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135-20090922-ORA-01-01-BI
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CR 2009/17 (traduction)

CR 2009/17 (translation)

Mardi 22 septembre 2009 à 10 heures

Tuesday 22 September 2009 at 10 a.m. - 2 -

12 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Please be seated. The sitting is open.

The Court is meeting to hear the arguments of Ur uguay, but, before giving the floor to counsel for

Uruguay, I wish to announce that the Court received a letter late yesterday afternoon in which the

Agent of Argentina raised certain questions as to the status of Mr.NeilMcCubbin, a member of

Uruguay’s delegation who is scheduled to speak today. A copy of that letter was communicated to

the other Party, which, by letter received this morning, stated among other things that

Mr. McCubbin will speak in the capacity of advocate, not as an expert witness within the meaning

of Article 57 of the Rules of Court. The Court will treat his statement accordingly. In his response,

the Agent of Uruguay further observed that Mr. Howard Wheater and Mr. Juan Carlos Colombo

acted in a similar capacity for Argentina last w eek. Je donne à présent la parole à M.Reichler,

conseil de l’Uruguay, qui poursuivra son exposé. Vous avez la parole, Monsieur.

M. REICHLER: Monsieur le président, Messieu rs de la Cour, bonjour. Je vais poursuivre

aujourd’hui mon exposé en reprenant là où je me su is arrêté hier, alors que j’analysais la cause de

la prolifération d’algues qui a été observée le 4 février 2009.

L A PERFORMANCE DE L ’USINE :LES ÉLÉMENTS DE PREUVE DE L ’ARGENTINE
(PARTIE II)

I. LA PROLIFÉRATION D ’ALGUES DU 4 FÉVRIER 2009

1. [Planche 1.] La Cour se souviendra cer tainement de la photo satellite qui lui a été

1
présentée hier . Pour votre commodité, elle a été insérée da ns le dossier de plaidoiries de ce jour,

sous l’onglet no2. Elle illustre la situation telle qu’elle se présentait dans le fleuve Uruguay et dans

la baie de Ñandubaysal le 2février2009. On remarque notamment, en rouge, les fortes

concentrations de chlorophylle indiquant la présence importante d’algues dans la baie de

Ñandubaysal, dans laquelle se jette la rivière Gualeg uaychú du côté argentin. On y voit également

le parcours suivi par ces concentrations de chlo rophylle et d’algues, de la baie vers le

fleuveUruguay, le long de la rive argentine, just e en aval de la baie. On observe aussi que le

1 CBERS-2B (2février2009, 14h02). Voir égalem ent rapport de la DINAMA sur la floraison de
cyanobactéries (juille2t009), p1.0, fig2..5 (orignal espagnol accessible en cliquant sur les liens
figurant sous le titre «Floración de cianobacteriasen el río Uruguay el 04/02/2009» à l’adresse
http://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_content&task=view&…. Traduction
communiquée à la Cour le 15 septembre 2009. - 3 -

2 février 2009, juste deux jours avant la proliféra tion d’algues, il n’y avait aucune présence notable

de chlorophylle ou d’algues au niveau de l’usine Botnia ou à proximité de celle-ci. En bleu, la

13 section du fleuve adjacente à Botnia, qui présente le taux de chlorophylle et d’algues le plus bas.

Ce que cette photo satellite montre, c’est que, le 2février2009, toutes les conditions préalables

indiquant une prolifération imminente d’algues ét aient réunies dans la baie de Ñandubaysal, mais

pas dans la section du fleuve adjacente à l’usine de Botnia.

2. Comme je l’ai indiqué hier, la photo satellite confirme les données relatives à la

composition chimique des eaux de la baie et du fleuve produites par l’Argentine pour la période qui

a précédé la prolifération d’algues du 4févrie r. En résumé, les données recueillies par

M. Colombo sur la composition chimique de l’eau ont permis d’établir ce qui suit :

⎯ premièrement, les concentrations de phosphor e et d’azote dans les eaux du fleuve qui

subiraient l’influence de l’usine Botnia n’on t subi aucune modification due à l’usine, ni

pendant ni après les quinze premiers mois de son exploitation ;

⎯ deuxièmement, les concentrations de phosphore et d’azote dans les zones du fleuve qui sont

adjacentes à l’usine étaient basses par rapport à d’ autres zones du fleuve et de la baie de

Ñandubaysal, et n’ont pas augmenté pendant la période qui a précédé la prolifération d’algues ;

⎯ troisièmement, les analyses de la composition chimique de l’eau effectuées par M.Colombo

montrent que la teneur en chlorophylle, et donc celle en algues, étaient constamment faibles

dans les zones du fleuve subissant prétendument les effets de l’usine, et qu’elles non plus

n’avaient pas augmenté dans la période qui a précédé la prolifération d’algues ;

⎯ quatrièmement, à l’inverse, les concentrati ons de phosphore total et de phosphore réactif

soluble, ainsi que les taux de chlorophylle si gnalant la présence d’algues étaient sensiblement

supérieurs dans la baie de Ñandubaysal durant la période couverte par l’étude de M. Colombo à

ceux relevés dans les parties du fleuve adjacentes à l’usine ;

⎯ cinquièmement, dans la période précédant immédiatement la prolifération d’algues, les taux de

phosphore réactif soluble et de chlorophylle étaient supérieurs de plus de 350 % dans la baie à

ceux relevés dans le fleuve ; et enfin - 4 -

⎯ sixièmement, pour toutes ces raisons, les conditions nécessaires pour une prolifération d’algues

n’étaient pas réunies à proximité de l’usine Botnia au début du mois de février 2009, mais elles

l’étaient dans la baie de Ñandubaysal.

3. La photo satellite révèle bien plus en core. Comme nous l’avons vu hier (CR2009/16),

elle montre d’autres parties du fleuve, en amont de l’usine Botnia, où les conditions propices à une

prolifération d’algues étaient réunies le 2 février. Ces zones, comme la baie de Ñandubaysal, sont

14 représentées en rouge, indiquant de fortes concentrations de chlorophylle et d’algues. Donc, ce que

la photo nous indique dans son ensemble, c’est que si les conditions propices à une prolifération

d’algues n’étaient pas réunies devant l’usine Botnia le 2 février, elles l’ étaient aussi bien en amont

de l’usine que dans la baie de Ñandubaysal.

4. Maintenant nous pouvons tenter de répondre à la question, sur la base des données

recueillies, ycompris notamment celles de l’Argentine, pour ce qui est de l’origine de la

prolifération d’algues observée le 4février. Ces données montrent que la prolifération d’algues

s’est déclenchée soit en amont de l’usine, où les conditions propices étaient réunies, soit en aval,

dans la baie de Ñandubaysal, où les conditions étaient également réunies —selon le sens dans

lequel coulait le fleuve entre le 2 et le 4 février.

5. Dans quel sens ? Dans quel sens le fleuve coulait-il entre le 2 et le 4 février 2009 ?

6. La semaine dernière, M.Sands nous a d it à deux reprises au moins qu’entre le2 et le

2
4février le fleuveUruguay coulait en sens inverse, de l’aval vers l’amont . S’il a dit vrai, il a

prouvé la validité de la thèse selon laquelle la pr olifération d’algues du 4février est née dans la

baie de Ñandubaysal, d’où elle a été transportée vers l’amont par le courant inversé jusqu’au site de

l’usine Botnia. Mais a-t-il dit vrai? Monsieur le président, ce serait assurément commode pour

l’Uruguay si c’était le cas. Si le fleuve coulait en sens inverse entre le2 et le 4février, cela

signifierait que la prolifération d’algues qui a eu lieu le 4 est née dans la baie de Ñandubaysal, dont

l’Argentine nous a répété dans son étude scientifique et technique qu’elle n’est pas affectée par les

2
Par exemple, CR 2009/12, p. 42-43, par. 14 et 15 (Sands). - 5 -

3
effluents de l’usine Botnia . Pour cette raison, il est très tentant pour l’Uruguay de dire simplement

que nous sommes d’accord avec M. Sands, d’admettre que, pour une fois, il ne s’est pas trompé, de

l’en remercier et de clore le chapitre de la pr olifération d’algues du 4fé vrier. Mais sa thèse

présente des insuffisances qu’il nous faut relever.

15 7. M. Sands nous a dit mardi dernier que l’Argentine avait fourni des «indications détaillées»

reposant sur une surveillance «concrète et continue…» 4 Il a déclaré que ces éléments avaient été

5
produits «pour rendre compte des résultats d’une année entière de surveillance» . Pas exactement.

Pour se donner de l’assurance, il a tenté d’illustr er, à l’aide de deux graphiques extraits du

chapitre 2 de l’étude technique et scientifique de l’Argentine, l’exhaustivité et le professionnalisme

dont celle-ci a fait preuve lorsqu’elle a mesuré le courant du fleuve. Ces graphiques indiquent le

débit quotidien pour les mois de juillet 2008 et février 2009. Si ce n’est que le graphique relatif au

mois de février2009 ne couvrait pas tout le mois. Il ne c ouvrait que la période allant

o
du 10 au 28 février. [Planche 2.] Nous voyons ici, et également sous l’ongletn 3 du dossier de

plaidoiries, les graphiques de l’Argentine concer nant les mois de janvier et février2009 —non

juillet 2008 et février 2009, mais janvi er et février 2009. Ils sont extraits du chapitre 2 de l’étude.

Le graphique relatif au mois de février est le même que celui que M.Sands a présenté à la Cour

mercredi dernier. Comme vous pouvez le constater, lorsque les deux graphiques sont mis côte à

côte comme février suit janvier, il n’y a pas de donn ées sur le débit pour la période comprise entre

le 27janvier et le9février, celle qui a précéd é et suivi la prolifération d’algues du 4février,

pendant laquelle le fleuve aurait — soutient l’Argentine — coulé en sens inverse.

8. Cette lacune importante que présentent les données recueillies par l’Argentine a éveillé

notre curiosité. Nous sommes donc revenus sur ce point et avons examiné les données

hydrométriques étayant ses graphiques. Nous a vons constaté que les e xperts argentins avaient

relevé les débits mesurés par le courantomètre automatique qui faisait toute la fierté de M. Sands la

3 Voir documents nouveaux produits par l’Argentine, 30ju in2009, vol.I, rapport scientifique et technique
(ci-après, rapport scientifique et technique de l’Argentine), ch ap. 3.2, par. 4.1.2 (affirmant que les scientifiques argentins

ont pu «séparer nettement la baie, du fait qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du
fleuve Uruguay» et que les données «montrent que la baie est un milieu qui est à l’abri des fluctuations à court terme du
fleuve»), par.4.3.1.2 (mettant en avant des données qui «renforcent l’interprétation se lon laquelle la baie est un
environnement qui est relativement détaché du fleuve»). [Traduction du Greffe.]
4
CR 2009/12, p. 40, par. 11 (Sands).
5 Ibid., p. 41, par. 13 (Sands). - 6 -

semaine dernière 6 pendant toute la période de centtr enteetunjours comprise entre le

20 novembre 2008 et le 30 mars 2009, à l’exception de l’ intervalle crucial de quatorze jours. Il n’y

a aucune donnée pour ces jours-là. Les spécialistes argentins n’ont-ils tout simplement pas mesuré

les débits pendant ces quatorze jours ? Ont-ils perdu les données ? Ou avaient-ils une autre raison

de ne pas les présenter à la Cour ?

9. En fait, il y a de bonnes rais ons de s’interroger sur l’utilité de toutes les mesures de débit

effectivement présentées par l’Argentine. L’Argentine r econnaît qu’elle a toujours mesuré le débit

en un seul point du fleuve situé «en amont de l’us ine Botnia, sur la rive argentine du chenal de

navigation, au point kilométrique 105» 7. [Traduction du Greffe.] [Planche 3.] C’est

o
16 approximativement à l’endroit indiqué sur le croquis que vous voyez à l’écran et sous l’onglet n 4

du dossier de plaidoiries que se trouve le point où l’Ar gentine a effectué ses mesures. Nous disons

«approximativement» parce que nous n’en connaiss ons pas l’emplacement exact, l’Argentine ne

l’ayant pas révélé. Comme vous pouvez le voir, il ne se trouve pas dans le chenal principal du

fleuve, mais dans un chenal seconda ire proche de la rive argentine, où la profondeur est d’environ

6mètres. Le chenal principal —en blanc— se trouve en face, plus près de la rive uruguayenne,

avec une profondeur de plus de 20mètres —soit plus du triple. L’usine Botnia se trouve non

seulement de l’autre côté du fleuve, mais aussi à plusieurs kilomètres en aval de l’endroit où

l’Argentine a effectué ses mesures. A cet endroit, le fleuve fait presque 1500 mètres de large. On

ne saurait tirer aucune conclusion concernant le débit du fleuve — surtout d’un fleuve aussi large et

profond que le fleuve Uruguay — à partir de ce qui se produit en un seul point, en particulier si ce

point se trouve à une profondeur relativement faible, loin du chenal principal. M. Sands lui-même

a reconnu que le fleuve coulait simu ltanément dans différentes directions 8. Il est très possible que

dans les eaux moins profondes le long de la rive ar gentine le fleuve coulait vers l’amont alors que

le cours principal du fleuve — qui suit le chenal principal, beaucoup plus profond et plus proche de

l’Uruguay, jusqu’à l’endroit où les effluents de l’us ine Botnia sont rejetés— coulait vers l’aval.

C’est pourquoi on ne saurait tirer des mesures effe ctuées par l’Argentine la moindre conclusion,

6CR 2009/12, p. 40-41, par. 11-13 (Sands).
7
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 2, p. 5.
8CR 2009/12, p. 40, par. 10 (Sands). - 7 -

dans un sens ou dans l’autre, sur la direction du courant. Et ces mesures ne nous disent assurément

rien sur ce qui s’est produit entre la fin du mois de janvier et le début du mois de février, parce que

l’Argentine n’a communiqué aucune mesure sur cette période.

10. Bien entendu, l’Uruguay n’écarte pas la po ssibilité que le fleuve coulait en sens inverse

juste avant la prolifération d’algues du 4février. Mais il est également possible qu’avant cette

prolifération le fleuve coulait normalement d’amont en aval.

11. Les éléments étayant ce dernier scénario comprennent les relevés de l’organisme

uruguayen chargé du traitement et de la distri bution de l’eau potable —l’OSE, selon l’acronyme

espagnol— auquel incombe l’approvisionnement en eau potable des communautés uruguayennes

établies le long du fleuveUruguay. L’OSE doit retirer les algues de l’eau du fleuve pour que

celle-ci soit propre à la consommation. [Planche 4.] Si nous comparons les données qui figurent

o
sous l’onglet n 5, recueillies par l’OSE le 26 janvier 2009 à sa station d’épuration située à environ

100kilomètres en amont, à Paysandú, avec celles re levées le 5février à sa station d’épuration de

FrayBentos, juste en aval de Botnia, nous pou vons constater que, le 26 janvier, à Paysandú, la

9
17 concentration d’algues dans les eaux du fleuve ét ait supérieure à 1732,4 organismes par millilitre ,

ce qui est, bien entendu, nettement supérieur aux 1054,8organismes par millilitre relevés à

10
Fray Bentos le 5 février, au plus fort de la prolifération survenue à proximité du site de Botnia .

12. L’origine en amont de la plupart des pr oliférations d’algues dans le fleuve Uruguay

11
semble confirmée par des données plus anciennes . Celles-ci montrent que les proliférations

d’algues sont devenues une préoccupation pour la pr emière fois en1979, ap rès la construction du

barrage de Salto Grande, à plus de 240 kilomètres en amont de l’usine Botnia, et à 140 kilomètres

12
en amont de Paysandú . Selon les auteurs d’une étude réalisée en 1982, les proliférations d’algues

ont d’abord été observées dans le réservoir de SaltoGrande, en1979, immédiatement après son

9Rapport de la DINAMA sur la flor aison de cyanobactéries dans le fleuve Uruguay le 4février2009

(juillet 2009), annexe 1 (ci-après rapport de la DINAMA sur la floraison de cyanobactéries).
10Ibid., annexe2. Egalement disponible dans les comme ntaires de l’Uruguay relatifs aux documents nouveaux
fournis par l’Argentine, 15 juillet 2009, annexe C4.

11Commentaires de l’Uruguay relati fs aux documents nouveaux fournis par l’Argentine, 15juillet2009,
annexeC7, OSE, rapport sur le comporte ment des cyanobactéries dans l’eau brute de FrayBentos (6juillet2009)
(«L’efflorescence qui a eu lieu au cours des premiers mois de 2009 coïncide avec le comportement typique des algues en
transit du Nord vers le Sud qui a toujours lieu sur le fleuve Uruguay.»)

12Rapport de la DINAMA sur la floraison de cyanobactéries (juillet 2009), p. 14-16. - 8 -

remplissage et sa mise en service . Les algues, écrivent-ils, prolifèrent dans les eaux stagnantes du

réservoir, en particulier pendant l’été, en janvier et février, les mois de forte chaleur. L’eau

contenant les algues est évacuée vers l’aval après être passée par les turbines ou le déversoir du

barrage. En été, pour conserver l’eau, on réduit l es débits des turbines et du déversoir du barrage.

La combinaison de ces faibles débits, des températ ures élevées et de la forte lumière estivale crée,

sur toute la longueur du fleuve, les conditions idéales pour les proliférations d’algues. C’est ce que

prouve la documentation.

Monsieur le président, avec votre permission, j’ aimerais signaler qu’une note de bas de page

a été omise par inadvertance à cet endroit de mon exposé. Elle constituerait la note de bas de

page30.5 du compte rendu, et consisterait simplement en «Ibid.», puisque l’élément auquel elle

renvoie a déjà été cité 1.

Le VICE-PRESIDENT, faisant office de président : Veuillez faire insérer la correction.

M. REICHLER : Nous y veillerons. Merci, Monsieur le président.

13. Et c’est l’origine en amont des proliférations d’algues dans le fleuve qui est

effectivement confirmée par l’étude scientifique et technique de l’Argentine. C’est ce qui ressort

du chapitre 4 de l’étude, à la page 115 — page 115 de l’étude de l’Argentine :

18 «Des proliférations d’algues peuvent apparaître dans le fleuveUruguay durant
la saison chaude. Ces proliférations sont dues à une croissance explosive d’algues, en
particulier de cyanobactéries, consécutive à un enrichissement en nutriments,

principalement des phosphates, entre autres co mposants de détergents et fertilisants.
Ces cyanobactéries flottantes peuvent constitu er de grands agrégats à la surface du
fleuve, lesquels, sous l’action du vent, se c oncentrent généralement pour former des

nappes visibles dont la superficie, la taille et la durée de vie sont normalement
limitées.» [Traduction du Greffe.]

Chapitre 4 de l’étude de l’Argentine, p. 37 :

«La présence de cyanobactéries flottantes, potentiellement toxiques, est un
phénomène courant … dans de nombreux réseaux hydrographiques du monde

entier … et c’est pour cette raison qu’elle es t soumise à une surveillance continue par
des institutions spécialisées… Dans le fle uveUruguay [je continue à citer l’étude de
l’Argentine, «dans le fleuve Uruguay»], le ur présence est également favorisée par le
réservoir de Salto Grande…»

13
Ibid., p.14-15 (référence à R.Quirós & L.Lucchini , «Características lim nológicas del Embalse de
Salto Grande, III : Fitoplancton y su relación con parámetros ambientales», Rev. Asoc. Cienc. Nat. Litoral, 13, p. 49-66).
14Ibid. - 9 -

ainsi que je l’ai indiqué il y a quelques instants, et , je le répète, c’est l’ endroit où la plupart des

15
proliférations commencent, à plus de 240 kilomètres en amont de l’usine Botnia .

14. Mercredi dernier, M. Colombo a fait état devant la Cour d’une «plus grande abondance»

16
d’algues autour de l’usine Botnia en janvier 2009 . Cela entre, bien entendu, en contradiction avec

sa propre étude, figurant au chapitre3 du rapport dans laquelle il a constaté de faibles taux de

chlorophylle sur tous les sites dits «de Botnia » en janvier2009 —que j’ai exposés hier— et

indiquait en fait que les taux de chlorophylle les pl us faibles de tous, de tous les sites étudiés,

17
étaient ceux relevés sur ce qu’il a appe lé les «sites d’influence de Botnia» . Là où il n’y a pas de

chlorophylle, il n’y a pas d’algues. Peut-être se référait-il mercredi à un autre chapitre du rapport,

le chapitre4, dont les auteurs affirment avoi r trouvé à une occasion des niveaux élevés de

cyanobactéries sur certains sites de Botnia, mais pas tous. Il est significatif que selon cette étude,

que vous trouverez à la page82 du chapitre4, le taux de cyanobactéries relevé sur le site3 de

Botnia, le plus proche de l’usin e et le plus directement «influencé» par celle-ci, est très faible

⎯inférieur même à celui de leur propre étude ⎯ et sensiblement inférieur à celui relevé sur les

deux sites de la baie de Ñandubaysal. Des taux s upérieurs ont été relevés uniquement sur les deux

«sites de Botnia» situés directement sur le p assage des eaux usées rejetées par les égouts de

FrayBentos et Gualeguaychú. Je vous ai présenté hier une planche montrant ces sites de

prélèvement. Tout ce que ces analyses ont prou vé, c’est que les déchets humains et autres eaux

usées amènent de nombreuses bactéries, algues et au tres substances indésirables dans le fleuve.

Cela, Monsieur le président, n’est pas contesté. Mais cela ne dit rien sur l’effluent de l’usine

Botnia même.

19 15. Toutes les données tendent vers la même conclusion. La prolifération d’algues du

4 février 2009 n’a pas commencé sur le site de l’usine Botnia et n’a pas été causée par des

émissions de l’usine Botnia. Dans son propre chapitre de l’étude scientifique et technique,

M.Colombo dit ce qui suit sur la cause de la prolifération d’algues: «La prolifération de

cyanobactéries du 4 février … s’est produite à des moments où la teneur en nitrates [était] réduite

15Rapport de la DINAMA sur la floraison de cyanobactéries (juillet 2009), p. 16.
16
CR 2009/14, p. 44, par. 14 (Colombo).
17Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 31, tableau 8, et chap. 3.2, par. 3.2.3, tableau 8. - 10 -

et où la température [était] très élevée, deux facteurs favorisant le développement de ces

18
organismes, en particulier ceux qui fixent l’azote.» [Traduction du Greffe.] Où a-t-il dit que les

taux d’azote étaient plus bas le 4février, fa vorisant ainsi le développement d’algues ou de

cyanobactéries ? Dans la baie de Ñandubaysal, à l’endroit où, selon ses dires, les conditions étaient

favorables, et non dans les eaux adjacentes au site de Botnia 19.

II. LES EFFLUENTS AUTRES QUE LE PHOSPHORE ET L ’AZOTE

16. Monsieur le président, je vais conclure la partie de l’exposé que j’ai commencé hier sur

la composition chimique et la qualité de l’eau en examinant, très brièvement, les autres effluents

dont, outre le phosphore et l’azote, l’Argentine a tiré grief la semaine dernière. Tout comme dans

le cas du phosphore et de l’azote, l’Argentine n’ a produit aucun élément attestant que l’un

quelconque de ces effluents ne s’est pas dispersé rapi dement et complètement, pour être balayé par

les flots. Tout comme dans le cas du phosph ore et de l’azote, l’Argentine n’a démontré aucune

augmentation dans les concentrations d’ aucun de ces effluents aux endroits du fleuve censés pâtir

de l’usine Botnia. Quels sont ces autres effluent s? M.Colombo en a mentionné deux dans sa

présentation de mercredi dernier: il s’agit du sodi um et des AOX, dont la concentration aurait à

l’en croire augmenté dans la zone d’influence de Botnia 2. Cela nous a beaucoup surpris. Je ne

puis reprocher à M. Colombo de ne pas connaître les éléments de preuve. Mais il semble que, dans

ce cas-là, il en ait oublié une partie. Apparemment, M. Colombo n’a pas revu sa propre étude très

attentivement avant d’en faire l’exégèse à la Cour. S’il avait pris cette peine, il serait tombé sur le

passage suivant, à la page22 du chapitre3: «[L] es taux de sodium observés ne présentent aucun

risque. En outre, les concentrations de sodium enre gistrées dans la baie de Bellaco ([site] N6) sont

plus élevées en raison de l’influence des substances charriées par le Río Gualeguaychú.» La baie

de Bellaco, comme nous l’avons vu hier, fait par tie de celle de Ñandubaysal. Dans le même

chapitre, on trouve, aux pages27 et28: la concentration d’AOX «reste en-deçà du seuil

règlementaire allemand de 25microgrammes [par litre]». Et: «Les AOX présentent une série

d’oscillations … avec plusieurs pics … et une tendance générale à la hausse cet été,

18Ibid., p. 25.
19
Ibid., p. 24.
20CR 2009/14, p. 45, par. 15 (Colombo). - 11 -

21
20 particulièrement marquée dans la baie de Bellaco ([site] N6) en décembre2008.» Labaiede

Bellaco, je le répète, fait par tie de celle de Ñandubaysal qui, comme vous le savez fort bien,

22
d’après l’Argentine elle-même, ne subit pas l’influence de l’usine Botnia .

17. Mercredi dernier, M.Sands a énuméré une kyrielle d’autres substances qui, selon lui,

23
proviendraient de l’usine Botnia et causeraient des dommages au fleuve . Il n’a cité aucun

élément de preuve à l’appui de ces allégations. Il n’a jamais donné les concentrations relevées, que

ce soit avant ou après la mise en service de Botnia , et ni M.Colombo ni M. Wheater n’ont eu de

problèmes à signaler au sujet de l’un quelconque de ces effluents. Je ne pense donc pas nécessaire

d’accaparer le temps de la Cour en répondant à ces allégations, du moins au stade du tour actuel, si

ce n’est dans le cas de deux des substances incriminées: le fer et l’arsenic. Selon l’étude

scientifique et technique de l’Argentine, le fer, qui est l’un des éléments les plus répandus dans la

croûte terrestre, fait partie «des composants nature ls [je dis bien, des composants naturels] des

écosystèmes aquatiques et des éléments essentiels à la vie». Ce fer dont l’Argentine s’est plainte, il

vient principalement de «la poussière atmosphéri que, des sédiments et des fragments de croûte

terrestre détachés par l’érosion» 24. Voilà pour ce qui est du fer. Nous savons tous ⎯ tous ⎯

pourquoi M. Sands a mentionné l’arsenic. Il veut fa ire vibrer la corde sensible, sans rien prouver.

A l’évidence, il s’agit de faire peur. En fait, il ne serait pas vraiment exagéré de dire qu’une bonne

partie de la présentation faite par l’Argentine la semaine dernière se résume en une énorme

campagne visant à faire peur — à jouer les Cassandre en faisant croire que si la Cour ne ferme pas

cette usine, elle sonnera le glas non seulement du statut du fleuve Uruguay de 1975, mais aussi de

l’édifice tout entier du droit international de l’ environnement. Mais au cune preuve ne vient

corroborer ces menaces. La Cour ne manquera pas de remarquer, à la lecture du compte rendu, le

nombre considérable —je dis bien considérable — d’affirmations factuelles que M.Sands et ses

collègues ont formulées sans jamais s’appuyer, au moyen d’une citation ou d’un renvoi en note de

21
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, p. 28.
22
Voir ibid., chap. 3.2, par. 4.1.2 (affirmant que les scientifi ques argentins ont pu «séparer nettement la baie, du
fait qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du fleuve Uruguay» et que les données «montrent que
la baie est un milieu qui est à l’abri des fluctuations à cour t terme du fleuve»), par. 4.3.1.2 (mettant en avant des données
qui «renforcent l’interprétation selon laquelle la baie est un environnement qui est relativement détaché du fleuve»).
23
CR 2009/15, p. 19, par. 18 (Sands).
24Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 4.4.4. - 12 -

bas de page, sur l’un ou l’autre des éléments de preuve versés au dossier de la présente affaire.

Toutes ces affirmations sont creuses, sans guère de va leur. Et la référence de M. Sands à l’arsenic

25
21 constitue un parfait exemple . Il a certes accompagné cette référence d’une note de bas de page,

mais c’est pour renvoyer à un rapport établi par M. Wheater avant la mise en service de l’usine

Botnia. L’étude de M.Colombo n’est jamais cité e, pas plus que le moindre relevé—concret ou

même fabriqué de toutes pièces—du taux d’arsen ic émis par Botnia, ou des concentrations

d’arsenic à un quelconque endroit du fleuve. En fait, nous ne sommes parvenus à trouver aucune

mention de l’arsenic dans l’étude de M.Colo mbo. Ce composé ne posait manifestement pas

problème à ses yeux, et pour cause: les analyses de la composition chimique de l’eau effectuées

26
par la DINAMA confirment que l’usine Botnia n’émet pas d’arsenic en quantité mesurable .

18. Nous avons également entendu parler la semaine dernière des nonylphénols, des dioxines

et des furanes. Ces substances étant accusée s d’avoir causé des dommages aux organismes

aquatiques, y compris les poissons, c’est sous cet angle-là que je vais maintenant examiner ces

allégations.

III.L ES COQUILLAGES

19. M.Colombo a déclaré mercredi (CR2009/14) que l’usine Botnia avait nui aux

27
coquillages . En particulier, il a prétendu que les effluents de l’usine avaient fait perdre des lipides

aux coquillages, c’est-à-dire des graisses, ce qu’il a mis sur le compte de nonylphénols émis par

Botnia, censés avoir perturbé les pr ocessus métaboliques des coquillages 28. Monsieur le président,

permettez-moi de vous exposer comment M.Co lombo et l’Argentine sont parvenus à cette

conclusion.

25CR 2009/15, p. 20, par. 18 (Sands).
26
Documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin 2009, annexe S2, DINAMA, Rapport d’évaluation de la
performance pendant la première année d’opé ration de l’usine Botnia et de la qua lité de l’environnement dans la zone
d’influence (mai2009), p.8/33, tableau2; rapport de lDINAMA sur la qualité de l’eau de surface et des sédiments
(juillet 2009) (ci-après rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau), p. 18, par. 4.1.10.1, dont le texte original espagnol
peut être consulté via un lien intitulé «Inf orme Agua Semestre Ene-Jun 2009», à l’adresse
http://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_docman&Itemid=312 ; rapport semestriel de la DINAMA
sur la performance environnementale de Bo tnia (juillet2009), p.5, tableau2 et p.15, tableau4, dont le texte original
espagnol peut être consulté via un lien intitulé «Informe Emisiones Smestre Nov.2008-May2009», à l’adresse

http://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_docman&Itemid=312. Les traductions pertinentes ont été
communiquées à la Cour le 14 septembre 2009.
27Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 4 et chap. 3.2, par. 1 et 4.7.1.

28Ibid., chap. 3.1, p. 4 et chap. 3.2, par. 4.7.1. - 13 -

20. Tout d’abord, des coquillages ont été extraits de leur habitat nature l, qui se trouve dans

les sédiments — c’est-à-dire dans la vase — au fond du fleuve, près de la rive argentine . C’est là 29

que vivent les coquillages car c’est là qu’ils trouvent leur source d’alimentation. M. Colombo écrit,

au chapitre3 de l’étude, que le coquillage se nourrit des débris organiques présents dans les

sédiments du fleuve par un processus de «filtr age et de fouissage («pedal feeding»)» 3. Les

22 assistants de M.Colombo ont ouvert les coquillages et mesuré leur teneur en lipides. Ils en ont

ensuite extrait d’autres de la vase, les ont placés dans un sac en filet qu’ils ont suspendu à une

bouée, et les ont laissé flotter dans le courant, sous l’eau mais au-dessus du lit du fleuve 31. [V. 32.]

Voici deux images illustrant leur expérience. Ce lles-ci sont tirées du chapitre3 de l’étude de

M.Colombo, qui les a présentées à la Cour mercredi. Elles figurent sous l’onglet6 du dossier

d’aujourd’hui. Comme vous pouvez le voir, les coqu illages ont été laissés en suspension, bien loin

de leur habitat naturel—et, surtout, de leur s ource d’alimentation—, et ils ont été soumis au

fouettement incessant du courant du fleuve pendant d es périodes de plusieurs mois, parfois jusqu’à

32
cent quatre-vingts jours d’affilée . Ils ont ensuite été ouverts à nouveau et ont présenté un teneur

33
inférieure en lipides . En d’autres termes : ils ont perdu du poids.

21. Voilà donc une sacrée expérience. La c onclusion est aussi saugrenue que l’expérience

elle-même. M. Colombo et son équipe ont conclu que les coquillages avaient perdu du poids parce

que quelque chose dans l’eau avait perturbé leur métabolisme 3. Apparemment, ils n’ont pas songé

que les coquillages pouvaient avoir perdu du poids pa rce que, plusieurs mois durant, ils n’ont rien

eu à manger.

29
Ibid., chap. 3.1, p. 10 et chap. 3.2, par. 4.7.1.1.
30
Ibid., chap. 3.2, par. 4.7.1.1. (indiquant que les coquillag es procèdent généralement au «filtrage et au fouissage
des débris présents dans les sédiments de surface de la plage»).
31
Ibid., chap. 3.2, par. 3.1, photos 2 et 5.
32 Ibid., chap.3.2, par.3.1, photo2 (indiquant que les coquillages ont été soumis à une «bioaccumulation»
pendant des périodes allant de 0,5 à 6 mois).

33Ibid., chap. 3.2, par. 4.7.1.1.

34Ibid., chap. 3.2, par. 4.7.1.10. - 14 -

IV. LES NONYLPHÉNOLS

22. Et qu’y avait-il dans l’eau qui, selon l’Arge ntine, aurait entraîné cette perte de poids?

35
Des nonylphénols . Or, quand bien même l’on admettrait cette hypothèse, que rien ne vient

corroborer, l’argumentation de l’Argentine n’en ser ait pas confortée pour autant, parce que l’usine

Botnia n’utilise de nonylphénols dans aucun de ses procédés ⎯ nettoyage de l’installation compris.

23. M.Sands a indiqué la semaine dernière , dans sa plaidoirie de lundi, que l’Uruguay

n’avait jamais réagi aux préoccupations exprimées par l’Argentine au sujet des nonylphénols avant

le 15 juillet dernier, date à laquelle il a soumis la déclaration sous serment de Mme Alicia Torres,

directrice de la DINAMA 36. Exercice purement rhétorique, puisque M. Sands sait ⎯ ou, du moins,

devrait savoir ⎯que l’Argentine n’avait jamais expr imé de préoccupations au sujet des

nonylphénols avant de soumettre son rapport scientif ique et technique, deux semaines plus tôt,

le 30 juin.

23 24. M.Sands a longuement glosé sur la décl aration sous serment d’AliciaTorres, dont il

nous a livré une analyse syntaxique relativement détaillée 3. Dans cette déclaration, MmeTorres

affirme que l’usine Botnia «ne crée» ni «n’utili se de nonylphénols, ou ses dérivés éthoxylés, dans

aucun de ses processus de production et de blanchiment de pâte à papier» 38. M. Sands, sollicitant

le texte, s’est employé à montrer qu’il avait ét é conçu de manière à ménager la possibilité, pour

l’usineBotnia, d’utiliser des nonylphénols dans ses procédés de blanchiment ou de nettoyage.

Mais ce procès d’intention n’a pas lieu d’être. MmeTorres a indiqué à la Cour que Botnia

39
n’utilisait de nonylphénols dans aucun de ses procédés . Ce libellé ne souffre aucune ambiguïté.

Il couvre le blanchiment et le nettoyage de la pulpe.

25. L’Argentine affirme ne pas savoir quell es sont les substances chimiques et autres

40
employées pas Botnia pour produire la pâte à papier ou nettoyer l’usine . Comment, dès lors,

peut-elle soutenir que Botnia utilise des nonylphéno ls? Son principal argument lui est offert par

35Ibid., chap. 3.1, p. 4.
36
CR 2009/12, p. 48, par. 24.
37
CR 2009/12, p. 49-50, par. 27 ; CR 2009/15, p. 17-18, par. 13.
38Déclaration sous serment de Mme AliciaTorres, directrice de la DINAMA, 13juillet2009, Commentaires de

l’Uruguay relatifs aux documents nouveaux fournis par l’Argentine, 15 juillet 2009, annexe C24.
39Ibid. (Les italiques sont de nous.)

40CR 2009/15, p. 16, par. 12 (Sands). - 15 -

M.Colombo, qui affirme avoir relevé une augmen tation des concentrations de nonylphénols dans

les eaux situées à proximité de l’usine. Et il précise n’avoir constaté de telles hausses nulle part

ailleurs . Et pour cause! Il n’a, apparemment, cherché nulle part ailleurs. [V-nouveau.] A

l’écran, et à l’onglet7, vous voyez les résultats des prélèvements réalisés dans le cadre de son

«étude» des nonylphénols 42. La Cour se rappellera que les sites mentionnés à gauche, jusqu’au

site U1, sont situés en amont de l’usine Botnia. L es trois sites suivants, U2, U3 et U4, relèveraient

de la zone d’influence de l’usine. Les trois derniers, N5, N6, I7 se trouvent dans la baie de

Ñandubaysal. Or, il n’existe quasiment aucune donnée s’agissant de l’une quelconque des

trois stations de prélèvement situées dans la baie de Ñandubaysal. Aucune mesure n’aurait-elle été

réalisée ? Ou les résultats auraient-ils à ce point desservi sa cause que l’Argentine a estimé devoir

les écarter? Comment M.Colombo peut-il affirm er que les concentrati ons de nonylphénols sont

plus élevées à proximité de l’usine Botnia, alors qu’il ne dispose de mesures pour aucun autre site ?

Comment pourrait-il le savoir ? Il ne saurait en tout état de cause affirmer que ces concentrations

ont augmenté à proximité de l’usine Botnia aprè s la mise en service de celle-ci, puisqu’il ne

dispose d’aucune donnée préalable sur la composition chimique de l’eau. C’est là, et je l’ai déjà

dit, une défaillance majeure qui ⎯ comme le savent fort bien bon nombre de scientifiques dans son

domaine ⎯ soulève de réelles questions sur la fiabilité de nombreux aspects de son étude.

24 26. En réalité, M. Colombo lui-même a ém is des doutes quant à l’émission de nonylphénols

par l’usine Botnia. Il nous dit, à la page 39 du chapitre 3 du rapport scientifique et technique, que

les usines de pâte à papier modernes, comme l’usin e Botnia, n’utilisent et n’émettent généralement

pas de nonylphénols. M.Colombo reconnaît même que cela fait dixans que les usines de pâte à

papier canadiennes n’en utilisent ni n’émettent plus 43. L’usine Botnia est plus moderne que celles

basées au Canada, et se conforme aux normes de l’Union européenne. Pourquoi, dès lors,

utiliserait-elle de telles substances ?

41
CR 2009/14, p. 46-48, par. 18-19.
42Données biogéochimiques, tableau9, su r le site Internet argentin protég é par un mot de passe, disponible sur

http://www.mrecic.gov.ar/scientificdata (nom d’utilisateur : PVA ; mot de passe : SAyD S) (ci-après site Internet argentin
protégé par un mot de passe).
43Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 39. - 16 -

27. Il y a, à n’en pas douter, des nonylphénols dans le fleuve. De quelles autres sources

pourraient-elles provenir? Cela, M.Colombo nous le dit également, à cette même page39 du

chapitre3 de son rapport: les nonylphénols provi ennent d’installations industrielles produisant

textiles, cuirs, métaux, pétrole, polymères, peintu res à l’eau, détergents, plastifiants, pesticides et

articles de soins corporels 44. Précisément, en d’autres termes, le type d’usines actuellement

exploitées dans la zone industrie lle de Gualeguaychú, qui déversent jour après jour des effluents

45
dans le fleuveGualeguaychú, et de là, directement, dans la baie de Ñandubaysal . Rien

d’étonnant, dès lors, à ce que M.Colombo n’a it pas cherché à mesurer les concentrations de

nonylphénols dans la baie de Ña ndubaysal! Il en aurait trouvé ⎯et à des taux autrement plus

élevés que sur le site, ou à proximité, de l’usine Botnia.

28. Monsieur le président, avec un peu de recul, tout le débat sur les nonylphénols prend une

dimension quelque peu surréaliste. Quel est l’objet de la controverse ? L’Uruguay est convaincu

que Botnia ne fait aucun usage des nonylphénol s. L’Argentine affirme être convaincue du

contraire. En tout état de cause, les deux Parti es conviennent que Botnia ne devrait pas utiliser de

nonylphénols dans ses procédés de production, de ne ttoyage, etc. Les deuxParties sont d’accord

sur cette question. La solution ne consisterait-el le pas à ce qu’elles travaillent de conserve pour

vérifier si des nonylphénols sont effectivemen t utilisés? Cette question aurait pu être résolue

depuis longtemps, si l’Argentine avait, dès l’a bord, soumis à l’Uruguay ses préoccupations. Au

lieu de quoi elle a préféré taire les résultats de ses relevés, en les mettant de côté pour s’en servir

dans le cadre de la présente instance. Mais il n’est jamais trop tard pour mettre en place une

coopération. Si ⎯ si ⎯, malgré l’intime conviction qu’a l’ Uruguay du contraire, Botnia utilise

effectivement des nonylphénols, l’Uruguay y mettra bon ordre. Après tout, l’eau située un peu en

25 aval de l’usine est bue chaque jour par 200 00Uruguayens résidant à FrayBentos, dont la

protection incombe à la DINAMA.

44
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 39.
45
DU, par. 2.82. - 17 -

V. L ES ROTIFÈRES

29. J’en viens maintenant aux rotifères ⎯ces organismes microscopiques. L’Argentine

affirme avoir constaté un pourcentage élevé d’anomalies morphologiques chez les rotifères à

proximité du site de l’usine 46. Les données présentées par M.Co lombo sont entachées de tant

d’erreurs qu’elles n’ont pas à être prises en cons idération. Je réserverai mes observations sur la

méthodologie et les données employées par l’Argentine jusqu’au prochain tour de plaidoiries, n’y

revenant, du reste, que si l’Argentine persiste à évoquer le cas de rotifères. Mais l’essentiel, ici, est

que l’Argentine attribue ces anomalies aux nony lphénols qu’utiliserait et émettrait l’usine

Botnia 47 ; or, Botnia n’utilise pas ni n’émet de nonylphénols.

VI. L ES POISSONS

30. J’en viens à présent aux poissons. Monsieur le président, M.Colombo a dit à la Cour

mercredi que les concentrations de dioxines et de furanes dans la chair des poissons avaient

48
augmenté depuis la mise en service de l’usine Botnia . Mais l’argument de l’Argentine selon

lequel l’usine Botnia a eu des effets nocifs su r les poissons n’est étayé par aucun élément de

preuve. L’«étude» sur laquelle se fonde cette opinion est dépourvue de toute crédibilité.

31. Pour commencer, l’augmentation alléguée d es concentrations de dioxines et de furanes

dans la chair des poissons est, comme M. Colombo le reconnaît lui-même, loin d’être importante.

Au chapitre 3 de son étude, il reconnaît que, même aujourd’hui, les taux de dioxines et de furanes

49
relevés dans la chair des poissons du fleuve Uruguay sont «très bas» , à tel point, précise-t-il,

qu’une personne pourrait manger une grande quantité de ces poiss ons, plus de 100kilogrammes

50
par an, sans aucun risque pour sa santé .

32. Mais l’étude réalisée par M. Colombo c ontient de nombreuses erreurs. Les données sur

lesquelles elle repose sont uniquement disponibles sur le site Internet que l’Argentine a protégé par

46CR 2009/12, p. 31, par. 31 (Sands).
47
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 4.
48
CR 2009/14, p. 51 par. 25.
49Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 5 et 45.

50Ibid., chap. 3.1, p. 45. - 18 -

51
26 un mot de passe et dont elle n’a communiqué l’adresse, que vous ne pouvez voir que si vous lisez

o 52
attentivement la note de bas de page n 16 , que dans ses commentaires du 15juillet2009.

Associées aux tableaux présentés au chapitre3 de l’étude, les données en ligne montrent que

l’Argentine a pêché, et analysé, 69 poissons entre novembre 2007, quand l’usine Botnia a été mise

53 54
en service, et août2008 , et qu’elle en a pêché et analysé 14autres entre février et avril2009 .

Ainsi, un total de 83poissons, selon l’étude réalis ée par l’Argentine, ont été pêchés et analysé

pendant la période d’étude. Cependant, les conc lusions de l’étude sont fondées sur des données

55
obtenues à partir des analyses effectuées sur 23 poissons seulement . Aucune donnée n’est fournie

sur les soixante autres poissons analysés, ce qui représente plus de deux tiers du nombre total 56.

L’Argentine a–t-elle perdues les données correspondant es ? A-t-elle simplement oublié qu’elle en

disposait quand il a fallu exploiter les chiffres? Ou a-t-elle décidé d’omettre des données qui

desservaient sa thèse ?

33. Quand on exclut les données relatives à 60 poissons sur 83, on se retrouve avec un tout

petit échantillon ⎯ 23 poissons seulement ⎯ et une aberration peut ainsi fausser radicalement les

moyennes. C’est justement ce qui s’est passé ici avec les sábalos, les poissons dont nous avons

tant entendu parler la semaine dernière. L’un des sábalos pêché par l’Argentine affichait des taux

de dioxines et de furanes presque onze fois supérieurs à la moyenne 57. Il a suffi à M.Colombo

d’inclure ce seul poisson très malade et d’en écarte r quelque soixante autres qui ne l’étaient sans

doute pas autant pour porter les taux mo yens dans toute la population de sábalos à un niveau

suffisant pour donner l’impression que les concentra tions de dioxines et de furanes avaient

51 Alors que dans son rapport du 30 juin 2009, M.Colombo présente des données sur les tests effectués sur les
poissons, ce rapport ne contient aucune donnée sur les dioxines et les furanes. Voir rapport scientifique et technique de
l’Argentine, chap. 3.2, par. 4. 72, tableau 21.

52 Données biogéochimiques, tableau 19 sur le site Internet argentin protégé par un mot de passe.

53 Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 3. 1, tableaux 3 et 5.
54
Ibid., chap. 3.1, p.11, tableau 14.
55
Ibid., chap. 3.2, par. 4.7.2, tableau 21, données biogéochimiques, tableau 19 sur le site Internet argentin protégé
par un mot de passe. Voir aussi chap.3.1, p.26, figure 26 (haut) (montrant que toute l’argumentation relative aux
poissons, couverte par le chapitre 3.2, repose sur des données réunies durant le mois d’août 2008).
56
Voir rapport scientifique et technique de l’Argentin e, chap.3.1, p.45-46, chap.3.2, par.4.72; données
biogéochimiques, tableau 19 sur le site Internet argentin protégé par un mot de passe.
57
Données biogéochimiques, tableau 19 su r le site Internet argentin protég é par un mot de passe (qui montre
qu’un sábalo pêché en juillet2003 affichait des niveaux de dioxines et de furanes de 66,5pg/g ww alors que tous les
autres affichaient une moyenne de seulement 6,1 pg/g ww). - 19 -

augmenté ⎯très légèrement, pas même au point d’atteindre des niveaux nocifs ⎯depuis la mise

en service de l’usine Botnia.

34. Sur les 23 poissons retenus pour l’étude, les données montrent qu’au moins19 ont été

58
pêchés dans la baie de Ñandubaysal , qui n’est pas influencée par les émissions de l’usine

Botnia 59. Même le sábalo malade qui a faussé les résultats de l’analyse y a été pêché 60. Il n’y a
27

donc pas de lien entre l’usine et au moins 19 des 23 poissons utilisés dans l’étude réalisée par

l’Argentine. Pourquoi tous ces poissons nageaient- ils dans la baie de Ñandubaysal ? L’Argentine

dit que les poissons «recherchent activement les concentrations de matières organiques tels que les

eaux usées et les effluents industriels, qui co nstituent un vecteur important d’accumulation de

polluants persistants» 61. La baie de Ñandubaysal correspond certainement à cette description.

C’est l’endroit où, grâce au fleuve Gualeguaychú, ar rivent les effluents industriels rejetés par au

moins 25usines situées dans le parc industriel de Gualeguaychú et les eaux usées de la ville de

Gualeguaychú, qui compte plus de 75 000 habitants 62.

35. Passons sur les poissons. Mais on peut en dire plus sur les dioxines et les furanes.

Monsieur le président, M.Boyle vous a dit que la DINAMA et EcoMetrix, consultant de la SFI,

avaient conclu, sur la base des résultats de la surveillance, que l’usine Botnia ne rejetait ni dioxines

ni furanes dans le fleuve Uruguay. Or, vous avez entendu M.Sands et ses collègues dire en de

nombreuses occasions la semaine dernière que les concentrations de dioxines et de furanes dans les

eaux du fleuve près de l’usine Botnia avaient augm enté depuis la mise en service de l’usine. Ils

disent que ces polluants sortent de la conduite d’év acuation de l’usine, et même de ses cheminées,

pour finir d’une manière ou d’une autre dans le fleuve 63. Comme je l’ai déjà dit, M.Sands ne

58Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 11, tableau 5, et chap. 3.2., par. 3.1, tableau 5.

59Ibid., chap. 3.2, par. 4.1.2 ; (affirmant que les scientifiques argentins ont pu «séparer nettement la baie, du fait
qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du fleuve Uruguay» et que les données «montrent que la
baie est un milieu qui est à l’abri des fl uctuations à court terme du fleuve»), pa r.4.3.1.2 (mettant en avant des données
qui «renforcent l’interprétation selon laquelle la bait un environnement qui est rela tivement détaché du fleuve»).

[Traduction du Greffe.]
60Voir données biogéochimiques, tableau 19, sur le site argentin protégé par un mot de passe (qui indique que le

sábalo malade a été pêché en juillet 2008) ; rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 3.1, tableau 5
(qui montre que tous les poissons pêchés après novembre 2007 et août 2008 l’ont été dans la baie de Ñandubaysal).
61Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 5.

62CMU, vol. X, annexe 224, p. 40.

63Par exemple, CR 2009/15, par. 19 (Sands). - 20 -

connaît pas les données empiriques. En l’espèce peut-être faut-il l’en excuser, parce qu’il n’y a pas

de données empiriques à connaître. Les observations de M. Sands à cet égard, comme d’autres de

ses affirmations factuelles auxquelles j’ai déjà répondu, sont consignées dans le compte rendu,

comme la Cour pourra le constater en cons ultant le compte rendu de l’audience du

jeudi17septembre, page20. L’Argentine n’a présenté absolument aucune preuve ⎯ absolument

aucune ⎯ sur les taux de dioxines et de furanes dans l’eau, et encore moins sur la mesure dans

64
28 laquelle l’usine Botnia contribuerait à ces taux . Si elle a mesuré les taux de dioxines et de

furanes, elle n’a pas communiqué les résultats de ces mesures à la Cour, du moins pas encore.

36. Peut-être ces résultats vont-ils apparaître d’ic i à la semaine prochaine sur le site Internet

spécialement créé par le ministère argentin des affaires étrangères pour la présente affaire, et donc

constituer, selon les termes utilisés par l’Argentin e, des «documents facilement accessibles» et

donc des éléments de preuve admissibles au regard du paragraphe 4 de l’article 56 du Règlement.

M. Sands a, la semaine dernière, critiqué l’Uruguay parce qu’il invoquait les rapports officiels de la

65
DINAMA , qui ont été rendus publics lors d’une conférence de presse, ont fait l’objet de

nombreux articles dans la presse et ont été publiés su r le site Internet de la DINAMA, comme le

sont tous les rapports de ce type, plus d’un mois avant le commencement des présentes audiences.

Etant donné le caractère public de ces rapports, et la large couverture dont ils ont fait l’objet dans la

presse argentine et internationale 66, il n’est pas douteux que l’équipe de l’Argentine, sinon

M. Sands lui-même, les ont eus en leur possession. En fait, le site Internet de l’Argentine contient

une réponse au document de la DINAMA, ce qui confirme que l’Argentine y a eu accès en temps

voulu.

64
Voir rapport scientifique et technique de l’Argen tine, chap.3.1, p.13 et 43-46 (établissant que les
concentrations de dioxines et de furanes n’ont été mesurées que dans les sédiments et la chair des poissons).
65CR 2009/14, p. 53-54, par. 2 (Sands).

66Par exemple, Diario El Argentino , «Rapport sans surprise et favorableBotnia: l’usine de cellulose de la
société finlandaise Botnia, dont la mise en service a provoqué le pire affrontement depuis des décennies entre les
Gouvernements de l’Uruguay et de l’ Argentine, a une «excellente» perfo rmance environnementale selon un rapport
officiel publié ce lundi»[traduction du Greffe] (11août2009), version original e espagnole disponible à l’adresse

http://www.diarioelargentino.com.ar/notas.php?id=64378 ; Diario La República , «Les effluents diminuent» [traduction
du Greffe] a0101t9), version original e espagnole disponible à l’adresse
http://www.larepublica.com.uy/politica/376125-bajan-vertidos-de-efluent… ; Diario El Telégraf o, «Selon le comité de
surveillance: Botnia respecte les normes envi ronnementales et amél iore sa performance» [traduction du Greffe]
(11 août 2009), version originale espagnole disponible à l’adresse
http://www.eltelegrafo.com/index.php?seccion=locales&fechaedicion=2009-…. Des traductions ont été
communiquées à la Cour le 15 septembre 2009. - 21 -

37. M.Sands a dit que l’Arge ntine «procèder[ait] de la même manière» que l’Uruguay et

67
utiliserait tout document facilement accessible . «Procéder de la même manière»? Nombre des

documents que vous avez vus la semaine dernière , en particulier certain s de ceux produits par

M.Colombo et M.Wheater, ont été vus par nous pour la première fois lo rsqu’ils sont apparus

soudainement à l’écran. Il apparaît qu’ils ont ét é placés sur un site Internet créé spécialement pour

la présente affaire par le ministère argentin des affaires étrangères ⎯en fait, son URL est

http://www.mrecic.gov.ar/publicdocuments/ ⎯les11 et12septembre, le week-end avant le début

des présentes audiences. Pour aller sur ce site, il fallait en connaître l’existence et l’adresse exacte,

29 laquelle n’a jamais été donnée à l’Uruguay jusqu’à ce que nous voyions les documents lundi

dernier. Ce site Internet n’est pas accessible via le site Internet normal du ministère des affaires

étrangères, ni via Google, ni via aucun autre mote ur de recherche Internet que nous connaissions.

En d’autres termes, ce site Internet créé spéci alement par l’Argentine n’est pas facilement

accessible, excepté pour les membres de l’équipe de l’Argentine. Il contient cet avertissement

exprès :

«Les données et documents ne peuvent être utilisés à d’autres fins que

l’instance introduite devant la Cour in ternationale de Justice en l’affaire «Usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay)», sans l’autorisation écrite
expresse du Secrétariat argentin à l’environnement et au développement durable

(Secretaría de Ambiente y Desarrollo Sustentable). Toute utilisation non autorisée par
quiconque, personne ou en tité, pour quelque raison que ce soit, engagera la
responsabilité de l’intéressé devant la loi.» 68 [Traduction du Greffe.]

Facilement accessible? Seulement si on sait que le site Internet existe. Seulement si on en a

l’adresse et seulement si on veut s’exposer à des poursuites pénales en Argentine. Malgré cela,

nous nous félicitons de la déclar ation de M.Sands selon laquelle l’Argentine est attachée à une

69
transparence totale dans la présente instance .

38. Mais la question de savoir si une partie à une instance devant la Cour peut placer des

documents servant ses intérêts sur un site Intern et inconnu de l’autre partie la veille-même des

audiences, deux jours avant qu’elles ne commencen t, voire durant les audiences elles-mêmes, et

67CR 2009/14, p. 54, par. 2 (Sands).
68
Voir http://www.mrecic.gov.ar/publicdocuments/i ndex_en.php (consulté pour la dernière fois le
21 septembre 2009).
69CR 2009/14, p. 54, par. 2 (Sands). - 22 -

s’estimer libre de les utiliser comme des docum ents «facilement accessibles» est peut-être une

question à laquelle la Cour souhaitera réfléchir. Assurément, l’Uruguay formulerait des objections

si l’Argentine plaçait de nouveaux documents su r un site Internet d’accès limité durant les

présentes audiences et entendait les utiliser comme des documents «facilement accessibles» lors du

second tour de plaidoiries.

39. Comme je l’ai dit il y a quelques instants , l’Argentine n’a produit aucun élément sur la

présence de dioxines et de furanes dans l’eau. Elle a toutefois mené une étude sur les dioxines et

les furanes dans les sédiments 70. M.Colombo l’a décrite mercredi dernier. Mais ce

qu’apparemment il a négligé de dire à la Cour, c’est que tous les sédiments qu’il a analysés, ou du

moins tous ceux dont il a parlé dans son rappor t de 600pages, provenaie nt de la baie de

Ñandubaysal 71. Aucun des sédiments sur lesquels repo saient les arguments de l’Argentine d’un

72
accroissement des taux d’accumulation ne provenait du fleuve proprement dit, a fortiori de la

partie du fleuve qui aurait été sous l’influence de l’usineBotnia 73. Même ainsi, M.Colombo
30

conclut au chapitre 3 de l’étude que, bien que les sédiments de la baie de Ñandubaysal présentent

des taux de dioxines et de furanes croissants, ces taux n’en demeurent pas moins «très bas» et «plus

bas que les valeurs de référence des reco mmandations canadiennes pour la qualité des

74
sédiments» . Mais, plus important, tout cela est circonscrit à la baie de Ñandubaysal, dont

M.Colombo nous dit à maintes reprises tout au long de son étude qu’elle n’est pas affectée par

l’usine Botnia 7.

70
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 4 et 5 et 43-44.
71
Voir ibid., chap. 3.1, p. 44 («L’analyse d’une carotte de sédiments de 45 centimètres de long prélevée en 2006
à la stationN6 a été effectuée de manière à confirmer la tenda nce temporelle à l’augmen tation observée dans les
sédiments de surface. Cet endroit de la baie de Bellaco est extrêmement stable…Ces données [provenant de cet
échantillon] ont été complétées par celles des sédiments superficiels collectésdans la baie de Bellaco (N6) de
novembre2007 à février2009. Les résultat s montrent que le taux d’accumulation de dioxines et de furanes dans les
sédiments est actuellement multiplié par 22…») (Les italiques sont de nous.)

72CR 2009/12, p. 48, par. 23 (Sands).
73
Ibid.
74
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 43.
75Voir ibid., chap. 3.2, par. 4.1.2 (affirmant que les scientifi ques argentins ont pu «séparer nettement la baie, du

fait qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du fleuve Uruguay» et que les données «montrent que
la baie est un milieu qui est à l’abri des fluctuations à cour t terme du fleuve»), par. 4.3.1.2 (mettant en avant des données
qui «renforcent l’interprétation selon laquelle la bait un environnement qui est rela tivement détaché du fleuve»).
[Traduction du Greffe.] - 23 -

40. En résumé, l’Argentine n’a produit aucune preuve ⎯ aucune preuve ⎯ attestant que

l’usine Botnia a introduit des dioxines ou des furanes, quelle qu’en soit la quantité, sans parler de

quantité préjudiciable ⎯ dans l’eau ou dans les sédiments du fleuve Uruguay.

CONCLUSIONS

41. Monsieur le président, j’en arrive à la fin de ce qui à mon grand regret a été une très

longue plaidoirie. Je suis persuadé qu’elle vous a parue à vous-même et à vos distingués collègues

de la Cour encore plus longue qu’à moi. Bi en que je vous sois extrêmement reconnaissant du

temps et de la patience que vous m’avez accordés, je vous prie de m’excuser d’avoir abusé et de

l’un et de l’autre. L’Uruguay n’ignore pas qu’il n’est pas habituel qu’un avocat demeure aussi

longtemps à la barre. Nous espérons que vous no us pardonnerez d’avoir décidé qu’il pourrait être

utile à la Cour que nous répondions dans le cadre d’une seule plaidoirie et par la voix d’un seul

avocat aux éléments de preuve argentins concernant les dommages causés au fleuve et aux espèces

aquatiques. Il est malheureux que vous ayez dû l’ entendre de la bouche d’un avocat affligé d’un

malencontreux accent américain, ou pire encore en l’occurrence, d’un accent newyorkais. Pour

cela je vous présente également mes excuses.

42. Je n’accablerai pas la Cour de longues c onclusions. Je soulignerai seulement les points

suivants :

43. Les éléments de preuve montrent que l’Ur uguay a évalué correctement, en profondeur et

avec soin si le site retenu pouvait accueillir une usin e de pâte à papier de la taille de celle de

Botnia, en commençant longtemps avant que la construction de l’usine ait été autorisée. L’examen

auquel a procédé l’Uruguay pour déterminer si le site était adapté a notamment consisté, en

particulier, en une analyse détaillée et hautemen t sophistiquée du courant du fleuve, y compris de

31 l’inversion de ce courant et de sa vélocité. L’Uruguay a décidé que pour évaluer dans quelle

mesure le fleuve était en mesure d’accueillir les effluents de Botnia, il devait postuler, pour

l’inversion du courant, une fréquence de29%, un pourcentage prudent. Il a calculé qu’à cette

fréquence, et avec des hypothèses également prudentes en ce qui concerne la vélocité, le fleuve

pouvait recevoir en toute sécurité tous les effluents de Botnia sans risque de dommage, sans parler

de dommage significatif, à la qualité de l’eau ou aux espèces aquatiques, y compris les poissons. - 24 -

L’Uruguay a partagé tous ses calculs et tout es ses informations, analyses, évaluations et

conclusions avec l’Argentine en temps voulu, durant les consultations tenues par le GTAN

en 2005, avant que la construction de l’usine soit au torisée. La SFI et ses experts indépendants se

sont déclarés d’accord à tous égards avec les conclusions de l’Uruguay sur ces points.

44. En plus de dix-huit mois d’exploitation, l’ usine Botnia n’a à aucun égard altéré la qualité

de l’eau. En particulier, ses effluents n’ont pas fait augmenter les taux de phosphore ou d’azote, ou

de l’une quelconque des autres substances mentionn ées par l’Argentine. Comme l’Uruguay et la

SFI et ses experts indépendants l’ont prédit, tout ses effluents ont été rapidement dilués, dispersés

et évacués.

45. La prolifération d’algues du 4 février 2009 n’a pas été causée par l’usine Botnia.

46. L’usineBotnia n’utilise pas de nonylphénols sous quelque forme que ce soit, pour

quelque usage que ce soit.

47. L’usine Botnia n’a pas causé de dommage aux organismes aquatiques ni ne les a affectés.

En particulier, elle n’a pas affecté les clams, les rotifères ou les poissons comme l’affirme

l’Argentine.

48. L’usine Botnia n’a pas ajouté de dioxines ou de furanes aux eaux du fleuve Uruguay.

49. Monsieur le président, au nom de l’Urug uay, je soutiens resp ectueusement que ce sont

les seules conclusions que les éléments de preuve dont la Cour est saisie ⎯y compris et

spécialement les propres preuves de l’Argentine ⎯ autorisent.

50. Je vous remercie encore pour votre temps et votre attention patiente. Le prochain orateur

de l’Uruguay, avec votre permission, Monsieur le président, sera M.NeilMcCubbin. Il

interviendra en qualité de membre de la délégation uruguayenne, et non en tant que témoin, de la

même manière que M.Colombo et M.Wheater ont parlé au nom de l’Argentine la semaine

dernière. M.McCubbin est un ingénieur, pas un juri ste. Il a travaillé dans des usines de pâte à

papier et de papier pendant quarante-quatreans, en s’intéressant essentiellement à leur impact sur

l’environnement et à la manière d’améliorer leur performance en vironnementale. L’Uruguay l’a

engagé comme conseiller scientifique et expert et conseil pour la première fois en 2009. Il donnera

les réponses de l’Uruguay à certaines des questi ons techniques posées par le jugeSimma jeudi

dernier (CR 2009/15). - 25 -

32 Je vous remercie, Monsieur le président, et je vous demanderai de bien vouloir appeler à la

barre M. McCubbin.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Je vous remercie, M.Reichler, de

votre exposé, et je donne à présent la parole à M. McCubbin. Vous avez la parole, Monsieur.

M. McCUBBIN : Je vous remercie, Monsieur le président.

L E CARACTÈRE APPROPRIÉ DU SITE ET DES TECHNIQUES EMPLOYÉES À L USINE

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi de m’adresser à

vous au nom de l’Uruguay. J’examinerai les éléments de preuve en ce qui concerne les trois points

suivants.

2. Premièrement, les raisons pour les quelles la conception et les performances

environnementales de l’usine Botnia sont conf ormes aux meilleures techniques disponibles (MTD)

définies par l’Union européenne et les raisons pour lesquelles, de quelque point de vue que l’on se

place, ses performances environnementales se classent parmi les meilleures au monde.

3. Deuxièmement, les raisons pour lesquell es le fleuveUruguay à FrayBentos est un

excellent emplacement pour une usine de pâte à papier du XXI esiècle du type et de la taille de

l’usine Botnia.

4. Dans la présente section, j’examinerai pourqu oi l’usine n’a eu aucun effet néfaste sur la

qualité du fleuve ni sur son équilibre écologique. Je démontrerai également que le milieu récepteur

est tout à fait en mesure d’absorber tout le phosphore rejeté par l’usine.

5. Troisièmement, je traiterai de la question des odeurs émanant de l’usine. Je décrirai les

procédés utilisés pour réduire au minimum les odeurs en provenance de l’usine et j’expliquerai

pourquoi les éléments de preuve présentés par l’Argentine à ce sujet ne sont pas convaincants.

6. Je répondrai également au cours de ma plaidoirie aux questions du juge Simma concernant

les techniques utilisées par les usines de pâte à papier modernes (CR 2009/15, p. 67-68).

I.LA CONCEPTION DE L ’USINE

7. Premièrement, examinons la conception de l’usine. Tous les éléments dont nous

disposons montrent que l’usineBotnia est une merv eille d’ingénierie. Le dossier en fournit des - 26 -

76
33 preuves abondantes et nul n’est besoin que je prenne le temps de la Cour pour les passer en revue .

Vous trouverez dans le compte rendu un grand nombre de citations à ce sujet.

8. Le dossier démontre également que l’ Uruguay a évalué de façon approfondie la

77
technologie utilisée à l’usine avant de délivrer quelque autorisation que ce soit . L’autorisation

préalable délivrée par l’Uruguay exigeait que l’usine respecte les meilleures techniques

disponibles ⎯connues sous l’appellation MTD ⎯ relatives à la protec tion de l’environnement

78
dans la fabrication de la pâte à papier, telles qu’elles sont définies par l’Union européenne .

9. Outre les MTD, auxquelles elle devait satis faire à l’issue de l’ex amen de la DINAMA,

l’usine devait répondre aux normes environnemen tales strictes de la société financière

internationale ⎯ ou SFI ⎯, notamment à ses normes de résultats techniques 79. Le respect de ces

normes a été vérifié par plusieurs sociétés d’expe rts indépendantes bien au fait du fonctionnement

80
des usines de pâtes à papier modernes, qui présentèrent des rapports à la SFI . En particulier,

comme condition de son financement, la SFI a ex igé que l’usine fasse l’objet d’une vérification

indépendante avant sa mise en service pour s’assurer qu’elle utilisait bien les meilleures techniques

disponibles. L’AMEC, le cabinet d’ingénieurs choisi pour cette vérification, a une vaste

expérience des procédés utilisés dans les usines de pâtes à papier, notamment en ce qui concerne la

81
lutte antipollution . La SFI a demandé à l’AMEC de f ournir «une vérification indépendante du

76Voir par exemple CMU, par.5.12-5.39, 5.54-5.55; DU, par.6.31-6.49; EcoMetrix, étude d’impact cumulé

finale, annexe A, septembre 2006 ; CMU, vol. VIII, annexes 173 et 174 ; techniques disponibles et meilleures pratiques
en matière de gestion de l’environnement pour l’us ine de pâe rafbtlanchie, FBentos Uruguay,
Thomas L. Deardorff et DouglasCharlesPryke (Exponent, Inc.) (8juille t 2007) (ci-après rapport Deardorff) ; CMU,
vol. X, annexe 215 ; Exponent Inc., «réponse à la réplique du Gouvernement argentin ⎯technologie de conception de
l’installation et aspects environnementaux de l’usine de pâte à papier d’Orion, à FrayBentos, sur le fleuveUruguay en
Uruguay (juillet 2008) (ci-après rapport Exponent) ; DU, vol. IV, annexe R83.

77CMU, par. 4.117-4.133.
78
La directive96/61/EC sur la prévention et la réducti on intégrées de la pollution (PRIP) établit un cadre selon
lequel les Etats membres sont tenus, lorsqu’ils délivrent des permis d’exploitati on, de se conforme r aux meilleures
techniques disponibles (MTD). Le bureau européen pour la pr évention et la réduction intégrées de la pollution organise
cet échange d’information et établit les documents de référence sur les meilleures techniques disponibles
(documentsBREF); CMU, par3 . .10, 4.34, 5.54; MVOTMA, autorisation envir onnementale préalable pour

l’usine Botnia (14 février 2005) (ci-après AAP) ; CMU, vol. II, annexe 21.
79CMU, par. 5.38-5.48.

80Ibid.
81
DU, par. 4.19-4.23 ; AMEC Forestry Industry Consulting, audit avant mise en service de l’usine de pâte Kraft
blanchie Orion, septembre 2007 (ci-après rapport AMEC) ; DU, vol. III, annexe R48. - 27 -

fait que l’usine avait été construite comme décr it dans l’étude d’impact cumulé d’EcoMetrix»,

c’est-à-dire, «qu’elle satisfaisait aux normes UE PRIP BREF de performance» . 82

10. Dans son rapport final, l’AMEC a conf irmé que l’usineBotnia satisfaisait aux

normes MTD de l’Union européenne à tous égards. Son rapport ne pouvait être plus clair. Après

avoir effectué un examen et une inspection exha ustifs de l’usine, les experts de l’AMEC ont

conclu : «tous les matériels et techniques de production installés ou devant l’être dans l’usine Orion
34

deBotnia répondent ou équivale nt aux meilleures techniques di sponibles telles qu’exposées dans

l’étude d’impact cumulé». La Botnia utilise «des techniques de production modernes» qui «ne

devraient entraîner que de faibles ém issions pour d’excellentes performances

83
environnementales» . L’Argentine n’a présenté aucun élément de preuve émanant d’un ingénieur

ou d’un scientifique indépendant ayant l’expérience ou les compétences voulues dans le domaine

des procédés modernes utilisés dans les usines de pâ te à papier ou dans les procédés de lutte

antipollution de ces usines, qui mette en cause cette conclusion.

11. Les résultats effectifs obtenus à l’usine Botnia démontrent que cette usine respecte les

normesMTD et de très loin. Ses performances sont supérieures à celles des usines modernes

européennes et à celles d’autres us ines récemment construites dans le monde. Le dossier fournit

84
des renseignements détaillés sur d’autres usines . Ce graphique, que vous trouverez à l’onglet 8 de

votre dossier, indique les résultats de l’usine en regard des normesMT D relatives au phosphore,

paramètre que l’Argentine a mis en exergue la semaine dernière. Les comparaisons des résultats

obtenus à l’égard d’autres paramètres figurent au dossier 85. Ces renseignements montrent que les

82DU, par. 4.19.
83
Ibid., par. 4.22.
84Voir par exemple, rapport Exponent, op. cit., supplémentA; Documents nouveaux produits par l’Uruguay,

30 juin2009, annexe S7, EcoMetrix, monitoring indépendant de la performance environnementale de l’usine réalisé à la
demande de la SFI (phase3: examen de la performance environnementale de l’année2008), (ci-après troisième rapport
d’EcoMetrix), mars2009; annexeS2, DINAMA, rapport d’év aluation de la performance pe ndant la première année
d’opération de l’usine Botnia et de la qualité de l’eonnement dans la zone d’infl uence (mai2009), appendiceIV,
p.30. Voir aussi documents nouveaux fournis par l’Uruguay le 15septembre2009 en vue de la procédure orale.
Rapport semestriel de la DINAMA sur la performance e nvironnementale (22juillet 2009), p.18, tableaux5
et6, p.20, tableau9, p.25. Version originale espa gnole sur l’hyperlien intitulé «Informe Emisiones Semestre
novembre2008-mai2009» à l’adresse ht tp://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_docman&Itemid=
312 ; traduction communiquée à la Cour le 15 septembre 2009.

85Troisième rapport d’EcoMetrix, op.cit. - 28 -

résultats effectivement obtenus par l’usine Botnia en 2008 et 2009 86sont tout à fait conformes aux

normes internationales MTD ⎯ veuillez vous reporter à l’onglet 9 de votre dossier. On constate la

même efficacité lorsque l’on co mpare les résultats obtenus par Botnia en2008 et en2009 aux

autres usines modernes qui respectent les MTD, et qui sont toutes situées en Europe.

12. La semaine dernière, l’Argentine nous a montré un graphique comparant les rejets de

phosphore des usines finlandaises et de l’usine Bo tnia en 2008, époque où l’usine ne faisait encore

que démarrer 87. Vous trouverez à l’onglet 10 de votre dossier un graphique analogue fondé sur les

résultats de l’usine Botnia figurant dans le rappor t semestriel le plus récent de la DINAMA. Le

volume total de rejets de l’usine Botnia, a nnualisé pour2009, se compare aux autres usines du
35

groupe, même si l’usine de Fray Bentos est plus grosse que la plupart des usines finlandaises. La

situation réelle est très différe nte de celle dépeinte par M.Wh eater. Ce graphique montre la

supériorité de la technologie moderne utilisée à l’usin e de Fray Bentos du point de vue de la lutte

antipollution.

13. Je passe maintenant aux questions du juge Simma. Sa première question commençait

comme suit :

«Concernant les rejets de chlore dans les eaux du fleuve Uruguay, il a été dit à
la Cour que l’usine Botnia utilisait la tec hnique dite de la «séquence de blanchiment
sans chlore élémentaire» (technique ECF), réputée laisser malgré tout subsister

d’importantes quantités de polluants organiques persistants, tels que les dioxines et les
furanes. Il a également été dit à la Cour que , dans les usines de pâte à papier les plus
récentes, il était possible d’éliminer totalement la production de tels produits toxiques

en recourant à la technique dite de la «séquence de blanchiment sans aucun composé
chloré» (technique TCF).»

14. Avant de répondre à la question du juge Simma, je noterai que la vaste majorité des

scientifiques indépendants ont conclu que les usines de pâte à papier ECF modernes ne rejetaient

pas de quantités importantes de polluants organiqu es persistants, y compris de dioxines et de

86
Les références aux résultats de 2009 sont fondées sur les données figurant dans le rapport semestriel DINAMA
sur la performance environnementale etont été annualisées de façon à estimer les émissions del’ensemble de
l’année 2009 (op. cit., p. 14, tableau 4).
87Troisième rapport d’EcoMetrix, op. cit., p. ES i. - 29 -

furanes. Cette question a été examinée de faç on exhaustive dans l’étude d’impact cumulé et

d’autres documents . 88

15. Le juge Simma pose la question suivante :

«Laquelle de ces deux techniques est ou sera utilisée par les usines Botnia
implantées dans les Etats membres de la Communauté européenne, notamment en
Finlande, et plus particulièrement par les usines les plus récentes ou par celles

actuellement à l’étude ou en cours de constr uction et dont les rejets se déversent dans
un cours d’eau ?»

16. La réponse est la suivante: l’Uruguay a confirmé auprès de la société Botnia et de

89
sources publiquement accessibles que toutes les usines de Botnia emploient la technique ECF .

Aucun document public n’indique que l’on pré voie de construire ou que l’on construise

actuellement, où que ce soit dans le monde, de nouvelles usines employant la technique TCF.

17. Vous trouverez à l’onglet 11 de votre do ssier un document indiquant que seulement 5 %

environ de la pâte à papier fabriquée dans le monde l’est au moyen de la technique TCF. De plus,

90
cette technique est en déclin constant .

18. Dans sa dernière question sur les procédés de blanchiment, le juge Simma a demandé s’il

était techniquement possible de passer, à l’usine de FrayBent os, de la technique ECF à la

technique TCF. La réponse est très simple : oui . Cependant, cette conversion n’apporterait aucun

36 bénéfice environnemental mesurable et présente de nombreux inconvéni ents du point de vue

écologique, notamment d’augmenter la consomma tion d’arbres. Le procédé TCF réduit la

possibilité de recycler le papier. La pâte à papier obtenue au moyen du procédé TCF est également

d’une qualité inférieure à celle que permet d’ obtenir le procédé ECF et s’adresse à un marché

différent et plus limité 91.

19. La grande majorité des spécialistes cons idèrent les procédés de réduction de la pâte à

papier ECF et TCF comme équivalents en ce qui concerne la production de dioxines et de

88CMU, par.6.43-6.46; EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op cit. , p. 2.25 ; annexe A, op.cit. ,
p.A9.1-A9.19; voir aussi études scie ntifiques réalisées par l’Universitechnique de Darmstadt, «ECF and TCF
Sulfatzellstoffe ⎯ ein Vergleich iherer Umwelttbelastungen; Das Papier», T22-T29, 2003 ; Jukka Tanna, Seppo Ruonala

et Marja Ruoppa, «FE350 Environmental effect s of effluents from ECF-and TCF-bleaching ⎯ project summary», 1999,
The Finnish Env3i5r0n,ment Environmenta l Protection 60, , p.
http://www.ymparisto.fi/default.asp?contentid+84821&lan=EN ; et Klaus Niemela, «Effluents from bleached kraft pulp
manufacture», 2007, Espoo, Finland www.kcl.fi.
89
http://www.botnia.com/en/default.asp?path=204,208,234.
90http://www.aet.org/science_of_ecf/eco_risk/2008_pulp.html.

91CMU, par. 6.43-6.46. - 30 -

92
furanes . Les techniques ECF et TCF sont toutes deux considérées comme meilleures techniques

disponibles pour la fabrication de la pâte à pa pier par l’Union européenne. Au milieu des

années1990, l’agence de protection de l’enviro nnement des Etats-Unis (EPA) a examiné la

possibilité d’exiger que toutes les us ines de pâte à papier des Etats- Unis adoptent le procédé TCF.

L’agence a ensuite décidé de n’en rien faire 93. Aucun des autres pays qui réglementent les usines

de pâte à papier n’exige le procédé TCF. Aucun, à l’heure actuelle. La province de

Colombie-Britannique, au Canada, a bien adopté, en 1990, une loi exigeant la conversion de toutes

les usines au procédé TCF, mais cette loi fut abrogée vers2002, après que les experts eurent

démontré, dans une étude commandée par la provin ce, que cette conversion ne présenterait aucun

avantage environnemental 94. Cette étude a montré que le procédé TCF n’apportait, par rapport au

procédé ECF, le procédé moderne ECF, aucun avantage environnemental.

20. On retrouve rarement des dioxines et des furanes dans l’effluent des usines ECF. De

nombreux échantillons de l’effluent de l’usine Bo tnia ont été analysés en vue de mesurer leur

95
teneur en dioxines et en furanes . La seule fois que des dioxines ont été détectées, leur

concentration était de 0,21picogramme par litre. Un picogramme est un millionième de

millionième de gramme. Cette mesure a été effect uée lorsque des dioxines et des furanes ont été

96
détectés dans le fleuve en amont de l’usine . EcoMetrix a attribué la présence de dioxines dans

l’effluent à l’apport d’eau provenant du fleuve, et non à l’usine 9.

37 21. A l’alinéa a) de sa deuxième question, le juge Simma pose la question suivante :

«D’un point de vue technique et enviro nnemental, serait-il possible, et serait-il
sensé, d’ajouter une installation de traitement tertiaire à la station d’épuration des

effluents de l’usine Botnia, ou les émi ssions de carbone liées à la production de

92Ibid., par.6.43-6.46; voir aussi études sc ientifiques réalisées par l’Universi té technique de Darmstadt, «ECF
and TCF Sulfatzellstoffe ⎯ ein Vergleich iherer Umwelttbelastungen; Das Papier», T22-T29, 2003 ; Jukka Tanna, Seppo
Ruonala et Marja Ruoppa, «FE350 Environmental ef fects of effluents from ECF-and TCF-bleaching ⎯ project

summary», 1999, The Finnish Environm35e0t, Environmental Protection 6,0,p.
http://www.ymparisto.fi/default.asp?contentid+84821&lan=EN ; et Klaus Niemela, «Effluents from bleached kraft pulp
manufacture», 2007, Espoo, Finland www.kcl.fi.
93
Federal Register, vol. 63, p. 18504-18751, 15 avril 1998.
94John Carey, Eric Hall, Neil McCubbin, Reviewed Scientific Basis forAOX Effluent Standard in British

Columbia, http://www.llbc.leg.bc.ca/Public/PubDocs/bcdocs/352023/aoxpanelreport.p….
95Troisième rapport d’EcoMetrix (mars2009); rappor t semestriel de la DINAMA sur la performance
environnementale (juillet 2009).

96Troisième rapport d’EcoMetrix, op. cit., p. 3.7.

97Ibid. - 31 -

l’énergie nécessaire audit traitement tertiair e annihileraient-elles le bénéfice résultant
de l’ajout de cette troisième étape de traitement ?»

22. Il est, techniquement, possible d’ajouter un système de traitement tertiaire à n’importe

quelle usine. Cependant, il ne serait pas utile, du point de vue environnemental, de le faire à l’usine

Botnia. S’il est vrai que le traitement tertia ire permet de réduire légèrement les rejets de

nutriments, tout avantage environnemental ainsi obtenu serait annulé par une hausse importante de

la consommation d’énergie, une augmentation des émissions de carbone, la production de boues et

l’utilisation de produits chimiques 9. La grande majorité des usines modernes de pâte à papier

n’utilisent pas de traitement tertiaire parce que l’on peut obtenir des résultats comparables ou

équivalents au moyen d’un système de traite ment secondaire perfectionné. De plus, comme

M.Wheater l’a dit la semaine dernière (CR2009/12), les systèmes de traitement tertiaire

consomment d’importantes quantités de produits chimiques. Il n’est pas nécessaire d’être

ingénieur chimiste pour se rendre compte que les produits chimiques qui entrent dans un système

doivent aussi en sortir. A l’usine Botnia, un syst ème de traitement tertiaire produirait une quantité

énorme de boues humides. Ces boues contiennent beaucoup d’eau, qu’il faut extraire par

évaporation, ce qui consomme d’importantes quan tités d’énergie, avant de pouvoir enfouir ou

brûler les boues asséchées. Cet aspect négatif du tr aitement tertiaire, ainsi que d’autres, sont

99 100
examinés dans le contre-mémoire de l’Uruguay et, séparément, par EcoMetrix .

23. Le système de traitement secondaire inst allé à l’usine Botnia répond à toutes les normes

d’application des réglementations en vigueur. Il satisfait d’ailleurs même à la norme préconisée

101
par l’Argentine. Comme M.Wheater l’a dit dans son rapport d’expert , la concentration de

phosphore dans les rejets des usines installées dans des milieux vulnérables ne doit pas dépasser

1 mg par litre. Je répète, 1 mg par litre, voilà le critère retenu par M.Wheater. La concentration

actuelle de phosphore dans les rejets de l’usine Botnia représente le tiers de ce taux 102. M. Wheater

sera, j’en suis certain, ravi de l’entendre. Une réduction supplémenta ire du phosphore obtenue au

98CMU, par. 6.30-6.42 ; EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p. A8.13-A8.15.
99
Ibid., par. 6.30-6.42.
100EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p. A8.13-A8.14.

101CMU, par. 4.89 ; RA, par. 3.175 ; Wheater & McIn tyre, «Technical Commentary on the Counter-Memorial of
Uruguay in the Case Concerning Pulp Mills on the River Urugua y», p. 25, RA, vol. III, annexe 44. L’Argentine n’a pas
promulgué de norme relative aux rejets de phosphore.

102Rapport semestriel de la DINAMA sur la performance environnementale, op. cit., p. 14. - 32 -

moyen d’un traitement tertiaire n’apportera auc un avantage environnement al important parce que

l’usine n’a pas d’effet sur la concentration de nutriments dans le fleuve Uruguay.

38 24. Pour répondre à la seconde partie de la question du juge Simma, l’Uruguay a reçu

confirmation de la société Botnia qu’aucune de ses autres usines n’emploie de traitement tertiaire.

Cela n’est pas étonnant parce que le traitement tertiaire est rarement utilisé dans les usines de pâte à

103
papier . Deux seulement des 130usines de papier kraft d’Amérique du Nord sont dotées d’un

104 105
traitement tertiaire . Aucune usine située en Argentine n’emploie ce procédé , qui n’est pas

même utilisé par l’usine la plus moderne en Europe, Zellstoff Stendal, située en Allemagne 10.

25. Comme M. Boyle l’a dit hier (CR 2009/16), la société Botnia et l’Uruguay ont entrepris

un projet qui enlèvera de façon beaucoup pl us efficace le phosphore du fleuve, sans les

inconvénients du traitement tertiaire: l’achemin ement des eaux d’égouts de FrayBentos jusqu’à

107
l’usine de traitement des eaux usées de l’usine en 2010 . A l’époque de l’étude d’impact cumulé,

il a été calculé que ce faisant, on pourrait réduire les rejets de phosphore de l’usine Botnia au quart

108
de leur volume actuel, ou même moins .

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Monsieur McCubbin, ce serait, je

crois, un bon moment pour faire une pause, et vous pourrez poursuivre après la pause café.

M. McCUBBIN : Certainement.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: L’audience est suspendue pour

quinze minutes. Merci.

L’audience est suspendue de 11 h 15 à 11 h 30.

103Rapport Deardorff, op. cit., p. 30-31.
104
Ibid.
105
DU, par. 6.32.
106Rapport Deardorff, op. cit., p. 30-31.

107DU, par.4.93. Voir également «Botnia traitera les effluents», El Pais, 9mai2009, documents nouveaux
produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S20.

108Ibid., par. 4.93. - 33 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est

reprise et je donne la parole à M. McCubbin pour qu’il poursuive. Vous avez la parole, Monsieur.

M. McCUBBIN : Merci, Monsieur le président.

39 II. LE SITE DE F RAY B ENTOS EST APPROPRIÉ POUR L ’IMPLANTATION D ’UNE USINE DE PÂTE À
PAPIER TELLE QUE L ’USINE B OTNIA

26. J’en arrive maintenant à la question de sa voir si Fray Bentos est un site approprié pour

l’implantation d’une usine de pâte à papier telle que l’usine Botnia. Je viens d’expliquer en quoi il

s’agissait-là d’une excellente usine, dont la quan tité de rejets est exceptionnellement faible. Le

dossier contient également de nombreux éléments prouvant que Fray Bentos est un excellent site

109
pour une telle usine . Je vais à présent concentrer mes observations sur le courant et le débit du

fleuve, dont l’Argentine a indiqué la semaine dern ière qu’ils constituaient des critères essentiels

pour déterminer la capacité du fleuve à assimiler les effluents de l’usine.

A. L’inversion du courant

27. J’aborderai en premier lieu la question de l’inversion du co urant. La semaine dernière,

l’Argentine a affirmé que le phénomène d’invers ion du courant observé dans le fleuve Uruguay

constituait une caractéristique hydrologique sp écifique et unique, qui rendait le fleuve

particulièrement vulnérable aux effluents. Or, en fait, l’inversion du courant est un phénomène

commun, qui se produit dans la plupart d es grands fleuves, tels que le Rhin 110, la Seine 11, la

112 113
Tamise ou l’Hudson , par exemple. On peut l’observer à des centaines de kilomètres en amont

114
de l’embouchure du fleuve . De nombreuses usines de pâte à papier sont exploitées sur des

109CMU, par. 5.56-5.77 ; DU, par. 6.51-6.59.

110E. Oomkensi et J. H. J. Terwindt, «Inshore es tuarine sediments in the Haringvliet (Netherlands)», Geologieen
Mijn Bouw, vol. 39, 1960, p. 701-710.

111J.Garnier, A.Cebron, G.Tallec, G. Billen, M. Sebilo et A. Martinez «Nitrogen behaviour and nitrous oxide
emission in the tidal Seine River estuary (France) afluenced by human activities in the upstream watershed»,
Biogeochemistry, vol. 77, 2006, p. 305-326.

112«The tidal Thames: a guide to recreatio nal users», Port of London Authority, 2005,
http://www.pla.co.uk/pdfs/pp/recreational_users_guide.pdf.

113L.A.Weiss,R.W.Schaffranek,etM.P.deVries, «Flow and chloride transport in the tidal Hudson River,
New York, in Hydraulic Engineering», Proceedings of the American Society of Civil Engineers , vol. 94 (n 2), 1994,
p. 1300-1305.

114Ibid. - 34 -

fleuves où ce phénomène se produit couramment, s ous l’effet combiné du vent et des marées.

Parmi les usines de pâte kraft blanchie semb lables à l’usine Botnia, je citerai l’usine

Georgia Pacific à Brunswick, en Géorgie, aux Etats-Unis ; l’usine Rayonier à Fernandina Beach, en

Floride, aux Etats-Unis; l’usine Kruger à Tr ois-Rivières, Québec, au Canada; l’usine

Weyerhaeuser à NewBern, en Caroline du Nord, aux Etats-Unis; l’usine Irving à Saint-Jean,

Nouveau-Brunswick, au Canada; l’usine Weyerhau ser à Longview, dans l’Etat de Washington,

aux Etats-Unis ; et l’usine Jari en Amazonie, au Brésil. Toutes sont situées sur des cours d’eau qui

subissent des inversions de courant.

28. Certes, le phénomène d’inversion du cour ant est pertinent et il convient d’en tenir

compte, mais l’importance du débit du fleuve est un facteur significatif, qui différencie un système

40 d’un autre et qui est le paramètre hydrologique clé auquel on a recours pour évaluer la capacité

d’un fleuve à assimiler les effluents et à les évacuer. Comme l’a précédemment montré

M. Reichler, un fleuve peut simultanément couler en sens inverse, couler vers l’aval et évacuer les

effluents et, de fait, c’est la manière dont la plupa rt des grands fleuves se comportent à l’approche

de la mer. Cela est particuliè rement vrai pour un fleuve aussi profond que le fleuve Uruguay, qui

atteint 20 mètres de profondeur à Fray Bentos.

B. Le débit du fleuve

29. On ne le dirait pas, à entendre les expo sés de l’Argentine, mais le fleuveUruguay est

parmi les plus importants au monde.

30. Dans votre classeur, vous trouverez à l’onglet n o12 un graphique représentant les débits

3 115
de plusieurs fleuves dans le m onde. Avec un débit moyen de 6230m par seconde , le

fleuve Uruguay dépasse en importance tous les fleuve s d’Europe occidentale. S’il était en Europe,

ce serait l’un des sites les plus indiqués pour l’im plantation d’une usine de pâte à papier. Aucun

fleuve d’Europe occidentale ne l’égale pour le taux de dilution et la capacité d’absorption.

31. Si je m’en tiens ici aux débits moyens , c’est pour éviter de noyer la Cour sous les

chiffres. Bien entendu, le débit de tous les fleuves varie considérablement. Ils connaissent tous des

115
EcoMetrix, évaluation d’impact cumulé finale, op. cit., p. D3.2. - 35 -

périodes de bas débit en fonction des saisons et des conditions météorologiques, et le

fleuve Uruguay n’échappe pas à la règle.

32. De nombreuses usines de pâte à papier ne présentant aucun danger pour l’environnement

sont exploitées sur des fleuves bien moins impor tants que le fleuveUr uguay. Pour citer un

exemple européen, je prendrai le cas de l’usine Zellstoff Stendal, dont la capacité de production

annuelle s’élève à 608000tonnes et qui a été mise en service sur le fleuve Elbe il y a quelques

années.

33. Les photographies que vous voyez actuellement à l’écran, et que vous trouverez à

l’onglet n o13 de votre classeur, montrent les sites d es usines Stendal et Botnia, d’une altitude de

10kilomètres. Il ressort très nettement de ces photographies que l’Elbe est bien plus petit que le

fleuve Uruguay. En fait, le débit moyen de l’Elbe est égal à environ 15% de celui du

fleuve Uruguay.

34. Sur le graphique suivant sont représentés les rejets de phosphore des deux usines, d’après

les données de l’année 2007 pour l’usine Stendal 116et celles de l’année 2009 pour l’usine Botnia 117.

o
Vous les trouverez sur le côté gauche de la planche insérée à l’onglet n 14 de votre classeur. Le

nombre total de tonnes de phosphore rejetées annuellement par l’usine Botnia n’est que légèrement

supérieur à celui des rejets de l’usine Stendal, différence qui résulte, bien entendu, de la plus

grande capacité de production de l’usine Botnia.

41 35. Mais j’aimerais à présent attirer votre attention sur la partie du même graphique qui

exprime la quantité de phosphore rejetée par litre d’eau du fleuve. Il s’agit du côté droit du

graphique, et cela nous rappelle que l’Elbe est un fleuve beaucoup mo ins important que le

fleuve Uruguay. Vous verrez qu’une fois la charge rapportée au débit du fleuve, la charge relative

de phosphore de l’usine Botnia est b eaucoup plus faible que celle de l’usine Stendal. Cela est dû

au fait que le phosphore rejeté par l’usine Botnia est assimilé dans un volume d’eau qui est de

nombreuses fois supérieur à celui que fournit l’ Elbe. Et vous pourrez trouver beaucoup d’autres

exemples en ce sens dans le dossier de la présente affaire 11.

116Rapport Exponent, op. cit., pièce jointe A, p. A-14.
117
Rapport semestriel de la DINAMA sur la performance environnementale, p. 18, tableau 5.
118Rapport Exponent, op. cit., pièce jointe A, p. A-13. DU, vol. IV, annexe R83. - 36 -

C. L’équilibre écologique du fleuve

36. Venons-en maintenant à l’équilibre écologi que du fleuve. Une excellente usine et un

grand fleuve font une excellente combinaison. Et que l’on s’appuie sur les prévisions de l’étude

d’impact cumulé, les données présentées par l’Argentine ou les résultats effectifs de l’usine, la

conclusion est la même: le phosphore produit par cette usine, rejeté dans ce fleuve, n’entraînera

pas une modification de la qualité de l’eau ni, d’une quelconque autre ma nière, de l’équilibre

écologique. Et voici pourquoi.

37. Comme cela vous a déjà été expliqué, le fleuve Uruguay transporte de grandes quantités

de phosphore provenant de sources na turelles, industrielles, agricoles et sanitaires présentes depuis

de nombreuses années au Brésil, en Argentine et en Uruguay.

38. Sur la base du débit moyen du fleuve et du taux moyen de phosphore qu’on y trouve,

environ 19 000 tonnes ⎯ j’ai bien dit 19 000 tonnes ⎯ de phosphore provenant de bien en amont

du fleuve passent chaque année devant Fray Bentos et Gualeguaychú, et cela sans aucun apport de

119
l’usine . Que l’on utilise les chiffres de l’étude d’impact cumulé ou les rejets effectifs de

phosphore mesurés en2008 ou en2009, un simple calcul indique que pour chaque tonne de

phosphore rejetée dans le fleuve par l’usine, il y en a eu plus de 1000 en provenance d’autres lieux,

dont, bien entendu, une part très importante de l’Argentine. Dans ce contexte, le phosphore

provenant de l’usine était tout simplement indécelab le dans le fleuve en2008 et ne peut être la

cause d’aucune modification environnementale. Le niveau des rejets de phosphore de l’usine pour

o
l’année2009 est, pour l’instant, encore inférieur à celui de2008. A l’onglet n 15 de votre

classeur, vous trouverez un graphique représentant l es rejets de phosphore de l’usine Botnia et la

quantité globale de phosphore présente dans le fleu ve Uruguay. Les rejets de phosphore entre le

fleuve Gualeguaychú et la baie de Ñandubaysal ne sont pas indiqués sur ce graphique, mais ils

120
42 représentent à eux seuls plus de vingt-cinq fois ceux de l’usine Botnia ⎯ vingt-cinq fois . Et il en

va de même pour les données relatives à l’autr e nutriment que M.Wheater considère comme

important, à savoir l’azote.

119 3
Si l’on suppose un débit moyen de 6230m /s et une concentration moyenne en phosphore dans le fleuve de
0,097 mg/l, EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p. D3.2, D3.19.
120Voir DU, par. 6.27. - 37 -

39. L’absence d’effet mesurable sur la qualité de l’eau, ou sur l’équilibre écologique global,

ressort très clairement de ces données. M. Boyle vous a présenté hier une synthèse des éléments de

preuve apportés par l’Uruguay et, un peu plus tôt aujourd’hui, M.Reichler vous a expliqué

pourquoi les données fournies par l’Argentine conduisent à la même conclusion.

40. Cela ne signifie pas que les taux de nutriments ne changent jamais. Comme le montrent

clairement les données fournies par les deux Parties, tout grand système tel que le fleuve Uruguay

subit d’année en année des variations naturelles et saisonnières substantie lles. Ces variations

naturelles renforcent le système, car les perturbations naturelles constituent la norme 121. Les

végétaux et les animaux qui vivent dans le systèm e sont ceux qui sont adaptés à des perturbations

naturelles de l’ampleur de celles que connaît le fleuve. Le fleuve Uruguay est un écosystème

robuste.

41. Quoi qu’il en soit, les caractéristiqu es du fleuve à proximité de l’usine demeurent

identiques à ce qu’elles étaient avan t la mise en service de celle-ci. Bien entendu, elles varient

normalement au gré des saisons, mais rien ne prouve que les nutriments s’accumulent ou qu’ils

préparent le terrain pour les épisodes de proliféra tion d’algues. M.Reichler vous a déjà expliqué

que les données fournies par l’Argentine conduisaient en fait à conclure à l’absence d’accumulation

de nutriments, et cela n’est guère surprenant car la charge de phosphore déversée dans le fleuve par

l’usine est simplement trop faible pour faire la différence dans la quantité globale de phosphore qui

est charriée par le fleuve. En résumé, les re jets de phosphore provenant de l’usine représentent

bien moins d’un millième du phosphore rejeté dans le fleuve. Ils n’ont aucun effet sur la qualité de

l’eau et, par conséquent, ne sont en rien ⎯ absolument en rien ⎯ la cause de l’eutrophisation, ou

du fait que le taux de croissance des végétaux dép asse les taux de croissance naturels dans le

fleuve. Une surveillance continue permettra aux Parties de véri fier que cela demeure vrai à

l’avenir. Au vu des efforts déployés par l’Ur uguay pour réduire l’impact du phosphore sur le

fleuve, y compris par la création d’un raccordement entre les égouts de Fray Bentos et le système

121P. Parsons, «Environments and evolu tion: interactions between stress, resource inadequacy and energetic
efficiency», Biological Reviews, vol. 80, 2005, p. 589-610 ; G. Dickinson, et K. J. Murphy, Ecosystems, 2007, Routledge,
NewYork ; Parsons, P., Animal Physiology: Adaptation and Environment , 2005, Cambridge Un iversity Press;
R.K.Selander, et D.W.Kaufman, «Genic variability and strategies of adaptation in animals»Proc Nat Acad Sci .,

vol. 70, 1973, p. 1875-1877. - 38 -

d’épuration des effluents de l’usine, on a toutes les raisons de croire que les rejets de phosphore

diminueront à l’avenir.

III. LES ODEURS

42. Monsieur le président, je vais aborder maintenant les élém ents de preuve concernant les
43

rejets atmosphériques. La semaine dernière, l’Ar gentine s’est intéressée à la question des odeurs,

aussi vais-je à mon tour mettre l’accent sur ce point.

43. Même les taux de pollution atmosphérique les plus élevés que l’Argentine fait valoir sont

cinq mille fois ⎯cinq mille fois ⎯ plus bas que ceux que l’Organisation mondiale de la Santé

considère comme pouvant avoir des effets sur la santé 12.

44. Monsieur le juge Simma a posé la qu estion suivante: «Existe-t-il des techniques

susceptibles de minimiser les rejets malodorants (causés par le soufre) de l’usine Botnia ?»

45. Il n’existe tout simplement pas de meille ure technologie, mais, au fil du temps, il serait,

en théorie, possible d’améliorer la performan ce des activités en cours par une formation

supplémentaire et une meilleure capacité de réaction.

46. Comme l’indique l’étude d’impact cumulé 123, les gaz émis par l’usine qui contiennent le

SRT (le soufre réduit total) nauséabond sont accumulés et incinérés. C’est là le seul moyen

efficace de les détruire. C’est également un moye n inoffensif pour l’environnement, car la chaleur

est récupérée et le soufre est recueilli et utilisé dans le processus de fabrication.

124
47. Dans des circonstances ordinair es, l’usine ne dégagera aucune odeur . Aucune odeur.

Toutefois, aucun système mécanique complexe ne pe ut atteindre la perfection et il arrive donc que

des gaz nauséabonds s’échappent. Cela n’est p as seulement vrai pour l’usine Botnia, mais

également pour toute usine qui dispose d’un maté riel de réduction de la pollution atmosphérique.

122 Lignes directrices concer nant la qualité de l’air , Organisation mondiale de la Santé, Copenhague, 2000,
chap. 6.6.

123EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p. A8.48-A8.55. Voir également Ines Camilloni, Université
de Buenos Aires (UBA) «Analyse de l’impact environnemental de l’usine de pâte à papier de Fray Bentos, Uruguay, sur
la composante atmosphérique dans la région de Gualeguaychú», docum ents nouveaux produits par l’Uruguay,
30 juin 2009, annexe S3, p. 28.

124EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p.ES.xvi («Aucune odeur ne devrait pouvoir être détectée
pendant les activités normales de l’usine de pâte à papier.») - 39 -

Pour réduire la fréquence de ces incidents, Botnia a un système de secours complet, ce qui est

inhabituel, car ce système n’est que partiel dans la plupart des usines de pâte à papier 125.

48. Je vais examiner à présent les données empiriques relatives aux odeurs que l’Argentine a

présentées dans son rapport scientifique.

49. L’Argentine a installé du matériel de su rveillance en divers emplacements. Dès qu’une

concentration de gaz supérieure au seuil de détec tion était enregistrée à l’aide de ce matériel,

l’Argentine en imputait automatiquement la r esponsabilité à Botnia. Nul n’est besoin d’une

formation scientifique pour juger qu’il faudra it à tout le moins considérer d’autres sources
44

possibles. Et il en existe au moins deux, très évidentes, en Argentine.

50. Premièrement, l’on sait que les zones humides génèrent par temps chaud, comme

pendant l’été argentin, du sulfur e d’hydrogène, souvent appeléH 2, et ce, en particulier lorsque

l’eau et la vase contiennent du soufre ou des sulfates. Ces sources figurent sous forme de

diagramme sous l’onglet16 de votre dossier de plaidoiries. La zone humide et les zones

marécageuses situées sur la rive argentine du fleuve , telles que la baie de Ñandubaysal et le lagon

Ines à proximité du pont international, dégagent d es gaz sulfureux qui sont, sur le plan chimique,

très similaires au gaz nauséabond que l’Argentine attribue à l’us ine Botnia. Ces zones sont

concentrées près du lieu d’origine de nombreuses plaintes argentines concernant les odeurs.

L’Argentine indique, dans son rapport scientifi que du 30juin2009, que l’eau, au point de

prélèvement N6 situé dans la baie,

«est plus sulfurée que l’eau du fleuve Uruguay. Sa teneur plus importante en
minéraux…est due aux rejets de la rivi ère Gualeguaychú. L’intensification de

l’évaporation dans ce secteur très peu pr ofond, où l’eau circule peu,…ne peut
qu’augmenter cette différence.» [Traduction du Greffe.] 126

En d’autres termes, les zones humides et les marais situés à proximité de l’Argentine peuvent

127
produire des odeurs «d’Œuf pourri», souvent appelées «gaz de marais» .

125
EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p. A8.55 («Dépasse sensiblement les normes MTD.»).
126Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3, sect. 4.2.1.

127United States EPA Program to improve envi ronmental literacy, h ttp://www.epa.gov/region1/
students/pdfs/wetch1.pdf; United States Army Corps of Engineers, 1987, Corps of Engineers Wetlands Delineation
Manual, Wetlands Research Program Technical Report Y-87-1 (édition en ligne) ; John Teal and Mildred Teal, Life and
Death of the Salt Marsh, Boston, Little, Brown, 1969. - 40 -

51. Et pour découvrir une autre source de gaz nauséabond, l’Argentine n’a nul besoin de

chercher plus loin que ses propres égouts domesti ques. La Cour ne sera pas étonnée d’entendre

que les égouts municipaux sont parfaitement capables de dégager des gaz fétides. Cela n’aurait

certainement pas dû surprendre l’équipe scientifique de l’Argentine, d’autant que même la presse a

fait état de mauvaises odeurs émanant des égouts 128.

52. Malgré l’existence de ces deux sources local es de gaz évidentes, l’Argentine ne leur a

prêté absolument aucune attention dans son rapport scientifique. En revanche, à chaque fois que le

matériel de surveillance a détecté des odeurs, celles- ci ont été attribuées à Botnia. Mais il ne suffit

pas d’affirmer cela. L’Argentine n’a pas démontré que ces dépassements du seuil d’odeurs

acceptables ont été causés par Botnia. L’Argen tine n’a présenté aucun élément de preuve pour

montrer que lesdits dépassements ont été causés par Botnia.

45 53. Certes, il y a eu quelques incidents is olés d’odeurs nauséabondes à l’usine Botnia, sur

lesquels la DINAMA a enquêté et qu’elle a réglés à la satisfacti on de la SFI et de ses experts

techniques, qui ont jugé que seuls six de ces in cidents étaient imputables à Botnia pour toute

129
l’année 2008 .

54. Toutefois, l’Argentine ne dispose d’absolument aucun élément de preuve démontrant que

les cas de dépassement du seuil de détection d es odeurs nauséabondes dans son atmosphère ont

augmenté en nombre ou en fréquence depuis la mise en service de l’usine de pâte à papier Botnia.

Cela s’explique par le fait que l’Argentine n’ a réuni qu’un nombre insignifiant de données sur la

qualité de l’air avant la mise en service de l’usin e. Au total, l’Argentine a rassemblé quelques

130
journées d’échantillons au cours du mois de sep tembre précédant la mise en service en2007 .

Compte tenu de l’insistance avec laquelle elle a indiqué, la semaine dernière, qu’aucune étude

relative à l’environnement n’est valide sans donné e préopérationnelle, l’Argentine n’est pas en

mesure de comparer valablement la qualité de l’air avant ou après la mise en service de l’usine. La

128
«Des émissions de gaz dé tectées dans une pompe à condensats: un épisode d’odeurs nauséabondes à l’usine
Botnia est parvenu jusqu’à Gualeguaychú», La República , 27janvier2009, documents nouveaux produits par
l’Argentine, 30 juin 2009, vol. II.
129Troisième rapport d’EcoMetrix, op. cit., p.6.3. Voir également la résolution de la DINAMA après les

mauvaises odeurs de l’incident du26janvier2009 (23ma rs2009), commentaires de l’Uruguay relatifs aux documents
nouveaux fournis par l’Argentine, 15 juillet 2009, annexe C6.
130Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 2, sect. 2.2, p. 28. - 41 -

méthodologie employée pour effectuer les analyses et en tirer des conclusions présente bien

d’autres problèmes graves, mais je pense en avoir dit assez long sur le sujet pour le moment.

55. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’espère qu’il apparaît clairement à présent

que, contrairement à ce que l’Arge ntine a laissé entendre la semain e dernière, l’usine Botnia est

une installation exceptionnelle. Elle utilise une technologie remarquable de réduction de la

pollution et son site est parfaitement approprié, co mpte tenu de la taille et des caractéristiques du

fleuve. La Cour peut être absolument certaine que l’usine Botnia aurait pu tout aussi facilement

être autorisée dans l’Union européenne ou dans toute autre juridiction dotée de lois sévères

concernant la protection de l’environnement. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous

remercie de votre attention. Je vous prie de donner à présent la parole à M. McCaffrey.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Je remercie M.McCubbin pour sa

présentation et j’invite à présent M.McCaffrey à s’adresser à la Cour. Monsieur, vous avez la

parole.

M.McCAFFREY: Merci beaucoup, Monsieur le président. Monsieur le président,

Messieurs de la Cour, c’est un honneur et un privilè ge de plaider aujourd’hui devant vous pour le

compte de la République orientale de l’Uruguay.

D ÉVELOPPEMENT DURABLE

I. NTRODUCTION

46 1. Monsieur le président, cette affa ire concerne indéniablement un fleuve ⎯l’un des plus

grands fleuves d’Amérique du Sud. Toutefois, on pourrait également dire qu’elle concerne une

promesse ⎯une promesse, faite par la communauté internationale, d’aider les pays en

développement dans les efforts qu’ils déploient pour améliorer les conditions de vie de leurs

populations s’ils le font d’une manière qui est co mpatible avec la protection de l’environnement.

La notion de développement durable traduit l’essence de cette promesse.

2. Il me reviendra aujourd’hui de démontrer que l’Uruguay respecte le rôle qui est le sien

dans cette transaction. Il le fait parce qu’il a mis en place des mécanismes qui assurent

l’intégration de la protection de l’environnement et du développement économique. Ainsi, on peut - 42 -

affirmer que l’usineBotnia est un bon exempl e de développement durable. La communauté

internationale l’a reconnu et cette reconnaissance a pr is la forme de l’appui prêté au projet par une

branche de sa principale institution financière, la Banque mondiale. C’est pourquoi l’usine Botnia

est conforme non seulement à l’objet et au but du statut de1975 ⎯lequel doit être interprété, les

131
Parties en conviennent, selon le principe du développement durable ⎯mais aussi à la pratique

de référence internationale. Je suis donc au regret de vous dire que mon amie

Mme Boisson de Chazournes s’est trompée en vous déclarant la semaine dernière que

l’usine Botnia représente un développement sans respect de l’environnement 132.

3. Monsieur le président, je commencerai aujourd’hui par rappeler que les Parties ont

reconnu que l’objectif ultime du statut de1975, tant en ce qui concerne ses dispositions

procédurales que le fond, est le développeme nt durable du fleuveUr uguay. Deuxièmement,

j’examinerai brièvement le sens de l’expression: «développement durable». Troisièmement et

enfin, je montrerai comment le processus rigour eux d’évaluation de l’impact environnemental

auquel s’est livré l’Uruguay, ainsi que l’exploita tion de l’usineBotnia proprement dite, sont

conformes au paradigme du développement durable.

II.L E BUT DU STATUT DE 1975 EST LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

4. Monsieur le président, l’Uruguay et l’Arge ntine s’accordent à dire que le but du statut
47

de 1975 ⎯ tant en ce qui concerne ses dispositions procédurales que ses éléments de fond ⎯ est le

133
développement durable du fleuve Uruguay . Dans sa réplique, l’Argentine déclare qu’elle est «en

complet accord avec l’Uruguay» sur ce point 134. Elle devrait assurément l’être puisque le statut,

sans utiliser cette expression ⎯ qui n’était pas encore inventée ⎯ cherche précisément à atteindre

l’objectif visé par le développement durable, à savoi r un équilibre entre d’une part les droits et le

besoin qu’ont les Parties d’utiliser le fleuve aux fins de leur déve loppement économique et

commercial et, d’autre part, la nécessité de prot éger le fleuve de tout dommage écologique que

13L’Uruguay a établi dans son contre-mémoire et l’Argentine a accepté dans sa réplique que l’objet et le but du
statut de 1975 sont le développement durable du fleuve Uruguay, CMU, par. 2.29.
132
CR 2009/14, p. 31, par. 19.
133
CMU, par. 1.26 et 2.29 ; RA, par. 1.48.
13RA, par. 1.48. - 43 -

135
pourraient causer ces activités . Aux termes de l’article pr emier, les Parties conviennent

d’adopter le statut «à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à l’ utilisation

136
rationnelle et optimale du fleuveUruguay…» . On peut considérer que l’objectif d’une

«utilisation rationnelle et optimale» est équivalent à celui d’une utilisation équitable et raisonnable.

En faisant de la réalisation de cet objectif l’objet et le but d’ensemble du statut, les Parties ont

judicieusement exprimé leur engage ment envers le développement durab le. En effet, tout au long

du statut, on retrouve en quelque sorte l’équilibrage entre développement économique et protection

de l’environnement qui est l’essence même du déve loppement durable. Par conséquent, il importe

de comprendre ce que signifie et ce que recouvre le développement durable pour donner une juste

interprétation du statut de 1975, et c’est le sujet que j’aborderai à présent.

III.L E SENS DU «DÉVELOPPEMENT DURABLE »

5. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, la meilleure définition du concept de

développement durable est sans doute celle que nous donne le rapport établi en1987 par la

Commission mondiale sur l’environnement et le développement, ou commissionBrundtland.

Selon la commission, «le développement durable est un développement qui répond aux besoins du

137
48 présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs» . La

commission observe ensuite que

«deux concepts sont inhérents à cette notion :

⎯ le concept de «besoins», et plus particu lièrement des besoins essentiels des plus
démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et

⎯ l’idée des limitations que l’état de nos t echniques et de notre organisation sociale
imposent sur la capacité de l’environn ement à répondre aux besoins actuels et à
138
venir» .

En approuvant la construction de l’usineBotnia, l’Uruguay avait précisément à l’esprit ces deux

concepts: la nécessité d’améliorer le niveau de vie des générations présentes et futures de sa

13CMU, par. 1.26.
136
Statut du fleuve Uruguay, art. 1. (Les italiques sont de nous.)
13Commission mondiale sur l’environneme nt et le développement, Notre Avenir à Tous (Oxford University

Press, 1987).
13Ibid. - 44 -

population ; et l’importance de ce faire d’une manière qui soit compatible avec les limitations de la

capacité de l’environnement de répondre à ces besoins.

6. Le concept de développement durable a été affiné dans la déclaration de Rio, adoptée

en1992 à la conférence des NationsUnies sur l’ environnement humain. Le principe4 de la

déclaration, que les deux Parties citent et approuvent 13, est ainsi libellé: «Pour parvenir à un

développement durable, la protecti on de l’environnement doit faire partie intégrante du processus

de développement et ne peut être considérée isolément.» 140 La Cour a elle aussi reconnu la

nécessité d’intégrer le développement économique et la protection de l’environnement. Dans

l’affaire Gabčíkovo, par exemple, elle a déclaré: «le c oncept de développement durable traduit

bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement»

(affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt , C.I.J. Recueil 1997,

p.78, par.140). Et dans l’ordonnance en i ndication de mesures conservatoires qu’elle a rendue

en2006 dans la présente affaire, la Cour a r econnu que celle-ci «met en évidence l’importance

d’assurer la protection, sur le plan de l’environne ment, des ressources naturelles partagées tout en

permettant un développement économique durable» (affaire relative à des Usines de pâte à papier

sur le fleuve Uruguay (Argentine cU . r uguay), mesures conservatoires, ordonnance du

13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 80).

7. De même, dans le cadre du récent arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer , tranché

en 2005, le tribunal a indiqué ce qui suit :

49 «Le droit de l’environnement et le dro it applicable au développement ne sont

pas les deux termes d’une alternative, mais des concepts intégrés qui se renforcent
mutuellement: ainsi, lorsque le développe ment risque d’avoir des effets nocifs
sensibles sur l’environnement, il existe une obligation d’empêcher, ou au moins
141
d’atténuer, ces effets…» [Traduction du Greffe.]

8. Le concept de durabilité joue aussi un rôle im portant dans le droit international relatif aux

cours d’eau. L’article5 de la convention de 1997 des NationsUnies sur les cours d’eau

139
CMU, par. 2.29, note 71 ; RA, par. 1.48.
140Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, principe 4, Nations Unies,

doc. A/CONF.151/26., 31 ILM 874 (1992).
141Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (Belgique/Pays-Bas) , sentence du 24mai2005, publié sur le site:
http://www.pca.cpa.org/showpage.asp?pag_id=1155. - 45 -

internationaux fait état du principe fondamental de l’utilisation équitable et raisonnable. Après

avoir énoncé cette obligation, l’article 5 poursuit :

«En particulier, un cours d’eau internati onal sera utilisé et mis en valeur par les
Etats du cours d’eau en vue de parvenir à l’utilisation et aux avantages optimaux et

durables, compte tenu des intérêts des Etats du cours d’eau concernés, compatibles
avec les exigences d’une protection adéquate du cours d’eau.» 142

Manifestement, en adoptant cette disposition ⎯qui est fondée sur un projet établi par la

Commission du droit international ⎯ l’Assemblée générale a envisagé l’utilisation et la mise en

valeur des cours d’eau internationaux d’une manière qui soit durable.

9. Bien que le statut juridique précis du concept ait été débattu 143, il ne fait aucun doute que,

au moins depuis la conférence de Rio en 1992, le développement durable a servi à la communauté

internationale de critère général pour orienter et évaluer les efforts d’amélioration des conditions de

vie et, plus généralement, de développement écono mique. Plus particulièrement, dans la présente

affaire, le développement durable est doté d’un st atut juridique précisément parce que les Parties

s’accordent à penser qu’il est l’objet et le but du statut de 1975 et il devrait par conséquent

intervenir dans l’interprétation des dispositions de ce dernier.

10. Monsieur le président, il n’y a pas dava ntage de doute quant au droit de l’Uruguay de

développer ses ressources, et en particulier, ses ressources en eau, d’une manière durable.

L’articlepremier commun des pactes de1966 relatif s aux droits de l’homme reconnaît le droit de

tous les peuples à «assur[er] librement leur déve loppement économique, social et culturel» ainsi

qu’à «disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles» conformément au

144
droit international . En ce qui concerne le fleuve Uruguay en particulier, l’article27 du statut

de1975 confirme «[l]e droit de ch aque partie d’utiliser les eaux du fleuve, à l’intérieur de sa
50

juridiction, à des fins ménagères, sanitaires, i ndustrielles et agricoles…». Reflétant l’équilibre

142Convention sur le droit relatif aux utilisations descours d’eau internationaux à des fins autres que la
navigation, art. 5 1), Nations Unies, doc. A/RES/51/869, 21 mai 1997, 36 ILM 700 (1997).
143
Voir, d’une manière générale, International Law and Sustainable Development , (Oxford University Press
1999), publié sous la direction d’Alan Boyle et David Freestone.
144
Pacte international relatif aux droits économiques, ciaux et culturels, 16 décembre 1966, art.11) et2),
résolution 2200 de l’Assemblée générale de soNations Unies (XX I), Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée
générale, vingt et unième session, supplément n, Nations Unies, doc. A/6316 (1967), p. 51 ; Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, art.1et2), résolution 2200 de l’Asse mblée générale des Nations
Unies (XXI), Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée généra le, vingt et unième session, supplément 16,
Nations Unies, doc. A/6316 (1967), p. 55. - 46 -

recherché dans le statut, l’article27 subordonne l’exercice de ce droit à «la procédure prévue aux

articles7 à 12 lorsque cette utilisation est suffi samment importante pour affecter le régime du

fleuve ou la qualité de ses eaux». Plus généralement, le droit de t ous les Etats à jouer la carte du

développement économique durable est confirmé dans le principe 2 de la déclaration de Rio, dont

l’esprit présente un équilibre comparable. Aux term es de ce principe: «Les Etats ont le droit

souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’ environnement et de

145
développement…» Le principe 2 fait ensuite état du devoir corrélatif «de faire en sorte que les

activités exercées dans les limites de leur juridi ction et sous leur contrôle ne causent pas de

dommage à l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction

146
nationale» . On considère généralement que le principe 2 et son prédécesseur, le principe 21 de la

déclaration de Stockholm de 1972, reflètent le droit coutumier international 147. La Cour a fait écho

au second élément du principe dans son avis consultatif sur les Armes nucléaires, dans un passage

qu’elle a ensuite cité à l’occasion de l’arrêt Gabčíkovo ( Projet Gab číkovo-Nagymaros

(Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 41, par. 53) :

«L’obligation générale qu’ont les Etat s de veiller à ce que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou s ous leur contrôle respectent l’environnement

dans d’autres Etats ou dans des zones ne rele vant d’aucune juridiction nationale fait
maintenant partie du corps de règles du dr oit international de l’environnement.»
(Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,

C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 241-242, par. 29.)

11. A nouveau, on peut considérer qu’un cont enu spécifique concerna nt le fleuve Uruguay

est donné à cette «obligation générale» par le stat ut de 1975, qui concilie le droit dont dispose

chaque partie d’utiliser le fleuve à des fins i ndustrielles ou autres et les obligations liées à la

148
protection de l’environnement .

145
Déclaration de Rio, op. cit., principe 2.
146Ibid.

147Voir Louis B.Sohn, «T he Stockholm Declaration on the Human Environment», 14 Harvard International
Law Journal 423, p. 491-493 (1973) ; et la résolution 2996 (XXVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies (1972),
adoptée à l’unanimité, indiquant que le s principes 21 et 22 de la déclaron de Stockholm «étab lissent les normes
fondamentales en la matière».

148Statut du fleuve Uruguay, art. 27-29 et, par exemple, p. 35-42. - 47 -

IV. T ANT LE PROCESSUS RIGOUREUX D ’ÉVALUATION MENÉ PAR L ’URUGUAY QUI A CONDUIT À
L AUTORISATION D ’INSTALLER L ’USINE B OTNIA QUE L EXPLOITATION EFFECTIVE
DE L ’USINE PARTICIPENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

51 12. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, il me reste à examiner certains des éléments

du processus d’évaluation rigoureux auquel s’est liv ré l’Uruguay avant d’autoriser la mise en

service de l’usine, ainsi que l’exploitation de l’usine proprement dite, qui participent du

développement durable.

13. Monsieur le président, comme l’a dém ontré l’Uruguay dans ses pièces de procédure

écrite149et comme mon éminent collègue, M.Boyle, l’exposera demain de façon assez détaillée,

l’évaluation de l’impact sur l’environnement à laquelle s’est livré l’Uruguay et les procédures

d’autorisation qu’il a suivies sont pleinement conforme s au statut de 1975 et au droit international.

La loi uruguayenne exige une évaluation rigoureuse d es effets possibles sur l’environnement. Les

experts indépendants de la Société financière internationale, ou SFI ⎯la branche de la Banque

mondiale chargée des financements privés ⎯ ont conclu, après avoir analysé le régime de

protection de l’environnement de l’Uruguay, qu e «la procédure d’autorisation suivie par la

150
DINAMA est pratique et rigoureuse» .

14. En effet, la procédure d’examen de la DINAMA, qui est exposée en détail dans le

contre-mémoire 15, est exigeante, prudente et rigoureuse. Par exemple, lorsque l’évaluation initiale

d’impact sur l’environnement lu i a été soumise par Botnia le 31mars2004 dans le cadre du

processus d’autorisation, la DINAMA l’a examin ée scrupuleusement et, en l’espace de sixmois

⎯c’est-à-dire entre juillet et décembre de cette année ⎯ a émis non moins de cinq demandes

écrites de renseignements supplémentaires 15. Par suite des réponses données par Botnia entre

septembre2004 et janvier2005 à ces demandes, l’évaluation d’impact sur l’environnement du

31 mars 2004 s’est considérablement étoffée. A nouveau, il s’agit là d’un exemple parmi d’autres

du sérieux avec lequel l’Uruguay envisage la protection de l’environnement.

15. Monsieur le président, ce processus de pr ise de décisions rigoureux et exigeant est l’un

des traits caractéristiques d’un développement économique qui ménage l’environnement à long

149Par exemple, CMU, par. 4.107-4.144.
150
EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale, op. cit., p. A6.7, CMU, vol. VIII, annexe 174.
151
CMU, par. 4.108-4.116.
152Ibid., par. 4.126. - 48 -

terme. Il n’y a pas eu de décision précipitée en ce qui concerne le projet d’usine Botnia. Il y a eu

au contraire une évaluation soigneuse et mé thodique du projet, comme l’exigent les lois

52 uruguayennes relatives à la protection de l’enviro nnement. Comme je l’ai déjà mentionné et

comme M. Boyle vous l’exposera plus en détail demain, les dispositions uruguayennes à cet égard

sont pleinement conformes tant au statut de 1975 qu’au droit international.

16. Monsieur le président, après avoir parl é du processus d’examen attentif et méticuleux

mené par l’Uruguay, j’en viens aux évaluations très complètes effectuées par des experts extérieurs

et indépendants, qui ont confirmé les conclusions de l’Uruguay en ce qui concerne les effets de

l’usine Botnia sur l’environnement. Le 21nove mbre2006, la SFI et l’Agence multilatérale de

garantie des investissements, ou MIGA, ont approuvé un investissement de la SFI et une garantie

de la MIGA concernant le projet d’usine de pâ te à papier Orion de Botnia en Uruguay. Un

document publié sur le site Internet de la SFI indique que «les deux or ganisations, après avoir

effectué un examen approfondi des faits, sont c onvaincues que l’usine apportera des avantages

économiques importants à l’Uruguay et ne portera pas atteinte à l’environnement» 15. La Cour se

souviendra que ce sont là les deux composante s jumelles du développeme nt durable, à savoir

l’obtention d’avantages économiques importants d’ une manière qui évite de porter atteinte à

l’environnement.

17. «L’examen approfondi des faits» mentionné par la SFI a été réalisé par des experts

indépendants chargés de s’assurer que l’usine Botnia en projet respecterait les normes

environnementales et sociales rigoureuses des deux organisations. La SFI indique ce qui suit :

«La décision de réaliser le projet était fondée sur un vaste processus répondant à
l’obligation de diligence requise, qui incluait les résultats concluants et positifs d’une
étude d’impact cumulé, puis un examen de cette étude réalisé par des experts
indépendants… Les conclusions de l’étude et le rapport des experts confirment que

l’usine respectera les orientations environneme ntales et sociales de la SFI et de la 154
MIGA tout en comportant des avantages sensibles pour l’économie uruguayenne.»

Un audit ultérieur, réalisé préalablement à la mise en service de l’usine par des experts

indépendants pour le compte de la SFI, conclut que l’usine utili se «des techniques modernes» qui

153
Voir http://www.ifc.org/ifcext/lac.nsf/Content/Uruguay_Pulp_Mills ; non souligné dans l’original ; DU, vol. I,
chap. 4, p. 202, par. 4.5.
154
Ibid. - 49 -

«promettent un fonctionnement assorti de faibles émissions et d’une performance

environnementale de premier ordre au niveau mondial» 155.

18. L’usine a été mise en service le 10novembre2007. C’est donc avec un recul de plus

d’unan et demi que nous pouvons, sur la base de l’expérience acquise, déterminer si ces

prédictions étaient justes. Monsieur le président , en bref, la réponse est très nettement positive

⎯ elles étaient justes.

53 19. Dans une étude de suivi exécutée sous la responsabilité de la SFI sur la base des

sixpremiers mois d’exploitation de l’usine, les experts ont conclu que «les caractéristiques de la

qualité de l’eau du fleuve Uruguay n’ont pas varié par suite du rejet des effluents de l’usine dans le

fleuve» 15. Ces conclusions sont confirmées dans une étude plus récente réalisée en mars 2009 157 à

la demande de la SFI, aux termes de la première année d’expl oitation du l’usine. Ce rapport

conclut que

«tout indique que l’usine fonctionne selon les normes environnementales élevées

prévues dans l’évaluation d’impact environnemental et social établi par Botnia et dans
l’étude d’impact cumulé réalisée à la de mande de la SFI et qu’elle est exploitée
conformément aux normes uruguayennes et à celles de la SFI. Ces résultats

correspondent égalemen158ux mesures de perfo rmance effectuées dans d’autres usines
à papier modernes.»

Le rapport indique aussi qu’«une comparaison des données d’évaluation avant et après la mise en

service de l’usine montre que la qualité de l’eau du fleuve Uruguay n’a pas été modifiée en

159
conséquence de l’usine » . Cette conclusion est corroborée par une autre concernant une

comparaison des conditions en amont et en aval de l’usine: «la qualité de l’eau entre l’usine et

Fray Bentos [c’est-à-dire en aval de l’us ine] est comparable à la qualité de l’eau plus en amont du

fleuve où l’usine n’a pas d’influence , ce qui indique que l’usine n’a pas affecté la qualité de l’eau

160
du fleuve Uruguay» . Monsieur le président, il importe de souligner que cette conclusion,

155
[Evaluation du programme de surveillance de la pe rformance environnementale de l’usine, réalisée par
EcoMetrix à la demande de la SFI ( phase1: examen avant mise en service) (Pre-Commissioning Review),
novembre 2007, DU, vol. III, annexe R50.]
156
Monitoring indépendant de la perfo rmance environnementale de l’usine, réalisé par EcoMetrix à la demande
de la SFI (phase2: examen de la performance environn ementale à 6mois), p.4.3, juillet2008; DU, vol.IV,
annexe R98.
157
Troisième rapport d’EcoMetrix, mars 2009, annexe S7.
158
Ibid., p. ES.ii.
15Ibid., p. ES.iii. (Les italiques sont de nous.)

16Ibid. (Les italiques sont de nous.) - 50 -

émanant d’experts indépendants, confirmant les prévisions de la DINAMA, est tout à fait

exceptionnelle : une usine de pâte à papier, déga geant une production proche de sa pleine capacité

égale à un million de tonnes de pulpe séchée à l’air par an 161 et contribuant de façon importante à

162
l’économie uruguayenne , «n’a pas affecté la qualité de l’eau du fleuve Uruguay». Monsieur le

président, si cela ne correspond pas aux définitions du développement durable et de l’utilisation

équitable, on a peine à imaginer ce qui y correspondrait.

20. Le «rapport scientifique et technique» dé posé par l’Argentine après la clôture de la
54

procédure écrite exprime des inquiétudes à propos de ce qui risquerait, à terme, d’arriver par suite

de l’exploitation de l’usine Botn ia. Plus précisément, le rapport indique ce qui suit : «le principal

résultat de cette étude est la détection de variations résultant des activités de l’usine de pâte à papier

qui pourraient servir de cadre de pré-alerte pour anticiper des altérations futures de l’écosystème
163
importantes et plus irréversibles» [traduction du Greffe] . Cette conclusion appelle plusieurs

observations.

21. Premièrement, le rapport dans son ensemb le a bien évidemment été effectué à la

demande des autorités argentines par des scientifi ques argentins engagés par leur gouvernement;

ce n’est donc pas une analyse indépendante, effectué e par des tiers, des effets de l’usine Botnia.

Deuxièmement, les auteurs du rapport ne contesten t pas les conclusions favorables du troisième

rapport EcoMetrix qui, quant à lui, a été établi par un tiers indépendant et doté des compétences

techniques requises. Troisièmement, on ne voit pas très bien à quoi sont imputables les effets

possibles mentionnés dans le rapport de l’Argentine ⎯il peut s’agir de phénomènes naturels, de

l’activité de nombreuses usines argentines exerçant un effet sur le fleuve, des écoulements dans le

fleuve dus à l’agriculture intensive du côté arge ntin, de l’usine Botnia proprement dite, ou d’une

conjonction des tous ces éléments. Quatrièmement, et c’est peut-être ce qu’il y a de plus

révélateur, ce que le rapport de l’Ar gentine peut prouver, au mieux, ce n’est pas que l’usine porte

161
Troisième rapport d’EcoMetrix, p. ES.ii.
162Voir, par exemple, «Gracias a Botnia crece la industria uruguaya», La Nación, 18 septembre 2009, publié sur
le site : http://www.lanacion.com.ar/not a.asp?nota_id=988143 (indiquant que l’i ndustrie manufacturière uruguayenne a
enregistré une croissance de 9,6% en 2007 par suite de l’expl oitation de l’usine Botnia dans les deux derniers mois de

l’année).
163Rapport scientifique et tec hnique de l’Argentine, résumé, deuxième pa ge (non numérotée); les italiques sont
dans l’original. - 51 -

atteinte à l’écosystème ou viole des normes applicab les établies par la CARU ou par l’Uruguay, ni

même toute norme applicable, mais c’est qu’il risque d’y avoir des problèmes à une date

indéterminée ⎯ lesquels problèmes, répétons-le, ne donnent lieu à la violation d’aucune norme ou

règle applicable, notamment à aucune de cel les qui émanent des institutions financières

internationales ayant appuyé le projet. Comme l’a démontré hier (CR2009/16) et aujourd’hui

M.Reichler, le rapport de l’Argentine ne conclu t à aucune nocivité actuelle qui enfreindrait les

164
dispositions du statut ou les normes de la CARU, ni à l’imminence d’une telle nocivité . Au lieu

de cela, le rapport livre des conjectures sur ce qui «pourrait» finir par se produire. Certes, aux

audiences de la semaine dernière, l’Argentine a pr étendu que l’usine était dès à présent nuisible.

Mais comme l’ont démontré mes collègues MM. Boyle, Reichler et McCubbin, absolument aucune

preuve n’appuie ces affirmations ⎯et, en fait, les propres données de l’Argentine prouvent le

contraire.

55 22. Monsieur le président, si l’on permet à ce type de conjectures d’arrêter l’activité d’usines

comme celle dont il s’agit dans cette affaire, alors cela videra de son sens le principe de l’utilisation

équitable et raisonnable, et la promesse du déve loppement durable deviendra un mirage, un cruel

canular. Car en effet, aucun investisseur n’oser a engager des fonds en faveur d’un tel projet si

plane ainsi la menace d’effets possibles à une date éloignée et indéterminée du futur.

23. Il n’est pourtant pas nécessaire qu’un tel scénario se réalise, parce que les Parties ont mis

en place un mécanisme robuste, à savoir la CARU, pour faire face précisément à ce type de

situation. C’est à ce mécanisme d’établir si ces normes sont suffisantes et, si elles ne le sont pas, de

les modifier pour qu’elles le soient. De surcroît, la Cour ne devrait pas permettre à l’Argentine

d’invoquer une évolution future hypothétique pour contourner un système qu’elle a accepté et qui

est tout à fait équipé pour apporter, à l’avenir, t out ajustement nécessaire aux normes de qualité de

l’eau. Non seulement l’Argentine a accepté ces normes mais elle n’a jamais indiqué, ni à la CARU

ni à l’Uruguay, que celles-ci ne sont pas suffisamment strictes, et elle n’a pas non plus proposé de

modifications les concernant. Pour sa part, l’Ur uguay ne s’est jamais opposé à des modifications

des normes. A supposer que l’usine Botnia se révè le avoir, à long terme, le type d’effets que

164
Voir ibid., résumé et, en particulier le chap.3, oùest nulle part question d’une nocivité présente ou
imminente qui enfreindrait les dispositions du statut ou les normes de la CARU. - 52 -

mentionne le rapport de l’Argentine, rien ne perm et de dire que la CARU n’est pas pleinement

capable d’y faire face, en adoptant des règles plus strictes en ce qui concerne la qualité de l’eau, et

qu’elle n’a pas les compétences pour ce faire.

24. Peut-être y aurait-il lieu d’être mieux disposé envers la cause de l’Argentine si les

normes de la CARU plaçaient la barre très bas ⎯ce qui permettrait de penser qu’elles

autoriseraient un développement qui en fait ne se rait pas durable (dans ce cas, bien évidemment,

l’Argentine aurait, elle aussi, sa part de res ponsabilité pour ces normes insuffisantes). Mais on ne

peut vraiment pas dire que les normes de la CARU sont insuffisantes. Selon les experts

indépendants de la SFI, les normes de la CARU re latives à la qualité de l’eau sont parmi les plus

avancées du monde et soutiennent même av antageusement la comparaison avec celles

165
d’organisations respectées comme l’Union europ éenne ou l’Organisation mondiale de la Santé .

L’Argentine ne prétend d’ailleurs pas le contrair e. Par conséquent, l’argument de l’Argentine

revient à affirmer que la CARU aurait dû adopter des normes plus strictes que celles

d’organisations exemplaires comme l’Union euro péenne ou l’OMS. Non seulement cela rendrait

56 dérisoire la notion même de développement durable et le principe connexe d’utilisation équitable,

mais cela donnerait du même coup une piètre image de l’Argentine qui elle-même a participé à

l’élaboration et à l’adoption des normes de la CARU.

25. Enfin, en ce qui concerne en particulie r la surveillance des usines par la CARU, un

rapport du ministère argentin des affaires étrangè res à la chambre des députés, datant de la

fin2004, indique que «les contrôles sur les de ux usines seront plus complets que ceux auxquels

notre pays soumet ses propres usines sur le fle uveParaná, lesquels ont néanmoins été approuvés

par l’Uruguay» 166. Cela confirme à nouveau la détermin ation de l’Uruguay de développer son

économie d’une manière qui soit durable et pleinement compatible avec le statut de 1975.

26. Monsieur le président, à l’opposé des allégations contenues dans le rapport scientifique et

technique de l’Argentine, concernant de possibles effets nocifs futurs de l’usine Botnia, nous avons

165EcoMetrix, étude d’im pact cumulé finale, op. cit. , annexeD, p.D2.5, D2.9-D2.10, CMU, vol.VIII,
annexe 176.

166Déclaration du ministère argentin des affaires inationales, du commerce international et de la culture,
incluse dans le rapport établi par le chef du conses ministres, à la chambre de s députés argentine, rapport n
p. 136 (mars 2005), CMU, vol. III, annexe 46. - 53 -

sans cesse entendu la semaine dern ière combien les efforts que déploie l’Uruguay sur la voie du

développement durable nuisent dès à présent à l’activité du tourisme argentin, tout particulièrement

à Gualeguaychú 167. Pourtant, l’Argentine n’a été en mesure de présenter aucune véritable preuve

d’un recul de l’activité touristique. Il semblerait en fait que celle-ci ait même augmenté.

27. Depuis la mise en service de l’usine en nove mbre 2007, des nombres record de touristes

ont visité Gualeguaychú. Cette année, le carna val annuel de Gualeguaychú a été classé «deuxième

168
par sa taille dans l’histoire du carnaval» . 180000visiteurs du monde entier ont assisté à cette

manifestation qui a produit un montant de recet tes qui serait égal au budget municipal de

169
Gualeguaychú . [Projection à l’écran.] En fait, la presse argentine a indiqué que le nombre de

visiteurs «en janvier dernier a été inégalé dans l’histoire du carnaval» 17. Cet essor du tourisme

est-il dû à l’usineBotnia? C’est très peu prob able. Mais il démontre bien que l’usine n’a

certainement aucune conséquence défavorable pour le tourisme à Gualeguaychú.

28. Bien que le contraire ait été prétendu deva nt la Cour la semaine dernière, les autorités

argentines se sont efforcées de convaincre les jour nalistes nationaux s’occupant du tourisme et des

57 voyages que les eaux du fleuveUruguay le long des plages de Ñandubaysal restent pures et aussi

attrayantes qu’à l’accoutumée. Le conseil du touris me de Gualeguaychú a invité les journalistes à

tâter eux-mêmes des eaux du fleuveUruguay pour qu’ils propagent le message et attirent des

touristes sur ses plages 171.

29. Certes, dans son rapport scientifique et technique, l’Argentine affirme à plusieurs

172
reprises que la baie de Ñandubaysal n’est pas touchée par ce qui se passe dans le fleuve , comme

167
CR2009/13, p.21, par.31 (Kohen): «Gentlemen, Tour ism and the Pulp Industry cannot be reconciled. A
Carnaval and nauseating odors cannot be reconciled.»
168
«Le meilleur janvier de tous les temps: le carnav al à Gualeguaychú, édition2009, recueille 77millions»,
Diario del Sur numérique ⎯Concordia/Entre Rios, Argentine, (15ma rs2009). Documents nouveaux produits par
l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S19.
169
Ibid.
170
Ibid.
171«Summer in Gualeguaychú: The Entre Rios Municipa lity began its Season and Presented its Products to
Different Invited Journalists», El País , 28décembre2008, publié sur le site http://www.mensaj eroweb.com.ar/

index.php?x=nota/12781/1/verano-en-gualeguaychu.
172Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 4.1.2 a ffirmant que les scientifiques argentins
ont pu «séparer nettement la baie, du fait qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du

fleuve Uruguay» et que les données «montrent que la baie est un milieu qui est à l’abri des fluctuations à court terme du
fleuve»), par.4.3.1.2 (mettant en avant des données qui «renforcent l’interprétation se lon laquelle la baie est un
environnement qui est relativement détaché du fleuve») et par. 1 (indiquant que la baie «n’est apparemment pas soumise
aux variations à court terme du fleuve naturelles ou induites par l’activité humaine»). - 54 -

les effluents de l’usineBotnia, ainsi que nous l’a indiqué tout à l’heure M.Reichler. De toute

façon, comme nous l’avons montré, l’usine Botnia n’ a aucun effet sur le fleuve et ne saurait donc

en avoir sur la baie de Ñandubaysal. La plag e dont nous avons tant entendu parler la semaine

dernière se trouve dans la baie de Ñandubaysal. M. Kohen a donc tort lorsqu’il dit que l’usine est

incompatible avec les loisirs sur les plages de la baie de Ñandubaysal 17. Il est contredit par les

données que l’Argentine a elle-même présentées.

V. C ONCLUSION

30. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, en conclusion, l’Uruguay a le droit

d’utiliser et de mettre en valeur le fleuveUrugua y d’une manière qui soit durable. En effet, le

fleuve est très important pour l’Uruguay parce qu’une large part du territoire de l’Uruguay se

trouve dans le bassin hydrographique de ce fleuve, ce qui n’est pas le cas de l’Argentine. Le droit à

une utilisation durable a été reconnu dans de nomb reux instruments, depuis des déclarations et

traités de portée générale jusqu’au statut du fleuveUruguay. Le développement durable est un

développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations

futures de répondre aux leurs. C’est donc une qu estion d’équité intergénérationnelle, au sens où le

développement économique doit se poursuivre d’ une manière qui intègre la protection de

l’environnement, c’est-à-dire le système d’entr etien de la vie humaine dont dépendent les

générations tant présentes que futures.

31. Le bilan de l’Uruguay dans le domaine de l’environnement est enviable et les processus

de prise de décision qu’il a mis en place partic ipent du développement durable. Les dirigeants

58 argentins ont eux-mêmes reconnu le dynamisme de l’Uruguay dans le domaine de la protection de

174
l’environnement . Etant donné ce bilan, il faut forcer la crédulité pour affirmer, comme le fait

l’Argentine, que l’Uruguay ferait soudain demi-tour en ce qui concerne ce projet particulier, bien

en vue.

173
CR 2009/13, p. 21, par. 31.
17L’ancien ministre argentin des affaires étrangères Rafael Bielsa a reconnu le rôle majeur que joue l’Uruguay à
cet égard, déclarant que celu i-ci est «au sixième rang mondi al en ce qui concerne la protection de l’environnement»,
CMU, vol. II, annexe 14. - 55 -

32. Monsieur le président, l’Argentine n’a p as contesté le droit de l’Uruguay à développer

son économie, et à répondre ainsi aux besoins des générations présentes et futures de sa population.

L’Argentine ne conteste pas non plus l’idée selon laquelle il convient d’interpréter le statut de 1975

conformément à ses but et objet, qui sont de gara ntir une utilisation équitable et un développement

durable. L’Argentine ne prétend pas davantage que l’usine Botnia enfreint les normes adoptées par

la CARU relatives à la protection du fleuve et de ses écosystèmes ⎯normes dont l’Argentine a

elle-même participé à l’élaboration et qui peuve nt être considérées comme une application au

fleuve Uruguay du concept de développement durable. Ayant accepté tout cela ⎯ comme bien sûr

elle doit le faire faute de preuve du contraire ⎯, l’Argentine se retrouve sans aucun élément pour

fonder, en droit ou en fait, son affirmation tard ive selon laquelle il ne faudrait pas autoriser la

poursuite de l’exploitation de l’usin eBotnia à cause de conditions qui peuvent se faire jour à une

date éloignée du futur, ou des effets nuisibles absolument pas démontrés que l’usine causerait dès à

présent, et dont l’Uruguay a prouvé l’inexistence.

33. Si de telles conditions devaient d’une manière ou d’une autre se faire jour ultérieurement,

ce serait à la CARU d’y faire face. La CARU a la responsabilité, qui lui a été conférée par les

Parties, de déterminer si ses normes sont suffisantes et, si tel n’est pas le cas, de les modifier ou

d’en mettre au point de nouvelles. La CARU l’a fait dans le passé ⎯ comme c’est sa mission de le

faire et il n’y a aucune raison de croire qu’elle ne continuera pas à jouer ce rôle à l’avenir.

34. L’Argentine voudrait que la Cour rè gle ce différend d’une manière qui ferait du

développement durable une fausse promesse. L’Uruguay voudrait que la Cour reconnaisse pour ce

qu’ils sont les efforts prudents qu’il déploi e pour développer son économie, notamment grâce à

l’usine Botnia: ces efforts sont un exemple paradigmatique du dé veloppement durable ⎯ un

développement qui a été soigneusement planifié, qui ne porte pas atteinte à l’environnement, qui

est conforme au statut de 1975 et qui répond aux normes internationales les plus exigeantes.

59 35. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé et la plaidoirie

de l’Uruguay pour aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention bienveillante et patiente. - 56 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: je remercie M.McCaffrey de sa

présentation. Judge Bennouna has a question to put to both Parties. You have the floor,

Judge Bennouna.

Mr. BENNOUNA: Thank you, Mr.President. My question is addressed to both Parties.

When the Parties refer to an “independent expert” to whom they have had recourse, what do they

understand by this term? In particular, in the contex t of the case before the Court, is it possible for

an expert commissioned by one or other of the Par ties to be considered as an independent expert?

Thank you, Mr. President.

The VICE-PRESIDENT, Acting President: Th ank you, Judge Bennouna. The precise text

of this question will be sent to the Parties in wr itten form as soon as possible. In accordance with

the usual practice, the Parties are invited to repl y to this question at the coming hearings. Uruguay

will be able to give a reply in its first round of oral argument, while Argentina will have the

opportunity to do so in the second round.

That concludes the oral argument for today. The Court will meet again tomorrow morning at

10 a.m. The sitting is closed.

The Court rose at 12.40 p.m.

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