR 2009/6, p. 30, para. 30 (Kohen).
20
CR 2009/4, p. 44, para. 35 (Brotóns).
2CR 2009/6, p. 31, para. 41 (Kohen). - 14 -

in the mid-nineteenth century and, more partic ularly, from the notion of commerce adopted by

Article VI of the Treaty.

26. First, commerce is defined as “negotiation and traffic that is done buying, selling, or

exchanging some things for others”; that is the primary meaning of the term in all dictionaries

22
throughout the nineteenth century and up to the present day . But it is more interesting still that

none of the other meanings of commerce, which in clude two card games, makes even the slightest

mention of the transport of passengers.

23
27. Second, I would recall the position of Co sta Rica itself in the Cleveland arbitration , as

already mentioned by Nicaragua in the first round 24 and to which my colleague ProfessorPellet

will return shortly: in its “rhetorical” ques tion, the Applicant expressly referred to the

“transportation of merchandise”, to the exclusion of the transport of passengers.

20 28. Third, it should be recalled that while for a period going back to 1849 passengers were

indeed carried on the river in large numbers, this pr actice owed itself to Nicaragua, and not at all to

Costa Rica. If Costa Rica had any right whatever to transport passengers on the San Juan River, we

can only be surprised that it made no use of it for over 130 years. It was only from 1994 that Costa

Rica ventured to promote regular and large-scale t ourism on the San Juan. Prior to that, Nicaragua

had no need to remind Costa Rica of what “objetos de comercio” meant in the Treaty.

29. Fourth, and as Nicaragua explained in deta il in its written pleadings, the transport of

passengers as a commercial activity was carefully left out of the right of navigation acknowledged

by Article VI of the Treaty 2.

30. Finally, Nicaragua has not maintained the “deafening” silence which Costa Rica seeks to

26
attribute to it on the subject of the clauses regarding the claim of the Government and citizens of

Costa Rica to benefit from a right of free passage on the San Juan River from one ocean to another,

as contained in the treaties concluded by Nicaragua with the United States, France and Great

2CR 2009/4, p. 43, para. 29-30 (Brotóns).

2RN, Vol. II, Ann. 5.
24
CR 2009/4, pp. 58-59, paras. 20-21 (Pellet); CR 2009/5, pp. 31-32, para. 13 (McCaffrey).
2Counter-Memorial of Nicaragua (CMN), pp. 161-165, paras. 4.1.37-4.1.48; RN, pp. 151-154, paras. 3.90-3.95.

2CR 2009/6, p. 31, para. 42 (Kohen). - 15 -

Britain between 1857 and 1860. An adequate r esponse can be found in Nicaragua’s Rejoinder 27.

When all is said and done, those clauses were conf ined to preserving the claim of free passage for

the citizens and Government of Costa Rica with a view to the possible construction of an

inter-oceanic canal passing in part through the San Juan River.

Mr. President, Members of the Court, I thank you for your attention and, having come to the

end of my presentation, I would ask you, Mr. Preside nt, to give the floor to Professor Pellet for the

continuation of Nicaragua’s arguments.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Remiro Brotóns, de votre exposé. Je donne

maintenant la parole à M. Alain Pellet.

21 PELr.LET:

III.INTERPRETATION OF THE TREATY CONTINUATION )

1. Mr. President, Members of the Court, it is my job this morning to look once again at the

interpretation of the expression “with goods” (“co n objetos de comercio”) in answering those

arguments put forward on this point by Professors Crawford and Kohen and not already refuted by

ProfessorRemiro Brotóns. Without sticking to an outline “à la française”, I shall proceed

substantially in the order in which our opponents have voiced their criticisms.

1. Professor Crawford’s paradox: “less = more”

2. Mr. President, for the moment I proceed on th e basis that Costa Rica’s (perpetual) right of

navigation on the river — not necessarily on any future canal . . . ⎯ is established provided that the

navigation takes place with goods as “objetos de co mercio”. Let us see whether, independently of

the lexical and grammatical analysis conducted by AntonioRemiro, this is as nonsensical as

Professor Crawford claims 28 ⎯ he of the puzzling mathematical notions, for in his view

“less = more”, “however = furthermore”, “pero = más aún”.

3. If I may first say so, Members of the Court, it is now utterly beyond me why Costa Rica

persists in advocating an interp retation different from ours, since James Crawford has argued that

27
RN, pp. 153-154, para. 3.94.
28See CR 2009/6, pp. 16-18, paras. 32-38. - 16 -

“even if” (“même si”) the disputed phrase means “‘articles of commerce’ or ‘articles of trade’,

29
these are words of extension, not limitation” . Alors, why then oppose such a favourable

definition, which far from restricting Costa Rica’ s rights would expand them? Rarely do we see a

whole team of counsel playing in this way against its own side . . .

4. I must say that our opponent’s reasoning is convoluted at the very least. If I have

understood it, they are telling us:

1. Nicaragua has recognized a right of free navigation on Costa Rica’s part;

22 2. it is posited that freedom of navigation presupposes exemption from taxes, imposts and customs

duties; and

3. if it is then added that this applies to tr ade goods, the additional language “is not there as a

limitation of the right of free navigation; it makes it clear that the freedom extends to trade

goods you may be carrying with you. The words are, quite simply, not words of limitation at

30
all” .

5. But, Mr. President, if free navigation by definition entails exemption from customs duties,

then, since these can only apply to trade goods or services, it is clear that the drafters of the Treaty,

in specifying that the freedom in question app lied to navigation “with goods” as “objetos de

comercio”, clearly meant to provide that it applied only to such navigation. These words plainly do

not extend anything — they limit. “Less = less”.

2. The parable of the hen and the eggs

6. But . . . there is the parable of Mr. Crawford’s hen 31. If I may give him a piece of advice :

the wisest thing for him to do would be to take not only his eggs to the Sarapiquí market but also

his hen— which herself is also an article of commerce— and to return home with her. He will

thereby avoid the inconveniences he fears and will be kept company as well.

29
Ibid., p. 17, para. 33. [Translation by the Registry: “'articles de commerce’, ces mots traduisent une extension,
non une limitation”.]
3Ibid., para. 34 (Crawford). [Translation by the Registry: “ne vise pas à limiter le droit de libre navigation mais

à préciser que cette liberté s’étend aux marchandises que v ous pouvez transporter avec vous. Ces mots ne traduisent
tout simplement pas une restriction.”]
3Ibid., para. 35. - 17 -

7. More seriously, I think that he should bear in mind that an interpretation must be made in

good faith, be reasonable and be such as to confer effective meaning on the treaty provisions. As

the Court pointed out in its Advisory Opinion in 1950: “the first duty of a tribunal which is called

upon to interpret and apply the provisions of a treaty, is to endeavour to give effect to them in their

natural and ordinary meaning in the context in which they occur” ( Competence of the General

Assembly for the Admission of a State to the Un ited Nations, Advisory Opinion, I.C.J. Reports

1950, p. 8; emphasis added). In order for Costa Ri ca’s freedom of navigation under Article VI of

23 the Cañas-Jerez Treaty to be effective, it must be interpreted— reasonably— to allow the

hen-breeding professor to return eggless from Sarapiquí.

8. Moreover, taken literally, the mini-fable of the hen is no more helpful in giving effect to

Costa Rica’s interpretation than it is to Nicara gua’s: if ProfessorCrawford goes to Sarapiquí

intending to engage in commerce there (for commercial purposes) but comes back with the

intention of amusing himself or admiring the land scape, without any “commercial intent”, he still

cannot avail himself of the freedom of navigation granted by Article VI of the Jerez-Cañas Treaty.

And the same is true of the argument he tries to base on his own experience, complaining that he

32
was subjected to insufficient checks .

3. A pointless challenge

9. I now come, Mr.President, to the “challeng e” ProfessorCrawford issued to us. In my

view, even if there were no example of a treaty drafted in the terms of ArticleVI of the

1858 Treaty as re-worded by my opponent (who would have it say “if and only if such navigation

33
is with articles of trade” — “si, et seulement si, il s’agit d’une navigation avec des

marchandises”), that would not signify that the Cañas-Jerez Treaty was meaningless or that our

34
interpretation of it was absurd (“obvious nonsense” ). As Costa Rica has quite rightly pointed

out 35, our instrument is a very special one: a boundary treaty fixing a limit along the bank (which

32CR 2009/6, p. 18, para. 37 (Crawford).
33
Ibid., para. 36.
34Ibid.

35CR 2009/2, p.32, para.7; p.34, para.12 (Caflisch); CR2009/3, p.22, para.2 (Caflisch); CR2009/6,
pp. 38-39, paras. 7 and 8; p. 40, para. 13 (i) (Caflisch); p. 66, para. 8 (Ugalde-Alvarez). - 18 -

is itself unusual), while granting rights (of perpet ual navigation with trade goods) to the State not

having sovereignty over the river. The statistical probability of finding exactly the same clause in

another treaty is therefore very low.

10. Every instrument is unique and “its terms” 36 are what must be interpreted, not an abstract

24 “concept” or hypothetical wording. The terms “with goods” (“con objetos de comercio”) must

have effective meaning 37⎯ which they are given by the interpretation advocated by Nicaragua but

which they are not by Costa Rica’s: because, as Costa Rica would have it, granting a “perpetual

right of navigation” (tout court) would have been enough to give the Applicant a right as absolute

and unrestricted as it claims.

4. Navigation on the San Juan

11. Mr. President, unfortunately I cannot cross-examine the witness Mr. Crawford but if, as I

assume to be the case, he took one of these small boats used to carry tourists on the San Juan

[slide No. 1], the soldiers responsible for carryi ng out the checks would have needed only a quick

look to ascertain that there was no trading in good s involved; of course, there might have been

illicit goods, skilfully concealed in ProfessorCrawford’s bags or socks— but does he look like a

dangerous smuggler or drugs-runner? Nevert heless, as I have said, it cannot reasonably be

claimed that the freedom of navigation enjoyed by Costa Rica is unlimited or “absolute”. [End of

slideNo.1.] By the way, I shall point out in passing, Mr.President, that while this adjective

(“absolute”) only appears perhaps four tim es in Costa Rica’s written pleadings, and an

unreasonable, extremist interpretation cannot be ascribed to Costa Rica 38, Professor Caflisch, who,

39
I am certain, accurately presents Costa Rica’s position, used it no fewer than four times just in his

statement on Tuesday last week to describe the right of navigation recognized in the 1858 Treaty.

12. Let us return to Professor Crawford’s trip ⎯ without eggs this time. He would appear to

be complaining that Nicaragua’s customs agents or border police did not question him as to the

36See Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahi riya/Chad), Judgment, I.C.J.Reports1994 , pp. 21-22, para. 41;
Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1060, para. 20.
37
See, e.g., Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 24.
38
CR 2009/6, p. 8, para. 2 (Crawford).
39CR 2009/3, p. 23, para. 7; p. 30, para. 23; p. 31, para. 26; p. 33, para. 33. - 19 -

trade goods he was carrying — or not carrying : “But it made no difference whether I had articles

40
of trade or not. No one asked if I was carrying articles of trade.” This however comes down to

the most elementary logic, Mr. President: on the rive r, the general rule is Nicaragua’s sovereignty;

25 if Mr.Crawford wished to avail himself of the freedom of navigation guaranteed to his client by

the 1858 Treaty, it was for him to make clear that he fell within the exception; he was unable to;

he says so himself: “I went there without any articles of trade” (“j’y suis allé sans articles de

commerce”) ⎯ and since he, tourist that he was, did not consider himself to be an item of

merchandise, an objeto de comercio, and rightly so incidentally, he could not invoke the exception

and did not do so.

5. Return to the Cleveland Award

13. Mr.President, I now come to the wide array of criticisms levelled at us by

ProfessorMarcelo Kohen, which AntonioRemiroBr otóns has already answered in part. Let us

first go back to the years 1886-1888, namely to th e Parties’ arguments before Cleveland and to his

award.

The arguments of the Parties

14. On the subject of “Costa Rica’s approach” my friend and opponent is steadfast. But that

is all the better to evade the problem. [Slide No. 2.] He displayed on the screen Costa Rica’s

response to what he calls the “rhetorical question” to which we paid particular attention during the

first round41 and which I, in turn, shall now show :

“Does this mean that Costa Rica cannot under any circumstances navigate with
public vessels in the said waters, whether the said vessel is properly a man-of-war, or

simply a revenue cutter, or any other vessel intended to prevent smuggling, or to carry
orders to the authorities of the bordering districts, or for any other purpose not exactly
within the meaning of transportation of merchandise ?”42 [Translation by the

Registry : “Cela signifie-t-il que le Costa Rica ne peut en aucun cas naviguer avec des
bateaux des services publics sur lesdites eaux, que ces bateaux soient de véritables

40
CR 2009/6, p. 18, para. 37. [Translation by the Registry: “Mais que j’en aie ou pas n’a rien changé. Personne
ne m’a demandé si je transportais des articles de commerce”.]
4CR 2009/4, pp. 58-59, paras. 20-21 (Pellet); CR 2009/5, pp. 31-32, para. 13 (McCaffrey).

4RN, Vol. II, Ann. 5, Argument on the Question of the Va lidity of the Treaty of Limits Between Costa Rica and
Nicaragua and Other Supplementary Points Connected with it, submitted to the Arbitration of the President of the United
States of America, Filed on Behalf of the Government of CostaRica; emphasis added . [Argumentation relative à la
question de la validité du traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua et autres points connexes complémentaires
soumis à l’arbitrage du président des Etats-Unis, déposée au nom du Costa Rica]. - 20 -

navires de guerre, de simples bateaux des douanes, ou tout autre bateau destiné à

prévenir la contrebande, à transmettre des ordres aux autorités des districts frontaliers
ou à exécuter toute autre mission ne relevant pas exactement du transport de
marchandises ?”]

15. Thus, the question— whether or not rhetorical— which Costa Rica asked (with an

underlying touch of indignation) amounted to argui ng that, if Cleveland did not uphold its right to

navigate with public vessels, it would be confined strictly to the transportation of merchandise.

[End of slide No. 2; slide No. 3.] Obviously, its own answer was that such must not be the case

and that it was

26 “beyond discussion that CostaRica can naviga te in the San Juan river with public

vessels, which are not properly men-of-war ... Within the meaning of the words,
commercial navigation, both the revenue po lice, the carrying of the mails, and all
other public services of the same kind are necessarily included.” 43

16. The only thing is that Cl eveland answered otherwise: in stead of holding that there was

freedom of navigation for all Costa Rican public vessels other than those which were “properly

men-of-war”, he limited that freedom strictly to such vessels of the revenue service, and I quote

from the Cleveland Award, “as may be related to a nd connected with” the en joyment accorded to

Costa Rica in ArticleVI of the Treaty. [Slide No. 2 again.] Thus, as Costa Rica feared, revenue

service vessels apart, it is limited, by its own admiss ion, strictly to the transport of merchandise

(“exactly within the meaning of transportation of merchandise”).

17. According to Professsor Marcelo Kohen, if Nicaragua had any doubt as to the validity of

translating “con objetos de comercio” as “for the purposes of commerce”, it should have placed the

Spanish phrase in parentheses after its translation, as it did for other words. But all these terms

(three lone words and two phrases) share the characteristic of relating to issues which were before

44
the arbitrator, which was not the case of the phrase “with goods” [“avec des marchandises”] .

18. Notwithstanding what Mr.Kohen appears to think, this absence of any dispute is what

prevents reading any agreement on the interpretati on of the phrase “objetos de comercio” into the

fact that both Parties translated the phrase by “ purposes of commerce”. Granted, counsel for Costa

4MCR, Vol. 6, Ann. 207, p. 155-156. Judges’ folder, tab No. AP-3. [Translation by the Registry: “indiscutable

que le Costa Rica peut naviguer sur le San Juan avec des bateaux publics qui ne sont pas des vrais navires de guerre . . .
Le sens de l’expression ‘navigation commerciale’ inclut nécessairement la police douanière, l’acheminement du courrier
ainsi que tout autre service public de même nature.”]
4See CR2009/2, p.60, para.47 (Kohen); CR2009/4, p. 57, para.19 (Pellet); CR2009/6, p.29, para.31
(Kohen). - 21 -

Rica is entirely correct in pointing out that States can agree on something without having disagreed

beforehand . Still, an agreement cannot arise by inadvertence: it can follow only from the

concurrence of two wills: in the present instance Costa Rica and Nicaragua did translate the phrase

now in controversy in the same way but that was an event, not the deliberate concurrence of two

wills— nor an instance where language was proposed by one State and agreed to by the other.

27 And I would add that the context in which this event occurred shows that it does not have the

meaning that Costa Rica seeks to impart to it— one need only call to mind Costa Rica’s own

interpretation in the written argument it submitted to President Cleveland, on which I have just said

a few more words. [End of slide No. 2bis.]

The award

19. What remains, Mr.President, is the awar d itself. In regard to it, however much

46
ProfessorKohen might accuse me of having “a surfeit of imagination” or a “far-reaching”

imagination 47, of “blithely” stating , of “over-excitement” 49⎯ and that is not all (these make for a

great many names to be called on a single page of a verbatim record . . .), [slide No. 4] the fact is

that the wording of paragraph “Second” is indeed troubling, very troubling:

“The Republic of CostaRica under said treaty [the 1858 Treaty] and the

stipulations contained in the sixth article thereof, . . . may navigate [the river San Juan]
with such vessels of the Revenue Service as may be related to and connected with her
enjoyment of the ‘purposes of commerce’ accorded to her in said article...”

[Translation by the Registry: “ [L]a République du CostaRica, en vertu dudit traité
[le traité de 1858] et des di spositions de son articleVI, . . . peut naviguer sur [le

fleuve SanJuan] avec des bateaux du service des douanes dans l’exercice du droit
d’usage de ce fleuve ‘aux fins du commerce’ que lui reconnaît ledit article . . .”]

20. First of all, there are the single inve rted commas. Repeating what the Reply says 50,

Marcelo Kohen tells us that they “can be explained simply by the fact that President Cleveland was

quoting the terms of Article VI as the two parties had translated them” 51. As I said last week, this

4CR 2009/6, p. 29, para. 31.

4Ibid., p. 27, para. 24.

4Ibid., para. 26.
48
Ibid., para. 24.
49
Ibid., para. 25.
5RCR, p. 65, para. 3.68.

5CR 2009/6, pp. 27-28, para. 26. - 22 -

is hardly convincing. Mr.President, inverted commas are used in only one other place in the

52
award, and that is indeed to draw at tention to a problem of interpretation . Moreover, and

conversely, Cleveland obviously used a great many words and phrases taken from the Treaty and

identically translated by the Parties, without however feeling any need to place them between

inverted commas : this is true, for instance, of “n atural rights” (“droits naturels”), which he refers

to in point10 of the third part of his award without placing the term between inverted commas,

even though it was taken from ArticleVIII of th e Treaty and its translation was really not
28

self-evident; likewise, the arbitrator thought it unnecessary to put inverted commas around the

phrase “the extremity of Punta Castilla at the mouth of the San Juan de Nicaragua River”

[translation by the Registry: “à l’extrémité de Punta de Castilla à l’embouchure du fleuve

San Juan de Nicaragua”] in point 1 of the award, [or a phrase ] in point 10, even though these are

direct quotations from Article II of the Treaty.

21. [Slide 4-1.] But there is something even more important. Members of the Court, if you

have no objection, let us together re-read the part of the sen tence containing the phrase in inverted

commas: “may navigate [the river San Juan] w ith such vessels of the Revenue Service as may be

related to and connected with her enjoyment of the ‘purposes of commerce’”. But how can you

enjoy “purposes of commerce” [Mais comment peut-on jouir de “fins commerciales”]? Taken

literally, this makes no sense ⎯in French (MarceloKohen understood as much, even if he now

53
denies it ), or in English. [Slide 4-2.] And we can understand the difficulty encountered by the

Registry translators, who offer a very loose tran slation into French, straying significantly from the

English text: “mais elle peut naviguer sur ledit fleu ve avec des bateaux du service des douanes

dans l’exercice du droit d’usage de ce fleuve ‘ aux fins du commerce’ que lui reconnaît ledit

54
article” . Now, this makes sense — and it also does if “aux fins du commerce” [“for purposes of

commerce”] is replaced by “avec des marchandises” [“with goods”]; and that can also be

translated into English as “may navigate with such vessels of the Revenue Service as may be

52
See CR 2009/4, p. 58, para. 19.
5See CR 2009/6, p. 27, para. 24.

5MCR, Vol.2, Ann.16, p.34 [translation by the Registry]. [Note by the Registry: translation of the French
back into English: “but [she] may navigate said river with vessels of the Revenue Service in the exercise of the right to
use said river ‘for purposes of commerce’ accorded to her in said article”]. - 23 -

related to and connected with her enjoyment of her right of navigation on the river for ‘purposes of

commerce’” or, as well, “with articles of commerce”. And this, Mr.President, is further

confirmation that Cleveland, who undoubtedly perceived the problem, carefully abstained from

resolving it by using these troublesome inverted commas— they would not, however, appear to

trouble my friend and colleague across the aisle very much . . . [End of slide 4-2.]

6. Briefly back to the evolutionary interpretation

22. Mr.President, not being especially elitist, I am very pleased at the advent of mass

tourism, allowing the greatest number to enjoy the benefit of the wonders of our good old planet.

But I fail to see what these considerations of so cial philosophy are doing here. No doubt tourism

29 did exist in Mark Twain’s time (even though it is my impression that he did not travel from

SanFrancisco to New York in 1863 as a tourist 55 ⎯ but as a passenger, which is not the same

thing, as my friend AntonioRemiro has explained). But what matters for us is that there was no

commercial connotation to the word “tourism” back then and it is simply inconceivable that the

drafters of the Cañas-Jerez Treaty had tourism in mind when they wrote Article VI.

23. This brings me to return briefly to the subject of evolutionary interpretation 56⎯ but I do

not think it bears dwelling on. Essentially, Professo r Kohen did no more on Monday than reiterate

57
the little he had to say on the subject during the first round : we must cleave to the precedent of

the Aegean Sea Continental Shelf case 5. But saying that the word “commerce” is “generic” is not

enough to dispose of the issue. It is also necessary to consider how the word was interpreted at the

time (in order to ascertain the intent of the Parti es) and whether the meaning has evolved so much

since then as to be too far removed from what the negotiators had in mind when the Treaty was

59
concluded . Now, as I showed last week, that would be the case if “goods” [“marchandises”] or

even “commercial purposes” [“fins commerciales”] were to be deemed to encompass tourism ⎯

55
See http://www.accessmylibrary.com/coms2/summary_0286-32179301_ITM.
56
See CR 2009/4, pp. 49-55, paras. 3-12.
57CR 2009/2, p. 68, para. 73 and note 192.

58CR 2009/6, p. 35, para. 58.
59
Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, Second Phase, Advisory Opinion, I.C.J.
Reports 1950, p.229 and Rights of Nationals of the United Stat es of America in Morocco (France v. United States of
America), Judgment, I.C.J. Report 1952, p. 196. - 24 -

an activity in existence in the nineteenth century but one which nobody would have thought to

characterize as “commercial”.

7. The absence of subsequent practice

24. It remains to be determined, Mr.Presi dent, whether subsequent practice should (or

could) lead to the adoption of a different position, or even whether there is an international custom

requiring the fluvial State to allow tourist naviga tion on its rivers and watercourses. To be quite

honest, this second “avenue” strikes me as rath er far-fetched— I only mention it because my

ardent opponent persists in so interpreting the Court’s Judgment in the Kasikili/Sedudu Island

case . I had already shown 61 that it was by virtue of express agreement between the two States
30
62
concerned in that case that the prior practice was legally sanctioned and ratified by the Court . But

there is obviously no agreement in the case which concerns us.

25. Nor is there any practice, Mr. President! The three very short paragraphs my opponent

63 64
devotes to this do not answer the argument I made on this point during the first round , and

amount to hardly any more than assertions wh ich ProfessorKohen does not bother either to

expound or to discuss. I therefore need say no more than:

1. if there was indeed a relatively large volum e of passenger traffic in the distant past—

Antonio Remiro has spoken about this — it was of Nicaragua’s doing and its alone, not Costa

Rica’s;

2. whatever the case, there was no organized tourism on the San Juan until very recently;

3. while a certain sufferance may have been e xhibited when the phenomenon first arose, mere

sufferance generates no right (as Costa Rica repeats over and over again— in respect of

subsistence fishing, for example 65, or waiver of visa requirements for Costa Rican riparians , in 66

particular); on the other hand,

6CR 2009/6, p. 33, para 48.

6CR 2009/4, p. 55, para. 12.
62
Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1107, para. 102.
63
CR 2009/6, pp. 33-34, paras. 51-53.
6CR 2009/4, pp. 55-64, paras. 13-32.

6CR 2009/6, p. 63, para. 30 (Crawford).

6CR 2009/3, pp. 27-28, para. 19 (Caflisch); CR 2009/6, p. 17, para. 35 (Crawford). - 25 -

4. as soon as the phenomenon grew in scale (together with Costa Rica’s claims to an increasingly

broad and absolute interpretation of its alleged rights in respect of the river), Nicaragua took

vigorous objection to it.

26. No subsequent practice, no subsequent ag reement, Mr.President. ArticleVI of the

1858 Treaty must be read within its four corners in light of the intentions of those who negotiated

this instrument. And this intention, as shown by the text of the provision, its context and the

circumstances of its adoption, is plain: Costa Rica may claim a perpetual (but not absolute) right of

free navigation on the river, with goods but definnot for tourists or with tourists. Similarly,

while vessels of the revenue service may freely navigate on the river, in accordance with
31

PresidentCleveland’s decision, they may do so onlif strictly within the exercise of this right to

use the river, which is what my friend and coll eague Professor McCaffrey is now going to show, if

you would be so good as to give him the floor, Mr. President.

27. Nothing remains for me other than to thank you for your kind attention once again.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Pe llet, de votre exposé. Je donne à présent la

parole à M. Stephen McCaffrey.

M. McCAFFREY : Je vous remercie, Monsieur le président.

IV.L A NAVIGATION DU COSTA R ICA SUR LE FLEUVE S AN JUAN AVEC DES BATEAUX
OFFICIELS :LE TRAITÉ DE LIMITES ET LA SENTENCE CLEVELAND

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi de me présenter

de nouveau devant vous au nom de la République du Nicaragua.

1. Introduction

2. Je montrerai, ce matin, de quelle manièle CostaRica fait une mauvaise interprétation

des dispositions du traité de limites de1858 et la sentence Cleveland de1888 relatives à la

navigation sur le fleuve SanJuan avec des batea ux officiels et en donne une mauvaise définition.

Le Costa Rica persiste dans sa lecture de l’article VI du traité comme si ce dernier ne contenait que

neuf mots : le «Costa Rica aura … un droit perpétuel de libre navigation». En fait, c’est inexact

⎯il ajoute à cette phrase six mots de sa pure invention, à savoir «avec toutes sortes de bateaux - 26 -

officiels». Le Costa Rica manifeste un intérêt de pure forme ⎯ et à peine ⎯ pour la souveraineté

du Nicaragua sur le fleuve, mais ensuite, par une attaque sur plusieurs fronts, il cherche à faire

éclater la souveraineté du Nicaragua en tant de morceaux affaiblis et sans défense que ce dernier ne

Peut plus s’acquitter des obligations qui lui incomb ent de contrôler et de réglementer le fleuve,

encore moins exercer ses droits sur la voie d’eau qui, après tout, fait partie de son territoire.

Indépendamment de l’ensemble des objections du Costa Rica à l’égard de celles-ci, les dispositions

réglementaires qu’impose le Nicaragua à la navigation du Costa Rica sur le fleuve, ⎯ encore une

fois, territoire nicaraguayen ⎯ sont à rapprocher de celles qui s’appliquent à de véritables voies

d’eau internationales, telles que le Rhin, lequel re lève de ce que Paul Reuter a appelé la «doyenne
32
67
des organisations internationales», à savoir la Commission centrale pour la navigation du Rhin .

3. Monsieur le président, je m’attacherai tout particulièrement ce matin à démontrer

deux points : premièrement, le traité de1858, tel qu’interprété dans la sentence Cleveland, n’offre

aucun fondement aux droits de navigation sur le San Juan que le Costa Rica prétend détenir en ce

qui concerne ses bateaux officiels ; et, deuxièmement, l’article IV du traité de 1858 n’offre pas non

plus de fondement à de tels droits.

2. Le traité de 1858, tel qu’interprété dans la sentence Cleveland, n’offre aucun fondement
aux droits de navigation sur le San Juan que prétend détenir le Costa Rica

en ce qui concerne ses bateaux officiels

4. Monsieur le président, Messieurs de la C our, s’agissant du premier point, dans les efforts

qu’il déploie pour se voir reconnaître des droits de naviguer sur le SanJuan avec des bateaux

officiels, le CostaRica accorde la plus grande valeur à la sentenceCleveland. Il s’attache ici

principalement à trois arguments : premièrement, la sentence Cleveland n’a pas défini les droits du

CostaRica de naviguer avec tous ses bateaux officiels quels qu’ils soient; deuxièmement, le

présidentCleveland a en réalité élargi et non réduit la portée des recommandations de

George Rives concernant la navigation des bateaux officiels costa-riciens ; et, troisièmement, le fait

que le CostaRica n’exerce pas son droit limité de naviguer sur le SanJuan avec des bateaux du

service des douanes ne fait pas disparaître ce dro it. Je vais examiner ces arguments l’un après

l’autre.

67
Voir, en général, http://www.ccr-zkr.org. - 27 -

5. Premièrement, Monsieur le président, M. Crawford a de nouveau fait valoir lundi que,

dans sa sentence, le président Cleveland ne s’ était pas prononcé sur les droits du CostaRica de
68
naviguer avec tous ses bateaux officiels quels qu’ils soient . Il a persisté dans cet argument en

dépit du caractère fondamentalement illogique de celui-ci: le Nicaragua a la souveraineté ⎯ la

souveraineté ⎯ sur le fleuve, qui fait partie de son territoire; le CostaRica n’a que des droits de

naviguer «con objetos de comercio» en vertu du traité. Le Costa Rica ne s’étant vu accorder par le

traité aucun autre droit sur le territoire souverain du Nicaragua, comment pouvait-il exister d’autres

droits ⎯ d’autres droits ⎯ que le président Cleveland n’ait pas expressémentreconnus? On ne

saurait reconnaître ce qui n’existe pas. La conc lusion selon laquelle il pourrait y avoir d’autres

droits de navigation bafouerait le traité de 1858. C’est certainement la raison majeure pour laquelle

le président Cleveland prit autant soin d’encadrer si étroitement la seule catégorie de bateaux

33 officiels qu’il autorisa à naviguer sur le San Juan, les bateaux du service des douanes. Compte tenu

du «sumo imperio» du Nicaragua sur le fleuve, l’in terprétation de l’articleVI du traité et de

l’article deuxième de la sentence Cleveland de manière à autoriser la navigation de la véritable

armada de différents types de bateaux officiels que défend le Costa Rica conduirait, pour reprendre

les termes de l’article 32 de la convention de Vienne de 1969, à un résultat qui serait manifestement

absurde ou déraisonnable. Une telle interprétation devrait, par conséquent, être rejetée par la Cour.

6. Deuxièmement, Monsieur le président, M. Crawford s’est donné beaucoup de mal, lundi,

pour tenter de réduire à quelque chose qui ressemble à de la simple courtoisie les «privilèges» de

navigation sur le SanJuan pour les bateaux de guerre et ceux du service des douanes que

GeorgeRives recommanda. Il l’a fait dans un effo rt herculéen, mais vain en définitive, visant à

convaincre la Cour de l’improbable proposition suivan te : à savoir, que le président Cleveland, en

accordant seulement une navigation prudemment restreinte aux bateaux du service des douanes du

CostaRica, donna en quelque sorte bien plus que Rives, qui aurait autorisé tant les bateaux du

service des douanes que les bateaux de guerre costa-riciens à naviguer sur le San Juan, et avec pour

seules restrictions celles qui étaient généralement reconnues internationalement. Il faudrait être

magicien pour y parvenir et M. Crawford a beaucoup de talent dans ce domaine. Il a tenté ce tour

68
CR 2009/6, p. 51, par. 4 et suiv. - 28 -

de passe-passe analytique en opposant les «pri vilèges» recommandés par Rives aux «droits»

reconnus par le président Cleveland.

7. Mais, de quelque manière qu’elles soient définies, les autorisations recommandées par

Rives et celles qu’a accordées le président Cleveland ne sauraient être plus différentes. Quand tout

fut dit et fait, l’arbitre recommanda l’autorisation de la navigation des bateaux de guerre et de ceux

du service des douanes et la réduisit à ce qu’il co nsidéra manifestement comme sa plus simple

expression: la navigation avec des bateaux du ser vice des douanes en rapport avec la navigation

«con objetos de comercio» ou à la protection de ce lle-ci. En particulier, compte tenu de la

souveraineté du Nicaragua sur le fleuve, rien d’autre ne permettrait de faire apparaître de prétendus

droits additionnels de navigation par des bateaux officiels.

8. Soit dit en passant, ainsi que mon collè gue M.Pellet vient de le faire observer,

M. Crawford conteste également l’emploi que d’autres conseils du Nicaragua et moi-même faisons

de l’expression en espagnol «con objetos de comerc io» au lieu de la traduction anglaise de cette

expression soumise par les deux parties au président Cleveland, «aux fins du commerce». Mais,

Monsieur le président, ainsi que M.Pellet vient de l’indiquer, le traité lui-même fut négocié et
69
34 conclu en espagnol et non en anglais. Le Nicaragua a amplement démontré dans ses écritures que

le sens de cette expression n’était pas en cause lors de l’arbitrage ; il n’existait tout simplement pas,

à l’époque, de différend à ce sujet entre les Parties. Le président Cleveland s’employa à préciser

que sa décision était sans préjudice du sens de l’ex pression en entourant celle-ci de guillemets à

l’article deuxième de sa sentence.

9. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je passe à présent au troisième argument du

CostaRica. M.Crawford indique que «le point de savoir si le CostaRica…exerc[e] son droit

conventionnel de naviguer avec les bateaux de s on service des douanes est dénué de pertinence»,

70
car «ce droit survit indépendamment de son exercice» . Mais M.Crawford fait là une mauvaise

interprétation : le Costa Rica n’a pas exercé son droit de naviguer avec les bateaux de son service

des douanes car il n’a pas exercé son droit de naviguer «con obj etos de comercio». Le Costa Rica

s’est par conséquent lancé, pendant plus d’un si ècle, dans une campagne visant à transformer son

69
CMN, par. 3.1.19 et suiv.
70
CR 2009/6, p. 55, par. 14. - 29 -

droit de naviguer avec des bateaux de son service des douanes en un droit de naviguer avec des

bateaux officiels de toutes sortes et de toutes caractéristiques, à la fois armés et non armés. C’est

cela qui n’est pas permis par le traité de limite s et la sentence Clevela nd et que le Nicaragua

n’autorise par conséquent pas sur son territoire souverain ⎯ et non la navigation avec des bateaux

du service des douanes en rapport avec la navigation «con objetos de comercio» ou nécessaire à la

protection de celle-ci, que le Nicaragua n’a ja mais voulu empêcher. Co mme le CostaRica l’a

71
lui-même largement montré , le président Cleveland savait bien ce qu’était un bateau du service

des douanes et il savait donc que cette expression, «bateaux du service des douanes», comme il l’a

indiqué, revêtait un sens très particulier. Un bateau des douanes n’est pas un bateau de la police.

Un bateau du service des douanes n’est pas un bateau qui transporte des armes et du personnel afin

de ravitailler les postes frontière. En bref, un bateau du service des douanes n’est pas un bateau

officiel accomplissant la myriade de fonctions que le Costa Rica souhaiterait remplir sur le fleuve

avec ses bateaux officiels. Il ne suffit pas de d ésirer pour que réalité il y ait. Par conséquent,

même si l’absence d’exercice par le Costa Rica de son droit limité de naviguer sur le San Juan avec

des bateaux de son service des douanes ne fait pas disparaître le droit, elle n’en étend très

certainement ni n’en élargit la portée.

10. Monsieur le président, pour en finir avec ce sujet, le CostaRica a continué lundi

d’assassiner inutilement le communiqué commun Cuadra-Lizano ⎯ mais cette image est peut-être

35 inappropriée puisque le communiqué n’a jamais vraiment vécu en premier lieu. M. Crawford tente

vigoureusement ici de convaincre la Cour que ce doc ument ne concernait en rien le fait que le

Nicaragua donne la permission au CostaRica de naviguer avec des armes sur le SanJuan. Il

essaye ensuite de manière bien moins vigoureuse de montrer, en fait il se contente d’indiquer, que

le communiqué traduisait le statu quo ante.

11. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le communiqué commun Cuadra-Lizano

aurait constitué un blanc-seing à l’usage des batea ux officiels du CostaRica sous des conditions

particulières et dans un objectif unique et très spéc ifique : le ravitaillement de ses postes frontière.

Rien de plus. Il n’aurait pu s’agir de contrôle r le fleuve ni de fournir des services à la population

71
Par exemple, CR 2009/3, p. 13, par. 23. - 30 -

riveraine ⎯il s’agissait uniquement de ravitailler les pos tes frontière. Après cent vingt ans, telle

est l’étendue de la navigation des bateaux officiel s du Costa Rica que le Nicaragua était disposé à

examiner ⎯et cette navigation était, en fait, cons idérée dans le contexte d’un problème du

moment : le ravitaillement de postes frontière. Le Costa Rica n’a pas procéd é au ravitaillement de

ces postes par le San Juan au cours des dix dernières années.

12. Mais, Monsieur le président, le point impor tant est ici que le Costa Rica n’aurait pas été

si avide de ce communiqué mort-né ⎯il n’aurait pas eu besoin de cette autorisation ⎯ s’il avait

effectivement, et croyait véritablement avoir, un droit de naviguer jusqu’à ses postes frontière avec

des bateaux transportant des armes et du personnel. Quant à savoir si le communiqué traduisait une

pratique passée, si tel était le cas, pourquoi le CostaRica a-t-il cherché si ardemment à obtenir

l’autorisation? Quoi qu’il en soit, mon collègue, M.Reichler, a déjà montré que le communiqué

ne reflète pas une pratique antérieure.

3. L’article IV du traité de 1858 n’offre pas non plus de fondement aux droits de navigation
que le Costa Rica prétend détenir pour ses bateaux officiels

13. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, pour en venir à mon second point, le

Costa Rica a effectivement admis, au second tour de plaidoiries, que l’article IV du traité de limites

ne l’autorisait nullement à défendre le fleuve, ou à y assurer de toute autre façon le maintien de

l’ordre, à l’aide de bateaux. Tout au plus a-t-il pu, en réponse au fait indéniable que l’article IV ne

dit rien de l’apport d’un concours du Costa Rica à la défense des baies ou du fleuve au moyen de

bateaux, caricaturer la manière dont il lui faudrait, autrement, s’acquitter de cette obligation, en

72
convoquant l’image de la «natation synchronisée» ⎯belle image, à n’en pas douter, mais,

malheureusement pour le Costa Rica, il n’y a nullement matière à synchronisation, car le Nicaragua

36 entend exercer ses obligations de défendre le fleuve au moyen de bateaux, comme il est seul

habilité à le faire. Le Costa Rica associe égalem ent la «défense» des baies communes et du fleuve

73
«en cas d’agression extérieure» , telle que visée à l’article IV, à la «protection du commerce sur le

fleuve», donnant à entendre que l’une et l’autre sont autorisées par l’articleIV 74. Or, comme la

72Ibid., p. 54, par. 11.
73
Article IV du traité de 1858.
74CR 2009/6, p. 54, par. 11 (Crawford). - 31 -

Cour le sait bien, il n’est fait nulle mention à l’articleIV ⎯ni à vrai dire, dans tout le traité

de 1858 ⎯ d’une protection du commerce sur le fleuve pa r le Costa Rica. Cette idée est une pure

création de la sentence Cleveland, dont j’ai déjà traité; et, comme nous l’avons vu, le

présidentCleveland a eu grand soin de réserver l’exercice de toute protection aux bateaux du

service des douanes ⎯ et à ceux-là seuls ⎯, et uniquement dans les cas nécessaires à la protection

75
de la navigation «con objetos de comercio» . La confusion que fait le Costa Rica entre défense et

protection découle peut-être de l’ idée, qu’il défendait initialement ⎯et à laquelle il semble à

présent avoir renoncé ⎯, que le SanJuan serait un «cours d’eau international». Ce qu’il n’est

assurément pas, aux fins des droits de navigation du Costa Rica, pour les raisons qu’a exposées le

76
Nicaragua , et que le Costa Rica semble à présent admettre.

14. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je clorai mon exposé sur la thèse du

Costa Rica quant au maintien de l’ordre et à la défense du fleuve au moyen de bateaux en citant les

sages paroles d’un ancien président du Costa Rica lui-même. Dans ses mémoires, Su pensamiento,

Don Ricardo Jiménez Oreamuno, qui exerça trois mandats présidentiels entre 1910 et 1936, écrivait

ceci à propos de ce qu’il appelait «l’obligation assumée par le Costa Rica de participer à la défense

du fleuve en cas d’agression extérieure» :

«Le Costa Rica participera à cette défense lorsque l’hypothèse prévue
[l’agression étrangère] se concrétisera.

Entre-temps, en pleine période de paix, sans le moindre risque d’hostilités,
prétendre que nos navires de guerre naviguent sur le fle uve pour prendre part à une
défense qu’aucune agression n’a provoquée, c’est arriver au degré de subtilité avec

lequel les Nicaraguayens ont examiné le traité. En vertu de l’article4, le CostaRica
était obligé de défendre le San Juan en ta nt qu’allié du Nicaragua. A-t-on jamais vu
un allié, en tant que tel, prétendre avoir le droit, en l’absence de guerre, de passer avec

ses troupes sur le territoire allié pour navigue r avec des77avires de guerre sur ses eaux
intérieures et stationner des armadas dans ses ports ?»

37 15. Monsieur le président, les propos éloquents de l’ancien président du CostaRica se

passent de commentaires et confirment la seule interprétation du traité de 1858 qui soit raisonnable.

75
Sentence Cleveland, deuxième article.
76Voir, par exemple, CR 2009/4, p. 19 et suiv. (Brownlie).

77Don Ricardo Jiménez Oreamuno, Su pensamiento, Edition Costa Rica, San José, Costa Rica, 1980, p. 55. Pour
toute la citation, dans laquelle l’ancien président menti onne également la navigation par les «navires marchands» visés
par l’article VI du traité, voir le CMN, p. 222-223. - 32 -

16. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, voilà qui clôt ma plaidoirie. Je vous

remercie de votre courtoisie et de votre aimable a ttention. Monsieur le président, je vous prierais

d’appeler mon collègue, M.PaulRe ichler, mais peut-être serait-il préférable de le faire après la

pause. Je vous remercie infiniment.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsie urMcCaffrey, de votre exposé. Oui,

effectivement, comme vous l’avez suggéré, nous marquerons d’abord une courte pause, après quoi

je donnerai la parole à M. Paul Reichler.

L’audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 45.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne maintenant la parole à M. Paul Reichler.

M. REICHLER :

V. L A LICÉITÉ DE LA RÉGLEMENTATION NICARAGUAYENNE ET LA PRATIQUE
DES P ARTIES EN MATIÈRE DE NAVIGATION DES BATEAUX OFFICIELS

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’ai à nouveau l’honneur de me présenter

devant vous. Je répondrai d’abord aux arguments de M.Caflisch concernant la licéité de la

réglementation de la navigation sur le fleuve San Juan par le Nicaragua, puis je répondrai à ceux de

M.Crawford sur la pratique des Parties en ce qui concerne la navigation des bateaux officiels

costa-riciens.

1. La licéité des règlements nicaraguayens

2. Monsieur le président, après avoir écouté M.Caflisch lundi, je peux aujourd’hui vous

annoncer une bonne nouvelle: le droit du Nicaragua de réglementer la navi gation sur le fleuve

San Juan n’est plus contesté par le Costa Rica. Il est à présent possible, pour la première fois, de

dire que les deux Parties conviennent que le Nicaragua a le droit de réglementer la navigation sur le

fleuve, y compris la navigation du CostaRica, à condition que ce droit s’exerce de manière

raisonnable, non arbitraire et non discriminatoire. Comme M. Caflisch l’a dit lundi : «[L]orsqu’ils

38 mentionnent des réglementations, ils précisent qu’el les doivent être raisonnables, non arbitraires et - 33 -

non discriminatoires. Telle a été, et est toujours, la position du CostaRica: les Etats riverains

peuvent réglementer s’ils respectent ces conditions.» 78

3. Les Parties étant maintenant d’accord sur le droit du Nicaragua de réglementer la

navigation du Costa Rica sur le fleuve San Juan, sous réserve que les règl ements mis en place par

le Nicaragua soient raisonnables, la tâche de la Cour est allégée : celle-ci doit uniquement trancher

la question de savoir si les règlements du Nicara gua sont déraisonnables au vu des éléments de

preuve soumis par le Costa Rica.

4. Sur ce sujet, je crains que les Parties ne s’opposent encore. Bien que M. Caflisch accepte

désormais que le Nicaragua ait le droit de régl ementer la navigation, il campe fermement sur ses

positions quant au caractère raisonnable des règlemen ts nicaraguayens. En réalité, il a repris, au

second tour, bon nombre des arguments du premier. J’ai déjà répondu à toutes les critiques qu’il a

formulées lors du premier tour. Aujourd’hui, je répondrai seulement aux nouvelles critiques de

M. Caflisch, ou du moins à celles qu’il a remises au goût du jour, portant sur les cinq dispositions

règlementaires qu’il conteste.

a) L’obligation de faire halte et de s’enregistrer

5. La première de ces dispositions concerne l’obligation pour tous les bateaux, tant

nicaraguayens que costa-riciens, de faire halte et de s’enregistrer à l’entrée et à la sortie de la zone

protégée du fleuve. M. Caflisch n’a pas contest é l’avis nicaraguayen selon lequel cette disposition

protège l’environnement, et empêche et prévient toute activité criminelle menée le long du fleuve

79
ou dans les zones adjacentes aux rives . Au lieu de cela, la critique qu’en fait M.Caflisch porte

essentiellement sur le fait que, selon ses termes, «pour chaque trajet un droit de 5dollars des

Etats-Unis doit être acquitté, auquel s’ajoute un droit de service de 2 dollars des Etats-Unis payable

à l’entrée et à la sortie du pays» 8. Il se plaint en outre de ce que «[cette somme] est énorme pour

81
les habitants d’une région pauvre du Costa Rica qui, au quotidien, sont tributaires du fleuve» . Je

crains que M. Caflisch ne fasse erreur dans les faits et qu’il ne se trompe de règlement.

78CR 2009/6, p. 42, par. 21.
79
CR 2009/5, p. 10-14, par. 25-33.
80CR 2009/6, p. 43, par. 24.

81Ibid. - 34 -

6. Premièrement, les bateaux qui font halte et qui s’enregistrent n’ont pas de taxe à payer à

ce titre et il n’y a pas non plus de redevance à payer à l’entrée du fleuve ni ce que M.Caflisch

appelle «un droit de service». Les éléments de pre uve sur ce point sont incontestés. M.Caflisch

confond apparemment ce règlement avec un autre qui concerne l’immigration et qui s’applique

39 uniquement aux touristes étrangers, tenus d’acquitter un droit de 5 dollars pour une carte de touriste

et un montant de 4dollars au titre des frais liés au contrôle de l’immigration 82. Les éléments de

preuve montrent également sans conteste que ces dispositions ne s’appli quent pas aux habitants

costa-riciens, libres de naviguer sur le fleuve san s acheter de carte de touriste et non assujettis au

83
contrôle de l’immigration nicaraguayen . Qu’ils soient pauvres ou non, ils n’acquittent aucun de

ces montants. Les griefs de M.Caflisch contre ce règlement concernent donc des taxes que les

bateaux qui font halte et s’enregistrent n’ont p as à payer et des charges que les résidents locaux

n’ont pas à supporter.

b) Certificat d’inspection et d’appareillage

7. Le deuxième règlement contesté concerne le certificat d’appareillage. M. Caflisch n’a pas

remis en cause les éléments de preuve montrant que l’obligation de se soumettre aux inspections et

d’obtenir un certificat d’appareillage favorise la sécur ité de la navigation et prévient et empêche le

trafic illégal d’espèces sauvages protégées, d’armes à feu et de drogue 84.

8. Ce que M. Caflisch a dit à propos du certificat d’appareillage est tout à fait inhabituel. Il

est passé de la fonction de conseil et d’avocat en l’espèce à celle de témoin et a bel et bien apporté

un témoignage personnel à l’appui de son argument. Tels sont ses termes :

«[J]’ai été témoin tant de la procé dure d’arrêt et d’enregistrement que de
l’inspection des bateaux en vue de contrôle r leur navigabilité et l’identité de leur

cargaison et de leurs passagers. Je n’ai p as eu de chance ; bien qu’une somme ait été
versée, je n’ai assisté à aucune inspection sur le bateau. Aucun service n’a été rendu
pour lequel un droit pouvait être perçu.» 85

Ce n’est pas tous les jours qu’un conseil devant la Cour se transforme en témoin. Si M. Caflisch a

ressenti le besoin de le faire, c’est que l’argument du Costa Rica contre ce règlement est tellement

82 Voir CR 2009/5, p. 20, par. 43.
83
Voir CR 2009/5, p. 19, par. 42 ; DN, vol. I, par. 4.88-4.89 ; DN, vol. II, annexes 70, 73 et 78.
84
Voir CR 2009/5, p. 20-23, par. 34-38 ; DN, p. 198-199, 204-206, 208-209.
85 CR 2009/6, p. 44, par. 25. - 35 -

dénué de valeur probante que le conseil est lui-même obligé de combler cette lacune à l’aide de son

propre témoignage.

9. Les éléments de preuve ⎯les véritables éléments de preuve ⎯ montrent que des

inspections sont régulièrement effectuées, et que des certificats d’appareillage sont régulièrement

délivrés, moyennant une somme de 5 dollars au titre des frais d’inspection. En fait, les véritables

40 éléments de preuve, soumis par le Costa Rica lui- même, sous la forme de déclarations écrites sous

serment et de déclarations publiques de ressortis sants costa-riciens ayant navigué sur le fleuve,

contredisent le témoignage de circonstance de M. Caflisch, et confirment que des inspections sont

couramment effectuées et que des certificats d’appareillage sont déliv rés contre le paiement d’une

somme modique 86. L’annexe101 du mémoire du CostaRica, en particulier, relate de façon très

détaillée l’inspection du bateau et des marchandises d’un témoin costa-ricien. Le mémoire ⎯ le

mémoire lui-même indique que: «le Nicaragua exigeait que tous les navires costa-riciens fassent

87
halte à chaque poste militaire nicaraguayen établi sur le fleuve pour inspection…» .

10. En réalité, c’est le Costa Rica lui-même qui a demandé au Nicaragua d’établir des postes

le long du fleuve San Juan afin d’enregistrer et d’ inspecter les bateaux qui passaient, et de délivrer

des certificats d’appareillage. Le compte rendu fina l de la réunion de la commission binationale

Nicaragua-Costa Rica en 1997 mentionne que, à la demande du Costa Rica

«il a été convenu que le Nicaragua s’effor cera d’établir des postes à des endroits
déterminés, de manière à étendre le champ c ouvert dans la lutte c ontre [le trafic de

drogue]… En ce qui concerne les mouvements de navires, il a été jugé nécessaire que
ceux-ci naviguent uniquement s’ils ont été dûment enregistrés par les postes qui
délivrent les certificats de navigation co rrespondants, en l’espèce, les postes de
88
San Juan del Norte, de San Carlos et de Sarapiquí.»

11. Au premier tour, M. Caflisch a confirmé que le Costa Rica approuvait l’enregistrement et

l’inspection des bateaux, ainsi que la délivrance de certificats d’appareillage aux postes en question

afin de lutter contre le trafic de drogue ; cela su ffit naturellement à établir le caractère raisonnable

89
de telles obligations . Au second tour, M. Caflisch a tenté une nouvelle approche. Cette fois, il a

déclaré que le compte rendu de la commission bi nationale ne précisait pas si la procédure

86Voir MCR, vol. V, annexe 116, p. 591 ; RCR, vol. II, annexe 54, p. 288.
87
MCR, p. 27, par. 3.24.
88
DN, vol. II, annexe 4, p. 14.
89Voir CR 2009/3, p. 25, par. 22. - 36 -

d’enregistrement, d’inspection et de délivran ce des certificats d’appareillage serait menée au

Nicaragua ou au Costa Rica . Je crains que M. Caflisch ne connaisse toujours pas sa géographie.

[Diapositive PSR] Vous pouvez voir à l’écran deva nt vous un croquis, tiré de la réplique du

91
Nicaragua, montrant l’emplacement de s postes nicaraguayens sur le fleuve . L’emplacement de

ces postes n’est pas contesté par le CostaRica. Vous voyez les postes, indiqués par les triangles

41 rouges, sur la rive nicaraguayenne, situés aux e ndroits précis indiqués dans le compte rendu:

San Juan del Norte, Boca San Carlos et Sarapiquí. M. Caflisch peut bien ignorer où ils se trouvent,

mais le CostaRica le sait. Tel qu’indiqué par la commission binationale: «le Nicaragua

s’efforcera d’établir des postes à des endroits dé terminés…». Tels sont-ils. Les mêmes que ceux

qui sont indiqués dans le compte rendu en question.

12. M. Caflisch se plaint de ce que le Nicar agua ait imposé des montants différents pour les

certificats d’appareillage et inspections, et que cela soit arbitraire 9. Il a présenté un certificat

attestant le paiement d’une taxe de 25dollars au titre des frais d’inspection et a affirmé qu’à

d’autres occasions, le Nicaragua avait demandé 5dolla rs. Cela est vrai, sans être arbitraire. Le

certificat de 25 dollars est daté de mai 2001 9. Deux mois plus tard, les autorités nicaraguayennes

ont publié un plan d’action qui, notamment, ramenait ce montant à 5dollars ⎯ largement en

réponse aux protestations du CostaRica ⎯ et ce montant est demeuré le même depuis lors 9. Ce

n’est pas arbitraire.

13. M. Caflisch a contesté ce que j’ai dit ve ndredi dernier, à savoir que les résidents locaux

ne sont pas tenus d’acquitter cette taxe. Il a indiqué que six résidents locaux avaient remis des

95
déclarations écrites sous serment, et que quatr e d’entre eux attestaient avoir payé la taxe . Nous

lisons ces déclarations et, là encore, M.Caflisch montre qu’il ne connaît pas la géographie de la

région. Trois des quatre déclarations «préjudiciables» émanent de résidents de Barra del Colorado,

90 Voir CR 2009/6, p. 45-46, par. 30.

91 Voir DN, vol. I, p. 190, croquis 7.
92
Voir CR 2009/6, p. 44, par. 25.
93
Voir MCR, annexe 241 b).
94 Voir DN, annexe 48 ; voir aussi MCR, vol. 3, annexe 72.

95 CR 2009/6, p. 44, par. 27. - 37 -

96
qui n’est pas situé sur le San Juan mais sur la côte caraïbe du Costa Rica, très loin du fleuve . Ce

ne sont pas des résidents locaux. La quatrième ém ane d’un exploitant de bateaux de touristes à la

retraite97. Une autre déclaration, écrite par un résident local, indique que les voisins de la région

98
sont tous munis d’un «certifi cat d’appareillage de convenance» . La réalité est donc exactement

conforme à ce qui a été publié dans le plan d’action du Nicaragua en juillet2001: «les

Costa-Riciens dont le domicile est situé dans les zones adjacentes se verront délivrer un certificat

99
d’appareillage de convenance…» .

c) Navigation de nuit

42 14. La troisième disposition contestée est l’interdiction de la navigation après la tombée de la

nuit. Le Nicaragua a pleinement étayé par des éléments de preuve le motif justifiant cette

100
disposition, à savoir la sécurité de la navigation . En particulier, le Nicaragua a apporté la preuve

101
des véritables dangers liés à la navigation noctu rne sur le fleuve qui nous intéresse en l’espèce .

Le CostaRica n’a pas produit d’éléments de preu ve démontrant le contraire. Ou du moins,

n’en-a-t-il pas présenté jusqu’à lundi, lorsque son témoin vedette, M. Caflisch, a dit à la Cour que

le San Juan présentait peu d’obstacles et qu’il ne le trouvait pas si dangereux 10. J’ai bien peur qu’à

cet égard, M.Caflisch soit en contradiction avec la position traditionnelle du CostaRica sur les

dangers de la navigation sur le San Juan, position que ce pays défend au moins depuis qu’il a fait

au président Cleveland en 1887 la déclaration suivan te : «il est bien connu que la navigation sur le

fleuve San Juan se heurte à de nombreux obstacles, non seulement en raison de la faible profondeur

103
à certains endroits, mais aussi à cause de rapides et d’autres dangers» .

15. M. Caflisch a fait valoir lundi que même si la navigation sur le fleuve est dangereuse, le

Nicaragua suit une pratique discriminatoire au rega rd de la navigation costa-ricienne en permettant

96 Voir MCR, vol. IV, annexes 92 et 96 ; RCR, vol. 2, annexe 51.

97 Voir MCR, vol. IV, annexe 103.
98
RCR, vol. II, annexe 50, p. 101.
99
DN, vol. II, annexe 48, p. 306.
100DN, p. 199-200, 209-211.

101Ibid.

102CR 2009/6, p. 46, par. 31.
103
DN, vol. II, annexe 5, p. 160-161. - 38 -

la navigation nocturne dans la portion supérieure du fleuve, où le CostaRica n’a aucun droit de

navigation, mais pas dans la portion inférieure, où celui-ci jouit de droits conventionnels. Je dois

dire que cette fois-ci, M.Caflisch a bien app liqué sa géographie. Mais il y a malheureusement

d’autres problèmes. Dans son intervention de lund i, telle que reproduite dans le compte rendu, il

cite deux indicateurs horaires différents pour le même service de ferry assuré dans la portion

supérieure du fleuve et ces horaires ont été appa remment téléchargés sur internet le week-end

précédant mon exposé de vendredi dern ier, en prévision de celui-ci 104. L’un des indicateurs

horaires cités, qui est reproduit dans le dossier de plaidoiries, n’a pas été mentionné par M. Caflisch

lundi. Il montre que le service de ferry n’est pas assuré la nuit 105. L’autre horaire, sur lequel

M.Caflisch a fondé l’argument qu’il a invoqué de vant la Cour, et qu’il a présenté à l’audience,

106
43 montre le contraire . Etant donné qu’il s’agit du même service de ferry, l’un des deux indicateurs

présentés par M.Caflisch est forcément faux. Ce seul fait soulève des doutes quant à la valeur

probante de ses éléments de preuve. Nous avons donc cherché à en savoir davantage. Après

l’intervention de M. Caflisch, nous sommes entrés en contact par c ourriel avec l’agence de voyage

dont les horaires ont été utilisés par M. Caflisch, et avons demandé si ces horaires étaient corrects.

Il apparaît qu’ils ne l’étaient pas, d’après la ré ponse de l’agence de voyage, que nous serions ravis

de mettre à la disposition de la Cour et du Costa Rica. Il n’y a pas de navigation nocturne dans la

portion supérieure du SanJuan tout comme il n’y en a pas dans la portion inférieure. Tout

argument selon lequel le Costa Rica a subi une discrimination n’est pas fondé.

16. Il est indéniable, et même M.Caflisch lui-même ne refuse plus de l’admettre, que

l’interdiction de naviguer la nu it dans la portion inférieure du SanJuan est également applicable

aux bateaux nicaraguayens et costa-riciens. Il n’ existe pas d’éléments de preuve versés au dossier,

ni de raisons, qui donnent à croire que le Nicaragua se priverait de la possibilité de naviguer la nuit

dans cette portion du fleuve dans le simple but de harceler le Costa Rica ou de lui faire passer un

message politique. Au contraire, le centre de population du Nicaragua à San Juan del Norte est

uniquement accessible par le fleuve. Il est comp lètement coupé du reste du Nicaragua et du monde

104
CR2009/6, p. 7, note150. http://www.nicatour.net /en/nicaragua/orario_lanchas_rio_san_juan.asp et
http://www.visitariosanjuan.com/elcastillo/elcastillo-comollegar-es.html.
105
Voir http://www.visitariosanjuan.com/elcastillo/elcastillo-comollegar-es.html.
106Voir http://www.nicatour.net/en/nicaragua/orario_lanchas_rio_san_juan.asp. - 39 -

extérieur la nuit, en raison de l’interdiction de naviguer la nuit faite par le Nicaragua. En revanche,

les bateaux de tourisme du Costa Rica n’ont aucune ra ison de circuler sur le fleuve la nuit, lorsque

le paysage est invisible. Ainsi, cette dispositi on réglementaire nuit davant age au Nicaragua qu’au

Costa Rica. Néanmoins, le Nicar agua pense qu’elle est justifiée en raison des dangers pour la vie

humaine de la navigation nocturne sur le SanJuan . Quand M.Caflisch laisse entendre que le

problème lié à ces dangers peut être mieux traité s’ il est prescrit que tous les bateaux naviguant la

107
nuit soient éclairés ou que le rivage soit indiqué par des feux , il demande à la Cour, qui siège ici

à LaHaye, bien loin du fleuve SanJuan, de décide r à la place du Nicaragua de la mesure la plus

appropriée et la moins couteuse pour assurer la sécur ité de la navigation sur un fleuve qu’elle n’a

jamais vu. Cela n’est surement pas un rôle que la Cour souhaite jouer. La mesure règlementaire

adoptée par le Nicaragua est manifestement raisonna ble et n’est pas discriminatoire contre le

Costa Rica. Notre analyse doit forcément s’arrêter là.

44
d) Arborer le pavillon

17. La quatrième disposition contestée par M. Caflisch est l’obligation faite à certains

bateaux de battrent pavillon nicara guayen pendant qu’ils naviguent sur le fleuve. Le Nicaragua

applique uniquement cette disposition aux que lques rares bateaux pourvus de mâts ou de

tourelles 108et aucun élément de preuve ne montre qu’un bateau costa-ricien a jamais reçu

l’interdiction de naviguer sur le fleuve pa rce qu’il avait omis ou refusé de battre pavillon

nicaraguayen. Le Costa Rica dispose-t-il d’éléments de preuve montrant qu’un bateau a jamais été

empêché de naviguer parce qu’il n’arborait pas le pavillon nicaraguayen ? M. Caflisch lui-même a

109
répondu à cette question: «bien sûr que non» . Alors de quoi se plaint le CostaRica?

M. Caflisch a reconnu qu’arborer le pavillon de l’Etat souverain ri verain est une coutume de droit

110
international reconnue . Alors, comment peut-il soutenir que la réglementation nicaraguayenne

exigeant la même chose «n’est pas raisonnable» ?

107CR 2009/3, p. 32, par. 26.
108
CR 2009/5, p. 26, par. 45.
109
CR 2009/6, p. 8, par. 35.
110CR 2009/6, p. 48, par. 36. - 40 -

e) Visas

18. La cinquième et dernière disposition contestée par le Costa Rica est l’obligation faite aux

ressortissants étrangers, y compris les Costa-Riciens, de se procurer un visa nicaraguayen avant

d’entrer au Nicaragua, y compris quand ils y entrent par le fleuve SanJuan. M.Caflisch a laissé

entendre que rien ne justifiait que le Nicaragua exige des visas de personnes exploitant ou

empruntant des bateaux de tourisme parce que «l es bateliers et leurs passagers empruntent…le

fleuve en transit, sans rester au Nicaragua» 111. Sauf le respect dû à M.Caflisch, je pense que cet

argument est erroné pour au moin s deux raisons. Premièrement, en tant qu’Etat souverain, le

Nicaragua jouit du même droit que tout autre Etat, et qui relève de sa discrétion, d’exiger des

ressortissants étrangers, y compris des fonctionnaires, qu’ils se procurent un visa avant d’entrer sur

son territoire quelle que soit la durée de leur séjour , et il est incontestable qu’une personne entre au

Nicaragua quand elle emprunte le fleuve San Juan . Deuxièmement, de nombreux pays exigent des

visas, même pour des séjours de courte durée: aux Etats-Unis par exemple, un visa est requis

même pour une escale dans un aéroport américain entre deux vols internationaux, sans autrement

entrer dans le pays. Et les excursions touris tiques le long du fleuve SanJuan impliquent le

Nicaragua bien plus que ça [pro jection SDR]. Le parcours des ba teaux de tourisme costa-riciens

sur le San Juan, qui offre une vue spectaculaire sur la flore et le faune du fleuve et sur les réserves
45

écologiques adjacentes situées du côté nicaraguaye n, est décrit dans des brochures publicitaires

distribuées par des exploitants de tourisme costa-ricien :

«Le Costa Rica, en particulier le San Juan, a une riche histoire [je note qu’ici, le

SanJuan est présenté comme Costa-Ricien]… Nous nous rendrons ensuite
à Siquirres, le trajet est assez long, mais en vaut la peine, pour ce qui vient après : une
agréable descente du fleuve San Juan…» 112

Il existe des moyens de transport plus rapides, moins chers et plus confortables entre l’intérieur du

Costa Rica et ses stations côtières qui longent la mer des Caraïbes. Le but du voyage par bateau est

de voir la nature, et selon la documentation publicitaire des exploitants de tourisme costa-riciens, la

113
plus belle partie du voyage se trouve le long du SanJuan . C’est la raison pour laquelle les

bateaux de tourisme s’y attardent.

111CR 2009/6, p. 49, par. 40.
112
http://www.pedalandseaadventures.com/costa-rica-adventure.html.
113Voir, par exemple, ibid. et http://oasisnaturetours.com/gallery/index.html. - 41 -

19. M. Caflisch soutient que l’obligation d’obtenir un visa imposée par le Nicaragua crée des

difficultés aux bateliers costa-riciens, qui ne seraien t pas en mesure de payer les frais occasionnés.

Il ne fait aucun doute que personne n’aime payer des frais et que personne n’aime passer du temps

dans une file d’attente pour obtenir un visa. Ma is cela est vrai presque partout et ne constitue pas

une raison de priver le Nicaragua de son droit souverain de cont rôler ses frontières ou l’entrée de

ressortissants étrangers sur son territoire. Le CostaRica ne laisse pas les ressortissants

nicaraguayens entrer sur son territoire sans visa.

20. Toutefois, le Nicaragua dispense les rivera ins costa-riciens locaux de l’obligation de se

munir d’un visa. Lundi, M.Caflisch a dit que ce n’ét ait pas le cas et a cité des déclarations sous

serment de ceux qu’il a appelé «riverains locaux», qui affirmaient qu’ils devaient se munir de visas

114
nicaraguayens pour naviguer sur le fleuve . Et bien, nous avons lu ces déclarations aussi.

Aucune n’a été faite par un riverain local ou un batelier commercial. Toutes ont été signées par des

exploitants de bateaux de touris me non riverains, qui ne sont pas dispensés de l’obligation de se

115
munir d’un visa .

21. M.Caflisch a tracé le portrait d’un hypothétique explo itant de bateaux de tourisme

costa-ricien qui, a-t-il dit, ferait faillite en raison de tous les frais imposés par le Nicaragua. Voilà

donc, a–t-il ajouté sur un ton quelque peu sa rdonique, ce que «M.Reichler qualifie de

116
réglementation peu contraignant e en matière d’immigration» . Je préfère ne pas me fonder sur

des cas hypothétiques, mais sur des éléments de preuve. Il ressort de ces éléments, que le

CostaRica n’a jamais contestés, que la fréquentat ion touristique costa-ricienne sur le fleuve

San Juan a augmenté de plus de 350 % entre 1998, ⎯ l’année où, selon le Costa Rica, le Nicaragua

46
a commencé à violer ses droits sur le SanJuan de manière systématique ⎯ et2004, l’année

précédent le début de la présente instance 117. Ceci me permet de répondre sur le même ton à

M. Caflisch : voilà ce qu’il en est de sa réglementation contraignante en matière d’immigration.

11CR 2009/6, p. 48, par. 38, note 156.
115
MCR, annexes 85, 87, 91, 92, 93, 95 et 189 ; RCR, annexes 51 et 52.
116
CR 2009/6, p. 49, par. 39.
11CR 2009/5, p. 25, par. 44. - 42 -

22. Monsieurle président, les arguments qu’ a avancés le CostaRica pendant le deuxième

tour pour contester le caractère raisonnable de la réglementation nicara guayenne ne tiennent pas

mieux que ceux qui avaient été formulés pendant le premier tour ou dans les pièces de procédure

écrite. Le CostaRica reconnaît à présent que le Nicaragua a le droit de réglementer toute la

navigation sur le San Juan, à c ondition que cette réglementation so it raisonnable, non arbitraire et

non discriminatoire. Le Nicaragua a produit des éléments de preuve démontrant le caractère

raisonnable de chacune des cinq dispositions réglem entaires qui ont été contestées. Le Costa Rica

n’a pas démontré que l’une quelconque de ces mesu res de réglementation n’était pas raisonnable,

ou qu’elle était arbitraire ou discriminatoire d’une manière ou d’une autre. En conséquence, ses

contestations de toutes ces mesures ne sauraient être retenues.

2. La pratique des Parties

23. Monsieur le président, je vais à présen t répondre à mon bon ami et aviculteur de renom,

M.Crawford, notamment à ses remarques sur la pratique des Parties en ce qui concerne la

navigation des bateaux officiels costa-riciens.

24. Ce qui est le plus remarquable dans l’ exposé de M. Crawford, c’est qu’il cède du terrain

dans un domaine considéré longtemps comme sacré par le CostaRica. Jusqu’à lundi dernier, le

Costa Rica n’avait cessé de soutenir, et ce depuis le début de la présente instance, que la pratique

des Parties concernant la navigation des bateaux de la police et d’autres bateaux officiels revêtait

une importance particulière, et qu’elle étayait l’in terprétation costa-ricienne du traité de 1858 et de

la sentence Cleveland, à savoir que ceux-ci accord aient à tous ses bateaux officiels un droit de

navigation sur le SanJuan. J’ai donc été vrai ment étonné d’entendre M.Crawford dire que la

pratique des Parties à cet égard était désormais «totalement accessoire» et revêtait «moins

118
d’importance» . Si elle est surprenante, la volte-face soudaine de MC . rawford est

compréhensible, surtout à la lumière des éléments de preuve qui ont été mis en évidence au cours

de ces audiences. Il semble que le CostaRica soit arrivé à la conclusion, pendant la procédure

orale, que la pratique des Parties ne lui est plus d’aucun secours, et qu’il ait désormais décidé de

s’en distancier. Je pourrais dire, peut-être de manière légèrement métaphorique, que, pour ce qui

118
CR 2009/6, p. 55, par. 14 ; p. 56, par. 16. - 43 -

47 est de la pratique des Parties, l’armée costa-ricie nne a déserté le champ de bataille, si ce n’est que,

bien sûr, comme nous le savons tous, le CostaRi ca dit ne pas avoir d’armée. Il ne saurait

cependant faire de doute, en l’occurrence, que sa «force publique», ou quelque soit la manière dont

il l’appelle, a quitté le navire.

25. M. Crawford a parlé de la navigation de tr ois catégories de bateaux officiels : les bateaux

des douanes, les bateaux de la police et les autres bateaux de caractère officiel. Je vais examiner

chacune de ces catégories.

a) Les bateaux des douanes

26. Je vais commencer par les bateaux des douan es. Les éléments de preuve ne démontrent

pas que le CostaRica ait exercé son droit de circuler sur le SanJuan avec ces bateaux. Cet

argument n’est pas sérieusement contesté par le Costa Rica. Et ne saurait l’être. Le Costa Rica n’a

présenté qu’une poignée de documents, tentant même de démontrer qu’il exerçait son droit de

circuler sur le fleuve avec des bateaux de la doua ne dans le cadre d’activités liées à la navigation

«con objetos de comercio», et aucun des documents n’indique qu’il y ait eu une navigation de ce

119
type sur le San Juan . M. Crawford n’a rien fait pour démen tir ce point essentiel. Faute de tout

autre soutien documentaire, il a appelé l’atte ntion de la Cour sur un rapport en date du

26juillet1968 et déclaré que la thèse du Nicaragua peut être «réfutée en citant seulement un

exemple» 120. Et c’est tout ce qu’il avait à dire, ne disposant que d’un exemple. Mais même son

unique exemple ne prouve rien.

27. Le rapport invoqué par M. Crawford dit uniquement que la garde douanière s’est rendue

121
de sa base de Boca San Carlos à un endroit appe lé Infiernito pour effectuer une mission . Rien

n’indique que la garde y soit allée en empruntant le Sa n Juan. M. Crawford ne dit pas le contraire.

[Diapositive PSR] Pourtant, il a projeté un croquis à l’écran, le même que vous voyez à présent, y

indiquant les emplacements de Boca San Carlos et d’Infiernito, et déclaré que la circulation de la

garde douanière sur le San Juan pouvait en être déduite étant donné qu’il faut bien moins de temps

119Voir MCR, par. 4.89, n. 234 ; RCR, annexe 33, p. 245.
120
CR 2009/6, p. 56, par. 17.
121Voir RCR, annexe 33, p. 245. - 44 -

pour relier ces points par bateau ; que la route carross able est longue et sinueuse ; et que, lors de la

122
saison des pluies, en juillet, les routes sont pour ainsi dire impraticables .

48 28. Laissons-lui le bénéfice du doute et s upposons qu’il puisse faire sa déduction. Qu’est-ce

que cela prouverait ? Uniquement qu’il y a eu un exemple de navigation de bateaux des douanes

costa-riciens sur le SanJuan. De1858 à ce j our, il n’y a eu aucun autre rapport ou document

d’archives officiel faisant état d’au tres exemples de ce type de navigation ⎯ c’est-à-dire de

navigation de bateaux des douanes costa-riciens sur le SanJuan. Les déclarations sous serment

invoquées par M. Crawford lundi ne sont ni des rapports officiels ni des documents contemporains,

et elles ne lui sont d’aucun secours étant donné qu ’il y est question de la navigation des bateaux de

la police, et non des douanes, et que la navigati on qu’ils visent est sans rapport avec le commerce

⎯ de quelque manière qu’on définisse ce terme. La situation est claire. Le Costa Rica n’a pas pu

avoir pour pratique de naviguer sur le SanJuan avec ses bateaux des douanes. Si tel avait été le

cas, il y aurait de nombreux rapports et documents d’archives officiels, et le CostaRica aurait

produit au moins certains d’entre eux.

29. La raison pour laquelle cette pratique n’avait pas cours est, el le aussi, évidente. Il n’y a

jamais eu de navigation commerciale sur le San Juan exigeant la présence, l’intervention ou la

protection de bateaux des douanes costa-riciens, et c’est ce qui a conduit le CostaRica à fermer

tous ses postes frontière le long du SanJuan, et même ceux qu’il avait établis aux sources de ses

affluents, il y a de nombreuses décennies 123. Ces faits n’ont pas été contestés par M. Crawford, et

ne pouvaient l’être.

30. Le Nicaragua n’a jamais contesté le fait que, indépendamment d’une utilisation effective,

le Costa Rica continue de jouir du droit de navi guer défini par le président Cleveland au deuxième

paragraphe de sa sentence. Il fa ut cependant dire clairement en quoi consiste ce droit. C’est le

droit de naviguer avec des bateaux des douan es tel qu’il est énoncé dans ce paragraphe ⎯ et

uniquement avec des bateaux des douanes ⎯ lorsque cela est en rapport avec la navigation «con

objetos de comercio». Ce n’est pas un droit dont peuvent se prévaloir les bateaux de la police ou

122
Voir ibid.
123
CR 2009/5, p. 45, par. 9. - 45 -

autres bateaux de caractère officiel ; et il ne peut être exercé, même par des bateaux des douanes,

qu’en rapport avec la navigation «con objetos de comercio».

b) Bateaux de la police

31. Voilà qui me conduit directement à la deuxi ème catégorie de bateaux costa-riciens : les

bateaux de la police. Dans ce cas précis, le CostaRica fait une tentative délibérée ⎯ et

malheureusement mon ami M. Crawford en est l’une des chevilles ouvrières ⎯ pour nous amener à

confondre les bateaux des douanes et ceux de la poli ce. Il voudrait faire croire à la Cour que les

policiers sont devenus des douaniers et que leurs bateaux sont devenus des bateaux des douanes, de

49 sorte que les bateaux de la police jouiraient des mêmes droits que les bateaux des douanes en vertu

de la sentence Cleveland. Avec tout le respect qui vous est dû, j’estime que la Cour ne devrait pas

en tenir compte. Les éléments de preuve ne corroborent pas ce point. Le Costa Rica n’a présenté à

la Cour que deux rapports de police officiels faisant état de la navigation de bateaux de la police sur

124 125
le SanJuan . L’un de ces documents, celui de 1992, relate un déplacement sur le SanJuan .

L’objet de ce déplacement n’est pas indiqué. Il n’y est assurément question ni des douanes ni

d’activités douanières. L’autre document, qui a ma intenant été examiné par les conseils des deux

Parties, est un rapport détaillé établi par un co mmandant de la police locale faisant état des

126
déplacements effectués sur le San Juan entre 1994 et 1998 . Il ne fait aucune mention ⎯ pas la

moindre ⎯ de déplacements quelconques de la police en rapport avec des questions de recettes

publiques, douanières ou fiscales, ni d’une quelconq ue navigation en rapport avec le commerce.

C’est parce que ces activités ne concernaient pas ⎯et n’ont jamais concerné ⎯ lapolice. Le

CostaRica n’a nullement déclaré que ses postes de police sur le SanJuan étaient des postes

frontière. Ils ne le sont pas. Les documents produits par le Costa Rica vont donc à l’encontre de sa

tentative d’assimiler les bateaux de la poli ce à des bateaux des douanes, étant donné qu’ils

confirment que la police n’a pas exercé, n’exer ce pas, des activités douanières ou en rapport avec

les douanes. Ils prouvent que ⎯ comme l’a indiqué M. McCaffrey ce matin ⎯ le droit octroyé par

124CR 2009/5, p. 46-47, par. 11-12.
125
RCR, vol. 2, annexe 38.
126MCR, vol. VI, annexe 227. - 46 -

le président Cleveland aux bateaux des douanes es t limité à ces bateaux et ne s’étend pas aux

bateaux de la police.

32. M.Crawford a tout tenté pour présenter ces bateaux de la police comme étant sans

danger et inoffensifs. Il en a projeté une photographie avec, au premier plan, un policier esquissant

un sourire 127. Il les a même qualifiés de «modestes» bateaux 128. Cela dit, Monsieur le président,

Messieurs de la Cour, ces bateaux n’ont rien de modeste. [Diapositive PSR] Vous voyez à présent

les armes que portent les agents de la police costa-ricienne à bord de ces «modestes»

129
embarcations: M-16 et Galils, et d’autres armes du même acabit . Ce n’est pas notre

photographie. C’est celle du Costa Rica et elle figure dans son mémoire 13. Cette photographie, si

utilement fournie par le CostaRica, explique pourquoi le Nicaragua, durant la période des

50
années 1990 au cours de laquelle il autorisa les bateaux de la police à circuler sur le fleuve aux fins

du ravitaillement de leurs postes, avait demandé que toutes les armes soient rangées sur le pont des

bateaux, sous la surveillance d’un soldat nicaraguayen qui recevait l’ordre de rester à bord.

33. En ce qui concerne cette pratique, les élém ents de preuve indiquent que les deux Parties

reconnaissaient que le Costa Rica n’avait aucun dro it de circuler sur le fleuve avec des bateaux de

la police et qu’il ne pouvait le faire sans demander et obtenir l’autorisation préalable du Nicaragua.

La Cour connaît à présent très bien le compte re ndu de juillet2000 qui contient les déclarations

faites à cet effet par le ministre de la sécurité publique du CostaRica et le conseiller juridique

international du ministère 13. M. Crawford ne nous a donné auc une raison de ne pas tenir compte

ou de n’accorder aucun crédit à cette pièce officiel le établie à l’époque d’une réunion de haut

niveau entre les deux Etats qui a été dûment authentifié par son auteur. Il a fait deux tentatives, qui

ont échoué toutes les deux. La première fois, il a simplement répété ce qu’il avait dit au premier

132
tour: qu’il n’y a aucune preuve que le CostaRica ait reçu ou approuvé le document .

Contrairement à certains plats qui sont meilleurs réchauffés, il n’a pas eu plus de succès la

127Dossier de plaidoiries du Costa Rica, deuxième tour, diapositive 65 ; MCR, vol. I, p. 78bis et 86bis.

128CR 2009/6, p. 56, par. 15.
129
MCR, p. 84bis.
130
MCR, p. 83bis.
131DN, vol. II, annexe 68.

132CR 2009/6, p. 59, par. 24. - 47 -

deuxième fois! En fait, il a admis lundi dernier que le CostaRica avait reçu et pris acte du

document, comme il n’a certainement pas manqué de le faire, en juillet 2008, lorsque celui-ci était

joint à la duplique du Nicaragua dans laquelle il a été examiné 13. M.Crawford n’a donc donné

aucune raison pour laquelle le CostaRica n’a pr ésenté de déclaration sous serment ou autres

éléments réfutant, voire mentionnant, le comp te rendu ou les déclarations que contient ce

document. Si les déclarations défavorables attribué es à son ministre de la sécurité publique et au

conseiller juridique international du ministère ét aient erronées, le Cost a Rica aurait assurément

présenté des déclarations sous serment de ces deux fonctionnaires à cet effet. Il faut en déduire, à

défaut de pouvoir tirer une conclusion, que les décl arations sous serment n’ ont pas été présentées

parce qu’elles n’auraient pas été utiles au Costa Rica.

34. La deuxième tentative de M. Crawford au sujet du compte rendu est la déclaration sous

serment du colonel Walter Navarro qui est la seule à avoir été soumise par le CostaRica après la

134
clôture de la procédure écrite . Dans sa déclaration, le colonel Navarro ne fait aucune mention de

la réunion de juillet2000, aucune mention du compte rendu et aucune mention des déclarations

attribuées dans celui-ci aux hauts fonctionnaires costa -riciens. Il ne nie pas que ces déclarations

aient été faites. Tout ce que le colonel Navarro dit, c’est qu’à l’occasion des réunions qu’il a tenues

avec des militaires nicaraguayens, après avoir pr is le commandement des forces de police
51

costa-riciennes sur le SanJuan en mai 1998, aucune autorisation de naviguer sur le fleuve n’a été

demandée pour les bateaux de la police costa -ricienne. Tout cela nous confirme ce que nous

savons déjà: que le colonel Navarro a mis en a pplication, entre mai et juillet1998, une nouvelle

politique, en vertu de laquelle le CostaRica a cessé de demander des autorisations au Nicaragua

avant d’emprunter le fleuve, et à laquelle le Nicar agua a réagi en interdisant toute navigation des

bateaux de la police costa-ricienne. La déclara tion sous serment du colonel Navarro ne mentionne

même pas, et réfute encore moin s, les déclarations faites par ses officiers supérieurs deux ans plus

tard, en juillet 2000, comme l’indique le compte rendu.

35. A présent M. Crawford veut m’amener à ju stifier l’usage que je fais du rapport de police

costa-ricien pour démontrer que, à la suite de la nouvelle politique mise en application par le

133
CR 2009/6, p. 59, par. 23.
134
CR 2009/6, p. 59, par. 24. - 48 -

colonel Navarro, le CostaRica a arrêté des nati onaux nicaraguayens, leur a ordonné de monter à

bord de bateaux armés de la police, et les a conduits par voie fluviale à ses postes de police. Il a

prétendu que j’avais tort sur ce point et que les détenus nicaraguayens avaient en fait été transportés

par voie terrestre, et non par bateau 135. J’aimerais à présent le rappeler à la barre. Retournons pour

un moment au croquis que M.Crawford a projeté lundi. [Diapositive PSR] Il s’en est servi,

comme je l’ai indiqué il y a quelques instants, pour déduire que, dans le urs déplacements entre

Infiernito et Boca San Carlos en 1968, les forces de police costa-riciennes ont emprunté le fleuve,

même si le rapport en question ne le dit pas. Cela dit, je partage le point de vue de M. Crawford au

sujet du contenu du rapport de police que j’ai invoqué vendredi, à savoir que les nationaux

nicaraguayens arrêtés ont été transportés entre La Cureña et Boca San Ca rlos, localités qui sont

toutes deux indiquées sur la même carte 136.

36. Contrairement à M.Crawford, je ne me prévaux pas d’une simple déduction selon

laquelle la police costa-ricienne a remorqué ses dé tenus nicaraguayens par voie fluviale et non par

voie terrestre, parce que, contrairement à M.Craw ford, je peux prouver qu’ils ont été transportés

par bateau. C’est en fait le CostaRica lui-même qui en a fourni la preuve, en disant, à plusieurs

occasions en l’occurrence, que La Cureña n’est pas accessible par voie terrestre. Effectivement, le

Costa Rica a invoqué l’inaccessibilité de La Cureña par voie terrestre comme sa raison d’en fermer

le poste de police après que le Nicaragua eut inte rdit toute navigation de la police sur le fleuve 137.

52 Même lors de la présente procédure orale, M.Crawford lui-même a déclaré que La Cureña était

inaccessible par voie terrestre: c’est ce qui figure au paragraphe35 de la page18 du CR2009/3.

Dans ces conditions, comment M.Crawford peut-il à présent affirmer que les Nicaraguayens ont

été transportés de La Cureña à Boca San Carlos par voie terrestre ? Je vais vous le montrer. Dans

le rapport original, en espagnol, bien entendu, l es Nicaraguayens qui avaient été arrêtés ont été

138
transportés à bord du «movil711» . [Diapositive PSR] En espagnol, et dans ce contexte,

«movil» signifie «unité mobile» 139. Mais voyons comment, dans ses annexes, le CostaRica a pu

13CR 2009/5, p. 56, par. 17.

13MCR, vol. VI, annexe 227, p. 963.
137
RCR, par. 3.94.
13MCR, vol. VI, annexe 227, p. 986.

13Larousse, Gran Diccionario : Espanola-Ingres/Ingres- Espanola (2 éd., 2002), p. 493. - 49 -

traduire en anglais l’expression par «vehicle» [«véhicule»] 140. [Diapositive PSR] Quelqu’un, du

côté costa-ricien, grâce au miracle des logiciels de traduction, a changé un bateau en voiture. Bien

entendu, M.Crawford, qui ne parle pas l’espa gnol, ne s’est pas rendu compte de cet artifice

linguistique.

c) Autres bateaux officiels

37. J’en viens pour finir à la navigation des autres bateaux officiels. M.Crawford n’a pas

prétendu que soit le traité de1858 soit la sente nce Cleveland conférait au CostaRica un droit de

faire naviguer ses bateaux officiels sur le fleuve SanJuan aux fins d’accomplir des missions de

service public. Au lieu d’avancer une argumentation juridique, il a préféré employer toute son

intervention de lundi à faire passer le Nicaragua pour le «vilain» dans la présente affaire. Nous

l’avons ainsi entendu accuser le Nicaragua à plusieur s reprises d’avoir «interdit» à des agents du

Gouvernement costa-ricien de fournir des servi ces sociaux d’importance vitale, en matière

141
d’éducation et de santé notamment, ou de les en avoir «empêchés» .

38. Pour tenter d’étayer ces accusations, M. Cr awford a invoqué plusieurs déclarations faites

sous serment par des agents du Gouvernement costa-ricien et par d’autres parties intéressées. Nous

les avons lues et, même si elles étaient prises pour argent comptant, ces déclarations n’appuieraient

pas l’argument de M.Crawford. Mais avant de se pencher sur leur conte nu, je m’arrêterai un

instant sur la manière dont la Cour pourrait vouloir l es traiter. M. Crawford applique deux poids,

deux mesures. Pour lui, les cinq déclarations sous serment des commandants de l’armée

nicaraguayenne devraient être écartées par la Cour en raison des fonctions exercées par leurs

142
auteurs ⎯et uniquement pour cette raison-là . Aucune autre raison n’est avancée. Par contre,

53 celles qui émanent de responsables et d’employés du Gouvernement costa-ricien seraient

parfaitement dignes de foi et de crédit. Pardonn ez-moi, mais cette attitude ne me semble guère

équitable. Le Nicaragua demande seulement que le s Parties soient traitées sur un pied d’égalité.

Soit les déclarations sous serment soumises par les deux Parties sont considérées comme des

«éléments de preuve», soit aucune ne l’est.

140MCR, vol. VI, annexe 227, p. 963.
141
Voir, par exemple, CR 2009/6, p. 60, par. 27 ; p. 61, par. 28.
142CR 2009/3, p. 18, par. 36 ; p. 51, par. 27. - 50 -

39. Les déclarations sous serment invoquées par M.Crawford ne montrent pas que le

Nicaragua ait empêché des agents du Gouvernement costa-ricien de naviguer sur le SanJuan ou

qu’il leur ait interdit le fleuve. Celles qui re ndent comptent d’une restriction font expressément

référence à la navigation des bateaux de la poli ce, après 1998, époque à laquelle le Nicaragua avait

interdit le fleuve à ces derniers. Seuls les fonc tionnaires costa-riciens naviguant à bord de bateaux

de la police pouvaient être touchés par cette interd iction puisqu’elle ne s’appliquait qu’à eux. En

revanche, les fonctionnaires costa-riciens voyag eant à bord d’embarcations privées n’étaient pas

visés, notamment lorsqu’ils se déplaçaient à bord de bateaux loués que M.Crawford a présentés,

avec peut-être une once d’exagération, comme des «taxis fluviaux». Le Nicaragua n’a ni interdit ni

entravé ce type de transport ; les déclarations citées par M. Crawford n’indiquent pas le contraire.

40. MC . rawford s’est référé expressément à la déclaration sous serment de

MmeLauraNavarro, censée prouver que le Nicaragua aurait imposé «l’interdiction…aux agents

143
publics costa-riciens de…naviguer sur le fleuve SanJuan» . Cette déclaration révèle toutefois

qu’il n’existait absolument auc une interdiction nicaraguayenne ma is seulement une obligation,

pour les fonctionnaires costa-riciens, de demander un visa nicaraguayen ou une autre autorisation

formelle avant d’entrer au Nicaragua ou d’emprunter le fleuve 144. M. Crawford a également omis

de préciser que, loin d’avoir été empêchée de quoi que ce soit, MmeNavarro avait en fait été

autorisée par le Nicaragua à naviguer sur le San Juan, ce que prouve le document versé à

l’annexe 47 de la réplique du Costa Rica. Mme Ching, dont M. Crawford a également invoqué la

déclaration, a elle aussi été autorisée par le Nicaragua à naviguer sur le San Juan 145.

41. Le Nicaragua n’a jamais eu pour politique d’empêcher ou d’interdire la navigation des

fonctionnaires civils costa-riciens. Les éléments de preuve montrent que sa pratique consiste à les

autoriser à naviguer, à ceci près qu’ils doivent se p lier à deux conditions, dont j’ai déjà examiné le

caractère raisonnable : se munir d’un visa pour entrer au Nicaragua et faire halte pour s’enregistrer

54 au poste nicaraguayen lorsqu’ils s’engagent sur le fleuve ou quittent ce dernier. Certes, je l’ai déjà

reconnu, la délivrance de certains visas a pu c onnaître quelques retards, parfois longs, dont

143CR 2009/6, p. 61, par. 27.
144
RCR, annexe 57.
145CMN, annexe 53. - 51 -

M.Crawford a fait état. Mais cela ne constitu e pas un fait internationalement illicite. L’illicéité

suppose nécessairement la violation d’un droit, et les fonctionnaires costa-riciens n’ont pas un droit

automatique d’obtenir un visa nicaraguayen ou d’emprunter le San Juan à bord de bateaux officiels

pour assurer des services publics. En tout état de cause, les éléments du Costa Rica qui témoignent

de retards dans la délivrance des visas remont ent presque tous aux années 2005 et 2006. En 2007,

comme le CostaRica le reconnaît lui-même dans sa réplique, «les autorités nicaraguayennes ont

très rapidement donné suite aux demandes de permission de naviguer formulées par des

146
Costa-Riciens» .

42. Monsieur le président, comme M.Crawfo rd lundi, je vais conclure aujourd’hui par

quelques mots sur la pêche. Les Parties s’accord ent désormais à reconnaître que le Costa Rica ne

détient ni ne revendique pour ses ressortissants aucun droit de pratiquer la pêche à titre commercial

147
ou sportif . Le Nicaragua considère que le CostaRica n’est pas non plus parvenu à prouver

l’existence d’un droit, qu’il soit d’origine coutumière ou conventionnelle, de se livrer à la pêche de

subsistance. Cela étant, cette forme de pêche pe ut aisément se pratiquer depuis la rive du fleuve

SanJuan, ce qui est effectivement le cas en pra tique, et le Nicaragua confirme que sa politique

n’est pas et n’a jamais été d’empêcher les Costa-Rici ens de s’y livrer sur la rive droite du fleuve.

Le CostaRica n’a démontré aucune nécessité, pour ce type d’activité, de pêcher en bateau au

milieu de ce fleuve particulier, une méthode qui ressortit plutôt à la pêche commerciale, à grande et

à petite échelles. Le Nicaragua a le droit d’interdire cette pratique-l à dans ses eaux souveraines

qui, en l’occurrence, font partie du refuge de la fa une et de la flore du fleuve SanJuan et de la

réserve de la biosphère du fleuve San Juan du Nicaragua, qui sont des zones naturelles protégées.

43. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je vous

remercie une nouvelle fois de la patience et de la courtoisie av ec lesquelles vous m’avez écouté et

vous prie à présent de bien vouloir appeler à la barre l’éminent agent du Nicaragua, l’ambassadeur

Carlos Arguëllo.

146
RCR, par. 4.36.
147CR 2009/6, p. 63, par. 30. - 52 -

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Pa ulReichler, pour votre exposé. J’appelle

maintenant à la barre S.Exc.M.CarlosArguëllo Gómez, l’agent du Nicaragua, pour qu’il nous

présente ses observations finales et donne lecture des conclusions.

55 M. ARGÜELLO :

1. Je vous remercie, Monsieur le président, Messieurs de la Cour. Dans ce dernier exposé, je

commencerai par examiner la question des réparatio ns demandées par les deux Parties, avant de

conclure en présentant les conclusions finales du Nicaragua.

1. Les réparations demandées par le Costa Rica (conclusions finales du Costa Rica)

2. Le CostaRica a prié la Cour de faire une déclaration sur neuf points particuliers se

rapportant aux droits de navigation sur le San Juan qu’il estime détenir. Il demande également à la

Cour de dire que le Nicaragua est tenu de cesser t outes les violations de ces prétendus droits, de le

dédommager de tous les préjudices qu’il a subis en ra ison de ces violations et, enfin, de fournir des

assurances qu’il se comportera, à l’avenir, à la satisfaction du Costa Rica.

3. La nature et l’étendue des droits de na vigation limités dont le Co staRica jouit sur le

SanJuan ont été analysées par le Nicaragua tout au long de la procédure écrite et orale. Les

réparations demandées par le CostaRica reposant simplement sur une interprétation différente de

ces droits, toute réponse à la question particulière des réparations ne saurait être dissociée des

principaux arguments qui ont été développés dans les écritures présentées en l’espèce.

4. Les quelques observations supplémentai res qui ont été formulées à l’audience par

M.Crawford sous l’intitulé «réparations» ont ét é examinées par M.Pellet. Le CostaRica n’a

ajouté aucun élément de fond sur ce point pendant le second tour de plaidoiries. Aussi me

contenterai-je d’examiner la question en la résu mant et en formulant un bref commentaire sur

chaque point des conclusions finales du Costa Rica. Avant d’examiner chacun de ces neuf points,

il convient de relever que les conclusions finale s du CostaRica, bien qu’elles semblent être

identiques à celles qu’il a énoncées dans son mémoire et sa réplique, ont en réalité été modifiées

par les déclarations faites à l’audience par ses représentants, déclarations selon lesquelles le

Nicaragua a, en vertu du traité de1858 et de la sentence Cleveland, le droit de réglementer la

navigation sur le fleuve et celui de draguer le San Juan. - 53 -

5. Dans sa première conclusion, le Costa Rica pr ie la Cour de dire et juger que le Nicaragua

a «l’obligation de permettre à tous les bateaux costa-riciens et à leurs passagers de naviguer

librement sur le San Juan à des fins de commer ce, y compris pour les communications, le transport

de passagers et le tourisme». Si la demande du Costa Rica tendait à ce que la Cour répète ce qui est

56 indiqué dans le traité de1858, à savoir qu’il a le droit de naviguer librement «con objetos de

comercio», cette déclaration ne serait pas nécessaire. Il n’y aurait aucun intérêt à répéter le libellé

de l’article VI du traité. C’est pourquoi le Costa Ri ca demande à la Cour d’in terpréter ce traité en

indiquant que l’expression anglaise «purposes of commerce» correspond exactement au texte

espagnol original «con objetos de comercio». De plus, n’étant pas satisfait de la manière dont la

traduction anglaise semble accroître ses droits, le CostaRica souhaite que la Cour ajoute au texte

de1858 que cette navigation «for purposes of commerce» («à des fins de commerce») comprend

«les communications, le transport de passagers et le tourisme». Selon le CostaRica, le droit de

navigation «con objetos de comercio» s’est désormai s transformé en une obligation de permettre à

«tous les bateaux costa-riciens» —qu’ils soient o fficiels ou privés— de naviguer à des fins de

commerce, expression interprétée comme englobant toute activité humaine. Après avoir écrit les

mots «toute activité humaine», je me suis ravisé en me disant que cela pouvait sembler exagéré. Et

pourtant, après y avoir réfléchi de nouveau, je ne vois aucune activité humaine qui n’entrerait pas

dans le cadre du commerce selon cette acception exagérée du terme, laquelle va jusqu’à inclure les

communications.

6. La deuxième déclaration demandée par le Costa Rica se lit comme suit : «l’obligation de

n’imposer aux bateaux costa-riciens et à leurs passagers le versement d’aucun droit ou redevance

pour naviguer sur le fleuve.» Le Nicaragua n’ impose aucun droit ou redevance à la navigation

effectuée sur le fleuve conformément au traité de 1858. Aucun élément de preuve n’indique qu’il

l’ait jamais fait. Bien entendu, le Costa Rica a formulé cette conclusion de manière délibérément

trompeuse. Le Nicaragua est tenu de n’imposer le versement d’aucun droit ou redevance aux

bateaux empruntant le fleuve «con objetos de comercio» et non à ceux qui l’empruntent à toute fin,

quelle qu’elle soit. Et, comme M.Reichler vient de l’expliquer, c’est bien ce que le Nicaragua a

fait. - 54 -

7. Ensuite, le Costa Rica demande que le Nicar agua ait «l’obligation de ne pas exiger des

personnes exerçant le droit de libre navigation sur le fleuve d’être munies de passeports et d’obtenir

un visa du Nicaragua». Cette conclusion contient de ux éléments. Le premier est que les passagers

ne devraient pas être obligés d’être munis de leur passeport. Mais alors, la question se poserait de

savoir quel meilleur moyen de justifier de s on identité pourrait remplacer cette méthode

universellement reconnue. Le Nicaragua devrait-il plutôt leur demander de se munir d’un acte de

naissance? S’agissant de la nécessité d’obtenir un visa, je pourrais par exemple inviter nos

collègues costa-riciens à tenter de naviguer sur le Rhin, qui est tout proche, sans passeport ni visa.

Certes, la comparaison n’est pas parfaite. Le Rhin est un fleuve international, placé sous la

souveraineté de plusieurs Etats, alors que le San Juan est un fleuve entièrement nicaraguayen. Dès

que vous vous trouvez sur le San Juan, vous êtes en territoire nicaraguayen et pouvez vous rendre
57

en tout point de ce territoire. Par conséquent, si l’on n’exigeait pas de visa pour emprunter le

fleuve, il n’y aurait aucun contrôle de l’immigration pour entrer au Nicaragua.

8. Autre conclusion du Costa Rica, «l’obligation de ne pas exiger des bateaux costa-riciens et

de leurs passagers qu’ils fassent halte à un quelconqu e poste nicaraguayen situé le long du fleuve».

En principe, le fait qu’il détienne la souveraineté sur le San Juan confère au Nicaragua le «sumo

imperio» lui permettant d’ordonner aux bateaux de faire halte et de se soumettre à une inspection

en tout point du fleuve, lequel, après tout, fait partie de son territoire. M. Caflisch le sait bien, et il

148
a avancé que, à la place de cette procédure consista nt à faire halte aux deux ou trois postes

nicaraguayens situés le long du fleuve, le Nicara gua pourrait peut-être y multiplier les patrouilles.

Dès lors que ces patrouilles auraient bien évidemment le droit d’arrêter et d’inspecter les bateaux,

cette proposition semble quelque peu étrange.

9. La conclusion suivante est «l’obligation de ne pas mettre d’autres entraves à l’exercice du

droit de libre navigation, notamment sous la forme d’horaires de navigation et de conditions

relatives aux pavillons.» Là encore, il s’agit d’une question liée au droit de réglementation, lequel

est incontestablement un attribut du Nicaragua et de lui seul. A titre de comparaison sur ce point,

nous pourrions mentionner le fait que les postes fron tière terrestres du CostaRica sont fermés la

148
CR 2009/3, p. 28, par. 20. - 55 -

nuit. J’ajouterais alors ⎯ et je parle de ma propre expérience, puisque, semble-t-il, les conseils ont

toute latitude pour faire part de leurs appréciations et souvenirs personnels dans ce domaine ⎯ que,

si vous vous rendez du Nicaragua au CostaRica en empruntant la transaméricaine ⎯ l’autoroute

internationale la plus impor tante du continent américain ⎯, et que vous arrivez à la frontière de

nuit, il vous faudra trouver un endroit où dormir en attendant l’ouverture du poste frontière. Pour

justifier ces horaires des postes frontière terrestres costa-riciens, des raisons de commodité du

personnel, mais aussi de sécurité, sont invoquées. Ces raisons valent encore bien davantage pour

les méandres d’un fleuve fort dangereux entourés d’une semi-jungle ; et pourtant, la réglementation

en question est présentée comme une forme de harcèlement.

10. S’agissant de la question de l’utilisation de drapeaux sur les bateaux, il convient de

rappeler que 99% de ceux qui empr untent le fleuve sont des emba rcations s’apparentant à des

58 pirogues, qui n’arborent ⎯ et ne sont obligées d’arborer ⎯ aucun pavillon. Quant au 1 % restant,

c’est-à-dire les bateaux qui arborent habituellement avec fierté le pavillon costa-ricien, ils sont

tenus d’arborer également celui du Nicaragua.

11. La conclusion suivante du CostaRica est «l’obligation de pe rmettre aux bateaux

costa-riciens et à leurs passagers empruntant le San Juan d’accoster librement en tout point du

fleuve où la navigation est commune sans acquitte r aucun droit ni redevance, sauf accord exprès

des deux gouvernements». Cette conclusion est sans doute fondée sur la dernière partie de

l’article VI du traité de 1858. Dans cet instrument, il n’est pas indiqué que le fait d’accoster en tout

point du fleuve est gratuit ; il est y clairement d it que les bateaux pourront accoster sans qu’aucune

taxe ou droit ne soit perçu. En Espagnol: «s in cobrarse ninguna clase de impuestos». Par

conséquent, même dans cette di sposition datant de1858, les rede vances dues en contrepartie de

certains services n’étaient pas incluses. Quoi qu’il en soit, la question est aujourd’hui sans objet. Il

est surprenant que le CostaRica invoque ce droit en se fondant sur le traité de1858, alors que

celui-ci a été supplanté par d’autres instruments bien connus des Parties. Aujourd’hui, il n’existe

aucun droit d’accoster en quelque point du fleuve que ce soit sans acquitter de taxes. Si le

CostaRica maintient cette position, le fait que chac un peut accoster en tout point du fleuve et

débarquer des marchandises sans acquitter de taxes devr ait être publié dans tous les médias, ce qui

susciterait le plus grand étonnement de la part de tous les Etats d’Amérique centrale. Si tel était le - 56 -

cas, aucun traité commercial conclu au cours de ces cent dernières années ne serait plus applicable

le long du fleuve. Mais ce n’est là que pure ficti on ; tout ressortissant nicaraguayen débarquant sur

la rive costa-ricienne, avec ou sans marchandises, devrait être accompagné de son avocat afin que

celui-ci le fasse sortir de prison.

12. La conclusion suivante porte sur

«l’obligation de reconnaître aux bateaux offi ciels du CostaRica le droit de naviguer
sur le San Juan, notamment pour ravitaille r et relever les membres du personnel des
postes frontière établis sur la rive droite du fleuve, munis de leur équipement officiel,

de leurs armes de service et de munitions, ainsi qu’à des fins de protection comme il
est prévu dans les instruments pertinents, en particulier l’article2 de la sentence
Cleveland».

Cette demande du Costa Rica n’est pas fondée sur le traité de1858 puisque ce dernier ne lui

confère, même de façon allusive, aucun droit de ce tte nature. Par ailleurs, il ne viendrait pas à

l’esprit des autorités nicaraguayennes que le pa uvre Costa Rica, qui n’a pas d’armée, puisse

intervenir pour défendre militairement le San Juan.

13. Le seul instrument autorisant le Costa Ri ca à se livrer à une forme de navigation qui ne

soit pas limitée aux bateaux empruntant le fleuve «con objetos de comercio» est la sentence

Cleveland. Ce droit y est cependant très claireme nt restreint à la navigation avec «des bateaux du

59 service des douanes pour autant que cela soit en rapport avec l’exercice du droit d’usage de ce

fleuve «aux fins du commerce» que lui reconnaît ledit article, ou que cela soit nécessaire à la

protection de ce droit d’usage». Les termes ajoutés par le président Cleveland ne sont pas une

définition superflue de ce qu’un bateau du servi ce des douanes est censé faire, l’activité des

bateaux de ce type étant définie dans n’importe quel dictionnaire. La seule raison pour laquelle le

président Cleveland a employé ces termes était d’indiquer clairement que ce droit de protection

exercé par des bateaux du service des douanes était lim ité au droit de naviga tion aux fins prévues

dans le traité, ces bateaux n’étant pas pour autant autorisés à pourvoir à tous les besoins de l’Etat

du Costa Rica en matière de sécurité.

14. Dans la conclusion suivante, il est questi on de «l’obligation de faciliter et d’accélérer la

circulation sur le SanJuan, au sens du traité du 15avril1858 tel qu’interprété par la sentence

Cleveland de 1888, conformément à l’article premier de l’accord bilatéral du 9 janvier 1956». - 57 -

Le Nicaragua a toujours respecté les prescriptions du traité de 1858 et de la sentence Cleveland, et

il n’est nullement besoin de lui rappeler cette oblig ation. L’accord bilatéral de 1856 est totalement

dépourvu de pertinence à l’égard des questions qui ont été soumises à la Cour et, d’ailleurs,

personne n’a jugé bon de l’exhumer pendant ces audiences.

15. Enfin, la dernière conclusion du Costa Ri ca est «l’obligation de permettre aux habitants

de la rive costa-ricienne de pratiquer la pêche de subsistance». M.Reic hler venant d’examiner

cette question, je me contenterai de rappeler que, d’un point de vue juridique, le Nicaragua jouit

d’un droit absolu sur toutes les ressources du San Juan. Le conseil du CostaRica l’a d’ailleurs

reconnu 149. Par humanité et dans le cadre des relati ons de bon voisinage qu’il entretient avec le

CostaRica, le Nicaragua ne s’est toutefois jamais opposé à la pêche de subsistance depuis la rive

costa-ricienne du fleuve. De toute évidence, cette question doit néanmoins être réglementée

puisqu’une autorisation illimitée de la pêche de subsistance pourrait facile ment être utilisée pour

dissimuler tout type de pêche, y compris à des fins commerciales, et ce tout particulièrement en ce

qui concerne le San Juan, où le matériel utilisé dans les deux cas peut être confondu.

16. Compte tenu de cet examen des déclar ations de fond demandées par le CostaRica

relativement aux prétendues violations de ses dro its par le Nicaragua et des commentaires qui

viennent d’être faits, toute autre réfutation de ses demandes de réparation formulées à raison

desdites violations ou des assurances qu’il demande au Nicaragua de fournir à cet égard serait

superflue. Ces deux catégories de demandes sont indissociablement liées. On pourrait toutefois

60 ajouter que le CostaRica n’a pas même démontré que, depuis centcinquanteans que le traité

de 1858 existe, le Nicaragua aurait porté atteinte aux droits qu’il revendique, ni qu’il les aurait niés.

2. Déclarations demandées par le Nicaragua

17. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, dans des circonstances normales, le

Nicaragua, en sa qualité d’Etat défendeur, se serait contenté dans ses conclusions de demander le

rejet des demandes costa-riciennes. Après réflexion, le Nicaragua a conclu que le véritable objectif

de la présente instance était d’essayer d’ouvrir ou d’él argir les stipulations claires du traité de 1858

et de la sentence Cleveland. Aujourd’hui, le Costa Rica n’est pas gêné de souligner devant la Cour

149
CR 2009/3, p. 23, par. 7, premier alinéa (Caflisch) - 58 -

et l’opinion publique qu’il n’a pas d’armée tout en revendiquant avec insistance ce qui est à

l’origine de la présente instance : à savoir les prétendus droits du Costa Rica de naviguer librement,

non seulement avec des bateaux officiels à quelque fin que ce soit, mais aussi avec des bateaux

officiels armés. Dans le même temps, le Costa Rica tente d’élargir le sens de l’expression «libre

navigation «con objetos de comercio»» (avec des articles de commerce) à tous les domaines de

l’activité humaine.

18. Pour cette raison, le Nicaragua a décidé de prier la Cour de faire une déclaration

réaffirmant ses droits et sa juridiction souverains sur certains points concrets.

19. Premièrement, le Nicaragua prie la Cour de déclarer que le Costa Rica est tenu de

respecter la réglementation relative à la navigation sur le SanJuan et à l’accostage sur ses rives

imposée par les autorités nicaraguayennes, en particulie r en ce qui concerne la santé et la sécurité.

Le Nicaragua n’a jamais imposé de réglementa tion arbitraire et le Costa Rica n’a produit

absolument aucune preuve attestant qu’il l’ait jama is fait. Durant la présente instance, le Costa

Rica a clairement reconnu le droit du Nicar agua de promulguer ces réglementations 150et la

déclaration demandée ne fera que confirmer cette obligation.

20. Deuxièmement, le Nicaragua prie la Cour de déclarer que les bateaux du Costa Rica

doivent payer pour tous services spéciaux rendus pa r le Nicaragua aux fins de l’utilisation du

SanJuan, soit pour la navigation soit pour l’accost age sur les rives nicaraguayennes. Le traité

de1858 exonère le Costa Rica de droits et tax es au titre de la navigation mais non des services

61 rendus. Il est incontestable que le Nicaragua a le droit de se faire payer ces services, les services

spéciaux relatifs à la navigation fluviale étant toujours rémunérés. M.Caflisch 151admet qu’en

principe le Nicaragua a ce droit.

21. Troisièmement, le Nicaragua prie la Cour de déclarer que le Costa Rica doit acquitter

toutes les sommes raisonnables qui lui sont dema ndées pour la modernisation des conditions de

navigation sur le fleuve par rapport à la situation qui prévalait en 1858. Cette déclaration n’a pas

pour objet de faire supporter au Costa Rica les dé penses de l’entretien normal du fleuve. Cette

déclaration doit indiquer clairement que ni le tr aité de1858 ni la sentence Cleveland de1888

150
Voir par exemple, CR 2009/3, p. 22, par. 4 (Caflisch).
151
Ibid., p. 28, par. 21. - 59 -

n’autorisent le CostaRica à jouir librement d es éventuelles améliorations, y compris celles qui

peuvent impliquer l’utilisation du territoire terrest re du Nicaragua, sur lequel le CostaRica n’a

aucun droit de libre navigation.

22. Quatrièmement, le Nicaragua prie la Cour de déclarer que le Costa Rica peut uniquement

utiliser les bateaux de son service des douanes se lon les modalités stipulées dans la sentence

Cleveland, c’est-à-dire durant le transport effectif de marchandises autorisé par ce traité et

spécialement pour ce transport. La raison pour laqu elle cette déclaration, ou plutôt cette demande

de réaffirmation de ce que stipule la sentence Clev eland, est demandée est que toute décision de la

Cour doit être au moins aussi prudente sur cette qu estion que l’a été le président Cleveland. La

raison pour laquelle le passage de la sentence Clev eland consacré à cette question de la navigation

est libellé comme il l’est a été expliqué il y a quelques minutes. Nous pourrions ajouter que si les

limites au droit de naviguer avec les bateaux de son service des douanes n’étaient pas celles

énoncées dans la sentence Cleveland, le Costa Rica serait de facto en mesure de naviguer sur le

fleuve avec des bateaux lourdement armés simplement en les nommant «vedettes des douanes».

23. Cinquièmement, le Nicaragua prie la Cour de déclarer que le Nicaragua a le droit de

draguer le San Juan pour rétablir le débit qui éta it celui de ce fleuve en 1858, même si cela affecte

152
le débit des cours d’eau qu’il alimente actue llement, comme le Río Colorado. M.Crawford a

clairement concédé que le Nicaragua avait le droit de draguer le fleuve conformément aux

stipulations de 1858 et de la sentence Cleveland. Cette concession est en fait satisfaisante pour le

Nicaragua.

62 3. Résumé

24. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ayant conclu mes observations sur les

réparations demandées, je vais maintenant formuler quelques observations générales finales.

152
CR 2009/3, p. 68, par. 25, et CR 2009/6, p. 63, par. 31. - 60 -

A. Contexte historique

25. Le contexte historique ayant amené la signature du traité de1858 a été commenté à

maintes reprises tout au long de la procédure écrite et de la procédure orale et j’épargnerai à la

Cour de nouveaux développements sur le sujet.

26. Les circonstances de la conclusion du tra ité de1858 ont aussi été expliquées en détail

dans nos propres écritures. M.Crawford a fait observer que dans mon pr emier exposé j’avais dit

que le Nicaragua avait signé ce traité dans un climat de contrainte, ce qu’il a contesté. Comme la

présente affaire ne porte pas sur la validité du traité de1858 mais su r son interprétation,

l’utilisation de ce mot pour qualifier le contexte da ns lequel le traité de 1858 a été signé n’est pas

pertinente. Mais, de quelque manière qu’on l es qualifie, les faits parlent d’eux-mêmes. Au

moment où il a signé le traité, le Nicaragua venait d’être dévasté pa r une guerre contre un

envahisseur étranger, le général Walker. Le Costa Rica occupait le fleuve San Juan et avait adressé

au Nicaragua un ultimatum l’enjoignant de lui livre r le fort de San Juan. Le Nicaragua répondit en

déclarant la guerre au Costa Rica. Il semble inu tile de rappeler que cette guerre et cette occupation

avaient lieu à l’intérieur du Nicaragua et non du CostaRica. Tout cela est expliqué dans le

153
contre-mémoire du Nicaragua . Peut-être la meilleure manière de décrire les événements est-elle

de citer la note adressée au représentant spéci al des Etats-Unis en Amérique centrale par le

secrétaire d’Etat des Etats-Unis, M. Lewis Cass, le 30 juillet 1857 :

«Monsieur,

Il a été signalé ii que le Gouvernement du Costa Rica… entend
s’approprier des portions du territoire du Nicaragua…Ce système est à tel point

injuste en soi, compte tenu des circ onstances…il enfreindrait les promesses
solennelles faites lorsqu’il a proposé de venir en aide au Nicaragua en tentant de
convertir ceci en une guerre de conquête.» 154

27. Je suis sûre que M. Cass, le secrétaire d’ Etat, n’aurait pas été surpris que j’utilise le mot

«contrainte» pour caractériser la situation dans laquelle le Nicaragua se trouvait alors.

B. Interprétation du traité de 1858

63 28. La principale question dont est saisie la Cour est celle de l’interprétation d’un traité

conclu en1858 par deux nations hi spanophones. Si la présente affaire avait été portée devant un

153
Par. 1.2.35-1.247.
154
CMN, par. 1.2.42. - 61 -

tribunal composé de juges ou d’arbitres hispanop hones, l’insistance manifestée par le CostaRica

pour que l’on utilise une traduction anglaise du text e comme version de référence pour interpréter

le traité aurait surpris. Si l’on ôte des pièces de procédure toutes les références par le Costa Rica au

texte anglais soumis au présidentCleveland et duqu el sont tirées les autres traductions anglaises,

par exemple celle publiée dans les documents britanni ques, le texte espagnol, qui est clair, ne prête

guère à controverse. Si l’on prend ce text e espagnol, «libre navegacion…con objetos de

comercio», comme point de départ et qu’on le traduit littéralement en anglais on aboutit à

l’expression «free navigation…with objects of co mmerce». En français, langue plus proche de

l’espagnol, on aboutit à «libre navigation … avec des objets de commerce». On n’aurait pu aboutir

à la traduction anglaise «purposes of commerce» ou française «aux fins du commerce» que si le

texte espagnol avait utilisé les expressions, tr ès communes dans l’usage quotidien, «con fines

comerciales» ou «con propositos come rciales», voire «con objetivos co merciales». Il est pour le

moins inhabituel en espagnol d’exprimer le sen s de l’expression très courante «con fines» ou «con

propositos comerciales» au moyen de l’expression «con objetos comerciales» tout comme il serait

inhabituel d’utiliser l’expression «with objects of commerce» ou «avec des objets de commerce»

dans le même but en anglais ou en français.

29. Le texte espagnol est clair. Mais même si l’on admet pour les besoins de la discussion

que l’on puisse avoir des doutes quant à sa significati on, il serait surprenant que dans un traité de

limites, ce texte soit interprété de la manière la plus large contre l’Etat souverain.

30. Un mot de la langue anglaise est actuellement à la mode : «repurpose», qui s’applique en

pratique à tout ce qui est conçu ou entendu pour une chose et utilisé pour une autre. C’est en fait ce

que le Costa Rica voudrait que la Cour fasse avec le traité de 1858 : qu’il le réoriente pour qu’il soit

applicable à tout type de navigation, voire à tout type d’activité humaine sur le fleuve.

31. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vais maintenant donner lecture des

conclusions du Nicaragua.

Sur la base des considérations de fait et de droit exposées dans le contre-mémoire et la

duplique ainsi que lors des plaidoiries, la Cour est priée de dire et juger que: les demandes

64 formulées par le Costa Rica dans son mémoire et sa réplique et lors de ses plaidoiries sont rejetées

dans leur ensemble et individuellement pour les motifs suivants : - 62 -

a) soit parce qu’il n’y a pas de violation des dis positions du traité de lim ites du 15avril1858 ni

d’aucune autre obligation internationale du Nicaragua ;

b) soit, selon le cas, parce que l’obligation dont la violation est alléguée n’est pas une obligation

découlant des dispositions du traité de limites du 15 avril 1858 ou du droit international général.

De plus, la Cour est également priée de fa ire une déclaration formelle sur les questions

soulevées par le Nicaragua dans la sectionII du ch apitreVII de son contre-mémoire et dans la

section I du chapitre VI de sa duplique, telles qu’elles ont été réitérées durant la présente procédure

orale.

32. Pour finir, Monsieur le président, Messi eurs de la Cour, nous tenons à vous remercier

sincèrement de votre bienveillante attention et de votre patience. Nous tenons aussi à remercier le

Greffe pour son aide compétente et toujours bienvenue, ainsi que les traducteurs et les interprètes.

33. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le Nicaragua conclut cet exposé en réitérant

son respect de longue date et indéfectible pour les décisions de la plus haute juridiction du monde.

Nous somme persuadés que l’arrêt de la Cour mar quera une étape dans l’amélioration des relations

historiques entre le Nicaragua et le Costa Rica. Je vous remercie.

Le PRESIDENT : Je remercie S. Exc. M. Argüello Gómez, ambassadeur du Nicaragua. La

Cour prend acte des conclusions finales dont l’ ambassadeur, agent du Nicaragua, vient de donner

lecture au nom de la République du Nicaragua, comme elle a pris acte des conclusions finales de la

République du CostaRica le lundi9mars. Cert ains membres de la C our veulent poser des

questions aux Parties. Je vais donner la parole à MM.les juges Koroma, Keith et Bennouna, qui

souhaitent poser des questions aux Parties. M onsieurKoroma, si vous voulez bien poser votre

question.

M. le juge KOROMA : Je vous remercie. Je tiens à assurer aux Parties que je n’oublie pas

les limitations auxquelles elles peuvent être su jettes en matière d’archives pour des raisons

historiques. Je leur serais toutefois reconnaissant si elles pouvaient répondre à la question suivante.

L’une ou l’autre Partie peut-elle pr oduire des éléments de preuve permettant de déterminer si les

Costa-Riciens habitant la région et les immigrants utilisaient le fleuve SanJuan à l’époque de la
65
conclusion du traité de limites (en 1858), et des élém ents de preuve quant à la nature et à l’étendue - 63 -

de la pratique ultérieure d’u tilisation du fleuve par les Costa-Riciens habitant la région et les

immigrants ? Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur le juge Koroma. Je donne maintenant la

parole à Monsieur le juge Keith.

M.le juge KEITH: Je vous remercie, Monsieur le président. Cette question s’adresse aux

deux Parties. A supposer que le droit de navigati on conféré au Costa Rica par l’article VI du traité

de1858 s’applique effectivement au transport de passagers, ceux-ci doivent-ils, ou quelqu’un

doit-il en leur nom, payer le transport à l’exploitant du bateau pour que ledit transport soit couvert

par ce droit? Je n’ignore pas, bien entendu, que le Nicaragua rejette l’hypothèse sur laquelle

repose cette question. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur le juge Keith. Enfin, je donne la parole à

Monsieur le juge Bennouna ; vous avez la parole.

Judge BENNOUNA: Thank you, Mr. President. My question is also for both Parties, and is

as follows. Lorsqu’il a adopté des mesures pour la régul ation de la navigation sur le fleuve

SanJuan, le Nicaragua a-t-il chaque fois informé e t/ou consulté, au préalable, le CostaRica?

Since I have the English text of this question, Mr.President, may I also read it out in English,

perhaps in order to provide what might be calle d equality of treatment for those who are hearing

the question live. On the other hand, I cannot guara ntee the same equality in terms of the accent in

which the question will be delivered! When it adopted measures for the regulation of navigation

on the SanJuan River, did Nicaragua, each time, in form and/or consult Costa Rica in advance?

Thank you, Mr. President.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le juge Bennouna. Le texte exact de ces trois

questions sera communiqué par écrit aux Parties dès que possible. Conformément à la pratique

usuelle, les Parties sont invitées à soumettre leurs réponses écrites à ces questions le jeudi

19mars2009 à 18heures au plus tard. Toutes observations que chaque Partie pourrait vouloir - 64 -

présenter, conformément à l’article 72 du Règlement de la Cour, sur les réponses de l’autre Partie

doivent être communiquées le jeudi 26 mars 2009 à 18 heures au plus tard.

66 Ceci nous amène à la fin de deux semaines d’audiences consacrées aux plaidoiries en

l’espèce. Je voudrais remercier les agents, les con seils et les avocats des deux Parties de leurs

exposés durant ces deux dernières semaines. Conforméme nt à la pratique habituelle, je prierai les

deux agents de demeurer à la disposition de la Cour pour lui fournir toutes informations

supplémentaires dont elle pourrait avoir besoin.

Sous cette réserve, je déclare maintenant close la procédure orale en l’affaire concernant le

Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (CostaRica c.Nicaragua) . La

Cour va maintenant se retirer pour délibérer. Le s agents des Parties seront informés le moment

venu de la date à laquelle la Cour rendra son arrêt.

Comme la Cour n’est saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.

L’audience est levée à 13 h 10.

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