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CR 2010/16 (traduction)

CR 2010/16 (translation)

Vendredi 15 octobre 2010 à 15 heures

Friday 15 October 2010 at 3 p.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre le second tour de plaidoiries du Nicaragua et de la Colombie. Je donne

tout d’abord la parole à S. Exc. M. l’ambassadeur Carlos Argüello Gómez, agent du Nicaragua.

M. ARGÜELLO GÓMEZ :

1. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs

de la Cour. Mercredi dernier, nous avons assi sté à un double tour de plaidoiries quelque peu

inhabituel. Le premier à plaider était le Nicara gua, qui a utilisé le temps de parole qui lui était

alloué à examiner la question dont la Cour est actuellement saisie, à savoir la requête du Costa Rica

à fin d’intervention en l’affaire.

2. Est ensuite venu le tour de la Colombie et, bien que celle-ci se soit occasionnellement

référée en passant à la requête costa-ricienne, elle a consacré l’essentiel de son temps de parole au

fond de l’affaire Nicaragua c.Colombie . De toute évidence, elle ne répondait pas là à ce que le

Nicaragua venait tout juste d’exposer puisque, mis à part ses quelques observations rhétoriques sur

les plaidoiries nicaraguayennes, elle s’est intéressée exclusivement à des questions touchant le fond

de l’affaire et non la présente procédure incidente.

3. Au début de son intervention, l’agent de la République de Colombie a clamé qu’«il

n’[était] pas dans [s]on intention d’aborder des questions qui ne relèvent pas de l’objet de la requête

1
à fin d’intervention du CostaRica» . Mais c’est précisément ce qu’il a fait juste après, en se

lançant dans une présentation générale des vues de la Colombie sur l’histoire géopolitique de la

partie sud-ouest des Caraïbes. Cette question ne relevait certainement pas de l’objet de la requête à

fin d’intervention du Costa Rica. Elle avait déjà été traitée abondamment par la Colombie dans son

argumentation sur les exceptions préliminaires puis à nouveau dans ses exposés sur le fond.

M.Bundy et le professeurCrawford ont fait de mê me. Leurs présentations tournaient autour des

principaux thèmes de la thèse de la Colombie sur le fond. La Colombie pense apparemment que, à

force de se répéter, elle finira par donner un semblant de crédibilité à ses idées sur le fond.

1
CR 2010/14, p. 10, par. 3 (Londoño). - 3 -

4. Une requête à fin d’intervention déclenche une procédure incidente et les exposés y

afférents doivent avoir trait à la question incidente qui a été portée devant la Cour sans déborder sur

11 le fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictemen t nécessaire à cette fin. Cet impératif s’applique

d’autant plus au stade de la procédure orale, car celle-ci se tient par définition devant le public et

les Etats ne doivent pas être acculés à répondre au débotté à des questions relevant du fond.

5. En outre, comme je l’ai fait observer lors de mon premier exposé, la présente procédure

engendre des coûts très importants, en termes de temps et de ressources, en particulier pour le

Nicaragua. J’ajouterai qu’elle coûte également b eaucoup de temps et de ressources à la Cour. Il

est dommage qu’une telle occasion ait été largem ent gâchée, la procédure incidente se trouvant

détournée en procédure au fond.

6. La Colombie a eu le loisir de plaider su r le fond de l’affaire deux heures durant et le

Nicaragua n’a plus que l’heure d’aujourd’hui p our répondre non seulement aux arguments avancés

hier par le Costa Rica mais aussi à l’incursion que la Colombie a faite à toute force dans le fond

mercredi dernier. Et la Colombie aura encore le dernier mot à la fin de cet après-midi. Dans ces

circonstances, il ne serait guère réaliste de la part du Nicaragua de tenter de défendre sa thèse sur le

fond lors de la courte audience de cet après-midi.

7. Pour cette raison, d’une manière généra le, le Nicaragua réserve sa position concernant

toutes les affirmations et prétentions de la Colomb ie sur le fond de l’affaire et renverra simplement

à ses écritures sur le fond, qui traitent toutes les questions fondamentales, abstraction faite,

naturellement, des mots d’esprit qui ont parfois agrémenté les présentes plaidoiries.

8. Ainsi, pour toute réponse à ce que la Colomb ie a exposé mercredi dernier, le Nicaragua se

bornera à isoler et à mettre en perspective certa ines des observations —pour ne pas dire certains

des arguments— qu’elle a avancés. Bien entendu, le Nicaragua ne peut que réserver sa position

quant à ce que la Colombie dira dans la suite de cet après-midi. Peut-être pourrait-elle, dans un

sursaut d’amour propre, limiter ses exposés à la seule question qui intéresse actuellement la Cour.

9. Je dirai tout d’abord un mot sur l’aperçu historique donné par l’agent de la Colombie et

reviendrai très brièvement sur la géographie du sect eur, telle qu’exposée par M. Bundy, afin de la

replacer dans son juste contexte. - 4 -

10. Monsieur le président, la Cour ne nous tiendra pas rigueur de prendre quelques minutes

pour répondre à la présentation totalement inutile que l’éminent agent de la Colombie a faite du

contexte historique tel que celle-c i le conçoit. Certes, la questi on est amplement traitée dans le

mémoire du Nicaragua. Mais puisqu’il s’agit d’une audience publique et que la Colombie a pu

donner sa version au public, nous devons lui répondre en public, fût-ce de façon condensée.

11. L’éminent agent de la Colombie a présenté certaines images pour illustrer l’évolution du

titre territorial dans l’histoire depuis le début du XIX siècle.

12 12. La première image (CAG1) présente la Colombie comme détenteur du titre souverain

non seulement sur ce qui correspond à l’actuel Panama , mais aussi sur de vastes parties des côtes

caraïbes du Nicaragua et du Costa Rica, ainsi que sur les îles situées au large de la côte

nicaraguayenne. C’est là un affront à l’histoi re. La vice-royauté de SantaFé, qui a donné

naissance à la Colombie, était une entité distinct e de la Capitainerie générale du Guatemala, dont

faisaient partie les territoires actuels du Nicara gua et du Costa Rica, ainsi que leurs îles, comme

vous pouvez le voir à l’écran (CAG 2).

13. L’image suivante présentée par la Colo mbie (CAG3) est censée illustrer la situation

après que le président français Emile Loubet, da ns sa sentence arbitrale du 11septembre1900

concernant certaines questions de souveraineté pos ées par le Costa Rica et par la Colombie, eut

conclu que le littoral caraïbe du Costa Rica faisai t partie du territoire hérité par celui-ci de la

Capitainerie générale du Guatemala. Il est intére ssant de signaler que la Colombie a affirmé avoir

eu l’intention tout au long du XIX esiècle de reconnaître le te rritoire en question comme

appartenant au Costa Rica. C’est là une distorsion de l’histoire — si tel avait été le cas, pourquoi

cet arbitrage aurait-il été nécessaire?— à laquelle le Costa Rica a pourtant acquiescé par son

silence. Toujours est-il que la sentence Loubet a réduit à néant la prétention de la Colombie non

seulement sur la côte caraïbe du Costa Rica mais aussi, naturellement, sur l’ensemble de cette zone.

La Colombie se basait en effet sur les mêmes arguments et précédents historiques pour revendiquer

la côte caraïbe du Nicaragua. Donc, dans la pra tique, cette sentence a eu pour effet d’effacer toute

la partie verte qui longe la faça de caraïbe du Nicaragua sur cette image pour rétablir la situation

telle qu’elle existait à l’époque coloniale : l’uti possidetis juris (CAG 4 : CAG 2). - 5 -

14. Dans le cadre de l’arbitrage Loubet, la Colombie revendiquait les îles situées au large de

la côte nicaraguayenne. Le Costa Rica n’ayant formulé aucune revendication sur ces îles, l’arbitre

les attribua naturellement à la Colombie. Le Nicaragua n’était pas partie à cet arbitrage et, dès

qu’il eut vent des manŒuvres colombiennes, il protest a contre l’attribution des îles à la Colombie.

Le ministre des affaires étrangères de la France, ThéophileDelcassé, répondit au nom du

présidentLoubet le 22octobre1900 que «les droits du Nicaragua sur ces îles restent inchangés et

intacts comme auparavant, l’arbitre n’ayant aucunement eu l’intention de trancher une question non

soumise à son jugement» 2.

15. Ce fut seulement en 1928 que le Nicaragua, alors sous occupation militaire, fut contraint
13

de signer un traité portant cession de trois îles à la Colombie: il s’agissait de SanAndrés, de

Providencia et de Santa Catalina, que voici à l’écr an. Le titre sur l’ensemb le des autres îlots et

cayes resta inchangé. Dans son arrêt du 13décembr e2007, la Cour a conclu qu’elle n’avait pas

compétence pour examiner la question de la souv eraineté sur ces trois îles, mais qu’elle avait

compétence pour déterminer la souveraineté sur toutes les autres formations. Le résultat est

représenté à l’écran (CAG 5).

16. Telle est la situation à l’heure actuelle ; la réplique et les conclusions du Nicaragua

concernent les questions à l’égard desquelles la Cour s’est déclarée compétente.

17. Monsieur le président, la Colombie vous a également donné une fausse image de la zone

géographique qui nous occupe, en particulier en dé formant la taille et l’effet de l’archipel de

SanAndrés et des autres îlots et cayes en litige. Sur la figure à l’écran (CAG6), la Colombie a

voulu faire croire que ces formations avaient une pr ojection radiale et un effet aussi considérable

que la masse terrestre continenta le du Nicaragua. En réalité, les trois îles de SanAndrés, de

Providencia et de Santa Catalina, qui sont parfo is désignées comme l’archipel de San Andrés, ont

une masse terrestre d’une quarantaine de kilomètres carrés. Et la masse terrestre de toutes les

autres formations —les cayes de Roncador, de Serrana, de Serranilla et de Bajo Nuevo—

représente en tout et pour tout 1 kilomètre carré environ. Le croquis à l’écran (CAG 7) donne une

2
Mémoire du Nicaragua (MN), p. 53, note 89. - 6 -

meilleure idée de la situation — et encore, les fo rmations en question y sont même agrandies pour

être visibles à cette échelle.

18. Voici maintenant quelques autres questions relatives au fond que la Colombie a traitées

dans ses plaidoiries de mercredi dernier.

19. La première concerne la zone pertinente aux fins de la délimitation à effectuer entre le

Nicaragua et la Colombie. La Colombie a inclus dans son dossier de plaidoiries du premier tour

pas moins de quatre figures décrivant ce tte zone, telle qu’elle la conçoit 3. Selon elle, la zone

pertinente est située entre, d’une part, la côte du Nicaragua, et, d’autre part, les îles de San Andrés

et de Providencia et les cayes plus petites. Elle ne tient ainsi aucun compte du fait que les zones

maritimes du Nicaragua se projettent bien à l’est de ces formations. Comme le montre la figure à

l’écran (CAG 8), aucune côte opposée ne vient arrêter cette projection. La zone pertinente aux fins

de la délimitation recouvre donc l’ensemble de ces espaces maritimes. Quant au plateau
14
continental, il comprend aussi celui de la Co lombie continentale, qui chevauche celui du

Nicaragua.

20. La Colombie n’a pas expliqué de manièr e satisfaisante pourquoi elle considère que la

zone pertinente ne comprend pas ces espaces situés à l’est des îles de San Andrés et de Providencia.

Peut-être pense-t-elle que la mer territoriale et la zone contigüe des îles et des cayes —et aussi,

apparemment, le banc subm ergé de Quitasueño qui, toutefois, ne génère aucune zone maritime —

font barrage à la projection en mer de la côte nicaraguayenne. Il convient de noter que la

Colombie, qui n’est pas partie à la convention d es Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM)

et qui n’avait pas revendiqué de zones contigües a uparavant, ne s’est intéressée à ces zones pour la

première fois que dans sa duplique.

21. La mer territoriale de San Andrés et de Providencia n’apporte aucune eau au moulin de la

Colombie dans sa tentative de faire obstacle aux revendications du Nicaragua à l’est de ces îles. La

figure que vous avez devant les yeux (CAG9) est tirée de l’arrêt rendu en l’affaire Nicaragua

c. Honduras 4. Elle montre la ligne de délimitation tracée par la Cour. Cette ligne a eu pour effet

3 os
Onglets n 3, 4, 17 et 19.
4 Différend territorial et maritime entre le Nicaragle Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 761. - 7 -

d’attribuer plusieurs cayes au Honduras en les en clavant dans une mer territoriale de 12milles

marins. Comme vous pouvez le voir, cette mer terr itoriale n’arrête pas la projection de la côte

nicaraguayenne au large de ces îles.

22. Un deuxième thème récurrent dans la plaidoirie de la Colombie est l’importance

accordée par celle-ci aux îles de San Andrés et Provi dencia ainsi qu’aux petites cayes de la région.

En effet, dans son contre-mém oire, la Colombie soutient que ces formations doivent être

considérées comme un ensemble unique car elles fo rment un archipel continu et ne sont ni

5
dispersées ni éloignées les unes des autres . Or, comme l’a indiqué le Nicaragua dans sa réplique,

les îles de San Andrés et Providencia sont situ ées à 83kilomètres l’une de l’autre, ainsi qu’il

6
apparaît sur le croquis à l’écran (CAG 10) . Soit une distance beaucoup plus grande que celle qui

sépare la partie continentale de l’Ukraine et l’île des Serpents ⎯ un peu plus de 20 milles marins.

Dans l’arrêt qu’elle a re ndu en l’affaire de la Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie

c. Ukraine), la Cour a déclaré que l’île des Serpents était une île isolée et ne faisait pas partie de la

15
côte ukrainienne (arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 109-110, par. 149). De même que l’île des Serpents

a été traitée comme un élément distinct, SanAndrés et Providencia ainsi que les autres cayes

doivent être traitées comme des éléments distincts aux fins du tracé de la frontière maritime entre le

Nicaragua et la Colombie.

23. Mercredi, la Colombie a justifié l’importa nce qu’elle accordait aux îles de San Andrés et

7
Providencia ainsi qu’aux autres cayes en expliq uant qu’il s’agissait d’«îles médio-océaniques» . Il

faut reconnaître au conseil de la Colombie le mérite d’avoir découvert que la mer des Caraïbes était

un océan ! Quoi qu’il en soit, le terme «médio-o céanique» est réservé aux îles qui se trouvent au

beau milieu de l’océan. Un bon exemple en est l’île de Pâques, formati on chilienne, qui se situe

dans l’océan Pacifique à plus de 3500 kilomètres du continent. Si la Colombie a raison, c’est sur

un point uniquement. Le préfixe «médio» a été choisi à bon escient: les îles de SanAndrés et

Providencia sont effectivement s ituées au cŒur même de la z one économique exclusive et du

plateau continental du Nicaragua.

5Contre-mémoire de la Colombie (C MC), vol. I, p. 350, par. 8.27; duplique de la Colombie (DC), p. 240,
par. 7.10.
6
Réplique du Nicaragua (RN), p. 110, par. 4.14.
7CR 2010/14, p. 33, par. 13 (Crawford). - 8 -

24. Les exemples d’autres îles isolées qui se sont vu accorder un effet limité ou nul dans le

cadre d’une délimitation maritime sont légion. C’ est ainsi que l’île norvégienne de Jan Mayen ne

s’est vu reconnaître aucun effet dans la délimitation des zones de 200 milles marins entre l’Islande

et la Norvège . Dans son arrêt en l’affaire Jan Mayen, la Cour n’a accordé qu’un effet limité à

cette île dans la délimitation avec le territoire danois du Groenland ( Délimitation maritime dans la

région située entre le Groenland et Jan Mayen (D anemark c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1993 ,

p. 38). L’accord intervenu entre l’Italie et la Tuni sie sur la délimitation de leur plateau continental

9
n’accorde qu’une semi-enclave de 13milles ma rins à l’île italienne de la Pantelleria , située à

85kilomètres au large de la Sicile, une distance comparable à celle qui sépare SanAndrés de

Providencia. Autrement dit, la demande de la Colombie selon laquelle San Andrés et Providencia,

de par leur situation, devraient se voir attribuer un plein effet à l’égard de la côte continentale du

Nicaragua et de ses îles frangeantes est dénuée de fondement.

25. La Colombie ⎯à laquelle se rallie ici le Costa Rica ⎯ soutient que le plateau

continental étendu (au-delà de s 200milles marins) ne peut ch evaucher la zone économique

10
exclusive de 200milles marins . Aucun instrument faisant autorité n’a été invoqué à l’appui de

16 cette thèse, que le Nicaragua, comme d’autres Etats, ne saurait de toute manière partager. En 1997,

l’Australie et l’Indonésie ont conclu un accord de délimitation de leurs zones maritimes dans les

mers de Timor et d’Arafura 1. En vertu de cet accord, le plat eau continental étendu de l’Australie

s’arrête à une distance inférieure à 200 milles marins des côtes de l’Indonésie. En 2009, la Chine a

soumis, conformément à l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, des

informations préliminaires sur les limites extérieu res de son plateau continental étendu dans la mer

de Chine orientale. Toute la mer de Chine orie ntale se situe à une distance inférieure à 200 milles

marins du continent et des îles qui l’entourent.

8
Accord entre l’Islande et la Norvège concernant des questions de pêcheries et de plateau continental
(28 mai 1980).
9 Accord entre le Gouvernement de la République tuni sienne et le Gouvernement de la République italienne

concernant la délimitation du plateau continental entre les deux pays (20 août 1971).
10 CR 2010/14, p. 32, par. 10 (Crawford). CR 2010/12, p. 26, par. 23 (Brenes).

11 Traité entre le Gouvernement australien et le Gouvern ement de la République d’Indonésie établissant la limite
de la zone économique exclusive et certaines autres lignes de délimitation des fonds marins (14 mars 1997). - 9 -

26. Un dernier exemple concerne la Fédération de Russie et la Norvège. La Fédération de

Russie a présenté les informations requises sur les limites extérieures de son plateau continental

étendu en décembre2001. L’un des espaces mariti mes concernés était la mer de Barents, dans

laquelle la Fédération de Russie a défini les zone s du plateau continental s’étendant au-delà des

200milles marins par rapport à sa propre limite de s 200milles marins. Ces zones se situent en

partie à moins de 200milles marins de la Norvège. Cette année, la Norvège et la Fédération de

Russie ont conclu un accord sur la délimitation de leur frontière maritime dans la mer de Barents et

l’océan Arctique 1. Cet accord place des zones situées à moins de 200 milles marins de la Norvège

13
du côté russe de la frontière maritime. Il contient une dispositi on relative à ces zones , qui

concerne uniquement l’exercice par la Fédératio n de Russie de sa juridiction sur la zone

économique exclusive. Point n’a été besoin d’une disposition similaire concernant sa juridiction

sur le plateau continental puisque la Fédération de Russie a un plateau continental étendu dans cette

zone. En résumé, il ressort de la pratique des Etats qui ont apporté une importante contribution au

droit de la mer que le plateau continental éte ndu et la zone économique exclusive des 200milles

marins peuvent coexister.

27. L’intérêt du Nicaragua à l’égard du plateau continental étendu ressort de manière

évidente de n’importe quelle carte contenant des données bathymétriques. Celle qui s’affiche à

l’écran (CAG 11) est une carte de la bathymétrie ré gionale de l’Amérique centrale et de la mer des

Caraïbes. La raison pour laquelle ni le Panama ni le CostaRica, ni du reste la Colombie, n’ont

revendiqué de droits sur le plateau continental ét endu est évidente: ils n’en ont aucun. Cela

17 apparaît encore plus clairement sur le graphique que vous voyez à présent à l’écran (CAG12) et

qui représente la morphologie des fonds marins dans la mer des Caraïbes occidentale. Les zones en

vert et en bleu clair représentent les zones les mo ins profondes de la mer des Caraïbes occidentale.

Les renseignements préliminaires soumis par le Nicaragua en vertu de l’article 76 de la Convention

des Nations Unies sur le droit de la mer concerna ient les limites extérieures du plateau continental

12
Traité entre le Royaume de Norvège et la Fédération de Russie concernant la délimitation maritime et la
coopération dans la mer de Barents et l’océan Arctique (15 septembre 2010).
13
Art. 3. - 10 -

étendu vers le sud-ouest du seuil nicaraguayen et du seuil nicaraguayen inférieur, qui forment le

prolongement naturel du territoire terrestre nicaraguayen.

28. Ce qui nous frappe le plus dans le prem ier tour de plaidoiries de la Colombie est la

manière dont celle-ci commente la pratique régionale dans la mer des Caraïbes occidentale. Selon

elle, tous les Etats se comporteraient de faç on pacifique, à l’exception du Nicaragua, qui ne

14
montrerait aucun respect pour les droits des Etats tiers . Or c’est exactement le contraire. La

Colombie a tout fait pour empêcher le Nicaragua de jouir pleinement de ses zones maritimes.

e
Voici quaranteans qu’elle tente, à cette fin, de transformer le 82 méridien en frontière maritime,

allant même jusqu’à faire usage de sa supériorité pour maintenir le Nicara gua enclavé. Mercredi,

l’agent de la Colombie a insisté sur le fait que celle-ci avait négocié des frontières avec ses voisins

et que le Nicaragua, resté en marge, tentait à présent de porter atteinte aux droits des pays ayant

15
signé un traité avec elle . Effectivement, le grand projet de la Colombie n’a pas laissé d’autre

choix au Nicaragua que de soumettre à la Cour deux de ses délimitations maritimes dans la mer des

Caraïbes. Contrairement à ce qu’insinue la Colomb ie, il n’y a rien de condamnable à cela. Et

d’ailleurs, c’était le seul recours qui restait au Nicaragua pour briser les chaînes du 82 e méridien.

29. Je laisse à M. Reichler le soin de tra iter plus avant la question de la requête à fin

d’intervention du Costa Rica et me contenterai de quelques brèves observations à ce sujet.

30. L’Etat demandant à intervenir est venu inform er la Cour de ses intérêts d’ordre juridique

qui sont d’après lui en cause. Son principal inté rêt se révèle être un traité qu’il a signé avec la

Colombie en 1977, sans le ratifier, car cela fait 30 ans que le Parlement cost a-ricien se refuse à le

faire, le considérant comme préjudiciable aux intérêts du CostaRica. Le Nicaragua s’est procuré

les comptes rendus des débats parlementaires, accessibles au public, qui donnent une bonne idée

des passions suscitées par la question. Les discu ssions les plus enflammées se polarisaient sur le

18 fait que le Parlement costa-ricien a toujours cons idéré que le pouvoir exécutif n’aurait jamais dû

accepter un traité accordant un effet comparable à l’île de San Andrés et au territoire continental du

CostaRica. Il sera très intéressant de voir sa réaction lorsqu’il deviendra notoire que ce n’était

même pas à l’île de SanAndrés qu’il a été donné pl ein effet, mais à l’insignifiante petite caye

14
CR 2010/14, p. 12, par. 11 (Londoño) ; p. 28-29, par. 50 (Bundy) ; p. 31, par. 4 (Crawford).
15Ibid., p. 11, par. 8-9 (Londoño) ; p. 29, par. 52 (Bundy). - 11 -

d’Albuquerque, comme l’a expliqué le conseil de la Colombie. Nous n’allons pas soumettre à

l’attention de la Cour les centaines de pages que représentent ces archives ⎯ naturellement

connues du CostaRica et, vraisemblablement, de la Colombie, l’autre partie au traité, puisqu’il

s’agit de documents publics. Mais ce traité, jugé indésirable par le Costa Rica pendant 33 ans, est

aujourd’hui présenté comme étant au centre des intérêts d’ordre juridique de ce pays.

31. Hormis cette controverse interne au Cost aRica, le fait est que la présente instance n’a

aucune incidence sur l’existence de ce traité. Comme je l’ai déclaré dans ma première plaidoirie, si

le Nicaragua obtient gain de cause, cela n’inva lidera pas le traité. En revanche, sur un plan

pratique, le Nicaragua ne prétend pas que de pe tites îles et cayes produisent le même effet que des

masses terrestres continentales et on ne voit pas comment il pourrait, dès lors, revendiquer un titre

sur des espaces maritimes du CostaRica qui iraien t au-delà des limites accordées par le traité

de 1977 au Costa Rica. Si le Nicaragua l’emporte sur la Colombie, seul le Costa Rica pourrait être

tenté de méconnaitre les implications du traité et de négocier un meilleur accord avec le Nicaragua.

Mais il le ferait de sa propre initiative et non sous l’effet d’une décision de la Cour en l’espèce.

32. Je conclurai, Monsieur le président, pa r une note personnelle sur les plaidoiries du

CostaRica. Les conseils de la partie adverse, M.Lathrop et M.Ugalde, ont tous deux fait

référence aux plaidoiries du Nicaragua en l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et

maritime (El Salvador/Honduras), requête du Nicaragua à fin d’intervention, en tentant de trouver

des similitudes entre la thèse du Nicaragua, vieille de 20 ans, et la situation présente. Je suis très

reconnaissant à M. Lathrop de m’avoir ainsi rafraîchi la mémoire et d’avoir cité l’un des arguments

que j’avais avancés pour convaincre la Cour d’accu eillir la demande d’intervention du Nicaragua.

Oui, j’en conviens, la démonstration du Nicara gua était purement et simplement prodigieuse

mais… Ce qu’il faut en retenir aux fins de la pr ésente instance, c’est que la Cour n’a pas fait droit

à mes arguments et a rejeté la demande du Nicaragua d’intervenir dans la délimitation maritime. Je

suis très flatté que ma plaidoirie ait ainsi été rappelée à notre souvenir, mais mon argumentation est

de l’histoire ancienne que la Cour a déjà écartée.

33. Je vous remercie, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour, de votre

aimable attention.

34. Je vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir appeler M. Reichler à la barre. - 12 -

19 Le PRESIDENT: Je remercie S.Exc.l’amba ssadeur Carlos JoséArgüelloGómez de son

exposé et donne à présent la parole à M. Paul Reichler.

M. REICHLER :

L E COSTA R ICA N’A PAS SATISFAIT AUX PRESCRIPTIONS ÉNONCÉES À L ’ARTICLE 62

DU STATUT DE LA C OUR

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour.

2. Monsieur le président, rien n’a changé depuis que le Nicaragua s’est adressé à vous

mercredi.

3. Le Costa Rica reste dans l’impossibilité de démontrer comment la décision prise en

l’espèce pourrait affecter ses intérêts d’ordre juri dique, quelle que soit la façon dont il entend les

définir.

4. D’ailleurs, il n’est pas loin de le reconnaître.

5. La manière dont M. Lathrop a débuté son inte rvention hier était assez révélatrice. Je suis

sûr que la Cour l’a noté. Mais permettez-moi toutefois de vous rappeler ses propos exacts :

«Il n’est pas dans notre intention à ce stade, et ce n’est pas non plus l’objectif de
ces plaidoiries, d’informer la Cour de tout e l’étendue de l’intérêt du Costa Rica. Cet

exercice relèvera de la seconde étape de la procédure d’intervention, lorsque ⎯ s’il est
permis au CostaRica d’intervenir ⎯ nous rédigerons une déclaration écrite et ferons

des observations au cours de la procédure orale sur le fond… L’objet de la requête du
CostaRica est non pas d’informer la C our mais de lui demander la permission
d’intervenir. C’est pendant l’intervention elle-même que le CostaRica informera la
Cour de toute l’étendue de son intérêt d’ordre juridique.»

6. La déclaration de M. Lathrop est tout à fait remarquable et son sens est parfaitement clair.

Voilà comment un avocat compétent et habile dit à une cour de justice qu’aucun élément concret ne

vient étayer sa demande, mais que cette juridicti on devrait quand même y faire droit puisqu’il lui

promet de lui fournir les éléments d’appréciati on nécessaires une fois la décision rendue. C’est

comme si vous tentiez d’aller voir un opéra de Wagner sans avoir acheté de billet, mais en

promettant que vous paierez plus tard à l’issue de son grandiose final. J’ai utilisé la même

technique plus d’une fois, non comme avocat mais comme père. Je disais à ma fille, mange tout

16
CR 2010/15, p. 10, par. 3 (Lathrop). - 13 -

ton brocoli maintenant, Jessica, et nous irons pe ut-être manger une glace plus tard. Plus tard

peut-être. Elle n’était pas dupe.

o
[Projection n 1 : PSR 1]

20 7. Voyons un peu où le conseil du CostaRica s’ est arrêté hier, avec la dernière carte qu’il

17
nous a projetée . Tant le Nicaragua que la Colombie ont fait valoir que la véritable zone d’intérêt

du CostaRica était celle colorée en bleu ciel, à l’est de la ligne de délimitation arrêtée d’un

commun accord dans le traité conclu en1977 entre le CostaRica et la Colombie. Bien sûr, la

Colombie affirme qu’il s’agit là uniquement de la zone d’intérêt du CostaRica par rapport à

elle-même et que le CostaRica pourrait avoir une zone d’intérêt plus étendue par rapport au

Nicaragua. J’y viendrai dans un instant.

8. Cette carte ⎯ qui est celle du Costa Rica ⎯ montre que la ligne frontière revendiquée par

le Nicaragua dans l’affaire qui l’oppo se à la Colombie ne «transperce» pas 18 ⎯ c’est le mot utilisé

par M. Lathrop, et il convient parfaitement ⎯ ne «transperce» pas la zone bleu ciel, qui est la zone

d’intérêt du Costa Rica. Selon cette carte, la zone d’intérêt en question n’est transpercée que par la

frontière revendiquée par la Colombie. Mais nous avons entendu longuement le conseil de la

Colombie mercredi ; et il nous a expliqué que la flèche figurant au bout de la ligne putative de la

Colombie indiquait seulement une direction, et non un prolongement. La Colombie souhaite que sa

ligne de démarcation respecte les intérêts du CostaRica en n’allant pas au-delà de la ligne

d’équidistance présumée entre le Costa Rica et le Nicaragua 19. [Etat 1] Cette flèche, pour reprendre

de nouveau la terminologie de M. Lathrop, est donc une flèche qui «pointe» et non une flèche qui

«transperce». En tant que telle, elle ne gêne personne ⎯ni le CostaRica, ni la Colombie, ni le

Nicaragua. Cette ligne, la ligne de la Colo mbie, dans l’hypothèse où la Cour l’adopterait ⎯ et le

Nicaragua est convaincu qu’elle ne devrait pas le faire ⎯ ne pénètre pas dans la zone d’intérêt du

Costa Rica, ni ne l’affecte.

9. Venons en maintenant à la zone d’intérêt élargie du Costa Rica, à savoir la zone bleu ciel à

laquelle s’ajoute la zone violette qui lui est adjacente. De façon tout à fait hypothétique, convenons

17 o
Dossier des juges, Costa Rica, onglet n 18.
18
CR 2010/15, p. 14, par. 10 (Lathrop).
19CR 2010/14, p. 35, par. 17-19 (Crawford). - 14 -

pour l’instant avec le Costa Rica et la Colombie que cette zone plus vaste est celle dans laquelle le

CostaRica détient des intérêts d’ordre juridi que par rapport au Nicaragua. J’ai consacré la

première moitié de mon interven tion mercredi à démontrer que le CostaRica n’avait pas prouvé

20
que la décision en l’espèce aurait la moi ndre incidence sur cette zone élargie . Rien n’a changé.

Après deux tours de plaidoiries, le CostaRica n’a toujours pas réussi à montrer ⎯ et a fortiori à

21
démontrer de manière convaincante ⎯ que la décision de la Cour pourrait avoir des répercussions

dans cette zone.

10. Le conseil du CostaRica continue d’a ffirmer que les frontières revendiquées par le

Nicaragua, si elles étaient adoptées par la Cour, affecteraient cette zone. Mais comment ? Il ne fait

pas valoir que les enclaves dessinées par le Nicaragua autour de SanAndrés ou d’autres îles

colombiennes empièteraient sur la zone d’intérêt du Costa Rica, ni que celle-ci serait touchée par la

ligne revendiquée dans la réplique du Nicaragua . Quand bien même le Nicaragua revendiquerait

encore la ligne de délimitation de mandée dans son mémoire, la flèc he au bout de cette ligne serait

de même nature que celle qui figure au bout de la ligne revendiquée par la Colombie. C’est une

direction qu’elle indique, et non un prolongement. L’intention du Nicaragua était de respecter les

frontières convenues et existantes non seulement du CostaRica, mais aussi du Panama. Cette

flèche est donc une flèche qui pointe et non une flèche qui transperce.

[Projection n o2 : PSR 2]

21
11. La carte que vous voyez à présen t provient de la réplique du Nicaragua . Elle montre la

manière dont celui-ci perçoit, au moment du dépôt de la réplique, la zone où lui-même et la

Colombie ont des droits qui se chevauchent. C’ est une carte nicaraguayenne dont le conseil du

Costa Rica et celui de la Colombie ont choisi de faire abstraction. Vous noterez qu’au sud et à l’est

le Nicaragua a veillé à exclure toutes les zones revendiquées par le Costa Rica et le Panama au titre

du traité de délimitation maritime que chacun d’e ux a conclu avec la Colombie. Toutes les lignes

établies par ces traités ⎯ en bleu entre la Colombie et le Pa nama, en rouge entre le Panama et le

Costa Rica et en vert entre le Costa Rica et la Colombie ⎯ sont pleinement respectées dans la carte

du Nicaragua. L’argument avancé par le conseil cette semaine selon lequel le Nicaragua ne

20
CR 2010/13, p. 32-36, par. 14-26 (Reichler).
21RN, vol. II, figures n 6-8. - 15 -

respecte pas les droits du Costa Rica ou d’autres Etats tiers, ou cherche à obtenir une délimitation

dans des zones revendiquées par ces Etats, est tout simplement inexact. Comme le Nicaragua l’a

reconnu dans son mémoire : «la Cour n’est pas co mpétente pour rendre des décisions qui peuvent

22
avoir une incidence sur les prétentions d’Etats tiers» .

[Projection n o3 : PSR 3]

12. Jusqu’à ce que le CostaRica demande à in tervenir dans cette affaire, le Nicaragua

n’imaginait pas que ce pays revendiquait des intérê ts d’ordre juridique dans des zones situées

au-delà de la ligne établie par le traité de 1977. La Colombie semble tout aussi surprise par cette

nouvelle prétention. Concernant ce que le CostaRica appelle aujourd’hui sa «zone minimum

d’intérêt juridique», mon excellent ami et fré quent collègue, M.Crawford, a dit mercredi:

22 23
«Riende tel n’avait été présenté auparavant» . Maintenant que nous sommes tous au courant, le

«transpercement» apparent et involontaire causé par une ligne de délimitation que le Nicaragua ne

demande plus pourrait être aisément évité ⎯et c’est une simple hypothèse étant donné que cette

ligne ne représente plus la demande du Nicaragua ⎯ en diminuant légèrement la flèche en

direction du nord-est. [Etat 2.]

13. Pendant le second tour de plaidoiries, le conseil du CostaRica a clairement indiqué ne

plus prétendre que l’une quelconque de ces lign es frontières que le Nicaragua demande ou a

demandées pénétrait dans la zone d’intérêt élargi e du Costa Rica. En lieu et place, il a fait valoir

que c’était la revendication supposée du Nicaragua sur les eaux situées entre sa côte caraïbe et la

limite du plateau continental qu’il demande avec la Colombie qui empiétait sur la zone d’intérêt du

24
Costa Rica . Ce n’est donc plus une ligne frontière demandée par le Nicaragua qui gêne le

CostaRica; c’est une revendication sur les eaux situées à l’ouest de la limite du plateau

continental.

14. L’argument du conseil du CostaRica est tout simplement indéfendable. Permettez-moi

de citer quelqu’un qui fait autorité en la matière, à savoir rien moins que M. Crawford s’exprimant

au cours du premier tour: «comme nous l’avons vu ⎯et ce point est fondamental pour

22MN, par. 3.92.
23
CR 2010/14, p. 36, par. 21 (Crawford).
24CR 2010/15, p. 16, par. 16 et suiv. (Lathrop). - 16 -

comprendre la question dont est saisie la Cour ⎯, les frontières maritimes sont établies sur une

base relative, relationnelle, par chaque Etat cô tier par rapport à chacun des autres Etats côtiers

25
concernés» .

Nous sommes d’accord.

15. Et c’est précisément dans ce contexte que le Nicaragua fait valoir qu’il a droit à une

frontière maritime avec la Colombie à la limite extérieure de son plateau continental élargi, comme

indiqué dans la réplique et comme le montre la ligne noire la plus à l’est sur la carte du Costa Rica.

En conséquence de l’adoption par la Cour de cette frontière avec la Colombie, et pour ce qui est de

ces deux Etats seulement, les eaux situées du côté nicaraguayen, ou occidental, de la frontière

appartiendraient au Nicaragua et non à la Colomb ie, exception faite des enclaves générées par les

îles colombiennes.

16. Cette frontière entre le Nicaragua et la Colombie n’aurait aucun effet sur les droits du

CostaRica, du Panama ou de tout autre Etat tiers. Elle est «relationnelle» ⎯pour reprendre la

23
terminologie de M.Crawford ⎯ uniquement pour ce qui concerne le Nicaragua et la Colombie.

C’est une frontière dans leur seul cas. Le Nica ragua n’a jamais voulu qu’elle soit applicable à un

26
quelconque Etat tiers, comme il pensait l’avoi r clairement indiqué dans ses écritures , et l’a

incontestablement souligné pendant le premier tour en disant «ne revendique[r]» dans cette

procédure, «vis-à-vis du CostaRica ou de tout autre Etat tiers , aucun droit sur des eaux situées à

l’ouest» de la ligne frontière proposée 27. L’article59 et le fait que la Cour a pour pratique

constante d’éviter la mise en cause d’intérêts d’Etat s tiers garantissent la na ture relationnelle de la

délimitation en question dans cette instance.

17. Les conseils des trois Etats ⎯la Colombie, le CostaRica et le Nicaragua ⎯ sont

convenus au cours des audiences que, dans toutes les affaires précédentes de délimitation maritime,

28
la Cour était parvenue à éviter la mise en cause des intérêts d’Etats tiers .

25
CR 2010/14, p. 37, par. 23 (Crawford).
26
MN, par. 3.92 («le seul principe cohé rent qui se dégage de la jurisprudence est le principe selon lequel la Cour
n’est pas compétente pour rendre des décisions qui peuvent avoir une incidence sur les prétentions d’Etats tiers»).
27 CR 2010/13, p. 33, par. 16 (Reichler) ; les italiques sont de nous.

28 Voir, par exemple, CR2010/12, p.43-44, par.41- 42 (Lathrop); CR2010/13, p.30, par.8 (Reichler);
CR 2010/14, p. 16, par. 10 (Bundy), p. 40, par. 32 (Crawford) ; CR 2010/15, p. 14, par. 10 (Lathrop). - 17 -

18. Voici ce qu’a dit M.Lathrop ⎯et nous sommes d’accord avec lui: «Par le passé, la

Cour a beaucoup veillé à n’utiliser que des flèches qui pointent dans un sens donné», plutôt que des

29
flèches qui transpercent . Ce qui le préoccupe, dit-il, c’est «la limite méridionale de la zone

revendiquée par le Nicaragua» 30. Pour apaiser ses craintes, je répondrai que le Nicaragua ne

demande pas l’établissement d’une limite méridionale en l’instance et que la Cour n’est pas appelée

à en établir une. Ce n’est pas avec le CostaRi ca qu’il demande une frontière mais avec la seule

Colombie, et cette frontière ⎯ tous les conseils en sont d’accord ⎯ doit nécessairement suivre une

direction nord/sud, établissant des limites uniquement à l’est pour le Nicaragua et à l’ouest pour la

Colombie 31. En revanche, une frontière avec le Cost aRica suivrait nécessairement une direction

est/ouest, séparant le Nicaragua au nord du Costa Rica au sud. Ni la Colombie ni le Nicaragua ne

cherchent à obtenir l’établissement d’une telle frontière en l’instance.

19. Les conseils du CostaRica reconnaissent que la Cour a pleinement compétence pour

statuer en l’espèce sans porter atteinte aux intérêts d’ordre juridique du Costa Rica :

«Lorsque la Cour délim itera la frontière entre les Parties, quelque part à

l’intérieur de la zone en litige, le Cost a Rica espère que cette ligne s’arrêtera bien
avant la zone dans laquelle il possède un inté rêt d’ordre juridique... A partir de ce
point terminal, situé bien au-delà de la z one dans laquelle le Costa Rica possède un
24
intérêt, le prolongement de la frontière en direction de la zone relevant du Costa Rica
pourrait être indiqué par une flèche.» 32

Exactement ! Le Nicaragua ne pourrait pas mieux dire. Et il ne demande rien d’autre à la Cour.

20. Alors, où est le problème? Selon le Co staRica: «[p]our être certain que celle-ci soit

une flèche indiquant une direction et non une flèch e qui transperce, il faudrait d’abord que la Cour

connaisse toute l’étendue de cette zone, et seul le CostaRica peut lui fournir les informations

33
nécessaires» . Bien, cette carte, qui est la figure 18 du Costa Rica, donne une description détaillée

de la manière dont ce pays a défini sa zone d’in térêt dans sa requête à fin d’intervention. Le

Nicaragua convient que toute ligne de délimitation établie par la Cour devrait s’arrêter bien avant la

zone d’intérêt indiquée sur la carte et se terminer par une flèche pointant en direction de cette zone.

29 CR 2010/15, p. 14, par. 10 (Lathrop).

30 Ibid., p. 16, par. 17 (Lathrop).
31
CR 2010/12, p. 43, par. 39 (Lathrop) ; CR 2010/14, p. 33, par. 11 (Crawford).
32 CR 2010/15, p. 17, par. 18 (Lathrop).

33 Ibid. - 18 -

C’est, à notre avis, ce que la Cour ferait de toute manière. Problème réglé. Il est impossible que la

décision rendue en l’espèce puisse toucher les intérêts d’ordre juridique du Costa Rica.

21. Voici donc la situation à la fin des plaidoiries du CostaRica. Aucune des lignes de

délimitation que le Nicaragua demande ou a de mandées n’affecte le moins du monde la zone

élargie dans laquelle le CostaRica dit aujourd’ hui détenir un intérêt d’ordre juridique. La

revendication du Nicaragua sur des zones maritimes situées à l’ouest de la limite proposée du

plateau continental avec la Colombie n’est opposable qu’à la Colombie, et elle ne l’est ni au

CostaRica, ni à aucun autre Etat. Elle est ég alement sans incidence sur les intérêts d’ordre

juridique du Costa Rica. Le Costa Rica n’a t oujours pas démontré comment l’une quelconque des

prétentions du Nicaragua pourrait aboutir à une déci sion de la Cour susceptible de porter atteinte à

ses intérêts d’ordre juridique.

22. Ce que nous avons en fin de compte ⎯ et tout ce que nous avons ⎯, ce sont les «deux

étapes qui composent l’ensemble de la procédure d’intervention» promises par M. Lathrop 3. Selon

lui, nous n’en sommes qu’«à la première» d’entre e lles, et la Cour sera bien évidemment informée

des intérêts du Costa Rica pendant la seconde phase 35. Payez-moi maintenant, je vous livrerai plus

tard et je suis sûr que vous serez contents. L’intervention fondée sur l’article62 serait

remarquablement facile si un Etat pouvait intervenir d’abord et démontrer plus tard en quoi ses

intérêts pourraient être en cause. La Cour relève ra dans le compte rendu que le Costa Rica n’a cité

aucun précédent à l’appui de son interprétation du Règlement.

25 23. Il semble que l’article81 dispose le contraire. Il y est dit qu’une requête à fin

d’intervention fondée sur l’article62 du Statut « spécifie…l’intérêt d’ordre juridique qui, selon

l’Etat demandant à intervenir, est pour lui en cause…» 36. Il n’y est pas dit que la requête peut

spécifier une partie seulement de l’intérêt susceptible d’ être en cause, ou qu’elle ne doit pas

nécessairement le spécifier et que l’Etat demandeur peut attendre d’être autorisé à intervenir pour

exposer toute l’étendue de ses intérêts. Le con seil de la Colombie reconnaît que «c’est à l’Etat

demandeur qu’il incombe de démontrer qu’il a un inté rêt d’ordre juridique, au sens de l’article 62

34Ibid., p. 10, par. 2 (Lathrop).
35
Ibid., par. 3 (Lathrop).
36Règlement de la Cour, art. 81 2) a) ; les italiques sont de nous. - 19 -

37
du Statut, qui pourrait être affecté par la décision qui sera rendue en l’espèce» . Le conseil du

CostaRica convient que, pour ce faire, «le CostaRica doit démontrer de manière convaincante

38
qu’un intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause» . S’il ne le fait pas maintenant, alors quand ?

24. Ce n’est pas comme si le Costa Rica ava it besoin de davantage de temps pour définir ses

intérêts juridiques. Les exposés écrits lui ont ét é remis en septembre 2008 et il a attendu jusqu’en

février 2010 pour déposer sa requête à fin d’interven tion. Le Costa Rica a eu amplement le temps

d’élaborer ses prétentions maritimes et de mettre au point la revendication qu’il a présentée ici,

laquelle revient à multiplier par plus de deux la superficie de la z one d’intérêt à laquelle il prétend

depuis 33 ans. S’il voulait étendre cette zone, c’est dans la requête à fin d’intervention qu’il fallait

le dire.

25. Pour dire les choses simplement, le CostaRica n’aura pas de seconde chance. Cette

«seconde étape» 39 mythique du processus d’intervention au cours de laquelle toutes les vérités,

jusqu’alors cachées, sont finalement révélées, n’existe pas.

26. Le Nicaragua ne prétend pas que le de mandeur doive exposer en détail ses arguments

dans une requête à fin d’intervention. Mais il ne suffit pas d’alléguer un intérêt d’ordre juridique et

d’avancer qu’il est en cause. En rejetant la requê te à fin d’intervention du Nicaragua dans l’affaire

El Salvador/Honduras, la Chambre a indiqué que l’article 62 faisait obligation au demandeur «de

40
26 montrer en quoi [cet] intérêt risque d’être affecté» , et qu’«il n’en faut pas moins, en fin de

compte, déterminer nettement les intérêts juridiques susceptibles d’ être affectés par la décision sur

41
le fond. Il ne suffit pas de s’en faire une idée générale.» La Cour a adopté le même critère dans

sa décision la plus récente en matière d’intervention fondée sur l’article62 en l’affaire

Indonésie/Malaisie ( Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie),

requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 598, par. 58).

37
CR 2010/14, p. 14, par. 3 (Bundy).
38
CR 2010/15, p. 10, par. 2 (Lathrop) ; les italiques sont de nous.
39Ibid., par. 3 (Lathrop).

40Différend frontalier terrestre, insulaire et marie (ElSalvador/Honduras), requête du Nicaragua à fin
d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 118, par. 61 ; les italiques sont de nous.

41Ibid., par. 62 ; les italiques sont de nous. - 20 -

27. Le «test des Plates-formes pétrolières», aujourd’hui généralement accepté, peut fournir

une analogie utile.

28. Tout comme un Etat demandeur qui cherche à établir la compétence de la Cour doit

démontrer que «les droits qu’il invoque dans sa de mande, et qu’il cherche à protéger aux termes de

celle-ci…possèdent un lien suffisant, aux fins de la…procédure [en cours], avec le fond de

l’affaire» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c.Uruguay), demande en

indication de mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 11, par. 30) 42, un Etat demandant à

intervenir devrait avoir l’obligation de démontrer en quoi le futur arrêt de la Cour pourrait affecter

les intérêts qu’il prétend détenir. Le CostaRica ne l’a pas fait. De plus, en tant qu’intervenant

potentiel, le CostaRica doit prouver que l’intérêt d’ordre juridique qu’il allègue «pourrait être

affecté par la décision rendue en l’espèce». A l’évidence, cette affaire ne peut être définie qu’en

relation avec les revendications des Parties. Dans l’affaire relative au Mandat d’arrêt, la Cour a

rappelé

«le principe bien établi selon lequel elle a «le devoir de répondre aux demandes des
parties telles qu’elles s’expriment dans leurs conclusions finales, mais aussi celui de
s’abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites demandes ainsi
43
exprimées» (Droit d’asile, arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402)» .

Le CostaRica n’a pas démontré l’existence, dans les demandes de l’une ou l’autre Partie,

d’éléments pouvant amener la Cour à rendre une décision susceptible d’affecter ses intérêts.

29. En dépit de ses efforts, la Colombie n’est pas non plus parvenue à justifier la requête à

fin d’intervention du CostaRica. Mercredi, son c onseil n’a pas identifié de ligne de délimitation

revendiquée ou anciennement revendiquée par le Nicar agua qui pénétrerait da ns la zone d’intérêt

supposée du Costa Rica, minimum ou élargie. La Colombie n’a pu que faire écho à l’argument du

27 Costa Rica selon lequel la revendication du Nicaragua à l’égard de la Colombie touchant les eaux

situées à l’ouest de la limite du plateau continental nicaraguayen était, sans que l’on sache

comment, opposable au Costa Rica, ce qui, je l’ai déjà dit, ne peut manifestement être le cas. En

42Voir aussi Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (A rgentine c.Uruguay), demande en indication de

mesures conservatoires, opinion individuelle du jugeAbraham, C.I.J. Recueil 2006, p. 140, par. 10 ; Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Irac.tats- Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 810, par. 16, et opinion individuelle du juge Higgins, ibid., p. 856.
43 Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), a rrêt, C.I.J. Recueil 2002,
p. 18, par. 43 ; voir aussi opinion individuelle du juge Koroma, ibid., p. 59, par. 3. - 21 -

fait, la Colombie reconnaît, dans les mots élégan ts de M.Crawford, que le CostaRica ne peut

satisfaire aux critères établis pour intervenir au titre de l’article 62. Voici comment le conseil de la

Colombie a tenté de placer la barre moins haut pour que le CostaRica puisse être autorisé à

intervenir en l’instance :

«il suffit qu’un intérêt d’ordre juridique puisse être en cause: la question de savoir
précisément la manière dont cet intérêt risque d’être affecté, et quelles en seraient les
conséquences, n’a pas à être tranchée au stade de la recevabilité de la requête à fin
d’intervention, mais au stade du fond» . 44

Voilà qui ne concorde manifestement pa s avec la décision rendue en l’affaire

El Salvador/Honduras sur la question de l’intervention, en particulier avec les termes que j’ai cités,

ni avec celle rendue en l’affaire Indonésie/Malaisie, qui s’appuyait sur ces termes et les reprenait.

30. Le CostaRica ne satisfait ni aux prescripti ons de l’article62 dont il était question dans

ces affaires, ni aux critères commodément moins rigoureux préconisés par mon ami Crawford.

31. Le Costa Rica fait valoir qu’une décision de la Cour, si elle est favorable au Nicaragua,

«pourrait bien avoir pour effet de perturber, voire peut-être de supprimer une relation frontalière

maritime ancienne avec la Colombie» 4. Mais cette allégation ne prouve pas que la décision

toucherait à la zone où le CostaRica détient des intérêts juridiques. Les intérêts juridiques du

Costa Rica sont définis en bonne et due forme dans le traité conclu en 1977 entre le Costa Rica et la

Colombie, et la manière dont la Cour tranchera le différend frontalier entre le Nicaragua et la

Colombie n’a rien à y voir. Ce traité ne peut être privé d’effet par une décision de la Cour en

l’espèce. Entre le Costa Rica et la Colombie, il conservera toute sa validité juridique actuelle.

32. De plus, le Nicaragua continue d’affirm er que la renonciation par le CostaRica à des

droits sur des zones situées au-delà de la fron tière convenue dans le traité de1977 avec la

Colombie est erga omnes à l’égard d’autres Etats. J’aurais tendance à penser, Monsieur le

président, qu’il n’est guère nécessaire de rappele r qu’un traité portant création d’une frontière

génère une situation objective, qui, dans un sens, est dissociée de l’instrument qui l’a créée. Le

dictum bien connu dans l’affaire Lybie/Tchad ne laisse planer aucun doute sur ce caractère

objectif :

44
CR 2010/14, p. 41, par. 36 (Crawford).
45CR 2010/15, p. 15, par. 12 (Lathrop). - 22 -

28
«Une frontière établie par traité acqui ert ainsi une permanence que le traité
lui-même ne connaît pas nécessairement. Un traité peut cesser d’être en vigueur sans
que la pérennité de la frontière en soit a ffectée… Lorsqu’une frontière a fait l’objet

d’un accord, sa persistance ne dépend pas de la survie du traité par lequel ladite
frontière a été convenue.» ( Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad),
arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 37, par. 72-73.) 46

33. Le Nicaragua soutient que ce qui est vrai pour les frontières terrestres devrait l’être tout

autant pour les frontières maritimes. Pour ce qui est du caractère erga omnes des traités de ce type,

voici ce qu’a dit le Tribunal arbitral dans l’affaire Erythrée/Yémen :

«Les traités frontaliers et territoriaux conclus entre deux parties sont res inter

alios acta pour toute tierce partie. Mais cette catégorie particu lière de traités
représente aussi une réalité juridique qui touche nécessairement les Etats tiers parce
qu’ils ont effet erga omnes…» 47

34. Cela signifie tout simplement que le CostaRica ne peut pas définir maintenant ses

propres intérêts d’ordre juridique comme s’étendant au-delà de la zone délimitée par le traité qu’il a

conclu en 1977 avec la Colombie, laquelle apparaît en bleu ciel sur la figure 18 du Costa Rica.

35. Le Costa Rica fait valoir que les prétentions du Nicaragua, si elles devaient prévaloir :

«créeraient un vide dans des zones situées da ns la partie sud-ouest des Caraïbes qui

relèvent actuellement de la juridiction de la Colombie. Rien n’empêche le Costa Rica
de combler ce vide dans toute la mesure du possible conformément aux principes du
droit international.» 48

Telle est probablement la zone maritime décrite dans la requête à fin d’intervention, ainsi que dans

la figure 18, qui comprend la zone figurant en violet. A supposer que ⎯ quod non ⎯ le Costa Rica

puisse revendiquer des intérêts d’ordre juridique dans cette zone élargie au-delà des lignes arrêtées

dans le traité de 1977, il n’en satisferait pas pour au tant aux prescriptions de l’article 62. Même la

zone d’intérêt élargie qu’il reve ndique aujourd’hui ne serait pas ⎯ ne pourrait pas être ⎯ affectée

par le jugement de la Cour en l’espèce. Le Costa Rica n’a pas réussi à prouver le contraire. Sa

requête à fin d’intervention doit être rejetée.

46La Cour a ajouté : «L’établissement de cette frontière est un fait qui, dès l’origine, a eu une existence juridique
propre, indépendante du sort du traité de1955. Une fois convenue, la frontière demeur e, car toute autre approche
priverait d’effet le principe fondamentalde la stabilité des frontières dont lCour a souligné à maintes reprises

l’importance ( Temple de Préah Vihéar (Cambodge c.Tha ïlande), fond, arrêt, C.I.J.Recueil1962, p. 34 : Plateau
continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 36)». Voir également l’article 62 2) a) de la
Convention de Vienne de1969 sur le droit des traités et les ar ticles11 et 12 de la Conven tion de Vienne de1978 sur la
succession d’Etats en matière de traités.
47
Erythrée/Yémen, Souveraineté territoriale et champ du différend, sentence, 9 octobre 1998, par. 153.
48CR 2010/15, p. 16, par. 14 (Lathrop). - 23 -

36. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres de la Cour, je vous remercie

de votre attention. C’est toujours un grand honne ur pour moi que de paraître devant vous, et la

29 présente affaire ne fait pas exception. Mon seul regret est que mon cher ami et mentor,

IanBrownlie, ne soit pas ici à la place qu’il occupe généralement à nos côtés. Mais, de bien

d’autres manières, il sera toujours présent parm i nous. Je vous prie de donner la parole à

M. l’ambassadeur Argüello pour qu’il présente les conclusions finales du Nicaragua.

Le PRESIDENT: Je remercie M.PaulReichl er de son exposé et je donne maintenant la

parole à Son excellence M. l’ambassadeur Carlos José Argüello Gómez, agent de la République du

Nicaragua, pour qu’il présente ses conclusions.

M.ARGÜELLO GÓMEZ: Je vous remercie Mons ieur le président. Je vais maintenant

donner lecture des conclusions finales du Gouvernement de la République du Nicaragua.

C ONCLUSIONS FINALES DE LA RÉPUBLIQUE DU NICARAGUA

En application de l’article60 du Règlement de la Cour, et au vu de la requête à fin

d’intervention déposée par la République du Costa Rica et des éléments exposés à l’audience, la

République du Nicaragua prie respectueusement la Cour de dire et juger que la requête déposée par

la République du Costa Rica ne satisfait pas auxprescriptions énoncées à l’article62 du Statut et

aux alinéas a) et b) de l’article 81 du Règlement de la Cour.

Monsieur le président, pour conclure notre pa rticipation à ce tour de plaidoiries, je tiens à

exprimer, au nom de la République du Nicaragua, de notre conseil, des ta lentueux conseillers qui

nous entourent et de tous les membres de notre délégation, notre plus profonde reconnaissance à

vous-même, Monsieur le président, ainsi qu’à chac un des membres de la Cour pour l’attention que

vous avez bien voulu nous accorder. Puis-je au ssi, Monsieur le président, exprimer mes

remerciements au Greffe de la C our ainsi qu’à l’équipe d’interprè tes et de traducteurs qui ont dû

non seulement écouter et lire nos exposés, mais mê me les répéter. Notre reconnaissance va aussi

aux délégations du Costa Rica et de la Colombie ainsi qu’à leurs conseils pour leur contribution à

la présente procédure. Enfin, je tiens à remercier personnellement et publiquement l’équipe du

Nicaragua qui n’a pas ménagé ses efforts. Je vous remercie, Monsieur le président. - 24 -

30 Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur l’ambassadeur. Voilà qui met fin au second

tour de plaidoiries du Nicaragua.

L’audience est levée à 16 heures.

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