Traduction

Document Number
140-20100913-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
140-20100913-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non-Corrigé Traduction

Uncorrected Translation

CR 2010/8 (traduction)

CR 2010/8 (translation)

Lundi 13 septembre 2010 à 10 h 20

Monday 13 September 2010 at 10.20 a.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.

La Cour siège aujourd’hui, conformément au paragraphe 6 de l’article 79 de son Règlement,

pour entendre les exposés oraux des Parties sur les exceptions préliminaires soulevées par le

défendeur dans l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de

toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie).

La Cour ne comptant sur son siège aucun ju ge de nationalité géorgienne, la Géorgie s’est

prévalue du droit que lui confère le paragraphe 2 de l’article 31 du Statut, et a désigné M. Giorgio

Gaja pour siéger en qualité de juge ad hoc en l’affaire. M.Gaja a été installé en cette qualité

en2008, au cours de la phase de l’affaire con sacrée à la demande en indication de mesures

conservatoires.

*

Je rappellerai à présent en quelques mots le déroulement de la procédure à ce jour.

Le12août2008, le Gouvernement de la Géorgi e a déposé au Greffe de la Cour une requête

introductive d’instance contre la Fédération de Russi e au sujet d’un différend relatif à des «actes

commis sur le territoire de la Géorgie et dans les environs» en violation de la convention

internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après la

«CIEDR») du 21 décembre 1965. Dans sa requête, la Géorgie invoquait l’article de la CIEDR pour

fonder la compétence de la Cour.

Le 14août2008, la Géorgie, se référant à l’ article41 du Statut, a déposé au Greffe de la

Cour une demande en indication de mesures conservatoires «à l’effet de sauvegarder les droits

qu’elle [tenait] de la [CIEDR] s’agissant de protéger ses ressortissants des violences à caractère

discriminatoire que leur infligeaient les forces armées russes opérant de concert avec des milices

séparatistes et des mercenaires étrangers».

Par ordonnance du 15octobre2008, la Cour, après avoir entendu les Parties, a indiqué

certaines mesures conservatoires aux deux Parties.

Par ordonnance du 2décembre2008, le président de la Cour, compte tenu de l’accord des

Parties, a fixé au 2septembre2009 et au 2juille t2010, respectivement, les dates d’expiration du - 3 -

délai pour le dépôt d’un mémoire de la Géorgie et d’un contre-mémoire de la Fédération de Russie.

Le mémoire de la Géorgie a été déposé dans le délai ainsi prescri
t.

er
11 1Le décembre2009, dans le délai prescrit au premier paragraphe de l’article79 du

Règlement de la Cour, la Fédération de Russi e a soulevé des exceptions préliminaires à la

compétence de la Cour. En conséquence, par ordonnance du 11décembre2009, la Cour,

constatant qu’en vertu des dispositions du paragraphe 5 de l’article 79 du Règlement, la procédure

sur le fond était suspendue, a fixé au 1 eravril2010 la date d’expiration du délai dans lequel la

Géorgie pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les

exceptions préliminaires soulevées par la Fédération de Russie. La Géorgie a déposé un tel exposé

dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est al ors trouvée en état pour ce qui est des exceptions

préliminaires.

La Cour a décidé, en applica tion du paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, et après

s’être renseignée auprès des Parties, que des exemplaires des pièces de procédure et des documents

qui y sont annexés seraient rendus accessibles à l’ ouverture de la procédure orale. En outre,

conformément à la pratique de la Cour, les pièces de procédure, sans leurs annexes, figureront dès

aujourd’hui sur le site internet de la Cour.

Je constate la présence à l’audience des agen ts, conseils et avocats des deux Parties.

Conformément aux dispositions relatives à l’organisa tion de la procédure arrêtées par la Cour, les

audiences comprendront un premier et un second tours de plaidoiries.

La Fédération de Russie présentera ce matin son premier tour de plaidoiries relatives à ses

exceptions préliminaires; elle pourra, si nécessai re, déborder quelque peu au-delà de 13heures,

compte tenu du temps pris par la séance publique qui vient d’avoir lieu.

La Géorgie présentera son premier tour de plaidoiries relatives aux exceptions préliminaires

de la Fédération de Russie le mardi 14 septembre, à 10 heures.

La Fédération de Russie disposera ensuite de deux heures, le mercredi 15 septembre, à partir

de 16heures, pour présenter sa réplique orale. La Géorgie disposera de deux heures le

vendredi 17 septembre, à compter de 10 heures, pour présenter la sienne.

Je donne maintenant la parole à S.Exc.M.KirillG.Gevorgian, agent de la Fédération de

Russie. - 4 -

M.GEVORGIAN: Monsieur le président, M esdames et Messieurs de la Cour, c’est un
12

honneur pour moi de plaider de nouveau devant vous, et j’aimerais tout d’abord féliciter

LL. Exc. Mmes Xue Hanqin et Joan Donoghue, d’avoir été élues juges de cette Cour. Je ne saurais

exprimer avec plus d’éloquence les compliment s que vous venez de leur adresser à cet égard,

Monsieur le président.

1. L’origine de la présente affaire remonte à des conflits très anciens entre Géorgiens,

Abkhazes et Ossètes, dont la phase la plus moderne a débuté à la fin des années 1980, lorsque les

autorités de Géorgie, faisant fi du statut autonom e dont avaient bénéficié les régions d’Abkhazie et

d’Ossétie du Sud, prirent ouvertement partie en faveur d’une «Géorgie aux Géorgiens» 1, ce qui,

bien évidemment, souleva un cortège de protestations dans lesdites régions, en réponse à quoi la

Géorgie abolit leur autonomie. Ces tensions débouc hèrent sur de véritables conflits armés entre la

Géorgie et l’Ossétie du Sud en 1991-1992, et en tre la Géorgie et l’Abkhazie en 1992-1993, qui

firent des milliers de victimes et entraînèrent le déplacement de dizaines de milliers de personnes

2
d’origine ethnique diverse .

2. Vinrent ensuite des années de relative stabilité, en bonne partie grâce à la médiation et aux

opérations de maintien de la paix menées par la Russie dans le cadr e d’efforts internationaux plus

vastes. Mais, à partir de 2004, les nouvelles au torités de Géorgie conduites par le président

Saakachvili adoptèrent une nouvelle stratégie en ve rtu de laquelle elles tentèrent à plusieurs

reprises de résoudre par la force armée les problèmes avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Ces

tentatives attinrent leur paroxysme en août200 8, lorsque la Géorgie lança une attaque armée

massive contre la population d’Ossétie du Sud et les troupes russes de maintien de la paix, en

violation des obligations qui lui incombaient en vertu du droit international et, notamment, des

accords pertinents de règlement du conflit osséto-géorgien.

3. Ainsi que l’a prouvé la mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en

Géorgie, créée par l’Union européenne en décembre 2008 dans le but d’enquêter sur les origines et

1
Exceptions préliminaires de la Russie (EPR), annxe25, Human Rights Watch/He lsinki, «Bloodshed in the
Caucasus: Violations of Humanitarian Law and Human Rights in Georgia-South Ossetia Conflict» (1992), p. 8.
2Voir, par exemple, ibid., p. 17 ; également, mémoire de la Géorgie (MG), annexe 40, rapport du représentant du
Secrétaire général pour les droits de l’homme des persons déplacées dans leur propr e pays, Walter Kälin, additif,
Mission en Géorgie, 24 mars 2006, par. 8. - 5 -

sur le déroulement du conflit armé: «[l]es hos tilités commencèrent par une opération militaire de

grande envergure lancée par la Géorgie contre la v ille de Tskhinvali et ses environs dans la nuit du

7 au 8 août 2008 et qui débuta par une attaque d’artillerie massive» 3. L’offensive géorgienne visait
13

délibérément les forces de maintien de la paix russes déployées en Ossétie du Sud alors même que,

comme l’a à juste titre souligné la mission d’enquête dans son rapport 4, aucun élément n’abondait

dans le sens des allégations selon lesquelles les so ldats russes auraient été déchus de leur statut

juridique international.

4. Dans ces circonstances, la Fédération de Russie n’avait pas d’autre choix que d’exercer

son droit naturel de légitime défense pour protéger son contingent de maintien de la paix 5.

5. Comme vous vous en souvenez, c’est ce conflit armé qui a donné lieu à la mise en Œuvre

d’une procédure devant cette Cour, et je tiens à souligner que ce n’est que lorsqu’il devint évident

que son aventure militaire était un échec que la Gé orgie présenta sa requête. A l’évidence, l’Etat

demandeur avait pour objectif de se dépeindr e en victime du conflit qu’il avait lui-même

déclenché. Pour saisir la Cour, la Géorgie avait besoin d’échafauder au moins une base de

compétence. D’où la soudaine apparition sur la scène de la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimina tion raciale (CIEDR). Or, étant donné que la

Géorgie n’avait jamais aupara vant mentionné cette conventi on ni informé la Russie d’une

quelconque revendication relative à des discriminat ions raciales que celle-ci aurait commises en

Abkhazie ou en Ossétie du Sud, cette base de compét ence était totalement artificielle. La Géorgie

a, sans aucun scrupule, inversé les faits et présenté les conflits qu’elle avait de longue date avec

l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie comme un différend quant à l’interprétation et à l’application de la

CIEDR l’opposant à la Russie.

6. Monsieur le président, cet exposé contextuel fait ressortir les deux caractéristiques

exceptionnelles de la présente affaire.

3
EPR, annexe75, rapport de la mission d’enquête inte rnationale indépendante sur le conflit en Géorgie
(septembre 2009), vol. I, p. 19, par. 14.
4 Ibid., p. 23, par. 20.

5 Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unie s, lettre datée du 11 août 2008, adressée au président du
Conseil de sécurité par le représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies,
Nations Unies, doc. S/2008/545. - 6 -

7. La première est que l’Etat demandeur a cherché ⎯en toute illégalité ⎯ à imposer, par

l’usage brutal de la force militaire, sa pr opre solution à des problèmes régionaux extrêmement

complexes opposant la Géorgie, l’Abkhazie et l’Ossé tie du Sud. Ce faisant, la Géorgie a attaqué

les forces de maintien de la paix internationalement reconnues, agissant en violation flagrante du

droit international humanitaire et sans tenir aucu n compte des principes établis de règlement

pacifique des différends. La Russie est convaincu e que, dans ces circonstances, il ne doit pas être

accordé à l’Etat demandeur le privilège de voir la Cour statuer au fond sur ses revendications

fabriquées de toutes pièces. La toute première question qu’il convient de se poser à cet égard est la

suivante: la Cour aurait-elle été saisie de la pr ésente affaire si l’opération militaire lancée par la
14

Géorgie avait été couronnée de succès ?

8. Monsieur le président, la seconde caractér istique exceptionnelle de la présente procédure

est que les revendications portées devant la Cour sont formulées à l’encontre de l’Etat qui, pendant

plus de quinze années, a servi de fa cilitateur et de force de maintien de la paix. Les vraies parties

aux conflits étaient la Géorgie, d’une part, et l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, d’autre part.

9. La Russie a pris ces fonctions en charge à la demande des parties aux conflits, et a été

reconnue en cette qualité par l’Organisation des Nations Unies, l’OSCE, la Communauté d’Etats

indépendants ⎯et par la Géorgie elle-même. Ainsi, le Conseil de sécurité de l’Organisation des

Nations Unies a-t-il reconnu, dans plusieurs résolutions, que les forces russes de maintien de la

6
paix en Abkhazie constituaient un facteur de stabilisation dans la zone de conflit . L’OSCE a

continuellement pris une position semblable à propos du rôle joué par la Russie dans le conflit

7
osséto-géorgien . Des représentants du gouvernement géorgien ont fait des déclarations analogues

tout au long de la période du soi-disant «conflit». Non seulement la Géorgie a expressément

6Conseil de sécurité, résolution 1187(1998). On trouve de s déclarations abondant dans le même sens dans les

résolutions 1255 (1999), 1287 (2000), 1311 (2000), 1393 (2002), 1427 (2002), 1462 (2003), 1494 (2003), 1524 (2004),
1554 (2004), 1582 (2005), 1615 (2005).
7Observations écrites de la Géorgi e (OEG), vol. III, annexe 104, CSCE, document de Budapest 1994 : «Vers un
authentique partenariat dans une ère nouvelle», p. 8 ; MG, vol. II, annexe 69, OSCE, document de Lisbonne 1996, p.5,
par. 20. - 7 -

8
demandé le déploiement des troupes de maintien de la paix , mais elle a constamment reconnu la

Russie comme un «particip[ant] acti[f] au process us visant à trouver une solution pacifique au

conflit abkhaze», qui avait «assum[é] une grande responsabilité dans le processus de paix» 9

⎯comme l’a déclaré en 1994 le ministre géorgi en des affaires étrangères devant l’Assemblée

générale de l’Organisation des Nations Unies, ou encore comme «le garant de la paix à long terme

dans le Caucase» 10 ⎯ pour reprendre les termes utilisés par le premier ministre géorgien en 2005.

15 10. C’est en sa qualité de médiateur que la Russie a conclu avec la Géorgie l’accord de 1992

11
sur les principes du règlement du conflit osséto-géorgien . C’est également en cette qualité

qu’elle fut reconnue par l’OSCE, qui s’était penc hée sur le conflit sud-ossète depuis 1994, et c’est

encore en cette même qualité que la Russie assist a aux négociations entre les parties géorgienne et

sud-ossète dans le cadre de la commission de contrôle conjointe 12. C’est toujours en raison du rôle

de médiateur de la Russie que le commandement de la force commune de maintien de la paix,

composée de contingents russe, géorgien et ossète, fut confié à un officier russe. La présence de

cette force et le travail réalisé par la commissi on de contrôle conjointe ont contribué à éviter,

jusqu’en août 2008, que n’éclatent sur le terrain des incidents violents d’envergure.

11. S’agissant du conflit entre la Géorgie et l’ Abkhazie, les parties adverses ont fait appel à

la médiation russe, qui a contribué à la conclusion de plusieurs accords de cessez-le-feu pendant la

phase violente du conflit, en 1992 et 1993. La Russie et la Géorgie ont à plusieurs reprises

demandé au conseil de sécurité de l’Organisati on des Nations Unies de déployer une force de

maintien de la paix internationale en Abkhazie 13.

8 EPR, annexe34, Conseil de sécurité de l’Organi sation des Nations Unies, le ttre datée du 4février1994,

adressée au Secrétaire général par les représentants de la Géorgie et de la Fédérati on de Russie, Nations Unies,
doc. S/1994/125 (7 février 1994) ; EPR, annexe 36, déclaration relative à des mesure s visant à un règlement politique du
conflit entre la Géorgie et l’Abkhazie, signée le 4avril 1994 ; EPR, annexe 40, Communauté d’Etats indépendants,
conseil des chefs d’Etat, décision relative à l’emploi de forces coll ectives pour le maintien de la paix dans la zone du
conflit entre la Géorgie et l’Abkhazie (22 août 1994), p. 1.

9 Ibid.
10
EPR, annexe57, conférence de presse du premier ministre de la Géorgie, Zourab Noghaïdeli,
13 décembre 2005, diffusée à l’occasion de la réunion de la commission de contrôle conjointe des 27-28 décembre 2005.
11
MG, vol. III, annexe 102, accord sur les principes du rè glement du conflit osséto-géorgien entre la République
de Géorgie et la Fédération de Russie (l’«accord de Sotchi») (24 juin 1992).
12
EPR, par. 2.13 et suiv.
13 Conseil de sécurité de l’Organisa tion des Nations Unies, rapport du Secr étaire général sur la situation en
er
Abkhazie (République de Géorgie), Nations Unies, doc. S/26023 (1 juillet 1993), par. 6 et 10 ; EPR, vol. II, annexe 34,
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, lettre datée du 4 février 1994, adressée au Secrétaire général par
les représentants de la Géorgie et de la Fédération de Russie, Nations Unies, doc. S/1994/125 (7 février 1994). - 8 -

12. Dans le cadre du «processus de Genève», principal cadre de négociation entre la Géorgie

et l’Abkhazie, la Russie est intervenue en tant que facilitateur aux côtés de l’Organisation des

Nations Unies 14. Les efforts de médiation ont abouti à l’adoption, au printemps 1994, d’une série

d’accords entre la Géorgie et l’Abkhazie, dont l’ accord de cessez-le-feu et de séparation des forces

15
signé à Moscou , à la suite de quoi la Russie fournit ses contingents militaires à la force de

16 maintien de la paix déployée sous les auspices de la Communauté d’Etats indépendants 16, avec

17
l’aval du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies .

13. La Russie était également membre du groupe des amis du Secrétaire général de

l’Organisation des Nations Unies, qui jouait le rôle de groupe de contact de la communauté

18
internationale sur la question abkhaze , et, à ce titre, elle participa, avec d’autres membres de ce

groupe, aux travaux du conseil de coordination pour la Géorgie et l’Abkhazie, créé en 1997 19. Au

début de l’année 2003, pour donner un nouvel élan au processus de résolution du conflit, la Russie

proposa de créer un groupe de travail tripartite constitué de représentants géorgiens, abkhazes et

russes 20, ce dont les deux parties adverses se félicitèrent vivement.

14. Monsieur le président, comme je l’ai dé jà relevé, l’attitude de la Géorgie changea

radicalement peu après l’arrivée au pouvoir du pr ésident Saakachvili, fin 2003. Les nouvelles

autorités firent le choix du recours à la for ce ce qui, finalement, conduisit les processus de

négociation à l’échec. Au cours des années suivant es, la Géorgie eut recours à la force armée à

l’encontre de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, les négociations s’enlisèrent totalement et la

14
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unie s, rapport du Secrétaire généra l concernant la situation
en Abkhazie (Géorgie), Nations Unies, doc. S/1994/253, par. 7.
15
EPR, annexe 37, accord de cessez-le-feu et de séparation des forces, signé le 14 mai 1994 à Moscou (Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nati ons Unies, lettre en date du 17 mai 1994,adressée au président du Conseil de
sécurité par le représentant permanent de la Géorgie a uprès de l’Organisation des Na tions Unies, Nations Unies,
doc. S/1994/583, 17 mai 1994).

16EPR, vol.II, annexe 40, Communaut é d’Etats indépendants, conseil des chefs d’Etat, décision relative à
l’emploi de Forces collectives pour le maintien de la paix dans la zone du conflit entre la Géorgie et l’Abkhazie
(22 août 1994).

17 EPR, annexe38, Conseil de sécurité de l’Organisation des Na tions Unies, résolution 934 (1994),
Nations Unies, doc. S/RES/934 (30 juin 1994).

18Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité, 1993-1995, chapitre VIII, point 18 : la situation en Géorgie.
19
MG, vol.III, annexe125, déclaration finale relative à l’i ssue de la reprise, en Géorgie, de la réunion entre les
parties géorgienne et abkhaze (du 17 au 19 novembre 1997).
20
Conseil de sécurité de l’Organisa tion des Nations Unies, rapport du Secr étaire général sur la situation en
Abkhazie (Géorgie), Nations Unies, doc. S/2003/751, p. 2, par. 4. - 9 -

Géorgie s’engagea à toute vitesse dans des prépar atifs militaires. L’attitude militariste de la

Géorgie était si inquiétante que le Conseil de sécu rité de l’Organisation des Nations Unies «pri[a]

instamment [à plusieurs reprises] la partie géorgienne de prendre véritablement en compte les

préoccupations légitimes de la partie abkhaze en matière de sécurité, d’éviter toute mesure qui

pourrait être regardée comme une menace et de s’abstenir de tout discours militant» 21.

15. S’employant à résoudre ce problème, la Fédération de Russie, par les voies qui lui étaient

ouvertes en tant que médiateur, proposa à plusie urs reprises aux parties géorgienne, abkhaze et

sud-ossète de conclure des accords formels de non recours à la force 22. Elle poursuivit ses efforts

17 de médiation jusqu’à la veille de l’attaque menée en août 2008 par la Géor gie en Ossétie du Sud.

Le 3août, le vice-ministre russe des affaires étrangèr es alerta le chef de la diplomatie géorgienne

du danger d’escalade du conflit 23. Le 7 août, un représentant di plomatique spécial de la Russie

24
dépêché dans la région tenta par tous les moyens d’amener les parties à la table de négociation .

Même dans les dernières heures du 7 août, alors que l’attaque était imminente, le commandant de la

force commune de maintien de la paix, le général Kulakhmetov, tentait de dissuader les plus hauts

représentants géorgiens de s’engager dans une actio n militaire. Malgré cela, peu avant minuit, les

forces armées géorgiennes commencèrent à bombarde r sans discernement la ville de Tskhinval et

25
les forces de maintien de la paix russes, notamment à l’aide de lance-roquettes multiple .

16. Monsieur le président, le rôle de médiat eur joué par la Russie et le déroulement des

événements, notamment au cours des années qui ont précédé l’attaque d’août 2008, constituent des

facteurs essentiels pour juger de la compétence ou non de la Cour en la présente affaire.

21
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, résolution 1666 (2006) (31 mars 2006); EPR,
annexe60, Conseil de sécurité de l’ Organisation des Nations Unies, résolution 1716 (2006) (13 octobre 2006); Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, résolution 1752 (2007) (13 avril 2007).
22
Par exemple, OSCE, Conseil permanent, déclarations du représentant permanent de la Fédération de Russie:
PC.DEL/181/06, 2 mars 2006; PC.DEL/457/06, 18 mai 2006; PC.DEL/841/06, 8 septembre 2006; PC.DEL/225/07,
16 mars 2007.
23 o
Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, co mmuniqué de presse n 1131-04-08-2008,
4oû2t008, disponible à l’adresse suivante : http://www.mid.ru/brp_4.nsf/0/A3646BAD2A05EDA4C325749
B002BF378 .

24 Rapport de la mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie (septembre 2009), vol. 2,
p. 208 (disponible sur le site www.ceiig.ch
25
EPR, annexe75, rapport de la mission d’enquête inte rnationale indépendante sur le conflit en Géorgie
(septembre 2009), vol. I, p. 19, par. 14. - 10 -

17. Le fait est que la plupart des communications que la Géorgie présente aujourd’hui

comme des réclamations relatives à la discrimination raciale ont été faites dans le contexte de la

participation de la Russie au maintien de la pa ix et de ses efforts de médiation. A ce propos,

plusieurs remarques s’imposent.

18. Premièrement, la Russie a été critiquée en diverses occasions par la Géorgie, l’Abkhazie

ou l’Ossétie du Sud 26. Cela est sans aucun doute le revers de la médaille de toute activité de

médiation ou de maintien de la paix et la Russi e a d’ailleurs elle-même s ouvent critiqué telle ou

telle partie. Elle s’est toujours efforcée de pre ndre une position de principe sur les négociations et

d’évaluer les positions et les attitudes des parties en se fondant sur des principes. De fait, la Russie

condamna résolument la Géorgie lorsque celle-ci enfreint ses obligations et commença à substituer

le recours à la force aux négociati ons. Mais de la même manière, elle prit également une position

27
de principe lorsque l’Ossétie du Sud ou l’Abkhazi e agirent à l’encontre de leurs engagements .

Cela ne fait qu’attester de la bonne foi et du dévouement avec lesquels mon pays a exercé son
18

mandat.

19. Deuxièmement, la Géorgie avait le dr oit de mettre un terme à tout moment aux

opérations de maintien de la paix. Or ce n’est que le 1 erseptembre2008 qu’elle prit une telle

décision. En aurait-il réellement été ainsi si la Géorgie avait véritablement pensé que, pendant

presque deux décennies, les forces de maintien de la paix russes commettaient des actes de

discrimination raciale contre la population géorgienne ? La réponse est évidente.

20. Troisièmement, les forces de maintien de la paix russes n’ont jamais été censées assurer

des fonctions de police et d’administration civile, ni adaptées à de telles fonctions. C’est aux unités

de police locale, notamment à la police géorgienne dans les villages d’Ossétie du Sud peuplés de

Géorgiens de souche 28 et à la police abkhaze conseillée par la composante policière de la Mission

26Voir, par exemple, EPR, vol. 2, annexe 24, «Russia and Georgia have agreed that South Ossetia does not exist»
[«La Russie et la Géorgie sont convenues que l’Ossétie du Sud n’existe pas»], Liana MinasianNezavisimaya Gazeta
(30 juin 1992).

27MG, annexe12, Conseil de sécurité des Nati ons Unies, procès-verbal provisoire de la 329séance tenue le
19 octobre 1993 (S/PV.3295), p. 7.

28Rapport de la mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie (septembre 2009), vol. II,
p. 14 (disponible sur le site www.ceiig.ch - 11 -

d’observation des Nations Unies dans la zone de conflit entre la Géorgie et l’Abkhazie, qu’a

29
incombé la tâche de faire respecter la loi .

21. Quatrièmement, la Géorgie a, bien évidemment, discuté avec la Russie des problèmes

relatifs à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud ⎯ tout comme elle l’a fait avec d’autres facilitateurs, par

exemple avec d’autres membres du groupe des amis ou de l’OSCE. Naturellement, de telles

discussions ne sauraient constituer un différend ou des négociations relatives à ce différend, à

moins que la partie intéressée n’ait fait connaître ses réclamations et n’en ait informé le destinataire

sans ambiguïté.

22. Monsieur le président, nous sommes profondé ment convaincus que, à la lumière de tous

les éléments qui précèdent, les allégations sur lesquelles s’appuie à présent la Géorgie ne sauraient

être qualifiées de différend en vertu de la CIEDR.

23. Mr. President, let me now briefly summarize my statement in the other official language

of the Court.

24. Before the armed attack of 8August200 8, Russia had been given a peacekeeping and

mediation role in the conflicts that were affec ting Georgia, Abkhazia and South Ossetia. It was

only when the failure of that military venture became clear that the Applicant referred the matter to

the Court. Those are the essential features of this case, which make it an exceptional one. Taken

19 together, the facts clearly show that the Applicant is using the Court in order to portray itself as a

victim of the conflict that it itself had started. Russia’s preliminary objections must be viewed by

the Court in that very particular context.

25. Mr. President, Members of the Court, thank you for your attention, and I would now ask

you, Mr. President, to give the floor to my colleague, Ambassador Roman Kolodkin.

Le PRESIDENT: Je remercie S.Exc.M.l’ ambassadeurGevorgian pour son intervention.

J’appelle maintenant S. Exc. M. l’ambassadeur Roman Kolodkin à venir présenter ses observations

en tant qu’agent de la Fédération de Russie.

29
Conseil de sécurité de l’Organisa tion des Nations Unies, rapport détaire général sur la situation en
Abkhazie (Géorgie), Nations Unies, doc. S/2008/480, p. 1, par. 2. - 12 -

M.KOLODKIN: Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un

honneur pour moi de paraître une fois de plus devant la Cour internationale de Justice.

1. Il y a deux ans, lorsque la Géorgie l’a saisie d’une demande en indication de mesures

conservatoires concernant sa requête, la Cour a pris une décision difficile, alors que l’incertitude

régnait quant à la situation sur le terrain et que le demandeur invoquait l’urgence. Cette décision ne

concernait que la compétence prima facie de la Cour. Nous estimons, qu’à ce stade de la

procédure, une analyse minutieuse fera apparaître que la Cour n’est pas compétente pour examiner

la demande quant au fond. C’est pourquoi je voudrais vous présenter les exceptions préliminaires

de la Fédération de Russie.

2. Le seul fondement invoqué par le demandeur pour établir la compétence de la Cour est

l’article 22 de la convention inte rnationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination

raciale de 1965 (CIEDR), qui dispose que :

«Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation ou
l’application de la présente convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation
ou au moyen des procédures expressément pr évues par ladite convention sera porté, à

la requête de toute partie au différend, deva nt la Cour internationale de Justice pour
qu’elle statue à son sujet, à moins que l es parties au différend ne conviennent d’un
autre mode de règlement.»

La3. première exception préliminaire formulée par la Russie est que, au moment où la

demande a été déposée, il n’existait pas de différend entre la Géorgie et la Russie concernant une

discrimination raciale visant la population de souche géorgienne d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.

20 4. Il convient de noter d’emblée que la Géorgie prétend que le différend entre les Parties

concernant l’interprétation ou l’application de la convention de1965 remonte à non moins

dix sept ans 30. Dans le cadre de ce prétendu «différend», elle allègue que la Russie est responsable

31
du meurtre de milliers de civils et du déplacement forcé de plus de 300000personnes . Elle

affirme que «le comportement de la Russie c onstitue un nettoyage ethnique à grande échelle» 32.

Pourtant, jusqu’à la date précise à laquelle la Géorgie a déposé sa requête, le Gouvernement

géorgien n’a jamais soulevé ce «différend» avec la Russie. Il est un fait incontestable sur lequel je

30MG, vol. I, p. 32, par. 2.34 ; MG, vol. I, p. 341, par. 9.17.
31
Ibid., p. 5, par. 1.3.
32Ibid., p. 6, par. 1.4. - 13 -

souhaite appeler votre attention : tout au long de dixseptannées de prétendu «différend», la

Géorgie ne s’est jamais plainte à la Russie de ces prétendues violations, pas une seule fois !

5. Bien sûr, la Géorgie vous a soumis des volumes de documentation pour tenter d’établir

l’existence d’un tel différend. Mais, dans un cas comme celui-ci, quantité ne vaut pas qualité.

Pour les documents sur lesquels la Géorgie s’a ppuie, certains n’ont pas trait à la discrimination

raciale, d’autres ne mentionnent pas la Russie comme la partie r esponsable, d’autres encore font

état d’un accord plutôt que d’un différend ou n’ont jamais été communiqués par le Gouvernement

géorgien au Gouvernement russe.

6. En revanche, chaque fois que la Géorgie a eu à se plaindre de la Russie, elle l’a exprimé

de la façon la plus directe qui soit. Les documents présentés par le demandeur regorgent

d’accusations directes. Mais ces accusations porte nt sur des questions complètement différentes,

telles que la coopération économique avec les régi ons en sécession, la lenteur du retrait des bases

militaires russes, de prétendues violations de l’espace aérien géorgien, etc.

7. Sur la base de ses observations écrites, le demandeur voudrait faire croire à la Cour qu’en

moyenne, il s’est plaint de discrimination raciale à la Russie tous les trois mois. Une des périodes

21 les plus actives 33à cet égard a été l’été2006, au cours duquel de telles plaintes auraient été

soulevées à au moins cinqreprises. Les échanges diplomatiques qui ont eu lieu pendant cette

période mettent en relief les questions qui préoccupa ient véritablement la Géorgie et, par contraste,

l’absence de plaintes pour discrimination raciale.

8. Les cinq «plaintes» en question sont en fait quatre communiqués de presse publiés par des

ministères géorgiens et une résolution du parlement. Pourtant, une analyse des archives

diplomatiques russes montre qu’à la même période, les deux parties entretenaient des contacts

diplomatiques directs. Ainsi, il y a eu une réunion et au moins une conversation téléphonique entre

33OEG, vol.IV, annexe164, ministère géorgien des affaires étrangère s, observations de M.MerabAntadze,

vice-ministre géorgien des affaires ét rangères, à propos des réponses apportées par M.SergueyLavrov, ministre des
affaires étrangères de la Fédération de Russie, aux questions des journalistes (19 juin 2006) ; OEG, vol. IV, annexe 165,
ministère géorgien des affaires étrangères, déclaration du ministère géorgien des a ffaires étrangères sur la situation dans
le district de Tskhinvali en Ossétie du Sud (14 juillet 2006) ; OEG, vol. IV, annexe 166, ministère des affaires étrangères
de la Géorgie, observations du service de presse et d’information sur la déclaration du ministère des affaires étrangères de
la Fédération de Russie relative à lsituation dans les gorges de Kodori (1raoût2006); OEG, vol.IV, annexe167,
ministère des affaires étrangères de laGéorgie, observations du service de presseet d’information sur la visite en
Abkhazie, Géorgie, de M.G.Karasine, secrétaire d’Etat et vice-ministre des affaires ét rangères de la Fédération de
Russie (10 août 2006) ; OEG, vol. III, annexe 82, Assemblée générale, lettre datée du 24 juillet 2006 adressée au
Secrétaire général par le représentant permanent de la Géorgie auprès de l’Organisati on des NationsUnies, annexe,
Nations Unies, doc. A/60/954 (25 juillet 2006). - 14 -

les chefs d’Etat, une réunion entre l’ambassadeur de Ru ssie à Tbilissi et le président de la Géorgie,

au moins onze réunions entre l’ambassadeur de Ru ssie et le ministre géorgien des affaires

étrangères ou ses représentants, et au moins quatre représentations adressées par le ministère

géorgien des affaires étrangères à l’ambassade de Russie. Au cours de ces échanges diplomatiques,

la Géorgie n’a à aucun moment reproché à la Russie de pratiquer la discrimination raciale en

Abkhazie ou en Ossétie du Sud.

9. Je passe maintenant à l’été2008, et à un échange de correspondance entre le

président Saakachvili et le président Medvedev, que la Géorgie a invoqué lors de l’audition sur les

mesures conservatoires et qu’elle a repris dans son mémoire ainsi que dans ses observations

34
écrites . Examinons tout d’abord la lettre que le présidentSaakachvili a adressée au

présidentMedvedev le 24juin2008, dont vous trouverez le texte à l’onglet n o 6 du dossier

d’audience. Regardons, si vous le permettez, le premier paragraphe : nulle référence à une

allégation de discrimination raciale ; au contrair e, le ton employé sied à une communication entre

la Géorgie et le médiateur du conflit qui oppose depuis longtemps la Géorgie et l’Abkhazie,

médiateur avec qui la Géorgie souhaite poursuivre un «dialogue sérieux». La même observation

vaut pour le deuxième paragraphe, où le président géorgien indique que «la prise en compte des

intérêts légitimes de la Fédération de Russie doit indubitablement être l’une des composantes

essentielles de ce dialogue» ; au huitième et au treizième paragraphes, il propose de mettre en place
22

des commissions conjointes russo-géorgiennes sur certaines questions ; au quatorzième paragraphe,

M. Saakachvili se dit prêt à apporter son aide aux préparatifs des jeux olympiques de 2014.

10. Plus important encore, dans sa lettre, le président géorgien propose que l’opération de

maintien de la paix menée sous l’égide de la CEI soit poursuivie et que la Fédération de Russie soit

une des «garantes» de la mise en Œuvre des accords pertinents. Il ressort clairement des onzième et

douzième paragraphes que les accords en question avaient été conclus entre «les parties au conflit»,

c’est-à-dire la Géorgie et l’Abkhazie, et non la Russie. Monsieur le président, est-ce ainsi que l’on

s’adresse à quelqu’un qu’on accuse de nettoyage ethni que ? Est-ce là un langage qui pourrait être

interprété comme exprimant une plainte au titre de la CIERD ?

34
MG, annexes 308 et 311. - 15 -

11. La réponse du présidentMedvedev en date du 1 erjuillet2008 figure à l’ongletn o7, la

traduction anglaise fournie par la Géorgie ayant été corrigée des inexactitud es les plus manifestes

qu’elle contenait et qui auraient pu en gêner la compréhension. Selon les observations écrites de la

Géorgie, cette lettre oppose un refus catégorique au retour des déplacés de souche géorgienne en

Abkhazie 35. Monsieur le président, il s’agit d’une lettr e relativement courte; si elle contenait

quelque refus catégorique que ce soit, il devra it être facile à trouver; pourtant, nous n’y sommes

pas parvenus. Il s’agit simplement de la réponse d’un médiateur conseillant la partie géorgienne

sur les mesures qui, à son sens, ser aient susceptibles de favoriser la négociation entre les parties au

conflit sur ce point particulier.

12. Nous ne prétendons certes pas que ces lettr es n’ont aucune importance; après tout, cet

échange de correspondance a eu lieu seulement quelques semaines avant que la Géorgie ne recoure

illicitement à la force en août 2008 ; l’importan ce de ces lettres tient sans aucun doute à ce qu’elles

ne mentionnent pas les allégations de la Géorgie et ne font nullement état d’un différend portant sur

la discrimination raciale.

13. Cette situation est caractéristique de toute la période qui s’est écoulée depuis le début des

conflits abkhazo-géorgien et osséto-géorgien. De s rapports diplomatiques intenses ont toujours eu

lieu entre la Géorgie et la Russie, sur toute une série de questions bilaté rales et multilatérales.

Parmi celles-ci, il y avait tout naturellement les pr oblèmes liés à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud.

La Russie était médiateur dans les négociations et, à ce titre, aidait les parties directement
23

concernées à résoudre les conflits pacifiquement. C’ est en cette qualité que la Russie a discuté des

questions abkhazes et sud-ossètes avec la Géorgie. Mais le demandeur n’a jamais soulevé, dans le

cadre de ces contacts diplomatiques, la question de la responsabilité de la Russie à raison d’une

discrimination exercée contre les Géorgiens de souche en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

14. Monsieur le président, le caractère artificiel du prétendu différend ressort également du

fait que, comme M.Gevorgian l’a fait observer, la demande n’a été déposée qu’une fois qu’il est

apparu clairement que l’attaque armée illicite de la Géorgie avait échoué. Pour paraphraser

35
OEG, vol. I, p. 73, par. 2.100. - 16 -

Clausewitz, la Géorgie essaye d’utiliser les pro cédures judiciaires comme un prolongement de la

guerre par d’autres moyens.

15. Pour sa part, la Russie considère que la C our internationale de Ju stice, la plus haute

instance judiciaire du système international, ne devrait être saisie qu’en conformité avec ses

objectifs et non utilisée à mauvais escient, pour en tirer des avantages politiques, par ceux qui

violent gravement le droit international.

16. Monsieur le président, abst raction faite de ces considérations générales, il ne faut pas

oublier que la convention de1965 définit ce qui constitue un différend. Le terme «différend» est

utilisé dans la convention pour désigner certaines situations particulières, à savoir des situations qui

ont déjà été portées à l’attention du comité pour l’ élimination de la discrimination raciale, qui ont

été examinées par lui et qui n’ont pas été réglées à la satisfaction des parties 36.

17. Notre conseil reviendra par la suite sur ce sujet et abordera plus en détails la deuxième

exception préliminaire de la Russie, à savoir le n on respect par la Géorgie des autres conditions de

nature procédurale énoncées par l’article22 de la convention de1965. Selo n cet article, avant de

saisir la Cour, un Etat demandeur doit avoir tenté de régler un différend par voie de négociations et

par les procédures établies par la convention.

18. La convention de 1965 a été le premier instrument des Nations Unies relatif aux droits de

l’homme à mettre en place un comité d’experts indé pendants chargé de suivre son application et

d’interpréter ses dispositions. Une analyse des tr avaux préparatoires de la convention prouve que

le libellé de l’article22 est le fruit de longues négociations, au cours desquelles les Etats ont fait

valoir des vues divergentes quant aux rôles respectifs de la Cour et du comité pour l’élimination de

24 la discrimination raciale. En fin de compte, la position la plus équilibrée a prévalu: la Cour ne

pouvait être saisie qu’une fois que des négociations avaient été engagées et les procédures du

comité, suivies, et ce sans succès. Grâce à cette solution, d’une part, le comité pouvait jouer le rôle

qui était le sien et, d’autre part, la convention pouvait être largement acceptée.

19. Actuellement, centquaranteneufEtats ont accepté la compétence de la Cour au titre de

la CIEDR. De toute évidence, à l’instar de la Russie, bon nombre d’entre eux ont accepté cette

36
CIEDR, articles 11 et 12. - 17 -

compétence étant entendu qu’avant qu’un différend puisse être porté devant la Cour, la question

doit être examinée par le comité. En fait, s’il en était autrement, celui-ci perdrait un élément

important de sa compétence, ce qui serait contra ire à ce que voulaient les négociateurs de la

convention.

20. Le comité offre tout un éventail de pro cédures aux Etats parties et en particulier aux

37
groupes intéressés, y compris la procédure obligatoire de communication entre Etats qui est

unique en son genre dans le contexte des traités universels relatifs aux droits de l’homme. Outre

38
les communications entre les Etat s, le comité examine les rappor ts périodiques des Etats parties ,

ainsi que les communications émanant de pa rticuliers ou de groupes de particuliers 39 et, enfin,

adopte et diffuse des recommandations générales 40. Le comité a par ailleurs élaboré des mesures

de prévention, parmi lesquelles un système d’aler te rapide destiné à éviter que des situations

existantes ne dégénèrent en conf lit, ainsi que des procédures d’urge nce permettant de parer à des

problèmes qui exigent une attention immédiate en vue de prévenir des violations graves de la

convention ou d’en limiter l’ampleur ou le nombre 41.

21. Etat multiethnique, la Fédération de Russie souscrit pleinement aux principes et objectifs

de la convention. Non seulement elle accepte la compétence que l’article22 de la convention

confère à la Cour internationale de Justice, mais elle reconnait aussi le mandat du comité

concernant les communications individuelles qui lui sont adressées en application de l’article 14.

22. Si la Géorgie avait été si préoccupée pa r la bonne application de la convention par la

Russie et avait vraiment voulu saisir le comité, el le aurait donc eu amplement le temps, depuis son

25 accession à la convention de 1999, d’adresser une communication au comité, voire, s’agissant des

allégations de discrimination raci ale dans le contexte du conflit ar mé d’août 2008, d’avoir recours

aux procédures d’urgence du comité. Cela est d’autant plus manifeste qu’au moment où la

demande a été déposée auprès de la Cour, le comité pour l’élimination de la discrimination raciale

37
CIEDR, articles 11, 12 et 13.
38
CIEDR, article 9, par. 1.
39CIEDR, article 14.

40CIEDR, article 9, par. 2.

41Rapport du comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Nations Unies, Documents officiels de
l’Assemblée générale, 48esession, supplément n 18 (A 4818, annexe 3, p. 126-130). - 18 -

était en session et, qui plus est, apportait la de rnière main aux observations finales sur les 18 eet

e 42
19 rapports périodiques de la Fédération de Russie .

23. La Géorgie n’a pas suivi cette voie. Au lieu de cela, elle a délibérément passé outre les

procédures du comité. En agissant de la sorte, la Géorgie a non seulement mal appliqué les

dispositions de l’article22 en ce qui concerne la saisine de la Cour, mais a aussi fait preuve d’un

manque total de respect à l’égard du comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

24. De la même manière, la Géorgie n’a fait aucun cas des autres moyens de règlement des

différends établis par l’article22 de la convention, à savoir les négociations. Comme il l’a fait

concernant l’existence d’un différend, le dema ndeur a fourni à la Cour une volumineuse

documentation pour démontrer qu’il avait négo cié avec la Russie sur la question de la

responsabilité de celle-ci pour discrimination racial e. Là encore, ces documents ne font que

prouver que des négociations sur un différend inexistant n’ont jamais eu lieu.

25. Monsieur le président, la Cour se trouve au faîte du syst ème international de règlement

des différends. En tant que telle, elle est tributaire de l’intégrité des autres éléments du système, en

l’occurrence l’existence d’un différend, la tenue de négociations et le recours au comité pour

l’élimination de la discrimination raciale. Il est du ressort de la Cour de préserver et de renforcer

l’intégrité de chacun de ces éléments. Si elle statuait sur sa compétence dans le sens voulu par la

Géorgie, le système s’en trouverait affaibli, ce qui ne manquerait pas d’avoir de multiples

répercussions négatives.

26. Pour commencer, une décision en ce sens serait préjudiciable au comité. Les procédures

complexes que j’ai évoquées deviendraient obsolètes si tout Etat intéressé était autorisé à les

outrepasser. Légitimer un tel comportement influerait également sur l’auto rité des autres organes

conventionnels relatifs aux droits de l’homme.

26 27. De plus, en se déclarant compétente en l’espèce, la Cour pourrait amener les Etats à

revoir leur position quant à leur ac ceptation de la compétence conférée à la Cour par les traités

relatifs aux droits de l’homme, selon lesquels la Cour est un moyen de règlement des différends.

42Rapport du comité sur l’élimination dla discrimination racial e, annexe70, EPR, annexe110, comité pour
l’élimination de la discrimination raciale, 73on, examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à
l’article 9 de la convention, observations finales du comité pour l’élimination de la discrimination raciale : Fédération de
Russie, Nations Unies, CIEDR/C/RUS/CO/19 (20 août 2008). - 19 -

28. Enfin, comme l’a fait observer M.Gevorgi an, cela signifierait que, dorénavant, il serait

accepté qu’un Etat commence par recourir illicitement à la force pour résoudre ses problèmes et, si

le recours à la force échoue, déguiser cette violation du droit international en saisissant la Cour et

en prétendant qu’il a toujours essayé de résoudre ses problèmes par des moyens pacifiques.

29. Pour toutes ces raisons, la deuxième exception préliminaire, tout comme la première,

trouve son origine dans la volonté de respecter les principes de règlement pacifique des différends

et le système contemporain de protection des droits de l’homme mis en place par les Nations Unies.

Les deux exceptions sont pleinement étayées par une analyse du sens ordinaire de l’article 22 de la

convention faite dans le cadre des travaux préparatoires et même de la jurisprudence de la Cour.

30. Monsieur le président, les troisième et qua trième exceptions préliminaires de la Russie

concernent l’applicabilité de la convention au-delà du territoire national d’un Etat partie donné,

ainsi que la compétence ratione temporis de la Cour.

31. En ce qui concerne la compétence ratione loci, la Russie considère qu’outre les raisons

invoquées dans les deux premières exceptions préliminaires, la Cour n’a pas compétence pour

traiter de la demande de la Gé orgie du fait que la portée juridic tionnelle de l’article22 de la

convention n’englobe pas des actes ou des omissions de la Russie qui auraient eu lieu sur le

territoire de l’Abkhazie ou de l’Ossétie du Sud. A titre subsidiaire, une telle portée juridictionnelle

n’existe que dans des circonstances très particulières, et la Géorgie n’a pas su démontrer que les

critères permettant d’établir l’existence de telles circonstances ont été remplis. Quoi qu’il en soit, à

la réflexion, nous estimons que cette exception n’est pas nécessairement de nature exclusivement

préliminaire.

32. Quant à la quatrième exception, la Russie fa it valoir que si la Cour était compétente, ce

qui n’est pas le cas, cette compétence serait limitée ratione temporis en ce qu’elle ne s’étend pas à

des comportements ou à des faits an térieurs au 2 juillet 1999, date à laquelle la Géorgie a adhéré à

la convention. D’ailleurs, la Géorgie reconna it elle-même dans ses observations écrites que «la - 20 -

27 convention de 1965…n’a pas d’effet rétroactif» 43. Etant donné ce qui précède, je ne vous ferai

pas perdre davantage de temps sur cette quest ion et me permettrai de vous renvoyer au

raisonnement correspondant dans nos exceptions préliminaires écrites 44.

33. Nous sommes convaincus que la Cour ne devra pas examiner ces questions car son

absence de compétence ressort clairement des mo tifs exprimés dans les deux premières exceptions

préliminaires.

34. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent les

déclarations des agents de la Fédération de Russie. Notre conseil vous fournira davantage de

détails concernant le raisonneme nt juridique sous-tendant les exceptions préliminaires.

M.SamuelWordsworth développera la première exception préliminaire, à savoir l’absence d’un

différend entre la Géorgie et la Russie. M. Alain Pellet évoquera la deuxième exception, à savoir le

fait que la Géorgie n’a pas satisfait aux cond itions préalables énoncées à l’article22 de la

convention. Cet exposé sera suivi par celui de M. Andreas Zimmermann, qui apportera la preuve

que la Géorgie n’a jamais essayé de régler le prétendu différend par voie de négociations.

35. Monsieur le président, je vous remercie pour votre atten tion. Puis-je vous demander de

bien vouloir donner la parole à M. Samuel Wordsworth ?

Le PRESIDENT: Je remercie Son Excellence, M. l’ambassadeur Roman Kolodkin, pour sa

présentation. Je donne à présent la parole à M. Samuel Wordsworth.

M. WORDSWORTH :

L’ABSENCE DE DIFFÉREND

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, c’est un honneur pour moi de me

présenter devant vous afin de vous exposer l’argumentation de la Russie selon laquelle la Géorgie

n’a pas satisfait à ce que la Cour a qualifié, dans les affaires des Essais nucléaires, de «condition

première de l’exercice de sa fonction judiciaire» ( Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France),

arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 476, par. 58 ; Essais nucléaires (Australie c.France), arrêt,

43
OEG, par. 5.11.
44EPR, chap. VI, p. 231-238. - 21 -

C.I.J. Recueil 1974, p.270-271, par.55) 45, c’est-à-dire, que la Géorgie n’a pas établi l’existence

d’un différend.

28 2. La Géorgie présente ses arguments sur l’existence d’un différend avec une séduisante,

mais trompeuse, simplicité. Il suffit, selon elle , que «la Géorgie répond[e] par l’affirmative», ce

qu’elle entend par «présent[er d]es accusations réitérées de discrimination ethnique contre la

Russie», ce qu’elle affirme avoir fait, puis, que «la Russie répond[e] par la négative», et la Géorgie

indique alors que «la Russie a…toujours nié toute responsabilité à l’égard de ces actes de

46
discrimination raciale» .

3. A titre de brève déclaration co ncernant les principes juridiques généraux, les motifs de

contestation sont rares en l’espèce, d’autant que la Géorgie poursuit en admettant que l’existence

47
d’un différend doit être antérieure au dépôt de la requête . Il s’ensuit pourtant que, normalement,

pour démontrer l’existence d’un différend, il suffit de deux documents: i) l’affirmation de la

violation d’un traité particulier, et ii) l’assertion d’une opposition manifeste à cette violation. Une

«affirmation» et une «dénégation». Il est alors ét onnant que la Géorgie aille jusqu’à soumettre pas

moins de 80documents au chapitreII de ses observations écrites pour tenter de démontrer

l’existence d’un différend ⎯pour ce qui devrait être une question simple. L’idée ⎯ et je

reviendrai plus longuement sur ce point ⎯ est que la Géorgie cherche à étouffer la Cour sous des

documents pour une raison, à savoir l’absence d’«affi rmation» et de «dénégation» claires dans le

dossier.

4. Non moins important, le fait que la Géor gie passe directement aux principes juridiques

généraux suppose, de manière tout à fait erronée, qu e la CIEDR ne contient aucun élément fixant

au terme «différend» de l’article 22 un sens particulier. Toutefois, c’est, bien évidemment, le choix

précis des termes employés à l’article22 ainsi que dans d’autres dispositi ons pertinentes de la

CIEDR qui doit constituer, pour la Cour, le point de départ de l’examen de cette première

exception d’incompétence. J’examinerai donc trois points :

⎯ premièrement, le sens du terme «différend» employé à l’article 22, avant d’aborder,

45
Voir également l’opinion individuelle du jugeGros, p277, par.2, qui renvoie au «principe de l’antériorité
nécessaire de l’examen de la question de la réalité d’un différend».
46
OEG, par. 2.2.
47Ibid. Voir également EPR, par. 3.23-3.35. - 22 -

⎯ deuxièmement, les principes juridiques généraux, lesquels, espérons le, sont relativement peu

contestés et,

⎯ enfin, et pour autant que le peu de temps dont je dispose me le permette, je me pencherai alors

sur la question de savoir ce que montrent les nombreux documents sur lesquels s’appuie la

Géorgie, ou plutôt, ce qu’ils ne montrent pas.

a) Le sens du terme «différend» au regard de la CIEDR
29

5. En ce qui concerne la première de ces questions, la CIEDR contient trois termes distincts

pour ce qui pourrait, conformément à la jurisprude nce de la Cour, constituer un «différend» en

droit international général. Le terme «question» figure à l’article 11 ; l’article 16 renvoie à ceux de

«plainte» et «différend» ; tandis que l’article 22 ne fait référence qu’au seul «différend».

6. Suivant un examen plus détaillé, conformément à l’alinéa1) du paragraphe11 de la

o
CIEDR (que nous avons inséré, par souci de commodité, sous l’ongletn 1 de votre dossier de

plaidoiries, au bas de la seconde page dudit ongl et): «Si un Etat partie estime qu’un autre Etat

également partie n’applique pas les dispositions de la présente Convention, il peut appeler

l’attention du Comité sur la question.» (Les italiques sont de nous.)

7. Le reste du paragraphe1 de l’article11 contient la description de la procédure suivant

laquelle cette «question» est transmise à l’autre Etat partie intéressé, lequel doit, à son tour, dans un

délai de troismois, soumettre au Comité des explications ou déclarations écrites éclaircissant la

question. Le paragraphe2 de l’ article11 fixe un délai de sixmois pour régler la «question» à la

satisfaction des parties, par voie de négociations bilatérales ou par toute autre procédure, à l’issue

duquel l’absence de règlement permet à l’un ou l’autre Etat de soumettre à nouveau la «question»

au Comité. On ne trouve nulle part dans l’artic le11 de référence au te rme «différend» et, ainsi

qu’il découle de la terminologie distincte employée à l’article12, les Etats intéressés ne sont pas

considérés comme parties prenantes à un «différe nd» jusqu’à l’achèvement de la procédure en

5étapes que je viens juste de présenter, c’est-à-dir e, i)la soumission de la question au Comité,

ii)la transmission de la question à l’Etat destin ataire par le Comité, iii)les explications ou

déclarations écrites de l’Etat destinataire, iv)l es tentatives pour parvenir à régler la question de - 23 -

manière satisfaisante et, enfin, v) le renvoi de la question une nouvelle fois au Comité à l’expiration

d’un délai de six mois.

8. Ainsi, à la différence de l’article11, c’est seulement au paragraphe1 de l’article12, et

uniquement dans le contexte de l’étape suivan te, à savoir la désignation d’une commission de

conciliation ad hoc, que les Etats parties intéressés sont considérés par la Convention comme «des

Etats parties au différend». A la différence de l’article11 dans lequel le mot «différend» est

soigneusement évité, l’article 12 contient quelques six occurrences de l’expression «Etats parties au

différend». Cette différence ne saurait être mise au compte d’une inattention ⎯ les parties

souhaitaient manifestement faire la distinction entre la transmission et le règlement d’une question

30 non cristallisée, et le point auquel, après s’être tellement intensifiée au cours d’un processus en

5étapes qu’elle pouvait alors être, mais uniquement à ce moment-là, véritablement qualifiée de

différend.

9. Cette même distinction entre la question non cristallisée et le différend est illustrée dans

les parties pertinentes du règlement intérieur du Comité pour l’élimination de la discrimination

raciale, aux sections XVI et XVII, que nous avons insérées dans le dossier de plaidoiries, sous

l’onglet no2. J’aimerais attirer votre atten tion sur l’article72 en particulier ⎯que vous trouverez

en page4 dudit onglet. Cet article fait appara ître clairement que le différend ne naît qu’au

paragraphe2 de l’article11, c’est-à-dire uniqueme nt lorsque la procédure en 5étapes s’achève et

que la question revient devant le Comité pour la seconde fois, comme le prévoit le paragraphe 2 de

l’article 1148.

10. L’article16 comprend ensuite deux termes ⎯ «différend» et «plainte» ⎯ et établit que

les dispositions de la CIERD «concernant l es mesures à prendre pour régler un différend ou

liquider une plainte s’appliquent sans préjudice d es autres procédures de règlement des différends

ou de liquidation des plaintes en matière de discrimination prévues dans» d’autres instruments ou

conventions. Le sens donné au terme «plainte» n’est pas un grand secret, puisque les travaux

préparatoires établissent qu’il s’agissait-là du terme employé à l’origine à l’article11 pour la

48
Règlement intérieur du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, CERD/C/35/Rev.3. - 24 -

transmission de la «question» 49et que l’article 16 reprend tout si mplement la terminologie initiale.

L’article 16 met donc encore une fois en évidence une distinction entre la «plainte», c’est-à-dire la

transmission d’une «question», d’une part, et le «d ifférend», de l’autre, en indiquant cependant que

tous deux peuvent être réglés par d’autres moyens.

11. En revanche, l’article 22 renvoie au seul terme de «différend» et seul un «différend», et

non une «plainte» ou une «question», peut être soumis à la Cour. Il y a alors lieu d’interpréter et

d’appliquer l’article22 conformément à l’intenti on des parties à la CIEDR qui était de faire la

distinction entre ce qu’elles considéraient comme deux concepts juridiquement distincts. Il s’agit

d’un point dont la Géorgie ne tient aucun compte puisqu’elle cherche à soumettre à la Cour une

«question» qui n’a pas été transmise et n’est pas cristallisée d’une manière que n’autorise pas

50
l’article 22 .

31 12. Cet argument est confirmé par les travaux préparatoires de la convention et, en

particulier, par la première mouture de ce qui est devenu l’article 22, alors le projet d’article 17, qui

figure sous l’onglet n o 4 du dossier de plaidoiries et qui dispose que :

«Les Etats parties à la présente Convention conviennent que tout Etat partie,
défendeur ou plaignant, peut, si aucune solution n’a pu être obtenue selon les
dispositions du paragraphe1 de l’article14, porter l’ affaire devant la Cour

internationale de Justice, après que le ra pport prévu au paragraphe 3 de l’article14 a
été établi.» 51

13. La Cour notera immédiatement l’emploi du terme «plainte». En soi, la présence de ce

terme vient étayer l’argument selon lequel lorsque les rédacteurs entendaient parler de «plainte», ils

employaient ce terme. Mais l’essentiel est que seule une forme particulière de «plainte» pouvait

être soumise à la Cour ⎯c’est-à-dire uniquement celle qui avait fait l’objet des procédures de

conciliation lesquelles, comme lors de la rédacti on du projet de convention, figuraient dans le

projet d’articles11 à14, d’où le renvoi à l’article 14. Même si les termes employés dans les

dispositions sur la conciliation et la saisine de la Cour ont connu ensuite plusieurs moutures, la

49
Voir, par exemple, Documents officiels de l’Assemblée générale , NationsUnies, doc.A/6181, p.27, par.120
(OEG, annexe40). Voir également la discussion au sein de la Troisième Co mmission, NationsUnies,
doc. A/C.3/SR.1353, p. 370 et suiv. (OEG, annexe 32).
50
Voir EPR, par. 3.19-3.22.
51 Nations Unies, doc. E/CN.4/Sub.2/L.321, p. 6 (OEG, annexe I). - 25 -

position fondamentale selon laquelle les Etats part ies n’avaient pas le droit de soumettre une

«plainte» ou une «question» non cristallisée à la Cour, est restée la même.

14. M.Pellet reviendra brièvement sur les relations entre les articles11 à13 et l’article22

ainsi que sur les passages pertinents des travaux préparatoires de la convention, afin de démontrer

que la saisine de la Cour en application de l’ article22 dépend effectivement du recours préalable

aux procédures des articles11 à13. Mon argume nt, bien qu’indissociable de l’analyse de

M. Pellet, est légèrement différent. Il consiste à di re que, si l’on interprète le terme «différend» de

l’article22 dans son contexte utile, il faut un degré particulie r de cristallisation pour qu’un

«différend» existe seulement. Or, même dans l’argumentation de la Géorgie sur les faits pertinents,

ce degré de cristallisation fait manifestement défaut. La Géorgie n’a même pas atteint la première

phase de la procédure requise en 5 étapes et la c ondition première de l’exercice, par la Cour, de sa

fonction judiciaire ne saurait être considérée comme remplie.

b) Les principes généralement applicables

15. J’en viens maintenant à l’examen des questions se posant au regard des principes

généralement applicables, pour autant que ceux-ci s’appliquent. L’existence ou non d’un différend

dans une affaire donnée ⎯à savoir l’existence d’une «affirmation» et d’une «dénégation» ⎯

demande bien sûr à être établie objectivement, ainsi que la Cour l’a indiqué à plusieurs reprises

32 (Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première

phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950 , p. 74 ; voir également Activités armées sur le territoire

du Congo (nouvelle requête 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et

recevabilité, arrêt, C.I.J.Recueil2006 , p.40, par.90, ainsi que les différentes affaires citées dans

ce passage). Deux aspects de cette règle générale nécessitent toutefois d’être plus amplement

examinés.

16. Pour commencer, «l’affirmation» de l’exis tence d’une violation et la question de savoir

s’il importe ou non qu’au cours des dix-sept à di x-huit années qu’a duré le différend allégué, la

Géorgie n’ait pas une seule fois indiqué à la Russie qu’elle agissait en violation de la CIEDR. La

Géorgie soutient que cela est dépourvu de pertinence,et se fonde à cet effet sur le dictum de la

Cour en l’affaire Nicaragua , selon lequel «parce qu’un Etat ne s’est pas expressément référé, dans - 26 -

des négociations avec un autre Etat, à un traité part iculier qui aurait été violé par la conduite de

celui-ci, il n’en découle pas nécessairement que le premier ne serait pas admis à invoquer la clause

compromissoire dudit traité» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J.Recueil1984 ,

52
p. 428, par. 83) .

17. Il existe cependant d’impor tantes différences entre l’affaire Nicaragua et la présente

affaire, notamment parce que, en l’affaire Nicaragua, la compétence de la Cour était déjà établie en

vertu de la clause facultative, alors que, en l’espèce, la Cour a soit compétence en vertu de la

CIEDR, soit n’a pas compétence. Conformément au critère de l’établissement objectif que traduit

le passage susmentionné de l’affaire Nicaragua , un Etat n’a toutefois pas pour obligation absolue

d’avoir précisé qu’un traité donné avait été violé pour pouvoir ensuite l’invoquer devant la Cour.

La porte n’est pas complètement fermée. Mais la question se pose alors inévitablement de savoir

s’il existe un différend, l’absence de toute demand e dans le dossier étant le plus souvent un

indicateur très important de ce qu’aucun différend n’existe.

a) En la présente affaire, l’absence de demande est tout à fait révélatrice, la Géorgie ayant

largement eu la possibilité de formuler des de mandes au titre de la CIEDR. Je ne parle pas

simplement du fait qu’elle a eu dix-sept ou dix-hu it ans pour formuler une demande en vertu de

cette convention, mais du fait qu’elle ne l’a pas fa it; en un sens, le plus révélateur est que la

Russie a présenté trois rapports périodiques au Co mité pour l’élimination de la discrimination

raciale53, et qu’elle est intervenue de vant lui à plusieurs reprises 54, sans jamais avoir une seule
33

fois laissé entendre que la Russie agissait, comme elle le prétend aujourd’hui, en violation de la

convention.

52
Cité par la Russie dans ses excepti ons préliminaires (voir par.3.18 et 4. 29) ainsi qu’à l’audi ence, lors de la
phase des mesures conservatoires (CR2008/ 27, 10 septembre 2008, par. 15 (Pellet)). Cité par la Géorgie dans ses
observations écrites, au par. 2.24.
53
Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, rapports présentés par les Etats partie s conformément à
l’article 9 de la convention, rapports inieraux des Etats partie s attendus en l’an deux mille, additif : Géorgie, 24 mai 2000,
Nations Unies, doc. CERD/C/369/Add.1 (1 février 2001) (EPR, annexe 48 ; observations écrites de la Géorgie,
annexe64). Voir, également, Comité pour l’élimination de la discrimination r aciale, troisième rapport périodique des
Etats parties devant être présentés en2004, additif, Géore, NationsUnies, doc.CERD/C/461/Add.1 (21juillet2004)
(OEG, annexe 70).

54Summary records : CERD/C/SR.1453 du 15 mars 2001 (OEG, annexe 65), CERD/C/SR.1454 du 16 mars 2001
(OEG, annexe67), et CERD/C/SR.1706 du 4août2005 (OEG, annexe72). Voir exceptions préliminaires de la Russie,
par. 3.52. - 27 -

b) Par contre, dans ses rapports au Comité et lors de ses interventions devant celui-ci, la Géorgie a

accusé les «autorités de la prétendue «Républi que d’Abkhazie»» de mener une politique de

55
«nettoyage» fondée sur la haine raciale en Abkhazie . Il s’agit là d’une accusation de

nettoyage ethnique que la Géorgie a répétée à plusieurs reprises devant le Comité ; mais cela ne

peut, et ne saurait, être considéré, aux fins de la présente instance, comme l’«affirmation» d’une

violation, cette accusation n’étant aucunement dirigée contre la Russie.

c) En outre, si une question s’est effectivement posée devant le Comité relativement au

comportement de la Russie, celle-ci concernait le traitement de certains ressortissants géorgiens

en Russie en2006, question sans aucun rapport avec la situation en Ossétie du Sud et en

Abkhazie 56. La Géorgie aurait, bien entendu, pu form uler des demandes devant le Comité. La

question qui se pose est donc de savoir pourquoi, si la Géorgie a effectivement formulé contre

la Russie les nombreuses et graves accusations qu’elle formule aujourd’hui, elle s’est abstenue

de le faire devant le Comité directement intéressé par la question ?

18. La réponse qui s’impose est que la Russie n’ avait, en réalité, aucune demande à formuler

à l’encontre de la Russie au titre de la CIEDR, et une telle conclusion est tout à fait conforme au

dictum de la Cour en l’affaire Nicaragua.

19. Cette même conclusion peut également être déduite du fait que ⎯ainsi que vient de

l’expliquer S. Exc. M. Gevorgian —, la Géorgie s’est, dans les années1990, vivement félicitée de

la présence de soldats russes au sein d es forces de maintien de la paix et, surtout, du fait qu’elle l’a

acceptée jusqu’au mois de septembre2008. Et quand je dis «vivement félicitée», je pense à des

documents tels que la décision de la commission de contrôle conjointe de mars 1999, signée par la

Géorgie, la Russie ainsi que par les parties nord ossète et sud ossète, dans laquelle il est indiqué que

«la force de maintien de la paix continue d’être l’un des principaux garants de la paix et de la
34

55Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, rapports présentés par les Etats partie s conformément à
l’article 9 de la convention, rapports initiaux des Etats partie s attendus en l’an deux mille, additif : Géorgie, 24 mai 2000,
Nations Unies, doc. CERD/C/369/Add.1 (1 février 2001), par. 55 (EPR, annexe 48 ; observations écrites de la Géorgie,
annexe 64).

56Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, soixante-tizièmesession, examen des rapports
présentés par les Etats parties conformment à l’article9 de la convention,observations finales du Comité pour
l’élimination de la discrimination ra: Fédérati on de Russie, NationUnies, doc. ERD/C/RUS/CO/19
(20 août 2008), par. 13 (EPR, annexe 70). - 28 -

57
sérénité» . Peut-on interpréter cela comme l’«affirmation» d’une violation ? La réponse est, selon

nous, négative.

20. J’en viens maintenant à la «dénégation» de l’existence d’une violation, et à la question de

savoir s’il importe ou non, pour démontrer l’existence d’une opposition manifeste de la Russie

(Sud-Ouest africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libéria c.Afrique du Sud), exceptions

préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil1962, p. 328 ; voir également Certains biens (Liechtenstein

58
c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt du 10 février 2005 , C.I.J. Recueil 2005, p. 18) , que

cette opposition ait été simplement affirmée, à maintes reprises, par la Géorgie dans ses

observations écrites, sans qu’elle ne se réfère, en not e de bas de page, à des documents à l’appui de

59
ses allégations . Les difficultés rencontrées par la Géorgie pour trouver des documents

démontrant l’opposition manifeste de la Russie à des demandes formulées au titre de la CIEDR se

retrouvent dans sa thèse juridique, telle que dé veloppée, selon laquelle une opposition peut être

déduite d’un comportement, voire d’un silence 60.

21. L’existence d’un différend devant être établie objectivement, un comportement peut

effectivement suffire. Mais tout dépend.

a) La Géorgie se fonde sur l’avis rendu par la Cour en l’affaire du Siège de l’Organisation des

Nations Unies. En l’espèce, le Secrétaire général de l’Organisation avait expressément

demandé confirmation du fait que les accords relatifs à la mission d’observation de l’OLP ne

seraient pas restreints. Il avait précisé que, «e n l’absence d’une telle assurance, il existerait un

différend entre l’Organisation des NationsUnies et les Etats-Unis» ( Applicabilité de

l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de

l’Organisation des NationsUnies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p.19, par.16.) Or,

cette confirmation n’a jamais été donnée. Dès lors, l’existence d’un différend pouvait bien

évidemment être déduite du silence des Etats-Unis d’Amérique.

57
EPR, par. 2.17-2.17, et annexe 47. En ce qui concerne les forces de maintien de la paix en Abkhazie, voir ibid.,
par. 2.21-2.30.
58EPR, par. 3.17. Voir OEG, note de bas de page 55.

59Voir, par exemple, OEG, par.2.78 «[l]a Russie, bien sûr, a toujours contesté la position de la Géorgie à cet
égard» (affirmation qui n’est aucuneme nt étayée par des documents); ou par. 2.81 «[l]a Russie, comme on pouvait s’y
attendre, le contesta» (même remarque).

60Voir, par exemple, observations écrites de la Géorgie, par. 2.26-2.30. - 29 -

b) L’approche adoptée par la Cour en l’affaire Cameroun c.Nigéria , sur laquelle la Géorgie se

fonde également, va dans le même sens. Là aussi, l’existence d’une réclamation était très

claire, et le refus de répondre était, en lui-même, important ( Frontière terrestre et maritime

entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt,

35 C.I.J. Recueil 1988, p.313-317, par.85-93.). Or, en la présente affaire, la Russie n’a pas

volontairement fait la sourde oreille. Elle n’ a pas compris que la Géorgie formulait à son

encontre des demandes au titre de la CIEDR et son silence ne fait que traduire l’absence de

telles demandes.

c) En ce qui concerne les autres affaires auxquell es la Géorgie se réfère à cet égard, soit la

décision est propre aux faits de l’espèce —comme en l’affaire des Otages —, soit elles

attestent que la Cour a, en réalité, constaté qu’existait une opposition manifeste, comme dans

l’affaire du Timor oriental (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995 ,

p.100, par.22.) et dans l’affaire relative à Certains biens (Certains biens (Liechtenstein

c.Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil2005 , p.18-19, par.25.) Je

relèverai, soit dit en passant, la mise en garde formulée par le regretté juge Fleischhauer dans

l’affaire relative à Certains biens : «un seuil trop bas en matière de détermination de l’existence

d’un différend [risque] de faire hésiter les Etats qui seraient pourtant disposés à s’engager sur la

voie du règlement pacifique des différends» ( Certains biens (Liechtenstein c.Allemagne),

exceptions préliminaires, arrêt , C.I.J. Recueil 2005, p.69, déclaration de M.le juge ad hoc

Fleischhauer.) Cela est tout à fait vrai. Le s Etats peuvent se demander pourquoi ils devraient

s’embêter à attendre la cristallisation d’un différend si le seuil fixé par la pratique leur permet

d’aller directement devant la Cour, ou, comme en la présente affaire, d’aller directement devant

la Cour, mais en recourant sans succès et de manière illicite à la force.

22. Je souhaiterais faire une autre rema rque en ce qui concerne la question du

comportement: pour établir objectivement un fait, la Cour doit examiner le comportement

pertinent des Parties dans son ensemble. De même , en ce qui concerne la question de l’existence

d’une «affirmation» de violation, la Cour doit donner toute sa valeur à des éléments tels que le fait

que la Géorgie n’a jamais formulé de demande au titre de la CIEDR, qu’elle n’a présenté, voire

suggéré, aucune demande dans ses communications avec le Comité pour l’élimination de la - 30 -

discrimination raciale, et qu’elle a toujours accepté la présence des forces de maintien de la paix

russes. Dès lors, quand se pose la question de l’existence d’une «dénégation», le comportement de

la Russie doit être examiné de manière plus large. Par exemple, la Russie a condamné on ne peut

plus clairement les autorités abkhazes pour leurs «violations des droits de l’homme et leur pratique

61
du «nettoyage ethnique» massif » au début des années 1990 ; et la Russie a, depuis lors, rappelé

et réaffirmé l’importance fondamentale du droit au retour en Abkhazie de tous les réfugiés et

personnes déplacées dans leur propre pays, notamment dans des déclarations au Conseil de sécurité

et dans diverses résolutions de celui-ci qu’e lle a activement soutenues (y compris en 2008) 62.
36

Peut-on interpréter cela comme une «dénégation» ? Une nouvelle fois, la réponse est, selon nous,

négative.

c) Les documents sur lesquels s’appuie la Géorgie

23. J’en viens maintenant à la documentation su r laquelle s’appuie la Géorgie, et rappellerai

que, ainsi que MmeHiggins l’a précisé dans son opinion individuelle en l’affaire Cameroun

c. Nigéria, il convient de «s’assurer systématiquement» du respect des exigences juridiques

relatives à l’existence d’un différend ( Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le

Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 47, opinion

individuelle de Mme Higgins). A cet égard, pour chaque document sur lequel se fonde la Géorgie,

la question du qui, du quoi, et du quand revêt une importance cruciale ; autrement dit, pour chacun

de ces documents, la Cour doit rechercher à qui ce document ainsi que tout éventuel grief qui y est

formulé s’adresse, à qui il a été communiqué, et se poser les questions du quoi et du quand,

c’est-à-dire se demander quel est le fond du grief en question et à quelle période il se rapporte.

24. S’agissant de la question du «qui», une bonne part des documents sur lesquels s’appuie la

Géorgie ont trait à des griefs que celle-ci a fo rmulés à l’encontre des autorités d’Abkhazie ou

d’Ossétie du Sud 63. Ces documents, tout comme les griefs qu’ils contiennent, sont dépourvus de

pertinence. En effet, la Géorgie ne peut pas dire: nous avons, par le passé, formulé un grief à

61 e
Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire de la 3295 séance, Nations Unies, doc. S/PV/3295
(19 octobre 1993), p. 7. MG, annexe 12).
62EPR, par.2.19-2.20; voir également résolution1808 du Conseil de sécurité (15avril2008), par.9 (EPR,

annexe 67).
63Voir, notamment, OEG, par exemple les annexes 64-67 et 72 ; MG, annexe 36. - 31 -

l’encontre d’un ou de plusieurs organes prétendant exercer l’autorité au sein de notre Etat, et nous

affirmons aujourd’hui que vous, la Russie, êtes, du point de vue de la responsabilité de l’Etat,

responsable à raison des actes de cet organe ou de ces organes et que, partant, un différend nous

oppose. Pour qu’un différend avec la Russie existe, il ne peut se cristalliser qu’à partir d’un grief

formulé à l’encontre de la Russie, et dont celle-ci a été informée, de sorte qu’ elle ait été en mesure

de le réfuter formellement.

25. La question de la notification est un élémen t important. Une chose est de soutenir que le

fait de formuler une accusation de discrimination r aciale sans mentionner la CIEDR suffit ; mais la

Géorgie souhaiterait bénéficier d’une tolérance s upplémentaire, à savoir qu’il soit jugé suffisant

que cette accusation ait été, par exemple, formulée dans une interview à la radio ou à la télévision

64
géorgienne , ou encore dans un communiqué de presse gouvernemental adressé à l’agence de

presse géorgienne 65. En fait, environ un quart des documents de la période postérieure à 1999 sur
37

lesquels se fonde la Géorgie n’ont manifestem ent pas été communiqués à la Russie, que ce soit

dans le cadre d’échang es bilatéraux ou multilatéraux 66. C’est pourtant bien à la Géorgie qu’il

incombe de formuler un grief à l’encontre de la Russie et de le lui faire savoir, et non à la Russie de

tenter d’en avoir connaissance en regardant la télévision géorgienne.

26. Ce point est important car l’existence d’ un éventuel différend relatif à la discrimination

raciale doit être appréciée à la lumière d’un contexte dans lequel de nombreuses accusations ont été

formulées par la Géorgie, en particulier contre les autorités sud-ossètes et abkhazes, accusations qui

avaient essentiellement tra it à la souveraineté territoriale de la Géorgie et à l’égard desquelles la

67
Russie jouait, comme nous le savons, un rôle de facilitateur reconnu comme tel . Pour l’exprimer

en langage familier, le bruit de fond était quel que peu excessif pour que la Russie puisse discerner

l’existence d’un différend relatif à la CIEDR qui l’aurait opposé à la Géorgie.

64Voir, notamment, OEG, annexe 164.

65Voir, notamment, OEG, annexe 173.
66
OEG, annexes 145-146, 155, 158-162, 164-170, 173, 175-182.
67
Voir, notamment, les documents suivants, sur lesquels la Géorgie se fonde dans ses observations écrites:
résolution876(1993) du Conseil de sécurité (MG, annexe11); OSCE, document de Budapest: Vers un authentique
partenariat dans une ère nouvelle (1994) (OEG, annexe104); OSCE, sommet de Lisbonne, document deeLisbonne,
par. 20 (1996) (MG, annexe 69) ; résolution 1124 (1997) du Conseil de sécurité (M G, annexe 23) ; OSCE, 7union du
conseil ministériel, décision sur Géorgie, doc.MC(7).DEC (1998) (OEG, annexe 105) ; résolution 1524 (2004) du
Conseil de sécurité (MG, annexe 36). - 32 -

27. Ce bruit de fond est d’autant plus problématique que les institutions géorgiennes exercent

des fonctions différentes et peuvent ne pas s’expr imer d’une seule voix. Nombre des documents

sur lesquels s’appuie la Géorgie émanent de son parlement, alors même que celui-ci ne met pas en

Œuvre la politique étrangère de la Géorgie. Pour prendre un exemple concret, la Géorgie se fonde

sur une résolution de son parlement en date du 27 mai 1998, dont elle indique qu’elle «accusa

68
formellement et publiquement la Russie d’avoir procédé à un nettoyage ethnique» . En fait, le

Parlement avait déclaré que «les forces de maintien de la paix [de la CEI étaient] responsables dans

une large mesure de la tragédie du district de Galli, car elles [avaient] en réalité facilité les attaques

contre la population pacifique et la destruction totale des villages». La veille, cependant, et au sujet

de ce même incident, le représentant permanent de la Géorgie auprès du Conseil de sécurité avait

estimé que «l’intervention des forces de maintien de la paix de la communauté d’Etats
69
indépendants (CEI) a[vait] évité que la population géorgienne soit massacrée» . Dès lors, la

38 Russie pouvait difficilement comprendre que la Géorgie l’accusait d’être responsable d’un

nettoyage ethnique et formulait un tel grief à son encontre.

28. J’en viens maintenant à la question du «quoi»; là encore, le bruit de fond pose un

problème très important. Bien évidemment, il ne suffirait pas à la Géorgie de démontrer

l’existence de quelque autre différend l’opposant à la Russie ⎯ par exemple, un différend portant

sur l’emploi de la force ou l’«annexion» allé guée du territoire géorgien, terme qui revient

70
fréquemment dans les documents sur lesquels s’appuie la Géorgie . Celle-ci ne peut pas ne pas

reconnaître l’existence d’autres différends; ainsi, pour reprendre sa form ulation, il existe des

différends relatifs à «l’emploi illicite de la force par la Russie à l’encontre de la

Géorgie … depuis 1992, avec, notamment, l’invasion armée par les forces militaires russes du

territoire géorgien en août2008; [des] violations répétées et persistantes par la Russie de la

souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de la Géorgie; et [des]

68
OEG, par. 2.80 et annexe 136.
69OEG, annexe 55.

70Par exemple, lettre datée du 16 février 2006, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la
Géorgie auprès de l’Organisation des Na tions Unies, Nations Unies, doc. A/60/685 (OEG, annexe78); déclaration du
ministère géorgien des affaires étrangères datée du 19 avril 2008 (OEG, annexe 177). - 33 -

71
violations du droit de la guerre au cours des périodes de conflits armés» . Cependant, précise la

Géorgie, tout cela est «hors de propos».

29. Monsieur le président, la Russie ne pr étend pas, contrairement à ce que la Géorgie

voudrait faire croire à la Cour, que l’existence d’un différend relatif à l’emploi de la force ou au

respect du droit de la guerre exclut qu’il puisse y avoir un différend distinct relevant de la CIEDR

72
et susceptible de faire l’objet d’un recours judiciaire . Cependant, le fait est que le véritable

différend, ou plutôt les différends ⎯ entre la Géorgie, d’une part, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud,

73
d’autre part, au sujet du statut juridique de ces dernières ⎯ , le fait est que ce sont ces différends

qui transparaissent à maintes reprises des documents sur lesquels s’appuie la Géorgie aujourd’hui

ainsi que des documents auxquels, chose significative, elle ne se réfère pas. Je pense par exemple à

la résolution1808 du Conseil de sécurité, datée du 18 avril 2008, dans laquelle sont mentionnés

l’aide apportée par la Fédération de Russie en sa qualité de facilitateur ainsi que le «rôle

stabilisateur important» joué par la force de maintien de la paix de la CEI dans la zone du conflit en

Abkhazie 74, et dans laquelle il est également fait maint es fois référence aux «parties géorgienne et

abkhaze» au conflit 75. Il convient de souligner que, dans ce tte résolution, le Conseil de sécurité a

39 appelé «chacune des parties [au vu du contexte, il s’agit incontestablement des parties géorgienne

et abkhaze] à établir sans retard la version défin itive … du document relatif au retour des réfugiés

76
et des déplacés» . Un très grave problème de réfugiés, oui; un différend entre la Géorgie et la

Russie relatif à la discrimination raciale, non.

30. Enfin, je dirai quelques mots sur la ques tion du «quand». Environ un quart des plus de

quatre-vingt documents sur lesquels s’appuie la Géor gie remontent à une date antérieure à celle de

la ratification de la CIEDR par cet Etaten 1999 ; ils ne sauraient donc, par définition, étayer une

réclamation formulée par la suite en vertu de cette convention. Cela ressort de la simple lecture de

l’article 22, aux termes duquel il doit exister un différend entre deux parties à la convention.

71OEG, par. 2.33.

72Voir, notamment, OEG, par. 2.9, 2.35-2.36.
73
Voir EPR, par. 2.3.
74
EPR, annexe 67, par. 4 et 7 du préambule.
75Ibid., par. 4 et 5 du préambule et par. 3, 7 et 9.

76Ibid., par. 7. - 34 -

31. Cette même observation fondamentale vaut pour les documents plus récents sur lesquels

se fonde la Géorgie, qui font simplement réfé rence aux événements du début des années1990.

Ainsi, dans ses observations écrites, la Géorgie affirme que, «[l]e 21avril008, le

présidentSaakachvili fit une déclaration publi que dans laquelle il attribuait à la Russie la

responsabilité du «nettoyage ethnique» sur le territoire abkhaze» 77. Tous les actes ainsi allégués,

est-il indiqué, entrent dans le cadre de la convention de 1965. Cependant, le passage pertinent de la

déclaration du président commence par les mots «[n]ous nous souvenons tous très bien, en1992

et1993…», et ainsi de suite. Et c’est dans ce seul contexte que le président parle de nettoyage

ethnique 78. Or, la Cour ne saurait avoir compétence à l’égard de ces faits allégués qui remontent

à 1992-1993. En ce qui concerne les événements du mois d’avril 2008, en revanche, la déclaration

du président portait sur une législation récente de la Russie et ce qu’il qualifiait d’«annexion de

facto d’une très grande partie de la Géorgie» 79. De toute évidence, il ne s’agit pas là d’une

question qui entre dans le cadre de la CIEDR.

32. Que ressort-il donc de cette analyse capitale du qui, du quoi et du quand ?

33. Il est révélateur que, dans ses observations écrites 8, la Géorgie ait choisi d’accorder une

place importante aux différentes déclarations gé orgiennes faites dans la période allant du

9au12août2008, y compris une déclaration du présidentSaakachvili au cours d’un entretien

accordé à CNN le 11août, dans laquelle celui-ci a directement accusé la Russie de se livrer à un

nettoyage ethnique en Abkhazie 81. Tout d’abord, ces déclarations s’inscrivent dans le contexte de
40

l’emploi de la force infructueux et illicite de la Géorgie dans la nuit du 7 août 2008 ; les griefs de la

Géorgie portent principalement — et je cite le re présentant de la Géorgie à la séance du Conseil de

sécurité du 10 août — sur «l’agression et … l’occupation menées actuellement par la Russie» 82 ; il

va sans dire que de telles déclarations ne cons tituent pas une tentative visant à mettre en évidence

un prétendu différend de longue date relatif à la di scrimination raciale et à parvenir à un règlement

77 OEG, par. 2.92.
78
OEG, annexe 178.
79
Voir, notamment, OEG, par. 2.87 et annexe 198.
80 Ibid., par. 1.7 et 2.59-2.73.

81 Ibid., annexe 205 (18 heures, heure de Washington).

82 Voir la déclaration du représentant de la Géorgie à la séance du Conseil de sécurité du 10août2008,
Nations Unies, doc. S/PV.5953, p. 4-5 (OEG, annexe 96). - 35 -

pacifique de ce différend. Non moins important es t le fait que la Géorgie a, une fois encore,

recours à des communiqués de presse, à un moment où elle menait pourtant des négociations avec

la Russie et ne soutenait pas, dans le cadre de ces négociations, qu’il y avait eu violation de la

CIEDR ni, d’ailleurs, d’une manière plus générale , discrimination raciale. Enfin, comme nous le

savons, il n’est nullement question d’un différend relatif à la discrimination raciale dans l’accord en

six points conclu par la Géorgie et la Russie le 12 août 2008.

34. Monsieur le président, moins de 24heur es après l’accusation de nettoyage ethnique en

Abkhazie portée contre elle à la télévision par le présidentSaakachvili, la Géorgie a présenté sa

requête du12août. Dès lors, et notamment en raison de l’absence de cristallisation du différend

prescrite par l’article 22, nous affi rmons que la condition première de l’exercice par la Cour de sa

fonction judiciaire ⎯ à savoir l’existence d’un différend ⎯ n’est pas remplie en la présente espèce.

35. Monsieur le président, ainsi s’achèvent mes observations. Puis-je vous demander de bien

vouloir donner la parole à M. Pellet ?

LE PRESIDENT : Je remercie M. Wordsworth pour son exposé. Avant de donner la parole

au prochain intervenant, M.Alain Pellet, au nom de la Fédération de Russie, la Cour propose, si

vous en êtes d’accord, de faire une courte pause de dixminutes. Nous entendrons ensuite la

présentation de M. Alain Pellet et celle de M. A ndreas Zimmermann, qui conclura la séance de ce

matin.

L’audience est suspendue pour une courte pause de dix minutes.

L’audience est suspendue de 11 h 45 à 12 heures.

41 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne maintenant la parole à M. Alain Pellet.

Mr.PELLET: Mr.President, Ladies ⎯ now there is a long-awaited and pleasing feminine

plural! ⎯ so, Ladies and Gentlemen Members of the Court,

1. Article 22 of the CERD Convention im poses procedural conditions – which are both

preconditions and cumulative conditions ⎯ on referrals to the Court, and none of these has been

satisfied. It is my job to show that.

[Slide 1-1] - 36 -

2. It is undoubtedly worth re-reading Article 22 again by way of introduction (it may also be

found at tab 1 of the judges’ folder):

“Any dispute between two or more States Parties with respect to the
interpretation or application of this Conven tion, which is not settled by negotiation or
by the procedures expressly provided for in this Convention, shall, at the request of

any of the parties to the dispute, be referred to the International Court of Justice for
decision, unless the disputants agree to another mode of settlement.”

3. An initial observation (one of plain comm on sense, moreover) is necessary: before the

Court can be seised, there must be a dispute “between two or more States Parties with respect to the

interpretation or application of this Convention” . There is no such dispute between Georgia and

Russia, as Mr.Wordsworth has shown. And that is enough to dispose of the question. What is

more, the utter indifference shown by Georgia to the machinery for settle ment offered by the

provision confirms this obvious fact. Furthermor e, that indifference would in any case form an

insurmountable obstacle that would be fatal to the Court’s jurisdiction if the view were to be taken,

in the face of all reason, that such a dispute did exist.

4. Article22 was hotly debated all the wa y to the end of the negotiations over the

Convention. It reflects an overall compromise betw een those wishing to leave it completely in the

hands of States to apply the Convention and those taking a more institution-oriented approach. But

among the latter some wished to entrust ongoing monitoring to a permanent organ, within the

context of an innovative mechanism blazing the trail in the area ⎯ and this has moreover remained

the yet-unequalled model for the human rights treaty monitoring bodies that have since

proliferated, while others wished to assign the C ourt a virtually exclusive role in the event of

disputes between the parties.

42 5. Thus, Article 22 lays down one essential requirement, which is however broken down into

two prongs, on a party’s ability to seise the Court of a dispute it has with another party: it must

have attempted, before the referral to the Court, to settle the dispute ⎯ this is the obligation; and

these attempts at settlement must have taken place at the diplomatic level through negotiations and

by means of the CERD machinery expressly established for the purpose ⎯ these are the means. In

other words, Members of the Court, Article 22 affords the States Parties the possibility of

unilaterally submitting a dispute over application of the Convention to you, but at the same time it

gives the parties a guarantee that they will have the opportunity, preliminary to the referral to the - 37 -

Court, to settle their dispute through diplomacy and ⎯ and I stress this “and” . . . ⎯ and to

reconcile their positions under the aegis of the Comm ittee. “Preliminary …”, that will be my first

point; “and” . . ., that will be my second point.

I. THE REQUIREMENT OF PRELIMINARY ATTEMPTS AT SETTLEMENT

[Slide 1-2]

6. Mr. President, according to Georgia, “Article 22 does not include any conditions that are

preconditions to the seisin of the Court” 8. Our opponents therefore read Article 22 to provide as

follows ⎯ I shall read it again, but as they see it:

“Any dispute between two or more States Parties with respect to the
interpretation or application of this Convention, . . . shall, at the request of any of the

parties to the dispute, be referred to the International Court of Justice for decision,
unless the disputants agree to another mode of settlement.”

Whereas the text expressly subjects any referral to the Court to fulfilment of a condition ⎯ one

which is unitary in respect of its result but dual in respect of the means of fulfilment ⎯ Georgia

sees no condition. A good-faith reading of the whole of Article 22 renders this position untenable.

[Slide 1-3]

7. To cite the famous canons of treaty inte rpretation codified in Articles31 and 32 of the

Vienna Convention, it is clear that Georgia’s reading of Article 22 of CERD is out of keeping with

43 the ordinary meaning to be given to the terms of th e article in their context and in the light of the

article’s object and purpose and, specifically, that that reading robs the provision of any

effectiveness [ effet utile ] (A.); in addition, the travaux préparatoires fully confirm this

interpretation (B.), which moreover accords with the Court’s settled jurisprudence in respect of

similar clauses (C.).

83
WSG, p. 99, para. 3.10. - 38 -

A. The text of Article 22 in context and the principle of “effectiveness”

[Slide 1-4]

(a) Use of the future perfect in the French text

8. Mr.President, the wording of Article 22 is “clair comme de l’eau de roche” ⎯ crystal

clear, as English speakers would say. But the problem with clear provisions is that there is not

much to say about them; one need only read them. Let us then read once again: “Any dispute…

which is not settled [ qui n’aura pas été réglé ] by negotiation or by the procedures expressly

provided for in this Convention…” “[Q]ui n’aura pas été réglé...” is in the future perfect and that,

say Georgia what it may 8, matters.

9. The use of this tense clearly suggests, as its very name indicates, that some prior action

(here, an attempt at settlement) must have been completed before another action (here, the seisin of

the Court) may be commenced. As explained in the renowned Bon Usage by Grévisse ⎯ a bible

of the French language: “The future perfect expr esses an occurrence in the future considered to

have been completed... in relation to another future occurrence..., e.g.,: Chacun récoltera ce

85
qu’il aura semé [‘You will reap what you will have sown’]” . Just as you cannot reap without

having sown, a State cannot submit a dispute concer ning application of the CERD Convention if it

has not, before doing so, tried to settle it in anot her way (for the time being, I shall leave aside the

question of determining how). I am well aware that this argument holds only for the French

version, but to my knowledge the future perfect doe s not exist in Russian and is never used in the

other official languages in which the Convention was drafted ⎯ that in any event is the case in

English and Spanish.

44 (b) Effectiveness

10. Mr. President, in the context of Article 22 and in the broader context of the Convention,

“which is not settled” cannot be interpreted as a mere observation of fact: that would render the

expression completely pointless and, what is mo re, would deprive the Committee of one of its

primary functions.

84
See WSG, p. 122, para. 3.52.
85
M. Grevisse and A. Gosse, Le bon usage, 14th ed., De Boeck, Duculot, 2008, p. 1098. - 39 -

[Slide 1-5]

11. There is, I think, no need to dwell on the principle of effectiveness, as it is firmly

established and satisfies a requirement of logic:

“It would indeed be incompatible [as you said in the Corfu Channel case] with
the generally accepted rules of interpretati on to admit that a provision of this sort

occurring in a special agreement [or in a compromissory clause, as in the present case]
should be devoid of purport or effect.” ( Corfu Channel (United Kingdom v. Albania),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 24.) 86

12. Yet that is what the interpretation advocated by Georgia unavoidably leads to: Article 22

has exactly the same meaning ⎯ whether or not the incident complained of by Georgia is covered

by it. Whether or not prior attempts at se ttlement have been made, the Court would have

jurisdiction anyhow as long as there is a disput e between two States over the interpretation or

application of the Convention. To return to Gr évisse’s imagery: Georgia seeks to reap without

having sown. That is an impossibility: Ge orgia’s interpretation deprives the clause “ which is not

settled by negotiation or by the procedures expressly provided for in this Convention” of any effect

or purport.

[End of slide 1]

13. Georgia emphasizes that, when the Conven tion drafters wished to subject the Court’s

jurisdiction to conditions, they did so explicitly 87. But, Mr. President, what could be more explicit

than the means expressly described in Artic le22? By referring to the procedures expressly

provided for in the Convention, Article 22 shows th at sole reliance cannot be placed on the dispute

resolution mechanisms under general international la w, be they negotiation or judicial settlement

45 by this Court. But this express reference to a failure to settle through these procedures has meaning

only if the procedures first have been (“will have been”) followed to no avail. Otherwise, once

again, this condition ⎯ an express condition ⎯ would be a “non-cond ition” of no practical

significance.

86
See also, for example: the report of the WTO Appellate Body on thArgentina ⎯ Safeguard Measures on
Imports of Footwear case, WT/DS121/AB/R, circulated on 14 Dec.1999, para.81, United State⎯ Essence and the
jurisprudence cited in Russia’s preliminary objections (POR), pp. 85-86, note 180.
8See WSG, p. 101, para. 3.16, p. 111, para. 3.33 or p. 101, para. 3.16. - 40 -

(c) Relationship between Article 22 and Articles 11 and 16

14. Furthermore, Georgia focuses its attacks on the specific procedures under the

Convention. In disputing the necessarily prerequi site nature of these procedures, it raises, apart

from the general arguments just discussed, two context-based arguments on which I must say a few

words. Those two arguments are based on the relationship between Article22 and, on the one

hand, Article 11 and, on the other, Article 16.

15. Let us begin with the latter, Article 16, which is also to be found at tab 1 of the judges’

folder. This is a “without-prejudice” provision, the idea of which is repeated in the last clause of

Article 22, stating that the parties to a dispute with respect to the application of the Convention may

refer it to the Court unless they “agree to another mo de of settlement”. Curiously, Georgia tries to

find support in these provisions ⎯ or rather in this provision because it takes Article16 in

isolation, even though the end of Article 22, which I have just quoted, says exactly the same thing.

But it is necessary for Georgia to isolate Article 16 because its argument is based entirely on the

fact that Article16 appears in PartII of the Convention ⎯ and this is said to undermine “the

Russian Federation’s claim that reference to nego tiation and/or the Article 11 complaint procedure

are necessary preconditions to the exercise of rights under Article22” 8. Why is this necessary?

Mr. President, I admit that this remains a mystery to me:

⎯ Article16 is indeed in PartII of the Convention, but Article22 says the same thing more

concisely.

⎯ Saying that recourse to the Article 11 procedure is not a “necessary” precondition on referral to

the Court on the ground that it is always possible to make use of another mode of settlement is

playing with words. The parties to a dispute are of course always free to resolve it by means of

their choosing, and Articles 16 and 22 are confined to reflecting this principle. And therefore
46

the Parties could of course look to any other means for resolving the dispute and, in this sense,

neither the Article 11 procedure nor recourse to negotiation is “necessary”. On the other hand,

unlike negotiation or the procedures expressly pr ovided for in the Convention, recourse to

these other means is not a precondition on referral to the Court. In other words, these other

modes of settlement are of concern to the Court only insofar as they might have enabled the

88
WSG, p. 105, para. 3.21. - 41 -

dispute to be resolved (in the “Wordsworth phase”, if I may put it in such terms in reference to

the allocation of tasks between us); by contrast, in the “Pellet phase” ⎯ that of the

preconditions on seisin of the Court ⎯, the Court need no longer concern itself with the

question of whether or not the disputing parti es had recourse to these other modes: once it

considers there to be a dispute, it will exercise its jurisdiction if it finds that the conditions

under Article 22 have been met; it will re fuse to do so if it finds the contrary ⎯ as is true in

the present case; Article 16 has nothing to do with this case.

⎯ Further, the fact that this provision (Article16) refers to “ other procedures for settling

disputes” and the final clause of Article 22 refers to “another mode of settlement” is enough to

rule out any possibility that this could involve the “procedures expressly provided for” in the

Convention. This is obviously about something else entirely.

16. In my view, Georgia is no better advised when it relies ⎯ again from the “contextual”

point of view ⎯ on the language of Article11 to dispute that the procedure provided for in this

89
provision may be one of those on which Article 22 conditions referrals to the Court .

17. Georgia’s first argument would appear to be that, because Article11 refers to a

“question” or “affaire” ⎯ both terms appearing in English as “matter” ⎯ and not to a dispute ⎯

“différend” ⎯, the procedure under Articles11 to 13 cannot constitute a precondition on

submission of a dispute to the Court for purposes of Article 22. As Sam Wordsworth has shown,

the opposite is true: for purposes of the 1965 Conven tion a “matter” does not turn into a “dispute”

47 until it has been the subject of the Article11 procedure ⎯ and, by the way, the next two articles,

12 and 13, which lay down the procedure to be followed, expressly use the term “dispute”.

18. Secondly, we have to wonder how the fact that Article11, paragraph2, conditions the

second referral to the Committee on the satisfactio n of two preconditions would prevent the same

from being the case for the referral to the Court under Article 22.

19. According to the third argument, also founded on Article 11 ⎯ which obviously

stimulates the imagination of Georgia’s counsel ⎯, paragraph3 of this Article places the parties

under an obligation to exhaust preliminary reme dies before seising the Committee, apparently

89
See WSG, pp. 100-104, paras. 3.14-3.19, and p. 106, para. 3.23. - 42 -

90
under all circumstances, which would be absurd . And it would indeed be absurd if this were the

conclusion to be drawn from the wording of Article 11, paragraph 3. But that is not at all the case.

20. Georgia forgets that Article 11 refers to the principle of exhaustion of domestic remedies

“in conformity with the generally recognized prin ciples of international law”. Now, under general

international law, the exhaustion-of-local-remedies rule operates in the context of diplomatic

protection, but not that of inter-State disputes, as confirmed by, for example, the commentary to

91
Article 14 (c) of the ILC draft articles on diplomatic protection . The conclusion is self-evident:

before seising the Court, a State must “exha ust” the preliminary procedures established by

Articles 11 to 13 of the Convention, but it does not fo llow that it must, by the same token, exhaust

domestic remedies.

B. The travaux préparatoires of Article 22

21. Mr.President, interpreted in good faith, in its context, the text of Article22 is clear:

before a State Party to the Convention can refer to the Court a dispute between itself and another

State Party with respect to the application of th e Convention, it must first have recourse to the

methods of settlement indicated in that provision. The travaux préparatoires of the Convention

confirm this with no ambiguity whatsoever.

22. The present text of Article22 originates from a proposal made by Mr.Inglès, the

Philippine member of the Sub-Commission on human rights. In a statement before the

Sub-Commission, which Georgia cites partially and therefore in a biased manner 92, he explained
48

that the committee whose creation he was proposing,

“as its name implied, would ascertain the facts before attempting an amicable solution
to the dispute . . . If the Committee failed to effect conciliation within the time allotted ,
93
either of the Parties may take the dispute to the International Court of Justice.”

90
WSG, p. 106, para. 3.23.
91
ILC, draft articles on diplomatic protection and commentary thereon, A/61/10, p. 74, para. 9, of the commentary
on Art. 14.
9WSG, p. 256, App., para. ix; cf. PORF, pp. 120-121, para. 4.65.

9UN Economic and Social Counc il, Draft International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination, Summary Record of the 427 Meeting, UN doc. E/CN.4/Sub.2/SR.427, p. 12 (emphasis added); see also
the statements by the Philippine delegates to thCommission on Human Rights (Mr. Quiambao, UN Economic and
th
Social Council, Commission on Human Rights, Summary Record of the 810 Meeting, 15May 1964,
UNdoc.E/CN.4/SR.810, pp.6-7 (see WSG, Vol.II, Ath.15)) and to the Third Committee (Mr.Garcia, UNGeneral
Assembly, Official Records of the Third Committee, 20 Meeting, doc. A/C.3/SR.1344 (16 Nov. 1965), p. 314, para. 16
(see WSG, Vol. II, Ann. 24)). - 43 -

23. The idea was taken up in an amendment belatedly presented to the Third Committee of

94
the General Assembly . I shall return to this “three-Powe r amendment” in another respect in a

few moments. At this point, I would note that one of its promoters, Mr.Lamptey, the Ghanaian

delegate, said that “the three-Power amendment was self-explanatory. Provision had been made in

the draft Convention for machinery which should be used in the settlement of disputes before

recourse was had to the International Court of Justice. ” 95 “ Before recourse was had to the

International Court of Justice”, Mr. President, negotiation (which was already mentioned in the text

proposed by the Officers of th e Committee) and “the procedures... provided for in the

Convention” “should be used”. It could hardly be made more clear.

24. These quite unambiguous statements by the authors of the amendment are of particular

interest. And I would also point out that sev eral other delegations expressed agreement, for

96 97 98 99
49 example those of the Netherlands , France , Italy and Belgium , without this interpretation

ever being contradicted. (The texts of these statements are included in the judges’ folder at tab 3.)

This confirms that it was certainly the intentio n of the authors of the 1965Convention that the

Court could only be seised once the procedures provided for in that instrument had failed ⎯

including negotiation, even if the attention of the authors of the Convention was less focused on the

latter.

25. And I would add that the care taken by th e negotiators in dealing with this issue is

sufficient to make it clear that the obligation to seise the Committee could not be and is not a

stylistic clause without significance, but a genuine condition, legally essential and carefully

considered.

94
UN Economic and Social Counc il, Draft International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination; Mr.Inglès, Proposed Measures of Implementation, UNdoc.E/CN.4/Sub.2/L.321, 17Jan. 1964 (see
WSG, Vol. II, Ann. 1).
95 th
UN General Assembly, Official Records of the Third Committee, 20 Meeting, UNdoc . A/C.3/SR.1367,
p. 453, para. 29 (see WSG, Vol. II, Ann. 38); emphasis added.
96 th
Mr.Mommersteeg, UN General Assembly, Official Records of the Third Committee, 20 Meeting, UNdoc.
A/C.3/SR.1344 (16 Nov. 1965), p. 319, para. 63 (see WSG, Vol. II, Ann. 24).
97 th
Mr.Boullet, UN General Assembly, Official Records of the Third Committee, 20 Meeting, UNdoc.
A/C.3/SR.1367 (7 Dec. 1965), p. 454, para. 38 (see WSG, Vol. II, Ann. 38).
98 th
Mr.Capotorti, UN General Assembly, Official Records of the Third Committee, 20 Meeting, UNdoc.
A/C.3/SR.1367 (7 Dec. 1965), p. 454, para. 39 (see WSG, Vol. II, Ann. 38).
99 th
Mr.Cochaux, UN General Assembly, Official Records of the Third Committee, 20 Meeting, UNdoc.
A/C.3/SR.1367, p. 454, para. 40 (see WSG, Vol. II, Ann. 38). - 44 -

C. The consistent interpretation of similar clauses by the Court

26. Mr. President, I now turn to the sometimes disconcerting comparisons made by our

opponents with other, differently worded, clauses c ontained in other treaties, and to the analysis

which they claim the Court has given of these.

27. Georgia invokes “the Court’s longstanding practice, which has been to reject preliminary

objections raised by Respondents on the grounds of an alleged deficiency of negotiations preceding

the institution of judicial proceedings” 100. This confuses a great many things, Mr. President.

⎯ first, we are not at that point yet: at this stage, the question is not whether such negotiations

actually took place ⎯ my colleague Andreas Zimmermann will demonstrate shortly that there

was nothing of the kind ⎯ but whether they are required to take place before a referral to the

Court;

⎯ next, this (purely legal) question cannot be redu ced to one of negotiation: Article 22 does not

confine itself to the latter, but also refers to the “procedures... provided for in th[e]

Convention”; and I would go so far as to say that it refers above all to the procedures expressly

provided for: they are what the authors of the Convention had in mind when they sought to
50

make referral to the Court subject to precond itions, by way of a compromise between those

who did not wish to trust in diplomatic pro cedures or institutionalized conciliation under the

101
treaty and those who were in favour of the possibility of seising the Court directly ;

⎯ and, last but not least, it would appear that the jurisprudence relied upon by our opponents does

not in any way have the significance that they claim.

28. I shall not go into the details, but would refer the Court to the table of the relevant

jurisprudence annexed to ChapterIV of our pre liminary objections. I should merely like to point

out that, in presenting this jurisprudence, Georgia distorts either the meaning of the clause setting

forth the conditions for referral to the Court, or the meaning of the Court’s analysis of it.

[Slide 2]

29. This applies with regard to the Military and Paramilitary Activities case, where Georgia

claims that Russia has not explained what distinguishes it from the present one 10, which is

10WSG, p. 117, para. 3.43.
101
See PORF, pp. 87-91, paras. 4.14-4.19.
10WSG, p. 118, para. 3.45. - 45 -

somewhat disturbing, since we devoted five pages of our objections to the subject 103. So I shall not

dwell on the matter, but merely recall briefly

(1) that the terms of the compromissory clauses in question in the two cases ( Nicaragua and the

present one) are quite different: unlike Article 22 of CERD, Article XXIV of the Friendship

Treaty between Nicaragua and the United States left considerable scope for subjective

appreciation by the Parties by referring to “[a]ny dispute ... not satisfactorily adjusted by

diplomacy” (United States Diplomatic and Consular Staff in Tehran (United States of

America v. Iran), Judgment , I.C.J. Reports 1980, p.27, para.51; emphasis added); it is

worth pointing out that ⎯ unlike Article22 ⎯ Article11, paragraph2, of CERD uses

almost the same terms: “[i]f the matter is not adjusted to the satisfaction of both parties”.

51 (2) therefore, with all due respect to th e memory of a great judge, the Opinion of

SirRobertJennings to which Georgia attaches such importance is not of great assistance to

it, since it was the Parties’ appreciation of the situation that the Court was required to

consider, whereas in the present case, Members of the Court, you are asked to decide on the

objective issue of whether negotiation or the procedures provided for in CERD have allowed

the Parties to settle their alleged dispute in respect of the Convention; because,

(3) unlike ArticleXXIV of the 1956Treaty of Friendship, Commerce and Navigation between

the United States and Nicaragua, which confined itself to a general reference to diplomacy,

Article 22 of CERD specifies the methods that are to be used to try to reach a settlement.

[Slide 3]

30. Mr. President, the second case to which I should like to draw particular attention is that

of the Armed Activities between the DRC and Rwanda, which Georgia claims that Russia 104has

105
misinterpreted . This case is important because of the similarity between the two compromissory

clauses contained, on the one hand, in Article 22 of CERD, and, on the other, in Article 75 of the

Constitution of the World Health Organization (“ which is not settled by negotiation or by the

Health Assembly”): both use the future perfect in French; both provide for two methods of

10PORF, pp. 96-101, paras. 4.29-4.35.
104
See PORF, pp. 94-95, para. 4.25.
10WSG, p. 121, para. 3.50. - 46 -

preliminary settlement, one a common law means in general international law, negotiation, and the

other specific to the convention under which the Court is seised (in one case the CERD mechanism,

in the other the intervention of the Health Asse mbly). And both provisions link the two settlement

methods with the conjunction “or”. The Court has therefore very recently had the opportunity to

give its interpretation of a very similar clause to Article 22, from which it has no reason to depart.

31. Of course, as Georgia points out, the Court ascertained in paragraph99 of its

2006 Judgment whether a dispute existed concerning the interpretation or application of the WHO

Constitution, and concluded that it did not. But it did not stop there (and Georgia is careful not to

say so, even though this is an essential point): the Court went on to note that the preconditions laid
52

down by the compromissory clause had not been satisfied:

“[the DRC] has in any event not proved that the other preconditions for seisin of the
Court established by that provision have been satisfied, namely that it attempted to
settle the question or dispute by negotiati on with Rwanda or that the World Health
Assembly had been unable to settle it” (Armed Activities on the Territory of the Congo

(New Application: 2002) (Dem ocratic Republic of the Congo v. Rwanda),
Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 2006, p. 43. para. 100).

In other words, the Court firs t asked whether a dispute existed between the DRC and Rwanda

concerning the application of the WHO Constitution, and then pointed out that, even if such had

been the case, the “other preconditions” for referral to the Court had not in any event been satisfied.

Likewise, in the Oil Platforms case, where the Parties agreed on the existence of prior negotiations,

the Court nonetheless deemed it necessary to menti on, briefly and objectively, that the procedural

conditions laid down by the compromissory clause had also been met in that instance 106.

[End of slide 3]

32. Mr.President, this is precisely the appr oach that the Russian Federation requests the

Court to take in the present case:

⎯ first, to find that no dispute exists between the Parties concerning the interpretation or

application of the Convention ⎯ which is the case, as Mr. Wordsworth has demonstrated;

⎯ then ⎯ and even if, on the first point, you were to follow Georgia in respect of the dispute

which it has fabricated to try to establish your jurisdiction ⎯ then, therefore, that you should in

106
Oil Platforms (Islamic Republic of Irav. United States of America), Preliminary Objection, Judgme,t
I.C.J.Reports 1996 (II) , p.809, para.16; see also Elettronica Sicula S.p.A. (ELS I) (United States of America v. Italy),
Judgment, I.C.J. Reports 1989, pp. 40-41, para. 46. - 47 -

any case decline to exercise it, because ⎯ to paraphrase very closely the Judgment which you

rendered in the DRC/Rwanda case ⎯“[Georgia] has in any event not proved that the other

preconditions for seisin of the Court establishe d by [Article22 of the 1965 Convention] have

53 been satisfied, namely that it attempted to settle the question or dispute by negotiation” or by

the procedures expressly provided for in CERD.

33. And I would point out, Mr.President, that in that 2006Judgment, the Court quite

specifically noted that Article75 of the WHO Constitution established two preconditions , and

ascertained that neither one nor the other had been satisfied, using the conjunction “or” to indicate

clearly that these were cumulative conditions: “that it attempted to settle the question or dispute by

negotiation with Rwanda or that the World Health Assembly ha d been unable to settle it”. And it

is to that “or”, which also appears in Article 22 of the 1965 Convention, that I shall now turn,

Members of the Court.

II.T HE PRELIMINARY REMEDIES UNDER A RTICLE 22
ARE CUMULATIVE

[Slide 4-1]

A. The wording of Article 22 in context

34. Mr.President, the case which concerns us is not the first cause célèbre in which the

parties have disagreed on whether “or” is the sa me as “and”. I shall pass over Count Almaviva’s

famous judgment in the Marriage of Figaro 107, but would point out that, in the Polish Upper

Silesia case, the Permanent Court held that “and” and “or” were interchangeable in certain

circumstances, and stated that the word “and” “in both ordinary and legal language, may, according

108
to circumstances, equally have an alternative or a cumulative meaning” ( Certain German

Interests in Polish Upper Silesia, Jurisdiction, Judgment No.6, 1925, P.C.I.J., SeriesA, No.6 ,

p. 14).

107
Pierre Caron de Beaumarchais, Le mariage de Figaro, Act III, Scene 15; see also, Lorenzo Da Ponte, Le nozze
di Figaro (libretto of Mozart’s opera), Atto Terzo, Scena quinta.
10In the same vein, see the Arbitral Award of 17 July 1965, Interpretation of the air transport services agreement
of 6 February 1948 (Italy v. United States), RIAA, Vol. XVI, pp. 94-95. - 48 -

[Slide 4-2]

35. This polysemy exists just as much with “or” and, moreover, the Court of Justice of the

European Communities and domestic courts do not hesitate, where the context so demands, to

109
54 ascribe a cumulative meaning to “or” . The same must apply to the “or” in Article22, if one

takes the trouble to read the provision properly, rath er than being content with the cursory reading

110
that Georgia gives it . That reading is not at all obvious once one thinks about the context and

consequences of the “or”. Using the conjunctio n “and” here would have rendered the sentence

meaningless ⎯ there is obviously no need to make another attempt at settling by conciliation a

dispute which has already been settled by nego tiation. Using “and” would have produced the

absurd situation now being displayed: “Any di spute between two or more States Parties with

respect to the interpretation or application of this Convention, which is not settled by negotiation

and by the procedures expressly provided for in th is Convention, shall... be referred to the

International Court of Justice.”

This is completely meaningless. A dispute cannot be settled by two methods. It is settled by

one or the other. Conversely, one can attempt successively one or the other method, and, here, one

has to do so, since as I have demonstrated, the preliminary use of those means is a precondition of

the Court’s jurisdiction.

[Slide 4-3]

36. In addition, there is no dispute that, in a sentence in the negative (“which is not

settled . . .”), the conjunction “or” is, as a rule, a co-ordinating conjunction. It is then synonymous

with “nor”. As Grévisse’s Bon Usage, to which I have already referred, notes: “[o]r [ou] is

increasingly being used instead of nor [ni]”. The famous grammar treatise makes reference,

111
moreover, to “and” [et] in this context . To give an example drawn from Chateaubriand: “ Je

n’ai pas daigné ôter mon chapeau à leur cercueil, ou consacrer un mot à leur mémoire [I did not

deign either to remove my hat as their coffins passed, or to devote a single word to their

109
ECJ, Grand Chamber, Case C-304/02, 12 July 2005, Commission v. France ECR I-06263, para.83 (control
obligations relating to fisheries); High Cour t, Queen’s Bench Divisi on, Commercial Court, Nakanishi Kikai Kogyosho
Limited v. Intermare Transport GmbH, 2009, EWHC 994 (Comm.), para.12; House of Lords, Federal Steam
Navigation, 1974, 1 WLR 505; High Court, Queen’s Bench Division, R v. Oakes, 1959, 2 QB 350.
110
WSG, p. 107, para. 3.25.
11Le bon usage, op. cit., p. 1399. - 49 -

112
memory]” ⎯ neither remove my hat, nor devote a word . . . ⎯ neither by negotiation nor by the

procedures expressly provided for in the Conventi on. The same thing occurs in English, the

language in which the Cambridge Advanced Learner’s Dictionary states: “‘Or’: Used after a

negative verb to mean not one thing and also not the other (e.g. The child never smiles or

113
55 laughs)” ⎯ “the child never smiles nor laughs” or “and also never laughs...”; “which is not

settled by negotiation [nor] by the procedures expr essly provided for in this Convention...” or

“which is not settled by negotiation [and also not] by the procedures expressly provided for in this

Convention...”. And it is the same, of course, in Spanish, and, I am told, in Russian and in

Georgian too ⎯ I shall not venture into the realms of Chinese and Arabic.

37. At the same time, Lerner’s commentary ⎯ which confines itself to paraphrasing

Article 22 ⎯ does not in any way conclude, as Georgia contends, “that there is no support for a

114
restrictive interpretation of Article 22, of the kind now urged by Russia” . It does not in fact say

anything other than what the Article says itself. However, I note that the review of the first edition

of Lerner’s work in the American Journal does not draw the same conclusions from his gloss as

does Georgia: “A procedure of conciliation is for eseen in cases of such co mplaints. Should in

such a case no solution be reached by conciliation, the way to the International Court of Justice is

115
provided for (Article 22)” .

38. Only this commonsense interpretation giv es any effective meaning to Article22, which

is denied to it by Georgia. The interpretation is confirmed by the travaux préparatoires of that

provision.

[End of slide 4.3]

112
François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, IV, xi, 4.
113
Cambridge Advanced Learner’s Dictionary, 3rd ed., Cambridge University Press, 2008, p. 1001.
11WSG, p. 107, para. 3.41.

11Jacob Robinson, “Review: N Lerner, The UN Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination. A Commentary”,AJIL, Vol. 66, No. 1, p. 230; emphasis added. - 50 -

B. The travaux préparatoires of Article 22

39. I have already been over the travaux préparatoires fairly extensively, Mr.President,

when I showed that they confirm that negotiati on “or” recourse to the procedures provided for by

the Convention were essential preconditions on referral to the Court.

116
40. To counter the abundant statements taken from the travaux préparatoires , which,

without exception, demonstrate that the drafters intende d the Court’s jurisdiction under Article22

to be conditional on the CERD Committee previous ly being seised if negotiations failed, the

Applicant advances only one argument: Article22 is said to be the product of a separate process

from that which resulted in the wording of Articles 11 and 12 117. In reality, as Georgia concedes,
56

the Sub-Commission, the Commission on Human Rights and even, initially, the Third Committee,

discussed the CERD mechanism and seisin of the ICJ together and, as I demonstrated just now, all

the preliminary drafts of the compromissory cl auses make the Court’s jurisdiction dependent on

failure of the conciliation phase. Allow me, Members of the Court, to refer you to the document at

tab 4 of the judges’ folder, which contains the texts of those draft clauses.

41. Admittedly, in the interests of worki ng efficiently, the Third Committee asked its

Officers to prepare preliminary draft final clauses 118. However, the Bureau of the Third Committee

was not the appropriate forum to decide on the fundamental issue of the Court’s jurisdiction, which

was one of the stumbling blocks in the negotiations. The Third Committee therefore quite naturally

“agreed that the clauses which were self-contained and referred to articles within themselves would

119
be revised in the light of the final text of the Convention” . True to one of its favourite tricks,

Georgia quotes only a small part of the sentence ⎯ the first part 120, while taking great care not to

mention the second part, from which it is nevertheless apparent that the negotiators had no

intention of ring-fencing the final provisions but that, on the contrary, they were expecting to revise

116
See PORF, paras. 4.46-4.49.
117
WSG, Appendix, p. 253, para. ii.
11UN General Assembly, 20th Session, Declaration of the President, Official Record of the Third Committee, UN
doc. A/C.3/SR.1299, 11 Oct. 1965, p. 57, para. 2.

11UN General Assembly, Report of the Third Committee, UN doc. A/6181, 18 Dec. 1965, p. 35, para. 174 (WSG,
Vol. II, Ann. 40).

12WSG, Appendix, p. 263, para. xxvii. - 51 -

them in the light of the wording of the other substantive provisions relating to implementation of

the Convention, which would ultimately be adopted.

42. It is plain, therefore, Mr. President, that the compromissory clause was initially, and for a

long time, addressed in the discussions on measures of implementation. It was only late in the

day ⎯ a fortnight before the adoption of the final wording of the compromissory clause ⎯ that it

121
was detached from those measures and dispatched to the final clauses . The preliminary draft by

the Officers of the Third Committee was indeed, moreover, revised in the light of the final wording

of the provisions on implementation.

[Slide 5-1]
57

43. The wording suggested by the Officers of the Committee ⎯ which was proposed at that

time and which, like the documents I am going to speak about next, is at tab5 in the judges’

folder ⎯ merely mentioned negotiation as the only precondition on referral to the Court 12.

[Slide 5-2]

44. The amendment of Poland 123was intended ⎯ as that country’s delegate stated ⎯ to

defeat the possibility that the Court could be seised unilaterally:

“The text submitted by the Officers of the Committee implied compulsory
jurisdiction of the Court for all States Par ties to the Convention, whereas the Court’s

Statute provided for optional jurisdic tion as a principle and for compulsory
jurisdiction, under the terms of Article 36, only as an exception.” 124

[Slide 5-3]

45. Mr.President, it was to “save” the jurisdiction of the Court while at the same time

preserving that of the Committee that Ghana, Ma uritania and the Philippines submitted what is

commonly known as the “three-Power” amendment, about which I have already said a little, calling

for “the deletion of the comma after ‘negotiation’ and the insertion of the following between the

12Statement of Mr. Lamptey (Ghana). UN General Assemb ly, 20th session, Official Record of the Third
Committee, UN doc. A/C.3/SR.1349, 19 Nov. 1965, p. 348, para. 29 (WSG, Vol. II, Ann. 28).

12UN General Assembly, Draft International Conventi on on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination, Suggestions for Final Clauses submitted by Officers of the Third Committee, UN doc. A/C.3/L.1237,
15 Oct. 1965, clause viii (WSG, Vol. II, Ann. 17).

12UN General Assembly, Draft International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination, Poland: amendments to the suggestions for final clauses submitted by the Officers of the Third
Committee, UN doc. A/C.3/L.1272, 1 Nov. 1965 (WSG, Vol. II, Ann. 18).

12Mr. Dabrowa (Poland), UN General Assembly, 20th session, Official Record of the Third Committee ,
UN doc. A/C.3/SR.1358, p. 399, para. 20 (WSG, Vol. II, Ann. 35). - 52 -

words ‘negotiation’ and ‘shall’; ‘or by the procedures expr essly provided for in this

Convention’” 125. The aim was clearly to add a requirement of recourse to the Committee to that of

prior negotiation, with the dual objective of winni ng over those States which were reticent about

the Court being seised and preserving the jurisdiction of the Committee, to which the authors of the

amendment were particularly attached. And it worked perfectly, since the proposed amendment

gained wide support (as revealed, for example, by the extracts from interven tions before the Third

126
58 Committee reproduced at tab3 in the judges’ folder) and was adopted unanimously . The

bargain thus struck meant that both the role of the Committee and the unilateral seisin of the

Court ⎯ albeit with conditions ⎯ could be retained.

[End of slide 5-3]

C. The consistent interpretation of similar clauses by the Court

46. Mr. President, in cases of compromissory clauses of this kind, including those in which

the preconditions on seisin are set forth using the conjunction “or”, the Court has, as I have already

indicated 127, ascertained as a matter of course whether both conditions have been satisfied. The

Court also mentions systematically that these are indeed conditions, in the plural.

47. This is what occurred in the DRC v. Rwanda case, in which the Court found that none of

the procedural preconditions under Article75 of the WHO Constitution had been satisfied. The

same was true of the 1988 Advisory Opinion on the Obligation to Arbitrate, in which, in spite of

what Georgia asserts 128, the Court did ascertain whether, alongside unsuccessful negotiations, other

129
modes of dispute settlement had been attempted , thereby confirming that the modes of

settlement provided for by Section21 of the Headquarters Agreement between the United States

and the United Nations were successive in natu re. It was in fact because there had been

negotiations between the United Nations Secretariat and the United States, and because those

125
UN General Assembly, Report of the Third Committee, UN doc. A/6181, 18 Dec. 1965, p. 38, para. 199.
126
UN General Assembly, Report of the Third Committee, UN doc. A/6181, 18 Dec. 1965, p. 38, para. 200 (WSG,
Vol. II, Ann. 40).
12Supra, paras. 30 and 33.

128WSG, pp. 109-110, para. 3.30.

12Applicability of the Obligation to Arbitrate under Section 21 of the United Nations Headquarters Agreement of
26 June 1947, Order of 9 March 1988, I.C.J. Reports 1988, p. 34, para. 56. - 53 -

negotiations had clearly broken down, that the C ourt examined whether other forms of settlement

had been activated.

48. The same applies to the case now before the Court. And, Members of the Court, that is

moreover precisely how you understood the situation, on a first analysis, in your 2008 Order. First,

you found that the issues raised by Georgia “have manifestly not been resolved by negotiation prior

to the filing of the Application” ( Application of the International Convention on the Elimination of

All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order

of 15October2008, para. 115). You then consider ed it necessary, thereafter, to state that the
59

CERD mechanism had not been activated (ibid., para. 116).

49. Admittedly, you did not find, in those ur gent proceedings, that “formal negotiations in

the framework of the Convention or recourse to the procedure referred to in Article 22 thereof

constitute preconditions to be fulfilled before the seisin of the Court” ( ibid., para. 114). You did,

however, go on immediately to hold that “Article 22 does suggest that some attempt should have

been made by the claimant party to initiate, with the respondent party, discussions on issues that

would fall under CERD” (ibid.).

50. I admit to finding it somewhat difficult to understand why a double standard should

operate: negotiation and the procedures expressly provided for by the Convention are placed on a

strictly equal footing by Article 22 and it strikes me that, whatever the degree of formality required

for the former, if “some attempt should have been made” by Georgia to initiate discussions on the

issues it claims fall under the Convention, the same must apply to the procedures provided for by

the Convention. Georgia should have attempted to activate the conciliation mechanism. It is plain

that it has not done so. This is sufficient to establish that the Court does not have jurisdiction in the

case.

51. Before I finish with the topic, however, Mr.President, I would like to make one last

remark.

52. This case gives you the opportunity, Members of the Court, to clarify the position as

regards the relationship between the various orga ns of implementation carefully set up by the

drafters of the Convention. Russia is not in any way denying in the abstract that you have

jurisdiction in principle, as intended by the dr afters of the Convention and expressly accepted by - 54 -

Russia when it withdrew its reservation to Article 22. However, it falls to you to preserve the

integrity of the mechanism also intended by th e negotiators and accepted by the Parties, and to

safeguard the role of the Committee, as the “fr ont line” guardian of the Convention. The human

rights system, as it has been put together over nearly half a century, more than half a century, and

which is based to a large extent on the monitoring bodies, undoubtedly has room for improvement.

60 Violating treaty and procedural rules, however, is not the way to improve it, and circumventing the

Committee is certainly not how to strengthen the system.

Members of the Court, thank you very much for your attention. I would be grateful,

Mr. President, if you would kindly give the floor to Professor Zimmermann.

Le PRESIDENT : Je remercie M. Alain Pelle t pour son intervention. Je donne à présent la

parole à M. Andreas Zimmermann.

M.ZIMMERMANN: Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est

encore une fois un honneur pour moi que de me présenter devant la Cour.

ABSENCE DE NÉGOCIATIONS REQUISES PAR L ’ARTICLE 22DE LA CONVENTION
INTERNATIONALE SUR L ’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES

DE DISCRIMINATION RACIALE (CIEDR)

I. Introduction

1. Mesdames et Messieurs de la Cour, la Géorgie n’a même pas soutenu qu’elle avait essayé

de régler le prétendu différent relevant de la CIEDR au moyen de l’une quelconque des procédures

expressément prévues à cette fin par ladite convent ion. S’il s’agissait d’un différend, cette seule

raison suffit pour que, comme mon collègue Alain Pelle t vient de le démontrer, la Géorgie ne soit

de toute façon pas fondée à invoquer l’article 22 de la CIEDR.

2. Mais même si l’on partait de l’hypothèse que non seulement un différend relevant de la

CIEDR existait au moment de la saisine de la Cour, mais aussi qu’un requérant pourrait aller

jusqu’à contourner les procédures prévues par ce t instrument, la Géorgie n’est toujours pas pour

autant fondée à invoquer l’article22, étant donné qu e, comme je vais à présent le démontrer, elle

n’a jamais essayé de régler le prétendu différend par voie de négociation, comme l’exige également

cette disposition. - 55 -

II. Les «négociations» au sens de l’article 22 de la CIEDR

3. Permettez-moi de commencer par quelques observations générales.

4. Comme la Cour l’a souligné notamment dans l’affaire des Activités armées (Activités

armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête2002) (République démocratique du Congo

c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 40-41, par. 91) 130, de simples

61 protestations ne peuvent constituer des négociations. Pour cela, il faut avoir tenté d’engager avec
131
l’autre partie des discussions sur les préoccupations spécifiques qui, en l’espèce, auraient dû se

fonder sur de prétendues violations de la CIEDR.

5. En outre, il ressort de l’article22 de la CIEDR que les négociations et les procédures

prévues par celle-ci sont deux voies équivalentes po ur régler une question qui se pose au titre de

ladite convention avant de saisir de la Cour. Toutefois, en application du paragraphe1 de

l’article11 de la CIEDR, l’Etat destinataire a ta nt l’obligation que la possibilité de soumettre au

Comité des explications ou des déclarations écr ites éclaircissant la question et indiquant, le cas

échéant, les mesures qui peuvent avoir été prises par ledit Etat après que le Comité a été saisi. Il

faut donc, de la même manière, que les négociations offrent à l’Et at qui aurait violé la convention

la possibilité de s’expliquer et de défendre sa position.

6. Ainsi qu’il ressort clairement de l’article 22 de la CIEDR, les négociations doivent se

rapporter expressément à un différend touchant l’in terprétation ou l’application de la «présente

Convention». Cette condition ne semble pas avoir été prise en compte par la Géorgie, qui évoque

un grand nombre de «contacts» qu’elle aurait eus av ec la Russie, et qui ne se rapportent nullement

à la discrimination raciale et encore moins à la CIEDR. De tels «contact s» ne peuvent donc pas

constituer des négociations au sens de l’article 22 de la CIEDR, d’autant plus qu’il n’existait pas de

différend au sens de cette convention au moment de la saisine de la Cour, comme l’a démontré mon

ami et collègue Sam Wordsworth.

7. En outre, le fait que les négociations pré vues à l’article22 doivent, par définition, se

rapporter à des différends relevant de la «pré sente convention» signifie forcément que des

130
Voir EPR, par. 4.40.
131Tribunal international du droit de la mer, Demande en prescription de mesures conservatoires, ordonnance du
8 octobre 2003, affaire relative aux travaux de poldérisation par Singapour à l’intérieur et à proximité du détroit de
Johor, (Malaisie c. Singapour), Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonna nces 2003, vol. 7, p. 19, par. 39-40, voir
aussi EPR, par. 4.40. - 56 -

discussions antérieures au 2juillet1999, date d’adhésion de la Géorgie à la convention, et, par

conséquent, date d’entrée en vigueur de cette inst rument entre les Parties, ne pouvaient constituer

des négociations au sens de l’article 22 de la CIEDR. En effet, la Géorgie elle-même reconnaît que

132
la convention n’a pas d’effet rétroactif .

8. Conformément aux règles générales relatives à la représentation des Etats 133, les

négociations doivent également être menées par des organes habilités à représenter un Etat dans ses

62 relations extérieures. Par conséquent, des co mmunications émanant du Parlement géorgien ne

peuvent pas non plus être considérées comme pertinentes aux fins de l’article 22 de la CIEDR 134, et

135
encore moins les contacts entre les membres des Parlements géorgien et russe .

9. La Géorgie essaie à présent de convaincre la Cour que la Russie et elle étaient engagées

dans un long processus de négociations consacrées à l’application et à la mise en Œuvre de la

CIEDR en Ossétie du Sud et en Abkhazie depuis 1991/1992. Toutefois, compte tenu de l’obstacle

juridictionnel que représente l’article 22, qui exige non seulement l’existence d’un différend, mais

aussi la tenue de négociations sur ce différend allégué, force est pour la Géorgie d’essayer de

réécrire l’histoire diplomatique, mais cette tentative ne résiste pas à l’analyse.

10. La Géorgie soutient notamment que d es allégations relatives à des envois d’armes 136 ou

des allégations selon lesquelles la Russie auraient commis des violations du droit international

humanitaire 137ou enfin des allégations générales relatives à la fourniture d’aide et d’assistance 138

pourraient constituer les négociations exigées par l’article22 de la CIEDR. Or, même si ces

allégations étaient vraies, comment la Russie aurait-elle pu savoir que la Géorgie essayait

d’entamer les négociations prévues par la CIEDR quand ce dernier pays faisait exclusivement

référence à de prétendus envois d’armes ou à de prétendues violations du droit de la guerre,

d’autant plus que ces allégations ne portaient pas sur la discrimination raciale ?

132Observations écrites de la Géorgie, par. 5.11.

133Voir l’article 7 de la convention de Vienne sur le droit des traités.
134
OEG, par. 3.96, note de bas de page 387.
135
Voir OEG, par. 3.73, notes de bas de page 324 et 325.
136OEG, par. 3.96, note de bas de page 388.

137Voir lettre datée du 2juillet1993, adressée au président du Conseil de sé curité par le chef d’Etat de la
République de Géorgie, Nations Unies, doc. S/26031, citée dans OEG, note de bas de page 321.

138OEG, par. 3.96, note de bas de page 387. - 57 -

11. De même, des informations communiquées par la Géorgie au Comité contre la torture 139

140
et au Comité des droits de l’homme ne sont pas pertinentes: elles ne contiennent pas

d’allégations de violations de la CIEDR et n’étaient par ailleurs pas destinées à la Russie étant

donné qu’elles figuraient dans des rapports péri odiques que la Géorgie présentait uniquement à

chacun de ces organes conventionnels.

12. Il en va de même pour les débats qui se sont déroulées au sein des Nations Unies, que la

Géorgie essaie aussi de présenter comme des négociations au sens de l’article 22 de la CIEDR.

63 III. Les discussions menées dans le cadre de l’ONU sont présentées comme des «négociations»
au sens de l’article 22 de la CIEDR

13. Monsieur le président, la Géorgie fait référence à toute une série d’occasions où elle

aurait, dans le cadre de l’Organisation des Nati ons Unies, «mené des négociations» avec la Russie

sur des questions relevant de la CIEDR.

14. Pourtant, de simples discussions au sein d’instances internationales ne sauraient tout

bonnement être assimilées aux négociations exigées par l’article22 de la CIEDR. La Géorgie ne

semble pas partager ce point de vue, se référa nt aux décisions rendues dans les affaires du

Sud-Ouest africain 141 (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud; Libéria c. Afrique du Sud),

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962 , p. 319 et suiv. (346)). Cela étant, une analyse

minutieuse montre que la présente affaire est fondamentalement différente de ce précédent très

ancien.

15. Premièrement, dans les affaires du Sud-Ouest africain, la Cour avait expressément fait

observer que l’Afrique du Sud elle-même ⎯contrairement à la Russie ⎯ avait expressément

reconnu que des négociations avaient eu lieu dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies

(Sud-Ouest africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libéria c.Afrique du Sud), exceptions

préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil1962 , p.319 et suiv. (345)). De plus, le différend relatif au

statut de la Namibie opposait l’Afrique du Sud, d’un e part, et la plupart, voire la totalité des Etats

membres de l’ONU, d’autre part. Dans les affaires du Sud-Ouest africain, la Cour avait, de ce fait

139OEG, par. 3.73, note de bas de page 328.
140
OEG, par. 3.109, note de bas de page 413.
141Cf. OEG, par. 3.59-3.60. - 58 -

et à juste titre, souligné qu’il y avait, au sein de l’ONU, un «Etat auquel [la majorité des Membres

de l’ONU] s’[était] oppos[ée]» ( ibid., p.346, où il est également fa it référence aux «négociations

collectives avec [ledit] Etat adverse».).

16. C’est uniquement dans ce cadre quasi-bilaté ral que la Cour n’a pas, à l’époque, jugé

nécessaire d’exiger la tenue de négociations directes bilatérales entre les Etats concernés. La

présente affaire est fondamentalement différente.

17. D’une part, aucune des parties ⎯ni d’ailleurs aucune tierce partie ⎯ n’a jamais, avant

de porter cette affaire devant la Cour, considéré ou affirmé qu’un différend était né entre la Géorgie

et la Russie au sujet de la CIEDR ni, par voi e de conséquence, qu’elles avaient engagé des

négociations concernant l’application ou l’interprétation de la CIEDR.

18. D’autre part, le paragraphe 2 de l’article 11 de la CIEDR fait expressément référence aux

négociations bilatérales qui doivent se tenir avant qu’un Etat puisse soumettre une question au

comité pour l’élimination de la discrimination racial e. Cela dit, il serait contradictoire de poser

comme condition que soient tenues des négociations bilatérales officielles devant le Comité et de

64 ne pas respecter cette condition da ns le cadre d’une procédure c ontradictoire et beaucoup plus

stricte devant la Cour.

19. En outre, certaines discussions menées au sein de l’Organisation des Nations Unies,

auxquelles se réfère la Géorgie, ne sont pas da vantage pertinentes, que ce soit du point de vue

ratione temporis du fait qu’elles sont antérieures à l’entrée en vigueur de la CIEDR entre les

142
parties ou parce qu’elles émanent du parlement géorgi en et qu’elles sont, en plus, adressées au

Gouvernement géorgien 143.

20. Cela étant, d’autres documents font simplement référence à la présence de forces de

maintien de la paix de la CEI et ne contiennent aucune plainte relative à leur comportement 144.

142Cf. par exemple, Conseil de sécuri té de l’ONU, lettre datée du 20septem bre1993, adressée au président du
Conseil de sécurité par le représentant permanent de la Géorgie auprès de l’ Organisation des Nations Unies, annexe,
Nations Unies, doc. S/26472 (20 septembre 1993) (OEG, vol. III, annexe 48), p. 2; cf. aussimutatis mutandis, lettre
datée du 25 décembre 1992, adressée au Secrétaire général par le président du Pa rlement et chef d’Etat de la République
de Géorgie, OEG, vol. III, annexe 46. Pour d’autres exemples, voir les références figurant à la note 17.

143Cf. le document mentionné à la note 330 des OEG (renvoyant au vol. III, annexe 82).
144
Cf. OEG, par.3.106, note 404 où il est fait référence à une lettre en date du 14avril1998, adressée au
Secrétaire général par le représentant permanent de la Gorgie auprès de l’Organisation des Nations Unies, Nations
Unies, doc. S/1998/329 (15 avril 1998) (antérieure à l’entrée en vigueur de la CIEDR entre la Géorgie et la Russie), ainsi
que la lettre en date du 20 juillet 1999, adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la
Géorgie auprès de l’Organisation des Nations Unies, Nations Unies, doc. S/1999/806 (21 juillet 1999). - 59 -

21. Lorsque de telles plaintes ont été déposées, leur libellé faisait expressément référence à

certaines dispositions d’instruments relatifs aux droits de l’homme, notamment à l’article8 du

pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ou à l’article4 de la convention

145
européenne des droits de l’homme , mais, et c’est révélateur, ces plaintes ne renvoyaient pas aux

dispositions spécifiques de ces instruments en matiè re de discrimination, et encore moins à la

CIEDR. Maintenant, et pour des raisons évidentes, la Géorgie affirme cependant qu’il s’agissait là

146
de tentatives supplémentaires d’ouvrir des négociations en vertu de la CIEDR .

22. A d’autres occasions, des plaintes pour discrimination raciale ont été adressées aux

autorités locales uniquement, mais il n’a nullement été fait grief aux forces russes de maintien de la

paix d’avoir été impliquées dans de tels actes 147.

23. Lorsque la Géorgie prétend que la Russie a violé le droit international, ces allégations

reposent sur les relations consulaires, les conven tions d’entraide judiciaire et «[l]’intégrité

territoriale des Etats, [l]’égalité souveraine d es Etats, [l]’inviolabilité des frontières et [la]

148
65 non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats» . Même la réunion du Conseil de sécurité

149
qui s’est tenue le 10août2008 ⎯à la demande de la Géorgie, après l’échec de sa propre

offensive armée ⎯ n’a été convoquée que pour examiner ce que la Géorgie présentait,

délibérément et faussement, comme une «agression armée perpétrée contre la Géorgie par la

Fédération de Russie» 150.

24. En conséquence, l’ensemble de la réunion a porté sur l’emploi de la force et les

violations du droit international humanitair e, mais pas sur la discrimination raciale ⎯ et encore

moins sur les violations de la CIEDR.

145OEG, par. 3.109, note 411 où il est fait référence à OEG, vol. III, annexe 83.

146OEG, par. 3.109.

147Cf. en particulier la citation tronquée figurant à la fin du par.3.108 des OEG et, ibid., à la note410 où il est
fait référence à l’annexe 77 des OEG, vol. III.
148
Cf. lettre en date du 17avril2008, adressée au Secrétaire général par le chargé d’affaires par intérim de la
mission permanente de la Géorgie aupr ès de l’Organisation des Nations Unie s, annexe, Nations Unies, doc.A/62/810
(21 avril 2008), reproduite dans OEG, vol. III, annexe 91.

149Cf. en ce qui concerne la thèse selon laquelle cette réunion aurait été suivie de négociations au sens de
l’article 22 de la CIEDR ; voir OEG, par. 3.76.
150
Lettre datée du 9août2008, adressée au président du Conseil de sécurité pa r le représentant permanent de la
Géorgie auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2008/537 (9 août 2008). - 60 -

25. La Géorgie ne s’est pas non plus plainte de ce que la Russie aurait violé la CIEDR ou

commis d’autres actes de discrimination raciale en Abkhazie ou en Ossétie du Sud dans le cadre de

151
l’OSCE .

IV. Les discussions menées dans le cadre de l’OSCE sont présentées comme des négociations

au sens de l’article 22 de la CIEDR

26. Monsieur le président, c’est ⎯pour ne donner qu’un exemple ⎯ ce qui ressort très

clairement de la déclaration faite par la Géorgie au conseil permanent de l’OSCE le 17 avril 2008.

152
A l’évidence, cette déclaration ⎯ ainsi que d’autres ⎯ portait essentiellement sur des questions

d’intégrité territoriale et d’«annexion illégale» plutô
t que sur la discrimination raciale. Cela nous

montre également que la Russie était perçue, par la Géorgie, comme n’étant pas partie au conflit :

devant l’OSCE, la Géorgie s’est donc expressément référée à la résolution 1808 (2008) du Conseil

de sécurité 153. Cette résolution ayant déjà été examinée par mon ami et collègue Sam Wordsworth,

je vais pouvoir me contenter de répéter que, dans la résolution, la Géorgie et les autorités abkhazes

étaient, à juste titre, présentées comme des parties au différend, et la Russie comme un

«facilitateur» 15.

66 27. En conséquence, la déclaration de la Géorgie devant l’OSCE n’avait pas pour objet

d’engager la Fédération de Russi e dans un processus de négociation au sens de l’article22 de la

CIEDR, et ne pouvait être interprétée par la Russie dans ce sens.

28. Surtout, un simple appel à s’engager pl us activement dans le retour des personnes

déplacées et des réfugiés ne pouvait, de bonne foi, êt re perçu par la Russie comme une référence à

d’éventuelles violations des obligations qui lui incombent en vertu de la CIEDR. C’est ce que

confirme le fait que la Géorgie a entériné, devant l’OSCE, l’appel lancé par le Conseil de sécurité

151Ainsi, entre autres, une déclaration faite en 2004 par la délégation géorgienne à la réunion spéciale du Conseil
permanent de l’OSCE, PC.DEL/654/04 (13juillet2004); à la page1, il est simplement question des «dernières
provocations d’une poignée de séparatistes» et du prétendu soutien de la Russie à l’«esprit ouvertement séparatiste de la

région», cf. MG, vol. II, annexe 77, p. 1.
152OEG, vol. III, annexes 113 et 114.

153OSCE, 709 eséance plénière du Conseil, déclaratio n de la délégation de la Géorgie, PC.JOUR/709
(17 avril 2008), p. 4 (OEG, vol. III, annexe 112, citée au par. 3.84 des OEG).

154Cf. Résolution du Conseil de sécurité 1808 (2008), paragraphe s liminaires 4 et 5, ains i que les par.1 et 7 du
dispositif. - 61 -

155
aux «parties en conflit» , c’est-à-dire la Géorgie et l’Abkhazi e, leur demandant de résoudre le

problème des personnes déplacées et des réfugiés.

V. Discussions dans le cadre du processus de Genève mené sous les auspices des Nations Unies,
du Groupe des amis de la Géorgie et de la Communauté d’Etats indépendants,

qui sont censées constituer des «négociations»
au sens de l’article 22 de la CIEDR

29. Une observation très similaire peut être formulée au sujet des discussions intervenues

dans le cadre du processus de Genève mené sous les auspices des Nations Unies. Là encore, ces

discussions ne mettaient en jeu aucune question liée à la CIEDR. La Géorgie a beau tenter à

présent de les «métamorphoser» en négociations avec la Russie au sens de l’article22 de la

CIEDR 156, il suffit de rappeler que, de son propre aveu , la Russie faisait uniquement office de

157
facilitateur dans le cadre de ce processus et ne participait pas aux négociations en tant que partie

au conflit.

30. En ce qui concerne le Groupe des amis de la Géorgie, il suffit également de signaler que,

158
comme la Géorgie l’a une fois encore reconnu elle-même , les Etats participants, dont la Russie,

avaient un statut très limité. Ces Etats —je cite — «ne sont pas parties aux négociations et ne

159
doivent pas être invités à signer des documents élaborés dans le cadre desdites négociations» —

à la différence des parties, à savoir la Géorgie et l’Abkhazie.

155Cf. OSCE, 709 séance plénière du Conseil, déclaratio n de la délégation de la Géorgie,PC.JOUR/709
(17 avril 2008), p. 4 (OEG, vol. III, annexe 112).

156MG, par. 8.59 et suiv.

157MG, par. 8.59.
158
MG, par. 8.61.
159
Voir le paragraphe 3 de la déclaration finale relative à l’issue de la reprise, en Géorgie, de la réunion entre les
parties géorgienne et abkhaze (du 17 au 19novembre1997), qui es t reproduite dans le mémoire de la Géorgie, vol.III,
annexe 125. - 62 -

31. Enfin, la Géorgie cherche aussi à se prév aloir d’événements intervenus au sein de la

Communauté d’Etats indépendants (la «CEI») 16. Certains des documents invoqués sont dénués de

161 162
pertinence ratione temporis ou font encore référence à des contacts entre parlementaires —

sinon les deux. En outre, dans les documents en qu estion, la Géorgie et l’Abkhazie sont présentées
67

comme les seules parties au conflit, tandis que la Russie était —là encore— perçue comme un

Etat facilitant les négociations entre elles deux — la Géorgie et l’Abkhazie, donc —, mais non

163
comme étant elle-même partie à d’éventuelles négociations avec la Géorgie .

32. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, plus on y regarde de près,

plus la version de la Géorgie concernant des négociations alléguées part à vau-l’eau.

33. Certes, la Géorgie a mentionné les conflits abkhaze et ossète sur la scène internationale.

Mais ce n’est pas la même chose que de négocier av ec l’Etat défendeur quant à certaines violations

d’un traité.

34. Les conflits abkhaze et ossète revenaient souvent au premier plan des communications

diplomatiques de la Géorgie, cela va de soi. Mais ce fait conforte en réalité la thèse de la Russie :

les échanges que la Géorgie a eus sur des questions telles que son intégrité territoriale et des actes

allégués d’annexion ne font ressortir que plus nettement l’absence totale de références à la CIEDR.

La Géorgie elle-même ne pensait tout simplement pas qu’il s’agissait là d’une question appelant

des négociations au sens de la CIEDR — jusqu’à ce que, subitement, elle change son fusil d’épaule

après l’échec de son usage illicite de la force et qu’elle saisisse la Cour sur la base de l’article 22 de

la CIEDR.

35. La Géorgie n’a pas non plus tenté de régler le prétendu différend relevant de la CIEDR

au moyen de négociations bilatérales.

160MG, par. 8.77-8.80.

161Voir, par exemple, la décision du conseil des chefs d’Etat de la CEI sur les nouvelles étapes en vue de régler le
différend relatif à l’Abkhazie (Géorgie) qui, datée du 2 avril 1999, est donc antérieure de trois mois à l’entrée en vigueur
de la CIEDR entre la Géorgie et la Russie, et à laquellla Géorgie se réfère dans son mémoire; cf.MG, vol.III,
annexe 127.

162Voir, notamment, la décision du conseil de l’Assembl ée interparlementaire des Etats membres de la CEI sur
l’état de règlement du conflit en Abkhazie, Géorgie (28 février 1998), MG, vol. III, annexe 126.

163Voir, par exemple, la décision du conseil des chefs d’Etat de la CEI sur les nouvelles étapes en vue de régler le
différend relatif à l’Abkhazie, Géorgie (2 avril 1999) (reproduite dans le mémoire de la Géorgie, vol.III, annexe127),
troisième alinéa du préambule. - 63 -

VI. Le défaut de négociations bilatérales

36. Monsieur le président, permettez-moi de commencer à nouveau par trois brèves

remarques d’ordre plus général. Premièrement , tout comme celles engagées sur le plan

multilatéral, les discussions qui ont eu lieu avant la mi-1999, soit avant même que la Géorgie ne

deviennent partie à la CIEDR, ne sauraient constituer en elles-mê mes des tentatives de régler un

prétendu différend relevant de cette convention.

37. Deuxièmement, une lecture des observations écrites de la Géorgie donne clairement

l’impression que celle-ci cherche à jouer su r les deux tableaux : elle prétend que, depuis 1992, les

68 négociations bilatérales se sont enchaînées sans succès mais, en même temps, elle se réfère souvent

à des accords conclus avec la Fédération de Russie — en particulier dans le cadre de la commission

de contrôle conjointe— qui ont permis de répondre, avec succès, à certaines questions liées au

conflit dont l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud étaien t le théâtre et qui prévoyaient des mécanismes

164
concertés pour régler certains problèmes entre les parties au conflit , à savoir l’Abkhazie et

l’Ossétie du Sud d’une part et la Géorgie de l’autre.

E3nfi.n, troisièmement, et comme dans le cas des discu ssions multilatérales, la Russie a

toujours été perçue par la Géorgie comme une tierc e partie faisant fonction de facilitateur — alors

pourquoi devrait-elle, ce nonobsta nt, considérer que ses discussions avec la Géorgie dans ce

contexte constituent des négociations au sens de l’article22 de la CIED R? Prenons quelques

165
exemples particuliers de négociations bilatérales alléguées .

166
39. Je commencerai par une réunion tenue en 2003 entre les deux chefs d’Etat qui, selon la

Géorgie, équivaut aux négociations visées dans la CIEDR. Tout d’abord, il convient de noter que

la partie abkhaze participait à ces discussions. De plus, il était entendu que le retour des personnes

déplacées et des réfugiés constituait la princi pale priorité de tous les participants 167 — il n’y avait

donc pas désaccord ni lieu de négocier sur la question. Et pour f
inir, de toute évidence, le

164
Voir, notamment, l’accord de Sotchi de 1992, le docum ent final adopté à l’issue de la réunion de Moscou
de1992 entre le président Eltsine et le président Chevardnadze, l’accord quadripartie sur le rapatriement librement
consenti des réfugiés et des personnes déplacées, ou le protocole n°7 de 1997 relatif à la réunion de la commission de
contrôle conjointe (CCC) pour le règlement du conflit osséto-géorgien (13 février 1997).
165
Pour un examen exhaustif, voir EPR, en part. par. 4.90-4.95.
16OEG, par. 3.86.

16Voir également la référence aux négociations de suivi ( ibid.), qui se rapportaient toutefois uniquement à la
réfection de certaines voies ferroviaires. - 64 -

document invoqué par la Géorgie ne mentionne ni la CIEDR ni une quelconque discrimination

raciale.

40. Dans le même ordre d’idées, lors d’une réunion tenue en 2004 à Moscou, la Géorgie,

d’après son propre document 168, considérait toujours que c’était à elle et à l’Abkhazie qu’il revenait

de s’entendre sur le retour des personnes déplacées et des réfugiés, et le représentant de la Russie

était parfaitement d’accord avec elle.

41. Un échange de lettres de 2004 entre l es deux présidents, que la Géorgie invoque

aujourd’hui comme un autre exemple de négociations pertinentes au sens de l’article22 de la

CIEDR 16, ne contenait pas lui non plus la moindre trace d’allégations de discrimination raciale 170.

69 42. Enfin, il y a l’échange de lettres entre les présidents Saakachvili et Medvedev de la fin

juin 2008, dont M. Kolodkin a déjà parlé assez l onguement. Aux fins qui nous occupent ici, je me

bornerai à souligner que ces lettres, écrites quelques semaines à peine avan t l’introduction de la

présente instance, faisaient clairement état d’un différend entre «les parties au conflit» 17, c’est-à-

dire la Géorgie et l’Abkhazie, mais sans é voquer d’aucune façon une discrimination raciale

pratiquée par la Russie. Il est en fait révélateur que la Géorgie accuse à présent les forces russes de

maintien de la paix d’être «responsable[s] d’actes de violence continus à l’encontre des Géorgiens

172
de souche» alors qu’aucune allégation en ce sens n’était formulée dans la lettre, qui ne constitue

donc pas, elle non plus, une tentative de négocier au sens de la CIEDR.

43. Monsieur le président, la Géorgie a fa it grand cas du prétendu refus de la Russie

d’engager des pourparlers avec elle alors qu’elle avait déjà attaqué les soldats de la paix russes le

7août et que la Russie exerçait son droit naturel de légitime défense en vertu de la Charte des

Nations Unies.

44. A cet égard, il faut tout d’abord noter que les deux Etats, la Géorgie et la Russie, se

préoccupaient surtout à cette époque de la licéité de l’emploi de la force et de la nécessité

d’observer les normes applicables du droit international humanitaire, qui constituent la lex specialis

168OEG, par. 3.87, renvoyant à ibid., vol. IV, annexe 156.

169OEG, par. 3.107.
170
MG, vol. V, annexe 309.
171Ibid.

172OEG, par. 3.75. - 65 -

en temps de conflit armé (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,

C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240, par. 25 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le

territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 178, par. 106).

45. Ensuite, il convient de rappeler aussi qu’é tait déjà engagé à l’échelle internationale un

processus de négociation qui déboucha sur un accord de cessez-le-feu conclu le 12 août 2008, soit

le jour même où la Géorgie a saisi la Cour. Or, cet accord confirmait la perception unanime des

parties, à savoir que le conflit était régi par les règles applicables du jus ad bellum et du jus in bello,

aucune question liée à la CIEDR n’ayant en revanche été, là encore, ni abordée avec la Russie au

cours des négociations qui conduisirent à l’adopt ion de l’accord de cessez-le-feu, ni même

mentionnée dans le texte de l’accord lui-même.

46. Relevons enfin que, comme le représentant russe au Conseil de sécurité le déclara

publiquement le 10août2008, et sans être c ontredit alors par la Géorgie, des contacts

70 diplomatiques avaient eu lieu entre les hautes instances de la Russie et de la Géorgie même lorsque

173
le conflit armé faisait rage . Il est donc pour le moins fallacieux de prétendre qu’il n’était pas

nécessaire de tenter d’engager des négociations au sens de l’article22 puisque, à en croire ce

qu’affirme à présent la Géorgie, la Russie avait refusé d’ouvrir des négociations.

VII. Observations finales

47. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, l’article 22 de la CIEDR est

une clause compromissoire qui doit être prise au sérieux. Ce n’est jamais une mince affaire que

d’introduire une procédure contentieuse devant la Cour. C’est la raison pour laquelle les rédacteurs

de la CIEDR ont délibérément décidé d’imposer aux parties de régler les di fférends relevant de la

convention au moyen de négociations et des procédures prévues expressément dans celle-ci. Il est

d’autant plus important d’appliquer ces dispositions lorsqu’aucun grief fondé sur la CIEDR n’a été

formulé auparavant et que sont soudainement form ulées des allégations de discrimination raciale à

grande échelle.

173
Nations Unies, doc. S/PV.5953, p. 9. - 66 -

48. Monsieur le président, permettez-moi de résumer la situation : la Géorgie n’a — de toute

évidence — pas eu recours aux procédures expressément prévues dans la CIEDR. Ne serait-ce que

pour cette raison, la Cour ne peut examiner sa thèse.

49. En outre, la Géorgie n’a pas respecté non plus l’autre obligation procédurale énoncée à

l’article 22 de la CIEDR, qui est l’obligation de négocier.

50. La Fédération de Russie soutient donc r espectueusement que, pour cette autre raison

également, la Cour n’a pas compétence pour connaître de la requête de la Géorgie.

51. Monsieur le président, ainsi s’achève ma présentation et, avec elle, le premier tour de

plaidoiries de la Russie. Je vous remercie pour votre bienveillante attention.

Le PRESIDENT: Je remercie M.Andreas Zimmermann pour son exposé. Cela met un

terme à l’audience d’aujourd’hui. La Cour se réunira à nouveau le mardi 14 septembre à 10 heures

pour entendre la Géorgie en son premier tour de plaidoiries.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 13 h 20.

___________

Document Long Title

Traduction

Links