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141-20091201-ORA-01-01-BI
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CR 2009/24 (traduction)

CR 2009/24 (translation)

er
Mardi 1 décembre 2009 à 10 heures

Tuesday 1 December 2009 at 10 a.m. - 2 -

28 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.

La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre la présentation orale d’exposés et

d’observations par les Membres de l’Organisation des Nations Unies au sujet de la demande d’avis

consultatif que l’Assemblée générale lui a soumise sur la question de la Conformité au droit

international de la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo, ainsi que pour entendre une contribution orale des auteurs

de ladite déclaration unilatérale d’indépendance.

Le 8 octobre2008, par sa résolution 63/3, l’A ssemblée générale des Nations Unies a décidé

de demander un avis consultatif à la Cour. Le texte de cette résolution a été transmis à la Cour sous

le couvert d’une lettre du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies datée du

9 octobre 2008 et reçue au Greffe par télécopie le lendemain. Je prierai le greffier de bien vouloir

donner lecture du paragraphe de cette résolution contenant la question sur laquelle l’avis consultatif

de la Cour est demandé.

Le GREFFIER: «La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?»

Le PRESIDENT: Conformément au paragraphe 1 de l’article66 du Statut, le greffier a

immédiatement notifié la requête demandant l’avis consultatif à tous les Etats admis à ester devant

la Cour.

Par ordonnance en date du 17octobre2008, la Cour a décidé que l’Organisation des

NationsUnies et ses Etats Membres étaient suscep tibles de fournir des renseignements sur cette

question. Par la même ordonnance, la Cour a fixé respectivement au 17avril2009 la date

d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits pourraient lui être présentés sur cette question,

et au 17juillet2009 la date d’expiration du déla i dans lequel les Etats ou organisations ayant

présenté un exposé écrit pourraient présenter des obs ervations écrites sur les autres exposés écrits,

conformément au paragraphe4 de l’article66 du Statut. Dans cette ordonnance, la Cour a par

ailleurs jugé que, - 3 -

«compte tenu du fait que la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions

29 provisoires d’administration autonome du Kosovo du 17février2008 fai[sait] l’objet
de la question soumise à la Cour pour avis consultatif, les auteurs de la déclaration
précitée [étaient] … susceptibles de fournir des renseignements sur la question».

Aussi a-t-elle également décidé «de les inviter à [lui] soumettre des contributions écrites, dans les

[mêmes] délais».

Par lettres en date du 20 octobre 2008, le greffier a informé l’Organisation des Nations Unies

et ses Etats Membres des décisions de la Cour et le ur a fait tenir copie de l’ordonnance. Par lettre

datée du même jour, le greffier a fait connaîtr e aux auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance des institutions provisoires d’admi nistration autonome du Kosovo les décisions de

la Cour et leur a fait tenir copie de l’ordonnance.

Conformément au paragraphe2 de l’artic le65 du Statut, le Secrétaire général de

l’Organisation des Nations Unies a communiqué à la Cour, le 30 janvier 2009, un dossier contenant

des documents pouvant servir à élucider la question, qui a ensuite été publié sur le site Internet de

la Cour.

Par lettres en date du 8juin2009, le greffier a informé l’Organisation des NationsUnies et

ses Etats Membres que la Cour avait décidé de tenir des audiences, qui s’ouvriraient le

1edécembre2009, au cours desquelles ils pourraient présenter oralement des exposés et

observations, qu’ils aient ou non déposé des expo sés écrits et, le cas échéant, des observations

écrites. Il était en outre précisé que les auteurs de la déclaration unilaté rale d’indépendance des

institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo pourraient présenter une contribution

orale.

Par lettre datée du même jour, le greffier a également informé en conséquence les auteurs de

la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo.

Le greffier a prié l’Organisation des NationsUnies et ses Etats Membres, ainsi que les

auteurs de la déclaration unilaté rale d’indépendance des institutions provisoires d’administration

autonome du Kosovo, de faire connaître à la C our avant le 15septembre2009 s’ils entendaient

prendre part à la procédure orale. - 4 -

Des exposés écrits ont été déposés, selon l’ordre de réception, par : la République tchèque, la

France, Chypre, la Chine, la Suisse, la Roumanie, l’Albanie, l’Autriche, l’Egypte, l’Allemagne, la

Slovaquie, la Fédération de Russie, la Finlande, la Pologne, le L uxembourg, la Jamahiriya arabe

libyenne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis d’Am érique, la Serbie, l’Espagne, la République

islamique d’Iran, l’Estonie, la No rvège, les Pays-Bas, la Slovénie, la Lettonie, le Japon, le Brésil,

l’Irlande, le Danemark, l’Argentine, l’Azerbaïdjan, les Maldives, la Sierra Leone, la Bolivie et la

République bolivarienne du Venezuela. Les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance

des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ont dé posé une contribution
30

écrite.

Des observations écrites sur les exposés et la contribution écrits ont été déposées, selon

l’ordre de réception, par: la France, la Norvège, Chypre, la Serbie, l’Argentine, l’Allemagne, les

Pays-Bas, l’Albanie, la Slovénie, la Suisse, la Bolivie, le Royaume-Uni, les Etats-Unis d’Amérique

et l’Espagne. Les auteurs de la déclaration unilatérale d’i
ndépendance des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo ont présenté une contribution écrite se rapportant aux

exposés écrits.

Comme je l’ai indiqué il y a quelques instants, la Cour se réunit aujourd’hui pour entendre la

présentation orale d’exposés et d’observations au suje t de la demande d’avis consultatif, ainsi que

pour entendre une contribution orale des auteurs de la déclaration unilaté rale d’indépendance des

institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. A cet égard, la Cour a été informée

que souhaitaient s’exprimer au cours de la présente procédure orale les participants suivants (dans

l’ordre): la Serbie, les auteurs de la déclar ation unilatérale d’indé pendance des institutions

provisoires d’administration autonome du Kosovo, l’Albanie, l’Allemagne, l’Arabie saoudite,

l’Argentine, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, la Bolivie, le Brésil, la Bulgarie, le Burundi, la

Chine, Chypre, la Croatie, le Da nemark, l’Espagne, les Etats-Unis d’Amérique, la Fédération de

Russie, la Finlande, la France, la Jordanie, la Norvège, les Pays-Bas, la Roumanie, le

Royaume-Uni, le Venezuela et le Viet Nam.

Par diverses communications, le Greffe a porté les dispositions prises pour les audiences à la

connaissance des participants que je viens de c iter. Le calendrier des audiences a également été

rendu public par communiqué de presse. Ce matin, la Cour entendra la Serbie ; cet après-midi, elle - 5 -

entendra les auteurs de la déclaration unilatéra le d’indépendance des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo. La Serbie et les auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance disposeront respectivement d’un temps de parole maximum de trois heures, et tous

les autres participants à la procédure orale dis poseront chacun d’un temps de parole maximum de

quarante-cinq minutes.

Avant d’inviter la Serbie à prendre la pa role, je voudrais ajouter que, conformément à

l’article106 de son Règlement, la Cour a décidé que les exposés écrits et observations écrites

soumis par les Membres de l’Organisation des Na tionsUnies aux fins de la présente procédure

consultative, de même que les contributions écrit es produites par les auteurs de la déclaration

unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo,
31

seraient rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale. Ces écritures seront

placées à dater de ce jour sur le site Internet de la Cour, afin de pouvoir y être consultées dans leur

version originale ou dans la traduction non offici elle, telle que soumise au Greffe ou établie par

celui-ci. Les textes des exposés et observations présentés oralement, ainsi que celui de la

contribution orale des auteurs de la déclara tion unilatérale d’indépendance des institutions

provisoires d’administration autonome du Kosovo, seront eux aussi publiés sur le site Internet de la

Cour.

Je donne à présent la parole à S. Exc. M. Bataković. Monsieur Batakovi ć, vous avez la

parole.

BMAr.AKOVI Ć:

INTRODUCTION

1. Mr. President, Members of the Court, it is a signal honour, and very great responsibility,

to represent my country, Serbia, before the principa l judicial organ of the United Nations in these

public hearings.

2. The General Assembly of the United Nati ons has turned to the Court to request an

advisory opinion of it on the accordance with international law of the Unilateral Declaration of

Independence by the Provisional In stitutions of Self-Government of Kosovo. The question is one

of major importance for the United Nations, and for the entire international legal order, since the - 6 -

Unilateral Declaration of Independence is nothing but an attempt to put an end to the international

legal régime the Security Council established for Kosovo in resolution 1244 in 1999.

3. The Unilateral Declaration of Independence thus represents a challenge to the

international organization and its authority, in respect in particular of its future ability successfully

to implement one of its basic principles, maintaining international peace and security.

4. The Unilateral Declaration of Independence also represents a challenge to the international

legal order, which is based on the principles of Stat e sovereignty and territorial integrity. This is

32 why the great majority of States have opposed seces sion and have come out against the Unilateral

Declaration of Independence of Kosovo.

5. Mr.President, the position taken by the United Nations on the Unilateral Declaration of

Independence will be of fundamental importance, not only for United Nations action concerning

the situation in Kosovo but also for the international legal order as a whole. I think that we are

agreed that the United Nations position must be founded on international law. Your advisory

opinion will have paramount significance for the Organization and will offer guidance to its

political organs ⎯ the General Assembly, Security Council and Secretary-General ⎯ when they

need to take decisions.

6. Mr. President, Members of the Court, there is no need to point out that the question before

you is a vital one for my country. Kosovo is the historical cradle of Serbia and one of the

mainstays of its identity. De facto, the Serbs of Kosovo have become a minority in their own

country. Even though the Unilateral Declaration of Independence by the Provisional Institutions of

Self-Government of Kosovo flagrantly violates Serbia’s sovereignty and territorial integrity, Serbia

decided on a responsible and peaceful response to this illegitimate, unlawful decision and had

recourse to existing procedures within the United Nations 1. Serbia will however resolutely persist

in defending its territorial integr ity and sovereignty, while remaining flexib le in the search for

practical solutions to ease the current situation. In keeping with this approach, Serbia has

supported the United Nations Secretary-General’s plan for the deployment of EULEX, the

1
See, e.g., the address by Mr. Boris Tać, President of Serbia, to the United Nations General Assembly,
UN doc. A/63/PV.5, 23 Sep. 2008, p. 29. - 7 -

European Union’s Mission in Kosovo, in accordan ce with resolution 1244 and under the authority

of the Special Representative.

7. MrP.resident, Kosovo has been under United Nations administration since

resolution 1244 was adopted in 1999. I would like to note that this resolution was adopted in the

wake of the unlawful use of armed force by a number of States against the Federal Republic of

Yugoslavia and let us recall that that intervention caused a significant number of civilian casualties.

The Security Council itself established an international civil and security presence in Kosovo.

33 However, the Security Council did not, and more over could not have, put an end to Serbia’s

sovereignty in Kosovo To the contrary, resolu tion1244 highlighted the need to preserve the

territorial integrity of the Federal Republic of Yugoslavia ⎯ Serbia ⎯ encompassing the province

of Kosovo, and this has been reaffirmed since then by the post-1999 United Nations practice.

8. Resolution1244 provides that the future st atus of the province will be determined by a

political process. Any final settlement must be peacefully achieved through negotiation. Naturally,

such a settlement must follow from the agreement of the parties and must also be supported by the

Security Council.

9. Unfortunately, the negotiations on the status of Kosovo, begun in late 2005, were destined

from the outset to fail, in particular because of the bias shown by MarttiAhtisaari, the lead

negotiator, and the position taken by those States in the Contact Group which promoted

independence for Kosovo, describing it as the only option 2. A successful outcome of the

negotiations was therefore in jeopa rdy, notwithstanding the very flex ible stance of Serbia, which

proposed a number of different solutions for Koso vo. It even offered Kosovo the possibility of

exercising independently nearly all the prerogatives of State authority and even of being able to

join international financial institutions 3. Serbia rejects the claim that all negotiating possibilities

were exhausted, not only because the Vienna nego tiations were skewed from the start, but also

because they lasted two and a half years, not long compared with the duration of negotiations in

other situations where international peace and security have been at stake.

2
Written Comments of Serbia, paras. 100 et seq.
3
Written Comments of Serbia, para. 117. - 8 -

10. Mr. President, the history of the crisis is not only the history of the negotiations and the

armed conflicts, but also the history of the pain and suffering inflicted on the inhabitants of Serbia,

especially the citizens of Kosovo, whatever their national origin. Democratic Serbia sincerely

condemns and regrets the tragedies and pain caused by those acting in the name of Yugoslavia and

Serbia during the conflict in Kosovo, including in pa rticular the serious violations of the Albanian

population’s human rights in 1998 and 1999. We believe it of the utmost importance that all who
34
perpetrated crimes during the conflict be prosecuted before national and international tribunals. A

number of members of the army and police have al ready been tried and convicted in Serbia in

respect of crimes committed in Kosovo.

In this connection we cannot help but note that during the 1998-1999 conflict the so-called

“Kosovo Liberation Army”, an Albanian paramilitary group, perpetrated serious crimes against

Serbs and other non-Albanian communities, as we ll as against Albanians loyal to the Serbian

authorities. Nor can we ignore the fact that the pr esent situation in respect of human rights of the

non-Albanian population in Kosovo is extremely serious and that the very core of the fundamental

rights and liberties of this population is under grave threat. The proof of this lies in the established

practice of forced displacement of the Serb and other non-Albanian population. Since international

administration was established in June1999, some 60percent of the Serbs have been banished

from Kosovo, as have some 66percent of the Ro ma and some 70percent of the inhabitants of

Gora (the Goranci). Since 1999 all but one of Ko sovo’s main cities have been completely emptied

of their Serb and other non-Albanian populations. The ethnic cleansing of the city of Priština is

complete, and this was accomplished after international administration was put in place. The

orchestrated waves of ethnically motivated viol ence have targeted the Serb community. Only

military intervention by international forces wa s able to stop the pogrom begun in March2004,

which resulted in the forced displacement of some 40,000 Serbs in just two days. Thirty-five Serb

churches were destroyed in March2004 and approx imately 170churches, in locations throughout

the province, have been destroyed or severely damaged since 1999. The churches and monasteries

in Kosovo, a number of which, it might be added, appear on the world heritage list, are the only

cultural monuments in Europe requiring protecti on by international military forces owing to the

genuine risk of destruction prevailing in this hos tile environment. More than 1,300Serbian and - 9 -

non-Albanian civilians are reported missing and an equal number have been killed in the last ten

years. Ethnically motivated crimes committed by Albanian extremists remain unpunished for the

most part.

35 11. But this case is not about human rights violations, whether committed a decade or two

ago or now. Nor is it about the future status of Kosovo. The General Assembly’s request to the

Court is for an advisory opinion on the accord ance with international law of the Unilateral

Declaration of Independence by the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo.

12. Mr.President, Members of the Court, the Unilateral Declaration of Independence is an

attempt to put an end to administration by the Un ited Nations and to Serbia ’s sovereignty over its

southern province, and to impose independence as a unilateral solution for Kosovo. It is contrary

to international law because it is inconsistent not only with the fundamental principle of the

territorial integrity of States but also with the Security Council’s binding resolution 1244 and with

the international legal régime which that resolution establishes for Kosovo. The Republic of Serbia

is convinced that the United Nations and the international community will develop a suitable

response to this challenge, which is an attack on the very foundations of the international legal

order. We are persuaded that the Court’s adviso ry opinion will provide the basic legal framework

for that response.

13. We are confident that, once the Court has elucidated the matter from the legal

perspective, the conditions will be present to enable an arrangement to be reached on Kosovo’s

future status, an arrangement through which the Government of Serbia and the Albanian authorities

of Kosovo will be able to come to an understanding, thereby helping to shore up peace and stability

in the western Balkans. This opportunity must not be wasted. Our most cherished and heartfelt

wish is for the advisory opinion to be seen by all those activ ely involved as an inducement to

embark in good faith on a process aimed at achieving a settlement in compliance with international

law ⎯ in the interest of Kosovo, the rest of Serbia and the whole region.

Mr.President, Members of the Court, I tha nk you for your kind attention and would be

grateful to you for calling Mr. Djerić to the bar. - 10 -

Le PRESIDENT: Je remercie Son Excellence Monsieur Batakovi ć pour son exposé et je

donne maintenant la parole à Monsieur Djerić.

36 DJME.RI Ć : Je vous remercie, Monsieur le président.

COMPÉTENCE ,RECEVABILITÉ ,PORTÉE DE LA QUESTION ET CARACTÈRE OBLIGATOIRE DES
RÈGLES JURIDIQUES APPLICABLES

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est pour moi un très grand plaisir que

d’avoir l’honneur de me présenter de nouveau devant la Cour. J’examinerai aujourd’hui, au cours

de mon exposé, une série de questions qui peuvent être qualifiées de «préliminaires» :

⎯ premièrement, la compétence et la recevabilité en la présente espèce ;

⎯ deuxièmement, le libellé et la portée de la question posée à la Cour, et notamment le point de

savoir qui sont les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance (ci-après : «DUI») ; et

⎯ enfin, la question de l’applicabilité du ré gime juridique international établi par la

résolution 1244 (1999) à l’ensemble des acteurs au Kosovo.

Compétence et recevabilité

2. Monsieur le président, la grande majorité des Etats qui participent à la présente instance

considèrent que la Cour a compétence pour conn aître de la demande d’avis consultatif de

l’Assemblée générale, et qu’auc une raison ne l’empêche d’exercer sa compétence consultative 4.

Selon nous, cette question a été suffisamment traitée lors de la phase écrite, la compétence de la

Cour et la recevabilité de la demande ayant été ét ablies de manière convaincante. Il est toutefois

intéressant de relever à ce stade que seuls deux Etats ont contesté la compétence de la Cour.

3. Le premier argument qui a été avancé pour contester la compétence de la Cour est que la

question de la licéité de la DUI ne serait pas à proprement parler une question juridique, puisque le

droit international n’interdit pas les sé cessions ou les déclarations d’indépendance 5. La Serbie et

6
d’autres Etats ont d’ores et déjà démontré que cette objection était dépourvue de fondement ,

notamment parce qu’elle confond la nature de la question posée à la Cour et une possible réponse à

4Voir les observations écrites de la Serbie, par. 47, note 43.
5
Observations écrites de la France, par. 9.
6Voir, par exemple, les observations écrites de l’Argentine, par. 12 et suiv. - 11 -

cette question. Pour le dire simplement, affirm er que quelque chose n’est pas interdit ou n’est pas

régi par le droit international revient à le qualif ier juridiquement, ce qui, en soi, constitue une

réponse à une question juridique. Enfin, même à supposer ⎯pour les besoins de

l’argumentation ⎯ que la DUI n’est ni interdite ni régie par le droit international général, elle a été

adoptée dans un cadre juridique qui, lui, est claireme nt régi par le régime de droit international

37 établi par la résolution 1244 (1999) du Conseil de Sécurité. La question de la conformité de la DUI

à cette série de règles internationales est, de toute évidence, une question juridique.

4. Un autre argument qui a été avancé pour contester la compétence de la Cour —et qui

n’est pas sans rapport avec le précédent— est que la question de la licéité de la DUI ne serait

7
qu’une question de droit interne, relevant de la compétence interne de l’Etat concerné . Cependant,

ainsi que l’a démontré l’examen très approfondi des différentes règles internationales applicables

au cours de la phase écrite de la présente instance, il est clair que la DUI n’est pas seulement une

8
question relevant du droit interne de la Serbie , mais constitue également une question de droit

international. En tant que telle , elle relève, «par sa nature même», pour reprendre les termes

employés par la Cour, de la compétence de cette dernière et non essentiellement de la compétence

interne de l’Etat concerné ( Interprétation des traités de paix c onclus avec la Bulgarie, la Hongrie

9
et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 70-71) . Il en résulte donc

clairement que la Cour a compétence pour connaître de la demande de l’Asse mblée générale en la

présente affaire.

5. Monsieur le président, pour en venir à la question de l’opportunité judiciaire de l’exercice

par la Cour de sa compétence consultative, je rappellerai que celle-ci a indiqué très clairement

qu’un avis consultatif «constitue une participation de la Cour … à l’action de l’Organisation et, en

principe, ne devrait pas être refusé» ( Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la

Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J.Recueil1950 , p. 71 ; Différend

relatif à l’immunité de juridiction d’un rappor teur spécial de la Commission des droits de

7 Exposé écrit de l’Albanie, par. 41 et suiv. ; observations écrites de l’Albanie, par. 35-36.

8 Du point de vue du droit interne, le Gouvernement de la Serbie a annulé la DUI; voir l’exposé écrit de la
Serbie, par. 6.
9
Voir également C.Tomuschat, «L’article36», in A.Zimmermann et al. (dir.publ.), The Statute of the
International Court of JusticeA Commentary (2006), p. 637 . - 12 -

l’homme, avis consultatif, C.I.J.Recueil1999(I) , p.78-79, par.29). Ce n’est que lorsque des

«raisons décisives» s’opposent à l’exercice par la Cour de sa fonction judiciaire que celle-ci devrait

refuser de répondre à une demande d’avis consultatif 10. Il s’agit là d’un critère extrêmement strict :

ce ne sont pas n’importe quelles raisons, mais seulement des raisons «décisives», qui peuvent

conduire la Cour à refuser de donner un avis consultatif.

38 6. Les participants qui ont soulevé la question de l’opportunité judiciaire de l’exercice par la

Cour de sa compétence en la présente instance ont contesté les raisons qui ont conduit l’Assemblée

11 12
générale à demander l’avis consultatif , d’une part, et, d’autre pa rt, l’utilité d’un tel avis .

Quoique la Serbie —ainsi que d’autres Et ats— ait déjà répondu à ces deux arguments 13, une

observation supplémentaire s’impose.

7. Il convient en effet de rappeler que la C our a toujours refusé de rechercher quelles étaient

les raisons qui conduisaient un organe des Na tions Unies à demander un avis consultatif 14. Je me

contenterai donc d’observer que ceux qui contestent les raisons de l’Assemblée générale mettent en

réalité en doute la bonne foi de la résolution 63/3, ai nsi que celle de la majorité des Etats qui a voté

en sa faveur.

8. Il n’est pas nécessaire de s’appesantir sur l’intérêt que présente la question posée à la Cour

pour l’Assemblée générale et l’Organisation d es NationsUnies, cet intérêt étant évident 15. Je me

contenterai de relever que, selon le Secrétaire général, la DUI a sérieusement compromis l’autorité

10 Certaines dépenses des Nations Unies (a rticle 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif du
20 juillet 1962, C.I.J.Recueil1962 , p. 155 ; Différend relatif à l’immunité de juri diction d’un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 78-79 ; par. 29 ; Conséquences juridiques
de l’édification d’un mur dans le territo ire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (ci-après : «l’affaire

du Mur»), p. 157, par. 45.
11Contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 1.12 et suiv.; observations écrites des Etats-Unis

d’Amérique, p. 10-12 ; observations écrites de la France, par. 6 ; observations écrites de l’Albanie, par. 39 et suiv.
12Observations écrites de la France, par. 7 et suiv. ; observations écrites de l’Albanie, par. 43.

13Voir les observations écrites de la Serbie, par. 57 et suiv. ; Argentine, par. 12 et suiv. ; exposé écrit de Chypre,
par. 5 et suiv.

14Conditions de l’admission d’un Etat comme Membre des Nations Unies (article4 de la Charte), avis
consultatif, 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p.61. Voir également Compétence de l’Assemblée générale pour
l’admission d’un Etat aux Nations Unies, avis consultatif, C.I.J.Recueil1950 , p. 6-7 ; Certaines dépenses des

NationsUnies (article17, paragraphe2, de la Charte), avis consultatif, C.I.J.Recueil1962, p. 155 ; Interprétation de
l’accord du 25mars1951 entre l’OMS et l’Egyp te, avis consultatif, C.I.J.Recueil1980 , p. 87, par. 33 ; Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) (ci-après : «Licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires»), p. 233-234, par. 13.
15
Exposé écrit de la Serbie, par.45 et suiv., 71 et suiv; observations écrites de la Serbie, par. 57-63 ; exposé
écrit de Chypre, par. 8 et suiv. ; observations écrites de l’Argentine, par. 14 et suiv. - 13 -

16
des NationsUnies et de son administration au Kosovo . Dire que l’Assemblée générale n’a pas

d’intérêt dans une telle situa tion semble pour le moins étrange. Non seulement l’Assemblée

finance la MINUK, mais elle a également d es responsabilités se rapportant aux pouvoirs et

fonctions des organes des NationsUnies ainsi qu’au maintien de la paix et de la sécurité

17
internationales, pour ne mentionner que certaines de ses comp étences pertinentes . L’objet de sa

demande est, pour reprendre les termes que la Cour a employés dans l’affaire du Sahara

occidental, «d’obtenir de la Cour un avis consultatif que l’Assemblée générale estime utile pour

39 pouvoir exercer comme il convient ses fonctions…» ( Sahara occidental, avis consultatif,

C.I.J. Recueil 1975, p. 26-27, par. 39).

9. Autre argument formulé pour contester l’opport unité judiciaire d’un avis consultatif de la

Cour en la présente espèce, un tel avis devrait être refusé parce que les organes compétents des

Nations Unies ont adopté une attitude de neutralité à l’égard du statut du Kosovo 18. Non seulement

cet argument est erroné, mais il ne tient pas compte des fonctions et rôles des différents organes des

Nations Unies.

10. L’Assemblée générale a demandé un avis c onsultatif à la Cour en la présente espèce, ce

qui, de toute évidence, signifie qu’elle n’a pas pris position sur le statut du Kosovo. Le Conseil de

sécurité lui non plus n’a pas pris position et ce, en raison de désaccords politiques bien connus

parmi ses membres. Un avis de la Cour con cernant la licéité de la DUI pourrait donc bien

constituer un élément important pour les délibérations du Conseil.

11. Quant au Secrétaire général, il a adopté une approche de neutralité à l’égard du statut du

Kosovo, dans l’attente de nouvelles directives du Conseil de sécurité 1. Il ne s’agit pas là d’une

position juridique, mais d’une position politique. Cela est totalement différent du rôle de la Cour

qui, en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation, exerce des fonctions et a des

responsabilités tout à fait différentes en vertu de la Charte, et à qui il est demandé par un autre

organe principal de l’Organisation de donner un avis consultatif en la présente affaire. De plus, il

16
Voir, par exemple, le rapport du Secrétaire géné ral sur la mission d’administration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo, Nations Unies, doc S/2008/211 (28 mars 2008), par. 30.
17
Voir les articles 10 et 11 de la Charte des Nations Unies ; voir également ibid., art. 4.
18Observations écrites de la France, par. 7-8.

19Voir, par exemple, le rapport du Secrétaire géné ral sur la mission d’administration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo, Nations Unies, doc S/2008/354 (12 juin 2008), par. 19. - 14 -

ressort clairement du dossier présenté au nom du Secrétaire général que celui-ci n’a bénéficié

d’aucun éclairage juridique sur cette question, ce qui constitue une raison supplémentaire pour que

la Cour donne son avis.

12. Monsieur le président, il a également été affirmé qu’un avis consultatif en la présente

espèce serait dépourvu de tout effet et de toute utilité, puisqu’il ne saurait avoir d’incidence sur

20
l’indépendance du Kosovo . Or, l’avis de la Cour aura bel et bien une utilité, puisqu’il a

essentiellement pour fonction et pour effet de guider l’Assemblée générale et d’autres organes des

Nations Unies dans leur action relative à la situa tion du Kosovo et ce, dans différents domaines qui

relèvent de leur compétence. Tel est l’objet de tout avis consultatif ⎯ fournir aux organes qui les

sollicitent les «éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs

activités» (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
40

avis consultatif , C.I.J. Recueil 2004 (I), p.162-163, par.60). Nous avons démontré que

l’Assemblée générale tirerait pleinement profit de l’avis de la Cour dans un certain nombre de

21
domaines . De même, l’importance de cet avis pour l es délibérations du Conseil de sécurité ne

saurait être sous-estimée.

13. Dire que l’avis de la Cour n’aura aucun effet utile, c’est dire que le droit peut tout

simplement être supplanté par des faits soi-di sant «irréversibles» créés de toutes pièces. Etant

donné que le Kosovo est placé sous administration internationale, laquelle exerce en dernier ressort

les pouvoirs relatifs à l’administration et à la sécur ité dans la province, il apparaît clairement qu’il

existe des instruments suffisants pour qu’un avis consultatif soit mis en Œuvre par l’autorité

internationale compétente. Il semble donc que les Etats qui soutiennent que l’avis de la Cour sera

dépourvu de tout effet ou de toute utilité annoncent en réalité qu’ils ont l’intention de faire fi des

conclusions juridiques auxquelles elle sera parvenue , si celles-ci ne sont pas conformes à leur

position politique actuelle. Monsieur le président, cela n’est pas l’ approche de bonne foi que l’on

est en droit d’attendre et même d’exiger des Etats Membres des Nations Unies.

20
Voir les observations écrites de la France, par. 11 et suiv. ; voir également les observations écrites de l’Albanie,
par. 43.
21Voir ci-dessus, par.8; voir également l’exposé écrila Serbie, par. 84 et suiv.; observations écrites de la
Serbie, par. 61-63. - 15 -

14. Enfin, la Cour a, dans une affaire anté rieure, précisé ce qui suit : «L’Assemblée générale

est habilitée à décider elle-même de l’utilité d’un avis au regard de ses besoins propres.» (Licéité

de la menace ou de l’emploi d’armes nucléai res, avis consultatif, C.I.J.Recueil1996(I) , p.237,

par. 16 ; affaire du Mur, p. 163, par. 61.)

C’est précisément sur ce fondement que la Cour a déclaré qu’elle «ne saurait refuser de répondre à

la question posée au motif que son avis ne serait d’aucune utilité» (affaire du Mur, par. 62).

15. La Cour a donc clairement indiqué qu’il ne lui revenait pas de déterminer si son avis

serait ou non utile à l’organe qui l’a sollicité (ibid.). Il s’agit là d’une approche prudente puisque,

dans le cas contraire, elle devrait substituer son appréciation à celle de l’organe qui l’a sollicitée.

16. Il apparaît donc clairement qu’il n’existe aucune raison, et a fortiori aucune raison

décisive, pour que la Cour refuse de donner un avis consultatif en la présente affaire. Etant donné

que le Kosovo est placé sous administration des NationsUnies, la Cour, outre qu’elle donnera en

41 l’espèce un avis consultatif pertinent, s’acquittera une fois encore scrupuleusement de ses fonctions

22
en tant qu’«organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies» .

Le sens et la portée de la question posée à la Cour

17. Monsieur le président, j’en viens maintena nt au sens et à la portée de la question posée à

la Cour. Permettez-moi de dire d’emblée qu’il s’agit d’une question limitée, dans la mesure où elle

porte sur la DUI et non sur des points connexes, mais clairement distincts, tels que la

reconnaissance. Il n’en demeure pas moins que tout examen de la licéité de la DUI doit comporter

un examen de tous les aspects de cette déclaration, ainsi que de leur licéité en droit international.

La DUI n’est pas simplement un act e verbal, déclaratoire. Elle a en effet constitué —ce qui est

bien plus important— une tentative de créer un Et at indépendant, de violer l’intégrité territoriale

de la Serbie et de mettre fin au régime juridique international d’administration du Kosovo, ou de le

modifier. Tous ces aspects de la DUI doivent être analysés aux fins de déterminer si elle est ou non

conforme au droit international 23. C’est ce que feront mes collègues aujourd’hui.

22
Article 92 de la Charte.
23Voir les observations écrites de la Serbie, par. 43-45. - 16 -

18. J’en viens maintenant au point de savoi r qui a réellement adopté la DUI, ce qui a

également un lien avec le sens de la question posée à la Cour. Selon ses auteurs et certains Etats

qui les soutiennent 24, la DUI ne serait pas un acte de l’Assemblée du Kosovo et des institutions

provisoires d’administration autonome mais «un acte des représentants démocratiquement élus du

peuple du Kosovo, réunis en assemblée constituante pour établir un nouvel Etat» 25. Cette thèse n’a

jamais été formulée avant la présente instance.

19. Monsieur le président, tant l’Assemblée du Kosovo, qui a adopté la DUI, que le président

et le premier ministre, qui l’ont entérinée, ont été installés en tant qu’institutions provisoires

d’administration autonome en vertu du cadre constit utionnel pour le Kosovo. Ils ont acquis leur

statut officiel et leur légitimité sur la b ase des élections organisées en application du cadre

constitutionnel et de la résolution1244(1999). Ils ne sauraient aujourd’hui se soustraire aux

obligations qui leur incombent aux termes de ces instruments.

42 20. Les auteurs de la DUI mentionnent un certa in nombre d’irrégularités procédurales, ainsi

que des différences formelles, qui distinguent l’adoption de ce texte de l’adoption d’actes

26
juridiques par l’Assemblée du Kosovo . Leur argument est cependant entaché d’une erreur initiale

irrémédiable : il ne correspond pas à la réalité. Il est contredit par le compte rendu de la session 27;

il est contredit par les vues exprimées par les autorités du Kosovo elles-mêmes au moment de

l’adoption de la DUI 28, et il est aussi contredit par les vues exprimées à l’époque par les Etats qui

ont reconnu le Kosovo, même si leur position est aujourd’hui différente 29. Enfin, il est contredit

30
par les vues exprimées par des observateurs et organes internationaux impartiaux .

21. Dans le compte rendu de la session de l’ Assemblée du Kosovo au cours de laquelle la

DUI a été adoptée, il est expressément indiqué que l’Assemblée se réunissait conformément au

24
Contribution écrite des auteurs de la DUI, par. 6.01 et suiv. et contribution écrite additionnelle des auteurs de la
DUI, par.1.22 et suiv.; exposés écrits de l’Autriche, par.16, de l’Estonie, par.3, de laFinlande, par.17 et18, de
l’Allemagne, p.25, des Pays-Bas, par. 3.3-3.4, de la Norvège, par.13-17, de la Pologne, par.3.40-3.41, du
Royaume-Uni, par.1.12-1.13, des Etats-Unis d’Amérique, p.32- 33; observations écrites de l’ Albanie, par.79 et 90, de
l’Allemagne, p. 7, de la Norvège, par. 9, de la Suisse, par. 3, du Royaume-Uni, par. 24.

25Contribution écrite des auteurs de la DUI, par. 6.01.
26
Voir la contribution écrite des auteurs de la DUI, par. 6.10 à 6.19.
27
Voir les observations écrites de la Serbie, par. 33-34.
28Ibid., par. 35.

29Ibid., par. 38, notes 26-36.

30Ibid., par. 37. - 17 -

31
cadre constitutionnel , c’est-à-dire en tant qu’institution provisoire d’administration autonome.

Rien dans ce document n’indique qu’il s’agi ssait d’une session de quelque organe constituant

ad hoc. Bien au contraire, il ressort dudit compte rendu qu’il s’agissait d’une session de

l’Assemblée du Kosovo , au cours de laquelle celle-ci a comme ncé par adopter son ordre du jour

avant d’adopter la DUI. Après l’adoption de la DUI, le texte a été signé par les membres de

l’Assemblée, ainsi que par le président et le premier ministre du Kosovo, qui l’ont, ce faisant,

entériné.

22. Dans ce contexte, il est important de releve r que le terme albanais employé dans la DUI

pour désigner le président du Kosovo, et en-dess ous duquel celui-ci a apposé sa signature, est le

même que celui utilisé dans le cadre constitutionnel pour le Kosovo («Kryetari i Kosovës») 32. En

revanche, la «constitution» de la prétendue «République du Kosovo» utilise un terme différent pour

désigner le «président» («Presidenti i Republikës së Kosovës») 33. Cela indique également que la

DUI a été signée par le président du Kosovo en sa qualité d’institution provisoire d’administration

autonome, en application du cadre constitutionnel pour le Kosovo.

43 23. De surcroît, à l’époque où la DUI a été adoptée, le président du Kosovo a écrit au

président de l’Allemagne, que « l’Assemblée du Kosovo a[vait] déclaré l’indépendance du

Kosovo» 34. Par conséquent, selon le président du Kosovo lui-même, c’est «l’Assemblée du

Kosovo» qui a adopté la DUI, et non les «représentants du peuple démocratiquement élus» ou «un

organe constituant».

24. Ce point est également confirmé par des déclarations du Secrétaire général de

35
l’Organisation des Nations Unies et de l’Union européenne . Tel était par ailleurs l’avis des Etats

qui ont reconnu la prétendue «République du Kosovo» 36.

31
Contribution écrite des auteurs de la DUI, annexe 2, p. 4.
32
Voir, par exemple, les articles1.5. b) et 9.2.1 du cadre constitutionnel pour le Kosovo. La version albanaise
peut être consultée sur le site Internet http://www.unmikonline.org/regulatio ns/unmikgazette/03albanian/A2001regs/
RA2001_09.pdf.
33
Voir, par exemple, l’article84 de la constitutionla prétendue «République du Kosovo»; le texte albanais
peut être consulté sur le site Internet http://www.assembly-kosova.org/common/docs/Kushtetuta_sh.pdf.
34
Voir l’exposé écrit de l’Allemagne, annexe 2 (pas d’italique dans l’original).
35Voir les observations écrites de la Serbie, par. 37.

36Voir ibid., par. 38. - 18 -

25. Pourtant, au mépris de tous les éléments de preuve et aux fins de la présente instance, les

auteurs de la DUI soutiennent que celle-ci n’a pas été adoptée par les institutions provisoires

d’administration autonome mais par un «organe constituant». Monsieur le président, il s’agit là

d’une interprétation complaisante dont le but est de soustraire la DUI au régime juridique

international pour le Kosovo, qui ne s’appliquerait pas en principe à un tel «organe constituant».

Tous les éléments de preuve conduisent toutefois à la même conclusion, à savoir que la DUI a été

adoptée par l’Assemblée du Kosovo et entérinée par le président et le premier ministre du Kosovo.

Mais quand bien même la DUI serait le fait d’un «organe constituant», elle n’en resterait pas moins

contraire au droit international.

La force obligatoire du régime juridique international établi par la résolution1244 du
Conseil de sécurité

26. Monsieur le président, la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité a instauré un

régime juridique international pour le Kosovo qui impose des obligati ons internationales à tous les

acteurs concernés au Kosovo ⎯obligations internationales qui ont été violées par la DUI.

Toutefois, dans une ultime tentative pour la dé fendre, les auteurs ainsi que certains Etats qui les

appuient essaient de nier cette évidence en avançant deux arguments: premièrement, la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité impos e des obligations aux Etats et non aux auteurs

de la DUI ; et, deuxièmement, les règlements de la MINUK relèvent du droit interne et non du droit

international.

27. Je démontrerai que ces deux arguments ne pe uvent être retenus. J’examinerai d’abord la

37
thèse selon laquelle la résolution1244 (1999) ne lie pas les auteurs de la DUI . De l’avis de la

44 Serbie, les décisions du Conseil de sécurité peuve nt lier des acteurs non étatiques, ainsi que la

38
pratique du Conseil l’a montré à diverses reprises , y compris, j’y reviendrai dans un instant, dans

37 Les tenants de cette thèse ne sopas d’accord sur le point de savoir si les décisions du Conseil de sécurité
peuvent par principe lier des ac teurs autres que des Etats. Comparer contribution écrite additio nnelle des auteurs de la
DUI, par.5.70-5.71 (les décisions du Conse il de sécurité ne peuvent pas lier des entités autres que des Etats) avec les
observations écrites des Etats-Unis, p. 35 (réservant leur pos ition mais doutant que des entités non étatiques puissent être
liées), et les observations écrites du Royaume-Uni, par.22 (les décisions du Conse il de sécurité peuvent lier des entités
autres que les Etats, mais seulement si les acteurs concernés et la teneur de leurs obligations sont expressément précisés).

38 Voir, par exemple, les résolutions du Conseil de sécuri té sur l’Angola: résolution785 (1992), par.6, 8 et9,
résolution793 (1992), par.4, résolution811 (1993), par.2-4résolution864 (1993), par.6-9, 11, 14, 16 ainsi que le
premier alinéa du préambule de la sect ionB; et sur l’Afghanistan: résolution1193 (1998), par.2, 6-9, 14-16;
résolution 1265 (1999), par. 1-3, 5, 9, 10 ; résolution 1333 (2001), par. 1-3. - 19 -

le cas du Kosovo. Même si la Charte traite bien entendu essentiellement de l’obligation des Etats

39
Membres d’appliquer les décisions du Conseil , aucune de ses dispositions n’en limite l’action

s’agissant d’entités non étatiques et de particuliers , si cette action est nécessaire au maintien ou au

rétablissement de la paix et de la sécurité internati onales. En témoigne le libellé de l’article 41 de

la Charte, aux termes duquel le Conseil « peut inviter les Membres» à appliquer les mesures qui

n’impliquent pas l’emploi de la force armée, d’où la possibilité qu’il existe des mesures ne

nécessitant pas d’être appliquées par les Etats Membres. Normalement, les mesures du Conseil de

sécurité sont appliquées par les Etats et, par le biai s de leur droit interne, visant les particuliers

résidant sur leur territoire. Mais rien dans la Ch arte n’interdit au Conseil de sécurité d’en décider

autrement. En particulier, dans le cas où un territoire est administré par les Nations Unies, comme

le Kosovo, et où aucun Etat Membre ne peut exer cer de compétence territoriale et mettre en Œuvre

les mesures du Conseil, celui-ci n’a tout simpleme nt pas d’autre moyen de parvenir à ses fins que

de s’adresser directement aux entités non étatiques dans le territoire en question.

28. Monsieur le président, cela est confirmé par la pratique. Sur la question de savoir si des

particuliers relevant d’administrations internationales peuvent être visés par les mesures du Conseil

de sécurité ayant des effets directs sur eux, il est écrit, dans un commentaire important de la charte

des NationsUnies: «[l]e fait que les NationsUnies s’acquittent de cette…tâche a été bien

accueilli par la plupart des Etats, et c’est sur l’ar ticle 41 que se fonde désormais la création d’effets

juridiques directs dans la sphère interne, conférant aux NationsUnies certaines caractéristiques

d’une organisation supranationale. 40» [Traduction du Greffe.]

45 29. Tout cela montre que les décisions du Con seil de sécurité peuvent créer des obligations

pour les acteurs non étatiques. Une question connexe mais distincte porte sur les moyens à utiliser

pour y parvenir. Rien ne donne à penser, contrairement à ce qu’affirme le Royaume-Uni, que la

seule solution possible est d’indiquer expressément, et les acteurs liés par ces mesures, et la teneur

41
de leurs obligations . Il est préférable, par prudence et conformément à la Charte, de laisser ce

choix au Conseil de sécurité.

39
Voir, en particulier, l’article 25 de la Charte.
40
J.Frowein & N.Krisch, «Introduction to Chapter VII», dans B Simma et al. (dir.publ.), The Charter of the
United Nations: A Commentary, vol. I, p. 716, MN 45.
41Voir observations écrites du Royaume-Uni, par. 22. - 20 -

30. Monsieur le président, le Conseil de sé curité a créé des obligations contraignantes pour

tous les acteurs au Kosovo 42. Il y a lieu de rappeler que ses résolutions antérieures à la

résolution1244 (1999) contenaient déjà des ob ligations visant expressément les dirigeants du

Kosovo et la communauté de souche albanaise du Kosovo. Les auteurs de la DUI soutiennent qu’il

ne s’agit là que de «demandes de caractère politique» 43. Mais cet argument est réfuté par la

résolution 1203 (1998), dans laquelle le Conseil de sécurité déclare fe rmement et sans équivoque,

qu’il «[e]xige également que les dirigeants albana is du Kosovo et tous les autres éléments de la

communauté albanaise du Kosovo respectent strictement et rapidement les résolutions 1160 (1998)

et 1199 (1998), et coopèrent pleinement avec la Mission de vérification de l’OSCE au Kosovo» 4.

Fait important, le Conseil de sécurité a rappelé ses résolutions antérieures sur le Kosovo lorsqu’il a

45
adopté la résolution 1244 (1999) .

31. En ce qui concerne cette résolution, elle énonce certains principes de base d’une solution

politique à la crise du Kosovo, ainsi que les mesures à prendre pour y parvenir. Il est tout

simplement impossible d’atteindre cet objectif sans la participation de la communauté albanaise du

Kosovo si celle-ci ne respecte pa s les obligations imposées par le Conseil de sécurité. C’est pour

cette raison que la résolution1244(1999) contie nt des obligations aussi bien spécifiques que

générales visant les Albanais du Kosovo ou certaines de leurs organisations. Aux termes de l’une

de ces obligations spécifiques «l’ALK et les autres groupes armés d’Albanais du Kosovo mettent

immédiatement fin à toutes opérations offensives… 46».

46 32. Les obligations générales peuvent être déduites de décisions du Conseil de sécurité, qui

concernent, entre autres, les principes d’une soluti on politique pour le Kosovo et d’un processus

politique devant y mener, ainsi que la création de présences internationales civiles et de sécurité et

leurs responsabilités. Par exemple, les principes et obligations devant fonder une solution politique

de la crise au Kosovo, énoncés au paragraphe 1 de la résolution, doivent avoir force contraignante

42
Voir exposés écrits de la Serbie, par. 505 et suiv. ; de l’Argentine, par. 116 et suiv. ; de la Roumanie, par. 14 ;
de la Russie, par.24, 26, 72; de l’Espagne, par.66 et su.; et observations écrites de la Serbie, par.375 et suiv.; de
Chypre, par. 18.
43
Contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 5.72.
44
Résolution 1203 (1998) du Conseil de sécurité, par. 4.
45Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, deuxième alinéa du préambule.

46Ibid., par. 15. - 21 -

pour toutes les parties, y compris les Albanais du Kosovo. Cela n’aurait tout simplement aucun

sens de les rendre obligatoires pour les Etats concernés, y compris la RFY, mais non pour l’une des

deux principales parties au conflit, qui est elle aussi partie prenante au processus de recherche

d’une solution politique à la crise.

33. De même, lorsque le Conseil de sécu rité a décidé d’établir une administration

internationale au Kosovo 47, cela signifiait a fortiori que tous les particuliers au Kosovo devaient

respecter cette décision et, partant, coopérer avec l’administration des NationsUnies et se

conformer à ses décisions.

34. Monsieur le président, prétendre que ces décisions ne lient pas tous les acteurs concernés,

y compris la communauté albanaise du Kosovo, serait compromettre la mise en Œuvre de la

résolution1244(1999) et irait manifestement à l’encontre de l’objectif visé. Ce serait aussi

restreindre abusivement les pouvoirs que la Charte confère au Conseil de sécurité.

35. Tant le Conseil de sécurité que les Etats qui en sont membres ont d’ailleurs confirmé que

la résolution1244(1999) créait des obligations po ur tous les acteurs concernés, y compris les

Albanais du Kosovo. Ainsi que l’a souligné le représentant du Royaume-Uni au moment de son

adoption, «[c]ette résolution s’applique également et intégralement aux Albanais du Kosovo» 4. La

49
pratique ultérieure du Conseil de sécurité le confirme elle aussi . Par exemple, dans la déclaration

de son président en date du 24 mai 2002, le Conse il a engagé les dirigeants élus du Kosovo «à se

concentrer sur les questions urgentes dont ils sont chargés, conformément à la résolution1244

(1999) du 10juin1999 et au cadre constitutionnel» 50. Il ne fait donc aucun doute que, pour le

47 Conseil de sécurité, les dirigeants du Kosovo ont des obligations au titre de ces deux documents.

Fait particulièrement important dans le cadre de la présente instance, le Conseil de sécurité a

expressément et fréquemment souligné que les di rigeants albanais du Kosovo étaient tenus de

51
respecter les dispositions de la résolution1244 (1999) concernant le statut final . Il est donc

47Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 10.

48Nations Unies, doc. S/PV.4011 (10 juin 1999), p. 19 (M. Greenstock).
49
Pour plus de précisions, voir les observations écrites de la Serbie, par. 381-386.
50Nations Unies, doc. S/PRST/2002/16, 24 mai 2002.

51Voir Nations Unies, doc. S/PRST/2001/27, 5 octobre 2001, et S/PRST/2001/34, 9 novembre 2001. - 22 -

incontestable que, pour le Conseil, cette résoluti on imposait des obligations à tous les acteurs, y

compris aux Albanais du Kosovo et à leurs dirigeants.

36. Cette interprétation est partagée par le S ecrétaire général qui, dans un rapport de 2003, a

indiqué que «[t]ous les dirigeants locaux devraien t respecter strictement les dispositions de la

résolution 1244 (1999) du Conseil et le cadre constitutionnel 52. Cette approche est également celle

du représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo, ainsi qu’il ressort, par exemple, du

cadre constitutionnel pour le Kosovo 53.

37. Il est donc clair que la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité impose des

obligations aux acteurs non étatiques, y compris les auteurs de la DUI, qu’on entende par là les

institutions provisoires d’administration autonome, les dirigeants élus du Kosovo ou tout autre

groupe de personnes au Kosovo.

38. En outre, tous les acteurs au Kosovo sont liés par les règlements de la MINUK. Comme

la Serbie la déjà dit dans son exposé écrit, la DUI viole de diverses manières le cadre

constitutionnel pour le Kosovo et d’autres règlements de la MINUK 54. Pour parer cette conclusion

inévitable, les auteurs et les Et ats qui les appuient avancent deux arguments. Premièrement, ils

affirment que la DUI n’est pas illégale parce que les organes des NationsUnies concernés y

auraient acquiescé, point qui sera abordé par mon ami et collègue M. Zimmermann. Le deuxième

argument est que le cadre constitutionnel et d’autr es règlements de la MINUK relèvent du droit

48 interne et non du droit international et, partant, que la DUI n’a pas violé le droit international 55.

C’est sur ce point que je vais me pencher.

39. Monsieur le président, il est, je l’espère, indiscutable que la MINUK est un organe

subsidiaire des Nations Unies 56et que les règlements qu’elle a adoptés sont des actes émanant d’un

organe subsidiaire des NationsUn ies. Cela signifie que ces règlements ont, de par leur origine

52Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,

Nations Unies, doc. S/2003/421 (14 avril 2003), par.55. Pour plus de précisions, voir les observations écrites de la
Serbie, par. 387-388.
53Cadre constitutionnel pour le Kosovo, art.1.4. (leKosovo est gouverné conformément à la résolution1244

(1999) et au cadre constitutionnel) et 2 a) (les institutions provisoires d’administration autonome doivent exercer leurs
attributions conformément à ces deux documents).
54Voir exposé écrit de la Serbie, par. 866 et suiv.

55Contribution écrite additi onnelle des auteurs de la DUI, par.5.66, 5.73 et6.34; observations écrites des
Etats-Unis, p. 39-42 ; observations écrites du Royaume-Uni, par. 32 ; observations écrites des Pays-Bas, par. 2.3.

56Voir articles 7 et 29 de la Charte des Nations Unies. - 23 -

même, un caractère international. En outre, le représentant spécial du Secrétaire général était

habilité à établir ces règlements non par une quelc onque autorité locale mais par le Conseil de

sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte. Ils tirent donc aussi leur force obligatoire

du Conseil de sécurité. Il s’ensuit qu’en ce qui concerne tant leur origine que leur force obligatoire,

les règlements de la MINUK revêtent un caractère international.

40. Nul ne conteste que les règlements de la MINUK s’appliquent essentiellement à

l’échelon local au Kosovo. En cela, ils ne se distinguent pas d’autres instruments juridiques

internationaux, qui, indéniablement, peuvent créer directement des droits et des obligations pour

des acteurs non étatiques 57.

41. Les spécialistes conviennent également que les règlements de la MINUK et les actes

d’autres administrations internationales constituent des actes internationaux et, en tant que tels, font

partie du droit international et, spécifiquement, du dr oit des Nations Unies. Dans le même temps,

58
ils font observer que ces actes font aussi partie de l’ordre juridique interne du territoire concerné .

Mais le double caractère des actes des administrations internationales ne signifie évidemment pas

qu’ils ne font pas partie du droit international. Personne ne l’a d’aille urs suggéré, excepté les

59
49 auteurs de la DUI et trois Etats qui les soutiennent . Seuls les Etats-Unis présentent une

argumentation plus développée à cet égard, mais ils partent du principe que les règlements de la

MINUK relèvent nécessairement du droit interne puisqu’ils s’appliquent à l’échelon national,

remplacent les lois existantes et régissent les questions locales 60. Cette description, qui est moins

inexacte qu’incomplète, passe cependant à côté de l’essentiel: les règlements de la MINUK sont

établis par une autorité internationale ⎯un organe subsidiaire des NationsUnies ⎯ et tirent leur

57Voir, par exemple, l’article III commun des conventions de Genève de 1949.

58Voir M.Ruffert, «The administration of Kosovo and East-Timor by the International Community»,
50 ICLQ (2001) 613, p.623; M.Bothe et T.Marauhn: «The UN Ad ministration in Kosovo and East Timor: Concept,
Legality and Limitations of Security Counc il-Mandated Trusteeship Administration», dans C.Tomuschat (dir.publ.),

Kosovo and the International Community: A Legal Assessment 217, p. 228-229 ; L. von Carlowitz : «UNMIK
Lawmaking between Effective Peace Support and Internal Self-Determination», 41 Archiv des Völkerrechts (2003),
p. 336, p. 341; E. de Wet, «The Direct Administration of Territories by the United Nations and its Member States in the
Post Cold War Era: Legal Bases a nd Implications for National Law», 8 Max Planck UNYB (2004), p. 331 ; R. Wilde:
«International Territorial Administration and Human Rights» dans N. White et D.Klaasen (dir.publ.), The UN, Human
Rights and Post-Conflict Situations (2005), p. 167 et suiv.; C. Stahn: «The law and Practice of International Territorial
Administration» (2008), p.650-651; B.Knoll: «The Lega l Status of Territories Subject to Administration by
International Organizations» (2008), p. 335.

59Contribution écrite additi onnelle des auteurs de la DUI, par.5.66, 5.73 et6.34; observations écrites des
Etats-Unis, p. 39-42 ; observations écrites du Royaume-Uni, par. 32 ; observations écrites des Pays-Bas, par. 2.3.

60Observations écrites des Etats-Unis, p. 39-42. - 24 -

force obligatoire d’un acte international ⎯ une résolution contraignante du Conseil de sécurité et,

en dernière analyse, de la charte des Nations Unies. Ils font donc partie du droit international, tout

en faisant office de législation locale applicable au Kosovo.

42. Monsieur le président, en conclusion, permettez-moi de résumer mon argumentation :

⎯ premièrement, la Cour est compétente pour ex aminer la requête pour avis consultatif de

l’Assemblée générale dans la présente instance, et aucune raison ne jus tifie qu’elle refuse de

rendre cet avis ;

⎯ deuxièmement, les auteurs de la DUI sont les institutions provisoires d’administration

autonome du Kosovo ;

⎯ troisièmement, quelle que soit la manière dont on désigne les auteurs de la DUI, ils sont liés par

la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité et par les règlements de la MINUK, que la

DUI a violés ;

⎯ enfin, les règlements de la MINUK font partie du droit international, et la DUI doit également

être appréciée à la lumière de leurs dispositions.

43. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je tiens à vous

remercier pour l’attention que vous avez bien voul u m’accorder. Monsieur le président, je vous

serais reconnaissant d’appeler M. Zimmermann à la barre.

M. ZIMMERMANN :

L A DÉCLARATION UNILATÉRALE D ’INDÉPENDANCE CONSTITUE UNE VIOLATION DE LA
RÉSOLUTION 1244 (1999) DU C ONSEIL DE SÉCURITÉ

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je commencerai une fois encore par vous

dire à quel point je suis honoré de plaider devant la Cour. C’est d’autant plus vrai que la présente

50 instance revêt la plus haute impor tance pour le fonctionnement du système des Nations Unies dans

son ensemble pour sa capacité de maintenir et de rétablir la paix et la sécurité internationales.

I. Introduction

2. Monsieur le président, la présente a ffaire concerne principalement, mais pas

exclusivement, le Kosovo. La Cour est égalemen t confrontée à la question de savoir si le statut - 25 -

international d’un territoire faisant l’objet d’une administration de l’ONU, établie par le Conseil de

sécurité de l’ONU agissant en vertu du chapitre VII, peut être modifié unilatéralement.

3. Ce n’est pas la première fois que l’autorité du Conseil de sécurité est défiée par une action

unilatérale liée au Kosovo.

4. Déjà en 1999, une action militaire unilatéra le avait été entreprise sans l’approbation du

Conseil de sécurité. C’est la résolution 1244 qui, après une action militaire unilatérale de plus de

soixante-dix jours, a finalement rétabli l’autorité du Conseil de sécurité.

5. Pourtant, d’autres participants vous dir ont que la résolution 1244 doit être interprétée

comme ayant ouvert la voie à une nouvelle action unilatérale menée sans l’approbation ou l’aval du

Conseil de sécurité — action unilatérale entrepri se par l’une des parties au conflit et appuyée par

ces mêmes Etats qui avaient pris l’initiative d’agir unilatéralement en 1999.

6. C’est à la Cour qu’il appartient, en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies,

de trancher la question de savoir si cette interp rétation de la résolution 1244 est défendable. La

Serbie affirme, avec tout le respect dû à la Cour, qu’elle ne l’est pas.

7. Plus précisément, je vais à présent démontrer que la déclaration unilatérale

d’indépendance non seulement va à l’encontre du dro it international général, mais aussi enfreint la

résolution 1244 et ce, pour les raisons suivantes :

⎯ premièrement, la résolution 1244 affirme l’intégrité territoriale de la RFY et exclut sans

ambiguïté la possibilité d’une sécession unilatérale du Kosovo ;

⎯ deuxièmement, un régime juridique international a ét é établi par la résolution 1244 et pareil

régime ne saurait être unilatéralement aboli ;

⎯ troisièmement, la déclaration unilatérale d’indépend ance ne saurait équivaloir au règlement

définitif envisagé par la résolution 1244 ;

⎯ quatrièmement, la déclaration unilatérale d’indé pendance empiète sur les prérogatives

conférées au Conseil de sécurité par la Charte ;

51 et enfin

⎯ la neutralité dont fait preuve le Secrétaire gé néral de l’ONU au suje t de la déclaration

unilatérale d’indépendance n’é quivaut pas et ne saurait é quivaloir à une forme quelconque

d’acquiescement. - 26 -

II. La résolution 1244 exclut la sécession unilatérale du Kosovo

8. Monsieur le président, je commencerai pa r démontrer que la résolution 1244 exclut toute

sécession unilatérale du Kosovo.

9. Messieurs de la Cour, le 11 juin 1999, un jour seulement après l’adoption de la

résolution 1244, un jour seulement, le Conseil de sécur ité a adopté la résolution1246 relative au

statut juridique international du Timor oriental. Le premier paragraphe du dispositif de cette

résolution prévoyait :

«une consultation populaire … visant à déte rminer si la population du Timor oriental

accepte… une autonomie spéciale pour le Timor oriental au sein de la
République…d’Indonésie, ou rejette l’autonomie spéciale proposée pour le Timor
oriental, ce qui entraînerait la sécession du Timor oriental de l’Indoné
sie» 61.

10. A l’inverse, aucune disposition de ce type n’a été insérée dans la résolution1244. Cet

élément, à lui seul, en dit long. Et ce choix a été délibéré — délibéré parce que l’inclus
ion de la

moindre clause prévoyant, expressément ou non, la possibilité que le Kosovo fasse sécession

unilatéralement de la RFY, devenue à présent la Serbie, n’aurait pas eu suffisamment d’appuis au

sein du Conseil de sécurité.

11. Ce qui est encore plus frappant, c’est qu’au lieu d’établir un droit du Kosovo à se séparer

de la Serbie, la résolution 1244 a officiellement réaf firmé l’intégrité territori ale de cette dernière.

Elle excluait donc la possibilité d’une sécession unilatérale du Kosovo. La résolution1244

prévoyait un processus politique destiné à détermin er le statut futur du Kosovo au moyen d’un

règlement concerté soumis à l’aval du Conseil de sécurité. La résolution 1244 ne contient aucune

référence, pas même indirecte, à un référe ndum et ne fait aucune mention du droit à

l’autodétermination.

12. Cela dit, les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance, ainsi que la minorité

d’Etats favorables à leur revendication, veulent faire croire à la Cour que le Conseil de sécurité,
en

adoptant la résolution1244, voulait s’écarter d es règles fondamentales du droit international sur

52 lesquelles repose l’ensemble du système du droit international 62, à savoir celles qui garantissent

l’intégrité territoriale et la souveraineté des Etats. Et ils veulent vous faire croire que le Conseil

l’aurait fait sans même le dire expressément.

61
Les italiques sont de nous.
62
Voir observations écrites de la Serbie, par. 412, 228 et suiv. ; exposé écrit de la Serbie, chap. 6 et 8. - 27 -

13. Compte tenu du caractère fondamental du principe de l’intégrité territoriale en droit

international, qui sera ensuite examiné par mon cher ami et collègue, M. Shaw, le Conseil de

sécurité n’avait pas besoin de déclarer, en adoptant la résolution1244, qu’il fallait préserver

l’intégrité territoriale de la Serbie. En revanche , le Conseil — s’appuyant fermement sur le droit

international général — a simplement réaffirmé la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY,

c’est-à-dire de l’actuelle Serbie.

14. Il n’est donc pas surprenant que l’attachem ent à l’intégrité territoriale de la Serbie soit

réaffirmé dans le préambule de la résolution 1244, tout comme des garanties relatives à l’intégrité

territoriale de l’Iraq — pour ne donner qu’un exemple — sont souvent énoncées dans les alinéas du

63
préambule de différentes résolutions du Conseil de sécurité.

15. C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner la préte ndue neutralité de la
64
résolution1244 en ce qui concerne le statut définitif du Kosovo . Il faut partir du principe qu’il

n’existe aucun droit de faire unilatéralement séce ssion en vertu du droit inte rnational général. Le

Conseil de sécurité a pris acte de cette interdiction en réaffirmant l’intégrité territoriale de la Serbie

et, par conséquent, son titre sur le territoire en question. Si le Conseil de sécurité avait réellement

eu d’autres intentions, il aurait été tenu de les faire connaître expressément. Ce qu’il n’a pas fait.

16. Je vais à présent démontrer en outre que l’adoption de la déclaration unilatérale

d’indépendance constitue aussi une violation du régime juridique mis en place par la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

III. La déclaration unilatérale d’indépendance constitue une violation du régime juridique
mis en place par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité

17. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, conformément à la résolution1244, et

comme l’ont expressément confirmé les règlemen ts de la MINUK adoptés par le représentant

spécial du Secrétaire général, les pouvoirs législatifs et exécutifs suprêmes au Kosovo sont conférés

à la MINUK. Ils sont exercés par le représentant spécial du Secrétaire général.

63Voir résolutions du Conseil de sécurité 1500 (2003), 1546 (2004), 1557 (2004)
, 1619 (2005), 1700 (2006),
1770 (2007), 1790 (2007) et 1830 (2008). Voir aussi l’exposé
écrde la Serbie, par. 473; observations écrites de la

Serbie, par. 413.
64Voir aussi contribution écrite additi onnelle des auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance, par.5.37
et suiv. ; ibid., par. 9.10 ; observations écrites du Royaume-Uni, par. 18 et suiv. - 28 -

53 18. Dans le cadre constitutionnel porta nt création des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo, les pouvoirs législatifs et administratifs suprêmes du

représentant spécial sur l’ensemble du territoire du Kosovo ont été réaffirmés. Ce document a par

ailleurs confirmé que les institutions dites «pr ovisoires d’administration autonome» ne pouvaient

prendre des mesures non conformes à la résolution 1244 ou au cadre constitutionnel, ce qui signifie

que la déclaration unilatérale d’ indépendance est aussi illicite au re gard du régime juridique prévu

par la résolution1244. Par conséquent, rien que pour cette raison, la déclaration unilatérale

d’indépendance devrait être considérée comme non conforme au droit international.

19. Il a été tenté, dans plusieurs contri butions, d’éluder cet obstacle manifeste. Ces

raisonnements qui y sont tenus peuvent cependant tous être aisément réfutés. D’une part, mon ami

et collègue, Vladimir Djeri ć, a déjà démontré que la déclara tion unilatérale d’indépendance avait

effectivement été adoptée par les institutions pr ovisoires d’administration autonome, et non par

quelque mystérieux «organe constituant».

20. Je montrerai d’autre part que la déclaration unilatérale d’indépendance ne saurait

équivaloir au règlement définitif requis pour mettre un terme à la période transitoire prévue dans la

résolution 1244.

21. Par conséquent, non seulement la déclaration unilatérale d’i ndépendance constitue une

violation du droit international général et de la résolution 1244, mais va aussi à l’encontre du cadre

juridique conçu pour mettre en Œuvre cette résolution et en particulier le cadre constitutionnel

portant création des institutions provisoires d’administration autonome.

22. Voilà qui m’amène au point suivant, à savoir la notion de «règlement politique» telle que

prévue dans la résolution 1244.

IV. La notion de «règlement politique» telle qu’envisagée
dans la résolution 1244

23. Monsieur le président, la résolution 1244 comprend une condition selon laquelle toute

modification du statut international du Kosovo en ta nt que partie intégrante de la République de
65
Serbie doit s’inscrire dans le cadre d’un «règlement politique» . Pourtant, «les clauses de tout

règlement final devront être acceptables par les deux parties…».

65
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 11 c) et f) du dispositif. - 29 -

24. C’est en ces termes que s’est exprimé M. Holbrooke , alors ambassadeur des Etats-Unis.

C’est exactement ce que pense la Serbie. Aussi est-il évident que, dans l’attente de ce règlement

54 mutuellement acceptable, à approuver par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII,

le statu quo ante et le titre territorial de la Serbie demeurent inchangés.

25. Il est tout à fait révélateur que certains Etats ont radicalement
modifié leur position,

même si les objectifs des représentants des Albanais du Kosovo étaient bien connus depuis le début

des années 90 et même s’il était manifeste qu’il ne serait pas facile de parvenir à un règlement, ni

d’ailleurs à un consensus au sein du Conseil de sécurité. C
elui-ci en était bien conscient lorsqu’il a

adopté la résolution 1244 et c’est précisément pour cette raison que la validité de la résolution 1244

67
n’est pas limitée dans le temps .

26. Les Etats favorables à la déclaration unilatérale d’indépendance affirment à présent que

celle-ci, même non approuvée par le Conseil de sécurité, était un e éventualité envisagée dans la

résolution 1244. Si c’était vrai, on pourrait alors se demander pourquoi le Conseil de sécurité avait

prévu d’organiser des négociations entre les Parties ⎯l’une d’elles pouvant y mettre fin à son

gré ⎯ et pourquoi il avait indiqué que le régime juridique établi par la résolution 1244 devait rester

en place jusqu’au moment où il y mettrait fin ?

27. On pourrait aussi se demander pourquoi le Conseil de sécurité n’avait pas expressément

prévu l’option d’une déclaration unilatérale d’indépendance comme il l’avait fait dans la résolution

à laquelle j’ai fait référence au début de mon e xposé, si tant est que, comme on l’a affirmé, le

Conseil de sécurité avait voulu prévoir cette possibilité ?

28. Il faudrait aussi rappeler que le Conseil de sécurité avait délibérément employé le terme

«règlement» pour définir l’issue du processus politique envisagé, terme qui a été emprunté au

paragraphe 3 de l’article 2 et à l’article 33 de la Charte dont les dispositions mêmes excluent toute

action unilatérale.

66M. Holbrooke (Etats-Unis), Nations Unies, doc.S/PV.4258 (18 janvier 2001), p. 9, dossier 96 ; voir aussi

observations écrites de la Serbie, par. 449.
67Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 19du dispositif; voir aussi observations écrites de la
Serbie, par. 414 et suiv. ; exposé écrit de la Serbie, par. 799 et suiv. - 30 -

29. Au demeurant, le terme «règlement» est couramment utilisé pour désigner les solutions

68
retenues d’un commun accord . Rien ne permet de dire que ce terme revêtait une signification

différente pour le Conseil de sécurité lorsque celui-ci l’a utilisé dans la résolution 1244.

55 30. Compte tenu de ce sens usuel du terme «règ lement», le Conseil de sécurité n’avait pas

besoin d’insister davantage, en ajoutant d’autr es termes comme celui d’«accord», sur la nécessité

de parvenir à une solution mutuellement acceptable.

31. Si, dans d’autres parties de la résolution 1244, le Conseil de sécurité a employé cet autre

69
terme , c’est simplement parce qu’en utilisant celui de «règlement», il avait voulu souligner la

nécessité de parvenir à une acceptation mutuelle par les deux Parties intéressées — la Serbie et les

représentants de la population albanaise du Kosovo — alors que l’expression «accord de la RFY»,

telle qu’elle figure ailleurs dans la résolutio n 1244, ne renvoie qu’à l’acceptation par l’une des

Parties.

32. De surcroît, seule une interprétation de ce type est conforme à l’objet général et au but de

la résolution1244: elle correspond à une solution qu i repose sur le respect du droit international,

en particulier le respect de l’intégrité territori ale des Etats, et qui soit acceptable pour les deux

parties. Il se trouve en effet que seule une so lution mutuellement acceptable, approuvée par le

Conseil de sécurité, garantira durablement la paix et la stabilité dans la région. Seule une solution

concertée de ce type pourra préserver les droits fondamentaux de l’homme pour tous les membres

de la population du Kosovo, y compris ceux des minorités.

33. Enfin, le terme «règlement», contrairement à celui d’«accord», indique aussi le caractère

exhaustif et durable de la solution à trouver.

34. Par conséquent, étant donné que l’on n’ est parvenu à aucun règlement politique, il

n’existe pas non plus d’institution établie sur la b ase d’un règlement définitif. De plus, aux termes

du littera f) du paragraphe11 de la résolution1244, t out transfert des pouvoirs des institutions

provisoires d’administration autonome établies dans le cadre d’un règlement politique devrait avoir

lieu sous les auspices de la MINUK. Or, la MINUK n’a pas pris la moindre mesure en vue d’un tel

68
Voir observations écrites de la Serbie, par. 436 et suiv. ; exposé écrit de la Serbie, par. 750 et suiv., par. 913 et
suiv.
69Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 9 du préambule et par. 5 du dispositif. - 31 -

transfert après qu’il était devenu manifeste que le plan proposé par le représentant spécial,

M. Ahtisaari, ne serait pas approuvé par le Conseil de sécurité.

35. Il a été soutenu que toute interprétation de ce type conduirait à un veto de facto de la

Serbie en ce qui concerne le contenu du règlement final prévu par la résolution 1244 70. Si c’était

56 vrai, comme qualifierait-on alors le droit dont se prév alent les auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance ? Cette revendication — leur revendication — pourrait être considérée comme une

sorte de «super-veto», destiné non seulement à empêcher une solution donnée, mais aussi à imposer

unilatéralement leur option préférée, aussi bien à l’Etat qui possède le titre sur le territoire en

question, c’est-à-dire la Serbie, qu’au Conseil de sécurité.

36. Il faudrait aussi rappeler que, penda nt de nombreuses années, la communauté

internationale a inlassablement tenté de régler un certain nombre de problèmes territoriaux sur la

base du droit international; Chypre et la Pal estine en sont des exemples. La communauté

internationale, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies et de ses organes, y compris la

Cour, y est parvenue sans céder à des tentatives unilatérales de créer un fait accompli sur le terrain ;

l’avis rendu par la C our dans l’affaire du Mur (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur

dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004 , C.I.J. Recueil 2004) est l’un

des exemples les plus connus et les plus marquants.

37. D’ailleurs, il convient de ne pas se la isser influencer par des manŒuvres destinées à

impressionner la Cour, consistant à affirmer de manière directe ou détournée, qu’une solution

reposant sur le droit international serait impraticable ou qu’il faut prendre en compte de prétendues

«réalités» — voire des «réalités» créées en violation du droit international général, de la Charte et

de la résolution 1244.

38. Si l’on acceptait la logique des auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance, on

pourrait affirmer que, dans les cas que je viens just e d’évoquer, à savoir ceux de la Palestine et de

Chypre, la situation est à ce point inextricable que la communauté internationale devrait céder aux

prétendues «réalités sur le terrain»; c’est ainsi que les auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance et ses partisans veulent amener la Cour à accepter la prétendue «réalité» qu’aurait

70
Voir contribution écrite a dditionnelle des auteurs de la déclaration unilatérale d’ indépendance, par. 5.19 et
suivants ; observations écrites du Royaume-Uni, par. 17. - 32 -

engendrée la déclaration unilatérale d’indépendance. Les dangers que présente cette thèse sont

indéniables.

39. Monsieur le président, il a été s outenu que les négociations requises par la

résolution 1244 étaient arrivées à leur terme. Je ne formulerai que deux observations à cet égard,

l’une sur la procédure et l’autre sur le fond.

40. Pour ce qui est de la procédure, c’est le Conseil de sécurité qui a lancé le processus de

négociation sous ses auspices. Il n’en a jamais c onstaté l’achèvement, d’une façon ou d’une autre.

En fait, quoi que le représentant spécial M.Ahtisaari et le Secrétaire général aient pu penser des

chances de négociation dans l’avenir, ils n’on t pas le pouvoir de prendre des décisions

contraignantes et définitives en la matière.

57 41. En particulier, le représentant spécial, M.Ahtisaari, n’avait qu’un mandat limité de

médiateur et non d’ arbitre dans le cadre du processus politique engagé. Il pouvait formuler une

proposition, une recommandation, mais non prendre des décisions.

42. En outre, vous n’êtes pas sans savoir que les négociations étaient toujours d’actualité

après la recommandation faite par le représentant sp écial M.Ahtisaari, et que rien n’empêche de

les reprendre encore sous une nouvelle impulsion— en particulier lorsque les parties auront été

éclairées sur le droit par votre avis consultatif, dont la Serbie tiendra pleinement compte dans ses

efforts pour parvenir à une solution mutuellement acceptable.

43. La Serbie ne doute pas non plus que tous les autres acteurs ayant un rôle à jouer, y

compris le Conseil de sécurité et ses Membres, s’inspireront également de l’issue de cette

procédure, notamment en ce qui concerne le maintien de la MINUK face aux autorités locales du

Kosovo — et elle n’en attend d’ailleurs pas moins de leur part.

44. Il convient toutefois de noter que les négociations ne doivent pas uniquement être

reprises sur la base du droit international, mais qu’il faut aussi les faciliter en écartant tout préjugé.

Avec tout le respect qui est dû aux acteurs impliqués, il n’était certainement guère judicieux, pour

dire le moins, de la part du médiateur désigné par le Secrétaire général de présenter publiquement

la Serbie comme un voleur qui avait pris le Kosovo à la population kosovare albanaise, comme si la

Serbie n’avait pas toujours détenu un titre va lide sur ce territoire depuis1913. En fait, le - 33 -

représentant spécial M.Ahtisaari s’est illustré pu bliquement en tenant, notamment, le discours

suivant — je cite :

«Laissez-moi vous donner un exemple de la manière dont je vois les
négociations au Kosovo… : pr enons un exemple, la Serbie est comme un voleur qui a

pris le porte-monnaie du Kosovo ; en tant que médiateur je ne conseille pas de laisser
le voleur serbe décider effectivement par lu i-même combien d’argent il veut rendre à
celui à qui il a volé le porte-monnaie…il doit vous rendre à vous ce sacré

porte-monnaie et, très probablement aller en prison pour ce qu’il a fait... Chacun sait
que l’indépendance devait arriver.» 71

Imaginez une seconde les effets désastreux qu ’une telle approche pourrait avoir dans

d’autres situations !

45. Il est également révélateur que le préside nt des Etats-Unis d’Amérique de l’époque,

M. George W. Bush, ait publiquement déclaré que le processus de négociation en cours ne pouvait

72
58 déboucher que sur l’indépendance du Kosovo . Il a tenu ces propos alors qu’un nouveau tour de

négociations n’avait même pas encore débuté—des négociations que les Etats-Unis et d’autres

qualifient aujourd’hui de tentative faite de bonne foi pour ne négliger aucune piste dans la

recherche d’une solution mutuellement acceptable 73.

46. Quant à la substance des négociations, permettez-moi de répéter que la Serbie a offert

d’accorder toute l’autonomie possible au Kosovo, en s’inspir ant des modèles généralement

considérés comme réussis et légitimes dans diverses régions du monde. Il est également évident

que toute solution négociée pour le Kosovo s’acco mpagnerait des aménagements constitutionnels

nécessaires, si bien qu’elle sera it ancrée dans la Constitution serbe 74, en plus d’avoir la caution

internationale.

47. J’en arrive ainsi à mon point suivant — à savoir le rôle du Conseil de sécurité.

71Entretien accordé par M. htisaari à CNN le 10décembre2008; voir http://www.youtube.com/

watch?v=z61yrrRoOmw (consulté le 23 novembre 2009) ; voir les observations écrites de la Serbie, par. 108, pour lire le
texte intégral de l’entretien.
72Conférence de presse donnée par le président avec le pr emier ministre d’Albanie M. Sali Berisha à Tirana, en
Albanie, le 1ju2007; voir http://www.presiden cy.ucsb.edu/ws/index.php?pid=75342; voir également les

observations écrites de la Serbie, par. 113.
73Voir, par exemple, l’exposé écrit de s Etats-Unis, p.82; l’exposé écritRoyaume-Uni, par.3.33 et suiv.;
l’exposé écrit de l’Allemagne, p. 27. Voir, pour davantage de détails, les observations écrites de la Serbie, par. 100.

74Voir les observations écrites de la Serbie, par. 118. - 34 -

V. Le règlement définitif pour le Kosovo et le rôle du Conseil
de sécurité

48. Monsieur le président, c’est le Conseil de sécurité qui, en adoptant la résolution1244,

s’est réapproprié son rôle de premier plan dans le maintien de la paix et de la sécurité

internationales après l’utilisation unilatérale de la force militaire contre la RFY.

49. C’est le Conseil de sécurité qui, agissant en vertu du chapitreVII, a adopté la

résolution 1244 et créé le statut juridique actuel du Kosovo.

50. C’est le Conseil de sécurité qui a déclar é que la résolution1244 resterait en vigueur

jusqu’à ce qu’il en décide autrement 75.

76
51. C’est le Conseil de sécurité qui a décidé de demeurer activement saisi de la question .

52. C’est le Conseil de sécurité qui a lancé le processus politique destiné à régler le statut

futur du Kosovo 77.

59 53. Et c’est également au Conseil de sécurité qu’il appartient de déterminer quand ce

processus a atteint son terme puis d’en entériner l’issue.

54. Comme le représentant spécial du Secrétaire général l’a déclaré au sujet du statut

définitif du Kosovo : «[Le] futur statut du Kosovo … reste à déterminer et le sera par le Conseil de

sécurité des Nations Unies. Toute déclaration unilatérale, sous quelque forme que ce soit, qui n’est

pas approuvée par le Conseil de sécurité n’a au cun effet juridique sur le futur statut du

78 79
Kosovo» ⎯ une position qui a été réaffirmée par la suite à de nombreuses reprises .

55. Dans le même ordre d’idées, le chef de la mission du Conseil de sécurité, après s’être

rendu sur les lieux, a fait au nom du Conseil la déclaration suivan te, parfaitement dénuée

d’équivoque : «Le statut final du Kosovo ne sera pas déterminé unilatéralement. C’est au Conseil

de sécurité qu’il appartiendra de le déterm iner, en consultation avec toutes les parties

80
concernées.»

75
Voir la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 19.
76Voir la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 21.

77Voir la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 11, alinéa e).

78Déclaration du 7 novembre 2002 de M. Michael Steiner, représentant spécia l du Secrétaire général ; document
no187 du dossier ; également citée par Chypre dans ses observations écrites, par. 6.

79Voir les observations écrites de la Serbie, par. 460.
80
Rapport de la mission du Conseil de sécurité au Kosovo et à Belgrade (République fédérale de Yougoslavie),
14-17 décembre 2002, Nations Unies, doc. S/2002/1376 (19 décembre 2002), annexe 1, p. 19. - 35 -

56. Permettez-moi de noter en par ticulier qu’aucune de ces déclarations 81n’était, d’une

manière ou d’une autre, subordonnée à certaines cond itions ou limitée dans sa portée, temporelle

ou autre. Enfin, et surtout, ces déclarations ont été faites précisément parce que les autorités

albanaises du Kosovo nourrissaient l’ambition—notoire—d’obtenir l’indépendance coûte que

coûte et au mépris du droit international, et au ssi parce qu’elles étaient prêtes à passer finalement

outre aux compétences dévolues au Conseil de sécur ité par la Charte, si elles n’obtenaient pas

d’accord avec la Serbie et la majorité requise au sein du Conseil.

57. En fait, même en 2007, certains tentaient encore d’arracher un consensus au Conseil de

sécurité et de faire aboutir une solution compatible avec les prérogatives conférées à celui-ci par la

Charte. Les Etats qui ont fait ces tentatives en 2007 s’évertuent aujourd’hui, par le truchement de

nos éminents amis qui les représentent, à minimiser leurs propres efforts. La raison en est

simplement que leurs propositions n’ont pas été acceptées par le Conseil de sécurité.

60 58. Arrêtons-nous un instant pour imaginer ce que ces mêmes Etats diraient de leur propre

projet de résolution de 2007 qui, s’il avait été adopté, aurait été censé constituer un blanc-seing du

Conseil de sécurité en faveur d’une DUI et du plan Ahtisaari.

59. Ils vous diraient certainement à présent qu ’une telle résolution était nécessaire pour faire

évoluer le statut du Kosovo et qu’elle s’inscrivait parfaitement dans le cadre des prérogatives du

Conseil. Pourtant, ce projet de résolution n’a pas été retenu par le Conseil de sécurité et il n’a

d’ailleurs même pas été présenté formellement, car s es auteurs savaient qu’il ne recueillerait pas la

majorité requise.

60. Monsieur le président, permettez-moi de conclure cette partie de mon exposé par une

brève réflexion. Ces dernières années, le Conse il de sécurité, agissant en vertu du chapitreVII, a

confié la charge d’administrer certains territoir es directement à l’Organisation des NationsUnies.

Cette administration par l’ONU s’est révélée constituer un mécanisme important pour maintenir ou

rétablir la paix et la sécurité internationales dans une région donnée.

61. A chaque fois, les Etats dont le terr itoire était concerné ont consenti à cette

administration de l’ONU. Le consentement de la Croatie dans le cas de la Slavonie orientale, et

81
Pour d’autres exemples, voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 799 et suiv. - 36 -

celui de la RFY dans le cas du Kosovo, l’illustrent fort bien. Ce serait créer un précédent des plus

dangereux, non seulement pour le droit international général mais aussi pour le système de sécurité

collective établi par la Charte, que de laisser entendre aujourd’hui aux Etats que l’établissement

d’une telle administration de l’ONU ne constitue que la première étape d’un processus de sécession

du territoire considéré, qui n’est prévu d’aucune autre façon par le droit international.

62. D’ailleurs, il est permis de se demander si les protagonistes — les membres concernés du

Conseil de sécurité ainsi que les Etats intéressés — accepteraient de telles solutions à l’avenir, si la

Cour devait tolérer qu’une telle administration de l’ONU ne devienne rien d’autre qu’une porte

ouverte à la sécession.

63. Si vous le voulez bien, j’en viens à présent à mon dernier point, à savoir l’allégation

selon laquelle les réactions de l’Organisation des Nations Unies et de ses organes pourraient être

perçues comme une approbation tacite de la DUI.

VI. L’acquiescement allégué de l’Organisation des Nations Unies

64. Monsieur le président, je commencerai par rappeler une évidence. Nul n’ignore, dans

cette grande salle de justice, qu’il n’existe au sein de la communauté internationale aucun

61 consensus sur la licéité ou, plutôt, sur l’illicéité de la DUI. De fait, la requête de l’Assemblée

générale elle-même, ainsi que les divers expo sés présentés par écrit ou oralement par les Etats

Membres, y compris tous les Membres permanents du Conseil de sécurité, témoignent ou

témoigneront de ce désaccord, qui s’étend à l’interprétation de la résolution 1244.

65. Dans une telle situation, en l’absence d’ un consensus au sein du Conseil de sécurité et

faute d’éclaircissements juridiques, le Secrétaire général et son représentant spécial ont décidé de
82
rester neutres sur la question du statut . Ils n’en demeurent pas moins, comme tout un chacun, liés

par la résolution 1244.

66. Accepter la thèse surprenante qui consiste à voir là une approbation tacite de la DUI irait

clairement à l’encontre de cette position expresse «de stricte neutralité sur la question du statut»,

qui traduit en fait une décision de ne pas prendre position avant d’avoir reçu davantage

82Lettre en date du 12juin2008 adressée à S. Exc.M.BorisTadi ć par le Secrétaire général, NationsUnies,
doc. S/2008/354 (12 juin 2008), annexe I, document n 88 du dossier ; voir également le rapport du Secrétaire général sur
la Mission d’administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo, NationsUnies, doc.S/2008/354 (12juin2008),

par. 19. - 37 -

d’éclaircissements de la part du Conseil de sécuri té. Ainsi qu’indiqué plus tôt, le Conseil de

sécurité n’a pas pris position sur la DUI en raison de dissensions politiques internes. Cela ne

saurait s’interpréter comme un acquiescement. Prétendre le contraire donnerait des résultats frisant

l’absurdité, comme le montre l’exemple suivant.

67. Permettez-moi, aux fins du débat, d’app liquer cet argument à une situation dans laquelle

le Conseil de sécurité ne serait pas non plus en mesure, du fait de sa composition et des règles de

vote prescrites par la Charte, de condamner un usage illicite de la force, en particulier si l’un des

membres permanents était lui-même impliqué, d’une manière ou d’une autre, dans l’emploi de la

force incriminé. Le fait que le Conseil ne cond amne pas cet usage de la force traduirait-il un

acquiescement de sa part ? Certainement pas.

68. Dès lors, l’inaction et l’absence de condamnation de la DUI ne peuvent ni l’une ni l’autre

être perçues en elles-mêmes comme valant acquiescement car les organes de l’Organisation des

Nations Unies n’ont manifestement reconnu la licéité de la DUI d’aucune façon valable.

VII. Conclusion

69. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, résumons la situation.

70. La résolution1244 ne r econnaît au Kosovo aucun droit de sécession. Elle réaffirme au

contraire le titre territorial de la RFY, devenue aujourd’hui la Serbie. Dans ces conditions, la DUI

ne peut constituer le règlement définitif envisagé dans cette résolution.

62 71. Tout règlement définitif doit être adopté d’un commun accord par les Parties, sous les

auspices du Conseil de sécurité, dans le cadre de négociations. Cela exclut toute forme

d’indépendance du Kosovo qui ne serait pas consensuelle, ni approuvée par le Conseil de sécurité.

72. Seul le Conseil de sécurité peut prendr e des décisions contraignantes au sujet de la

conclusion du processus destiné à régler le statut définitif.

73. Contrairement à ce qui est allégué, les organes de l’Organisation des Nations Unies n’ont

exprimé aucune sorte d’acquiescement qui aurait remédi é à l’illicéité de la DUI. Que le Secrétaire

général veuille, faute d’éclaircissements, rester neut re sur la question du statut est une chose, mais

le Conseil de sécurité lui-même n’était et n’est pas en mesure de saluer ou de condamner la DUI,

étant donné les divergences d’opinion régnant en son sein. - 38 -

74. Qu’il me soit permis de souligner une fois encore que la résolution 1244 a eu pour effet

de rétablir le rôle et l’importance du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité

internationales après une action militaire unilatérale . Ce serait faire un retour en arrière que de

reconnaître la licéité de la DUI adoptée par une partie sans aval d’aucune sorte du Conseil de

sécurité, et cela reviendrait aussi à remettre ra dicalement en question les fondements mêmes du

système de sécurité collective instauré par la Charte.

75. Ce serait également récompenser ceux qui n’ont pas voulu poursuivre un processus de

négociation de bonne foi, car ils se savaient forts du soutien d’un certain nombre d’Etats, et en

particulier des Etats qui avait fait unilatéralement us age de la force militaire en 1999 et qui étaient

prêts à faire bon marché du principe de l’intégr ité territoriale, tel que réaffirmé dans la

résolution 1244, ainsi que du rôle central conféré au Conseil de sécurité par la Charte.

76. Les règles du droit international qui entrent en jeu lorsque le Conseil, agissant en vertu

du chapitre VII de la Charte, place une partie du te rritoire d’un Etat Membre sous l’administration

temporaire de l’Organisation des Nations Unies doive nt être appliquées de la même manière à tous

les Etats et dans toutes les situations pertinen tes — sinon, l’acceptabilité d’une telle administration

temporaire serait gravement compromise, tant pour le Conseil de sécurité que pour les Etats

concernés. Or, tel ne pourra être le cas que si la Cour rejette le droit allégué de sécession

unilatérale revendiqué par les auteurs de la DUI , et confirme que cette déclaration n’est pas

conforme au droit international.

63 77. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achève ma présentation. Je vous

remercie infiniment pour votre attention, et le mo ment est peut-être finalement venu de marquer la

pause habituelle.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Zimmermann, pour votre présentation. Il me

semble effectivement que nous en sommes exacteme nt à la moitié des audiences de ce matin et je

propose que la Cour se retire brièvement une quinzaine de minutes pour reprendre ensuite avec

l’exposé de M. Shaw.

L’audience est suspendue de 11 h 35 à 11 h 55. - 39 -

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne à présent la parole au professeur Shaw.

M. SHAW :

L A DÉCLARATION UNILATÉRALE D ’INDÉPENDANCE VIOLE LE PRINCIPE DE L ’INTÉGRITÉ

TERRITORIALE ,UN PRINCIPE ESSENTIEL DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un plaisir et un honneur pour moi que

de plaider de nouveau devant la Cour, cette fois au nom de la République de Serbie.

2. La résolution1244 est au cŒur de cette demande d’avis consultatif. C’est indiscutable

mais ce n’est pas tout. La question à l’examen t ouche à l’un des principes fondamentaux du droit

international, à savoir le respect de l’intégrité trritoriale des Etats. C’est ce qui fait que cette

procédure consultative intéresse et préoccupe au tant un si grand nombre d’Etats, dont beaucoup

seront représentés devant la Cour au cours des dix prochains jours. Tout affaiblissement, réel ou

perçu comme tel, de ce principe de l’intégrité te rritoriale suite à cette procédure serait source de

vive préoccupation pour les nombreux Etats qui sentent leur intégrité territoriale menacée de

l’intérieur ou de l’extérieur. L’avis de la Cour est donc atte ndu avec impatience et revêtira une

importance décisive.

3. Mon exposé portera sur les points suivants: premièrement, le principe du respect de

l’intégrité territoriale des Etats est un principe f ondateur du droit international. Deuxièmement, ce

principe général du droit international est auj ourd’hui applicable aux entités non étatiques.

64 Troisièmement, ce principe a été réaffirmé au cours du processus ayant abouti à l’adoption de la

résolution 1244. Quatrièmement, le principe de l’intégrité territoriale ne saurait être subordonné à

certaines conditions selon une thèse reposant sur un e interprétation hautement contestable de la

résolution1244. Cinquièmement, un acte illicite ne saurait être converti en acte licite par des

activités politiques ultérieures. Enfin, et en tout état de cause, le prétendu Etat du Kosovo ne

répond pas aux critères établis qui définissent la qualité d’Etat.

I. Le principe de l’intégrité territoriale

4. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’obligation de respecter l’intégrité

territoriale des Etats découle de la souveraineté et de l’égalité des Etats, qui constituent la pierre - 40 -

83
angulaire du droit international . Peu de principes du droit international contemporain sont aussi

solidement établis que celui de l’intégrité territoriale, qui exige le respect de la structure territoriale

et de la configuration des Etats. Outre qu’e lle constitue l’un des élém ents clés du concept de

l’égalité souveraine, l’intégrité territoriale est considérée comme essentielle pour assurer la stabilité

et la prévisibilité de l’ordre juridique international dans son ensemble.

5. Le principe de l’intégrité territoriale a été amplement affirmé, confirmé et réaffirmé dans

84
une longue série d’instruments internationaux ayant force obligatoire ou non, allant de résolutions

85 86 87
de l’ONU à caractère général ou spécifique à des accords multilatéraux, régionaux ou

bilatéraux. Il est dès lors incontestable que cette norme est de nature juridique et qu’elle occupe

une place centrale dans le système juridique et po litique international. Cette Cour a d’ailleurs

récemment rappelé «l’importance de premier plan que revêtent, en droit international et dans les

relations internationales, la souve raineté étatique sur un territoire ainsi que le caractère stable et

65 certain de cette souveraineté» (Affaire concernant la Souveraineté Sur Pedra Branca/Pulau Batu

Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), arrêt, par. 122) 88.

6. Cela n’a pas été démenti par les Etats dans le cadre de cette procédure. Aucun d’eux n’a

remis en cause le principe de l’intégrité territoriale en tant que tel. Bien au contraire, nombre

d’entre eux ont expressément confirmé son existence ainsi que son importance 89 . Le

Royaume-Uni, par exemple, a ainsi reconnu que «le droit international favorise l’intégrité

territoriale des Etats dans l’intérêt de la stabilité et d’un règlement pacifique des conflits, y compris

ceux survenant au sein d’un Etat» 90. Toutefois, certains Etats ainsi que les auteurs de la DUI

83Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), C.I.J. Recueil 1949, p. 4-35.

84Voir, par exemple, l’article 2 de la Charte des Nations Unies.

85Voir, par exemple, la déclaration coloniale dans la résolution1514 (XV) de l’ Assemblée générale; la
déclaration relative aux relati ons amicales dans la résolution2625 (XXV) de l’Assemblée générale; la définition de
l’agression dans la résolution3314(XXIV) de l’Assemblée gé nérale; la déclaration du mi llénaire contenue dans la
résolution55/2 de l’Assemblée générale et réaffirmée dans le document fi nal du sommet mondial de2005, au

paragraphe 5 de la résolution 60/1 de l’Assemblée générale.
86Pour d’autres exemples, voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 440 et suiv.

87Voir, par exemple, l’Acte final d’Helsinki de1975; la Charte de la communauté d’Et ats indépendants
de1992; et la Charte de l’Organisa tion des Etats américains, telle que m odifiée en1967, 1985, 1992 et1993. Voir
également l’exposé écrit de la Serbie, par. 440 et suivants.

88Voir aussi la Cour suprême du Canada, renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 R.C.S. 17, par. 112.

89Voir les observations écrites de la Serbie, par. 238-246.
90
Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.11. Voir aussi les observations écrites du Royaume-Uni, par. 4 et 5. - 41 -

91
soutiennent que ce principe ne s’applique qu’aux Etats . Quelle qu’ait pu être la position qui a

prévalu par le passé, le droit international contemporain affirme désormais le contraire.

II. Le principe de l’intégrité territoriale s’applique aussi bien aux Etats
qu’aux entités non étatiques

7. Les auteurs de la DUI ainsi que certains Etats ont tenté de détourner l’argument en

prétendant que le principe de l’ intégrité territoriale ne constitue p as une garantie de la permanence

d’un Etat tel qu’il existe à un moment donné 92 et que, par conséquent, ce principe ne saurait être

invoqué pour empêcher des peuples ou des groupes vivant au sein d’Etats souverains de déclarer

93
leur indépendance . Ce principe se limiterait simplement à la protection contre le recours à la

force et l’ingérence d’autres Etats 94. La République de Serbie convient que ce principe ne gèle pas

la configuration territoriale d’un Etat à un moment particulier: une modification consensuelle est

toujours possible et les parties concernées peuvent effectivement se mettre d’accord pour modifier

la délimitation territoriale d’un Etat. Rien ne s’y oppose. C’est ce qu’il faut entendre par règlement

pacifique des différends par voie de négociation et d’accord, un principe si profondément ancré en

droit international qu’il ne saurait être mis de côté à la légère. Un point que certains semblent avoir

oublié.

66 8. D’autres paraissent affirmer que le dro it international contemporain ne s’intéresse pas

directement aux entités non étatiques. La Serbie soutient au contraire que le principe de l’intégrité

territoriale s’applique bel et bien à de telles en tités, et son argumentation s’articule comme suit.

Premièrement, la définition des relations interna tionales considérées sous l’angle de l’application

du droit international a été élargie pour y inclure les guerres civiles, les violations du droit

humanitaire, le terrorisme et la prise de pouvoir interne 95. Deuxièmement, le droit international

contemporain vise de plus en plus directement les entités non étatiques. Même les auteurs de la

91
Voir, par exemple, l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.9; l’exposé écrit de la Suisse, par.55 et56; la
contribution écrite des auteurs de la DUI, pa r. 8.06, 8.19 et 9.02 ; et la contribution écrite additionnelle des auteurs de la
DUI, par. 4.06.
92
Voir, par exemple, l’exposé écrit du Royaume-Uni, par.5.9; l’exposé écrit de la France, par.2.6-2.8 et
l’exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, p. 56-57.
93
Voir, par exemple, la contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 4.06.
94Ibid., par. 4.13.

95Voir les observations écrites de la Serbie, par. 254 et les références qu’il contient. - 42 -

DUI reconnaissent ⎯à contrecŒur, il faut le dire ⎯ que l’on peut interpréter la déclaration

coloniale comme élargissant le cercle des bénéfici aires du principe de l’intégrité territoriale aux

96 97
peuples des Etats . Qu’il s’agisse de résolutions contre le terrorisme ou la non-prolifération des

98
armes de destruction massive et de leurs vecteurs ou de résolutions relatives à certains conflits

internes, la pratique internationale considèr e clairement aujourd’hui les entités non étatiques

comme étant des sujets directs du droit international. La structure classique du droit international a

évolué, et aucun Etat ni aucune autre entité ne peut tenter de se raccrocher à ce qui n’est plus en

ignorant cette évolution, clairement établie. On ne peut remonter le temps.

9. Troisièmement, la pratique récente dé montre, par divers exemples, que les entités non

étatiques au sein d’un Etat existant sont directement visées lorsque cet Etat est en proie à un conflit

interne ou sent son intégrité territoriale menacée. Il ressort clairement de cette pratique que la

communauté internationale reconnaît l’importance capita le du principe de l’intégrité territoriale, et

que ce dernier est censé s’appliquer non seulement à des Etats tiers mais aussi à des groupes

internes, quelle que soit leur appellation. Pour des considérations de temps, nous n’évoquerons que

quelques-uns de ces exemples, et ce en quelques mots.

10. La résolution787 (1992) du Conseil de sécurité contient, au paragraphe3 de son

dispositif, un appel «à toutes les parties et aux au tres intéressés pour qu’ils respectent strictement

l’intégrité territoriale» de la République de Bosnie-Herzégovine , et affirme «qu’aucune entité

unilatéralement proclamée ni auc un arrangement imposé en violation de ladite intégrité ne seront

99
admises» . Par ailleurs, les résolutions relatives, pa r exemple, à la République démocratique du

67 Congo, à la Somalie et au Soudan réaffirment également avec force l’importance de la souveraineté

et de l’intégrité territoriale des Etats confrontés à un conflit interne et à des menées

100
sécessionnistes . En d’autres termes, la communauté inte rnationale accepte désormais qu’il soit

96
Contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 4.10.
97Voir, par exemple, la résolution1822 (2008) du Conseil de sécurité et d’autres résolutions cités dans l’exposé
écrit de la Serbie, par. 257, note de bas de page 292.

98Résolution1540 (2004) du Conseil de sécurité et d’autres résolutions cités dans l’exposé écrit de la Serbie,
par. 259 et 260, note de bas de page 295.

99Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 442-452.
100
Voir, par exemple, les résolutions 1756 (2007), 1771 (2007), 1766 (2007), 1772 (2007) et 1846 (2008) ; et la
résolution1784 (2007); voir aussi les résolutions1770 (2007) et1830 (2008) concernant l’Iraq et l’exposé écrit de la
Serbie, par. 459-463. D’autres exemples figurent dans l’exposé écrit de la Serbie, par. 475 et suiv. - 43 -

directement exigé des entités non étatiques et des groupes au sein d’Etats souverains qu’ils

respectent l’intégrité territoriale de ces Etats.

11. Quatrièmement, il est stipulé dans des instruments internationaux et régionaux relatifs à

la protection des minorités et des peuples autochtones que ces groupes doivent réaliser leurs droits

au sein du territoire de l’Etat en question, et qu’aucune de leurs dispositions ne saurait être

interprétée comme autorisant une quelconque activité contraire, entre autres, à l’égalité souveraine,

à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique des Etats. Cette formulation apparaît, à titre

d’exemple, dans la Déclaration de1992 sur les minorités, la Charte européenne des langues

régionales ou minoritaires 101 et la convention-cadre pour la protection des minorités nationales 102.

La Déclaration des NationsUnies su r les droits des peuples autochtones 103, plus récente, renvoie

104
quant à elle explicitement aux Etats, peuples, groupements ou individus .

12. Il est donc tout simplement incorrect d’ affirmer que le droit international n’est pas

directement applicable aux entités non étatiques et que la norme de l’intégrité territoriale ne doit

être respectée que par les Etats tiers. Il est désormais clairement admis par la pratique que cette

norme s’applique aux situations non consensuelles de conflit interne et de tentatives

sécessionnistes. Cela a été tout récemment reconnu pa r le conseil de l’Union européenne dans son

rapport de mission sur le conflit en Géorgie 105.

13. Il a été avancé que les principes de l’intégr ité territoriale et de l’autodétermination sont

sur un pied d’égalité, la primauté de l’un sur l’autre étant décidée au cas par cas 106. Mon collègue

et ami le professeurKohen reviendra sur le principe de l’autodéterminati on plus tard dans la

68 matinée. Je me contenterai de dire que cette thèse, examinée sous l’angle du droit international, est

incorrecte. Les principes de l’intégrité territori ale et de l’autodétermin ation sont imbriqués.

Hormis dans les contextes de domination colonial e et d’occupation étrangère, l’autodétermination

s’exprime sous la forme de droits réalisés au sei n de l’Etat souverain concerné. Autrement, la

101Art. 5.
102
Art. 21.
103
Résolution 61/295 de l’Assemblée générale.
104Art. 46 1).

105Rapport de la mission d’enquête indépendante internationale sur le conflit en Géorgie, septembre 2009, vol. II,
p. 136-137 de la version anglaise.

106Voir la contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 4.37 et 4.38. - 44 -

communauté internationale se retrouverait face à l’ affirmation d’un droit de sécession qui pourrait

juridiquement primer le droit à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale. Rien dans la pratique

internationale ne vient étayer cette thèse.

14. Cependant, nous ne devri ons pas limiter notre examen à l’établissement de ce principe

général, car la question du Kosovo a été traitée directement par la communauté internationale, et ce

d’une manière qui démontre clairement que le prin cipe de l’intégrité territoriale s’applique aux

communautés concernées de cette région. Penchons-nous à présent sur cette dernière affirmation.

III. La réaffirmation du principe de l’intégrité territoriale au cours du processus ayant
conduit à l’adoption de la résolution 1244

15. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, la résolution 1244, qui est au cŒur de cette

procédure, ne peut être considérée isolément, en particulier concernant le respect de l’intégrité

territoriale de la Serbie (sous la forme de la RFY) . En effet, l’une des constantes qui se dégage de

l’ensemble du processus ayant conduit à l’adoption de la résolution1244 est la réaffirmation de

l’intégrité territoriale de la RFY. Un élément que l’on ne peut ni ignorer ni minimiser. Il est

important.

16. La résolution1160 (1998) du Conseil de sécurité, par exemple, affirme expressément

«l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavi e» et souligne, au paragraphe 5 de son dispositif, que le

règlement du problème du Kosovo doit reposer sur le principe de l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie et sur un statut renforcé du Kosovo qui comprendrait une

107
autonomie sensiblement accrue et une véritable autonomie administrative . La résolution1203

(1998) dit on ne peut plus clairement que ces oblig ations ne valent pas uniquement pour les Etats

Membres des NationsUnies car elle exige également que «les dirigeants albanais du Kosovo et

tous les autres éléments de la communauté albanaise du Kosovo respectent strictement et

rapidement les résolutions1160 (1998) et119 9 (1998)». Ces deux résolutions réaffirment

l’intégrité territoriale de la RFY.

107
Voir aussi les résolutions 1199 (1998), 1203 (1998) et 1239 (1999). Voir en outre l’exposé écrit de la Serbie,
par. 504. - 45 -

69 17. Et c’est ainsi que nous en arrivons à la résolution1244. Cette partie de notre exposé

s’intéresse uniquement à la question de l’intégrité territoriale. La Cour a déjà entendu nos

arguments plus généraux. Cette résolution ⎯au risque de répéter des évidences ⎯ réaffirme la

souveraineté de la RFY tout en établissant une présence internationale chargée d’administrer le

Kosovo. Nul n’a prétendu que la résolution1244 avait pour intention ou pour effet de priver la

RFY de sa souveraineté sur le Kosovo. Aucune pa rtie n’a nié que la souveraineté et l’intégrité

territoriale de la RFY y étaient expressément réaffirmées 10.

18. Dans sa résolution1244, le Conseil de sécurité commence par rappeler ses résolutions

antérieures 109, dans lesquelles, comme nous l’avons vu, il appelle à chaque fois à une solution

politique fondée sur l’intégrité territoriale de la RFY et l’autonomie du Kosovo, et exige qu’elle

soit acceptée par les dirigeants albanais et la communauté albanaise du Kosovo. Ces confirmations

répétées revêtent une importance juridique. La résolution 1244, elle-même, réaffirme

«l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie et de tous les au tres Etats de la région, au sens de l’Acte final

d’Helsinki et de l’annexe 2». Je reviendrai sur ces deux derniers instruments.

19. En outre, le onzième alinéa du préambule réaffirme «l’appel lancé [par le Conseil de

sécurité] dans des résolutions antérieures en vue d’une autonomie substantielle et d’une véritable

auto-administration au Kosovo», confirmant ainsi, es t-il besoin de le souligner, la souveraineté de

la RFY. Certes, le fait que ces réaffirmations de l’intégrité territoriale figurent dans le préambule

n’est pas inhabituel, comme mon ami et collègue M.Zimmermann l’a déjà indiqué. En fait, la

pratique générale montre que c’est tout à fait hab ituel, et aucun Etat n’en a pour autant conclu que

l’intégrité territoriale de l’Etat à l’examen devenait dès lors subordonnée à certaines circonstances

ou conditions.

108Voir aussi le document commun MINUK-RFY, 5novembre 2001; l’exposé écrit de la Serbie, par.517 et
suiv. ; et les observations écrites de la Serbie, par. 281.
109
Résolutions 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998) et 1239 (1999). - 46 -

IV. La réinterprétation de l’intégrité territoriale comme étant un principe subordonné à

certaines circonstances ou conditions
110 111
20. Cependant, les auteurs de la DUI et quelques autres participants ont fait valoir que

la réaffirmation de l’intégrité territoriale de la RFY était censée offrir une garantie limitée dans le

temps. Elle devait s’appliquer uniquement pendant la période dite intérimaire et être éliminée par

70 la suite. Je répondrai en faisant les observations suivantes. Premièrement, le principe de l’intégrité

territoriale des Etats ne peut être ni tronqué, ni limité dans le temps, ni subordonné à la

reconnaissance du Conseil de sécurité. L’intégrité territoriale est un principe fondateur du droit

international et ne peut tout simplement pas être réinventé du tout au tout d’une façon aussi

cavalière. Imaginez les conséquences pour les Etats si leur intégrité territoriale pouvait

soudainement être remise en cause par un processus ambigu d’interprétation des instruments

internationaux. Les auteurs de la DUI, et ceux qui les appuient, défendent une théorie dangereuse,

et juridiquement erronée.

21. Deuxièmement, il n’existe apparemment aucune divergence entre les parties quant à

l’application du principe de l’in tégrité territoriale pendant la période intérimaire associée à la

recherche d’une solution politique au problème du Kosovo. Toutefois, l’extrapolation selon

laquelle le principe de l’intégrité territoriale cesser ait brusquement de s’appliquer à la RFY à la fin

de la période intérimaire est aussi extraordinaire qu’indéfendable. Troisièmement, dans la mesure

où la DUI ne saurait constituer un règlement défi nitif au problème du Kosovo au sens de la

résolution1244, cette période intérimaire n’est donc pas achevée. Par conséquent, en dépit des

arguments présentés par les auteurs de la DUI et d’ autres participants, l’intégrité territoriale de la

Serbie demeure intacte. Quatrièmement, le renvoi à l’intégrité territoriale vise la RFY et les «autres

Etats de la région», de sorte que si cette réaffirmation était déclarée de nature provisoire, cela aurait

nécessairement un impact sur les au tres Etats de la région, ce qui ne manquerait pas de déclencher

une controverse.

22. Cinquièmement, les term es mêmes utilisés par les auteurs de la DUI et les autres

participants pour défendre leur thèse sont biaisés. La réaffirmation de l’intégrité territoriale de la

110
Contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 4.16 et 5.14.
111Voir, par exemple, les observations écrites du Royaume-Un i, par. 17 et les observations écrites des Etats-Unis

d’Amérique, p. 19 et suiv. - 47 -

RFY et des autres Etats de la région est accompagnée de la mention «au sens de l’Acte final

d’Helsinki et de l’annexe2». Or, l’Acte final d’Helsinki 112 réaffirme l’intégrité territoriale des

Etats participants dans plusieurs de ses principes déclarés, et cette réaffirmation n’est ni limitée

dans le temps, ni conditionnelle. Elle repre nd simplement un principe fondateur du droit

international.

23. L’annexe 2 contient un appel demandant qu’un accord soit trouvé sur la base d’un certain

nombre de principes. Le principe8 traite de l’établissement d’un accord-cadre politique

intérimaire «prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte
71

des accords de Rambouillet et du principe de la souver aineté et de l’intégrité territoriale de la RFY

et des autres pays de la région, et la démilitarisation de l’ALK».

L’équilibre de cette résolution est donc très clair. Elle prévoyait, pendant la période intérimaire,

«une autonomie substantielle pour le Kosovo» au sein de l’intégrité territoriale de la RFY, et

réaffirmait l’intégrité territoriale de la RFY av ant et après cette période intérimaire. Un

changement était certes possible mais uniquemen t de manière consensue lle. Cette position a

d’ailleurs été confirmée dans le document commun MINUK-RFY du 5décembre2001 par le

113
représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et la RFY . De fait, l’essentiel du principe 8

portait sur la nécessité de mener des «négociations entre les parties en vue d’un règlement», ce qui

excluait explicitement toute action unilatérale de quelque partie que ce soit.

24. Le renvoi aux accords de Rambouillet 114dans la résolution1244 est intéressant car le

troisième considérant de ces accords réaffirme l’a ttachement des parties aux buts et principes des

Nations Unies, ainsi qu’aux principes de l’OSCE, y compris l’Acte final d’Helsinki, qui réaffirment

115
expressément l’intégrité territoriale des Etats participants . Qui plus est, le quatrième considérant

rappelle explicitement l’attachement de la commu nauté internationale à la souveraineté et à

112
Voir, par exemple, le principeI: «Les Etats participants respectent mutu ellement leur égal ité souveraine et
leur individualité ainsi que tous les droits inhérents à leur souveraineté et englobés dans celle-ci, y compris, en particulier,
le droit de chaque Etat à l’égalité juridique, à l'intégrité territoriale, à la liberté et à l'indépendance politique.» et le
principe IV : «Les Etats participants respectent l'intégrité te rritoriale de chacun des autres Etats participants.» Voir aussi
les principes II et III.
113
Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 517-521.
11Nations Unies, doc. S/1999/648, 7 juin 1999. Voir aussi l’exposé écrit de la Serbie, par. 336 et suiv., et 781 et

suiv., ainsi que les observations écrites de la Serbie, par. 425 et suiv.
11Voir aussi la référence à la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. - 48 -

l’intégrité territoriale de la RFY. Les auteurs de la DUI font valoir que les accords de Rambouillet

et les négociations qui y ont conduit sont importa nts, non pas pour ce qu’ils disent, mais pour ce

116
qu’ils ne disent pas . En vérité, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ils ne peuvent

arguer autre chose car ce que contiennent les accords est tout à fait clair. Même si les circonstances

de l’époque ont produit un document qui ne satisfaisait pas pleinement la RFY, ces accords ont bel

et bien souligné l’intégrité territoriale de cet Etat.

25. Les auteurs de la DUI affirment qu’aucun des textes antérieurs à la résolution1244, y

compris les propositions Hill qui furent un échec et les accords de Rambouillet, n’interdisait

117
expressément au Kosovo de déclarer son indépendance et que la résolution elle-même ne

72 contenait aucune interdiction explicite 118. Cela n’a rien de surprenant face à une situation où

l’intégrité territoriale de la RFY était constamme nt réaffirmée et où l’auto-administration ou

l’autonomie étaient explicitement au cŒur des débats. Il eut été tout à fait superflu d’interdire

expressément toute tentative unilatérale d’indépendance, pour la simple et bonne raison que celle-ci

était implicitement exclue par les structures et les principes mêmes qui avaient été adoptés et

acceptés à l’époque. En effet, toute la construc tion et la configuration des négociations ayant

conduit à l’adoption de la résolution1244, ainsi que celles de la résoluti on elle-même et de la

pratique ultérieure, visaient le moyen d’établir un système d’autonomie acceptable au sein de la

Serbie souveraine. Et, jusqu’aux événements du début2008, la nécessité de parvenir à un accord

entre les parties prenantes, le gouvernement central de la Serbie et la communauté albanaise du

Kosovo, en était le leitmotiv. Il est impossible de nier que la résolution 1244 visait essentiellement

à parvenir à un règlement consensuel, négocié et accepté par le Conseil de sécurité 119.

26. D’aucuns ont soutenu que la réaffirm ation de l’intégrité territoriale dans la

résolution 1244 s’appliquait à la RFY mais pas à la Serbie 12. Cet argument sera vite balayé. En

effet, aucun Etat n’a contesté le fait que la Se rbie était le successeur légitime de la RFY via la

116Voir, par exemple, la contribution écrite des auteurs de la DUI, par. 9.13.

117Voir, par exemple, la contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 5.02, 5.05 et 5.12.
118
Voir, par exemple, la contribution écrite additionnelle des auteurs de la DUI, par. 5.19 et suiv.
119Voir, par exemple, l’exposé écrit de Chypre, par. 98.

120Voir, par exemple, la contribution écrite des auteurs de la DUI, par. 9.33 et l’exposé écrit des Etats-Unis, p. 74
et suiv. - 49 -

Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro , de laquelle le Monténégro a fait sécession

en2006. Cela a été confirmé ici-même par cette Cour, dans son arrêt du 26février2007, en

l’affaire de la Bosnie-Herzégovine, et expliciteme nt reconnu, par exemple, par l’Allemagne dans

121
son exposé écrit .

27. Pour conclure cette partie de ma plai doirie, je ferai observer que les fondements sur

lesquels repose la thèse défendue par les auteurs de la DUI concernant la question à l’examen sont

de toute évidence bien peu solides en ce qu’ils se ré fèrent, d’une part, à l’absence de toute mention

interdisant explicitement la proclamation d’une d éclaration unilatérale d’indépendance et, d’autre

part, à une interprétation extraordinaire de l’inté grité territoriale qui transformerait ce principe en

une norme intérimaire ou temporaire, susceptible d’être subordonnée à certaines circonstances ou

conditions suite à une extrapolation faite à par tir d’une prétendue ambigüité d’un instrument

international.

73 V. La reconnaissance en tant que telle ne confère pas une licéité rétroactive,
pas plus qu’elle ne met fin à l’illicéité

28. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, d’aucuns ont déclaré que, quelle que fût la

situation au moment de la déclaration d’indépenda nce, les événements ultérieurs avaient mis fin à

122
toute illicéité ou corrigé toute insuffisance . Il s’agit là d’une tentative visant à détourner

l’attention de la Cour de la question qui lui a été posée.

29. Cette question est de savoir si la DUI adoptée par les institutio
ns provisoires

d’administration autonome du Kosovo, le 17février2008, est ou non licite. Et rien d’autre. Le

17février2008 est donc une date cr itique, qui a cristallisé les droits et obligations des parties

prenantes 123. Aucun événement survenu après cette da te, ou prétendument survenu après cette

date, ne peut avoir une incidence sur la licéité ou l’illicéité de la DUI, c’est-à-dire la question dont

la Cour est saisie.

121
Exposé écrit de l’Allemagne, p. 25. Voir aussi l’exposé écrit de la Serbie, par. 291 et suiv.
122Voir, par exemple, l’exposé écrit du Royaume-Uni, par.0.15 et les observations écrites du Royaume-Uni,

par. 46 c).
123Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 986 et suiv., et par. 1033 et suiv. ; et les observations écrites de la Serbie,
par. 501 et suiv. - 50 -

30. Bien entendu, au-delà de ça, la Serbie sou tient que, en vertu du droit international, aucun

124
acte unilatéral illicite ne saurait em porter de conséquences juridiques, ex injuria jus non oritur .

Dans l’affaire relative à la sécession du Québec, la Cour suprême du Canada a, elle aussi, posé les

principes suivants : «La reconnaissance internationale ne confère pas à elle seule le statut d’Etat et

il faut souligner qu’elle ne remonte pas à la date de la sécession pour servir rétroactivement de

source d’un droit «juridique» initial de faire sécessi on.», ajoutant, ce qui allait de soi: «Même si

elle était accordée, une telle reconnaissance ne fournirait toutefois aucune justification rétroactive à

125
l’acte de sécession, en vertu de la Constitution [du Canada] ou du droit international.»

31. Si tel n’était pas le cas, l’ordre juridique international serait sérieusement compromis car

un acte illicite ne peut être ultérieurement rendu lic ite par les actes d’Etats tiers. Si cette position

n’était pas admise, les actes unilatéraux illicites seraient légion et saperaient toute tentative de voir

régner un ordre juridique international.

32. En conséquence, quel que fût l’impact politique des déclarations de reconnaissance

⎯ sachant que les deux tiers des Etats formant la communauté internationale dans toutes les parties

74 du monde n’ont pas reconnu l’Etat du Kosovo et que les Nations Unies ne l’ont pas accepté en tant

que membre ⎯, le principe fondateur de l’intégrité territoriale n’a pas été altéré, et une sécession

illicite, unilatérale et non consensuelle n’est pas devenue un acte licite. La création d’un nouvel

Etat mêle effectivité et licéité. La reconnaissance en tant que telle ne peut légitimer un acte illicite

ni requalifier un acte illicite en acte licite, que ce soit en droit interne ou en droit international. De

toute façon, la question posée à la Cour par l’Assemblée générale exclut toute considération de ces

reconnaissances.

VI. Les critères définissant la qualité d’Etat ne sont pas remplis

33. Monsieur le président, Messi eurs de la Cour, la Serbie affirme que même si la DUI était

licite ⎯ ce qui bien entendu n’est pas le cas ⎯ la soi-disant «République du Kosovo» ne pourrait

de toute façon prétendre à la qualité d’Etat car el le ne remplit pas les différents critères factuels

124
Voir, par exemple, Conséquences juridiques de l’ édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
C.I.J. Recueil 2004, opinion individuelle du juge Elaraby, p. 254, par. 3. 1; voir aussi l’arrêt rendu dans l’affaire relative
au Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J. Recueil 1997, p. 76, par. 133.
12Cour suprême du Canada, renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 R.C.S. 217, par. 142 et 155. - 51 -

établis en droit international, et ce pour trois ra isons essentielles. Premiè rement, en raison de la

présence solidement établie d’organisations intern ationales au Kosovo, telles que la KFOR, la

MINUK et EULEX, qui assument des responsabilités assimilables à des compétences de

gouvernance, le Kosovo ne peut prétendre exercer un gouvernement effectif (premier critère).

Deuxièmement, étant donné les rôles dévolus au représentant spécial du Secrétaire général de

l’ONU et à la MINUK, le Kosovo ne peut prétendre avoir la capacité d’engager des relations

extérieures (deuxième critère). Troisièmement, les circonstances entourant la naissance de la

prétendue «République du Kosovo» reflètent une illicéité sous-jacente qui empêche cet «Etat»

d’être considéré comme tel en droit international. Je développerai brièvement chacun de ces trois

points, mais tiens à faire remarquer à ce stade que tous les organes internationaux concernés

fonctionnent, et continueront de fonctionner, dans le cadre expressément défini par la

résolution 1244.

34. En premier lieu, la KFOR, créée par la résolution 1244 et placée sous le commandement

126
de l’OTAN, continue d’être l’autorité militaire et de sécurité ultime sur le territoire . Elle compte

aujourd’hui quelque 14 000 hommes, et a pour manda t d’établir et de préserver un environnement

sûr au Kosovo et de garantir la liber té de mouvement de tous les citoyens 12. EULEX a été créée

128
par l’action commune du Conseil de l’Union européenne le 4 février 2008 et, contrairement aux

75 souhaits des autorités prétendument «indépendantes» 129, investie de pouvoirs étendus,

expressément énoncés dans l’action commune. Elle est notamment chargée d’assurer le maintien et

la promotion de l’Etat de droit, de l’ordre et de la sécurité publics, y compris, si nécessaire, en

modifiant ou en annulant des décisions opéra tionnelles prises par les autorités kosovares

130
compétentes . Comme cela a été confirmé par le Secrétaire général de l’ONU, EULEX opère

sous l’autorité générale de l’Organisation des NationsUnies et dans le cadre défini par la

126Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 975.
127
http://www.nato.int/cps/en/natolive/topics_48818.htm#objectives.
128
Action commune2008/124/PESC, telle que modifiée par l’action commune du Conseil 2009/445/PESC,
9 juin 2009.
129Voir les observations écrites de la Serbie, par. 510.

130Voir l’action commune 2008/124/PESC, art. 3. - 52 -

131
résolution 1244 . Il est dès lors difficile de soutenir que ces autorités «ind
épendantes» exercent

un contrôle effectif au sens où l’entend et l’exige le droit international.

35. En deuxième lieu, la MINUK établie par la résolution 1244, avec à sa tête le représentant

spécial du Secrétaire général de l’ONU, est dotée de pouvoirs étendus pour exercer des fonctions

essentielles en matière d’administration civile. Elle continue du reste d’opérer sur ce territoire.

Dans le chapitre8, paragraphei), du cadre constitutionnel pour une gouvernement autonome

132
provisoire au Kosovo , le représentant spécial se voit réserver, entre autres, le droit d’exercer des

pouvoirs et des responsabilités de caractère inte rnational, d’approuver le budget et la politique

monétaire, de conclure des accords avec des Etats et des organisations internationales dans tous les

domaines relevant de la résolution 1244, et d’enga ger des relations avec des Etats étrangers et des

organisations internationales dans l’accomplis sement de son mandat. C’est donc à la MINUK

qu’est dévolu un rôle important dans les relations extérieures de ce territoire, surtout avec les

133
organisations internationales . Dans ces conditions, il est impossible de soutenir que les

institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ont la capacité requise pour engager

des relations avec des Etats étrangers, tel qu’exigé par les critères définissant la qualité d’Etat.

36. En troisième lieu, d’aucuns soutiennent que le droit international actuel exige que tout

nouvel Etat soit créé dans des conditions qui ne soient pas incompatibles avec les principes

essentiels du droit international. Pour des raisons que la Serbie a clairement exposées ce matin, et

qui comprennent la violation du principe général de l’intégrité territoriale et la violation de la

résolution1244 du Conseil de sécurité, la préte ndue «République du Kosovo» ne satisfait pas le

critère de licéité, et ne peut donc pas être c onsidérée comme ayant acquis son indépendance dans

les conditions requises par le droit international. Sa prétendue déclaration d’indépendance est donc

entachée d’illicéité.

131
Voir, par exemple, les rapports du Secrétaire général sur la MINUK du 10 juin 2009 et du 30 septembre 2009,
S/2009/300, par.6 et S/2009/497, par.3, resp ectivement. Voir aussi E.deWet, «T he Governance of Kosovo: Security
Council Resolution 1244 and the Establishment and Functioning of EULEX», 103 AJIL, 2009, p. 83.
132Règlement UNMIK/Reg/2001/9 du 15mai2001, tel qu e modifié par les règlements UNMIK/Reg/2007/29

et UNMIK/Reg/2002/9.
133Voir, par exemple, l’exposé écrit de Chypre, par. 176 et suiv. - 53 -

VII. Conclusions

76 37. Je conclurai ainsi :

1. Le principe du respect de l’intégrité terale des Etats est un principe fondateur du droit

international.

2. Ce principe s’applique aussi bien aux Etat s qu’aux entités non étatiques dans un contexte non

consensuel.

3. Le principe de l’intégrité territoriale a été réaffirmé au cours du processus ayant conduit à

l’adoption de la résolution 1244 en ce qui concerne la RFY.

4. L’intégrité territoriale n’est pas un prinlimité dans le temps ni subordonné à certaines

circonstances ou conditions, et ne saurait être ainsi réinterprété ⎯ et ne l’a d’ailleurs pas été ⎯

par le processus ayant conduit à l’adoption de la résolution 1244.

5. La reconnaissance en tant que telle ne confpas une licéité rétroactive, pas plus qu’elle ne

met fin à l’illicéité ; ce qui était illicite le reste.

6. En tout état de cause, la DUI ne satisfait pas les critères permettant de prétendre à la qualité

d’Etat si l’on considère, d’une part, les conditions factuelles à remplir pour pouvoir exercer un

gouvernement effectif et engager des relations avec des Etats étrangers et, d’autre part, la licéité

qui doit caractériser le processus conduisant à l’acquisition et à la reconnaissance de la qualité

d’Etat.

38. Monsieur le président, Messieurs de Cour, voilà qui conclut mon exposé. Je vous

remercie de votre aimable attention. Je vous srai gré, Monsieur le président, de bien vouloir

appeler à la barre le professeur Kohen.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur le professeur Shaw, de votre exposé. Je

donne à présent la parole au professeur Kohen.

Mr. KOHEN:

THE A RGUMENTS OF SELF -DETERMINATION , LEGAL N EUTRALITY AND THE SUIG ENERIS
C HARACTER OF THE KOSOVO C ASE MUST BE DISMISSED

1. Mr.President, Members of the Court, it is a privilege and a great responsibility to

participate in these advisory proceedings, in or to defend the rule of law in international - 54 -

relations. I am particularly grateful to the demo cratic Government of Serbia for giving me this

opportunity.

2. I am going to expound the following three propositions:

77 ⎯ firstly, the principle of the right of peoples to self-determination does not constitute a legal

basis for the unilateral declaration of independence;

⎯ secondly, international law is not neutral as regards that declaration; and

⎯ thirdly, the argument of the alleged sui generis character of Kosovo does not alter the

application of the relevant rules, which point to the simple conclusion that the declaration does

not comply with international law.

A. The principle of self-determination is not a basis for the unilateral declaration of
independence

3. I shall begin by explaining why the principle of self-determination cannot serve as

justification for the unilateral declaration of i ndependence. There is no point in dwelling on the

importance of this fundamental principle of international law, which the Court has already noted in

the past 134 and which Serbia fully recognizes. It is well known that this principle is often relied on,

even though it may not be applicable to the situa tion concerned, or may be applicable in a manner

other than that claimed. The separatist movements found throughout the world all rely on the right

of peoples to self-determination. Yet relying on this right is one thing, enjoying it is another.

4. In the present case, the principle of self-determination is put forward somewhat timidly by

the separatists and their supporters. The Declar ation of 17February2008 does not even mention

the right to self-determination 135. Some participants, including the authors of the Declaration, even

136
go so far as to ask you not to rule on the question . Rather tangible signs of the lack of conviction

they have as to the legal validity of this argument. Those who rely on it do so either as justification

134Legal Consequences for States of the Continued Pres ence of South Africa in Namibia (South West Africa)
notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 31, para. 52; Western
Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975 , pp.31-32, paras.55-56; East Timor (Portugal v. Australia), Judgment,
I.C.J. Reports 1995, p.102, para.29; Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian
Territory, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2004, p. 172, para. 88 and p. 199, para. 156.

13Serbia, Written Statement, Anns., Vol. II, Ann. 2; cf. D’Argent, Pierre, ‘Kosovo: être ou ne pas être’, Journal
des tribunaux, Brussels, No.6307, 2008, p.262; Jia, Bing Bing, “The Independence of Kosovo: A Unique Case of
Secession?”, Chinese Journal of International Law, 2009, Vol. 8, No. 1, pp. 31-32.

13Albania, Written Comments, p. 34, para. 61; Authors, Written Contribution I, p. 157, para. 8.38; United States
of America, Written Comments, p.21; Norway, Written Observations, p.3, para.8; United Kingdom, Written
Statement, paras. 5.33 and 6.65. - 55 -

137
78 for the so-called “cessation remedy” , or by virtue of the referenc e to “the will of the people” in

the draft Rambouillet Accord 138, or ⎯ but by few of the partic ipants in these proceedings ⎯ as

being directly applicable to the present case 139.

5. Let it be said here and now: no resolution, of either the Security Council or the General

Assembly or any regional organization, accepts that the right of self-determination applies to the

Albanians in Kosovo or to the whole population of this Serbian province. This is an indisputable

fact. As categorically stated by the Swiss Government on 14April2008, in answer to a

parliamentary question: “Kosovo has never attain ed the status of a people with the right to

140
self-determination” .

6. The conclusion is simple: whenever th e United Nations has considered the principle

applicable, it has explicitly referred to it. It did so in the context of colonial, racist and foreign

141
domination ; it has, on the other hand, never done so ⎯ and I do mean never ⎯ in favour of a

national, religious or linguistic minority within St ates. So never with r espect to Kosovo, even

though it has explicitly considered this question. However, there has been no shortage of

opportunities for the Organization to assert and rec ognize this right, had it considered that a

79 separate people with the right to self-determinati on actually existed. But all that the Security

137Finland, Written Statement, pp. 4-5, paras. 9-10; Ireland, Written Statement, pp. 2, 8-10, paras. 27-32; Poland,
Written Statement, p.26, para.6.10; United Kingdom, Writte n Statement, p.92 (however, in its Written Comments,
pp.5-6, para.10, the United Kingdom considers that the Court should no apply this concept in this case); Contra:

Serbia, Written Statement, pp.214-230, paras.589-625, Written Comments, pp. 142-149, paras. 339-359; Argentina,
Written Statement, p.34, paras.85-86; Cyprus, Writte n Statement, pp.36-38, paras.140-147; Spain, Written
Comments, pp.5-6, para.8; Iran, Written Statement, pp.6-7, para.4.1; Romania, Written Statement, p.42, para.147,
p. 44, para. 156; Russia, Written Statement, pp. 36-38, paras. 97-103; Slovakia, Written Statement, para. 28.
138
Germany, Written Statement, p.39; Authors, Written ContributionII, p.80, para.4.40; United States of
America, Written Statement, pp.64-67; Netherlands, Wr itten Statement, p.7, para.3.3; United Kingdom, Written
Statement, p.69; Contra: Serbia, Written Statement, p. 125, para.340; Argentina, Written Statement, p. 39, para.99;
Argentina, Written Comments, p. 26, para. 60.
139
Albania, Written Statement, p.39, para.74; Authors, Written ContributionII, pp.80-86, paras.4.42-4.53;
Netherlands, Written Comments, p.5, Slovenia, Written Statement, pp.2-3; Switzerland, Written Statement, p.21,
para. 77; Contra: Serbia, Written Statement, pp.208-214, paras. 570-588; Argentina, Written Statement, p. 37,
para.95; Argentina, Written Comments, pp.26-27, paras. 59-61; Bolivia, Written Comments, p.6, paras.17-18;
Cyprus, Written Statement, p. 31, para. 123; Romania, Written Statement, p. 38, para. 131.

14014L’Assemblée fédérale, le Parlemen t suisse, Interpellation, Probléma tique reconnaissance du Kosovo,
Réponse du Conseil fédéral du 15.05.2008, available at:
http://www.parlement.ch/F/Suche/Pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20083010.

141For example, GA res.1724 (XVI), 20Dec.1961 (Algeria ), GA res.1573 (XX), 19Dec.1960 (Algeria), SC
re. 22, 22Nov. 972 (Guinea-Bissau), GA res. 061 ( XXVIII), 2Nov1. 972 (Guinea-Bissau), SC res. 56,
12 Aug. 1974 (Guinea-Bissau), SC res. 301, 20 Oct. 1971 (Namibia), SC res.384, 22Dec.1975 (East Timor), GA

re. 787 (XXVI), 6Dec1. 971 (Palestine), GA re. 236 (XXIX), 22Nov1. 974 (Palestine), GA re. 1/34,
30Nov.1976 (South Africa, Namibia, Zi mbabwe, Palestine), GA res.37/43, 3 Dec. 1982 (South Africa, Namibia,
Palestine), SC res.556, 23Oct.1984 (Sout h Africa), SC res.605, 22Dec.1987, (P alestine), SC res.672, 12Oct.1990
(Palestine), SC res. 1435, 24 Sept 2002 (Palestine). - 56 -

Council has done has been to require the sovereign State to conduct negotiations on the question of

the future status of Kosovo.

7. There is no ambiguity whatever in this area. In your Advisory Opinion of 9July2004,

you stated that “[a]s regards the principle of th e right of peoples to self-determination, the Court

observes that the existence of a ‘Palestinian people’ is no longer in issue” ( Legal Consequences of

the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory, Advisory Opinion, I.C.J.

Reports 2004, pp. 182-183, para. 118). It would be hard to say anything of the kind with respect to

the “Kosovar people”, which has not even once been designated in this way in the relevant

resolutions.

8. Neither the Peace Confer ence for Yugoslavia, nor the Badinter Commission, recognized

that Kosovo had a right to independence 142. The Kosovo Albanians have been treated like the

other minorities in the new States which emerged from the SFRY. The Badinter Commission did

not recognize that the Serbian populations in Croatia and Bosnia and Herzegovina had the right to

self-determination and there is no legal reason to treat the Albanian populations in Serbia

143
differently .

9. Within sovereign States, the principle of self-determination applies to the whole

144
population, including the minorities and indigenous peoples . This constitutes the internal aspect

of the principle. As my esteemed colleague James Crawford has asserted,

“outside the colonial context, the principl e of self-determination is not recognized as
giving rise to unilateral rights of secession by parts of independent States.

Self-determination outside the colonial context is primarily a process by which the
peoples of the various States determine thei r future through constitutional processes

without external interference. Faced with an expressed desire of part of its people to
secede, it is for the government of the State to decide how to respond, for example by
insisting that any change be carried out in accordance with constitutional processes.

80 In fact, no new State formed since 1945 outside the colonial context has be145admitted
to the United Nations over the opposition of the predecessor State.”

142
Serbia, Written Statement, pp. 103, 239-240, paras. 261-263, 651-652.
14Opinion No.2 of the Arbitration Comm ission for the former Yugoslavia, RGDIP, 1992, Vol.96, p.266
(11 Jan. 1992).

14GA res 61/295, 13 Sep. 2007, Arts. 3 and 46; Committee on the Elimination of Racial Discrimination, General
Recommendation No. 21, Right to self-determination, forty-eighth session, 1996, UN doc. A/51/18, para. 9; Reference re
secession of Quebec [1998] 2 SCR. 217, para. 126.

14Crawford, James, The Creation of States in International Law, 2nd ed., Oxford, Oxford University Press, 2006,
p. 415. - 57 -

10. During the negotiations on the future status, Serbia has shown the utmost flexibility,

146
proposing the greatest imaginable degree of autonomy for the province . But as has already been

shown, the Special Representative, as well as certain powers, was intent on separating Kosovo

147
from Serbia from the outset .

(a) The alleged “remedial secession” is not a rule of international law and, in any event, its

claimed conditions appear not to have been met

11. Aware that the principle of self-determination in its generally recognized meaning cannot

provide any justification for the unilateral declaration of independence, the authors of the

declaration and their supporters turned to a highly controversial theoretical argument. Serbia,

together with other States, has amply demonstrated that the alleged “secession remedy” does not

constitute a rule of international law. It has no basis either in a correct interpretation of General

Assembly resolution 2625, paragraph 7 148, or in the travaux préparatoires of that resolution 149, or

150
in the practice of States . In any event, even if it were an established rule, its alleged conditions

151
mentioned by legal writers would not be met in the present case .

81 12. The supporters of this argument overlook some of the key facts in the Kosovo question.

They forget that the separatists excluded themselves from the Yugoslav political process by

proclaiming their independence for the first time in 1991, by creating their own structures, by

boycotting the local and federal elections and by even refusing any contact with forces opposed to

152
the Milosevic régime . They forget that, during the 1990s, the Albanian political parties were

registered and that their participation in the el ections would have prevented Mr.Milosevic from

146See the speech by Mr. Boris Tadic, President of the Republic of Serbia, on 27 Nov. 2007 in Baden, available at
the following address: http://www.predsednik.rs/mwc/default.asp?c=303500&g=20071127103315&lng=….

147Serbia, Written Comments, pp. 53-59, paras. 101-114.
148148
General Assembly resolution 2625 (XXV), 24 Oct. 1970, “Declarati on on Principles of International Law
concerning Friendly Relations and Co-operation among States in accordance with the Charter of the United Nations”.
See Serbia, Written Statement, pp. 214-221.
149
Serbia, Written Statement, pp. 221-224.
150
Serbia, Written Statement, pp. 224- 229; Corten, Olivier, “Déclarati ons unilatérales d’indépendance et
reconnaissance prématurées : du Kosovo à l’Ossétie du sud et à l’Abkhazie”, RGDIP, 2008, Vol. 4, p. 726.
151
Serbia, Written Statement, pp.214-240, paras.589- 653, Written Comments, pp.142-149, paras.339-359;
Argentina, Written Statement, p. 34, paras. 85-86; Cyprus, Written Statement, pp. 36-38, paras. 140-147; Spain, Written
Comments, pp.5-6, para.8; Iran, Written Statement, pp.6-7, para.4.1; Romani a, Written Statement, p.42, para. 147,
p. 44, para. 156; Russia, Written Statement, pp. 36-38, paras. 97-103; Slovakia, Written Statement, para. 28.
152
Serbia, Written Statement, pp. 102-108 and 236-237, paras. 258-278 and 642-643. - 58 -

153
gaining power and subsequently holding onto it . They forget that it was the UCK which

triggered the internal armed conflict. Lastly, they forget that the Security Council and the OSCE

Kosovo Verification Mission condemned both the repression by the central authorities and the

terrorist acts perpetrated by the UCK, as well as the latter’s multiple violations of humanitarian law

and ceasefires 154.

13. If the “secession remedy” w as foreseeable, why was it not mentioned in 1999, in other

words at the direst moment in the human rights situation? On the contrary, on 28 September 1999,

the French Minister for Foreign Affairs, Hubert Védrine clearly stated that “the reasons which had

prompted opposition to the independence of Kosovo still remain valid today and that, in particular,

the American Administration’s position on this point had not altered” 15.

14. The argument of the “secession remedy” is definitively countered by another fact: the

living conditions of the minorities have for ten years been far better in the other regions of Serbia

than they are in Kosovo. As stated by the Council of Europe’s Comm ittee on Legal Affairs and

Human Rights stated in February2008, “it should be emphasized that in many respects national

82 minorities enjoy a far better protection of their rights in Vojvodina than anywhere else in

156
Serbia” . As regards the municipalities with major ity Albanian populations such as Preševo,

Bujanovac and Medvedja, all close to Kosovo, the Council of Europe’s Commissioner for Human

Rights stated in March of that year that “[r]elations between the [Albanese, Serbian and Roma]

ethnic groups are largely stable and improving throughout the three municipalities, with the

157
exception of the Roma who continue to be marginalized” . Serbia has in fact made major

progress in the affirmation of democracy and th e protection of human rights in general and

minority rights in particular. On the other hand, alas, the living conditions for non-Albanian

15Serbia, Written Statement, pp. 107-108, paras. 273-278.

15Serbia, Written Statement, pp. 113-128, paras. 290-348.
155
Sénat, affaires étrangères, défense et forces armées, Tuesda y 28 Sept.1992, available at: http://www.senat.fr/
commission/etr/d_etrg991002.html.
156
Council of Europe, Report of the Commission on Legal Affairs and Human Rights, Mr.JürgenHerrmann,
Rapporteur, “Situation of national minorities in Vojvodina and of the Romanian ethnic minority in Serbia”, 14 Feb. 2008,
Parliamentary Assembly, Do1c1.528,2p2., para 11.1, available at the following address:
http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc08/EDOC….
157
Council of Europe, Report by the Commissioner for Human Rights, Mr.ThomasHammarberg, on his visit to
Serbia (13-17Oct. 008), Strasbourg, 11Mar. 009, par. 65, available at: https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?
Ref=CommDH(2009)8&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=FEC65B&BackColorIntra
net=FEC65B&BackColorLogged=FFC679. - 59 -

populations in Kosovo remain extremely difficult. I would merely point out that non-Albanian

displaced persons are still unable to return to their homes; that forced disappearances have

occurred while the territory was wholly under United Nations administration and that the fate of

those concerned remains unknown” 158; that anti-Serb pogroms occurred in 2004 and that the

provisional institutions of self-government (I am quoting the Spanish Representative on the

Security Council) “attempted to use the viol ence for their own political objectives, calling for

159
83 independence and the transfer of UNMIK’s competencies” . All of this should shock the

conscience of the international community in th e same way as the other violent acts committed in

the Balkans.

15. Mr. President, Members of the Court, in no event does secession constitute a “remedy” to

the problems in Kosovo. Quite the contrary, the Un ilateral Declaration has aggravated inter-ethnic

160
tensions, as recognized by the Ombudsman for Kosovo . It has deepened the existing rift

between the communities in the province on the on e hand and between the latter and the rest of

Serbian territory on the other, further dividing th e Security Council, the European Union and the

international community as a whole.

16. This afternoon, you will certainly hear an idyllic depiction of the situation of the

non-Albanian populations. But you will probably not be told of the true problems, or you will be

told that the fault lies with Belgrade, as though the Serbian Government ⎯ which, moreover, does

not administer the territory ⎯ ought to yield to the separatist demands and recognize an alleged

independence proclaimed quite unlawfully.

158
Report of the Secretary-General on the United Na tions Interim Administration Mission in Kosovo,
16 Sep. 1999, UN Doc. S/1999/987, para.37; Report of the Secretary-General on the United Nations Interim
Administration Mission in Kosovo, 23 Dec. 1999, UN Doc. S/1999/1250, paras.16 and 70; Report of the
Secretary-General on the United Nations Interim Administra tion Mission in Kosovo, 3 Mar. 2000, UN Doc. S/2000/177,
para. 64; Report of the Secretary-General on the United Nations Interim Administration Mission in Kosovo, 6 Jun. 2000,
UN Doc.S/2000/538, paras.52-55; Report of the Secret ary-General on the United Nations Interim Administration
Mission in Kosovo, 18Sep.2000, UN Do c.S/2000/878, paras.41-42; Report of the Secretary-General on the United
Nations Interim Administratio n Mission in Kosovo, 15Dec.2000, UN Doc. S/2000/1196, para.41; Report of the
Secretary-General on the United Nations Interim Administration Mission in Kosovo, 2Oct.2001, UN Doc.S/2001/96,

para. 39.
159Mr. Arias (Spain), Security Council, 4947th meeting, 11 May 2004, United Nations, doc. S/PV/4967, p. 17.

160Ombudsman Institution in Kosovo, “Ei ghth Annual Report 2007-2008”, available at the following address:
http://www.ombudmanpersonkosovo.org, p. 37. - 60 -

(b) Regardless of the interpretation given to the expression “the will of the people” used at

Rambouillet, it is not the only decisive criterion

17. I now come to the expression “the will of the people” used in the “Rambouillet Accord”

and in other texts, notably in the Constituti onal Framework for Provisional Self-Government

adopted by the Secretary-General’s Special Representative 16.

18. The “Rambouillet Accord” envisaged, three years after its entry into force, the

establishment of a mechanism for a final settlement “on the basis of the will of the people, opinions

of relevant authorities, each Party’s efforts regarding the implementation of this Agreement and the

Helsinki Final Act”. Apart from the intentional ambiguity in the use of the term “people”, its

“will” here features as but one criterion among ot hers for initiating a process for determining the

fate of the territory. Had it been a people w ith the right to self-determination, the “Kosovar

84 people” would have the right to decide its fate independently of the views of the other actors

involved; yet neither Rambouillet nor resolution 1244 constitutes a process for the exercise of the

right of this alleged people to self-determination. Furthermore, the United Nations never envisaged

a unilateral decision. The reference to the Helsinki Final Act further confirms this view: this text

effectively stresses respect for territorial integrity and the intangibility of frontiers.

19. As regards the constitutional framework, the text itself explains that the choice of

Kosovo’s future status will follow a process in accordance with resolution1244 and “take full

account of all relevant factors including the will of the people” 162. Consequently, it adds nothing to

the question and provides no justification whatever for the unilateral declaration.

20. In its Written Comments, the United Stat es of America claims paternity for the

163
expression “the will of the people” and quotes President Jefferson to explain what it means . But

this does nothing whatever to advance the cause of secession, being if anything a reference to the

democratic principle within the State. Our American friends could certainly have quoted President

Abraham Lincoln’s celebrated phase: “Governme nt of the people, by the people, for the

161
Rambouillet Accord, 7 June 1999, United Nations, doc. S/1999/648; Constitutional Framework for Provisional
Self-Government, UNMIK/REG/2001/9, 15Ma y2001. See: Germany, Written Statement, p.39; Authors, Written
Contribution II, p.80, para.4.40; United States of Am erica, Written Statement, pp.64-67; Netherlands, Written
Statement, p. 7, para. 3.3; United Kingdom, Written Statement, p. 69.
162
UNMIK/REG/2001/9, 15 May 2001.
16United States of America, Written Statement, p. 29, footnote 89. - 61 -

164
people” . Of course, I realize that, in view of its present policy, it would have been highly

embarrassing to quote that phrase, uttered a few mont hs after the battle which marked the turning

point in its struggle against the Southern secessionists. A secession which President Lincoln

considered contrary to both the Constitution and international law 165.

21. However, let us return to the end of the twentieth century. The then French Minister for

Foreign Affairs, Hubert Védrine ⎯ perhaps the person most qualified to explain the content of the

“Rambouillet Accord” ⎯ clearly stated that the agreement “had not decided on the holding of a

referendum in Kosovo after the transitional peri od, as the Kosovars had demanded, but only a

85 review clause to take into account the wishes of the population” 166. Mr. Védrine reiterated this idea

following the adoption of resolution 1244: “Ne ither the Rambouillet Accord, nor any other text

envisaged a referendum on independence.” 167

22. Consequently, the mere reference to ta king the “will of the people” into consideration

among other factors, in the context of a political process does not justify the unilateral declaration

of independence.

B. International law regulates the Unilateral Declaration of Independence
and grants it no legal basis

23. I now come to the argument set forth as a last resort by the secessionists and their active

supporters. This argument can be broken down into two points: one states that declarations of

independence are not governed by internationa l law, the other claims that in any case the

independence of Kosovo is irreversible.

24. Mr. President, Members of the Court, if there were one territory on earth where secession

would not be allowed, Kosovo would be that terri tory. Apart from fundamental principles and

other applicable general rules of contemporary international law, in this case the territory in

164
“Address at Gettysburg, Pennsylvania”, 19N ov.1863, reproduced in Lincoln, Abraham, Selected Speeches
and Writings, New York, Vintage Books, 1992, p. 405.
165“First Inaugural Address”, 4 March 1861, in: Lincoln, Abraham, Selected Speeches and Writings, New York,
Vintage Books, 1992, pp. 288-290.

166Assemblée nationale, commission des affaires étrangères, compte rendu No.31, 13April1999 (séance
de 17 heures); available at: http://www.assemblee-nationale.fr/11/cr-cafe/98-99/c989931.asp.

167Assemblée nationale, commission de la défense nationale et des forces armées, compte rendu No.33,
22 June 1999 (séance de 18 h30); available at: http://www.assemblee-nationale.fr/11/cr-cdef/98-99/c9899038.asp. - 62 -

question is subject to an international régime est ablished by a Security Council resolution, which

168
expressly provides that a new resolution is re quired in order to terminate that régime . If we still

believe in the existence and the usefulness of the Organization, no-one has the right to modify and

contravene the legal framework defined by a binding Security Council resolution.

25. Members of the Court, imagine what the attitude of the States that defend the Unilateral

Declaration of Independence today would be if Serb ia had wanted to modify the territorial régime

established by resolution 1244, either by redefini ng the distribution of powers between Serbia and

the international administration or by terminating th at régime unilaterally. It would certainly have

been claimed that Serbia was in no position to act in this way, since such actions were contrary to
86

resolution1244. However, according to those same States the proclamation of independence by

the provisional institutions in Kosovo is not incompatible with resolution 1244!

26. According to the supporters of the th eory of legal neutrality as regards secession,

international law grants a State only the right to use all possible lawful means to maintain its

territorial integrity169. It is in fact a prerogative of a State, even if that is not all. If this proposition

were applied to the case of Kosovo, what would happen? Resolution 1244 has established a régime

of international administration over the territory. Se rbia would thus be materially deprived of its

right to take all measures available to it to guarant ee its territorial integrity. However, this is

exactly where the guarantee of respect for territorial integrity embodied in resolution1244 shows

its true value. In no circumstances could the United Nations be a party to a secessionist movement

of which it has never approved.

27. Mr. President, Members of the Court, mechanically repeating the mantra “the creation of

States is a fact, which is not governed by law” no longer reflects the reality of today. This is also

the recent expert opinion on which the Report of the Independent International Fact-Finding

Mission on the Conflict in Georgia set up by the European Union was based 170.

28. Indeed, the law did not remain neutral when many States achieved independence

following decolonization: these States were entitled to their creation under the principle of

168
Resolution 1244 (1999), para. 19.
169
United Kingdom, Written Comments, p. 21, para. 44.
170Report of the Independent International Fact-Finng Mission on the Conflict in Georgia, 30 Sep.2009,
available on http://www.ceiig.ch, Vol. II, pp. 136 and 137. - 63 -

self-determination. All the new States created after 1945 were formed in accordance with

international law, by the decolonization pro cess, by General Assembly resolutions, by the

dissolution of the predecessor State or ⎯ in the event of separation ⎯ by consent of the parent

State. In the same way, international law di d not remain neutral when confronted by entities

which, though cloaked in the factual attributes of a State, are not States, because their creation is

87 contrary to international law. Katanga, Rhodesia, North Cyprus and the Bantustans are examples

of unilateral declarations of independence explic itly considered by the United Nations to be

unlawful. On the other hand, Guinea-Bissau and Cape Verde 171 are examples of a unilateral

declaration of independence expressly regarded as lawful by the United Nations. The Lotus

principle 172has no place here 173. Of course, law without facts cannot create States, but neither can

facts without law. And here we are precisely in the latter situation, minus the facts because even

174
the effectivité of State control is lacking .

29. Lacking legal arguments, the supporters of secession are asking you to take an alleged

175
“irreversible reality” into account. But to what reality do they refer? The fact is that, despite the

formidable support ⎯ to put it mildly ⎯ of very powerful States, the predictions of the authors of

the Unilateral Declaration of Independence 176have not materialized. A few days before the

Unilateral Declaration, Mr.HashimThaci had ta ken the view that an independent Kosovo would

receive “massive international recognition from about 100 countries immediately after it is

proclaimed” 177. Almost two years later the reality is qu ite different. In fact the position is even

less “effective” than many other similar unlawfully self-proclaimed independence situations. The

only legitimate authority to administer the territory is still on the ground, the international force set

171
Serbia, Written Comments, pp. 92-94, paras. 206-211.
17“Lotus”, Judgment No. 9, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 10.

17Serbia, Written Statement, pp.350-356, paras. 1017-1032.

17Serbia, Written Statement, pp.332-338, paras. 966-985.
175
France, Written Statement, p. 19, paras. 1.13-1.14; United Kingdom, Written Comments, p. 2, para. 6.
176
“Kosovo will proclaim independen ce on 17Feb., Serbia says”, EUObserver.com, 8 Feb.2008, available on
http://euobserver.com/9/25629?rss rk = 1; “Serb President vows to preserve Kosovo”, ElEconomista.es, 15Feb. 2008,
available on http://www.eleconom ists.es/mercadocontinuo/noticias/366438/02/08/Serb-president-vows-to-preserve-
Kosovo.html; “Serbian president Tadic vows to preserve Kosovo”, China Daily, 16 Feb.2008, available on:
http://www.chinadaily.com.en/world/2008-02/16/content 6460182.htm.
177
‘Kosovo will proclaim independence on 17Feb., Serbia says’, EUObserver.com, 8 Feb.2008, available on
http://euobserver.com/9/25629?rss rk = 1. - 64 -

up by the Security Council remains the undisputed supreme authority on this question. The means

of fully restoring legality are simple and within easy reach.

30. The argument of an alleged “irreversible reality”, which would not change even if the

Court were to find the Unilateral Declaration to be unlawful, is an overt attempt to impose a fait

88 accompli. If the Unilateral Declaration of Independence is not in accordance with international law

it follows that it is devoid of effect. As your predecessor Sir Hirsch Lauterpacht observed:

“To admit that, apart from well-defined exceptions, an unlawful act, or its
immediate consequences may become suo vigore a source of legal right for the

wrongdoer is to introduce into the legal system a contradiction which cannot be solved
except by a denial of its legal character.” 178

31. It is time to put an end to such contem pt. It is time to make international players

understand that, whatever their material power may be, they must all respect international law. The

legal characterization of a fact or a situation also forms an integral part of reality. In the

circumstances of the present case, the consequences of your legal characterization may even be

easier to apply on the ground than in other more difficult contexts of control or of unlawful

territorial claims.

C. Neither does the alleged sui generis character of Kosovo justify the

Unilateral Declaration of Independence

32. I now come to the argument that Kosovo is sui generis in character, coupled with the

insistent assertion that the alleged independe nce of Kosovo does not constitute a “precedent” 17.

These arguments are an admission that a legal just ification is difficult to find. They propose

neither more nor less than the existence of a law uniquely applicable to Kosovo.

33. If every case is a unicum (Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine

Area (Canada/United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p.290, para. 81), in the

180
sense that it is different from others , each must be evaluated in the light of the rules of general

178Lauterpacht, Hirsch, Recognition in International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 1947, p. 421.

179Serbia, Written Comments, pp.77-80, pa ras. 162-169; Argentina, Written St atement, p.26, para.60, Written
Comments, pp. 18-19, paras. 33-35; Cyprus, Written Statement, p. 19, para. 78, Written Comments, pp. 14-15, para. 33.
Contra: Germany, Written Comments, p.6; Denmark, Written Statement, p.6; France, Written Statement, pp.42-43;
Japan, Written Statement, p.8; Luxembourg, Written Statem ent, p.3, para.5; Pola nd, Written Statement, p.24,
para. 5.2.5; Slovenia, Written Statement, p.2/3.

180Serbia, Written Comments, p. 67, para. 128. Cf. also Vollebaek, Knut, OSCE High Commissioner on National
Minorities, Address on Minority Rights in Kosovo, Humanitarian Law Centre Conference on Minority Rights in Practice,
Pristina, Kosovo, 11 Sep. 2008, available on http://www.osce.org/kosovo/13215.html, p. 5. - 65 -

181
and special international law applicable to it . Law is made up of abstract rules which apply

equally to all members of society. Concrete fa cts or situations call for identification of the
89

applicable rules. Our opponents are not even agreed on a single list of the factors that would make

182
Kosovo a case sui generis . Serbia has already refuted all the factors mentioned in support of the

alleged sui generis character, one after the other. Taken alone or together, they do not justify the

183
Unilateral Declaration of Independence .

34. I shall digress in order to refer briefly to two incorrect historical factors ⎯ among

others ⎯ mentioned in written comments to justify the alleged sui generis character of Kosovo 184.

They relate to the change in the status of Kos ovo in 1989. This change was made with the consent

of the Kosovo Assembly and the same applies to Vojvodina 185. The Constitutional Court of

Yugoslavia confirmed that the change of stat us was in accordance w ith the law in force 186.

187
Contrary to what the authors of the Unilateral Declaration claim , the Constitutional Court was

not a political body. It was certainly a judicial body constituted on an egalitarian basis, including a

judge from Kosovo of Albanian origin, and which had a long history of revoking legislation by the

republics ⎯ including legislation by Serbia ⎯ not in conformity with the Federal Constitution

(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide

(Croatia v. Serbia) , Preliminary objections by the Federal Republic of Yugoslavia,

September 2002) 188.

35. I now return the general considerations on the sui generis character of Kosovo. It is a

fact that whenever someone tries to evade the application of a rule, the exception argument is

advanced. Here, there is no exception provided for by any rule whatever that might be applicable.

The alleged “unique case” or sui generis would in fact be a very bad precedent. To accept this in a

18Serbia, Written Comments, pp.65-80, paras. 124-170.

18Serbia, Written Comments, pp.68-69, paras. 133-134.

18Serbia, Written Comments, pp.68-77, paras. 133-161.
184
Finland, Written Statement, pp. 5-6; Authors, Written Contribution I, pp. 51-58, paras. 3.23-3.28.
185
Serbia, Written Statement, pp. 76-77, para. 189; Serbia, Written Comments, pp. 51-52, paras. 97-98.
18Serbia, Written Comments, pp. 51-52, paras. 97-98.

18Authors, Written Contribution II, p. 38, para. 3.26.
188
Available on the Court site at the following address:
http://www.icj-cij.org/docket/index.php?pl=3&p2=3&k=73&case=118&code=cr…, pp. 104-109, paras. 4.24-4.31. - 66 -

legal form would set the seal on that wise saying of our English-speaking friends: “bad precedents

make bad law”.

Conclusions
90
36. Mr. President, I now come to my conclusi ons. Members of the Court, some States have

given their opinions before you ⎯ and I am very much afraid that they will continue to do so

during the oral phase ⎯ as if they were at an international conference to discuss the future of the

Serbian province of Kosovo. But we are here befo re the highest international court. The question

put to you is not whether the independence of Kosovo is a good idea or a bad one – and we think

that it is a very bad idea from any viewpoint; th e legal issue that arises is whether the local

autonomous organs created by the United Nations could unilaterally set themselves up as organs of

an allegedly independent State.

37. My colleagues have demonstrated that the Unilateral Declaration of Independence is

contrary to the régime set up by resolution1244 and that it infringes the territorial integrity of

Serbia. I have just shown that the principle of self-determination provides no justification for it,

and have emphasized that the case of Kosovo is governed by international law and must be

evaluated in the light of the applicable rules.

38. Mr.President, Members of the Court, I thank you for your attention and ask you,

Mr. President, to give the floor to Mr. Saša Obradović for a brief presentation of our conclusions.

Le PRESIDENT: Je vous remercie Mons ieur Kohen pour votre exposé et je donne

maintenant la parole à Monsieur Obradović.

OBMR. ADOVI Ć:

Résumé des arguments juridiques et des conclusions de la Serbie

1. Monsieur le président, Messieurs de la C our, j’ai le privilège exceptionnel de prendre de

nouveau la parole devant l’organe judiciaire principal des NationsUnies en ma qualité de

représentant de la République de Serbie. Ce ma tin, mes éminents collègues ont montré que la DUI

était contraire au droit international. Je vaimaintenant m’employer à faire la synthèse de nos

principaux arguments. - 67 -

2. Monsieur le président, la Serbie soutient que le droit international ne reste pas neutre à

l’égard de la déclaration unilatérale d’indépendance. Le Kosovo est soumis à un régime juridique

91 international créé par la ré solution1244 (1999) du Conseil de sécurité qui institue une

administration internationale au Kosovo, établit un processus politique en vue de déterminer le

statut futur de la province, n’autorise pas les tentatives de sécession unilatérale et réaffirme

l’intégrité territoriale de la Serbie.

3. Les auteurs de la DUI n’étaient pas habilit és à faire une telle déclaration. Cet acte ne

relevait pas des compétences qui sont les leurs en vertu de la résolution1244 (1999) et du cadre

constitutionnel pour le Kosovo. De fait, en adoptan t la DUI, ils ont agi en violation flagrante de

ces deux instruments ainsi que d’autres règles du droit international.

4. La DUI va à l’encontre, notamment, des règles ci-après du droit international :

a) le principe fondamental du respect de l’intégrité territoriale des Etats qui interdit toute sécession

non consensuelle d’avec des Etats indépendants ;

b) les règles du régime juridique international ins titué par la résolution 1244 (1999) du Conseil de

sécurité, garantissant l’intégrité territoriale de la Serbie et portant création de l’administration

des Nations Unies au Kosovo. Seul le Conseil de sécurité peut modifier ce régime ou y mettre

fin ;

c) les règles du régime juridique international ét abli par la résolution1244 (1999) qui prévoient

que le statut futur du Kosovo sera déterminé à l’issue d’un processus politique ne pouvant être

démantelé unilatéralement ou sapé par l’une quelconque des parties concernées.

5. Ces règles de droit international s’appliquent non seulement aux institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo mais aussi à tous les acteurs concernés dans la province. En

conséquence, l’adoption de la DUI, qu’elle ait été le fait d’un organe ou d’un groupe, est une

violation du droit international.

6. Il a également été démontré que le principe de l’autodétermination ne peut être invoqué à

l’appui de la DUI. Les Albanais du Kosovo ne constituent pas un «peuple» distinct habilité à

exercer le droit à l’autodétermination, et le Kosovo ne constitue pas non plus une unité

d’autodétermination habilitée à devenir un Etat séparé. En outre, le prétendu «droit à la sécession à

titre de recours» ne prouve en rien que la DUI est conforme au droit international. Premièrement, - 68 -

ceux qui l’invoquent n’ont pas pu en prouver l’existe nce en droit international. Deuxièmement, à

supposer qu’un tel droit existe (quad non), il est assorti d’un certain nombre de conditions énoncées

par ses partisans qui ne sont pas réunies dans le cas du Kosovo.

92 7. En outre, la reconnaissance de la prétendue «République du Kosovo» par une minorité

d’Etats ne saurait emporter licéité rétroactive. Nous avons montré que cette prétendue «République

du Kosovo» n’est pas dotée d’un gouv ernement réellement opérant, critère sans lequel il ne peut y

avoir d’Etat.

8. Enfin, je tiens à souligner que le Kosovo ne constitue pas un cas sui generis dans lequel un

droit à la sécession pourrait exister. Il existe un certain nombre de situations analogues dans le

monde et, à n’en pas douter, l’indépendan ce du Kosovo servirait de précédent pour des

mouvements séparatistes. L’idée même que le Kosovo puisse être considéré comme un cas sui

generis montre l’absence de fondements juridiques su ffisamment solides pour justifier sa tentative

de sécession d’avec la Serbie. Il y a lieu de sou ligner que, par principe, no us devons rejeter l’idée

que toute «situation exceptionnelle» pourrait justifier des violations du droit. Comme nous l’avons

déjà fait observer, chaque cas est unique en son genre, ce qui ne doit pas ni ne devrait empêcher

l’application du droit international.

9. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, cette procédure concerne une question de la

plus grande importance pour le dr oit international et l’ordre juridique des NationsUnies. Il y a

quelques jours, vous avez dit, Monsieur le président, que «le droit ne remplace certes ni la politique

ni l’économie mais [que], sans lu i, nous ne pouvons rien construire de façon pérenne dans le cadre

de la communauté internationale» 189. La Serbie partage ce point de vue et c’est pour cette raison

même qu’elle s’adresse à vous en l’instance.

10. Pour la République de Serbie :

1. la Cour internationale de Justice a compéten ce pour donner un avis consultatif dans la présente

instance et il n’existe aucune raison sérieuse qui puisse l’amener à s’y refuser ;

2. la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome

du Kosovo en date du 17 février 2008 n’est pas conforme au droit international.

189Discours de S. Exc. M. Hisashi Owada, présiden t de la Cour internationale de Justice, à la
soixante-quatrièmesession de l’Assemb lée générale des NationsUnies le 29octobre2009; disponible sur le site

web/Internet de la Cour : http://www.icj-cij.org/presscom/files/1/15591.pdf, p. 6. - 69 -

Au nom de la délégation serbe, permettez-mo i de vous exprimer notre sincère gratitude pour

l’attention que vous nous avez accordée. Je vous remercie.

93 Le PRESIDENT: Je vous remercie infiniment, M.Obradovi ć. Voilà qui met un terme à

l’exposé et aux observations présentés oralement par la Serbie. La Cour se réunira de nouveau cet

après-midi, à 15heures, pour entendre les auteurs de la déclaration unila térale d’indépendance

s’exprimer sur la question qui lui est posée. L’audience est levée.

L’audience est levée à 13 h 5.

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