Traduction

Document Number
150-20110113-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
150-20110113-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non-Corrigé Traduction

Uncorrected Translation

CR 2011/4 (traduction)

CR 2011/4 (translation)

Jeudi 13 janvier 2011 à 16 h 30

Thursday 13 January 2011 at 4.30 p.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’ audience est ouverte. La Cour siège cet

après-midi pour entendre le second tour d’observations orales de la République du Nicaragua sur la

demande en indication de mesures conservatoires présentée par la République du CostaRica. Je

pense que le premier orateur sur ma liste est le professeurMcCaffrey. Monsieur, vous avez la

parole.

M. McCAFFREY :

1. Merci Monsieur le président . Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour,

dans le temps qui m’est imparti aujourd’hui, j’aborderai plusieurs points concernant la frontière

située le long du cours inférieur du SanJuan et le droit du Nicaragua, en vertu des instruments

pertinents, de draguer ce fleuve sans la permission du Costa Rica.

SOUVERAINETÉ DU N ICARAGUA SUR LE SAN JUAN

2. Monsieur le président, les présentations fa ites hier par le CostaRica viennent confirmer

que nous avons affaire, fondamentalement, à un diffé rend portant sur la souveraineté. Il ne fait

absolument aucun doute ⎯ même si, à écouter le Conseil du Costa Rica, il est possible de ne pas

s’en rendre compte ⎯que le Nicaragua a souveraineté sur le SanJuan. Je ne vais pas m’étendre

sur ce point ni énumérer une fois encore les instru ments pertinents qui en attestent. Ledifférend

porte sur la question de savoir si le territoire souve rain du Nicaragua inclut la zone située entre le

caño récemment nettoyé par celui-ci et le San Juan, à proximité de son embouchure.

Les cartes montrent que la zone en litige appartient au Nicaragua

3. Hier, nous avons entendu le conseil du Cost a Rica dire qu’il n’existe aucune carte situant

le territoire en litige au Nicaragua. Malheureusemen t pour le CostaRica, tel n’est pas le cas. Il

existe en fait plusieurs cartes sur lesquelles la z one en litige se trouve en territoire nicaraguayen,

l’une d’elles mettant particulièrement à mal la thèse du CostaRica. [McC1 à l’écran]. Deux

illustrations apparaissent à l’écran. Elles figurent da ns le dossier des juges, avec plusieurs autres

cartes, qui situent toutes la zone en litige à lintérieur des frontières du Nicaragua [McC2 à

l’écran]. Ilconvient de préciser que toutes ces cartes sont tirées d’un atlas nicaraguayen déposé

devant la Cour par le Costa Rica. Ces deux cartes remontent à la première moitié du XXsiècle. Si - 3 -

besoin était de disposer de plus amples éléments de preuve cartographiques, ils nous ont été fournis

par le Costa Rica lui-même [McC 3 à l’écran]. En effet, vous voyez à présent apparaître à l’écran

une carte de 1971, dressée par l’institut géographiqu e national du Costa Rica en collaboration avec

le service géodésique interaméricain. Même si elle porte la mention «version provisoire», plusieurs
9

facteurs en font un élément hautement probant: le fait qu’elle a été établie par le CostaRica,

qu’elle est très détaillée et que les cartographes costa-riciens ont nécessai rement accordé le plus

grand soin au tracé de la frontière entre les deux pa ys. Or cette carte situe clairement la zone en

litige au Nicaragua. A tout le moins, elle montre que le Costa Rica lui-même n’est pas tout à fait

sûr de l’endroit où se trouve la frontière à l’intérieur de la zone en litige. [Fin de la projection.]

L’existence du caño

4. Sans doute parce qu’il avait conscience des incertitudes attachées à ces éléments de preuve

cartographiques, le conseil du CostaRica a préféré se concentrer sur le caño, dont les biefs

inférieurs ont récemment été nettoyés par le Nicar agua. MM.Kohen etCraw ford ont fait de leur

mieux hier pour jeter le doute sur l’existence même du caño. Et pourtant, ils en ont justement

prouvé l’existence, quoique manifestement à leur insu.

5. Le CostaRica n’a pas remis en question la décision du généralAlexander en vertu de

laquelle la ligne initiale de la fron tière, à partir de la mer des Caraïb es, suit la rive de la lagune de

HarborHead dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à atteindre «le premier chenal

rencontré». Et pourtant, le professeurCrawford a prétendu que le Nicaragua n’avait fourni

absolument aucune preuve de l’existence du caño .

6. Monsieur le président, que ce soit les cartes et les images satellite projetées mardi, la vidéo

déposée devant la Cour ⎯dont je vais vous montrer des ex traits dans quelques instants ⎯ ou,

mieux encore, plusieurs des innombrables cartes et images satellite utilisées par le CostaRica

lui-même hier, toutes montrent ce caño, ainsi que d’autres. LeprofesseurCrawford semble n’en

avoir eu aucune conscience hier lorsqu’il a proj eté à l’écran une image satellite sur laquelle on

distinguait clairement le caño, alors qu’il affirmait haut et fort le contraire. Je vais vous remontrer

cette image. Mais avant, il convient de souligne r que nous ne parlons pas du canaldePanama.

1
CR 2011/3, p. 22, par. 4 et 6 (Crawford). - 4 -

Nous parlons d’un tout petit chenal qui se rétrécit à mesure que l’on s’éloigne de la lagune de

HarborHead. Il est en bonne partie couvert par la canopée ⎯comme bien d’autres caños ⎯ ce

qui fait que l’on a du mal à le voir sur des photos sate llite. Mais il est bien là, rejoignant la lagune

de Harbor Head à une extrémité et le San Juan à une autre. On ne lui demande pas d’être le Nil, il

faut juste qu’il soit «le premier chenal rencontré». Et c’est bien ce qu’il est, et ce depuis longtemps

maintenant : le «premier chenal rencontré» qui relie Harbor Head et le fleuve en suivant la rive de

10 la lagune dans le sens des aiguilles d’une montre. Les deux images satellite qui vont apparaître à

l’écran achèveront de vous convaincre.

7. [McC 4 à l’écran]. La première image satellite nous a été fournie par le Costa Rica ⎯ si

elle veut bien apparaître à l’écran ; le satellite doit se trouver derrière les nuages aujourd’hui ! On

pourrait la surnommer le «cheval de Troie» car elle porte en elle les germes de la destruction de la

thèse costa-ricienne. Le premier cliché qui apparaît à l’écran est l’image de 1997 que le Costa Rica

a montrée hier. Le caño, ycompris son prolongement jusqu’au léger coude formé par le fleuve,

yest clairement visible, comme vous le montre mon collègue à l’aide du curseur. Sur le second

cliché, nous avons ajouté, en surimpression, le tracé du caño, pour que la Cour le voie mieux.

Nous allons vous remontrer la première image, sans le surlignage ⎯ vous devez y regarder de près

mais il est là ⎯ puis la seconde, avec le surlignage. [Fin de la projection.]

8. [McC5 à l’écran]. La deuxième image est la photo satellite prise en2007 par le

Nicaragua, également utilisée hier par le Costa Rica pour prouver que le caño n’existe pas. En fait,

celui-ci apparaît clairement là encore sur cette photo, comme mon collègue vous le montre à l’aide

du curseur. L’image montre même un lac temporaire à cheval sur le cours du chenal, ce qui prouve

à quel point cette zone peut être humide ⎯ dès lors qu’elle est alimentée par les eaux du San Juan.

L’on est loin du «delta plan et sablonneux» d’Alexander . Là encore, la deuxième version de cette

image indique, en surimpression, le caño. Voici la première image à nouveau, sans le surlignage,

puis la deuxième, avec le surlignage. [Fin de la projection.]

9. S’il est encore besoin d’apporter d’autr es éléments de preuve de l’existence de ce caño

entièrement naturel, récemment nettoyé par le Nicaragua, permettez-moi de projeter à l’écran

2E.P.Alexander, [deuxième] sentence arbitrale rendupar le surarbitre ingénieur, en vertu de la convention
entre le CostaRica et le Nicaragua du 8avril1896 pour ladémarcation de la frontièrentre les deux républiques,

décision du 20 décembre 1897.Voir annexe 4 de la requête introduite par le Costa Rica). - 5 -

plusieurs séries d’images [McC 6, 7 et 8 à l’écran]. Tout d’abord, quelques-unes des photos prises

au cours d’une des deux visites d’inspection du caño qu’a faites Mme Maria Vivas Soto, ingénieur

spécialisé dans l’environnement travaillant pour le compte du ministère nicaraguayen de

l’environnement (MARENA), dans le cadre de l’ étude d’impact sur l’environnement décrite par

mon ami et collègue M.Reichler lors du premier tour d’observations orales 3. [Fin de la

projection.]

11 10. Suivent des extraits d’un enregistrement vidéo, dont j’ai montré quelques arrêts sur

image mardi. Ces images du caño montrent qu’on peut difficilement parler d’un «canal artificiel»

creusé par le Nicaragua, comme aime à le répéter le CostaRica, et que de grands segments de ce

caño peuvent être empruntés par de petits bateaux, même sans nettoyage.

11. Enfin, Monsieur le préside nt, je vais projeter à l’écran des passages des déclarations de

4
Mme Vivas Soto qui se rapportent à ses deux visites au caño . J’en donnerai également lecture car

je ne suis malheureusement pas sûr qu’ils soient lisibles à l’écran :

Visite de septembre 2009

«Nous avons navigué sur le [caño] jusqu’à rencontrer une couche de sédiments,
des arbres tombés et secs qui empêchaient le passage de l’eau et de notre moyen de
transport vers la zone du fl euve SanJuan, perturbant le débit, la profondeur et la

largeur du [ caño]. En raison de cette sédimenta tion du passage, nous nous vîmes
obligés de continuer le parcours à pied …

Il était clair qu’il fallait éliminer les sédiments pour retrouver le débit du [caño]

et qu’il puisse à nouveau courir de la lagune à l’embouchure naturelle du fleuve
SanJuan. Il était clair aussi qu’il falla it élaguer la végétation qui obstrue le [caño]
pour en améliorer sa navigabilité, dans le cadre du développement durable dans la

zone.»

Visite de novembre 2010

«17. A cette occasion, tout notre parcours par le [caño] s’est effectué sur une
petite barque, du fleuve SanJuan à la lagune de HarborHead. La zone du [caño]

proche du fleuve, qui était remplie de sédi ments il y a un an, s’était convertie en un
endroit navigable pour des petites barques. La profondeur au moment de ma visite
atteignait entre 1 mètre et 1,20 mètre.

3 o
Doc. n 14 fourni par le Nicaragua en langue originale et française.
4Doc. n 14, traduit en français par le Nicaragua (CRN 2011/10). - 6 -

18. Pendant que nous avancions nous a vons pu observer que les travailleurs
étaient des civils, ouvriers de la zone, qui réalisaient l’activité de nettoyage du [caño]

⎯ équipés d’outils manuels, tels que pioches, pelles et seaux.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je n’ai vu aucun travailleur présen t sur la rive costa–ricienne du [caño] et n’ai
pas observé non plus de destruction de vé gétation côté costa-ricien, qui se serait
déroulée durant les activités de nettoyage.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pendant ma visite je n’ai pas vu le moindre déchet déposé du côté costa-ricien

du [caño].»

12 12. Monsieur le président, le moins qu’on puisse dire, c’est que ces images et déclarations ne

laissent aucun doute : le caño n’est pas artificiel.

«Le premier chenal rencontré»

13. Monsieur le président, main tenant que nous savons que le caño existe effectivement, je

dois en revenir à la question de savoir si, en dépit de la carte tracée à la main qui est jointe aux

actes de la commission de démarcation CostaRica-Nicaragua, ce caño pourrait être le «premier

chenal rencontré» dont il est fait mention dans la sentenceAlexander, comptetenu du type de

modifications des chenaux envisagées par le géné ral. La carte en question se trouve sous

l’onglet40 du dossier que le CostaRica vous a fourni pour son premier tour de plaidoiries

(volume II). A cet égard, il est particulièrement frappant que ni M. Kohen ni M. Crawford n’aient

traité hier du long extrait dont j’ai infligé la le cture à la Cour mardi. LegénéralAlexander y

insistait sur le fait que, dans le delta, les ch enaux du fleuve pouvaient changer de manière

progressive ou soudaine et que ces changements aura ient des incidences sur l’emplacement de la

ligne frontière. Je n’aurai pas l’audace de vous inflig er de nouveau la lecture de cette citation mais

pour en résumer la teneur, je me contenterai de dire que la frontière est censée se modifier à mesure

que les chenaux se modifient. Plutôt que de s’ attaquer frontalement au problème posé par cette

décision, M.Kohen s’est empressé de rechercher une autre citation, soucieux qu’il était de

démontrer que le «principe de stabilité des frontières», comme il a choisi de le nommer 5,

s’appliquait d’une certaine manière à la région du delta du San Juan, même si le général Alexander

avait clairement expliqué pourquoi il en allait di fféremment. M.Kohen a trouvé la citation qu’il

5
CR 2011/3, p. 14, par. 21 (Kohen). - 7 -

recherchait, mais dans une sentence du généralAlexander ⎯ la troisième ⎯qui traite d’une tout

autre question, celle de savoir si la frontière suivant la rive du fleuve proprement dit changerait en

fonction des modifications du niveau des eaux, et non celle de savoir si elle changerait en fonction

des modifications des chenaux du delta. Releva nt que «durant la saison des pluies, les eaux du

6
fleuve submergent plusieurs milles de terre dans certaines localités» , ce qui dans les faits signifiait

moins de territoire à sec pour le CostaRica, le généralAlexander décida avec beaucoup de bon

sens que la rive, c’était la rive, qu’elle soit ou non temporairement submergée par les eaux de crue.

Cela n’enlève absolument rien à la décision qu’il avait précédemment rendue au sujet des

13 modifications de la ligne frontière dans la zone du delta liées aux m odifications des chenaux. Cela

e
étant, M. Kohen avait tout à fait raison sur un point : je n’étais pas encore né au XIX siècle !

L’absence d’effectivités costa-riciennes dans la zone en litige

14. Monsieur le président, revenons brièvement sur la question des effectivités du Costa Rica

dans la zone en litige. Ayant produit un certain nombre de déclarations sous serment par lesquelles

des membres actuels et passés de l’armée et de la police nicaraguayennes attestaient avoir toujours

patrouillé dans le secteur, j’ai été chagriné d’entendre M.Kohen affirmer que le CostaRica

n’acceptait pas la véracité de ces déclarations notariées recueillies sous serment 7. C’est bien sûr à

la Cour qu’il appartient de dé terminer la valeur probante de telles déclarations, sur lesquelles

s’appuient souvent les parties aux affaires qui lui sont soumises. Mais force est de constater que si

le Costa Rica n’a pas trouvé de meilleure stratégie que de contester la véracité de ces déclarations,

il a en réalité validé la thèse ni caraguayenne, surtout si l’on tient compte du fait qu’il n’a apporté

aucune preuve de ses propres activités de maintien de l’ordre dans le secteur.

15. La seule preuve d’effectivités que le Costa Rica a été capable de produire consiste en une

poignée de permis d’exploitation 8de terres situées dans la zone en litige, tous délivrés assez

étrangement en2006 et concernant une zone humid e que le CostaRica prétend avoir tellement à

cŒur de protéger. Mais attention, pas de possession réelle, pas d’activités officielles. Ce sont là de

6 E.P.Alexander, troisième sentence de l’ingénieur arbitre, convention entre le CostaRica et le Nicaragua du

8avril1896 pour la démarcation de la frontière entre ledeuxrépubliques, décision du 22 mars 1897, Nations Unies,
Recueil des sentences arbitrales, vol. 28, p. 229.
7 CR 2011/3, p. 18, par. 30 (Kohen).

8 Dossier de plaidoiries du Costa Rica, 11 janvier 2011, vol. 1, onglets n 10 à 15. - 8 -

très maigres preuves d’effectivités, spécialement si on les compare avec les éléments concordants

qui attestent de longue date que le Nicaragua ma intient une présence officielle dans la région

[McC11 à l’écran]. Et, Monsieur le président, les permis délivrés par le CostaRica lui-même

montrent clairement le caño ! Voici un cliché de l’un de ces permis [fin McC 11].

Le droit pour le Nicaragua de draguer le fleuve sans la permission du Costa Rica

16. Enfin, Monsieur le président, les arguments présentés par le Costa Rica hier m’obligent à

revenir sur un point que je tenais pour évident et incontestable: le Nicaragua n’a pas à obtenir la

permission du Costa Rica avant de draguer le San Juan. Juste avant de conclure son intervention et

sans citer la moindre source, M.Crawford a d éclaré que pour ce qui est du SanJuan, «c’est la

même obligation de coopérer qui prévaut que dans le cas d’un fleuve ordinaire avec une ligne

9
médiane» . Il a ensuite invoqué, sans en donner le titr e, l’arrêt rendu par vos prédécesseurs en
14
l’affaire de la Juridiction territoriale de la Commission internationale de l’Oder et, en particulier,

la conclusion de la Cour perman ente selon laquelle il existe une «communauté d’intérêts sur un

fleuve navigable» 1. Lorsqu’il soutient que cette comm unauté d’intérêts doit donner naissance à

une coopération, notamment au moyen de l’écha nge d’informations et de la consultation,

M.Crawford fait fi de la lex specialis que représente le traité de 1858, qui fait de ce fleuve une

partie intégrante du territoire nicaraguayen. Monsieur le président, tant l’affaire du Différend

relatif à des droits de navigation et des droits connexes que la présente espèce montrent que les

autorités des deux pays coopèrent régulièrement da ns la région du SanJuan. J’ai fait référence à

cette coopération au cours du premier tour d’observa tions orales du Nicaragua. Mais, Monsieur le

président, il y a une limite à ce que le CostaRica peut exiger et cette limite est définie par la

souveraineté du Nicaragua sur le fleuve et tout ce que cela implique. L’un des aspects incidents de

la souveraineté du Nicaragua a été reconnu en te rmes dénués d’équivoque au paragraphe6 du

troisième article de la sentence Cl eveland, que j’ai fait projeter à l’écran et dont j’ai donné lecture

lors du premier tour. Pour l’essentiel, ce passage précisait que «[l]a République du Costa Rica ne

9
CR 2011/3, p. 35, par. 58 (Crawford).
10Juridiction territoriale de la Commissi on internationale de l’Oder, a16, 1929, C.P.J.I. sérieA 23,
p. 27. - 9 -

11
peut empêcher» le Nicaragua d’entreprendre des travaux d’amélioration sur le fleuve. Il convient

d’ajouter que le droit international oblige le Ni caragua à entreprendre de tels travaux. Le

Costa Rica a manifestement du mal à accepter que, concrètement, le Nicaragua n’a pas envers lui

les mêmes obligations que si la frontière suivait la ligne médiane du San Juan. Ce malaise perdure,

même après un traité, six sentences arbitrales, et un arrêt de cette Cour. Enfin, la Cour se

souviendra à cet égard que dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve

Uruguay, elle a refusé d’indiquer des mesures conserva toires alors même que le traité pertinent

créait une réelle obligation de procéder à des cons ultations et que le dema ndeur prétendait qu’elle

12
n’avait pas été observée . L’absence d’une telle obligation en l’espèce ne saurait conduire à une

issue différente.

17. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.

Je vous remercie une fois de pl us pour l’attention bienveillant e que vous m’avez aimablement

accordée. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir donner la parole à M. Paul Reichler,

qui traitera des allégations du Costa Rica relatives à l’environnement.

15 Le PRESIDENT : J’appelle maintenant à la barre M. Reichler.

M. REICHLER :

O BSERVATIONS FINALES RELATIVES AUX ÉLÉMENTS DE PREUVE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le second tour de plaidoiries du

CostaRica, hier, m’a rappelé un disque à succès ; c’était en1959; DinahWashington chantait:

«What a difference a day makes, twenty-four little hours», ce qui pourrait se traduire ainsi:

«Combien les choses changent en l’espace d’une journée, vingt-quatre petites heures» 13.

2. Voici deux jours, en effet, le CostaRi ca, très va-t-en-guerre, exigeait la suspension de

l’ensemble des activités de dragage menées sur le San Juan 14. C’était avant d’entendre la riposte du

11
Sentence du président des Etats-Unis concernant la validité du traité de limites entre le CostaRica et le
Nicaragua du 15 juillet 1858, décision du 22 mars 1888, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. 28, p. 210.
12
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 113.
13Rendons à César ce qui appartient à Cé sar; cette chanson est en réalité l’Œuvre de la compositrice mexicaine

Maria Méndez Grever, et date de 1934. Son titre original était Cuando Vuelva A Tu Lado.
14Voir, par exemple, CR 2011/1, p. 70-71, par. 51 (Crawford). - 10 -

Nicaragua dans son premier tour de plaidoiries. Hier, vingt-quatre petites heures après avoir pris

connaissance de nos arguments, le CostaRi ca a quasiment abandonné sa demande de mesures

15
conservatoires relative au dragage du fleuve .

3. C’est ce qui ressort de ses nouvelles conclusi ons, dont la portée a été sensiblement réduite

par rapport à celles qu’il avait exposées la veille. S’agissant des activités de dragage, le Costa Rica

16
demande à présent leur suspension uniquement dans la zone adjacente au caño . C’est là un recul

non négligeable, et néanmoins insuffisant, car rien ne permet d’établir que des opérations de

dragage causeront des dommages au territoire costa-ricien dans cette zone, ou ailleurs.

4. Le CostaRica se demande comment le Nicaragua a pu réaliser une étude d’impact sur

l’environnement transfrontière sans son assistance. Rien de plus facile. Le dragage d’un fleuve

peut avoir des effets sur le débit de l’eau, sur la présence de sédiments dans la colonne d’eau 17 et

des effets liés à l’enlèvement des sédiments extraits.

5. En ce qui concerne le débit de l’eau, la baisse de celui du Colorado, en territoire

costa-ricien, était évaluée à moins de 5 % dans l’étude d’impact sur l’environnement du Nicaragua,

soit un impact transfrontière insuffisant pour nui re à la navigation ou causer de quelconques autres

16 18 19
dommages . La propre étude du CostaRica, que j’ai évoquée lors du premier tour , et que le

CostaRica s’est soigneusement gardé de mentionn er hier, établissait que le projet de dragage

entraînerait une diminution du débit du Colorado de moins de 4,5 % 20. Les résultats obtenus sont

donc assez comparables.

15
CR2011/3, p.38, par.17 (UgaldeÁlva rez) («En attendant la décision finale sur le fond, le Nicaragua doit
suspendre son programme de dragage du fleuve SanJuan dans la zone adjacente à la zone pertinente » [«Pending the
determination of this case on the merits , Nicaragua shall suspend its ongoing dre dging programme in the River San Juan
adjacent to the relevant area»] ; les italiques sont de nous.)

16 Ibid., par. 15-17.

17 Voir doc.n 13, déclarations de Mm eEspinozaUrbina (ci-après «doc.13 : déclarations de MmeEspinoza»),
par. 14 et 20 c)-f).

18 Doc. n 15, déclarations de M. Virgilio Silva Mungía (ci-après «doc. 15 : déclarations de M. Silva»), par. 2-3;
doc. n 16 : déclarations de M. Lester Antonio Quintero Gómez (ci-après «doc. 16 : déclarations de M. Quintero»), par. 7,
ainsi que les pages correspondantes de l’annexe3; voir aussi le document n o13: déclarations de MmeEspinoza,
par. 20 f).

19 CR 2011/2, p. 32, par. 5 et p. 41, par. 28 (Reichler).

20 Área de Ingeniería Hidráulica, C.S. Diseño, ICE, «Estudio de comportami ento de caudales en la bifurcación
Río San Juan ⎯ Río Colorado» (ci-après «Etude costa-ricienne des débits»), p. 5, dont la version espagnole a été soumise

à la Cour par le Costa Rica le 7 janvier 2011 ; la traduction anglaise figure au dos du dossier de plaidoiries du Nicaragua
daté du 11 janvier 2011). - 11 -

6. S’agissant de l’enlèvement des sédiment s extraits, l’étude du Nicaragua garantissait

l’absence d’impact sur l’environnement du CostaRi ca en faisant obligation de déverser tous les

sédiments dans vingt-quatre sites désignés, situés du côté nicaraguayen du fleuve . Hier, mon ami

o
le professeurCrawford a mis en doute ce fait, affirmant que l’un des sites ⎯le site n 2 ⎯ se

trouvait au CostaRica 2. En relisant le compte rendu, je n’ ai trouvé aucun élément à l’appui de

cette affirmation. En tout état de cause, je crains que le professeur Crawford n’ait fait une erreur de

calcul. Si l’on détermine correctement les c oordonnées du site, on consta te que celui-ci se trouve

incontestablement en territoire nicaraguayen, de même que tous les autres. [PSR 1]

7. En ce qui concerne les sédiments libérés dans la colonne d’eau, il ressort de l’étude

d’impact que ceux-ci n’auront d’incidence sur au cune des rives du fleuve: ils ne s’accumuleront

pas, mais se déposeront rapidement au fond du fleuve une fois les travaux achevés, ou seront

23
rejetés en mer . Le Costa Rica ne l’a pas contesté.

8. En définitive, le CostaRica accepte l’ étude d’impact sur l’environnement et ses

conclusions relatives au dragage du fleuve. Le professeurCrawford a toutefois établi hier une

distinction entre ce qu’il a présenté comme deux pr ojets différents: celui décrit dans l’étude

d’impact, auquel, il n’avait, au final, aucune objection, et celui qu’il a baptisé «plan Pastora» 24.

9. En réalité, le projet de dragage effectivem ent entrepris est bien plus circonscrit, et bien

moins ambitieux, que le projet présenté dans l’étude d’impact. Pour commencer, comme l’a

17 reconnu le Costa Rica, le budget qui lui a été all oué se monte à 7,5 millions de dollars seulement 25.

A cet égard, voici ce qu’a déclaré dans son allocuti on devant le Parlement le ministre costa-ricien

des affaires étrangères en septembre dernier :

«[N]ous avons examiné les coûts des tr avaux de dragage…du Caldera et du

canadl Panama, ce qui nous a permis d’établir un coût approximatif de
700000dollars à unmillion de dollars par k ilomètre linéaire de dragage du fleuve.
Sur cette base, nous estimons que le budget a nnoncé par le Nicaragua [permettrait] le

21 o
Voir, par exemple, doc.n 16 : déclarations de M. Quintoro, par. 9 et annexe3: extraits du rapport final de
l’évaluation de l’impact sur l’environnement, p. 24 ; voir aussi doc. n 13 : déclarations de Mme Espinoza, par. 20 c).
22
CR 2011/3, p. 32, par. 41 (Crawford).
23Voir doc.n o16: déclarations de M.Quintero, par.9 et pages correspondantes de l’annexe3; voir aussi
doc. n 13 : déclarations de Mme Espinoza, par. 20 c).

24CR 2011/3, p. 21, par. 2 iv), p. 25, par. 15 et p. 27-29, par. 25-28 (Crawford).

25CR 2011/3, p. 28, par. 25. - 12 -

dragage ou le nettoyage entre septetdixkilomètres linéaires du SanJuan, ce qui
représenterait un petit segment du fleuve.» 26

Le projet décrit dans l’étude d’impact portait sur le dragage d’un tronçon de

quarante-deuxkilomètres; au vu du budget eff ectivement consenti, le tronçon dragué sera

considérablement réduit, au moins de moitié . 27

10. S’agissant de la quantité de sédiments à extraire, j’ai relevé mardi dernier que les

prévisions avaient été réduites de plus d’untie rs par rapport au projet présenté dans l’étude

d’impact, les chiffres étant ramenés de 1,5million à 900000mètres cubes 28. Hier, le

professeur Crawford, en posant que quatre dragues fonctionneraient sans interruption pendant une

29
année, a conjecturé que le produit du dragage s’él èverait à plus de trois millions de mètres cubes .

Or, une fois de plus, il n’y a, dans le compte rendu, aucun élément à l’appui de l’hypothèse sur

laquelle est fondé son calcul. Je ne remets nulleme nt en cause ses aptitudes en arithmétique : je ne

doute pas que quatre dragues de capacité suffisante travaillant sans interruption parviendraient à

extraire cette quantité de sédiments. Mais ce n’est pas ce qui est prévu dans le cadre de ce projet,

ce n’est pas ce qu’a autorisé le mi nistère de l’environnement et ce n’est pas ce que permet la

30
capacité restreinte des dragues fabriquées au Nicaragua .

11. Car, pour en revenir aux dragues, là en core, les prévisions ont été considérablement

revues à la baisse par rapport à ce qu’envisageait l’étude d’impact; le Nicaragua, au lieu des

dragues de fabrication étrangère qu’il espérait im porter, s’est rabattu sur des dragues autrement

plus modestes, produites localement, les premières s’étant révélées trop oné reuses et trop grandes

pour le fleuve 31. Jusqu’à présent, la drague utilisée est un modèle fabriqué au Nicaragua, dont la

3 32
capacité est limitée à 350m /h . Les autres dragues qu’il prévoit d’utiliser sont d’une capacité

26Doc. n 19 : déclarations de M. René Castro Salazar, ministre costa-ricien des affaires étrangères [et du culte] à

la commission de l’environnement de l’a ssemblée législative costa -ricienne, le 8septembre2010 (ci-après doc.19:
déclarations de M. Castro), par. 18. [Traduction établie par le Nicaragua.]
27 o
Voir, par exemple, doc.n 13: déclarations de Mme Espinoza, par.3 («Ainsi autorisé, ce projet inclut de
draguer les derniers quarante-deux kilomètres du fleuve San Juan»).
28
CR 2011/2, p. 17, par. 40 (Reichler) ; voir aussi déclarations de M. Quintero, par. 10-11.
29CR 2011/3, p. 29-30, par. 30 (Crawford).

30Voir doc. n 13 : déclarations de Mme Espinoza, annexe 8.

31Doc. 16 : déclarations de M. Quintero, par. 12.
32
Ibid., par. 13, ainsi que la page correspondante de l’annexe 4. - 13 -

18 plus réduite encore : 150 et 75 m /h . Selon les experts néerlandais de l’université de technologie

de Delft, le projet de dragage du San Juan «est d’une très petite échelle par rapport à des projets de

dragage effectués par les grands entrepreneurs de dragage néerlandais trav aillant actuellement au

niveau mondial avec des productions horaires de plus de 10 000 m 3/h» . Au total, la productivité

cumulée de l’ensemble des dragues nicaraguayennes est inférieure à 600 m 3/h .5

12. En tentant, au mépris de la réalité, de transformer cette modeste entreprise en un

«plan Pastora» ⎯comme si le fait de la qualifie r ainsi suffisait à la condamner ⎯, le Costa Rica

révèle en réalité la faiblesse de son argumentation 36. De fait, son opposition au projet de dragage

ne repose plus à présent que sur certaines déclarations attribuées par la presse nicaraguayenne à

37
M. Pastora . Or, quand bien même les propos attribués à M.Pastora seraient exacts, ce que le

Nicaragua conteste, on ne saurait fonder sur si peu une demande en indication de mesures

conservatoires. Le Costa Rica fait mine d’ignorer que la portée de ce proj et ne dépend pas du bon

vouloir de n’importe quel quidam, mais relève de permis détaillés, délivrés après des études

38
exhaustives menées à bien par les personnes compétentes . Le Costa Rica n’a pas démontré que le

Nicaragua n’avait pas respecté ces permis, et pour cause. D’ailleurs, à ce propos, permettez-moi

d’ajouter que le permis relatif au projet de drag age a en réalité pris effet en juillet2009; et que

donc, contrairement à ce qui a été affirmé hier à la Cour, les travaux commencés en 2010 l’ont été

dans le délai imparti de dix-huit mois.

13. Il est plaisant de voir le professeur Crawfo rd se présenter maintenant comme le principal

témoin de la moralité de M.Pastora: «Je pe nse que nous devons accorder quelque crédibilité à

39
M. Pastora», nous dit-il . «Nous avons toutes les raisons de croire M. Pastora lorsqu’il parle de ce

40
projet à la presse. Jusqu’à présent, tout ce qu’ il a annoncé à la presse semble se réaliser.»

33 Doc. 16 : déclarations de M. Quintero, par. 13, annexe 4.

34 Doc.n 8: rapport des professeurs vanRhee et deVrie nd de l’université de technologie de Delft
(4 janvier 2011) (ci-après «doc. 18 : rapport des experts néerlandais»), p. 3. [Traduction établie par le Nicaragua.]

35 Voir doc. n 16 : déclarations de M. Quintero, annexe 4.

36 CR 2011/3, p. 27-29, par. 25-29 (Crawford).

37 Ibid.
38 o
Doc. n 13 : déclarations de Mme Espinoza, par. 12-22, et annexes correspondantes.
39
Voir CR 2011/3, p. 29, par. 28 (Crawford).
40
Ibid., p. 28, par. 26. - 14 -

Vraiment ? Qu’en est-il de l’annonce qu’il aura it faite selon laquelle le Ni caragua allait détourner

3 41
19 100 % du débit du Colorado ⎯soit la totalité de ses 1700m /s ? Le professeurCrawford est

peut-être la seule personne au monde à croire que quelqu’un ⎯ et a fortiori, M.Pastora ⎯ ait pu

formuler une déclaration aussi absurde. Il est revenu à la charge hier 42, alors même que son propre

client, le ministre costa-ricien des affaires ét rangères, avait écarté sans plus de façon cette

43
hypothèse dans son allocution devant le Parlemen t du Costa Rica au mois de septembre dernier .

Et s’il croit vraiment que M. Pastora s’est exprimé en ces termes, alors pourquoi le Costa Rica a-t-il

à présent renoncé à s’opposer au projet de dragage, hormis pour un tout petit tronçon ? 44

14. En définitive, le CostaRica n’a aucun ar gument à opposer au dragage. Un point c’est

tout. Il n’existe pas la moindre preuve que le dragage du fleuve, en quelque endroit que ce soit,

causera un dommage au territoire costa-ricien, et moins encore un dommage qui serait irréparable

ou irréversible.

15. Voilà qui nous mène au caño. Notre réplique, à ce propos, est des plus simples. Dans

les conclusions nettement plus modestes qu’il a présentées hier, le Costa Rica demande à présent à

45
la Cour de rendre une ordonnance interdisant tout nouvel élargissement ou percement d’un canal .

Or, le Nicaragua a déjà indiqué que ses travaux de dragage du caño avaient pris fin en décembre 46.

47 48
Il n’y aura ni élargissement ni percement . L’agent du Nicaragua l’a déjà indiqué clairement et il

le répètera cet après-midi. Nul besoin, donc, d’ une ordonnance. Le Costa Rica demande à la Cour

49
de rendre une ordonnance interdisant l’abattage de nouveaux arbres . Une fois de plus, comme l’a

indiqué le Nicaragua, l’abattage d’arbres est de l’histoire ancienne 50. Le Nicaragua a d’ores et déjà

41CR 2011/3, p. 29, par. 28.

42Ibid.
43 o
Doc. n 19 : déclarations de M. Castro, par. 15-17 (la décl aration de M. Pastora «ne constitu[e] pas une preuve
suffisante que [des] dommages se produiront … Personne n’a été capable de prés enter des calculs ou des réductions du
débit d’environ 80 %, tel quel publié dans certains médias» [traduction établie par le Nicaragua]).

44CR 2011/3, p. 38, par. 17 (Ugalde Álvarez).

45Ibid., par. 16 b).
46 o
CR 2011/2, p.3, par. et .4, par.9 (Reichler;) voir aussi do.n 12, déclarations de
M. Roberto Araquistain Cisneros (ci-après «doc.12, déclarations de M.Cisneros») , par.1-3; doc.13: déclarations de
Mme Espinoza, par. 31.

47CR 2011/2, p. 33, par. 9 (Reichler).
48
CR 2011/2, p. 15, par. 33 (Argüello Gómez).
49
CR 2011/3, p. 38, par. 16 c) (Ugalde Álvarez).
50
CR 2011/2, p. 16, par. 35 (Argüello Gómez) ; p. 46, par. 44 (Reichler). - 15 -

51
entrepris d’en replanter . Là encore, nul besoin d’ordonnance. Enfin, le Costa Rica demande à la

Cour de rendre une ordonnance interdisant le déversement de sédiments 52. Mais une fois encore, il

n’en est nullement besoin. Puisqu’il n’y aura pas de travaux de construction ou d’élargissement, il

n’y aura pas de sédiments extraits à déverser.

20 16. Mardi dernier, j’ai indiqué qu’aucun arbr e n’avait été abattu par le Nicaragua du côté

53
costa-ricien du caño, et qu’aucun des sédiments extraits n’y avait été déversé . Cette affirmation

n’a pas été contestée hier. Mardi dernier, j’ai indiqué que, en dépit de toutes les protestations

formulées par le Costa Rica dans son premier tour de plaidoiries au sujet de l’inondation des zones

humides adjacentes au caño, le Costa Rica n’avait présenté aucune preuve pour étayer ses dires 54.

Cette affirmation, elle non plus, n’a pas été contestée hier. Le Costa Rica n’a pas davantage fourni

d’éléments de preuve à l’appui de sa propre allégation : alors même que je l’avais directement mise

en question, il est demeuré muet sur ce point. Au cours de ses deux tours de plaidoiries, il nous a

présenté des dizaines de photos du caño, vu sous tous les angles. La Cour se souvient-elle d’avoir

vu des zones inondées? Elle n’en a pas vu, car il n’y en avait pas. Il n’existe aucun élément

prouvant qu’il y ait eu inondation ou risque d’inondation au niveau ou à proximité du caño. Ce

mot n’a même pas été prononcé hier.

17. Et le mot d’«érosion» ne l’a pas été davantage. «Combien les choses changent en

l’espace d’une journée», pour reprendre le refrain que je mentionnais tout à l’heure! Mardi

dernier, le professeur Crawford a montré des photographies satellite à l’appui de la thèse selon

55
laquelle le nettoyage du caño aurait provoqué l’érosion des rives adjacentes . Mais il n’en a pas

reparlé hier; et il n’a pas dit un mot de l’érosion. Apparemment, cet argument a lui aussi été

abandonné. Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi.

18. Les photographies satellite du Costa Rica proviennent d’UNOSAT, qui a en l’occurrence

agi dans un cadre contractuel, ayant été engagé par le CostaRica 5, et non en tant qu’organe des

51Ibid.
52
CR 2011/3, p. 38, par. 16 d) (Ugalde Álvarez).
53
CR 2011/2, p. 45, par. 43 (Reichler).
54Ibid., p. 50, par. 53.

55CR 2011/1, p. 64-65, par. 36 (Crawford).

56Ibid. («Je me réfère à un ra pport rédigé conjointemen t par l’UNITAR et l’UNOSAT, à la demande du
Costa Rica») (les italiques sont de nous). - 16 -

NationsUnies, de la même manière que le se rvice hydrographique du Royaume-Uni effectue des

travaux pour des entités privées et de s gouvernements. Le SanJuan, le caño et la lagune de

57
HarborHead apparaissent très nettement sur ces clichés . Mais l’interprétation qui en a été faite

est pour le moins étrange. Pour commencer, si l’on compare les photographies prises les

19novembre et 14décembre, on constate que le caño avait un débit plus élevé le 14décembre.

Soit. Nous sommes d’accord. Le Costa Rica imput e cependant cette augmentation à l’érosion des

rives 58. Or, il est bien évident que si une photographie prise par un satellite en orbite autour de la

terre peut montrer l’augmentation du débit d’un cours d’eau, elle ne saurait en expliquer l’origine.

Il est, en réalité, une explication bien plus simp le: ce n’est qu’en décembre que les travaux de
21

nettoyage du caño ont été achevés, soit bien après le premier cliché, mais avant le second 59.

Evidemment, un volume d’eau plus important s’écoulait dans le caño après qu’il eut été

entièrement nettoyé. Ce n’est pas un signe d’érosion. C’est un signe de diminution de la résistance

à l’intérieur du caño après son nettoyage, qui a permis l’écoulement d’un volume d’eau plus

important. Ce phénomène résulte également d’une augmentation des précipitations, en particulier

au plus fort de la saison des pluies, fin novembre -début décembre, période au cours de laquelle le

niveau du fleuve est, d’une manière générale, plus élevé, ainsi que cela ressort aussi clairement des

photographies du CostaRica. Il est significatif que le CostaRica n’ait produit aucun cliché

montrant un élargissement du caño depuis que celui-ci a été complètement nettoyé. Alors même

qu’il pourrait tout à fait le faire ⎯ étant donné que la rive droite du caño lui appartient et qu’il jouit

de droits de navigationsur celui-ci ⎯, le CostaRica n’a communiqué aucune mesure concrète de

la largeur du caño, de sa profondeur, de son débit ou de la vitesse de son courant. Seul le

Nicaragua l’a fait 60, et les chiffres qu’il a présentés ne sont pas contestés. Il ressort clairement des

57Ibid.

58Voir CR 2011/1, p. 65, par. 36 (Crawford).
59 o
Voir, par exemple, doc.n 14, déclarations de Mme Elsa María VivasSoto (déclarations) (ci-après «doc.14:
déclarations de Mme Vivas»), par. 4 et 24 (Mme Vivas a précisé que «[l]’a vancée des activités de nettoyage du caño au
moment de [sa] visite [du 24au 26novembre2010] était d’ environ 50%»); voir également CR2011/2, p.33, par.9 et
p. 44, par. 39 (Reichler).

60Voir, par exemple, docn. 17, déclarations de M.ester n tonio Quintero Gómez (certification)
(ci-après «doc. 17 : certification de M. Quintero »), par. 1-2. - 17 -

photos satellite communiquées par le CostaRica qu e les mesures n’ont pas été vérifiées sur le

terrain .1

19. Une autre interprétation curieuse d es photographies susmentionnées est celle dont

M.Crawford a donné lecture lors du premier tour de plaidoiries, selon laquelle «[c]e fort taux

d’érosion» ⎯qui, comme nous l’avons vu, n’est pas du t out de l’érosion mais simplement le

résultat de l’achèvement des travaux de nettoyage du caño ⎯ «est en outre facilité par la grande

vélocité de l’eau en provenance du SanJuan» 62. Le Nicaragua ne précise pas comment il peut

déterminer la vitesse d’un courant à partir d’une photographie satellite. Je suis convaincu que cela

serait d’un grand intérêt pour la communauté scien tifique. L’inventeur de cette méthode pourrait

même remporter le prixNobel. Nous dis posons fort heureusement de données précises ⎯ et pas

seulement de pures spéculations ⎯ en ce qui concerne la vitesse du courant dans cette portion du

San Juan, mesures effectuées non pas depuis l’espace, mais in situ. Celles-ci figurent dans l’étude

d’impact sur l’environnement, qui a déterminé que la vitesse dans les sixdernierskilomètres du

fleuve est de 0,569 m/seconde seulement ⎯ soit presque exactement 2 km/heure ⎯ ce qui signifie

que l’eau bouge à peine 63. Dans le caño, cette vitesse est plus faible encore, étant de

64
22 0,397 m/seconde . Voilà qui en dit long sur la théorie costaricienne d’une relation de cause à effet

entre un fort courant et l’érosion. Il n’est donc pas étonnant que le CostaRica ait cessé de

l’invoquer.

20. Le Costa Rica prétend que les activités de dragage effectuées à quelque

quatrecentmètres en amont du point d’entrée du caño entraîneraient, sans que l’on sache

comment, une accélération du courant dans le fl euve et une augmentation du volume d’eau se

déversant dans le caño 65. Cela n’a aucun sens. Les activit és de dragage dont le CostaRica tire

grief sont en réalité effectuées sur la rive nicaraguayenne du fleuve, et non pas dans le lit du fleuve

61
CR 2011/1, p. 64-65, par. 36 (Crawford).
62 CR 2011/1, p. 65, par. 36 (Crawford).

63 Doc.n 16: déclarations de M.Quintero, annexe3: extr aits du rapport final de l’évaluation de l’impact sur
l’environnement, p. 12.

64 Doc. n 17 : certification de M. Quintero, par. 2.
65
Voir, par exemple, CR2011/1, p.32, par.32 (Crawf ord) («Il a également commencé à recouper un méandre
situé sur son territoire, dans l’intention de rectifier le cours naturellement incurvé du San Juan, accélérant ainsi le courant
dans cette partie du fleuve, comme on le voit à présent sur l’écran»). - 18 -

66
lui-même. Le CostaRica le reconnaît d’ailleurs . Le creusement de ce canal n’augmente ni le

volume d’eau du fleuve ni la vitesse de son couran t. Celle-ci dépend de l’inclinaison, ou de la

pente, d’un fleuve, non pas de son cours. Le CostaRica ne communique d’ailleurs absolument

aucune information à ce sujet. Les données yrela tives figurent également dans l’étude d’impact,

qui précise que cette portion du fleuve est «rel ativement plane» et que l’inclinaison est

«relativement faible» ⎯ en réalité, elle est d’à peine 0,02 %, ce qui signifie, en pratique, que cette

67
zone est presque totalement plate . Voilà pourquoi l’eau ne s’y écoule quasiment pas. Les travaux

de dragage n’entraîneront pas d’augmentation du débit et de la vitesse aux abords du caño situé

quatre cent mètres en aval. Ces travaux n’auront aucune incidence sur le caño.

21. M.Crawford a indiqué hier que, contrairement aux travaux de dragage du fleuve, les

travaux de nettoyage du caño n’avaient pas fait l’objet d’une ét ude d’impact sur l’environnement

séparée 68. Cela est vrai, mais dépourvu de pertinen ce. Pour commencer, ainsi qu’il ressort des

éléments de preuve, l’EPN (Empresa Portuaria Nacional) a présenté une étude environnementale

du projet de nettoyage du caño au ministère de l’environnement, lequel a effectué sa propre étude

d’impact sur l’environnement, ycompris en se rendant sur place et en établissant un rapport

69
d’inspection . Deuxièmement, l’étude d’impact sur l’environnement relative au projet de dragage

comprenait déjà une analyse exhaustive de l’impact sur la sédimentation et la qualité des eaux du

70
San Juan . Ce sont ces mêmes sédiments et cette même eau qui transitent par le caño jusqu’à la

lagune nicaraguayenne de HarborHead; aucune analyse supplémentaire n’était donc nécessaire.

Ainsi que cela est expliqué dans les documents que le Nicaragua a communiqués à la Cour la

semaine dernière, l’étude du ministère de l’e nvironnement a été réalisée «conformément aux
23

exigences légales applicables énon cées dans les lois…qui, dans le cas de travaux strictement

manuels d’une aussi petite ampleur, ne demande nt pas la préparation d’une étude d’impact

66Ibid.

67Doc.n 16: déclarations de M.Quintero, annexe3: extr aits du rapport final de l’évaluation de l’impact sur
l’environnement, p. 12.

68CR 2011/3, p. 27, par. 24, (Crawford).
69 o o
Doc.n 13: déclarations de MmeEs pinozaUrbina, par.22-29, annexe9; voir également doc.n 14 :
déclarations de Mme Vivas , par. 1-13 et annexe 1.
70 o
Doc.n 16: oéclarations de M.Quintero, par.8 ainsi que les pages correspondantes de l’annexe 3 y relative ;
voir également doc. n 13, déclarations de Mme Espinoza Urbina, par. 20 c). - 19 -

71
environnemental séparée» . Une autre inspection du site réalisée par le ministère peu avant

l’achèvement du projet a confirmé qu’il n’aurait aucun impact important, irréversible ou inattendu

sur l’environnement 72.

22. En tout état de cause, le problème n’est pas, pour le Costa Rica, de savoir s’il existe une

étude d’impact environnemental distincte pour le nettoyage du caño, mais de savoir si l’étude

d’impact a démontré l’existence d’un risque de préjudice imminent et irréparable dû à cette

activité. Le Nicaragua estime que le Costa Rica n’est pas parvenu à en rapporter la preuve. Il n’a,

en réalité, pas démontré l’existence d’un risque de préjudice et, a fortiori, d’un risque de préjudice

irréparable.

23. Cette conclusion est confirmée par le rappor t des experts néerlandais de l’université de

technologie de Delft. Hier, M. Crawford a indiqué souscrire, sur certains points, à ce rapport 73, ce

qui est une bonne chose. Mais il a ensuite d it qu’il n’avait «pas le temps d’analyser les

74
insuffisances du rapport de l’université de technologie de Delft» . Il me semble que nous

comprenons tous ce que cela signifie. Je conçoi s que son temps soit extrêmement précieux, en

particulier lorsqu’il plaide devant la Cour, mais n’aurait-il pas pu prendre une minute, voire

trente secondes, pour mentionner ne serait-ce qu’une petite insuffisance de ce rapport ? Si tant est,

bien sûr, qu’il y en ait une. Après tout, il a bien pris le temps de nous raconter une anecdote

75
amusante au sujet de l’amiral Horatio Nelson . Il est permis de supposer que si le rapport de Delft

avait comporté des insuffisances, M. Crawford nous en aurait parlé.

24. En tout état de cause, les conclusions du rapport de Delft sont entièrement corroborées

par d’autres éléments de preuve, ycompris l’ét ude d’impact sur l’environnement et les études

effectuées par le Costa Rica lui-même. Il est en pa rticulier incontestable que le projet de dragage

71 o
Doc. n 13 : déclarations de Mme Espinoza Urbina, par. 23 [traduction établie par le Nicaragua].
72 o
Doc. n 14 : déclarations de Mme Vivas, par. 18-25.
73 CR 2011/3, p. 33, par. 55 (Crawford).

74 Ibid., p. 40, par. 46.
75
Ibid., p. 30, par. 32. - 20 -

76
affectera moins de 5 % du débit du Colorado, ainsi que l’ont conclu les experts néerlandais et que

le confirme l’étude réalisée par le Costa Rica 77. Il est également incontestable que le débit du caño

24 est d’à peine 2,38 mètres cubes par seconde ⎯ ce qui ne saurait causer un impact environnemental

important ⎯ et que la vitesse du courant dans le caño est de moins de 0,4 mètres par seconde ⎯ ce

qui signifie que l’eau bouge à peine 78. Ces données, les seules relev ées sur le terrain, demeurent

incontestées.

25. En résumé, il n’existe pas le moindre élément tendant à prouver que le nettoyage du

caño, qui a pris fin le mois dernier, risque de causer un préjudice au Costa Rica, et encore moins un

préjudice irréparable.

26. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi se termine mon exposé

d’aujourd’hui. Je vous remercie pour votre aimable attention et vous prie de bien vouloir appeler à

la barre M. Pellet.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, MonsieurPa ulReichler, de votre exposé. J’appelle

maintenant à la barre M. Alain Pellet.

Mr. PELLET: Thank you very much, Mr. President.

THE NEW PROVISIONAL MEASURES REQUESTED BY COSTA RICA

1. Mr.President, Members of the Court, in the first round of Costa Rica’s pleadings,

Professor Crawford, with some insistence, put the following question:

“Can State A resist provisional measures, after taking unilateral action on

territory occupied under claim of right by State B for many years ⎯ territory never
previously claimed by State A ⎯ on the ground that State B, if it is correct in its claim
79
to title, will eventually get its territory back plus damages?”

76 o
Doc.n 18: rapport des experts néerlandais, p.4 («dansl’EIE, on a calculé que le projet de dragage proposé
diminuerait le débit du fleuve Colorado de moins de 5%… La conclusion EIE était correcte et…,selon des
estimations conservatrices, le projet de dragage proposé est susceptible de réduire au plus de vingtmètrescubes par
seconde le débit du Colorado (ce qui est de l’or dre de 1 400 à 700 mètres cubes par seconde)» [traduction établie par le

Nicaragua]).
77Etude costa-ricienne des débits, p. 5.

78Doc.n 17 : déclarations de M. Quintero Gomez, par. 1-2; voir également CR2011/2, p.33, par.9 et p.45,
par. 40 (Reichler).

7CR 2011/1, 11 Jan. 2011, p. 53, para. 2 (twice) and p. 72, para. 54 (Crawford). - 21 -

Objection Your Honour! This is a leading question ⎯ that is, “one that suggests the desired

80
answer or assumes the existence of a disputed fact” (“misleading” might be more accurate . . .).

2. With respect, or rather, with all due respect, Mr. President, as it would be unseemly for me

to continue pleading in English in this forum with its excellent interpreters, this question is poorly

formulated and calls for no reply. But it is a good reflection of the requests formulated initially by

Nicaragua, which, like the “Crawford question”, we re the product of the Coué method, or wishful

thinking. More colloquially, as I said during the first round 8, it puts the cart before the horse. The
25

real question, an open and candid one, is quite diffe rent, namely whether, when a territory is in

dispute between two States, one of them, thr ough a request for the indication of provisional

measures, can secure a condemnation ⎯ albeit a provisional one ⎯ by the Court of the activities

conducted by the other State in the disputed area, in advance of a later Court ruling on sovereignty

over the territory concerned. Costa Rica appears to have finally realized this, as is shown by the

final submissions read out by its Agent at the end of yesterday’s hearing.

3. In the first round of pleadings by the A pplicant, ProfessorCrawford laid much stress on

82
his question ⎯ which he had read out no fewer than three times . In fact, he was seeking to

convince you to decide in favour of Costa Rica’s submissions on the merits, even before the case

had been argued. In so doing, the Applicant hoped to induce the Court to indicate provisional

measures on the basis of the assumption (for at this stage, it is only an assumption) that the “border

area” in which the activities of which the Applicant accuses Nicaragua took place come under

Costa Rican sovereignty.

4. The measures which Costa Rica asked you to decide, as set out at the end of its Request

for the indication of provisional measures, were distorted, in the same way as “the Crawford

question”, since they too assumed that Nicaragua had invaded a Costa Rican territory, which it was

occupying and in which it was engaging in activities that were consequently unlawful.

5. As I showed on Monday, such an approach at the provisional measures stage would have

been totally unacceptable (I say “would have been” because that is no longer what Costa Rica is

8Blackstone Society, Trial Advocacy Guide (http://www.blackstone.asn.au/).
81
CR 2011/2, 11 Jan. 2011, p. 65, para. 35 (Pellet).
8See footnote 1 above. - 22 -

requesting). In order to accede to the Appli cant’s request, you would have had to admit its

assumption, namely that the disputed activities are being conducted by Nicaragua “in Costa Rican

territory”. But this cannot be affirmed by the Applicant as a revealed truth: it has to demonstrate

that it is so. And it cannot provide that demonstr ation at the current stage of the proceedings, the

provisional measures stage; that will be one of the subjects of the main proceedings ⎯ when the
26
Parties argue over the merits of the case in the wake of full and unhurried adversarial hearings.

6. Our friends on the other side of the Bar sought initially to brush aside this preliminary

condition, which is both essential and embarrassing to them, by arguing the obvious.

7. To that end, they affirmed first of all th at there was some sort of parallel between, on the

one hand, the fumus boni juris requirement (which implies that the party requesting provisional

measures invokes at least plausible rights) and, on the other hand, the alleged obligation on the

respondent to demonstrate that the rights it relies on would be likely to be affected by the

indication of the measures requested 83. This requirement, which is not supported by the Court’s

case law, has in its favour only the very deceptive appearance of logic.

8. Indeed, the respondent State would thus be placed in a very difficult position. A request

for the indication of provisional measures is an incidental procedure which catches the respondent

State off guard and is conducted in a context of urgency: even though the urgency is sometimes

only relative, the Respondent has to defend itself without really knowing what it is accused of. The

Applicant has been able to develop its arguments and prepare its evidence; the Respondent, for its

part, knows of the charges against it only through an Application and a Request for the indication

of provisional measures of a few pages; and it is placed in a particularly difficult position when, as

in the present case, the Applicant seeks to submerge it (together with the Court itself!) under an

avalanche of documents submitted at the last minute, not counting the some 800pages of the

judges’ folder which Costa Rica inflicted on us last Tuesday. In fact, by proceeding in this manner,

the applicant State always pursues the same objective: to oblige the Court to rule on the merits of

its Application through a necessarily summary cons ideration of its Request for the indication of

provisional measures.

83
CR 2011/1, p. 52, para. 51 (Kohen). - 23 -

9. The other reason invoked by Costa Rica in an attempt to persuade you to condone its basic

assumption (Costa Rican ownership of the area in which the activities at issue took place) was that

the case that concerns us today is not a territorial or frontier dispute 84 (your case law convincingly

27 85
establishes the fact that there is no need to make a distinction in most cases) .

10. It is true that the Applicant has not directly seised you of a dispute of this type. And the

title you have selected for this case clearly reflects the avowed objective of its Application: this is

a dispute concerning “certain activities carried out by Nicaragua in the border area”. But that

leaves entirely open the question whether or not those activities are lawful. And this title ⎯ which,

contrary to ProfessorCrawford’s leading or misleading question, is without bias ⎯ also implies

that the lawfulness of those activities can be a ssessed only on the basis of the location of the

boundary. Such location is not the subject of th e dispute but its determination is nevertheless a

necessary precondition for its settlement ⎯ one among others, as it seems clear to me that, on the

merits, you will also be required to answer ot her questions; but it is a necessary preliminary

problem. And it is also an unavoidable one at the provisional measures stage.

11. The refusal to acknowledge this obvious f act was so clearly ill-founded that the final

revised submissions of the Applicant starkly confirm that the question posed by

Professor Crawford was not the right one.

12. Indeed, Mr. President, the Costa Rican Party, no doubt realizing its blunder, is attempting

a last-minute detour, modifying in extremis its submissions so as to “gloss over” the “territorial”

aspect of its requests. It no longer asks you to order “the immediate and unconditional withdrawal

86
of all Nicaraguan troops from the unlawfully invaded and occupied Costa Rican territories ” , it

merely asks you to decide that Nicaragua must c ease to station troops or other personnel in the

disputed area ⎯ thereby abandoning, very reasonably, any reference to invasion and occupation. It

no longer asks you to order the “immediate cessation of the construction of a canal across

Costa Rican territory”, the “cessation of the felling of tr ees, removal of vegetation and soil from

84
CR 2011/1, p.16, para.4; p. 18, para. 7 (Ugalde); p.37, para.4, and p.38 , para.7 (Kohen); p.66, para.38
(Crawford).
85Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment, I.C.J. Reports 1978 , p.35, para.84Frontier

Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p.563, para.17; Territorial Dispute (Libyan
Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 38, para. 75.
86Request for the indication of provisional measures, para. 19.1; emphasis added. - 24 -

28 Costa Rican territory” or “the dumping of sediment in Costa Rican territory ”, or again the

“ongoing dredging programme, aimed [by Nicaragua] at the occupation [and] flooding . . . of Costa

87
Rican territory” . It is now careful not to prejudge, in its requests, the ownership of the territory

on which it asks you to rule ⎯ since you rule when you indicate provisional measures ⎯ that

Nicaragua must not construct or enlarge a canal, fell trees, remove vegetation or dump sediment.

And it defines the territory in question more neut rally as “the area comprising the entirety of Isla

Portillos, that is to say, across the right bank of the San Juan River and between the banks of the

88
Laguna Los Portillos (also known as Harbor Head Lagoon) and the Taura River” .

13. In Nicaragua’s opinion, Mr. President, these changes are not at all “cosmetic”: by giving

up its assertion that the disputed territory belongs to Costa Rica, the Appli cant by the same token

recognizes that the case it has submitted to the Cour t is based on a territorial dispute; and this

contradicts its insistent allegations on Tuesday 89, which are only very feebly echoed in its

90
arguments of yesterday. What a difference a day makes, 24 hours later .

14. This abandonment has two basic consequences.

15. First of all, the “Crawford question” is no longer being asked ⎯ assuming that it was

ever asked: Costa Rica has simultaneously withdrawn both the question and the answer.

Reasoning along those lines amounted to asking the Cour t to rule in advance that the border area

where the disputed activities of Nicaragua had taken place belonged to Costa Rica. This attempt by

the Applicant to have the Court make an advance ruling in favour of its submissions on the merits

91
has failed, or, as a former President of the French Republic would have said, “ elle a fait pschitt” .

And in any case, once the Applicant finally acknowl edges the obvious fact that the territory on

which the activities at issue took place is disputed territory, it is no longer clear how the Court

could order only Nicaragua to take measures that would not apply equally to Costa Rica.

87
Ibid.; emphasis added.
88
Submissions of Costa Rica, read out in French by th e Agent of Costa Rica at the hearing of 12Jan.2011
(CR 2011/3, p. 38, para. 16).
8See above, footnote 84.

9See, in particular, CR 2011/3, p. 22, paras. 7-8, “The absence of a territorial dispute” (Crawford).

9Jacques Chirac, speech of 2Jul2y001; http ://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-
divers/video/1756263001009/interview-jacques-chirac-billets-d-avion.fr.huml. - 25 -

29 16. In fact, however, we must go further, as it is no longer at all clear what the Court could

decide:

⎯ the stationing of troops? The new wording of this submission implies that Costa Rica has

realized that it would be difficult to prevent all patrols in the disputed area, which would

amount to creating a zone of impunity for drug d ealers and other criminals; on the other hand,

the Agent of Nicaragua has said 92, and will say again, that no troops are stationed in the

territory thus defined;

⎯ construction or enlargement of a canal? There has never been any such activity ⎯ as was

shown by Professor McCaffrey a little while ago; and, let me repeat 93, there can be no further

question of this in the near future; if a can al were to be dug one day (in accordance with

Nicaragua’s right under ArticleVIII of the 1858Treaty and point10 of the Cleveland

94
Award ), that would only be a very distant prospect;

⎯ the felling of trees and dumping of sediment in this area? As we have said and repeated 95, the

cleaning up and clearing of the caño are finished and it was only in this connection that the

question arose.

17. However, Mr.President, it may be worth recalling that when, during a hearing of the

august Court, the agent of a party declares that th e State which he represents intends not to engage

in certain acts of which it is suspected, the C ourt relies on those assurances and, when they are

given in the context of proceedings on the indi cation of provisional measures, it refrains from

ordering the measures requested 96. Ambassador ArgüelloGómez gave such assurances and,

although I am not a mind reader, I believe that he intends to repeat them a little later. There is

30 therefore, in any case, no justification for the Court to indicate the provisional measures requested

by the Applicant; we would so much have liked the Agent of Costa Rica to be equally reassuring.

92
CR 2011/2, p. 13, para. 28 (Argüello Gómez).
93
CR 2011/2, p. 54, para. 10 (Pellet); see also above, paras. 4-9 (McCaffrey).
94Cleveland Award, rendered on 22Mar.1888 in Washington, upon the validity of the Treaty of Limits of 1858
between Costa Rica and Nicaragua, RIAA, Vol.XXVIII, p.210, point6 (attac hment2 to the Application instituting
proceedings, 18 Oct. 2010).

95CR 2011/2, p. 16, para. 36 (Argüello Gómez).

96See, for example: Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of
13 July 2006, I.C.J. Reports 2006, p.134, paras.83-84 or Questions relating to the obligat ion to prosecute or extradite
(Belgium v. Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, para. 72. - 26 -

18. On the question of dredging, the situation is different. But before commenting on the

new wording of the Costa Rican request on this point, I think it necessary to make a small but ⎯ I

believe ⎯ useful clarification. In his presentation yesterday, Professor Crawford affirmed:

“Mr.President, there are two dredging projects, not one. Project one is the one described by the

97
EIS. Project two is the project that Mr. Eden Pastora is actually carrying out.” Put in such a way,

that is not correct. It is true (and Paul Reichler has explained this point very clearly) that there are

two projects: one, which is finished, consisted of cleaning up the caño; it involved no dredging

works (which in any case would have been technically impracticable). Only the second one, which

is under way, under the direction of Mr. Pastora, and which will extend over a number of years, is

an operation for the dredging of the last 42 km of the San Juan.

19. The new submission of Costa Rica concerning this operation refrains from attributing

sinister designs to Nicaragua and stands in contrast , at least in terms of its restrained wording, to

the one which appeared in Costa Rica’s Request of 18 November, in which it demanded:

“the suspension of Nicaragua’s ongoi ng dredging programme, aimed at the

occupation, flooding and damage of Costa Rican territory, as well as at the serious
damage to and impairment of the navigation of the Colorado River, giving full effect
to the Cleveland Award and pending the determination of the merits of this dispute” 9.

Costa Rica is now only asking the Court to or der Nicaragua to suspe nd “its ongoing dredging

programme in the River SanJuan adjacent to the relevant area” 99. That said, the dredging is a

reality, very much unlike the activities I referred to earlier, which are either not planned at all, or

are finished, and those that are finished were c onducted in a territory concerning which there is a

dispute over title between the two Parties. Nicarag ua intends neither to cease nor to suspend this

operation, which is being carried out exclusively on the San Juan, that is to say in a territory over

31 which Nicaraguan title is not disputed 100. Moreover, it is of vital importance for opening up the

economy of the region and developing ecologica l and sustainable tourism; conducting the

97
CR 2011/3, p. 25, para. 15 (Crawford).
98Request for the indication of provisional measures submitted by the Republic of Costa Rica, 18 Nov. 2010, p. 7,

para. 19, point 5.
99Submissions of Costa Rica, read out in French by the Agent of Costa Rica at the hearing of 12Jan.2011,
(CR 2011/3, p. 38, para. 17).

100See, in particular, CR 2011/1, p. 70, para. 49 (Crawford); CR 2011/3, p. 25, para. 13 (Crawford). - 27 -

operation solely on a portion of the river between the bifurcation of the Colorado and the town of

San Juan del Norte would make no sense.

20. That being the case, Members of the Court, there are several very good reasons why we

are convinced that you will refrain from ordering the suspension of the dredging requested by

Costa Rica:

(1) as Paul Reichler has again shown, this cannot gi ve rise to any tangible damage to the applicant

State, whether in terms of the navigability of the Colorado or the environment of the region

(which should even more likely be improved);

(2) in any event, to speak of ur gency is deceptive: even if the additional dredgers expected by

Mr. Pastora were to materialize, it will take some years before the situation existing at the end

of the nineteenth century is restored (if that is possible) and before ships of “commercially

viable” size can use the river;

(3) nevertheless, by requiring the suspension of these essential works, in an area which is moreover

indeterminate (what is meant by the area “adj acent to the relevant area”?), the Court order

expected by Costa Rica would inf lict undeniable damage on Nicaragua ⎯ with no positive

compensation for the Applicant; even Mr. Crawford admitted that the San Juan is affected by a

problem of sedimentation (concerning which he went so far as to invoke the ghost of

101
Nelson . . .), while attempting to play it down ;

(4) yesterday, the same counsel for Costa Rica took up point 3.6 of the Cleveland Award in order

to observe that the authorization given therei n for Nicaragua to undertake improvement works

was not unconditional 10; we do not dispute that at all, Mr.President, but that is not the

problem; if on Tuesday I laid stress on this utterly essential provision of the 1888 Award as far

as we are concerned, it was not in order to clai m for Nicaragua an unfettered right to undertake

32 any works on the San Juan, but in order to emphasize that the Cleveland Award expressly

envisaged the hypothetical situation in which such works would be illegal and would cause

damage to Costa Rica ⎯ and I cite the relevant passage:

101
CR 2011/33, pp. 30-31, paras. 32-33.
102
Ibid., pp. 34-35, paras. 52-56 (Crawford). - 28 -

“The Republic of Costa Rica has the right to demand indemnification for any

places belonging to her on the right bank of the River San Juan which may be
occupied without her consent, and for any lands on the same bank which may be
flooded or damaged in any other way in consequence of works of improvement.”

Highly significantly, my opponent and good friend ⎯ one, fortunately, does not preclude the

other! ⎯ cited the first part of point 3.6, but once again failed to cite the extract I have just read

out. But it is this passage which is relevant; first, because it shows that the Cleveland Award

expressly envisages the possibility of improvement works (and no one disputes that that is what

is involved) and the risk of damage 10, which rules out the possibility that the Request fulfils

the now famous condition of fumus boni juris; and secondly, because this provision states in

declaratory form that, if the risk in question were to be realized, the only possible remedy

would be indemnification. Such a decision coul d obviously only be taken by the Court in the

merits phase and, just as obviously, Costa Rica cannot seek to achieve through an order

indicating provisional measures that which it cannot obtain from your future judgment.

21. Concerning the third submission, asking yo u to order that Nicaragua shall refrain from

any other action which might “prejudice the rights of Costa Rica, or... aggravate or extend the

dispute before the Court”, I have little to add to what I said on Tuesday about the corresponding

submission set out in the Request of 18 Novemb er, and which was worded identically: such a

Request for a measure of non-aggravation does not and cannot have any separate status in relation

to the other measures 104. If, Members of the Court, you do not order the latter measures, as

Nicaragua is convinced will be the case, you will also not order the former. And if, by virtue of the

impossible, you were to decide, despite your no w well-established jurisprudence and the serious

grounds of justification, to accede to the latter re quest of Costa Rica, there would of course be no

reason for you to address this directive only to the respondent State: Article41 of your Statute
33
makes it your duty to preserve the respective rights of the parties, not those of the Applicant only,

and we know that you will not forget this. Once again, however, this request is not justified and the

acceptance thereof, even if the same measure we re indicated in respect of both Costa Rica and

Nicaragua, could only encourage parties to future cases before the Court to submit requests for the

103
See CR 2011/3, p. 31, paras. 34-35 (Crawford).
104
See CR 2011/2, pp. 56-57, para. 14 and p. 61, para. 24 (Pellet). - 29 -

indication of provisional measures in the hope of securing an artificial victory which they could use

to benefit their domestic public standing. I am not sure that that would send out a very good signal.

22. Mr.President, at the beginning of my presentation in the first round, I indicated that in

105
my view the proceedings brought by Costa Rica were superfluous . My friends on the other side

of the Bar claimed to be offended by this 10. By amending its submission, the applicant State has

restored the case to its proper dimensions, those of a territorial dispute relating to title over two and

a half square kilometres of inhospitable swamplan d, the determination of which is the necessary

precondition for any decision on the merits to be ta ken by the Court in the partial case of which it

has been seised by Nicaragua. By the same token, this highlights the artificial and rather futile

nature of the provisional measures requested of th e Court: they are purposeless and could only be

devoid of any effect.

Members of the Court, I thank you for your patience and your attention, and I ask you,

Mr. President, to be so kind as to call the Agent of the Republic of Nicaragua to the Bar.

Le PRESIDENT : Je remercie MP .ellet de son exposé. J’invite à présent,

S. Exc. M. l’ambassadeur Carlos José Argüello-Gomez, à prendre la parole.

M. ARGÜELLO :

1. Monsieur le président, Mesdames et M essieurs de la Cour, le distingué agent du

Costa Rica a ouvert hier sa déclaration finale en affirmant que l’agent du Nicaragua avait «manqué

à la vérité», insinuant que je n’aurais pas dit la vérité lorsque j’affirmais, dans mon premier exposé,

que

34 «quelques mots suffir[aie]nt pour vous expo ser la suite d’événements qui a[vait]
conduit les Parties à se présenter à nouveau devant la Cour. C’[était] la répétition de

ce qui se produi[sai]t depuis près de deux siècles: chaque fois que le Nicaragua
tent[ait] de faire un usage important du San Juan, le Costa Rica y trouv[ait] matière à
litige.»

105
CR 2011/2, p. 51, para. 1 (Pellet).
106
CR 2011/3, p. 21, para. 1 (Crawford). - 30 -

2. Je ne me lancerai pas dans un débat sur l es raisons historiques à l’origine des différends

entre le Nicaragua et le CostaRica. Dans le dossier de plaidoiries, vous trouverez un exemplaire

d’un article publié dans le New York Times le 3avril1898, c’est-à-dire à l’époque où le

général Alexander était au Nicaragua. Le titre de l’article lui-même est intéressant, non seulement

aux fins de l’affaire portée aujourd’hui devant la Cour, mais également pour expliquer la demande

d’intervention du CostaRica dans l’affaire Nicaragua c.Colombie qui est également pendante

devant la Cour.

3. Le titre de l’article est le suivant: «Proje t de mainmise sur le Nicaragua; la Colombie

soutiendrait le Costa Rica contre l’autre Etat sud- américain ; projet visant à prendre le contrôle du

canal» ⎯je cite toujours ce qui apparaît à l’écran [CAG1] ⎯et ceci est extrait d’un article du

New York Times publié il y a de cela cent dix ans.

«Sans chercher à présent à démêler cette question complexe, qui remonte à
l’époque coloniale, on peut dire que, si le Costa Rica peut avoir de très bonnes raisons
de pousser le Nicaragua dans une guerre à outrance au lieu de s’en remettre à la
méthode plus moderne et plus humaine de l’arbitrage, le Nicaragua estime pour sa part

qu’il doit monter au front et lutter pour sa survie.

En bref, la situation est la suivante: le CostaRica tente depuis fort longtemps
mais en vain de faire valoir des prétentions territoriales qui lui donneraient droit à une

part importante d’un éventuel canal reliant l’Atlantique au Pacifique à travers le
territoire de l’Amériquecentrale dont la construction pourrait être envisagée, ainsi
qu’au contrôle de celui-ci. Toutefois, tant qu’un tel canal n’était que pure spéculation,
le CostaRica n’avait pas de raison de fair e valoir sa prétention. Apparemment, la

Colombie allait avoir le monopole du cours d’ eau et, à défaut de canal, il ne servait à
rien de faire valoir la question territoriale.»

4. Le Costa Rica a tenté de faire passer la revendication par le Nicaragua de ses droits sur la

zone de Harbor Head pour une prét ention totalement inédite issue de l’imagination de M. Pastora.

Dans la précédente affaire portée devant la Cour par le CostaRica, les questions à trancher ne

portaient pas sur la souveraineté, mais unique ment sur les droits de navigation limités du

Costa Rica sur le fleuve. C’est pourquoi le Nicara gua n’a pas abordé ce sujet et s’est borné à faire

certaines réserves relatives à la situation à l’embouchure du San Juan. Mais ces réserves ne laissent

aucun doute sur le fait que le Nicaragua indiquait par là l’existence d’un différend dans cette zone. - 31 -

5. Ainsi, le Nicaragua a précisé dans s on contre-mémoire qu’il réservait ses droits de

manière générale sur toute questi on d’attribution du territoire au ni veau de la zone générale de

35 l’embouchure du fleuve SanJuan. Bien que cette réserve ait été faite par référence à un croquis

cartographique particulier, il s’agit d’une réserve gé nérale très claire sur la souveraineté territoriale

au niveau de l’embouchure du fleuve 10.

6. Le Nicaragua formula une autre réserve tr ès importante sur des questions relatives à la

souveraineté au niveau de l’embouchure du fleuve lors des audiences tenues dans cette même

affaire. A cette occasion, l’agent du Nicaragua déclara ce qui suit :

«D’autres questions très importantes découlant du traité de1858 opposent
encore les Parties et concernent, par exemple, la situation des baies de San Juan et de
Salinas. Ces questions ayant été abord ées au cours des présentes audiences, le
108
Nicaragua souhaite consigner qu’il se réserve le droit de répondre à leur sujet.»

7. Puisque nous parlons de la précédente affaire, il convient de prendre note que le Nicaragua

nie avoir interdit aux ressortissants costa-riciens de naviguer sur le SanJuan, contrairement à ce

qu’affirme le CostaRica au point f) du paragraphe41 de sa requête. Hier, le distingué agent du

Costa Rica a soutenu que la réglementation adoptée par le Nicaragua en matière de navigation sur

le SanJuan violait les droits du CostaRica et qu’elle était en outre contraire à l’arrêt du

13juillet2009. Cela est faux et le Nicaragua nie toute violation des droits du CostaRica.

Puisqu’il s’agit d’une question de fond, le Ni caragua répondra simplement à ce stade que le

Costa Rica tente également de rouvrir l’affaire précédente.

8. Monsieur le président, plusieurs des comparaisons auxquelles s’est livré le CostaRica

dénaturent les questions dont est aujourd’hui saisie la Cour. La situation actuelle a été présentée

comme assimilable à celle à laquelle était confr onté le Nicaragua dans les années1980, lorsqu’il

saisit la Cour d’une demande en indication de m esures conservatoires pour faire cesser les attaques

militaires et paramilitaires dont il était la cible. M. Kohen, par exemple, a déclaré :

107Le croquis cartographique n 5 du mémoire du CostaRica ne rend pas compte de l’attribution correcte de
territoire du Nicaragua et du CostaRica dans la zone génrale de l’embouchure du fleuve SanJuan. Le Nicaragua

réserve dès lors d’une manière générale ses droits concernant ces questions. (Contre-mémoire du Nicaragua, p. 9, note de
bas de page 14.)
108CR 2009/4, par. 35, 5 mars 2009. - 32 -

«A l’époque, le Nicaragua invoquait que les Etats-Unis d’Amérique ne
respectaient pas sa souveraineté et son intégr ité territoriale par l’intermédiaire d’une
armée de mercenaires 10. Dans la situation actuelle, le Nicaragua a stationné sa propre

armée en territoire costa-ricien et y a entrepri s110s actions de dévastation forestière et
de tentative de déviation du fleuve San Juan.»

36 9. La référence à une affaire dans laquelle des milliers de personnes ont péri et de

nombreuses autres ont vu leur vie menacée, qui a entraîné la destruction de pans entiers de

l’économie du Nicaragua et dévasté son infrastructur e, et dans laquelle il n’y avait pas la moindre

revendication de souveraineté territoriale en jeu, est totalement déplacée.

10. L’intervention de M.Crawfo rd l’est encore plus lorsqu’il met sur un pied d’égalité la

situation actuelle et l’invasion de la Tchécoslovaquie 111. La comparaison entre un différend portant

sur un petit marécage inhabité et l’invasion de la Tchécoslovaquie est totalement déplacée et fait

bien peu de cas de la tragédie vécue par les Tc hèques et les Slovaques sous le joug nazi. Quant à

tenter de mettre la Cour dans la position de NevilleChamberlain… je laisse la Cour en juger.

Puisqu’il est difficile de croire que le distingué professeur ait pu sérieusement vouloir dire cela, je

dois supposer que ce parallèle est de la même vein e que celui qui a été fait entre l’abattage d’un

arbre et la destruction de la Cour.

11. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il semblerait que le

Costa Rica fasse une fixation sur M. Pastora. J’ai rapidement calculé que son nom a été mentionné

hier au moins trente-six fois par le conseil du Costa Rica. Mais ce n’est pas la première fois que le

nom de M.Pastora est cité devant la Cour. Il y a vingt-cinqans, le Nicaragua a engagé une

procédure contre le CostaRica parce que celui-ci collaborait avec les forces contras qui

l’attaquaient depuis le territoire costa-ricien. Le Costa Rica accordait l’essentiel de son soutien et

de son assistance aux forces contras organisées et dirigées par M.Pastora. Si cela l’intéresse, la

Cour pourra vérifier que le nom de M. Pastora est cité quarante-huit fois dans le mémoire présenté

par le Nicaragua dans cette affaire. Alors que, vingt-cinq ans auparavant, le CostaRica incitait

M. Pastora à attaquer le Nicaragua, il l’accuse aujourd’hui d’activités criminelles et a formulé à son

encontre des accusations devant les tribunaux cost a-riciens parce que M.Pastora est désormais

109Activités militaires et param ilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (N icaragua c.Etats-Unis d’Amérique),
mesures conservatoires, ordonnance du 10 mai 1984, C.I.J. Recueil 1984, p. 180, par. 28.
110
CR 2011/1, par. 29.
111CR 2011/1, par. 54. - 33 -

rentré au Nicaragua et qu’il aide son pays à recouvrer son trésor, le fleuve San Juan. En intentant

des procédures pénales injustes contre M. Pastora, le Costa Rica ne fait qu’envenimer un peu plus

la situation.

12. Le Costa Rica a mis en doute les déclarati ons des officiers nicaraguayens attestant qu’ils

patrouillaient régulièrement dans le secteur de Harbor Head et y assureraient le maintien de la paix.

Comme on peut le constater sur la carte de la z one générale projetée à l’écran [CAG 2], le secteur

de HarborHead n’est qu’à quelques minutes en bate au et le fait qu’ils aient patrouillé dans cette

zone relève tout simplement du bon sens, et il doit continuer à en être ainsi. Comme vous le voyez

à l’écran, la ville de SanJuan de Nicaragua, an ciennement SanJuandelNorte ou Greytown, se

situe à moins de trois kilomètres de la zone en litig e, de sorte que si le Nicaragua n’y effectuait pas

37
de patrouilles, la zone de Harbor Head serait deve nue la nouvelle île des tortues, repaire de tous les

criminels et narcotrafiquants des Caraïbes. Pour sa part, le CostaRica n’a pas osé prétendre que

ses forces patrouillaient la zone ou qu’elles y mainte naient la paix. En fait, elles n’y sont pas

présentes et leur poste le plus proche est situé à quarante kilomètres du point de formation du delta

du San Juan.

13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, dans sa demande en

indication de mesures conservatoires initiale, le CostaRica appelait au «retrait immédiat et

inconditionnel de toutes les forces nicaraguayennes».

14. Dans ses nouvelles conclusions finales, le Costa Rica demande à la Cour d’ordonner les

mesures suivantes :

«dans la zone comprenant l’entièreté de Isla Portillos, c’est-à-dire, à la rive droite du

fleuve SanJuan et entre les rives de la lagune Los Portillos (Lagon Harbour Head) et
de la rivièreTaura («la zone pertinen te»), le Nicaragua doit s’abstenir de:
1)stationner ses troupes armées ou autres agents; 2)construire ou élargir un canal;
3)procéder à l’abattage d’arbres ou à l’ enlèvement de végétation ou de terre;

4) déverser des sédiments.»

15. Dans ma première intervention, j’ai indiqué qu’

«[i]l n’y a[vait] pas actuellement de forces armées dans le marécage [, qu’i]l n’y
a[vait] pas de poste militaire permanent da ns cette zone [et que l]es patrouilles y
[étaient] faites, aujourd’hui comme depuis toujours, par bateau, le long des eaux du
fleuve qui sont sans conteste nicaraguayennes.» - 34 -

Je peux encore ajouter à cela que le Nicaragua n’a aucune intention de stationner des troupes

ou quelque personnel que ce soit dans les terres marécageuses qu’il appelle la zone de Harbor Head

et que le Costa Rica désigne sous d’autres noms.

16. La deuxième demande du CostaRica tend à obtenir «[la] cessation immédiate du

percement d’un canal en territoire costa-ricien». Or aucun percement de canal n’est en cours ou

prévu dans cette zone. Ce qui était en cours ⎯ et qui est désormais achevé ⎯, c’est le nettoyage

du chenal principal reliant le San Juan lui-même à Harbor Head.

17. La troisième demande du CostaRica vi se à obtenir «[la] cessation immédiate de

l’abattage d’arbres, de l’enlèvement de végé tation et des travaux d’excavation en territoire

costa-ricien, notamment dans les zones humides et les forêts». Cette demande concerne les

opérations effectuées dans le cadre du nettoyage du chenal; celles-ci étant achevées, le même

raisonnement peut s’appliquer.

18. La quatrième demande tend à obtenir «[la] cessation immédiate du déversement de

sédiments en territoire costa-ricien». Dans la mesure où ce prétendu déversement renvoie aux

opérations effectuées dans le cadre du nettoyage du chenal, il a désormais cessé.

38 19. En présentant cette nouvelle demande tendant à ce que la Cour ordonne ces nouvelles

mesures conservatoires, le CostaRica reconnaît la véracité des allégations formulées par le

Nicaragua dans son premier exposé, à savoir que ces activités ne sont pas en cours. Acet égard,

cette nouvelle demande de mesures conservatoires, re formulées, n’est pas pertinente et devrait être

rejetée par la Cour. Cela revient en fait à dema nder à la Cour d’ordonner au Nicaragua de ne pas

faire quelque chose qu’il ne fait pas et qu’il a affirmé à la Cour qu’il ne ferait pas.

20. La cinquième demande initiale du Costa Rica était formulée comme suit :

«suspension, par le Nicaragua, du programme de dragage en cours, mis en Œuvre par
celui-ci en vue d’occuper et d’inonder le territoire costa-ricien et de causer des

dommages à celui-ci ainsi qu’en vue de porter un lourd préjudice à la navigation sur le
Colorado ou de la perturber gravement, suspension requise pour donner plein effet à la
sentence Cleveland dans l’attente de la décision sur le fond du présent différend».

21. Dans sa nouvelle demande, le CostaRica prie la Cour d’ordonner au Nicaragua de

«suspendre son programme de dragage du fleuve SanJuan dans la zone adjacente à la zone

pertinente». Cette demande ambiguë du CostaRica ne saurait être accueillie. Quelle partie du

San Juan est adjacente à la «zone pertinente» ? L’ embouchure du fleuve ? A partir de quel point ? - 35 -

Toute la zone du fleuve à partir du point où le Colorado et le SanJuan bifurquent? Mais plus

important que cette ambiguïté est le fait que l’on ne saurait raisonnablement admettre que le

Nicaragua puisse draguer le fleuve, mais pas entiè rement. Comment peut-on procéder au dragage

d’un fleuve s’il est en partie bouché ou obstrué ? Si son embouchure doit rester obstruée, les

opérations de dragage en amont du fleuve n’ont aucun sens, à moins que le Costa Rica estime qu’il

faudrait ériger un barrage à l’embouchure du fleu ve. Le Nicaragua accepte la reconnaissance

implicite par le Costa Rica du fait qu’il peut pour suivre son programme de dragage du fleuve, mais

il ne peut admettre la limite que le CostaRica demande d’imposer aux opérations de dragage sur

une partie du fleuve. Soit le Nicaragua a le droit de draguer le fleuve, soit il ne l’a pas.

22. La dernière demande du Costa Rica, tendant à ce que la Cour ordonne «au Nicaragua de

s’abstenir de toute autre action qui soit de nature à porter préjudice aux droits du Costa Rica ou à

aggraver ou étendre le différend porté devant la Cour», demeure inchangée. Comme l’a expliqué

M.Pellet, cette demande n’est pas pertinente et il convient de ne pas y faire droit. En fait, cette

demande revient à demander à la Cour d’ordonner quelque chose pour que la Partie qui la formule

ne reparte pas les mains vides. En y faisant dr oit, la Cour inciterait les Etats à invoquer ses

procédures d’urgence pour des griefs mineurs, réels ou imaginaires.

23. Si la Cour devait considérer qu’il est n écessaire d’ordonner ce type de mesure, il serait

alors logique et juste qu’elle s’applique aux deux Etats.

24. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, le Nicaragua n’a nul besoin
39

d’encouragement pour protéger les richesses uniqu es de son environnement, ycompris ses zones

humides à l’embouchure du fleuve SanJuan. Bien que le Nicaragua soulève des objections au

rapport de la mission consultative RAMSAR et à la manière dont il a été élaboré, notre ministre de

l’environnement, MmeJuanaArgeñal, qui fait par tie de notre délégation auprès de la Cour, se

rendra demain à Genève pour y rencontrer l es membres du secrétariat RAMSAR et renouveler

notre invitation afin qu’une mission consultative se rende au Nicaragua et nous apporte son soutien

technique pour protéger et préserver ces zones humides.

25. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le différend relatif à une zone

de deuxkilomètrescarrésetdemi à l’embouchure du fleuve pourrait aisément être résolu par la

négociation. Dans la procédure intentée par le Nicaragua contre le Honduras en vue de délimiter la - 36 -

frontière maritime (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer

des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras)) , parmi les questions importantes se posait celle du

changement de point de départ de la frontière située au niveau du thalweg de l’embouchure du

fleuve Coco à l’endroit où il se jetait dans la me r des Caraïbes. Ce point avait été déterminé avec

précision en1963 par une commission bilatérale co mposée de représenta nts nicaraguayens et

honduriens. Quarante ans plus tard, lorsque l’affaire fut portée devant la Cour, ce point n’était plus

situé à l’embouchure du fleuveCoco mais à envir on 1,5kilomètre à l’intéri eur des terres. Dans

cette affaire, après avoir fixé l’essentiel de la fr ontière maritime, la Cour décida que cette petite

partie de la frontière devait être laissée indéterm inée et qu’elle devait fair e l’objet de négociations

entre les Parties. LaCour déclara «que les Pa rties devr[aie]nt négocier de bonne foi en vue de

convenir du tracé de la ligne de délimitation de la partie de la mer territoriale située entre le point

terminal de la frontière terrestre établi par la sente nce arbitrale de 1906 et le point de départ de la

frontière maritime unique fixé par la Cour» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et

le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicar agua c.Honduras), arrêt, C.I.J.Recueil200 7

(vol. II), p. 763, par. 321, point 4)).

26. La petite zone en cause dans cette affaire était plus vaste que celle qui est aujourd’hui

contestée par le Costa Rica.

Monsieur le président, je vais maintenant présenter à la Cour les conclusions du Nicaragua :

40 C ONCLUSION FINALE

Conformément à l’article60 du Règlement de la Cour et vu la demande en indication de

mesures conservatoires introduite par la République du Costa Rica et ses plaidoiries, la République

du Nicaragua prie respectueusement la Cour,

Pour les motifs exposés à l’audience et pour tous autres motifs que la Cour pourrait retenir, de

rejeter la demande en indication de mesures conservatoires introduite par la République du

Costa Rica.

27. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, pour clore notre participation

à ce stade de la procédure, j’aimerais, au nom du Gouvernement de la République du Nicaragua,

vous remercier, Monsieur le président, ainsi que chacun de vous, Mesdames et Messieurs les juges, - 37 -

pour l’attention que vous avez bien voulu accorder à nos interventions. J’aimerais également

remercier Monsieur le greffier, ainsi que les fonctionnaires du Greffe, les interprètes et les

traducteurs.

28. Enfin, j’aimerais remercier publiquement les éminents conseils et conseillers et tous les

membres de notre délégation. Merci, Monsieur le président.

Le PRESIDENT : Je remercie S. Exc. M. l’ ambassadeur Carlos José Argüello Gómez, agent

du Nicaragua, de sa présentation.

Ainsi s’achève le second tour de plaidoiries de la République du Nicaragua sur la demande

en indication de mesures conservatoires présentée pa r la République du Costa Rica. Mais avant de

terminer, trois juges souhaitent pr endre la parole pour poser des questions à l’une des Parties.

Ils’agit des juges Simma, Bennouna et Greenwood. Je les appellerai dans cet ordre. Je donne

donc la parole à M. le juge Simma pour commencer.

Le juge SIMMA: Je vous remerc ie, Monsieur le président. J’ ai trois questions à poser au

Nicaragua.

1. Avant l’audience du 11 janvier 2011, le Nicaragua a-t-il jamais fait part, ou tenté de faire part,

au Costa Rica de sa prétention selon laquelle le cours de la frontière ne suivrait pas celui qui est

représenté sur toutes les cartes existantes (dont les cartes nicaraguayennes), mais «atteint le

fleuve proprement dit par le premier chenal rencontré» (première sentence Alexander1897),

cette clause étant interprétée comme se référant au «Caño Harbour Head» ?

41 2. Compte tenu des modifications physiques affectant la zone du delta du San Juan, déjà connues à

l’époque des sentences Cleveland et Alexander, pourquoi le Nicaragua n’a-t-il jamais, au cours

du siècle écoulé, tenté de négocier un nouveau tracé de la frontière, ou n’a-t-il au moins modifié

ses cartes ?

3. Le projet de dragage du San Juan concerne un environnement commun aux pays riverains. Dès

lors, pourquoi l’étude d’impact sur l’environnement réalisée par le Nicaragua à partir de 2006,

le permis de dragage délivré par le minist ère de l’environnement en décembre 2008 et la

décision étendant la portée de ce permis au dragage du «caño» n’ont ils jamais été

communiqués au Costa Rica ? - 38 -

Je vous remercie Monsieur le président.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur le juge Simma. Je me tourne à présent vers

M. le juge Bennouna.

Judge BENNOUNA: Thank you, Mr. President. Mr. President, I too have three questions to

put to Nicaragua. I think these questions should gi ve Nicaragua the opportunity, in its replies, to

clarify and expand upon certain points which it ha s raised during the proceedings. These three

questions are as follows:

1. Is Nicaragua currently carrying out works on the canal known as “First Caño”, including works

relating to the construction and enlargement of th at canal, the felling of trees, the removal of

vegetation or soil, and the dumping of sediment?

2. Is Nicaragua maintaining armed troops or other personnel on the portion of territory named

Isla Portillos?

3. Does Nicaragua undertake not to carry out such works and not to send its troops or other

personnel to Isla Portillos until the Court has delivered its judgment on the merits?

Thank you, Mr. President.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsie ur le juge Bennouna. J’invite à présent

M. le juge Greenwood à poser ses questions.

42 Le juge GREENWOOD: Je vous remercie, M onsieur le président. Je souhaite poser

deux questions au Nicaragua.

1. A quel moment le Nicaragua s’est-il forgé l’ opinion que ce qu’il appelle le «premier caño»

constituait la frontière entre lui et le Costa Rica en application de la première sentence

Alexander ?

2. Le Nicaragua a-t-il fait part au Costa Rica de cette opinion ? Dans l’affirmative, à quel moment

et de quelle façon ? - 39 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur le juge Greenwood. Le texte de ces questions

sera communiqué aux Parties dès que possible. La Partie à laquelle les questions sont posées est

priée de soumettre ses réponses par écrit avant le mardi 18 janvier 2011 à 18 heures.

Par ailleurs, l’article 72 du Règlement prévoit que toute répon se écrite faite par une partie à

une question qui lui a été posée conformément à l’article 61 ou tous moyens ou explications fournis

par une Partie conformément à l’article62 et reçu s par la Cour après la clôture de la procédure

orale sera communiquée à la Partie adverse, à qui la possibilité est offerte de présenter des

observations. En application de cette règle, cette possibilité est donc offerte à la Partie adverse, qui

a jusqu’au jeudi 20 janvier 2011, à 18 heures, pour présenter ses observations.

Voilà qui clôt cette série d’audiences. Il me reste à remercier les représentants des deux

Parties pour le concours qu’ils ont apporté à la Co ur en lui présentant leurs observations orales au

cours de ces quatre audiences. Conformément à la pr atique, je prierai les agents de bien vouloir

rester à la disposition de la Cour.

La Cour rendra son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires dès

que possible. Les agents des Parties seront avisés en temps utile de la date à laquelle elle en

donnera lecture en audience publique.

La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, la séance est levée.

L’audience est levée à 18 h 20.

___________

Document Long Title

Traduction

Links