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CONI

CR 2009/3 (traduction)

CR 2009/3 (translation)

Mardi 3 mars 2009 à 10 heures

Tuesday 3 March 2009 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre la République du Costa Rica poursuivre son premier tour d’observations

orales. M. Crawford sera le premier à venir à la barre. Monsieur Crawford, vous avez la parole.

M. CRAWFORD : Monsieur le président, Messi eurs de la Cour, c’est pour moi un honneur

que de paraître devant vous au nom du Costa Rica et devant la Cour dans sa nouvelle composition.

L E DROIT DE NAVIGATION DES BATEAUX OFFICIELS

Introduction

1. Je suis chargé de vous présenter les droits des bateaux officiels du Costa Rica en matière

de navigation. L’articleVI du traité de limites, qui reconnaît au CostaRica un droit perpétuel de

libre navigation, ne fait pas de distinction entre ba teaux officiels et bateaux privés. Je vais vous

préciser ce que cela signifie dans la première partie de ma présentation.

2. La deuxième partie portera sur les droits de navigation à titre officiel du CostaRica tels

qu’ils ont été confirmés dans la sentence Clev eland. Le président Cleveland a reconnu que

l’article VI du traité de limites conférait un droit de navigation aux bateaux officiels costa-riciens, y

compris les bateaux officiels armés.

3. La troisième partie de ma présentation sera consacrée au droit du CostaRica de faire

naviguer ses bateaux officiels sur le SanJuan p our satisfaire à l’obligation qui lui est faite, à

l’articleIV du traité de limites, de protéger le fleuve et de défendre la baie commune de

San Juan del Norte.

Les bateaux officiels costa-riciens bénéficient du droit perpétuel de libre navigation
énoncé à l’article VI

4. J’en viens à mon premier argument. Selon l’article VI, les bateaux costa-riciens officiels

ont le droit de naviguer aux fins du comme rce au même titre que les bateaux privés ⎯ nulle

distinction n’est faite selon l’appartenance de l’embarcation.

5. Ainsi que l’a exposé M. Kohen, les droits de navigation conventionnels du Costa Rica aux

fins du commerce valent notamment pour assurer la communication entre les villages et villes,

entre un point de la rive costa-ricienne et tout autre point sur l’une ou l’autre des deux rives dans le - 3 -

segment du fleuve où la navigation est commune, ou entre la rive et l’intérieur du pays. Le

commerce passe par la communication. Les personnes appelées à emprunter le fleuve peuvent être

des fonctionnaires ou des travailleurs sociaux co sta-riciens qui doivent rendre des services

9 essentiels à la population locale ⎯autrement dit, des personnes qui se déplacent normalement à

bord de bateaux officiels.

6. Le Nicaragua soutient que les bateaux officiels costa-riciens ne bénéficient pas d’un droit

général de navigation en vertu de l’articleVI, le ur seul droit dans ce domaine étant celui qui est

1
strictement défini dans la sentence Cleveland . Mais il ne fonde pas son allégation sur le texte de

l’article VI : rien, dans celui-ci, ne laisse en effe t entrevoir une telle distinction. Pour tout élément

de preuve, il renvoie à une question purement rhétorique que le CostaRica avait posée en

argumentant devant le président Cleveland, dans le cadre de son plaidoyer pour la reconnaissance

d’un droit général de naviga tion aux bateaux des douanes 2. Le Nicaragua soutient qu’au vu de la

sentence Cleveland, la question de la navigation des bateaux officiels toute entière devrait être

tenue pour close 3.

7. L’argument du Nicaragua est vicié à deux ég ards. Premièrement, la question soumise au

présidentCleveland ne concernait pas l’étendue du droit du CostaRica de faire naviguer ses

bateaux officiels d’une manière générale. Formulée avec soin, elle visait à savoir «si le Costa Rica

a[vait] le droit de naviguer sur le fleuve San Juan avec des bateaux de guerre ou des bateaux des

douanes» 4. Le quatrième point d’interprétation douteuse qui fut soumis par le Nicaragua reprenait

essentiellement les mêmes termes ⎯ je cite : «Le Costa Rica, qui, selon l’article VI du traité, a le

droit de libre navigation aux seules fins du co mmerce…, peut-il également naviguer avec des

navires de guerre ou des bateaux des douanes sur les mêmes eaux?» 5. Ce quatrième point était

redondant et fut traité comme tel par le président Cleveland. Ayant déjà répondu à la question au

1
DN, par. 2.140.
2
DN, par. 2.138.
3DN, par. 2.143.

4Article VI de la convention entre le Costa Rica et le Nicaragua visant à soumettre à l’arbitrage du
Gouvernement des Etats-Unis la question de la validité du traité du 15 avril 1858 (Esquivel-Román), Guatemala, MCR,
annexe 16 ; CMN, annexe 11. Voir également la sentence Cleveland, MCR, annexe [1]6, p. 457 (p. 98).

5MCR, annexe 207, p. 10. - 4 -

deuxième paragraphe de sa sente nce, il renvoya simplement à cette conclusion pour répondre au

quatrième point . 6

8. La question fut soulevée parce que le Ni caragua s’était élevé contre les tentatives du

CostaRica d’exercer les droits qu’il tenait du tra ité de limites en établissant une garde douanière

7
10 sur la rive du Colorado . Cette garde douanière devait procéder à une reconnaissance du San Juan

au moins une fois par semaine, principalement dans le but de lutte r contre la contrebande 8. En

réponse aux protestations du Nicaragua, le ministre costa-ricien des affaires étrangères fit valoir

que le CostaRica, ayant l’obligation de concourir à la garde et à la défense du fleuve, «p[ouvai]t

utiliser les moyens nécessaires pour s’en acquitte r», et ajouta qu’il ne saurait «exercer aucune

9
juridiction sur» les eaux du fleuve . C’est dans ce contexte qu ’il fut demandé au président

Cleveland, dans la convention du 24 décembre 1886, de se prononcer sur le droit du Costa Rica de

faire naviguer ses bateaux des douanes et ses navires de guerre. Le différend ne concernait pas le

droit de navigation des bateaux officiels d’une manière générale, mais se rapportait uniquement à la

navigation de ces deux types d’embarcation.

9. Le Nicaragua se méprend aussi en voulant faire croire que le CostaRica, devant le

président Cleveland, aurait d’une certaine façon soul evé la question plus générale de la navigation

10
des bateaux officiels . Il y a deux réponses à cela.

10. Tout d’abord, je le répète, les arguments du CostaRica étaient strictement limités à la

question posée à l’arbitre. Ensuite, répondre à cette question plus générale aurait excédé le mandat

dont le président Cleveland était investi par la convention de 1886.

11. Devant le présidentCleveland, le CostaRica plaida sur la navigation des bateaux des

douanes et sur celle des navires de guerre. Avant d’exposer ses arguments particuliers concernant

chaque type de bateau, il posa une question générale d’ordre purement rhétorique, à savoir :

«Cela signifie-t-il que le Costa Rica ne peut en aucun cas naviguer avec des
bateaux des services publics sur lesdites eaux, que ces bateaux soient de véritables

navires de guerre, de simples bateaux des douanes, ou tout autre bateau destiné à

6 Troisième paragraphe du point 8 de la sentence du président Cleveland, MCR, annexe [1]6, p. 458 (p. 99).

7 CMN, annexe 28.
8
MCR, annexes 205 et 206.
9 MCR, annexe 31.

10DN, par. 2.142 et 2.143. - 5 -

prévenir la contrebande, à transmettre des ordres aux autorités des districts frontaliers
ou à exécuter toute autre mission ne relevant pas exactement du transport de
marchandises ?» 11

Le Costa Rica en vint ensuite à ses arguments particuliers, traitant d’abord des bateaux des douanes

puis des navires de guerre.

12. En ce qui concerne les bateaux des douanes, le Costa Rica déclara «indiscutable qu’[il]

p[ouvai]t naviguer sur le San Juan avec des bateaux publics qui n’[étaient] pas de vrais navires de

guerre». Se référant spécifiquement à sa police doua nière, il fit valoir que si le Nicaragua pouvait
11

transporter ses marchandises jusqu’aux rives costa -riciennes au titre du traité de1858, lui-même

avait alors nécessairement le droit, corollaire, «de surveiller ses propres rives par le seul moyen

12
possible», sans quoi il aurait été à la merci des contrebandiers .

13. Le Costa Rica examina ensuite le droit de navigation des navires de guerre, qu’il fit

valoir par analogie avec d’autres situations. Il s outint là encore que son obligation, au titre du

traité, de défendre sa propre rive allait nécessairement de pair avec le droit d’utiliser des navires de

13
guerre ordinaires sur le fleuve .

14. Le Costa Rica ne fit référence à aucun autr e type de bateau officiel, faisant observer que

«ce n’[était] ni le moment ni le lieu pour faire la moindre déclaration touchant des questions qui

14
n’avaient été ni débattues, ni soulevées» .

15. Le président Cleveland tint manifestement co mpte de cette déclaration, et prit soin de

bien circonscrire sa sentence. Au deuxièm e paragraphe, où il répond à la question posée à

l’article VI de la convention de 1886, il déclare que le Costa Rica «n’a pas le droit de naviguer sur

le fleuve San Juan avec des bateaux de guerre», mais «peut naviguer sur ledit fleuve avec des

bateaux du service des douanes dans l’exerci ce du droit d’usage de ce fleuve «aux fins du

commerce» que lui reconnaît ledit article, ou dans le s cas nécessaires à la protection de ce droit

15
d’usage» . De par les termes qu’il emploie, le président Cleveland n’exclut pas les autres bateaux.

Il répond simplement à la question dont il a été sa isi. Au point 8 du troisième paragraphe, où il se

11MCR, annexe 207, p. 155.

12MCR, annexe 207, p. 156.
13
MCR, annexe 207, p. 158-160.
14MCR, annexe 207 b), p. 90.

15MCR, annexe 16, p. 457 (p. 98), deuxième paragraphe. - 6 -

prononce sur le quatrième point d’interprétation dout euse, le président Cleveland déclare que «[l]e

droit de navigation de la République du Costa Ri ca sur le fleuve … avec des bateaux de guerre ou

16
des vedettes des douanes est établi et défini au deuxième article de la présente sentence» . S’il

avait voulu définir dans toute sa portée le droit du Costa Rica de faire naviguer tous ses bateaux

officiels quels qu’ils soient, il aurait dit que ce droit était établi et défini au deuxième paragraphe de

sa sentence. Il ne l’a pas dit, ni même laissé entendre.

16. En outre, si le Nicaragua avait pensé que la question traitée par le président Cleveland
12

était la navigation des bateaux officiels sous toutes ses formes, cela ressortirait de ses exposés

⎯ or, il n’a pas évoqué la navigation de bateaux o fficiels autres que ceux qui étaient désignés dans

la question posée 17.

17. Dans ces conditions, il est absurde de pr étendre que la portée de la navigation des

bateaux officiels est chose jugée et d’accuser le Costa Rica de demander à la Cour d’«infirmer» la

18
sentence Cleveland .

18. En limitant la navigation des navires offici els armés aux situations prévues à l’article VI

du traité, le président Cleveland rejeta la suggestion de son adjo int, M.Rives, selon lequel tout

droit de navigation à titre officiel ne pouvait existe r qu’en application d’une règle générale et ne

pouvait découler du traité 19. La propre formulation du président Cleveland le confirme, puisqu’elle

fait référence au droit de na vigation reconnu aux bateaux du ser vice des douanes «en vertu» du

traité et des dispositions de son article VI, expressément mentionnés 20. M.Rives suggérait de ne

reconnaître au Costa Rica que les privilèges effec tivement accordés aux autres nations amies, mais

le président Cleveland décida que les bateaux du service des douanes costa-ricien tenaient du traité

un droit de navigation spécifique.

16
MCR, annexe 16, p. 458 (p. 99), troisième paragraphe, point 8.
17
MCR, annexe 208 b), p. 48-49.
18DN, par. 2.142.

19Voir le rapport de M. Rives (II), CMN, annexe 7[1], p. 1 («l’on observera que l’article précédent ne dit mot au
sujet du droit de navigation à bord de ba teaux officiels. Si pareil droit existe , ce doit être en vertu de quelque règle
générale et sans rapport avec le traité…»).

20MCR, annexe [1]6, p. 457 (p. 98), deuxième paragraphe. - 7 -

19. Le Costa Rica a toujours maintenu que l’articleVI conférait à ses bateaux officiels le

même droit perpétuel de libre navigation qu’aux bateaux privés. Sa position s’accorde

parfaitement avec celle du président Cleveland.

Le droit conventionnel de navigation du Costa Rica sur le fleuve, confirmé par la sentence
Cleveland, s’étend à la navigation de bateaux officiels armés

a) La sentence Cleveland a confirmé un droit de navigation pour les bateaux des douanes qui
sont des bateaux officiels armés

20. J’en viens à la sentence Cleveland en ce qui concerne les bateaux officiels armés, en

particulier les bateaux du service des douanes.

21. Comme je l’ai déjà indiqué, le président Cleveland a soigneusement formulé la réponse à

cette question de manière à faire ressortir les conditions régissant la juridiction qu’il octroyait. Aux

termes de sa sentence :

13 «[L]a République du Costa Rica, en vertu dudit traité et des dispositions de son
articleVI, n’a pas le droit de naviguer su r le fleuve SanJuan avec des bateaux de
guerre, mais elle peut naviguer sur led it fleuve avec des bateaux du service des

douanes dans l’exercice du droit d’usage de ce fleuve «aux fins du commerce» que lui
reconnaît ledit article, ou dans les cas né cessaires à la protection de ce droit
d’usage.» 21

22. Il est incontestable que ces bateaux du ser vice des douanes étaient des bateaux officiels

armés. L’argument avancé par le Costa Rica au sujet de ses bat eaux des douanes était fondé sur la

22
nécessité de protéger son commerce et ses rives du fleuve, ce qui exigeait de porter des armes .

Pour le Nicaragua, les bateaux du service des douan es étaient des «navires armés, capables de se

23
faire obéir par la force» . Selon le rapport Rives, on ne pouva it faire la différence entre les

bateaux du service des douanes et les bateaux de guerre 24. La sentence Cleveland fit néanmoins la

distinction entre les deux catégories, indiquant que les bateaux du service des douanes avaient une

fonction de «protection» de la navigation costa-rici enne aux fins du commerce. Cette «protection»

serait vaine sans la possibilité de porter des armes.

21MCR, annexe [1]6, p. 457 (p. 98), deuxième paragraphe.
22
MCR, annexe 207 b), p. 156.
23
MCR, annexe 108 b), p. 49.
24(Deuxième) rapport Rives, CMN, annexe 7[1], p. 4. - 8 -

23. Le président Cleveland avait certainemen t connaissance de l’utilisation des vedettes des

douanes, qui étaient des bateaux armés utilisés pour des missions en rapport avec la législation

douanière, la législation relative à la quarantaine et les lois fiscales, ainsi que pour diverses autres

25
fonctions . En mai1886, le président Cleveland prit personnellement de s dispositions pour

envoyer une vedette des douanes à la rencontre du bateau qui menait sa fiancée, Frances Folsom, à

NewYork. La vedette William E. Chandler conduisit MlleFolsom et sa suite dans le port, avec,

dans son sillage, une foule de reporters désire ux d’apercevoir la jeune femme qui allait devenir

26 27
l’épouse du président . Le Chandler mesurait 99pieds et transportait un canon de vingt . Ses

caractéristiques étaient semblables à celles du Forward, la vedette que vous voyez à l’écran

o 28
(onglet n 32 du dossier de plaidoiries) . Malgré de nombreuses recherches dans les archives, nous

n’avons pas pu trouver de photographie du William E. Chandler . Le Chandler était encore en
14

service à l’époque où la sentence Cleveland a été re ndue, deux ans après le mariage du président et

29
de Mlle Folsom . Lorsqu’il se référait à des vedettes des douanes, Cleveland savait donc de quoi il

parlait ! Par conséquent, la th èse du Nicaragua selon laquelle la sentence Cleveland n’a confirmé

aucun droit de navigation pour des bateaux officiels armés autres que des bateaux de guerre ne tient

30
pas .

24. En précisant la portée du droit du Costa Rica de faire naviguer des bateaux du service des

douanes avec des armes à bord, la sentence Clev eland prévoyait deux cas de figure: 1)«dans

l’exercice du droit d’usage de ce fleuve «aux fins du commerce» que lui reconnaît [l’]article [VI du

25
MCR, par. 4.81.
26 «The President’s Wedding», Washington Post , 29 mai 1886 (disponible à l’adresse

http://pqasb.pqarchiver.com/ washingtonpost/search. html). Voir aussi «Miss Folsom’s Return», New York Times ,
1886 (disponibleMayà l’adresse 28
http://query.nytimes.com/mem/archive-free/pdf?res=9C0CE2DC1738E533A2575…); «Miss
Folsom’s Homeward Trip», New York Times , 29 mai 1886 (disponible à l’adresse http://query.nytimes.com/
mem/archive-free/pdf?res=9500E0DC1738E533A2575AC2A9639C94679FD7CF); Stephen F. Robar, Frances Clara
Folsom Cleveland (Nova History Publications : New York, 2002), p. 20.

27Voir http://www.uscg.mil/history/webcutters/Jasmine_1866.pdf; D. L. Canney, US Coast Guard and Revenue
Cutters 1790-1935 (Naval Institute Press, Annapolis, 1995), p. 38.

28http://www.coastguardpics.com/imagelib/sitebuilder/misc/show_image.html…
://www.coastguardpics.net/sitebuildercontent/sitebuilderpictures/usrcforwa…;
voir D. L. Canney, US Coast Guard and Revenue Cutters 1790-1935 (Naval Institute Press, Annapolis, 1995), p. 45.

29 D. L. Canney, US Coast Guard and Revenue Cutters 1790-1935 (Naval Institute Press, Annapolis, 1995), xiii.
30
Cf. CMN, par. 4.2.15. - 9 -

31
traité de1858]» ou 2)«dans les cas nécessaires à la protection de ce droit d’usage» . Tentant,

comme à son habitude, de limiter les droits de navigation du Costa Rica de sorte que ceux-ci

finissent par se vider de leur contenu, le Nicara gua prétend que ces conditio ns ne forment pas une

32
alternative mais doivent être toutes les deux réunies . C’est manifestement faux: le

présidentCleveland a employé la conjonction «ou» et non «et». De même, le Nicaragua affirme

que la condition de nécessité s’applique à la navigation des bateaux des douanes en toutes

circonstances 33. Ce n’est pas le cas, puisque cette condition n’est requise que dans l’éventualité où

les bateaux naviguent pour protéger la jouissance, par le Costa Rica, de son droit de navigation.

25. Le Nicaragua tente également de limiter les droits conventi onnels de navigation du

CostaRica en invoquant des négociations ultérieu res, lesquelles n’ont abouti à la ratification

34
d’aucun accord. Il prétend ainsi que, se lon le traité Soto-Carazo du 26 juillet 1887 , ratifié par le

Costa Rica mais pas par le Nicaragua, le droit de navigation du Costa Rica ne s’étend pas au droit

de faire naviguer des bateaux du service des douanes. Or, les traités non ratifiés ne modifient ni le

droit ni la signification de traités antérieurs en vi gueur. Et même si l’on pourrait considérer que le

traité de 1887 reflète la manière dont le Costa Rica perçoit ses droits et obligations existants, il

confirme son droit de navigation aux fins de ravitaillement et de relève du personnel des postes de

police 35. Aujourd’hui, le Nicaragua nie l’existence de ce droit. J’ajouterai que le traité non ratifié

15 de 1887 aurait conféré au Costa Rica le droit de naviguer sur toute la longueur du San Juan et sur le

lac Nicaragua 3. De ce point de vue, il ne saurait être d’aucun secours pour l’interprétation du traité

de 1858.

26. Dans sa décision de 1916, la Cour de justice centraméricaine a reconnu l’étendue des

droits de navigation du Costa Rica relativement aux bateaux du service des douanes. La thèse

avancée par le Costa Rica était la suivante :

«En ce qui concerne le fleuve San Juan, les droits conventionnels du Costa Rica
sont, d’un certain point de vue, mo indres que des droits de copropriété … [L]e

31 MCR, annexe [1]6, p. 457 (p. 98), deuxième paragraphe.

32 Par exemple, DN, par. 3.1.54-55
33
Cf. DN, par. 5.45.
34
MCR, annexe 15.
35 MCR, annexe 15, art. VIII.

36 MCR, annexe 15, art. IV. - 10 -

CostaRica, par exemple, ne peut naviguer sur ce cours d’eau avec des navires de
guerre, comme le Nicaragua peut bien entendu le faire ; mais ces droits sont par contre
plus étendus que ceux d’un simple copropriétaire…parce que les bateaux

costa-riciens, les bateaux de commerce co mme les bateaux des douanes ont, dans la
zone où la navigation est commune, libre cours sur l’ensemble du fleuve … exempt de
toute taxe, à tout point de la rive nicaraguayenne.» 37

27. Dans son arrêt, la Cour a accepté cette thèse sur le principe, indiquant que :

«les droits de navigation sur le fleuve San Juan qui ont été confirmés en faveur du

Costa Rica ne s’étendent pas aux navires de guerre mais concernent simplement les
navires utilisés à des fins douanières et de défense — une interprétation qui n’ôte rien
à l’opinion exprimée en ce qui concerne la pr opriété de fait revenant en grande partie

au Costa Rica sur le fleuve San Juan pa rce que la navigation des navires de guerre,
outre qu’elle constitue une cause d’inquiétude, impliquerait une fonction relevant de la
souveraineté territoriale» .8

28. Les bateaux des douanes utilisés à l’époque de la sentence Cleveland servaient pour des

missions de police douanière, de protection de la fr ontière et d’autres fonctions de police, et le

personnel était muni de ses armes de service. Ces fonctions sont à présent assurées par le service

national de gardes-côtes, la police fiscale, la police des frontières et les gardes rurale et civile . Le

droit de navigation conventionnel du Costa Rica, tel que confirmé par la sentence Cleveland,

s’étend donc à la navigation des bateaux officiels ayant à leur bord des policiers munis de leurs

armes de service, aux fins de rav itaillement et de relève du perso nnel des postes de police. Vous

pouvez voir ces bateaux — rien moins que redoutables, n’est-ce-pas ? — à l’écran (onglet n o33 du

dossier de plaidoiries).

29. Que la police costa-ricienne puisse navi guer avec des armes de service va également

dans le sens de l’accord de1956. Cet accord dispose que les parties «organiseront…la

surveillance de leur commune frontière afin d’év iter l’introduction illégale, depuis le territoire

16 d’une des parties sur celui de l’autre, d’armes ou de groupes armés» 40. Cette tâche ne pouvait être

assurée que par le Costa Rica, avec des bateaux naviguant sur le San Juan avec des armes de

service ou bien par l’intermédiaire de ses postes de police établis sur la rive, ce qui suppose à son

tour de naviguer pour ravitailler et relever le personnel. Il n’y a aucune autre manière de mener ces

tâches à bien.

37MCR, annexe 21, p. 197.
38
MCR, annexe 21, p. 220.
39
Voir MCR, appendice B.
40MCR, annexe 24, art. II. - 11 -

b) Ce droit est confirmé par la pratique ultérieure

30. Le droit des bateaux officiels costa-riciens de naviguer avec des armes à bord sur le cours

inférieur du San Juan est confirmé par la pratique ultérieure. D’une part, le Costa Rica a respecté

l’interdiction de faire naviguer des navires de gue rre qui lui est faite par la sentenceCleveland.

D’autre part, du personnel costa-ricien armé a con tinué de naviguer sur les vedettes du service des

douanes ou d’autres bateaux officiels ⎯ généralement beaucoup plus petits ⎯, et le Nicaragua a

respecté ce droit.

31. Il est fait référence dans la présente in stance à l’incident survenu en1982 en relation

avec le vapeur costa-ricien Adela. L’itinéraire suivi par ce bateau est indiqué sur la carte n o1 qui

se trouve sous l’onglet 35 du dossier de plaidoiries.

Le PRESIDENT : Monsieur Crawford, veuillez parler plus lentement, je vous prie.

M. CRAWFORD : Certainement, Monsieur le président.

Le vapeur costa-ricien Adela est parti, avec des armes à bord, de l’embouchure de la rivière

SanCarlos et a remonté le fleuve SanJuan ju squ’à un point situé à trois milles en aval de

Castillo Viejo ⎯ qui marque, vous vous souvenez, la limit e du segment du San Juan dans lequel le

Costa Rica a des droits de navigation. Il avait pour mission d’installer des gardes au poste douanier

de TerrónColorado, Los Chiles, situé en territoire costa-ricien, près de l’endroit où le SanJuan

prend sa source dans le lac Nicaragua. Le vapeur s’est arrêté à trois milles en aval de

Castillo Viejo et les armes et munitions qu’il transportait ont été déposées sur la rive costa-ricienne.

Au-delà de ce point, le CostaRica n’a aucun dr oit de navigation. Le commandant de l’ Adela a

ensuite poursuivi sa route jusqu’au poste ni caraguayen de Castillo Viejo pour demander

l’autorisation de faire le reste du trajet avec d es armes à bord. Cette autorisation lui ayant été

41
refusée, il a été obligé de faire transporter l es armes et les munitions par voie terrestre . Mais ce

qui importe ici, c’est que l’ Adela a navigué avec des armes et des munitions sur le cours inférieur
17

du SanJuan où le CostaRica détient un droit conventionnel de navigation, et qu’il l’a fait sans

avoir reçu d’autorisation particulière.

41
MCR, annexe 209. - 12 -

32. Plus tard cette année-là, des bateaux co sta-riciens armés ont été autorisés à naviguer sur

le cours supérieur du San Juan. L’admi nistrateur des douanes nicaraguayennes à

San Juan del Norte a autorisé la garde costa-ricienne d’El Colorado à aller au-delà de Castillo Viejo

42
pour toute mission à RioFrio, situé à l’ouest de CastilloViejo en direction du lac Nicaragua .

Conformément au droit de navigation conventionn el du CostaRica, aucune autorisation n’était

nécessaire pour circuler sur le cours inférieur du SanJuan et aucune autorisation n’a donc été

donnée relativement à ce segment du fleuve.

33. Le Costa Rica a également produit des éléments de preuve documentaire, confirmés par

des déclarations sous serment et des courriers, qui attestent que le personnel des services douaniers

43
et fiscaux naviguait sur le fleuve . Ces documents rendent compte par exemple de la manière dont

la garde du service des douanes s’acquittait des foncti ons qui lui incombaient en vertu du décret du

16 mars 1886, et qui consistaient entre autres à ef fectuer une reconnaissance sur le fleuve une fois

44
par semaine . Plus récemment, cette fonction était c onfiée à la police costa-ricienne, dont les

rapports annuels montrent qu’il était habituel que les policiers patrouillent sur le SanJuan 45.

D’autres documents prouvent qu’il existait une pratique consistant à ravitailler et à relever par voie

46
fluviale le personnel des postes-frontières costa-riciens situés le long du San Juan , jusqu’à ce que

le Nicaragua interdise en 1998 toute navigation des navires officiels costa-riciens 47, en violation du

traité et de la sentence Cleveland.

34. Le Nicaragua affirme que le Costa Rica a exagéré le nombre de voyages effectués sur le

San Juan parce que les comptes rendus figurant dans le rapport produit à ce sujet ne font pas tous

48
explicitement référence à ce fleuve . Mais il est physiquement impossible de se déplacer en

bateau entre les lieux mentionnés sans passer par le fleuve: il faut l’emprunter par exemple pour

42 MCR, annexe 210.
43
MCR, annexes 211 à 216 ; RCR, annexes 31 à 38.
44
MCR, annexe 206, par. 5.
45 RCR, annexe 38.

46 MCR, annexe 227.

47 MCR, annexes 240, 131 et 132.
48
DN, par. 5.78. - 13 -

49
aller du poste-frontière de Sarapiquí à Remolinito, Tigra ou La Cureña , ou de Sarapiquí à Delta

50
Costa Rica (onglet 34 du dossier de plaidoiries).

35. Si les bateaux costa-riciens avaient pour pratique, dans ce cas, de naviguer avec des
18

armes, c’est donc que cela était nécessaire. De fait, le poste de police de La Cureña a dû être fermé

faute d’être accessible par d’autres voies, et d’autres postes situés le long du SanJuan opèrent

désormais avec une efficacité réduite 51. Mais les droits du CostaRica sont perpétuels et

inconditionnels ; ils ne sont pas subordonnés à l’existence d’une nécessité.

36. Le Nicaragua a joint à sa duplique des déclarations sous serment d’officiers de son armée

et d’autres personnes, dont un homme qui fu t membre de deux mouvements révolutionnaires

52
successifs ⎯en voilà un pour qui la révoluti on était assurément permanente! Parmi ces

déclarations figurent celles de cinq commandants de l’armée nicaraguayenne qui furent chargés de

la sécurité sur le San Juan entre 1979 et 2006 53; selon le Nicaragua, leurs propos démontrent que le

Costa Rica «demandait et obtenait régulièrement l’ autorisation des autorités nicaraguayennes avant

d’envoyer ses bateaux en mission de ravitaille ment aux postes-frontières costa-riciens.» 54 Or,

aucun élément de preuve documentaire ne vien t appuyer ces déclarations. Mon confrère,

55
Sergio Ugalde, vous a parlé de la déclarati on sous serment de M. Walter Navarro Romero , que la

Cour a bien voulu nous autoriser à présenter en gui se de réfutation. M.NavarroRomero dément

catégoriquement que lui-même ou ses prédécesse urs aient jamais demandé l’autorisation de

56
naviguer sur le San Juan .

49
RCR, annexes 36, p. 252, et 37, p. 253.
50
MCR, annexe 227, p. 934.
51RCR, par. 3.94

52DN, annexe68 (déclaration Carrión) ; DN, annexe69 (déclaration Cente no); DN, annexe73 (déclaration
Membreño); DN, annexe72 (déclarati on Largaespada); DN, annexe78 (déc laration Talavera); DN, annexes77

(déclaration Sánchez) et 70 (déclaration García) ; et DN, annexe 75 (déclaration Pastora).
53DN, annexe69 (déclaration Cente no); DN, annexe78 (déc laration Talavera); DN, annexe73 (déclaration
Membreño) ; DN, annexe 72 (déclaration Largaespada) ; DN, annexe 77 (déclaration Sánchez).

54DN, par. 5.80.

55Annexe IV à la lettre présentée le 27 novembre 2008.
56
Annexe IV à la lettre présentée le 27 novembre 2008, par. 4. - 14 -

37. D’ailleurs, une déclaration sous serment produite par le Nicaragua lui-même confirme

qu’il était habituel, dans les années 1960 et 1970, que les bateaux de la Guardia Civil costa-ricienne

naviguent sur le fleuve 57.

38. En outre, il ressort du communiqué conjoint Cuadra-Lizano que les mesures visant à

rétablir l’état antérieur n’inclua ient pas l’obligation de demander une autorisation, mais seulement

celle ⎯ bien distincte ⎯ de donner un préavis.

39. Le Costa Rica n’a jamais modifié sa position. Avant1998, ses bateaux officiels

informaient les autorités nicaraguayennes avan t de naviguer mais ne demandaient pas

d’autorisation préalable car ils exerçaient un droit existant. Cette position a été clairement

réaffirmée par le président du CostaRica dans une note adressée en juin2000 à son homologue
19

nicaraguayen, dans laquelle il propose de rétablir le système de notification qui s’appliquait aux

bateaux officiels costa-riciens avant 1998 58.

Le PRESIDENT : Excusez-moi, Monsieur Crawford, l’interprète a beaucoup de mal à vous

suivre.

M. CRAWFORD: Veuillez m’excuser, Monsieur le président, je vais parler encore plus

lentement.

40. Le Nicaragua a produit ⎯ toujours dans sa duplique ⎯ ce qu’il appelle le «compte rendu

contemporain» d’une réuni on tenue en juillet2000 entre une délégation du ministère costa-ricien

de la sécurité publique et des repr ésentants de l’armée nicaraguayenne 59. Ce compte rendu est

60
annexé à la déclaration sous serment d’un membre de l’armée nicaraguayenne, le général Carrión .

Rien n’indique qu’il ait été approuvé ou même vu par quiconque du côté costa-ricien. Il apparaît

dans ce compte rendu que l’un des représentants du mi nistère costa-ricien de la sécurité publique,

61
le colonel Alvarado, aurait déclaré qu’un syst ème d’autorisation était en vigueur avant1998 .

Cette information n’est pas corroborée, pas même par la déclaration du lieutenant-colonel Molina 62,

57DN, annexe 65, p. 404, par. 6.
58
MCR, annexe 64.
59
DN, annexe 68.
60DN, annexe 68, p. 421, par. 11.

61DN, annexe 68, compte rendu, p. 423, par. 2.

62DN, annexe 74. - 15 -

qui serait l’auteur du compte rendu. Dans ces c onditions, aucun crédit ne devrait être accordé à ce

document.

41. En résumé, Monsieur le président, le CostaRica a présenté à la Cour d’importants

éléments de preuve documentaire, confirmés pa r des déclarations sous serment, pour démontrer

qu’il a eu pour pratique constante, dans l’exerci ce de son droit de navigation, de faire naviguer sur

le fleuve San Juan ses bateaux officiels avec des armes à bord, la règle étant que ceux-ci donnent

un préavis mais n’aient pas besoin de demander une quelconque autorisation.

Les bateaux officiels du Costa Rica ont un droit de naviguer sur le San Juan qui correspond
aux obligations de ce pays d’assurer la garde (guardia) du fleuve et de contribuer à sa
défense ainsi qu’à celle des baies communes en application de l’article IV du traité

de 1858.

42. J’en viens à mon troisième point, à savoir que le Costa Rica a un droit de navigation qui

correspond aux obligations que lui impose l’article IV du traité relativement à la défense des baies

communes, à la surveillance du fleuve et à la défense de celui-ci en cas d’agression.

43. Ces obligations sont clairement énoncées dans l’article IV lui-même, qui se lit comme

suit :

20 «La baie de San Juan del Norte ainsi que la baie de Salinas seront communes
aux deux républiques, en conséquence de quoi les avantages liés à leur usage et
l’obligation d’assurer leur défense seront égal ement partagés. Pour la partie qui lui
revient des rives du fleuve, le Costa Rica au ra l’obligation de concourir à la garde de

celui-ci, de même que les deux républi ques concourront à sa défense en cas
d’agression extérieure; elles devront s’ acquitter de cette obligation avec toute
l’efficacité dont elles sont capables.»63

44. Dans son arrêt de 1916, la Cour de jus tice centraméricaine a rappelé dans les termes

suivants le droit et l’obligation du Costa Rica prévus à l’article IV :

«Le Costa Rica possède un titre incontesté sur la rive droite du fleuve, sur les
terres situées à l’intérieur de ses limites juridictionnelles; il jouit d’un droit de
propriété conjointe sur les ports de San Juan del Norte et de Salinas Bay ; il détient le

droit contractuel perpétuel de naviguer sur le fleuve, depuis un point situé à trois
milles en aval de Castillo Viejo, assorti du privilège intégral de transit et de
commerce; quant au Nicaragua, il assume l’ obligation de ne pas interférer avec la
navigation mais, au contraire, de garder la voie fluviale ouverte; le Costa Rica jouit

également du droit de faire mouiller ses bat eaux sur les deux rives tout au long de la
portion où la navigation est commune, ainsi que des droits associés à la garde et à la
défense du fleuve «avec toute l’efficacité dont il est capable».» 64

63
MCR, annexe 7 b).
64
MCR, annexe 21, p. 222. - 16 -

45. Les deux premières obligations énoncées à l’article IV sont permanentes et continues:

elles consistent à contribuer à la défense des baies communes et à la garde du fleuve.

46. Assurer la garde du fleuve ne saurait se faire sans navigation. Telle qu’elle était

comprise au XX siècle, cette obligation supposait de pre ndre des mesures en vue d’empêcher tout

trafic et toute contrebande et de déjouer les menaces à la sécurité telles que le passage d’insurgés

ou d’armes d’un pays à l’autre. Assurer la garde du fleuve était particulièrement important dans le

contexte des tensions qui ont régné entre les deux Etats en 1948 et en 1955, et qui ont conduit à la

65 66
conclusion du pacte d’amitié de 1949 et de l’accord supplémentaire de 1956 y relatif .

47. Le Nicaragua soutient que l’article IV devrait être interprété comme exigeant du

CostaRica qu’il s’acquitte de s es obligations d’assurer la gard e du fleuve et de le défendre

«uniquement à partir de ses rives» 67. Cela ne correspond pas au lib ellé de l’article IV, selon lequel

le CostaRica doit «concourir à la garde [du fl euve]…avec toute l’efficacité dont [il] [est]

capabl[e]» 68. M. Rives a laissé entendre que cette expression impliquait que le Costa Rica pouvait

69
s’acquitter de cette obligation «en défe ndant le [fleuve] par voie terrestre» . Or, là aussi, le

21 président Cleveland a adopté une interprétation plus large et n’a inclus aucune limitation de ce type

dans sa sentence. L’expression «avec toute l’efficacité dont [il] [est] capabl[e]» pourrait également

signifier «dans la mesure du possible», c’est-à-d ire en fonction des ressources disponibles, sans

aucune référence d’ordre physique. Et même s’ il fallait comprendre que l’articleIV prévoit une

limitation physique, une grande partie de la rive costa-ricienne étant uniquement accessible par le

fleuve, l’obligation du Costa Rica de surveiller celui-ci ⎯que ce soit de la rive ou sur l’eau ⎯

engendre nécessairement le droit de l’emprunter.

Conclusions

48. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le Costa Rica jouit pour ses bateaux

officiels de droits de navigation, que j’ai clas sés en trois catégories. Premièrement, ses bateaux

65MCR, annexe 23

66MCR, annexe 24.
67
DN, par. 5.10.
68MCR, annexe 7 b).

69CMN, annexe 71, p. 251. - 17 -

officiels jouissent du droit de navigation reconnu à l’ article IV. Deuxièmement, ils ont le droit de

naviguer avec des armes à bord, et ce droit, reconn u dans la sentence Cleveland, s’applique à la

navigation afférente et liée à l’exercice du droit d’usage de ce fleuve «aux fins du commerce», ou à

la navigation qui pourrait être nécessaire à la protec tion de l’exercice de ce droit de navigation. Ce

droit est conforme à la pratique des deux Etats. Troisièmement, les bateaux officiels du Costa Rica

ont un droit de navigation sur le San Juan qui est concomitant et corrélatif de l’obligation d’assurer

la garde et la défense du fleuve, obligation imposée par l’articleIV et confirmée par l’accord

de 1956, par lequel les deux Etats se sont engagés à assurer la surveillance commune de la frontière

à des fins déterminées.

Monsieur le président, je vous demanderai de bien vouloir donner maintenant la parole à

M.Caflisch, qui démontrera le caractère déra isonnable de la réglemen tation que le Nicaragua

prétend imposer à la navigation des bateaux costa-riciens sur le fleuve.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Crawford, de votre exposé. Je donne à

présent la parole à M. Caflisch.

M. CAFLISCH :

L A RÉGLEMENTATION NICARAGUAYENNE APPLICABLE À LA NAVIGATION SUR LE SAN JUAN
EST DÉRAISONNABLE ET ILLICITE

1. Droit du Nicaragua de réglementer le fleuve et ses utilisations : le problème

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’entends montrer aujourd’hui pourquoi la

réglementation et les mesures adoptées par le Nicar agua en ce qui concerne la navigation des

bateaux costa-riciens sur le San Juan sont déraisonna bles et illicites. Je traiterai en premier lieu de
22

la question générale du droit du Nicaragua de réglementer le fleuve et ses utilisations. J’examinerai

ensuite le statut actuel de la réglementation appliquée et des mesures prises par le Nicaragua.

Enfin, je tirerai quelques conclusions générales.

2. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, comme on l’a déjà expliqué, en vertu du

traité de 1858, de la sentence Cleveland de 1888 et de l’arrêt de 1916, le fleuve SanJuan est

assujetti à un régime relativement complexe. Un él ément de ce régime est la souveraineté exercée

par le Nicaragua sur les eaux et le lit du fleuve.Un autre élément est le droit perpétuel de libre - 18 -

navigation dont jouit le Costa Rica. On a montré qu’il n’y avait pas de lien de subordination entre

les deux ; en particulier, la souveraineté du Nicara gua ne peut être invoquée pour vider le droit de

navigation du Costa Rica d’une partie ou de l’intégralité de sa substance.

3. En ce qui concerne la navigation sur les cours d’eaux internationa ux, plusieurs régimes

sont en vigueur en Amérique latine. Le premie r est celui de la «concession spéciale» («concesión

especial»): l’Etat exerçant sa souve raineté sur une partie d’un cours d’eau international peut, en

application de son droit interne, autoriser les bateaux d’autres Etats riverains ou même d’Etats

non riverains à naviguer sur le cours d’eau ; cette autorisation, ayant été accordée en vertu du droit

interne, peut être retirée ou modifiée unilatéralement dans les conditions prévues par ce droit.

Dans un tel cas, la navigation des bateaux des au tres Etats concernés représente un privilège et non

un droit au niveau international et, en ce sens, est subordonnée à la souveraineté de l’Etat riverain.

4. Dans le cadre du deuxième régime, l’Et at exerce sa pleine souveraineté sur les eaux du

fleuve en vertu d’un traité mais octroie ultérieurement, là encore au moyen d’un traité, un droit de

navigation à un autre Etat. C’est pour l’essentiel la manière dont le Nicaragua conçoit la situation

actuelle, ce qui l’amène à affirmer que sa souvera ineté prévaut sur le droit de navigation du

Costa Rica lorsqu’il s’agit de réglementer l’utilisation du fleuve San Juan.

5. Enfin, dans le cadre du troisième régi me, l’Etat exerce sa souve raineté sur les eaux d’un

fleuve sur la base de dispositions conventionnelles , tandis qu’un autre Etat, fort d’un droit

découlant du même traité, est habilité à naviguer sur le fleuve. Dans un tel cas, il existe au profit

d’un autre Etat un droit conventionnel de navigation qui se trouve sur un pied d’égalité avec la

23 souveraineté exercée par le premier Etat. Ce droit ne peut être modifié ni supprimé à moins que le

traité lui-même en dispose autrement ou que les Etats concernés en conviennent, ce qui n’est pas le

cas dans la présente espèce.

6. Il est évident que la situation du San Juan relève du troisième régime et non du deuxième :

la souveraineté nicaraguayenne sur le fleuve et le droit perpétuel de libre navigation du Costa Rica

découlent d’une seule source conventionnelle, à savoir le traité de 1858. De ce fait, l’une et l’autre

sont sur un pied d’égalité, et l’on ne saurait présumer que l’une prime l’autre.

7. Il n’incombe pas à la Cour de se livrer à des exercices théoriques, comme élaborer une

définition générale des attributions du Nicaragua en tant que souverain territorial du fleuve - 19 -

San Juan. La tâche qui lui incombe est très précise : elle doit déterminer ce que le Nicaragua peut

et ne peut pas faire de sorte que le droit de navi gation du Costa Rica demeure réel et effectif et ne

soit pas vidé de sa substance. Une approche pragmatique de ce type peut être conçue comme suit :

⎯ Premièrement, le Nicaragua jouit de la souveraineté territoriale sur les eaux et le lit du fleuve

SanJuan. L’exercice de cette souveraineté est toutefois subordonné aux droits que tient le

CostaRica du traité de 1858, tel qu’interprété par la sentence Cleveland de 1888 et l’arrêt de

1916 de la Cour de justice centraméricaine.

⎯ Deuxièmement, le droit des navires costa-ricien s de naviguer sur une partie du SanJuan est

perpétuel et inconditionnel. Aucun accord ni au cune autorisation du Nicaragua n’est requis, et

aucune mesure réduisant substantiellement ce droit, ou le transformant en un simple privilège,

ne peut être tolérée.

⎯ Troisièmement, le droit perpétuel de libre navigation du Costa Rica est absolu en ce qu’il existe

pour le Costa Rica indépendamment des droits d’autr ui. Il existerait même si le Nicaragua, le

souverain territorial, devait refuser ce droit à ses propres navires.

⎯ Quatrièmement, le droit du Costa Rica de naviguer sur le San Juan, que le Nicaragua essaie de

minimiser, a été, est et sera d’une importance vitale à des fins tant internationales qu’internes.

Avec les principaux cours d’eaux internes du CostaRica ⎯les rivières SanCarlos, Sarapiquí

et Colorado ⎯, le SanJuan constitue un réseau de circulation entre les points situés à

l’intérieur du CostaRica, entre le CostaRica et le Nicaragua, et entre le CostaRica et la mer

(San Juan-Colorado). C’est pourquoi ce qui est en jeu est bien davantage que la circulation sur

24 le principal fleuve permettant d’accéder à la mer: c’est le « comercio» sur un système de cours

d’eau intérieurs dans un pays dont certaines pa rties peuvent être difficiles d’accès, notamment

durant la saison des pluies. C’est une des raisons pour lesquelles le droit qui lui a été garanti

en 1858 est d’une importance aussi capitale pour le Costa Rica.

⎯ Cinquièmement, fondamentalement, c’est au CostaRica qu’il incombe de réglementer et

contrôler la navigation de ses bateaux sur le SanJuan, comme c’est au Nicaragua qu’il

incombe de le faire pour ses propres bateaux. C’est l’une des raisons pour lesquelles la

présence de bateaux officiels costa-riciens sur le fleuve est appropriée et nécessaire, comme l’a

de fait reconnu le président Cleveland lorsque , dans sa sentence, il a utilisé les mots «dans - 20 -

l’exercice du droit d’usage de ce fleuve «aux fins du commerce» que lui reconnaît ledit

70
article [VI], ou dans les cas nécessaires à la protection de ce droit d’usage» .

⎯ Sixièmement enfin, le régime conventionnel de 1858 contient une série d’autres dispositions

montrant que, de plus d’une manière, la gestion du San Juan transcende les limites territoriales.

Elle doit s’effectuer sur la base d’une coopérati on entre riverains; rien ne sert de parler

constamment de la «république sŒur» dès lors qu’il y a frictions et non-coopération.

8. Monsieur le président, Messieurs de la C our, le moment est venu d’être plus spécifique,

c’est-à-dire d’aborder la question de savoir si la réglementation effectivement adoptée et les

mesures effectivement prises par le Nicaragua peuvent être considérées comme raisonnables et

licites face au droit de navigation reconnu au Costa Rica par le traité Cañas-Jerez de 1858.

2. Le droit du Nicaragua de réglementer le fleuve et ses utilisations : statut actuel

a) Introduction

9. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, permettez-moi d’aborder la question du

statut actuel de la réglementation appliquée et des mesures prises par l’Etat défendeur en ce qui

concerne la navigation sur le fleuve San Juan. Dans sa duplique, le Nicaragua discute longuement

du «caractère raisonnable» des mesures et de la réglementation qu’il a adoptées en ce qui concerne

la navigation du point de vue de la protection de l’environnement et l’abattage illégal des arbres, de

la prévention et de la répression de la criminalité, de la sûreté de la navigation et de la protection et

71
de la sécurité des frontières .

10. Avant d’examiner ces règlements un pa r un, on notera avec intérêt la place centrale
25

soudainement attribuée aux questions envir onnementales dans les arguments du Nicaragua,

d’autant plus que ces questions n’étaient assurément pas, en1858, ni même en1888 et1916, des

facteurs essentiels du régime juridique du fleuve et que le Nicaragua, s’agissant de la question

générale de l’interprétation du traité de 1858, s’oppose à ce que cette interprétation soit évolutive 72.

11. On se réjouit que le Nicaragua se montre satisfait de sa performance écologique dans la

région du fleuve San Juan, comme l’on se réjouit d’apprendre que la grenouille dendrobate se porte

70MCR, vol. 2, annexe 16, p. 98.
71
DN, vol. I, par. 4.34-4.98.
72Ibid., par. 2.56-2.57. - 21 -

à merveille sur la rive droite de ce fleuve. On se réjouit toutefois moins des nombreuses critiques

adressées par le Nicaragua à son voisin : le Costa Rica aurait détruit l’environnement sur sa rive du

fleuve SanJuan en menant des attaques violentes contre la nature et les ressources naturelles et

aurait autorisé des établissements humains sur des parties de sa rive.

12. A ma connaissance, aucune règle du droit international ⎯conventionnelle ou autre ⎯

n’interdit le peuplement des rives d’un fleuve; et l’on trouve des établissements humains du côté

nicaraguayen également. Le (faible) peuplement d’une partie de la rive costa-ricienne du fleuve ne

constitue assurément pas un crime écologique, ni un manquement à une oblig ation internationale,

mais il est ⎯ peut-être ⎯ le signe d’un progrès économique. De plus, comme une photographie

73
reproduite dans la duplique nicaraguayenne ne le montre pas, la rive costa-ricienne n’est pas

partout déboisée, pas plus que la rive nicaraguayenne n’est boisée sur toute sa longueur.

13. De surcroît, il n’est tout simplement pas vr ai que le Costa Rica n’ a guère fait, voire n’a

rien fait du tout, pour protéger l’environnement de la région du fleuve San Juan. Il a au contraire

créé trois zones protégées, sur la rive droite du San Juan et autour de celle-ci. Ces zones, que vous

pouvez voir à l’écran, sont le corridor du fleuve (1), Caño Negro (2), Laguna Maquenque(3) et

Barra del Colorado (4). Sur sa rive du fleuve, le Costa Rica applique des politiques de protection

de l’environnement et de préservation de la diversité biologique.

14. Enfin, on ne peut certainement pas dire que le Nicaragua est lui-même écologiquement

pur et sans reproche, au vu de la pollution du l ac de Nicaragua ou de la contamination des égouts

26 de la ville de San Carlos 7. Il semble en réalité que, pour justif ier la campagne qu’il mène afin de

limiter et d’entraver l’exercice par le CostaRi ca du droit perpétuel de libre navigation que lui

confère l’article VI du traité de 1858, l’Etat défendeur fasse essentiellement fond sur des arguments

écologiques, faute de mieux.

15. Une autre observation préliminaire qui s’ impose est que dans certaines zones l’atteinte

aux droits de navigation du CostaRica découle d’une extension du champ d’application de

règlements généraux, comme ceux relatifs aux cartes de touriste et aux visas, et à la circulation des

73
DN, vol. I, p. 193.
74Voir «Contaminación al lago fue anunciada», El Nuevo Diario (Managua), 31 décembre2005,
http://impreso.elnuevodiario.com.ni/2005/12/31/nacionales/92/6. - 22 -

bateaux costa-riciens sur le San Juan. S’agissan t d’autres mesures, comme l’imposition d’horaires

de navigation et l’interdiction de naviguer de nuit sur le San Juan, il semble y avoir des règlements

ou instructions spécifiques émanant de l’armée nicaraguayenne qui obligent à arborer le pavillon

nicaraguayen lorsque l’on navigue sur le San Ju an et y interdisent la navigation de nuit . Enfin, il

y a des mesures qui ne semblent avoir aucun fondement juridique (hormis l’extension au fleuve des

règles générales sur les visas et cartes de touriste), comme l’obligation de faire halte à chaque poste

frontière nicaraguayen. Ceci montre que, lorsqu’ il a pris des mesures restreignant la navigation

costa-ricienne, le Nicaragua n’a guère accordé d’attention à ses propres lois, le principal objectif de

ces mesures étant d’entraver la navigation costa-ricienne sur le San Juan.

16. Je vais maintenant m’intéresser à certa ines des réglementations appliquées et mesures

prises par le Nicaragua pour déterminer si ell es sont compatibles avec le droit de navigation du

CostaRica, à savoir: b)l’obligation de faire halte et de s’enregistrer, y compris les contrôles de

l’immigration et en matière de visas; c)l’obligation d’obtenir un certificat d’appareillage;

d) l’interdiction de naviguer la nuit ; et e) l’obligation d’arborer le pavillon nicaraguayen.

b) L’obligation de faire halte et de s’enregistrer
76
17. Selon une déclaration sous serment produite par le Nicaragua , l’obligation de faire halte

et de s’enregistrer a été instituée dans les ann ées1960, le CostaRica ayant instauré des règles

77
similaires sur ses cours d’eau liés au SanJuan . Elle oblige les bateaux costa-riciens, lorsqu’ils

27 s’engagent sur le San Juan, à faire halte et à s’en registrer au premier poste frontière nicaraguayen.

Cette obligation est, selon l’Etat dé fendeur, «minime» et «non intrusive» 78, et elle permet de

recueillir les noms des passagers et d’identifier la cargaison au début et à la fin de chaque voyage.

En outre, les bateaux sont obligés de faire halte à chaque poste frontière nicaraguayen, à moins que

le poste concerné se contente d’une simple notifi cation de passage. S’agissant de la protection de

son environnement, ceci doit permettre au Nicaragua de s’assurer, en dernière analyse, que tous

75 Points 6 et 7 du «Plan d’action relatif à la délivrance de certificats d’appareillage sur le fleuve SanJuan» de
l’armée du Nicaragua», DN, vol. II, annexe 48.
76
DN, vol. II, annexe 65.
77
Ibid., vol. I, par. 4.71.
78 Ibid., par. 4.61. - 23 -

ceux qui se trouvaient sur le fleuve l’ont quitté. L’obligation de faire halte et de s’enregistrer

s’applique de manière générale à tous les mariniers, costa-riciens comme nicaraguayens, même aux

enfants costa-riciens transportés jusqu’à l’école ou en revenant, à chaque fois qu’ils passent, la

raison donnée étant qu’ils risquent de tomber par dessus bord 79. Un autre objectif de l’obligation

80
de faire halte et de s’enregistrer est, selon le Nicaragua , d’empêcher l’occupation illégale de terres

par des personnes venant de la rive costa-ricien ne. Le Nicaragua prétend en outre, sur le

81
fondement d’une déclaration sous serment , que l’enregistrement du départ à la fin d’un voyage

permet de s’assurer que nul n’est entré illicitement dans la réserve Indio Maíz.

18. Selon le Nicaragua, l’obligation de faire ha lte et de s’enregistrer permet de contrôler

l’immigration, de délivrer des cartes de touriste et de s’assurer que les prescriptions en matière de

visas sont satisfaites 8. Les résidents et mariniers «locaux» seraient dispensés de ces obligations, à

l’exception de celle de s’enregistrer. Cette dispen se semble toutefois ne pas être systématique et

dépendre du bon vouloir du foncti onnaire concerné. Enfin, l’Etat défendeur fait grand cas du fait

que si les Costa-riciens doivent obtenir un visa co nsulaire nicaraguayen, c’est sur la base de la

83
réciprocité : le Costa Rica exige un visa des nicaraguayens entrants en territoire costa-ricien .

19. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, il y a plusieurs choses qui clochent dans ces

arguments. On ne voit vraiment pas ce que ce type d’obligation apporte du point de vue de la

28 protection de l’environnement, ni quel objectif el le réalise qui ne pourrait l’être par d’autres

mesures, moins radicales. Ainsi, l’intention de pénétrer illégalement dans la réserve Indio Maíz ou

d’occuper illégalement celle-ci n’est assurément pas inscrite sur le visage de ceux qui font halte et

s’enregistrent et elle ne peut être contrecarrée qu’ in situ. Les délinquants ne se présentent pas aux

postes de l’armée nicaraguayenne avant de comme ttre des infractions au Nicaragua. Contrôler

chaque enfant qui se rend à l’école ou en revient ch aque jour frise l’obsession, et il est difficile de

voir comment ceci peut empêcher les accidents. Obliger à faire halte pour contrôler l’immigration

et les visas repose sur l’idée fausse que les personnes qui naviguent sur le SanJuan à bord de

79Ibid., par. 4.80.

80Ibid., par. 4.60.
81
Déclaration Largaespada, par. 9, DN, vol. II, annexe 72.
82DN, vol. I, par. 4.87 et 4.90.

83Ibid., par. 4.91. - 24 -

bateaux costa-riciens entrent en territoire nicaragua yen de la même manière que le fait un touriste

qui atterrit à l’aéroport de Managua. Ceci n’est tout simplement pas vrai: les personnes en

question bénéficient du droit de navigation que le Costa Rica tient de l’article VI du traité de 1858 ;

et la plupart d’entre-elles effectuent simplement un transit sans entrer au Nicaragua dans l’intention

d’y demeurer. La situation est peut être diffé rente lorsqu’elles accostent ensuite sur la rive

nicaraguayenne et poursuivent à pied. Le Nicaragua se méprend également lorsqu’il considère que

parce que le Costa Rica lui-même exige des visas et perçoit un droit sur les touristes qui entrent sur

son territoire, il peut faire de même s’agissant des personnes naviguant sur le SanJuan à bord de

bateaux battant pavillon costa-ricien. L’Etat défe ndeur semble oublier qu’il ne jouit d’aucun droit

conventionnel perpétuel de navigation sur les cour s d’eau intérieurs du CostaRica, alors que le

CostaRica jouit d’un tel droit sur le fleuve Sa nJuan. Enfin, les mesures en question sont

extrêmement lourdes et ont pour effet concret de rendre presque impossible l’exercice par le

Costa Rica du droit de navigation que lui garantit un traité.

20. Force est de conclure que l’obligation de fa ire halte et de s’enregistrer n’a guère d’effet

préventif. Son principal intérêt est de rendre la na vigation plus difficile. El le ne peut donc être

considérée comme «raisonnable» ni comme licite. Par contre, patrouiller plus souvent sur le fleuve

serait raisonnable, licite et efficace.

c) Exigence d’un certificat d’appareillage

21. J’en viens, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, à l’exigence d’un certificat

d’appareillage. Selon l’Etat défe ndeur, quiconque prévoit de naviguer sur le San Juan doit obtenir

un certificat d’appareillage. La délivrance de ce document serait subordonnée à une inspection

menée, avant chaque voyage, par un poste frontière nicaraguayen, cette inspection semblant avoir

pour but de révéler l’identité des passagers et la nature de la cargaison transportés. Elle a
29

également pour but, selon le Nicaragua: d’assurer le respect de la réglementation douanière et

d’empêcher le transport de marchandises illégal es comme les drogues et autres articles désignés

tels au cas par cas par les autorités nicaraguayennes, ainsi que d’empêcher le trafic illicite d’êtres

humains, la navigation des bateaux qui ne sont pas en état de naviguer, le «rejet illicite» de

polluants, le prélèvement illicite d’animaux et de plantes, les infractions et menaces contre la - 25 -

sécurité de la frontière et les entrées illégales dans la réserve Indio Maíz; et, pour les bateaux de

tourisme, de vérifier qu’ils ne transportent pas d’armes, d’explosifs ou de substances

inflammables . 84

22. Selon le Nicaragua, cette obligation a été acceptée par le Costa Rica lui-même lors d’une

réunion bilatérale tenue en 1997 8, lors de laquelle il aurait ét é convenu que tous les bateaux

naviguant sur le SanJuan devraient obtenir un cer tificat d’appareillage et signaler leur présence à

tous les postes de l’armée nicaraguayenne rencontrés sur leur trajet 86. Mais le procès-verbal final

de la réunion de 1997 ne vise que le trafic de drogue. La délégation du Costa Rica à cette réunion

avait souligné, sur cette question particulière, la nécessité d’une présence accrue des autorités, et le

Nicaragua a consenti à faire un effort pour établir des postes en des endroits déterminés pour

intensifier la lutte contre cette infraction particulière. «En ce qui concerne la navigation», poursuit

le procès-verbal, «il a été jugé nécessaire que ces bateaux soient dûment enregistrés par les postes

qui délivrent les certificats de navigation visés, selon le cas, les postes de San Juan del Norte, San

Carlos et Sarapiquí». Ce passage ne mentionne p as la pratique des certificats d’appareillage tels

que mise en Œuvre aujourd’hui par le Nicaragua, mais exclusivement une pratique de lutte contre le

trafic de drogue; et il signifie seulement que les navires doivent obtenir des certificats

d’appareillage de leurs pays respectifs.

23. En réalité, l’objectif des certificats d’appa reillage n’est pas de promouvoir la sûreté mais

de percevoir une taxe. De plus, considérant le droit de navigation que le traité de 1858 garantit au

CostaRica, on peut se demander si le Nicaragua ne pourrait pas et ne devrait pas simplement

accepter et reconnaître les certificats d’appareilla ge délivrés par le CostaRica aux bateaux

costa-riciens. Qui plus est, un droit de 10 dollars EU est actuellement perçu pour chaque certificat

et chaque voyage. Ceci est inacceptable pour de ux raisons: premièrement, un tel droit n’est pas

autorisé par le traité de 1858, la sentence Clev eland ni aucun autre texte; deuxièmement, sa

30
perception revient à percevoir un impôt pour l’ex ercice d’un droit de navigation garanti par un

traité. Le droit de navigation du Costa Rica a un caractère absolu, et le fait que les Nicaraguayens

84Déclaration Sanchez, par. 9, DN, vol. II, annexe 77.
85
DN, vol. I, par. 4.75.
86DN, vol. II, annexe 4. - 26 -

doivent aussi obtenir un certificat d’appareillage 87est dénué de pertinence. Le Nicaragua fait en

outre valoir que le Costa Rica exig e lui aussi des certificats d’appa reillage pour l’utilisation de ses

cours d’eau intérieurs (des certificats qui sont, in cidemment, délivrés gratuitement). Ceci est à la

fois inexact et dénué de pertinence: sur ces c ours d’eau, la navigation est possible non en vertu

d’un droit de navigation garanti au plan interna tional, comme dans le cas du Costa Rica en ce qui

concerne le fleuve San Juan, mais par la volonté discrétionnaire des autorités costa-riciennes ; et la

situation est bien entendu exactement la même pour les bateaux costa-riciens désireux d’utiliser les

cours d’eau intérieurs du Nicaragua. Le fleuve SanJuan n’est cependant pas un cours d’eau

intérieur du Nicaragua mais un fleuve international sur lequel les bateaux costa-riciens jouissent du

droit de libre navigation.

24. Etant donné ces arguments, exiger des cer tificats d’appareillage dans leur forme actuelle

est «déraisonnable» et illicite, car cela revien t à transformer un droit de libre navigation

conventionnellement garanti en un droit dont l’ exercice est totalement entre les mains du

Nicaragua.

d) Interdiction de naviguer de nuit

25. Maintenant, si vous le permettez, je vais dire quelques mots sur l’interdiction de naviguer

de nuit. Le Nicaragua interdit unilatéralement la navigation de nuit sur le SanJuan et explique

assez longuement cette mesure 88. Le braconnage est cité comme le plus grand danger associé à la

89
navigation de nuit . De plus, selon le colonel Sanchez, la navigation de nuit est interdite «parce

qu’il est extrêmement dangereux et peu judicie ux de naviguer après la tombée du jour». Le

brigadier général Membreño ajoute que le fleuve « est dangereux pour la navigation, puisqu’il n’y a

pas d’éclairage, et que les rondins et bancs de sab les, invisibles dans l’obscurité, y sont nombreux,

tout comme les crocodiles».

26. Le couvert de l’obscurité favorise égalem ent les activités néfastes comme la chasse, le

braconnage, la pêche et les dégrad ations de l’environnement, ainsi que les occupations illégales de

terres. C’est pourquoi le Nicaragua a unilatéraleme nt décrété une interdiction de la navigation de

87Déclaration García, par. 4, ibid., annexe 70 ; DN, vol. I, par. 4.73.
88
DN, vol. I, par. 4.65-4.66.
89Déclaration Sánchez, par. 6, DN, vol. II, annexe 77 ; déclaration Membreño, par. 9, ibid., annexe 73. - 27 -

31 nuit, dont une justification additionnelle semble être qu’elle s’applique aux Nicaraguayens comme

aux Costa-riciens. Ces arguments soulèvent une longue série d’objections :

i) le traité de 1858 et les textes de 1888 et 1916 y relatifs ne mentionnent pas la possibilité

d’une telle limitation. Il est vrai que le Co sta Rica lui-même, dans l’exposé qu’il a soumis

au président Cleveland en1887, a reconnu que la navigation sur le fleuve SanJuan «se

heurt[ait] à de nombreux obstacles, non seuleme nt en raison de la faible profondeur à

90
certains endroits, mais aussi à cause de rapides et d’autres dangers.» Cette déclaration

vise toutefois la navigation en général et non la navigation de nuit. En outre, la sentence

Cleveland est muette sur ce point.

ii) En fait, l’absence de profondeur et les rapides caractérisent le cours supérieur du San Juan.

Plus en aval, en particulier après qu’il a reçu les eaux de la rivière San Carlos, le San Juan

se transforme en une large voie d’eau su r laquelle la navigation est possible

24 heures sur 24.

iii) Comme le concède le Nicaragua lui-même, le s effets préventifs de la mesure ne sont pas

particulièrement encourageants, et la plupa rt des événements que l’interdiction vise à

empêcher pourraient aussi l’être durant la j ournée. S’agissant des intrusions dans les

réserves, par exemple, la manière la plus effi cace de traiter de problème serait d’arrêter et

d’expulser les individus concernés en plein jour.

iv) Un autre argument avancé par l’Etat défende ur est que l’interdiction de la navigation de

nuit qu’il a décrétée s’applique de manière générale, y compris à ses propres nationaux. A

cet égard également, on rappellera que le droit perpétuel de libre navigation prévu en 1858

en faveur du CostaRica a un caractère absolu, ce qui signifie que ce droit du CostaRica

existe indépendamment du point de savoir si les Nicaraguayens jouissent du même droit.

Plus important, l’argument est fallacieux. Un indicateur horaire intitulé «Service lacustre

régional» 91 révèle que l’entreprise portuaire nati onale du Nicaragua assure un service de

Granada à San Carlos qui quitte Granada à 14he ures les lundis et jeudis, le trajet durant

16heures, et un service en sens contraire les mardis et vendredis à 14heures. Il semble

90
DN, vol. II, annexe 5, p. 33.
91
Sur le site Internet de l’Empresa Portuaria Nacional de Nicaragua, www.epn.com.ni. - 28 -

évident qu’une partie au moins du trajet s’effectue de nuit, c’est-à-dire après 17 heures, sur

le fleuve San Juan. Ainsi, certains mariniers semblent plus égaux que d’autres. Et, s’il y a
32

des dangers pour certains, ces dangers ne semblent pas exister pour d’autres.

v) Enfin, il faudrait examiner si les mesures unilatérales prises par le Nicaragua, face au droit

perpétuel de libre de navigation du Cost aRica, sont raisonnablement proportionnelles à

l’objectif qu’elles visent. Ceci soulève une nouvelle question, celle de savoir si cet

objectif ne pourrait pas être réalisé par d’au tres moyens. A cette question il convient de

répondre par l’affirmative: l’objectif pourrait êt re réalisé en prescrivant que les bateaux

naviguant la nuit soit éclairés et que les endr oits dangereux soient également indiqués par

des feux —une prescription normale sur les fleuves. Il semblerait qu’un minimum de

coopération entre les deux Parties permette d’ instaurer facilement un régime viable de

navigation de nuit.

e) Obligation d’arborer le pavillon nicaraguayen

27. Je passe maintenant au dernier type de mesure, l’obligation d’arborer le pavillon

nicaraguayen. Selon l’Etat défendeur, «[l]’oblig ation de battre son pavillo n lorsque l’on navigue

sur ses eaux, y compris le San Juan, est un attribut de la souveraineté du Nicaragua qui relève de la

pratique internationale coutumière 92».

28. Le Nicaragua fait valoir que cette obliga tion est limitée aux bateaux étrangers de fort

93
tonnage dotés de mâts ou de tourelles à la poupe , et qu’en outre les bateaux peuvent aussi arborer

le pavillon costa-ricien à côté de celui du Nicar agua. Arborer le pavillon nicaraguayen serait un

94
«signe de respect pour la souveraineté de l’Etat hôte . Le Nicaragua «juge troublant que le

CostaRica s’oppose à cette exigence raisonnable et peu encombrante 9». Je juge quant à moi

troublant que le Nicaragua tende à parler de «courtoisie» lorsque des droits comme les droits de

navigation du CostaRica sont en jeu et que, à l’inverse, il évoque «la coutume» alors que la

92DN, vol. I, 4.93
93
Ibid., 4.94. Voir aussi DN, vol. II, annexe 48.
94
DN, vol. I, 4.93.
95Ibid. - 29 -

pratique internationale montre qu’il s’agit d’une simple courtoisie, comme lorsqu’il s’agit d’arborer

le pavillon de l’Etat dans les eaux duquel un navire étranger circule.

E2n9. droit international général, et dans les situations où il existe des droits de navigation

conventionnellement garantis, une règle est incontestable, à savoir celle qui veut que dans les eaux

étrangères les bateaux arborent leur pavillon national. L’Etat territorial —en l’espèce le
33
Nicaragua— a assurément un intérêt à pouvoir identif ier les navires étrangers naviguant dans les

eaux sur lesquelles il exerce sa souveraineté. Ceci semblerait être la règle juridique, au demeurant

une règle raisonnable et utile.

30. Il peut également existe r une pratique, inspirée par la courtoisie internationale, qui veut

que l’on arbore le pavillon du pays dans les ea ux duquel on navigue. Il s’agit d’un cérémonial et

non de l’exécution d’une obligation internationale.

96
31. De surcroît, aucun texte législatif autre que le «plan d’action» de son armée n’a été

présenté par l’Etat défendeur pour justifier l’oblig ation faite aux bateaux étrangers d’arborer le

pavillon nicaraguayen lorsqu’ils naviguent dans les eaux marines du Nicaragua ni, à fortiori,

l’obligation de le faire lorsqu’ils naviguent dans des cours d’eau comme le fleuve San Juan.

f) Conclusion

32. Monsieur le président, M essieurs de la Cour, ma conclusion sur les mesures spécifiques

prises par l’Etat défendeur pour réglementer la navigation sur le SanJuan est qu’elles sont

incommodes, déraisonnables et illicit es, puisqu’elles ont pour effet de transformer le régime de

navigation établi en 1858 en une course d’obstacles.

3. Conclusions générales

33. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, les conclusions générales que l’on peut tirer

de mon intervention semblent être les suivantes :

⎯ Premièrement, selon le Nicaragua, les restrictions qu’il impose aux activités de navigation sur

le fleuve SanJuan sont «raisonnables». Pour le Costa Rica, elles sont et déraisonnables et

illicites.

96
DN, vol II, annexe 48. - 30 -

⎯ Deuxièmement, il a été souligné à maintes reprises qu’il n’y a pas de hiérarchie entre la

souveraineté du Nicaragua sur le fleuve et le dr oit perpétuel de libre navigation du Costa Rica.

Ce droit est censé être réel et effectif, et le Nicar agua ne peut le faire disparaître à force de le

réglementer. Il a de plus un caractère absolu et perdura même s’il cesse d’exister pour les

Nicaraguayens eux-mêmes. En d’autres termes, le Nicaragua ne peut le faire disparaître en

déniant tous droits de navigation à ses propres nationaux.

34 ⎯ Troisièmement, les mesures prises et les règlements adoptés par le Nicaragua au nom de sa

souveraineté seraient peut-être acceptables s’il s’agissait d’un cours d’eau exclusivement

intérieur. C’est ainsi ils ne seraient pas contra ires au droit international si, par exemple, ils

étaient adoptés par le Nicaragua s’agissant de ses cours d’eau intérieurs à l’intention des

Costa-riciens ou d’usagers d’Etats tiers, parce que les intéressés ne bénéficient pas d’un droit

de navigation internationalement garanti sur ces eaux.

⎯ Quatrièmement, les mesures et règlements en question sont déraisonnables et illicites en ce

qu’ils transforment le droit perpétuel de libre navigation conventionnellement garanti au

Costa Rica en un simple privilège que le Nica ragua peut, à tout moment, limiter ou supprimer

unilatéralement.

⎯ Enfin, et cinquièmement, pour le Costa Rica, la situation créée par les restrictions progressives

apportées à son droit est non seulement illicite et déraisonnable, mais est aussi extrêmement

gênante et incommode parce que, au lieu de facilit er les relations entre deux Etats voisins, elle

les rend plus difficiles. Ceci est regrettable.

Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre attention et votre

patience, et je vous serais obligé de donner la parole au professeur Kohen.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Ca flish, de votre exposé. Je donne à présent

la parole à M. Kohen. - 31 -

KOrH. EN:

T HE VIOLATIONS BY N ICARAGUA OF THE PERPETUAL RIGHT OF FREE NAVIGATION
FOR THE PURPOSES OF COMMERCE

1. Mr.President, Members of the Court, the subject of my first speech this morning is the

violation by Nicaragua of Costa Rica’s perpet ual right of free navigation for the purposes of

commerce.

2. My task is made simpler by the fact that Nicaragua does not deny the acts which constitute

violations of the right in question. The R espondent merely puts forward, as the principal

justification for its conduct, the interpretation of Article VI which we refuted yesterday.

35
3. In point of fact, Nicaragua does not even respect Costa Rica’s navigation “with articles of

trade in goods”, to use its own terminology, by placing various kinds of obstacles in its way, going

97
as far as seizing vessels or the goods on board .

4. A second and belated justification put forward in the Rejoinder, namely its right to impose

such rules as it considers reasonable, has just been refuted by Lucius Caflisch. Third and last come

the alleged justifications based on considerations of security and protection of the environment.

5. I shall first deal with the violations by Nicaragua, and then turn to the alleged

justifications which Nicaragua has most recently set forth.

A. The violations committed by Nicaragua are amply proved

6. The current violations of Costa Rica’s right of free navigation for the purposes of

commerce date back to the time of the civil wa r then raging in Nicaragua. At that time, the

Sandinista army began to impose restrictions on navigation.

7. In 1982, the army prohibited the Costa Ri can tour company Swiss Travel Services from

navigating on the river 9. Following protests from Costa Rica 9, Nicaragua agreed that the

9Memorial of Costa Rica (MCR), paras.5.142-5.143; Rply of Costa Rica (RCR), paras.4.56-4.58; RCR,

Vol. 2, Ann. 50.
9Letters from the management of Swiss Travel Servicthe Ministry of Public Security and the Ministry of
Foreign Affairs of Costa Rica, MCR, Vol. 6, Anns. 223, 224 and 225.

9Notes of 8June 1982, 16July 1982 and 20July 1982 from the Costa Rican Minister for Foreign Affairs,
Fernando Volio Jiménez, to the Nicaraguan chargé d’afes in Costa Rica, Oscar Rmón Téllez, MCR, Vol.3,
Anns. 41, 42 and 43. - 32 -

measures taken by its local authorities were not in accordance with the Treaty and that they would

be repealed 100.

8. During the same period, Nicaragua started to require Costa Rican vessels to stop at its

border posts on the Nicaraguan bank and to pay for a “departure clearance certificate”. Following

101 102
protests from Costa Rica , this practice was abandoned in 1983 , but resumed in 2001, as I shall

explain in a moment.

36 9. It is interesting to compare the position of the Nicaraguan Government in 1982 with the

one it is adopting today. Nicaragua’s Minister for Foreign Affairs at the time explained the

situation as follows:

“Costa Ricans have a right of navigation on the San Juan according to the Cañas-Jerez
Treaty. But because in that area there are counter-revolutionary bands, we have asked

the Costa Ricans to notify when they are going to cross the San Juan”.

He added that:

“it is not that we want to ignore their right to navigate the river, but simply that they
notify us, as the Hondurans do when they navigate on the Coco River, so as to avoid
103
accidents like the one of the previous Tuesday” .

10. On that Tuesday referred to by the Minister, the Sandinista army had opened fire on a

Costa Rican vessel carrying staff of the Ministry of Health. Notification ⎯ not permission ⎯ was

required at the time by Nicaragua, on the ground s of the exceptional situation created by the

internal armed conflict.

11. Happily, the Nicaraguan civil war is now long over. But the restrictions reappeared in

1994. This time, they were not confined to the requirement of notification.

12. These restrictions are all incompatible with Costa Rica’s perpetual right of free

navigation. I shall now describe them briefly to you.

10Note of 2 August 1982 from the Nicaraguan Chargé d’affaires in Costa Rica, Oscar Ramón Téllez, to the Costa
Rican Minister for Foreign Affairs, Fernando Volio Jiménez, MCR, Vol. 3, Ann. 44 (judges’ folder, tab 38).

10See the Note of 16July 1982 from the Costa Rican Minist er for Foreign Affairs, Fernando Volio Jiménez, to
the Nicaraguan Chargé d’affaires in Costa Rica, Oscar Ramón Téllez, MCR, Vol. 3, Ann. 42.
102
MCR, paras. 3.13-3.14.
103
Traduction en français: “les Costa-riciens ont un droit de navigation sur le SanJuan conformément au
traité Cañas-Jerez. Toutefois, du fait de la présence de bandes contre-révolutionnaires dans la zone, nous avons demandé
aux Costa-riciens de nous notifier quand ils vont par le San Juan”. Et il a ajouté: “ce n’est pas que nous voulons ignorer
leur droit de naviguer le fleuve, mais simplement nous voulons qu’ils nous le no tifient, comme le font les Honduriens
quand ils naviguent le fleuve Coco, afin d’éviter des incidnts comme celui de mardi dernier.” (MCR, para.5.10;
La Nación, San José, 8 November 1980, MCR, Vol. 5, Ann. 111.) (Judges’ folder, tab 43.) - 33 -

(a) Restrictions incompatible with the right of free navigation

(Tourisc tards

13. Since March 1994, a fee of US$5 has b een charged for a “tourist card” to every

104 105
37 passenger travelling on a Costa Rican vessel . After protests from Costa Rica , Nicaragua

stopped insisting on this card for Costa Rican nationa ls, but continued to require it for nationals of

106
third States .

(ii)“Departureclearancecertificates”

14. From March 2001, a payment of US$25 has been demanded from every Costa Rican

vessel for a “departure clearance certificate”. Despite repeated protests from Costa Rica 10, these

measures continue to be applied.

108
15. This charge is currently US $10 per vessel for each one-way trip . In fact, it varies

according to circumstances which Nicaragua has not seen fit to explain. You will see on the screen

two receipts, dated the same day and re lating to the same vessel, one for US$5 for the outward trip

from Sarapiquí to San Juan del Norte , the other for US$10 for the return from San Juan del Norte

to Sarapiquí.

16. This charge is referred to as a “ zarpe internacional”, i.e., for “international departure

109
clearance”, and is levied on Costa Rican vessels, whatever their destination . “International”

departure clearance: difficult, therefore, for Nicaragua to maintain ⎯ as it does 110⎯ that this

measure also applies to Nicaraguan vessels navigating on the San Juan.

104MCR, paras. 5.107-5.108; RCR, paras. 4.09-4.11.
105
Note of 15March 1994 from the Costa Rican Minister fo r Foreign Affairs, Bernd Niehaus Quesada, to the
Nicaraguan Ambassador to Costa Rica, Alfonso Robelo, Counter-Memorial of Nicaragua (CMN), Vol. II, Ann. 41; Note
of 9 May 2001 from the Costa Rican Minister for Foreign Affa irs, Roberto Rojas López, to the Nicaraguan Minister for
Foreign Affairs, Francisco Xavier Aguirre Sacasa, MCR, Vol. 3, Ann. 71; La República, San José, 5 March 1994, MCR,
Vol. 5, Ann. 123.

106La Nación, San José, 13 April 1994, MCR, Vol. 5, Ann. 129.

107Note dated 18April 2001 from the Costa Rican Deputy Mini ster for Foreign Affairs, Elayne Whyte, to the
Nicaraguan Minister for Foreign Affairs, Francisco Xavier Aguirre Sacasa, MCR, Vol.3, Ann.70; Note dated
9May2001 from the Costa Rican Minister for Foreign Affairs, Roberto Rojas López, to the Nicaraguan Minister for
Foreign Affairs, Francisco Xavier Aguirre Sacasa, MCR, Vol. 3, Ann. 71.

108RCR, para. 4.07.

109Judges’ folder, tab 41.
110
Rejoinder of Nicaragua (RN), para. 4.25. - 34 -

(iii) Immigrationcharges

17. Since March 2001, US$5 per person has b een demanded as an “immigration charge” for

entering and leaving Nicaraguan territory. In 2002, the “immigration charge” was twice increased.

Since then, all passengers on Costa Rican vessels navi gating on the San Juan have been obliged to

38 pay US$9, even when they are travelling between two points on Costa Rican territory: US$4 as a

“despacho migratorio”, for migratory procedures on entering and leaving Nicaragua 11, and US$5

for ⎯ I will read the Spanish ⎯ “permiso de tránsito en los punto[ s] fronterizo[s]”, i.e., a “transit

permit through border points” 11. To put it plainly: not only is Nicaragua unlawfully imposing on

all Costa Rican vessels the obligation to stop at each Nicaraguan border post, but on top of that it is

requiring every person travelling ⎯ boatman or passenger ⎯ to pay for the privilege!

(b) Restrictions incompatible with the perpetual right of free navigation

(i) Total prohibition of navigation between 5.30 p.m. and 6 a.m.

18. Mr.Caflisch has already referred to the visa requirement and the practice of systematic

searches; he also mentioned the obligation to hoist the Nicaraguan flag; and he spoke of the total

prohibition of navigation between 5.30 p.m. and 6 a.m. I would add that this is a flagrant violation

of a right which is characterized as “perpetual” ⎯ i.e., permanent and uninterrupted ⎯ and

“free” 11. It is a strange kind of perpetual right which comes to a daily end, and can only be

exercised for less than half of every day.

(ii) Specificprohibitions

19. Costa Rican navigation has been prohibited on certain specific days, such as

3 August 1998 between 9 a.m. and 5 p.m. ⎯ i.e., during the daytime ⎯ on the pretext of a visit by

the Nicaraguan President 11. Even a visit by the most senior public official does not justify the

interruption, for virtually the whole day, of a tr eaty right to navigate along all 141 km of the river

11Judges’ folder, tab 39.
112
Judges’ folder, tab 40.
11MCR, paras. 5.68-5.77; RCR, paras. 4.19-4.21.

11MCR, para. 5.73. - 35 -

“where the navigation is common”. Mr.President, perhaps you may wish to take a break at this

point or, if you prefer, I can continue for another ten minutes or so.

39 Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Kohen. Je pense que c’est une bonne suggestion. Nous

allons donc faire une pause d’une dizaine de minutes. Je vous remercie.

L’audience est levée de 11 h 25 à 11 h 40.

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. Mons ieur Kohen, je vous prie de bien vouloir

poursuivre.

M. Kohen : Je vous remercie, Monsieur le président.

B. None of the justifications relied on by Nicaragua is well founded

20. Nicaragua claims never to have preven ted Costa Rican vessels carrying passengers from

115
entering or navigating on the San Juan, except during 1982 . The problem which arises here is

the conditions, contrary to the Treaty, whic h Nicaragua is imposing on that navigation,

significantly restricting it and depriving Costa Rica’s right of all substance.

(a) No regulatory power can alter the perpetual right of free navigation

21. Lucius Caflisch referred a few minutes ago to the rules of navigation on the San Juan,

and showed that no regulatory power can be allowed to alter the perpetual right of free navigation.

22. Nicaragua claims that the measures it h as taken apply indiscriminately to all vessels,

116 117
including Nicaraguan vessels , and to any non-national entering its territory . My former

professor, today my friend and colleague, has already demolished that justification.

As we saw earlier, it is not national treatment which is at issue here. The fact is that

Nicaragua’s zeal is only one-way: all these obstacles apply to the one section of the San Juan River

where the navigation is common and, apart from the navigational timetable, as commented upon by

Mr. Caflisch, solely to Costa Rican vessels.

11RN, para. 4.30.
116
RN, para. 4.25.
11RN, para. 4.87. - 36 -

40 23. According to Nicaragua, all these measures constitute at worst de minimis

inconveniences whose “reasonableness” and “n ecessity” supposedly cancel out these minor

intrusions118. Speaking of mere “inconveniences” appears to be an attempt at humour. Taken

separately or as a whole, these requirements in fact impose serious additional conditions on the

right of free navigation for the purposes of commerce. They are aimed at restricting the exercise of

that right, and are consequently unlawful.

24. By imposing additional conditions on na vigation which do not follow from the Treaty,

Nicaragua is hindering the exercise of Costa Rica’s right deriving from Article VI and is therefore

acting in an unlawful manner. A statement made by the Court in a different context is entirely

applicable here: “The provision would lose its significance and weight, if other conditions,

unconnected with those laid down, could be demanded.” ( Conditions of Admission of a State to

Membership in the United Nations (Article 4 of the Charter), Advisory Opinion, 1948 ,

I.C.J. Reports 1947-1948, p. 62.)

(b) Costa Rica has never consented to Nicaragua’s “rules”

25. Recognizing the weakness of their arguments , our friends in the opposing Party contend

that Costa Rica has accepted the alleged power to make rules in respect of its “tourist” navigation.

In this context, they refer to the Memorandum of Understanding signed on 5June 1994 by the

119
Ministers of Tourism of the two countries .

26. Distorting the text, Nicaragua claims that, according to this Memorandum, Costa Rica

has the obligation to purchase tourist cards from Nicaragua and to register tourist businesses.

27. In fact, the text of the Memorandum stat es that tourism operators should register with

120
and obtain tourist cards from the authorities of their respective countries . At no point does it

mention an obligation of any kind for Costa Rican operators to obtain tourist cards from Nicaragua,

41 or to have themselves entered on the Nicaraguan register. Tourists transiting via the San Juan are

travelling from one point of Costa Rican territory to another: they are not making any tourist visit

to Nicaragua.

11RN, para. 4.34.
119
CMN, para. 1.3.41.
12See the text of the Memorandum, MCR, Vol. 2, Ann. 26. - 37 -

(c) The arguments of safety of navigation, cri me prevention and border controls do not allow
the perpetual right of free navigation to be limited

28. Very late in the day, Nicaragua has sought further pretexts to justify its unlawful conduct

121 122
in the form of supposed needs connected with the prevention of crime , navigational safety and

border protection 12.

29. The Rejoinder explains that soldiers of the Nicaraguan army daily stop vessels

124
transporting children to Costa Rican schools in order to protect those children from crocodiles . I

know that the Nicaraguan army is a tough and battle-hardened force, but I was not aware of its

power to deter crocodiles. No doubt the aim of the troops who stop these children every day in

order to register them is to check that everyone is present, and hence that their ability to deter the

crocodiles remains intact.

30. On the other hand, I have found no e xplanation as to why the bags of these children

which contain their school equipment should be subjected to close scru tiny by the Nicaraguan

army 12.

31. And in passing: the press cuttings annexed to the Rejoinder which refer to attacks by

crocodiles on children who were bathing ⎯ and not navigating. ⎯ in no way concern the San

Juan 126.

32. The Rejoinder devotes long passages to alleged poaching activities 127, illegal logging 128,

129
river pollution and other offences which, of course, originate on the Costa Rican side of the river.

And here is another strange aspect of these proceedings: how is it that acts of such seriousness can

have gone unnoticed in Nicaragua when the Counter-Memorial was being prepared? How is it that
42

no Costa Rican resident, not one, has ever been tr ied and convicted for such acts? Once again,

these claims are not supported by any conclusive evidence.

121RN, paras. 4.69-4.77.

122RN, paras. 4.78-4.85.
123
RN, paras. 4.86-4.91.
124
RN, para. 4.80.
125
Affidavit of Diane Gómez Bustos, 16 February 2006, MCR, Vol. 4, Ann. 101.
126RN, Vol. II, Anns. 25 and 26.

127RN, paras. 4.56-4.59.

128RN, paras. 4.53-4.55.
129
RN, para. 4.48. - 38 -

33. However that may be, it is a pure diversion. Let us return to the real subject of this case.

130
The Cañas-Jerez Treaty is clear , as Nicaragua itself recalled before President Cleveland: Costa

Rica’s right of free navigation cannot be restricted ev en in the face of the most serious threat to the

131
security of Nicaragua, namely a situation of war . Yes, Mr. President, under the Treaty, even in

the event of hostilities between the two countries, Costa Rica’s right of free navigation for the

purposes of commerce has to be respected. That amply demonstrates the true worth of Nicaragua’s

arguments concerning the restrictions on Costa Rican navigation based on security or the

prevention of crime.

34. I would add finally that, according to th e Treaty and the interpretation of it given by

President Cleveland, it is for Costa Rica, not Nicarag ua, to ensure the safety of its vessels and their

navigation. Let us move on swiftly to the environment.

(d) The “ecological” excuse is another completely unfounded last-minute argument

35. Again very late in the day, Nicaragua has discovered a sudden passion for ecology in its

Rejoinder. There has never been a single protest from Nicaragua against Costa Rica in respect of

any kind of damage to the environment resulting fro m its navigation on the San Juan. Nor is there

a word on the subject in the Counter-Memorial. Then the Rejoinder suddenly engages in lengthy

arguments aimed at demonstrating that the requireme nt to stop at each border post, to register and

to obtain a “departure clearance certificate”, as well as the prohibition on navigation at night, are a

132
response to the need to protect the environment .

36. Just imagine the damage that may be ca used to the environment by canoes and other

vessels used by the Costa Ricans, not least to the fish species. And I use the word “imagine”,

43 because Nicaragua has clearly not produced a sh red of evidence to show that Costa Rican

navigation is damaging the environment of the river, or that it is even capable of doing so.

37. Now imagine what it would mean for tho se species and for the environment which is of

such concern to Nicaragua if the dredging wo rks in the San Juan that are planned by the

130
Art. IX.
131
“Even if war is flagrant, her commerce on this river coul d not be interfered with.” MCR, Vol.6, Ann.208,
p. 844 (judges’ folder, tab 44).
13RN, paras. 4.61-4.66. - 39 -

Respondent were to become a reality 13. And let us further imagine that one day Nicaragua

achieves its historic dream of constructing an interoceanic canal via the San Juan and Lake

Nicaragua. What would be left of this magni ficent Nicaraguan nature reserve where no one is

allowed to settle, where not a single tree can be felle d and where all fishing is outlawed? All this,

Mr. President, has the appearance of a last-minute argument from a Party which is at a loss to find

words to justify conduct which is manifestly unlawful.

C. Conclusion

38. Mr.President, Members of the Court, I have now illustrated the violations of

Costa Rica’s perpetual right of free navigation for the purposes of commerce, as listed yesterday by

134
Mr. Sergio Ugalde , as well as the lack of any valid justification for Nicaragua’s conduct.

39. Thank you for your attention, Mr.President. May I ask you to give the floor to

Ms Kate Parlett, member of the Australian Bar.

Le PRESIDENT : Je remercie M. Kohen pour son exposé. J’invite Mme Parlett à prendre la

parole.

Mme PARLETT :

L ES VIOLATIONS PAR LE N ICARAGUA DU DROIT DE NAVIGATION DES BATEAUX OFFICIELS

Introduction

1. Monsieur le président, Messieurs de la C our, c’est un grand honneur de prendre la parole

pour la première fois devant vous au nom du Gouvernement du Costa Rica.

44 2. Je suis chargée de donner un aperçu des violations par le Nicaragua des droits du

CostaRica de naviguer avec des bateaux officiels. Les éléments de preuve montrent que le

Nicaragua a commis une série de violations de ces dr oits et que celles-ci se sont intensifiées depuis

que le Costa Rica a introduit sa requête en l’espèce.

3. Dans la première partie de mon exposé, je montrerai que le Nicaragua a porté atteinte aux

droits du Costa Rica en interdisant la navigation avec des bateaux officiels. En 1998, le Nicaragua

133
CMN, para. 7.2.6; RN, paras. 6.5-6.16.
13CR 2009/2, pp. 29-30, para. 22 (Ugalde). - 40 -

a interdit la navigation des bateaux de police costa -riciens, et par la suite, il a empêché d’autres

bateaux officiels et des agents du Gouvernement costa-ricien de naviguer afin de fournir à la

population locale des services essentiels, dans les doma ines de la santé, de l’éducation et de la

sécurité notamment.

4. Dans la deuxième partie de mon exposé, je montrerai que le Nicaragua a violé les droits

du Costa Rica en exigeant un visa d es Costa-riciens. Il s’agissait d’une mesure de représailles

imposée après que le Costa Rica eut introduit sa requête en l’instance, et qui a eu des conséquences

néfastes pour la prestation de soins médicaux et d’autres services sociaux aux communautés vivant

sur la rive costa-ricienne du fleuve, dont un bon nombre ne sont pas accessibles par des routes

praticables en toutes saisons.

5. Le Nicaragua n’a pas répondu aux preuves de ses violations présentées par le Costa Rica

dans ses écritures. Il s’est contenté de nier l’existence des droits conventionnels du Costa Rica. Le

Nicaragua prétend également que le Costa Rica r econnaît la nécessité d’obtenir une autorisation

pour naviguer sur le fleuve San Juan. Cette allégation semble se fonder sur une politique

nicaraguayenne obligeant les resso rtissants et les institutions costa-riciens à demander une

autorisation écrite pour naviguer sur le fleuve, po litique qui semble avoir été conçue pour apporter

un soutien documentaire tardif à ces allégations.

L’interdiction faite par le Nicaragua de naviguer avec des bateaux officiels

6. J’aborde à présent mon premier point: le Nicaragua a porté atteinte aux droits du

CostaRica en interdisant unilatéralement la na vigation avec des bateaux officiels. Comme l’a

expliqué M. Crawford, les bateaux officiels jouissent du droit perpétuel de libre navigation en vertu

de l’article VI du traité de 1858. Ce droit inclut la navigation des agents de l’Etat qui fournissent

des services essentiels aux communautés établies sur la rive costa-ricienne du San Juan.

7. Le 14juillet1998, le Nicaragua a interdit unilatéralement la navi gation des bateaux de
45
135
police costa-riciens . Avant cette date, les policiers navigua ient régulièrement sur le San juan en

135
MCR, annexes 240, 131, 132. - 41 -

uniforme et munis de leurs armes de service et avaient même mené des opérations conjointes avec

l’armée nicaraguayenne 13.

8. L’interdiction faite par le Nicaragua aux polic iers de naviguer sur le fleuve porte atteinte

aux droits du Costa Rica de quatre manières distinctes. En premier lieu, cette interdiction constitue

une violation du droit conventionnel de protég er la navigation du Costa Rica à des fins de

commerce. Ce droit inclut la navigation avec du pe rsonnel armé en vertu du traité de 1858 et de la

sentence Cleveland. En deuxième lieu, cette interd iction porte atteinte au droit conventionnel du

Costa Rica de naviguer à des fins de commerce, qui inclut l’utilisation du fleuve comme moyen de

communication. Cela couvre le fait de naviguer pour ravitailler et releve r le personnel des postes

frontière et pour offrir des services essentiels de santé, d’éducation et de sécurité à la population

locale. En troisième lieu, cette interdiction emp êche le Costa Rica d’exercer son droit d’assurer la

garde du fleuve, prévu à l’articleIV du traité de 1858. En quatrième lieu, elle empêche le Costa

Rica de s’acquitter de son obligation de défendre la baie commune de San Juan del Norte. Cette

baie étant de fait fermée sur l’océan, le San Juan est le seul moyen permettant au Costa Rica d’y

accéder.

9. L’interdiction prononcée par le Nicaragua a non seulement empêché la navigation des

bateaux de police, mais elle a également empêché d’ autres bateaux officiels et des agents de l’Etat

de naviguer sur le San Juan dans l’exercice des droits de navigation conventionnels du Costa Rica.

Dans ses écritures, le Costa Rica cite trois exemples :

⎯ le 4 août 1998, des agents de l’armée nicara guayenne ont empêché des magistrats d’emprunter

le San Juan à bord d’un bateau officiel pour se rendre à Fátima de Sarapiquí pour y enquêter

137
sur la mort d’un enfant de 11 mois ;

⎯ en septembre 1998, des autorités nicaraguayennes ont empêché des techniciens costa-riciens du

programme pour l’éradication de la mouche de la viande de naviguer pour aller exécuter des

activités de ce programme dans la zone frontalière costa-ricienne 138; et

136
MCR, annexes 88, 89, 90, 94, 103 et 105.
137
MCR, annexe 150, MCR, par. 5.97 ; RCR, par. 4.25.
138MCR, annexes 52 et 53, MCR, par. 5.98 ; RCR, par. 4.25 - 42 -

46 ⎯ le 26 septembre 2000, deux fonctionnaires du bureau costa-ricien des enquêtes judiciaires et un

fonctionnaire de police n’ont pas pu naviguer pour enquêter sur un vol de bétail qui s’était

produit dans une ferme située dans la zone de Caño Río Jardín 139.

10. L’interdiction décrétée par le Nicaragua a nuit à la capacité de la police costa-ricienne de

140
combattre la criminalité transfrontalière . Par ailleurs, elle a entr aîné une dégradation de la

sécurité des personnes et une augmenta tion de l’immigration clandestine 14. Les trafics de

142 143
stupéfiants et d’armes sont particulièrement préoccupants dans la région. Le trajet entre les

postes frontière costa-riciens et les communautés lo cales peut être long, et dans certains cas, il est

impossible d’atteindre des villages éloignés pendant la saison des pluies 14.

11. Le Nicaragua soutient que le CostaRica dispose des routes, pistes d’atterrissage et

avions requis pour lui permettre d’assurer ces services par voie terrestre, et n’a donc nullement

besoin de naviguer sur le San Juan 145. Ces allégations sont mensongères, et le fait de les marteler

ne les rendra pas plus vraies. Il n’y a pas de r outes adéquates dans la région. Et quand bien même

il y en aurait, le Costa Rica possède des droits de navigation sur le San Juan en vertu d’un traité, et

ce n’est pas répondre au problème que d’affirmer qu’il n’a nul besoin de les exercer.

12. L’interdiction faite par le Nicaragua aux na vires de police de naviguer sur le fleuve, et

notamment de l’emprunter pour ravitailler et releve r le personnel des postes frontière, a entraîné la

fermeture de l’un des postes de police du Costa Rica. En 1999, le poste costa-ricien de La Cureña

a dû être fermé, parce qu’il était impossible de l’a tteindre par voie de terre, et que le Nicaragua en

empêchait l’accès par le San Juan 146. Il n’y a donc plus de poste frontière entre le Río San Carlos et

le RíoSarapiquí. La sécurité dans la région s’en est ressentie: les habitants des communautés

139MCR, annexes 166, 167, 168 ; MCR, par. 5.100 ; RCR, par. 4.25.

140MCR, annexes164, 165 et 177.
141141
MCR, annexes 155, 177 et 164.
142
MCR, annexes 154 et 181.
143MCR, annexes 165.

144MCR, annexe 177.

145CMN, par. 5.2.9. ; DN, par. 5.98.
146
RCR, par. 3.94. - 43 -

47 locales ont maintes fois exprimé des craintes pour le ur propre sûreté, et la sécurité globale de la

147
région s’est de fait dégradée (onglet 45 du dossier de plaidoiries).

13. Les restrictions à la navigation imposées par le Nicaragua aux agents de l’Etat et bateaux

officiels costa-riciens ont abouti à la suspensi on, en novembre2005, de services de santé de base

148
dispensés dans les communautés riveraines . Quelque 450personnes, dont 200enfants, se sont

149
ainsi trouvées privées de ces services . De fait, environ 50 % d’entre elles sont des ressortissants

nicaraguayens 150.

14. C’est dans ces circonstances que MmeChing, directrice de la région sanitaire de

PuertoViejo de Sarapiquí de la caisse de sécurité sociale costa-ricienne, s’est adressée aux

autorités nicaraguayennes. Avant mai2006, des professionnels de la santé naviguaient sur le

San Juan pour se rendre dans les communautés riveraines, sans jamais requérir d’autorisation à cet

effet. Or, le 10 mai 2006, l’armée nicaraguayenne le ur signifie qu’il leur faut obtenir l’approbation

151
du vice-consul nicaraguayen à Sarapiquí pour pouvoir l’emprunter . Mme Ching adresse alors au

vice-consul une «note sollicitant sa collaboration» af in de pouvoir emprunter le fleuve aux fins de

fournir des soins de santé de base 15. Le vice-consul de Sarapiquí répond qu’il n’est pas habilité à

153
octroyer des permis de navigation . MmeChing écrit alors au vice-consul à CiudadQuesada

dans des termes analogues 154; celui-ci l’oriente vers l’ambassade nicaraguayenne 155. Lorsque

MmeChing rencontre l’ambassadeur nicaraguayen, elle s’entend dire qu’il lui faut «modifi[er]

l’expression «demande de collaboration» en «d emande d’autorisation de navigation sur le

156
SanJuan»», faute de quoi «sa demande ne ser[a] pas examinée» . MmeChing a relaté ces faits

dans une déclaration sous serment jointe en annexe à la répli que du CostaRica. Elle précise

147MCR, par. 5.123-5.124 ; MCR, annexes 155, 164 et 177.

148MCR, annexes 236, 237, 239, 98, 99 et 100 ; MCR, par. 5.101 ; RCR, par. 4.25.
149
RCR, annexe 44.
150
Ibid., p. 268.
151
Ibid., p. 267.
152RCR, annexe 55, p. 292.

153CNS014/05/06, cité dans RCR, annexe 44, p. 267.

154RCR, annexe 55, p. 292.
155
Ibid.
156
Ibid. - 44 -

notamment que, «compte tenu de la nécessité impérieuse de fournir des services urgents aux

populations afin de protéger la santé et la vie de personnes ⎯ notamment [d’]enfants … ⎯ dans la

157
zone du fleuve San Juan, elle avait rédigé la note selon la formule réclamée par l’ambassadeur» .
48

Dans sa duplique, le Nicaragua n’a pas réagi à ce récit.

15. D’autres services de santé dispensés dans la zone frontalière du San Juan ont également

158
pâti de l’interdiction de naviguer sur le fleuve imposée par le Nicaragua aux bateaux officiels .

Avant le milieu de l’année 2006, des membres de deux agences relevant du ministère de la santé du

CostaRica empruntaient le fleuve deux fois par mois pour dispenser des services de soins

sanitaires de base et fournir denrées alimentaires , services éducatifs et autres aux communautés

installées sur sa rive costa-ricienne. Depuis le milieu de l’année 2006, ils sont empêchés de

159
naviguer sur le fleuve ; et ces restrictions demeurent en vigueur .

16. Parmi les organismes officiels costa-ricien s dont le travail a pâti des violations, par le

Nicaragua, des droits du Costa Rica, figure l’Instituto mixto de ayuda social (IMAS), Institut mixte

d’assistance sociale. En mai 2007, l’Institut a été contraint de demander une autorisation de

naviguer sur le SanJuan afin de permettre à ses représentants de participer à une foire régionale

pour la protection de l’environnement et de la santé et d’apporter une aide financière et autre à des

familles défavorisées des communautés de Boca San Carlos et de La Cureña 160. Le Nicaragua,

dans sa réponse, prétendait limiter le nombre d’endroits, au Costa Rica, où ces agents pourraient se

rendre 161⎯autrement dit, il restreignait la capacité des autorités du CostaRica de se rendre sur

certaines parties de leur propre territoire au moment choisi par elles.

17. La prestation de services éducatifs dans la région a également pâti de la conduite du

Nicaragua. Outre qu’il est maintenant extrêmemen t difficile pour les enseignants de la région

162
d’assister à des séances de formation ou à des réunions , des fonctionnaires ont été empêchés de

dispenser des services éducatifs à des enfants. Des agents de l’IMAS ont ainsi été placés dans

157Ibid.

158RCR, par. 4.31.
159
RCR, annexe 45 ; RCR, par. 4.32.
160
RCR, annexes 46 et 57.
161RCR, annexe 47.

162MCR, par. 5.103 ; MCR, annexe 101 ; RCR, par. 4.25. - 45 -

l’obligation de «solliciter l’autorisation exigée par les autorités nica raguayennes de naviguer sur le

fleuve, [parce qu’]il n’exist[ait] aucun autre moyen d’atteindre» ces communautés 163. L’Institut a

164
49 présenté la demande requise le 14 août 2007 mais, celle-ci étant restée lettre morte, il n’a jamais

165
été en mesure de dispenser ces services .

18. Loin de nier ces faits, le Nicaragua les in tègre dans son raisonnement. Il fait valoir qu’il

«a toujours exigé que les personnes venant du Cost a Rica obtiennent l’autorisation de pénétrer sur

son territoire, que ce soit sur le San Juan ou ailleurs» et que, du reste, le «Costa Rica a pris acte à

166
plusieurs reprises de cette nécessité» , mais que, puisqu’il accorde généralement l’autorisation

requise, il «n’interdit pas au Costa Rica de na viguer sur le fleuve SanJuan avec des bateaux

officiels pour fournir des services médicaux et autres services sociaux aux résidents des

167
communautés riveraines du côté costa-ricien» .

19. Il n’en demeure pas moins que le Costa Rica tient d’un traité un droit de navigation à des

fins de commerce, ce qui englobe la navigation par des agents de l’Etat ch argés de dispenser des

services essentiels. Nul besoin pour ces agents d’obtenir au préalable une autorisation pour

naviguer sur le SanJuan: le droit de naviga tion est un droit conventionnel, et non un simple

privilège que le Nicaragua serait libre d’octroyer ou non. Dans ces circonstances, le Costa Rica a

démontré que le Nicaragua avait violé ses droits de navigation dans le cas des bateaux officiels.

Obligation faite par le Nicaragua aux fonctionnaires costa-riciens d’obtenir un visa

20. J’en viens maintenant à la question des visas. Avant décembre2005, les ressortissants

costa-riciens n’avaient pas b esoin d’un visa consulaire pour se rendre au Nicaragua. En

décembre 2005, le Gouvernement nicaraguayen a, à titre de représailles, imposé aux Costa-riciens

l’obligation d’en obtenir un, obligation qui perdur e à ce jour. Les recettes ainsi récoltées seraient

destinées à financer les dépenses occasionnées par la défense du Nicaragua en la présente espèce 16.

163RCR, annexe 56, p. 296.

164RCR, annexe 49.
165
RCR, annexe 56.
166
CMN, par. 6.2.11.
167DN, par. 5.109.

168RCR, annexe 70. - 46 -

21. Le visa consulaire est facturé 20dollars des Etats-Unis, auxquels viennent s’ajouter

5 dollars de frais administratifs. Il est exigé ch aque fois qu’un ressortissant costa-ricien, quel qu’il

soit ⎯ et fût-il un agent de l’Etat ⎯, emprunte le fleuve. En sus de cette dépense, tout ressortissant

costa-ricien amené à naviguer sur le SanJuan, —même s’il s’agit d’un agent de santé ou des

50 services sociaux—, doit se rendre auprès d’un consulat nicaraguayen pour se procurer ce visa.

En 2006, le Nicaragua a ouvert un nouveau consulat à Puerto Viejo de Sarapiquí, mais qui n’était

pas toujours accessible au public et a été fermé en mars 2007. Les ressortissants costa-riciens qui

doivent emprunter le San Juan sont donc contraints de se rendre au consulat de Ciudad Quesada ou

de San José, ce qui suppose, inévitablement, des frais supplémentaires (onglet46 du dossier de

plaidoiries).

22. Une fois de plus, le Nicaragua ne nie pas que ces mesures pèsent sur la navigation des

Costa-riciens sur le fleuve, et ne formule aucune déclaration ni ne produit le moindre élément de

preuve contredisant le fait qu’elles ont été prises en représailles à l’introduction par le Costa Rica

de la présente instance. Dans ces circonstances, il est clair que le Nicaragua a enfreint le droit

perpétuel de libre navigation reconnu au Costa Rica en ce qui concerne les bateaux officiels.

Les réponses du Nicaragua aux éléments de preuve établissant ses violations
produits par le Costa Rica

23. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ma dernière remarque porte sur les

arguments que le Nicaragua a avancés pour répon dre aux éléments de preuves produits par le

Costa Rica concernant les violations de son droit de navigation.

24. En premier lieu, le Nicaragua fait valoir qu’il n’a autorisé les agents de la police

169
costa-ricienne à naviguer sur le fleuve avec leurs armes que par «c ourtoisie frontalière» . Cet

argument revient à nier l’existence de droits de navigation s’agissant de ba teaux transportant des

policiers armés.

25. En second lieu, le Nicaragua fait valoir qu ’il y aurait eu acquiescement : selon lui, «[l]e

Costa Rica a reconnu à plusieurs reprises [la] né cessité d’obtenir l’autorisation» du Nicaragua pour

naviguer sur le San Juan 170. A l’appui de cette allégation, le Nicaragua mentionne deux incidents,

169
CMN, par. 1.3.43.
170
CMN, par. 6.2.11. - 47 -

tous deux survenus en 2006, à savoir bien après l’introduction de la présente instance. Le premier

de ces incidents est la demande de Mme Ching 17. Comme je l’ai expliqué, Mme Ching se trouva

172
contrainte de modifier sa «demande de collaboration» en «demande d’autorisation» : à défaut, les

agents des services de santé se serai ent vus refuser l’autorisation de circuler sur le San Juan. Il

semble qu’en obligeant Mme Ching à demander une autorisation écrite en ces termes le Nicaragua

ait voulu se constituer des éléments de preuve à l’appui de ses prétentions dans la présente instance.

51 26. Le second incident que mentionne le Nicaragua pour montrer qu’il y aurait eu

acquiescement est une note de «l’Alliance chrétienn e et missionnaire de Horquetas» relative aux

Œuvres missionnaires de celle-ci 17. Il s’agissait d’une demande pr ésentée par un organisme privé,

dont les vues et les actes ne sauraient, en tant que tels, être imputés à l’Etat du Costa Rica.

27. En ce que concerne la navigation de la police, le Nicaragua pr étend, dans sa duplique,

que la police costa-ricienne «demandait et obten ait régulièrement l’autorisation des autorités

nicaraguayennes avant d’envoyer ses bateaux en mission de ravitaillement aux postes frontière

costariciens» 174. Les seuls éléments de preuve que le Nicaragua fournit sont les déclarations sous

serment d’officiers de sa marine de guerre annexé es à sa duplique; le Costa Rica a déjà souligné

qu’aucun de ces témoignages n’est étayé par le mo indre élément de preuve documentaire. Les

éléments de preuve testimoniaux et documentaires que le Costa Rica a été en mesure de produire

dans le peu de temps dont il a disposé démontrent qu’il n’existait pas de pratique consistant à

demander une autorisation préalable pour la navigation des bateaux officiels 175 et que les

176
déclarations sous serment nicaraguayennes ne sont pas fiables .

28. Le Costa Rica rejette toutes les allégations du Nicaragua selon lesquelles il aurait

acquiescé aux violations, par celui-ci, de son droit pe rpétuel de libre navigation sur le fleuve et de

ses droits connexes.

171CMN, par. 6.1.12 ; CMN, annexe 51.
172
RCR, annexe 55, p. 110.
173
CMN, annexe 52 ; CMN, par. 6.2.13.
174RN, par. 5.80.

175Voir les annexes IV et V, lettre du Costa Rica déposée le 27 novembre 2008.
176
Voir l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo
c. Ouganda), arrêt du 19 décembre 2005, par. 65, 129 et celle des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 43, par. 70. - 48 -

Conclusions

29. Monsieur le président, Messieurs de la C our, les éléments de preuve dont j’ai parlé

aujourd’hui permettent de conclure que le Nicara gua a violé les droits du CostaRica de naviguer

avec des bateaux officiels. En interdisant aux bteaux officiels costa-riciens de naviguer sur le

San Juan, le Nicaragua a violé le droit conventio nnel du Costa Rica de naviguer sur le fleuve, son

droit de protéger sa navigation aux fins de comme rce, son droit d’assurer la garde du SanJuan et

son obligation d’assurer la défense des baies commun es. En obligeant les Costa-riciens à obtenir à

l’avance un visa consulaire, le Nicaragua a également violé le droit perpétuel de libre navigation du

Costa Rica. Ces violations ont empêché les agents du Gouvernement costa-ricien de naviguer sur

le San Juan pour fournir aux riverains des services es sentiels de santé, d’aide sociale et de sécurité.

52 Les communautés locales vivant le long du San Juan en ont souffert, le Costa Rica n’ayant pas, en

particulier, été en mesure de fournir des services de santé primaires à 450personnes dont

200 enfants.

Monsieur le président, j’en ai terminé. Je vous serais obligée de donner la parole à

M. Kohen.

Le PRESIDENT : Je remercie Mme Parlett pour son exposé et j’invite M. Kohen à prendre

la parole.

Mr. KOHEN:

THE RELATED RIGHTS OF C OSTA RICA AND VIOLATIONS OF THOSE RIGHTS BY NICARAGUA

1. Mr. President, Members of the Court, it is my task now to inform you of the related rights

of Costa Rica on the SanJuanRiver, as well as of the violations of those rights by Nicaragua.

JamesCrawford and KateParlett have already sp oken to you about the rights to protection of

commerce, protection of the San Juan and safeguardin g of the river and bay of San Juan del Norte,

as well as the right to supply border posts. I shall now discuss the following rights:

A. the right to land on the Nicaraguan bank on that part of the river where navigation is common;

B. the right to obtain Nicaragua’s compliance withits obligation to facilita te and expedite river

traffic;

C. the right to engage in free navigation under the Costa Rican flag alone; - 49 -

D. the right of inhabitants of the Costa Rican bank of the river to fish for subsistence purposes.

A. The right to land on the Nicaraguan bank on that part of the river
where navigation is common

2. In its last section, ArticleVI of th e 1858 Treaty acknowledges a second right, related to

that of free navigation: “The vessels of both countries shall have the power to land

indiscriminately on either side of the river, at the portion thereof where the navigation is common;

and no charges of any kind, or duties, shall be co llected unless when levied by mutual consent of

177
both Governments” .

53 (a)Nicaragua’s interpretation of the right to land is unacceptable

3. Nicaragua’s right to land on the Costa Rican side of the river is strictly upheld.

Nicaraguan inhabitants of the river bank and official s regularly cross the San Juan to buy goods in

Costa Rica 178.

4. Nicaragua, for its part, endeavours to deprive Costa Rica’s right to land of any

significance. It claims that it exists only for vessel s carrying goods (articles of trade), but that it

does not mean a right of free trade for such goods with the northern bank, as the 1858 Treaty, as it

179
continues to assert, is not a free trade agreement . The position of the Respondent finally

collapses under its own contradictions: what is the purpose in these circumstances of navigating

“with articles of trade”? What purpose is there to a right to land exempt of taxes and levies? If the

Respondent is to be believed what Costa Rica obtained in 1858 was a right to take goods on an

excursion along the San Juan River or to sell them in Costa Rican territory.

5. That this is not the case is demonstrat ed, among other things, by evidence supplied by the

other Party itself that navigation “with articles of trade” is largely engaged in with a view to selling

180
them in San Juan del Norte .

17French translation: «Les bateaux des deux pays auront le droit d’accoster indistinctement sur l’une ou l’autre

rive de la portion du fleuve où la navigation est commune sans qu’aucune taxe ou droit ne soit perçu, sauf accord entre
les deux Gouvernements ». Spanish original : « Las embarc aciones de uno u otro país podrán indistintamente atracar en
las riberas del río en la parte en que la navegacion es com un, sin cobrarse ninguna clase de impuestos, á no ser que se
establezcan de acuerdo entre ambos Gobiernos » (MCR, vol. II, Ann. 7 (a)). Judges’ folder, tab 47.
178
Affidavit of Colonel Ricardo Sánchez, 7 December 2006, CMN, vol. II, Ann. 91.
17CMN, para. 4.1.48.

18Affidavit of Mr. Rigoberto Acevedo Ledezma, 27 Ma2y008, RN, volI.I, Ann6.6; affidavit of
Lieutenant Colonel Juan Bosco Centeno Arostegui, 9 March 2008, Ibid., Ann. 69, p. 430. - 50 -

(b)The requirement to land and pay a clearance le vy is incompatible with ArticleVI of the

Treaty

6. The violation of the right to land committed by Nicaragua is manifest. First, Costa Rican

vessels have the right to land when they want to and not when Nicaragua orders them to. Second,

they have right to do so free from taxes and levies. And yet that State requires them to land and

then to pay a “departure clearance levy” in order to continue on their way. Added to that is the visa

fee and all the other taxes we have already considered.

181
7. Costa Rica has provided evidence of Nicaragua’s actions , which the latter has moreover

not denied.

54 B. The right to obtain Nicaragua’s compliance with its obligation to facilitate

and expedite traffic on the San Juan River

(a)New obligations of means

8. According to Nicaragua, the 1956 Agreement did not add in any way to the legal régime

of San Juan River established by the Treaty of 1858 18. That interpretation denies Article 1 of the

1956 Agreement of any useful effect, when the ar ticle contains two new, very precise obligations

of means: first, that of facilitating and expediting traffic on the SanJuan; second, that of

facilitating the operation of transport services to the territory of one State by enterprises of the

other 18.

(b)Nicaragua’s whole conduct constitutes a manifest breach of the obligations arising out of the

1956 agreement

9. All of Nicaragua’s actions, which we have described over the course of the last two days

show not only that Nicaragua has done nothing to facilitate and expedite traffic and the operation of

Costa Rican transport services on the San Juan, but, on the contrary, it does everything in its power

to hinder them, thus violating the obligations laid down in the 1956 Agreement.

181
MCR, paras. 5.06-5.53; RCR, paras. 4.05-4.11.
182
CMN, para. 6.2.1-6.2.9; RN, para. 2.116.
18Agreement pursuant to ArticleIV of the Treaty oAmity, 9January1956, UNT S, Vol. 1465, p. 227 (MCR,
vol. 2, Ann. 24) (judges’ folder, tab 48). - 51 -

C. The right in engage in free navigation under the Costa Rican flag alone

10. Let us now turn to the right to engage in free navigation under the Costa Rican flag

alone.

(a)Making navigation subject to the requirement of flying the Nicaraguan ensign is equivalent

to denying Costa Rica the right to free navigation

11. Between 1998 and 2001, Nicaragua inte rmittently prohibited Co sta Rican vessels from

184
flying their own flag . Following diplomatic exchanges, Nicaragua ceased to apply that

requirement 185, which it brought back into effect just as soon as the present proceedings were

instituted in September 2005. This conduct has continued until the present, despite requests from
55
186
Costa Rica for it to cease . In response to such requests Nicaragua has invoked its sovereign right

to exert such power over its territory 187. We have already shown that there is no legal ground for

188
this .

(b)Nicaragua’s attitude contradicts its own position of principle articulated 140 years ago

12. Such conduct is all the more regrettable in that Nicaragua itself, 140 years ago, in

protesting against the presence of vessels on the SanJuan flying the flag of the United States,

explained to the United States Secretary of State that the Government of “Nicaragua does not feel

disposed to consent that any other flag, except her own and the one of Costa Rica, as bordering

State, should float in the navigation of her interior waters” 189.

184La Nacíon, San José, 4August1998, MCR, Vol.5, Annex147; La Nacíon, San José, 27September 1998,
ibid., vol. 5, Ann. 152. See also Affidavit of Sergio Gerardo Ugalbe Godinez, 5 May 2001, ibid., vol. 4, Ann. 83.

185Note from the Minister for Foreign Affairs of Costa Ri ca, RobertoRojasLópez, to the Minister for Foreign
Affairs of Nicaragua, Francisco Xavier Aguirre Sacasa, 9 May 2001, MCR, Vol. 3, Annex 71; note from the Minister for

Foreign Affairs of Nicaragua, FranciscoXavierAguirre Sacas a, to the Minister for Foreign Affairs of Costa Rica,
Roberto Rojas López, 3 August 2001, ibid., Vol. 3, Annex 72; note from the Mini ster for Foreign Affairs of Costa Rica,
Roberto Rojas López, to the Minister for Foreign Affairs of Nicaragua , Francisco Xavier Aguirre Sacasa,
26 September 2001, ibid., Vol. 3, Annex 73
186
Note from the Minister for Foreign Affairs of Costa Ri ca, RobertoTovarFaja, to the Minister for Foreign
Affairs of Nicaragua, Norman Caldera Cardenal, 20 October 2005, MCR, vol. 3, Ann. 81.
187
Note from the Minister of Foreign Affairs of Nicaragua, Norman Caldera Cardenal to the Minister for Foreign
Affairs of Costa Rica, Roberto Tovar Faja, 9 November 2005, ibid., vol. 3, Ann. 82.
188
Presentation of Mr. Caflisch of 3 March 2009, paras. 28-32.
189Letter from the Nicaraguan Minister in Washington, Luis Molina, to the Secretary of State of the United States

of America, Mr. Seward, of 7 October 1868, in P. Perez Zeledón, Argument on the Question of the Validity of the Treaty
of Limits between Costa Rica and Nicaragua (WashingtonDC: Gibson Breos, 1887), p.100; MCR, vol.6, Ann.207,
p. 829 (judges’ folder, tab 49). - 52 -

D. The right to fish for subsistence purposes

(a)The admissibility of Costa Rica’s submission regarding the right to fish

13. Please allow me to address now the question of the right to fish for subsistence purposes

of the inhabitants of the CostaRican bank of th e SanJuan. It was only in its Rejoinder that

Nicaragua mentioned the inadmissibility of Costa Rica’s submission to this end, on the ground that

190
it had not been put forward in the Application .

14. This reaction is surprising, since Ni caragua addressed the issue directly in its

Counter-Memorial 191. It thereby implicitly accepted the admissibility of the submission concerning

fishing rights. This is a situation similar to that described by the Permanent Court of International

Justice in the Upper Silesia (Minority Schools) case: “The Counter-Case itself shows that the
56

Agent for the Polish Government had already bestowed attention to this circumstance and that he

might very well have raised the question of juri sdiction in his Counter-Case if he had wished.”

(Rights of Minorities in Upper Silesia (Minority Schools), Judgment No.12, 1928, P.C.I.J.

Series A, No. 15, p. 25).

15. Relying upon the position of the Res pondent expressed in its Counter-Memorial,

CostaRica responded in its Reply to the arguments on the merits developed by Nicaragua in its

first written pleading. The situation is similar to that in which “a responde nt State has, through its

conduct before the Court or in relation to the a pplicant party, acted in such a way as to have

consented to the jurisdiction of the Court ( Certain Questions of Mutual Assistance in Criminal

Matters (Djibouti v. France), Judgment of 4June2008 , para.61). Clearly, Nicaragua is debarred

from raising the inadmissibility of this submissi on. Consequently, we respectfully request the

Court not to give any consideration to this objection by Nicaragua.

16. Besides, even if the Court were to ente rtain this objection on admissibility, it would be

found to be groundless and would subsequently have to be dismissed. The following

considerations, which demonstrate the groundless natu re of this objection on admissibility are thus

provided entirely in the alternative.

190
RN, para. 4.68.
191
CMN, paras. 5.1.2-5.1.16. - 53 -

17. The reason for mentioning the right to fish in the Memorial is obvious: the violation of

this right by Nicaragua took place after the proceedings had been initiated by Costa Rica 192.

193
Costa Rica reserved the right to supplement and amplify its Application . And that is what it did

in its first written pleading in response to new wr ongful acts by the respondent State, acts which

were directly related to the Application and even constituted a consequence to its filing.

18. The Court has stated that a submission brought during the course of proceedings is

admissible if it is “implicitly contained in the ... Application” ( Temple of Preah Vihear

(Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 38) or arises “directly out of the

question which is the subject-matter of that Application” ( Fisheries Jurisdiction (Federal Republic
57

of Germany v. Iceland), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 203, para. 72) 194. Although they

are alternatives, Costa Rica’s submission falls within both of those categorizations.

19. Indeed, in its Application, in the secti on “Character of the Dispute” Costa Rica stated

that “[i]n the event that Nicaragua imposes the economic sanctions referred to above [which the

National Assembly of Nicaragua had threatened to impose in the event of Costa Rica bringing the

case before the Court], or any other unlawful sanct ions, or otherwise takes steps to aggravate and

extend the present dispute, Costa Rice furthe r seeks the cessation of such conduct and full

reparation for losses suffered” 195.

20. The ban on fishing for subsistence purpo ses undeniably constitutes either an “unlawful

sanction” or a step “to aggravate and extend the present dispute”. Consequently, the submission

regarding violations of the right to fish is en tirely admissible, since it can be included in the

original claims.

192
MCR, para.5.142. See also the Affidavit of Víctor Julio Vargas Hernández, 6 July 2006, MCR, vol. 4,
Ann1.05; affidavit of Leone l Morales Chacón, 6 July 2006, ibid., vl., An1.06; affidavit of
Erick Maikol Martínez López, 6 July 2006, ibid., vol.4, Ann.107; affidavit of JoséMorenoRojas, 6July2006, ibid.,
vol. 4, Ann. 108; affidavit of Josefa Alvarez Aragón, 6 July 2006, ibid., vol. 4, Ann. 109.

193Application, para. 12.
194
Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1992, p. 266, para. 67 ;Territorial and Maritime Dispute be tween Nicaragua and Honduras in the
Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment of 8 October 2007, para. 110.
195
Application, para. 10. Translation in French from English original: « Pour le cas où le Nicaragua prendrait les
sanctions économiques visées ci-dessus, ou toute autre sanc tion illicite, ou toute autre mesure propre à aggraver ou à
étendre le présent différend, le Costa Rica demande en outre la cessation de ce comportement et la réparation intégrale
des pertes subies ». (Judges’ folder, tab 50.) - 54 -

21. Finally, Nicaragua’s claim that the non-existence of a right to fish in the Treaty of 1858

makes such a submission inadmissible is entirely groundless. In the introduction of the Application

concerning the law applicable, there is sub-paragraph ( e): “other applicable rules and principles of

196
international law” .

22. It is consequently Nicar agua’s belated objection to the admissibility of the submission

which is inadmissible. And even if it were held to be admissible, it would subsequently have to be

dismissed.

(b)The existence of a right to fish for subsistence purposes

23. Let us come now to the existence of this right to fish for subsistence purposes. Costa

197
Rica invoked a local customary rule, as well as a right dating from the colonial era .

24. Several elements allow for the contention that a right to fish exists. Indeed, such a right
58

belonging to the inhabitants of both banks of th e SanJuanRiver was explicitly acknowledged at

198
the very beginning of the colonial era and has never been revoked since . Nicaragua does not

deny the existence of such a right under the Royal Ordinance of 29November1540, but is of the

opinion that the question does not merit discussion since that ordinance was annulled by a

199
Royal Charter of 1573 . That is of no relevance, as was explained yesterday by

Mr. Arnaldo Brenes 200. Besides, State succession is not in itself a reason for ending such a

territorial régime, to use the expression contained in Article 12 of the Vienna Convention on State

Succession in respect of Treaties, which the Court has acknowledged as the expression of

customary law 201.

25. The Cañas-Jeréz Treaty does not address the issue, but that omission cannot be

interpreted as annulling that traditional right, whic h can therefore be regarded as having survived

the colonial period.

19Application, para. 1. Translation in French from English original: « e) d’autres règles et principes applicables
du droit international ».
197
MCR, paras. 2.08, 4.124-4.128 and 5.141 ; RCR, paras. 3.115-3.119.
198
MCR, paras. 2.08 and 5.141; MCR, vol. 2, Ann. 1 (judges’ folder, tab 51).
19CMN, paras. 5.1.12 and 5.1.13.

20CR 2009/2, pp. 19-21, paras. 15-21 (Brenes).

20Gabčikovo-Nagymaros Project (Hungary/Slovakia), Judgment, I.C.J. Reports 1997, p. 72, para. 123. - 55 -

202
26. The type of fishing concerned is carried out for subsistence purposes . Nicaragua does

not dispute that 203. The activity is prompted by a necessity for the inhabitants who engage in it, as a

means of satisfying their food requirements.

27. In its comment on Article11 of the In ternational Covenant on Economic, Social and

Cultural Rights (to which Nicaragua is a part y), the United Nations Committee on Economic,

Social and Cultural Rights stated that “[t]he obligation to respect existing access to adequate food

204
requires States parties not to take any measures that result in preventing such access ” .

Nicaragua must have taken into consideration this obligation, which in all probability existed

before the Covenant entered into force. Indeed , ever since the first dwellings and villages were

established on the Costa Rican bank of the river, the respondent State had never deprived their

59 inhabitants of access to subsistence fishing in th e SanJuan. Unfortunately, Nicaragua altered its

conduct following the filing of the Application. Th is change of conduct of course comes too late

for any claim that a right to fish does not exist.

28. Nicaragua thus admits that there is a practice among the inhabitants of the Costa Rican

205
bank of fishing . It only disputes the existence of an opinion iuris making respect for that

practice obligatory and, moreover, claims that it is a recent one 20. For Nicaragua, it is a simple

207
matter of courtesy . Nonetheless, Nicaragua has not put forward the slightest piece of evidence

showing that it was acting out of courtesy.

29. The opposing Party cannot hide behind the argument that it is for Costa Rica to prove the

208
existence of that custom . Having acknowledged the existen ce of a constant practice on its

territory which runs counter to its sovereignty, it was for Nicaragua to react. To put it into the

words used by the Court in the Temple of Preah Vihear case: “the circumstances were such as

called for some reaction, within a reasonable period, on the part of the . . . authorities” ( Temple of

202MCR, para. 4.128 ; RCR, paras. 4.56-4.58.

203CMN, para. 5.1.6.
204
Committee on Economic, Social and Cultural Rights, General Comment 12, 12 May 1999, doc. E/C.12/1999/5,
para. 15.
205
CMN, para. 5.1.6.
206Ibid., paras. 5.1.7-5.1.8; RN, para. 4.68.

207CMN, para. 5.1.6.

208Ibid., para. 5.1.5 ; - 56 -

Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962 , p. 23). The lack of

any reaction seems strange on the part of a State as concerned about protecting its sovereignty as

Nicaragua is.

30. Nicaragua did not say anything, did not prevent anything, did not claim anything and did

not issue any warning while individuals hailing from a foreign territory engaged in fishing in

waters coming under its sovereignty. That does not correspond to the conduct of a State which

considers that the individuals concerned have no right to act as they do. Until the end of 2005, the

Nicaraguan authorities neither prevented the inhabitants of the Costa Rican bank from fishing in

the waters of the San Juan, nor did they issue them with the authorization to do so 209.

31. The situation is thus similar to that described by the Court in the Right of Passage over

Indian Territory case concerning private persons, civil offi cials and goods in general: a constant
60
and uniform practice of fishing for the purposes of subsistence, accepted as law 210.

32. The situation also has much in common with that of the rights of grazing and agriculture

of the inhabitants of one State on the land of neighbouring States, as you found in the

Kasikili/Sedudu Island case 211. The Eritrea/Ethiopia Arbitral Award also makes reference to the

212
customary rights to local populations to have access to a river .

33. Nicaragua has claimed that the existence of such a custom in Africa “is a mere invention

of Costa Rica” and that the situations described in the Kasikili/Sedudu Island Judgment and the

Eritrea/Ethiopia Arbitral Award have nothing in comm on with the situation in the present case 21.

They are, however, similar situations, in which i nhabitants of border regions have a right of access

to the territory of neighbouring States and even th e right to exploit certain resources, albeit in a

very limited way, as is true of subsistence fishing in the San Juan.

34. The attitude of radical opposition which Nicar agua asserts that it has adopted concerning

the navigation of vessels belonging to the police force, even if it does not correspond to the reality

209
MCR, para. 5.142.
210
Right of Passage over Indian Territory (Portugal v. India), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1960, p. 40.
21Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1094, para. 74.

21Eritrea-Ethiopia Boundary Commission, Decision Regarding Delimitation of th e Border between the State of
Eritrea and the Federal Democratic Republic of Ethiopia, 13 April 2002, 41, ILM 1057, 1116 (para. 7.3).

21CMN, para. 5.19. - 57 -

of the facts, is revealing of the type of conduct which Nicaragua believes that it must adopt to

protect its alleged rights. But Nicaragua has done nothing similar with respect to subsistence

fishing by the inhabitants of the Costa Rican bank of the river.

35. I can foresee the objection: I will be told that the presence of vessels belonging to the

Costa Rican police force in the waters of the San Ju an is of far greater importance than subsistence

fishing. To which I will reply by mentioni ng the excessive zeal Nicaragua has also shown

regarding far less important matters than fishing, such as the flying of flags by Costa Rican vessels.

While such zeal is most definitely completely unwarranted, it does illustrate the way that Nicaragua

considers that it must act when it believes that its sovereignty is threatened.

61 36. Another relevant consideration is the admission by Nicaragua that its internal regulations

are not applied to fishing for subsistence purposes by inhabitants of the Costa Rican bank of the

river214.

37. The Counter-Memorial asserts that “Nicaragua has usually tolerated a limited use of the

San Juan for non-commercial fishing by Costa Ri can riparians” or that it “accepted as a matter of

courtesy, subsistence or leisure fishery by Costa Rican riparians” 21. No distinction was made

between fishing from the bank of the river and fi shing from boats on the river. The Rejoinder,

however, claims that only fishing from the bank of the river is authorized 216.

38. Nicaragua’s objective is twofold. First, our Nicaraguan friends realised that they had

made no objection in their Counter-Memorial to this form of navigation without “articles of trade”

(at least until fish have been caught). Second, it constitutes an attempt to justify in one way or

another the seizure of boats from Costa Rican inha bitants engaged in fishing. Nicaragua even

seems to have discovered, when drafting its Rejoinde r, that certain species of fish were threatened

with extinction as a result of illegal fishing by inhabitants of the Costa Rican bank of the river 217.

Costa Rica, of course, rebuts all of these groundless, last-minute allegations.

214
“the internal regulations of Nicaragua are naturally applicable and are generally enforced”, CMN, para. 5.1.16.
215
French translation from English original: «le Nicar agua a généralement toléré une utilisation limitée du
San Juan par des riverains costa-riciens pour la pêche non-commerc iale » ; « a accepté, à titre de courtoisie, la pêche de
subsistance ou de loisir par les riverains costa-riciens » ; Ibid., para. 5.1.6.
216
RN, para. 4.67.
21Ibid., para. 4.58. - 58 -

39. Several affidavits from inhabitants of th e Costa Rican bank of the river were included

with the Memorial and the Reply of Costa Rica. It is clear from these that no distinction has been

218
made between fishing from the Costa Rican bank and fishing from boats on the river .

40. In the wake of the new ecological explan ations of the respondent State, the Rejoinder

informs us that Nicaragua has prohibited fishing by the inhabitants of its own bank of the river, but

219
authorizes it for inhabitants of the Costa Rican side . Nicaraguan courtesy knows no bounds:

Nicaragua disregards its own legi slation and openly discriminates against its own inhabitants to
62

allow out of kindness those of Costa Rica to fish in the San Juan! In reality, this attitude can best

be explained not by courtesy, but by the conviction that it has no choice in the matter.

41. Costa Rica is convinced that this practice, coupled with complete lack of application of

internal regulations with respect to it and the complete absence of any negative response from

Nicaragua, has given rise to a customary local ru le. Fundamentally, it is of little consequence

220
whether we talk about a local custom, acquiescence, tacit agreement , a territorial régime or even

the survival of a traditional right dating back to th e colonial era which has never been curtailed.

The result is the same: the inhab itants of the Costa Rican bank of the river have a right to fish for

subsistence purposes in the waters of the San Juan.

(c) The violation by Nicaragua of the right to fish for subsistence purposes

42. Since the filing of the present proceedings, Nicaragua has prohibited the inhabitants of

the Costa Rican bank of the river from any fishing act ivity in the waters of the San Juan. Those of

them who try to fish risk having their fishing equipment and their boats seized 22. Such punitive

21See Affidavit of Leonel oraleshacón, July 2006, MCR, vol4., Ann1.06; affidavit of
Erick Maikol Martínez López, 6 July 2006, ibid., vol.4, Ann.107; affidavit of JoséMorenoRojas, 6July2006, ibid.,
vol.4, Ann.108; affidavit of Jo sefa Alvarez Aragón, 6 July 2006, ibid., vol.4, Ann.109. S ee also Affidavits of
Victor Julio Vargas Hernández, Marleny Rojas Vargas, Mario Salas Jiménez and Leonel Morales Chacón, 29 July 2007,

RCR, vol. 2, Ann. 54.
21DN, para. 4.67.

22See Right of Passage over Indian Territory (Portugal v. India), Merits, Judgment, I.C.J. Reports1960 ,
pp. 39-40; Sovereignty over Pedra Branca/Pul au Batu Puteh, Middle Rocks a nd South Ledge (Malaysia/Singapore),
Judgment of 23 May 2008, paras. 120-121.

22Affidavit of Josefa Alvarez Aragón, 6 July 2006, MCR, vol. 4, Ann. 109. - 59 -

measures have indeed been taken against riverside inhabitants who have fished all their lives in the

San Juan in order to feed themselves 222.

43. Nicaragua has stated in general terms that it has never given the order to prevent this type

of fishing 22. But it has not disputed the truthfulness of the testimony provided by CostaRica,

224
confining itself to noting that they c onsisted of “a handful of affidavits” . What is more, it has

not produced any evidence contradicting Costa Rica’s allegations.

63
Conclusion

44. Mr. President, Members of the Court, I now come to my conclusion, the sorry conclusion

that not only have Costa Rican rights been violated, they have also been denied or deprived of their

significance by Nicaragua.

45. I thank you for your attention and ask you to give the floor to my friend and colleague

James Crawford.

Le PRESIDENT : Je remercie M. Kohen pour s on exposé et j’appelle maintenant à la barre

M. Crawford.

M. CRAWFORD :

L ES RÉPARATIONS DEMANDÉES

Introduction

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, il m’incombe, pour finir, d’exposer les

questions liées aux réparations en la présente espèce. Sur ce point, je ferai preuve ⎯ si vous me

passez l’expression ⎯ d’une louable concision.

22See Affidavit of VíctorJulioVargasHernández, 6July2006, MCR, vo., Ann.05; affidavit of
Leonel Morales Chacón, 6 July 2006, ibid., vol.4, Ann.106; affidavit ofick Maikol Martínez López, 6 July 2006,
ibid., vol.4, Ann.107; affidavit of José Moreno Rojas, 6 July 2006, ibid., vol.4, Ann.108; affidavit of

Josefa Alvarez Aragón, 6 July 2006, ibid., vol.4, Ann.109. See also Affidits of Victor Julio Vargas Hernández,
Marleny Rojas Vargas, Mario Salas Jiménez and Leonel Morales Chacón, 29 July 2007, RCR, vol. 2, Ann. 54.
22CMN, para. 5.1.15.

22Ibid., para. 5.1.18. - 60 -

La demande du Costa Rica tendant au prononcé d’une déclaration selon laquelle le

Nicaragua viole ses obligations

2. Premièrement, le CostaRica prie la Cour de dire et juger que le Nicaragua enfreint ses

obligations internationales en l’ empêchant d’exercer son droit de libre navigation et ses droits

connexes sur le San Juan.

3. Le Nicaragua ne conteste pas qu’il serait approprié que la Cour fasse une déclaration en la

présente espèce, même si, bien entendu, ses vues divergent quant à son contenu. Je reviendrai dans

quelques instants sur la déclaration que sollicite le Nicaragua 225.

4. Ainsi que votre devancière, la Cour permanente, l’a indiqué en1926, une déclaration est

destinée «à faire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes et avec effet obligatoire

entre les Parties, en sorte que la situation ju ridique ainsi fixée ne puisse plus être mise en

discussion, pour ce qui est des conséquences juridiques qui en découlent» ( Interprétation des

arrêts n o7 et8 (usine de Chorzów), arrêt n o11, 1927, C.P.J.I. sérieA n o 13, p.20). L’on

64 pardonnera au Costa Rica d’éprouver la nécessité d’ une déclaration définitive de cette nature tous

les cinquante ans environ, mais tel est bien ce que nous demandons en la présente espèce.

La demande du Costa Rica tendant à la cessation des violations ayant un caractère continu

5. Deuxièmement, le Nicaragua est te nu de mettre fin à tout comportement

internationalement illicite ayant un caractère continu, ce qui est en fait le cas de tous les aspects de

son comportement dont nous tirons grief.

La restitution, y compris l’abrogation de toutes les mesures législatives et administratives qui

portent atteinte aux droits du Costa Rica

6. Troisièmement, le Costa Rica demande le ré tablissement de la situation qui existait avant

la violation des obligations incombant au Nicaragua. Cela inclut l’abrogation de toutes les mesures

législatives et administratives prises par ce dernier en violation du traité de limites.

7. Le Nicaragua avance que la demande du Costa Rica est «abusivement vague» et, chose

plus importante, qu’elle

225
CMN, par. 7.1.10 ; DN, par. 6.3. - 61 -

«dépasse largement les limitations inhérentes à l’exercice de la fonction judiciaire
dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours tenir compte. Au nombre de ces
limitations, la plus fondamentale est celle qui amène la Cour à s’abstenir de donner
des ordres à des Etats souverains.» 226

8. Certes, ainsi que la Cour l’a relevé dans l’affaire du Cameroun septentrional, il est vrai

qu’«[i]l y a des limitations inhérentes à l’exer cice de [s]a fonction judiciaire» (affaire du

Camerousn eptentrional (Cameroun c R.oya ume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1963, p. 29). Néanmoins, aucune limitation de cette nature n’interdit de donner des

ordres à des Etats. Dans l’exercice de sa compéten ce contentieuse, la Cour rend des décisions qui

s’imposent aux Etats, et le fait de les qualifier de «souverains» ⎯ ce qui est le cas ⎯ est dépourvu

de pertinence. Pour étayer son argument selon lequel la Cour doit s’abstenir «de donner des ordres

227
à des Etats souverains» , le Nicaragua cite plusieurs affaires, mais aucune d’entre elles n’est

pertinente.

9. Je n’en retiendrai qu’une aux fins de mon propos, à savoir celle du Mandat d’arrêt. Dans

cette affaire, ayant déterminé que le mandat d’ arrêt existant était illicite, la Cour a jugé

que «laBelgique d[evait], par les moyens de son choix, mettre à néant le mandat en question

et en informer les autorités auprès desquelles ce mandat a[vait] été diffusé»

(C.I.J. Recueil 2002, par. 76). Certes, la Belgique était libre de choisir les moyens par lesquels elle

65
devait mettre ledit mandat à néant; la Cour lui a cependant ordonné deux choses: 1)de mettre à

néant le mandat, et 2)d’en informer les autor ités des autres Etats auprès desquelles il avait été

diffusé. Il n’y a, dans cette décision, aucune trace de limitation inhérente. Et, selon nous, cela vaut

également pour les autres affaires sur lesquelles le Nicaragua se fonde.

10. En résumé, la demande tendant à ce que la Cour ordonne, au titre de la restitution,

l’abrogation de toutes les mesures législatives et administratives qui sont contraires au obligations

internationales du Nicaragua envers le CostaRica est légitime et relève pleinement de la

compétence de la Cour.

226
DN, par. 6.40.
227
Ibid. - 62 -

Indemnisation

11. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le CostaRica sollicite également une

indemnisation pécuniaire pour l’ensemble des domma ges causés par les faits internationalement

illicites du Nicaragua.

12. Dans sa duplique, le Nicaragua oppose trois arguments à la demande d’indemnisation.

13. Le premier est que les demandes relatives à des pertes résultant des taxes, visas et permis

imposés aux bateaux et citoyens costa-riciens se raient des demandes relevant de la protection

diplomatique devant de ce fait satisfaire à la condition de l’épuisement des voies de recours

internes. Mais, la demande du Costa Rica a trait à des droits de navigation qu’il tient, en tant

qu’Etat, du traité de 1858 228.

14. Les pertes subies par le CostaRica ou certa ins citoyens costa-riciens du fait des taxes,

visas et permis résultent directement de la violation par le Nicaragua des droits qu’il tient du traité.

Elles sont la conséquence des faits internati onalement illicites du Nicaragua, commis en violation

d’un traité interétatique bilatéral.

15. Le Nicaragua a, soit dit en passant, formulé une demande similaire dans les requêtes

qu’il a déposées contre les Etats-Unis d’Amérique et le Costa Rica dans les années 1980, lesquelles

tendaient à obtenir une indemnisation «tant pour son compte propre que pour les préjudices subis

par ses ressortissants» ( Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J.Recueil1986 , p.20, par.17) 22. A

l’époque, le Nicaragua n’a nullement laissé ente ndre que de telles demandes impliquaient des

éléments de protection diplomati que; la Cour non plus, lorsqu’e lle a fait droit aux demandes du

Nicaragua relativement à la liberté de navi gation en vertu du tra ité bilatéral de 1956 ( Activités

militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre cel ui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),

fond, arrêt, C.I.J.Recueil1986 , p.140, par.279-280; points7, 11 et 14 du dispositif). Une fois
66

encore, le Nicaragua se réjouit de comparaître devant vous en qualité de demandeur. Lorsqu’il

comparaît en qualité de défendeur, il semble appliquer des règles différentes !

228
MCR, par. 4.16 ; RCR, par. 5.05.
229
Voir également MN, p. 112, par. 3. - 63 -

16. Enfin, même si la demande d’indemnisation du CostaRica pouvait être qualifiée de

demande de protection diplomatique, elle n’est qu’incidente à sa demande relative à la violation de

ses droits conventionnels propres. Tout élément de protection diplomatique n’est qu’incident et

secondaire: contrairement à ce que so utient le Nicaragua, ces droits ne sont pas manifestement

distincts230. Ils sont énoncés dans la même disposition d’un même traité. Permettez-moi

d’insister: les demandes du CostaRica en matière d’indemnisation sont semblables à celles

formulées par le Nicaragua dans les requêtes qu’il a déposées dans des affaires en lesquelles

aucune voie de recours interne n’avait été exercée, et encore moins épuisée.

17. Le deuxième argument que le Nicara gua oppose à la demande d’indemnisation du

Costa Rica est que celle-ci serait «absolument dépour vue de fondement», la nature du dommage et

son montant n’étant pas indiqués de manière suffisamment précise 231. Cet argument repose sur une

interprétation erronée du contexte de l’affaire des Pêcheries (Compétence en matière de pêcheries

(République fédérale d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 204, par. 76). En

l’espèce, l’Allemagne demandait «une déclaration de principe selon laquelle l’Islande est tenue

d’indemniser [l’Allemagne] pour toutes les entraves illicites qu’elle a apportées à l’activité des

navires de pêche allemands» ( ibid., p.204, par.74). L’Allemagne n’avait pas demandé que le

montant de l’indemnisation soit fixé lors d’une phase ultérieure de l’instance ( ibid.,

p.204-205,par. 76). La Cour a expresséme nt indiqué que la demande de réparation de

l’Allemagne aurait été appropriée, «à condition [ qu’elle prie] aussi la Cour…d’examiner les

preuves et de fixer, lors d’une phase ultérieure de la même instance, le montant de cette indemnité»

(ibid., p. 204, par. 76). Il s’agit là de l’élément essentiel. Le Costa Rica a prié la Cour de réserver

la fixation du montant de la réparation à une phase ultérieure de la procédure. Le Nicaragua a

formulé une demande identique dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, et la Cour y

a fait droit.

230
DN, par. 6.34.
231DN, par. 6.41-6.43. - 64 -

67
Les assurances et garanties de non-répétition demandées par le Costa Rica

18. Le Costa Rica prie également la Cour de décider que le Nicaragua doit donner des

assurances et garanties de non-répétition de ses faits internationalement illicites. Il est juste de dire

que le sujet des assurances et garanties de non-ré pétition a présenté quelque difficulté à la Cour.

Mais compte tenu du déni persistant par le Nicaragua de l’existence des droits du Costa Rica et des

violations persistantes de ces droits en dépit de décisions répétées les conf irmant et de multiples

engagements de les respecter, le Costa Rica, reprenant les termes du commentaire des articles de la

CDI, «a des raisons de penser que le simple rétablissement de la situation préexistante ne le protège

232
pas de manière satisfaisante» . Dans une telle situation, les assurances et garanties de

non-répétition sont appropriées.

La demande de déclaration du Nicaragua

19. Monsieur le président, Messieurs de la C our, le Nicaragua sollicite lui-même ce que l’on

pourrait appeler une «contre-déclaration» sur des questions diverses. J’évoquerai brièvement

chacune de ces demandes.

20. Premièrement, une contre-déclaration sel on laquelle le Costa Rica est tenu de se

233
conformer aux règles de navigation et d’accostage que le Nicaragua a imposées sur le San Juan .

Mais comme nous l’avons montré, ces règles s ont contraires au traité et aux instruments

applicables. Cela exclut toute possibilité de déclaration dans le sens contraire.

21. Deuxièmement, une contre-déclaration selon laquelle le Costa Rica «doit s’acquitter des

sommes dues au titre de tous les services spéciaux assurés par le Nicaragua dans le cadre de

l’utilisation du SanJuan, que ce soit pour la navigation ou pour l’accostage sur les rives

234
nicaraguayennes» . En réalité, aucun service de cette nature n’est assuré. Il n’existe aucune aide

à la navigation, aucune aide sur la rive. On gr avit péniblement une rive boueuse. Rien n’atteste

que des dépenses aient été engagées. Et quand bien même, le traité de limites exclut toute

232
NationsUnies, Rapport de la Commission du droit internationalsur les travaux deosa cinquante-troisième
session, Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante- sixième session, supplément n(A/56/10, 2001),
p. 219 ; MCR, par. 6.19.
233
DN, par. 6.5 ; voir aussi par. 6.17.
234DN, par. 6.5. - 65 -

obligation de paiement pour des services rendus su r un fleuve faisant l’objet d’un droit de libre

navigation perpétuel, comme en l’espèce.

22. Troisièmement, une contre-déclaration sel on laquelle le CostaRica doit s’acquitter de

toutes les charges raisonnables à régler au titre d es améliorations apportées à la navigation sur le

fleuve 235. Là encore, en réalité, il n’y a eu aucune amélioration. Mais qu oiqu’il en soit, le

68
Nicaragua ne peut soumettre le droit perpétuel de libre navigation du Costa Rica à quelque charge

que ce soit. Ce point est expressément abordé dans la sentence Cleveland. Répondant sur le

cinquième point d’interprétation douteuse, le prési dent Cleveland déclare expressément que «[l]a

République du Costa Rica n’est tenue de contribuer à aucune part des dépenses que pourra engager

la République du Nicaragua pour l’une quelconque des fins susmentionnées», et ce même si

l’amélioration de la navigation sur le fleuve était réalisée «dans l’intérêt commun» 236.

23. Quatrièmement, le Nicaragua prie la C our de déclarer que «les bateaux du service des

douanes peuvent être utilisés uniquement pendant le transit effectif de marchandises tel qu’autorisé

237
par le traité et dans le strict cadre de ce transit» . Mais nous avons montré que la demande du

Nicaragua tendant à limiter la navigation des ba teaux officiels du CostaRica par référence au

transport de marchandises était sans fondement 238.

24. Enfin, le Nicaragua prie la Cour de déclar er qu’il a le droit de draguer le SanJuan afin

d’y rétablir le débit qui existait en 1858, même si cela doit modifier le débit du Colorado 239.

25. La thèse nicaraguayenne est sans fondement et sans incidence sur la présente affaire.

Premièrement, les Parties ne s’opposent pas sur la question du dragage. En2006, le ministre

costa-ricien des affaires étrangères, M.Tovar, a exprimé son soutien de principe aux travaux

240
d’amélioration du SanJuan . Le CostaRica n’a pas changé de position depuis lors.

Deuxièmement, la question du dragage est sans rappor t avec les questions soumises à la Cour, qui

235
DN, par. 6.5, voir aussi par. 6.17.
236
MCR, annexe 16, troisième paragraphe, p. 35.
237DN, par. 6.5.

238RCR, par. 5.30.

239DN, par. 6.5.
240 o
Voir note n DM-187-06 du 5 mai 2006 adressée par le minist re costa-ricien des affaires étrangères,
M. RobertoTovar Faja, au ministre nica raguayen des affaires étrangères, M. Norman Caldera Cardenal: RCR, annexes,
vol. 2, annexe 42. - 66 -

portent exclusivement sur des droits de navigation et droits connexes. Les travaux d’amélioration

peuvent faire partie des droits du Nicaragua énoncés par le président Cleveland, qui a indiqué que

le Nicaragua était en droit «d’exécuter à ses propres frais et sur son propre territoire de tels travaux

d’amélioration», ajoutant «à condition que le territoire du Costa Rica ne soit pas occupé, inondé ou

endommagé en conséquence de ces travaux et que ceux-ci n’arrêtent pa s ou ne perturbent pas

gravement la navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconque de ses affluents en aucun endroit où

69 le CostaRica a le droit de naviguer» 24; il existe donc d’importantes restrictions. Mais ces

questions sont totalement abstraites. Elles ne se posent pas en l’absence de plans spécifiques de

dragage notifiés au Costa Rica. En bref, ce n’est ni le moment ni le lieu d’aborder ces questions :

les paramètres du différend soumis à la Cour sont clairement définis.

Les réserves du Nicaragua

26. Enfin, j’en viens aux prétendues réserves du Nicaragua. Elles ont trait au fait que le

Rio Colorado serait un cours d’eau international, ains i qu’à des griefs qui pourraient être formulés

contre le CostaRica pour dommage à l’envi ronnement, voire pour détournement du SanJuan 24.

Ces réserves ne constituent pas des demandes reconve ntionnelles et elles ne se rapportent pas aux

réparations demandées par le Costa Rica ni n’en découlent. Elles sont sans aucune incidence sur la

présente affaire et il ne serait pas approprié que la Cour en tienne compte de quelque manière que

ce soit. Si le Nicaragua souhaitait présenter ces demandes ou exposer des arguments fondés sur

elles, il aurait du les présenter en bonne et due forme dans la présente instance ou dans une

nouvelle requête.

Conclusions

27. Monsieur le président, Messieurs de la C our, s’il n’existe pas d’affaires mineures devant

la Cour, il existe parfois des affaires condensées. Que la Cour me pardonne, à cet égard, une

dernière observation. Dans le temps qui nous a été donné pour ex poser nos arguments, nous avons

tenté d’être aussi concis que possible et peut-êtr e avons-nous été trop rapides. Nous n’avons pas

241MCR, annexes, vol.2, annexe 16. Voir aussi la note DM-187-06 du 5 mai 2006 adressée par le ministre

costa-ricien des affaires étrangères, M.RobertoTovarFaja, au ministre nicaraguayen des affaires étrangères,
M. Norman Caldera Cardenal : RCR, annexes, vol. 2, annexe 42.
242CMN, p. 251 ; DN, par. 6.49. - 67 -

été en mesure, dans le temps imparti, d’aborde r tous les points soulevés dans les conclusions

⎯d’autant plus que la duplique du Nicaragua est bien plus étoffée que son contre-mémoire et

qu’elle contient de nouveaux éléments de preuve qui auraient pu et dû être produits plus tôt. Nous

rejetons fermement et catégoriquement toutes les allégations du Nicaragua contre le Costa Rica que

nous n’avons pas eu le temps d’aborder !

28. Monsieur le président, Messieurs de la C our, ainsi s’achève l’exposé du premier tour du

Costa Rica. Nous vous remercions de l’attention que vous nous avez accordée.

70 Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Crawford.

Nous arrivons ainsi à la fin du premier tour de plaidoiries de la République du Costa Rica.

Les plaidoiries en l’affaire reprendront le je udi 5mars2009 à 10heures pour permettre à la

République du Nicaragua d’entamer son premier tour de plaidoiries. L’audience consacrée au

premier tour de plaidoiries de la République du Costa Rica est levée.

L’audience est levée à 13 heures.

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