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124-20101022-ORA-02-01-BI
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CR 2010/23 (traduction)

CR 2010/23 (translation)

Vendredi 22 octobre 2010 à 15 h 55

Friday 22 October 2010 at 3.55 p.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Je donne maintenant la parole à M. Rodman Bundy qui fera un exposé au

nom de la Colombie.

M. BUNDY :

LA QUESTION DE L ’INTÉRÊT D ’ORDRE JURIDIQUE QUI PEUT ÊTRE EN CAUSE EN L ’ESPÈCE

Introduction

1. Merci beaucoup, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour. Il m’incombe

cet après-midi de présenter le second tour de plaidoiries de la Colombie sur la requête à fin

d’intervention du Honduras. Mon exposé portera surt out sur la question centrale de savoir si le

Honduras a, dans la présente affaire, un intérêt d’ ordre juridique suffisant qui justifie sa demande

d’intervention, à tout le moins en tant que non-pa rtie. Mercredi, M. Crawford a examiné quelques

aspects de l’intervention en qualité de partie que la Cour pourrait juger pertinents pour l’examen de

cette question. Nous n’y reviendrons pas aujourd’hui et mon exposé sera donc très bref.

L’intérêt d’ordre juridique

2. Mercredi, M.Pellet a souligné que l’Etat qui demande à intervenir doit, aux termes de

l’article62 du Statut, re mplir deux conditions: i) il doit s’agir d’un intérêt d’ordre juridique et

ii) cet intérêt doit être en cause dans le règlement du litige [CR 2010/19, p. 14, par. 5].

3. La Colombie en convient. C’est pourquoi, dans l’exposé que j’ai présenté au début de la

semaine, j’avais dit qu’il fallait répondre à deux questions avant de se demander si le mode

d’intervention approprié pour l’Etat était en tant que partie ou en tant que non-partie. Ces deux

questions étaient les suivantes :

i) le Honduras peut-il mettre en avant l’existence d’un intérêt d’ordre juridique dans la partie

pertinente du rectangle qu’il a présenté ;

ii) le cas échéant, la délimitation qui sera décid ée est-elle, dans l’une quelconque des parties

de la zone maritime en litige entre la Colombie et le Nicaragua comprise dans ce rectangle,

de nature à affecter les intérêts juridiques du Honduras [CR 2010/20, p. 16, par. 9] ? - 3 -

11 4. S’agissant de la première condition, l’intérêt d’ordre juridique que met en avant le

Honduras réside dans ses droits et intérêts au titre du traité de délimitati on conclu par lui en 1986

avec la Colombie. Les relations conventionnelles bilatérales entre la Colombie et le Honduras

n’étaient pas en cause dans l’affaire Nicaragua c. Honduras et l’arrêt de 2007 ⎯ ce dont, je crois,

toutes les parties présentes aujourd’hui conviennent ⎯ne portait nullement atteinte au traité.

Sir Michael l’a fait observer hier : «[La Cour] ne pouvait le faire non plus car la Colombie n’était

pas Partie à la procédure, et la Cour ne s’est d onc pas prononcée sur les droits et obligations de la

Colombie en vertu du traité.» [CR 2010/21, p. 15, par. 24.]

5. Le Honduras et la Colombie reconnaissent tous deux que le traité est en vigueur et a force

obligatoire en ce qui les concerne. Il n’est pas en quelque sorte invalide, ainsi que l’a affirmé

M.Pellet il y a un instant, pour les deux Parties ⎯la Colombie et le Honduras ⎯et rien n’a été

avancé pour étayer cette prétention de M. Pellet. En conséquence, le Honduras continue d’avoir un

intérêt d’ordre juridique de par le traité de1986 et les zones qu’il concerne. C’est pourquoi la

Colombie considère que le Honduras remplit de f açon satisfaisante la première condition de

l’article 62 du Statut, à savoir l’existence d’un intérêt d’ordre juridique.

6. Pour autant, la Colombie ne souscrit pas à l’un des arguments présentés hier par

sirMichael. En réalité, il s’agit d’un raisonneme nt en trois points, mais les trois points sont

étroitement liés. Premièrement, sirMichael soutie nt que pour déterminer l’ allocation de la «zone

de délimitation» proposée par le Nicaragua ⎯c’est-à-dire la zone en rose située au nord du

15e parallèle ⎯ la Cour «devra inévitablement décider si le traité de1986 est en vigueur et s’il

accorde ou non à la Colombie des droits dans la zone en litige entre elle et le Nicaragua».

Deuxièmement, il soutient qu’en l’espèce «le statut et la teneur du traité de1986 sont en cause».

Troisièmement, sir Michael conclut : «Il est donc cl air que notre intervention «a réellement trait à

ce qui est l’objet de l’instance en cours»». [CR 2010/21, p. 15-16, par. 26.]

7. La Colombie exprime respectueusemen t son désaccord avec ce raisonnement. Pour

e e
délimiter les espaces situés au nord du 15 parallèle et à l’est du 82 méridien entre la Colombie et

le Nicaragua, la Cour n’a pas à décider si le traité de 1986 est en vigueur ni ce que ce traité accorde

à la Colombie. Tant que le traité est effectivem ent en vigueur, il n’est pas entaché de nullité pour

la Colombie et le Honduras. La tâche de la Cour , au stade du fond, est de délimiter la frontière - 4 -

maritime entre la Colombie et le Nicaragua, et non de déte rminer l’état des relations

12 conventionnelles entre la Colombie et le Honduras. Le statut et la teneur du traité de 1986 ne sont

donc pas en cause dans l’instance principale et ce traité n’a pas trait à l’objet de l’instance en cours.

8. Pour que l’on me comprenne bien, cela ne signifie pas que, si la Cour délimite des espaces

e
situés au nord du 15 parallèle entre la Colombie et le Nicaragua ⎯ou indique à tout le moins la

direction de la ligne frontière dans cet espace ⎯un intérêt d’ordre juridique n’est pas en cause

pour le Honduras. Parce que l’intérêt juridique en cause pour le Honduras continue de résider dans

le traité de1986, et que c’est un intérêt suffisant, de l’avis de la Colombie, pour justifier son

intervention. Mais la Cour n’a pas besoin de se prononcer sur le statut du traité de1986 pour

décider au principal.

L’intérêt en cause dans le différend

9. J’en viens maintenant à la seconde cond ition prescrite par l’article62: à savoir si les

droits et intérêts du Honduras da ns les espaces visés par le traité de 1986 peuvent être affectés par

la décision rendue en l’instance.

10. Mercredi, M.Pellet a sout enu qu’aucun intérêt de ce genre ne pouvait être en cause en

l’instance, parce que l’arrêt de2007 ( Différend territorial et maritim e entre le Nicaragua et le

Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicar agua c. Honduras), C.I.J. Recueil 2007 (II), arrêt du

8octobre2007) établit que les esp aces maritimes situés au sud de la bissectrice et au nord du
e
15 parallèle appartiennent au Nicaragua et non au Honduras et il a ajouté, ce qui a été répété il y a

quelques instants, que la Colombie ne pouvait avoi r aucun droit dans ces espaces, étant donné que

par le traité de 1986, selon les propres termes utili sés par M. Pellet, la Colombie a reconnu que son

intérêt juridique se limitait à la ligne de 1986 [CR 2010/19, p. 29, par. 43].

11. Lors du premier tour de plaidoiries, nous avons examiné longuement l’aspect relatif ou

relationnel des traités bilatéraux et les raisons pour lesquelles le traité de1986 n’empêche

e
nullement la Colombie de revendiquer des zones situées au nord du 15 parallèle à l’égard du

Nicaragua [CR2010/20, p.26, par.46 (Bundy); ibid., p.31-34, par.12-31 (Kohen)]. Je ne

reprendrai pas ici ces arguments. Je me conten terai de noter qu’il existe une tension entre les

arguments présentés par le Nicaragua cette semaine et ceux qu’il a avancés la semaine dernière. - 5 -

12. La semaine dernière, M. Re ichler a soutenu que le traité de 1977 entre la Colombie et le

CostaRica avait créé une situation objective sur laquelle le Nicaragua pouvait s’appuyer pour

s’opposer à toute revendication costaricienne au-d elà ou au nord de la ligne frontière de 1977.

Nous avons répondu à cet argument, comme l’a fait le CostaRica. Mais mercredi dernier,

M.Pellet a prétendu que le traité de1986 n’ava it pas créé de situation objective et n’était pas
13

opposable au Nicaragua, en invoquant le principe res inter alios acta et l’article34 de la

convention de Vienne [CR 2010/19, p. 31, par. 46]. Bien plus, le conseil du Nicaragua a cité avec

approbation le contre-mémoi re de la Colombie, où celle-ci décl arait: «C’est la question de la

délimitation entre la Colombie et le Nicaragua qui fait l’objet de la présente affaire. Cette question

n’était pas traitée dans le traité entre la Colomb ie et le Honduras.» [CR2010/19, p.29, par.42.]

Dans le sud, bien sûr, la Colombie, le Costa Rica et même le Nicaragua ont constamment, pendant

plus de troisdécennies, respecté les traités en vigueur, dont il a ét é question la semaine dernière.

Dans le nord, en revanche, le Nicaragua a élevé une protestation contre le traité de 1986, et la zone

est et continue d’être en litige.

13. Quant à l’arrêt de 2007, le conseil du Ni caragua reconnaît que cet arrêt ne touche aucun

droit des Etats tiers, au nombre desquels il a c ité la Colombie [CR2010/19, p.28, par.36] et

l’agent du Nicaragua a réitéré cette position cet ap rès-midi. M.Pellet a en outre souligné que

l’autorité de la chose jugée n’était que relative et qu’elle n’était obligatoire que pour les Parties au

litige et dans le cas qui a été décidé [CR2010/19, p. 29, par.42]. Néanmoins, le conseil a ajouté

que si la Cour n’avait pas fixé le point termin al de la frontière maritime du Nicaragua avec le

Honduras, c’était parce qu’une telle fixation aura it touché les droits d’Etats tiers, ce qui, a-t-il

prétendu mercredi et encore cet après-midi, ne co ncernerait que la Jamaïque, et non la Colombie

[CR 2010/19, p. 18, par. 15 ; ibid., p. 30, par. 44].

14. Or, ce raisonnement ne tient pas compte du fait que certains droits de la Colombie sont

en cause bien avant d’éventuels intérêts de la Jama ïque qui pourraient être touchés par l’arrêt de la

Cour de2007, point de vue que semblait d’aille urs partager le Honduras hier [CR2010/21, p.18,

par.25 (Wood)]. Au surplus, le c onseil, en avançant cette prétention, a fait fi, et je dirais malgré

tout le respect que je lui dois, a même déformé ce que la Cour a effectivement dit dans son arrêt et

la manière dont elle a illustré sa décision. - 6 -

15. Pour commencer, l’argument ne saurait êt re concilié avec le paragraphe 321 (3) du

dispositif. Comme la Cour le sait fort bien, elle a décidé dans ce paragraphe que «à partir du

point F, [la frontière] se poursuivra le long de la ligne d’azimut 70° 14' 41,25" jusqu’à atteindre la

zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits d’Etats tiers», sans spécifier aucun Etat

tiers.

14 16. Le Nicaragua a en outre, mercredi, remani é les croquis que la Cour a elle-même insérés

dans son arrêt à titre d’illustration. J’avais si gnalé que le seul croquis figurant dans l’arrêt sur

lequel on trouvait une flèche était le croquis n o 8 (arrêt, p. 762). Je n’ai pas dit qu’il s’agissait de la

seule illustration qui vaille, comme on m’en a accusé cet après-midi, j’ai dit que c’était le seul

e
croquis où figurait une flèche, ce qui est vrai. Cette flèche se trouve au 82 méridien, un peu à l’est.

Bien que l’on trouve également dans l’arrêt un autre croquis contenant une ligne en pointillé se

prolongeant vers la mer à partir de ce point, le Nicaragua, mercredi, a remanié cette carte, tout

d’abord en transformant la ligne en pointillé en ligne continue, puis en y plaçant une flèche à

e
l’extrémité du 80 méridien aux environs de la zone de ré gime commun. Ni l’une ni l’autre de ces

modifications ne correspond à l’arrêt de la Cour ni aux cartes de la Cour.

17. Selon moi, ce qu’essaie essentiellement de faire le Nicaragua, c’est de réécrire le

dispositif de la Cour. Plutôt que de dire qu’à partir du point F la ligne de délimitation se poursuivra

le long de la ligne d’azimut jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les

e
droits d’Etats tiers, le Nicaragua voudrait que le dispositif dise que «à partir du 80 méridien, la

frontière se poursuivra le long de la ligne corres pondant à l’azimut jusqu’à atteindre la zone dans

laquelle elle risque de mettre en cause les droits d’un Etat tiers ⎯la Jamaïque». Ce n’est pas ce

que dit le paragraphe 321 (3).

18. Cet après-midi, le conseil du Nicaragua, tout en faisant à nouveau valoir que la Jamaïque

est le seul Etat tiers pertinent, a soutenu que le traité de 1993 était dénué de pertinence. S’appuyant

sur la figure AP7 du dossier des juges, il a prétendu que le prolongement de la bissectrice passait au

nord de la zone de régime commun. Peut-être, bien que la ligne en pointillé de la Cour ne s’étende

pas aussi loin ⎯tant s’en faut ⎯ que le croquis du professeurPellet, mais j’invite la Cour à se

rappeler que le traité de1993 cr éait dans cette région une zone de régime commun en vertu de - 7 -

laquelle la Colombie ne renonçait nullement à ses droits et à ses revendications maritimes au nord

de Serranilla et de Bajo Nuevo à l’égard de la Jamaïque, ni d’ailleurs d’aucun autre Etat.

19. A l’ouest, nous avons déjà expliqué pourq uoi les revendications maritimes colombiennes

e
vis-à-vis du Nicaragua ne sont pas limitées par le 15 parallèle, qui a fait l’objet d’un accord avec le

Honduras dans un cadre complètement différent qui prenait en compte des circonstances

pertinentes complètement différentes. A l’égard du Nicaragua, les revendications maritimes

e
colombiennes s’étendent effectivement au nord du 15 parallèle et c’est sur ces revendications que

portera la délimitation avec le Nicaragua au st ade du fond en l’espèce. Dans un passage de son
15

arrêt que le conseil du Nicaragua n’a pas évoqué me rcredi, la Cour a indi qué, au paragraphe318,

qu’elle s’était penchée sur certains intérêts d’Etats tiers tels qu’ils résultent de traités bilatéraux

conclus entre pays de la région. Mais la Cour a ajouté que l’examen auquel elle avait procédé de

ces divers intérêts «était sans préjudice de tous au tres intérêts légitimes d’Etats tiers dans la zone»

(arrêt du 8 octobre 2007, p. 759, par. 318), tous autres intérêts légitimes d’Etats tiers.

20. La Colombie a justement des intérêts légitimes qui ne découlent ni ne dépendent du traité

de1986. Comme je l’ai dit, les titres colomb iens sur 200miles marins engendrés par ses îles
e
s’étendent au nord du 15 parallèle. Il s’agit là de titres légiti mes en vertu du droit international.

La ligne médiane que revendique la Colombie dans la présente instance est tout aussi légitime. La

position colombienne respecte la règle «équidistance-c irconstances spéciales» si clairement établie

par la jurisprudence de la Cour. Or, cette ligne médiane pénètre dans des espaces compris dans le

e
rectangle hondurien, un peu à l’est du 82 méridien, qui est la limite occidentale de l’archipel de

San Andrès.

21. Ainsi que le conseil du Honduras l’a noté hier, la ligne médiane revendiquée «confirme

l’intérêt de la Colombie dans la zone située à l’est du 82 eméridien» [CR2010/21, p.14, par.23

(Wood)]. En d’autres termes, les revendications de la Colombie touchent une zone dans laquelle la

Cour a expressément réservé les droits des Etats tie rs en ne fixant pas le point terminal de la

frontière Nicaragua-Honduras. C’est la zone couve rte par la ligne en pointillé de la Cour.

Comment une revendication fondée sur l’équidistance, qui par définition laisse du côté colombien

de la frontière des espaces maritimes qui sont plus proches de son territoire que du territoire

nicaraguayen, peut-elle ne pas être considérée comme constituant un intérêt légitime ? Je note à cet - 8 -

égard que cet après-midi même, M.Pellet a dit que, en tant que défenderesse en l’instance, la

Colombie pouvait affirmer les droits qu’elle estima it avoir, et ces droits s’étendent au nord du
e
15 parallèle à l’égard du Nicaragua.

22. En réalité, la Colombie et le Nicaragua ont des prétentions concurrentes dans le rectangle

e
hondurien au nord du 15 parallèle. C’est ce qu’a reconnu l’ém inent agent du Nicaragua lui-même

lorsqu’il a évoqué la figure 3.1 de la réplique du Nicaragua. Comme l’agent l’a déclaré mercredi,

la figure 3.1.

16 «illustre la zone de délim itation générée par l’ensemble des côtes continentales du

Nicaragua et de la Colombie. Elle ne représente naturellement pas les zones sur
lesquelles le Nicaragua fait valoir des prét entions mais…la zone sur laquelle il
revendique un titre susceptible d’être géné ré par les deux côtes continentales.»
[CR 2010/19, p. 11, par. 10.]

23. Nous n’acceptons pas, de ce côté-ci de la barre, le fait que la zone pertinente postulée par

le Nicaragua ⎯et je note que cet après-midi la figure 3.1 du Nicaragua, de z one de délimitation

qu’elle était, semble maintenant êt re devenue le cont exte géographique ⎯nous n’acceptons pas

que la zone pertinente postulée par le Nicaragua s’ étende jusqu’à proximité de la côte continentale

colombienne, qui se trouve à plus de 400 miles marins du Nicaragua et qui n’est par conséquent pas

une côte pertinente aux fins de la délimitation. Selon la Colomb ie, la zone pertinente pour la

délimitation se trouve entre les îles de l’archipel de SanAndrès, qui génèrent leurs propres titres

maritimes, et la côte nicaraguayenne ⎯zone dont il a été amplement question au cours des deux

dernières semaines. Cette question fera sans au cun doute l’objet de débats lorsque nous en

viendrons au fond. Du moins les Parties s’accord ent-elles sur le fait que leurs prétentions se

e
chevauchent au nord du 15 parallèle ainsi que le montre la figure 3.1. du Nicaragua. Etant donné

que ces zones chevauchent également une partie du rectangle hondurien, qui représente selon le

Honduras son intérêt d’ordre juridique au titre du traité de1986, cet intérêt est en cause en

l’instance.

24. Le Nicaragua semble considérer que la Cour, dans son arrêt de 2007, a déjà jugé à

l’avance cet aspect de l’affaire nicaraguayo-colombienne en excluant toute prétention colombienne

vis-à-vis du Nicaragua au nord du 15 eparallèle. Il ne peut en être ainsi. En vertu du principe

énoncé par la Cour elle-même dans ledit arrêt, selon lequel elle «ne saurait statuer sur une question

si, pour ce faire, les droits d’une tierce partie qui ne comparaît pas devant elle doivent d’abord être - 9 -

déterminés» (arrêt de2007, p.756, par.312), et, bien entendu, des dispositions de l’article59 du

Statut, la Colombie ne croit pas que la Cour ait voulu statuer à l’avance sur les demandes ou le fond

en cause dans le litige entre la Colombie et le Nicaragua dans cette zone, ni qu’elle l’ait fait.

25. Lors du premier tour de plaidoiries mercredi, M. Pellet a souligné que la frontière entre le

Nicaragua et la Colombie était «relative». Je le cite : «C’est une frontière relative uniquement au

Nicaragua et à la Colombie» et il a ajouté qu’elle n’aurait aucune incidence sur les droits d’Etats

tiers [CR2010/19, p. 26, par. 31]. Si l’on suit ce même raisonnement, l’arrêt de 2007 est également

17 «relatif» au Nicaragua et au Honduras : il n’a et ne peut avoir aucune incidence sur les droits de la

Colombie.

e
26. Une chose est certaine: les espaces situés au nord du 15 parallèle et à l’est du
e
82 méridien sont en litige dans l’instance princi pale et ces espaces chevau chent ceux à l’intérieur

desquels le Honduras a un intérêt d’ordre juridique en vertu du traité de1986. De l’avis de la

Colombie, il en découle que le Honduras remplit également la seconde condition de

l’article 62 ⎯ à savoir que son intérêt d’ordre juridique est en cause en l’instance.

27. Pourtant, lorsque nous prenons cette déci sion, Monsieur le président, on nous accuse

toujours, de ce côté-ci de la barre, de participer à une sorte de complot pour contenir le Nicaragua.

Nous l’avons entendu la semaine dernière, s’agissant du sud, à propos de traités contre lesquels le

Nicaragua n’a élevé aucune protestation, et nous l’avons entendu encore une fois s’agissant du

nord, même si le traité de1986 entre la Colombie et le Honduras était le résultat de négociations

très ardues et prolongées. Il ne s’agissait pas d’ un résultat préconçu, ourdi et dirigé contre une

tierce partie.

28. De toute évidence, car cet après-midi M. Pe llet a effectivement dit que la Colombie et le

Honduras faisaient cause commune dans la présente instance ⎯ qu’ils étaient «des

compères» ⎯du moins c’est ce qui ressortait des termes utilisés par les interprètes ⎯ de toute

évidence, la Colombie a tort, quoi qu’elle fasse ! Si nous estimons, comme nous le faisons, que le

Honduras remplit les conditions de l’article62 du St atut, du moins aux fins d’une intervention en

tant que non-partie, on nous accuse de nous liguer contre le Nicaragua. Si nous étions parvenus à

la conclusion indépendante que le Honduras ne remplissait pas ces conditions, on nous aurait

accusés de nous liguer contre le Honduras! La Colombie a simplement présenté à la Cour son - 10 -

interprétation honnête de la situation. Et comme je l’ai dit, la position de la Colombie est que, en

ce qui concerne l’intervention en tant que non- partie, le Honduras remplit les conditions de

l’article 62 du Statut.

29. Monsieur le président, ceci met fin à mon exposé et je vous serais reconnaissant de bien

vouloir donner la parole à l’agent de la Colomb ie qui présentera ses remarques finales, et je

remercie beaucoup la Cour de son attention.

Le PRESIDENT: Je remercie M.RodmanBund y pour sa déclaration. J’invite maintenant

M. Julio Londoño Paredes, l’agent de la Colombie, à présenter des observations de clôture.

18 M. LONDOÑO :

DÉCLARATION FINALE ET CONCLUSIONS

1. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs

de la Cour, la présente procédure incidente porte uniquement sur la question de savoir s’il convient

ou non d’autoriser le Honduras à intervenir en l’a ffaire. Les revendications du Nicaragua à l’égard

de la Colombie ne peuvent, quant à elles, être traitées qu’au stade du fond, et non maintenant.

2. Que la Cour décide ou non d’autoriser le Honduras à intervenir, en tant que partie ou non,

ne préjugera aucunement la décision qu’elle rendra au fond dans l’instance principale. De la même

manière, conformément à l’article59 du Statut de la Cour et à la jurisprudence de celle-ci, l’arrêt

rendu en2007 en l’affaire Nicaragua c.Honduras n’a aucunement préjugé l’issue du différend

opposant la Colombie au Nicaragua, sur lequel cette affaire ne portait pas.

3. Le dispositif de l’arrêt de 2007 énonce claire ment que, à partir du point F, la frontière «se

poursuivra le long de la ligne d’azimut 70°14'41, 25" jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle

risque de mettre en cause les droits d’Etats tiers» (arrêt du 8octobre2007, p.763, point3 du

paragraphe 321). La Colombie est l’un de ces Etats tiers et elle ne saurait admettre ce qui a été dit

ici, à savoir que seule la Jamaïque le serait.

4. C’est en 1975 que le Honduras a, pour la première fois, revendiqué des droits sur

Serranilla et les zones maritimes adjacentes à ce tte formation. Le traité de1986—accord

purement bilatéral—a été conclu à la suite de ce tte revendication et en raison de l’existence de - 11 -

droits maritimes se chevauchant entre les cô tes honduriennes et les îles de l’archipel de

San Andrés, en particulier Providencia, Serrana et Serranilla. Conformément au droit international,

il est reconnu plein effet à ces îles en matière de droit à des espaces maritimes au nord du

15 parallèle. Dès lors, ainsi que cela a été expliqué au cours de la présente procédure, les droits

relatifs à ces zones ne sont pas affectés en ce qui concerne le Nicaragua.

5. Outre qu’il établissait la frontière maritime entre le Honduras et la Colombie, le traité

de 1986 réglait d’autres questions qui ne sont pas en jeu en la présente affaire. En ce qui concerne

les questions de souveraineté territoriale, le tr aité de1986 ne laisse subsister aucun doute. La

Colombie souhaite indiquer clairement que ni la validité dudit traité, ni la question de savoir s’il est

ou non en vigueur ne sont posées en la présente affaire.

19 6. Il est donc clair que d’autres Etats, y compris le Honduras au nord, ont des droits et

intérêts dans cette même zone, prise au sens large. Si l’un quelconque de ces Etats peut démontrer

que ses intérêts sont en cause en l’espèce, il devrait être autorisé à exprimer ses vues en intervenant

afin de présenter et de protéger ses intérêts. Bien qu’il incombe à chaque Etat souhaitant intervenir

d’établir ce qu’il avance, la Colombie considère que l’existence d’un intérêt d’ordre juridique

susceptible d’être affecté par une décision en l’affaire a été démontrée. C’est pourquoi elle ne s’est

pas opposée à la demande du Honduras.

7. La Colombie et la Jamaïque ont créé une zone de régime commun en vertu d’un traité

conclu en1993, zone qu’elles ont depuis lors e xploitée et réglementée. La zone de régime

commun visée par cet accord ne portait cependant pas atteinte aux droits de Serranilla et

Bajo Nuevo à un plateau continental ou à une zone économique exclusive.

8. Contrairement aux réactions suscitées par le traité de 1986, ni le Nicaragua ni aucun autre

Etat ne s’est élevé contre le traité de 1993 ou contre les activités menées en vertu de celui-ci.

Conclusions

9. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, par égard et respect pour la

Cour, je ne céderai pas à la tentation de me référer aux déclarations complaisantes faites, à

différentes occasions, par l’agent du Nicaragua et d’autres hauts représentants de celui-ci

relativement à l’affaire. - 12 -

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour,

Pour les raisons exposées au cours de cette procédure et dans le cadre que je viens d’exposer,

mon gouvernement souhaite réitérer ce qu’il a exposé dans ses observations écrites, à savoir que,

de l’avis de la Colombie, le Honduras remplit les conditions établies à l’article 62 du Statut et que,

par conséquent, la Colombie ne s’oppose pas à la demande du Honduras à fin d’intervention

comme non-partie dans la présente affaire. Qu ant à la demande du Honduras à fin d’intervention

comme partie, la Colombie réaffirme qu’il appart ient à la Cour de se prononcer sur le sujet,

conformément à l’article 62 du Statut.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi, au nom des

membres de la délégation colombienne et en m on nom propre, de vous remercier très sincèrement

pour votre attention.

Permettez-moi également d’adresser mes remerciements au greffier de la Cour, au personnel

du Greffe ainsi qu’aux interprètes.

20 Je vous remercie, Monsieur le président.

Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur Julio Londoño Paredes pour votre déclaration

finale.

Ainsi s’achève le second tour de plaidoiries de la Colombie. Voilà qui nous amène à la fin

de la semaine d’audiences consacrée aux plai doiries du Honduras et des Parties, à savoir le

Nicaragua et la Colombie. La Cour a dûment pr is note des conclusions présentées par l’agent du

Honduras ainsi que par les Parties à la fin de ce sec ond tour de plaidoiries. Je tiens à adresser mes

remerciements aux agents, conseils et avocats pour leurs exposés.

Conformément à la pratique habituelle, je prie rai les agents des Parties ainsi que l’agent du

Honduras de demeurer à la disposition de la Cour pour tous renseignements complémentaires dont

celle-ci pourrait avoir besoin.

Sous cette réserve, je déclare maintenant close la procédure orale relative à l’admission de la

requête à fin d’intervention du Honduras en l’affaire du Différend territorial et maritime

(Nicaragua c. Colombie). La Cour va à présent se retirer pour délibérer. Les agents des Parties et

l’agent du Honduras seront avisés en temps utile de la date à laquelle la Cour rendra son arrêt. - 13 -

La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.

L’audience est levée à 16 h 30.

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