Non-Corrigé Traduction
Uncorrected Translation
CR 2010/10 (traduction)
CR 2010/10 (translation)
Mercredi 15 septembre 2010 à 16 heures
Wednesday 15 September 2010 at 4 p.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit
aujourd’hui pour entendre le second tour de plaidoiri es de la Fédération de Russie. Comme je l’ai
annoncé hier, nous disposons d’un dé lai de deux heures pour cette a udience. Je vais donner la
parole au premier orateur plaidant en faveur de la Fédération de Russie. Avant cela, permettez-moi
de vous signaler que, étant donné le déla i imparti, nous ne ferons pas de pause ⎯ à moins bien
entendu que certaines circonstances n’en décident autrement ⎯ et c’est sur cette base que je
conduirai les débats cet après-midi.
J’appelle à la barre M. Samuel Wordsworth.
M. WORDSWORTH :
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’aborderai les questions dans
le même ordre que dans mon exposé de lundi, ce qui veut dire que je parlerai en premier lieu du
sens du terme «différend» selon l’article 22, en de uxième lieu, des principes juridiques généraux et
en troisième lieu, des documents sur lesquels la Géorgie s’appuie pour ét ablir l’existence d’un
différend.
2. Concernant le premier point, ce n’est pas faire de «l’exégèse à outrance» que de mettre
l’accent sur le libellé de l’article 22. Selon mon ami M. Crawford, ce qu’il faut, c’est faire preuve
d’un «sens des réalités», et il donne l’exemple de deux Etats, A, et B. Ce dernier prend des
mesures contre des villageois sur le territoire de l’Etat A, lequel, estimant qu’un différend relevant
de la CIEDR l’oppose à son puissant voisin, essaie en vain d’en négocier le règlement, et doit par la
suite prendre la décision de demander à la Cour d’indiquer des mesures conservatoires ou de saisir
le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), en vertu de l’article11 de la
CIEDR.
3. Mais la Géorgie a beau souhaiter que les c hoses soient différentes, l’exemple des Etats A
etB n’est pas une bonne analogie en l’espèce. Qu elle que soit l’interpré tation qu’on lui donne,
l’article 22 énonce les conditions préalables au règl ement pacifique des différends par la Cour. Si
l’on retrouve un peu le sens des réalités, la bonne analogie serait celle d’un EtatA qui a pris un
autre chemin et s’est fourvoyé. Cet Etat a r ecouru à l’emploi illicite de la force militaire pour
résoudre ses problèmes, ou, pour citer le commandant du contingent géorgien de la force commune - 3 -
de maintien de la paix, ⎯ sans vouloir, bien entendu, dévoiler l’identité de l’Etat A ⎯ , a lancé une
11 opération militaire «[qui a] pour objectif de restaurer l’ordre constitutionnel sur le territoire de
l’Ossétie du Sud 1». Puis, sans avoir jamais parlé de la CIEDR à l’Etat B, l’Etat A vient devant la
Cour, à qui il dit soudain qu’un différend l’oppose à l’Etat B depuis quinze ou vingt ans.
4. Dans ces circonstances, un aspect essentiel de la fonction judiciaire de la Cour sera
d’examiner de très près les conditions définies par la CIEDR pour la saisine de la Cour et de les
appliquer conformément à des principes d’interprétation bien établis. Et cet examen approfondi est
d’autant plus justifié que des Etats parties à la CIEDR n’ont jamais aupara vant saisi la Cour de
différends relevant de cette Conventi on dans le contexte d’un conflit armé 2, si l’on excepte bien
sûr, l’affaire Congo c.Rwanda, dans laquelle la CIEDR était l’ un des neuftraités invoqués
(Activités armées sur le territoire du Congo (Nouve lle requête:2002) (République démocratique
du Congo c. Rwanda), arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 6, par. 1).
5. J’en viens à présent à ce que M.Crawford a précisément dit sur la thèse de la Russie
concernant le sens du terme «différend» selon l’artic le 22. Je dois préciser que cette thèse n’a pas
été exposée pour la première fois lors de l’a udience de lundi, mais a été développée dans les
3
exceptions préliminaires de la Russie . M. Crawford ne s’y est pas trop attardé parce que, selon lui,
l’interprétation que fait la Russie est «totalemen t réfutée» par l’emploi du terme «question» à
l’article 13, dans lequel «différend» et «question» sont utilisés indifféremment.
6. Toutefois, avec tout le respect que je dois à mon éminent confrère, la thèse de la Russie ne
saurait être écartée aussi facilement. Le premier membre de la première phrase de l’article 13, sur
lequel M.Crawford a insisté, définit ce qui se passe «après [que la Commission a] étudié la
question sous tous ses aspects». «Question» est le terme attendu dans ce c ontexte. C’est bien une
«question» qui est soumise à la Commission, en a pplication des paragraphes 1 et 2 de l’article 11 :
c’est le nom formel de la communication sur la base de laquelle la Co mmission fait son rapport.
La Commission présente un rapport sur une question, de la même manière qu’une juridiction se
prononce sur une demande. Cela est encore plus clair quand on consulte les travaux préparatoires :
1Mission d’enquête internationale, vol I, par. 14 ; EPR, annexe 75.
2
Voir EPR par. 3.13.
3CR 2010/9, p. 34, par. 4 (Crawford), voir aussi EPR, par. 3.19 à 3.22. - 4 -
12 le terme initialement employé à l’article13 était «plainte», avant qu’on ne lui préfère «question»
4
compte tenu des modifications apportées à l’article 11, dont je vous ai parlé lundi .
7. Rien de ce que M. Crawford a dit n’enlève de la valeur au point principal, à savoir que les
Etats parties à la CIEDR ne considèrent évide mment pas «la question», telle qu’elle est exposée
dans la communication que l’Etat plaignant adresse au Comité en application du paragraphe1 de
l’article 11, comme un différend. Cette question do it faire l’objet d’un processus de cristallisation
en cinqétapes avant d’être considérée comme un di fférend. Ce n’est pas l’interprétation de la
Russie uniquement, c’est aussi celle faite par le Comité dans la formul ation de son règlement
intérieur, au sujet de laquelle M. Crawford n’a rien eu à dire 5.
8. En ce qui concerne «l’interprétation pl us plausible» suggérée par M.Crawford, selon
laquelle les différents termes employés aux articles 11 et 12 ont été choisis de manière à permettre
au CERD de recevoir des communications des Etats parties à la Convention qu’ils soient ou non
engagés dans un différend sous-jacent ⎯ car, a –t-il précisé, le monde ne connaissait pas encore la
magie des obligations erga omnes ⎯ cette interprétation est netteme nt contredite par l’intention
6
des rédacteurs telle qu’elle est précisée dans les travaux préparatoires .
9. Il n’en reste pas moins que la Conven tion établit une distinction claire entre une
«question» non cristallisée et un «différend» à ses articles11 et 12, et opère une distinction
équivalente à son article 16, alor s que l’article 22 emploie uniquemen t le terme «différend». Nous
nous trouvons donc dans une situa tion dans laquelle un traité fait une distinction délibérée, dans
deux séries de dispositions, entre une «question» et une «plainte» d’une part, et un «différend»
d’autre part, mais lorsque l’on en vient à la troisième disposition pertinente, la clause
compromissoire, qui emploie uniquement le terme «différend», il est dit que ce terme peut être
interprété et appliqué comme s’il n’y avait aucune distinction.
10. L’article 22 peut bien sûr être interprété comme s’il était complètement isolé, comme s’il
ne faisait pas partie du seul traité relatif a ux droits de l’homme prévoyant une procédure de
4
CR 2010/8, p. 30, par. 10 (Wordsworth).
5 Ibid., p.30, par.9 (Wordsworth); Règlement intéri eur du Comité pour l’élimina tion de la discrimination
raciale, CERD/C/35/Rev.3.
6Voir par exemple, Assemblée générale, compte rendu analytique de la 1356 séance de la troisième commission,
M. Lamptey, p. 388, par. 12 (OEG, annexe 34). - 5 -
conciliation obligatoire qui opère une distinction claire entre les questions non cristallisées et les
différends, mais comme si, au contraire, il figurait, par exemple, dans un traité bilatéral d’amitié, de
commerce et de navigation qui ne contient pas les procédures et les distinctions que nous venons de
voir. Mais nous faisons valoir que cette approc he ne saurait être la bonne. Le renvoi que fait
M.Crawford aux dispositions ésotériques du traité sur les eaux de l’Indus ne change en rien la
question.
13 11. J’en viens à présent à notre thèse sur les pr incipes juridiques généraux, au sujet desquels
M. Reichler était ravi de citer un nombre de ques tions sur lesquelles les Parties s’accordent. Trois
observations.
12. En premier lieu, la Russie fait valoir que l es principes généraux ne s’appliquent pas. En
résumé, M.Reichler dit qu’ il suffit d’appliquer l’affaire Mavrommatis et tout est réglé. Mais la
o
définition donnée dans cette affaire ( Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n 2, 1924,
C.P.J.I. série A n o2), qui est essentielle à la thèse de la Géorgie sur l’existence d’un différend, a été
formulée par la Cour permanente dans une a ffaire où le traité en cause (le Mandat pour la
Palestine) ne contenait pas de procédures de cr istallisation et de conciliation analogues à celles
prévues par la CIEDR. Et même si, bien sûr, la Cour s’est souvent référée à Mavrommatis, elle l’a
fait dans le cadre d’affaires portées devant elle sur la base des déclarations facultatives prévues au
paragraphe2 de l’article36 7 du Statut ou des clauses compromissoires figurant dans des traités
8 9
bilatéraux ou multilatéraux qui ne présentaient pas les particul arités de la CIEDR que je viens de
souligner. La CIEDR est une lex specialis
13. En deuxième lieu, M. Reichler a insisté sur le fait que la Russie a reconnu, en application
de l’affaire Nicaragua, qu’en principe, comme je l’ai dit lundi, un Etat n’a pas pour obligation
absolue d’avoir précisé qu’un traité donné avait ét é violé pour pouvoir ensuite l’invoquer devant la
7Voir par exemple, Frontière terrestre et maritime entre le Ca meroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria),
exceptions préliminaires, a rrêt, C.I.J.Recueil199, p. 279, par. 1 ; Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1995, p. 92, par. 1.
8Activités militaires et paramilitaires Nicaragua et contre celui-ci (Nicar agua c.Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 395, par. 5.
9
Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien
de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 118, par. 1 ; Certains biens (Liechtenstein c.Alle magne), exceptions préliminaires, arrêt , C.I.J. Recueil 2005, p.10,
par. 1 - 6 -
Cour 1. Mais M.Reichler n’a pas répondu au cŒur de mon argument: je voulais souligner que
l’absence d’un grief précis dans le dossier ser a souvent interprétée comme une indication
importante de l’absence d’un différend, mais aussi que la conclusion logique à tirer du fait que la
Géorgie n’a pas dit au CERD qu’un différend l’oppo sait à la Russie, était que la Géorgie n’avait
pas de grief relevant de la CIEDR contre la Russi e. Au sujet de cette omission de la Géorgie,
M. Reichler n’a pas dit mot.
14. Troisièmement, M. Reichler accorde beaucoup de poids à la position de la Russie selon
laquelle l’existence d’un différend re latif à l’emploi de la force ou au respect du droit de la guerre
n’exclut pas la possibilité de l’ex istence d’un différend séparé et justic iable relevant de la CIEDR.
11
14 Il ne s’agit pas là d’une concession, tel qu’il a été suggéré . Le fait est que la présente affaire ne
comporte pas de différend isolé et justiciable de ce type. A cet égard, la Cour a maintes fois
indiqué qu’il lui appartenait de déterminer elle -même «quel [était] le véritable différend porté
devant elle» (Compétence en matière de pêcheries (Espagne c.Canada), compétence de la Cour,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 432, par. 31 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.France), arrêt,
12
C.I.J. Recueil 1974, p. 446, par. 30 ). Voici un point auquel la Géorgie est également sensible, et
elle a pris le soin dans ses observations écrites d’ affirmer que «la discrimination ethnique dont la
Géorgie tire grief n’était pas un événement para llèle ou périphérique au conflit plus général
opposant les deux Etats (ce que la Russie voudrait faire croire à la Cour), mais … en était un
élément central» (les italiques sont de nous). Permettez-moi de tester ceci d’une manière plutôt
évidente.
15. Dans son avis consultatif sur le Mur, la Cour a accordé une a ttention particulière aux
arguments présentés par Israël dans ses rapports adressés au Comité des droits de l’homme au sujet
de l’applicabilité du PIDCP en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ainsi qu’aux conclusions du
Comité sur ces arguments ( Conséquences juridiques de l’édific ation d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, avis c onsultatif du 9 juillet 2004 , C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 179, par. 110). La
10
CR 2010/8, p. 32 par. 17 (Wordsworth).
11CR/2010/9, p. 29, par. 47 (Reichler).
12Voir aussi Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe63 de l’arrêt rendu par la Cour le
20décembre1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.France)(Nouvelle-Zélande c.France) ,
ordonnance du 22 septembre 1995, C.I.J. Recueil 1995, p. 304, par. 55 - 7 -
Cour s’est également intéressée de près aux rapports présentés par Israël au comité des droits
économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’aux vues de ce comité ( ibid., p. 180, par. 112). Dans le
même ordre d’idées, elle a, dans l’affaire du Génocide, précisé qu’«elle d[evai]t en principe
admettre comme hautement convaincantes les conc lusions de fait pertinentes auxquelles [était]
parvenu le Tribunal» (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine cS .erbie-et- Monténégro), arrêt, C.I.JR . ecueil007, p1.34,
par. 223) 13.
16. La Cour a donc tout naturellement attribué un poids particulier aux vues exprimées par le
Comité des droits de l’homme des Nations Unies ou certaines juridictions internationales ayant un
intérêt direct dans des questions dont elle avait à connaître. De la même manière, alors qu’il s’agit,
en la présente espèce, de déterminer l’existen ce d’un différend, il convient d’attacher une
15 importance particulière à la position du CERD. Je re lève d’ailleurs que l’agent de la Géorgie s’est,
dans l’exposé liminaire qu’il a présenté hier, expressément référé aux conclusions du CERD,
appelant l’attention sur les observations fi nales que celui-ci a adoptées en 2001, 2005 et 2007 14.
Permettez-moi d’examiner successive ment ces conclusions ainsi que les rapports pertinents de la
Géorgie :
a) Dans le premier rapport qu’elle a présenté au Comité au mois de mai 2000, la Géorgie a indiqué
qu’elle
o
[Projection n 1]
«[c]ondamn[ait] sans réserve toute politique , idéologie ou pratique de nature à
favoriser la haine raciale ou toute forme «d’épuration ethnique», comme cela est
arrivé dans la partie abkhaze de la Géorgie à la suite du conflit armé de 1992-1993, au
cours duquel des centaines de milliers de personnes déplacées, pour la plupart des
femmes, des personnes âgées et des enfants, ont perdu leurs maisons et leurs moyens
d’existence, devenant des exilés dans leur propre pays. Tel fut le résultat de la
politique appliquée par les autorités de la prétendue «République d’Abkhazie», qui
avait pour but de chasser de la région les Géorgiens ⎯et, dans beaucoup de cas, les
membres de plusieurs autres nationalités.» 15
13
Voir également la déclaration faite à la presse le 26 février 2007 par Mme Higgins, dans laquelle le président
de la Cour a souligné que celle-ci avait «été considérableme nt aidé[e] par les conclusions formulées sur les faits par le
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) dans le cadre de procédures concernant des individus».
14
CR 2010/9, p. 10, par. 3 (Burjaliani).
15OEG, annexe 64, par. 55 ; les italiques sont de nous. - 8 -
16
b) Cette question a ensuite été spécifiquement examinée par le Comité les 15 et 16mars 2001 .
Différents points ont été soulevés par le rapporte ur par pays, sans que rien ne donne à penser
que la Russie était responsable d’une quelconque forme de discrimination raciale, que ce soit
par un nettoyage ethnique en Abkhazie, une discrimination à l’encontre des personnes
déplacées ou de toute autre manière. Pourtant, le représentant de la Géorgie a bel et bien
mentionné la violence ethnique et politique dont l’Abkhazie a été le théâtre en1992 et 1993,
précisant que :
o
[Projection n 2]
«Les efforts de la communauté interna tionale n'ont pas permis de résoudre le
conflit et de graves violations des droits de l'homme continuent à être commises pour
des motifs ethniques. Le Gouvernement mène actuelle ment des négociations de haut
niveau avec l'organisation séparatiste responsable de ces troubles pour parvenir à un 17
accord, et la question du respect des droits de l'homme figure au cŒur des débats.»
c) Dans ses conclusions, le Comité a indiqué ce qui suit :
o
[Projection n 3]
«les situations en Ossétie du Sud et en Abkhazie ont entraîné une discrimination à
l’encontre de personnes d’origines ethni ques différentes, notamment d’un grand
nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de réfugiés. A
16 maintes reprises, l’attention a été appelée sur le fait que les autorités abkhazes font
obstruction au retour librement consenti des populations déplacées.» 18
d) J’en viens maintenant aux deuxième et troisi ème rapports périodiques, qui ont été déposés en
octobre 2004 (annexe 70) et examinés par le Comité en août 2005 (annexe 72). Le représentant
de la Géorgie a déclaré que
[Projection n 4]
«[s]on gouvernement s’était montré profondéme nt préoccupé par les infractions aux
droits de l’homme des citoyens géorgiens dans le district de Gali en Abkhazie et avait
demandé l’établissement d’un bureau des Na tions Unies pour la protection des droits
de l’homme dans la ville de Gali afin de s uperviser la situation. La situation des
personnes déplacées à l’intérieur du territoire et qui n’avaient pas pu retourner en
Abkhazie constituait un autre sujet de préoccupation. Son gouvernement espérait qu’il
serait possible de conclure un accord avec le s autorités d’Abkhazie satisfaisant toutes
les parties.» 19
16OEG, annexes 65 et 67.
17
OEG, annexe 67, par. 21 ; les italiques sont de nous.
18OEG, annexe 66, par. 4 ; les italiques sont de nous.
19OEG, annexe 72, par. 24 ; les italiques sont de nous. - 9 -
e) J’ajouterai que la Géorgie a présenté des informations complémentaires au Comité en
décembre2006, dont il ne ressort nullement que la Russie était accusée de discrimination
raciale. Je relève en revanche qu’elle a inform é le Comité d’un projet de loi «vis[ant] à ce que
les personnes touchées par le conflit entre la Géorgie et l’Ossétie , dont les droits ont été violés
de manière flagrante pendant cette période … se voient restituer leurs biens et recouvrent leurs
20
droits et libertés» . Il n’est donc fait nulle mention de la Russie.
f) En ce qui concerne les observations finales du Comité, adoptées en mars 2007, il n’y figure rien
qui donne à penser que la Russie était res ponsable de prétendus actes de discrimination
raciale21.
17. Voilà qui en dit long sur l’argument martel é hier avec tant d’insistance, sur le différend
allégué de la Géorgie avec la Russie quant au retour des personnes déplacées en Abkhazie. Un
différend que la Géorgie n’a jamais cru bon de porter à la connaissance du Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale, un différend qui ne cadre pas avec les conclusions
rendues par le Comité sur trois rapports distin cts —soit à chaque fois que celui-ci a eu la
possibilité de faire connaître ses vues à l’égard de la Géorgie. Un différend qui, en outre, est
radicalement incompatible avec de multiples ré solutions du Conseil de sécurité, dont la
résolution 1808 d’avril 2008 qui, comme je l’ai dit lundi, présente à plusieurs reprises la Géorgie et
17 l’Abkhazie comme les deux parties au conflit 22, et à laquelle la Géorgie n’a absolument rien trouvé
à redire hier.
18. Monsieur le président, nous ne pouvons laisser la Géor gie extraire quelques morceaux
choisis avec grand soin d’un dossier d’archives di plomatiques manifestement volumineux, en faire
des allégations contre la Russie re levant de la CIEDR, et se prétendre fondée à saisir la Cour d’un
différend vieux de 17 ou 18 ans concernant une discrimination alléguée contre le retour de réfugiés.
Si la Géorgie avait eu une allégation à formuler elle l’aurait fait plus tôt, avant de changer la donne
avec son emploi illicite de la force d’août 2008. La Géorgie aurait porté cette allégation devant le
20CEDR/C/GEO/CO/3/ADD.1, par. 27 ; les italiques sont de nous.
21
OEG, annexe 86.
22CR 2010/8, p. 38, par. 29 (Wordsworth) ; EPR, annexe 67. - 10 -
Comité pour l’élimination de la discrimination r aciale ou, suivant sa conception de l’article22,
devant la Cour. Elle ne l’a pas fait, et elle n’a pas le droit de le faire à présent.
19. J’en viens au conflit d’août2008, égalem ent rebaptisé aujourd’hui en différend couvert
par la CIEDR, mais un conflit qui a en fait eu lieu à une époque où le Comité pour l’élimination de
la discrimination raciale tenait séance, et où la Russie paraissait devant lui. Pourtant, le Comité n’a
émis aucune question ni aucune crainte au suje t du conflit armé. Il n’a laissé entendre d’aucune
façon que, selon lui, ce conflit engageait la responsab ilité de la Russie en vertu de la CIEDR. Ce
silence n’a évidemment pas le poids d’une conclu sion formelle ou d’une prise de position, mais il
est tout de même très lourd de sens.
20. Monsieur le président, nous restons fe rmement convaincus que le véritable différend
concernant le conflit armé n’a aucun rapport av ec la CIEDR et, à cet égard, nous souscrivons
respectueusement aux vues exprimées par les sept jug es dissidents au paragraphe 9 de leur opinion
commune du 15 octobre 2008.
21. Les déclarations faites par le président Saakachvili les 9 et 11août2008, dont il est
désormais fait si grand cas, n’infirment en rien ce tte conclusion ; il en va de même pour les autres
23
conférences et coupures de presse invoquées par M. Reichler . Certes, le président a dit ce qu’il a
dit, et tout porterait à croire que, en accusant directement la Russie de nettoyage ethnique
le 11 août, il songeait déjà à la demande fondée su r la CIEDR que la Géorgie allait soumettre dans
moins de 24 heures. Quoi qu’il en soit, M. Reic hler est volontairement passé complètement à côté
de l’essentiel, à savoir que, comme je l’ai dit lundi, ces déclarations à la presse ont été faites à une
époque où, en vérité, la Géorgie était engagée dans des négociations avec la Russie, et ne faisait
état dans ce contexte d’ aucune violation de la CIEDR ni mê me, plus généralement, d’une
18 discrimination raciale 24. La Géorgie prétend de façon étrange que la Russie refusait de négocier
avec elle à l’époque, mais je laisserai à M. Zimmermann le soin de répondre à cela. Pour l’heure, il
suffit de dire que la médiocrité de cet argument saute aux yeux. M. Reichler a également déclaré
que, lors des débats tenus par le Conseil de sécurité le 10 août2008, la Russie avait rejeté
23
OEG, vol. IV, annexes 185, 187 et 201.
24
CR 2010/8, p. 40, par. 33 (Wordsworth). - 11 -
l’accusation de nettoyage ethnique formulée la veille par le présidentSaakachvili 25. M.Reichler
n’a cité aucune référence à l’appui de ses dires, ce qu’il réserve sans doute pour le second tour.
Toujours est-il que, d’après le document invoqué da ns les observations écrites de la Géorgie,
26
pareille dénégation n’a jamais eu lieu . Quant à la déclaration de M. Lavrov du 12 août 2008, elle
doit être lue dans son contexte, et nous ne savons pas si elle a été faite avant ou après que la
Géorgie dépose sa requête le même jour. De tout e évidence, elle ne peut être avoir motivé le
différend allégué dont il est fait état dans la requête de la Géorgie.
22. Monsieur le président, tant M. Reichler que M. Akhavan ont choisi de fonder la thèse de
la Géorgie sur l’existence d’un différend, et sur l’existence de négociations, par rapport aux
événements des 9 et 12août2008. Ensuite, mais il s’agit surtout là de la deuxième corde que la
Géorgie ait à son arc, ils ont affirmé à l’ unisson —voyons, cette référence à la CIEDR du
12août2008 n’était pas artificielle en dépit de ce que la Russie a déclaré à plusieurs reprises,
puisque ce différend, et les négociations sur ce di fférend, durent en fait depuis quelque 17 ou
18 années. Monsieur le président, rebaptiser le conflit armé d’août 2008 en différend relevant de la
CIEDR revient en l’espèce à créer une pure fiction juridique, et la nécessité affichée d’étoffer cette
fiction avec 17 ou 18 années d’antériorité ne fait que le démontrer.
23. Pour commencer, il ne s’agit pas d’une situ ation continue. Les conférences du président
Saakachvili sur le nettoyage ethnique ne doivent manifestement pas être confondues avec les
allégations de nettoyage ethnique qui avaient été formulées plus tôt dans le cadre des événements
d’Abkhazie de1993, quels que soient les efforts déployés en vue de faire passer ces allégations
antérieures pour des allégations contre la Russie.
24. En outre, ces efforts partent en fumée dès lors qu’on examine de plus près les documents
concernés. Prenons la déclaration du président Saakachvili du 25février2004 qui figurait sous
l’onglet n o6 du dossier soumis hier par la Géorgie —mon ami M.Reichler l’a présentée comme
une «déclaration publique très largement diffusée da ns laquelle [le président Saakachvili] accusait
directement la Russie d[’avoir commis un] ne ttoyage ethnique» en Abkhazie au début des
25
CR 2010/9, p. 17, par. 13 (Reichler).
26Nous croyons comprendre, au regard des écritures de la Géorgie, que le document en question figure à
l’annexe 96 des OEG. - 12 -
19 années 1990 27. Cette déclaration est en fait la transcrip tion d’un long entretien intitulé «Questions
au président de la Géorgie : Le nouveau président de la Géorgie, Mikhaïl Saakachvili, répond à vos
questions», qui fut diffusé da ns le cadre de l’émission Talking Points de BBC News. De cette
transcription de 15 pages, la Géorgie n’a retenu que deux brefs extraits de la réponse du président
au cinquième auditeur en ligne. S’il avait fallu démontrer combien les relations de la Géorgie et de
la Russie étaient bonnes à l’époque, la Géorgie au rait sans nul doute choisi des extraits tels que
«Mais nous voulons être en aussi bons termes avec les Russes», ce que le président répondit au
troisième auditeur, un certain Alexeï de Moscou. Il est presque incroyable que cela puisse être
invoqué comme une allégation contre la Russie rele vant de la CIEDR, d’autant plus lorsqu’on
songe au contexte de l’époque, c’est-à -dire à ce que la Géorgie disait alors en réalité au Comité
pour l’élimination de la discrimination raciale.
25. Si vous le permettez, je vais continue r à parcourir les documents que M.Reichler a
sélectionnés comme étant les meilleurs de la Géorgi e. Passons ainsi aux deux documents suivant
28
l’entretien diffusé dans Talking points .
26. Tout d’abord, d’après M.Reichler, le président Saakachvili aurait accusé la Russie de
commettre un nettoyage ethnique dans un discour s prononcé devant le Parlement européen en
novembre2006. Je ne pense pas. Le président Saakachvili reprenait en fait les termes de —je
cite— «l’un des cinéastes franco-géorgiens les pl us célèbres, OtarIosseliani, [qui] a[vait] tout
récemment fait remarquer, alors qu’il commentait la campagne anti-géorgienne menée a[lors] en
Russie, que l’histoire semblait se répéter», cette citation étant suivie d’une autre du même
29
réalisateur à propos du nettoyage ethnique russe en Abkhazie . Partant, il est en fait question ici
d’une campagne anti-géorgienne alléguée en Russi e, dont vous n’avez pas à connaître. Les termes
présentés comme pertinents sont ceux d’un réalisateur qui joue peut-être un rôle important dans les
relations russo-géorgiennes, mais j’en doute. Ensuite, à d’autres moments de ce long discours, le
président Saakachvili se dit porteur d’un message de réconciliation et, de manière intéressante, il
27CR 2010/9, p. 22, par. 25 (Reichler) ; OEG, annexe 198.
28
CR 2010/9, p. 22, par. 26 (Reichler) ; OEG, annexe 172 et 88.
29OEG, annexe 172, page 9. - 13 -
fait référence à des «différends». Le président déclare, au sujet de «nos problèmes avec les
séparatistes» :
20 [Projection SW5]
«Nos différends sont restés parce qu’ils reposent sur des revendications
territoriales à répétition ⎯vestiges de la période soviétique, lorsque l’empire s’est
effondré et que les élites ont essayé de conserver leurs privilèges et leurs fiefs.»
27. A supposer que tout cela ait été suivi par le Gouvernement russe, ce dont je doute fort,
celui-ci aurait-il pu y voir une allégation fondée sur la CIEDR ? Je ne crois pas.
28. Prenons le document suivant de la série — M. Reichler prétend que le président «formula
une accusation similaire en septembre 2007, dans une allocution devant l’As semblée générale des
Nations Unies, faisant référence aux «politiques moralement répugnantes du nettoyage ethnique, de
30
la division, de la violence et de l’ indifférence» menées par la Russie» . J’invite respectueusement
la Cour à lire attentivement le texte de cette a llocution, tout comme chac un des documents de la
Géorgie. L’extrait cité ne dit rien sur la Russie—absolument rien. Il est tiré du septième
paragraphe d’un long discours qui, en son huitième paragraphe, indique que la relation la plus
délicate de la Géorgie est celle qu’elle entretient avec son voisin, la Russie. Entre cette référence à
la Russie et celle au nettoyage ethnique, sur laquelle la Géorgie fait actuelle ment fond, sont traités
des thèmes tels que le taux de croi ssance de l’économie géorgienne et les réformes menées dans le
domaine de l’enseignement. J’ignore comment ce tte remarque peut être interprétée comme une
allégation contre la Russie releva nt de la CIEDR. Deux paragraphes plus loin, il est fait allusion
aux forces russes de maintien de la paix, et deux paragraphes encore plus bas, il est dit ceci au sujet
du nettoyage ethnique en Abkhazie :
[Projection SW6]
«La campagne brutale de nettoyage ethnique a déraciné les populations de
souche géorgienne arménienne, estonienne, grecque, juive, russe et autres qui vivaient
en paix depuis des siècles sur ces terres.»
29. Il s’agit donc ici d’un nettoyage ethnique pratiqué par des Russes contre des Russes.
Ainsi que je l’ai dit lundi, nous sommes face à une question de réfugiés très importante,
effectivement, mais non face à un différend entre la Géorgie et la Russie en matière de
30
CR 2010/9, p. 22, par. 26 (Reichler) ; OEG, annexe 88. - 14 -
discrimination raciale, et ce document particulier ne peut décemment pas être interprété comme une
communication faisant état d’une allégation fondée sur la CIEDR. Poussons un peu l’analyse de ce
discours. Quatre paragraphes plus bas, il est fait référence de façon assez inattendue aux «années
d’actions partisanes et déséquilibrées de la part de soi-disant forces de maintien de la paix», puis à
Martin Luther King et, ensuite, il est dit ceci :
21 [Projection SW 7]
«L’ignorance persistante du nettoyage ethnique perpétré en Abkhazie (Géorgie)
est une tache sur le CV moral de la co mmunauté internationale [note: aucune
référence à la Russie, évidemment]. Les différends ne relèvent plus de griefs
ethniques, mais de la manipulation de l’avid ité par une petite minorité d’activistes, de
militants, de milices et leurs soutiens étrangers, aux dépens de la population locale.»
30. Il ne s’agit donc plus de griefs ethniques.
31. J’en arrive ainsi à mon observation suivante. M. Reichler a déformé mes références à ce
que j’ai qualifié de «bruits de fond». Je n’ai pas dit que les allégations de la Géorgie fondées sur la
CIEDR étaient des bruits de fond 31 ; au contraire, j’ai dit qu’il y avait beaucoup de bruits sur le
fond desquels la Russie était censée discerner l’existence de son prétendu différend avec la Géorgie
concernant la CIEDR. Ces bruits de fond, ce sont toutes les allégations que la Géorgie formulait en
fait, en particulier contre les autorités sud-ossèt es et abkhazes, et qui concernaient principalement
sa souveraineté territoriale 32.
32. Mais ce n’était pas la seule forme de bruits de fond. En effet, ces brouillages tenaient en
grande partie à ce que la Géorgie disait des choses qui étaient diamétralement opposées à ce qu’elle
plaide aujourd’hui — comme lorsque le président Saakachvili a déclaré à l’Assemblée générale des
33
Nations Unies que les «di fférends ne rel[evai]ent plus de griefs ethniques» . Dans un autre des
documents invoqués par M.Reichler, à savoi r une déclaration faite en octobre2006 34 par le
représentant permanent de la Géorgie auprès de l’Organisation des Nations Unies, il est indiqué
que, depuis des années, les actions de la Russie n’ ont fait que déstabiliser les régions géorgiennes
d’Abkhazie et de Tskhinvali, et la Géorgie reproche aux soldats de la paix russes de ne pas s’être
31CR 2010/9, p. 23, par. 28 (Reichler).
32
CR 2010/8, p. 37, par. 26-27 (Wordsworth).
33
OEG, annexe 88.
34CR 2010/9, p. 25, note 47 (Reichler) ; OEG, annexe 171. - 15 -
acquittés de leur mandat, qui consiste à instaure r des conditions de sécurité propices au retour des
personnes déplacées — je cite :
[Projection n o 8]
«Les déclarations et actions du dirigeant politique russe prouvent une fois de
plus qu’il ne s’agit pas d’un conflit essentiellement ethnique, mais plutôt d’un conflit
qui tire sa source des ambitions territoriales de la Russie à l’encontre de mon pays.»
22 33. Il ne s’agit pas d’un conflit essentiellement ethnique. C’est parfaitement vrai. C’était
vrai en 2006 ; vrai en 2007 lorsque le président Saakachvili a déclaré la même chose à l’Assemblée
générale ; et toujours vrai en 2008, lorsque la Géorgie a fait illicitement usage de la force contre les
soldats de la paix russes et que, quelques jours plus tard, elle s’est adressée à la Cour avec sa thèse
fabriquée de toutes pièces concernant la CIEDR.
34. Monsieur le président, je n’ai pas le te mps de me plonger dans tous les documents de
M.Reichler comme je le voudrais, mais ainsi que je l’ai dit à l’ouverture des audiences, il est
crucial de se poser la question du qui, du quoi et du quand pour chacun d’entre eux. Je note que
l’échange de juin-juillet2008 35invoqué par M.Reichler a été examiné assez longuement par
l’ambassadeur M. Roman Kolodkin au premier tour — il n’y a rien à ajouter à ce sujet. Les autres
documents cités par M. Reichler sont les suivants :
a) question du qui : M. Reichler se réfère aux annexes 82, 124, 125, 132, 136, 145, 146 et 158, qui
sont toutes des documents émanant du Parlement géorgien. Comme je l’ai dit lundi, le
36
Parlement géorgien ne met pas en Œuvr e la politique étrangère de la Géorgie . La partie
adverse n’a rien répondu à cela. Le Parlement géorgien ne peut pas formuler d’allégation
relative à la CIEDR. Le Gouvernement géorgien et lui ne s’expriment pas d’une seule et même
voix, comme l’illustrait amplement l’exemple concret que je vous ai donné lundi sur les récits
37
contradictoires de mai1998 —ce à quoi M.Re ichler n’a là non plus rien trouvé à redire .
Pour prendre un autre exemple éclatant, le Parl ement géorgien a adopté plusieurs résolutions
sur le retrait des forces russes de maintien de la paix — dont la Géorgie se réclame aujourd’hui,
mais que le Gouvernement géorgien n’avait cessé d’ignorer à l’époque.
35MG, annexes 308 et 311.
36
CR 2010/8, p. 37, par. 27 (Wordsworth).
37Ibid. - 16 -
b) question du qui, deuxième volet : une autre catégor ie de documents, des déclarations de presse,
n’a pas été communiquée à la Russie : ce sont les annexes 180 et 182.
c) la question du quoi: M.Reichler se réfère a ux annexes 91, 163 et 170 qui, lues dans leur
ensemble, concernent en réalité des assertions selon lesquelles la Russie chercherait à annexer
le territoire de la Géorgie, ou que tel ou tel acte politique tendant à reconnaître les autorités
d’Ossétie du Sud ou d’Abkhazie constituerait en fait un soutien en faveur du nettoyage
ethnique. Ou encore est-il fait banalement référenc e aux soldats de la paix russes. M. Reichler
s’est également référé à un rapport présenté au Comité des droits de l’homme, qui figure à
l’annexe 85, mais l’allégation formulée dans ce rapport ne co ncerne pas une discrimination
23 raciale, elle n’est pas fondée sur l’article26 du p acte international relatif aux droits civils et
politiques, et je ferai observer au passage que, si M.Reichler a tenté de s’appuyer sur ce
rapport, il n’a en revanche pas dit un mot, évidemment, sur tous ceux que la Géorgie a présentés
au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale38.
d) et, enfin, la question du quand: M.Reichler fait référence aux annexes124, 125, 132, 136 et
138 qui concernent toutes des événements antérieu rs à 1999. M. Zimmermann reviendra sur le
facteur ratione temporis dans la suite de l’après-midi. T oujours est-il qu’il est absurde de dire
qu’un document antérieur à1999 peut valoir communication par la Géorgie d’une demande
fondée sur la CIEDR. Voilà tous les documents que M. Reichler a mis en avant.
35. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève ma
présentation. Je vous remercie pour votre bienveillante attention, et vous prie d’appeler M. Pellet à
la barre.
Le PRESIDENT : Je remercie M S.amu el ordsworth pour son intervention.
Monsieur Pellet, vous avez la parole.
38
OEG, annexe 85. - 17 -
M. PELLET : Merci beaucoup, Monsieur le président. Mr. President, Members of the Court,
the text I am going to read out to you will no doubt seem familiar.
A. The need for an effective meaning
[Slide 1]
1. “Any dispute between two or more States Parties with respect to the interpretation for
application of this Convention, shall, at the request of any of the parties to the dispute, be referred
to the International Court of Jus tice for decision.” Yet it is not the text of Article22 of CERD.
This is Georgia’s reading of this provision. And I well understand why Professor Crawford chose
to avoid reading it out again when he set about “disinterpreting” it.
[Slide 2]
2. The fact is that, in reality, this provision says something quite different from what Georgia
tries to make it say:
“Any dispute between two or more States Parties with respect to the
interpretation or application of this Convention, which is not settled by negotiation or
by the procedures expressly provided for in this Convention shall, at the request of any
24 of the parties to the dispute, be referred to the International Court of Justice for
decision, . . .”
3. Professor Crawford took the trouble to count the words in the true version, that of the
39
Convention. Sixty-five words he tells us (in French, a much flowerier language than English, it is
71 ⎯ and even then, without the apostrophes); but in reality, the interpretation he seeks to promote
reduces this provision to 52 words. In other word s, my opponent spirits away 19 words as though
the negotiators of CERD had inadvertently includ ed them when they supposedly did not mean
anything. This is not on: they must have a meaning ⎯ and yet, counsel of Georgia is undeterred:
“Article22 provides that a State Party may unilatera lly refer a dispute to the Court if that dispute
‘is not settled by... the procedures expressly pr ovided for in [the] Convention’, but it does not
establish any obligation to have recourse to those procedures” 40.
39
CR 2010/9, p.44, para. 35; see also p. 33, para. 2 (Crawford).
40CR 2010/9, pp. 37-38, para. 16 [l ’article 22 stipule qu’un Etat partie peut porter unilatéralement devant la Cour
un différend «qui n’aura pas été réglé… au moyen des procédures expressément prévues », mais il n’énonce aucune
obligation de recourir à ces procédures]; see also p. 38, para. 17 (Crawford). - 18 -
4. Once again, Mr.President, Georgia’s argument amounts to discounting ⎯ to erasing a
sentence consisting of about 20 words which, accordi ng to its interpretation, should be deprived of
all useful effect, disregarding the most tried and tested methods of interpretation.
[End of slide 2]
5. And this superb indifference to the true meaning of the words (of the word “or” in the
event) is seen again in my friend and opponent’s obstinacy in blithely asserting that “whether or not
they are preconditions to access to the Court, the dr afters treated ‘negotiation’ and ‘the procedures
41
expressly provided for in this Convention’ as alternatives” . This is quite simply not correct for at
least three decisive reasons:
⎯ a textual one: in the disputed sentence, using the conjunction “and” instead of “or” would have
made a nonsense;
⎯ an “historic truth” reason, if I may put it like that, one related to the travaux préparatoires of
the Convention;
25 ⎯ and the third is based on an authoritative argum ent: it runs counter to your well-established
jurisprudence.
B. The ordinary meaning of the text of Article 22
interpreted in its context
[Slide 3 (= slide 4-2 in the first round)]
6. Mr. President, on the first point, I have no option but to repeat myself since
ProfessorCrawford said nothing about it ⎯ his silence (unusual for him) no doubt indicating his
embarrassment at such an obvious f act; putting “and” instead of “or” in this sentence would quite
simply have been absurd: a dispute cannot be settled by one and the other of these two options at
once; you can try to settle it by one or the other in turn.
7. And the curious argument that, in other Convention provisions ⎯ or in Article 22 itself,
42
there are cumulative “ands” and alternative “ors” makes no difference: we have, of course, never
said that the two conjunctions are always interchangeable: everything is a matter of circumstances
41
CR 2010/9, p.45, para.36 (Crawford) [qu’il y ait ounon une condition préalable àl’accès à la Cour, les
rédacteurs de la convention ont fait de la «négociation» et des «procédures expressé ment prévues dans ladite
convention » les deux branches d’une alternative].
42CR 2010/9, p. 44, para. 35 (Crawford); see also p. 46, para. 43 (Crawford). - 19 -
and context. As regards the expression which c oncerns us here, the authors of the Convention
could only use “or”; and that “or” could only be cu mulative, as is generally the case in a negative
phrase 4. In other cases (obviously more numerous), they did, of course, use “or” in its alternative
meaning.
[Slide 4 (Art. 2 (1) (b)) showing the two “ou” or “ors” in red and bold]
8. Furthermore, Mr.President, Article22 is not ⎯ far from it ⎯ the only provision in the
Convention which uses the conjunction “or” after a negative verbal expression. There are many
examples of this but Article2, paragraph1 (b), is particularly interesting because, in the French
text, the conjunction “or” occurs twice, both with a quite distinct meaning which, however, is not
translated uniformly in the various official languages: “ (b) Each State Party undertakes not to
sponsor, defend or support racial discrimination...” He re, the negative verb (“not to...”) is
followed by “or”, which does indeed correspond to “ or” in English and “ o” in Spanish; yet this
26 “or” clearly means “and”, which is unambiguously illustrated by the “ и” [i]) in Russian. To
resume my reading: “racial discrimination by any persons or organizations”.
This time, the “or “ ⎯ which is also found in the English and Spanish versions ⎯ is without
any doubt alternative; the Russian word “ или” [“ili”], on the other hand, is exclusively alternative
in meaning.
[End of slide 4]
C. The travaux préparatoires of the Convention
9. Mr. President, as for the travaux préparatoires, they cannot be said to be of any great help
to Georgia despite the bold endeavours of Profes sorCrawford who, like Georgia’s patron saint
confronting the dragon, makes no bones about trying to turn the meaning of the travaux
préparatoires, which is crystal clear, on its head. The difference is that St. George actually slew
the dragon . . .
10. In order not repeat what I said on Monday 44let us now briefly review the travaux
préparatoires in the form in which my opponent seeks to appropriate them.
43
See CR 2010/8, pp. 54-55, para. 36 (Pellet).
44
CR 2010/8, pp. 55-58, paras. 39-45 (Pellet). - 20 -
11. He tirelessly repeats Georgia’s refrain on th is subject: “Article22 has its roots in an
entirely distinct process from that involved in constructing the mechanism of the CERD
45
Committee.” He then dwells on the supposed confusion by Russia, which was allegedly mistaken
on the origin of the compromissory clause and what happened to it during the negotiations 46.
12. Mr. President, it is true that the Bureau of the Third Committee proposed the text of the
47
final provisions , but this episode is neither the beginning nor the end of the story.
13. The story begins, as reluctantly conced ed by ProfessorCrawford (using slightly
derogatory wording), with “a Mr.Inglés from the Philippines” 48 ⎯ this is the highly respected
Filipino expert on the Human Rights Sub-Committee, who is truly “the inventor” of the
Convention’s monitoring mechanism by a committee of independent experts and who proposed to
27 lay down, in the same provision 49, that the case may be brought before the Court “if the Committee
50
failed to effect conciliation within the time allotted” . It was this text which was referred to the
51 52
Committee on Human Rights then to the Third Committee . It was only at this stage that, not for
reasons of principle but for convenience, the princi ple of the jurisdiction of the Court was referred
to the final clauses.
14. This, moreover, was in keeping with normal practice, according to which the
jurisdictional clauses were generally included in th e final provisions. In the working document on
the final clauses prepared by the Secretar iat (and not by the Commission on Human Rights) 53, that
45
CR 2010/9, p. 48, para. 47 (Crawford) [L’article 22 a son or igine dans un processus totalement distinct de celui
qui a présidé à l’établissement du mécanisme du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.]
46
CR 2010/9, p. 49, para. 51 (Crawford).
4See CR 2010/8, pp.56-57, paras. 41-43 (Pellet).
4CR 2010/9, p. 48, para. 48 (Crawford).
4Art.17 of the Inglés proposal, tab4 in the judges’ folder , Russia, 13Sep.2010: “The States parties to this
Convention agree that any State Party complained of or lodg ing a complaint may, if no solution has been reached within
the terms of Article 14, paragraph 1, bring the case before th e International Court of Justice after the report provided for
in Artic14, paragraph3, has been drawn up.” (MrI.nglés, Proposed Measures of Implementation ,
UN doc. E/CN.4/Sub.2/L.321, 17 Jan. 1964.)
50
Economic and Social Council, Draft International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination, summary record of the 427th meeting, UN doc. E/CN.4/Sub.2/SR.427, p. 13; WSG, Vol. II, Ann. 7.
51
Economic and Social Council, Report of the Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection
of Minorities, UN doc. E/CN.4/873 E/CN.4/Sub.2/241, pp. 53-54.
52
Philippines, Draft Articles Concerning Implementation, UN doc. A/C.3/L.1221, 11 Oct. 1965; see also tab 4 of
the judges’ folder, Russia, 13 Sep. 2010.
53
Cf. CR 2010/9, p. 48, para. 48 (Crawford). - 21 -
body was therefore quite right to include a choice of possible wording as regards bringing the
matter before the Court. But, Professor Crawford conceals two significant elements:
⎯ on the one hand, this Secretariat document, af ter listing four typical clauses borrowed from
various treaties previously concluded, explicitly draws attention “to the preliminary draft of the
additional measures of implementation proposed for the draft international convention on the
elimination of all forms of racial discrimination which were transmitted by the
54
Sub-Commission to the Commission [in fact, this was the Inglés draft]” ; and,
28 ⎯ on the other hand, this preliminary draft is annexed to the Report of the Commission on Human
Rights to the Third Committee ⎯ whereas the Secretariat document on the final clauses is
55
not .
15. And contrary to the assertions of my usually wise opponent 5, during the debates in the
Third Committee itself, the discussions on the comp romissory clause for a long time went hand in
57
hand with those relating to the other implementation measures ; not until the 1349th meeting, on
19 November 1965, did the promoters of these measures cease including the jurisdictional clause in
these measures and submit a draft containing no clause on intervention by the International Court
of Justice. Yet at the same time it expressly stated, through the represen tative of Ghana, that
provision for the intervention of the Court “could be made in the final clauses” 58.
59
16. At this point, contrary to what Mr.Crawford suggests the possibility of the unilateral
seisin of the Court was far from a foregone conclusion. As pointed out ⎯ at the time ⎯ by the
representative of Ghana, in a statement my oppone nt mentions without quoting it: “[T]he idea of
54UN, Economic and Social Council, Draft International Convention on the E limination of all Forms of Racial
Discrimination, Final Clauses, Working Paper prepared by the Secretary-General; WSG, Vol. II, Ann. 13, p. 17.
55UN, Commission on Human Rights, Report on the Twentieth Session, 17 Feb.-18 Mar. 1964, doc. E/CN.4/874,
pp. 113-117; WSG, Vol. II, Ann. 16.
56CR 2010/9, p. 48, para. 47 (Crawford).
57Cf. UN General Assembly Official Record s, Third Committee, Twentieth Session, UN doc. A/C.3/SR.1344,
p.338, para.16; p.341, para.43; ibid., UN doc. A/C.3/SR.1345, para. 40; ibid., UNdoc.A/C.3/SR.1347, p.365,
paras. 68-69.
58Ibid., UN doc. A/C.3/SR.1349, p. 373, para. 29; WSG, Vol. II, Ann. 28.
59
CR 2010/9, p. 50, para. 53 (Crawford). - 22 -
referring the case to the International Court of Just ice, which would be dealt with in the final
clauses, gave rise to many reservations.” 60
17. It was, I would say, to “safeguard” in the first place the role of the Committee that Ghana
and the Philippines excluded all reference to the Court from thei r proposals on the conciliation
procedure. And this temporary dissociation was unanimously approved 61. But this does not justify
29 the hasty and erroneous conclusion that the compromissory clause was therefore going to go it
alone. It was always understood by the negotiators that “it would be unwise for the Committee to
consider the final clauses before the implementation clauses” 62.
18. Moreover, once the conciliation proce dure under the aegis of the Committee was
accepted, the same States to which Mauritania had associated itself filed the “Three-Powers
Amendment” to the draft compromisso ry clause prepared by the Bureau 63. This was in keeping
with the Committee’s decision, which Georgia persists in quoting in abbreviated form, according to
which the final provisions “would be revised in the light of the final text of the Convention” 64. The
adoption of the Three-Powers Amendment marks “the end of the story”: from that point onwards,
65
as I explained on Monday , the primary role of the Committee and ultimately of the Court are
preserved and as it were “synchronized”: first the negotiation and institutional procedures; then, if
that fails, the Court.
19. This therefore, Mr. President, is what the authors of the Convention deliberately sought
to do: to find a balance between the option fo r States to seise the Court while preserving the
Committee’s role, in order to enable it to defuse the dispute before, in the event of failure, it was
6UN General Assembly Official Records, Third Committee, Twentieth Session , UN doc. A/C.3/SR.1354, p. 403,
para. 54.
6Ibid., UN doc. A/C.3/SR.1353, p. 398, para. 58.
6Ibid., UN doc. A/C.3/SR.1326, p. 208, para. 58; see also the statement by the representative of Ireland; ibid.,
UN doc. A/C.3/SR.1348, para. 3.
63
Draft International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination; Ghana, Mauritania,
Philippines: amendments to the suggestions relating to the final clauses submitted by the Bureau of the Third Committee,
UN docs. A/C.3/L.1237, A/C.3/L.1313, Russia, judges’ folder, 13 Sep. 2010, tab 5.
6United Nations General Assembly Official Records, Report of the Third Committee, UN doc. A/6181,
18Dec.1965, p.35, para.174; WS G, Vol.II, Ann.40, p.35, para.174. Se e CR2010/8, p.56, para. 41 (Pellet) and, in
contrast, CR 2010/9, p. 49, para. 51 (Crawford).
6CR 2010/8, pp. 48-49, paras. 24-25 and pp. 57-58, para. 44 (Pellet). - 23 -
brought before the Court. The dragon is still stirring, Mr.President! Mr.Crawford has not
succeeded in ridding Georgia of the spectre of the travaux préparatoires.
20. However on this point I am ready to acknowledge that these travaux préparatoires leave
some uncertainty about one aspect of Article22: that, before seisin of the Court, the applicant
State must have made an attempt at settlement under the conciliation phase in Articles11 to 13,
about that there is no doubt. Also that “some attemp t [must] have been made by the claimant party
to initiate, with the respondent party, di scussions on issues that would fall under CERD”
30 (Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of
15 October 2008, p.388, para.114) as you noted in your Order of 2008, and there is no doubt
about this either. But in what must this negotiation consist? Nothing in the text of Article 22, or in
the travaux préparatoires, enables this to be determined with certainty.
21. The only conclusion is that the requirement of negotiation is indissociable from that of
the “procedures expressly provided for in [the] C onvention” and that these procedures themselves
provide for bilateral negotiations after the case h as been referred to the Committee, which without
any possible doubt implies that when, unlike Georgia, a State follows the procedure laid down by
the Convention, the negotiation condition ⎯ or rather the failure of attempts at negotiation ⎯ must
necessarily be regarded as satisfied. Consider ing the very late date on which the agreement
“Committee first/then Court” was reached, it is certa inly reasonable to assert that, interpreted in its
context, the requirement of attempts at prior negotiation refers to Article 11, just as the reference to
the procedures laid down by the Convention clearly also does.
22. I would add that, if, as you have noted albeit prima facie, some attempt should have been
made by the claimant Party to initiate discussions with the respondent Party ( Application of the
International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v.
Russian Federation), Provisional Me asures, Order of 15October2008 , p.388, para.114 6), this
shows that, contrary to the dogged insistence by c ounsel of Georgia, it is not correct that all
Article 22 requires is “a simple finding of fact by the Court, namely, that there is a dispute which is
66
Op. cit., para. 20. - 24 -
not already settled either by negotiation or by recourse to the other procedures in the
67
Convention” . You cannot, Members of the Court, rest content with this conclusion, albeit a
twofold one. On the contrary, it falls to you to ensure that attempts at negotiation have actually
been made ⎯ just, moreover, as it falls to you to verify that the CERD procedures have been used
(but in this case it is not disputed that they have not been).
31 D. Well-established jurisprudence
23. In this respect, it is most curious that ProfessorCrawford should call for support on
Article II of the Pact of Bogotá applied by the Court (notably in the case concerning Armed Actions
68
of 1988), or Jessup’s opinion in the South West Africa cases . In both these cases, a subjective
element was involved: in the former, the Court only had “to ascertain the opinion of the parties” on
the possibility of settling the dispute by diplomatic means (Border and Transborder Armed Actions
(Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and Admissib ility, Judgment, I.C.J. Reports 1988 , p.94,
para.63); in the latter (South West Africa), it was a matter of assessing whether the parties had
demonstrated that “the dispute [coul d] not be settled by negotiation” ( South West Africa cases
(Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections, Judgment , separate
opinion of Judge Jessup, I.C.J. Reports 1962, p. 435) and, that being so, the assessment must come
from the Court (as was true also in the Nicaragua case of 1984, in which the FCN Treaty required
that the dispute could not “[be] satisfactorily adjusted by diplomacy” ( Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Jurisdiction and
Admissibility, Judgment, I.C.J.Reports 1984, p. 427, para. 81) 69. I have no quarrel with
Professor Crawford in this respect ⎯ except that . . . it is of no relevance to what concerns us here.
No one disputes that the Court must objectively determine whether the dispute has or has not “been
settled”; but, if it has not been, the Court must also ensure that the means set out in Article 22 have
been attempted.
67
CR2010/9, p.33, para.2 [que la Cour procède à une simple constatation de fait , à savoir qu’il existe un
différend qui n’a pas déjà été réglé par la négociation ou au moyen des autres procédures prévues par la convention]; see
also, p. 38, para. 16; p. 39, para. 20; pp. 43-44, para. 33 or p. 51, para. 61 (1) (Crawford).
68
CR 2010/9, p. 38, para. 19 (Crawford).
69See also the separate opinion by Sir Robert Jenninibid., p.556. See also CR2010/8, pp.50-51, para.29
(Pellet). - 25 -
24. Indeed, this is what it does every time it is asked to exercise its jurisdiction on the basis
of a compromissory clause of the type in Article22 of CERD ⎯ in other words, a provision
enabling one party to a dispute to seise the Cour t unilaterally if the dispute in question has not
previously been settled by specified means. In this connection, Professor Crawford’s embarrassed
explanations regarding the DRC v. Rwanda 70 case cannot conceal the fact that:
⎯ first: Article75 of the WHO Constitution is in every respect comparable to Article22 of
32
CERD;
⎯ second: that the Court’s finding that there was no dispute on the application of the WHO
Constitution ⎯ the exclusive focus of our opponent ⎯ did not, as it happens, prevent the Court
from seeking to ascertain whether the two proce dural conditions laid down by Article75 had
been fulfilled; and
⎯ third: it expressly stated that these were “preconditions” which must be “satisfied” ⎯ and in
the plural moreover ( Armed Activities on the Territory of the Congo (New Application:2002)
(Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,
I.C.J. Reports 2006, p. 43, para. 100).
E. The relationship between modes of settlement established by treaty
and other modes of dispute settlement
25. Furthermore, to say that the conditions laid down in Article22 of CERD are strict
preconditions of seisin of the Court obviously does not mean that the Parties are legally bound to
settle their dispute by one of those means ⎯ contrary to what ProfessorCrawford would have us
say when he claims that, according to Russia, Article 22 imposes three preconditions on seising the
71
Court, the first of which, supposedly, is “the dut y to settle the dispute before seising the Court” .
No doubt I do sometimes say foolish things, Mr. Pres ident, but to come out with one as absurd as
that, quite honestly, I think not. It is inconcei vable that settlement of the dispute could be a
condition of seising the Court ⎯ whose very purpose is to settle disputes! What is true, on the
other hand, is that all States, have an absolute duty ⎯ you will recognize the wording ⎯ to “settle
their international disputes by peaceful means in such a manner that international peace and
70
CR 2010/9, pp. 41-42, para. 28 (Crawford).
71
CR 2010/9, p. 37, para. 15 (Crawford). - 26 -
security, and justice, are not endangered” 72. And it is definitely not through the use of armed force
that Georgia could have been hoping to settle its alleged dispute with Russia in accordance with
international law.
33 26. At the same time, what we did say is quite different from what Georgia’s counsel puts
into our mouths, which is obviously not that Georgia was supposed to have settled this alleged
dispute before bringing it before the Court ⎯ which makes no sense ⎯ but that it was supposed to
have endeavoured to do so using the two means expressly referred to in Article22. It being
understood that nothing would have prevented the two States from settling it by any other lawful
means agreed between them, as indicated by both Article22 itself and Article16 of the
Convention.
27. And this prompts me to make a furthe r comment on the extraordinary emphasis Georgia
lays on seeking support from that provision, from Article16. That confirms, beyond any doubt,
73
“that the procedures expressly provided for in th e Convention are not exclusive or exhaustive” .
Things become more complicated, however, when my opponent states that nor are the procedures
74
“compulsory”, for, as I indicated on Monda y, this is where he plays with words . They are not
compulsory, I grant you, from two points of view:
⎯ once international peace and security are not en dangered, States, even if they are in
disagreement on an issue concerning the interpre tation or application of the Convention, are
not bound to resort to those procedures, any more, indeed, than to any other means; and
⎯ nothing, quite clearly, bars them from settling their disputes on the matter by other means.
Conversely (and in this respect recourse to negotiation and to the procedures expressly
provided for in the Convention are strictly “compulsory”);
⎯ the Court cannot be seised of a dispute (provided there actually is a dispute) if the Applicant
has not attempted to settle it by the means specified in Article 22.
28. I would add that I really do not see why it could not “possibly be suggested that this
Court would have jurisdiction under the Optiona l Clause in relation to the dispute, but not
72
UN Charter, Art. 2, para. 3; see also Art. 33, para. 1.
73
CR 2010/9, p.46, para.44 (Crawford) [les procédures xpressément prévues dans la convention ne sont ni
exclusives, ni exhaustives].
74CR 2010/8, p. 45, para. 15 (Crawford). - 27 -
75
jurisdiction under Article22 of the Convention[.] It does not make any sense.” ⎯ it is
Mr.Crawford who says this. It fact, it makes perfect sense: one of the reasons why many
States ⎯ and Russia is one of them ⎯ do not make an optional declaration under Article36,
34 paragraph 2, of the Statute, while accepting th e compromissory clauses under many treaties stating
that they do not reject the jurisdiction of the Co urt in principle, but want the specific conditions
attaching to that jurisdiction in certain conventions to be upheld.
29. As regards the placing of Articles 16 and 22, respectively, I am sticking to my guns: the
argument is completely fanciful. Article 16 is ri ght where it should be, at the end of the section on
implementation measures, because the negotiators did not intend creation of the Committee to
detract from the authority of the organs already set up under other interna tional conventions. As
he, Mr. Inglés again, explained
“States parties to the convention were entirel y free to resort to ‘other procedures’ to
settle their disputes. Those other procedures might well include... for example, the
Court on Human Rights established by the European Convention [for the Protection of
76
Human Rights and Fundamental Freedoms].”
Nor, moreover, has Georgia deprived itself of the benefit of this clause because it seised the
77
European Court of Human Rights .
30. Similarly, as is the case with the jurisd ictional clauses in many treaties, Article22, on
dispute resolution, comes in the final clauses. It refers back to the procedures laid down in the
second part of the Convention, and it too points out that the possible recourse to the Court, subject
to conditions, which it establishes in principle, is not exclusive. There is nothing very surprising in
all of this ⎯ and there is most certainly no argument to be found here for de priving the reference
made in Article 22 of any effect.
75CR 2010/9, p. 47, para. 44 (Crawford) [Est-il possible de soutenir que la Cour serait compétente pour connaître
du différend en vertu de la clause facult ative mais ne le serait pas en vl’article 22 de la convention? Cela n’a
aucun sens.]
76Mr. Inglés, Economic and Social Council, Draft International Convention on th e Elimination of All Forms of
Racial Discrimination, Summary Record of the 427th Meeting , UN doc.E/CN.4/Sub.2/SR. 427, p.13; see also
Natan Lerner, The U.N. Convention on the Elimination ofAll Forms of Racial Discrimination , Sitjhoff & Noordhoff,
1980, p. 90.
77ECHR, Fifth Section. Decision as to Admissibility, 3 Jul. 2009, Georgia v. Russia, Application 13255/07. - 28 -
F. The relationship between the Court and the Committee
31. Mr. President, I have on occasion decried the excesses of what I call “human rightism” in
78
35 international law . But I must say that ProfessorCrawfo rd’s ferocious attack on the CERD
79
Committee made me very uneasy . According to him, the procedures provided for in the
Convention are “futile” 80and “obsolete” . “The [Conciliation] Commission’s decisions are not
binding; it can only recommend. It cannot order provisional measures. It cannot decide points of
82
law. Faced with an intransigent State, it is helpless” . And this disdain he shows for CERD in fact
extends to all the organs associated with human rights treaties which are not, any more than is the
83
CERD Committee, real courts (“they are not courts” ) and which, in most cases, are not referred to
84
in compromissory clauses .
32. I must say, Mr. President, that, despite the great esteem in which I hold him as a friend
and my sincere professional admiration for Professor Crawford, were I State A, State B or State G,
I would, in these circumstances, think twice about consulting him on the procedure to follow. One
does not have to be particularly “formalist” 85to concede that, like courts themselves, it is the duty
of jurists “to interpret the Treaties, not to revise them” ( Interpretation of Peace Treaties with
Bulgaria, Hungary and Romania, Second Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950 , p.229).
Yet that is what my opponent is doing and what he would persuade us to do. He does not like ⎯
Georgia does not like ⎯ the mechanisms under CERD. It finds the procedures it affords it to be
futile; it declares them obsolete; it dispenses with them and decrees that it can seise this Court
directly because that is supposedly more effectiv e. This is neither legally defensible nor
objectively tenable.
78
See “‘Human Rightism’ and International Law”, Italian Yearbook of International Law, 2000, pp. 3-16 (English
translation of the “Gilberto Amado Lecture” given at the UN in Geneva on 18 Jul. 2000 on “‘Droits de l’hommisme’ et
droit international ” (http://untreaty.un.org/ilc/ sessions/52/french/amado.pdf) also availablDroits fondamentaux ,
http://www.droits-fondamentaux.org/article.php3?id_article=27
79
CR 2010/9, pp. 34-35, paras. 4-5; p. 45, paras. 37-38; and p. 47, para. 45 (Crawford).
80
Ibid., p. 35, para. 5, or p. 47, para. 45 (Crawford).
81Ibid., p. 45, para. 38 (Crawford).
82Ibid., p.34, para.4 (Crawford) [Les décisions de la commission ne sont pas obligat oires, il ne s’agit que de
recommandations. Elle ne peut ordonner de me sures conservatoires, elle ne peut tran cher de points de droit. Face à un
Etat intransigeant, elle est impuissante.]
83Ibid., p. 45, para. 37 (Crawford).
84Ibid.
85
CR 2010/9, p. 34, para. 4 (Crawford). - 29 -
33. It is legally indefensible because the fact that treaty provisions are not to Georgia’s liking
does not mean that it can free itself of the rul es they lay down. ProfessorCrawford does not say
that the description I gave of the phases of the pr ocedure under Articles 11 to 13 is incorrect. He
says that it is too slow and has the disadvantage of not leading to a binding decision. The first
36 point is a subjective one but, much as I respect the Court, I am not sure that speed is what most
characterizes its procedure. The second criticism, for its part, invites three comments:
1. it is by no means self-evident that, in all ca ses, contentious proceedings leading to a legally
binding decision are the best way to settle disputes between States;
2. whether Georgia or ProfessorCrawford like it or not, the negotiators deliberately favoured
these flexible modes of settlement and made seisin of the Court conditional on their failing; that
is the law. Also;
3. the possibility of seising the Court where that condition is satisfied is, precisely, one of the
boldest achievements of CERD.
34. It is therefore most unfair, Mr.President, to level so many criticisms at the CERD
mechanism. Need it be said that, of all the mechanisms subsequently established by the human
rights conventions, it is the only one to include a duty on States parties to submit to a procedure for
settling their disputes inter se? Need it be said that of all the conventions, that of 1965 is one of
only four ⎯ and was the first ⎯ to provide that this Court can ultimately be seised unilaterally to
settle those disputes (and, moreover, that the ot her three also preclude the unconditional immediate
86
seisin of the Court )?
35. But the disdain shown by ProfessorCraw ford for the Convention procedures is highly
unjustified for another reason. Contrary to his assertions, CERD is not defenceless in the face of
urgent situations. To claim that it is, is knowi ngly to ignore the rapid alert procedure established
by the Committee in the context of the Yugoslavia cr isis, with the specific aim of being able to
respond to urgent situations, as stated in the joint dissenting opinion to the Court’s Order of
8See the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (1984),
Art. 30, para. 1; the International Convention on the Prot ection of All Migrant Workers and Members of Their Families
(1990), Art.92, para.1; and the International Convention for the Protetion of All Persons from Enforced
Disappearance (2006), Art. 42. - 30 -
87
15 October 2008 . That procedure is neither obsolete (it has been used 20 or so times since 1993
37 and was revised in 2007), nor slow (the Committ ee’s reaction may be almost immediate once it is
88
seised), nor futile (it can lead to the matter being brought before the Security Council) .
36. And there is another thing. Georgia has argued at length that the dispute between it and
Russia dated back to the early 1990s. It became a party to CERD in 1999. From that date, it was
entirely up to Georgia to activate the mechanisms provided for by that instrument. It did not do so.
It is ill-fitting indeed for it to argue urgency ⎯ and it is, to say the least, suspicious that it should be
precisely when its armed offensive had proved unsuccessful that it discovered the urgency of
seising this Court of a dispute whic h it had not seen fit either to notify to Russia, or to settle, for
nearly 20 years.
37. Members of the Court, in your Order of 15 October 2008, you found that Article 22 did
appear prima facie to furnish a basis on which th e Court’s jurisdiction could be founded. As you
stated in words which, although customary, are not merely formulaic 89, that decision “in no way
prejudge[d] the question of the jurisdiction of the Court to deal with the merits of the case”
(Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of
15October2008, I.C.J. Reports 2008 , p.397, para.148). The decision was taken by a narrow
majority ⎯ which is not to suggest that your Order is thereby any “less binding” on the Parties. It
is simply a fact. Also, we were only able to discuss the interpretation of that one basis relied on by
Georgia for the Court’s jurisdiction ⎯ the travaux préparatoires leading to its adoption and the
Court’s case law regarding similar clauses ⎯ superficially.
87
I.C.J. Reports 2008, p. 55 [p. 404], para. 18, which refers to the Report of the Committee for the Elimination of
Racial Discrimination, doc. A/48/18, Ann. III.
88
See Working Paper on early warning measures and urgent procedures
(http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/A_48_18_Annex_III_Englis…) and the Guidelines applicable to the
rapid alert and urgent action procedures (Annual Re port A/62/18, Ann., Chap. III), also available at
http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/Revised_Guidelines_2007_…. See the Report of the Committee for
the Elimination of Racial Discrimination, 22 Sep. 1995, doc. A/50/18, para. 224.
89
Anglo-Iranian Oil Co. (United Kingdom v. Iran), Interim Protection, Order of 5 July 1951, I.C.J. Reports 1951,
pp. 92-93, and Anglo-Iranian Oil Co. (United Kingdom v. Iran), Preliminary Objection, Judgment , I.C.J. Reports 1952,
p. 115; see also Request for Interpretation of the Judgmen t of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other
Mexican Nationals (Mexico v. United States of America) (Mexico v. United States of America) , Provisional Measures,
Order of 16 July 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 326, para. 57, and Judgment of 19 January 2009, para. 45. - 31 -
38. We are convinced that after the adversarial proceedings, both written and oral,
occasioned by the Russian Federation’s Preliminary Objections, you will change your position and
38 will not allow Georgia to use the forum of the Worl d Court to take revenge, in the judicial arena,
for the failure of its use of armed force to sa territorial conflict which it then dressed up as a
dispute on the application of CERD. Nor will you allow Georgia thereby to short-circuit the
procedures expressly provided for in that Convention, which it only had to activate, if it genuinely
believed it had such a dispute with Russia. In doi ng so, not only will you be ruling, as is right and
proper, in accordance with international law, but also, far from threatening the international human
rights system in any way, you will be helping to strengthen it by preserving the integrity of
CERD’s jurisdiction.
Members of the Court, thank you for listeni ng so attentively. I would be grateful,
Mr. President, if you would give the floor to Professor Zimmermann.
Le PRESIDENT : Je remercie M. lain Pellet pour sa présentation. J’invite
M. Andreas Zimmermann à prendre la parole.
M. ZIMMERMANN :
A BSENCE DE NÉGOCIATIONS ,TELLES QUE PRÉVUES À L ARTICLE 22DE LA CONVENTION
INTERNATIONALE SUR L ’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE
DISCRIMINATION RACIALE
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il me revient à nouveau de
traiter de la condition préalable d es négociations prévue à l’article 22 de la convention. Dans le
second volet de ma plaidoirie, je répondrai aussi brièvement aux argum ents de la Géorgie
concernant la compétence ratione temporis et ratione loci.
A. Absence de négociations
I. Introduction
2. Monsieur le président, permettez-moi de co mmencer en soulignant le rôle important des
négociations. Outre qu’elles constituent un mode de règlement des différends flexible, elles visent
également à apporter de la clarté, clarté qui a t oute son importance lorsque, comme c’est le cas en - 32 -
l’espèce, un Etat demandeur cherche a posteriori à présenter artificiellement un vaste éventail de
questions comme étant un différend relevant d’un traité particulier.
3. Cela montre que cette condition préalable des négociations ne doit pas être considérée
comme une formalité. Et cela est corroboré par une deuxième préoccupation, bien précise.
39 4. Monsieur le président, l’ar ticle22 de la convention prévo it deux conditions procédurales
d’égale importance pour pouvoir saisir la Cour d’un différend relevant de la convention, à savoir le
recours préalable aux procédures prévues par celle-ci et les négociations interétatiques.
5. Il va de soi que, si la Russie a raison, la Géorgie ne pouvait saisir la Cour d’un différend
qu’elle n’avait jamais porté devant le Comité pour l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (CERD). Et quand bien même la Cour n’accueillerait pas cet argument, la
Russie estime que l’ensemble des mécanismes de règlement des différends spécifiquement prévus
par la convention (qui comprennent les négociations , ainsi que les procédures devant le CERD et
devant la Cour) doivent être pris en compte lors de l’interprétation de la condition préalable des
négociations.
6. A cet égard, il est très important que les articles 11 à 13 de la convention envisagent des
formes de négociation bien précises. Conformément à l’article 11, l’Etat destinataire doit avoir la
possibilité de fournir des explications écrit es en réponse aux allégations selon lesquelles il
«n’applique pas les dispositions de la présente convention».
7. Il doit avoir connaissance des allégations pr écises formulées contre lui et la possibilité
d’en discuter avec l’Etat qui en est l’auteur.
8. Monsieur le président, le fait que l’ar ticle11 souligne l’importance des négociations
bilatérales et des négociations spécifiques à la convention étaye la thèse de la Russie selon laquelle
les négociations prévues par la c onvention sont plus qu’une simple formalité. La Géorgie a beau
traiter l’article22 comme une clause de règlemen t des différends ordinaire, la Russie tient à
signaler que c’est l’une des rares clauses qui s’a ppliquent en tandem avec une procédure devant un
comité, ce qui souligne l’importance des négociations bilatérales et spécifiques.
9. Dans ce cadre particulier, les commentaires formulés il y a deux ans par sept membres de
la Cour dans leur opinion dissidente au stade de s mesures conservatoires dans le cadre de cette
procédure, sont particulièrement pertinents : - 33 -
«[I]l est clair que, lorsque la négociati on est prévue expressément par un traité,
la Cour ne peut passer outre sans s’expliquer ; nulle part elle n’a rejeté cette condition
en constatant simplement que la ques tion n’a pas été réglée par négociation.»
(Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), ordonnance du
15 octobre 2008, opinion dissidente commune de Mlj.eugA e l-Khasawneh,
vice-président, et de MM. les juges Ranjeva, Shi, Koroma, Tomka, Bennouna et
Skotnikov, par. 13.)
10. Monsieur le président, à la lumière de cette déclaration et au vu de l’importance accordée
par la convention aux négociations, point n’est beso in de consacrer trop de temps aux tentatives de
40 sauvetage que fait M. Akhavan de l’approche particulière des négociations multilatérales consacrée
90
dans les affaires du Sud-Ouest africain . Ce qui compte c’est que la Cour ne reconnaît
l’importance des négociations multilatérales que dans des circonstances exceptionnelles,
c’est-à-dire «lorsque les questions en litige intéressent un groupe d’Etats» et lorsque l’Etat
demandeur a «déjà pleinement participé aux négociations collectives avec cet Etat adverse»
(Affaires du Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 346).
11. On ne retrouve ici aucun de ces éléments, ni intérêt mutuel ni négociations collectives.
12. Monsieur le président, je peux être tout aussi bref concernant les prétendues négociations
ayant précédé l’adhésion de la Géorgie à la CIED R en1999, qui sont dénuées de pertinence. Je
serai bref parce que M. Sands s’est contenté de dire que vous aviez le droit d’examiner les éléments
de preuve antérieurs à 1999 9, ce qui tombe sous le sens.
13. Et pourtant, ni M.Sands ni M.Akhavan n’ont plaidé que ces événements antérieurs
à1999 pouvaient constituer des négoc iations au sens de l’article 22 de la convention entre la
Géorgie et la Russie ⎯ et on voit mal comment il pourrait en être autrement puisque, à l’époque, la
Géorgie n’était pas partie à la convention, et que l’article 22 exige que des négociations aient lieu
entre «les Etats parties … [à] la présente convention».
14. Voilà qui m’amène à présent aux éléments restants censés constituer des négociations et
auxquels il a été fait allusion hier. Je commencerai par les éléments de preuve qui datent de
l’époque ayant immédiatement suivi le rec ours illicite à la force par la Géorgie ou ⎯ pour
90
CR 2010/9, p. 60, par. 28 (Akhavan).
91
CR 2010/9, p. 69, par. 20 (Sands). - 34 -
reprendre les mots de M. Akhavan ⎯ les jours ayant immédiatement précédé le dépôt de la requête
géorgienne.
II. Les prétendues négociations ayant eu lieu entre le 8 et le 12 août 2008
15. Monsieur le président, M.Akhavan a présen té ces éléments de preuve dès l’entame de
son premier tour de plaidoiries 9, et l’on peut supposer que la Géorgie voulait d’entrée de jeu
avancer ses meilleures cartes.
16. A cet égard, je ferai observer en passant qu’en revenant sur les événements d’août 2008,
alors qu’il lui était demandé de fournir des éléments de preuve précis, M. Akhavan ⎯ à l’instar de
M. Reichler avant lui ⎯ a affaibli la thèse générale de la Géorgie, selon laquelle les deux pays
connaissaient depuis plus de vingt ans un différend faisant l’objet de négociations.
41 17. Dans sa plaidoirie, M.Akhavan a évoqué spécifiquement deux déclarations, l’une du
présidentSaakachvili et l’autre du représentant permanent de la Géorgie auprès du Conseil de
93
sécurité .
18. Si ces deux déclarations regorgent d’accusati ons contre la Russie, la première, en date
du 8 août 2008, ne dit absolument rien sur des négoc iations ; elle n’est rien de plus que le compte
rendu d’une conférence de presse qui ne s’adressait, ni de près ni de loin, à la Russie.
19. Dans la seconde, en date du 10août2008, le représentant de la Géorgie auprès du
Conseil de sécurité affirme que «les dirigeants gé orgiens ont, dans la nuit, pris contact avec les
dirigeants politiques russes» 9, tandis que la Russie, elle, est maintes fois accusée d’avoir refusé
95
toute négociation .
20. Monsieur le président, la Géorgie a-t-e lle vraiment «pris contact» avec la Russie pour
discuter des questions de discrimination raciale ou n’a-t-elle pas plutôt abordé des questions liées à
l’usage de la force, préoccupation dominante lors de cette réunion du Conseil ? Et, plus important
encore, la Russie a-t-elle vraiment refusé de né gocier ? Reprenons l’échange de déclarations dont
M. Akhavan nous a parlé hier. Le représentant russe avait déclaré :
92CR 2010/9, p. 53 et suiv., par. 6 et suiv. (Akhavan).
93
CR 2010/9, p. 53, par. 7 (Akhavan).
94Conseil de sécurité, 5953 séance, Nations Unies, doc. S/PV.5953 (10 août 2008) ; p. 5.
95Cf., par exemple, CR 2010/9, p. 53 et suiv., par. 9 et 10 (Akhavan). - 35 -
o
[Projection de la planche n 1]
«A propos de l’indignation du représentant permanent de la Géorgie concernant
le fait que notre président ait refusé de parl er au président géorgien, je vous demande
pardon, mais quelle personne raisonnable accepterait de lui parler en ce moment?» 96
[Fin de la projection]
21. Le représentant russe a néanmoins poursuivi en expli quant pourquoi le
présidentSaakachvili n’était pas ⎯pour user de termes modérés ⎯ la personne idéale pour
conduire des négociations avec la Russie, puisqu’il venait de donner l’ordre d’attaquer les soldats
de la paix russes et la population civile sud-ossète. Fait encore plus révélateur, le représentant
russe a expressément déclaré :
o
[Projection de la planche n °2]
«Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous refusons les contacts avec nos
collègues géorgiens. Ceux-ci ont lieu à différents niveaux. Par exemple, il y a
quelques heures à peine il y a eu une longue conversation téléphonique entre notre
42 ministre des affaires étrangères et le ministre des affaires étrangères géorgien. Alors
quel est le problème?» 97
22. Monsieur le président, je vous le demande, quel est le pr oblème? Cette déclaration, à
laquelle j’avais déjà fait allusion 98, apparaît un paragraphe plus bas que l’extrait que vous a
commenté M. Akhavan. Quiconque voudrait faire un compte rendu équilibré de l’échange entre la
Géorgie et la Russie au Conseil de sécurité n’aurait aucun mal à la trouver.
[Fin de la projection]
23. Cela confirme que les deux Parties avai ent des contacts diplomatiques étroits, même
99
pendant le conflit armé .
24. Cela confirme que des contacts avaient lieu au plus haut niveau diplomatique.
25. Cela confirme que le problème n’était pas le prétendu refus de négocier de la Russie.
26. Cela confirme plutôt que, en réalité, ⎯et c’est là un problème pour la Géorgie ⎯ les
négociations ne concernaient tout simplement pas des questions de discrimination raciale.
96 e
Conseil de sécurité, 5953 séance, Nations Unies, doc. S/PV.5953 (10 août 2008) ; p. 9-10.
97 e
Conseil de sécurité, 5953 séance, Nations Unies, doc. S/PV.5953 (10 août 2008) ; p. 10.
98 CR 2010/8, p. 69-70, par. 46 (Zimmermann).
99 Voir également ministère russe des affaires étrangères, communiqué de presse 1153 du 10août2008,
disponible à l’adresse suivante : http://www.mid.ru/brp_4.nsf/0/6D57680797E966AEC32574A200354EB7. - 36 -
100
27. Monsieur le président, permettez-moi de répéter l’argument que j’ai présenté lundi et
auquel M.Akhavan n’a rien trouvé à répondre. Au cune question relative à la convention n’a été
soulevée avec la Russie pendant le conflit armé , pas plus que lors des échanges entre les
présidentsSarkozy et Medvedev, ou dans le cad re de l’accord en six points convenu entre les
Parties.
28. Il nous reste le prétendu refus de négocie r du ministre russe des affaires étrangères le
12 août 2008 101ou, comme M. Akhavan préfère le dire 102, «juste deux jours plus tard».
29. Là encore, cette déclaration envisageait des contacts directs avec le
présidentSaakachvili. De plus, au même mo ment, les négociations relatives au cessez-le-feu
43 étaient en cours entre les Parties, sous les auspices du président Sarkozy, un fait que le
ministre Lavrov a mentionné expressément.
30. Et fait encore plus révélateur, la Géorgi e a déposé sa requête le même jour, au moment
même où M. Lavrov tenait sa conférence de presse ; cela seul suffit à invalider ce document.
31. Par conséquent, s’agissant des meilleures pr euves de M.Akhavan, il est clair que la
Russie n’a pas refusé de négocier en août 2008 et que, en outre, la Géorgie n’a tout simplement pas
soulevé de questions relatives à la convention au cours de ses échanges avec la Russie.
32. Monsieur le président, voilà qui m’amène à la période comprise entre 2000 et juin 2008.
III. Prétendues négociations entre 2000 et août 2008
103
33. Le premier exemple auquel M.Akhavan se réfère es t un accord de décembre2000
relatif à la relance de l’économie da ns la zone du conflit osséto-géorgien 104. Ce document appelle
plusieurs observations.
100CR 2010/8, p. 69-70, par. 46 (Zimmermann).
101Ministère russe des affaires étrangères, transcripti on des observations et de la réponse aux questions posées
par les medias au ministre de s affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de la conférence de presse commune ayant fait
suite à la réunion avec le président en exercice de l’OSCE et ministre finlandais des affaires AlexanderStubb, Moscou
(12 août 2008) ; OEG, Vol. IV, annexe 187.
102CR 2010/9, p. 53, par. 10 (Akhavan).
103Voir CR 2010/9, p. 56, par. 19 (Akhavan).
104
Accord de coopération entre le Gouvernement géorgien et le Gouvernement russe visant à relancer l’économie
dans la zone du conflit osséto-géorgien et à permettre le re tour des réfugiés, Tbilisi (23décembre2000); MG, vol.III,
annexe 131. - 37 -
34. Tout d’abord, il n’est rien d’autre que ce que son intitulé indique, à savoir un accord;
aussi, quand bien même il y aurait eu un différend relevant de la CIEDR ⎯ce qui n’est pas le
cas ⎯, son examen aurait été limité au champ d’a pplication de cet accord. Ensuite, l’accord en
question traitait uniquement des conditions écono miques permettant un retour des réfugiés,
question qui n’entre pas dans le cadre de la CIEDR. Enfin, et c’est le plus important, il prévoyait
que la Géorgie ⎯ et la Géorgie seulement ⎯ devait garantir le respect des droits de l’homme des
réfugiés et des personnes déplacées dans leur propr e pays, la Russie n’étant pas mentionnée à cet
égard. Par conséquent, il est pour le moins surprenant de considérer ce document comme un
élément de preuve attestant que les obligations incombant à la Russie en vertu de la CIEDR
faisaient l’objet de négociations.
35. M.Akhavan a ensuite cité une note d’ information interne du ministère géorgien des
105
affaires étrangères , qui, là encore, n’est rien de plus que cela, à savoir un résumé d’une page de
l’analyse faite par la Géorgie de six jours de di scussions et de consultations avec la Russie qui se
sont déroulées au cours de l’année2003 10. La première chose qu’il est important de relever est
44
que la Géorgie et la Russie étaient, au début de l’année2003, parvenues à «un accord…sur la
nécessité d’adopter des mesures spécifiques des tinées … à apporter une solution aux problèmes du
retour des réfugiés et des personnes déplacées in ternes dans des conditions de dignité». Les
discussions ont ensuite porté avant to ut sur le statut politique du district de Gali. Enfin, il est
également révélateur que la par ticipation de la partie abkhaze et le fait que celle-ci convienne
qu’elle était partie au différend aient été consid érés comme déterminants pour parvenir à apporter
une solution au problème du retour des personnes dépl acées dans leur propre pays et des réfugiés.
Là encore, ce document ne prouve donc pas que la Géorgie et la Russie ont mené des négociations
au sujet de la CIEDR.
36. Quant à la réunion d’avril 2004 à laquelle M. Akhavan se réfère 10, elle confirme que la
Géorgie et la Russie, ainsi que d’autres parties telles que le HCR, estimaient que la responsabilité
de résoudre le problème des réfugiés et des personn es déplacées dans leur propre pays incombait à
105
CR 2010/9, p. 57-58, par. 22 (Akhavan).
106
Note d’information établie par le ministère des aes étrangères de la Géorgie (20janvier2004); OEG,
vol. IV, annexe 155.
107CR 2010/9, p. 58, par. 23 (Akhavan). - 38 -
la Géorgie et à l’Abkhazie. En fait, le propre ra pport interne de la Géorgie confirme que la Russie
avait qualifié d’«inacceptable» la position abkhaze et qu’elle ⎯ la Russie ⎯ «partage[ait]
108
totalement la position» de la Géorgie . S’il y avait lieu de négocier, c’était donc entre la Russie et
la Géorgie, d’une part, et la partie abkhaze, d’autre part.
37. Enfin, il est également frappant de re lever que le document suivant que la Géorgie
mentionne concerne le lien étroit entre le rétab lissement des chemins de fer en Abkhazie et le
retour des réfugiés 109. La Géorgie y souligne en outre sa volonté de «renouer [] le processus des
négociations», processus dont elle considère elle -même qu’il se déroule avec «les dirigeants … en
Abkhazie», et non avec la Russie 11.
38. Cela m’amène à l’échange de lettres de juin 2008 entre les deux présidents, question qui
111
a déjà été examinée de manière assez approfondie lundi . Là encore, la Géorgie présente cet
échange de lettres comme une preuve de négociations liées à la CIEDR, du point de vue, cette fois,
112
du retour des personnes déplacées dans leur propre pays et des réfugiés . Pourtant, la Géorgie
elle-même considérait l’Abkhazie comme étant son partenaire de négociation en la matière, d’où sa
proposition tendant à ce que les parties au conflit ⎯c’est-à-dire la Géorgie et l’Abkhazie ⎯
45 concluent un accord sur cette question, propos ition suivie d’une observation du président russe
suggérant que l’autre partie — l’Abkhazie, donc — pourrait ne pas être disposée à y donner suite.
Et cela, ainsi que mon collègue et ami M. Word sworth l’a relevé, correspond précisément à ce que
la Géorgie a indiqué au CERD pendant toutes ces années au sujet de la responsabilité à l’égard du
problème des personnes déplacées dans leur propre pays.
108Voir compte rendu de la réunion tenue le 27avril 2004 entre M.G.Khaïndrava, ministre d’Etat, et
M.V.Lochinine, vice-ministre des a ffaires étrangères de la Fédération de Russie (27 avril 2004) ; OEG, vol. IV,
annexe 156.
109Note d’information relative à la rencontre entre l’amba ssadeur de Géorgie auprès de la Fédération de Russie,
ValeriChechelachvili, et le premier vice-ministre des affair es étrangères de la Fédération de Russie, M.V.Lochinine
(21 octobre 2004) ; OEG, vol. IV, annexe 157.
110Ibid.
111CR 2010/8, p. 21-22, par. 9 à 12 (Kolodkin) et p. 69, par. 42 (Zimmermann).
112CR2010/9, p.58-59, par.24 (Akhavan), où il est fait référence à la lettre adressée au président
Dmitri Medvedev par le président Mikhaïl Saakachvili (23 juin 2008) ; MG, vol. V, annexe 308. - 39 -
39. Enfin, on peut se demander pourquoi une proposition tendant à redéployer à terme les
113
forces de maintien de la paix, et non à les retirer , devrait ⎯ ou plutôt pourrait ⎯ être considérée
comme s’inscrivant dans un processus de négociations relatif à la discrimination raciale.
40. Ne restent plus à examiner que les très rares exemples de contacts diplomatiques dans le
114
cadre des NationsUnies , si tant est qu’on puisse estimer qu’ils revêtent une quelconque
pertinence, ce qui n’est pas le cas.
41. Le premier de ces contacts est une lettre adressée au Secrétaire général et au Conseil de
115
sécurité ⎯ et donc pas à la Russie ⎯, que j’ai de toute façon déjà évoquée pendant ma première
intervention de lundi 116. Permettez-moi simplement de rappeler à la Cour que, dans le document en
question (où sont mentionnés des cas de travail fo rcé qui auraient été constatés en Abkhazie), ne
figure aucun grief relatif à la discrimination raciale, contrairement à ce que la Géorgie affirme
117
aujourd’hui ; ce document, s’il se réfère à certaines di spositions du PIDCP et de la convention
européenne des droits de l’homme, ne mentionne en effet ni l’article 26 du Pacte ni l’article 14 de
la convention, qui interdisent les pratiques discriminatoires.
118
42. Au premier tour de plaidoiries , j’ai également déjà examiné le tout dernier document
auquel M.Akhavan s’est référé et dans lequel, pour reprendre ses termes, la Géorgie «déclara à
119
l’Assemblée générale» certaines choses . Ce que M.Akhavan omet malheureusement de
préciser, c’est que cette «déclaration» ⎯ hormis le fait qu’elle n’était manifestement pas adressée à
la Russie ⎯ émanait du Parlement géorgien et non d’ un organe pouvant représenter la Géorgie
dans ses affaires extérieures, ledit document étant de surcroît adressé uniquement au Gouvernement
géorgien.
113Ibid.
114CR 2010/9, p. 59-60, par. 26 (Akhavan).
115Assemblée générale, Conseil de sécu rité, lettres identiques datées du 11a oût2006, adressées au Secrétaire
général et au président du Conseil de sécu rité par le chargé d’affaire par intérim de la mission permanente de la Géorgie
auprès de l’Organisation des Nations Unies, annexe, NationsUnies, doc . A/60/976-S/2006/638 (14 août 2006) ; OEG,
vol. III, annexe 83.
116CR 2010/8, p. 64-65, par. 23 (Zimmermann).
117CR 2010/9, p. 59-60, par. 26 (Akhavan).
118CR 2010/8, p. 64, par. 19 (Zimmermann).
119
CR 2010/9, p. 59-60, par. 26 (Akhavan). - 40 -
IV. Conclusions
46
43. Monsieur le président, il est permis de supposer que, parmi les plus de quatre-vingts
documents que la Géorgie a inclus dans ses écritures, elle a choisi de présenter à l’audience ceux
qui, selon elle, sont les plus à même de prouver l’ex istence de négociations au sens de l’article 22
de la CIEDR. Et pourtant, au cun de ces documents ne démontre ce qu’il est censé démontrer, à
savoir que de telles négociations ont eu lieu.
B. La portée territoriale et temporelle de la compétence de la Cour en vertu de la CIERD
44. Monsieur le président, Mesdames et M essieurs les juges, permettez-moi à présent de
répondre brièvement aux arguments que le conseil de la Géorgie a présentés en ce qui concerne les
troisième et quatrième exceptions préliminaires soulevées par la Russie. La Russie est convaincue
que ses première et deuxième exceptions empêchent la Cour de se pencher sur la requête. J’aurais
donc préféré ne pas user de votre temps sur ces questions mais, compte te nu de la position de la
Géorgie, il me semble nécessaire d’y répondre brièvement.
I. La troisième exception préliminaire de la Russie
45. Monsieur le président, la Russie considère toujours la troisième exception préliminaire
comme n’étant pas de nature exclusivement préliminaire 12.
46. Permettez-moi, tout d’abord, de noter in cidemment quelle a été ma surprise lorsque j’ai
entendu M.Sands invoquer énergiquement ⎯et même très énergiquement ⎯ à quel point cette
question est de nature préliminai re, alors que la Géorgie, dans la section pertinente de ses
observations écrites, cherche à persuader la Cour de joindre la troisième exception préliminaire de
la Russie au fond 121de l’affaire ⎯ au motif qu’elle n’est pas de nature préliminaire.
47. En outre, permettez-moi de répéter que la Russie n’a pas retiré son exception
d’incompétence ratione loci 122 ; elle a simplement décidé de cesser de la plaider en tant
qu’exception préliminaire. Après examen des arguments de la Russie et des contre-arguments de
la Géorgie, la Russie considère que, pour pouvoir se prononcer sur cette exception, la Cour devra
120Voir CR 2010/8, p. 26, par. 31 (Kolodkin).
121
Voir par. 4.45-4.49.
122Voir CR 2010/8, p. 26, par. 31 (Kolodkin). - 41 -
disposer d’exposés bien plus détaillés de la pa rt des deux Parties, notamment sur le fond des
prétentions de la Géorgie.
48. En réalité, la plaidoirie présentée hier par M. Sands a confirmé la thèse de la Russie. La
Russie est, d’évidence, en total d ésaccord avec la qualification du droit applicable par M.Sands,
47 qui semblait suggérer que la CIERD s’appliquait de plein droit extraterritorialement. C’est
uniquement après une discussion prudente et dans des circonstances très particulières ⎯ se fondant
parfois sur le droit de l’occupation, parfois sur la formulation d’un traité particulier et, non des
moindres, sur le degré de contrôle effec tif qu’un Etat exerce hors de son territoire ⎯ que, dans les
affaires auxquelles se réfère M. Sands et dans la mesure où l’applica tion extraterritoriale de traités
relatifs aux droits de l’homme y est reconnue, l es juridictions intéressées l’ont effectivement
admise.
49. La Russie fait valoir que plutôt que de m ontrer combien ces questions sont détachées du
fond de l’affaire, M.Sands a souligné, dans sa propre plaidoirie, combien la compétence
ratione loci était étroitement jumelée aux faits. A titr e d’illustration, comment une juridiction
pourrait-elle analyser des questions de «contrôle effectif» sans se pencher sur les faits? C’est
pourquoi la Russie invite respectueusement la Co ur, si elle devait décider de confirmer sa
compétence, à examiner les questions relatives à l’application extraterritoriale de la CIERD comme
relevant du fond, en disposant de l’argumentation complète des deux Parties.
II. Quatrième exception préliminaire de la Russie
50. Monsieur le président, permettez-moi de faire quelques dernières observations sur la
quatrième exception préliminaire de la Russie.
51. La Russie estime cependant que la question peut être traitée brièvement : les deux Parties
conviennent que la CIEDR ne s’applique pas rétroactivement.
52. La thèse de la Russie sur ce point est simple : il ne peut y avoir rétroactivité. La Géorgie
cherche quant à elle à éviter les conséquences prévis ibles de cette déclaration, mais elle accepte de
la même manière le principe. Il existe donc un terrain d’entente.
53. Pourtant, les Parties ne s’entendent pas sur les conséquences à tirer de leur position de
principe commune. La thèse de la Russie est encore une fois claire. En supposant que la Cour soit - 42 -
seulement compétente ⎯ ce qu’elle n’est pas ⎯ elle ne l’est qu’à compter du 2 juillet 1999, date à
partir de laquelle la Géorgie et la Russie sont toutes deux des «Etats parties» à la CIEDR.
54. La thèse de la Géorgie est d’une certaine ma nière plus complexe : elle reconnaît qu’il ne
peut pas y avoir rétroactivité, mais elle cherche ensuite à faire tout son possible pour éviter les
incidences de sa propre thèse. Plus particulièrement , elle invoque la doctrine des «faits continus»
pour éviter, comme par magie, les problèmes de rétroactivité.
48 55. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs les juges, la notion de faits continus sur
laquelle se fonde la Géorgie et à laquelle s on argumentation est censée être «parfaitement
123
conforme» a été développée par la Commission du dro it international avec une grande prudence
pour aborder la question spécifique de l’extension dans le temps d’un fait illicite.
56. Il ne s’agit pas d’une notion très générale qui justifie l’introduction de la rétroactivité
«par la porte de service». La CDI le précise t out à fait clairement dans son commentaire. Elle
donne plusieurs exemples de faits continus tels que le maintie n en vigueur de dispositions
législatives nationales incompatibles avec le dr oit international, l’o ccupation illégale d’une
ambassade étrangère, ou enfin la détention illégale d’une personne 124. Il s’agit là bien évidemment
d’exemples exceptionnels et la notion de «fait c ontinu» revêt donc ce caractère puisqu’elle se
caractérise par la nature con tinue de la violation en soi ⎯la nature continue de la violation.
Comme l’a souligné la CDI, ce doit être «le fait [qui] continue et qui reste non conforme à
l’obligation internationale» 125.
57. En revanche, et contrairement à l’argument exposé hier par la Géorgie, un fait ne devient
pas un fait continu simplement parce que ses conséque nces s’étendent dans le temps. Selon les
126
termes employés par la CDI : «[ i]l faut que le fait illicite proprement dit continue» . Et encore,
⎯ et en contradiction directe avec les arguments pr ésentés hier par la Géorgie : «[u]n fait n’a pas
123
CR 2010/9, p. 67, par. 16 (Sands).
124CDI, commentaire de l’article 14 des articles sur la responsabilité de l’Etat, par. 3 (reproduit dans le rapport de
la Commission du droit international sur le s travaux de sa cinquante-troisièsession, NationsUnies, doc.A/56/10,
p. 43 et suiv.).
125Article 14, paragraphe 2, des articles sur la responsabilité de l’Etat.
126CDI, commentaire de l’article 14 des articles sur la responsabilité de l’Etat, par. 3 (reproduit dans le rapport de
la Commission du droit international sur le s travaux de sa cinquante-troisièsession, NationsUnies, doc.A/56/10,
p. 43 et suiv.). - 43 -
un caractère continu simplement parce que ses effets ou ses conséquences s’étendent dans le
127
temps» .
58. Pour être tout à fait précis, ce n’est pas une déclaration de la Russie, mais le commentaire
de la CDI que je viens de citer ⎯la même CDI avec laquelle, si nous suivons M.Sands, la
construction très générale de la Géorgie relative au fait continu est «parfaitement conforme» 128.
Elle ne l’est pas.
59. En résumé, la Géorgie prétend accepter le pr incipe de non-rétroactivité tout en avançant
une notion très générale des faits continus qui ne tient pas compte des limites de la thèse de la CDI
et cherche en réalité à réintroduire la rétroactivité sans en prononcer le nom. La Russie fait valoir
49 que si, effectivement, la notion de faits continus présente une certaine pertinence, elle doit être
appliquée avec prudence, et non comme une permission d’étendre la compétence.
60. Enfin, M.Sands a fait valoir hier que la Russie avait renoncé à sa quatrième exception
129
préliminaire dans la mesure où celle-ci portait su r des faits ultérieurs au dépôt de la requête .
C’est faux.
61. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, ainsi se conclut ma
présentation. Je vous remercie de votre aimable attention. Je vous demanderai de bien vouloir
donner la parole à S.Exc.M.l’ambassadeurKir illGevorgian qui présentera les conclusions de la
Russie. Je vous remercie.
Le PRESIDENT: Je remercie M.AndreasZimmerman pour sa présentation. J’invite
S. Exc. M. l’ambassadeur Kirill Gevorgian à prendre la parole.
M. GEVORGIAN :
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, hier, l’agent de l’Etat
défendeur a de nouveau présenté ses arguments tenda nt à établir l’existence d’une discrimination
dont la Russie porterait la responsabilité et qui sera it exercée de longue date contre les Géorgiens
de souche. Selon la version géorgienne des évènements, tout aurait commencé en 1991-1992, par
127Ibid.
128
CR 2010/9, p. 67, par. 16 (Sands).
129CR 2010/9, p. 68-69, par. 16 (Sands). - 44 -
une répression aussi soudaine que non provoquée des Gé orgiens de souche en Ossétie du Sud et en
Abkhazie et l’expulsion de milliers d’entre eux.
2. En réalité, les évènements se sont déroulés tout autrement. Dans nos observations écrites
comme dans nos plaidoiries, nous avons insisté sur le point que les conflits osséto-géorgien et
abkhazo-géorgien ont éclaté après que les autorités géorgiennes se furent proclamées en faveur de
«la Géorgie aux Géorgiens» 13, politique sur laquelle elles comptaient fonder leur nouvel Etat.
L’Etat demandeur n’a pas essayé de contester ce fait.
3. La politique menée par les autorités géorgie nnes a alimenté les conflits interethniques, qui
se sont traduits par une catastrophe humanitaire et ont bouleversé la vie de milliers de personnes de
diverses nationalités, parmi lesquelles les Géorgiens de souche. La Géorgie n’a jamais mentionné
au cours de la présente procédure que, outre les Géorgiens, il y avait des dizaines de milliers de
personnes appartenant à d’autres ethnies qui av aient péri, avaient été déplacées ou autrement
affectées par ces conflits.
50 4. Contrairement à ce qu’affirme la Géorgie, la Russie n’a jamais été partie à ces conflits.
Ceux-ci depuis longtemps inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies, de l’OSCE et d’autres organismes internationaux, dont aucun n’a jamais considéré
la Russie comme partie au conflit. La Géor gie n’a produit aucun document émanant d’un
organisme intergouvernemental international qui prouverait le contraire.
5. Les rôles internationalement reconnus que la Russie a eus dans ces conflits sont ceux de
facilitateur et d’agent de maintien de la paix. Hier, le conseil de la Géorgie a prétendu que, petit
pays, l’Etat demandeur n’avait pas pu négocier «s ur un pied d’égalité et en toute indépendance» 131
lorsqu’il avait autorisé la Russie à stationner ses for ces de maintien de la paix en Ossétie du Sud et
en Abkhazie. Il a toutefois omis de préciser que la Géorgie avait elle-même sollicité la Russie pour
qu’elle fasse office de médiateur et de gardien de la paix. Il n’a pas expliqué non plus pourquoi ses
représentants ont maintes fois félicité la Russie p our les efforts qu’elle déployait à ce titre.
Jusqu’en juillet 2008, dans la lettre qu’il a adre ssé à son homologue russe, le président Saakachvili
130
CR 2010/8, p. 12, par. 1 (Gevorgian) ; EPR, p. 17, par. 2.5.
131
CR 2010/9, p. 26, par. 37 (Riechler). - 45 -
a indiqué que l’opération de maintien de la paix me née sous l’égide de la CEI devrait se poursuivre
132
et que la Russie serait une des garantes des accords signés entre les parties au conflit .
6. La Géorgie affirme que, depuis 2001, elle n’ a jamais félicité les forces de maintien de la
paix russes, comme si, en droit, l’absence de félicitations pouvait équi valoir à un retrait du
consentement. Par souci de cl arté juridique, permettez-moi de rappeler à la Cour que le
er
consentement n’a été retiré que le 1 septembre 2008.
7. Même en suivant sa propre logique, la Géorgie prétend qu’elle ne pouvait pas mettre fin
133
au mandat des forces de maintien de la pa ix parce qu’elle craignait son grand voisin . On peut
s’étonner, alors, qu’elle n’ait p as craint d’attaquer brutalement, au lance-roquettes multiples, les
forces de maintien de la paix de son grand voisin et de saisir la Cour immédiatement après. S’il
m’est permis de le rappeler à la Cour, la taille de l’armée géorgienne a doublé au cours des cinq ans
qui ont précédé le conflit armé d’août2008. En fait, l’argument «grand contre petit» est
maintenant au cŒur de la position de la Géorgie. Je ne peux m’empêcher de m’interroger: est-il
possible de gagner une affaire devant la Cour en disant, simplement : «nous sommes si petits et ils
sont si grands» ? Est-il possible de remédier aux déficiences d’une position juridique grâce à un tel
argument, même si cet argument est défendu par les plus grands avocats ?
51 8. Monsieur le président, l’Etat demandeur prétend que, pendant plus de seizeans, il n’a
cessé de se plaindre d’un différend au titre de la CIEDR et d’appeler la Russie à négocier sur des
questions de discrimination raciale, mais que la Russie a systématiquement ignoré ses appels.
C’est faux. En fait, la Russie a pris part, en qualité de médiateur, à de nombreuses négociations
entre la Géorgie, d’une part, et l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, d’autre part. Bien souvent, la
Russie a elle-même pris l’initiative des négociations entre les parties au conflit. Elle n’y a toutefois
pas participé en tant que partie. De plus, les né gociations en question ont porté sur divers aspects
du règlement des conflits osséto-géorgiens et abkh azo-géorgiens, parmi lesquels le retour de
réfugiés et de déplacés de diverses nationalités, mais jamais, au grand jamais, sur des questions de
discrimination raciale.
132 er
MG, vol. 5, annexe 311, lettre de M. Medvedev au président Mikhail Saakashvili (1 juillet 2008).
133CR 2010/9, p. 26, par. 37 (Reichler) ; CR 2010/9, p. 34, par. 4 (Crawford). - 46 -
9. Ce qui précède soulève une autre question : la Russie aurait délibérément «ignoré» le droit
au retour, ce qui constituerait une violation de la CIEDR 134. Premièrement, la Russie s’est toujours
prononcée en faveur du droit au retour, comme en témoignent de nombreux accords, déclarations et
135
résolutions du Conseil de sécurité . Deuxièmement, on ne saura it assimiler «non-retour» et
«discrimination raciale», de la même manière que des discussions sur les déplacements de
populations ne constituent pas automatiquement des négociations sur la discrimination; en
l’occurrence, il n’y en a jamais eu. Troisièmemen t, la Russie a eu une attitude constante sur la
question du retour des déplacés, quelle que soit leur appartenance ethnique, qui est pleinement
conforme avec les normes appliquées par les NationsUnies: les retours ne peuvent être durables
que s’ils s’effectuent sur une base volontaire, en toute sécurité et dans la dignité 136.
10. L’agent de la Géorgie a accusé la Russie d’avoir «rejeté» des résolutions récentes de
l’Assemblée générale sur les réfugiés et les déplacés d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud 137. En fait, la
principale raison pour laquelle la Russie s’est opposée à ces résolutions était que l’Abkhazie et
l’Ossétie du Sud y étaient présentées comme faisant partie de la Géorgie; or, c’est inacceptable
pour la Russie puisqu’elle a reconnu leur indépe ndance. Comme il ressort des amendements au
52 projet de résolution proposés en 2009 par la Russie, notre pays souscrivait de manière générale aux
aspects humanitaires du texte 138. De plus, les questions relatives aux déplacements de populations
sont à l’examen dans le cadre des discussions de Genève, qui se déroulent sous les auspices de
l’Union européenne, de l’ONU et de l’OSCE, organisations qui adhèrent toutes au principe du droit
au retour volontaire, en toute sécurité, dans la dignité et sans discrimination.
134CR 2010/9, p. 12, par. 9 (Burjaliani).
135 EPR, vol. 2, annexe 38, résolution 934 (1994) du Conseil de sécurité, S/RES/934, 30 juin 1994;
résolution1582 (2005) du Conseil de sécurité, S/RES/1582; EP R, vol.2, annexe36, accord quadripartite sur le
rapatriement librement consenti des réfugiés et des personne s déplacées, en date du 4avril1994 (Conseil de sécurité,
lettre datée du 5avril1994 adressée au préident du Conseil de sécurité par le re présentant permanent de la Géorgie
auprès de l’Organisation des NationsUn ies, doc. S/1994/397, 5 avril 1994, annexes I et II) ; MG, vol. III, annexe 136,
déclaration finale publiée à l’issue des réunions entre le présiden t de la Fédération de Russie, M. Vladimir Poutine, et le
président de la République de Géorgie, M. Edouard Chevardnadze.
136Principes directeurs relatifs aux déplacements de personnes à l’intérieur de leur propre pays, NationsUnies,
doc. E/CN.4/1998/53/Add.2, 11 février 1998.
137CR 2010/9, p. 13, par. 10 (Burjaliani).
138Nations Unies, doc. A/63/L.81-98. - 47 -
11. Hier, le conseil de la Géorgie a formul é plusieurs allégations concernant les actions
actuelles de la Russie en Ossétie du Sud et en Abkh azie. Ces allégations ne sont pas pertinentes
aux fins de déterminer votre compétence et, de toute évidence, sont faites dans l’intention du nuire.
12. Monsieur le président, nos adversaires ont été très critiques à l’égard des mécanismes
d’application de la CIEDR et des recours qu’elle prévoit, doutant même qu’il s’agisse de véritables
139 140
recours . A leur avis, le Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale serait inopérant
pour ce qui est de protéger les droits garantis pa r la convention. Nous sommes convaincus que la
Cour ne les suivra pas et ne prendra pas une décision qui aurait pour effet de saper un système
soigneusement mis en place par des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme.
13. De plus, la Géorgie n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas engagé une procédure auprès
du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale il y a des années et, si tant est qu’il y ait
eu urgence, pourquoi n’a-t-elle pas eu recours aux procédures d’urgence prévues par le Comité.
14. Si nous partons du principe, comme le fait l’Etat demandeur, que l’article22 de la
convention n’exige pas que des négociations aient été menées et les procédures du Comité, suivies,
la position de la Géorgie devient encore plus confuse. Qu’est-ce qui a empêché la Géorgie de saisir
directement la Cour pendant la dizaine d’années qui s’est écoulée depuis son adhésion à la
convention? Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant de recourir illégalement à la force contre le
défendeur ?
15. Monsieur le président, aucun pays n’a ja mais essayé de saisir la Cour dans de telles
circonstances! Si vous me permettez de cite r un extrait du rapport de la mission de l’Union
européenne: «le 7août2008, des hostilités ouvert es ont éclaté dans le cadre d’une offensive
militaire de grande envergure me née par la Géorgie contre la ville de Tskhinvali et les zones
141
environnantes» . Jamais encore auparavant la Cour n’a eu à décider si elle devait connaître d’une
53 affaire dont l’a saisie un Etat qui non seulement a recouru illégalement à la force quelques jours à
peine avant de la saisir, mais l’a fait contre un agent de maintien de la paix internationalement
reconnu, qui est à présent décrit comme partie à un différend au titre de la CIEDR. Nul doute que
139
CR 2010/9, p. 47, par. 44 (Crawford).
140
CR 2010/9, p. 35, par. 4 (Crawford).
141EPR, vol.II, annexe75, mission d’ enquête internationale sur le conflen Géorgie, rapport, vol.I,
septembre 2009, p. 19, par. 14. - 48 -
des pays qui contribuent actuellement aux efforts de maintien de la paix ou qui envisagent de le
faire suivent la présente procédure avec la plus grande attention.
18. Monsieur le président, nous avons affair e à un cas qui n’a pas de précédent dans votre
jurisprudence. Nous ne doutons pas que la Cour saura apprécier les caractéristiques
exceptionnelles de la procédure actuelle au moment de statuer sur sa compétence.
19. Il me reste maintenant à récapituler succinctement les objections préliminaires de la
Russie.
20. Premièrement: la Cour n’a pas compéten ce pour connaître de la requête parce qu’à la
date à laquelle celle-ci a été déposée, il n’y avait pas de différend entre la Géorgie et la Russie
touchant l’interprétation ou l’a pplication de la CIEDR à propos de la population de souche
géorgienne d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.
21. Deuxièmement : la Cour n’a pas compétence du fait que l’Etat demandeur n’a pas rempli
les conditions prévues à l’article 22 de la conventi on, à savoir engager des négociations et recourir
aux procédures expressément prévues par la convention.
22. Troisièmement: si la Cour avait compétence, ce qu’elle n’a pas compte tenu des deux
premières exceptions préliminaires, cette compétence est limitée ratione temporis à des faits ou des
omissions qui ont eu lieu après que la convention est entrée en vigueur entre la Géorgie et la Russie
le 2 juillet 1999.
23. Quatrièmement : on ce qui concerne l’exception relative à la compétence ratione loci de
la Cour, la Fédération de Russie estime que la question d’une appli cation extraterritoriale de la
convention est intimement liée aux faits, raison pour laquelle l’exception n’est pas de nature
préliminaire et devrait être examinée ultérieurement par la Cour, dans le cas très improbable que la
présente procédure atteigne le stade du fond.
Monsieur le président, avant de lire notre de rnier argument, permettez-moi de témoigner ma
reconnaissance au greffier et aux membres du Greffe, qui ont été extrêmement obligeants pendant
toute la procédure, ainsi qu’aux interprètes. Je voudrais également remercier notre conseil et toute
l’équipe pour leur excellente coopération. Enfi n, nous vous adressons bien sûr nos sincères
remerciements, Monsieur le président et Mesdames et Messieurs de la Cour, pour votre aimable et
patiente attention. - 49 -
54 24. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, j’ai à présent l’honneur de
vous donner lecture de l’argument final de la Fédé ration de Russie qui, pour les raisons expliquées
dans nos observations écrites et dans nos plai doiries, et conformément aux exposés de notre
conseil, est le suivant : La Fédération de Russie demande à la Cour de dire et juger qu’elle n’est pas
compétente relativement aux griefs exprimés par la Géorgie contre la Fédé ration de Russie, tels
qu’ils figurent dans la requête de la Géorgie d’août 2008.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est ainsi que s’achève la
présentation des exceptions préliminaires de la Russie. Merci de votre attention.
Le PRESIDENT: Je remercie S.Exc.M.l’ ambassadeurKirillGevorgian. La Cour prend
acte des conclusions finales dont vous venez de donner lecture au nom de la Fédération de Russie.
La Cour se réunira de nouveau vendredi17sep tembre de 10à 12heures, pour entendre le
second tour de plaidoiries de la Géorgie.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 18 heures.
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Traduction